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DROIT CIVIL
FASCICULE DE COURS
Contrats spéciaux
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Table des matières
Introduction générale ..................................................................................................................................... 3
Titre I : LA VENTE ............................................................................................................................................ 8
Titre 2 : Le bail ........................................................................................................ Erreur ! Signet non défini.
Titre 3 : Le prêt ....................................................................................................... Erreur ! Signet non défini.
Titre 4 : Le contrat d’entreprise ............................................................................. Erreur ! Signet non défini.
Titre 5 : Le mandat ................................................................................................. Erreur ! Signet non défini.
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Introduction générale
Il existe un droit commun des contrats au sein du Code civil et qui s’applique à tous les contrats,
qu’ils soient spéciaux ou pas. Le droit des contrats spéciaux est un droit en plus de ce droit
commun. Il est notamment parfois générateur de règles dérogatoires à celles communes à tous
les contrats. En effet, certains contrats, spéciaux, sont soumis à un régime juridique propre, en
plus des règles d’ordre public communes à tous les contrats.
En ce sens l’article 1105 «
les contrats, qu'ils aient ou non une dénomination propre, sont
soumis à des règles générales, qui sont l'objet du présent sous-titre. Les règles particulières à
certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d'eux. Les règles
générales s'appliquent sous réserve de ces règles particulières
» (art. 1105 du C. civ.).
Il s’agit en réalité d’un droit spécial des contrats, voire de plusieurs droits spéciaux des contrats.
L’évolution est d’ailleurs à la multiplication des régimes spéciaux.
Au sein du Code civil, certains contrats spéciaux sont régis comme la vente, le bail ou le dépôt.
Mais d’autres Codes contiennent des dispositions relatives à des contrats spéciaux tels que le
Code de la consommation ou de commerce.
Certains contrats spéciaux sont également issus de la pratique comme les avant-contrats avant
d’être codifiés par la réforme du droit des contrats du 10 février 2016.
La jurisprudence est elle aussi une source incontournable en matière de contrats spéciaux.
En droit français, la volonté étant au centre du contrat, on compte, à condition de ne pas déroger
à l’ordre public, autant de contrats spéciaux que l’on peut exprimer de volontés (art. 1102 du
C. civ.).
Il existe par ailleurs un mouvement de spécialisation des contrats spéciaux. En effet, les contrats
spéciaux contenus dans le Code civil connaissent un phénomène de spécialisation par des lois
propres. L’étude du droit des contrats spéciaux ne peut donc être exhaustive. Il faudra ici se
limiter aux contrats spéciaux les plus fréquents et contenus dans le Code civil.
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Chapitre 1 : Classification et qualification
Les contrats sont soit nommés soit innommés (Section I). Les contrats doivent également
pouvoir être qualifiés (Section II).
Section I - Contrats nommés et contrats innommés
« Les contrats qu’ils aient ou non une dénomination propre sont soumis à des règles générales
qui sont l’objet du présent sous-titre » (art.
1105 du C. civ.1). Les contrats peuvent être nommés
une dénomination propre ») ou ne pas l’être (ce sont les contrats dits innommés).
Les contrats sont nommés quand ils sont désignés et règlementés par la loi. Ils sont
explicitement visés et ont un corps de règles propres. Celles-ci peuvent être supplétives de
volonté (et donc faire office de modèle proposé aux parties mais qu’elles peuvent écarter) ou
être d’ordre public.
Certains contrats sont considérés comme nommés alors même qu’il n’existe pas de texte
législatif mais la pratique les a nommés. Un cadre juridique va ainsi se dégager : ex : le bail à
nourriture.
Parfois il sera question de savoir quelles sont les règles qui priment et qui s’appliquent au
contrat soumis.
Les contrats innommés ne sont, à l’inverse, pas envisagés par le législateur. Ce sont alors des
contrats dont il faudra rechercher le régime juridique applicable.
Section II : L’opération de qualification du contrat
La qualification est l’opération essentielle de cette matière. En qualifiant le contrat, on saura
quelles règles lui sont applicables.
Le juge, qui n’est pas tenu par la qualification donnée par les parties, doit requalifier le contrat.
A ce titre, la Cour de cassation exerce un contrôle sur la qualification retenue par les juges du
fond.
La qualification peut conduire à rattacher le contrat à un autre contrat connu, donc nommé et
de façon exclusive : pour ce faire les juges, en interprétant la volonté réelle des parties,
déterminent quelle était la prestation principale, l’obligation caractéristique du contrat.
La qualification peut aussi suivre une autre méthode qui consiste à rattacher le contrat à
plusieurs contrats nommés. Il s’agit d’une
qualification distributive ou mixte. Le contrat est
ainsi soumis à différents corps de règles en même temps, soit de façon chronologique, soit de
façon simultanée.
1 Article 1107 ancien : « Les contrats, soit qu'ils aient une dénomination propre, soit qu'ils n'en aient pas, sont soumis à des
règles générales, qui sont l'objet du présent titre »
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Enfin, le contrat peut être considéré comme un contrat sui generis, faute d’avoir réussi à trouver
à quel contrat nommé le rattacher. Si la qualification de contrat sui generis l’emporte, le contrat
aura alors un statut propre élaboré par la jurisprudence et la pratique en procédant notamment
par analogie pour lui appliquer certaines règles inspirées de contrats nommés voisins. On
applique dans ce cas les règles du droit commun des contrats.
La qualification de contrat sui generis peut parfois être recherchée par les parties (ou l’une
d’entre elles) dans le but d’échapper à certaines règles d’ordre public se rattachant à un contrat
nommé.
Par exemple : Soc. 4 avril 2012, 10-28818 et 10-28819 : arrêts « ’île de la tentation ».
La société de production de l’émission de jeu de téléréalité invoquait une qualification
de contrat sui generis ou de jeu afin d’échapper à certaines obligations propres au contrat
de travail. La Cour de cassation approuve toutefois la Cour d’appel d’avoir requalifié
les contrats des candidats de l’émission de télé-réalité en contrat de travail et, par
conséquent, de leur appliquer les règles propres à la matière.
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Chapitre 2 : Exemples de contrats sui generis
On illustrera ici par deux contrats issus de la pratique les difficultés de qualification. Certains
contrats ne se rattachent en effet que difficilement, voire pas du tout à des qualifications connues
contractuelles. On parle alors de contrats
sui generis.
On envisagera le contrat dit de « coffre-fort » (section 1) et le contrat de déménagement (section
2).
Section I : Le contrat de « coffre-fort »
Lorsqu’une banque met à disposition de ses clients un coffre-fort en location, on parle de contrat
de « coffre-fort ». Or, est-ce vraiment un contrat de location, un bail en d’autres termes ? Cela
est discutable puisque, dans le contrat de coffre-fort, le client ne jouit pas paisiblement de la
chose. Il ne peut en effet pas avoir l’usage de son coffre quand il le souhaite mais uniquement
lorsque la banque le lui permet.
La qualification de contrat de bail a donc été écartée (Com. 11 octobre 2005, n°03-10975).
Est-ce alors un contrat de dépôt ? Ici encore certains éléments caractéristiques du dépôt font
défaut. Aucune remise des objets n’est à proprement parler faite en mains propres au banquier.
Le client place directement ses affaires dans le coffre, sans que le banquier ne puisse en avoir
connaissance. Il manque donc l’élément essentiel à la qualification de dépositaire qui reçoit
véritablement la garde des affaires de son cocontractant.
Le contrat de coffre-fort apparaît donc comme un contrat innommé.
Section II : Le contrat de déménagement
Le contrat de déménagement est très souvent fait d’une prestation de transport. Il peut aussi
avoir pour objet un élément qui se rattacherait au contrat d’entreprise : une prestation de service
qui consisterait dans le fait d’emballer les objets ou encore de les démonter.
Or, le contrat de transport est une espèce particulière de contrat d’entreprise (
articles 1710 et
1778 du Code civil
).
Si le contrat de déménagement est rattaché au contrat de transport, il faut observer que le Code
de commerce contient des dispositions relatives au transport terrestre par la route, notamment
une prescription spéciale d’un an à
article L 133-6.
Après avoir usé de la règle de l’accessoire pour qualifier le contrat de déménagement, la Cour
de cassation a semblé opter pour une qualification unique exclusive : « le contrat de
déménagement est un contrat d’entreprise qui se différencie du contrat de transport en ce que
son objet n’est pas limité au déplacement du mobilier » (
Com. 11 juin 2002, n° 00-11.592). Il
faut entendre par là que le service fourni est un service complexe ne se limitant pas au seul
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transport. Cela signifierait donc que sont exclues les dispositions spécifiques du Code de
commerce relatives au contrat de transport terrestre.
Ainsi, « le contrat de déménagement étant un contrat d’entreprise qui est différencié du contrat
de transport en ce que son objet n’est pas limité au déplacement de la marchandise, les règles
spéciales concernant la livraison et la prescription dans le contrat de transport tirées des
articles
L 133-3 à L 133-6 du Code de commerce
ne s’appliquent pas ». (Com. 6 juillet 2010, n°09-
14661
).
Toutefois, un nouvel article L 133-9 du Code de commerce, issu de la loi du 8 décembre 2009,
dispose que, sans préjudice des
articles L 121-95 et L212-96 du Code de la consommation,
les
articles L 133-1 à L133-8 du Code de commerce s’appliquent aux entreprises de transport
de déménagement dès lors que la prestation objet du contrat de déménagement comprend pour
partie une prestation de transport, ce qui semble être en contradiction avec l’arrêt précité de la
Cour de cassation de 2010.
En droit de la consommation, la loi qualifie le contrat de déménagement de contrat de transport.
Les articles L. 224-63 et s. nouveaux du Code de la consommation (issus de la loi du 21 février
2017) optent pour la dénomination « de transport de déménagement ».
L’article L. 224-63 al. 1er dispose que « par dérogation aux dispositions du premier alinéa de
l’article L. 133-3 du Code de commerce, le délai de forclusion applicable aux contrats de
transport de déménagement conclus entre un professionnel et un consommateur est fixé à dix
jours calendaires révolus à compter de la réception des objets transportés. Les protestations
motivées émises par lettre recommandée dans ce délai produisent leurs effets même en
l’absence de réserves formulées à la livraison. Les réserves émises par le destinataire à la
livraison et non contestées par le transporteur dispensent de la protestation motivée prévue au
présent article
».
Un même contrat peut donc être complexe à qualifier.
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Titre I : LA VENTE
Selon l’article 1582 du Code civil, la vente est le contrat par lequel une partie s’oblige à livrer
une chose et l’autre partie à payer cette chose. La vente est un contrat qui transfère la propriété
d’une chose à un acheteur « dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait
pas encore été livrée ni le prix payé » (
art. 1583 C. civ.).
Elle est ainsi formée « dès qu’on est convenu de la chose et du prix ». Le transfert de propriété
a lieu
solo consensu, c’est-à-dire du seul consentement des parties.
S’agissant de sa classification, la vente est un contrat consensuel, synallagmatique, titre onéreux
et commutatif.
Pour l’étude de ce contrat, les éléments nécessaires à sa formation seront d’abord envisagés
(Chapitre I) avant d’aborder, dans un second temps, ses effets (Chapitre II).
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Chapitre I : La formation de la vente
La vente est un contrat. Or, comme tout contrat, il est soumis aux conditions de droit commun
de capacité et de consentement (cf. le cours de droit des obligations).
L’article 1594 du Code civil dispose de plus que « tous ceux auxquels la loi ne l’interdit pas
peuvent acheter ou vendre ». Les
articles 1596 et 1597 apportent néanmoins certaines
restrictions à ceux qui peuvent conclure des contrats de vente.
Par principe, la vente est un contrat consensuel. Il n’est donc pas nécessairement passé par
écrit pour être valable (même s’il ne faut pas oublier les règles relevant de l’aménagement de
la preuve, cf. notamment l’
art. 1359 du Code civil et L 110-3 du Code de commerce et le
cours se rapportant à la preuve).
Pour autant, certaines dispositions spéciales, notamment celles issues du Code de la
consommation, dérogent au droit commun de la vente et imposent un certain formalisme à titre
de validité.
De même, les ventes portant sur un immeuble doivent nécessairement faire l’objet d’un
enregistrement au registre de la publicité foncière afin d’être opposables ; pour cela, elles sont
passées par acte authentique puisque cette forme est le préalable à tout enregistrement. Les
ventes d’immeubles à construire sont elles aussi soumises à des mentions obligatoires. Les
ventes à domicile qui doivent être faites par écrit sont un autre exemple de ces règles de forme.
De façon plus large, enfin, les ventes de meubles immatriculés sont elles aussi soumises à la
formalité d’un écrit.
Le consommateur bénéficie, lui aussi, de certaines règles dérogatoires. En ce sens, il dispose
d’un droit de réflexion ainsi que d’un droit de rétractation.
- Le premier consiste à lui permettre, en matière de crédit immobilier, de profiter d’un
délai de réflexion de 10 jours à compter de l’offre de prêt qui lui est faite. Il ne peut
accepter cette offre avant l’expiration de ce délai de 10 jours (art. L. 313-34 C. cons.).
-
Le second délai, permet au consommateur de se rétracter après la conclusion d’une vente
(en cas de vente à domicile ou sur internet) pendant un délai de 14 jours (art. L. 221-16
et L. 221-18 C. cons.). Pour le reste, la vente répond aux règles de consentement de droit
commun des contrats.
Par ailleurs, l’acquéreur non professionnel dispose d’un délai de rétractation de 10 jours pour
«
tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage
d’habitation
» (art. L. 271-1 Code de la construction et de l’habitation). Néanmoins, l’acquéreur
professionnel peut également bénéficier de ce délai. Cela est possible selon la Cour de cassation

(Civ. 3
e, 5 déc. 2019, n°18-24152) lorsque les « parties (confèrent) contractuellement à un
acquéreur professionnel la faculté de rétractation prévue par l'article L. 271-1 du code de la
construction et de l'habitation ». En l’espèce, les vendeurs avaient sciemment négocié et
accepté
cette clause. Il ne s’agissait pas d’une clause de style. Les vendeurs ne pouvaient donc
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pas revenir sur ce droit de rétractation qu’ils avaient sciemment accordé à un acquéreur non-
professionnel
De ce fait, mises à part certaines règles spéciales en partie évoquées, seuls deux éléments sont
indispensables à la formation de la vente de droit commun selon l’
article 1583 du Code civil.
Le contrat de vente doit en effet essentiellement répondre à des conditions tenant à la chose
vendue (Section II) et contenir un prix déterminé (Section III). Les parties peuvent toutefois
décider de conclure des contrats préparatoires à la vente avant la conclusion de la vente
définitive (Section I).
Section I : Les avant-contrats ou contrats préparatoires à la vente
Les avant-contrats sont des contrats formés à la suite d’un échange des consentements par
lequel au moins l’une des parties s’est engagée à exécuter une obligation.
Il s’agit, par ce biais, de préparer un contrat futur ou encore d’accorder une priorité. En pratique,
il est très fréquent d’avoir recours à des avant-contrats pour préparer une vente future. Ces
contrats préparatoires ne sont, en revanche, pas obligatoires.
Avant la réforme du droit des obligations, seule la promesse synallagmatique de vente était
visée à
l’article 1589 du Code civil, toujours en vigueur, selon lequel la promesse de vente
vaut vente. L’ordonnance du 10 févier 2016, portant réforme du droit des contrats, a introduit
le pacte de préférence ainsi que la promesse unilatérale, déjà connues de la pratique et du droit
positif, dans les dispositions générales du Code civil.
Seront de cette façon envisagés ici le pacte de préférence (§1), la promesse unilatérale de vente
(§2) et la promesse synallagmatique de vente (§3). Il conviendra enfin d’envisager aussi
certaines ventes particulières : les ventes à l’agréage (§4).
§ 1 : Le pacte de préférence
L’article 1123 du Code civil définit le pacte de préférence comme « le contrat par lequel une
partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où
elle déciderait de contracter. » Cet article, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, s’applique
aux contrats conclus à compter du 1
er octobre 2016.
Il faut ainsi dans un premier temps s’attarder sur la qualification du pacte de préférence (A)
avant d’envisager son régime (B) et enfin d’analyser les sanctions de son inexécution (C).
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A. Qualification du contrat de Pacte de préférence
Il convient d’envisager la nature du pacte de préférence (1) ainsi que ses conditions de validité
(2).
1) La nature du pacte de préférence
Le pacte de préférence est un contrat et plus précisément un avant-contrat. Une personne,
appelée le promettant ou le souscripteur par la doctrine
2, s’engage à consentir une priorité à un
bénéficiaire qui l’accepte. Le bénéficiaire du pacte de préférence n’a donc aucune obligation à
sa charge. Le contrat est alors unilatéral. Le promettant, quant à lui, ne s’est pas engagé à
conclure le contrat futur mais uniquement à le proposer à la vente
en priorité au bénéficiaire.
Le Pacte de préférence est donc soumis au principe de force obligatoire des contrats réaffirmé
à
l’article 1103 du Code civil.
Il est à noter que certains pactes de préférence sont stipulés en tant que clause insérée dans un
contrat.
La loi elle-même peut parfois le prévoir comme l’art. 15 de la loi du 6 juillet 1989 sur les baux
d’habitation qui offre un droit de préemption légal pour le locataire d’un immeuble à usage
d’habitation dans le cas où le bailleur voudrait vendre l’immeuble en question.
2) Les conditions de validité du pacte de préférence
a) Une chose
La chose doit être déterminée conformément à l’article 1163 du Code civil. Il faut que l’on
puisse savoir sur quoi porte la préférence. Il s’agira ici de déterminer l’objet de la vente.
b) L’absence d’exigence d’un prix
Le prix n’a pas à être déterminé, ni même déterminable puisque dans le pacte de préférence le
promettant ne s’engage pas à vendre mais uniquement à proposer la vente en priorité au cas où
il se déciderait à vendre.
Le prix n’est donc pas une condition de validité du pacte de préférence (
Civ. 3e, 15 janv. 2003).
En revanche, si un prix est fixé dans le pacte de préférence, il doit alors respecter les règles
relatives à la détermination du prix, conformément aux
articles 1591 et 1592 du Code civil
relatifs au prix dans la vente (cf. par exemple
Com. 5 janv. 2016, n°14-19584 ayant décidé que
2 Le terme de souscripteur n’est pas repris par la réforme qui demeure vague avec l’emploi de la notion de
« partie ».
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la clause du pacte de préférence relative à la fixation du prix était nulle et entrainait en
conséquence la nullité du pacte en son entier).
c) Le délai
La mention d’un délai n’est pas obligatoire. Les parties peuvent déterminer un délai précis
durant lequel le promettant s’engage alors à accorder une priorité au bénéficiaire.
À défaut de délai, si la Cour de cassation a pu considérer dans un arrêt du 22 décembre 1959
que le droit de préférence était imprescriptible, cette conception s’oppose toutefois au principe
de prohibition des engagements perpétuels (cette décision était également incompatible avec
l’
article 2232 du Code civil).
Ainsi, lorsque le pacte ne stipule pas de délai précis, il faut considérer que le promettant doit
maintenir son engagement dans un délai raisonnable et peut résilier son engagement
unilatéralement, conformément à la prohibition des engagements perpétuels (
art. 1210 et 1211
C. civ
.).
B. Le régime du Pacte de préférence
1) L’exécution normale du pacte de préférence
Le promettant ne peut pas conclure la vente projetée avant de ne l’avoir proposée au
bénéficiaire. Le pacte de préférence peut d’ailleurs prévoir les modalités précises dans
lesquelles l’offre de vente devra être faite au bénéficiaire.
Si le bénéficiaire refuse l’offre, le promettant est alors libéré de son engagement et peut
proposer la conclusion du contrat à des tiers. Toutefois, il devra proposer cette conclusion dans
des termes identiques à ceux qu’il avait soumis au bénéficiaire. Il ne peut par exemple pas
proposer la vente à un prix plus intéressant à un tiers que ce qu’il avait offert au bénéficiaire.
Si le bénéficiaire accepte l’offre, la vente définitive est formée (Civ. 3e, 22 sept. 2004, n°02-
21411, ayant décidé que l’acceptation, par le bénéficiaire, de l’offre de vente faite en exécution
d’un pacte de préférence vaut vente).
Il faut garder à l’esprit que le promettant n’est absolument pas tenu de formuler une offre au
bénéficiaire puisqu’il ne s’est pas engagé à conclure mais uniquement à proposer en priorité
dans le cas justement où il se déciderait. Or, il peut ne jamais se décider. Ainsi, sans offre de la
part du promettant, le pacte sera caduc à l’expiration du délai.
S’agissant du bénéficiaire, il n’a aucune obligation à sa charge ; le pacte de préférence étant un
contrat unilatéral.
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2) La violation du pacte de préférence
L’inexécution du pacte de préférence intervient lorsque le promettant conclut la vente sans
l’avoir proposée en priorité au bénéficiaire.
Le pacte est également inexécuté si le promettant a d’abord proposé au bénéficiaire mais qu’une
fois libéré il propose la même vente dans des conditions plus favorables à un tiers.
Une question plus délicate peut se présenter quand le promettant ne vend pas, par exemple, son
bien à un tiers sans l’avoir proposé en priorité au bénéficiaire mais le cède plus largement. Cela
constitue-t-il une violation du pacte de préférence ?
Tout dépend de la formulation du pacte. Si le souscripteur n’accorde qu’un droit de priorité
pour une vente, il ne viole pas son engagement en disposant de son bien autrement. Il peut
toutefois engager sa responsabilité s’il s’est placé dans l’impossibilité d’exécuter la priorité
qu’il avait consentie (par exemple s’il a loué son bien et que désormais le preneur dispose d’un
droit de préemption : Civ. 1
re avril 1993).
À l’inverse, si le pacte prévoyait une priorité pour toute cession à titre onéreux : toutes les
cessions doivent être proposées en priorité au bénéficiaire.
Quid lorsque le promettant consent une promesse unilatérale de vente à un tiers pendant la durée
du pacte mais l’option n’est levée par le bénéficiaire de la PUV qu’à l’expiration dudit pacte de
préférence ?
Civ. 3e, 6 déc. 2018, n°17-23321 : au visa de l’ancien article 1134 du Code civil, la
Cour de cassation a estimé, dans une telle situation, que «
le pacte de préférence
implique l’obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire
lorsqu’il décide de vendre le bien
». Conclure une promesse unilatérale de vente est
donc une violation du pacte de préférence, indépendamment de la date de la levée
d’option.
C. Les sanctions de l’inexécution du pacte de préférence
Il faudra envisager les sanctions classiques de l’inexécution du pacte de préférence (1) avant
d’analyser la nouvelle action interrogatoire introduite par la réforme du droit des contrats (2).
1) Les sanctions classiques de la violation du pacte de préférence
a) Les sanctions envers le promettant
Selon l’article 1123 alinéa 2 du Code civil, lorsque la vente est conclue avec un tiers en
violation du pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Il
peut ainsi obtenir des dommages et intérêts du promettant (sur le fondement de la responsabilité
contractuelle).
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De plus, lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en
prévaloir (en d’autres termes : lorsqu’il était de mauvaise foi), ce dernier peut également agir
en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu en violation de
ses droits.
Cette preuve de la mauvaise foi du tiers est en pratique très difficile à rapporter. Il est en effet
quasi impossible, sauf circonstances très particulières, de prouver que le tiers connaissait
l’intention du bénéficiaire de se prévaloir du pacte si le souscripteur lui avait proposé en
priorité ! Un
arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 31 janvier
2007
(n°05-21071) a toutefois constaté la réunion de ces conditions. En pratique, il sera
néanmoins très difficile de rapporter la preuve (dite « diabolique ») de cette double
connaissance.
Ces sanctions prévues par le nouvel article 1123 consacrent la jurisprudence établie par la Cour
de cassation avec son célèbre arrêt de la chambre mixte du 26 mai 2006. Il est possible de
remarquer que la réforme a corrigé une maladresse de l’arrêt de la chambre mixte qui prévoyait
la possibilité de demander la nullité du contrat passé avec le tiers et sa substitution à ce contrat.
Or, il est de l’ordre de l’impossible de se substituer dans un contrat nul… La réforme prévoit
donc désormais que le bénéficiaire peut demander la nullité du pacte de préférence ou sa
substitution. C’est l’une ou l’autre de ces deux sanctions.
La solution sera donc en pratique la même que le pacte ait été conclu avant ou après l’entrée en
vigueur de la réforme.
b) Les sanctions envers le tiers acquéreur
Le bénéficiaire peut agir contre le tiers acquéreur (i.e. : la personne avec laquelle le promettant
a conclu la vente en violation du pacte de préférence) sur le fondement de la responsabilité pour
faute de l
’article 1240 du Code civil (ancien 1382) en vue d’obtenir des dommages et intérêts
en réparation du préjudice subi.
Pour cela, il faudrait au minimum que le tiers ait eu connaissance de l’existence du pacte afin
de pouvoir qualifier sa mauvaise foi. En effet, à défaut de cette connaissance de l’existence du
pacte au moins, le tiers serait de bonne foi et donc non fautif au sens de la responsabilité
délictuelle.
2) L’action interrogatoire
Un nouvel article 1123 alinéas 3 et 4 ont été introduits par la réforme du droit des contrats.
Ces derniers sont d’application immédiate selon l’
article 9 de l’ordonnance du 10 février
2016
. Ils sont donc applicables à un pacte de préférence conclu avant le 1er octobre 2016.
Concernant l’alinéa 3 il permet au tiers de « demander par écrit au bénéficiaire de confirmer
dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il
entend s’en prévaloir. »
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L’alinéa 4 du même article précise quant à lui que cet écrit « mentionne qu’à défaut de réponse
dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu
avec le tiers ou la nullité du contrat. »
Il s’agit donc d’une action interrogatoire qui est une possibilité offerte au tiers. Ce n’est en
aucun cas une obligation pour lui. Le texte indique en effet que le tiers « peut ». Il ne sera ainsi
pas possible de reprocher au tiers le fait de n’avoir pas exercé cette action interrogatoire.
De ce fait, une partie de la doctrine doute de la mise en pratique de cette action par les tiers. En
effet, pourquoi prendraient-ils le risque de recevoir une réponse positive ?
Cette action interrogatoire peut toutefois permettre au tiers de bonne foi, qui aurait des doutes,
d’échapper à toute sanction par la suite et donc de se prémunir de toute action future contre lui.
§ 2 : La promesse unilatérale de vente
L’article 1124 du Code civil dispose que « la promesse unilatérale est le contrat par lequel une
partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un
contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que
le consentement du bénéficiaire.
La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas
la formation du contrat promis.
Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait
l’existence est nul. »
Notons qu’il existe des promesses unilatérales d’achat (PUA). L’acheteur est alors le promettant
et s’engage à acheter le bien du vendeur qui bénéficie pour sa part d’une option. Il s’agit des
mêmes conditions globalement que la promesse unilatérale de vente sauf l’article 1589-2 du C.
civ qui ne s’applique pas à la PUA (cf. infra).
Sera ainsi envisagée dans un premier temps la qualification de la promesse unilatérale (A) avant
d’étudier son régime (B) et, enfin, d’aborder les sanctions de son inexécution (C).
A. La formation de la promesse unilatérale de vente
Après l’examen de la nature de la promesse unilatérale (1) et de ses conditions de fond (2), il
sera nécessaire d’envisager les conditions de forme spécifiques à la promesse unilatérale de
vente immobilière (3).
1) La nature de la promesse unilatérale
La promesse unilatérale est un contrat unilatéral. En effet, seul le promettant s’est engagé. Le
bénéficiaire lui dispose d’une option, d’un choix.
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Le promettant consent dans la promesse unilatérale de vente à la conclusion de la vente. Il y a
donné son consentement définitif. Contrairement au pacte de préférence qui n’engageait qu’à
une priorité, dans la promesse unilatérale le promettant consent à s’engager dans le futur contrat.
Seul manque à la conclusion de ce futur contrat le consentement du bénéficiaire.
Ainsi, dans la promesse unilatérale de vente, le promettant consent déjà à la vente définitive.
Pour sa part, il a déjà vendu. Le bénéficiaire accepte l’engagement du promettant (en cela la
promesse est un contrat) mais ne dit rien encore sur son consentement à acheter. Il se réserve
une option. S’il lève l’option, il consent à acheter, à défaut, il ne se passera rien et la promesse
sera caduque à l’expiration du délai laissé au bénéficiaire pour exercer son option.
En pratique, cette promesse unilatérale est très souvent une promesse unilatérale de vente, mais
il peut aussi s’agir d’une promesse unilatérale d’achat.
2) Les conditions de fond de la promesse unilatérale de vente
Puisque dans le contrat de promesse unilatérale le consentement du promettant au contrat
promis est définitivement acquis, la promesse doit contenir
tous les éléments essentiels du
futur contrat
. En effet, il faut que la simple levée d’option par le bénéficiaire suffise à former
le contrat promis définitivement.
Ici aussi, conformément au droit commun, la chose objet de la promesse doit être déterminée
mais en plus
l’article 1124 lui-même rappelle cette exigence en indiquant que la promesse porte
sur un contrat « dont les éléments essentiels sont déterminés ».
Dans le cas de la promesse unilatérale de vente, il faut que les éléments essentiels de la vente
soient déterminés. Il faut donc notamment que
la chose vendue soit précisément déterminée.
De même,
le prix devra être déterminé puisque dans la vente, le prix est un élément essentiel
du contrat. Il faut donc, dès la promesse unilatérale de vente, déterminer le prix conformément
aux dispositions des
articles 1591 et 1592 du Code civil.
Durée de la promesse :
La promesse peut comporter une durée pendant laquelle le bénéficiaire pourra exercer son
option (on parle de levée d’option). À défaut de stipulation d’un délai, la promesse est réputée
à durée indéterminée et, conformément au droit commun, le promettant peut résilier son
engagement avant la levée d’option du bénéficiaire et cette résiliation est efficace dès qu’elle
est simplement notifiée au bénéficiaire (
Civ. 3e, 25 mars 2009, 08-12237).
Une mise en demeure envoyée préalablement au bénéficiaire pour qu’il se décide ou non à
exercer son option n’est plus nécessaire selon cette jurisprudence.
Indemnité d’immobilisation :
La promesse peut contenir une indemnité d’immobilisation à la charge du bénéficiaire. C’est la
contrepartie de l’immobilisation. S’il lève l’option, cette indemnité s’imputera sur le prix du
contrat de promesse unilatérale. Cette indemnité d’immobilisation stipulée dans une promesse
unilatérale de vente constitue le prix de l’exclusivité consentie au bénéficiaire. Cette indemnité
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n’est pas une clause pénale car elle ne sanctionne pas un manquement à une obligation
contractuelle. Ainsi, elle n’est pas susceptible de révision par le juge (
Civ. 1re, 5 déc. 1995,
n°93-19874).
Enfin, cette indemnité d’immobilisation pose problème lorsqu’elle est très élevée. En effet,
lorsque le montant est si important qu’il empêche la liberté de choix du bénéficiaire, la promesse
ne doit-elle pas être requalifiée en promesse synallagmatique de vente ?
Depuis un
arrêt du 1er décembre 2010 (n°09-65673), la 1re chambre civile refuse de requalifier
la promesse unilatérale en promesse synallagmatique et ce même en présence d’une indemnité
d’immobilisation atteignant quasiment le prix de vente.
En revanche, la 3e ch. civile maintient une jurisprudence selon laquelle, en pareil cas, la
promesse unilatérale doit être requalifiée en promesse synallagmatique ; le supposé bénéficiaire
perdant toute liberté d’option face à une indemnité si élevée (cf. notamment
Civ. 3e, 26 sept.
2012
, n°10-23912).
N.B. : dans une consultation, il faut distinguer la clause d’immobilisation de clauses qui
pourraient lui ressembler :
o La clause pénale (art. 1231-5 C. civ. : celle-ci sanctionne l’inexécution d’une
obligation. Le juge peut réviser la clause en l’augmentant ou en la réduisant.
o La clause de dédit : il s’agit de se dédire d’un contrat en payant le montant prévu
par la clause. Ce sont des arrhes versées pour se défaire d’un engagement. Il n’y
a alors pas de faute contractuelle à se dédire en présence d’une telle clause.

Il ne faut pas oublier que dans la PUV : le bénéficiaire n’a pas
d’obligation de lever l’option. Ainsi, la clause qui prévoirait le versement
d’une somme par le bénéficiaire est soit une clause d’indemnité
d’immobilisation, soit un acompte.
3) Les conditions de forme de la promesse unilatérale de vente
immobilière
La promesse unilatérale de vente portant sur un immeuble doit, selon l’article 1589-2 du Code
civil
(anciennement 1840 A du C. général des impôts), être constatée par un acte authentique
ou par un acte sous seing privé enregistré auprès de l’administration fiscale dans les 10 jours de
son acceptation par le bénéficiaire (il est question de l’acceptation de la promesse, à ne pas
confondre évidemment avec la levée d’option qui pourrait intervenir postérieurement).
À défaut du respect de ce formalisme, la promesse sera nulle (cf Com., 16 oct. 2019, n°18-
14678).
En revanche, la Cour de cassation a décidé en assemblée plénière le 24 février 2006 (n°04-
20525) que la promesse unilatérale de vente, qui n’est qu’un élément de la convention plus
large conclue par les parties (par exemple une transaction contenant parmi d’autres choses une
promesse unilatérale de vente), n’avait pas à respecter ce formalisme.
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De même, la promesse unilatérale d’achat n’est pas soumise à cette exigence de l’article 1589-
2 du C. civ
.
De plus, le code la construction et d’habitation prévoit (à l’article L. 271-1) que le bénéficiaire
non professionnel bénéficie d’un délai de rétractation de 10 jours à compter de la notification
de la promesse unilatérale lorsque la promesse porte sur un immeuble à usage d’habitation.
L’article L. 290-1 du même code impose un acte authentique pour la promesse sur un immeuble
appartenant à une personne physique et qui contient un délai de plus de 18 mois.
Si le bénéficiaire de la promesse est un consommateur, l’article L313-40 du Code de la
consommation prévoit qu’elle doit préciser si le prix sera obtenu au moyen d’un ou de plusieurs
prêts. En effet, le Code de la consommation met en place une forme d’interdépendance entre la
demande de prêt et la promesse unilatérale de vente portant sur bien immobilier. De ce fait, si
le contrat fait mention d’un prêt, la promesse est réputée conclue sous condition suspensive
d’obtention du prêt. À défaut d’obtention du prêt, la promesse est caduque et le bénéficiaire n’a
pas à payer l’indemnité d’immobilisation éventuellement prévue. Pour que cette condition ne
soit pas laissée à l’arbitraire du bénéficiaire, la jurisprudence a décidé par un arrêt de la Cour
de cassation du 9 décembre 1992 que le prêt est considéré comme obtenu quand un
établissement de crédit a émis une offre conforme aux prévisions contractuelles relatives au
prêt demandé par le bénéficiaire. Grâce à cette définition, le promettant est protégé contre un
bénéficiaire qui userait de cet argument pour finalement changer d’avis et ne plus payer
l’indemnité d’immobilisation prévue.
Le promettant est également protégé contre le bénéficiaire qui n’accomplirait pas les démarches
nécessaires à l’obtention d’un prêt par l’article 1304-4 du Code civil qui dispose que la
condition est réputée accomplie si le débiteur a provoqué la défaillance de celle-ci.
Civ. 3e, 5 mai 2018, n°17-15603 : Dans le cadre d’une PUV, des bénéficiaires avaient
versé une indemnité d’immobilisation. N’ayant pas obtenu leur prêt ensuite ils ont
demandé la restitution de l’indemnité versée. Or, la Cour retient que la preuve des
demandes de prêts était rapportée puisque toutes les démarches avaient été accomplies
sans retard auprès des banques. Les bénéficiaires avaient donc fait la preuve de
l’exécution de leur obligation. Le promettant ne parvenant pas à démontrer la faute des
bénéficiaire, l’indemnité d’immobilisation devait leur être restituée.
B. Le régime de la promesse unilatérale de vente
Exceptée la promesse unilatérale de vente portant sur un immeuble, évoquée précédemment, et
d’autres textes spéciaux, la promesse unilatérale de vente est en principe un contrat consensuel.
Le bénéficiaire peut lever l’option durant le délai consenti et la vente est alors automatiquement
conclue. Le promettant n’a pas de nouveau consentement à donner puisque le sien était contenu
dans la promesse. Le promettant avait déjà consenti à vendre et tous les éléments essentiels de
la vente figuraient dans la promesse. La vente est donc parfaite à la levée d’option.
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Par ailleurs, le décès du promettant ne rend pas la promesse caduque. Cela signifie que si le
bénéficiaire lève l’option après le décès du promettant mais durant le délai stipulé par la
promesse, la vente est là aussi formée. En effet, l’engagement du promettant est définitif dans
la promesse.
À son décès, son engagement se transmet à ses héritiers en application du droit commun. Cette
solution était déjà consacrée par la jurisprudence dans ce cas précis (
Civ. 3e, 8 sept. 2010, 09-
13345 : « le promettant avait définitivement consenti à vendre »).
C. Les sanctions de la violation de la promesse unilatérale de vente
La réforme du droit des contrats a profondément modifié ce point. Ainsi, il convient d’aborder
en premier lieu les sanctions qui étaient décidées par la jurisprudence avant la réforme (1) et
dans un second lieu d’analyser les sanctions prévues par la réforme de 2016 (2).
1) Les sanctions sous l’ancien droit
La promesse unilatérale était définie et régie par la pratique et la jurisprudence avant l’entrée
en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016. Les promesses conclues avant le 1
er octobre
2016 sont donc soumises, en principe à ces solutions jurisprudentielles.
Il faut distinguer deux situations :
a) La rétractation du promettant postérieure à la levée d’option par le bénéficiaire
Si le bénéficiaire avait levé l’option durant le délai mais que le promettant s’était rétracté après,
la Cour de cassation donnait toute sa vigueur à la promesse puisqu’elle sanctionnait cette
inexécution du promettant par une condamnation en exécution forcée en nature.
La vente est donc formée à la levée de l’option. Si par la suite le promettant refuse d’exécuter,
le juge constate la vente définitive par un jugement :
Civ. 3e, 13 octobre 1999, n°97-21779.
b) La rétractation du promettant avant la levée d’option
A l’inverse, lorsque le promettant se rétracte, durant le délai consenti par la promesse et surtout
avant la levée d’option par le bénéficiaire (toujours durant le délai), la Cour de cassation refusait
de constater la conclusion définitive du contrat.
En effet, depuis un arrêt Consorts Cruz de la 3e chambre civile du 15 décembre 1993 (n°91-
10199), la Cour de cassation refuse de condamner le promettant à l’exécution forcée en nature.
Les juges se fondent dans cette décision sur l’
article 1142 ancien du Code civil pour considérer
que le promettant ne s’est engagé qu’à une obligation de faire. Ainsi, selon ce texte, les
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obligations de faire ne peuvent se résoudre qu’en dommages et intérêts et non par l’exécution
forcée en nature.
Tout en maintenant ce refus de principe, la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence.
Par un
arrêt de la 3e ch. civile du 27 mars 2008 (n°07-11721), la Cour a maintenu le refus
d’exécution forcée en nature mais a considéré que l’
article 1142 ancien du Code civil n’était
que supplétif de volonté. Les parties pouvaient alors selon, cet arrêt, écarter le jeu de l’article
1142 pour prévoir qu’en cas d’inexécution de son obligation par le promettant la sanction serait
l’exécution forcée en nature et donc la conclusion forcée de la vente.
Les critiques sont nombreuses à l’égard de cette jurisprudence. Il est en effet possible de
critiquer le fondement de
l’article 1142 ancien du Code civil, l’obligation du promettant
n’étant pas une obligation de faire. Par ailleurs, quand bien même cette obligation serait une
obligation de faire, l’article 1142 n’empêche l’exécution forcée en nature que lorsque cela
reviendrait à exercer une contrainte sur la personne physique ; or, il serait possible ici de
constater par jugement la vente définitive.
La Cour de cassation a maintenu son refus de principe de contraindre le promettant à l’exécution
forcée de la vente mais a abandonné le fondement de l’article 1142 ancien du Code civil pour
se concentrer sur
l’article 1134 ancien. Elle affirmait désormais que la levée d’option par le
bénéficiaire après la rétractation du promettant exclut toute rencontre des volontés réciproques
de vendre et d’acheter (
Civ. 3e, 13 sept. 2011, n° 10-19.526). Le bénéficiaire ne peut donc
qu’obtenir une exécution forcée par équivalent, c’est-à-dire des dommages et intérêts.
Cette jurisprudence donne donc une valeur à la rétractation du promettant alors qu’il s’est
définitivement engagé dans la promesse unilatérale qui est un contrat. Il ne peut en réalité tout
simplement pas se rétracter.
Cette jurisprudence devrait s’appliquer à tous les contrats de promesse unilatérale conclus avant
le 1
er octobre 2016.
À Noter :
En principe, la réforme n’est pas applicable aux promesses unilatérales conclues avant le 1er
octobre 2016. Les sanctions de ces promesses devraient donc être soumises à la jurisprudence
de la Cour de cassation refusant l’exécution forcée de la vente.
Toutefois, bien que non applicable, la jurisprudence aurait pu s’en inspirer pour opérer un
revirement de jurisprudence et admettre l’exécution forcée de la vente en cas de rétractation de
la promesse avant la levée d’option mais durant le délai.
C’est d’ailleurs ce qu’avait fait une jurisprudence récente de la Cour de cassation se référant au
droit nouveau pour interpréter les droit ancien (cf. notamment Soc. 21 sept. 2017).
Toutefois, une jurisprudence plus récente de la 3e chambre civile persiste et maintient sa
jurisprudence Consorts Cruz en refusant l’exécution forcée de la vente en cas de rétractation du
promettant avant la levée d’option par le bénéficiaire (
Civ. 3e, 6 décembre 2018, n°17-21170
et n°17-21171)
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2) Les sanctions depuis la réforme
Ces sanctions s’appliquent à toutes les promesses unilatérales conclues à partir du 1er octobre
2016. Le nouvel
article 1124 al. 2 du Code civil met un terme définitif à la jurisprudence de
la Cour de cassation en cas de rétractation du promettant avant la levée d’option mais dans le
délai.
En effet, la loi prévoit que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire
pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».
Ainsi, malgré la révocation du promettant, si le bénéficiaire lève l’option et décide d’acheter,
la formation du contrat de vente sera constatée. Ce texte pose donc sans ambiguïté la sanction
de l’exécution forcée en nature de la vente en cas de révocation de la promesse par le
promettant.
Cette solution réaffirme la force obligatoire du contrat de promesse unilatérale.
La réforme prévoit une autre violation de la promesse. En effet l’alinéa 3 de l’article 1124
envisage le cas dans lequel le promettant a vendu à un tiers avant la fin du délai d’option qui
devait réserver la vente au bénéficiaire. Selon ce texte, la vente peut alors être annulée si le tiers
connaissait l’existence de la promesse unilatérale à la date de la conclusion du contrat.
N.B. : Civ. 3e, 17 oct. 2019, n°19-40028 : pour le refus de transmission QPC sur l’art. 1124 al.
2. selon laquelle cet article serait contraire au principe de liberté contractuelle ainsi qu’au droit
de propriété. Selon la Cour de cassation la question n’est ni nouvelle ni sérieuse.
§ 3 : La promesse synallagmatique de vente
La promesse synallagmatique de vente est un contrat par lequel les deux parties ont consenti à
la vente. Elles ont consenti à vendre, pour l’une, et à acheter, pour l’autre. Puisque le
consentement définitif a été donné, la promesse synallagmatique de vente doit contenir tous les
éléments essentiels de la vente, c’est-à-dire un prix et la détermination de la chose vendue.
En effet, « La promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux
parties sur la chose et le prix » (
article 1589 du Code civil).
En pratique, la promesse synallagmatique de vente est souvent un moyen de retarder les effets
de la vente définitive, d’en faire une vente conditionnelle ou à terme.
Cette promesse synallagmatique peut même comporter une clause de substitution de l’acheteur
sans que cela ne disqualifie la promesse. En effet, une hésitation était née sur cette faculté de
substitution. Ne peut-on pas penser que puisque l’acheteur, en principe lui aussi engagé par la
promesse synallagmatique à acheter, n’est pas véritablement engagé puisqu’il a la faculté d’être
remplacé par un autre acheteur ? Ainsi, ces clauses ne révèlent-elles pas en réalité le caractère
unilatéral de la promesse ?
La jurisprudence n’a pas suivi cette position. En effet, elle considère que la faculté de
substitution stipulée dans une promesse de vente est sans effet sur le caractère unilatérale ou
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synallagmatique du contrat (Civ. 3e, 28 juin 2006, 05-16084 ; Civ. 1re, 18 nov. 2007, 04-
18018).
Enfin, certaines promesses synallagmatiques de vente comportent une condition suspensive. Il
s’agit de soumettre la validité de la vente à une condition supplémentaire. Par exemple, les
parties peuvent décider que la vente ne sera valable qu’à la réitération de la vente par acte
authentique. À défaut de signature de cet acte authentique, la vente n’est pas formée. Dans ce
cas, si l’une des parties refuse de réitérer son consentement dans l’acte authentique de vente, la
vente forcée ne sera pas prononcée dans le cas où :
« Les parties peuvent décider que la réitération de l'acte en la forme authentique est un
élément constitutif de leur consentement et non une simple modalité d'exécution de la
vente » (Civ. 3
e, 19 juin 2012, n°10-22906 et 1024222).
On peut alors relever que dans une telle hypothèse, il ne s’agit pas réellement d’une promesse
synallagmatique de vente puisque l’engagement est soumis à condition !
§4 : Les ventes à l’agréage
Il s’agit essentiellement des ventes à la dégustation et des ventes à l’essai par lesquelles
l’acheteur réserve son consentement à son agréage de la chose. Les ventes à l’agréage sont des
ventes portant sur des biens mobiliers.
A. La vente à la dégustation
« À l’égard du vin, de l’huile et des autres choses que l’on est dans l’usage de goûter avant de
l’en faire l’achat, il n’y a point de vente tant que l’acheteur ne les a pas goutées et agréées »
(
art. 1587 du C. civ.).
L’acheteur a la faculté absolue de consentir à la vente ou pas. Ce droit lui est reconnu de façon
discrétionnaire, ce qui est parfaitement logique puisqu’il s’agit pour l’acheteur de dire si la
chose est à son goût ou pas. Tant qu’il n’a pas goûté, la chose reste la propriété du vendeur. Si
la chose est agréée, la vente est formée et la chose devient la propriété de l’acheteur.
B. La vente à l’essai
Selon l’article 1588 du Code civil, la vente faite à l’essai est toujours présumée faite sous une
condition suspensive. Durant l’essai, l’acheteur potentiel bénéficie d’un droit d’usage sur la
chose mais le vendeur éventuel en conserve la propriété. Cet essai a pour but de permettre à
l’acheteur de vérifier les qualités de la chose. Cet essai doit avoir été expressément prévu par
les parties ou doit résulter des usages.
Si l’essai est approuvé par l’acheteur, ou s’il a laissé passer le délai convenu pour l’essai sans
se manifester, la vente est alors définitivement formée. À défaut, il devra restituer la chose à
son propriétaire.
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Section II : La chose dans la vente
La chose dans la vente doit être déterminée (§1), aliénable (§2) et le vendeur doit avoir les droits
nécessaires sur la chose pour la vendre (§3).
§1 : La détermination de la chose
Pour que la vente soit formée, le chose doit être déterminée ou déterminable conformément
au droit commun des contrats (
art. 1129 ancien et actuel 1163 du C. civ.). De même, la chose
doit être possible (
art. 1163 C. civ.).
La chose doit également exister. Ainsi, l’article 1601 du Code civil envisage les effets de la
disparition de la chose : « si au moment de la vente la chose vendue était périe en totalité
, la
vente serait nulle
. Si une partie seulement de la chose est périe, il est au choix de l'acquéreur
d'abandonner la vente, ou de demander la partie conservée, en faisant déterminer le prix par la
ventilation. »
Lorsque la perte est totale, la vente est nulle puisqu’elle n’a plus de contenu (plus d’objet selon
la terminologie antérieure à la réforme du droit des contrats).
Si la perte n’est que partielle, l’acheteur dispose d’une option. Il peut renoncer à la vente ou
préférer la poursuivre avec une réduction du prix en fonction de la destruction ou détérioration
de la chose.
Conformément au droit commun des contrats, la vente peut porter sur une chose future, c’est-
à-dire une chose qui n’existe pas encore mais dont la création est envisagée par les parties
comme un bien à fabriquer ou un animal à naître.
La loi envisage néanmoins certaines restrictions à la vente de choses futures par l’intervention
de textes spéciaux.
Par exemple : le Code de la propriété intellectuelle (art. L131-1 et L132-4 du CPI)
interdit à un auteur la cession globale de ses œuvres futures.
Si la chose future n’existera jamais à cause du vendeur, celui-ci engagera sa responsabilité
contractuelle.
§2 : La chose dans le commerce
Avant la réforme du droit des contrats, le Code civil disposait en son article 1128 ancien qu’« il
n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet de conventions ».
Depuis, la réforme du droit des contrats a passé sous silence cette interdiction. En effet, les
dispositions nouvelles de droit commun ne reprennent pas expressément la notion de chose hors
du commerce. Toutefois, d’une part, l’
article 1162 contient implicitement le même principe
lorsqu’il prévoit que le contrat ne peut déroger à l’ordre public.
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De plus, l’article 1598 du Code civil, propre à la vente, conserve cette terminologie : « tout ce
qui est dans le commerce peut être vendu lorsque des lois particulières n’en ont pas prohibé
l’aliénation ».
Ainsi, seules les choses dans le commerce peuvent faire l’objet d’une vente. Toutes les choses
illicites sont alors interdites à la vente comme le corps humain ou encore les objets de
contrefaçon (
Com. 24 sept. 2003, n°01-11504).
La question de la cession des clientèles civiles a notamment posé problème face à cette
exigence. L’existence d’une clientèle civile relève en effet en grande partie de la relation de
confiance particulière inspirée par le professionnel (ex : du médecin, de l’avocat…).
La jurisprudence considérait la cession de clientèle civile comme illicite depuis une décision du
25 février 1846. La Cour de cassation a toutefois opéré un revirement de jurisprudence
considérant désormais que « Si la cession de la clientèle médicale, à l’occasion de la
constitution ou de la cession d’un fonds libéral d’exercice de la profession, n’est pas illicite,
c’est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient » (
Civ. 1re, 7 nov. 2000,
98-17731). La cession de clientèle civile est donc licite sous réserve de cette condition.
Enfin, certains biens peuvent être frappés d’inaliénabilité par l’effet d’un contrat, d’une
stipulation. Ces clauses d’inaliénabilité, temporaires, sont valables dans tous les contrats. En
effet, « dès lors qu’elle est limitée dans le temps et qu’elle est justifiée par un intérêt sérieux et
légitime, une clause d’inaliénabilité peut être stipulée dans un contrat à titre onéreux » (
Civ.
1
re, 31 oct. 2007, 05-14238). La vente passée en violation de cette clause d’inaliénabilité est
nulle.
§3 : Les droits sur la chose
A. La vente d’une part d’un bien indivis
Le vendeur doit disposer des droits nécessaires sur la chose afin de pouvoir la vendre.
De cette façon, le vendeur indivis peut céder le droit qu’il a, c’est-à-dire ne vendre que sa part
dans l’indivision, les autres coindivisaires bénéficiant alors d’un droit de préemption.
En effet, « si les actes d’administration et de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le
consentement de tous les indivisaires, chacun d’eux peut librement disposer de sa quote-part de
droits sur un bien indivis » (Civ. 1re, 4 oct. 2005).
B. La nullité de la vente de la chose d’autrui
Selon l’article 1599 du Code civil, la vente de la chose d’autrui est nulle. On ne peut en effet
transférer plus de droits que l’on en a soi-même. Cette action en nullité est relative et ne protège
donc que les intérêts de l’acquéreur. Seul lui peut donc agir sur ce fondement. Le propriétaire
ne peut donc pas agir sur ce fondement. Le véritable propriétaire dispose en réalité d’une action
en revendication (Com. 15 oct. 2013, n°12-19756).
Le véritable propriétaire peut préférer ratifier la vente au lieu d’agir en revendication.
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L’acquéreur peut non seulement agir en nullité de la vente donc mais il peut également obtenir
des dommages et intérêts lorsqu’il ignorait que la chose appartenait à autrui (en d’autres termes,
lorsqu’il était de bonne foi) (
Civ. 3e, 22 mai 1997).
Section III : La détermination du prix dans la vente
Dans quatre célèbres arrêts, rendus en assemblée plénière, le 1er décembre 1995 (n°91-15.578,
n° 91-19.653, n° 91-15.999, n°93-13.688), la Cour de cassation a décidé que « l’article 1129
(
ancien) du Code civil [n’était] pas applicable à la détermination du prix » dans les contrats
sauf texte spécial.
À NOTER : Selon une partie de la doctrine, le nouvel article 1163 du Code civil met un terme
à la jurisprudence de 1995. En effet, puisque cette disposition, de droit commun, impose que
l’obligation du contrat ait une prestation déterminée ou déterminable, cela impliquerait
un prix
déterminé ou déterminable
dès la conclusion du contrat et ce pour tous les contrats. Cette
position ne fait toutefois pas l’unanimité parmi les auteurs.
Quoiqu’il en soit, l’article 1591 du Code civil dispose que « le prix de la vente doit être
déterminé et désigné par les parties
». Le prix est donc explicitement un élément essentiel du
contrat de vente, à défaut la vente est nulle ou le contrat en question ne peut pas être qualifié de
vente.
Le prix se définit comme la somme d’argent que l’acheteur doit au vendeur. C’est la
contrepartie du transfert de propriété auquel s’oblige, de son côté, le vendeur.
Ce prix doit ainsi être à la fois déterminé (§1) et sérieux (§2).
§1 : La détermination du prix
Le prix peut être déterminé ou déterminable. Il peut l’être soit par les parties (A) soit par un
tiers (B).
A. Par les parties
Déterminé :
Selon l’
article 1591, le prix doit être déterminé par les parties. Il doit donc être chiffré par les
parties.
Ou déterminable :
Toutefois, il peut également être uniquement déterminable par référence à des éléments
objectifs. Ce qu’il est important de comprendre est que le prix, pour être considéré comme
déterminable, ne doit pas donner lieu à un nouvel accord des parties. Les critères de référence
stipulés dans le contrat doivent suffire à établir le prix le jour venu, par la seule application des
clauses contractuelles donc. Enfin, ces critères doivent être indépendants de la seule volonté de
l’une des parties (
Com. 7 avr. 2009, 07-18907). Ainsi, par exemple, si le prix fixé par référence
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« aux tarifs du vendeur » dépend de la seule volonté du vendeur, il n’est pas valable. Toutefois,
si « les tarifs du vendeur » ne dépendent pas de sa seule volonté du vendeur mais d’autres
éléments (économiques ou du marché), la référence à ces tarifs sera valable.
À défaut de prix déterminé ou déterminable, le contrat est nul (ou n’est pas une vente) et le juge
ne peut pas fixer le prix lui-même (
Civ. 1re, 24 fév. 1998, 96-13414).
La vente dans un contrat-cadre :
Les arrêts précités rendus en assemblée plénière le 1
er décembre 1995 avaient toutefois réservé
le cas des contrats cadres organisant des ventes pour lesquels le prix n’avait pas à être ni
déterminé, ni déterminable. Le prix pouvait ainsi être fixé unilatéralement par l’une des parties,
sauf abus de la part de cette dernière pouvant donner lieu à la résiliation du contrat cadre ou à
l’indemnisation de l’autre partie.
La réforme du droit des contrats du 10 février 2016 a consacré cette solution à l’article 1164
du Code civil
. En effet, ce texte précise que « dans les contrats cadres, il peut être convenu que
le prix sera fixé unilatéralement par l’une des parties, à charge pour elle d’en motiver le
montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi
d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du
contrat ». Le texte prévoit ainsi qu’une clause du contrat cadre (« il peut être convenu »), peut
désigner l’une des parties pour fixer unilatéralement le prix. En cas d’abus dans la fixation du
prix, les sanctions ne sont ici aussi que des dommages et intérêts ou la résolution du contrat, le
juge étant à nouveau rigoureusement tenu à l’écart de la fixation du prix. Il y aura, par exemple,
abus lorsqu’un cocontractant, lié par une clause d’approvisionnement exclusif, ne pourra pas
faire jouer la concurrence à cause de cette fixation unilatérale du prix.
À ce titre, il convient de rappeler que la réforme introduit une définition du contrat cadre à
l
’article 1111 du Code civil selon lequel « le contrat cadre est un accord par lequel les parties
conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats
d’application en précisent les modalités d’exécution ».
Les clauses de complément de prix :
Les clauses de complément de prix, ou appelées encore « clauses de earn-out », stipulent qu’une
partie du prix sera payée selon la rentabilité du bien vendu. Par exemple, à l’occasion de la
cession d’une entreprise, l’acquéreur peut payer un prix fixe ainsi qu’un complément de prix
qui sera versé par la suite en fonction des performances de la société. Ces clauses sont valables
puisqu’elles ne dépendent pas uniquement de la volonté de l’acquéreur. Le prix y est en effet
déterminable en référence à la rentabilité.
B. Par un tiers
Selon l’article 1592 du Code civil, le prix « peut cependant être laissé à l'estimation d'un tiers ;
si le tiers ne veut ou ne peut faire l'estimation, il n'y a point de vente,
sauf estimation par un
autre tiers
»
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Cet article a été modifié par la loi du 8 novembre 2016 qui a remplacé le terme
d’arbitrage par celui d’estimation.
Cet article a à nouveau été modifié par la loi du 19 juillet 2019, n°2019-744, pour la
partie en gras soulignée : sauf estimation par un autre tiers
Les parties insèrent ainsi une clause dans le contrat de vente qui prévoit de confier la fixation
du prix à un tiers estimateur.
Deux cas de figure peuvent se présenter : soit ce tiers peut être une personne désignée à l’avance
avec précision (il doit alors être à la fois impartial et indépendant des parties) ; soit les parties
peuvent, une fois d’accord sur le principe de désignation du tiers, prévoir que c’est le juge qui
le choisira. Mais à défaut de stipulation prévoyant le recours à ce tiers, le juge ne peut pas de
lui-même décider de désigner un tiers pour fixer un prix manquant. En effet, la jurisprudence
est très stricte avec ce tiers. Le juge se refuse de le remplacer, par exemple, si celui choisi par
les parties est finalement dans l’impossibilité d’intervenir. Dans ce cas, la vente est alors nulle.
Le tiers ne peut donc être choisi par le juge que si le contrat l’a expressément prévu.
Ce tiers est proche d’une sorte de mandataire commun de l’acheteur et du vendeur qui l’ont
chargé ensemble de la mission de fixer le prix. Il doit être impartial et indépendant des parties.
Les deux parties sont donc tenues solidairement de sa rémunération.
Le tiers ainsi désigné doit alors se livrer à la fixation du prix précis. Ce prix s’imposera aux
parties qui ne pourront pas le contester sauf en cas de dol subi par le tiers ou d’erreur grossière.
Si le tiers ne parvient pas à fixer le prix avec les éléments qui avaient été indiqués par les parties,
la vente est nulle.
N.B. : L’article 1843-4 du Code civil prévoit un recours à un tiers expert qui semble similaire
a priori, dans le cas où la cession s’impose à un associé. En effet, si aucun accord sur le prix
n’est trouvé entre les parties, cet expert peut être désigné par les parties ou nommé par le
président du tribunal statuant en référé. Or, si ici le juge peut décider de désigner un tiers afin
de fixer le prix, c’est non seulement la loi qui l’investit et, de plus, son rôle diffère de celui du
tiers estimateur de l’article 1592 car ici il doit mettre à jour une valeur

§ 2 : La vente à un prix sérieux
Une fois déterminé, encore faut-il que le prix soit sérieux. En effet, il ne doit pas être dérisoire
(A) mais il pourra être symbolique (B). Enfin, la lésion exclue par principe intervient dans
certaines ventes (C).
A. Le prix dérisoire
Déjà avant la réforme, la jurisprudence considérait que, dans le contrat de vente, le prix devait
être sérieux.
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Ainsi, un prix dérisoire ou vil rendait le contrat nul pour absence de contrepartie. Il ne faut pas
confondre le prix dérisoire avec un simple déséquilibre ou un prix inférieur à la valeur de la
chose. En effet, l’erreur sur la valeur n’est pas une cause de nullité en droit français. Le prix
dérisoire ou vil est si minime, qu’il revient à une absence de contrepartie. Or, dans le contrat
synallagmatique, la cause de l’engagement de l’une des parties est l’engagement de l’autre.
Dans la vente, le prix est la contrepartie attendue par le vendeur. Ainsi, la nullité pour vil prix
ou prix dérisoire avait pour fondement une absence de cause (
Civ. 3e, 24 oct. 2012, n°11-
21980).
De plus, un arrêt très remarqué (Com., 22 mars 2016, n°14-14218) de la chambre commerciale
aligne sa jurisprudence sur celle des chambres civiles s’agissant de la sanction applicable au
prix dérisoire. En effet, non seulement elle adopte la théorie moderne de la nullité mais elle
l’applique au prix dérisoire. En d’autres termes, le prix dérisoire traduit une absence de cause
et la nullité qui s’en suit protège un intérêt privé ; la nullité est donc relative. En effet elle
affirme que « ce n’est non pas en fonction de l’existence ou de l’absence d’un élément essentiel
du contrat au jour de sa formation,
mais au regard de la nature de l’intérêt, privé ou général,
protégé par la règle transgressée qu’il convient de déterminer le régime de nullité
applicable ; Attendu qu’en l’espèce, l’action en nullité des cessions de parts conclues pour un
prix indéterminé ou vil ne tendait qu’à la protection des intérêts privés des cédants (…) qui
relève du régime des actions en nullité relative. »
La cause désormais n’est plus (du moins sémantiquement) une condition de validité du contrat
mais la réforme de 2016 a introduit un nouvel article 1169 dans le Code civil selon lequel « un
contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au
profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ». Cela reprend la jurisprudence précitée.
B. Le prix symbolique
Le prix dérisoire n’est pas un prix symbolique. En effet, le prix symbolique est valable s’il
existe d’autres contreparties à la vente.
Par exemple : il a pu être décidé que la vente d’un terrain à un franc était valable car
elle était englobée dans un ensemble contractuel formant « un tout indivisible » et
procurant un avantage au vendeur (Civ 3
e, 3 mars 1993, n°91-15613 : « dans le cadre
de l’économie générale du contrat, la vente du terrain était causée et avait une
contrepartie réelle. »)

C. La lésion
La lésion n’est pas, en principe, une cause de nullité du contrat en droit commun. En effet, la
lésion n’est prise en compte que si un texte spécial l’envisage, comme l’enseignait l’ancien
article 1118 du Code civil supprimé par la réforme du droit des contrats. Toutefois, bien que
la formulation soit différente, l’article 1168 pose désormais le même principe. En effet, « dans
les contrats synallagmatiques le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de
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nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement ». Au lieu de parler de lésion, le
texte vise « le défaut d’équivalence ».
Or, c’est justement l’objet de l’article 1674 du Code civil. Il prévoit que « si le vendeur a été
lésé de plus des sept douzièmes dans le prix d’un immeuble, il a le droit de demander la rescision
de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans un contrat à la faculté de demander
cette rescision, et qu’il aurait déclaré donner la plus-value ».
Ce texte est donc d’application stricte et est réservé aux immeubles vendus avec une lésion de
plus des 7/12
e de la valeur de l’immeuble, estimée au jour de la vente (dans la promesse
unilatérale de vente le jour de la vente est le jour de la levée d’option).
Le vendeur, et seulement lui, à l’exclusion de l’acheteur, a deux ans (art. 1676) à compter du
jour de la vente pour demander la nullité de la vente. Toutefois, si l’acheteur ne peut invoquer
cette lésion réservée au vendeur, il peut en revanche choisir de maintenir la vente en rachetant
la lésion. Cela consiste à payer le supplément du juste prix avec 1/10
e de réduction du prix total
(
art. 1681 C. civ.).
Le supplément du prix que devra payer l’acquéreur est la différence entre le prix réel (à la date
de rachat de la lésion et le prix convenu et payé initialement).
S’il l’acheteur ne choisit pas de conserver l’immeuble et de racheter ainsi la lésion, l’action du
vendeur en rescision pour lésion aura pour effet l’anéantissement de la vente donnant lieu à la
restitution du prix par le vendeur et de l’immeuble par l’acheteur.
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