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Intergovernmental Group of Experts on Competition
Law and Policy, Fourteenth Session
Geneva, 8-10 July 2014
Roundtable on:
The Benefit of Competition Policy for
Consumers
Contribution
by
Tunisie
The views expressed are those of the author and do not necessarily reflect the views
of UNCTAD











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La concurrence n’est pas une fin en soi, mais un moyen pour réaliser l’efficacité
économique et servir l’intérêt du consommateur. La concurrence est aujourd’hui encadrée afin de
conduire l’économie vers ce qui serait son but ultime : le bien être des individus, personnes
physiques, car ni la jurisprudence ni les directives européennes ne considèrent les personnes
morales comme "consommateur"
1.
" Le droit de la concurrence a pour objet premier le marché ; le droit de la consommation,
la protection de son sujet. Ces deux ensembles de règles pourraient donc se révéler en conflit,
favorisant pour le premier un processus dont le sujet du second est l’enjeu.
Cependant, ces difficultés attestent, dans le même temps, des liens étroits unissant ces
droits. Protéger le consommateur, c’est lui permettre de jouer son rôle sur le marché, sujet non
plus seulement passif mais en action, défenseur de ses intérêts et acteurs économiques. Il faudrait
associer plus étroitement les consommateurs à la politique de la concurrence "
2.
En Tunisie, c’est le législateur qui a pris l’initiative en matière de protection du
consommateur. En effet la loi 92-117 du 7 décembre 1992 relative à la protection du
consommateur dispose dans son article premier que « la présente loi a pour objet de fixer les
règles générales afférentes à la sécurité des produits, à la loyauté des transactions économiques et
à la protection du consommateur ». De sa part, en fixant les dispositions régissant la liberté des
prix, les règles présidant à la libre concurrence, mais surtout les obligations mises à la charge des
producteurs, commerçants, prestataires de services et autres intermédiaires et tendant à prévenir
toute pratique anticoncurrentielle, à assurer la transparence des prix, et enrayer les pratiques
restrictives et les hausses illicites des prix, la loi 91-64 du 29 juillet 1991 relative à la
concurrence et aux prix ne vise-t-elle pas directement ou indirectement la protection du
consommateur, notamment dans son pouvoir d’achat ? Ladite protection nous parait évidente
dans son article 3 qui dispose que " sont exclus du régime de la liberté des prix…les biens,
produits et services de première nécessité ou afférents à des secteurs ou zones où la concurrence
par les prix est limitée soit en raison d’une situation de monopole ou de difficultés durables
d’approvisionnement soit par l’effet de disposition législatives ou réglementaires…".
Devant les limites du rôle de l'organisation tunisienne de défense du consommateur3, et du
Conseil national de la protection du consommateur
4 le conseil de la concurrence se montre
soucieux des intérêts du consommateur et ce même si celui-ci n'a pas le droit de saisir
directement le Conseil. C'est l'article 11 de la loi relative à la concurrence et aux prix qui fixe la
1 G.Raymond, "Définir le consommateur", Revue contrats-concurrence-consommation, octobre 2013, No 9.
2 Marie-Stephane payet, Droit de la concurrence et droit de la consommation, Dalloz, 2001, p. 2.
3 Une organisation non gouvernementale crée en 1989 (21 février) par simple arrêté du ministre de
l'intérieur.
4 Le rôle du Conseil national de protection du consommateur se limite à une fonction consultative sur
la qualité des produits et services et il peut se prononcer sur les conventions régissant la relation
entre prestataires de services et consommateurs.
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liste des personnes morales qui peuvent saisir le Conseil5. Et le Conseil lui-même déclare
irrecevable toute requête présentée devant lui par une personne physique.
6 D'autre part, il
ressort des dispositions de la loi relative à la concurrence et aux prix que le rôle du Conseil de la
concurrence se limite aux affaires concernant les pratiques anticoncurrentielles qui sont de nature
à porter atteinte à l'équilibre du marché et de sa bonne marche selon les règles générales qui le
régissent, éliminant ainsi implicitement les infractions économiques prévues par la loi sur la
protection du consommateur ou par celle relative à la concurrence et aux prix concernant les
obligations des professionnels vis-à-vis du consommateur.
Le rôle protecteur du conseil se joue aussi bien au niveau de la fonction juridictionnelle (I)
qu'au niveau de sa fonction consultative. (II)
"Le juge de la concurrence" et la protection du consommateur:
Comme on l'a déjà annoncé l'objectif de la fonction juridictionnelle du Conseil de la
concurrence est de favoriser la libre concurrence pour préserver l'équilibre du marché, mais étant
donné que l'objectif ultime du droit de la concurrence reste le bien être de l'individu, le Conseil
de la concurrence ne rate pas l'occasion pour mettre en relief l'intérêt du consommateur et pour
se montrer protecteur de cet intérêt, et ce dans tous les secteurs économiques.
A- Le secteur de télécommunication:
Le secteur de télécommunication est un secteur très technique d’où la difficulté pour le
consommateur de se protéger lui-même contre les abus qui peuvent toucher ses droits à un
service efficace moyennant un prix raisonnable.
Dans ce cadre, le rôle du Conseil se distingue par la définition des notions et la
simplification des termes techniques. Dans ses décisions le Conseil procède à une étude détaillée
du marché en question. Ce qui permet au consommateur de mieux cerner ces notions et de
défendre ses intérêts.
1-
Le droit à des services diversifiés moyennant un prix raisonnable: Statuant sur des
cas de vente à prix abusivement bas, le Conseil de la concurrence renforce le droit du
consommateur à jouir d'offres qui reflètent l'état concurrentiel du marché. En effet et
contrairement à ce que prétend la société requérante, le Conseil considère que l'offre ne constitue
pas une pratique anticoncurrentielle par la vente à un prix abusivement bas. Il précise que les
composantes du cout de service de télécommunication ne sont pas les mêmes que pour les autres
5L'article 11 de la loi relative à la concurrence et aux prix fixe une liste limitative des personnes
habilitées a saisir le Conseil en disposant que: " les requêtes sont portées devant le Conseil de la
concurrence par :
-
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-
-
-
-
-
Le ministre chargé du commerce ou toute personne ayant délégation à cet effet,
Les entreprises économiques.
Les organisations professionnelles et syndicales,
Les organisations ou groupements de consommateur légalement établis,
Les chambres de commerce et d'industrie,
Les autorités de régulation,
Les collectivités locales."
6 Affaire N.11287 du 15 nov.2012.
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produits et services. Le coût de commercialisation et de vente d'une ligne téléphonique inclut les
bonus et les avantages offerts, par l'operateur, au consommateur et est considéré comme "coût
d'acquisition de nouveaux clients" qui est récupérable par la suite par le coût d'appel.
7
Dans une autre affaire le Conseil a condamné un opérateur de téléphonie mobile pour
avoir procédé à des tarifs préférentiels en estimant que le fait de fixer des tarifs plus élevés pour
les appels effectués hors le réseau de l'operateur en question, affecte la liberté du consommateur
d'appeler des numéro autres que les siens.
8
2-
La consolidation du processus de libéralisation du secteur de télécommunication:
Le Conseil de la concurrence a condamné "Tunisie télécom" pour refus d'ouvrir le marché de
téléphonie fixe à la concurrence.
Dans cette affaire Tunisie télécom a refusé dans un premier temps de faciliter l'accès de
l'opérateur concurrent au réseau national de téléphone fixe, et dans un deuxième temps a retardé
la conclusion d'un accord sur le partage du réseau, et enfin elle n'a pas respecté la décision de
l'instance nationale de télécommunication qui l'oblige à exécuter la convention portant sur l'accès
au réseau.
Le Conseil de
la concurrence a qualifié
télécom
d'anticoncurrentielles constituant un cas d'abus de position dominante sur le marché de
téléphonie fixe, imposant ainsi l'ouverture du marché à la concurrence pour permettre au
consommateur d'adhérer au réseau de son choix.
les pratiques de Tunisie
B- Le secteur de transport aérien:
Suite à une décision d'auto saisine9, le Conseil a qualifié d'anticoncurrentiel l'accord conclu
entre certaines compagnies aériennes et la fédération nationale des agences de voyage dont
l'objet était de remplacer le régime de "commission IATA" par un autre régime dit de "frais de
dossier". Le Conseil tunisien de la concurrence a considéré que ledit accord "est de nature à
empêcher la fixation des prix selon la règle de l'offre et la demande"
10 chose qui peut se
répercuter sur les prix des services de transport aérien et porter atteinte, par conséquent, aux
intérêts financiers des clients des compagnies aériennes.
C- Le Conseil de la concurrence et les infractions économiques:
D'habitude le Conseil tunisien de la concurrence s'estime incompétent pour statuer sur les
affaires portant sur les infractions économiques autres que les pratiques anticoncurrentielles
objets de l'article 5 de la loi relative à la concurrence et aux prix ou sur celles visant la répression
de la concurrence déloyale
11. L'exception à ce principe qui régit les règles de compétence
7 Affaires N. 101256 du 3novembre 2011 et 121312 du 16 janv.2014.
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Affaire N. 101238 du 3 nov. 2011.
9 C'est le 2eme alinéa de l'article 11 de la loi relative à la concurrence et aux prix qui permet au
Conseil, "sur rapport du rapporteur général et après avoir entendu le commissaire du gouvernement,
de se saisir d'office des pratiques anticoncurrentielles sur le marché…".
10 Affaire N. 81162 du 17 sept. 2009.
11 A titre d'exemple, affaire N. 121317 du 11 juillet 2013
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"juridictionnelle" du Conseil c'est que ces infractions peuvent, selon notre Conseil, constituer des
pratiques anticoncurrentielles, chaque fois que la société soit d'abord en situation de position
dominante sur le marché et que les pratiques objets du conflit touchent aux mécanismes du
marché ou qu'elles portent atteinte à son équilibre ou qu'elles se répercutent sur la libre
concurrence".
12 Il s'agit, à titre d'exemple d'une société de production de Yaourt qui a procédé à
une publicité pour informer le public de la baisse de prix de la boite de Yaourt, mais sans
informer le consommateur de la réduction du poids de la boite. Le Conseil considère que les faits
reprochés à la société sont contraires aux dispositions de l'article 13 de la loi 1992-117 relative à
la protection du consommateur qui interdit "toute publicité pour des produits comportant sous
quelque forme que ce soit, des allégations ou indications fausses ou de nature à induire en
erreur…". Considérant que la société en question est en situation de position dominante sur le
marché le Conseil a fini par qualifier les faits de pratiques anticoncurrentielles même si elles sont
en apparence de simples infractions économiques touchant aux intérêts du consommateur.
Dans le même contexte, et après un an environ, la société requérante dans l'affaire
précédente s'est vue reproché le fait de réduire le poids de la boite de Yaourt tout en gardant le
même prix sans pour autant informer le consommateur.
13 Cette fois ci le Conseil a rejeté la
requête quant au fond, s'agissant d'un cas de concurrence déloyale le Conseil a rappelé, encore
une fois que les faits incombés à la société fautive doivent se répercuter sur l'équilibre du marché
et pour qu'il en soit ainsi la même société doit être en situation de position dominante sur le
marché et doit avoir commis un abus de cette position. C'est dire que pour notre autorité de
concurrence, les infractions économiques portant atteinte aux intérêts du consommateur ne sont
recevables que lorsqu'elles sont associées à l'une des pratiques anticoncurrentielles définies par
l'article 5 de la loi sur la concurrence et les prix.
Le rôle consultatif et la protection du consommateur:
Le Conseil de la concurrence intervient, par son rôle consultatif, dans la procédure de
l'autorisation du ministre chargé du commerce pour l'exercice de quelques activités économiques
sans les soumettre strictement aux règles de la concurrence. En effet, l'article 6 de la loi relative à
la concurrence et aux prix dispose que les ententes et les pratiques dont les auteurs justifient
qu'elles ont pour effet un progrès technique ou économique et qu'elles procurent aux utilisateurs
une partie équitable du profit qui en résulte, ne sont pas considérées comme anticoncurrentielles.
Et il soumet l'autorisation du ministre à l'avis du Conseil de la concurrence. Le progrès
économique ou technique n'est-il pas dans l'intérêt du citoyen? Et de là même n'a-t-il pas comme
effet le bien être de l'individu?
Parmi ces pratiques exonérées de l'application stricte des règles de la concurrence on peut
citer, surtout, les contrats dits de franchise qui sont soumis à l'avis du Conseil. Et toute fois que
le Conseil estime que le contrat aura pour effet un progrès technique ou économique certain, il
rend un avis favorable à l'octroi de l'autorisation sans pour autant permettre aux parties de
négliger complètement les règles de la concurrence. La tendance de la jurisprudence consultative
12 Affaire N.3146 du 27 mars 2004.
13 Affaire N.4161 du 26 mai 2005.
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du conseil en matière de contrat de franchise est de faire en sorte que les clauses
"anticoncurrentielles" soient interprétées de façon que leurs séquelles sur la bonne marche de la
concurrence soient allégées au maximum. Il s'agit notamment de la baisse de la "période de non
concurrence" insérée dans le contrat de franchise qui ne doit pas selon le Conseil, dépasser une
année.
D'autre part, si le rôle des autorités de concurrence consiste à préserver l'ordre public
économique, le Conseil tunisien de la concurrence s'est montré soucieux plutôt de "l'ordre public
de la santé" donnant ainsi la priorité à la santé du consommateur sur les exigences du bon
fonctionnement des règles de la concurrence. C'était à l'occasion de la soumission à son avis
d'une consultation sur la possibilité de la monopolisation, par la régie nationale du tabac et des
allumettes, de la distribution des cigarettes électroniques. Vu le danger du produit sur la santé
des consommateurs et partons du fait que l'importation de ces cigarettes et leur distribution
peuvent échapper au contrôle de qualité le Conseil a rendu un avis favorable à la monopolisation
de leur distribution par l'organisme public.
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14 Avis, N. 142514 du 15 mai 2014.
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