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Covid-19 et adaptation du droit du travail
Mehrez BOUSSAYENE & Chiraz BEN BRAHIM
Toutes les entreprises tunisiennes sont aujourd’hui impactées par la crise sanitaire liée au
Covid-19. Pour y faire face et en atténuer l’impact sur l’économie et le marché du travail, le
Gouvernement intervient en prenant des mesures d’urgences d’ordre notamment social, fiscal
et juridique.
Des décrets lois sont également promulgués et d’autres sont en cours de préparation ayant
pour objectif de limiter les effets néfastes de la crise sanitaire.
De leur côté, employeurs et travailleurs joueront un rôle primordial dans la lutte contre la
pandémie en garantissant la sécurité des personnes ainsi que la viabilité des entreprises et des
emplois.
Mais le défi s’annonce grand à l’heure où le secteur de l’emploi se trouve directement menacé
suite aux mesures de confinement total et à d’autres dispositions exceptionnelles qui ont été
prises.
Alors qu’en est-il du rôle réservé aux partenaires sociaux, pour contourner la crise ?
Sécurité, télétravail et ses conséquences, activité partielle, arrêt de travail, paiement de
salaires, prise de congés, report d’échéances, licenciement et force majeure, telles sont les
principales préoccupations des employeurs auxquelles nous tenterons de répondre dans cette
étude en décryptant les conditions de recours aux différents mécanismes et dispositifs mis en
œuvre pour faire face à cette situation inédite.
La crise du Covid-19 impose aux entreprises la mise en place de mesures de prévention et de
sécurité nécessaires pour préserver la santé de ses employés (I), et la réorganisation du travail
(II) avec possibilité de recourir au chômage provisoire en tant que mesure d’accompagnement
décidée par le gouvernement afin de maintenir l’emploi (III). Ce n’est qu’en épuisant toutes
les solutions, en mettant en œuvre tous les dispositifs de maintien des contrats et seulement
lorsque l’empêchement de poursuivre l’activité devienne permanent et définitif que
l’entreprise pourrait envisager de mettre fin aux contrats de travail pour force majeure (IV).
La relance de l’activité après le déconfinement nécessite des efforts supplémentaires de la part
des employés et un dialogue social constructif (V).
I- Sécurité et santé du personnel, une priorité absolue:
Etant une priorité absolue, on se demande comment peut-on assurer la sécurité et la santé du
personnel dans l’entreprise pendant cette situation de crise inédite ?
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Une situation d’épidémie impose une vigilance toute particulière dans l’intérêt des salariés et
des entreprises. L’entreprise doit répondre aux inquiétudes des salariés et les rassurer d’être
correctement protégés contre les risques spécifiques liés à cette épidémie.
La question posée a des implications multiples.
L’article 152.2 du Code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires et
appropriées pour assurer la protection des travailleurs et la prévention des risques
professionnels. A ce titre, il doit garantir des conditions et un milieu de travail adéquat et
fournir les moyens de prévention collective et individuelle. Il doit en procéder à une
évaluation continue du risque professionnel, en raison de l’épidémie pour réduire au
maximum les risques de contagion sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail et ce par des
mesures telles que des actions de prévention, des actions d’information et de sensibilisation.
Le Code du travail prévoit un certain nombre de règles régissant la médecine du travail. Bien
que ces règles n’aient pas été édictées spécialement pour la protection des travailleurs contre
les épidémies et pandémies, elles peuvent guider l’employeur dans la mise en place du
dispositif médical tendant à prévenir la contagion. A cet effet, l’employeur devrait se
rapprocher du médecin du travail et obtenir son concours en la matière pour ne pas voir plus
tard sa responsabilité engagée pour négligence ou insuffisance quant aux mesures prises pour
la protection de la santé des travailleurs.
D’une manière générale, les entreprises doivent appliquer les mesures de prévention
prescrites par l’autorité compétente et aménager les postes de travail en conséquence,
notamment en imposant la distanciation sociale entre les salariés et leur imposer le respect de
ces mesures.
Pour couvrir sa responsabilité, l’employeur devrait à notre avis établir une note circulaire
reprenant avec tous les détails nécessaires les mesures sanitaires applicables. Cette note
devrait être affichée sur les lieux de travail d’une manière apparente. Elle devrait être
également communiquée à chacun des salariés, pour qu’elle soit revêtue de sa signature.
En outre, il convient d’imposer à ses salariés le respect des mesures barrières en leur évitant :
- Plus de références et documents sur Legaly Docs Les lieux où se trouvent des personnes fragiles ;
Les réunions et les déplacements non indispensables (conférences, meetings, etc.) ;
Les contacts proches en limitant les regroupements dans des espaces réduits (cuisine,
ascenseurs, etc.) ;
Le contact physique pour
les réunions urgentes en faisant recours à
la
visioconférence ;
Et l’encombrement en repensant à l’organisation du travail par la rotation des équipes
dans la limite du possible.
D’un autre côté, l’employeur doit, dans le respect total de la vie privée, responsabiliser ses
salariés en leur rappelant le devoir de signaler tout déplacement même à titre privé dans des
zones à risque, et cela avant d’accéder au lieu de travail.
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Il ne serait donc pas reproché à l’entreprise d’avoir interdit l’accès à un employé revenant
d’une zone à risque en dépit des consignes de quarantaine, puisqu’elle ne ferait qu’appliquer
les consignes des autorités sanitaires compétentes.
Enfin, il y a lieu de préciser que l’obligation de prévention et la responsabilité qui en découle
sont partagées et donc incombent aussi bien à l’employeur qu’à l’employé.
II- La réorganisation du travail comme mesure d’urgence :
Cette réorganisation peut prendre deux formes essentielles, le télétravail (A) et le travail à
temps partiel (B).
A.
LE TELETRAVAIL.
Pour éviter le risque de contagion, les entreprises devraient autant que faire se peut placer
leurs salariés en télétravail et leur épargner les déplacements professionnels.
Contrairement à la situation en France où le télétravail est, depuis le confinement total,
déclaré être « la règle impérative pour tous les postes qui le permettent », le télétravail en
Tunisie n’est pour le moment qu’une mesure d’organisation consensuelle et efficace appelée à
être rapidement réglementée
1.
Le télétravail peut être défini comme étant toute forme d’organisation du travail dans laquelle
un travail qui aurait pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié
hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la
communication (envoi d’emails, conférences téléphoniques etc.).
1. Le télétravail requiert-il le consentement de l’employé ?
En temps normal, le télétravail requiert en principe, l’accord de l’employé dont le contrat ne
prévoit pas cette forme d’organisation du travail puisque la définition du poste de travail est
un élément essentiel de ce contrat.
Cependant ce principe est évincé au profit des mesures exceptionnelles prises en cette période
de crise et de lutte contre le Covid-19. Par conséquent, l’employé ne peut refuser le travail à
distance et ce, pour au moins deux raisons :
1 Sachant que le Décret-loi n° 2020-7, en date du 17 avril 2020 relatif à la mise en place des dispositions
exceptionnelles concernant les agents de la fonction publique et le fonctionnement des institutions et des
établissements publics « EP », ainsi que des services administratifs prévoit le recours au télétravail pour les
fonctionnaires et les agents des « EP » sans pour au tant le règlementer d’une manière claire.
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D’abord, l’employeur qui a le pouvoir de direction de l’entreprise, est maître de son
organisation. Il peut et il doit même dans l’actuelle situation pandémique entraînant un
confinement total, prescrire le télétravail aux salariés qui sont en mesure de le faire,
pour protéger la santé de son personnel tout en assurant la continuité de l’exploitation
de son entreprise. Cela dépend bien évidemment de la tâche de chaque salarié (travail
manuel sur machine, travail intellectuel).
Ensuite, le refus du salarié de se conformer aux ordres de son employeur et aux
prescriptions de l’autorité compétente, serait constitutif de faute grave et pourrait donc
justifier des sanctions disciplinaires à son égard allant jusqu’au licenciement au titre
de l’article 14 quater du code de travail.
Le télétravail n’est donc exclu que dans les hypothèses où l’emploi exercé par le salarié ne
peut être organisée sous cette forme.
2.
a.
Droits et obligations de l’employeur en télétravail :
Au niveau de l’organisation du temps de travail :
L’employeur doit faire respecter les durées maximales de travail et de repos et pouvoir les
contrôler.
Dans la pratique cependant, il faut bien avouer que le contrôle de l’employeur sur le respect
de ses salariés de la durée du travail, peut être difficile lorsqu’il s’agit d’un travail à distance.
De plus, l’utilisation de certaines techniques et notamment la visioconférence pourraient
soulever des difficultés, eu égard à la législation protectrice de la vie privée et des données
personnelles. Le fait que le travail soit exécuté dans un espace privé (domicile du salarié)
entraîne un chevauchement entre la vie professionnelle et la vie privée et rend par voie de
conséquence le contrôle de l’employeur sur l’exécution de ses obligations par le salarié, assez
problématique.
Pour vaincre un tel obstacle, il serait possible d’obtenir à titre préalable le consentement par
écrit du salarié pour que son employeur puisse l’appeler pendant les heures de travail en
utilisant les techniques appropriées (Skype, Wattsap etc…). Dans ce document le salarié
devrait s’engager à prendre ses dispositions pour que sa vie privée ne connaisse aucun
chevauchement avec sa vie professionnelle pendant la durée du travail.
Les heures supplémentaires travaillées par le salarié, conformément aux règles qui régissent la
matière, devront lui être payées.
La charge de travail confiée au travailleur devra d’ailleurs être comparable à celle applicable
lorsque le travail est effectué dans les locaux de l’entreprise.
b. Fourniture du Matériel et prise en charge des frais d’équipement :
L’employeur est tenu de fournir au travailleur les équipements et le matériel nécessaire à
l’exécution de ses obligations professionnelles. Le Code du travail impose cependant, au
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salarié de bien conserver les outils de travail qui lui sont fournis et le rend responsable de leur
perte, à moins que celle-ci ne soit imputable à la force majeure.
Transposé au travail à distance, ce principe demeure valable et l’employeur, reste toujours
tenu de prendre à sa charge les frais induits par le télétravail tels que le matériel nécessaire
(ordinateurs, consommables etc.) et les frais déboursés par le salarié pour les besoins de son
activité professionnelle (électricité, téléphone, ADSL etc.).
Au cas où un salarié n’accomplit pas son travail à distance correctement, il semble difficile
d’admettre la réduction de son salaire en conséquence puisqu’une telle réduction ne serait
fondée sur une base légale. Elle risque aussi de provoquer de sérieuses contestations sur la
responsabilité de l’employeur dont le travail se fait toujours sous sa direction et son contrôle
conformément aux dispositions de l’article 6 du code du travail. Par conséquent, ce dernier
demeure responsable du bon fonctionnement des équipements, connexions et autres
conditions du télétravail et doit veiller à ce qu’ils soient fournis correctement et d’une manière
efficiente.
3.
Les obligations du salarié en télétravail :
Elles sont les mêmes que celles lorsque le travail est réalisé dans les locaux de l’entreprise.
En effet, le salarié doit exécuter les instructions de son employeur et l’avertir des motifs
l’empêchant de s’y conformer (art 10 du code).
Il doit respecter l’obligation de confidentialité qui devrait être explicitement stipulée dans la
note de service sur le télétravail. Cette note devrait être affichée sur les lieux de travail de
l’entreprise et doit être signée individuellement par chaque salarié.
Il a l’obligation de préserver le matériel et les outils mis à sa disposition (art 11) à l’occasion
du télétravail, de les restituer et de répondre de leur perte ou détérioration sauf cas de force
majeure.
En fin, l’employé doit rendre compte à l’employeur de l’exécution de ses obligations selon les
moyens et les méthodes qui seront mis en œuvre d’une manière adaptée à chaque secteur et à
chaque poste de travail.
Si les obligations du salarié en télétravail sont toujours les mêmes, la responsabilité qui en
découle reste aussi la même.
4.
L’accident du salarié en télétravail :
Lorsque le salarié est victime d’un accident survenu en cours de télétravail, cet accident doit
en principe, être considéré comme accident de travail.
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L’accident doit, à ce titre, faire l’objet en interne d’une déclaration du salarié à son employeur
par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de 48 heures à partir de sa
survenance, laquelle déclaration doit être transmise sans délai par l’employeur à la Caisse
nationale d’assurance maladie « CNAM ».
Néanmoins, la preuve du caractère professionnel est bien plus compliquée. La durée
supplémentaire d’une heure avant et d’une heure après, correspondant aux accidents de trajet,
ne semble pas applicable lorsque le travailleur, par définition, ne bouge pas de son domicile
pour rejoindre son lieu de travail.
A partir du moment où le droit au télétravail occasionnel ou structurel est accordé, un
accident survenu pendant l’exécution du contrat doit être considéré comme accident de
travail ; la qualification d’accident de travail est présumée. C’est à la CNAM de prouver le
contraire.
Pour bien se couvrir, il est vivement recommandé à l’employeur d’informer la CNAM de la
possibilité pour ses salariés d’effectuer leur travail soit dans les locaux de l’entreprise soit
en télétravail soit partout où besoin est.
B.
LA MODIFICATION DU TEMPS DE TRAVAIL :
Face à la crise sanitaire actuelle, et lorsque le télétravail n'est pas possible, les employeurs
peuvent, après concertation avec les représentants, s’il en existe sinon les délégués du
personnel, procéder à certaines mesures visant à maintenir l’activité et sauver l’emploi telles
que la réduction des heures de travail et le travail par roulement (1). Dans ce cas, on se
demande quel serait l’impact
sur les cotisations et les droits à la retraite.
1- L’activité partielle
Plutôt que de licencier les salariés, est-il souvent préférable pour l'entreprise d’adapter son
activité à la baisse et de basculer du temps plein au temps partiel à condition évidemment
d’avoir l’accord du salarié.
L’article 94- 9 du code du travail dispose dans ce sens que : « Le passage du travail du régime
à plein temps au régime à temps partiel ou vice-versa ne peut avoir lieu qu'avec l'accord écrit
de ce travailleur
».
Sans avoir visé le cas de pandémie ou toute autre crise sanitaire, le texte crée un droit à la
renégociation du contrat devenu inexécutable dans ses termes initiaux.
Lorsque les salariés sont placés en position d’activité partielle, le contrat de travail n’est ni
suspendu ni rompu mais modifié. Ainsi, sur les heures ou périodes non travaillées, les salariés
ne doivent pas être sur leur lieu de travail à disposition de leur employeur. Ils subissent par
contre une perte de salaire imputable à la réduction de l’horaire de travail habituellement
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pratiqué dans l’établissement. L’article 94-5 du code du travail dispose que « le salaire du
travailleur à temps partiel et les indemnités auxquelles a droit au titre du congé annuel payé,
des jours fériés chômés et payés, du congé de maternité et du licenciement, sont
proportionnels à la durée du travail à laquelle est soumis ce travailleur
».
L'intérêt de l’activité partielle pour le salarié est de garder son contrat de travail en vigueur en
contrepartie d’une rémunération réduite au taux horaire travaillé. C’est ce qui ressort du
paragraphe 4 de l’article 94-4 susvisé : «
Les travailleurs à temps partiel ont les mêmes droits
et obligations prévus par les textes législatifs, réglementaires et conventionnels au profit des
travailleurs employés à plein temps dans des conditions similaires, sous réserve des
dispositions particulières au travail à temps partiel
».
Quel serait l’impact de l’activité partielle sur les cotisations et les droits à la retraite ?
2- L’impact de l’activité partielle sur les cotisations et les droits à la retraite :
Il y’a lieu de préciser dans ce cadre que l’activité partielle n’aura pas d’impact sur les droits à
la retraite et sur les montants de cotisations, dès lors qu’il s’agit d’une mesure temporaire et
qu’aucune loi n’a suspendu les contributions sociales ni exonéré les employeurs des
cotisations. D’ailleurs l’article 14 du décret-loi du Chef du Gouvernement n°2020-4 du
14/04/2020
et provisoires pour
sociales
l’accompagnement des entreprises affectées par la crise du Covid-19 n’a donné que la
possibilité à ces entreprises de bénéficier du report de paiement des cotisations de la sécurité
sociale au titre du 2
ème trimestre de l’année 2020 sans pénalités de retard.
édictant des mesures
exceptionnelles
D’un autre côté, la loi 30-60 du 30/05/1960 portant organisation de la Caisse de sécurité
sociale qui n’est d’ailleurs pas en harmonie avec le code du travail (précisément l‘article 94.2
dudit code définissant le travail à temps partiel), ne reconnait que les activités à plein temps et
n’a par conséquent pas règlementé la déclaration des salaires au titre de la sécurité sociale
pour les travailleurs à temps partiel.
Les employeurs voulant opter pour l’activité partielle trouvent d’ailleurs des difficultés pour
déclarer les employés concernés, ce qui les dissuade le plus souvent d’y recourir tant qu’ils ne
peuvent s’acquitter de cette obligation vis-à-vis de la caisse qu’en acceptant de cotiser sur la
base des taux applicables au plein temps.
III. Le chômage provisoire en tant que mesure d’accompagnement aux
entreprises:
Bien que le terme de « chômage technique » ait été évoqué par le Chef du Gouvernement dans
son adresse télévisée au peuple tunisien en début de crise, comme étant l’une des mesures
d’accompagnement de l’Etat aux entreprises lésées par le confinement total, le décret-loi
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2020-4 du 14 avril 20202 semble abandonner cette notion au profit de celle de « chômage
provisoire » (articles 5 et 8 dudit décret-loi) insistant ainsi sur le caractère non permanent de
l’arrêt de l’activité.
Cette position pourrait s’expliquer par le caractère exceptionnel et provisoire aussi bien de la
situation résultant de la crise que des mesures d’accompagnement aux lourdes conséquences
financières que l’Etat ne pourra supporter que provisoirement.

Les conditions de bénéfice des mesures d’accompagnement fixées par ledit décret-loi,
concernent essentiellement l’entreprise plus que son salarié.
En effet et conformément à l’article 2 du décret-loi précité, les mesures sociales
d’accompagnement sont strictement réservées aux «
entreprises directement ou indirectement
lésées par la mise en œuvre des mesures de mise en confinement total
». Ces entreprises sont
définies comme étant celles dont «
l’activité est provisoirement et partiellement ou totalement
interrompue à cause de la mise en œuvre des mesures de mise en confinement total
» 3.
Ces entreprises doivent être affiliées à la Caisse Nationale De Sécurité Sociale « CNSS »,
leurs salariés doivent être inscrits et leurs salaires déclarés auprès de la Caisse susvisée au titre
du quatrième trimestre 2019 ou du premier trimestre 2020 (article 6). Les entreprises qui ne
sont pas affiliées à la CNSS peuvent en bénéficier à condition de régulariser leur situation
dans un délai n’excédant pas un mois à compter de la date d’entrée en vigueur du présent
décret-loi (article 7)
En outre, ces entreprises doivent selon l’alinéa 2 de l’article 5 du décret précité maintenir la
totalité des salariés permanents ou titulaires de contrats de travail à durée déterminée en cours
à la date d’entrée en vigueur du décret-loi, et ce, dans la limite de la période restante du
contrat.
Les entreprises lésées sont en fin, tenues de présenter à l’Inspection du travail territorialement
compétente ou la Direction générale de l’inspection du travail, selon le cas, ce qui justifie la
prise de l’une des mesures suivantes :
Faire bénéficier l’ensemble des salariés ou une partie d’eux du solde de repos
annuel payé.
Faire bénéficier l’ensemble des salariés ou une partie d’eux du repos annuel payé
d’une manière anticipée.
La prise en charge de la totalité ou d’une partie du salaire durant la période d’arrêt
provisoire total ou partiel de l’activité de l’entreprise (article 4).
Conformément à l’article 9 du décret-loi 2020-4, l’indemnité exceptionnelle et provisoire dont
le montant mensuel est fixé à deux cent (200) dinars est «
allouée aux salariés permanents ou
2 Décret-loi du Chef du Gouvernement n° 2020- 4 du 14 avril 2020, édictant des mesures (ou actions) sociales
exceptionnelles et provisoires pour l’accompagnement des entreprises et la protection de leurs salariés lésés par
les répercussions de la mise en œuvre des mesures des mesures de mise en confinement total pour la prévention
de la propagation du Coronavirus « Covid-19 ».

3 L’article 3 du décret-loi du Chef du Gouvernement n° 2020- 4 a d’ailleurs exclu de son champ d’application
les entreprises qui ont été autorisées à poursuivre leurs activités.
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liés par des contrats de travail à durée déterminée en cours à la date d’entrée en vigueur du
présent décret-loi
» et qui ont été mis en chômage provisoire.
Cette condition qui écarte les relations de travail non confirmées (stages, période d’essai) et
les contrats précaires nous semble tout à fait logique dans la mesure où elle répond à la même
préoccupation sociale de sauvegarde d’emploi; elle nous rappelle d’ailleurs, l’ordre que
l’employeur doit respecter en cas de licenciement pour cause économique (valeur
professionnelle /titularisation et ancienneté/ état civil et charges de famille…)
4.
Il est pourtant à signaler que le décret-loi 2020-4 n’a pas repris toutes les conditions
d’éligibilité aux mesures d’accompagnement telles que fixées par le Ministère des affaires
sociales dans la plateforme mise en ligne depuis le mardi 7 avril 2020. En effet, hormis les
conditions d’affiliation à la CNSS (entreprises et salariés), de déclaration des salaires et de
maintien de la totalité des emplois, toutes les autres conditions et surtout celles relatives à
l’état financier des entreprises n’ont pas été reprises.
Le gouvernement a finalement opté pour l’allègement de la procédure de bénéfice des
mesures d’accompagnement et la généralisation de ce bénéfice en présumant les difficultés
financières comme conséquence inéluctable au confinement total sans avoir besoin des états
financiers ni de la décision de l’inspection de travail.
En effet, l’exigence des décisions des instances de travail compétentes et la preuve des
difficultés financières et de trésorerie
5 sont de nature à compliquer davantage la situation des
entreprises lésées et à retarder l’accès aux mesures d’accompagnement qui revêtent l’aspect
d’extrême urgence.
D’ailleurs, c’est pour cette même raison de lenteur et de complexité que la procédure de
licenciement ou de mise en chômage pour cause de difficultés économiques ou techniques
objet de l’article 21 du code de travail doit, dans la crise actuelle, être écartée.
Il est donc vivement conseillé aux employeurs de préférer d’autres voies. Le dialogue social
reste la voie la plus sage et devrait donc, être engagé avec les représentants du personnel en
vue de trouver des solutions consensuelles.
En fin, le décret gouvernemental prévu par l’article 6 du décret-loi 2020-4 nous éclairera sur
les modalités, les conditions et les procédures d’application des dispositions de ce dernier
texte.
4 Article 17 de la convention collective cadre.
5 Les conditions d’éligibilité et leurs preuves telles qu’annoncées sur le site du Ministère des affaires sociales et
non reprises par le décret-loi sont :
- Une décision de cessation temporaire de l’activité émanant soit du service compétent de l’inspection du
travail et de la conciliation ou de la direction générale de l’inspection du travail.
- Appuis et documents nécessaires prouvant les difficultés financières.
- Appuis et documents nécessaires prouvant la régression de l’activité.
- Appuis et documents nécessaires prouvant les difficultés de liquidité de trésorerie.
- Essayer de surmonter les effets du confinement général par un accord bilatéral au sein de l’entreprise
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V- Covid-19 et force majeure, une relation à nuancer :
La question est de savoir qu’en est-il de la possibilité pour les employeurs d’invoquer la force
majeure pour obtenir la résiliation des contrats de travail (1) et pour justifier le non-paiement
des salaires (2) ?
1- L’arrêt provisoire du travail ne constitue pas systématiquement un cas de
force majeure :
Il faut préciser tout d’abord que le problème se pose pour tout contrat de travail qu’il soit à
durée déterminée ou à durée indéterminée. Exception faite des périodes d’essai.
En effet, permettant à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail et au
salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent, la période d’essai est soumise à
un régime juridique particulier. Durant cette période, chacune des parties peut mettre un terme
à son exécution sans préavis sur simple signification et sans être tenu de justifier sa décision
(article 10 de la convention collective cadre). Il ne s’agit d’ailleurs pas de licenciement ni de
résiliation ou de démission mais de rupture de la période d’essai car le contrat n’est pas
confirmé.
Tout employeur pourrait donc mettre fin à la période d’essai d’une nouvelle recrue sans
justification.
Autre est la situation pour le reste du personnel.
Apriori, l’article 14.3 du code du travail prévoit la rupture du contrat de travail en cas de force
majeure
6. Certaines voix se sont élevées dernièrement pour demander l’abrogation immédiate
de ce texte afin d’empêcher une vague de licenciements massifs suite à la décision de
confinement total et provoquer ainsi une crise sociale aux dimensions catastrophiques.
En réalité cependant, l’article 14 n’a jamais été conçu pour faire face à une pandémie. Il a été
vraisemblablement édicté pour constater la cessation du contrat de travail lorsque son
maintien se heurte à un cas de force majeure, tel que le tremblement de terre ou l’incendie qui
détruit l’usine où le salarié était employé. L’article 14 prévoit dans ce même ordre d’idées la
mort du salarié comme cause de cessation du contrat de travail.
Au fond, ce que l’article 14 prescrit devrait être interprété à la lumière de la théorie générale
de la force majeure
7. Celle-ci n’entraîne pas systématiquement la résolution du contrat8 car il
faut distinguer entre deux situations :
7 Cass.civ N° 13368 du 10 /11/2007 : la notion de force majeure figurant dans le code du travail, la convention collective
cadre et dans le reste des conventions collectives sectorielles n’a pas été définie d’une manière précise, ce qui impose, le
recours à la définition du droit commun et plus précisément l’article 283 du COC.
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Si l’empêchement résultant de la force majeure est provisoire, la force majeure
suspend le contrat et n’entraîne pas sa résolution.
Si en revanche, l’empêchement est ou devient définitif, c’est à ce moment-là que la
force majeure entraîne la cessation du contrat.
Selon cette théorie, la force majeure qui revêt un caractère provisoire (comme c’est le cas
pour la pandémie du covid-19) a un effet suspensif et non un effet résolutoire. Autrement dit,
le contrat pendant la période où son exécution se heurte à une impossibilité tenant à la force
majeure, doit être simplement suspendu, en attendant le retour à la situation normale.
Nous estimons qu’aucun tribunal n’acceptera de juger que l’empêchement d’exécution du
contrat de travail dans le cas du Covid-19 revêt un caractère définitif et de constater par voie
de conséquence la cessation du contrat sur la base de l’article 14 sauf preuve du contraire.
Le gouvernement semble avoir adopté dans le décret-loi du Chef du Gouvernement n° 2020-2
du 14 avril 2020 portant suspension exceptionnelle et provisoire de certaines dispositions du
Code du travail, une position plus catégorique en suspendant l’application pure et simple de
l’application des dispositions du sous-paragraphe C du troisième paragraphe de l’article 14 du
code du travail, au lieu de spécifier que ce texte a pour effet de suspendre l’exécution du
contrat de travail.
Nous présumons que pour des raisons politiques, le gouvernement a préféré ne pas parler de
suspension de l’exécution du contrat de travail pour ne pas créer de polémique sur le régime
juridique de la suspension et les conséquences qui en découlent (suspension des salaires,
suspension du paiement des cotisations sociales, des retenues à la source etc.).
Bref, il y a lieu de retenir du décret-loi 2020-2 qu’il exclut la cessation du contrat de travail
pour force majeure et ce jusqu’à la fin du confinement total décidée par décret
gouvernemental pris à cet effet, selon l’article 4 du décret-loi précité.
D’application ainsi suspendue, le sous-paragraphe C du troisième paragraphe de l’article 14
du code du travail ne peut donc plus servir de base juridique à la résiliation des contrats de
travail pour empêchement d’exécution.
Le législateur tunisien a, dans le même ordre, suspendu l’application de l’article 21 alinéa 12
du même code prévoyant de son côté, la force majeure comme cause légitime de licenciement
économique intervenu sans l’avis préalable de la commission régionale ou centrale de
contrôle du licenciement.
Aussi indéniable soit-il, l’apport du décret n°2020-4 connait néanmoins une double limite
voire même des insuffisances.
8 Rappelant que le contrat de travail n’est qu’un contrat spécial obéissant, sauf dispositions contraires de la loi à
la théorie générale des obligations.
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La première a trait au champ d’application dans le temps de cette prévention de licenciement.
Liée à la période du confinement, la protection des contrats de travail et des salariés reste
fragile puisqu’elle est appelée à disparaitre dès la levée du confinement.
La seconde concerne le caractère abstrait de cette mesure préventive de licenciement puisque
le décret ne couvre pas toutes les hypothèses et ne permet pas, par conséquent, de répondre à
une question essentielle: quelle serait la situation juridique des contrats de travail en cas
d’impossibilité permanente d’exécution ?
En effet, la pandémie Covid-19 peut générer comme on vient de l’annoncer plus haut, des
difficultés rendant l’exécution des contrats dans ses termes initiaux irrémédiablement
impossible.
Or, il est universellement admis qu’« à l’impossible nul n’est tenu ».
Prenons l’exemple d’une entreprise dont l’activité est totalement paralysée pour rupture de
stock due au confinement du fournisseur chinois de matière première, ou d’un professionnel
de tourisme (agence de voyage, hoteliers … secteur hôtelier) qui voit toutes ses réservations
annulées pour cause de fermeture de l’espace aérien etc.
Empêchée d’honorer ses engagements contractuels dans les délais initialement prévus
(fourniture de matériels liés à un évènement) ou subissant les effets de la force majeure
évoquée par ses cocontractants (tours opérateurs en matière de tourisme), l’entreprise en
question ne doit pas se voir refuser le droit de recourir au licenciement dès lors qu’elle se
trouve en arrêt total et permanent de son activité avec impossibilité de surmonter les
difficultés nées de la crise.
C’est dans ce sens que s’est prononcée la cour de cassation qui, après avoir rappelé les
éléments constitutifs de la théorie de force majeure et le rôle attribué aux juges de fond dans
l’appréciation souveraine de ses effets sur la relation de travail, a constaté l’existence du cas
de force majeure et a validé le licenciement sans indemnité du salarié
9.
En pratique, il convient donc, pour l’employeur qui se trouve contraint de mettre fin au
contrat ou bien de ne pas exécuter son obligation de payer le salaire, de prouver qu’il n’a pas
pu anticiper les obligations sanitaires ou de confinement (ce qui est fort possible tant la
mesure est nouvelle). En outre, il devra démontrer l’impossibilité pour lui de trouver d’autres
solutions. Enfin, il faudra établir le lien de causalité entre l’impossibilité de payer ou
d’exécuter son obligation et l’épidémie de COVID-19. Il sera nécessaire par exemple de
montrer évidemment, pièces comptables à l’appui, que ses difficultés de trésorerie résultent de
la crise épidémique
10.
9 Cass.civ n° 1990 DU 17/10/2005 ; Bull C.CASS 2005, P 389
10 En Chine, nid du virus, et bien avant sa propagation dans le monde entier, le Centre de Certification du Conseil Chinois
pour la Promotion du Commerce International (CCPCI) avait publié le 30 janvier 2020, un avis indiquant que le CCPCI était
habilité à délivrer aux sociétés Chinoises affectées par le Coronavirus des certificats de force majeure.
12



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Ce qui est évident, l’impossibilité traduite en force majeure s’appréciera in concreto, en
prenant en compte la temporalité et les mesures d’interdiction du Gouvernement.
2- Paiement des salaires : une réponse claire et souple de la loi :
L‘arrêt de l’activité de l’entreprise suite à la décision gouvernementale de confinement total
qu’on peut qualifier de fait du prince, ne se pose pas seulement du point de vue de la
continuité du contrat de travail et du maintien de l’emploi. Un problème majeur nécessite en
effet d’être résolu au plus vite du fait du caractère non seulement social mais vital, de ses
répercussions sur la situation des employés. Il s’agit en fait des salaires.
La question cruciale est donc de savoir quel est le sort de l’obligation contractuelle de
rémunération incombant à l’employeur au titre du contrat de travail ?
La réponse à cette question dépend nécessairement d’une autre question qui est celle de savoir
dans quelle mesure le dispositif de confinement total peut-il impliquer un arrêt de l’activité
des entreprises ?
Théoriquement, les mesures de confinement total ne doivent pas être confondues avec la
fermeture de l’entreprise, puisque le travail peut continuer à distance. Sur le plan pratique
cependant, le confinement peut entraîner inévitablement dans certaines activités, la fermeture
pure et simple des établissements dans lesquels la présence physique des travailleurs est
nécessaire. Il faudrait donc que la réponse à cette question soit nuancée, en tenant compte de
la nature de l’activité de chaque entreprise.
Ceci étant, c’est seulement lorsque le travail à distance est impossible et que l’arrêt de
l’activité est imposé que la question de rémunération se pose.
La problématique est d’autant plus délicate qu’on se trouve dans la situation de devoir
concilier entre l’absence totale d’activité d’une part et le paiement des salaires de l’autre.
Aux termes de l’article 6 du code du travail, le salaire est la contrepartie des services fournis
par le travailleur à l’employeur.
Dans le contrat de travail, en tant que contrat synallagmatique où les obligations sont
réciproques et interdépendantes, le fait pour le salarié de ne pas travailler pour cause de
confinement, entraîne la suspension du paiement de son salaire pendant toute la durée où le
travail ne sera pas exécuté.
Sur le plan pratique cependant, la règle ci-dessus exposée n’est pas rigide. Elle est susceptible
de plus et de moins. Dans le secteur public, les salariés bénéficient du maintien de leur salaire
même en cas de maladie, maternité et autres dans des limites bien déterminées. Dans le
secteur privé, les salariés peuvent également bénéficier du paiement de tout ou partie de leurs
salaires pour les jours de grève et ce en vertu des accords souvent conclus avec les syndicats
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dans le cadre des arrangements négociés pour mettre fin à un conflit collectif du travail. Bien
plus, certaines entreprises -ayant les moyens- considèrent que le rôle qu’elles sont appelées à
jouer en tant qu’entreprises citoyennes, leur impose de soutenir leur personnel pendant les
périodes difficiles et de continuer à lui payer normalement ses salaires pour s’assurer de son
appartenance à l’entreprise et pour garantir la reprise du travail après la crise dans de bonnes
conditions.
En effet, le concept de responsabilité sociale de l’Entreprise (RSE) n’est pas récent11, il
remonte au milieu du 20
ème siècle et stipule que les entreprises doivent contribuer à financer
les efforts collectifs consentis par leur société surtout en période de crise. C’est une sorte
d’incarnation d’un principe de solidarité exigeant qu’en période de crise les bénéfices privés
viennent en aide à la société.
C’est d’ailleurs dans ce même cadre de solidarité qu’en date du mardi 14 avril 2020, un
accord a été signé entre le secrétaire général de la centrale syndicale « UGTT » et le président
de l’organisation patronale « UTICA » sous l’égide du ministre des Affaires sociales,
concernant le versement des salaires du mois d’avril pour les salariés du secteur privé. L’Etat
versera une aide exceptionnelle occasionnelle de deux cent (200) dinars au salarié et
l’entreprise
12 prendra en charge le reste du salaire mensuel.
Dépourvu de toute portée normative et de toute valeur juridique dans la mesure où il ne peut
être classé sous aucune des sources du droit du travail
13, cet accord a été rédigé dans des
termes affirmatifs laissant penser à une obligation de rémunération incombant aux employeurs
alors qu’il n’en est rien.
Les signataires de l’accord auraient dû clarifier davantage le cadre de ses dispositions en leur
déniant tout caractère contraignant et en précisant que la démarche est purement facultative
(volontaire), qu’elle ne constitue qu’une simple possibilité offerte aux seuls employeurs
désireux ou ayant la capacité financière de payer les salaires malgré l’arrêt de l’activité.
En effet, le problème se pose essentiellement du côté des salariés qui, soucieux de leur
pouvoir d’achat et de la nécessité vitale de subvenir à leurs besoins, peuvent être induits en
erreur et croire non seulement à un privilège mais à un droit acquis en en revendiquant l’usage
par tous les moyens.
Ces revendications qui peuvent prendre les formes les plus extrêmes (refus de travail,
contestations collectives aboutissant à un arrêt total du travail), peuvent se retourner contre les
11 Walid Keskes; Histoire de la RSE : Episode 1/9 : Origine de la RSE ; Linked in 11 mars 2017.
12 Reprise de la même mesure édictée par le décret-loi du Chef du Gouvernement n° 2020- 4 du 14 avril 2020, édictant des mesures (ou
actions) sociales exceptionnelles et provisoires pour l’accompagnement des entreprises et la protection de leurs salariés lésés par les
répercussions de la mise en œuvre des mesures des mesures de mise en confinement total pour la prévention de la propagation du
Coronavirus « Covid-19 ».

13 Les sources du droit du travail sont de deux sorte : les sources normatives (constitution, lois) et les sources conventionnelles ou négociées
(convention collective cade et conventions sectorielles, accords d’entreprises, contrat de travail).
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salariés en les exposant à des sanctions disciplinaires de second degré allant jusqu’au
licenciement.
Justifié par la faute lourde du salarié prétendant à un droit qui n’est ni acquis, ni même
conventionnel, ce licenciement sera validé par le juge sur le fondement de sa cause réelle et
sérieuse
14 et ne donnera lieu par conséquent à indemnisation.
Ce n’est certainement pas à cet état de tension ni à ce scénario de licenciement que les
partenaires sociaux veulent arriver; bien au contraire, l’objectif était d’assurer le paiement des
salaires et aider les employés les plus démunis à faire face à la crise mais ce sont les termes
qui ont trahit le bon vouloir des signataires de l’accord
15.
D’autres entreprises en revanche se sentent obligées, en raison de leurs propres difficultés
économiques de compter sur l’Etat pour indemniser les salariés.
En tout état de cause, on peut affirmer que sur le plan légal le paiement des salaires n’est
imposé que si en contrepartie, le travail est réalisé.
VI- DECONFINEMENT : quels dispositifs du droit du travail pour la relance ?
La relance de l’activité de l’entreprise nécessite des efforts supplémentaires de la part des
employés en contre partie des efforts fournis par l’employeur afin de préserver les emplois.
Entre les dispositifs nécessitant l’accord préalable des parties à travers leurs représentants (1)
et ceux mis en œuvre par décision unilatérale de l’employeur (2), tout ralentissement et/ou
arrêt d’activité est récupérable.
1- L’imputation des congés payés sur la période de confinement :
Pour pallier aux répercussions des mesures exceptionnelles de confinement total (arrêt de
travail), certains employeurs pensent utiliser l’outil des congés payés en les soldant par
anticipation (au titre de l’année 2020) ou par récupération (au titre de l’année écoulée).
L’article 4 du décret-loi du Chef de Gouvernement n°2020-2 du 14/04/2020 est venu
suspendre l’application des dispositions du premier alinéa de l’article 117 du Code du travail
sur les congés payés et les remplacer provisoirement comme suit : «
l’employeur peut
14 Article 14 quater du code de travail.
15 Un communiqué a d’ailleurs, été publié par le Président de l’UTICA rappelant le sens de citoyenneté et l’engagement social et de solidarité
qui ont été derrière la signature de cet accord motivant ainsi l’accord signé avec l’UGTT.
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accorder un congé annuel à tous les employés ou à certains d’entre eux au titre de l’année
écoulée ou de l’année en cours
».
En confrontant ce nouveau texte à l’ancien, dont l’application est simplement suspendue
jusqu’à nouvel ordre, on relève que la règle suivant laquelle le congé payé doit être octroyé
entre le 1
er juin et le 31 octobre de chaque année, n’est pas applicable actuellement. De plus,
l’employeur qui entend accorder les congés payés avant le 1
er juin 2020, n’a pas besoin
d’obtenir l’accord des bénéficiaires du congé à titre individuel ou à titre collectif. Il n’a pas à
consulter les représentants du personnel. En plus, l’ordre des départs en congé qui obéit
normalement à des critères déterminés, est exclu, puisque l’employeur peut imposer à tous les
salariés un congé payé au même moment.
Sur le plan de l’opportunité, nous estimons cependant, qu’une concertation avec les
représentants du personnel est vivement conseillée pour éviter que la décision unilatérale de
l’employeur provoque une tension sociale au sein de l’entreprise.
Pour assurer une reprise rapide et efficace, certains peuvent être tentés de récupérer l’arrêt de
l’activité sur les congés payés en les compensant par des indemnités financières.
En effet, étant d’ordre public (article 12 du code du travail), le congé payé doit être soldé en
jours de repos effectif et ne peut en aucun cas être compensé par une indemnité.
Ce n’est qu’en mettant fin à son contrat de travail que l’employé peut exiger une indemnité de
congé payé pour les jours de repos acquis mais non consommés ; c’est en fait la résiliation de
ce contrat qui ouvre droit à l'attribution d'une indemnité compensatrice du congé.
C’est ce qui ressort des dispositions de l’article 120 du code du travail : « Le salarié, dont le
contrat de travail est résilié avant qu'il ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait
droit, doit recevoir, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité
compensatrice déterminée d'après les dispositions de l'article précédent. L'indemnité n'est pas
due si la résiliation du contrat de travail est provoquée par une faute lourde du salarié
».
Quoiqu'il en soit, les circonstances obligent chacun à faire preuve de souplesse. Les salariés
doivent avoir conscience, notamment dans les PME, que la survie de l'entreprise peut être
mise en péril. Mais les employeurs ne doivent pas croire que le droit aux congés payés est
remis en cause par ces circonstances ou pourrait se résoudre intégralement par le versement
d'une indemnité compensatrice.
2- Récupération des heures de travail à la simple initiative de
l’employeur :
La fermeture des entreprises en réponse à la déclaration de l’état d’urgence sanitaire et à la
décision du confinement a totalement paralysé l’activité, ce qui pourrait mettre en péril le
tissu économique national déjà fragile.
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Pour remédier à cet arrêt d’activité, le code du travail offre à l’entreprise qui a préféré
préserver l’emploi, des dispositifs de gestion et d’organisation du travail au temps de la
reprise (l’après crise) permettant d’amortir les effets de l’arrêt de l’activité et/ou de la
diminution de la production pendant la crise (a).
L’autre mesure consistant en la possibilité de compensation de la séance unique (b).
a- La récupération des heures de travail perdues :
Parmi ces dispositifs, l’on cite le droit à récupération prévu par l’article 92 alinéa premier du
code du travail.
En effet, et conformément à l’article 3 du Décret-loi du Chef du Gouvernement n° 2020-2 du
14 avril 2020 portant suspension exceptionnelle et provisoire de certaines dispositions du
Code du travail: «
Est suspendue l’application des dispositions du premier alinéa de l’article
92 du Code du travail, lesquelles sont remplacées ainsi qu’il suit :
« les heures perdues par
suite d’interruption collective de travail dans un établissement ou dans une partie
d’établissement, peuvent être récupérées dans les six mois suivant l’interruption du travail ».
Parfaitement compatible avec cette situation d’arrêt, la récupération est librement décidée par
l’employeur qui n’est tenu qu’à une obligation d’information de l’inspection du travail.
L’intérêt majeur de ce texte réside dans l’élimination de la seule faiblesse caractérisant la
mesure de récupération dans son texte initial à savoir, le plafonnement de la possibilité de
récupération à 60 heures par semaine sur une période ne dépassant pas les deux (2) mois
suivant l’interruption.
Portée à six (6) mois, la période de récupération se trouve être largement suffisante pour
remédier à l’arrêt de l’activité des entreprises suite à la décision de confinement total. Il s’agit
d’une flexibilité donnée aux employeurs pour pouvoir imposer la récupération des heures
perdues dans un délai suffisant, sachant que la reprise va vraisemblablement prendre du
temps.
b.
La compensation de la séance unique :
Le même ajustement des heures de travail peut être réalisé à travers la compensation de la
séance unique. Si cet horaire spécifique à la période estivale et au mois de Ramadan est bien
réglementé dans le secteur public en vertu du décret n° 1710- 2012 du 14/09/2012 relatif à la
répartition des horaires et jours de travail des agents de l'Etat, des collectivités locales et
des établissements publics à caractère administratif et des communiqués annuels de la
présidence du gouvernement fixant les horaires de travail, le secteur privé, exception faite de
quelques activités, fait recours à cet « acquis historique » par simple consensus entre les
partenaires sociaux.
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Il est donc grand temps de récupérer ces heures perdues en supprimant totalement la séance
unique pour relancer la productivité. Cette mesure doit, pour éviter toute tension sociale, faire
l’objet d’une concertation et d’un consensus général.
Aujourd’hui, ce que nous pouvons retenir de cette crise du Covid-19 en relation avec le droit
du travail est que notre système juridique n’est pas suffisamment armé ni pour organiser l’état
d’urgence sanitaire ni pour atténuer les répercussions économiques et sociales de la pandémie.
En effet, au vu du nombre des décrets-lois promulgués et ceux en cours, nous pouvons dire
qu’en définitive, même si l’urgence « a bien dicté sa loi », beaucoup de choses restent à faire.
Pour un gouvernement qui ne saisit pas l’opportunité afin de réglementer le télétravail dans le
secteur privé comme il l’a, du moins, prévu pour le secteur public, un gouvernement qui
continue à ignorer ou à éviter le concept de chômage technique alors qu’il aurait pu être d’un
grand secours du moins pour les arrêts d’activité à moyen et à long terme, l’œuvre est loin
d’être achevée.
Alors que le monde du travail est en pleine mutation, ce n’est pas d’un simple aménagement
temporaire du droit du travail qu’on a besoin, mais d’une refonte totale, d’une véritable
innovation permettant de suivre la réalité mouvante du droit du travail et d’établir une
législation moderne qui coupe avec la rigidité caractérisant jusque-là le droit social en
Tunisie
.
Le 20 avril 2020
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