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Protection sociale des travailleurs
tunisiens migrants :
examen critique des disPositifs na-
tionaux et internationaux
Maddouri Kamel
CARIM Research Reports 2011/09
Co-financed by the European University Institute
and the European Union
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EUROPEAN UNIVERSITY INSTITUTE, FLORENCE
ROBERT SCHUMAN CENTRE FOR ADVANCED STUDIES
Protection sociale des travailleurs
Tunisiens migrants :
examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
MADDOURI KAMEL
Doctorant en droit communautaire et relations Europe-Maghreb,
Conseiller des services publics auprès de la Direction Générale de Sécurité sociale,
Chargé des conventions internationales de sécurité sociale
EURO-MEDITERRANEAN CONSORTIUM FOR APPLIED RESEARCH ON INTERNATIONAL
MIGRATION

CARIM
RESEARCH REPORT, CARIM-RR 2011/09
BADIA FIESOLANA, SAN DOMENICO DI FIESOLE (FI)
This publication has been written in the framework of the partnership with the International
Organisation on Migration (IOM) and the International Labour Organisation (ILO).


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© 2011, European University Institute
Robert Schuman Centre for Advanced Studies
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[Full name of the author(s)], [title], CARIM Research Reports [series number], Robert Schuman
Centre for Advanced Studies, San Domenico di Fiesole (FI):European University Institute, [year of
publication].
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Badia Fiesolana
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CARIM
The Euro-Mediterranean Consortium for Applied Research on International Migration (CARIM) was
created at the European University Institute (EUI, Florence), in February 2004 and co-financed by the
European Commission, DG AidCo, currently under the Thematic programme for the cooperation with
third countries in the areas of migration and asylum.
Within this framework, CARIM aims, in an academic perspective, to observe, analyse, and forecast
migration in Southern & Eastern Mediterranean and Sub- Saharan Countries (hereafter Region).
CARIM is composed of a coordinating unit established at the Robert Schuman Centre for Advanced
Studies (RSCAS) of the European University Institute (EUI, Florence), and a network of scientific
correspondents based in the 17 countries observed by CARIM: Algeria, Chad, Egypt, Israel, Jordan,
Lebanon, Libya, Mali, Mauritania, Morocco, Niger, Palestine, Senegal, Sudan, Syria, Tunisia, and
Turkey.
All are studied as origin, transit and immigration countries. External experts from the European Union
and countries of the Region also contribute to CARIM activities.
CARIM carries out the following activities:
- Mediterranean and Sub-Saharan migration database;
- Research and publications;
- Meetings of academics and between experts and policy makers;
- Migration Summer School;
- Outreach.
The activities of CARIM cover three aspects of international migration in the Region: economic and
demographic, legal, and socio-political.
Results of the above activities are made available for public consultation through the website of the
project: www.carim.org
For more information:
Euro-Mediterranean Consortium for Applied Research on International Migration
Robert Schuman Centre for Advanced Studies (EUI)
Convento
Via delle Fontanelle 19
50014 San Domenico di Fiesole
Italy
Tel: +39 055 46 85 878
Fax: + 39 055 46 85 755
Email: carim@eui.eu
Robert Schuman Centre for Advanced Studies
http://www.eui.eu/RSCAS/








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Table des matières
INTRODUCTION ................................................................................................................................... 1
1ERE PARTIE : LA PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS TUNISIENS
MIGRANTS PAR LE BIAIS DES CONVENTIONS INTERNATIONALES..
.............................. 4
CHAPITRE 1. PORTEE DES CONVENTIONS BILATERALES DE SECURITE SOCIALE ........... 6
Section 1. Etat du lieu des conventions bilatérales de sécurité sociale conclues par la Tunisie : ....... 6
Section 2. Champs d’application matérielle et personnelle des conventions conclues par la Tunisie 9
Section 3. Portée des conventions bilatérales de sécurité sociale ..................................................... 10
Section 4. Bénéfice des prestations ................................................................................................... 14
Section 5. Le principe de coopération entre administrations ............................................................ 17
Section 6. Limites des conventions bilatérales conclues par la Tunisie ............................................ 18
CHAPITRE 2. LA PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS TUNISIENS MIGRANTS
PAR LE BIAIS D’UNE COORDINATION REGIONALE ................................................................. 20
Section 1. La portée de la coordination des régimes de sécurité sociale au niveau de l’Accord
d’Association .................................................................................................................................... 20
Section 2. Limites de la coordination et propositions d’amélioration ............................................... 24
Section 3. Une coordination régionale embryonnaire ....................................................................... 25
CHAPITRE 3. VERS UNE PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS MIGRANTS
TUNISIENS VULNERABLES : TRAVAILLEURS SAISONNIERS ET TRAVAILLEURS
IRREGULIERS ..................................................................................................................................... 26

2EME PARTIE. LA PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS TUNISIENS MIGRANTS
PAR LE BIAIS DES DISPOSITIONS LEGALES NATIONALES ..................................................... 29

CHAPITRE 1. LA MISE EN PLACE D’UN REGIME HORIZONTAL POUR TRAVAILLEURS
TUNISIENS A L’ETRANGER ............................................................................................................ 29

Section 1. Champs d’application personnel ...................................................................................... 29
Section 2. Modalités d’adhésion et taux de financement .................................................................. 29
Section 3. Les prestations servies ..................................................................................................... 30
CHAPITRE 2. UN DISPOSITIF DIVERSIFIE ET COMPLEMENTAIRE DE PROTECTION
SOCIALE DES TRAVAILLEURS TUNISIENS MIGRANTS ........................................................... 32

Section 1. Régime de couverture sanitaire des agents publics exerçant leurs fonctions à l’étranger 32
Section 2. La couverture sociale des agents exerçant dans le cadre de la coopération technique ..... 34
Section 3. Mise en disponibilité spéciale .......................................................................................... 35
Section 4. Protection sociale des travailleurs migrants tunisiens placés à l’étranger ........................ 36
Section 5. La protection sociale des travailleurs migrant par le biais d'un système unique de
validation des services au titre des régimes légaux de vieillesse, d'invalidité et de survivants ........ 38
Section 6. Transferts migratoires et impacts à l'échelle nationale et régionale ................................. 39

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Introduction
L’être humain a toujours été confronté à des risques sociaux : maladie, invalidité, chômage, charge
familiale, vieillesse etc. Dans ce contexte, bénéficier d’une protection sociale efficace est un élément
essentiel d’inclusion sociale, raison pour laquelle la sécurité sociale est reconnue comme un impératif
moral et un filet de sécurité qui répond à une nécessité économique.
Le droit à la Sécurité Sociale a été expressément érigé, par la déclaration universelle des droits de
l’homme du 10 décembre 1948, en droit de « toute personne en tant que membre de la société ».
Aucune référence n’est faite dans ce document à l’exercice d’une activité professionnelle et seul le
besoin de sécurité pourrait fonder le droit à « un niveau de vie suffisant », aux soins médicaux « …
à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres
cas de perte de ses moyens de subsistance, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ».
L’affirmation de cet idéal inhérent à la personne humaine a été complété par le pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies du 16 décembre 1966 qui prévoit
des dispositions impératives relatives notamment à la reconnaissance du « droit de toutes personnes à
la sécurité sociale, y compris les assurances socials » (art. 9).
Les risques sociaux sont également appelés « éventualités sociales ». La Convention n° 102
concernant la sécurité sociale (norme minimum) de l’Organisation internationale du travail (OIT)
définit les risques sociaux suivants comme relevant du domaine de la sécurité sociale :
les soins médicaux ; l’incapacité temporaire de travail (prestations de maladie en espèces) ;
le chômage ; la vieillesse ; l’accident du travail et les maladies professionnelles ; l’entretien
des enfants (prestations aux familles) ;la maternité ;l’incapacité de travail à long terme
(invalidité) ;le décès du soutien de famille (prestations aux survivants).
Cette liste devrait être complétée par le risque de pauvreté, appelé parfois le risque d’être dans le besoin.
La couverture générale de ces neuf risques sociaux de la sécurité sociale (tels que définis dans la
Convention n° 102 de l’OIT) et du risque de pauvreté est désignée sous le terme de « protection sociale ».
Il va sans dire que l’augmentation des flux migratoires avec l’internationalisation et la
mondialisation croissante des échanges économiques, l’effet des politiques d’ajustement structurel et
l’ampleur de crise économique et financière, rend la situation des travailleurs migrants de plus en plus
précaire et vulnérable et le besoin d’une sécurité sociale appropriée s’accentue.
En effet, les travailleurs migrants ont tendance à être employés, dans les pays d’accueil, dans des
secteurs particulièrement touchés par la récession économique, comme le bâtiment, la production
manufacturière, l’hôtellerie et la restauration, , le travail domestique et l’agriculture. Dans ces secteurs,
où les conditions de travail sont particulièrement flexibles, de nombreux travailleurs migrants, surtout
ceux qui sont faiblement qualifiés, peuvent être victimes de mauvais traitements et d’exploitation.
De même et bien que l’immigration est amplement reconnue comme une source d’enrichissement
économique, social et culturel pour les pays d’accueil notamment dans la consolidation de la
croissance économique (acquisition de main d’œuvre jeune et paiement d’impôts, taxes et cotisations
de sécurité sociale), elle est aussi largement perçue comme exerçant des effets néfastes et une
concurrence déloyale sur le marché du travail.
Les Nations Unies estiment qu’en 2009, plus de 210 millions de personnes – 3,1 pour cent de la
population mondiale – vivaient en-dehors du pays où elles sont nées. Ce chiffre s’ajoute à 50 millions
de personnes qui vivent et travaillent à l’étranger en situation irrégulière ou sans papiers (Programme
des Nations Unies pour le développement (PNUD), 2009).
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Maddouri Kamel
Les travailleurs migrants éprouvent des difficultés spécifiques en matière de sécurité sociale car les
droits à la sécurité sociale sont habituellement liés à des périodes d’emploi, de cotisation ou de résidence.
Les législations des pays d’accueil souffrent d’une discrimination indirecte et déguisée par une
différenciation des droits reconnus aux travailleurs migrants ont faisant recours à une distinction en
termes de jouissance des prestations de sécurité sociale , entre les droits des migrants qui ont le statut
de résident permanent (une égalité de traitement qui s’apparente à une véritable citoyenneté sociale),
ceux des migrants temporaires (dont les droits économiques et sociaux sont souvent restreints), et ceux
des migrants illégaux ou les oublis de la sécurité sociale.
La législation de sécurité sociale est une émanation de la souveraineté des Etats en tant que service
public, elle est par principe circonscrit dans les limites du territoire de l’Etat .Il découle de ce principe
que l’octroi des prestations est généralement subordonne´ à des conditions de nationalité, de durée
d’assurance, de résidence.
Il peut résulter de ses règles, lorsqu’une personne se déplace sur le territoire d’un autre Etat, des
conflits de lois négatifs aboutissant à un vide juridique, compte tenu de la non applicabilité à la fois
de la législation du pays d’origine et celle du pays d’accueil ou des conflits de lois positifs qui sont
en fait le produit d’une concurrence d’application entre les deux législations en fonction du même
critère de rattachement. Cette situation est préjudiciable aux droits du migrant d’où la nécessité
d’adopter un instrument international pour résoudre ce conflit. De même, seule une convention
internationale de sécurité sociale peut édicter des mesures complémentaires aux législations
nationales assurant aux migrants une protection renforcée au moyen de l’élimination ou de
l’atténuation de certains critères d’éligibilité au bénéfice des prestations de sécurité sociale, en
l’occurrence, la condition de nationalité, ou si elle est atténuée c’est l’exigence de résidence ou
l’accomplissement d’une certaine période de cotisations.
Ces mesures sont reprises dans des accords internationaux de sécurité sociale qui peuvent être bi-
ou multilatéraux (deux ou plusieurs pays contractants).
Ces migrants sont en principe protégés par des instruments juridiques internationaux tels que la
Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants
et des membres de leur famille (adoptée en 1990), la Convention de l’OIT sur les travailleurs migrants
(1949) et la Convention de l’OIT sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) (1975).
L’article 11 de la Convention 143 sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires,
1975), stipule dans son alinéa 1 que « le terme travailleur migrant désigne une personne qui émigre ou
a émigré d’un pays vers un autre en vue d’occuper un emploi autrement que pour son propre compte ;
il inclut toute personne admise régulièrement en qualité de travailleur migrant ».
Relevons que cette définition de la Convention 143 reprend et complète en réalité celle de l’article
11 de la C 97, Convention sur les travailleurs migrants (révisée), 1949.
Toutefois, lorsque l’on se réfère à l’article 1de la C 143 rappelant le principe du respect des
droits fondamentaux de tous les travailleurs migrants, y compris les travailleurs migrants « dits
irréguliers » sont en réalité pris en compte surtout si on l’analyse sous l’angle des droits humains
que tout individu doit avoir.
Le contenu du droit à la sécurité sociale est défini par référence au niveau établi par la convention n°
102 (O.I.T) de 1952 relative à la norme minimum de sécurité sociale qui doit être assurée sur la base du
principe de l’égalité de traitement entre les ressortissants des différents Etats.
L’action normative de l’Organisation International du Travail notamment, a connu d’importants
développements tenant compte du statut particulier des travailleurs migrants.
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
Pour s’en tenir aux instruments normatifs dont dispose l’O.I.T depuis son établissement pour
remplir son mandat à fin de réaliser le droit fondamental à la sécurité sociale, presque 31 Conventions
et 23 Recommandations ont été adoptées.
Dans ce cadre, nous citons particulièrement la convention n°102 de 1952 relative à la sécurité
sociale (norme minimum), la convention n° 121 de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du
travail, la convention n° 128 du 1967 concernant les prestations d’invalidités, de vieillesse et de
survivants, la convention n° 130 du 1969 concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie,
la convention n°168 du 1988 sur la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage , la
convention n°183 du 2000 sur la protection de la maternité et de maladies professionnelles.
Ces textes s’ajoutent aux instruments spécifiques de l’O.I.T concernant les droits des travailleurs
migrants en matière de sécurité sociale :
la convention n°118 de 1962, sur l’égalité de traitement (sécurité sociale),
la convention n°19 du 1925, sur l’égalité de traitement (accident de travail),
Convention n°157 du 1982, sur la conservation des droits en matière de sécurité sociale
la Recommandation n°167 du 1982, sur la conservation des droits en matière de sécurité
sociale, qui constitue un modèle pour la conclusion d’accords bilatéraux/multilatéraux
D’autres instruments à vocation générale traitant la condition du travailleur migrant, contiennent
des dispositions particulières en matière de protection sociale. En effet, les conventions de l’OIT n° 97
du 1949 sur les travailleurs migrants (révisée) et n°143 du 1975 sur les travailleurs migrants
(dispositions complémentaires) proscrivent la non-discrimination en matière de sécurité sociale et
affirment l’égalité de traitement dans ce domaine.
La garantie des droits des travailleurs migrants en matière de sécurité sociale exige la coordination
des régimes de protection sociale entre les Etats qui disposent des accords bilatéraux et multilatéraux
assurant le maintien des droits à la sécurité sociale acquis dans le pays d’emploi. Ces instruments
internationaux prévoient également l’exportation des prestations du pays d’emploi vers le pays
d’origine. Les accords de sécurité sociale bilatéraux incluent habituellement des dispositions sur la
non-discrimination, en matière de sécurité sociale, entre les nationaux et les migrants, de même que
des règles de coopération entre les institutions de sécurité sociale des pays signataires. Ces règles
coordonnent la totalisation des périodes de cotisation des migrants dans les deux pays et régissent le
transfert et le paiement des droits acquis en matière de sécurité sociale.
La question de protection sociale des travailleurs tunisiens migrants se trouve au centre d’intérêt et
voir même de préoccupation des pouvoirs publics en Tunisie. Dans ce cadre , la communauté
tunisienne à l’étranger constitue une partie intégrante de la collectivité nationale , leur participation
accrue au développement économique et culturel du pays a été à l’origine de la mise en œuvre d’une
approche nationale traduite par une politique et des programmes d’encadrement, de sollicitude et de
consolidation des liens avec leur pays
Il convient de rappeler que l’émigration est structurelle en Tunisie. Au cours des premières années
de l'indépendance (1956 - 1963) et jusqu'à nos jours, le nombre d'émigrants n'a cessé de croître,
jusqu'à concerner aujourd'hui toutes les familles et toutes les régions tunisiennes. Cette généralisation
de l'émigration a créée de nouvelles destinations. Elle n'est plus limitée à des pays d'Europe
occidentale (France, Allemagne, Italie), mais concerne aujourd'hui les cinq continents.
Selon les statistiques disponibles auprès des services compétents de l’Office des Tunisiens à
l’Etranger pour 2009, le nombre de la communauté tunisienne à l’étranger s’élève à 1.0983 milles
personnes En outre, l'émigration tunisienne comme toute autre émigration, a connu également
d'importantes transformations : démographiques (avec le rajeunissement et l'émergence de la
deuxième et la troisième génération), sociologiques (féminisation, naturalisation, intégration et
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sédentarisation dans le pays d'accueil) et professionnelles avec l’émergence de nouvelles catégories de
compétence, des professions libérales et techniques avec de nouvelles formes de migration.
Plusieurs acteurs et institutions publics interviennent dans l’élaboration, la mise en œuvre et le
suivi de ces programmes et actions destinés aux ressortissants tunisiens à l’étranger.
Le ministère des affaires sociales, de la solidarité et des tunisiens à l’étranger a la charge de
coordonner l’élaboration de la politique nationale en matière d’encadrement des tunisiens a l’étranger,
laquelle s’appuie sur quatre axes fondamentaux :
l’axe social couvre les domaines suivantes assistance sociales des tunisiens a l’étranger a
travers un réseau d’attaches sociaux travaillant dans les consulats négociation des conventions
de sécurité sociale avec les pays d’immigration et suivi du volet social de l’accord
d’association avec l’union européenne,
l’axe culturel comporte, l’enseignement de la langue arabe a l’étranger pour les enfants
d’émigrés et en Tunisie pendant les vacances scolaires, l’organisation des semaines culturelles
destinées aux émigrés les principales villes ou ils se concentrent, et la manifestation d’un
intérêt pour les élites tunisiennes a l’étranger,
l’axe économique est destiné à favoriser la promulgation d’une législation encourageant la
consolidation des transferts d’épargne, l’investissement par émigrés dans différents secteurs de
l’économie en Tunisie, à coordonner l’action de sensibilisation auprès des hommes d’affaires
et des investisseurs tunisiens à l’étranger, et à veiller à l’application des ces mesures par des
institutions spécialisées.
l’axe de l’information : la politique d’encadrement des émigrés formulée par ce ministère
s’appuie sur une stratégie d’information qui s’articule autour de la consolidation de
l’information destinée aux émigrés, de l’établissement et de la diffusion de guides pour les
émigrés, et de la production d’émissions d’information destinées aux émigrés.
L’exécution de cette politique est confiée aux institutions du Ministère à savoir l’Office des
Tunisiens à l’Etranger (OTE) et à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS).
Pour réaliser ces missions, l’OTE s’appuie sur une structure centrale et régionale en Tunisie, et sur
un réseau d’attachés sociaux affectés dans les pays d’immigration, avec des espaces d’accueil pour les
femmes et les jeunes issus de l’émigration créés dans les villes européennes qui connaissent une forte
présence d’émigrés tunisiens et de membres de leurs familles.
La question de protection sociale des travailleurs tunisiens migrants figure comme un choix
stratégique permettant à la Tunisie de sauvegarder les intérêts de ses ressortissants à l’étranger en leur
assurant une couverture sociale (
1ere partie) adéquate par le biais des conventions internationales de
sécurité sociale qui concourent avec un dispositif national diversifié et complémentaire
(2ème partie).
1ére partie : La protection sociale des travailleurs tunisiens migrants par le biais des
conventions internationales
La législation de sécurité sociale est une émanation de la souveraineté des Etats en tant que service
public, elle est par principe circonscrit dans les limites du territoire de l’Etat .Il découle de ce principe
que l’octroi des prestations est généralement subordonne´ à des conditions de nationalité´, de durée
d’assurance, de résidence.
La territorialité de la sécurité sociale signifie que ceux qui décident de se déplacer à long terme
vers un autre Etat notamment à des fins professionnelles, sont susceptibles de perdre certains des
droits de sécurité sociale acquis dans leur pays d’origine. Le bénéfice des périodes de résidence,
d’emploi ou d’activité économique acquis dans leur Etat d’origine, risque d’être suspendu étant donné
que ces périodes ne sont pas prises en compte sous la législation de sécurité sociale de leur pays
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
d’emploi. Ce problème prend une ampleur particulière pour les pensions de vieillesse ou d’invalidité,
lorsque le calcul et la liquidation du montant de la pension sont tributaires des périodes reconnues de
résidence, d’emploi ou d’activité économique. Il se peut que les migrants dans un nouveau pays
perdent le droit au versement d’une prestation qui leur avait été accordée dans leur pays d’origine.
Il peut résulter de ses règles, lorsqu’une personne se déplace sur le territoire d’un autre Etat, des
conflits de lois négatifs aboutissant à un vide juridique, compte tenu de la non applicabilité à la fois
de la législation du pays d’origine et celle du pays d’accueil ou des conflits de lois positifs qui sont
en fait le produit d’une concurrence d’application entre les deux législations en fonction du même
critère de rattachement. Cette situation est préjudiciable aux droits du migrant d’où la nécessité
d’adopter un instrument international pour résoudre ce conflit de même seule une convention
internationale de sécurité sociale peut édicter des mesures complémentaires aux législations
nationales assurant aux migrants une protection renforcée au moyen de l’élimination ou de
l’atténuation de certains critères d’éligibilité au bénéfice des prestations de sécurité sociale ,en
l’occurrence , la condition de nationalité ,ou si elle est atténuée c’est l’exigence de résidence ou
l’accomplissement d’une certaine période de cotisations.
Ces mesures sont reprises dans des accords internationaux de sécurité sociale qui peuvent être bi-
ou multilatéraux (deux ou plusieurs pays contractants).
Le droit international de sécurité sociale distingue entre deux instruments visant la protection
sociale des travailleurs migrants : les instruments d’harmonisation et les instruments de coordination.
Les instruments d’harmonisation obligent les Etats à modifier la substance de leur législation de
sécurité sociale afin d’aboutir à une norme supranationale. L’harmonisation comme processus de
convergence réglementaire, peut prendre la forme d’une « unification » qui lie les Etats en termes de
moyens et résultats ou d’une « harmonisation à minima » qui peut être réalisée par la fixation de
normes minimales qui n’exclue pas l’adoption des dispositions plus avantageuses telle que la fixation
d’un minimum pour l’octroi d’une pension issue de l’exercice d’une activité professionnelle dans les
deux Etats contractants.
L’unification, appelée parfois « standardisation », suppose que tous les systèmes nationaux
adoptent les mêmes règles et s’imposent aux régimes nationaux de protection sociale. Les instruments
d’harmonisation affectent les législations nationales, ils ont des incidences sur tous ceux qui sont
couverts par ces lois et pas seulement sur les migrants.
Par contre, les instruments de coordination ne concernent que les migrants, ils n’affectent en
aucune mesure la substance des régimes nationaux de sécurité sociale, objet de cette coordination. Ils
ne s’appliquent qu’aux situations présentant un élément d’extranéité. Si la sécurité sociale relève de la
législation nationale, la coordination relève de la législation internationale et repose fortement sur la
coopération entre les Etats.
La coordination est l’approche utilisée pour éliminer les éléments de la législation nationale qui,
dans des situations transnationales, créent des vides juridiques ou entraînent le cumul des prestations.
De manière plus générale, on peut dire que cette approche vise à garantir aux migrants et aux
personnes dont ils ont la charge le droit aux prestations sociales.
Les instruments de coordination ne concernent que les migrants, ils ne modifient en rien la nature
du régime national de sécurité sociale, ni les montants des prestations ou les conditions d’attribution.
Ils ne s’appliquent que dans des situations à caractère transfrontalier. Ils garantissent un traitement
équitable aux migrants. La sécurité sociale est une émanation du droit national mais la coordination est
un instrument de droit international et dépend largement, à ce titre, de la coopération interétatique.
Il conviendra aborder ici le contenu des conventions bilatérales de sécurité sociale (chapitre
premier) et celui de la coordination régionale au niveau de l’accord d’association et de la région
maghrébine (chapitre 2).L’ampleur du phénomène migratoire prend une nouvelle forme de migration
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se caractérisant par la précarité, à travers l’emploi des travailleurs saisonniers saisonnière et la
vulnérabilité des travailleurs migrants irréguliers. La protection sociale de cette population est encore
embryonnaire (chapitre 3).
Chapitre 1. Portée des conventions bilatérales de sécurité sociale
Les conventions bilatérales de sécurité sociale sont des accords internationaux signés par deux Etas
dans le but de réglementer leurs réciproques dans le domaine de sécurité sociale pour leurs
ressortissants. Ils visent à résoudre les conflits de loi et à coordonner les législations afin de faciliter la
libre circulation des assurés sociaux et de protéger leurs droits de sécurité sociale.
Depuis le recouvrement de son indépendance, la Tunisie s’est liée par des conventions avec des
pays d’accueils, qui sont les principales destinations de la main d’œuvre tunisienne, d’autres sont en
fait pour tenir compte des flux migratoire frontaliers avec les Etats voisins (
section 1) leur contenu
varie en fonction de la situation socioprofessionnelle des migrants (
section 2)
Section 1. Etat du lieu des conventions bilatérales de sécurité sociale conclues par la Tunisie :
Les conventions bilatérales conclues par la Tunisie, se sont multipliées en fonction de l’importance
des flux de la main d’œuvre. Elles traduisent un intérêt partagé entre les deux Etats contractants
pour améliorer les conditions sociales des nationaux à l’étranger comme celles des non nationaux
sur son territoire.
Il convient de souligner que l’actuelle convention conclue avec la France a remplacé celle du 17
décembre 1965 et l’ensemble de ses avenants, de ses protocoles et accords complémentaires alors que
l’actuelle convention conclue avec l’Algérie a abrogé celle du 30 décembre 1973 de même, la
convention conclue avec la Lybie a remplacé celle du 6 juin 1973 remplacée. Cette révision répond à un
souci d’adapter les textes en vigueur en vue de dépasser les difficultés constatées et les limites observées
en matière des prestations servies et notamment des catégories couvertes. Les évolutions législatives
intervenues dans les Etats contractants en matière de sécurité sociale exigent cette adaptation.
PAYS
France
Belgique
Luxembourg
Allemagne
Pays-Bas
Italie
Autriche
Espagne
Algérie
Libye
Maroc
Egypte
Portugal
Mauritanie
(couverture de soins étudiants)
La convention conclue entre les Etats de l'Union du Maghreb
Arabe et relative à la sécurité sociale
Date d’entrée en vigueur
1/4/2007
01/11/1976
01/10/1982
01/08/1986
01/08/1996
01/04/1980
01/11/2004
01/06/1987
01/11/2000
01/01/2002
10/4/2006
05/04/1988
01/06/1999
01/12/2001
25/4/2009
02/081999
02/08/1991
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
Les conventions bilatérales conclues par la Tunisie couvrent presque 90% de la population
expatriée .la première génération de ses conventions ont touché les principaux pays accueillant la main
d’œuvre tunisienne. C’est dans ce cadre que la convention conclue avec la France touche 54% de
l’ensemble de la communauté tunisienne à l’étranger, soit 598 milles personnes selon les statistiques
fournies par l’office des Tunisiens à l’Etranger pour l’an 2009.
Les autres conventions conclues avec l’Italie, la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, les Pays Bas, la
Grèce, la Suisse et le Portugal permettent de couvrir une population estimée à 290 milles personnes
selon la même source précitée.
Cependant, les pays scandinaves représentent de plus en plus une nouvelle destination pour les
tunisiens avec une population estimée à 11 mille migrants
En règle générale, le tableau des conventions conclues par la Tunisie fait apparaître une
certaine homogénéité notamment quant à leur champ d’application matériel. Ces conventions
sont dites « generals » lorsqu’elles couvrent à l’égard des pays contractants, l’ensemble des
législations nationales auxquelles sont soumis tous les travailleurs salariés, les personnes
assimilées et les membres de leur famille ou, dans certains cas, l’ensemble de la population.
Elles sont dites « particulières » lorsqu’elles ne couvrent qu’en partie ces législations. Cette
limite touche les catégories socioprofessionnelles couvertes et les prestations garanties.
La plupart des conventions générales conclues par la Tunisie couvrent les travailleurs et les
personnes qui leur sont assimilées, à l’exclusion des agents diplomatiques ou consulaires de carrière,
qui demeurent régis par les dispositions de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations
diplomatiques et la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires. Certaines
conventions s’appliquent aux travailleurs indépendants ou/et prévoient l’extension de l’application à
d’autres catégories par voie d’arrangement administratif.
De même et en conformité avec la convention relative au Statut des Réfugiés, signée à Genève le
28 juillet 1951, notamment son article 24, et la convention relative au statut des apatrides, signée à
New York le 28 septembre 1954, l’ensemble des conventions bilatérales conclues par la Tunisie
couvre cette catégorie vulnérable.
Toutefois , la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes (affaire Gottardo
C-55/00 en date du 15 janvier 2002 ) stipule, que lorsqu’un État membre conclut avec un pays tiers
une convention internationale bilatérale de sécurité sociale prévoyant la prise en compte des périodes
d’assurance accomplies dans ledit pays tiers pour l’acquisition du droit à prestations de vieillesse, le
principe fondamental d’égalité de traitement impose à cet État membre d’accorder aux ressortissants
des autres États membres les mêmes avantages que ceux dont bénéficient ses propres ressortissants en
vertu de ladite convention.
En application de cette jurisprudence, certains Etats européens ont proposé une révision des
conventions conclues avec la Tunisie en vue d’étendre le champ d’application personnel de ses
conventions aux ressortissants communautaires, qui ne relèvent pas du champ d’application personnel
de la convention bilatérale. La Tunisie estime toujours qu’en l’absence d’un instrument de
coordination régionale adoptée sur la base de l’accord d’association conclu entre la Tunisie et l’Union
Européenne permettant de couvrir l’ensemble de sa population occupée dans l’espace communautaire,
le champ d’application personnel des conventions conclues doit se limiter aux ressortissants des deux
Etats contractants.
Ces conventions définissent les territoires sur lesquelles elles s’appliquent (champ d’application
territorial) généralement c’est le territoire de chaque Etat contractant. Il est parfois nécessaire de
définir les frontières politiques d’un Etat donné pour établir, par exemple, si l’instrument couvre ses
territoires d’outre-mer (le cas de la convention conclue avec la France).
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Par ailleurs, ces conventions énumèrent les branches de sécurité sociale qu’elles visent (Champ
d’application matériel), ce qui permet de déterminer l’éventail des régimes de protection sociale
couverts, par exemple les régimes traitant de risques sociaux particuliers tels que la vieillesse ou
l’invalidité, les régimes contributifs ou non contributifs ou encore les régimes d’assistance sociale. Le
« champ des personnes protégées » désigne les catégories de personnes couvertes, par exemple les
ressortissants nationaux, les salariés, les travailleurs indépendants, les résidents permanents…
Depuis une décennie, la Tunisie s’est investie dans une dans une optique de diversification de son
réseau conventionnel indépendamment du nombre des travailleurs tunisiens exerçant dans l’autre Etat
contractant mais il s’agit plutôt d’attribuer une fonction prospective à cet instrument international pour
la promotion de la mobilité des personnes et l’attractivité des investissements étrangers (c’est le cas de
la convention tuniso-portugaise , la convention tuniso-luxembourgeoise et les projets en cours de
négociation avec la Bulgarie et la République tchèque).
La Tunisie poursuit une approche active conduisant à la révision des conventions en vigueur en vue
de les adapter aux différentes évolutions nationales et internationales intervenues en matière de
sécurité sociale tout en consolidant les acquis réalisés c’est le cas des négociations en cours avec la
Belgique, le Maroc, la Libye, la Mauritanie et les Pays-Bas. D’autres projets sont déjà paraphés, leur
signature et éventuellement leur ratification nécessitent de statuer définitivement sur quelques
dispositions demeurant réservées (le cas de la suisse, la Grèce et la République tchèque).
La non exportation des allocations familiales pour les enfants demeurant en Tunisie (les cas des
conventions conclues ou paraphées avec la Suisse, l’Autriche et la nouvelle convention signée avec le
Luxembourg ) et l’exclusion du bénéfice de soins de santé pour les travailleurs lors d’un séjour
temporaire dans le pays d’origine ou pour leurs membres de famille qui y résident (cas des
conventions conclues avec la Grèce, l’Autriche et le projet en cours de négociation avec la République
Tchèque) représentent des limites qui affectent substantiellement les droits des tunisiens travaillant
dans ces pays .
En plus de leur fonction traditionnelle de protection sociale des travailleurs migrants, les
conventions bilatérales de sécurité sociale sont désormais conçues, à l’instar des conventions et
accords visant la protection des investissements ou la non double imposition fiscale, comme un outil
d’aide au développement économique en favorisant l’attractivité d’investissement étranger et
l’établissement des capitaux étrangers en Tunisie. Le maintien d’affiliation dans le régime de sécurité
sociale du pays d’origine par le biais de détachement, encourage les entreprises étrangères à
s’implanter en Tunisie et envoyer leur personnel pour y occuper leur filiale et représentation.
A cet effet, des projets de convention de sécurité sociale sont en cours de discussion et/ou d’avec la
République tchèque, la Bulgarie, la Turquie, le Malte la Suède la Grande Bretagne.
Toutefois, des propositions émanant du Canada, de la province du Québec et de l’Ukraine se
limitant à la coordination des régimes de pensions feront l’objet d’un examen approfondi de la partie
tunisienne.
Compte tenu de son champ d’application personnel élargi et des prestations servies qui couvrent
l’ensemble des branches de sécurité sociale, la convention tuniso-francaise représente un modèle de
référence pour la négociation menée par la Tunisie en vue de conclure de nouvelle convention
bilatérale de sécurité ou pour la révision des conventions en vigueur.
D’ailleurs, la convention tuniso-portugaise s’inscrit parfaitement dans cette nouvelle génération des
conventions qui s’inspirent des différentes évolutions réglementaires et jurisprudentielles constatées au
niveau de la coordination européenne des régimes de sécurité sociale.
L’ensemble des conventions bilatérales reprend les différentes branches énumérées par la
convention n° 102 (O.I.T) de 1952 relatives à la norme minimum de sécurité sociale qui doit être
assurée sur la base du principe de l’égalité de traitement entre les ressortissants des différents Etats.
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
Section 2. Champs d’application matérielle et personnelle des conventions conclues par la Tunisie
Eminemment variable dans leur champ d’application, les conventions bilatérales peuvent être
restrictives en limitant le cercle des personnes protégées aux travailleurs salariés ou assimilés et leurs
ayants droit ( conventions au sein de l’Union du Maghreb Arabe) comme elles peuvent être extensives
et concerner tous les travailleurs y compris les non salariés ( actifs ou chômeurs indemnisés), les
fonctionnaires civils et militaires de
formation
professionnelle(convention Tuniso-Francaise) et les migrants réfugiés et apatrides ( convention
Tuniso- Espagnole).
l’Etat voire même
stagiaires en
les
Pays
Catégories socioprofessionnelles couvertes
France
Belgique
Allemagne
Italie
Autriche
Espagne
Travailleurs salariés
Travailleurs indépendants
Titulaires de pension
Chômeurs indemnisés
Etudiants
Agents du secteur public
Réfugiés ou apatrides
Travailleurs salariés et non salariés dans les secteurs agricoles et
non agricoles
Titulaires des pensions et rentes
Ayants droits
Réfugiés ou apatrides
Travailleurs salariés
Indépendants
Agents du secteur public
Titulaires des pensions et rentes
Ayants droits
Réfugiés ou apatrides
Travailleurs salariés
Travailleurs indépendants
Titulaires des pensions
Travailleurs saisonniers
Ayants droits
Réfugiés ou apatrides
Travailleurs salariés
Travailleurs indépendants
Titulaires des pensions
Ayants droits
Réfugiés ou apatrides
Travailleurs salariés
Travailleurs indépendants
Titulaires des pensions
Etudiants
Ayants droits
Réfugiés ou apatrides
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Pays
Catégories socioprofessionnelles couvertes
Portugal
Algérie
Maroc
Egypte
Libye
Travailleurs salariés
Travailleurs indépendants
Agents du secteur public
Titulaires des pensions
Ayants droits
Etudiants
Réfugiés ou apatrides
Travailleurs salariés
Travailleurs non salariés
Agents du secteur public
Travailleurs frontaliers
Chômeurs indemnisés
Etudiants
Titulaires des pensions ou de rente
Réfugiés ou apatrides
Travailleurs salariés
Travailleurs non salariés
Agents du secteur public
Etudiants
Titulaires des pensions
Ayants droits
Réfugiés ou apatrides
Travailleurs salariés
Travailleurs indépendants
Agents du secteur public
Titulaires des pensions
Ayants droits
Etudiants
Travailleurs salariés
Travailleurs détachées
Mauritanie
Etudiants
Section 3. Portée des conventions bilatérales de sécurité sociale
Les conventions de coordination n’impliquent pas une modification des législations nationales
existantes mais elles reprennent les principes posés par les normes internationales et tendent à atténuer
les désavantages de la migration en répondant à certains objectifs fondamentaux à savoir l’unicité de
la législation applicable, l’égalité et la réciprocité de traitement, la conservation des droits acquis et
des droits en cours d’acquisition, le transfert des droits au pays de résidence du travailleur migrant et
l’entraide administrative :
A. L’égalité de traitement
Ce principe conduit à la prohibition des discriminations indirectes ou directes telle que l’exigence
de la condition de nationalité pour le bénéfice des allocations familiales pour un enfant d’un
travailleur migrant.
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
D’une manière générique, sont interdites les pratiques discriminatoires conduisant à traiter de façon
différente des situations similaires et le traitement identique de situations différentes.
L’application de l’égalité de traitement constitue un des fondements essentiels de la coordination.
L’inscription de ce principe dans les conventions bilatérales ne revêt plus au regard du droit interne
tunisien qu’un caractère théorique et une simple traduction du principe de réciprocité inscrit au niveau
de l’article 32de la constitution, dans la mesure où les régimes de sécurité sociale tunisiens mentionnés
par les conventions bilatérales prévoient déjà` cette égalité´.
Partant du principe que la législation de sécurité sociale est d'application territoriale, tous les
travailleurs concernés par cette législation, employés sur le territoire tunisien, sont assujettis aux
régimes tunisiens de sécurité sociale sans distinction de nationalité et bénéficient tant qu'ils résident en
Tunisie, des prestations de ces régimes dans les mêmes conditions que les nationaux.
En effet, la couverture sociale en Tunisie est non discriminatoire. La loi n° 85-12 du 5 mars 1985
relative au régime des pensions civiles et militaires de retraite et de survivants dispose dans son article
premier que ledit régime s'applique "à tous les agents du secteur public quels que soient leur situation
administrative, les modalités de paiement de leur rémunération, leur sexe ou leur nationalité".
Le principe de non-discrimination exprimé explicitement dans ce texte reflète l'esprit qui sous-tend
l'ensemble des régimes de sécurité sociale applicables en Tunisie.
Il va sans dire que le principe de résidence s’exprime par l’obligation d’affilier toute personne
répondant aux conditions légales à la caisse de la circonscription de sa résidence habituelle. Ainsi la
territorialité se vérifie tant au point de vue de l’affiliation qu’à celui des prestations. Le fait de quitter
le territoire national fait le plus souvent (moyennant les correctifs apportés par les règles de
coordination internationale) perdre le droit de percevoir les prestations, ou entraîne une modification
de leur mode de calcul (rente d’accident du travail transformée en capital). Le critère de nationalité
n’affecte en rien l’ordonnancement juridique de l’intéressé.
La législation tunisienne répond à ce plan, aux règles prévues par la convention internationale du
travail n°118 concernant l’égalité de traitement des nationaux et des non nationaux en matière de
sécurité sociale ratifiée par la Tunisie. Ladite convention prescrit l’égalité de traitement sur son
territoire entre les ressortissants du pays signataire et les ressortissants étrangers tant en ce qui
concerne l’assujettissement que le droit aux prestations. Elle prévoit également des mécanismes
destinés à lever la condition de résidence et à garantir la conservation des droits dans le cadre
d’accords bilatéraux et multilatéraux de réciprocité.
La condition de résidence prévue par l’article 49 dudit décret est gommée de facto et neutralisée
par la pratique puisque nos organismes de sécurité sociale procèdent à l’instruction des demandes qui
leur sont adressées par voie postale ou électronique et examinent leur bien fondé abstraction faite du
lieu de résidence du demandeur qu’il soit ressortissant tunisien ou ressortissant étranger ayant quitté la
Tunisie et même en l’absence de la conclusion d’une convention internationale, bilatérale ou
multilatérale de sécurité sociale entre la Tunisie et l’Etat du lieu de résidence.
Par contre, le service de la prestation demeure liée à la condition de résidence conformément aux
dispositions de la législation tunisienne de change (loi n° 76-18 du 21 janvier 1976 et les textes y
afférents) et qui constitue en la matière la loi spéciale. Cette clause est levée par le biais des conventions
internationales de sécurité sociale conclues par la Tunisie. Toutes ces conventions reposent sur des
principes fondamentaux de l’égalité de traitement, du transfert des prestations et de la conservation des
droits acquis et en cours d’acquisitions et des principes directeurs de coordination telles que les règles
anti-cumul des prestations avec des revenus, exception faite des pensions de vieillesse.
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B. La détermination de la législation applicable :
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La détermination de la législation applicable en vertu de laquelle naissent des obligations en termes
d’assujettissement et de paiement de cotisations, ou sont accordées des prestations.
Les problèmes engendrés par les conflits positifs et négatifs de loi peuvent être évités en stipulant
qu’en toutes circonstances, la législation d’un seul Etat est applicable, et en définissant une règle ou un
système de règles fixant cette législation applicable
Il va sans dire que nous sommes en présence d’un mécanisme de résolution des conflits de lois dont
l’objet est non seulement d’éviter l’application simultanée de plusieurs législations nationales et les
complications qui peuvent en
les catégories
socioprofessionnelles relevant du champ d’application personnel soient privées de protection en
matière de sécurité sociale, faute de législation qui serait applicable.
résulter, mais également d’empêcher que
La détermination de la législation applicable est traduite par deux principes fondamentaux et
complémentaires, celui de l’unicité de la loi applicable conduisant à la prohibition de double paiement
de cotisations, et l’autre c’est l’application de la loi du lieu d’occupation, la
lex loci labori.
Cette règle est affirmée dans la totalité des conventions bilatérales, elle bénéficie aussi bien aux
travailleurs salariés qu’aux travailleurs indépendants. La convention Tuniso-Française consacre dans
son l’article 5§1ce principe et réglemente dans les paragraphes de 1 à 10 dudit article les exceptions.
Ainsi, la convention reconnaît la possibilité d’exemption à cette règle pour les travailleurs salarié
détachés, les travailleurs non salariés dans le cadre d’une prestation de services, le personnel ambulant
des entreprises de transports internationaux, les marins, les fonctionnaires et les personnels des postes
diplomatiques et consulaires, les agents mis par l'un des États à la disposition de l'autre État au titre de
la coopération technique.
De même, la convention Tuniso-Algérienne reconnaît que le travailleur frontalier demeure affilié
aux régimes de sécurité sociale du pays dans lequel il est occupé. La même souplesse est observée
pour les personnes poursuivant une formation professionnelle. Ceci s’explique par leur court séjour
qui milite pour le maintien de leur affiliation au pays d’origine. C’est le cas des conventions conclues
avec l’Algérie, la France et le Portugal.
La convention conclue avec la Libye présente certaines particularités quant à la détermination de
la législation applicable. En effet, un aménagement particulier du même principe est prévu pour
certaines catégories de travailleurs affectant foncièrement l’orthodoxie des règles de conflit de lois
adoptées en la matière.
En application des dispositions de l’article 9 de ladite convention, les travailleurs non permanents
sont soumis à la législation du pays du travail, pour toutes les prestations servies par les régimes de
sécurité sociale du pays d’emploi. En revanche, une cohabitation entre les régimes de sécurité sociale
des deux Etats est possible pour les travailleurs permanents (l’équivalent des travailleurs détachés), qui
conservent l’assujettissement à la législation du lieu de travail pour les prestations à court terme tel
que les indemnités de maladie, de maternité et à la législation du pays d’origine pour les pensions et
les prestations en espèces versées en une seule fois tel que le capital – décès.
Les règles ci-dessus mentionnées qui confirment la primauté de la lex leci labori souffrent des
exceptions traditionnelles visant les travailleurs salariés détachés qui restent soumis à la législation du
pays d’origine. Cette dérogation verrouillée par plusieurs conditions, est tributaire de l’existence d’un
accord international autorisant cette exception à l’application de législations du pays d’origine, c’est ce
qui ressort de la lecture de l’article 34 de la loi du 14 décembre 1960 portant organisation des régimes
de sécurité sociale dans le secteur privé.
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
Les salariés des entreprises de transports internationaux, les travailleurs salariés qui exercent leur
activité professionnelle sur le territoire de plusieurs parties contractantes ou qui sont au service d’une
entreprise frontalière maintiennent l’affiliation à la législation du pays d’origine.
Encore une fois, des particularités de certaines dispositions de conventions admettent des
exceptions à l’exception ; l’article 8 de la nouvelle convention conclue avec l’Algérie fait soumettre le
personnel des entreprises du transport international des passagers et qui sont occupés par une filiale à
la législation du lieu d’activité en leur privant du régime de détachement qui leur assurent une
continuité d’affiliation et une unicité de carrière compte tenu du caractère provisoire de leur activité
sur le territoire de cet Etat.
Les travailleurs salariés ressortissants du pays d'envoi du poste diplomatique occupés dans les
postes diplomatiques ou consulaires ou qui sont au service personnel d'agents de ces postes ont le droit
d'opter pour la sécurité sociale du pays d'origine ou celle du pays du lieu de travail. Cette faculté est
une consécration des dispositions de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18
avril 1961 et la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963.
C. La conservation des droits acquis
La conservation des droits acquis constitue l’une des exigences fondamentales de la coordination
internationale en matière de sécurité sociale. Les personnes migrant dans un autre Etat risquent de
perdre des droits qu’elles ont acquis au titre de leur période de résidence ou d’emploi dans leur pays
d’origine en application du principe de la territorialité des régimes de sécurité sociale.
Le principe de base du maintien des droits acquis stipule que les périodes de résidence, d’emploi ou
de toute autre activité économique effectuées dans un Etat devraient être reconnues dans les autres
pays. La réalisation de ce principe exige l’utilisation de deux techniques bien connues : celle de la
totalisation des périodes et celle de la proratisation des prestations.
D. L’exportation des prestations
Il est entendu que cette disposition, lève tant les clauses de résidence s'attachant au versement des
prestations que celles s'attachant à l'acquisition même du droit aux prestations, quand bien même le
titulaire de la prestation n'aurait plus de résidence dans l'État compétent ou n'aurait jamais résidé
dans cet Etat.
Le principe de l’exportation des prestations stipule que si quelqu’un bénéficiant déjà, ou est
susceptible de bénéficier de l’une des prestations couvertes par la convention bilatérale s’établit dans
un autre Etat, sa prestation doit être versée par l’Etat d’origine. Le montant de la prestation ne doit être
ni réduit, ni ajusté d’une manière ou d’une autre au seul motif du changement de lieu de résidence.
Consciente des effets restrictifs engendrés par cette clause de résidence quant à la mobilité des
travailleurs et aux risques de conflit de lois dans l’espace et dans le temps, il est prévu aux termes des
dispositions des conventions conclues par la Tunisie que, "à moins que la présente convention n'en
dispose autrement, les prestations en espèces d'invalidité, de vieillesse ou de survivants, les rentes
d'accident du travail ou de maladie professionnelle et les allocations de décès acquises au titre de la
législation d'un Etat contractant ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni
suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire de l’autre Etat autre que
celui où se trouve l'institution débitrice" (article de la convention conclue avec l’Italie)
Les nouvelles conventions conclues respectivement avec la France, le Portugal, la Belgique, le
Luxembourg et l’Algérie élargissent considérablement le champ spatial de l’exportation des
prestations à long terme en faisant recours à la situation de résidence sur le territoire d’un Etat tiers lié
aux deux Etats contractants par un instrument de coordination de sécurité sociale.
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Cette disposition permet la prise en compte des périodes d’emploi, d’activités ou de résidence
accomplies dans un Etat tiers aussi bien pour le besoin de la totalisation et la liquidation de prestations
que pour la levée des clauses de résidence et le transfert des prestations. L’exigence de l’existence
d’un accord international conclu séparément entre les deux Etats contractants et cet Etat tiers en
matière de sécurité sociale, peut réduire le contenu de cette disposition.
La majorité des conventions conclues reconnaissent aussi que les prestations en nature peuvent,
elles aussi, être exportées, pour les soins non programmés ou inopinés selon le jargon communautaire.
Ainsi, le travailleur migrant conserve le bénéfice lors d’un séjour temporaire dans le pays
d'origine (pays dont le travailleur est ressortissant) à l'occasion d’un congé lorsque son état de santé
vient à nécessiter des soins immédiats. Le même principe joue pour le de transfert de résidence dans
le pays d’origine.
L’application de ce principe pour les allocations familiales souffre de quelques exceptions et le cas
échéant même si ses prestations sont exportées, elles sont réduites contrairement à l’énoncée et l’esprit
même de ce principe.
Section 4. Bénéfice des prestations
D’une manière générale, les conventions bilatérales assurent l’octroi des prestations qui figurent parmi
les branches énumérées par la convention n°118 ci-dessus mentionnée. Toutefois, le champ
d’application matériel peut varier d’une convention à l’autre (pour plus de détail sur les prestations
servies voir le tableau en annexe) Les règles générales sont les suivantes :
A. Prestations couvertes :
Pays
Prestations servies
France
Belgique
Allemagne
Luxembourg
Pays-Bas
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Maladie et maternité et décès
Prestations familiales
Pensions d’invalidité, de vieillesse et de retraite
Prestations d’accidents du travail et de maladie professionnelles
Assurance maladie, maternité et décès
Assurance vieillesse, invalidité et survie
Allocations familiales
Assurance relative aux accidents du travail et aux maladies
professionnelles
Assurance maladie, maternité et décès
Assurance vieillesse, invalidité et survie
Allocations familiales
Assurance relative aux accidents du travail et aux maladies
professionnelles
Assurance maladie, maternité et décès
Assurance vieillesse, invalidité et survie
Allocations familiales
Assurance relative aux accidents du travail et aux maladies
professionnelles
Assurance maladie, maternité et décès
Assurance vieillesse, invalidité et survie
Allocations familiales
Assurance relative aux accidents du travail et aux maladies
professionnelles
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
Pays
Prestations servies
Italie
Autriche
Espagne
Portugal
Algérie
Maroc
Egypte
Assurance maladie, maternité et décès
Assurance vieillesse, invalidité et survie
Allocations familiales
Assurance relative aux accidents du travail et aux maladies
professionnelles
Cette convention garantie le bénéfice des prestations de sécurité sociale
Toutefois, elle ne prévoit pas l’exportation des allocations familiales ni
la couverture de soins pour les membres de famille demeurant dans le
pays d’origine.
Assurance maladie, maternité et décès
Assurance vieillesse, invalidité et survie
Allocations familiales
Assurance relative aux accidents du travail et aux maladies
professionnelles
Assurance maladie, maternité et décès
Assurance vieillesse, invalidité et survie
Allocations familiales
Assurance relative aux accidents du travail et aux maladies
professionnelles
Assurance maladie, maternité et décès
Assurance vieillesse, invalidité et survie
Allocations familiales
Assurance relative aux accidents du travail et aux maladies
professionnelles
Assurance maladie, maternité et décès
Assurance vieillesse, invalidité et survie
Allocations familiales
Assurance relative aux accidents du travail et aux maladies
professionnelles
Cette convention prévoit la possibilité de transfert des cotisations
Assurance maladie et maternité
Assurance vieillesse, invalidité et survie
Assurance relative aux accidents du travail et aux maladies
Libye
Mauritanie
professionnelles
Transfert des prestations
Pensions de vieillesse de survie et de décès
Couverture de soins de santé
B. Les modalités de service des prestations :
Maladie – Maternité
Le travailleur et les ayants droit qui résident avec lui dans le pays d’emploi ont droit aux prestations.
Les droits sont maintenus en cas de transfert de résidence ou de congés payés dans le pays d’origine.
Les ayants droit qui n’accompagnent pas le travailleur migrant, bénéficient, à la charge de l’institution
d’affiliation du travailleur, des prestations en nature au titre de l’assurance maladie maternité.
Bénéficient aussi des prestations les titulaires de pensions, rentes et leurs ayants droits. La durée de
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prise en charge peut être prorogée au-delà de 6 mois dans l’hypothèse d’une maladie présentant un
caractère d’une gravité exceptionnelle (convention Tuniso-Française). Exceptionnellement, la
convention Tuniso–Libyenne n’assure le bénéfice des soins de santé que dans le pays ou les migrants
sont eux-mêmes employés.
Invalidité
La pension est servie par la caisse d’affiliation au moment de l’appréciation de l’admission en
invalidité ; elle est transférable dans l’autre pays et est réversible aux ayants droit.
Accident du travail et maladies professionnelles
La caisse d’affiliation dont relève la victime au moment de l’accident – ou de la date à laquelle a été
contractée la maladie – sert les prestations. La victime peut transférer sa résidence après accord
préalable de sa caisse d’affiliation. Des rentes de réversion sont servies aux ayants droit. Quelques
conventions reconnaissent le bénéfice de ses prestations aux travailleurs détachés et aux travailleurs
assujettis sur le territoire autre que le territoire de l’État de travail (selon les conventions conclues
respectivement avec la France et le Portugal)
Les prestations familiales
En principe, la caisse du pays de résidence des enfants sert les prestations familiales selon son propre
barème. Les titulaires de pensions d’invalidité, de retraite ou d’une rente accidents du travail bénéficient
des prestations en cas de transfert de résidente dans le pays d’origine. Mais ce droit subit des restrictions
pour certaines catégories dans les conventions conclues avec la France, l’Italie et la Belgique.
Il est précisé dans l’article 24 de la convention Tuniso-Italienne qu’une prestation différentielle
étant à la charge de l’Etat contractant serait servie aux enfants bénéficiaires au cas où les allocations
familiales versées en application de la législation du pays de résidence des enfants sont inférieures à
celles dues en application de la législation de l’autre Etat (qui n’est pas nécessairement l’Etat
compétent mais celui dont la législation offre les montants les plus élevés). Parfois l’arrangement
administratif détermine les catégories d’enfants bénéficiaires, les conditions d’octroi, les taux
d’allocations familiales ainsi que les périodes pour lesquelles elles sont accordées
Retraite
Sous réserve de l’accomplissement d’une période minimum d’assurance, le droit à une pension de
retraite est ouvert auprès de l’une des caisses des deux pays. La pension est liquidée «
pro rata
temporis
». Chaque institution compare le montant de la pension nationale et celui de la pension
proratisée et verse le montant le plus avantageux des deux (article 24 de la convention conclue avec la
France). La caisse débitrice paie directement la pension qui est réversible aux ayants droit.
Décès
Un capital décès est servi aux ayants droit par la caisse d’affiliation. Les conventions conclues avec
l’Algérie, le Portugal et celle signée avec le Luxembourg prévoient aussi l’octroi de la prestation de
chômage. Pour le calcul de cette prestation, il est tenu compte des périodes d’emploi accomplies dans
l’Etat autre que celui ou` est introduite la demande de prestations. Toutefois, il faut que l’on se
retrouve sans emploi dans ce dernier pays (pays de demande).
L’application du principe de réciprocité pousse les Etats contractants à refuser d’introduire dans le
champ d’application des prestations servies, l’allocation de chômage à défaut de l’existence d’un
régime analogue au niveau de la législation tunisienne. En effet, un régime d’intervention sociale au
profit des travailleurs à été mis en place en Tunisie et qui intervient exclusivement dans le cas du
licenciement dû à des raisons économiques ou technologiques ou pour fermeture inopinée et définitive
de l’entreprise sans respect des procédures prévues par le code du travail. Les travailleurs licenciés ont
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
ainsi le droit à la prise en charge par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale des indemnités et des
droits légaux qui leur sont dus par voie juridictionnelle et ce au cas où l’entreprise se trouve en
situation de cessation de paiement. En outre, ledit régime garantit au travailleur licencié et les
membres de sa famille le maintien du bénéfice des prestions de soins de santé, des allocations
familiales et la majoration pour salaire unique pendant une année à compter de la date de licenciement.
C. Remboursement des frais de soins
Les modalités de remboursement entre institutions diffèrent selon les hypothèses envisagées par la
convention. Les nouvelles conventions conclues avec la France, l’Algérie et le Luxembourg prévoient
un remboursement sur des bases effectives , même si l’établissement des Coûts réels pour les soins
prodigués aux membres de famille et aux titulaires de pension qui demeurent en Tunisie est loin d’être
appliqué et on continue à titre transitoire d’adopter des modes forfaitaires jusqu’à la mise en place du
dispositif technique approprié au niveau de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie en Tunisie.
La convention conclue avec la Belgique prévoit un abattement de 25% à charge de l’institution du
pays de résidence pour les membres de famille. L’ensemble des conventions conclues par la Tunisie
prévoit la possibilité d’une éventuelle renonciation au remboursement pour certains frais. L’assuré par
contre est remboursé par l’organisme du pays de résidence. Pour les titulaires de pension qui ont
transféré leur résidence, une répartition des charges est prévue selon que les intéressés ont droit aux
pensions d’un seul ou des deux pays contractants. Les prestations en espèces de l’assurance maladie
sont servies directement par l’institution compétente. Des dispositions particulières de contrôle
médical de l’incapacité de travail sont prévues. Les prestations en espèces sont servies directement par
l’institution compétente et à sa charge. Il en est de même de l’allocation de décès qui est liquidée au
prorata des périodes d’assurance accomplies sous la législation de chaque Etat compétent (La
convention Tuniso-Espagnole, la convention Tuniso-Francaise,).
Section 5. Le principe de coopération entre administrations
La coordination en matière de sécurité sociale dépend en grande partie de l’échange d’informations
entre administrations de pays différents, c’est pourquoi il est souvent fait référence, de manière
générale, à la nécessité d’une coopération entre administrations.
Le bon fonctionnement des règles prévues dans les conventions de sécurité sociale relative à la
coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale est notamment subordonné à une coopération
mutuelle étroite et efficace entre les autorités et institutions des deux Etats contractants.
Une bonne coopération de la convention passe notamment par l’échange d’informations entre les
autorités et institutions, d’une part, et les personnes, d’autre part, lequel doit reposer sur les principes
du service public, de l’efficacité, de l’assistance active, de la fourniture rapide et de l’accessibilité. A
cet effet, les informations nécessaires à l’établissement et à la détermination des droits et des
obligations desdites personnes doivent être communiquées ou échangées dans les meilleurs délais.
Le principe de coopération loyale, qui vise à donner un effet utile aux dispositions de la
convention, impose aussi aux institutions de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents
pour l’application de la convention. Dans ce cadre et dans un but de raccourcir les délais d’instruction
et de traitement des dossiers relatifs aux droits des assurés sociaux et a fin de simplifier la complexité
des procédures prévues au niveau des textes d’application de la convention Tuniso-Italienne , un
accord d’échanges électroniques des données est en cours de signature entre les institutions
compétentes de sécurité sociale tunisiennes et italiennes.
En application de ce principe, l'institution compétente doit prêter ses bons offices et son entraide
administrative auprès des institutions comme s’il s’agissait des démarches accomplies pour ses propres
ressortissants. En vertu de ce principe, l’institution tunisienne peut demander qu'une expertise
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médicale soit effectuée sur le territoire de l'autre Partie contractante au profit d’un travailleur tunisien
et rembourse le coût de cette expertise à l'institution compétente qui l'a organisée.
Il est toutefois possible de prévoir d'autres arrangements financiers pour des expertises médicales
effectuées sur le territoire d'une Partie contractante à la demande de l'autre Partie ou de prévoir que le
coût des expertises médicales organisées sur le territoire d'une Partie contractante à la demande de
l'autre Partie ne donne lieu à aucun remboursement de la part de l'une ou l'autre des parties
contractantes.
Section 6. Limites des conventions bilatérales conclues par la Tunisie
Incontestablement, le niveau de développement économique, l’importance des mouvements de la main
d’œuvre et l’asymétrie des régimes nationaux de sécurité sociale freinent l’adoption de mesures de
coordination bilatérale entre les Etats concernés. C’est ainsi qu’une grande tranche de la population
tunisienne expatriée notamment les pays du Golfe, les pays de l’Est de l’Europe, les pays de
l’Amérique du nord, mais aussi avec des pays voisins ou les difficultés de sa mise en œuvre
convenable notamment la convention tuniso-libyenne risque de n’être qu’un simple accord de transfert
des prestations alors que la convention conclue avec la Mauritanie se limite à couvrir les étudiants au
titre de soins de santé.
Les discordances des systèmes nationaux de sécurité sociale et les incidences financières
engendrées par un accord international notamment les transferts des prestations entre les Etats
contractants sont souvent utilisées par certains Etats comme motif pour exprimer leur réticence à
conclure des conventions bilatérales avec la Tunisie malgré la présentation des projets en la matière
( c’est le cas avec la suède , un projet paraphé mais récemment dénoncé par la Suisse ,des projets avec
la Grande Bretagne, la Turquie, le Malte, la Bulgarie) .
La plupart des conventions bilatérales conclues par la Tunisie ont été conçu à l’époque des années
70-80 où les formes classiques de travail dominaient ; les travailleurs immigrés étaient recrutés pour
exercer des activités typiques relevant du travail salarié dans le secteur privé de l'économie des pays
d’accueil. Or, de nouveaux types d'emploi temporaire sont apparus, tel que le recours aux travailleurs
hautement qualifiés (migration de talents ou de compétences ou selon le jargon communautaire les
titulaires de carte bleue), d’autres formes de migration apparaissent à l’instar de la migration
circulaire, de ceux qui sont recrutés par le secteur public ou les entreprises récemment privatisées. En
règle générale, ni les nouvelles typologies de travail, ni l'emploi dans le secteur public ne sont couverts
par les dispositions figurant dans les accords bilatéraux.
D’autres conventions trouvent leur champ d’application personnel limité aux travailleurs salariés et
leurs ayants. Certaines catégories de travailleurs (travailleurs indépendants, saisonniers, gens de
maison…) restent toujours exclues du bénéfice des conventions bilatérales (le cas des conventions
conclues avec la Belgique la Libye) alors qu’elles sont souvent couvertes par la législation tunisienne.
Au niveau du champ d’application matériel, l’exclusion de l’exportation des prestations de soins
pour les membres de famille demeurant en Tunisie explique le blocage des négociation avec la
Tchéquie, la Grèce, la Suisse et l’Autriche .Une autre limite s'ajoute au principe de libre transfert des
prestations la suspension de l' exportation des allocations familiales pour les enfants demeurant en
Tunisie (les cas des conventions conclues ou paraphées avec la Suisse, l’Autriche et la nouvelle
convention signée en date du 15 octobre 2010 avec le Luxembourg ) représentent des limites qui
affectent substantiellement les droits des tunisiens travaillant dans ces pays .
Aux termes de la convention internationale n° 118 de l’OIT sur l’égalité de traitement (sécurité
sociale), ratifiée par la Tunisie respectivement en 1964 et 1974 en acceptant toutes les branches, il est
prévu que l’Etat membre puisse accepter les obligations sur une ou plusieurs branches de la sécurité
sociale pour lesquelles il possède une législation effective. Il doit aussi :
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notifier les branches au moment de la ratification,
établir une égalité de traitement tant sur assujettissement que le droit aux prestations, dans
toute branche de sécurité sociale pour laquelle il a accepté les obligations de la convention,
lever des clauses de résidence,
mettre une place un mécanisme de conservation des droits acquis et des droits en cours
d’acquisition,
transférer des prestations,
Promouvoir des accords bilatéraux et multilatéraux comme gage d’application des normes
prévues par cette convention.
La convention internationale n° 97 de l’OIT sur les travailleurs migrants stipule également que « chaque
pays ayant ratifié cette convention a l’obligation d’appliquer sans discrimination de nationalité aux
immigrants se trouvant sur son territoire, un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui appliqué à
ses propres ressortissants », le principe de l’égalité de traitement n’est admis que sous condition de
réciprocité, qui est expressément énoncée par l’article 32 de la constitution tunisienne et l’ensemble du
dispositif de la législation nationale de sécurité sociale.
Fallait il rappeler que cette exigence suppose l’existence d’un véritable équilibre entre les
prestations consenties au titre des législations des deux pays contractants ce qui n’est pas toujours le
cas. La rigueur de cette règle surtout lorsqu’il est question d’attribuer des prestations non contributives
fondées sur l’idée de solidarité ou de besoin et répondant à une logique d’assistance. Ces prestations
ne sont servies par un quelconque Etat que si des avantages identiques ou similaires sont consentis au
profit de ses ressortissants dans l’autre Etat avec lequel il a conclu un accord bilatéral en matière de
sécurité sociale.
Contrairement à l’évolution constatée au niveau de la législation de l’Union Européenne qui porte
désormais sur des régimes privés (assurance groupe, régimes complémentaires de retraite…) la plupart
des instruments de coordination conclus avec les Etats européens prévoient expressément l’exclusion
des prestations non contributives, des régimes spéciaux des fonctionnaires et des régimes facultatifs ou
complémentaires de retraite des branches de sécurité sociale couvertes par ses conventions. Leur
particularité notamment au niveau de leur nature juridique (obligatoire ou facultative), leur mode de
financement (par répartition ou par capitalisation) et leur mode de gestion (par un organisme privé ou
par une caisse publique) justifient les réticences quant aux problèmes qu’ils peuvent soulever dans
l’ordre des relations internationales.
Ainsi, les régimes privés sont, selon les pays, inégalement développés et l’absence de coordination
les concernant peut être à l’origine d’une atteinte sérieuse aux droits du travailleur migrant. D'autres
limites encore peuvent en outre résulter de la tendance assez marquée à restreindre le nombre de
risques couverts par les conventions (comme par exemple dans le cas de l'assurance-chômage)
notamment en l'absence d'un véritable régime de compensation de chômage en Tunisie.
Le manque d’actualisation et d’adaptation des conventions conclus compte tenu des évolutions
législatives intervenues en matière de sécurité sociale dans les deux pays contractants, explique les
retards enregistrés dans la transposition des changements dans les régimes nationaux de sécurité
sociale au niveau des textes des accords internationaux conclus. On songe par exemple à l’assurance-
pension complémentaire obligatoire (deuxième pilier) ou aux régimes de pré retraite, qualifiés
"d'hybrides" car situées à mi-chemin entre les régimes ordinaires d’assurance-chômage et les régimes
de pensions de vieillesse. Ainsi, l’écart s’élargit entre les prestations garanties par la convention et
celles offertes au titre des régimes nationaux de sécurité sociale. C’est le cas des premières
conventions conclues par la Tunisie à la fin des années 70 et début 80 (convention Tuniso-Allemande,
convention Tuniso-Ialienne, convention Tuniso-Belge.
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Pour ce qui est en revanche du champ d'application personnel, les accords bilatéraux s'appliquent
dans la majorité des cas aux ressortissants des deux Etats signataires ce qui conduit, à l'exclusion de
l'emploi d'une notion, plus large, celle "d'assuré social " soit de manière à ce que les ressortissants de
pays tiers soient inclus. Les difficultés administratives constatées notamment au niveau des
formulaires de liaison exigés par les caisses de sécurité sociale pour le bénéfice des prestations
notamment lors d’un séjour temporaire dans le pays d’origine, nuisent considérablement à l’efficacité
de la couverture prévue par la convention. La complexité des formulaires, le volume des
renseignements à fournir, la langue utilisée, la courte durée qu’ils couvrent dans le pays d’origine pour
le bénéfice des soins de santé, l’absence de communication entre les institutions de sécurité sociale des
deux pays jusqu’au moment où le travailleur immigré demande à bénéficier des droits de retraite
acquis et les retards constatés pour l’échange des données requises pour la liquidation et le paiement
d’une prestation (pension de retraite), entravent considérablement l’accès aux diverses formes de
protection sociale et aux prestations de sécurité sociale. Il est à noter aussi que l’absence d’une
régularité des réunions des commissions mixtes instituées au niveau des conventions pour assurer sa
bonne application, contribue à l’accumulation des difficultés inhérentes à son application.
Le niveau de développement économique, l’importance des mouvements de la main d’œuvre et les
divergences des systèmes nationaux de sécurité sociale sont souvent invoqués pour expliquer
l’absence de coordination (ex. absence, pour les migrants tunisiens, de conventions avec notamment
les pays du golfe, les pays de l’Est de l’Europe, les pays de l’Amérique du nord, mais aussi avec des
pays voisins (la Mauritanie).
Les modalités d’adhésion, les taux de cotisations, les prestations garanties et les catégories
couvertes seront détaillés au niveau de la deuxième partie consacré au dispositif national de protection
sociale des travailleurs tunisiens migrants.
Chapitre 2. La protection sociale des travailleurs tunisiens migrants par le biais d’une
coordination régionale
L’intérêt que porte la Tunisie à l’amélioration de condition sociale du travailleur tunisien migrant s’est
concrétisé dans une approche basée sur la complémentarité et l’interaction entre les volets
économiques et sociaux de sa politique migratoire.
A cet effet, elle a œuvrée, à coté de l’adoption des instruments nationaux et des conventions
bilatérales, à l’adhésion aux différentes normes internationales qui ont donné matière à de nombreux
système de coordination régionale. L’examen de la coordination limitée au niveau de l’accord
d’association conclu avec les Communautés européennes (a) conjugué à un constat d’échec déjà relevé
a propos d’une coordination inachevée à l’échelle maghrébine (b) milite en faveur de la prééminence
de la voie bilatérale.
Section 1. La portée de la coordination des régimes de sécurité sociale au niveau de l’Accord
d’Association
La condition des travailleurs migrants et plus particulièrement la protection de sphère des droits
sociaux, a figuré toujours comme une constante de la politique tunisienne dans ses relations avec le
partenaire européen. De l’accord de coopération, passant par l’actuel lien conventionnel
d’association et se projetant dans le plan d’action de voisinage appuyée par la dynamique d’un
éventuel statut avancé octroyé à la Tunisie , la protection sociale des travailleurs tunisiens migrants
surgit et s’impose avec acuité.
A. La situation des travailleurs tunisiens résidant légalement dans l’espace économique européen
Traditionnellement, la sécurité sociale est envisagée par les pères fondateurs de la construction
européenne au travers du prisme de la libre circulation des travailleurs. La libre circulation des
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personnes est l'une des libertés fondamentales garanties par le droit communautaire (Article 39 du
Traité CE) et est également un élément capital de la citoyenneté européenne. Les règles
communautaires sur la libre circulation des travailleurs s'appliquent également aux Etats membres de
l'espace économique européen (l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège). Les droits applicables sont
complétés par un système pour la coordination des systèmes de sécurité sociale et par un système
visant à garantir la reconnaissance réciproque des diplômes. En effet, cette liberté fondamentale est
tributaire de l’existence d’un mécanisme de conservation des droits acquis ou en cours d’acquisition
assurant l’exportabilité des prestations de sécurité sociale pour les travailleurs migrants.
Cette acception téléologique ou instrumentale qui a caractérisée l’évolution d’une véritable
coordination communautaire doublement renforcée par une action laborieuse de la communauté
européenne en matière sociale et d’un rôle actif du juge communautaire, ont pu aboutir à la
consécration de la protection sociale comme un objectif, une norme en tant que telle. Ainsi, les
travailleurs (communautaires) salariés et leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté
européenne sont soumis au règlement (CEE) 883/2004 du conseil qui a succédé au règlement (CEE)
n° 1408/71 du conseil du 14 juin 1971 et qui constitue le fondement de la coordination des régimes de
sécurité sociale.
En l’espace de trente ans, la notion de sécurité sociale s’est beaucoup étendue. Les nombreuses
modifications du règlement 1408/714 n’ont pas suffi à couvrir l’ensemble des populations et des droits
sociaux. La nouvelle réglementation tire en partie les conséquences de ces évolutions.
Optant pour une définition large et uniforme, la jurisprudence de la CJCE est constante : les
qualifications nationales des prestations sont inopérantes .De même, peu importe le motif du séjour à
l’étranger, la réglementation communautaire s’applique et -par conséquent, les fondements qui y sous-
tendent - ont été érigée en notion communautaire indifférente aux qualifications retenues par la loi
nationale de chaque Etat membre. Par ailleurs, la protection sociale des ressortissants d’Etats tiers est
une question d’autant plus importante que les étrangers provenant des Etats tiers représentent une
partie sans cesse grandissante de la population de l’Union Européenne. Après une lutte de longue
haleine pour rétablir l’égalité de traitement qui été pendant longtemps un attribut d’une citoyenneté
européenne, les ressortissants non communautaires ont vu leur condition sociale se renforcer par
l’extension de l’outil communautaire de coordination de leurs droits de sécurité sociale.
Ainsi depuis le 1er juin 2003, les dispositions du règlement 1408/71 s’appliquent également aux
ressortissants de pays tiers qui en étaient exclus du seul fait de leur nationalité, à conditions qu’ils
résident légalement sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne et qu’ils se trouvent dans
une situation dont tous les éléments ne se cantonnent pas à l’intérieur d’un seul Etat membre. En
d’autres termes, un travailleur non communautaire qui ne se déplace pas entre plusieurs Etats
membres, ne peut pas se prévaloir de ses dispositions compte tenu de l’absence d’un élément
d’extranéité. Le but est ainsi de ne faire bénéficier de la coordination ni les personnes en situation
irrégulières de séjour dans l’Union, ni les personnes qui s’y trouvent en transit ou de passage ou qui
n’y effectuent qu’un séjour temporaire. Autrement dit, une partie des ressortissants des pays tiers, y
compris les tunisiens, ne pourra pas invoquer le règlement pour bénéficier de l'égalité de traitement
avec les nationaux. Cette situation résulte du fait que le règlement 1408/71 ne s’applique pas aux
situations purement internes.
En dépit de cette extension, certains problèmes restent même après l'extension dudit règlement :
L'exportation des prestations vers les pays méditerranéens n'est pas garantie,
La totalisation entre UE et pays méditerranéens n'est pas garantie,
L'égalité de traitement dans l'Union est garantie sous conditions.
Ses limites s’ajoutent aux écueils qui persistent même avec l’avènement du nouveau Règlement
(CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination
des systèmes de sécurité sociale, il s’agit essentiellement de :
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limite de durée de portabilité des allocations chômage,
renforcer la qualité des droits des affiliés aux régimes de retraite complémentaire, afin d'améliorer
les conditions de libre circulation des travailleurs dans l'Union européenne et de mobilité
professionnelle à l'intérieur des Etats membres (la question de la transférabilité des droits).
L’introduction de la charte des droits fondamentaux au niveau du Traité de Lisbonne renforce-t-elle
les droits sociaux au niveau de l’Union européenne ? Cette charte prévoit en effet, que la protection
sociale adéquate est un doit fondamental ce qui renforce son invocabilité devant le juge
communautaire.
B. L’adoption d’un régime de coordination limitée au niveau de l’accord d’association
a) Substance de la coordination
L’article 310 du Traité des Communautés Européennes donne à la Communauté la compétence pour
« conclure avec un ou plusieurs États ou organisations internationales des accords créant une
association caractérisée par des droits et obligations réciproques, des actions en commun et des
procédures particulières ».
L'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et
leurs États membres, d'une part, et la République Tunisienne, d'autre part, signé le 17 juillet 1995, est
entré en vigueur le 1er mars 1998 prévoit des dispositions sur une coordination limitée des régimes de
sécurité sociale basé sur le principe d’égalité de traitement. Il convient de rappeler que
paradoxalement aux accords d’association, les accords de coopération conclus entre la Communauté
européenne et trois Etats du Maghreb au milieu des années 70 ne subordonnaient pas la jouissance de
l’égalité de traitement à une condition de régularité de séjour.
Dans le domaine de la sécurité sociale, ces accords se basent d'une manière générale sur les
principes suivants :
Les travailleurs de nationalité tunisienne et les membres de leur famille résidant avec eux
bénéficient, dans le domaine de la sécurité sociale, d'un régime caractérisé par l'absence de
toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport aux propres ressortissants des États
membres dans lesquels ils sont occupés (article 64 de l’accord d’association).
La notion de « sécurité sociale » couvre les branches de sécurité sociale qui concernent les
prestations de maladie et de maternité, les prestations d'invalidité, de vieillesse, de survivants,
les prestations d'accident de travail et de maladie professionnelle, les allocations de décès, les
prestations de chômage et les prestations familiales
La totalisation des périodes d'assurance, d'emploi ou de résidence accomplies dans les
différents États membres, pour ce qui concerne les pensions et rentes de vieillesse, d'invalidité
et de survie, les prestations familiales, les prestations de maladie et de maternité ainsi que les
soins de santé pour eux-mêmes et leur famille résidant à l'intérieur de la Communauté. (article
65 de l’accord d’association).
L'exportation des prestations familiales à l'intérieur de la Communauté
Libre transfert vers la Tunisie, aux taux appliqués en vertu de la législation de l'État membre
ou des États membres débiteurs, des pensions et rentes de vieillesse, de survie et d'accident de
travail ou de maladie professionnelle, ainsi que d'invalidité, en cas d'accident de travail ou de
maladie professionnelle, à l'exception des prestations spéciales à caractère non contributif
(article 65 de l’accord d’association).
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b) Modalités de mise en œuvre :
L’article 67 de cet accord prévoit qu'avant la fin de la première année après son entrée en vigueur, le
Conseil d'association arrête les dispositions permettant d'assurer l'application des principes énoncés à
l'article 65 en matière de sécurité sociale. Il est également prévu que le Conseil d'association arrête les
modalités d'une coopération administrative nécessaires pour l'application des dispositions prises. Cette
entraide peut s’établir entre les Etats membres et la Tunisie
Douze années se sont écoulées et cette décision n’a pas vu le jour. Son inscription comme point
permanant dans les différentes réunions du groupe des affaires sociales et de migration n’a pas pu
impulser son adoption, ce n’est qu’en en décembre 2010 que la Commission a présenté une
proposition ayant pour objet la mise en œuvre des dispositions relatives à la coordination en matière de
sécurité sociale contenues dans l'accord d’association.
L’accord d’association prévoit que les accords bilatéraux s'appliquent de façon prioritaire si ceux-ci
comportent des dispositions plus favorables. Ces dispositions ont donc pour but d'assurer un
minimum, commun à tous les Etats membres, pour les cas où des accords bilatéraux n'auraient pas été
signés ou bien contiendraient des dispositions moins favorables. Ils visent ainsi à assurer un régime
uniforme minimal aux travailleurs des pays tiers qui ont travaillé dans plusieurs Etats membres de la
Communauté.
c) L'effet direct des dispositions de coordination
Selon une jurisprudence constante, une disposition d’un accord conclu par les Communautés avec des
États tiers doit être considérée comme ayant un effet direct lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu’à
l’objet et à la nature de l’accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n’est subordonnée,
dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur (voir en ce sens,
notamment, arrêts du 27 septembre 2001, Gloszczuk1 , C-63/99, Rec. p. I-6369, point 30 ; du 8 mai
2003, Wählergruppe Gemeinsam, C-171/01, Rec. p. I-4301, point 54, et Simutenkov, précité, point 21).
Dans une récente affaire (Mohammed GATOUSSI2 du 14/12/2006 ) impliquant l’invocabilité des
dispositions de l’accord d’association conclu avec la Tunisie, la CJCE affirme que l’article 64,
paragraphe 1, de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre la communauté
européenne et ses États membres, d’une part, et la République tunisienne, d’autre , doit être interprété
en ce sens qu’il est susceptible d’exercer des effets sur le droit de séjour d’un ressortissant tunisien sur
le territoire d’un État membre dès lors que ce ressortissant a été dûment autorisé par cet État membre à
exercer sur ledit territoire une activité professionnelle pour une période excédant la durée de son
autorisation de séjour.
Toutefois, cette interprétation concerne un article qui traite de l’égalité de traitement et la non
discrimination en matière d’emploi, de rémunération et de licenciement, et dont l’application n’est
tributaire de l’adoption d’un acte ultérieur.
Si nous procédons à une lecture a contrario, les dispositions des articles 65 et suivants nécessitant
l’adoption d’un acte ultérieur d’application prévalent-t-elles l’effet indirect ? La question de
l’applicabilité directe des dispositions sur la sécurité sociale dans l’ordre juridique national des Etats
contractants demeure sans réponse.
Le retour à une jurisprudence constante de la CJCE, nous épargne une telle discussion, le juge
communautaire a statué sur l’effet direct d’une disposition analogue à l’article 65 de l’accord
1 Voir en ce sens, notamment, arrêts du 27 septembre 2001, Glozezuk, C-63/99, Rec. P. I-6369, point 30 ; du 8 mai 2003,
Wählergruppe Germeinsam, C-171/01, ec. p. 1-4301, point 54, et Simutenkov, précité, point 21
2 Mohamed GATOUSSI du 14/12/2006 – SVP mettre les référence entière)
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d’association conclu avec la Tunisie. En effet, dans l'affaire Kziber3 (CJCE du 31 janvier 1991),
KZIBER c/ Office national de l'emploi, aff. 18/90, la Cour a tranché en faveur d'une pleine efficacité
juridique et a reconnu que les travailleurs maghrébins pouvaient invoquer directement les dispositions
figurant dans ces accords. Grâce à cette assimilation aux ressortissants communautaires dans le domaine
social, les travailleurs maghrébins bénéficient également des dispositions figurant dans le règlement
1408/71, et jouissent de la protection sociale en ce qui concerne, également, la maladie, la maternité, les
pensions d'invalidité, de retraite.
La Cour constate que cet article consacre, dans des termes clairs, précis et inconditionnels,
l'interdiction de discriminer, en raison de la nationalité, les travailleurs de nationalité marocaine et
les membres de leur famille résidant avec eux dans le domaine de la sécurité sociale.
Section 2. Limites de la coordination et propositions d’amélioration
En se référant à l’article 7 bis de la récente Traite de Lisbonne, il est stipulé que l’Union Européenne
peut conclure des accords spécifiques avec les pays de son voisinage. Ces accords peuvent comporter
les droits et obligations réciproques ainsi que la possibilité de conduire des actions en commun.
Pour combler les insuffisances constatées dans l’Accord d’Association en matière de sécurité
sociale et pour dépasser les limites du règlement n° 859/2003 portant extension du règlement 1408/71
aux ressortissants non communautaire , la partie tunisienne rappelle à chaque session des travaux du
comité d’association Tunisie/UE «Migration et affaires sociales» qui se réuni annuellement et par
alternance à Tunis et à Bruxelles , la nécessité de dépasser les écueils de la question de la coordination
des régimes de sécurité sociale.
Conformément à la position tunisienne en la matière, réaffirmée lors des réunions des deux partis
aussi bien au niveau des travaux du groupe de travail sur les affaires sociales qu’au niveau des experts
du groupe ad-hoc sur la coopération en matière de sécurité sociale et les discussions sur l’octroi à la
Tunisie du « Statut Avancé » comme étape renforcée d’association , la Tunisie estime qu’une
meilleure coordination des régimes de sécurité sociale entre les deux parties nécessitent la réalisation
des points ci-après mentionnés :
Mettre pleinement en œuvre les engagements souscrits en vertu des articles 64 à 68 de
l’accord d’association concernant les dispositions relatives aux travailleurs ;
Veiller à ce que la clause d’égalité de traitement soit pleinement appliquée dans les conditions
de travail, les rémunérations et les licenciements quelque soit la nationalité ;
Garantir l’application intégrale de la clause de non-discrimination en matière de sécurité
sociale pour les travailleurs et les membres de leur famille ;
Adopter une décision dans le cadre du conseil d’association concernant la mise en œuvre de
l’article 65 relatif à la coordination des régimes de sécurité sociale, ladite décision pourra
prendre en considération les droits suivants :
o
la couverture des membres de la famille des ressortissants tunisiens exerçants dans les
pays de l’UE, résidant en Tunisie ;
o La totalisation des périodes d’assurances accomplies dans l’espace européen et en
Tunisie ;
La question de la couverture sociale des ressortissants européens originaires des pays
non signataires de conventions bilatérales de sécurité sociale.
Par ailleurs, et pour combler les insuffisances constatées dans l’accord d’association en matière de
sécurité sociale et pour dépasser les limites du règlement n° 859/2003 portant extension du règlement
3 «KZIBER c/Office national de l’emploi. Aff. 18/90 » (CJCE du 31 janvier 1991).
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1408/71 aux ressortissants non communautaires notamment en exigeant la condition de résidence, la
partie tunisienne émet le souhait qu’une convention spécifique de sécurité sociale soit conclue en
marge de cet accord, à l’instar de l’accord conclu entre l’UE et l’Etat Helvétique, entré en vigueur
depuis le 1er juin 2002.
Toutes ces propositions vont de paire avec les acquis réalisés par la Tunisie en matière de sécurité
sociale aussi bien au niveau des conventions bilatérales conclues par la Tunisie avec d’autres Etats
(15) dont 9 sont membres de l’Union Européenne et en conformité avec les différents accords
internationaux et les instruments de coordination de l’organisation internationale du travail qu’au
niveau national où la généralisation de la couverture sociale représente un objectif prioritaire dans le
domaine social. De même, elles s’adaptent parfaitement avec les orientations de la nouvelle politique
de voisinage de l’UE.
Une dynamisation des dispositions de l’article 71 e) et f), qui prévoient que les actions portant sur
l’amélioration du système de protection sociale et le système de couverture sanitaire revêtent un
caractère prioritaire, contribuera profondément à l’impulsion du volet social de l’accord d’association.
Le contenu et les modalités de cette coopération seront davantage explicités dans un plan d’action
qui pourrait être établi d’un commun accord.
L’interaction entre les politiques communautaires de migration, de regroupement familial, de
séjour et de visas et la sécurité sociale des ressortissants des Etas tiers peut être envisagée aujourd’hui
avec les offres regroupées de migration émanant des Etats membres intéressés de la main d’œuvre
étrangère et sous l’initiative de la Commission européenne .Cet instrument connu sous le nom de
« partenariat pour la mobilité » pourrait constituer le cadre adéquat pour approfondir ces questions. De
même, l’institutionnalisation du groupe ad hoc de sécurité sociale, crée par le conseil d’association
Tuniso-Européen, comme instance de suivi d’application des dispositions de coordination, va fournir
un cadre propice pour la discussion de ses questions.
Lors de la dernière réunion du mois d’octobre 2010 pour examiner le plan d’action relatif au « Statut
Avancé », la partie européenne a présenté un projet de décision relative à l’application des dispositions
de l’accord d’association sur la coordination des régimes de sécurité sociale qui se limite à une
coordination limitée. En effet, le champ d’application du projet est limité aux travailleurs salariés et se
cantonne à une définition restrictive des prestations de sécurité sociale avec une exclusion des membres
de famille des travailleurs migrants demeurant en Tunisie de toute couverture sociale.
Les experts européens expriment une réserve quant à une éventuelle discussion de nouvelles
dispositions sur la coordination en se référent au principe de subsidiarité qui réglemente la répartition
de compétences entre le bloc communautaires et les attributions revenant aux Etats membres, la
sécurité sociale est une émanation de leur souveraineté. Mais fallait-il ajouter que le souci des
équilibres financiers des régimes de sécurité sociale des Etat membres et le volume des transferts
sociaux sous forme de pensions et prestations familiales expliquent aussi cette réticence européenne.
Section 3. Une coordination régionale embryonnaire
Il convient de signaler que contrairement aux autres regroupements régionaux, il n’existe au niveau
du monde arabe que deux instruments distincts et embryonnaire de protection sociale des
travailleurs migrants. La plus récente qui a été adopté en 2006 par le Conseil de coopération du
Golfe (CCG), c’est la Loi unifiée sur l’extension de la protection sociale aux ressortissants des Etats
membres du CCG qui travaillent dans d’autres Etats membres du CCG". Cette loi a permis d’offrir
une meilleure protection dans le domaine des pensions et de faciliter la mobilité du travail.
Toutefois, son champ d’application personnel restrictif laisse la possibilité de l’étendre aux
travailleurs migrants qui ne sont pas des ressortissants des pays du golfe et qui sont nombreux, plus
que souhaitable, afin de rompre avec cette citoyenneté sociale. Cette extension permettrait aux
travailleurs tunisiens migrants travaillant dans ses pays de s’assurer d’une protection sociale
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adéquate en termes de bénéfices des prestations servies dans leur pays de destination et d’exporter
leurs droits aux prestations de sécurité sociale vers les pays d’origine.
D’un autre coté, Le traité de Marrakech, conclu le 17 février 1989 entre les cinq pays de l’Union du
Maghreb Arabe 4 (UMA) instaurant ce regroupement régional, la sécurité sociale des travailleurs
migrants est conçue comme une garantie pour la libre circulation des travailleurs migrants.
A cet effet, une convention conclue entre les Etats de l'Union du Maghreb Arabe et relative à la
sécurité sociale prévoyant les principes et les règles de la coordination des régimes de sécurité sociale
a été signée le 10 mars 1990. Le manque de ratification a fait obstacle à sa mise en œuvre. La Tunisie
l’a ratifié par la loi no 91-67 du 02/08/1991 le manque de ratification traduit le Coût du « Non
Maghreb » qui freine le processus d’intégration économique de ce
bloc. Les Etats contractants ont
convenu de mettre en œuvre des mesures de coordination appropriées afin de préserver la continuité
des droits à la sécurité sociale des personnes appelées à se déplacer d’un Etat à l’autre au sein de
l’U.M.A pour exercer leur activité.
Le champ d’application personnel a vocation à s’appliquer aux ressortissants de chacun des cinq
pays concernés. Le bénéfice de la coordination concerne toutes les branches de la sécurité sociale à
l’exception du chômage et devrait profiter aux personnes exerçant une activité professionnelle qui peut
être salariée ou indépendante. A l’instar des autres instruments de coordination bilatéral ou
multilatéral, Certaines catégories de travailleurs migrants sont expressément exclues de l’application
de la convention (ex. les apatrides, les réfugiés,…) de même les personnels diplomatiques et
consulaires et le personnel technique et administratif relevant des missions diplomatiques et
consulaires sont mis en dehors de cette coordination compte tenu de leur particularité.
La règle de rattachement selon le pays d’emploi, principe retenu par la convention, est aménagée en
fonction de certaines situations particulières. Le personnel employé habituellement par une entreprise
ayant son siège sur le territoire d’un Etat contractant et détaché sur le territoire de l’autre Etat, reste
soumis à la législation du premier Etat pour une durée d’un an renouvelable avec l’accord des parties.
En application du principe de la conservation des droits acquis et droits en cours d’acquisition, les
pensions de vieillesse, d’invalidité et de survivants sont transférées dans les pays de résidence des
bénéficiaires. Ces droits sont liquidés selon une des deux de modalités suivantes :
Sur la base de la durée d’affiliation auprès de l’institution compétente, ou bien en totalisant, en
cas de besoin, les périodes d’assurance accomplies dans chaque Etat membre.
Algérie, Libye, Mauritanie, Maroc et Tunisie
Par le versement d’un capital payé sur demande de l’intéressé et versé à l’institution du pays
de résidence.
Cependant, si les conditions d’octroi des prestations des assurances maladie – maternité sont
déterminées en application de la législation compétente, le service des prestations familiales est
subordonné à la condition de résidence des enfants sur le territoire du pays compétent.
Les arrangements administratifs auraient pu – si la convention avait été mise en œuvre – résoudre
les difficultés qui pourraient se présenter.
Chapitre 3. Vers une protection sociale des travailleurs migrants tunisiens vulnérables :
travailleurs saisonniers et travailleurs irréguliers
Il est difficile de nos jours de quantifier l’ampleur du phénomène des migrations clandestines partant
de la Tunisie essentiellement vers l’Italie. De par sa nature même, la migration clandestine n’est
(administrativement) observable ni dans le pays d’origine ni dans le pays d’accueil. Elle échappe à
l’enregistrement et à la statistique. Le travail en dehors des cadres institutionnels et des garanties
touchant la condition sociale du travailleur migrant, se nourrit donc de la précarité et de la
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
vulnérabilité de diverses catégories socioprofessionnelles y compris le travailleur migrant à la
recherche d’un revenu de subsistance.
Il n’est guère besoin d’épiloguer sur l’ampleur de migration irrégulière vers l’Italie, d’actualité
brûlante, le nombre des migrants irréguliers qui ont franchi les frontières tunisiennes pour débarquer en
Italie a enregistré plus de 5000 personnes pendant 3 jours durant la période du fin janvier 2011 compte
tenu des circonstances exceptionnelles que traverse la Tunisie suite à la chute du régime de Ben Ali.
Les activités clandestines font partie de stratégies de gestion de la main d’œuvre établies entre la
Tunisie et certains Etats comme la France et l’Italie et se développent le plus souvent dans les secteurs
à fortes fluctuations saisonnières (bâtiment, tourisme, agriculture…).au niveau des relations tuniso-
européennes, c’est un point permanant de l’ordre du jour du groupe mixte chargé de la justice, des
affaires intérieures et de migration clandestine , avec une discussion sans cesse renouvelée sur la
nécessité de conclure un accord de réadmission, une solution difficilement envisageable par la Tunisie.
L’accès à la sécurité sociale des travailleurs tunisiens travaillant et résidant d’une manière illégale
est fortement aléatoire. Les difficultés sont de diverses natures : Pour des raisons physiques, certaines
activités (agriculture) se prêtent mal au contrôle administratif. Ce contrôle peut aussi se heurter à une
interdiction de violation d’un autre droit de la personne en l’occurrence le respect de la vie privée
(activités domestiques) comme il peut être impossible du fait de la mobilité de la main d’œuvre dictée
par la nature saisonnière de l’activité.
Il convient de rappeler qu’aux aux termes de l’article 2 de la convention n° 143 de 1975, les
migrations aux fins d’emploi dans des conditions abusives sont des migrations dans lesquelles les
migrants sont soumis notamment durant leur séjour et leur emploi à des « conditions contrevenant aux
instruments ou accords internationaux, multilatéraux ou bilatéraux, pertinents ou à la législation
nationale ». L’atteinte aux droits des migrants clandestins ou « invisibles » (occupés dans des activités
souterraines) est, pour la communauté internationale, une situation très préoccupante. Le problème est
que les Etats éprouvent des difficultés à se mettre d’accord sur la protection des migrants irréguliers
par des droits sociaux. La régularisation des séjours et l’allocation de prestations sociales pourraient
porter préjudice à la crédibilité des politiques menées par les pays d’accueil en matière de migration.
A cet égard, la convention n°143 de 1975 envisage la protection des travailleurs migrants sur un
même pied d’égalité et ce indépendamment de leur situation légale dans le pays d’immigration. Elle
stipule que « tout membre pour lequel la présente convention est en vigueur s’engage à respecter les
droits fondamentaux de l’homme de tous les travailleurs migrants ». Même en situation irrégulière, le
travailleur migrant bénéficie « … de l’égalité de traitement en ce qui concerne les droits découlant
d’emplois antérieurs en matière de rémunération, de sécurité sociale et autres avantages » (article 9 §1
de la convention n° 143).
Ainsi, La convention n° 143 exige dans son article 3 que tout membre prenne « toutes les mesures
nécessaires et appropriées (…) pour supprimer les migrations clandestines et l’emploi illégal » et fait
appel à la nécessaire collaboration entre pays (de départ, de transit et d’arrivée) en matière de migration.
Pour ce faire, les accords, bilatéraux ou multilatéraux- de migration de la main d’œuvre serait la solution
idéale et surtout préventive des pratiques « vicieuses » d’exportation illégale de la main d’œuvre.
A cet effet, la convention 143 est relayée par la convention internationale sur la protection des
droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille adoptée par l’assemblée
générale dans sa résolution 45/158 du 18 décembre 1990. Cette convention envisage la protection du
travailleur migrant sous l’angle du respect des droits de la personne humaine et, donc, s’applique
indistinctement de la nature du séjour (régulière ou non).
Au niveau de la sécurité sociale, les prestations servies par le pays d’emploi et garanties par les
accords conclus avec les pays émetteurs de main d’œuvre , telle que les indemnités d’aide au retour
prévues au niveau de la convention tuniso-néerlandaise ou le remboursement des cotisations pour les
travailleurs saisonniers, comme c’est le cas de l’accord spécifique conclu en la matière avec l’Italie,
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peuvent favoriser une approche active de réinsertion de cette population dans le circuit économique de
leur pays d’origine.
L’expérience tuniso-italienne, sur la migration ordonnée de la main d’œuvre, est à cet égard riche
d’enseignements. L’offre d’emplois souvent à durée déterminée par le pays d’accueil permet au
travailleur de s’installer régulièrement, et de jouir de tous ses droits. La solution a été mise en œuvre
grâce à un accord bilatéral établi en 2000 réservant un quota d’emplois aux ressortissants de
nationalité Tunisienne dans le cadre d’une émigration « organisée ». Le système de quotas permet de
moduler la migration en fonction des cycles économiques. Cet accord fait renvoi pour la protection
sociale des travailleurs saisonniers à la convention générale conclue entre les deux Etats en matière de
sécurité sociale. Le même accord est reconduit avec la France sous l’appellation d’un accord de
gestion concertée de migration.
La conclusion de tels accords dépend à l’origine des volontés politiques. Il est question de l’intérêt
porté par chaque Etat d’émigration à la protection de ses citoyens résidents à l’étranger et des enjeux
politiques, entourés de motivations socio-économiques, que présentent les travailleurs étrangers dans
les pays d’immigration.
Les perspectives au niveau de l’Union Européenne sont prometteuses, le partenariat pour la
mobilité est un cadre politique pour un dialogue et une coopération renforcés avec le Cap-Vert dans le
domaine de l’immigration ; il se concentre sur les initiatives concrètes des participants. Initialement, le
partenariat a été signé, côté européen, par l’Union européenne, le Portugal, l’Espagne, la France et le
Luxembourg. Les Pays-Bas y ont adhéré plus tardivement. En règle générale, ces initiatives consistent
en une offre spécifique et concrète de dialogue et de coopération de l’Union européenne et de ses États
membres dans les domaines de l’immigration légale, ainsi que de l’immigration et du développement
en échange d’une coopération plus grande des pays tiers dans les domaines de la lutte contre
l’immigration illégale et la réadmission.
Les partenariats pour la mobilité, pour l’instant dans une phase pilote, sont les nouveaux
instruments destinés à donner une expression concrète au partenariat entre l'Union européenne
et les pays tiers pour une gestion commune et responsable des flux migratoires dans l'intérêt
de l'Union, de ses partenaires et des migrants eux-mêmes. Les partenariats pour la mobilité
s'inscrivent également dans le cadre de la mise en œuvre de l’Approche globale développée
par l’Union européenne dans le domaine de la migration. Les initiatives au titre du partenariat
viseront à promouvoir un meilleur cadre pour le mouvement des personnes et la migration
légale, notamment par un renforcement des capacités de l’Etat bénéficiaire à gérer la
migration, par des mesures d'information, d'intégration et de protection pour les migrants et
les personnes en retour, ceci en tenant le plus grand compte de la situation économique et
sociale de ce pays. Ces initiatives viseront également, en particulier, à maximiser les
bénéfices de la migration à des fins de développement et à atténuer les effets négatifs de
l'émigration des travailleurs, notamment des personnes hautement qualifiées, en facilitant la
migration circulaire, le retour et la réintégration de ces personnes. Le partenariat inclut
également des initiatives bilatérales favorisant le transfert des bénéfices de la sécurité sociale,
et des programmes de réintégration durable, d'échange, de formation et de travail temporaire.
Le Cap-Vert et la Moldavie ont été choisis en 2008 comme États pilotes pour l’établissement par
l’UE du partenariat pour la mobilité. Les éléments essentiels figurant dans un partenariat pour la
mobilité type sont :
la gestion de l’immigration légale,
l’immigration et le développement,
la lutte contre l’immigration illégale.
Il va sans dire que le combat légitime de la migration clandestine devrait intervenir dans le respect
du besoin de protection des droits les plus élémentaires du migrant clandestin
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
2éme Partie. La protection sociale des travailleurs tunisiens migrants par le biais des
dispositions légales nationales
Compte tenu des limites objectives des conventions bilatérales de sécurité sociale ci-dessus
examinées, le réseau conventionnel tissé par la Tunisie se trouve complété et renforcée par des
mesures légales nationales qui visent la promotion de la mobilité des travailleurs en conservant le droit
de certaines catégories professionnelles expatriées à la protection sociale.
La portée de ce dispositif se fonde sur deux piliers, un régime horizontal qui offre un filet de
protection sociale aux travailleurs tunisiens à l’étranger(1) et des mesures particulières qui concourent
pour tenir compte de différentes catégories socioprofessionnelles de la communauté tunisienne à
l’étranger (2)
Chapitre 1. La mise en place d’un regime horizontal pour travailleurs tunisiens a
l’etranger
La Tunisie a institué un régime spécifique au profit des travailleurs tunisiens à l’étranger. C’est le
décret n° 89-107 du 10 janvier 1989 qui détermine des catégories couvertes (1) et les prestations
garanties (2).
Section 1. Champs d’application personnel
En application de l’article 2 de la loi n° 60-30 du 14 décembre relative à l’organisation des régimes de
sécurité sociale dans le secteur privé, le décret de 1989 a étendu certaines dispositions de cette loi aux
travailleurs tunisiens à l'étranger.
Ce régime facultatif couvre les travailleurs salariés et non salariés lorsqu’ils sont occupés dans les
pays dont les systèmes de sécurité sociale n’admettent pas l’égalité de traitement entre les nationaux et
les non nationaux et lorsque ces pays ne sont pas liés, à la Tunisie par une convention bilatérale de
sécurité sociale prévoyant les principes directeurs et fondamentaux de coordination des régimes de
sécurité sociale. Par ailleurs, le champ d’application rationne personae dudit régime se trouve
considérablement élargi, par des mesures administratives dérogatoires, à d’autres catégories des
travailleurs expatriés nonobstant, l’existence d’une convention bilatérale de sécurité sociale avec leurs
pays d’accueil. Ainsi, les travailleurs tunisiens non permanents en Libye peuvent adhérer à ce régime
pour recouvrir leur droit à une pension de retraite compte tenu des insuffisances de cet instrument de
coordination qui lient les deux états contractants.
De même et suite aux réserves exprimées par la partie autrichienne quant aux dispositions de
prestations de maladie prévues au niveau de la convention de sécurité sociale conclue avec la Tunisie,
le bénéfice de soins de santé par les travailleurs tunisiens lors d’un séjour temporaire en Tunisie et
suspendu et il n’est ouvert que par une adhésion au régime des tunisiens a l’étranger. La même
opportunité est reconnue aux travailleurs tunisiens migrant ayant la qualité d’un travailleur
indépendants qui ne sont pas couverts par les conventions conclues respectivement avec le Royaume
de Belgique, le Luxembourg, le Maroc, et celles conclues auparavant avec l’Algérie et la France avant
leur révision par de nouveaux accords , dont le contenu est développé ci-dessus.
Section 2. Modalités d’adhésion et taux de financement
L’adhésion à ce régime, peut être effectuée directement par une demande adressée par le travailleur
migrant, à la caisse nationale de sécurité sociale, ou indirectement par l’intermédiaire des
représentations diplomatiques, consulaires ou permanentes de la Tunisie à l’étranger. Compte tenu de
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sa nature facultative, l’adhésion du travailleur tunisien à l’étranger produit ces effets à compter de la
date d’assujettissement si la demande a été introduite dans les 30 jours de celui-ci. Dans le cas
contraire, elle prend effet à compter du premier jour du trimestre en cours à la date de réception par la
caisse nationale de sécurité sociale de la demande d’affiliation. Le taux des cotisations annuelles est
fixé à 13,3% du revenu forfaitaire correspondant à l'une des tranches de revenu choisie par l’assuré en
tenant compte de ses capacités contributives.
Les cotisations se répartissent à raison de :
8,05 % destinés à financer le régime des assurances sociales.
5,25 % destinés à financer le régime des pensions.
Le taux de cotisation est fixé à raison de pourcentage payé à la fin de chaque trimestre. Même si les
cotisations sont à la charge des personnes soumises au dit régime, elles peuvent également être prises en
charge, en tout ou en partie pour le compte du travailleur, par son employeur. Ces cotisations doivent
être payées au moyen de déclaration sur un modèle établi par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale.
Les cotisations sont assises sur un revenu forfaitaire déterminé par affectation du salaire minimum
interprofessionnel garanti (SMIG de régime 48 heures de travail par semaine correspondant a une
durée d’occupation de 2400 heures par an), du coefficient multiplicateur relatif à la tranche de revenu
à laquelle appartient l’assuré.Il y a quatre tranches de revenu.
Les fonds de réserves technique du régime, sous forme d’excédents dégagés au bout de chaque
année, peuvent faire l’objet d’un placement soit à moyen terme, soit à long terme selon le plan
financier établi par le conseil d’administration, en tant qu’organe de délibération de la caisse nationale
de sécurité sociale. Pour assurer sa pérennité financière, le décret instituant ce régime prévoit une
obligation qui incube à la caisse d’effectuer une analyse actuarielle et financière. Si cette analyse
révèle un danger de déséquilibre financière des mesures d’ajustement seront prises notamment par
l’augmentation du taux de cotisation.
Section 3. Les prestations servies
Ce régime de couverture facultatif assure au travailleur migrant tunisien les prestations de court terme,
en l’occurrence les soins de santé, les pensions de retraite lui garantie le bénéfice des prestations
servies à long terme (1), la souplesse dudit régime assure la validation des périodes écoulées
(2) .Toutefois, les limites du régime traduisent une faible attractivité de ce filet social pour le
travailleur tunisien migrant (3).
A. Les prestations servies
a) Soins de santé
Le travailleur tunisien migrant bénéficie lors d’un séjour temporaire dans son pays d’origine ainsi que
les membres de famille demeurant en Tunisie des soins de santé servies par le nouveau régime
d’assurance maladie institué par la loi 2004-71 du 2 Aout 2004. L’assuré social dispose dans son pays
d’origine de se faire soigner auprès des formations hospitalières publiques ou de choisir le recours aux
prestations prodiguées par la médecine de ville dites de libre pratique. Bénéficient également des
prestations du même régime, les membres de famille à charge restés en Tunisie.
b) Les pensions de retraite
Les travailleurs concernés bénéficient des prestations du régime des pensions de vieillesse, d'invalidité
et de survivants. Les périodes d'emploi effectuées à l'étranger par les travailleurs visés par le ce régime
et ayant donné lieu au versement de cotisations, sont comptées pour l'ouverture de droit et la
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
liquidation des pensions de vieillesse, d'invalidité et de survivants comme s'il s'agit des périodes
accomplies en Tunisie.
L’âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse est fixé à 65 ans. Cependant, les intéressés
peuvent demander une pension de retraite à partir de l'âge de 60 ans. Dans ce cas, le montant de la
pension, est réduit de 0,5% par trimestre restant à courir entre leur âge lors du départ à la retraite et
l'âge de 65 ans.

Le taux de la pension de vieillesse est fixé à 30% du revenu moyen de référence, lorsque se trouve
requise la condition de stage (120 mois de cotisations). Toute fraction de cotisations supérieure à 120
mois ouvre droit par période de 3 mois de cotisations supplémentaires à une majoration égale à 0,5%
dudit revenu moyen de référence sans que le montant total de la pension puisse excéder un maximum
de 80% du dit revenu.
L’invalidité ouvre droit à pension d'invalidité dont le taux est fixé à 30% du revenu moyen de
référence lorsque se trouve réalisée la condition de 60 mois de cotisations.
Le montant annuel des pensions de vieillesse ou d'invalidité liquidées ne peut être inférieur à la
moitié du salaire minimum interprofessionnel garanti rapporté à une durée d'occupation annuelle de
2400 heures.
Le montant des pensions en cours de paiement sera révisé en cas de hausse sensible du niveau de vie.
B. Validation des périodes antérieures
Les périodes d'emploi à l'étranger effectuées par les travailleurs concernés avant la date d'entrée en
vigueur de ce régime, si elles n'ont pas été couvertes par un autre régime de sécurité sociale, ont fait
l'objet d'une validation pour la retraite, moyennant le versement par la personne intéressée des
cotisations correspondantes sur la base du taux global exigé par ce régime.
La demande de validation doit être présentée accompagnée des pièces justificatives des périodes
d'emploi objet de la validation, dans un délai de deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur du
présent décret.
Ce délai a été prorogé à deux reprises en 1990 et en 1991.Toutefois, les délais impartis pour
la validation et le coût estimé élevé par les assurés sociaux, ont empêché de régulariser les
demandes en cours.
C. Faiblesses du régime et propositions d’actions
La population assujettie à ce régime dépasse largement les 100 milles travailleurs tunisiens à l’étranger
qui sont occupés dans des Etats qui ne sont pas liés à la Tunisie, par une convention internationale de
sécurité sociale. A titre d’illustration, le nombre des tunisiens occupés dans les pays scandinaves est à
l’ordre de 11180 personnes, ils sont dépourvus de toute couverture au titre d’une convention bilatérale
de sécurité sociale avec les pays d’accueil. Le taux d’affiliation ne dépasse pas toutefois, 2 % de cette
population (soit 2370 en 2009).
Conscients de la faible attractivité de ce régime, le ministère des affaires sociales de la solidarité et
des tunisiens à l’étranger, en étroite collaboration avec les représentations diplomatiques et consulaires
à l’étranger a procédé , en 2008, à un sondage d’opinions auprès d’un échantillonnage représentant les
travailleurs tunisiens à l’étranger(1000 personnes) pour détecter les sources de faiblesse de leur
adhésion. Parmi les motifs exprimés, les tunisiens interrogés soulignent le manque d’informations
concernant les avantages offerts par ce régime de protection sociale à l’étranger, la nécessité d’une
meilleure simplification des procédures et l’absence de prise en charge des soins de santé prodigués
dans le pays d’accueil. De plus, il s’agirait également d’ajouter la nécessaire extension du champ
d’application personnel de ce régime afin qu’il englobe tout simplement tous les tunisiens à l’étranger
à l’instar du régime des français à l’étranger. Les bénéficiaires des allocations de chômage dans leur
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pays de résidence et les travailleurs dans le secteur informel pourraient s’affilier moyennant une
adaptation des modalités d’affiliation et notamment les conditions requises pour la reconnaissance de
qualité d’assuré social en atténuant le caractère professionnel des régimes de sécurité sociale en
Tunisie vers l’instauration d’une couverture sociale à la carte.
De même, le développement d’une protection sociale de proximité exige de revoir les procédures
d’affiliation et les modalités du paiement des cotisations. La télédéclaration et le télépaiement des
cotisations selon une périodicité mensuelle, trimestrielle, semestrielle ou annuelle peuvent laisser une
grande souplesse pour les travailleurs tunisiens à l’étranger, compte tenu de leur réalité
socioprofessionnelle.
L’expérience jordanienne en la matière peut être utile dans la mesure où l’affiliation et la
sensibilisation de la population expatriée s’effectue à travers l’institution des ambassadeurs de sécurité
sociale dans les différents pays accueillant une main d’œuvre jordanienne.
Par ailleurs, les classes de revenu servant de base pour le calcul de cotisations doivent être élargies
à l’instar du régime égyptien qui se compose de 20 tranches de revenu donnant, ce qui offre une plus
grande latitude aux assures sociaux pour choisir la classe correspondante à leurs revenus.
Chapitre 2. Un dispositif diversifié et complémentaire de protection sociale des
travailleurs tunisiens migrants
Une panoplie des régimes de couverture sociale sectorielle a été mise en place couvrant une
réalité socioprofessionnelle diversifiée des travailleurs tunisiens migrants à l’étranger. Les agents
publics exerçant leur mission à l’étranger bénéficient aussi d’une couverture médicale appropriée
(section première).
Section 1. Régime de couverture sanitaire des agents publics exerçant leurs fonctions à l’étranger
A. Champ d’application personnel
Les régimes de prévoyance sociale institués pour les agents publics s'appliquent aux agents relevant du
Ministère des Affaires Etrangères adhérents à la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale
et exerçant leurs fonctions à l'étranger auprès des missions diplomatiques, permanentes et consulaires.
Pour combler un vide juridique qui s’adapte mal aux nouvelles formes de mobilité des agents publics à
l’étranger telle que la présence des agents des entreprises publiques occupées dans leurs
représentations à l’étranger, le champ d’application de ce régime a été également étendu en date du 24
Août 2009 aux agents publics affiliés à la caisse nationale de sécurité sociale, exerçant leurs fonctions
à l’étranger. Ce régime intervient au cas où ces personnes ne sont pas couvertes par un régime
obligatoire de couverture sanitaire dans leur pays de résidence et ne relevant pas du ministère des
affaires étrangères. Elles peuvent bénéficier du régime de couverture sanitaire sur la base de
conventions conclues entre leurs employeurs et la caisse nationale d’assurance maladie.
Le régime de couverture sanitaire fixé par le régime s’applique aux membres de famille de l'agent
exerçant ses fonctions à l’étranger résidant avec lui et ne bénéficiant pas de régime obligatoire de
couverture sanitaire dans leur pays de résidence ci après cités :

Le conjoint non divorcé et ne bénéficiant pas d’une couverture légale obligatoire contre la
maladie.
Le conjoint mis en disponibilité spéciale et résident de manière permanente avec l’agent
exerçant ses fonctions à l’étranger.
Les enfants à charge indiqués ci dessous :
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
o Les enfants mineurs à condition qu’ils ne bénéficient pas d’une couverture légale
obligatoire contre la maladie.
o La fille quelque soit son âge tant que son obligation alimentaire n’incombe pas à son
époux ou tant qu’elle ne dispose pas de source de revenu.
o Les enfants portant un handicap les rendant incapables d’exercer une activité rémunérée
et qui ne bénéficient pas d’une couverture légale obligatoire contre la maladie.
Les ascendants à charge à condition qu’ils ne soient pas soumis à titre principal à une
couverture légale obligatoire contre la maladie.
Toutefois, il convient de souligner le faible taux d’adhésion à ce régime qui ne dépasse pas 10 ,
au titre du régime facultatif, de l’ensemble des agents publics occupés dans missions diplomatiques,
permanentes et consulaires. Cette faiblesse d’attractivité est due, selon la population assujettie, au taux
de cotisations élevés et les limites du périmètre des soins remboursables par rapport au coût réel de
soins de santé supporté dans leur pays d’emploi. L’adoption d’un tableau de remboursement des
prestations de soins selon un taux variable en fonction d’une répartition géographique pourrait
constituer une mesure d’impulsion du taux d’affiliation.
B. Cotisations
Le financement du régime obligatoire est assuré par une cotisation de 2 % de la rémunération brute
servie à l'étranger à la charge des agents et une cotisation d'égal montant à la charge de l'Etat. Par
ailleurs, le financement du régime facultatif est assuré par une cotisation supplémentaire des agents et
une cotisation égale de l'Etat fixée à 3% de la rémunération brute servie à l'étranger. Les frais indiqués
sont payés par les missions diplomatiques permanentes et consulaires et inscrits en avances autorisées
aux services hors budget ; ces dépenses sont régularisées par :
Des remboursements effectués par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) sur
présentation des justificatifs par voie de virement aux comptes courants bancaires des missions
diplomatiques, permanentes et consulaires
Des retenues mensuelles effectuées sur les traitements des agents intéressés à condition que
ces retenues ne dépassent pas 20% de leur rémunération.
Les frais avancés sont payés par les agents intéressés et remboursés par la CNAM sur présentation
de justificatifs par voie de virement à un compte courant ouvert dans la banque de l'affilié en Tunisie
ou dans le pays d'affectation à l'étranger. Compte tenu du coût élevé des prestations de soins dans leur
pays d’emploi comparé aux cotisations prélevées sur le salaire brut et au tableau des soins
remboursables, les agents exerçant leur mission à l’étranger hésitent.
C. Contenu du régime :
Ce régime est composé des deux piliers assurant la prise en charge des soins de santé servis aux agents
publics exerçant à l’étranger.
a) Régime obligatoire
La Caisse nationale d’Assurance Maladie (CNAM) rembourse à concurrence de 90% des dépenses les
frais de soins engagés dans le cadre d'une longue maladie ou d'une intervention chirurgicale et ce après
avis d'une commission compétente qui siège au niveau de la CNAM. En cas d'urgence dûment établie,
l'hospitalisation est autorisée par le ministre des Affaires Etrangères et le dossier est communiqué à la
commission citée ci-dessus pour avis médical
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b) Régime Facultatif
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La Caisse Nationale d’Assurance maladie (CNAM) rembourse au profit des agents ayant opté pour le
régime facultatif les frais de soins à concurrence de 80% des frais engages par les bénéficiaires pour
les consultations et visites, les actes de pratique courante, les actes des sages-femmes et d'auxiliaires
médicaux, les actes de biologie et de radiologie, les soins dentaires et les produits pharmaceutiques et
les frais de séjour dans les centres n'entrant pas dans le cadre d'une hospitalisation.
Section 2. La couverture sociale des agents exerçant dans le cadre de la coopération technique
A. Catégories couvertes
La coopération technique occupe une place de choix dans la politique générale des pouvoirs publics
compte tenu de sa contribution dans la promotion des ressources humaines, le développement et
l’exportation de l’expertise tunisienne et sa participation active dans la consolidation des acquis
économiques et sociaux du modèle du développement du pays. Principalement, la coopération
technique couvre les pays du Golf qui compte prés de 80% des 8000 agents exerçant des activités à
l’étranger. De point de vue juridique, le coopérant technique est considéré comme un agent public en
exercice se trouvant dans une situation de détachement auprès d’un organisme public, en l’occurrence,
l’Agence Tunisienne de Coopération Technique compétente en matière de placement des compétences
tunisiennes à l’étranger.
Les agents publics exerçant dans le cadre de la coopération technique bénéficient des mêmes
prestations de pension, d’invalidité et de survie accordées, en Tunisie, aux affiliés de la Caisse
Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS) et de la Caisse Nationale de Sécurité
Sociale(CNSS).
Les agents de la coopération technique bénéficiaires d’un autre régime de sécurité sociale prévu par
des conventions internationales bilatérales de sécurité sociale ou multilatérales ne sont pas concernés
par cette couverture
B. Calcul des cotisations et modalités de paiement des cotisations
Pour les agents ayant une rétribution inférieure au double de celle qu’ils recevaient avant leur
détachement, les contributions au titre des régimes de couverture sociale sont calculées comme suit :
REGIMES
Retraite
Capital-décès
Contributions de
l’agent

8,20 %
1 %
Contributions à la charge
de l’Etat

11,50 %
0%
Toutefois, Si la rétribution dans le pays d’accueil st supérieure ou égale au double de celle qui était
obtenue en Tunisie avant le détachement, les contributions au titre des régimes de couverture sociale
seront calculées comme suit :
REGIMES
Retraite
Capital-décès
Contributions de l’agent
19,7 %
1 %
Les cotisations à la charge de l’agent sont payées selon son choix soit par anticipation, soit à leurs
échéances d’une manière périodique, mensuellement, trimestriellement et, le cas échéant, au terme de
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
chaque année d’activité effective de l’affilié, et ce, sur la base des taux appliqués à leurs homologues
en activité en Tunisie.
En cas de non paiement de ces cotisations aux échéances prévues, sont appliquées les dispositions
de la loi, instituant un régime unique de validation des services au titre des régimes de retraite,
d’invalidité et de survivants susvisée.
La caisse de sécurité sociale concernée établit un décompte annuel des cotisations afférentes à la
période de détachement qui sera transmis au ministère chargé de la sécurité sociale et au ministère
chargé du budget de l’Etat, ainsi qu’à l’agent détaché dans le cadre de la coopération technique. A titre
transitoire, les périodes de détachement exercées dans le cadre la coopération technique avant l’entrée
en vigueur de ce régime ont pu être régularisées sur la base d’une demande écrite déposée auprès de la
caisse de sécurité sociale concernée dans un délai d’un an à partir de la date de publication du texte
organisant ce régime, ledit délais a été prorogé de reprises, la dernière date du 23 juillet 2007.
L’agent concerné supporte le paiement de la totalité des cotisations au titre de cette régularisation,
et ce, pour les périodes antérieures à la publication de la loi n° 88-8 du 23 février susvisée.
C. Prestations servies
Les agents concernés maintiennent d’office leur affiliation au régime de retraite et d’invalidité auquel
ils appartenaient avant leur détachement. Leurs établissements d’origine sont tenus d’adresser à la
caisse de sécurité sociale à laquelle ils sont affiliés une copie de la décision de leur détachement dans
un délai n’excédant pas un mois à partir de la date de sa signature. Toutefois, ils peuvent maintenir
leur affiliation au régime de prévoyance (soins de santé) sociale d’origine en vertu d’une demande
écrite présentée à la caisse de sécurité sociale à laquelle ils sont affiliés.
L’exclusion de remboursement des frais de soins prodigués à l’étranger et le faible taux de
remboursement selon les tarifs en vigueur pour les soins reçus lors d’un séjour temporaire en Tunisie ,
expliquent le faible taux d’adhésion à ce régime qui ne dépassent pas les 3% de la population
concernée, selon les estimations des services compétents de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie,
pour 2010. Les agents concernés et leurs ayants droit continuent de bénéficier des prestations du
régime de prévoyance sociale auquel sont affiliés ces agents. Le droit au bénéfice des prestations
demeure tributaire du paiement effectif de toutes les cotisations dues.
L’agence tunisienne de coopération technique doit faire parvenir à la caisse de sécurité sociale
concernée un dossier comportant une demande de régularisation accompagnée d’une attestation
indiquant le dernier salaire perçu par l’agent en Tunisie et d’une copie de son contrat de travail ou
d’une attestation indiquant son salaire global délivrée par son employeur à l’étranger.
Section 3. Mise en disponibilité spéciale
La mise en disponibilité spéciale est la position administrative dans laquelle l'agent est placé, sur sa
demande, en congé non rémunéré et ce par suite de la mutation de son conjoint fonctionnaire à
l'intérieur du territoire de la république ou son affectation pour exercer à l'étranger.
A. Champ d’application personnel
Peut bénéficier d'une mise en disponibilité spéciale tout agent relevant :
de l'Etat et des collectivités locales,
des établissements publics à caractère administratif,
des établissements publics à caractère non administratif,
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des sociétés dont le capital appartient en totalité à l'Etat, aux collectivités locales ou aux
entreprises publiques et dont les statuts particuliers prévoient des dispositions permettant la
possibilité de la mise en disponibilité spéciale de leurs agents.
L’exclusion des agents exerçant dans le secteur privé du bénéfice des dispositions réglementaires
régissant la situation de la mise en disponibilité spéciale est due à l’inexistence d’une disposition
pareille dans le code du travail, ce qui prive une tranche de cette population exerçant à l’étranger d’une
couverture sociale appropriée.
B. Prestations garanties
Les dispositions permettent aux agents, mis en position de disponibilité spéciale, de continuer de
bénéficier des prestations prévues par les différents régimes de sécurité sociale tout en supportant les
contributions mises à leur charge au titre de ces régimes.
En cas de non paiement de ces contributions totalement ou partiellement, après expiration de la
période de mise en disponibilité spéciale ou pour cause de décès, la régularisation s'effectue d'office
par le recouvrement des sommes dues au profit de la Caisse par voie d'opposition sur le salaire de
l'affilié et le cas échéant, sur la pension de retraite ou de réversion et le capital décès.
C. Modalités d’affiliation
L'organisme employeur doit transmettre une copie de la décision de mise en disponibilité spéciale à la
CNRPS dans un délai maximum d'un mois à partir de la date de sa signature par le Premier Ministre.
Durant la période de mise en disponibilité spéciale, il doit, obligatoirement, continuer de verser
régulièrement et dans les délais, les contributions mises à sa charge au titre du régime de sécurité
sociale auquel l'agent est assujetti, à l'instar des agents en activité.
Dès réception de la décision de mise en disponibilité spéciale, la Caisse d’affiliation d’origine fixe
le montant des contributions mises à la charge de l'agent. Ce montant lui est communiqué
trimestriellement par le biais d'un décompte détaillé des contributions en question. Les contributions
sont payées, d'une façon périodique et régulière, selon le choix de l'agent, soit aux échéances prévues,
soit par anticipation. L'agent mis en disponibilité spéciale peut verser lui-même les contributions lors
de son séjour en Tunisie ou par virement bancaire ou postal. Il peut également charger une tierce
personne résidente en Tunisie de verser directement le montant des contributions au centre régional ou
local de la Caisse le plus proche de son lieu de résidence.
Pour les contributions de l'employeur, l’organisme employeur est tenu de régler le montant des
contributions mises à sa charge au titre d'une période de mise en disponibilité spéciale, intégralement,
et en une seule fois, à l'échéance qui lui est indiquée dans l'avis de paiement établi par la CNRPS .
Pour les contributions de l'affilié, la possibilité de régler le montant de ses contributions soit
intégralement, soit par des retenues à la source sur 36 mois ou à raison de 20% de salaire.
Il convient de signaler que les retraités et les ayants droit ont la possibilité de régler le montant de
leurs contributions soit intégralement soit par des retenues à la source sur 36 mois, ou à raison de 20%
de la pension.
Section 4. Protection sociale des travailleurs migrants tunisiens placés à l’étranger
Les législations nationales ont généralement mis en place des dispositifs pour notamment essayer
d’enrayer le phénomène du travail irrégulier des immigrés. Ces dispositifs, nés en conformité avec les
normes internationales sont axés sur l’encouragement de placement de main d’œuvre nationale à
l’étranger. Il en est ainsi de l’exemple du droit tunisien qui se fonde sur des conventions de gestion
concertée des travailleurs migrants et une mesure nationale récemment publié (Décret n° 2010-2948
du 9 novembre 2010), fixant les conditions, les modalités et les procédures d'octroi de l'autorisation
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Protection sociale des travailleurs - Tunisiens migrants : examen critique des dispositifs nationaux et internationaux
d'exercice par des établissements privés d'activités de placement des travailleurs tunisiens à l'étranger.
Ces établissements privés sont chargés de prospecter les opportunités de placement à l'étranger,
d'œuvrer à leur satisfaction et d'entreprendre toutes activités y afférentes. Les activités des
établissements privés de prospection des opportunités de placement à l'étranger consistent à :
Prospecter les opportunités de placement à l'étranger et œuvrer à leur satisfaction,
Fournir des services personnalisés au profit des candidats à un emploi à l'étranger dans le
domaine de l'élaboration des curriculum vitae et en matière de techniques de recherche d'emploi,
Organiser des sessions de préparation, d'adaptation, d'encadrement et d'accompagnement au
profit des candidats à l'emploi à l'étranger dans les domaines linguistique, social, et de
l'assistance à l'intégration professionnelle, culturelle et sociale dans les pays d'accueil,
Organiser des rencontres visant le rapprochement entre les offres et les demandes de
placement à l'étranger,
Organiser des examens, des concours, des campagnes de présélection ou de sélection finale, des
entretiens ou des discussions avec des sociétés établies à l'étranger ou de leurs représentants, et
ce en Tunisie, à l'étranger, ou en utilisant les moyens de communication à distance,
Réaliser des études et des consultations en matière de placement à l'étranger.
Comme garanties offertes aux candidats, ce texte ajoute que l'établissement privé de prospection
des opportunités de placement à l'étranger est tenu de traiter tous les candidats à un emploi à l'étranger
ayant recours à ses services, sans aucune discrimination de quelque nature que ce soit.
De même le contrat de placement à l'étranger doit comprendre notamment ce qui suit :
des données concernant l'employeur,
des données concernant l'employé,
la durée de travail objet du contrat,
la rémunération nette et autres avantages,
la couverture sociale qui doit être conforme à la législation du pays concerné.
La mention obligatoire de la couverture sociale est une garantie fondamentale qui favorise le
placement à l’étranger, cependant l’exigence de la conformité à la législation de sécurité sociale du
pays d’emploi comme choix exclusif est malheureuse parce que le travailleur peut être en situation de
détachement et garde donc l’assujettissement à la sécurité sociale du pays d’origine surtout si la durée
du contrat est déterminée dans le temps, ce qui lui assure une unicité de carrière en termes de périodes
de cotisations.
De même, l’employeur du travailleur migrant peut choisir de s’affiler auprès d’un régime de
sécurité sociale d’un Etat tiers s’il existe un accord international conclu entre son pays d’origine et
l’Etat du lieu d’exercice de l’activité prévoyant cette situation. La nécessaire conformité à la
législation du pays concerné peut être préjudiciable au travailleur migrant en cas d’asymétrie du
niveau de protection sociale dans le pays d’emploi comparativement avec celui en vigueur dans son
pays d’origine.
Une échelle de sanction est prévue pour les infractions qui seront commises par ses bureaux de
placement. En cas de non respect des dispositions du présent décret, le ministre chargé de l'emploi
peut, après avis d’une commission spécialisée et après avoir entendu le représentant légal de
l’établissement concerné. Par ailleurs, il convient de noter que la Tunisie a conclu deux conventions de
gestion concertée de migration avec l’Italie et la France .Les deux conventions prévoient expressément
des dispositions sur la couverture sociale des travailleurs saisonniers ;
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Section 5. La protection sociale des travailleurs migrant par le biais d'un système unique de validation
des services au titre des régimes légaux de vieillesse, d'invalidité et de survivants
Il est institué un système unifié de validation des services applicable à tous les assurés sociaux relevant
d'un régime légal de sécurité sociale (
Loi n°(cid:31)95-105 du 14 décembre 1995). Le système prévu
s'applique également aux régimes complémentaires de pensions gérés par une caisse de sécurité
sociale. Il consiste à racheter, dans les conditions prévues par la présente loi, des périodes assujetties à
un régime de sécurité sociale qui n'ont pas donné lieu à déclaration ou à cotisation. Lesdites périodes
sont jointes aux années normalement cotisées pour la constitution des droits à pension de vieillesse,
d'invalidité et de survivants ou pour la liquidation desdites pensions.
Sont susceptibles d'être validées selon les modalités qui seront fixées par décret et à la condition
qu'elles n'aient pas été déclarées ou donné lieu à cotisation au titre d'un régime de sécurité sociale :
Les périodes effectives d'activité rémunérées assujetties au titre du régime de sécurité sociale
auprès duquel est sollicitée cette validation.
Les périodes exercées à l'étranger dans le cadre de la coopération technique.
Les périodes de mise en disponibilité spéciale.
La validation des périodes mentionnées à l'article 2 ci-dessus est effectuée sur demande écrite de
l'assuré social ou l'un de ses ayants droit, auprès de l'organisme de sécurité sociale dont relèvent
légalement les périodes à valider. La validation est effectuée moyennant le paiement effectif par le
postulant d'une cotisation dont le taux varie en fonction de l'âge de l'assuré à la date de la demande
selon le barème ci-après :
Age du postulant
Taux de cotisation
jusqu'à 24 ans
de 25 à 29 ans
de 30 à 34 ans
de 35 à 39 ans
de 40 à 44 ans
de 45 à 49 ans
de 50 à 54 ans
55 ans et plus
23 %
24 %
25 %
27 %
28 %
29 %
31 %
32 %
Les cotisations sont calculées sur la base du salaire ou revenu mensuel fixé conformément aux
règles prévues par le régime de retraite au titre duquel la validation est effectuée pour la détermination
du salaire ou revenu de référence pris pour le calcul de la pension comme si le demandeur de
validation ouvrait droit à pension à la date de sa demande. Au cas où il ne serait pas possible
d'appliquer la règle énoncée au paragraphe précédent, les cotisations sont calculées sur la base du
dernier salaire ou revenu perçu par l'intéressé avant la date de dépôt de la demande de validation.
Les sommes dues au titre de cette validation sont calculées en multipliant le taux de cotisation par
le salaire de référence rapporté à la durée de la période à valider. La validation n'est prise en compte
dans l'ouverture des droits à pension ou leur liquidation qu'après paiement de l'intégralité du montant
dû. S'il n'est versé qu'une partie de ce montant, la validation n'est prise en compte qu'au prorata des
sommes effectivement versées. Le postulant ou ses ayants droit peuvent demander que le montant de
la validation soit retenu par tranches mensuelles sur la pension ou la rémunération perçue à condition
que l'échéancier consenti ne dépasse pas les 36 mensualités.
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Section 6. Transferts migratoires et impacts à l'échelle nationale et régionale
Les retombées économiques de l’émigration présentent des enjeux considérables, particulièrement
pour les pays et les régions de départ.
Les impacts des envois de fonds des résidents nationaux à l’étranger (appelés aussi « remises
migratoires ») sont visibles et quantifiables à différents niveaux de la vie économique et dans
différents secteurs d’activité. Ce qui se vérifie au niveau national et dans les régions natales, aussi bien
à l’échelle macroéconomique en contribuant à l’absorption des pressions pesant sur la balance des
paiements, part dans les rentrées de devises, effets directs et indirects, sur le long comme sur le court
ou moyen terme.
Ainsi, La comptabilité de la Banque Centrale de Tunisie (B.C.T.) situe le volume des transferts des
revenus du travail effectués pour le premier semestre 2010 pour la période couvrant le 11éme plan de
développement ( 2007-2009) à 7266 millions de dinars soit 4,4% du PIB avec une régularité constatée
malgré les retombées de la crise économique internationale .
Ces transferts représentent 91% des revenus de facteurs. Ils se placent toutefois au troisième rang,
avec 8,8% des recettes courantes, précédés par les exportations de marchandises (au premier rang)
puis par les recettes touristiques (deuxième rang). Au cours de cette même année, les transferts
migratoires représentent plus de la moitié (57,2%) des recettes touristiques.
Sur le plan microéconomique les transferts des migrants contribuent à la création d’emploi et le
développement de l’entreprenariat, les atouts de tout un cercle vertueux concourent pour améliorer le
niveau de vie et les modes de consommation des ménages et pour promouvoir les activités
économiques régionales.
Les remises migratoires de la communauté tunisienne installée à l’étranger qui ont ,semble-t-il,
permis à la balance tunisienne des paiements de franchir le cap des fortes tensions qui avaient failli
l'ébranler et avec elle, toute l'économie tunisienne(baisse de 30 à 40 % des recettes touristiques, baisse
des investissements directs étrangers, l'aggravation du chômage, surtout chez les jeunes et les
diplômés, l'effet du démantèlement tarifaire sur les recettes courantes et des effets de libéralisation des
échanges …).
Cependant, il convient de signaler qu’une partie des transferts périodiques sous forme de
cotisations trimestrielles, semestrielles ou annuelles s’effectue auprès de la Caisse Nationale de
Sécurité sociale(CNSS), par les travailleurs migrants tunisiens au titre de leur adhésion au régime
facultatif de couverture sociale des travailleurs tunisiens à l’étranger occupé dans le secteur
privé .Cette affiliation audit régime leur assure ainsi que les membres de leur famille demeurant en
Tunisie, une protection sociale pour les soins de santé et les autres risques à long terme ( retraite,
pensions de survivants). De même, les agents détachés à l’étranger dans le cadre de la coopération
technique maintiennent leur affiliation au régime national de couverture sociale moyennant le
paiement des cotisations dues à la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS).
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