particulier,  l'indépendance  du  pouvoir  judiciaire  –  et  la  protection  des  droits  humains  en 
Tunisie. Le texte, favorisé par le Président Saied, cristallise la plupart des mesures illégitimes 
qu'il a prises depuis le 25 juillet 2021, en violation des obligations de la Tunisie en vertu du 
droit international des droits de l'homme et de la Constitution de 2014.9
Par  conséquent,  la  Commission  Internationale  de  Juristes  (CIJ)  recommande  aux  autorités 
tunisiennes de retirer le projet de constitution et de veiller à ce que tout processus de réforme 
constitutionnelle soit conforme aux obligations de la Tunisie en vertu de la Constitution de 2014 
et du droit et des standards internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris en ce qui 
concerne l'inclusion, la transparence, la participation effective, la consultation et la redevabilité. 
1. Le projet de constitution et la séparation des pouvoirs 
Par  rapport  à  la  Constitution  de  2014,  le  projet  de  constitution  limite  les  rôles  des  pouvoirs 
législatif et judiciaire de l'État et donne beaucoup plus de pouvoir au président de la République. 
C’est  ainsi  que  le  texte  habilite  le  président  de  la  République  à  dissoudre  le  parlement,  et  à 
révoquer à la fois le chef du gouvernement et les autres membres du pouvoir exécutif, qui sont 
responsables  devant  le  président,  plutôt  que  devant  le  parlement.  En  outre,  les  garanties 
essentielles  à  l'indépendance  de  certaines  institutions  établies  en  vertu  de  la  Constitution  de 
2014, telles que la commission électorale et le CSM, sont absentes du projet de constitution. Le 
texte  ne  prévoit  aucun  moyen  de  tenir  le  président  de  la  République  pour  responsable,  en 
omettant également l'article 88 de la Constitution de 2014 en vertu duquel le parlement pouvait 
présenter une motion de destitution du président de la République en cas de violations graves 
de la constitution. 
Le projet de constitution accroît considérablement les pouvoirs du président de la République 
pendant un « état d'exception » et n'envisage aucun contrôle ni sur son déclenchement ni sur sa 
résiliation.  La  CIJ  est  particulièrement  préoccupée  par  la  suppression  du  rôle  de  la  Cour 
constitutionnelle  et  du  parlement  dans  l’examen  de  la  décision  de  déclarer  un  « état 
d'exception »  et  sa  validité.  Le  projet  de  constitution  ne  fixe  pas  de  délai  pour  un  « état 
d'exception » et n'exige pas de vote parlementaire pour son renouvellement ou sa prorogation. 
En outre, il ne précise pas les garanties en matière de droits humains auxquelles il ne peut être 
dérogé, et il ne prévoit aucune garantie judiciaire pour faire respecter le principe de la séparation 
des pouvoirs et protéger les droits humains en période de « danger public exceptionnel ». 
Depuis  le  25  juillet  2021,  l'exécutif  a  sapé  l'indépendance  judiciaire  en  Tunisie  par  des 
ingérences arbitraires systématiques dans les affaires judiciaires. À la lumière de ce qui précède, 
la CIJ est profondément préoccupée par l'absence de toute disposition régissant la composition, 
le  rôle  et  les  compétences  du  CSM  dans  le  projet  de  constitution.  La  CIJ  est  également 
préoccupée  par  l'ingérence  directe  du  président  de  la  République  dans  la  nomination,  la 
mutation et la révocation des juges. Les dispositions relatives à l'indépendance institutionnelle 
du pouvoir judiciaire et à l'indépendance individuelle des juges sont soit absentes du projet de 
constitution, soit en deçà du droit international et des normes internationales. 
• Pouvoirs conférés au législateur par le projet de constitution 
Le chapitre trois du projet de constitution régit le pouvoir législatif. S'écartant sensiblement de 
la Constitution de 2014 et du principe de la séparation des pouvoirs, en vertu de l'article 56 du 
9 Depuis le 25 juillet 2021, date à laquelle le président Saied a déclaré un « état d'exception », toujours en vigueur 
au moment de la rédaction du présent rapport, il a pris de nombreuses décisions portant atteinte à l'état de droit, à 
la séparation des pouvoirs, à l'indépendance judiciaire et à la protection des droits de l'homme dans le pays. Voir 
le site Web de la CIJ, publications sur la Tunisie depuis le 25 juillet 2021 pour plus d'informations. 
projet de constitution, le pouvoir législatif n'est plus une branche indépendante de l'État en tant 
que  tel,  mais  il  est  réduit  à  une  simple  « fonction »  de  l'État  et  est  subordonné  au  pouvoir 
exécutif. Ainsi, comme on le verra plus en détail  ci-dessous, le projet de constitution permet 
d'accorder  plus  de  pouvoirs  au  pouvoir  exécutif  tout  en  réduisant  le  rôle  et  les  pouvoirs  du 
pouvoir législatif. 
L'article  56  du  projet  de  constitution  institue  une  nouvelle  chambre  législative,  le  Conseil 
national des régions et des districts (CNRD), qui fait office d'assemblée législative régionale et 
de chambre législative secondaire de l'ARP. Le CNRD est composé de représentants élus des 
districts et des régions de Tunisie et travaillerait aux côtés de l'ARP pour approuver ou rejeter 
les  propositions  législatives  présentées  soit  par  le  président  de  la  République,  soit  par  les 
membres du parlement. 
Le projet de constitution n'est pas conforme aux normes internationales en ce qui concerne le 
rôle  législatif  de  l'ARP  et  du  CNRD  et  permet  au  pouvoir  exécutif  de  s'immiscer  dans  ces 
institutions. 
Aux  termes  de  l'article  97  du  projet  de  constitution,  « le  président  de  la  République  peut 
soumettre à référendum des projets de loi relatifs à la réglementation des pouvoirs publics [c'est-
à-dire  des  pouvoirs  exécutif,  judiciaire  ou  législatif]  et  à  la  ratification  de  traités 
[internationaux] susceptibles d'avoir une incidence sur le fonctionnement des institutions [de 
l'État] ». À cet égard, l'article 82 de la Constitution de 2014 dispose que « le président de la 
République peut, dans des circonstances exceptionnelles, dans les délais impartis pour le retour 
d'un projet de loi, soumettre à référendum des projets de loi relatifs à la ratification de traités 
[internationaux],  aux  libertés  et  aux  droits  de  l'homme,  ou  au  statut  personnel,  qui  ont  été 
adoptés par le [parlement]», ajoutant que « la soumission à référendum est considérée comme 
une renonciation au droit de renvoyer le projet de loi au [parlement] ». En vertu du projet de 
constitution,  le  président  de  la  République  peut,  à  tout  moment  et  en  dehors  de  toute 
circonstance  exceptionnelle,  soumettre  à  référendum  des  projets  de  loi  ayant  trait  au 
fonctionnement  du  gouvernement  ou  de  l'État.  Une  délégation  constitutionnelle  aussi 
importante au président sape le rôle du législateur et est difficile à concilier avec le principe de 
la séparation des pouvoirs et de l’état de droit.10
Le projet de constitution ne respecte pas non plus le droit international en permettant au pouvoir 
l'exécutif d’interférer avec le pouvoir législatif. 
Premièrement, l'article 116 du projet de  constitution autorise le président de la République à 
dissoudre soit l'ARP, soit le CNRD, ou les deux, dans le cas où le parlement présenterait une 
deuxième motion de censure contre le gouvernement au cours de la même législature.  
Deuxièmement, l'article 61 du projet de Constitution dispose que « les mandats des membres 
du  parlement  peuvent  être  révoqués  conformément  aux  conditions  énoncées  dans  la  loi 
électorale ». La possibilité de révoquer les mandats des membres du  parlement n'existait pas 
dans la Constitution de 2014. La CIJ est préoccupée par le fait que cette disposition du projet 
de constitution affaiblit et menace davantage la sécurité d'emploi des membres du parlement. 
En particulier, le projet de constitution est muet sur :  
(i)
(ii)
les garanties requises quant à la sécurité d'emploi des membres du parlement ;  
l'organe ou les personnes chargés de révoquer le mandat des membres du parlement ;  
(iii)
la procédure exacte de révocation ; et  
10 CIJ, « Tunisia : No checks and balances on President Saied' s one-man-rule », 29 avril 2022, 
https://www.icj.org/tunisia-no-checks-and-balances-on-president-saieds-one-man-rule/. 
(iv)
les garanties contre la politisation et l'abus de cette procédure.  
Alors que l'article 61 fait référence à la loi fixant les conditions de ces révocations, la CIJ est 
particulièrement  préoccupée  par  le  fait  que,  lu  conjointement  avec  les  pouvoirs  illimités  et 
incontrôlés conférés au président de la République par la constitution proposée, y compris pour 
proposer et rédiger des projets de loi qui priment sur les propositions législatives des membres 
du parlement, l'article 61 peut aussi donner la possibilité au président de révoquer le mandat 
des membres du parlement ou de dicter des procédures de révocation inadéquates en violation 
de la séparation des pouvoirs, de l'état de droit et des normes internationales. 
Troisièmement,  le  projet  de  Constitution  ne  prévoit  aucun  rôle  pour  l'opposition  au  sein  de 
l'ARP  et  du  CNRD,  en  omettant  l'article  60  de  la  Constitution  de  2014,  qui  dispose : 
« l'opposition est une composante essentielle du [parlement] », et que « [l'opposition] jouit des 
droits  qui  lui  permettent  d'exercer  ses  fonctions  parlementaires  et  est  garantie  d'une 
représentation adéquate et effective dans tous les organes du [parlement] ».  
Quatrièmement,  et  d'une  manière  similaire  à  la  Constitution  de  2014,  l'article  64  de  la 
constitution proposée garantit généralement l'immunité parlementaire aux députés. En outre, en 
vertu  de  l'article  65,  c'est  le  parlement  lui-même  qui  peut  lever  l'immunité  de  ses  membres. 
Cependant, contrairement à la Constitution de 2014, l'article 66 du projet de constitution dispose 
que les membres du parlement ne jouissent d'aucune immunité parlementaire en ce qui concerne 
les  crimes  de  « diffamation  et  […]  de  violence  commis  à  l'intérieur  ou  à  l'extérieur  du 
parlement »,  ainsi  qu'en  ce  qui  concerne  les  cas  d’« entrave  au  fonctionnement  normal  du 
parlement ». L'article 66 est trop large et ne fournit pas de motifs précis et plus étroits sur la 
base desquels les immunités parlementaires peuvent être levées, ce qui compromet davantage 
la sécurité du mandat ou l'immunité des membres du Parlement. 
Cinquièmement,  en  vertu  de  l'article  68  de  la  constitution  proposée,  « les  lois  radicales 
proposées par le président de la République ont préséance sur les projets de loi présentés par 
les membres du parlement ». Compte tenu des pouvoirs exécutifs proposés et de l'absence d'un 
système de contrepoids sur ces pouvoirs, la CIJ craint que l'article 68 ne fasse du président la 
principale source de législation dans le pays, sapant ainsi le rôle et la raison d'être mêmes du 
parlement, à savoir légiférer.  
Enfin, l'article 96 du projet de constitution modifie également l'article 80 de la Constitution de 
2014,  qui  permet  au  président  de  la  République  de  déclarer  un  « état  d'exception »  dans 
certaines circonstances, en excluant le droit du parlement de saisir la Cour constitutionnelle afin 
de vérifier si les circonstances restent exceptionnelles ou non. Au lieu de cela, l'article 96 donne 
tous  les  pouvoirs  au  président  pour  déclarer  un  « état  d'exception »,  après  avoir  simplement 
consulté le chef du gouvernement, le président du parlement et le président du Conseil national 
des  régions  et  des  districts.  Cette  décision  ne  peut  faire  l'objet  d'un  contrôle,  ni  par  la  Cour 
constitutionnelle,  ni  par  le  parlement.  Une  section  ci-dessous  sur  la  Cour  constitutionnelle 
analyse plus en détails le démantèlement de son rôle en tant qu'arbitre final, dans l'examen de 
la légalité d'un « état d'exception » et des pouvoirs exercés en vertu de cet état. 
La CIJ est profondément préoccupée par le fait que, parce que les parlementaires ne bénéficient 
d'aucune garantie effective d'indépendance ou de sécurité de leur mandat ou de leur immunité, 
ni  d'aucun  rôle  dans  l'approbation  du  gouvernement  ou  dans  l’action  de  pouvoir  tenir 
effectivement  le  gouvernement  pour  responsable,    –  et  parce  que  le  parlement  lui-même  n'a 
aucune garantie d'indépendance financière et administrative, ni aucun rôle pour l'opposition – 
la constitution proposée subordonne indûment le parlement au pouvoir exécutif, permettant à 
ce dernier d'exercer un contrôle étroit sur le premier.
• Pouvoirs du pouvoir exécutif en vertu du projet de constitution  
En vertu du projet de constitution, la nomination du gouvernement n'est plus liée aux résultats 
des élections parlementaires, et le Parlement n'est plus tenu d'approuver un gouvernement qui 
est  lui-même  placé  sous  les  « directives  et  les  choix »  du  président  de  la  République11.  Aux 
termes de l'article 112 du projet de constitution, « le Gouvernement est responsable de ses actes 
devant  le  président  de  la  République »,  contrairement  à  la  Constitution  de  2014  en  vertu  de 
laquelle le gouvernement  était responsable devant  le  parlement.  En supprimant la possibilité 
pour  le  parlement  d'approuver  le  gouvernement,  et  en  dissociant  la  nomination  du  chef  du 
gouvernement et de ses membres des résultats des élections législatives, le projet de constitution 
porte  atteinte  au  droit  des  Tunisiens  d'élire  leurs  représentants  et  de  faire  en  sorte  que  ces 
derniers fassent office de contrôle du gouvernement.  
En  vertu  du  projet  de  constitution,  le  président  de  la  République  se  soustrait  à  toute 
responsabilité pour toute mesure prise en violation  des principes constitutionnels, tels que la 
séparation  des  pouvoirs.  En  particulier,  le  projet  de  constitution  omet  l'article  88  de  la 
Constitution de 2014, qui permettait au  parlement de présenter une motion de destitution du 
président de la République en cas de violations graves de la Constitution. Selon l'article 110 du 
projet de constitution, « le président n'est pas responsable des actes qu'il pourrait prendre dans 
l'exercice  de  ses  fonctions ».  Ainsi,  en  vertu  du  projet  de  constitution,  le  président  de  la 
République  n'est  responsable  devant  personne,  même  en  cas  de  violations  graves  de  la 
constitution. 
Assurer  un  contrôle  parlementaire  efficace  de  l'exécutif  est  une  protection  essentielle  contre 
l'abus  de  pouvoir  exécutif  et  l'autoritarisme.  Le  Rapporteur  spécial  des  Nations  Unies  sur 
l'indépendance des juges et des avocats a affirmé que « […] la compréhension et le respect du 
principe  de  la  séparation  des  pouvoirs  sont  une  condition  sine  qua  non  pour  un  État 
démocratique  et  revêtent  donc  une  importance  capitale  pour  les  pays  en  transition  vers  la 
démocratie – qui jusqu'à présent se sont caractérisés précisément par l'absence de séparation 
des pouvoirs ».12
Puisque la Tunisie est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), 
les  autorités  tunisiennes  sont  tenues  d'adopter  des  lois  et  des  mesures  pour  reconnaître  et 
protéger « le droit de chaque citoyen de prendre part à la conduite des affaires publiques ».13
Dans  son  Observation  générale  no  25,  le  Comité  des  droits  de  l'homme  des  Nations  Unies 
déclare  que  « [l]  'article  25  est  au  cœur  d'un  gouvernement  démocratique  fondé  sur  le 
consentement du peuple et conforme aux principes du Pacte ».14 Selon le Conseil des droits de 
l'homme des Nations Unies (HRC), « les parlements sont les pierres angulaires des systèmes 
nationaux  de  protection  des  droits  de  l'homme »  et  peuvent  être  efficaces  en  contribuant  à 
l'application des obligations internationales en matière de droits de l'homme et en ayant « une 
fonction de surveillance du respect des droits de l'homme ».15 Le HRC a également observé que 
les parlements devraient exercer un contrôle sur le pouvoir exécutif, le tenant ainsi responsable 
11 Article 111 du projet de constitution. 
12  Rapport  du  Rapporteur  spécial  sur  l'indépendance  des  juges  et  des  avocats,  document  des  Nations  Unies 
E/CN.4/1995/39, 6 février 1995, par. 55. 
13 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), article 25. 
14 Comité des droits de l'homme de l'ONU, Observation générale no 25 du Pacte international relatif aux droits 
civils et politiques : Article 25 (Participation aux affaires publiques et droit de vote), Le droit de participer aux 
affaires publiques, le droit de vote et le droit d'accès à la fonction publique dans des conditions d'égalité, 12 juillet 
1996, CCPR/C/21/Rev.1/Add.7, par. 1. 
15 Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, 38e session, Contribution des parlements aux travaux du 
Conseil des droits de l'homme et à son examen périodique universel - Rapport du Haut-Commissariat des Nations 
Unies aux droits de l'homme, 17 mai 2018, A/HRC/38/25, par. 18. 
au nom du peuple, notamment en veillant à ce qu'il remplisse son rôle de respect, de protection 
et de promotion des droits de l'homme. Pour le faire avec efficacité, les parlementaires doivent 
pouvoir s'exprimer librement, sans crainte de représailles.16
• Pouvoirs conférés au pouvoir judiciaire par le projet de constitution  
En  vertu  du  projet  de  constitution,  similairement  au  cas  du  pouvoir  législatif,  le  pouvoir 
judiciaire n'est plus considéré comme une branche distincte et indépendante de l'État, mais est 
réduit  à  une  simple  « fonction »  de  l'État.17  Le  pouvoir  judiciaire  est  soumis  au  contrôle  de 
l'exécutif, ce qui  menace son indépendance en tant  que branche distincte et  indépendante de 
l'État. Un système de justice indépendant et impartial qui puisse superviser et faire respecter la 
séparation des pouvoirs est fondamental.18
Les  articles  112  à  117  de  la  Constitution  de  2014  régissant  le  Conseil  supérieur  de  la 
Magistrature  (CSM)  sont  totalement  absents  du  projet  de  constitution,  ne  laissant  aucune 
disposition  constitutionnelle  garantissant  l'indépendance  du  CSM  et  du  pouvoir  judiciaire  et 
protégeant contre l'ingérence du pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire (voir, par exemple, 
le décret 11-2022).19 En outre, d'autres dispositions du projet de  constitution compromettent 
l'indépendance du pouvoir judiciaire en tant qu'institution et celle des juges en tant qu'individus. 
Le  projet  de  constitution  limite  les  pouvoirs  du  pouvoir  judiciaire  et  du  CSM  en  matière  de 
nomination des juges et transfère ces pouvoirs au président. En particulier, l'article 120 du projet 
de constitution dispose que tous les juges, y compris les juges de rang supérieur, sont nommés 
directement par le président de la République par décret présidentiel, sur simple proposition du 
CSM. En vertu de la Constitution de 2014, la décision du Président de nommer des juges devait 
« correspondre » à la proposition du CSM.20 Le président pourrait désormais choisir d'adopter 
ou non la proposition du CSM.  
En outre, le projet de constitution met fin à la protection contre l'ingérence du pouvoir exécutif 
dans le système judiciaire, en omettant  l'article 109 de la Constitution de 2014, selon lequel 
« toute  forme  d'ingérence  dans  le  fonctionnement  du  système  judiciaire  est  interdite ».  Le 
Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies a clairement indiqué qu’une situation dans 
laquelle les fonctions et les compétences du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif ne peuvent 
pas  être  clairement  distinguées  et  dans  laquelle  le  second  est  en  mesure  de  contrôler  ou  de 
diriger le premier est incompatible avec le principe de tribunal indépendant.21
Le  projet  de  constitution  ne  respecte  pas  non  plus  le  droit  international  et  les  normes 
internationales en ce qui concerne la sécurité d'emploi des juges. 
Premièrement, le projet de constitution ne prévoit aucun rôle pour le CSM en ce qui concerne 
les questions relatives à la sécurité d'emploi des juges. En particulier, selon l'article 107 de la 
Constitution de 2014, « les juges ne peuvent être révoqués ou suspendus de leurs fonctions, ni 
faire l'objet de sanctions disciplinaires, sauf dans les cas régis par la loi et conformément à une 
décision motivée du Conseil supérieur de la magistrature ». Au lieu de cela, l'article 121 de la 
16 Ibid., par. 21. 
17 Projet de constitution, chapitre quatre « La fonction du pouvoir judiciaire », articles 117 à 124.  
18  Voir  les  Directives  de  la  Chambre  de  Latimer  sur  la  suprématie  parlementaire  et  l'indépendance  de  la 
magistrature (adoptées lors d'une réunion des représentants de l'Association parlementaire du Commonwealth, de 
l'Association des magistrats et juges du Commonwealth, de l'Association des avocats du Commonwealth et de 
l'Association pour l'éducation juridique du Commonwealth), 19 juin 1998. 
19 CIJ, Tunisie : Questions et réponses sur le démantèlement de l’indépendance de la justice en Tunisie : le décret 
11 sur le conseil supérieur provisoire de la magistrature, 05 mai 2022, https://www.icj.org/wp-
content/uploads/2022/05/Tunisia-decree11-QA-Publications-legal-briefing-2022-FRE.pdf. 
20 Article 106 de la Constitution de 2014. 
21 Comité des droits de l'homme de l'ONU, Observation générale no 32, art. 14, Droit à l'égalité devant les 
tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, 23 août 2007, CCPR/C/GC/32, par. 19. 
constitution proposée ne donne aucun rôle au CSM dans les décisions relatives au transfert, à 
la révocation, à la suspension ou à la sanction des juges. La CIJ est préoccupée par le fait que 
cette omission fait écho au décret présidentiel 35-2022 habilitant le Président Saied à révoquer 
unilatéralement les juges et à les rendre automatiquement passibles de poursuites pénales. La 
CIJ a dénoncé le décret 35-2022 en ce qu’il constitue une violation des principes de séparation 
des pouvoirs et d'indépendance judiciaire, ainsi que des garanties d'une procédure régulière en 
ce qui concerne  la discipline des juges, non seulement en vertu des lois nationales abrogées 
depuis  le  25  juillet  2021,  mais  également  en  vertu  du  droit  international  et  des  normes 
internationales.22 Le projet d'article 121 et le décret 35-2022 vont à l'encontre des obligations 
qui incombent à la Tunisie en vertu du droit international, ainsi que des Principes fondamentaux 
des Nations Unies relatifs à l'indépendance de la magistrature, qui stipulent clairement que toute 
allégation  de  faute  judiciaire  doit  faire  l'objet  d'une  enquête  indépendante,  impartiale, 
approfondie  et  équitable,  et  jugée  dans  le  cadre  d'une  procédure  équitable  devant  un  organe 
compétent, indépendant et impartial, dans lequel les droits d'un juge à une procédure régulière 
sont respectés.23 La discipline des juges doit être fondée sur des normes établies de conduite 
judiciaire. Les sanctions, y compris les mesures disciplinaires, la suspension ou la révocation, 
doivent  être  proportionnées  et  doivent  pouvoir  faire  l'objet  d'un  recours  devant  un  organe 
judiciaire indépendant.24
Deuxièmement, le projet de Constitution n'interdit plus totalement et explicitement le transfert 
arbitraire  de  juges,  mais  subordonne  la  question  à  des  considérations  liées  à  « l'intérêt 
professionnel », que l'article 121 définit comme « l'intérêt découlant de la nécessité de pourvoir 
un poste vacant, de nominations  judiciaires fondées sur de nouveaux plans judiciaires ou de 
l'augmentation significative du volume de travail ».25 En raison de son libellé large, l'article 121 
ne consacre pas pleinement le principe de la sécurité d'emploi et ne protège pas les juges contre 
les transferts arbitraires. 
Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a affirmé que l'article 14 du PIDCP impose 
aux États l'obligation de prendre des mesures garantissant l'indépendance du pouvoir judiciaire 
« par le biais de la Constitution ou par l'adoption de lois qui fixent des procédures claires et des 
critères  objectifs  en  ce  qui  concerne  la  nomination,  la  rémunération,  la  durée  du  mandat, 
l’avancement, la suspension et la révocation des magistrats ainsi que les mesures disciplinaires 
dont ils peuvent faire l’objet ».26 L'exigence de la sécurité de leur mandat, pierre angulaire de 
l'indépendance  des  juges,  devrait  être  pleinement  inscrite  dans  la  constitution  et  les  lois  des 
pays. Dans son Commentaire sur les Principes de Bangalore relatifs à la déontologie judiciaire, 
le  Groupe  pour  l'intégrité  judiciaire  a  conclu  que  l'une  des  « conditions  minimales  pour 
l'indépendance de la magistrature [est] la sécurité de leur mandat : c'est-à-dire un mandat […] 
qui  est  à  l'abri  de  toute  ingérence  discrétionnaire  ou  arbitraire  de  la  part  de  l'exécutif  ou  de 
l'autorité de nomination ».27
S'écartant de l'article 36 de la Constitution de 2014, le projet de constitution prive également 
les  juges  du  droit  de  grève,  imposant  une  interdiction  générale  de  ce  droit  à  tous  les  juges. 
Comme d'autres personnes, les juges  et  les procureurs ont le droit d'exercer leurs droits à  la 
liberté d'expression, d'opinion ou de  conviction, d'association  et de réunion pacifique sur un 
22 CIJ, Tunisie : Des licenciements arbitraires portent un coup à l'indépendance judiciaire, 10 juin 2022, 
https://www.icj.org/tunisia-arbitrary-dismissals-a-blow-to-judicial-independence/. 
23 Principes de base des Nations Unies relatifs à l'indépendance de la magistrature, par. 17. 
24 Ibid. 
25 Article 121, paragraphes 3 et 4, de la Constitution proposée. 
26 Comité des droits de l'homme, Observation générale no 32, par. 19. 
27 Groupe pour l’intégrité judiciaire, Commentaire sur les Principes de Bangalore relatifs à la déontologie 
judiciaire, mars 2007, p. 36. 
justifient 
l'introduction  de 
pied d'égalité avec les autres. Comme l'a souligné le Rapporteur spécial sur l'indépendance des 
juges et des avocats, « […]  les juges  et  les procureurs ont des devoirs  et des responsabilités 
spéciaux  qui 
libertés 
fondamentales ».28 Toutefois, ces restrictions « […] ne sont légitimes que si elles sont prévues 
par la loi et si elles sont nécessaires dans une société démocratique à la poursuite d’un objectif 
légitime,  tel  que  la  protection  de  l'indépendance,  de  l'impartialité  et  de  l'autorité  de  leurs 
institutions ».29 Le Rapporteur spécial a en outre souligné que « [l]a jurisprudence des tribunaux 
régionaux a établi qu'en cas de rupture de l'ordre constitutionnel, les juges peuvent même avoir 
le devoir de s'exprimer en faveur du rétablissement de la démocratie et de l'état de droit ». 
restrictions  spécifiques  à 
leurs 
• Tribunaux militaires  
Le projet de Constitution omet totalement l’article 110 de la Constitution de 2014, selon lequel 
« la  création  de  tribunaux  d’exception  ou  l’édiction  de  procédures  dérogatoires  susceptibles 
d’affecter les principes du procès équitable sont interdites » et « les tribunaux militaires sont 
compétents  pour  connaître  des  infractions  à  caractère  militaire.  La  loi  détermine  leurs 
compétence, composition, organisation, les procédures suivies devant eux et le statut général 
de  leurs  magistrats ».  La  CIJ  est  profondément  inquiète  du  recours  généralisé  aux  tribunaux 
militaires  pour  les  graves  violations  des  droits  humains  qui  ont  été  commises  pendant  le 
soulèvement  populaire  de  janvier  2011  et  de  leur  compétence  matérielle  et  personnelle 
exceptionnellement  large,  ainsi  que  de  l’utilisation  des  tribunaux  militaires  pour  juger  les 
détracteurs du Président Saied, y compris des membres du parlement, des journalistes et des 
défenseurs des droits de l’homme. 
Conformément aux normes internationales et au droit international des droits de l’homme, la 
compétence  des  tribunaux  militaires  doit  être  limitée  aux  seules  « infractions  de  nature 
purement militaire commises par des militaires »30.  Dans le cadre tunisien, la notion de ce qui 
constitue des « infractions de nature purement militaire » doit être interprétée de manière étroite 
et  être  limitée  aux  « infractions  strictement  liées  à  leur  statut  militaire »,  y  compris  les 
infractions  disciplinaires31.  De  surcroit,  lorsqu’ils  statuent  sur  ces  questions,  les  tribunaux 
militaires doivent en tout état de cause respecter pleinement les normes internationales relatives 
au droit à un procès équitable32.  Les tribunaux militaires ne devraient jamais être compétents 
pour juger et statuer sur des violations graves du droit international des droits de l’homme et du 
droit international humanitaire, y compris les crimes de droit international33.   
28 García-Sayán, Diego, ONU, Conseil des Droits de l'Homme, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et 
des avocats, « Indépendance des juges et des avocats : rapport du Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges 
et des avocats », A/HRC/41/48 (Ci-après « Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats ») 
29 Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, para. 2. 
30 Ensemble de principes actualisés pour la protection et la promotion des droits de l'homme par la lutte contre 
l'impunité, Doc. N.U. E/CN.4/2005/102/Add.1, 8 février 2005, principe 29 ; voir également Commission africaine 
des droits de l'homme et des peuples, Principes et directives sur le droit à un procès équitable et à l'assistance 
judiciaire en Afrique, Doc. OS(XXX)247, 2003, principe L(a). 
31  Projet  de  principes  régissant  l'administration  de  la  justice  par  les  tribunaux  militaires  (Principes  Decaux), 
principe 8. 
32 Comité des droits de l'homme, Observation générale n° 32 : Droit à l'égalité devant les tribunaux et les cours de 
justice et à un procès équitable (article 14), Doc. CCPR/C/GC/32 (23 août 2007), para. 22 ; Commission Africaine 
des droits de l’homme et des peuples, Principes et directives sur le droit à un procès équitable et à l'assistance 
judiciaire en Afrique, principe L(b) ; Projet de principes régissant l'administration de la justice par les tribunaux 
militaires (Principes Decaux), principes 13-17. 
33  Projet de principes régissant l'administration de la justice par les tribunaux militaires (Principes de Decaux), 
principe 9. 
• La Cour constitutionnelle 
Conformément aux articles 118 à 124 de la Constitution de 2014, la Cour constitutionnelle de 
Tunisie est dotée de pouvoirs importants, en vertu desquels elle est la seule instance compétente 
pour contrôler la constitutionnalité des lois qui lui sont soumises, notamment, par le président 
de la République, le chef du gouvernement, les membres du parlement ou par les tribunaux34.  
La Cour constitutionnelle devait être composée de 12 hauts magistrats, dont le président de la 
République, le parlement et le CSM devaient désigner chacun un tiers des douze membres, soit 
quatre membres chacun. L’article 125 du projet de constitution réduit la composition de la Cour 
à un banc de neuf juges. Les neuf juges doivent être nommés par un décret présidentiel, dont le 
premier  tiers  (c’est-à-dire  trois  juges)  provient  des  juges  les  plus  anciens  de  la  Cour  de 
cassation, le deuxième tiers provient de la Haute cour administrative et le dernier tiers provient 
de  la  Cour  des  comptes.  Les  pratiques  recommandées  en  matière  de  sauvegarde  de 
l’indépendance du pouvoir judiciaire exigent que les nominations judiciaires soient effectuées 
par un organe indépendant et non par le pouvoir législatif ou exécutif35.   
En outre, le projet de Constitution affaiblit les pouvoirs de la Cour constitutionnelle. L’article 
127 établit une liste des compétences de la Cour constitutionnelle en matière de contrôle de la 
constitutionnalité, entre autres, des projets de révisions constitutionnels, des projets de lois, des 
traités et des lois qui lui sont déférées par les tribunaux nationaux.  
Contrairement à l'article 80 de la Constitution de 2014, et conformément à l’article 96 du projet 
de constitution, la Cour constitutionnelle n’a plus aucun pouvoir ni aucun rôle par rapport à la 
déclaration du président de la République de « l’état d’exception ». En particulier, le président 
de la République n’est plus tenu d’informer le président de la Cour constitutionnelle avant une 
telle  déclaration  et  les  membres  du  parlement  n’ont  plus  le  droit  de  saisir  la  Cour 
constitutionnelle en vue de vérifier si les circonstances nécessitant une telle déclaration restent 
valables  ou  non36.  Afin  de  préserver  l’état  de  droit  et  l’indivisibilité  de  tous  les  droits  de 
l’homme, toutes les mesures adoptées pour faire face à un état d’urgence, y compris celles prises 
en vertu d’une déclaration d’« état d’exception », doivent être soumises à un contrôle et à un 
examen judiciaires37.  Les personnes affectées doivent avoir le droit de contester la légalité de 
ces mesures, y compris leur conformité avec le droit national ou international, par le biais de 
procédures judiciaires équitables et efficaces. 
La  CIJ  est  particulièrement  inquiète  qu’en  vertu  du  projet  de  constitution,  la  Cour 
constitutionnelle n’a plus le pouvoir d’examiner les actions du président de la République, y 
compris  les  décisions  relatives  à  « l’état  d’exception  »,  ni  de  décider  des  conséquences 
juridiques  requises  en  cas  de  violations  graves  de  la  constitution  par  le  président  de  la 
République. En particulier, l’article 88 de la Constitution de 2014 prévoit que le parlement peut 
présenter « une motion motivée pour mettre fin au  mandat du président de la République en 
raison d’une violation grave de la constitution », à la suite de quoi la question serait transmise 
à la Cour constitutionnelle pour qu’elle vote sur la motion et ordonne la destitution du président 
de la République, sans exclure la possibilité d’éventuelles poursuites pénales si nécessaire. 
34 Article 120, Constitution tunisienne de 2014. 
35 Comité des droits de l'homme des Nations unies, Observations finales sur le Honduras, CCPR/C/HND/CO/1, 
para. 16 
36 Voir ci-dessous la section intitulée "limitations et dérogations". 
37 Voir CIJ, Commentaire juridique de la Déclaration de Genève de la CIJ : La défense de l'état de droit et le rôle 
des  juges  et  des  avocats  en  temps  de  crise,  2011,  p.  xvi-xvii,  disponible  sur  :  https://www.icj.org/wp-
content/uploads/2011/05/ICJ-genevadeclaration-publication-2011.pdf.  
Il est essentiel que l’organe chargé de contrôler la constitutionnalité de la législation et de se 
prémunir contre les actions inconstitutionnelles du pouvoir exécutif et/ou du pouvoir législatif 
soit totalement indépendant, dispose d’un mandat complet et soit accessible à tous les individus. 
Une cour constitutionnelle indépendante dotée de pouvoirs effectifs de contrôle et de recours 
constitutionnels  est  essentielle  pour  la  protection  des  droits  constitutionnels.  Le  projet  de 
constitution est loin de répondre à ces exigences.   
• Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE)  
Conformément à l’article 134 du projet de constitution, « L’Instance supérieure indépendante 
pour les élections », est chargée de l’administration des élections et des référendums, de leur 
organisation et de leur supervision au cours de leurs différentes phases. Elle assure la régularité, 
la  sincérité  et  la  transparence  du  processus  électoral  et  proclame  les  résultats ».  L’ISIE  se 
compose  de  neuf  membres  indépendants,  neutres  et  compétents,  qui  exercent  leurs  missions 
pour un seul mandat de six ans. Le tiers de ses membres doit être renouvelé tous les deux ans. 
Cependant, le projet de constitution passe sous silence la manière avec laquelle les membres de 
l’Instance doivent être nommés, par application de quels critères et les personnes les désignant, 
et ce, contrairement à la Constitution de 2014. En particulier, l’article 125 de la Constitution de 
2014 dispose que les membres de l’ISIE sont élus par le parlement à la majorité qualifiée. Les 
membres de l’ISIE sont également responsables devant le parlement et doivent lui soumettre 
un rapport annuel. Le projet de constitution omet complètement l’article 125 de la Constitution 
de 2014, laissant l’ISIE sans protection contre toute influence ou ingérence du président de la 
République, qui a le pouvoir, selon ledit projet de constitution, de proposer des projets de loi. 
La  CIJ  est  particulièrement  préoccupée  par  le  fait  que  l’omission  de  l’article  125  de  la 
Constitution de 2014 ouvre la voie au pouvoir exécutif pour nommer directement les membres 
de l’ISIE, conformément au décret-loi 2022-22, adopté le 21 avril 2022, permettant au président 
de  la  République  de  nommer  et  de  modifier  l’ensemble  de  la  composition  de  l’ISIE38.    La 
Commission de Venise a estimé que le décret-loi 2022-22 « subordonne l’Instance supérieure 
indépendante  pour  les  élections  au  pouvoir  exécutif »  d’une  manière  qui  « compromet  son 
indépendance et son impartialité »39. 
2. Définitions, garanties et limitations des droits de l’homme 
Si le projet de constitution proposé reproduit la majeure partie du chapitre 2 de la Constitution 
de 2014 sur les droits et libertés, la définition et la portée de plusieurs droits de l’homme restent 
incompatibles avec les obligations de la  Tunisie en  vertu du droit international des droits de 
l’homme. En 2014, la CIJ a présenté une analyse juridique approfondie de ces dispositions telles 
qu’elles figuraient dans la Constitution de 201440.  En particulier, le projet proposé soumet les 
droits et libertés reconnus dans la constitution à des limitations injustifiées qui vont à l’encontre 
des exigences de nécessité et de proportionnalité du droit international des droits de l’homme. 
38 Décret-loi n° 2022-22 du 21 avril 2022 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi organique n° 
2012-23 du 20 décembre 2012 relative à l’Instance supérieure indépendante pour les élections, https://legislation-
securite.tn/law/105252. 
39  Voir  Tunisie  -  Avis  urgent  "sur  le  cadre  constitutionnel  et  législatif  relatif  aux  annonces  de  référendum  et 
d'élections par le président de la République, et notamment sur le décret-loi n°22 du 21 avril 2022 modifiant et 
complétant la loi organique relative à l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE)", émis le 27 mai 
la  Commission  de  Venise, 
l'article  14  bis  du 
2022  conformément  à 
https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-PI(2022)026-e. 
40 CIJ, La Constitution tunisienne à la lumière du droit et des normes internationales, 31 janvier 2014, disponible 
sur : https://www.icj.org/the-icj-assesses-the-new-tunisian-constitution/. 
intérieur  de 
règlement 
Le  projet  de  constitution  proposé  omet  également  un  certain  nombre  de  garanties  qui  sont 
inhérentes au droit à un procès équitable. 
Les garanties des droits de l’homme doivent être reconnues et prévues en totale conformité avec 
le droit international des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne le droit à la vie, le 
droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou 
dégradants,  le  droit  à  l’égalité  et  à  la  non-discrimination,  le  droit  à  la  liberté  et  à  un  procès 
équitable, le principe de légalité et les limitations et dérogations aux droits de l’homme. Les 
modifications  apportées  par  le  projet  de  constitution  aux  dispositions  relatives  aux  droits  et 
libertés de la Constitution de 2014 sont analysées ci-dessous. 
• Droit à la vie 
Comme la Constitution de 2014, le nouveau projet de constitution ne reconnaît pas le droit à la 
vie comme un droit auquel il est interdit de déroger, violant ainsi l’article 6 du PIDCP, auquel 
la Tunisie est partie. Conformément à l’article 24 du projet de constitution, le droit à la vie est 
sacré et « il ne peut y être porté atteinte, sauf dans des cas extrêmes prévus par la loi ». La CIJ 
est  préoccupée  par  cette  formulation  trop  vague  et  par  le  fait  que,  les  circonstances  dans 
lesquelles le droit à  la vie peut être violé n’étant pas définies,  l’article 24 risque de saper  la 
nature  du  droit  à  la  vie.  En  Tunisie,  la  peine  de  mort  a  été  soumise  à  un  moratoire  de  facto 
depuis  1991.  La  CIJ  s’oppose  à  la  peine  de  mort  dans  tous  les  cas,  car  elle  constitue  une 
violation du droit à la vie. 
• Droit  de  ne  pas  être  soumis  à  la  torture  et  autres  peines  ou  traitements  cruels, 
inhumains ou dégradants 
L’article 25 du projet de constitution interdit toute forme de torture physique et psychologique 
et  prévoit  que  le  crime  de  torture  est  imprescriptible,  en  des  termes  similaires  à  ceux  de  la 
Constitution 2014. Cependant, l'article 25 continue de ne pas interdire les autres actes de peine 
ou  de  traitement  cruels,  inhumains  ou  dégradants  qui  ne  sont  pas  assimilables  à  la  torture, 
comme  l’exige  l’article 16 de la Convention  contre  la torture et autres peines ou traitements 
cruels,  inhumains  ou  dégradants  (CCT),  à  laquelle  la  Tunisie  est  partie.  En  outre,  alors  que 
l’article  36  du  projet  de  constitution  prévoit  que  les  détenus  soient  traités  avec  humanité  et 
dignité (et que l’État doit envisager de leur assurer ce traitement tout en exécutant des peines 
privatives de liberté), ce projet de constitution ne comporte pas d’interdiction globale conforme 
à l’article 16 de la CCT. 
L’article  25  du  projet  de  constitution  ne  définit  pas  l’acte  de  torture,  permettant  ainsi  à  la 
définition de la torture contenue dans l’article 101 bis du code pénal tunisien41 de demeurer en 
vigueur.  Cette  définition  ne  prévoit  cependant  pas  la  responsabilité  pénale  de  ceux  qui 
consentent aux ou approuvent les actes de torture. Dans son rapport sur la Tunisie, le Rapporteur 
spécial des Nations Unies sur  la torture  et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou 
dégradants  a  souligné  « [...]  l’importance  de  pénaliser  tous  les  actes  d’instigation,  de 
consentement ou d’approbation à la torture par des fonctionnaires publics ou d’autres personnes 
agissant  à  titre  officiel,  y  compris  ceux  qui  ordonnent  à  des  subordonnés  de  torturer  ou  qui 
41 L'article 101 bis du Code pénal tunisien définit la torture comme « tout acte par lequel une douleur ou des 
souffrances aiguës physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment 
d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une 
tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou lorsque 
la douleur ou les souffrances aigues sont infligées pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination 
quelle qu’elle soit ».  
dissimulent la torture après les faits »42. En vertu de la CCT, les États parties doivent veiller à 
ce  que  non  seulement  les  actes  de  torture  mais  aussi  les  tentatives  de  torture  et  les  actes  de 
complicité  ou  de  participation  à  la  torture  constituent  des  infractions  au  regard  de  leur  droit 
pénal43.   
• Égalité et non-discrimination 
Conformément à l’article 23 du projet de constitution, les hommes et les femmes ont les mêmes 
droits et obligations et sont égaux devant la loi sans aucune discrimination. L’article 51 affirme 
en outre que « l’État s’engage à protéger les droits acquis de la femme et veille à les consolider 
et  les  promouvoir »  et  garantit  « l’égalité  des  chances  entre  les  hommes  et  les  femmes  pour 
l’accès aux diverses responsabilités et dans tous les domaines ». 
La CIJ est également inquiète qu’en vertu de l’article 23 de la Constitution, l’égalité devant la 
loi et la non-discrimination ne sont garanties qu’aux citoyens tunisiens. L’article 2(1) du PIDCP 
prévoit que les États parties doivent respecter et garantir les droits qui y sont énoncés « [...] à 
tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur juridiction [...] sans distinction 
aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou 
de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre 
situation ». 
• Arrestation, détention et droit à un procès équitable 
Les dispositions du projet de constitution relatives au droit à la liberté et au droit à un procès 
équitable, en particulier les articles 33, 35, et 123-, omettent des garanties spécifiques contenues 
dans le PIDCP. Plus précisément, l’article 35 sur le droit à  la liberté n’inclut pas le droit de 
toute personne arrêtée ou détenue sur la base d’une accusation d’avoir commis une infraction 
pénale  d’être  traduite  dans  les  plus  courts  délais  devant  un  juge  ou  un  autre  fonctionnaire 
exerçant une autorité judiciaire, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable ou d’être libéré 
pendant le procès, le droit de contester la légalité de toute détention devant un tribunal  et le 
droit à une réparation en cas d’arrestation ou de détention illégale, comme le prévoit l’article 9 
du PIDCP.  
• Le principe de légalité 
Conformément  à  l’article  34  du  projet  de  constitution,  les  peines  sont  individuelles  et  ne 
peuvent être prononcées qu'en vertu d’un texte de loi applicable au moment où les faits ont été 
commis.  Cependant,  telle  qu’elle  est  actuellement  formulée,  cette  disposition  ne  reflète  pas 
adéquatement le principe de non-rétroactivité de la  loi pénale consacré par l’article 15(1) du 
PIDCP,  qui  prévoit  que  « [n]ul  ne  sera  condamné  pour  des  actions  ou  omissions  qui  ne 
constituaient  pas  un  acte  délictueux  d’après  le  droit  national  ou  international  au  moment  où 
elles  ont  été  commises ».  L’article  15(2)  du  PIDCP  interdit  en  outre  « [l]e  jugement  ou  [la] 
condamnation de tout individu  en raison d’actes ou omissions qui, au moment où ils ont été 
commis,  étaient  tenus  pour  criminels,  d’après  les  principes  généraux  de  droit  reconnus  par 
l’ensemble des nations ». 
42  Rapport  du  Rapporteur  spécial  sur  la  torture  et  autres  peines  ou  traitements  cruels,  ou  dégradants,  Juan  E. 
Méndez, Mission en Tunisie, Doc. A/HRC/19/61/Add.1, para. 16. 
43  Assemblée  générale  des  Nations Unies,  Convention  contre  la  torture  et  autres  peines  ou  traitements  cruels, 
inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1465, p. 85, article 4, (ci-
après "CCT"). 
Cette omission du droit international en tant que source juridique valable pour déterminer si un 
acte  ou  une  omission  constituait  une  infraction  pénale  au  moment  où  il  a  été  commis  est 
particulièrement  problématique  car  certains  des  crimes  les  plus  graves  au  regard  du  droit 
international,  y  compris  les  actes  de  torture  et  autres  mauvais  traitements,  n’ont  pas  été 
correctement criminalisés par le droit national en Tunisie, et la poursuite de ces crimes après 
l’éviction du président Ben Ali a été largement insuffisante. Le droit tunisien ne doit donc pas 
être  utilisé  pour  porter  préjudice  au  procès  et  à  la  sanction  des  responsables  d’actes  ou 
d’omissions qui constituent des crimes au regard du droit international, même si ces actes ou 
omissions n’étaient pas des crimes au regard du droit tunisien au moment où ils ont été commis. 
Les autorités tunisiennes doivent veiller à ce que les dispositions nationales censées consacrer 
les principes de légalité et de non-rétroactivité de la loi pénale en droit interne tunisien ne soient 
pas utilisées pour faire échapper les auteurs de crimes internationaux à toute responsabilité. 
• Limitations et dérogations 
Dans le cadre de la Constitution de 2014, une clause générale sur les droits contenus dans la 
Constitution est incluse dans l'article 49. Elle prévoit que la loi déterminera les limitations qui 
peuvent  être imposées à l'exercice des droits  et libertés garantis par la présente Constitution 
d'une  manière  qui  ne  porte  pas  atteinte  à  leur  nature.  Elle  prévoit  en  outre  que  de  telles 
limitations ne peuvent être mises en place que pour des raisons « nécessaires à un État civil et 
démocratique  et  dans  le  but  de  protéger  les  droits  d'autrui,  ou  fondées  sur  les  exigences  de 
l'ordre  public,  de  la  défense  nationale,  de  la  santé  publique  ou  de  la  morale  publique,  et  à 
condition qu'il y ait proportionnalité entre ces restrictions et l'objectif recherché. »44
L'article 55 du projet de constitution prévoit également une clause de limitation générale des 
droits garantis par la constitution qui fait écho à la  même clause de la Constitution de 2014. 
Toutefois, l'article 55 omet l'expression « nécessaire à un État civil et démocratique », figurant 
dans la Constitution de 2014, et la remplace par « nécessaire à un régime démocratique », pour 
justifier  la  limitation  des  droits  et  libertés  constitutionnellement  garantis.  En  vertu  du  droit 
international des droits de l’homme, la plupart des droits de l’homme peuvent faire l'objet de 
limitations dans certaines conditions strictes. Les lois établissant les limitations doivent garantir 
que  les  droits  respectifs  ne  sont  pas  restreints  au-delà  des  limites  établies  par  le  droit 
international des droits de l’homme.45  L'expression  « dans une société démocratique »46 fait 
partie de ces  conditions strictes. Il incombe  à l'État qui impose des limitations aux droits de 
démontrer que ces limitations n'ont pas d'incidence sur le fonctionnement démocratique de la 
société. Une société démocratique peut être définie comme une société qui reconnaît et respecte 
le droit international des droits de l’homme.47
La CIJ craint qu'en vertu de la constitution proposée, des restrictions indues ne soient imposées 
aux droits et libertés, en particulier à la lumière de l'article 5 de la constitution proposée, selon 
44 Emphase ajoutée. 
45 En vertu du PIDCP, la plupart des droits et libertés sont limitables, comme la liberté d'expression, la liberté 
d'association et le droit à la vie privée. Ces limitations sont intrinsèquement liées aux droits et libertés. Cependant, 
d'autres droits absolus ne peuvent être restreints ou limités, ni même faire l'objet d'une dérogation, même pendant 
un état d'urgence déclaré, comme le droit de ne pas être soumis à la torture et à d'autres peines ou traitements 
cruels, inhumains ou dégradants, et l'interdiction de l'application rétroactive des lois pénales ; Voir la Commission 
des  droits  de  l'homme  des  Nations  Unies,  Principes  de  Syracuse  concernant  les  dispositions  relatives  à  la 
prescription et à la dérogation dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, E/CN.4/1985/4, 28 
septembre 1984, Principe 1, (ci-après "Principes de Syracuse"). 
46 Voir par exemple le PIDCP, articles 14(1), 21 et 22(2) ; voir également les principes de Syracuse, principes 19-
21. 
47 Principes de Syracuse, principe 19. 
lequel l'État, en tant que partie de la nation islamique, est la seule autorité qui a le pouvoir de 
« réaliser les buts [et objectifs] de l'islam,48 y compris la vie, l'honneur, l'argent et la religion ». 
Par  exemple,  si  la  Tunisie  a  officiellement  levé  les  principales  réserves  à  la  Convention  sur 
l'élimination  de  toutes  les  formes  de  discrimination  à  l'égard  des  femmes  (CEDAW),  elle  a 
maintenu  une  déclaration  générale  indiquant  que  le  pays  « ne  prendra  aucune  décision 
organisationnelle  ou  législative  conforme  aux  exigences  de  cette  convention  lorsqu'une  telle 
décision entrerait en conflit avec les dispositions du chapitre I de la Constitution tunisienne. »49
Le  chapitre  I  de  la  Constitution  de  2014  prévoyait  que  la  religion  de  l'État  est  l'islam.  La 
constitution  proposée  va  un  peu  plus  loin  et  donne  à  l'État  le  seul  pouvoir  de  réaliser  les 
prétendus « buts et objectifs de l'islam », même lorsqu'ils pourraient être en contradiction avec 
les obligations de la Tunisie en vertu du droit international des droits de l’homme. 
En outre, l'article 4(2) du PIDCP énumère les dispositions du traité qui ne peuvent faire l'objet 
d'une dérogation. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a expliqué que d'autres 
dispositions ne sont pas susceptibles de dérogation par implication.50  Même si un droit ne figure 
pas  dans  l'article  4  du  PIDCP,  cela  ne  signifie  pas  qu'il  peut  faire  l'objet  d'une  quelconque 
dérogation. Au contraire, toute mesure dérogatoire imposée par les États parties doit être « [...] 
strictement  requise  par  les  exigences  de  la  situation »  et  ces  mesures  ne  doivent  pas  « [...] 
impliquer une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la 
religion ou l'origine sociale. » Dans son Observation générale n° 29, le Comité des droits de 
l’homme  des  Nations  unies  a  déclaré  :  « [l]es  mesures  dérogeant  aux  dispositions  du  Pacte 
doivent avoir un caractère exceptionnel et temporaire ».51  En outre, la « dérogation » ne signifie 
pas la suspension complète des droits. Comme l'a précisé le Comité des droits de l’homme des 
Nations unies, « le simple fait qu'une dérogation autorisée à une disposition spécifique puisse, 
en  soi,  être  justifiée  par  les  exigences  de  la  situation  ne  dispense  pas  de  démontrer  que  les 
mesures spécifiques prises en vertu de la dérogation sont également requises par les exigences 
de la situation ». Dans la pratique, cela garantira qu'aucune disposition du Pacte, quelle que soit 
la  validité  de  la  dérogation,  ne  sera  entièrement  inapplicable  au  comportement  d'un  État 
partie. »52  L'article  96  de  la  constitution  proposée  prévoit  les  conditions  requises  pour  la 
déclaration  d'un  « état  d'exception ».  Cependant,  il  omet  de  préciser  que  certains  droits  et 
libertés sont indérogeables même dans le cas d’un état d'exception ou d'une urgence.   
• Conformité de la Constitution avec le droit et les normes internationales 
Le principe de l’état de droit en vertu du droit international peut être garanti de la manière la 
plus claire en spécifiant explicitement dans la constitution que tout le droit national doit être 
cohérent et conforme à celui-ci, et qu'en cas de conflit, les obligations juridiques internationales 
doivent prévaloir. La suprématie du droit international par rapport à la constitution en tant que 
telle contribue à prévenir les abus de pouvoir dans les différentes sphères du gouvernement en 
liant les pouvoirs législatif et exécutif et en fournissant un cadre interprétatif aux tribunaux. 
48  En  vertu  de  la  loi  islamique,  le  but  spécifique  de  l'objectif  de  l'islam  est  la  préservation  de  cinq  éléments 
essentiels : la vie, l'honneur (lignée), l'argent, la religion et l'intellect. Voir Abbas Amanat; Fraks Griffel (eds.), 
"Islamic Law and Legal Change : The Concept of Maslaha in Classical and Contemporary Legal Theory", Vol. 
Shari'a : Islamic Law in the Contemporary Context, Standford University Press, 2007. 
49 Voir United Nations, "Reservations to the Convention on the Elimination of all forms of Discrimination Against 
Women  -  Weakening  the  protection  of  women  from  violence  in  the  Middle  East  and  North  Africa  region", 
disponible à l'adresse : https://www.un.org/unispal/document/auto-insert-205832/. 
50 Comité des droits de l'homme des Nations Unies, Observation générale n° 29 du CCPR : Article 4 : Dérogations 
pendant un état d'urgence, 31 août 2001, CCPR/C/21/Rev.1/Add.11, para. 7. 
51 Observation générale n° 29, UN Doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.11, para. 2. 
52 Observation générale n° 29, UN Doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.11, para. 4. 
L'article 20 de la Constitution de 2014 prévoit que « les accords internationaux approuvés et 
ratifiés  par  le  [Parlement]  ont  un  statut  supérieur  à  celui  des  lois  et  inférieur  à  celui  de  la 
constitution. »53  Selon  l'article  74  de  la  constitution  proposée,  « les  accords  internationaux 
approuvés par le président de la République et ratifiés par le parlement ont un statut supérieur 
à celui des lois et inférieur à celui de la constitution. »54
En augmentant les pouvoirs du président dans l'approbation des conventions, en prévoyant que 
les traités internationaux ratifiés par la Tunisie sont inférieurs à la constitution, l'article 74 de la 
constitution  proposée  pourrait  être  utilisé  pour  réduire  la  protection  offerte  par  le  droit 
international des droits de l’homme, tant conventionnel que coutumier, en violation de l'article 
27  de  la  Convention  de  Vienne  sur  le  droit  des  traités  selon  lequel  un  État  partie  « ne  peut 
invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité ». 
Comme l'a souligné le Comité des droits de l’homme, « Bien que le paragraphe 2 de l'article 2 
[du  PIDCP]  permette  aux  États  parties  de  donner  effet  aux  droits  énoncés  dans  le  Pacte 
conformément  aux  procédures  constitutionnelles  internes,  le  même  principe  s'applique  de 
manière  à  empêcher  les  États  parties  d'invoquer  des  dispositions  du  droit  constitutionnel  ou 
d'autres  aspects  du  droit  interne  pour  justifier  un  manquement  aux  obligations  découlant  du 
traité ».55
A la lumière de ce qui précède, la CIJ appelle les autorités tunisiennes à :  
• Retirer  le  projet  de  constitution  proposé,  mettre  fin  à  l’« état  d'exception »  et 
rétablir l'ordre constitutionnel ;  
• Veiller à ce qu'aucune révision constitutionnelle ou processus d'élaboration d’une 
constitution  n'ait  lieu  tant  que  l'ordre  constitutionnel  n'est  pas  conforme  aux 
principes de l'état de droit, de la séparation des pouvoirs, y compris l'indépendance 
du pouvoir judiciaire, ainsi qu'au droit international et aux normes internationales 
en matière de droits humains ; 
• Reconnaître clairement et sans ambiguïté la primauté de la constitution sur tous 
les  autres  aspects  du  droit  national,  et  veiller  à  ce  que  les  lois  nationales  soient 
adoptées et mises en œuvre en pleine conformité avec la constitution ; 
• Veiller  à  ce  que  la  Constitution  et  les  lois  nationales  soient  conformes  et 
compatibles  avec  les  obligations  de  la  Tunisie  découlant  du  droit  international, 
dans l'esprit et la lettre ; 
•
Intégrer  pleinement  l'état  de  droit  dans  le  cadre  du  fonctionnement  de  l'État, 
notamment en assurant la séparation des pouvoirs, l'attribution des compétences 
et  les  contrôles  et  équilibres  adéquats  entre  les  pouvoirs  législatif,  exécutif  et 
judiciaire, en tant qu'autorités indépendantes et non en tant que simples fonctions 
de l'État ; 
• Préciser  clairement  que  l'immunité  présidentielle  ne  peut  être  utilisée  pour 
soustraire le président de la République à l'obligation de rendre des comptes en 
cas de violations graves de la Constitution, notamment en cas d'ingérence dans les 
pouvoirs législatif et judiciaire ; 
53 Emphase ajoutée. 
54 Emphase ajoutée. 
55 Comité des droits de l'homme, Observation générale n° 31, Nature de l'obligation juridique générale des États 
parties au Pacte, U.N. Doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.13 (2004), para.4. 
• Assurer la pleine indépendance du pouvoir judiciaire en tant qu'institution et des 
juges en tant qu'individus de toute ingérence de l'exécutif, conformément aux lois 
et aux normes internationales, notamment en veillant à ce qu’un CSM indépendant 
supervise tous les aspects liés à la sélection, à la nomination, à la mutation et à la 
discipline des juges, fondés sur des critères objectifs, basés sur le mérite, et sur des 
procédures transparentes, en garantissant l'inamovibilité des  magistrats jusqu'à 
un  âge  de  retraite  déterminé,  et  en  protégeant  de  manière  adéquate  les  libertés 
fondamentales des juges ; 
• Garantir l'indépendance de la Cour constitutionnelle, notamment l'indépendance 
de  ses  membres,  ainsi  qu'une  procédure  de  nomination  indépendante  pour  la 
sélection de ses membres ; 
• Garantir  l’applicabilité  du  droit  international,  y  compris  les  traités  relatifs  aux 
droits de l'homme, dans l’ordre juridique interne ;   
• Assurer explicitement que le droit à la vie est un droit auquel il n’est pas possible 
de déroger, et abolir la peine de mort en toutes circonstances ; 
• Garantir  l'interdiction  explicite  de  tous  les  actes,  peines  ou  traitements  cruels, 
inhumains  ou  dégradants  qui  ne  sont  pas  assimilables  à  la  torture,  et  garantir 
l’adoption d'une nouvelle définition complète de la torture, pleinement conforme 
à l'article 1 de la CCT, dans le code pénal tunisien ; 
•
Introduire des réformes juridiques et politiques pour faire respecter et garantir les 
droits  de  toute  personne  soumise  à  la  juridiction  tunisienne,  quelle  que  soit  sa 
citoyenneté, et préciser les motifs de discrimination interdits, conformément aux 
obligations internationales de la Tunisie au titre de l'article 2(1) du PIDCP ; 
• Prévoir explicitement l'interdiction de toute forme de discrimination à l'égard des 
femmes, et étendre la responsabilité aux acteurs publics et privés, conformément 
à l’article 2(e) de la CEDAW ; et garantir que toute règle prétendue islamique dans 
la constitution soit conforme aux obligations internationales de la Tunisie en vertu 
de l'article 1 de la CEDAW ; 
• Retirer  la  déclaration  générale  de  la  Tunisie  à  la  CEDAW  et  veiller  à  ce  que  la 
constitution du pays ne serve pas d'excuse pour ne pas se conformer au droit et 
aux normes internationales ;  
• Veiller à ce que les garanties relatives au droit à la liberté, à la sûreté de la personne 
et  à  un  procès  équitable  et  public  par  un  tribunal  compétent,  indépendant  et 
impartial établi par la loi soient prévues dans le code pénal tunisien et le code de 
procédure pénale tunisien, et le soient conformément aux obligations de la Tunisie 
en vertu du droit international et notamment du PIDCP ; 
• Garantir  que  toute  limitation  des  droits  de  l'homme  soit  conforme  aux  critères 
applicables  à  de  telles  limitations  en  vertu  du  droit  international  des  droits  de 
l'homme et, en particulier, qu'elle soit manifestement nécessaire à une société libre 
et démocratique. Les limitations doivent identifier le droit à limiter et ne doivent 
pas porter atteinte à la nature du droit ; et 
• Veiller à ce que les dispositions relatives à l’« état d'exception » dans la constitution 
soient  conformes  aux  obligations  de  la  Tunisie  découlant  du  droit  international, 
notamment en intégrant tous les aspects de l'article 4 du PIDCP, ainsi que les droits 
supplémentaires auxquels on ne peut déroger mentionnés par le Comité des droits 
de l'homme des Nations unies dans son observation générale 29.  
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