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La Tunisie a été parmi les premiers pays d'Afrique et du Moyen-Orient à adopter une loi sur la concurrence en
1991. Celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises avant l'adoption en 2015 du cadre juridique actuellement en
vigueur. La loi sur la concurrence de 2015 contient tous les principes relatifs aux restrictions de la concurrence, à
l'interdiction des pratiques anticoncurrentielles ou discriminatoires et à l'instauration du contrôle des concentrations.
Les objectifs de la loi sont énoncés dans ses premiers articles et incluent désormais explicitement celui d’assurer
« l'équilibre général du marché, l'efficience économique et le bien-être du consommateur ».
1991
1993
1995
1999
2003
2005
2014
2015
AUJOURD’HUI
1ère réforme
1ère loi et
création de la
commission de
la concurrence
Introduction du
contrôle des
concentrations
Introduction
du pouvoir de
collecte
d'informations
Introduction de
la procédure de
clémence
Autonomie du
Conseil de la
concurrence
Adoption de la
nouvelle
Constitution
Nouvelle loi sur
la concurrence
En ce qui concerne le champ d'application de la législation tunisienne sur la concurrence, celle-ci s'applique à toute
entité exerçant une activité économique susceptible d'affecter l'équilibre général du marché intérieur. Cela
comprend les personnes physiques, les entreprises nationales et étrangères, les entreprises privées et publiques
et les autorités publiques, ainsi que les associations ou autres entités juridiques à but non lucratif. Le droit tunisien
de la concurrence s'applique de manière transversale à tous les secteurs. Cependant, les secteurs des assurances,
bancaire, de l'audiovisuel et de la microfinance sont soumis à des dispositions spécifiques appliquées par les
autorités de régulation sectorielles.
La Tunisie dispose de deux organismes chargés de la
politique et de l'application de la concurrence : une
autorité indépendante – le Conseil de la concurrence –
et une direction de la concurrence (DGCEE) au sein du
ministère du commerce. Le Conseil remplit deux
fonctions principales : une fonction juridictionnelle et une
fonction consultative. Il est composé de 15 membres
dont
les mandats, depuis 2015, ne sont plus
renouvelables. Son budget est rattaché au ministère du
commerce et le ministre fixe l'enveloppe salariale de son
président et des deux vice-présidents. Le ministère du
commerce, par l'intermédiaire de son département de la
concurrence, est chargé de l'élaboration, de la mise en
œuvre et de l'application des règles de concurrence,
notamment en matière de contrôle des concentrations.
Les ressources humaines et budgétaires allouées aux
organismes de concurrence du pays sont relativement
modestes au regard des standards internationaux.
L’analyse des données budgétaires et des ressources
humaines par groupes de pays disponibles dans la base
de données COMPSTATS de l'OCDE montre que les
ressources du Conseil de la concurrence restent bien en
dessous du niveau moyen des autorités de concurrence
de pays comparables (Fig. 1).
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Graphique 1. Budget du Conseil de la concurrence par rapport aux groupes de pairs
Note : les pays participants à la base de données ont été répartis en trois groupes de pays affichant des performances comparables selon les cinq critères de comparaison retenues pour cet exercice. Au-delà
du groupe « non-OCDE » qui regroupe 18 pays non-membres de l’Organisation, le groupe « PIB-G1 » auquel appartient la Tunisie comprend 22 pays ayant un PIB en dessous de 250 milliards EUR, le groupe
« PIB par tête d’habitant-G1 » comprend 26 pays ayant un revenu moyen par habitant de moins de 25.000 EUR, le groupe « Personnel-G1 » comprend 22 pays ayant moins de 35 fonctionnaires dédiés aux
activités liées à la concurrence de et le groupe « Âge de l’autorité-G2 » comprend 29 pays dont les autorités de concurrence ont un âge d’existence entre 25 et 50 ans.
Source : Base de données COMPSTATS de l’OCDE.
La loi sur la concurrence dresse une liste non exhaustive de pratiques considérées comme anticoncurrentielles en
Tunisie, notamment les ententes, les abus de position dominante, les abus de dépendance économique et les prix
abusivement bas. En matière d'application des règles de concurrence, le Conseil de la concurrence a rendu
94 décisions au cours de la période 2016-2020, réparties comme suit (Graphique 2).
Graphique 2. Décisions du Conseil de la concurrence (2016-20)
Source: Conseil de la concurrence
La DGCEE ainsi que le Conseil de la concurrence peuvent mener des enquêtes sur des pratiques
anticoncurrentielles (par exemple à travers des inspections inopinées). Pour éviter une duplication des enquêtes,
la loi tunisienne prévoit que le ministère du commerce informe le Conseil de la concurrence des enquêtes en cours,
et vice versa.
Une enquête sur une pratique anticoncurrentielle peut être déclenchée de l'une des trois manières suivantes : i) une
plainte déposée par un tiers, ii) une demande de clémence ou iii) une auto-saisine d’office par l'autorité. Au cours de
la période 2016-2020, il y a eu 23 enquêtes d'office, dont neuf ont été initiées par la DGCEE et 14 par le Conseil de
la concurrence. Environ cinq enquêtes sont initiées chaque année suite à une auto-saisine.
En matière de fixation des amendes, le Conseil de la concurrence peut infliger des sanctions aux entreprises allant
jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires au cours d’une année donnée. Pour les personnes ayant joué un rôle
déterminant dans l'infraction, les sanctions comprennent une peine d'emprisonnement de 16 jours à un an, et
d'éventuelles sanctions pécuniaires. Le ministre du commerce est chargé de l'exécution des décisions émises par
le Conseil de la concurrence.
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0246810121416201520162017201820192015 EUR million
Tunisie
Non-OCDE
PIB-G1
PIB par habitant-G1
Staff-G1
Âge de l'Autorité-G2
355589375146485212137103111177501060510152025CartelAbus de positiondominanteAbus de dépendanceéconomiquePrix abusivement basMesures d'urgenceAutres*
2016
2017
2018
2019
2020
L'examen et le contrôle des concentrations remplissant les conditions énoncées dans la loi sur la concurrence
relèvent de la compétence horizontale du ministère du commerce. La législation sectorielle prévoit des dérogations
concernant les transactions dans les secteurs de l'assurance, bancaire, de la microfinance et de l'audiovisuel. En
outre, la Tunisie est membre du COMESA, qui est compétent pour examiner les concentrations ayant une dimension
régionale, bien que les autorités nationales et supranationales donnent des interprétations différentes des dispositions
régionales concernant l'obligation de notification. La loi prévoit deux conditions alternatives de notification, l'une basée
sur le chiffre d'affaires de l'acquéreur et l'autre basée sur les parts de marché cumulées. Entre 2015 et 2020, le
ministère du commerce a examiné 26 transactions, bloquant une seule fusion et en autorisant trois sous conditions.
La notification déclenche le délai de trois mois dans lequel le ministre du commerce doit adopter une décision. Le délai
reste le même quelle que soit la complexité des problématiques de concurrence. Le Conseil de la concurrence n'émet
qu'un avis non contraignant qui est généralement suivi par le ministre. L'analyse vise à déterminer si la concentration
est de nature à créer ou renforcer une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-
ci. Cette appréciation se fonde principalement sur une analyse juridique et de respect des textes législatifs plutôt que
sur une évaluation de l'impact économique probable de la concentration. L'analyse standard ne se limite cependant
pas aux aspects de concurrence. Le ministre doit également vérifier si la concentration apporte une contribution
suffisante au progrès technique ou économique susceptible de compenser une éventuelle atteinte à la concurrence
ainsi que si elle est nécessaire pour consolider ou préserver la compétitivité des entreprises nationales face à la
concurrence internationale. La décision finale sur cet arbitrage est ensuite adoptée par le ministre du commerce.
La décision finale peut résulter dans l'imposition d’engagements structurels ou comportementaux, mais l'analyse a
montré que, dans la pratique, les mesures sont principalement comportementales et, depuis 2016, aucune décision
d'autorisation n'a imposé de mesures correctives structurelles.
Les services compétents du ministère du commerce doivent coopérer avec le Conseil de la concurrence dans la mise
en œuvre des programmes et plans de sensibilisation et de promotion d'une culture de la concurrence.
L'avis du Conseil de la concurrence doit être demandé sur tout projet de loi et de règlement imposant des conditions
à l'exercice d'une activité économique ou d'une profession ou instaurant des restrictions susceptibles d'entraver
l'accès au marché. Cet avis accompagne le projet de loi et le législateur doit expliquer dans quelle mesure ces
recommandations ont été prises en compte et, le cas échéant, les raisons pour lesquelles elles n'ont pu être
retenues. Au-delà des cas de consultation obligatoire, plusieurs organismes publics (commissions parlementaires,
ministère du commerce et autorités de régulation sectorielles) ont le droit de consulter le Conseil de la concurrence
sur des questions relatives à la concurrence. Toutefois, le Conseil de la concurrence n'est pas en mesure de
soulever des questions et de soumettre des propositions de sa propre initiative devant le ministre du commerce ou
un autre ministre du gouvernement.
Les études de marché sont un outil efficace pour examiner les conditions de concurrence dans un ou plusieurs
secteurs. Cependant, ni le Conseil de la concurrence ni la DGCEE n'ont mené à ce jour d'études sectorielles de
marché, ni mis en place de lignes directrices ou de méthodologie pour les études futures.
La DGCEE et le Conseil de la concurrence disposent de plusieurs outils pour promouvoir une culture de la
concurrence, notamment un site web pour publier les décisions et d’autres informations pertinentes, des accords
avec des universités, des formations et des ateliers menés avec des opérateurs économiques ou leurs associations
et les autorités sectorielles, et des publications. Cependant, ces instruments n'ont pas toujours réussi à promouvoir
une culture de la concurrence, comme le montre par exemple le très faible taux d'adoption de programmes de
conformité au droit de la concurrence par les entreprises, quelle que soit leur taille.
Il est également possible d'améliorer le cadre de coopération avec les autorités nationales et étrangères. Au niveau
national, à l'exception du protocole d'accord signé en 2012 avec l'Instance nationale des télécommunications, il
n'existe pas d'accords de coopération formels entre le Conseil de la concurrence et d’autres régulateurs sectoriels.
Au niveau international, bien que le Conseil de la concurrence ou les services compétents du ministère du
commerce puissent partager des expériences, des informations et des documents relatifs à l'instruction d'affaires
de concurrence avec leurs homologues étrangers, le nombre d'accords de coopération avec des autorités
étrangères est très limité et ceux qui existent n'ont pas été efficaces. Au niveau régional, la Tunisie est membre du
COMESA mais jusqu'à présent, les dispositions régionales en matière de concurrence ont fait l'objet
d'interprétations contradictoires.
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Principales Recommandations
1. Renforcer le mandat et les pouvoirs du Conseil de la concurrence et assurer son indépendance,
notamment en clarifiant et séparant les pouvoirs avec le ministère du commerce.
2. Renforcer les ressources budgétaires et humaines du Conseil, notamment en explorant de
nouvelles pistes afin d’identifier des voies de financement en dehors de l'allocation budgétaire du
gouvernement.
3. Renforcer l'utilisation du programme de clémence et améliorer l’utilisation des techniques
d’enquête d’office comme instruments de lutte contre les ententes injustifiables.
4. Permettre au Conseil de la concurrence de négocier et de conclure à la fois des transactions et des
décisions d'engagements relatives à toutes les pratiques anticoncurrentielles.
5. Transférer les compétences sur le contrôle des concentrations au Conseil de la concurrence
avec des critères clairement définis à suivre lors de l’évaluation des concentrations et accorder au
ministre chargé du commerce, à titre exceptionnel, le pouvoir d'adopter une décision différente
motivée par des raisons d'intérêt général prévues par la loi autres que la protection de la concurrence.
6. Revoir les critères de notification, en ajoutant un deuxième barème au critère de notification basé
sur les chiffres d’affaires pour considérer également celui de la société cible. Considérer aussi les
avantages et désavantages d’un critère de notification fondé sur les parts de marché.
7. Créer une procédure simplifiée pour la notification des concentrations plus simples qui ne donnent
guère lieu à des problèmes de concurrence.
8. Donner au Conseil de la concurrence le pouvoir de soumettre au ministère du commerce des
propositions sur des textes législatifs et réglementaires (lois, décrets gouvernementaux, arrêtés et
cahiers des charges) de sa propre initiative, sans qu’il soit préalablement saisi.
9. Élaborer des lignes directrices publiques pour renforcer la sécurité juridique et la prévisibilité de
l’action des organes chargés de la concurrence, par exemple en matière de définition du marché
pertinent, de calcul des amendes, d’analyse de certains types d’accords.
10. Améliorer la coopération avec les régulateurs sectoriels et les institutions régionales et
internationales.
Les examens par les pairs de l'OCDE sont un outil
précieux pour les pays afin de réformer et renforcer
leurs cadres de la concurrence.
Les mécanismes d'examen par les pairs varient, mais
ils sont fondés sur la volonté d'un pays de soumettre
ses lois et politique de la concurrence à une
évaluation sur le fond par d'autres pairs.
Le processus fournit des informations précieuses
concernant le pays sous examen, en pénétrant au
cœur de la manière dont chaque pays traite les
questions de concurrence et de réglementation, de la
solidité de ses lois sur la concurrence à la structure et
à l'efficacité de ses institutions de la concurrence.
ces
plus,
De
des
recommandations d’amélioration de la politique de
concurrence.
examens
intègrent
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