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Revue de droit comparé du travail et de la
sécurité sociale
 
1 | 2022
Doctrine
La réforme du travail domestique en Tunisie
Nouri Mzid
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/rdctss/3295
DOI : 10.4000/rdctss.3295
ISSN : 2262-9815
Éditeur
Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale
Édition imprimée
Date de publication : 20 avril 2022
Pagination : 158-159
ISSN : 2117-4350
Référence électronique
Nouri Mzid, « La réforme du travail domestique en Tunisie », Revue de droit comparé du travail et de la
sécurité sociale
[En ligne], 1 | 2022, mis en ligne le 20 avril 2022, consulté le 31 mai 2023. URL : http://
journals.openedition.org/rdctss/3295 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rdctss.3295
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- CC BY-NC-ND 4.0
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/


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NOURI MZID
Université de Sfax
LA RÉ(cid:41)ORME DU TRA(cid:57)AIL DOMESTIQUE EN TUNISIE
Le travail domestique en Tunisie est fortement dominé par son caractère informel. Ce secteur à
prédominance féminine, dans lequel le recours à l’emploi des enfants est également très répandu,
constitue l’un des secteurs qui souffrent le plus du déficit des conditions de travail décent
1- Plus de références et documents sur Legaly Docs. Certes,
la Tunisie s’est dotée depuis 1965 d’un cadre législatif spécifique à ce secteur d’activité, à travers
l’adoption de la loi n°65-25 du 1
er juillet 1965 relative à la situation des employés de maison. Mais
l’apport de cette loi a été très mince en termes de protection des travailleurs domestiques. Du reste,
ces derniers ont été exclus du champ d’application du Code du travail promulgué en 1966. Ainsi, ils se
trouvaient souvent dans une situation précaire et marginalisée.
La
fait
loi du 1er
juillet 1965 a
l’objet d’une modification partielle par
loi
n°2005-32 du 4 avril 2005 qui a relevé l’âge d’admission des enfants au travail domestique de 14 ans
à 16 ans. Plus récemment, le législateur tunisien a réalisé une avancée pionnière en la matière, en
interdisant de manière absolue l’emploi des enfants dans des activités domestiques, conformément
aux dispositions de la loi organique n°2017-58 du 11 août 2017 relative à l’élimination de la violence à
l’égard des femmes
2. Mais, dans l’ensemble, le statut des travailleurs domestique est resté très précaire
et loin de répondre aux normes adoptées par l’OIT, dont notamment la Convention n°189 sur les
travailleuses et travailleurs domestiques qui n’est pas encore ratifiée par la Tunisie.
la
Le législateur est alors de nouveau intervenu par la loi n°2021-37 du 30 juillet 2021 en vue d’adopter
une réforme substantielle du régime juridique relatif au travail domestique. L’objet de cette loi, tel qu’il
est annoncé par son article 1
er, est de «  réglementer le travail domestique de manière à garantir le
droit au travail décent sans discrimination et dans le respect de la dignité humaine des travailleuses et
travailleurs domestiques, conformément à la Constitution et aux conventions internationales ratifiées ».
Tout en consolidant l’apport de la loi organique du 11 août 2017, en interdisant d’employer ou d’agir
comme intermédiaire pour employer des enfants comme travailleuses ou travailleurs domestiques,
la loi du 16 juillet 2021 est venue abroger et remplacer l’ancienne loi du 1
er juillet 1965 relative à la
situation des employés de maison.
S’agissant du statut des travailleuses et travailleurs domestiques, la nouvelle loi opère une
distinction selon que le travail est effectué auprès d’un seul employeur, ou chez des employeurs
multiples. Dans le premier cas, la relation entre le travailleur domestique et son employeur prend la
forme d’un contrat de travail qui peut être conclu à durée déterminée ou indéterminée. Ce contrat est
régi par les dispositions du Code du travail, dans la mesure où ces dernières ne sont pas contraires à
celles de la loi du 16 juillet 2021. Le contrat doit être établi par écrit, avec des signatures authentifiées.
Un exemplaire de ce contrat doit être déposé par l’employeur auprès de l’inspection du travail. Dans le
deuxième cas, le travailleur domestique exerçant son activité chez des employeurs multiples a le statut
d’un travailleur indépendant, non salarié.
Mais, quel que soit le statut du travailleur domestique, la loi lui garantit un minimum de protection
en matière de salaire et de conditions de travail. Ainsi, il a droit à un salaire qui ne peut être inférieur au
salaire minimum garanti applicable dans les différents secteurs, et ce, pour une durée du travail de 48
1 Voir BIT, « Etudes sur les enfants travailleurs domestiques en Tunisie », 2016 ; Z. Ben Jannet, « Les
travailleurs domestiques dans le grand Tunis »,
Association tunisienne des femmes démocrates,
2020.
2 Aux termes de l’article 20 de cette loi, est puni de 3 à 6 mois d’emprisonnement et d’une amende
de 2 à 5 mille dinars, quiconque embauche de manière directe ou indirecte des enfants comme
employés de maison. La peine est portée au double en cas de récidive.
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heures par semaine. De même, l’employeur est tenu d’assurer au travailleur domestique des conditions
de travail conformes aux prescriptions d’hygiène et de sécurité, prévues par la législation en vigueur,
ainsi que de lui fournir un logement décent lorsque le travail domestique est lié à la résidence ou si
le travail l’exige. Du reste, la durée normale de travail effectué chez un employeur ne peut excéder 8
heures par jour, et la durée de travail effectif, y compris les heures supplémentaires, ne peut dépasser
au total 10 heures par jour.
Lorsque le travailleur domestique exerce son activité auprès d’un seul employeur d’une
manière continue, il bénéficie également des mêmes repos et congés que l’ensemble des salariés,
conformément à la législation en vigueur. La jouissance de tels repos ou congés ne doit pas être
considérée comme un motif valable de licenciement. L’employeur est tenu aussi de faciliter l’accès à
tout programme ou formation de nature à développer les compétences professionnelles du travailleur
domestique.
Dans l’ensemble, les dispositions de la loi du 16 juillet 2021 sont conformes aux normes de
l’OIT en matière de travail domestique. Toutefois, un manque d’harmonie avec ces normes peut être
observé à propos de certaines dispositions de cette loi.
Ainsi, en matière de couverture sociale, les travailleuses et travailleurs domestiques ne bénéficient
que d’une protection minimale, étant régis par la loi n°2002-32 du 12 mars 2002 spécifique à la
couverture sociale des catégories de travailleurs à faible revenu, en plus de la loi n°94-28 du 21 février
1994 relative au régime de réparation des préjudices résultant des accidents du travail et des maladies
professionnelles. Ils sont alors, implicitement, exclus du champ d’application du régime général de
sécurité sociale tel que fixé par la loi n°60-30 du 14 décembre 1960, qui est applicable à l’ensemble
des salariés du secteur privé. Sur ce plan, l’attitude du législateur ne semble pas en harmonie avec
les dispositions de la Convention internationale du travail n°189 qui exige de tout Etat membre de
prendre des mesures appropriées « afin d’assurer que les travailleurs domestiques jouissent, en matière
de sécurité sociale (…), de conditions qui ne soient pas moins favorables que celles applicables à
l’ensemble des travailleurs »
3.
Par ailleurs, le législateur a totalement gardé le silence concernant l’exercice de la liberté syndicale
et du droit de négociation collective par les travailleurs domestiques. Sur ce plan aussi, l’attitude du
législateur tunisien ne semble pas en harmonie avec les dispositions de la convention de l’OIT n°189,
qui exige de tout Etat membre de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer que les travailleurs
domestiques jouissent de l’exercice effectif de la liberté syndicale et du droit de négociation collective
4.
Enfin, contrairement aux exigences de l’article 15 de la Convention de l’OIT n°189, la loi du 16
juillet 2021 n’a prévu aucune mesure spécifique afin d’assurer aux travailleurs domestiques migrants
une protection adéquate contre les pratiques abusives dont ils sont victimes. Ce silence du législateur
est d’autant plus inquiétant que les travailleurs migrants sont confrontés en Tunisie à des difficultés
majeures d’accès au travail formel. Ainsi, ils se trouvent souvent, placés dans une situation irrégulière
marquée par un caractère fortement précaire et vulnérable à cause, notamment, de l’adoption par
le législateur tunisien de conditions très restrictives en matière d’entrée, de séjour et de travail des
étrangers, et qui procèdent d’une politique législative de fermeture à l’immigration
5.
3 Art. 14-1 de la Convention internationale du travail n°189.
4 Art. 3 de la Convention internationale du travail n°189.
5 M. Nasraoui, «  Les travailleurs migrants subsahariens en Tunisie face aux restrictions législatives
sur l’emploi des étrangers »,
Revue européenne des migrations internationales, vol. 33, n°4, 2017,
p. 159 ; M. Ben Jemia et S. Ben Achour,
Plaidoyer pour une réforme des lois relatives aux migrants,
aux étrangers et à la nationalité en Tunisie
, Réseau Euro Med des droits de l’Homme et Centre de
Tunis pour la Migration et l’Asile, 2014.
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