Direction Générale de la Politique Monétaire NOTE SUR LES EVOLUTIONS ECONOMIQUES ET MONETAIRES ET LES PERSPECTIVES A MOYEN TERME Juin 2022
Banque Centrale de Tunisie - 25, Rue Hédi Nouira, BP 777 - 1080 - Tunis Tél: (+216) 71 122 000 - Fax: (+216) 71 340 615 – Site : www.bct.gov.tn
APERÇU GENERAL Contexte international • Révision à la baisse de la croissance mondiale pour l’année 2022, touchant la majorité des économies avancées et émergentes. • Léger apaisement des prix internationaux des produits de base, en avril 2022, tout en se maintenant sur des paliers historiquement élevés. • Les tensions inflationnistes se sont poursuivies en avril 2022 dans les principales économies avancées et émergentes. • Renforcement de l’orientation restrictive des politiques monétaires dans les principales économies. Contexte national • Progression du PIB, exprimé aux prix constants de 2015, de +1,4% en V.T et 2,7% en G.A, au T1-2022.
Aux prix de l’année précédente, le PIB a augmenté de +0,7% en V.T et de 2,4% en G.A. • Hausse de l’inflation en mai 2022, pour s’établir à 7,8% après 7,5% le mois précédent. Sur l’ensemble de l’année 2022, le taux d’inflation s’établirait à 7,3%, en moyenne, après 5,7% en 2021. • Creusement du déficit courant à -3.879 MDT au terme du mois d’avril 2022 (ou -2,7% du PIB) contre -2.168 MDT (ou -1,7% du PIB) un an auparavant. • Les réserves en devises se sont élevées à 7.974 MUSD (ou l’équivalent de 125 jours d’importation) à fin mai 2022, en baisse par rapport à leur niveau de fin 2021 (8.014 MUSD et 133 jours d’importation). • Décélération de la masse monétaire (M3) en mars 2022 (9,0% en G.A, contre 9,8% une année auparavant). • Ralentissement du rythme de progression des crédits à l’économie en mars 2022 (6,1% en G.A, après 7,5% en février 2022). • Le volume global de refinancement s’est établi à 10,6 milliards de dinars en avril 2022, en hausse de 569 MDT par rapport au mois précédent. • Le Conseil d’Administration de la Banque centrale a décidé, le 17 mai 2022, d’augmenter de 75 points de base le taux directeur, le portant à 7%. Il a également décidé de relever de 5% à 6% le taux minimum de rémunération de l’épargne. • Suite au relèvement du taux directeur de la BCT, le taux d’intérêt du marché monétaire (TMM) a augmenté à 6,6% en mai 2022, après 6,26% le mois précédent.
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I. CONJONCTURE INTERNATIONALE I.1 ACTIVITE ECONOMIQUE Après avoir subi le choc de la pandémie en 2020, l’activité économique a repris en 2021, dans les principales économies avancées, quoiqu’à des rythmes disparates, grâce à la levée des mesures de restriction consécutive aux progrès réalisés en matière de vaccination ainsi qu’à la poursuite des politiques budgétaires et monétaires expansionnistes. En revanche, dans les économies émergentes et celles en développement, les faibles taux de vaccination ont pesé lourdement sur la reprise. Pour l’année 2022, les incertitudes entourant les évolutions macroéconomiques se sont multipliées avec l’instauration de mesures strictes de confinement en Chine, suite à la recrudescence du nombre de contaminations depuis le premier trimestre de 2022, et avec l’intensification des tensions géopolitiques avec le conflit russo-ukrainien ayant débuté vers la fin du mois de février, et dont les retombées sur les échanges commerciaux, les chaines d’approvisionnement, les prix des produits de base, les coûts de production, l’investissement et la consommation n’ont pas tardé à se faire ressentir. D’ailleurs, les prévisions de la croissance mondiale pour 2022 ont été revues à la baisse par le Fonds Monétaire International, dans sa dernière publication1, pour s’établir à +3,6% contre +4,4% prévu précédemment2 et ce, après +6,1% en 2021 et -3,1% en 2020. Cette révision a touché la majorité des économies avancées et émergentes,
1 “World Economic Outlook”, FMI - Avril 2022. affectées, notamment, par la guerre russo-ukrainienne, les sanctions contre la Russie ainsi que les mesures de confinement en Chine. L’exception a été faite pour les pays exportateurs de pétrole dont la révision a été plutôt à la hausse, tirant profit de la flambée des prix des produits énergétiques. Ainsi, l’activité économique poursuivrait, en 2022, son renforcement dans les principales économies avancées et émergentes, quoiqu’à un rythme plus faible que celui de l’année précédente. Les taux de croissance seraient, en 2022, de l’ordre de +3,7% aux Etats-Unis, +3,7% au Royaume-Uni, +2,8% dans la Zone Euro et +4,4% en Chine et ce, après +5,7%, +7,4%, +5,3% et +8,1% en 2021 (cf. Tab 1). A l’opposée, le Japon pourrait assister à une accélération de sa croissance en 2022 (+2,4% prévue après +1,6% enregistrée en 2021) en relation avec les effets des mesures économiques prises par le gouvernement nippon et la reprise de la production industrielle. Tab. 1 : Evolution de la croissance du PIB dans le monde Dernières observations : T1-2022. Source des variations trimestrielles : OCDE- EUROSTAT Source des données annuelles : WORLD ECONOMIC OUTLOOK - FMI - Avril 2022 2 “World Economic Outlook”, FMI - Janvier 2022.
2022PREV.Janv.PREV.Avril.T2T3T4T1ECONOMIES AVANCEESEtats-Unis-3,4%5,7%4,0%3,7%1,6%0,6%1,7%-0,4%Zone Euro-6,4%5,3%3,9%2,8%2,2%2,2%0,3%0,3% France-8,0%7,0%3,5%2,9%1,5%3,0%0,8%0,0% Allemagne-4,6%2,8%3,8%2,1%2,2%1,7%-0,3%0,2% Italie-9,0%6,6%3,8%2,3%2,7%2,5%0,7%-0,2% Espagne-10,8%5,1%5,8%4,8%1,1%2,6%2,2%0,3%Royaume-Uni-9,3%7,4%4,7%3,7%5,6%0,9%1,3%0,8%Japon-4,5%1,6%3,3%2,4%0,5%-0,7%0,9%-0,2%ECONOMIES EMERGENTESChine2,2%8,1%4,8%4,4%1,2%0,7%1,5%1,3%202220212020Croissance Annuelle2021Variation Trimestrielle
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Les estimations les plus récentes du PIB du premier trimestre de l’année 2022, au niveau des principales économies avancées et émergentes, confirment bien cette évolution. En effet, comparativement au trimestre précédent, le rythme de progression de l’activité américaine a reculé de -0,4% en V.T, au T1-2022 après +1,7% enregistré au T4-2021, pénalisée par le recul des investissements dans les stocks, la baisse des exportations et la faiblesse des dépenses fédérales et locales. Également, l’activité nipponne a accusé une baisse de -0,2% en V.T (après +0,9% au T4-2021) sur fond de la flambée des cours des matières premières, notamment de l'énergie, et des perturbations de la production en relation avec la stratégie « zéro Covid » en Chine. Par ailleurs, le taux de croissance a été positif au Royaume-Uni, quoique moins élevé qu’au trimestre précédent (+0,8% en V.T après +1,3%), tirant profit de la bonne tenue de la demande intérieure, renforcée par les mesures de soutien budgétaire. Du côté de la Chine, et en dépit de la recrudescence du nombre de contaminations, l’activité économique a poursuivi son amélioration, enregistrant une hausse de +1,3% en V.T au T1-2022 contre +1,5% au T4-2021. Dans la Zone Euro, le redressement de l’activité économique s’est poursuivi au T1-2022 au même rythme que celui du trimestre précédent (+0,3% en V.T). S’agissant des principaux pays partenaires commerciaux de la Tunisie, le constat demeure mitigé au premier trimestre de 2022. L’activité économique espagnole a poursuivi son redressement graduel au premier trimestre 2022 quoiqu’à une cadence moins soutenue que le trimestre précédent (+0,3% en V.T contre +2,2% au T4-2021), grâce au dynamisme des investissements des entreprises et à la bonne tenue de la consommation des ménages. En outre, le PIB allemand a enregistré une reprise au T1-2022 de l’ordre de +0,2% (en V.T), après avoir reculé de -0,3% au T4-2021. Quant à l’activité économique française, elle a stagné au T1-2022, après avoir enregistré une légère amélioration au T4-2021. En revanche, l’activité italienne a chuté de -0,2% en V.T, après une croissance légèrement positive de +0,7% au T4-2021, reflétant en partie, l’impact de la guerre en Ukraine. Du côté de l’activité industrielle européenne, la production de la Zone Euro a nettement baissé en mars 2022 (-1,8% en V.M, après +0,5% en février et -0,8% en janvier 2022), en relation avec la baisse de la production des biens d’investissement (-2,7% en V.M) et des biens de consommation non durables (-2,3% en V.M). La plus forte diminution a été enregistrée en Allemagne (-5,0% après +0,4% en février) sur fond de l’intensification des perturbations des chaînes d'approvisionnement affectées par le nouveau confinement imposé en Chine, et par les effets de l’interdiction de l’importation des hydrocarbures russes. Par rapport au trimestre précédent, la production industrielle a repris de +0,9% sur l’ensemble de la Zone Euro après avoir connu une baisse de -0,2% au T4-2021 (Cf. Graph 1).
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Graph. 1 : Indice de la production industrielle dans les principaux pays de la Zone Euro Dernières observations : Mars 2022. Source : EUROSTAT. Pour ce qui est du climat de confiance, le moral des industriels s’est davantage dégradé, en avril 2022, dans l’ensemble des pays de la Zone Euro (Cf. Graph 2), sur fond des inquiétudes face à la flambée des prix internationaux des produits de base affectant les coûts de production et de la dégradation des carnets de commande à l’extérieur. Graph. 2 : Indices de confiance des entreprises dans les principaux pays de la Zone Euro Dernières observations : Avril 2022. Source : OCDE. De même, l’indice de confiance des ménages européens a poursuivi, en avril 2022, sa tendance baissière entamée depuis le mois de juillet 2021 (Cf. Graph 3), reflétant les inquiétudes face à l’intensification des pressions inflationnistes et la remontée effective des prix engendrant une érosion du pouvoir d’achat. Graph. 3. Indices de confiance des ménages dans les principaux pays de la Zone Euro Dernières observations : Avril 2022. Source : OCDE. I.2 INFLATION ET PRIX DES PRODUITS DE BASE Les tensions inflationnistes se sont poursuivies en avril 2022, dans les principales économies avancées et émergentes (Cf. Graph 4), alimentées par les répercussions économiques de la guerre en Ukraine, par l’émergence d’une nouvelle vague de contaminations à la COVID-19 en Chine et par les difficultés persistantes d’approvisionnement. Graph. 4 : Evolution du taux d’inflation dans les principales économies avancées en G.A Dernières observations : Avril 2022. Source : Datastream
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Du côté de la Zone Euro, le taux d’inflation (calculé sur la base de l’IPCH3 en G.A) s’est stabilisé en avril 2022 à son plus haut niveau historique atteint en mars dernier (+7,4% contre +1,6% une année auparavant). Cette évolution est due, essentiellement, à la forte pression à la hausse provenant des prix de l’énergie (+37,5% en G.A en avril 2022, après +44,3% un mois auparavant) et des tarifs « d’électricité, gaz et autres combustibles » (+42,8% sur un an après +47,5% en mars) et à l’accélération des prix des services (+3,3% en G.A après +2,7% le mois précédent), de « l’alimentation, alcool et tabac » (+6,3% sur un an après +5,0% en mars) et des biens industriels hors énergie (+3,8% en G.A après +3,4%). Également, la composante sous-jacente « hors énergie et produits alimentaires » s’est accrue de +3,9% en avril 2022, en G.A, contre +3,2% le mois précédent, ce qui représente près de deux fois l’objectif de 2%, fixé par la Banque Centrale Européenne (BCE). D’après les projections les plus récentes de la BCE, publiées en mars 2022, l’inflation globale devrait rester à des niveaux élevés dans les prochains mois, avant de revenir lentement vers son objectif, reflétant le renchérissement des matières premières, les pressions persistantes à la hausse découlant des ruptures d’approvisionnement et d’une évolution plus vigoureuse des salaires, à la suite de l’augmentation du salaire minimum prévue en Allemagne. L’inflation devrait s’établir en moyenne à 5,1% en 2022, 2,1% en 2023 et 1,9% en 2024.
3 IPCH : Indice des Prix à la Consommation Harmonisé. Tab. 2 : Evolution de l’inflation dans le monde (en %) Dernières observations Avril 2022. Source : Datastream Source des prévisions : Perspectives de l’économie mondiale-FMI-Avril 2022 Aux Etats-Unis, l’inflation s’est établie à +8,3% en avril 2022 après avoir atteint un pic de +8,5% le mois précédent et +4,2% une année auparavant. Cette décélération trouve son origine dans le léger recul des prix de l’énergie (+30,3% après +32,2% en mars 2022), quoiqu’ils continuent encore à progresser à des rythmes élevés, principalement ceux de l’essence (+43,6% après +48,0%). La composante sous-jacente « hors énergie et produits alimentaires » a également contribué à la décélération susmentionnée ayant enregistré, un net ralentissement, pour s’établir à +6,2% en avril 2022, contre +6,5% le mois précédent. Sur un an, les projections du FMI tablent sur un taux d’inflation moyen au voisinage de +7,7% en 2022. Ce mouvement inflationniste a concerné également les principales économies émergentes où l’inflation a particulièrement explosé, à l’instar de la Turquie dont le taux d’inflation s’est établi en moyenne à +70% en avril 2022, contre +61,1% un mois auparavant, portée par la flambée des prix de l’énergie et l’effondrement de la Livre turque et
Etats-Unis6,78,08,58,34,77,7Zone Euro4,66,17,47,42,65,3 France3,34,25,15,42,14,1 Italie3,76,06,86,31,95,3 Allemagne5,46,17,67,83,25,5 Espagne5,87,99,88,33,05,3Royaume-Uni4,45,56,27,82,57,4Japon0,50,91,22,5-0,21,0Russie8,311,516,717,86,721,3Chine1,81,11,52,10,92,1Turquie25,854,861,170,019,660,5Maroc2,53,15,35,91,41,2(*) Perspectives de l'économie mondiale - FMI - Avril 2022ECONOMIES AVANCEESECONOMIES EMERGENTES & EN DEVELOPPEMENTT4-2021 T1-2022 Mars-2022 Avr-2022Moyenne de la période20212022(*)
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ce, malgré les mesures d’urgence annoncées par le Chef de l’Etat et les baisses de la TVA annoncées en début d’année sur les produits de première nécessité. Également l’inflation s’est envolée à 17,8% en Russie, en avril 2022, contre +16,9% le mois précédent, un niveau jamais atteint depuis l’année 2002, traduisant les répercussions des sanctions occidentales (Cf. Tab 2). Les cours internationaux des produits de base se sont légèrement atténués en avril 2022, tout en se maintenant sur des paliers historiquement élevés (Cf. Graph 5). Cette évolution est expliquée, essentiellement, par l’atonie de la demande mondiale, notamment, de la part de la Chine, premier consommateur mondial de produits de base, laquelle souffre des mesures de confinement sanitaire. Faut-il rappeler que les prix internationaux des matières premières ont été fortement impactés par la guerre en Ukraine, atteignant des sommets absolus au cours du mois de mars 2022, la Russie étant l’un des premiers producteurs mondiaux de pétrole brut et de gaz naturel et l’Ukraine représente le premier producteur mondial de l'oléagineux et un important exportateur mondial de céréales. Graph. 5 : Evolution des Indices des prix des produits de base Dernières observations : Avril 2022. Source : Banque Mondiale. L’indice des prix des produits alimentaires, tel que publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), a connu, en avril 2022, un léger recul de l’ordre de -0,8% en V.M et ce, après le record absolu atteint en mars 2022, à la suite de la rupture des chaînes d’approvisionnement induite par la guerre russo-ukrainienne (Cf. Graph 6). La baisse la plus importante a été enregistrée au niveau des huiles végétales, en particulier celles de palme, de tournesol et de soja, en raison du rationnement de la demande de la part des pays importateurs en réaction aux prix records constatés le mois précédent. Dans une moindre mesure, les prix des céréales ont connu une légère baisse, à la faveur, notamment, du recul des prix du maïs grâce à la bonne récolte en Argentine et au Brésil, baisse qui a été compensée en partie par la hausse des prix du blé qui demeurent élevés en raison du blocage des ports en Ukraine, et ceux du riz étant donnée la forte demande provenant de la Chine et du Proche-Orient. Par ailleurs, les prix du sucre, de la viande et des produits laitiers ont poursuivi, en avril 2022, leurs tendances haussières. Graph. 6 : Indice FAO des prix des produits alimentaires Dernières observations : Avril 2022. Source : Datastream
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Du côté des métaux et minerais, après les fortes hausses enregistrées en mars 2022, les prix se sont repliés en avril 2022 (Cf. Graph 7), portant la marque, essentiellement, de l’appréciation du dollar américain, qui s’est conjuguée à la baisse de la demande en provenance de la Chine, important consommateur mondial des métaux industriels, lequel pays continue de souffrir des mesures de confinement. Les contrats à terme des vingt-cinq premiers jours du mois de mai 2022 laissent présager une poursuite de la baisse au cours dudit mois, suivie d’une quasi-stabilisation des prix de l’aluminium et du cuivre au cours des mois à venir. Graph. 7 : Perspectives des prix des principaux métaux Dernières observations : Avril 2022. Dernières prévisions : Décembre 2022. Source : Datastream En ce qui concerne les produits pétroliers, l’aggravation du conflit en Ukraine et l’arrêt quasi-total des exportations de pétrole par la Russie ont porté les prix du baril à 133,17 dollars à la date du 8 mars 2022, un niveau proche de son record absolu de 2008, générant une moyenne mensuelle de 117,2 dollars sur l’ensemble du mois de mars. En avril 2022, la baisse de la demande mondiale à la suite de l’introduction des mesures strictes de confinement en Chine, conjuguée à
4 Rapport sur le Marché Pétrolier – Mai 2022. l’augmentation régulière de la production des membres de l’OPEP et ses alliés, ainsi que des Etats-Unis et d’autres pays en dehors de l’OPEP+, ont ramené les prix du baril de Brent à des niveaux proches de ceux précédant la guerre en Ukraine (105,2 dollars sur l’ensemble du mois susmentionné) (Cf. Graph 8). Selon les dernières projections de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE)4, l’augmentation graduelle de la production en provenance de l’OPEP et ses alliés, du Moyen-Orient et des Etats-Unis, conjuguée à une croissance plus lente de la demande mondiale, en particulier de la part de la Chine, deuxième consommateur mondial de pétrole, devraient atténuer, à court terme, le déficit aigu de l’offre dans un contexte d’aggravation des perturbations de l’approvisionnement par la Russie. D’après les contrats à terme des vingt-cinq premiers jours du mois de mai 2022, les prix du baril de Brent devraient connaitre une légère accélération, suivie d’une certaine accalmie pour le reste de l’année 2022, pour s’établir au voisinage de 104,3 dollars, en moyenne annuelle. Graph. 8 : Perspectives des prix des produits énergétiques Dernières observations : Avril 2022. Dernières prévisions : Décembre 2022. Source : Datastream
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I.3 CONDITIONS MONETAIRES ET FINANCIERES Face à l’intensification des pressions inflationnistes, les principales Banques Centrales se sont orientées vers le resserrement de leurs politiques monétaires (Cf. Graph 9). Aux Etats-Unis, la Réserve Fédérale Américaine (Fed) a annoncé, le 4 mai 2022, un nouveau relèvement de ses taux directeurs de 50 points de base, pour les porter dans une fourchette comprise entre 0,75% et 1 %. Cette décision a été accompagnée d’une réduction de ses achats d’actifs sur les marchés à partir du 1er juin 2022. La Fed a signalé que « d'autres hausses seront justifiées », aussi longtemps que la guerre en Ukraine et les mesures de confinement en Chine continueraient à exacerber la pression sur les prix et à accentuer les problèmes de logistique. Pour sa part, la Banque d’Angleterre (BOE) a relevé, à l'issue de sa réunion de politique monétaire le 5 mai 2022, son taux directeur de 25 points de base, pour s’établir à son plus haut niveau depuis 2009, soit 1,0%, tout en avertissant que l'économie britannique pourrait tomber en récession, sur fond d’une inflation galopante et des anticipations négatives attisées par l’effet de la crise russo-ukrainienne sur la demande, l’emploi et les revenus réels. En outre, le Comité de Politique Monétaire a confirmé sa décision de février de mettre fin aux réinvestissements sur les obligations d’entreprises détenues dans son bilan (20 milliards de livres sur un total de 867 milliards avec les obligations d’Etat), et envisage un programme de cession active. De l’autre côté, la Banque Centrale Européenne (BCE) a décidé de laisser inchangés ses taux directeurs. De ce fait, le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement ainsi que ceux de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt demeurent, respectivement, à 0,00%, 0,25% et -0,50%. La BCE a confirmé son orientation vers la normalisation de sa politique monétaire sans toutefois se montrer pressée de relever les taux, en dépit du "sévère" impact économique de la guerre en Ukraine, notamment sur l'inflation. Le Conseil des Gouverneurs a annoncé que les achats nets d'actifs, effectués dans le cadre de l'APP, prendront fin au T3-2022 et que l’évolution des taux directeurs de la BCE restera déterminée par la « forward guidance » et par son engagement stratégique à stabiliser l’inflation à 2 % à moyen terme. Graph. 9 : Evolution des taux directeurs dans les principales économies avancées Dernières Observations : 27 mai 2022. Source : BIS. Face aux incertitudes entourant les tensions géopolitiques, un mouvement de panique a saisi les marchés financiers internationaux depuis le 24 février 2022, date de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, se traduisant par la chute des principaux indices boursiers internationaux au cours du mois de mars 2022 (Cf. Graph 10). En avril, une légère amélioration a été observée, comparativement au mois précédent, dans un contexte
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d'optimisme quant à l'avancement des pourparlers entre la Russie et l'Ukraine, d’une part, et le regain d’espoir après les décisions prises par les principales banques centrales, d’autre part. Graph. 10 : Evolution des indices boursiers des économies avancées Dernières Observations : Avril 2022. Source : Datastream & calcul de la BCT II. CONJONCTURE NATIONALE II.1 EVOLUTION DE L’ACTIVITE AU T1-2022 : L’activité économique a poursuivi son redressement graduel au cours du premier trimestre de l’année 2022, sans pour autant retrouver son niveau d’avant-la-pandémie. Le PIB, exprimé aux prix constants de 2015, a évolué de +1,4% comparativement au trimestre précédent, après +1,6% et +0,9%, enregistrés, respectivement, au cours du quatrième et du troisième trimestre de l’année 2021. Par rapport à la même période de l’année précédente, l’activité a progressé de +2,7% au T1-2022 après +1,8% le trimestre précédent (Cf. Graph 11). Aux prix de l’année précédente, la croissance s’est établie à +0,7% en V.T et à +2,4% en G.A. Graph. 11 : Evolution de la croissance du PIB aux prix constants de l’année 2015 Dernières observations : T1-2022. Source : INS et Calculs BCT. L’analyse sectorielle montre que l’essentiel de la croissance, au T1-2022, a été généré par les activités des services marchands (+1,0pp) et par les industries manufacturières (+0,5pp) et, à un moindre degré, par le secteur de l’agriculture, sylviculture et pêche (+0,1pp). Également, les activités non marchandes et les impôts nets de subventions sur les produits ont contribué
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positivement à la croissance globale, de l’ordre de +0,1pp et +0,2pp respectivement. Ces évolutions ont été atténuées par la contreperformance des industries non manufacturières (-0,5pp) (Cf. Graph 12). Graph. 12 : Contributions sectorielles à la croissance globale Dernières observations : T1-2022. Source : INS& Calculs BCT. Du côté des services marchands, et en termes de variations trimestrielles (V.T), l’activité a progressé de +2,5% au T1-2022, après avoir évolué de +1,6% le trimestre précédent. Cette progression a été quasi-généralisée au niveau des différents secteurs et a été tirée, essentiellement, par la bonne performance des activités financières (+7,6% après -0,8% au T4-2021), celles de l'hôtellerie, cafés et restauration (+8,7% après -6,5%), des services du transport et d’entreposage (+4,3% après +9,5%) et ceux du commerce, entretien et réparation (+1,6% après +2,3%). Seule la branche de l’information et des télécommunications a affiché une variation trimestrielle négative de l’ordre de -1,2% au T1-2022, après +0,3% au T4-2021 (Cf. Graph 13). Graph. 13 : Contributions des services marchands à la croissance globale Dernières observations : T1-2022. Source : INS& Calculs BCT. Concernant les industries manufacturières, la VA s’est accrue de +3,3% en V.T, après +2,4% au T4-2021 (Cf. Graph 14), portant la marque de la bonne performance de l’activité des industries agro-alimentaires, laquelle a été favorisée par la hausse de la production arboricole (+7,9% en V.T, contre -0,7% au T4-2021). Également, la croissance manufacturière a été soutenue par la bonne tenue des industries mécaniques et électriques (IME), et à un moindre degré, celles du textile, habillement et cuir (THC), dont les V.A ont progressé de +7,4% et +2,7% en V.T, respectivement, après +2,9% et +0,1% au T4-2021, à la faveur de la reprise du commerce mondial et de l’amélioration de l’activité industrielle, en particulier dans la Zone Euro. Notons que le volume des exportations desdites branches a augmenté respectivement de +15,9% et +10,5% au T1-2022 comparativement à la même période de l’année précédente.
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Cette performance a été légèrement contrebalancée par le recul de l’activité industrielle chimique (-2,4% en V.T après +5,4% au T4-2021) et par le repli de la VA au niveau des industries de raffinage de pétrole (-48,6% après +27,1%) et celles des autres produits minéraux non métalliques (-6,9% après +11,0%). Graph. 14 : Contributions des industries manufacturières à la croissance globale Dernières observations : T1-2022. Source : INS& Calculs BCT. De son côté, le secteur de l’agriculture, sylviculture et pêche, a connu une reprise de sa VA au T1-2022 comparativement au T4-2021 (+0,9% après -0,2%), favorisée par la hausse de la production arboricole, principalement des oliviers (Cf. Graph 15) et des palmiers dattiers. D’après l’Observatoire National de l’Agriculture (ONAGRI), la production des olives à huile a atteint 1.200 mille tonnes durant la saison 2021/2022, soit une hausse de 71,4% par rapport à la quantité réalisée la saison précédente (700 mille tonnes). En outre, la récolte de dattes a contribué positivement à la VA agricole, avec une production de très bonne qualité, estimée à 368 mille tonnes pour la saison 2021/2022, contre 345 mille tonnes la saison précédente. Cette reprise du secteur agricole aurait été plus importante n’eut été, notamment, la baisse de -21,6% de la quantité produite des agrumes (345 mille tonnes durant la campagne 2021/2022 contre 440 mille tonnes l’année précédente). Graph. 15 : Production annuelle des olives à huile Dernières Observations : 2022. Source : ONAGRI. S’agissant des industries non manufacturières, la VA a subi un fort repli au T1-2022 (-5,2% en V.T, après +7,7% au T4-2021), imputable, essentiellement, à la contreperformance de la branche de construction (-9,0% après +10,9%) et, dans une moindre mesure, la branche de production et de distribution de l'électricité et du gaz (-9,2% après +3,5%). La persistance des difficultés et des pannes techniques au niveau des sites pétroliers a été à l’origine du recul de la VA de la branche « extraction de pétrole et de gaz » (-1,7% après +3,1%). L’effet des baisses susmentionnées a été quelque peu atténué par l’amélioration de l’activité au niveau de la branche minière au cours du premier trimestre de l’année 2022, évoluant de +6,3% en V.T, après +13,5% au T4-2021 (Cf. Graph 16).
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Graph. 16 : Contributions des industries non manufacturières à la croissance globale Dernières observations : T1-2022. Source : INS& Calculs BCT. II.2 EVOLUTION DE L’INFLATION En mai 2022, le taux d’inflation, calculé en termes de GA de l’IPC, a poursuivi sa tendance haussière, pour atteindre 7,8% après 7,5% en avril 2022 et seulement 5,0% en mai 2021 (Cf. graph.17). Cette évolution porte la marque essentiellement du rebond du rythme de progression des prix administrés et, à un moindre degré, de l’accélération de la composante sous-jacente5, dont les effets ont été quelque peu atténués par le ralentissement des prix des produits alimentaires frais. Graph. 17 : Évolution de l’Indice des Prix à la Consommation Dernières Observations : Mai 2022. Sources : INS & Calcul BCT.
5 Sauf indication contraire, la mesure adoptée pour l’inflation sous-jacente, dans ce document, est celle « hors produits alimentaires frais et produits à prix administrés ». Au niveau des produits administrés, l’affermissement des prix (+8,1% en mai 2022 après +6,7% un mois auparavant et seulement 4,0% en mai 2021) est imputable principalement, à l’ajustement à la hausse des tarifs d’électricité et de gaz (+15,0% après 0,0%), qui s’est conjugué à l’accélération des prix des services aux cafés (+6,1% après +5,9%) et des tarifs des auto-écoles (+9,8% après +6,2%) et (Cf. Graph 18). Graph. 18 : Contributions des produits à prix administrés à l’inflation totale Dernières observations : Mai 2022. Sources : INS & Calculs BCT. S’agissant de la principale mesure de l’inflation sous-jacente, elle a grimpé au cours du mois de mai 2022 à 7,3% en G.A, son plus haut niveau depuis juillet 2019 et ce, après 7,1% le mois précédent et contre 5,1% une année auparavant (Cf. Graph 19), portant la marque de la perturbation des chaines d’approvisionnement, de la hausse fulgurante des prix des matières premières à l’échelle internationale et de la hausse des coûts du fret maritime. Ces effets se sont transmis à la chaîne des prix au niveau national et ont touché notamment les prix de certains
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produits manufacturés libres (+8,3% après +8,1% en avril 2022) et alimentaires transformés libres (+9,3% après +8,7%). Parmi les produits concernés par cette accélération de prix, on note, les voitures, les équipements ménagers, les matériaux de construction et d’entretien des logements, les articles d’ameublement, ainsi que les produits alimentaires à base de céréales, de lait et de sucre. Également, les prix des services libres ont connu une accélération (+5,5% après +5,3%), tirée principalement par l’accroissement des prix de loyer, des services paramédicaux et ceux de restauration et d’hébergement. Graph. 19 : Contributions à l’inflation sous-jacente « hors produits alimentaires frais et produits à prix administrés » Dernières observations : Mai 2022. Source : INS & Calcul BCT. De son côté, la mesure de l’inflation sous-jacente, « hors produits alimentaires et énergie », s’est accélérée, en mai 2022, pour s’établir à 7,4%, après 7,2% le mois précédent et contre 5,0% un an auparavant (Cf. Graph 20). Graph. 20 : Évolution des différentes mesures de l’inflation sous-jacente Dernières observations : Mai 2022. Sources : INS & Calcul BCT. Quant aux produits alimentaires frais, l’atténuation du rythme de progression des prix (+9,8% en mai 2022 après +11,1% un mois auparavant et 6,4% en mai 2021) a été porté par la décélération des prix de la volaille (+5,8% après +9,0%), des légumes (+8,5% après +11,4%), des fruits (+14,6% après +16,7%) ainsi que ceux des poissons frais (+8,5% après +9,2%). Par ailleurs, les prix des œufs (+23,0% après +20,4%) et ceux de la viande rouge (+7,2% après +6,1%) ont connu une accélération en mai 2022, reflétant la persistance des problèmes au niveau des chaînes d’approvisionnement (Cf. Graph 21). Graph. 21 : Contributions des produits alimentaires frais à l’inflation totale Dernières observations : Mai 2022. Sources : INS & Calculs BCT.
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Sur un autre volet, l’accélération des prix internationaux des produits de base et des matières premières s’est transmise aux prix à l’importation. Ces derniers ont progressé à un rythme soutenu depuis le mois d’avril 2021 (+22,1% en G.A en avril 2022 après +23% en mars 2022 et +13% une année auparavant) portant la marque des évolutions quoi que disparates des différents secteurs. D’une part, on note une relative détente des prix au niveau des branches des industries du textile, habillement et cuir (+9,2% contre +15,3% un mois auparavant) et celles énergétiques (+44,5% contre +65,2%) bien qu’évoluant encore à des rythmes soutenus. D’autre part, on observe une accélération des prix au niveau des industries agro-alimentaires (71,5% contre +70,1%), mécaniques et électriques (+11,2% contre +8,4%), manufacturières diverses (+13,6% contre +12,5%) et minières (+76,5% contre +62,2%) (Cf. Graph 22). Graph. 22 : Évolution des prix à l’importation Dernières observations : Avril 2022. Sources : INS & Calcul BCT. Cette forte hausse des prix risque d’attiser les pressions sur les coûts de production et raviver les tensions sur l’inflation domestique au cours de la période à venir. II.3 PAIEMENTS EXTERIEURS ET TAUX DE CHANGE Le dynamisme des échanges commerciaux de la Tunisie s’est poursuivi en avril 2022. En particulier, les importations ont augmenté sensiblement pour atteindre un niveau record de 7.216 MDT contre 5.391 MDT en avril 2021. Les exportations ont augmenté à un rythme moins important pour avoisiner 4.847 MDT en avril 2022, contre 4.039 MDT un an auparavant (Cf. Graph 23). Ces évolutions des échanges ont induit un creusement du déficit commercial rien que pour le mois d’avril à -2.369 MDT, contre -1.351 MDT en avril 2021. A ce rythme, le déficit commercial risque d’atteindre un niveau très important et exacerber la pression sur le solde courant. Graph. 23 : Flux mensuels des échanges extérieurs en MDT Dernières observations : Avril 2022. Source : INS. Sur l’ensemble des quatre premiers de l’année 2022, le déficit de la balance commerciale (FOB-CAF) s’est élevé à -6,6 milliards de dinars, contre -4,4 milliards un an auparavant. Hors énergie, le déficit commercial s’est également élargi, en
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s’établissant à -4,3 milliards de dinars, contre -3 milliards à fin avril 2021 (Cf. Graph 24). Graph. 24 : Solde commercial (FOB-CAF) en millions de dinars Dernières observations : 4 mois 2022. Source : INS et calcul BCT. Du coté des recettes, la valeur des exportations s’est établie à 18,9 milliards de dinars à fin avril 2022, en hausse par rapport aux réalisations d’un an auparavant, de 15,2 milliards. Cette progression a été favorisée par la hausse généralisée des exportations des différents secteurs d’activité économique (Cf. Graph 25). Graph. 25 : Contribution à la croissance des exportations en valeur (en MDT) Graph. 26 : Indices des prix à l’export par secteur d’activité économique en valeur (données mensuelles)
Dernières observations : 4 mois 2022. Source : INS et calcul BCT. Dernières observations : Avril 2022. Sources : INS et calcul BCT.
Dans le détail, les exportations des industries manufacturières ont été particulièrement dynamiques, en dépit de la faible évolution des prix à l’export de ces produits (Cf. Graph 26). Principalement, les exportations en valeur des industries mécaniques et électriques IME se sont renforcées, pour totaliser 7,8 milliards de dinars, en hausse de 8,9% sur un an. Les exportations des industries THC et celles des autres industries manufacturières ont enregistré des hausses notables de 20,8% et 19,2% pour cumuler 3,7 milliards de dinars et 2,2 milliards respectivement. Par ailleurs, la hausse importante des prix internationaux du pétrole et du phosphate (Cf. Graph 26) a boosté significativement les recettes d’exportation, qui ont atteint 1.741 MDT pour le secteur de l’énergie (contre 735 MDT à fin avril 2021) et 1.109 MDT pour le secteur des « Mines, Phosphate et Dérivés » (contre 471 MDT un an auparavant). Également, les exportations du secteur de l’agriculture et des industries agro-alimentaires ont augmenté pour atteindre 2.419 MDT sur l’ensemble des quatre
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premiers mois de 2022 (contre 1.945 MDT il y a un an), grâce, notamment, à l’augmentation des ventes d’huile d'olive (982,4 MDT contre 687,5 MDT à fin avril 2021). S’agissant des dépenses, la facture d’importation de biens s’est élevée à 25,6 milliards de dinars, à fin avril 2022, en hausse de 30,3% par rapport aux réalisations d’un an auparavant (Cf. Graph 27). Cette hausse a revêtu un caractère généralisé, et a été tirée par l’accélération importante des prix à l’import des produits alimentaires, de l’énergie et des matières premières (Cf. Graph 28). Graph. 27 : Contribution à la croissance des importations par groupe de produits en valeur (en MDT) Graph. 28 : Indices des prix à l’import par groupe de produits (données mensuelles)
Dernières observations : 4 mois 2022. Source : INS. Dernières observations : Mars 2022. Source : INS.
Par principal groupe de produits, les importations de matières premières et demi-produits se sont accrues de 35,8%, pour s’établir à 9,1 milliards de dinars à fin avril 2022. Également, La facture des achats des produits énergétiques s’est élevée à 4,1 milliards de dinars, en hausse de 85% sur un an. Les importations des produits alimentaires ont atteint 3 milliards de dinars, en hausse de 30,9%, poussées par le renchérissement marquant de la facture d’achat de blé (1.068 MDT sur la période contre 766 MDT un an auparavant), et ce, malgré la baisse des quantités importées de -15% durant ladite période. De même, les importations de biens de consommation ont augmenté de 13,1%, pour avoisiner 5,4 milliards de dinars à fin avril 2022. Par ailleurs, les biens d’équipement importés ont augmenté, quoiqu’à un rythme moins important, pour avoisiner 4 milliards de dinars contre 3,6 milliards à fin avril 2021. Au niveau de la balance des services, les flux mensuels des recettes touristiques (exprimés en dollars américains) ont augmenté en avril 2022, pour s’établir à 63 millions de dollars américains contre 47 millions une année auparavant. Sur l’ensemble des quatre premiers mois 2022, les recettes touristiques ont totalisé 250 MUSD (ou 738 MDT), en hausse de 38% par rapport aux réalisations d’un an auparavant, tout en restant en-dessous des réalisations de 2019, qui étaient de 418 MUSD (Cf. Graph 29). Au niveau de la balance des revenus des facteurs, les flux des revenus du travail (en espèces), exprimés en dollars américains, ont enregistré une baisse de -5,8% (en G.A.) en avril 2022, pour se situer à 184 MUSD. Toutefois, sur l’ensemble
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des quatre premiers mois 2022, ils ont cumulé 779 MUSD contre 737 MUSD un an auparavant (Graph 30).Graph. 29 : Recettes touristiques (données cumulées) Graph. 30 : Revenus du travail (données cumulées)
Dernières observations : 4 mois 2022. Source : BCT
Au terme des quatre premiers mois de 2022, les recettes touristiques et les revenus du travail auraient rapporté 3.026 MDT (contre 2.523 MDT à fin avril 2021), ce qui a permis d’atténuer partiellement l’impact du creusement important du déficit commercial (-5.473 MDT contre -3.482 MDT à fin avril 2021) et sa portée sur les paiements courants. Le déficit courant s’est ainsi établi à -3.879 MDT, au terme des quatre premiers mois de 2022 (ou -2,7% du PIB) contre -2.168 MDT (ou -1,7% du PIB) un an auparavant (Cf. Graph 31). Graph. 31 : Solde courant par principal poste (données cumulées en MDT). Dernières observations : 4 mois 2022. Source : BCT. Hors énergie, le solde courant s’est également élargi pour avoisiner -1.568 MDT (ou -1,1% du PIB) à fin avril 2022, contre -713 MDT (ou -0,5% du PIB) un an auparavant (Cf. Graph 32). Graph. 32 : Solde courant total et hors énergie en MDT au titre des quatre premiers mois de l’année Dernières observations : 4 mois 2022. Source : BCT. A fin mai 2022, les réserves en devises ont totalisé 7.974 MUSD (ou l’équivalent de 125 jours d’importation), en baisse de -0,5% par rapport aux réalisations de fin 2021 (8.014 MUSD ou 133 jours d’importation) (Cf. Graphs 33 & 34).
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Graph. 33 : Avoirs nets en devises exprimées en millions de dollars américains (données mensuelles) Graph. 34 : Evolution des avoirs nets en devises (en MDT et en millions de dollars US)
Dernières observations : Mai 2022. Source : BCT.
Au niveau des marchés de change, la tendance à l’appréciation du Dollar américain face aux principales devises, notamment l’euro, s’est accentuée depuis le déclanchement de la guerre russo-ukrainienne. Sur l’ensemble des cinq premiers mois de 2022, l’euro s’est déprécié de 9,5% face au Dollar américain, et ce, par rapport à son niveau d’un an auparavant. Ces évolutions ont eu des retombées sur le marché interbancaire de change du Dinar. En Effet, le taux de change du Dinar s’est déprécié, durant ladite période, de 7,8% vis-à-vis du Dollar américain. Face à l’euro, le Dinar s’est apprécié de 1,2% par rapport à son niveau des cinq premiers mois de 2021 (Cf. Graph 35). Graph. 35 : Evolution des taux de change Dernières observations : 03 juin 2022. Source : BCT et Banque de France. II.4 MONNAIE ET CREDITS Comparativement à la même période de l’année précédente, la masse monétaire au sens de M3 a connu une décélération en mars 2022 (9,0% en G.A. contre 9,8% une année auparavant), portant la marque du ralentissement du rythme de progression de la quasi-monnaie « M1 » (8,8% contre 14,3% en mars 2021) plus précisément les dépôts à vue des banques (10,2% contre 16,5%). De son côté, la masse monétaire au sens de « M2-M1 » s’est accéléré en mars 2022 (9,7% contre 6,1%) en relation avec la hausse du rythme de progression des certificats de dépôt (22,3% contre 2,3%) et des dépôts à terme (8,5% contre -4,5%) (Cf. Graph 36).
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Graph. 36 : Evolution de la masse monétaire par principales composantesDernières Observations : Mars 2022. Source : BCT. En termes de contrepartie, la décélération de la masse monétaire (M3) s’explique par le ralentissement du rythme d’évolution des créances nettes sur l’état et par la contraction des créances nettes sur l’extérieur. Également, le rythme d’évolution des concours à l’économie s’est ralenti en mars 2022 (Cf. Graph 37). Graph. 37 : Evolution de la masse monétaire et ses contreparties Dernières Observations : Mars 2022. Source : BCT. Quant aux crédits à l’économie, leur rythme d’évolution s’est établi à 6,1% en G.A, en mars 2022, contre 7,5% en février 2022 et +4,8% en mars 2021, en relation avec la baisse du rythme de progression des crédits aux professionnels (7,0% en G.A, contre +8,7% en février et +3,5% en mars 2021) notamment des crédits à court terme (+12,5% en G.A contre +12,8% en février 2022). Également, les crédits aux particuliers ont affiché un ralentissement de leur rythme de progression (+3,4% en G.A contre +4,1%), portant la marque de celui des crédits à la consommation (+4,1% contre +5,3%) ainsi que des crédits aux logements (+2,6% contre +2,7%) (Cf. Graph 38). Graph. 38 : Evolution des crédits à l’économie Dernières observations : Mars 2022. Source : BCT. II.5 LIQUIDITE ET TAUX D’INTERET La situation au niveau du marché monétaire a été caractérisée, en avril 2022, par une poursuite de la hausse graduelle de la demande de liquidité bancaire. En effet, le besoin moyen des banques en liquidité s’est élevé à 10.535 MDT, en hausse de 563 MDT par rapport à mars 2022, soit la plus forte progression depuis décembre 2021 (Cf. Graph 39 & Tab.3). Cette évolution a résulté essentiellement des effets de la hausse des achats de devises par les banques auprès de la BCT (257 MDT contre 55 MDT en mars 2022). Au niveau des opérations de refinancement, les interventions de la BCT sur le marché sont passées de 9.614 MDT en mars 2022 à 10.257 MDT au mois d’avril, soit une hausse de 643 MDT (en m/m) qui
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trouve son origine principalement dans l’augmentation des achats fermes de bons de Trésor (de +522 MDT) et des opérations principales de refinancement (de +112 MDT). Par ailleurs, le recours des banques à la facilité de prêt à 24H s’est atténué légèrement en avril 2022, pour avoisiner 399 MDT après 452 MDT le mois précédent. Graph. 39 : Evolution du volume global de refinancement par principales opérations (en MDT) Tab.3 : Volume global de refinancement par principales opérations (en MDT)
0 12/21 01/22 02/22 03/22 04/22
Principales op. de ref. 4161 4648 4261 4168 4280
Achats fermes de BT 3346 3045 3141 3515 4037
Op. de réglage fin 0 0 0 0 -34
Swap de change 958 953 909 896 900
Op. de ref. à PLT (6 mois) 0 0 0 0 0
Op. de ref. à PLT (1 mois) 937 971 1032 1035 1074
Facilité de dépôt à 24h -122 -177 -54 -40 -61
Facilité de prêt à 24h 365 334 557 452 399
Volume global de ref. 9645 9774 9846 10026 10595
Dernières observations : Avril 2022. Source : BCT
En matière de taux d’intérêt, le TMM a augmenté à 6,6%, en mai 2022, en hausse de 34 pbs par rapport à son niveau du mois précédent (Cf. Graph 40). Également, le taux moyen pondéré (TMP) des opérations principales de refinancement s’est établi à 6,6% après 6,27%, en avril 2022. Cette hausse des taux d’intérêt a été favorisée par la hausse du taux directeur. En effet, le Conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie a décidé, lors de sa réunion du 17 mai 2022, de relever le taux directeur de +75 pbs le portant à 7%. En conséquence, les taux de la facilité de dépôt et de prêt marginal ont été relevés, respectivement à 6% et 8%. Graph. 40 : Evolution des principaux taux d’intérêt (en %) Dernières observations : 03 juin 2022. Source : BCT. Également, le Conseil a décidé de porter le taux de rémunération de l’épargne de 5% à 6%, et ce afin de préserver les intérêts des petits épargnants. II.6 PERSPECTIVES DE L’INFLATION Les nouvelles prévisions, établies par les Services de la Banque centrale, ont revu sensiblement à la hausse la trajectoire future de l’inflation, de 0,8p.p. pour l’ensemble de l’année 2022. Cette révision à la hausse trouve son origine dans l’accentuation
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récente des tensions inflationnistes observées au niveau des principaux déterminants des prix. Ainsi, l’inflation totale devrait se maintenir sur une tendance haussière, pour passer de 7% au 1er trimestre 2022 à 7,8% au dernier trimestre, donnant lieu à une moyenne annuelle de 7,3% sur l’ensemble de l’année 2022 (Cf. Tab. 4 & Graph 41). Tab. 4 : Prévisions de l’inflation (moyennes annuelles) En % 2020 2021 2022
Infation 5,6 5,7
7,3
Inflation sous-jacente* 5,6 5,4
7,1
Inflation des pdts alim. frais 5,9 7,1
9,5
Inflation des pdts administrés 5,7 5,8
6,7
(*) Inflation hors produits alimentaires frais et produits administrés. Source : Calculs BCT. Par principale composante, l’inflation des produits administrés devrait se maintenir à des niveaux élevés en s’établissant à 6,7% en 2022, en moyenne, après 5,8% en 2021. L’accélération de cette composante de l’inflation trouverait son origine, notamment, dans la hausse des prix de l’énergie (carburants et électricité & gaz de ville). Les perspectives élevées des prix internationaux du pétrole et l’absence d’espace budgétaire pour augmenter l’enveloppe allouée aux subventions (inscrite dans la LF-2022) pourraient occasionner des ajustements à la hausse des prix et des tarifs publics plus fréquents au cours de la période à venir. Quant à l’inflation des produits alimentaires frais, les récentes prévisions tablent sur une progression des prix de 9,5% en 2022 après 7,1% enregistrée en 2021. Le maintien du rythme de progression de ces prix, à des niveaux historiquement élevés, est expliqué, principalement, par les faibles perspectives de la production de principaux produits alimentaires frais (répercussions du stress hydrique persistant et des restrictions sur l’eau d’irrigation) ainsi que les pressions haussières provenant des coûts de production et de distribution (effets de second tour des hausses des prix de l’énergie et des prix des intrants importés). Pour sa part, l’inflation sous-jacente, mesurée par l’indice des prix à la consommation hors produits alimentaires frais et produits à prix administrés, devrait se maintenir sur une tendance haussière graduelle pour passer de 6,3% au 1er trimestre 2022 à 7,7% au dernier trimestre, donnant lieu à une hausse de 7,1% sur l’ensemble de l’année après 5,4% en 2021. Les perspectives haussières de l’inflation sous-jacente traduisent les effets des tensions inflationnistes au niveau des principaux déterminants, en particulier au niveau des coûts de production. En effet, compte tenu des délais de transmission, l’envolée récente des prix internationaux des produits de base et des matières premières devrait atteindre son plein effet sur les prix à l’import, au bout de deux trimestres, et sur les prix à la consommation au terme d’un an. Au-delà, l’effet haussier des prix internationaux sur les prix à la consommation devrait s’atténuer graduellement tout en restant à des niveaux historiquement élevés. Également, l’accélération importante de l’inflation chez nos principaux partenaires commerciaux devrait transiter progressivement à travers les importations des biens de consommation vers les prix locaux. En outre, la hausse sensible des prix des produits énergétiques et ceux des produits alimentaires, et la persistance des goulets d’étranglement au niveau de l’offre de certains
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produits, ainsi que le renforcement graduel de la demande de consommation, maintiendraient les pressions sur la trajectoire de l’inflation sous-jacente Graph. 41 : Prévisions des contributions à l’inflation totale (en %)
Dernière prévision : T4-2022. Source : Calculs BCT. Pour la période à venir, on s’attend à ce que la politique monétaire continue à faire face à des risques inflationnistes haussiers. La Banque centrale, dont le mandat est de préserver la stabilité des prix, resterait vigilante quant à l’évolution de l’inflation durant la période à venir. Tab. 5 : Facteurs de risque sur les perspectives d’évolution de l’inflation
Zone de risque
Description
Impact
Perspectives
des prix
internationaux
• Effet grandissant du changement climatique (sècheresse, inondation) sur la
production mondiale des produits alimentaires de base.
• Durcissement des restrictions sur la production des métaux
(réduction/plafonnement de la production et fermetures des mineries).
• Hausse plus importante et persistante des prix internationaux du pétrole,
des matières premières et d’autres produits de base.
Situation des
finances
publiques
• Accentuation des contraintes financières sur le budget de l’Etat (négociation
prolongée/accord non conclu du programme avec le FMI).
• Ajustements (à la hausse) plus importants et fréquents des prix de produits et
services administrés.
• Libéralisation plus importante et rapide des prix administrés.
• Relèvement des taux d’imposition.
Production
nationale des
ressources
naturelles
• Persistance de la sécheresse et accentuation du stress hydrique
(investissement faible dans le secteur de l’eau).
• Persistance des troubles dans les zones d’extraction du phosphate, du gaz
naturel et du pétrole.
• Baisse de la production des produits de phosphate et du pétrole (recettes
d’exportation moins importantes)
• Hausse des pressions sur la balance commerciale.
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Balance des
paiements
• Faiblesse durable des recettes touristiques et de l’investissement étranger.
• Difficultés grandissantes pour l’accès aux ressources extérieures.
• Pressions plus importantes sur les équilibres extérieurs.
PRINCIPALES ABBREVIATIONS G.A : Glissement annuel V.T : Variation trimestrielle V.A : Valeur ajoutée TMM : Taux mensuel moyen du marché monétaire APP : Asset Purchasing Programme ou programme d’achats d’actifs de la BCE
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