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L’interventionnisme économique public. Étude de droit
comparé franco-tunisien
Amel Njehi
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Amel Njehi. L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien. Droit.
LYON 2; TUNIS EL-MANAR, 2018. Français. ￿NNT : ￿. ￿tel-01953425￿
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Université Lumière Lyon 2
Université de Tunis El-Manar
L’interventionnisme économique public. Étude de
droit comparé franco-tunisien
Par
Amel NJEHI
Thèse pour l’obtention du grade de docteur
Discipline : Droit public
Présentée et soutenue publiquement le 14 septembre 2018
Directeur (e) s de thèse :
Amel AOUIJ-MRAD
Professeure à la Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis
Guillaume PROTIÈRE
Doyen de la Faculté de Droit Julie-Victoire Daubié
Membres du jury :
Afef HAMMAMI-MARRAKCHI
Maître de conférences agrégée à l'Université de Sfax
Françoise FRAYSSE
Professeure émérite à l'Université de Toulouse
Christophe ROUX
Professeur à l’Université Lumière Lyon 2







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Remerciements
Tout d’abord, j’adresse mes plus vifs remerciements à Madame la Professeure Amel AOUIJ
MRAD et Monsieur le Doyen Guillaume PROTIÈRE pour la direction de ce travail de
recherche. La confiance qu’ils m’ont accordée et leurs conseils m’ont été déterminants pour
l’aboutissement de celui-ci. Merci de vos conseils si précieux qui m’ont guidé vers la bonne
direction, de votre patience et de votre tolérance.
Je remercie particulièrement Madame Sonia BEN REJEB pour sa relecture rigoureuse et ses
qualités d’écoute.
Je souhaite aussi remercier Madame Stéphanie DUCRET, Monsieur Lucien BRETEAU et
Monsieur Omar LAHRICHI pour leur soutien et leur disponibilité. Merci pour tout le temps
que vous m’avez consacré. Vos explications et vos conseils m’ont beaucoup aidé dans la
finalisation de ce travail de recherche.
Il a été parfois difficile de trouver l’énergie et la motivation pour avancer sur la thèse, je tiens
à remercier Madame Rawaa SALHI, Gofrane HILEL et Ilahi MOHESNI pour le soutien et les
discussions précieuses.
Enfin, les mots les plus simples étant les plus forts, il m’est indispensable de remercier mon
cher père, ma chère mère et mes sœurs pour leur soutien moral et affectif ininterrompu tout au
long de tout ce que je réalise.
1
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Périodiques
AAN
AJDA
AJT
APD
D.
DDHC
Doc. Fr.
JCA
JO
JORF
JORT
LPA
R.I.D. Econ.
RDP
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3





































































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PUAM
PUF
PUG
PUL
QSJ
Juridictions
Ass.
CC
CE
CEE
CEDH
CJCE
CJUE
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TA
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4


























































































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PAS
PME
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SA
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SEML
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SPA
SPIC
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UE
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Société tunisienne de l’électricité et du gaz
Service public administratif
Service public industriel et commercial
Traité sur la Communauté Européenne
Union Européenne
Zone d’activité économique
5















































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Sommaire
Introduction générale ............................................................................................................................ 9
Première partie : Les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie
administrée à une économie concurrentielle ..................................................................................... 39

Titre 1. L’État interventionniste : du renforcement au déclin de l’intervention de pouvoirs publics
dans la direction de l’économie ......................................................................................................... 43

Chapitre 1. L’État interventionniste et la négation de la concurrence : une volonté d’encadrement
direct de l’économie ...................................................................................................................... 45

Chapitre 2. Le recul de l’État interventionniste : une centralisation excessive entravant le
développement économique de l’État ........................................................................................... 93

Titre II. Vers la redéfinition du rôle de l’État dans l’économie : l’État régulateur ......................... 135
Chapitre 1. L’État régulateur et l’ouverture à la concurrence et à l’économie du marché : une
réduction du périmètre de l’économie administrée ..................................................................... 137

Chapitre 2. Les insuffisances de la régulation et la nécessité de transformer le rôle économique de
l’État ............................................................................................................................................ 179

Deuxième partie : La mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une
configuration monopolistique à une logique concurrentielle ........................................................ 223

Titre 1. Le rôle affirmé de l’État dans la mise œuvre d’une politique économique dirigiste : de la
prépondérance à la limitation de l’action économique publique ..................................................... 227

Chapitre 1. La prépondérance de l’action économique des pouvoirs publics dans la mise en œuvre
de la politique économique de l’État. .......................................................................................... 228

Chapitre 2. Les limites de l’action économique des pouvoirs publics dans la mise en œuvre de la
politique économique de l’État. ................................................................................................... 282

Titre 2. Le redéploiement des modalités de l’interventionnisme économique à l’échelle nationale et
locale : une collaboration avec des acteurs publics et privés .......................................................... 328

Chapitre 1. Les actions de l’État susceptibles d’orienter l’économie à l’échelle nationale : le
renforcement de la concurrence et de la gouvernance d’entreprise ............................................. 330

Chapitre 2. Les actions des collectivités territoriales susceptibles d’orienter l’économie à l’échelle
locale : le renforcement de la coopération interne et internationale ............................................ 387

Conclusion générale .......................................................................................................................... 437
Bibliographie ...................................................................................................................................... 443
7


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Page 11
Introduction générale
Introduction générale
« Chacun sait qu’une situation de pur laisser-faire dans laquelle l’État serait un simple
spectateur à distance respectueuse de l’activité économique n’a jamais existé et qu’un tel
projet n’a d’ailleurs jamais été formulé même par les économistes les plus radicaux »1. Cela
signifie que l’État intervient de manière constante dans l’économie. L’État est d’abord le
garant d’un ordre économique et social déterminé. Il apparait ensuite comme le promoteur du
développement économique et social, fonction assumée par tout État moderne, qu’il soit
capitaliste ou socialiste, qu’il soit développé ou en voie de développement. Il est enfin le
promoteur de la démocratie économique et sociale.
Avant d’exposer la façon dont une telle étude peut être abordée, il convient d’envisager
les traits saillants du contexte idéologique, économique et juridique de l’évolution de la
manière dont l’État intervient dans l’économie. Sans doute, pour comprendre les changements
contemporains du rôle de l’État dans l’économie2, il est nécessaire de saisir au moins les
fondements idéologiques de son intervention dans l’économie.
Trois conceptions principales du rôle de l’État ont été avancées pour assurer un bon
fonctionnement de l’économie de marché. La première correspond à l’idéal de l’État
gendarme. Le rôle de l’État dans l’économie se limitant à l’exercice d’activités de police et de
protection. L’État qualifié de « spectateur »3, de « libéral »4, de « minimal »5, voit son rôle
cantonné à des fonctions régaliennes. De grands économistes comme Adam SMITH, John
STUART MILL et David RICARDO élaborent les grandes lignes de ce que l’on appellera le
« libéralisme économique », marqué par la prééminence de la propriété privée des moyens de
production, le libre-échange au niveau des relations commerciales internationales, la
régulation par le marché et un rôle minimum d’État. Selon cette doctrine, il faut promouvoir
1Rosanvallon (P), L’État en France, de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 1990, p. 199.
2L’intervention de l’État dans l’économie connait de profondes mutations. Sur la révalorisation des formes
d’intervention publique, voir Idoux (P), « Le droit public économique vu à travers la crise »,
droit administratif,
mars 2010, Fontaine (L), « De la normativité unilatérale en droit public économique »,
Droit et économie,
interférences et interactions, Études en l’honneur du Professeur
Bazex (M), 2009, Editions Litec, Ziller (J),
« Mondialisation et interventions publiques dans le marché : du contrôle juridictionnel de l’intervention publique
à l’encadrement juridique par l’intégration économique régionale ou globale : aides publiques et fiscalité,
quelques pistes pour un programme de recherche »,
RIDE, 2002, Baumel (J), « Moins d’État, mieux d’État »,
colloque du 14 octobre 1985 à l’Assemblée nationale, Fondation du futur, 1986.
3Burdeau (G), Le libéralisme, Paris, Seuil, 1979, p. 140.
4Rivero (J), Droit administratif, Paris, Dalloz, 1971, p. 21.
5Pavia (M-L), « Un essai de définition de l’interventionnisme », in, l’interventionnisme économique de la
puissance publique
, Études en l’honneur du Doyen Georges Péquignot, CERAM, 1984, p. 553.
9

Page 12
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
« le laisser-faire »6 et laisser les marchés s’autoréguler par le biais de la main invisible. Au
sein du système économique, l’État est un arbitre plutôt qu’un acteur.
La seconde qui a triomphé avec le développement de l’État interventionniste est le
dirigisme étendant ses interventions économiques par la création de services publics et de
monopoles publics et recourant à la règlementation étatique et à la centralisation du pouvoir
public. Avec la crise de 1929, le modèle libéral basé sur le laisser-faire devenait négligent
parce qu’il venait d’étaler ses lacunes notamment par une crise de surproduction qui a fait
plonger les marchés boursiers surtout WallStreet. L’autorégulation du marché n’a pas eu lieu
car l’offre ne créait pas sa propre demande comme le souhaitaient les classiques en
l’occurrence Jean-Baptiste SAY et qu’une crise de surproduction n’était pas impossible. Pour
faire face aux retombées de la crise, il fallait une nouvelle doctrine pour légitimer l’action de
l’État dans l’économie. John-Maynard KEYNES7 dans son livre intitulé Théorie générale de
l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie a fait l’apologie de l’intervention de l’État dans
l’économie. Selon lui, les problèmes naissant d’une crise tel que le chômage, une baisse
cumulée des prix ainsi que de la production créent de nombreuses carences mais que celle-ci
peut être réduite que si une intervention de l’État est réalisée.
La troisième conception du rôle de l’État est inspirée par le néo-libéralisme, tout en
reconnaissant la nécessité de l’intervention de l’État pour instaurer et maintenir un cadre
marchand excluant tout dirigisme et toute participation étatique à la production de biens et de
services marchands qui relèvent exclusivement du jeu du marché. Les années soixante-dix ont
été marquées par une revendication de « moins d’État »8 et un désir de restituer un libéralisme
économique. Le Conseil constitutionnel français a fait ainsi du régime concurrentiel le régime
économique constitutionnel de droit commun de la société française et du marché9. Il
marquait sa volonté d’imposer un retour au libéralisme plus fidèle aux principes de 1789 et à
un système économique dans lequel la satisfaction de l’intérêt général économique de la
société relève en principe du marché et de la concurrence et non l’État. C’est en ce troisième
6Ibanda-Kabaka (P), « L’intervention de l’État dans l’économie : du laisser-faire à la régulation », Archives
ouverte
, 2016, p. 7.
7La pensée keynésienne revient à l’ordre du jour avec la crise économique de 2008.
8Mercier-Josa (S), « Hégémonie du systéme des besoins ou dépérissement de l’État », in, Actes de colloque,
Libéralisme et État de droit, CNRS, 1988, p. 13.
9CC, Décision n°81-132 du 16 janvier 1982 relative à la loi de nationalisation, p. 13.
10

Page 13
Introduction générale
type qu’on évoque aujourd’hui l’État régulateur. « Il encadre et aiguille plus qu’il ne
dirige »10.
Le retour en force de la doctrine libérale est sans conteste l’un des faits les plus marquants
de la fin du XXème siècle. Défavorable à l’intervention étatique dans le domaine économique,
cette doctrine se justifie en présentant les échecs des expériences dirigistes pour rappeler les
mérites de la loi du marché et œuvrer ainsi en vue de sa renaissance partout dans le monde11.
Si en France, le tournant vers la libéralisation est choisi par les gouvernements de droite et par
la modification de l’architecture étatique et son ancrage dans un grand dessin européen, en
Tunisie, la contestation du rôle économique de l’État est l’œuvre de deux acteurs : le Fonds
monétaire international et la Banque mondiale. Lourdement endetté et ayant besoin de
financement, l’État a sollicité l’aide des institutions internationales de financement12. En
contrepartie, ces dernières lui ont imposé des programmes d’ajustement structurel13. Les
mesures concernent notamment la réduction du poids de l’État, l’encouragement des
initiatives privées, la mise en œuvre des dispositions législatives favorisant l’initiative
économique et des dispositions de gouvernance contre la corruption, la bureaucratie et
l’emprise de clans sur l’économie et un système fiscal plus incitatif à la croissance
économique.
L’étude de l’interventionnisme économique public en France et en Tunisie fait appel tout
d’abord à une méthode d’analyse réalisée à partir de l’approche du droit public économique14
qui correspond à cette nouvelle forme d’encadrement du marché15 et qui consiste à la mise en
œuvre par des voies de droit et de la politique économique des personnes administratives 16.
10Cohen (E), « De l’État dirigiste à l’État régulateur », Sciences humaines, 2002, p. 11.
11Henri (J-P), « La fin du rêve prométhéen ? Le marché contre l’État », RDP, 1991, p. 631.
12L’un des objectifs des institutions financières internationales était de limiter les prérogatives de l'État et de
renforcer le rôle des acteurs privés. Pour ce faire, ces dirigeants ont engagé un vaste arsenal de réformes
économiques : réforme monétaires, financières, fiscales et douanières, abolition progressive du contrôle des prix,
réforme des Codes d’investissement, privatisation d’entreprises publiques (etc.). Sur cette question, Voir,
Banque mondiale
, Rapport sur le développement dans le monde, éd. Économica, Paris, 1983, L’Héritau (M-F),
Chavagneux (CH),
Le Fonds Monétaire International et les pays du tiers-monde, Paris, PUF, 1986.
13« Le plan d’ajustement structurel était accompagné par des réformes qui ont permis à la Tunisie de passer
d’une économie administrée où le secteur public joue un rôle important à une économie de marché basée sur le
secteur privé et ouverte sur l’extérieur ». Moussa (F), « Le plan de mise à niveau de l’administration en Tunisie,
un agenda 21 pour l’administration », Mélange Ben Aissa (M-S), Tunis, CPU, 1990, p. 732.
14Voir les travaux de Colson (J-P), Idoux (P), Droit public économique, Paris, LGDJ, 2016, Chérot (J-Y), Droit
public économique
, Paris, Economica, 2002. Bernard (S), Droit public économique, Paris, LexisNexis, 2013,
Colin (F),
Droit public économique, Paris, Lextenso éditions , 2013. Colson (J-PH), Droit public économique,
Paris, LGDJ, 2014. Delvolvé (P), Droit public de l’économie, Paris, Dalloz, 1998. Linotte (D), Romi (R),
Services publics et droit public économique, Paris, Litec, 2001, Mescheriakoff (A-S), Droit public économique,
Paris, PUF, 1994.
15De Lessac (L), Parleani (G), « Droit public et mondialisation des affaires », Dr. Prat. Com. Int, 1996, p. 8.
16Linotte (D), Romi (R), Droit public économique, Paris, LexisNexis, 2012, p. 20.
11



Page 14
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En effet, l’existence du droit public économique signifie que l’action de la puissance publique
est soumise à la règle de droit. Ainsi, le droit public apparaît comme une composante
essentielle de la notion. Il est le signe que le droit public économique est d’abord caractérisé
par la présence active de la puissance publique dans le jeu économique17.
Le droit public économique est compris ici comme le droit de la politique économique
qu’elle soit interventionniste ou libérale18. Cette branche de droit converge avec le droit
public de la régulation économique19 et le droit public des affaires20. Nous souscrivons
pleinement aux principes posés par la doctrine de droit public de la concurrence21 et par le
droit de la régulation22. Ces différentes branches de droit sont considérées comme un
enrichissement du droit public économique.
Par ailleurs, dans peu de temps, le juriste ne pourra plus ignorer les apports des
économistes à son propre domaine d’étude. Par exemple, la mise en œuvre du droit de la
concurrence suppose une interprétation économique et des analyses micro-économiques23.
Comme le souligne Marie-Anne FRISON-ROCHE « le droit de la concurrence vient de
l’économie »24.
Dans cette perspective, nous constatons que le juriste ne peut davantage ignorer
l’évolution du droit sous l’influence de l’économie. C’est avec un regard ouvert sur la science
économique que le juriste peut contribuer aux renouvèlements et aux développements du
droit. D’ailleurs, Gérard FARJAT précise que « s’il existe une analyse économique du droit, il
doit exister en parallèle une analyse juridique de l’économie »25.
17Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 31.
18Chérot (J-Y), op, cit, p. 7.
19Sur cette question, voir, Du Marais (B), Droit public de la régularité économique, Presses de Sciences Po et
Dalloz, 2004.
20Sur cette question, voir, Nicinski (S), Droit public des affaires, Paris, LGDJ, 2016.
21Sur cette question, voir, Linotte (D), « Droit public de la concurrence », AJDA, 1984, Bazex (M) « Le droit
public de la concurrence »,
RFDA, 1998, Nicinski (S), Droit public de la concurrence, Paris, LGDJ, 2005.
22Sur cette question, Voir, Frison-Roche (M-A), Le droit de la régulation, Paris, Dalloz, 2001.
23Jenny (F), « Les relations entre le droit et l’économie dans l’ordonnance du 1er décembre 1986 », Gaz, Pal,
1997, p. 1.
24Frison-Roche (M-A), « Le modèle du marché », Archives, philosophie, droit, 1996, p. 5.
25Farjat (G), « De la globalisation de l’économie à une économie de droit », (dir), Daugareilh (I), Responsabilité
sociale de l’entreprise transnationale et globalisation de l’économie
, Paris, Bruyant, 2010, p. 34.
12



Page 15
Introduction générale
Aujourd’hui, l’État prétend-il et réussit-il à faire le bonheur des peuples ? Si la question
se pose, c’est parce que son rôle a été changé par le phénomène de la mondialisation qui
secoue la planète. Ce phénomène a entrainé d’important changement. Il a conduit à une
diminution de la marge de liberté des États face à la montée en puissance de nouveaux
acteurs. Face à cette situation, les États cherchent à adopter un nouveau type de régulation. Ce
dernier apparait comme la réponse adaptée aux imperfections d’un double modèle de
rationalité. D’une part, le modèle néo-libéral agissant au sein d’un marché parfaitement
concurrentiel et autorégulé. D’autre part, le modèle néo-wébérien d’un appareil étatique. C’est
lors de ces réformes, soit spontanées26 ou imposées27 que s’est développé un État régulateur28
parfois qualifié d’État post-moderne29.
L’idéologie économique dominante implique les libertés économiques comme une
véritable circulation des richesses et une égalité des chances dans l’application de la liberté de
commerce. Cette réalité engendre-t-elle souvent des mesures à opposer aux valeurs
démocratiques qui prônent l’égalité et la liberté tout en garantissant une allocation optimale
des ressources ? Conviendrait-il alors de laisser faire en évitant de faire appel à l’État ?
Comment s’organiser pour mieux décider ? Comment réduire le poids de l’État ? Cette
situation d’ambigüité semble toujours intéresser la doctrine, les économistes comme les
juristes. Cette introduction présente ainsi un état des lieux de l’analyse, tant économique que
juridique.
Sur le plan économique, l’idée libérale de l’ordre spontané du marché autorégulé semble
prendre une revanche historique. Pour HAYEK, l’ordre du marché est un ordre
spontané échappant à la volonté humaine et à l’arbitraire d’une instance hétéronome de
régulation. Elle est la seule forme compatible avec la liberté30. C’est ainsi, que la fonction
autorégulatrice du marché s’oppose à la régulation étatique justifiée comme étant à la fois
irrationnelle et injuste et excluant de ce fait toute intervention étatique31. Cette pensée ultra-
libérale a été progressivement remise en cause. L’idée d’un marché s’ajustant de lui-même
était purement utopique.
26Timsit (G), « La régulation, la notion et le phénomène », RFAP, 2004, p.6.
27Ibid, p. 8.
28Chevallier (J), « L’État régulateur », RFAP, 2004, pp. 473-482.
29Chevallier (J), L’État post-moderne, Paris, LGDJ, 2004, p. 43.
30Manin (B), « Friedrich Von Hayek et la question du libéralisme », RFSP, 1983, p. 41.
31Voir, Cohen-Tangui (L), Le droit sans l’État, Paris, PUF, 2007.
13



Page 16
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Karl POLANYI affirme que « l’idée selon laquelle la société et l’économie ne peuvent
pas et ne doivent pas être modifiées par une intervention délibérée de l’État est probablement
l’aspect le plus marquant de l’idéologie contemporaine dominante à travers le monde. C’est
l’idée centrale de la foi que le libéralisme place dans le marché en tant que seul mécanisme
d’allocation de ressources à la fois efficace et durable. Cette foi repose sur le rejet de la
possibilité et de la désirabilité d’un remodelage de la société par un processus politique au
cours duquel les positions et les intérêts de ses membres sont exprimés et défendus »32. Le
marché autorégulé qu'analyse POLANYI n'est pas le marché historique et le marché encadré,
il s'agit d'un marché mondial libéré des contraintes.
Une nouvelle approche naît au colloque de Walter Lippmann et Mont-Pèlerin Society33
dont les thèses prônent une économie sociale de marché. Wilhelm ROPKE conclut à la
nécessité de s’engager dans un révisionnisme libéral conduisant à élaborer un libéralisme
constructif dans lequel le principe de libre concurrence est essentiel mais non exclusif. Et
pour que ces perspectives puissent se réaliser et que s’instaure un ordre social harmonieux,
l’État doit jouer un rôle actif de type négatif et certainement Keynésien34. Aujourd’hui, cette
approche perd de son influence. Après la crise des sociétés communistes, le néo-libéralisme
traduit le libre-échange, la globalisation, la dérèglementation et la libre concurrence.
La détermination du rôle de l’État dans l’économie est par ailleurs devenue de plus en
plus une question juridique. Historiquement, les services publics sont apparus, puis se sont
multipliés à mesure que l’État providence se développait. Cette idéologie a été rénovée, la
tradition française du service public a été battue en brèche par les demandes de
libéralisation35. Pour Pierre DELVOLVE la notion même de service public ne pouvait être
qu’antagoniste avec celle de libertés publiques36. Cette réflexion critique sur le rôle de l’État
ne justifie pas son démantèlement37. Ce qui est certain, c’est que la loi de l’État et la loi des
États trouvent dans la loi du marché un concurrent sérieux38. Comme l’écrit Jean Yves
CHEROT « le changement majeur qu’a enregistré le droit public économique depuis 1985
32Bugra (A), « Karl Polanyi et la séparation institutionnelle entre politique et économie », Raisons politiques,
2005, pp. 37-56.
33L’acte I du colloque de Walter Lippmann, Co-organisé par le philosophe français, Rougier (L) en 1938 et l’acte
II du colloque, la conférence fondatrice de la société de Mont-Pelerin, en 1974.
34Laurent (A), Le libéralisme américain, histoire d’un détournement, Paris, Les belles lettres, 2006, p. 150.
35Rapp (L), « La politique de libéralisation des services en Europe entre service public et service universel »,
Revue marché commun, 1995, p. 335.
36Delvolvé (P), « Service public et libertés publiques », RFDA, 1985, p. 11.
37Fauroux (R), Spitz (B), Notre État, Paris, Robert Laffont, 2000, p. 65.
38Ost (F), Van De Kerchove (M), De la pyramide au réseau, pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles,
Facultés universitaires de Saint-Louis, 2002, p. 78.
14

Page 17
Introduction générale
vient de ce qu’au dirigisme par lequel l’État pensait pouvoir se substituer au marché a
succédé une approche par laquelle l’État cherche à assurer les exigences d’intérêt général
sans nuire aux forces de la concurrence »39. L’État apparait donc déjà comme un élément
déterminant de cette transformation qui donne au marché comme le relève Jean Arnaud
MAZERES, « le dernier avatar de cette évolution (…) ce n’est pas seulement en effet l’État
qui se trouve investi par la loi du marché, c’est le droit lui-même en tant qu’il est droit de
l’État »40.
À cet effet, il est nécessaire en premier lieu de définir les notions clé du sujet (I). Ensuite,
il convient d’exposer les opportunités d’une étude sur l’interventionnisme économique public
en France et en Tunisie (II). La présentation de ces éléments est indispensable pour la
formulation de notre problématique et de notre plan (III).
I. La définition des notions clés du sujet
L’interventionnisme économique (A) et l’État (B) sont les deux sujets centraux et les
notions clés de notre étude. La définition de ces termes dont le choix n’est pas neutre, est
susceptible de fournir un certain nombre d’indices relatifs au sens et à la problématique de
cette recherche.
A- L’interventionnisme économique
L’interventionnisme économique pourrait être défini comme l’ensemble des actions
accomplies par l’État dans l’économie. En premier lieu, l’État peut intervenir comme autorité
publique et règlementer, influencer, orienter, diriger ou protéger le marché et ses opérateurs
économiques. L’État administre l’économie et apparaît comme une autorité publique
extérieure au marché auquel il imprime sa volonté. En deuxième lieu, l’État est lui-même
fournisseur de biens et de services sur le marché pour des raisons tenant à la présence d’un
service public, à l’existence d’opérateurs publics historiques ou simplement pour se procurer
des ressources. C’est la situation dans laquelle l’État est offreur de biens et de services sur le
marché. En troisième lieu, l’État est amené à collaborer avec les opérateurs économiques pour
satisfaire directement ses besoins ou plus indirectement un besoin d’intérêt général en faveur
de sa population. Il est alors en position de demandeur sur le marché41. De ces trois situations
émergent trois figures de l’État, l’État régulateur de l’économie ou État prescripteur, l’État
39Chérot (J-Y), op, cit, p. 12.
40Mazeres (J-A), « L’un et le multiple dans la dialectique Marché-Nation », in, Stern (B), (dir), Marché et
Nation : Regards croisés
, Paris, Montchrestien, 1995, p. 144.
41Nicinski (S), op, cit, p. 15.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
opérateur économique et en dernier
lieu,
l’État collaborateur avec
les opérateurs
économiques42.
Les droits et les obligations de l’État vis-à-vis des opérateurs économiques reposent sur la
confrontation de deux principes : un principe d’action et un principe d’abstention. Le premier
est lui-même fondé sur deux objectifs. D’une part, il s’agit de diriger, d’orienter et d’inciter
l’action des opérateurs économiques. D’autre part, il s’agit de prendre toute mesure pour
préserver et protéger le bon fonctionnement du marché. Alors que le principe d’abstention est
guidé par le souci de ne pas déséquilibrer les rapports de force du marché qui doivent pouvoir
jouer librement sans intervention extérieure43. L’opposition de ces deux principes n’est que le
reflet de deux idéologies qui s’affrontent. La doctrine libérale d’une part et la doctrine
interventionniste d’autre part.
Le principe d’intervention et le principe d’abstention trouvent une expression concrète
dans les moyens utilisés par les personnes publiques pour les mettre en œuvre. Ainsi, le
principe d’intervention passe d’abord par la création d’institutions ayant un rôle de régulation
de l’économie, d’encadrement et d’organisation de certaines professions. Le principe
d’intervention s’exprime ensuite par l’adoption d’une règlementation économique au sens
large (lois, règlements, décisions). Ces règlementations s’inscrivent dans une politique de
dirigisme économique. Ainsi, les moyens de l’abstention par définition sont plus délicats à
cerner. On peut néanmoins citer l’obligation faite aux autorités publiques de ne pas fausser le
jeu concurrentiel par leurs actions ou décisions ou encore la politique de désengagement de
l’État dans les entreprises publiques44.
Dans chaque figure d’État, l’objectif cherché est le développement économique. Le
développement est cette dynamique globale, continue et endogène des populations leur
permettant de prendre en main leur avenir. On peut distinguer cinq composantes nécessaires :
la croissance économique, le progrès social donnant lieu à la modernité et le bien-être,
l’autonomisation progressive permettant à la collectivité de se prendre en charge même si
l’impulsion initiale est exogène, la durabilité du processus et l’équilibre des composantes qui
42Nicinski (S), op, cit, p. 15.
43Ibid, p. 16.
44Ibid, p. 16.
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Introduction générale
constitue un garant de la stabilité du territoire national qui doit être doté d’une structure
spatiale durable45.
Le rapport de la Commission de Sud définit le développement comme « un processus qui
permet aux êtres humains de développer leur personnalité, de prendre confiance en eux-
mêmes et de mener une existence digne et épanouie. C’est un processus qui libère les
populations de la peur du besoin et de l’exploitation et qui fait reculer l’oppression politique,
économique et sociale. C’est par le développement que l’indépendance politique acquiert son
sens véritable. Il se présente comme un processus de croissance, un mouvement qui trouve sa
source première dans la société qui est elle-même en train d’évoluer. Le développement
implique donc une volonté accrue d’autonomie, tant individuelle que collective. Le
développement d’une nation doit se fonder sur ses ressources propres, aussi bien humaines
que matérielles, exploitées pleinement pour la satisfaction de ses propres besoins. L’aide
extérieure peut favoriser le développement, mais il faut pour cela qu’elle s’intègre à l’effort
national et soit subordonnée aux objectifs de ceux auxquels elle est destinée. Le
développement est un processus par lequel les pays et les peuples comptent sur eux-mêmes et
décident d’eux-mêmes des buts à atteindre ; sans cela il n’y a pas de développement
authentique »46.
Le développement économique est un processus de diversification et d’enrichissement
des activités économiques et sociales sur un territoire à partir de la mobilisation et de la
coordination de ses ressources et de ses énergies47. En ce qui concerne le domaine
économique, il nécessite l’amélioration de la gestion du budget de l’État en général dans le
but d’assurer la transparence, de généraliser un système de gestion budgétaire par objectif et
de renforcer le contrôle des dépenses publiques sur la base de l’évaluation de l’efficacité et de
l’efficience. La finalité étant de fournir un environnement concurrentiel qui encourage
l’investissement et le développement des incitations aux investissements, renforce la
concurrence sur le marché intérieur et la construction d’un partenariat équilibré entre les
secteurs publics et privés. De plus, il faut promouvoir une stratégie du développement fondée
sur l’adaptation d’une loi qui régisse le partenariat public- privé.
45Belhedi (A), « Le développement régional et local en Tunisie. Défis et enjeux », Revue des Régions Arides,
2018, p.254.

46Rapport de la Commission de Sud, « Défis au Sud », 1990, pp. 10-11.
47Greffe (X), Décentraliser pour l’emploi l’initiative locale du développement, Paris, Economica, 1988, p.46.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Dans le cadre de l’État interventionniste, le développement économique est assuré surtout
par l’État. Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie devait dans certaines
circonstances conjoncturelles céder la place à une intervention massive de l’État. Les crises
cycliques du système capitaliste ont eu pour conséquence de faire évoluer les conceptions.
Les mains invisibles du marché devaient très largement coexister avec les lois propres à l’État
qui s’est reconnu un droit d’intervention sur le marché pour en corriger les déviations et les
excès et pour substituer à l’entreprise privée défaillante dans les secteurs non rentables. Le
terme de cette évolution c’est que l’intervention de l’État s’installe dans la durée de façon plus
structurelle. Il devient partout à travers ses budgets, ses plans et ses administrations le
principal agent de régulation de l’activité économique et sociale48. Alors que dans le cadre de
l’État libéral, la promotion du développement est une fonction qui revient quasi-
exclusivement à l’entreprise privée. L’État ne pouvait pas prendre en charge directement les
activités à caractère économique et ne pouvait pas prétendre à une action significative en
matière de développement économique et social. Le principe de la liberté du commerce et de
l’industrie lui interdisait de se substituer à l’entreprise privée dans ce domaine et de fausser
les mécanismes de la concurrence et les lois du marché.
Contrairement à la France, quelles que soient les idéologies du développement mises en
œuvre par le gouvernement tunisien, les différentes stratégies ont en commun, de répercuter
un même modèle de « développement centralisé ».
Il est d’usage aujourd’hui de recourir davantage au terme de régulation49 qu’à celui
d’interventionnisme, terme jugé dépassé et surtout rattaché à l’idée d’économie administrée
par l’État. La régulation économique se caractérise par trois traits. D’abord, l’émergence de
libertés économiques et de concurrence ainsi que la garantie de ces libertés. Ensuite, la
correction des défaillances des marchés en empêchant les restrictions à l’entrée sur un marché
et les abus de position dominante. Enfin, la conciliation entre des intérêts contradictoires et la
préservation des services publics.
48Tarchouna (L), décentralisation et déconcentration en Tunisie, Thèse, FDSPT, 2005, p. 710.
49Sur cette question voir, Silicani (J-L), « Demain l’État régulateur », Les Echos, 2000, Lasserre (B),
« Régulation mode d’emploi »,
sociétal, 2000, Collet (M), « La création des autorités administratives
indépendantes : symptôme ou remède d’un État en crise ? »,
Regards sur l’actualité, 2007, Frison-Roche (M-A),
« La victoire du citoyen-client »,
Sociétal, 2000, Boy (L), « Réflexion sur le droit de la régulation », Droit, 2001.
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Introduction générale
Nous distinguerons ainsi, quatre types de définitions de la régulation aujourd’hui
présentes dans la doctrine. La première, désigne la régulation comme un nouveau mode
d’intervention de l’État dans l’économie (1). La deuxième, montre la régulation comme une
fonction dont la vocation est de concilier la libre concurrence et les politiques publiques (2).
La troisième, considère la régulation comme une nouvelle forme de normativité (3). Se pose
enfin, la question du critère organique de la régulation (4).
1- La régulation comme forme moderne de l’intervention de l’État dans l’économie
Certaines définitions assimilent la régulation à une fonction exclusivement économique
qui reposerait sur une conception nouvelle du rôle de l’État dans l’économie. Elle consisterait
alors pour l’essentiel à superviser le jeu économique pour assurer le maintien d’un équilibre
d’ensemble50. Dans le droit fil de la pensée libérale, l’État se cantonnerait avec la régulation à
un rôle d’arbitre du jeu économique51. Dans ce cas, la régulation désignerait « l’ensemble des
techniques qui permettent d’instaurer et de maintenir un équilibre économique optimal qui
serait requis par un marché qui n’est pas capable, en lui-même, de produire cet équilibre »52.
Dans ce sens, Didier TRUCHET écrit que : « la régulation désigne une intervention des
personnes publiques en vue d’organiser, d’orienter ou de contrôler un marché. Elle s’attache
au fonctionnement optimal de celui-ci et pas seulement à un comportement des opérateurs
respectueux de l’ordre public. C’est en quoi la régulation va plus loin que la police. Cet
optimum concerne d’abord l’effectivité et la loyauté de la concurrence sur le marché
considéré, ensuite, la protection des consommateurs »53.
Définie de cette façon, la régulation serait fondamentalement une théorie des nouveaux
modes de l’intervention publique54 à l’heure de l’ouverture à la concurrence, de l’État
modeste55 et du reflux de ses interventions directes dans l’économie. À ce titre, elle pourrait
n’être qu’une fonction transitoire, une police économique justifiée par un objectif explicite,
l’ouverture à la concurrence et le maintien de celle-ci56. De son côté, Laurent COHEN-
50Chevallier (J), « Le droit économique : insécurité juridique ou nouvelle sécurité juridique ? », in, Sécurité
juridique et droit économique
, (dir), Boy (L), Racine (J-P), Siriainen (F), Paris, Larcier, 2008, p. 576.
51Ibid, p. 578.
52Du Marais (B), op, cit, p. 483.
53Truchet (D), Droit administratif, Paris, PUF, 2009, p. 364.
54Auby (J-B), « La bataille de San Romano, Réflexion sur les évolutions récentes du droit administratif », AJDA,
2001, p. 912.
55Crozier (M), État modeste, État moderne, Paris, Seuil, 1991, p. 78.
56Gaudemet (Y), « La concurrence des modes et des niveaux de régulation. Introduction », RFAP, 2004, p. 14.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
TANGUI qualifie la régulation de « forme moderne de l’intervention publique dans une
économie du marché »57.
La régulation comme la forme la plus moderne et la plus performante de l’intervention
publique dans la gestion de l’activité économique se manifeste selon Jacques CHEVALLIER
à travers deux méthodes : l’édiction de règles de droit et l’institution d’autorités de
supervision58.
2- La régulation comme facteur d’équilibre entre libre concurrence et politiques
publiques
D’après Nicole DECOOPMAN, « la notion de régulation évoque une idée d’équilibre
entre les différents intérêts, les différents acteurs du secteur économique. La recherche de cet
équilibre par définition instable nécessite l’utilisation de moyens d’action variés plus ou
moins contraignants, une compétence technique et une capacité de réaction que ne
possèderaient ni le gouvernement, ni le juge qui au surplus, ne sont pas institutionnellement
proches des milieux économiques. L’exercice de la fonction de régulation repose à la fois sur
une capacité d’influence, d’autant plus facile à exercer qu’existe une proximité avec le
secteur régulé et sur une multiplicité de pouvoirs. Le cumul de pouvoirs caractérise les
autorités administratives
indépendantes
chargées d’une
fonction de
régulation
économique »59.
Pour Martine LOMBARD, la régulation suppose « que l’on se trouve dans le cadre d’une
économie concurrentielle mais qu’il soit fait place à côté de la concurrence à des
préoccupations sociales, environnementales ou autres qui dessinent les contours d’un
optimum qu’il s’agit d’atteindre »60. En cela, elle est une « fonction tendant à réaliser
certains équilibres entre la concurrence et d’autres impératifs d’intérêt général, à veiller à
des équilibres que le marché ne peut produire à lui seul »61. Elle est ainsi « une fonction
d’équilibrage, de compromis, où la concurrence n’est nécessairement qu’un paramètre parmi
d’autres »62. Dans le même sens, Romain RAMBAUD la définit comme « la fonction
administrative ayant pour objet la mise en œuvre normative et contentieuse d’un ordre public
57Cohen-Tanugi (L), « L’émergence de la notion de régulation », LPA, 1998, p. 4.
58Chevallier (J), Science administrative, Paris, coll. Thémis, 1994, p. 166.
59Decoopman (N), « Peut-on clarifier le désordre », in, Decoopman (N), (dir), Le désordre des autorités
administratives indépendantes, l'exemple du secteur économique et financier
, Paris, PUF, 2002, p. 21.
60Lombard (M) « Institutions de régulation économique et démocratie politique », AJDA, 2005, p. 531.
61Ibid, p. 533.
62Guézou (O), « Contrats publics et politique de la concurrence », RFDA, 2014, p. 638.
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Introduction générale
économique visant à instaurer un équilibre entre la recherche de l’efficacité économique et
l’exécution des politiques publiques »63.
3- La régulation en tant qu’expression d’une normativité nouvelle
La régulation implique une nouvelle appréhension de la technique juridique. Elle
représente une autre approche des fonctions et des formes de la normativité64 . Pour Yves
GAUDEMET, « il existe deux définitions de la régulation : une notion matérielle, définie par
son objet, et qui consiste à concevoir la régulation comme l’action normative qui
accompagne, de façon transitoire l’ouverture d’un marché antérieurement monopolisé à la
concurrence. Alors que la définition fonctionnelle fait référence aux formes qu’elle utilise : la
présence d’un régulateur et l’utilisation d’une normativité incertaine, étrangère aux formes
ordinaires et classiques du droit »65. À l’origine de cette approche, Gérard TIMIST la voit
comme « la réponse que prétendent apporter les sociétés contemporaines au problème de la
normativité sociale, aux problèmes que posent les crises dont sont affectées les sociétés
contemporaines dans leur fonctionnement normatif »66.
Le droit de la régulation serait ainsi un droit n’ayant plus guère à voir avec le droit
règlementaire classique. Succédant au droit abstrait, général et désincarné67, droit jupitérien68
exprimant la transcendance étatique, il serait caractérisé par son adaptation au concret, son
rapprochement des individus et son adéquation au contexte des sociétés qu’il prétend régir69.
C’est le droit doux (soft law). Un droit formulé en termes d’objectifs, directives,
recommandations et misant sur la dissuasion plus que la répression70. La souplesse de ce droit
rendrait par contrecoup plus flou les frontières du droit. La régulation suppose en effet le
recours à une panoplie de moyens d’action. Les uns juridiques et les autres non juridiques71.
Cette thèse a récemment été reprise par Laurence CALANDRI qui définit l’acte de
régulation comme « une invitation adressée à des destinataires, publics ou privés, en vue de
l’adoption d’un modèle comportemental défini par son auteur qui ne lie juridiquement aucun
63Rambaud (R), L’institution juridique de la régulation, Recherches sur les rapports entre droit administratif et
théorie économique,
Paris, L’Harmattan, 2012, p. 87.
64Gaudemet (Y), « La concurrence des modes et des niveaux de régulation », RFAP, 2004, p. 13.
65Ibid, p. 14.
66Timsit (G), « Normativité et régulation », Cah. Cons. Const. 2007, p. 127.
67Timsit (G), « Les deux corps du droit, Essai sur la notion de régulation », RFAP, 1996, p. 377.
68Ost (F), « Le rôle du droit, de la vérité incarnée à la vérité négociée », in, Les administrations qui changent,
(dir), Timiste (G), Claisse (A), Belloubet-Frier (N), Paris, PUF, 1996, p. 73.

69Timsit (G), « Les deux corps du droit, Essai sur la notion de régulation », op, cit. p. 377.
70Chevallier (J), « La régulation juridique en question », Dr. et société, 2001, p. 834.
71Ibid, p. 836.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
des participants »72. Pour cet auteur, les caractéristiques de l’acte de régulation sont ainsi un
contenu incitatif, une nature effective et un processus d’élaboration informelle73. Il s’agirait
ainsi d’une normativité assouplie et décentralisée qui permet de penser les délicates
opérations d’équilibration qui prennent place entre des sources de pouvoir à la fois
complémentaires et concurrentes74. Elle prend ainsi le contrepied de la conception
traditionnelle, moniste et hiérarchique qui fait de l’État une source exclusive de la normativité
juridique75. La régulation fait de la norme juridique non plus un évènement, mais un
processus. Elle n’est plus un acte mais un programme76.
Par conséquent, la régulation favorise le côté pragmatique du droit sous-tendu par un
souci d’efficacité. La régulation débouche en dernière analyse sur une vision instrumentale du
droit qui fait de ce dernier une simple technique de gestion 77 dont la seule caution de
légitimité réside dans son efficacité. Ce pragmatisme s’accommode aux techniques souples
qui relèvent d’une direction juridique non autoritaire des conduites78. On voit se développer
des formes progressives et graduées d’émergence du droit visant par l’édiction de règles
souples et flexibles, à encadrer la pratique des acteurs sociaux, à orienter leurs comportements
et à favoriser leur autodiscipline avant d’en arriver à l’énoncer de normes contraignantes79.
4- Le critère organique de la régulation
Après avoir été majoritaire80, la position selon laquelle la régulation appelle un critère
organique spécifique avec l’existence d’une autorité de régulation spéciale semble en passe de
devenir une position presque minoritaire. La majorité de la doctrine considère en effet la
72Calandri (L), Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, 2009, Paris, LGDJ, p. 294.
73Le professeur Rambaud considère que « s’il est évident que l’existence d’un droit souple peut faire partie de la
régulation, il reste que celui-ci est un élément de son régime plutôt qu’il ne correspond à la notion de régulation
elle-même ». Il considère que les normes souples sont des incitations qui visent à orienter les comportements. Au
final, pour lui « la régulation n’est ici qu’une manifestation, peut-être un laboratoire, de la problématique plus
générale de la démocratie administrative, mais ils ne s’assimilent pas », Rambaud (R.), L’institution juridique de
la régulation, Recherches sur les rapports entre droit administratif et théorie économique
, op, cit, pp. 628-629.
74Ost (F), « La régulation, des horloges et des nuages », in, Élaborer la loi aujourd’hui, mission impossible ?,
(dir), Jadot (B), Ost (F), Van De kerchoce (M), Publications des Facultés Universitaires de Saint-Louis,
Bruxelles, 1999, p. 20.
75Dreyfus (J-D), « Pourquoi des autorités administratives indépendantes ? Approche phénoménologique », in,
Autorités de régulation et vie des affaires
, (dir), Bouloc (B), Paris, Dalloz, 2006, p. 12.
76Ost (F), « Le temps virtuel des lois postmodernes ou comment le droit se traite dans la société de
l’information»,
Les transformations de la régulation juridique, (dir), Clam (J), Martin (G), Paris, LGDJ, 1998,
p. 423.
77Amselek (P), « L’évolution générale de la technique juridique dans les sociétés occidentales, », RDP, 1982,
p. 276.
78Ibid, p. 277.
79Autin (J-L), « Réflexion sur l’usage de la régulation en droit public », in, La régulation entre droit et politique,
Paris, L’Harmattan, 1995, p. 55.
80Voir, Frison-Roche (M-A), « Le droit de la régulation », op, cit, p. 610.
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Introduction générale
régulation comme une notion fonctionnelle et banalise le critère organique. Les autorités de
régulation pouvant être des autorités indépendantes comme des autorités ministérielles81.
Organe de régulation par excellence, les autorités de régulation interviennent pour fixer des
règles de jeu et définir les équilibres souhaitables82. Créées par le législateur, non dotées de la
personnalité juridique et comprenant généralement des professionnels, elles permettent au
pouvoir exécutif de ne pas intervenir directement dans la vie économique tout en constituant
un instrument de l’État. Elles disposent de divers moyens tels que la connaissance précise des
évolutions économiques du marché, l’analyse approfondie des coûts des opérateurs et des
outils juridiques permettant de garantir une concurrence loyale (règlement des litiges
approbation des conditions techniques et financières, sanctions).
Pour Gérard MARCOU, la régulation est une « fonction partagée, elle ne peut être
confondue exclusivement avec une institution »83. La position de cet auteur est à l’unisson de
celle de la doctrine de la conciliation qui a en général une conception large du critère
organique de la régulation puisque ce dernier peut viser les institutions les plus diverses.
Ainsi, Laurence CALANDRI relève que « si habituellement, les établissements publics sont
opposés aux autorités administratives indépendantes, lieu privilégié de l’exercice d’une
activité de régulation84, ce constat peut être atténué avec l’apparition du phénomène des
agences et la recherche de l’activité de régulation au sein de certains établissements publics
peut s’avérer fructueuse ». Dans le même esprit, Yves GAUDEMET note que « si les
autorités administratives indépendantes sont les principales sources de ce droit nouveau de
régulation (…) elles n’en ont pas le monopole, les autorités classiques de l’État s’essaient
parfois, avec plus ou moins de bonheur à ce droit de régulation (…) »85.
Mais une partie de la doctrine considère que l’existence de régulateurs indépendants86
ayant pour caractéristique spécifique d’agir à la fois de manière normative et contentieuse87
81Rambaud (R.), L’institution juridique de la régulation, Recherches sur les rapports entre droit administratif et
théorie économique
, op, cit, p. 549.
82Decoopman (N), « Le désordre des autorites administratives independantes : l’exemple du secteur economique
et financier », Mélange,
Les frontiéres du droit, Paris, PUF, 2014.
83Marcou (G), « Introduction », in, Droit de la régulation, service public et intégration régionale, (dir), Marcou
(G), Moderne (F), Paris, L’Harmattan, 2005, p. 21.

84Calandri (L), Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, op, cit, p. 442.
85Gaudemet (Y), « Introduction », in, La régulation, Nouveaux modes ? Nouveaux territoires ?, RFAP, 2004,
p. 16.

86Lombard (M), « Régulateurs indépendants, mode d’emploi », in, Régulation économique et démocratie, (dir),
Lombard (M), Paris, Dalloz, 2006, p. 205.
87Dans son rapport de 2001, le Conseil d’État considérait d’ailleurs qu’il « convenait d’attribuer aux autorités de
régulation l’ensemble des pouvoirs nécessaires à l’exercice de leurs missions, c’est-à-dire tant des pouvoirs
normatifs que des pouvoirs contentieux », Conseil d’État,
Les autorités administratives indépendantes, Paris,
Documentation française, 2001, p. 257.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
comme consubstantielle au concept de régulation. Pour ces auteurs, les autorités de régulation
se distinguent des autres autorités administratives indépendantes qui se caractérisent par une
très grande hétérogénéité du point de vue des pouvoirs qui leur sont conférés, la plupart
disposant d’ailleurs de pouvoirs restreints à l’exercice d’une influence.
Il est nécessaire de distinguer la régulation de la règlementation. La régulation est en
principe une forme moderne de l’intervention publique, alors que la règlementation est une
forme traditionnelle de l’intervention publique qui permet à l’État d’intervenir directement
dans la vie économique. De plus, elle manifeste l’absence de tout libre jeu de la concurrence.
La règlementation est un mode d’encadrement de l’économie qui s’étend en la matière de
deux façons : « d’une part, l’encadrement unilatéral des conduites par l’édiction de normes
juridiques à l’objet varié et d’autre part, de façon plus étroite, l’encadrement de
l’intervention des entreprises sur certains marchés,
la règlementation équivalant
essentiellement dans ce contexte à l’édiction de droits exclusifs et spéciaux susceptible d’aller
jusqu’au monopole88.
La règlementation serait dans ce cas selon Laurent COHEN-TANGUI, « une négation de
la régulation »89. Mais est ce que le désengagement de l’État est synonyme d’absence de toute
règlementation à portée économique ? La réponse ne peut être que négative. D’abord, parce
que le désengagement de l’État n’est jamais total. Il est limité aux entreprises publiques
appartenant au secteur concurrentiel sans toucher celles du secteur stratégique90. L’État
continuera à agir directement sur l’économie par le biais de ces dernières. Ensuite, même si
l’État se désengage complètement de l’économie et cède la place à l’initiative privée, il ne
sera pas totalement absent puisqu’il continuera à agir indirectement sur l’économie par
différents moyens. Ainsi, il y aura toujours une dose de règlementation qui touchera le
domaine économique et ce même si nous sommes dans le cadre d’une économie de marché.
Régulation et règlementation pouvant donc coexister. En fait, la règlementation demeure au
service de la régulation. C’est ce que Marie-Anne FRISON ROCHE a expliqué « la
régulation ne se confondant pas avec la règlementation, laquelle demeure un instrument
disponible de la régulation »91.
88Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 185.
89Cohen-Tanugi (L), « L’émergence de la notion de régulation », LPA, 1998, p. 8.
90Ben Messaoud (K), Le désengagement de l’État des entreprises publiques et à participations publiques, Thèse,
FDSPT, 2001, p. 3.
91Frison-Roche (M-A), Le droit de la régulation, Paris, Dalloz, 2001, p. 612.
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Introduction générale
Il est indispensable aussi de distinguer la règlementation de la dérèglementation. Le
phénomène de la dérèglementation désigne à la fois le recul de la norme unilatérale tempéré
par la concurrence avec d’autres modes de production de la norme en matière économique,
qu’il s’agisse d’orienter les comportements ou même de négocier les conduites et la
libéralisation des marchés à l’intérieur desquels les prix réglementés ou encore les droits
exclusifs et spéciaux notamment les monopoles se raréfient92. Tout simplement, la
dérèglementation peut dans une première approche être considérée comme un allégement
quantitatif des textes applicables à l’économie. Ce qui est alors en cause ce n’est pas la
règlementation en elle-même mais son excès. « Trop de règlementation nuit à l’efficacité et
crée une insécurité juridique »93.
B- L’État : une notion liée à l’interventionnisme économique
En se reportant à l’histoire, nous constatons que l’État a toujours occupé une place
spécifique en tant qu’axe de la construction institutionnelle et outil d’exercice du pouvoir
politique. L’État est à la fois une réalité historique et une construction théorique, ce qui
explique la difficulté de le définir de manière pleinement satisfaisante.
Dans les préliminaires à sa Contribution à la théorie générale de l’État, Raymond
CARRÉ DE MALBERG définit l’État comme étant in concreto, une « communauté
d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le
groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres une puissance suprême d’action, de
commandement et de coercition»94. Il souligne ainsi la double acception de la notion d’État
qui correspond à un mode d’organisation sociale territorialement défini et à un ensemble
d’institutions caractérisées par la détention du monopole de l’édiction de la règle de droit et
de l’emploi de la force publique95. Ainsi, « en tant que personne juridique, l’État est une
formation résultant de ce qu’une collectivité nationale et territoriale d’individus se trouve,
soit dans le présent, soit au cours du temps, ramenée par le fait de son organisation à l’unité.
Cette unité repose, non pas sur une association entre les individus, mais sur l’organisation
étatique elle-même, celle-ci ayant pour effet d’englober et de fondre tous les éléments
individuels dont se compose la nation en un corps national unifié »96.
92Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 185.
93Colin (F), Droit public économique. Sources et principes, secteur public et régulation économique, Paris,
Gualino, Lextenso édition, 2011, p. 71.
94Carré De Malberg (R), Contribution à la théorie générale de l’État, Paris, Dalloz, 2003, p. 7.
95Maulin (E), La Théorie de l'État de Carré de Malberg, Léviathan, Paris, PUF, 2003, p. 164.
96Carré De Malberg (R), op, cit, p. 8.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
« Personnification juridique de la nation »97 , l’État peut être défini comme la personne
morale de droit public titulaire de la souveraineté. Cette dernière, émanation de la notion
même d’État, lui donne paradoxalement son autonomie en même temps que son « principe
d’unité d’action » pour reprendre les termes d’Olivier BEAUD. Selon lui, l’acte de
souveraineté « prérogative par laquelle le Souverain manifeste sa suprématie et l’État, son
unité et son indivisibilité », signifie « l’existence du monopole étatique du droit positif » et
forme un « système qui permet à l’État de développer ses capacités virtuelles de
domination »98.
L’État lato sensu, recouvrira l’ensemble des personnes publiques et sera synonyme de
puissance publique. Selon le Doyen Guillaume PROTIÈRE, la puissance publique revêt une
triple signification : « du point de vue abstrait, elle est la qualité du pouvoir exercé par
l’administration et traduit dans la notion de prérogatives de puissance publique, en ce sens,
elle participe d’une théorie de l’autorité, c'est-à-dire à une certaine conception des rapports
entre le pouvoir et la société. Du point de vue concret organique, elle recouvre l’ensemble
des autorités administratives, aussi bien étatiques que territoriales. Enfin, du point de vue
concret matériel, elle recouvre l’ensemble des attributions exercées par les autorités
administratives, elle peut alors être rapprochée de la notion de service public, sans toutefois
se confondre avec elle »99.
C’est en tant que producteur de normes juridiques que l’État est placé au cœur de cette
étude. Pour autant, le mot « État » ne pourrait y être remplacé par celui de « droit ». Bien que
la relation de l’État et l’interventionnisme économique soit ici exclusivement envisagée à
travers le prisme du droit. Ce dernier n’en reste pas moins un simple instrument de
gouvernement, un réceptacle de valeurs dépourvu de volonté agissante. L’État, s’il est
souvent envisagé comme un simple appareil ou encore si sa personnalité juridique peut être
présentée comme fictive, n’en est pas moins considéré en droit public comme un sujet de droit
doté d’une volonté qui est celle du souverain. Dès lors, envisager la relation de l’État et
l’interventionnisme économique dans le cadre du droit revient à analyser la manière dont à
travers ses gouvernants et dans l’intérêt général, il peut intervenir dans le développement
économique et social du pays. D’une part, l’intervention de l’État dans l’économie peut être
directe tout en s’appuyant sur des structures consultatives. D’autre part, elle peut être aussi
déléguée à des personnes privées ou à des personnes publiques.
97Burdeau (G), Hamon (F), Troper (M), Droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 1993, p. 31.
98Beaud (O), « La notion d’État » in, Archives de Philosophie du droit, Paris, Sirey, 1990, p. 125.
99Protière (G), « Délocalisation et puissance publique », Les délocalisations, Lyon, France, 2013, p. 9.
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Introduction générale
Lorsque l’État intervient directement et régulièrement dans un grand nombre de domaines
de l’activité économique et sociale, on parle d’interventionnisme étatique. Mais lorsque l’État
intervient indirectement par d’autres autorités comme les collectivités territoriales, les
autorités de régulation (etc.), on parle d’interventionnisme libéral. Il s’agit d’une manière
générale de passer de l’État « gérant » à l’État « garant », c'est-à-dire un État impartial qui
s’autolimite afin de rendre ses décisions plus acceptables et plus indirectes100.
L’État est donc un acteur et le droit étatique le fruit de sa volonté. Celui-ci, porteur de
sens et de valeurs aptes à nous éclairer sur le développement économique, autant que sur
l’État lui-même, découle de l’exercice des trois fonctions étatiques traditionnelles : la fonction
législative, la fonction exécutive et la fonction juridictionnelle. La loi, le règlement et les
décisions des divers ordres juridictionnels constituent ainsi la matière première de cette étude
de la relation entre l’État et l’interventionnisme économique, relation dont ils impriment le
sens en même temps qu’ils en sont les instruments. La volonté étatique sera donc envisagée
comme réelle, ce qui ne l’empêche pas d’être complexe. En outre, le droit et la jurisprudence
européenne, dont l’importance est capitale dans cette étude seront envisagés comme faisant
partie
intégrante du droit national dans
la mesure où
ils en sont des sources
infraconstitutionnelles auxquelles le peuple français a souverainement accepté de se
soumettre101.
II- Opportunité d’une étude sur l’interventionnisme économique public en France et en
Tunisie
L’objectif de cette étude sur l’interventionnisme économique public. Étude de droit
comparé franco-tunisien est d’abord d’étudier les enjeux de l’interventionnisme économique
en France et en Tunisie. Il sera en effet intéressant et utile de connaitre et d’apprécier
l’ensemble des règles de droit Français et de droit Tunisien. Bien que la France et la Tunisie
soient deux pays éloignés et très différents, ils partagent certains éléments communs. Tous
deux ont d’abord opté pour un système du droit romano-civiliste avec une dualité des ordres
de juridiction et adoptant ainsi des politiques économiques interventionnistes et se montrant
toujours réticents à la libéralisation des secteurs économiques.
100Colin (F), Droit public économique. Sources et principes, secteur public et régulation économique, Paris,
Gualino Lextenso éditions, 2011, p. 71.
101L’article 55 de la Constitution française dispose que : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou
approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord
ou traité, de son application par l’autre partie
».
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En outre, ce qui pousse à la recherche sur le thème de l’interventionnisme économique
public franco-tunisien est l’intérêt évident de fournir un nouvel éclairage sur le rôle de l’État
dans l’économie des deux pays. Il s’agit de clarifier le degré de la transparence et l’efficacité
de l’intervention des pouvoirs publics dans le développement de l’économie, la relation de
l’État avec les citoyens et les opérateurs privés et enfin la démocratisation dans la gestion des
affaires publiques nationales et locales.
Enfin, l’objectif de notre thèse est d’apporter un regard nouveau et critique sur le
changement systématique dans ces deux pays. Si les réformes économiques nécessaires au
passage d’une économie d’État à une économie du marché ont fait l’objet de nombreuses
études, la transformation du rôle de l’État a reçu moins d’attention. C’est dans ce cadre que
l’on présente une étude comparée du droit tunisien et français, où l’on essaye d’analyser ce
qui est commun entre ces deux ordres juridiques à partir d’aspects institutionnels différents.
Il faut préciser que le choix du cas français pour réaliser la comparaison avec le cas
tunisien est loin d’être le fruit du hasard. D’un côté, l’influence du droit français sur le droit
tunisien est relativement ancienne, importante et durable. D’un autre côté, le droit tunisien ce
serait au cours des dernières années tourné vers le droit des pays de l’Union européenne et en
particulier le droit français. C’est précisément dans l’examen des mutations contemporaines
du droit français que le droit tunisien peut tirer des éléments de réflexion importants sur le
sujet de l’interventionnisme économique public. C’est dans cette perspective que nous
étudierons en premier lieu le recours au droit comparé (A) et en second lieu l’intérêt de cette
comparaison entre les deux droits (B).
A- Le recours au droit comparé
Notre étude propose une étude comparative102 dans les systèmes juridiques en France et
en Tunisie. Ainsi, la comparaison est « un procédé de connaissance critique »103 qui permet
de mieux appréhender les réalités des contextes juridiques. Comme on le sait, l’étude
comparative ne montre pas seulement les spécificités et les aspects communs des systèmes
juridiques mais également les règles générales du développement du droit.
102Sur la méthode comparative, voir, Constantinesco (L-J), « Traité de droit comparé. La méthode comparative »,
Revue internationale de droit comparé, 1975, Izorche (M-L), « Propositions méthodologiques pour la
comparaison »,
RIDC, 2001, Jaluzot (B), « Méthodologie du droit comparé. Bilan et prospective », RIDC, 2005.
103Sacco (R), La comparaison juridique au service de la connaissance du droit, Paris, Economica, 1991, p. 5,
Voir, également, David (R), Jauffret-Spinosi (C),
Les grands systèmes de droit contemporains, Dalloz, Paris,
2002, Legrand (P), « Sur l’analyse différentielle des juris-cultures »,
RIDC, 1999.
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Introduction générale
L’étude comparative est depuis longtemps connue comme féconde dans le domaine du
droit civil moderne. « Connaitre, comprendre, comparer »104, telles sont les opérations
composant le processus comparatif chez Léontin-Jean CONSTANTINESCO. Selon lui, « la
première phase exige d’étudier le terme tel qu’il est et selon la méthode propre à l’ordre
juridique auquel il appartient. La compréhension qui constitue la deuxième phase, consiste à
réintégrer le terme dans son système juridique. La troisième phase, quant à elle, commande
de comparer de façon méthodique tous les aspects des termes à comparer point par point et
élément par élément et surtout d’aller de l’analyse vers la synthèse »105.
Adhémar ESMEIN définit le droit comparé comme suit : « il faut classer les législations
des différents peuples en les ramenant à un petit nombre de familles ou de groupes dont
chacun représente un système de droit original et ainsi faire connaitre la formation
historique, la structure générale et les traits distinctifs de chacun de ces systèmes »106. Par
ailleurs, en comparant les systèmes administratifs, nous pouvons comprendre l’organisation
de l’administration, ses rapports avec les autres systèmes et notamment avec le système avec
lequel elle est plus ou moins aliénée. La comparaison facilite aussi une prise de distance par
rapport au système national. Elle permet de mettre en lumière son originalité ou ses faiblesses
et de découvrir des systèmes juridiques fonctionnant sur d'autres bases avec d’autres
référentiels.
Il nous semble que l’objectif de toute comparaison, après avoir comparé les idées et les
théories consiste à proposer une solution. Le droit comparé peut contribuer à l’identification
des solutions existantes dans différents systèmes de droit pour trouver la réponse à un
problème spécifique107. C’est comme l’a écrit Czachórski WITOLD, « chercher des solutions
plus adéquates et plus justes en connaissance de l’expérience des autres (…) reste l’idée la
plus noble des recherches comparatives »108.
La recherche se conduit alors d’une façon comparative. La France et la Tunisie sont deux
pays comparables quant à leur appartenance au modèle romano-germanique, se démarquant
des droits américains et britanniques qui semblent les mieux adaptés à une redéfinition de
104Constantinesco (L-J), op, cit, p. 122.
105Ibid, p. 123.
106Esmein (A), Eléments de droit constitutionnel français et comparé, Paris, Sirey, 2001, p. 14.
107Muir-Watt (H), « La fonction subversive du droit comparé », RIDE, 2000, p. 519.
108Czachroski (W), « Le problème du cumul de la responsabilité contractuelle et délictuelle », 6éme congrès
international de droit comparé Hambourg
, 1962, pp. 351-353.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
l’interventionnisme public en matière économique109. Sur cette base, comme le souligne
Mohamed Salah MAHMOUD « le modèle anglo-saxon est jugé plus libéral et plus souple,
donc plus compétitif »110.
B- L’intérêt de la comparaison des modèles français et tunisien
Le choix des systèmes français et tunisien a été motivé en premier lieu, par l’influence
marquante qu’a exercée la France depuis le protectorat. Ensuite, par le fait de l’appartenance
de ces pays à deux systèmes juridiques qui cherchent à établir leur influence dans les activités
économiques au niveau international. Enfin, il existe des points communs en ce qui concerne
leur organisation juridique et institutionnelle. En effet, ces deux pays sont soumis à la
règlementation du droit européen notamment en ce qui concerne le droit de la concurrence.
Cette base commune facilite la comparaison de l’environnement juridique du droit français.
Le but principal de ce travail n’est pas seulement de comparer les similitudes et les
convergences entre les deux droits, notre recherche va beaucoup plus loin étant donné que
notre objectif est la recherche des solutions juridiques les mieux adaptées aux problématiques
de l’intervention de l’État dans l’économie. Dans ces conditions, l’approche large qui permet
d’étudier le modèle français dans le contexte politico-économique est nécessaire pour les
travaux de réformes juridiques et institutionnelles en Tunisie. La richesse des expériences
politiques et économiques du droit français peut apporter des solutions pour la réforme du
modèle économique tunisien : un système juridique harmonisé à l’ouverture à la globalisation
et à la construction de l’État de droit.
Si les textes juridiques tunisiens dans le domaine économique sont influencés par les
idées politiques de l’Union européenne, l’étude comparative donne un double éclairage. D’un
côté, l’étude du système économique européen comme la France permettra une réflexion plus
globale qui sera utile pour enrichir les réformes en Tunisie. D’un autre côté, la France peut
apprendre des dispositifs dans les modèles juridiques particuliers appliqués en Tunisie. Il est
vrai que l’échange des idées et des expériences n’aboutit pas toujours à concevoir une réponse
idéale, mais il permettra de trouver une solution adaptée aux contextes socio-économiques de
chaque pays, tel le premier accord international visant à ouvrir à la concurrence internationale
les activités économiques. D’ailleurs, l’article 52 de l’accord d’association Tunisie-Union
européenne dispose que « la coopération vise à aider la Tunisie à rapprocher sa législation
de celle de la communauté dans les domaines couverts par le présent accord ». En outre, la
109Melleray (F), « L’imitation de modèles étrangers en droit administratif français », AJDA, 2004, p. 1225.
110Mohamed Salah (M), Les contradictions du droit mondialisé, Paris, PUF, 2002, p. 78.
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Introduction générale
comparaison du droit français avec celle des États membres de l’Union européenne s’avère
souhaitable. Si aujourd’hui, plusieurs règles du droit français sont d’origine européenne, il est
incontestable qu’initialement l’influence était dans le sens inverse. Dans ce contexte de
« mondialisation du droit »111, l’étude du droit comparé s’avère de plus en plus nécessaire.
Avec la mondialisation, l’étude de droit comparé associé au droit international pourrait
être la solution optimale pour une meilleure harmonisation et uniformisation des règles
juridiques. Il nous permet de comprendre les relations entre les institutions juridiques et
d’envisager l’interprétation des similitudes et des différences dans le cadre d’une comparaison
bilatérale. La démarche comparative nous sert à découvrir la meilleure solution aux problèmes
juridiques nouveaux ou controversés.
Cependant, le parallélisme des problèmes posés n’a pas abouti à la création de concepts
juridiques identiques. Dans ce sens, il semble crucial de distinguer entre l’imitation spontanée
et l’imitation imposée. En France, l’ouverture à la concurrence et à l’économie de marché
était un choix spontané illustré par l’aménagement des monopoles publics. En revanche, en
Tunisie, le processus d’ouverture à la concurrence a été imposé par les institutions financières
internationales. La conjoncture internationale a imposé à la Tunisie certaines règles de
conduite. Elle a été appelée à recourir à des mécanismes plus souples et plus transparents
capables de répondre aux exigences de la compétitivité sur les marchés internationaux.
L’étude du cas tunisien est fort intéressante car elle permet d’évaluer le phénomène
d’influence juridique que subissent les systèmes juridiques de certains pays qui se préparent à
l’association ou même à l’adhésion à l’Union-européenne.
Pour tenter de comprendre les composantes des deux ordres juridiques, l’objectif
poursuivi est d’inscrire ces deux droits dans leur cadre en mettant l’accent sur le contexte de
la règle de droit, qui doit s’expliquer en termes de facteurs environnementaux, tels que
l’histoire, l’économie et la politique. Ces éléments extérieurs au droit jouent un rôle important
dans l’exécution des normes juridiques de chaque pays. Il semble alors crucial d’étudier l’état
de la question en droit tunisien (A) ainsi qu’en droit français (B).
111Sur cette question, voir, Stern (B), « La mondialisation du droit », Projet, 2000, Delmas-Marty (M), La
mondialisation du droit : chances et risques
, Paris, Dalloz, 1995.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
A- L’état de la question en Tunisie
Au Congrès de Berlin en 1878, la Grande Bretagne accorda à la France la libre
intervention en Tunisie contre celle de la Turquie pour elle-même112. Une excuse pour
l’intervention française en Tunisie se présenta en avril 1881 quand une expédition punitive fut
déroutée en Tunisie. La convention de La Marsa de juin 1883113 signifia l’acceptation du
Traité du Bardo114 par Ali BEY115 et l’instauration du Protectorat Français116. Suite à la
conclusion de cette convention, complétant le traité de Ksar-Saïd du 12 mai 1881, les
autorités françaises ont imposé un ensemble de réformes qui se résument en une transposition
du modèle administratif française à l’administration tunisienne.
Pendant toute l’ère du protectorat, l’activité économique était essentiellement assurée par
des entrepreneurs privés principalement de nationalité étrangère. L’intervention directe de
l’État étant assez faible. À l’occasion de l’accord entre la France et le Maroc en 1956, le
nationalisme tunisien a alors connu un regain de vigueur. Le 25 mars 1956, le Président Habib
BOURGUIBA était élu à la présidence de l’Assemblée et proclamait l’indépendance de la
Tunisie en avril 1956.
Dès 1956, l’État a dû affronter plusieurs défis, d’autant plus difficiles à lever que
l’épargne nationale était très insuffisante et que la plupart des entrepreneurs européens qui
tenaient les rênes de l’économie avaient quitté brusquement le pays en drainant à l’étranger
tous les capitaux. Quant aux nationaux, ils n’avaient ni l’expérience, ni les moyens pour
112« La France qui occupa Alger en 1830 puis Constantine en 1837, s’intéresse de plus en plus à la Tunisie. Cette
dernière se trouve dans une situation économique difficile depuis l’abolition de l’esclavage en 1819 puis des
guerres de course en 1824. La Tunisie a subi de nombreuses épidémies et famines en 1784, 1805 et 1818. Le Bey
Ahmed puis le Bey Muhammad Al-Saduq vont faire appel à l’expertise étrangère pour tenter d’améliorer la
situation économique difficile du pays ». Tamzini (W),
Tunisie, Bruxelles, De Boeck, 2013, p. 15.
113La convention de la Marsa du 29 mai 1883, JOT, 1884, p. 313.
114L’article 2 du traité du Bardo dispose que : « En vue de faciliter au gouvernement de la République française
l’accomplissement des mesures qu’il doit prendre pour atteindre le but que se proposent les hautes parties
contractantes, son altesse le Bey de Tunis consent à ce que l’autorité militaire française fasse occuper les points
qu’elle jugera nécessaire pour assurer le rétablissement de l’ordre et la sécurité des frontières et du littoral. Cette
occupation cessera lorsque les autorités militaires françaises et tunisiennes auront reconnu d’un commun accord,
que l’administration locale est en état de garantir le maintien de l’ordre ».
115« Le Bey est un terme turc, signifiant « seigneur » et désignant le titre porté sous l’Empire ottoman par les
officiers supérieurs et hauts fonctionnaires. A Tunis, le Bey était le vassal du sultan d’Istanbul ». Tamzini (W),
op, cit, p. 15.
116« Le protectorat est une forme de régime politique relevant de la période coloniale. Ce régime présente une
forme traditionnelle de soumission, mais se distingue de la colonisation au sens strict. En Tunisie, le protectorat
instauré en 1881 prévoit de maintenir les institutions déjà présentes et de les respecter, au moins formellement.
En revanche, la puissance coloniale se charge de gérer les questions relatives au domaine financier, à l’armée ou
encore à tout ce qui concerne les relations internationales ». Tamzini (W),
op, cit, p. 18. Sur les origines et le
régime du Protectorat en Tunisie, voir, Julien (CH.-A.),
Les origines du Protectorat français en Tunisie, 1861-
1881, Paris, PUF, 1959, Ibn Abi Dhiaf (A),
Présent des hommes de notre temps. Chroniques des rois de Tunis et
du Pacte fondamental
, Tunis, MTE, 1966.
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Introduction générale
prendre la relève des étrangers117. L’État allait donc agir exclusivement en protégeant
l’industrie naissante, favorisant le capital investi et en faisant face à la faiblesse, voire
l’inexistence de tradition industrielle, l’absence d’un système productif constitué, l’état
embryonnaire du secteur privé et l’exigüité du marché local118. Pour cela un appareil
administratif puissant et omniprésent a été mis en place. Il était d’ailleurs traduit par une
centralisation excessive119, une inflation législative et règlementaire remarquable et une
multiplication et une diversification des structures administratives120.
La crise de 1969 a révélé aux pouvoirs publics tunisiens la mauvaise gestion des services
publics et les défaillances du système étatique. En effet, l’expérience dirigiste marquée par la
totale intervention de l’État dans la vie économique s’était soldée par des crises économiques
graves : les expatriés sont partis avec leur épargne, les finances publiques sont insuffisantes et
la dette publique s’accroit. Tous ces indicateurs économiques en berne ne permettent pas
d’assurer un développement économique satisfaisant, d’où l’interventionnisme des premières
années du règne de Bourguiba121. Dans le but d’apporter des solutions à ces problèmes, les
dirigeants avaient choisi de transformer le modèle français au lieu de l’expulser. Cette
transformation comme l’a expliqué Michel DURUPTY : « se développe dans un contexte
d’ouverture à l’Occident et de souci de modernisation des structures de l’appareil
administratif d’État »122.
Hedi NOUIRA, défenseur d’une idéologie libérale et nommé à la tête du gouvernement
va prôner le désengagement de l’État dans l’économie. Il donne priorité à la reprise
économique, au développement du secteur privé, en délaissant le développement social,
culturel ou encore éducatif. Chose qui sera réalisée en 1982, lors du sixième plan de
développement qui préconise le désengagement. En 1986, est signé le Programme
d’ajustement structurel imposé par le Fonds monétaire international (FMI)123 en contrepartie
117Cherif (S), Kammoun (M), Les entreprises publiques en Tunisie, Tunis, ENA, 1994, p. 5.
118Gherairi (GH), Ben Khemis (W), Babacheikh (A), Droit administratif de la concurrence, FDSPT, 2010, p. 7.
119Historiquement, la Tunisie a profité d’une longue et riche tradition de structures étatiques et de souveraineté
politique qui a commençé depuis la fondation de Carthage en 814 avant JC. La centralisation quant à elle date de
l’époque Hafside (1207-1753) et a été poursuivie par les Mouradites et les Husseinites. Cette organisation
étatique a bénéficié également des différentes occupations politiques qu’a vécues la Tunisie tout au long de son
histoire. Cependant, les origines profondes de l’organisation étatique, on ne peut parler d’une identité-nation en
Tunisie avant 1956, date de l’indépendance.
120Aouij Mrad (A), « Les lois d’évolution des strctures administratives centrale », in, administration du
changement,
Tunis, CPU, 1991, p. 117.
121Tamzini (W), op, cit, p. 79.
122Durupty (M), « Transposition et mutation du modèle administratif français (les cas libanais et tunisien) », Bull,
IIAP
, 1975, p. 80.
123« Le FMI est créé au sortir de la Seconde Guerre mondiale lors de la conférence de Bretton Woods. Les
nations réunies ont voulu mettre en place une institution capable d’assurer leur coopération économique dans le
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
des prêts accordés à la Tunisie par la Banque mondiale (BM). C’est le début d’une période de
libéralisation de l’économie. Cinq ans après, la Tunisie signait l’accord de libre-échange avec
l’Union européenne à Bruxelles le 17 juillet 1995 : « considérant l’importance que les parties
attachent au respect des principes de la Charte des Nations Unies, et en particulier, au
respect des droits de l’homme et des libertés politiques et économiques qui constituent le
fondement même de l’association, considérant les progrès importants de la Tunisie et du
peuple tunisien vers la réalisation de leurs objectifs de pleine intégration de l’économie
tunisienne à l’économie mondiale et de participation à la communauté des États
démocratiques »124. Dès lors, on assistera à l’ouverture des secteurs des télécommunications,
de l’électricité, du gaz et du transport à la concurrence. L’intégration de l’économie
tunisienne à l’économie mondiale constitue donc l’objectif économique suprême de l’État
tunisien dont la réalisation sera conditionnée par la consécration de la politique libérale et
l’ouverture à la concurrence de plusieurs secteurs économiques.
Malgré cette ouverture à la concurrence et à l’économie de marché, l’environnement
économique ne s’est malheureusement pas fondé sur la concurrence, ceci résultant en grande
partie à un environnement règlementaire qui ne soutient pas la concurrence et est au contraire
basé sur les restrictions à l’accès125. En plus, le développement économique ne bénéficie pas à
tous les Tunisiens et à tous les secteurs de l’économie. D’une part, les entreprises prospèrent
essentiellement au nord du pays. D’autre part, les secteurs qui se développent sont ceux du
textile essentiellement. Les autres ont du mal à survivre sans l’aide étatique et les
subventions126.
La crise économique et financière des Subprimes en 2008 a fragilisé une économie
dépendante des marchés extérieurs et s’est répercutée sur les politiques économiques. La
Révolution a fini par impacter négativement sur la stabilité et la croissance économique. La
Banque mondiale en 2014 dans son rapport intitulé « la révolution inachevée » est arrivée à la
conclusion suivante « jusqu'à présent, plus de 50 pourcent de l’économie tunisienne
demeurent soit fermée soit soumis à des restrictions d’accès, et de nombreux règlements et
but d’éviter que ne se reproduisent les « dévaluations compétitives qui avaient contribué à la grande crise des
années 1930 ». Tamzini (W), op, cit, p. 82.
124Article de l’accord d’association entre la Tunisie et l’Union européenne du 17 juillet 1995.
125Banque mondiale, « La Révolution inachevée. Crée des opportunités, des emplois de qualité et de la richesse
pour tous les Tunisien »
Revue des politiques de développement, 2014, p. 83.
126Tamzini (W), op, cit, p. 80.
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Introduction générale
interventions gouvernementaux mènent à la distorsion du développement du marché et créent
des obstacles indésirables… »127.
B- L’état de la question en France
La Monarchie de l’Ancien Régime a initié un mouvement de maitrise de l’économie par
les pouvoirs publics. Les manufactures relevaient plutôt d’une association entre le Roi et des
entrepreneurs bénéficiant de véritables privilèges (monopoles, règlementation, etc.). C’est
probablement le colbertisme qui a initié en France une tradition d’interventionnisme dont elle
ne s’écartera jamais complètement128. Le rôle de l’administration ne s’arrêtait pas à la
production règlementaire, au contrôle et à la sanction. Les inspecteurs de COLBERT
assuraient aussi une mission d’instruction des fabricants, voire même une mission de
conciliation en cas de conflits entre professionnels129. Le rôle de l’administration édifiée par
COLBERT incluait une large part d’action incitative et de soutien envers les fabricants et les
marchands130.
De la Révolution à l’issue de la Première Guerre mondiale, la Bourgeoisie triomphante
ayant conquis la liberté économique, entendait la préserver face aux incursions de l’État. C’est
une période de libéralisme économique. L’État libéral ne devant jouer aucun rôle sur le jeu du
marché, il s’est trouvé réduit à ses fonctions essentielles, notamment régaliennes. Dès l’issue
de la Première Guerre mondiale, marquée par la nécessité d’une reconstruction et plus encore
lors de la crise économique des années 1930 manifestant les insuffisances du libre jeu du
marché, l’État a été appelé à jouer un rôle de direction de l’économie, d’incitation et de
gestion de
la conjoncture économique, prérogatives réunies au service d’un État
interventionniste. Ainsi, il se voit investi d’une nouvelle fonction, celle de protéger les
individus contre la crise131. Il n’assume plus seulement un rôle de protecteur ou de garant du
127Tamzini (W), op, cit, p. 80.
128Le terme « colbertisme » est souvent utilisé pour désigner la politique d’intervention active de l’État français
dans l’économie. « Cette doctrine permet de réfléchir sur le rôle de l’État dans l’ensemble des activités
économiques d’un pays sans être obligé de passer par une grille de lecture marxiste. Le colbertisme se situe du
côté du libéralisme, mais un libéralisme corrigé par le dirigisme et le protectionnisme économiques. C’est donc
la question du rôle de l’État que pose le colbertisme, un courant de pensée qui revient à la mode aujourd’hui dans
les pays occidentaux, excepté chez les anglo-saxons ». Emmanuel Niamien N’Goran (E.), « Afrique, les trois
piliers du développement : l'État, l'entreprise, la société civile »,
Géoéconomie, 2013, p. 33.
129Réglementation, développement des manufactures privées et entreprises publiques. Sur cette question, Voir,
Piettre (A),
Economie dirigée d’hier et d’aujourd’hui : du colbertisme au dirigisme, Paris, Librairie de Médicis,
1947.
130Nicinski (S), op, cit, pp. 23-24.
131Sur ces questions historiques, voir, Legendre (P), Histoire de l’administration du 18ème siècle à nos jours,
Paris, PUF, 1968, Rosanvallon (P)
, L’État en France, de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 1990, aussi, « Histoire
économique de la France au XXème siècle »,
Cahiers Français, 1992, Asselain (J-CH), Histoire économique de
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
marché, mais doit désormais accomplir sa fonction à l’aide de véritables mesures
d’intervention destinées à en corriger les effets132. Cette économie administrée se traduit par
une règlementation des professions, par des vagues de nationalisations ou par une politique de
planification. Il s’appuie en général sur le keynésianisme133.
La Véme république, quant à elle, a voulu établir un véritable pouvoir d’État
monopolisant la définition des politiques publiques134. La forte emprise de l’État en période
d’économie dirigée fut surprenante135. Le droit était alors fortement utilisé pour discipliner
l’économie. D’après Georges RIPERT, « s’il faut diriger l’économie, les économistes auront
sans doute à dire pourquoi et vers quel but, mais les juristes seuls pourront dire par quelles
règles et par quelles sanctions »136
. Pierre ROSANVALLON rappelle ainsi, « qu’une des
fonctions fondamentales de l’État, c’est d’être (...) un instituteur du social. L’État,
historiquement a donné forme aussi à la société. Comment ? Tout simplement en lui donnant
des équivalents généraux »137.
À partir du milieu des années quatre-vingts, nous parlerons d’interventionnisme libéral
pour caractériser l’idée d’une synthèse entre les deux conceptions précédentes du rôle de
l’État appelé à préserver, à garantir, à stabiliser le libre jeu du marché plus qu’à en diriger
l’évolution. Le nouveau rôle de l’État renouera plutôt avec la conception la plus originelle du
libéralisme qui n’avait jamais totalement refusé toute intervention de l’État. Quoi qu’il en
soit, effet de mode oblige, on utilise plus généralement le terme « État régulateur »138.
la France, du XVIII ème siècle à nos jours, Paris, Seuil, 1984, Caron (F), Histoire économique de la France
(XIX et XX
ème), Paris, Armand Colin, 1999.
132Nicinski (S), op, cit, p. 30.
133C’est à cette époque que se sont développés les établissements publics industriels et commerciaux, que la
jurisprudence administrative et la législation des interventions économiques publiques s’assouplissent. L’État
encadrait plus étroitement le secteur des assurances, prenait des participations dans les sociétés et contrôlait les
importations. Sur le plan politique, les gouvernements de Front populaire (1936-1937) firent des réformes qui
accrurent l’interventionnisme (nationalisation des transports ferroviaires, aéronautique, création de l’office du
blé).
134Rouban (L), « La modernisation de l’État et la fin de la spécificité française », RFSP, 1990, p 55.
135« Deux variétés de capitalisme tendent à monopoliser l’attention des chercheurs : le capitalisme de marché,
incarné par les États-Unis et la Grande-Bretagne, où l’État libéral laisse les acteurs économiques opérer de
manière autonome ; et le capitalisme « coordonné », que l’on trouve en Allemagne ainsi qu’en Autriche, aux
Pays-Bas ou en Suède, où l’État « facilitateur » encourage les acteurs économiques à coopérer et à coordonner
leurs activités. La France, lorsqu’elle figure dans ces analyses, est placée soit quelque part entre les deux, soit
dans une sous-catégorie du capitalisme « coordonné » caractérisée par un État plus actif et une coopération
moindre des acteurs économiques. Elle était certes considérée, naguère encore, comme la représentante d’un
troisième modèle, le capitalisme d’État, dans lequel l’État organise la coopération entre les acteurs économiques
et oriente directement leurs activités », Vivien-Ann (S), Rachel (B), « Les beaux restes du capitalisme d’État à la
française »,
Critique internationale, 2000, p. 163.
136Ripert (G), « Aspect juridique du capitalisme moderne », Revue économique, 1952, pp. 888-889.
137Audition de Pierre Rosanvallon devant la section de l’aménagement durable des territoires, le 7 avril 2010.
138Nicinski (S), op, cit, p. 36.
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Introduction générale
Certains analysent l’émergence d’un État régulateur comme le signe d’un recul de l’État. Il
nous semble que loin d’opérer un repli, l’État organise plutôt un redéploiement de ses
prérogatives. Il n’y a pas moins de règlementations économiques ni moins de contrôles, mais
tout simplement une règlementation conçue différemment ou un contrôle confié à diverses
entités non soumises à la hiérarchie des ministères qui n’en demeurent pas moins rattachées à
l’État.
La crise des années 2007-2008 et le besoin d’État vont sans doute amplifier la nécessité de
bénéficier d’une vision claire des modalités juridiques de l’État moderne. Cette crise va initier
un retour de l’État car il reste le seul garant efficace et crédible de l’économie.
III. Problématique et plan
Notre but est l’analyse de l’interventionnisme économique public en nous appuyant sur
une approche comparée franco-tunisienne en tenant compte des conditions historiques et des
caractéristiques de l’étape moderne, afin de montrer son contenu essentiel. En même temps,
nous prendrons en considération l’influence des multiples facteurs de caractère interne et
externe sur le droit français et le droit tunisien.
Nous allons adopter une approche pluri-disciplinaire. On ne se contentera pas de sciences
juridiques, on reviendra parfois à la science politique ou encore à la science administrative
pour mieux cerner le phénomène de la transition vers l’économie de marché ou les origines de
l’interventionnisme économique en France et en Tunisie, les plus importantes relevant du
droit public. Plusieurs de ces aspects sont en effet saisis par le droit public économique, le
droit public des affaires, le droit de la concurrence et le droit administratif.
La problématique qui nous préoccupe ainsi, est celle de l’objectif de la régulation
publique, étant donné que « la règlementation laisse sa place à la régulation »139. Imposée ou
procédant d’une stratégie spontanée soit volontaire, la régulation a-t-elle vraiment atteint les
objectifs espérés ? Entre état des
lieux et enjeux comment peut-on appréhender
l’interventionnisme économique public en Tunisie post-révolutionnaire ? Quel est le véritable
visage de la régulation aujourd’hui ? Le recours à l’État est-il encore envisageable dans le
cadre de l’intégration économique et du désengagement de l’État ?
139Morand (CH-A), « Régulation, complexité et pluralisme juridiques », in mélanges, Amselek (P), Paris,
Bruyant, 2005, p. 615.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
L’ensemble de ces questions illustre la diversité des enjeux que peut poser
l’interventionnisme économique et nous amène à formuler la question à laquelle cette thèse
entend répondre à savoir : Comment l'intervention de l'État en France et en Tunisie participe-
t-elle au développement économique à l’échelle nationale et locale ?
L’étude de l’interventionnisme économique public et son état de développement au sein
des deux systèmes juridiques français et tunisien sera articulés autour de deux axes. Le
premier sera réservé à l’étude des fondements de l’interventionnisme économique public où il
faudra d’abord décrire les principes de l’intervention de l’État en période d’économie dirigée
puis repérer les facteurs qui ont diminué le monopole de l’État. Un deuxième axe sera
consacré à la mise en œuvre de ces principes par l’étude de différentes modalités tant
institutionnelles que fonctionnelles les plus couramment utilisées. Cet examen nous permettra
d’apprécier le degré d’adaptation des dispositions qui les exercent et les modalités et les outils
qu’ils mettent en œuvre.
PREMIÈRE PARTIE : Les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une
économie administrée à une économie concurrentielle
DEUXIÈME PARTIE : La mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une
configuration monopolistique à une logique concurrentielle
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Première partie :
Les fondements de l’interventionnisme
économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle
Dans cette première partie, nous espérons fournir ainsi une grille d’analyse140 capable
d’éclairer les fondements de l’interventionnisme économique public en nous appuyant sur une
approche comparée franco-tunisienne, fondements qui expliquent l’évolution de l’ensemble
des actions accomplies par l’État en matière économique141. D’une part, l’action de la
puissance publique peut être directe et dirigiste, ce qui revient à dire qu’elle prend elle-même
en charge une activité économique142. D’autre part, l’action de la puissance publique peut être
régulatrice143 c'est-à-dire qu’elle agit par la voie normative en édictant des règles limitant le
libre arbitre des acteurs économiques et favorisant les libertés économiques et la concurrence.
Nous pouvons ainsi, constater que ces fondements s’articulent autour de deux visions
radicalement opposées.
L’interventionnisme économique a toujours été consacré par les textes juridiques, il repose
sur un certain nombre de principes d’organisation économique et sociale. Son essor et son
développement sont liés à des fondements juridiques, idéologiques, économiques et
politiques. L’analyse de ces différents fondements est d’une importance majeure. Il nous
permet en premier lieu d’apprécier les différents objectifs que peuvent poursuivre les pouvoirs
publics en matière de politiques économiques et en second lieu de connaitre les différents
problèmes de la transition auxquels la France et la Tunisie doivent faire face et les solutions
adoptées pour gérer tel ou tel problème.
En France, après la Seconde Guerre mondiale144 et en Tunisie après l’indépendance145,
l’État a été construit selon un modèle centralisé146, dans lequel l'autorité centrale détient la
140Coiffier (E), Crozet (Y), Dehoux (D), Faure (F), Guiot (M), Renaud (J-F), Théories et pratiques de
l’intervention économique de l’État
, Paris, Éditions Nathan, 1987, p. 2.
141Pelettier (M-L), L’entreprise publique de service public, Déclin et mutation, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 7.
142Dreyfus (F), L’interventionnisme économique, Paris, PUF, 1971, p. 6.
143Cette idéologie entraine l’absence de l’action publique dans l’économie, laissant toute la place à la
concurrence et à la liberté du commerce et de l’industrie. Ainsi, l’institution des règles de la concurrence signifie
dans le premier temps la fin symbolique de l’interventionnisme étatique.
144Sur cette question Voir, Rosanvallon (P), L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Éditions Du Seuil,
1990. Teulon (F),
Le rôle de l’État dans l'économie, Paris, Édition du Seuil, 1997, Weber (L), L’État acteur
économique, analyse économique du rôle de l’État
, Paris, Economica, 1997.
145Sur cette question, voir Article Aouij Mrad (A), « Évolution et perspective du service public en Tunisie »,
RTD, 1998, Actes de colloque La régulation, (dir), Ben Salah (H), Aouij Mrad (A), op, cit, 2010, Ben Salah (H),
Administration et changement : mutation structurelles et pénétration territoriales en Tunisie, Toulouse, Presses
de l’institut d’études politiques Tunis : Publications de la Faculté de droit et des sciences politiques, 1991 et
aussi son ouvrage :
L'organisation administrative de la Tunisie, Tunis, CREA, 1993.
146« La centralisation signifie la limitation de l’activité de l’État à la capitale, sans partage avec les autorités ou
les autres organisations situées en province. Par conséquent, la centralisation s’appuie sur deux points essentiels,
le premier étant l’unité du pouvoir ou la concentration de l’activité administrative aux mains du pouvoir central
représenté par les hauts dirigeants de la capitale. Le deuxième point est relatif à la dépendance au pouvoir
présidentiel qui implique l’existence d’un Président au sommet de la hiérarchie, qui détient le pouvoir final de
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
totalité des pouvoirs de décision en matière économique, sociale et politique. L’idée sous-
jacente résulte que le marché n’est pas un bon mécanisme de redistribution des ressources, il
incombe à l’État d’assurer la responsabilité du complément du bien-être nécessaire aux
membres de la société. Cependant, à la fin des années soixante-dix, la figure de l’État
interventionniste s’est estompée rapidement et a montré ses limites147. En France comme en
Tunisie, on assiste de plus en plus à un recul de cette forme d’État. L’étatisme était considéré
non seulement comme un obstacle au développement économique et social mais aussi à la
liberté économique et à la concurrence (Titre 1). Dès lors, l’État a changé ses modes
d’interventions pour instaurer de nouveaux les mécanismes d’autorégulation. Ce changement
a consisté à diminuer l’intervention directe de l’État au profit du développement d’un
marché148 au sein duquel les activités de l’État devraient être soumises aux règles de la
concurrence. Mais malgré le désengagement de l’État et la politique de la privatisation et de la
libéralisation, l’économie possède encore des lacunes intrinsèques. Ses limites ont conduit à la
Grande crise149 des « Subprimes » en 2008 et à l’éclatement de la Révolution Tunisienne en
2011. Face à ces défis, la majorité des observateurs convergent vers l’inefficacité de l’État
régulateur à résoudre les problèmes économiques et vers l’idée de la redéfinition du rôle
économique de l’État. (Titre 2).
trancher toutes les décisions. Cela englobe les individus qui lui sont subordonnés, les activités qu’ils exercent
ainsi que le pouvoir de contrôle et de recours. Mais, le système de centralisation ne signifie pas que le pouvoir
central doit tout gérer dans l’État. En revanche, cela nécessite l’existence d’organes du pouvoir se partageant
l’exercice des affaires. Mais ces organes n’ont aucune indépendance dans l’exercice de leurs fonctions car ils
sont généralement subordonnés au pouvoir central ». Tulard (J), Tulard (M-J),
Napoléon et quarante millions de
sujets. La centralisation et le Premier Empire, Paris, Taillandier, 2014, pp.403-412
147Idoux (P), Colson (J-Ph), Droit public économique, op, cit, p. 17.
148Truchet (D), « État et marché », Arch. Phil. Droit, 1995, p. 314.
149Entendre crise dans le sens de « circonstances exceptionnelles contrevenant à l’ordre normal des choses » :
Houlou (A), « La qualification juridique des états de crise »,
Gaz. Pal., 1998, pp. 7-12.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Titre 1. L’État interventionniste : du renforcement au déclin
de l’intervention de pouvoirs publics dans la direction de
l’économie
Historiquement, dans l’État gendarme, chacun pouvait vivre à sa façon. L’État limitant
ses interventions aux fonctions régaliennes. C’est la Première Guerre mondiale et la triple
crise « une crise bancaire, une crise des finances étatiques et une crise de l’économie
réelle »150, en plus de la politique du New Deal151 aux États-Unis et l’action des travaillistes
en Grande-Bretagne ou encore avec les nationalisations du Font populaire en France que vont
s’amplifier les problèmes économiques et sociaux. Ceci poussera l’État à intervenir bien au-
delà du cadre de l’État gendarme152 et surtout s’y donner des responsabilités nouvelles dans la
conduite de sa politique économique et une nouvelle légitimité à ses interventions153.
L’interventionnisme très poussé des pouvoirs publics, le rôle prépondérant du secteur
public, la règlementation stricte de l’État sur l’ensemble des activités économiques, la
planification étatique centralisée, le monopole de l’État sur les activités économiques,
l’influence croissante de projets politiques portés en Europe par
les mouvements
socialistes154, la nationalisation de la Banque de France par la loi du 2 décembre 1945155, les
créations de GDF et EDF par la loi du 8 avril 1946156 et la nationalisation de nombreuses
compagnies d’assurances par la loi du 25 avril 1946157 illustrent l’ampleur d’un État
interventionniste en France.
150Wolfgang (S), Du temps acheté, La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique, Paris, Éditions
Gallimard, 2014, p. 30.
151Le New Deal est le nom de la politique interventionniste mise en place par le Président Franklin Roosevelt
pour lutter contre la crise économique de 1929. Il constitue la première expérience d’État providence aux États-
Unis. Le New Deal a pour objectif d’enrayer la crise par une réforme du système bancaire, l’abandon de l’étalon
or, la dévaluation du dollar (etc.).
152Bottini (F), L’État interventionniste. Le rôle de la puissance publique dans l’économie, Paris, L’Harmattan,
2012, p. 62.
153En ce qui concerne l’histoire de l’interventionnisme économique en France et en Tunisie, Voir Asselain (J-
CH),
Histoire économique de la France du XVIII siècle à nos jours, Paris, Éditions du Seuil, 1984, Caron (F),
Histoire économique de la France
, Paris, Impr. Hemmerlé-Petit, 1981, Chouika (L), Gobe (E), Histoire de la
Tunisie depuis l’indépendance,
Paris, La découverte, 2015, Leclercq (Y), Histoire économique de la France :
L’ancien régime (XVII-XVIII),
Paris, Dalloz, 1993, Leménorel (A), Nouvelle histoire économique de la France,
l’économie libérale à l’épreuve 1914-1948
, Paris, La Découverte, 1998, Sauvy (A), Histoire économique de la
France : entre les deux guerres,
Paris, Fayard, 1975.
154Guesnerie (R), L’économie de marché, Paris, Le Pommier, 2013, p. 34.
155Teulon (F), Le rôle de l’État dans l'économie, Paris, Édition du Seuil, 1997, p. 10.
156Loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, JORF, 1946, p. 2951.
157Loi n°46-835 du 25 avril 1945 relative à la nationalisation de certaines sociétés d’assurances et à l’industrie
des assurances en France,
JORF, 1945, p. 3566.
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Page 46
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Le souci de s’inspirer du modèle français reste des plus nets chez les dirigeants tunisiens
c’est pour cela qu’un mouvement similaire s’observe au début de la République tunisienne en
1956. Une vague de nationalisations est déclenchée par le gouvernement de BOURGUIBA en
1959 : Chemins de fer, ports, production et distribution d’eau, d’électricité et de gaz qui
faisaient auparavant l’objet de concession158, le contrôle de l’État sur les activités
économiques159, la création des entreprises publiques, la domination du capital monopoliste et
la règlementation étatique des prix. Tout cela illustre la volonté de mettre en place un État
interventionniste qui dirige l’économie. Jusqu’à la fin des années soixante-dix, toute activité
de production industrielle ou prestation du service relevait donc du domaine de l’État.
Ce modèle économique « l’interventionnisme étatique », était caractérisé par une
économie dominée par l’État qui possédait le monopole de l’économie, dirigeant,
administrant, régulant et planifiant. La main mise administrative ne se limitait pas au secteur
public, mais s’étendait au contrôle des prix et des salaires160. En effet, l’intervention excessive
de pouvoirs publics était perçue comme un moyen de reconstruction d’un nouvel État et
comme un facteur de développement économique (Chapitre1). Cependant, l’expérience d’un
État interventionniste s’est soldée par un échec total. Les effets pervers de leur déploiement
devaient déboucher en fin de décennies sur une crise de régulation tant sur le plan juridique
qu’économique et politique161. La confiance dans la puissance publique comme moteur de
l’action économique s’est effritée et l’État ne pouvait plus assurer la croissance (Chapitre 2).
158Gobe (E), Chouikha (A), Histoire de la Tunisie depuis l’indépendance, Paris, La découverte, 2015, p. 22.
159Chenoufi (K), Gallo (G), La Tunisie en décolonisation 1957-1972. Genèse des structures de développement et
des structures de la république
, Paris, Éditions du Lau, 2003, p. 121.
160Dudouet (F-X), Grémont (E), Les grands patrons en France. Du capitalisme d’État à la financiarisation,
Paris, Lignes de repères, 2010, p. 15.
161Camau (M), Geisser (V), Le syndrome autoritaire : politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, Paris,
Presses de Sciences Po, 2003, p. 56.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Chapitre 1. L’État interventionniste et la négation de la concurrence :
une volonté d’encadrement direct de l’économie
L’État n’est pas une organisation universelle, il est pensé et organisé différemment dans
chaque pays. Des convergences peuvent néanmoins être observées entre certains États dans
l’histoire162. Ainsi, les gouvernements en France163 et en Tunisie se sont affirmés après la
Seconde Guerre mondiale avec la mise en place d’un État interventionniste. Ce dernier était
appelé à jouer le rôle de locomotive de la reconstruction d’un nouvel État et le développement
de
l’économie nationale164. D’ailleurs,
l’industrialisation,
la création des emplois,
l’amélioration de la balance des paiements et la valorisation des richesses du pays étaient
leurs principaux objectifs assignés.
L’économie est devenue un bien collectif géré par les gouvernements, s’appuyant
d’abord sur les idées de KEYNES, qui inspira la plupart des politiques des pays développés
durant les Trente Glorieuses. Le courant interventionniste économique s’est aussi appuyé sur
une ferme volonté modernisatrice plus spécifiquement française165. Dans ce sens, le Président
DE GAULLE a proclamé devant l’Assemblée constituante du 2 mars 1945 que : « c’est le
rôle de l’État d’assurer lui-même la mise en valeur des grandes sources d’énergie. C’est son
rôle d’amener la principale production métallurgique au niveau indispensable. C’est lui qui
doit disposer du crédit de manière à pouvoir diriger l’épargne nationale vers les vastes
investissements qu’exigent de pareils développements et à empêcher que des groupes
d’intérêts particuliers puissent contrarier l’intérêt général »166.
L’action économique de l’État peut se trouver des fondements constitutionnels.
Néanmoins, ces fondements s’avèrent en fait pour le moins fragmentaires, embryonnaires et
d’une force juridique discutable. Une partie de la doctrine nie ainsi l’existence d’un principe
général d’interventionnisme. Mais nous pouvons tout de même relever des dispositions
économiques consacrées dans les Constitutions qui fondent le droit de l’intervention
162Brouillet (J), « Vers un État régulateur ? », Revue Projet, 2010, p. 24.
163Richard Kuisel, précise dans ce sens que « La France trouva sa propre méthode, elle confia les responsabilités
à des institutions publiques nouvelles et plaça à leur tête des modernisateurs. Le marché et le credo libéral n’en
survécurent pas moins et purent agir avec vigueur aux cotés des nouveaux organismes publics. Le résultat fut un
style de management économique bien gaulois, où se mêlaient direction par l’État, organisation corporatiste et
forces du marché. L’État, pour sa part, modifia son comportement et ses priorités, il se mit à agir vis à vis des
intérêts en concurrence, plus comme un guide que comme un arbitre ». F. Kuisel (R), Le capitalisme et l’État en
France. Modernisation et changement au XX siècle
, Paris, Editions Gallimard, 1984, p. 12.
164Chevallier (J), Le service public, Paris, PUF, 1987, p. 12.
165Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 35.
166Delaunay (B), Droit public de la concurrence, Paris, LGDJ, 2015, p. 24.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
économique publique (Section 1). En outre, l’action économique de l’État peut se trouver des
fondements idéologiques et économiques sur lesquels joue un rôle dominant dans sa propre
reconstruction et dans le développement économique et social du pays (Section 2).
Section 1. La consécration constitutionnelle des principes fondant
l’interventionnisme économique de l’État
En 1789, les droits économiques et sociaux n'étaient pas considérés comme fondamentaux
à une époque où la pensée libérale dominait. Mais en 1946, les problèmes économiques et
sociaux étant davantage mis en avant. On a cherché à garantir de nouveaux droits, en
comptant désormais sur l’État pour assurer la prospérité économique et sociale. Parmi ces
droits, nous trouverons le droit syndical, le droit de grève ou encore le droit au travail. On
parle de droits créances, étant donné qu’on demande l'intervention de l'État pour les
garantir167. Ainsi, certaines questions demeurent souvent comme : Pourquoi les droits socio-
économiques doivent-ils être reconnus dans la Constitution ? Pourquoi les dispositions
relatives aux droits socio-économiques doivent-elles être avoir une valeur constitutionnelle ?
Pourquoi la Constitution et non pas une autre loi ? Les réponses se trouvent dans les
arguments suivants : la Constitution est un toit protecteur de droits économiques et sociaux et
un outil pour promouvoir la démocratie économique et sociale168. En outre, la protection des
droits économiques et sociaux est considérée comme une donnée essentielle à l’existence
même et à la survie de l’État démocratique169. L’État est essentiel à l’évolution de la vie
économique et sociale, mais il est aussi le germe majeur de violations de ces droits. La
nécessité d’une Constitution, loi fondamentale est alors inévitable pour la protection des-dits
droits.
167Martinez (R), « Préparer le statut de l’Instance de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption : établir
l’autorité constitutionnelle indépendante conformément à l’article 130 de la constitution du 26 janvier 2014 »,
SNAC, Tunisie, 30 octobre 2014, p. 16.

168La démocratie économique et sociale ne doit pas être vue comme un régime politique achevé, mais plutôt
comme un projet porté par des acteurs économiques et politiques qui ont réussi à en faire appliquer certains
aspects, historiquement datés. Elle se caractérise, d’une part, par un contenu en termes de prestations fruits de la
redistribution des revenus opérée par l’État providence et, d’autre part, par un cadre institutionnel qui complète
les institutions de la démocratie parlementaire. Voir, en particulier Arcq (E), « Existe-il encore une démocratie
économique et sociale ?
» Revue du Centre d'études et de recherches en administration publique, 2013, p. 185.
169Commission européenne pour la démocratie par le droit : en coopération avec la Cour constitutionnelle de
Croatie,
La protection des droits fondamentaux par la Cour constitutionnelle : Actes du Séminaire UniDem
organisé à Brioni, Croatie (23-25 Octobre 1995)
, Strasbourg, Éd. du Conseil de l’Europe, 1996, p. 17.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

La Constitution française et la Constitution tunisienne ont consacré de droits
économiques et de droits sociaux justifiant l’intervention de l’État. En France, le Préambule
de la Constitution de 1946 est beaucoup plus riche que le texte constitutionnel de
1958 (Paragraphe 1), alors qu’en Tunisie, la Constitution de 2014 s’est caractérisée par la
diversité des dispositions par rapport à celle de 1959 (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. L’inscription constitutionnelle de droits économiques et
sociaux justifiant l’intervention de l’État en France : de la multiplicité à la
conservation
Avec l’apogée des nouvelles Constitutions après la Deuxième Guerre mondiale, les droits
économiques et sociaux sont devenus ainsi consacrés dans les Constitutions. Même dans les
Constitutions libérales qui se caractérisent par l’absence de règles économiques, nous
retrouvons certaines dispositions qui influent directement ou indirectement sur l’ordre
économique. La France n’a pas échappé à ce mouvement de constitutionnalisation de droits
économiques et sociaux, bien au contraire, sa Constitution contient diverses dispositions.
Nous parlons plutôt du bloc de la constitutionnalité170 qui comprend la Constitution du 4
octobre 1958 et le Préambule de la Constitution de 1946, auxquels s’ajoute un nombre
croissant de
règles
jurisprudentielles dégagées principalement par
le Conseil
constitutionnel171. Ce cadre est celui qui organise l’intervention de l’État en matière
économique.
Les droits économiques et sociaux qui fondent l’interventionnisme économique public
trouvent leur place essentiellement dans le Préambule de la Constitution de 1946 (A) et d’une
manière très timide dans le texte constitutionnel de 1958 (B).
A. La multiplicité des dispositions à caractère économique et social dans le
Préambule de la Constitution de 1946
Dans toutes les Constitutions, les droits économiques et sociaux constituent le groupe de
libertés et de droits le plus hétérogène. Mais ce qui réunit ces droits tient à leur fonction de
garanties qui exigent presque toujours un engagement direct, dont notamment un financement
170En France, le bloc de constitutionnalité comprend notamment : les articles de la Constitution de 1958,
la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946 et la Charte
de l'environnement de 2004.
171Richard (M), Brunet (P), op, cit, p.81
47


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
de la part de l’État et une élaboration législative détaillée des conditions et des modes de leurs
réalisations172.
Depuis leur première apparition au lendemain de la Première Guerre mondiale et
particulièrement dans la Constitution de Weimar en 1919, les droits économiques et sociaux
constituent une partie obligatoire de toutes les Constitutions modernes comme cela est le cas
dans la Constitution française. En fait, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
constitue la principale traduction de l’État interventionniste et des fondements de son
intervention. Il fait de larges références aux droits économiques et sociaux, en réaffirmant
d’une part les droits proclamés dans la Déclaration de droit de l’Homme et de Citoyens de
1789, ainsi que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. D’autre
part, il proclame des principes politiques, économiques et sociaux particulièrement
nécessaires à notre temps.
Dès lors, le Préambule a consacré les principes de la démocratie sociale et la protection
des droits fondamentaux des travailleurs. Le principe de la démocratie sociale173 figure à
l’alinéa 8 « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination
collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». Ce principe
s’applique à l’ensemble des entreprises publiques privées. On peut faire remarquer que la
démocratisation portée est une démocratisation représentative (par la voie des délégués du
personnel) et elle ne porte que sur les conditions de travail (pas sur la direction de
l’entreprise). En cela, elle n’est pas synonyme d’auto-gestion.
Le Préambule a consacré également le droit de travailler sans discrimination dans
l’alinéa 5 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être
lésé dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses
croyances ». C’est le droit à la négociation collective et à la participation aux institutions
représentatives du personnel174. Cependant, ce droit d’obtenir un emploi ne s’entend pas
comme une obligation de résultat c’est-à-dire comme une obligation absolue de donner à tout
chômeur un emploi, mais bien comme une obligation de moyens. Il s’agit pour les pouvoirs
publics de mettre en œuvre une politique permettant à chacun d’obtenir un emploi. C’est
172Kutlesic (V), Les constitutions post-communistes européennes. Étude de droit comparé de neuf État, Paris,
Bruylant, 2009, p. 56.
173Deux censures contemporaines sont venues montrer tout l’intérêt de ce texte : Déc. n° 2006-545 D.C. du 28
décembre 2006
(Loi pour le développement de la participation de l’actionnariat salarié et portant diverses
dispositions d’ordre économique et social)
et Déc. n° 2008-568 D.C. du 7 août 2008 (Loi portant rénovation de
la démocratie sociale et réforme du temps de travail).

174Blanc-Jouvan (G), Initiation au droit économique, Paris, Édition l’esprit des lois, 2008, p. 127.
48

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

d’ailleurs ainsi que l’a interprété le Conseil constitutionnel dans une décision de loi portant
diverses mesures relatives aux prestations de vieillesse de 1983175. Il a affirmé qu’il
appartient au législateur de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun
d’obtenir un emploi en vue de permettre l’exercice de ce droit au plus grand nombre
d’intéressés.
En outre, l’alinéa 6 de la Préambule a consacré le principe de la liberté syndicale « tout
homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale ou adhérer au syndicat
de son choix ». Nous trouverons aussi le principe de la participation à la vie de l’entreprise
consacré dans l’alinéa 8 et le principe du repos hebdomadaire consacré dans l’alinéa 11 « elle
garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la
santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs… ». Ce principe est une des garanties du
droit au repos reconnu aux salariés. Il s’exerce en principe le dimanche176.
En matière économique, nous trouverons le principe de la nationalisation consacré dans
l’alinéa 9 : « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquit le caractère d’un
service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la
collectivité »177. Cet alinéa légitime l’interventionnisme économique de l’État178. Il donne une
base constitutionnelle aux nationalisations qui sont conçues comme une remise de propriété
non seulement à l’État, mais à la collectivité. Cela contribue à légitimer les nationalisations
dans l’immédiat après-guerre comme l’énergie, les transports, les banques et les assurances
pour maitriser le financement de l’économie. Ces nationalisations conduisent à la constitution
d’un véritable secteur public composé de différents types de personnes juridiques, des
établissements publics, des entreprises publiques et des organismes privés en charge d’une
mission de service public.
Malgré la multiplicité des dispositions à caractère économique et social dans le Préambule
de la Constitution de 1946, la nouvelle Constitution de 1958 s’est caractérisée par une rareté
des dispositions qui justifient l’intervention de l’État dans l’économie. Nous trouverons que
peu de droits économiques et sociaux.
175CC, décision n°83-156 DC du 28 mai 1983.
176 CE, 12 février 2014, Fédération des employés cadres CGT-FO et autres, n° 347727.
177Mondoloni (M-J), Conseil constitutionnel et droit public économique, Thèse, Université de Paris I-Sorbonne,
2007, p. 100.
178Conac (G), Prétot (X), Teboul (G), (dir), Le Préambule de la Constitution de 1946. Histoire, analyse et
commentaires
, Paris, Dalloz, 2001, p. 110.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
B. Le texte constitutionnel de 1958 : un contenu fort peu de droits économiques et
sociaux
La Constitution française de 1958 est d’abord un texte d’organisation des pouvoirs publics
et ne comporte elle-même que peu d’éléments sur les droits substantiels. Ce constat vaut
également en matière économique, même si le premier alinéa de l’article 1er définit la France
comme une République « sociale »179, qualificatif qui ne détermine pas un système
économique s’imposant au législateur180.
Prise au sens strict, la Constitution de la Vème République comme celles de la plupart des
autres démocraties des pays de l’OCDE fait peu référence aux questions économiques. À
peine citera-t-on l’article 34 relatif à la compétence du législateur sur les nationalisations
d’entreprises et les transferts de propriété du secteur public au secteur privé, l’établissement
des impôts, le régime de la monnaie tandis que des lois de programmes181 déterminent les
objectifs de l’action économique et social de l’État182.
Les alinéas 4 et 5 de l’article 34 évoquent les lois de finances qui déterminent les
ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi
organique « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les
conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Les lois de financement de la
Sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte
tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et
sous les réserves prévues par une loi organique ». D’une manière générale, la législation
financière reste un moyen d’agir sur l’économie.
L’alinéa 6 de l’article 34 de la Constitution mentionne les lois de programmation183 « des
lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État ». Il s’agissait des lois de
programme à caractère économique et social. La mention de ce caractère figure toujours à
l’article 70 de la Constitution. Ces lois constituent toujours un moyen pour l’État d’intervenir
en matière économique et sociale. C’est un outil essentiellement utilisé non plus pour orienter
179Mathieu (B), La République sociale, la République en droit français, Paris, Economica, 1996, p. 175.
180Il faut noter que la République sociale n’implique ni n’autorise la socialisation de l’économie. Elle n’est pas
même synonyme d’une « économie sociale de marché » qui s’imposerait au législateur (expression utilisée par
les Traités européens).
181Ce sont des lois qui déterminent à moyen ou long terme les objectifs de la nation en matière économique et
sociale, en comportant une prévision chiffrée et pluriannuelle des dépenses.
182Orsoni (G), L’administration de l’économie, Paris, LGDJ, p. 32.
183Des lois qui déterminent à moyen ou long terme les objectifs de la Nation en matière économique et sociale,
en comportant une prévision chiffrée et pluriannuelle des dépenses
50

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

l’économie, mais pour donner à voir l’orientation de l’action de l’État dans certains domaines
(l’immobilier notamment).
On y ajoutera le Titre X (article 69-71) sur le Conseil économique et social. Cet organe
peut être consulté par le gouvernement sur tout problème de caractère économique ou social
et qui est saisie obligatoirement pour avis de tout plan ou projet de loi, de programme ont la
même matière. Le Conseil économique et social a principalement cinq missions : conseiller le
gouvernement et le Parlement et participer à l’élaboration de la politique économique, sociale
et environnementale, favoriser à travers sa composition le dialogue entre les catégories
socioprofessionnelles dont les préoccupations différentes à l’origine, se rapprocher dans
l’élaboration de propositions d’intérêt général, contribuer à l’évaluation des politiques
publiques à caractère économique, social et environnemental, promouvoir un dialogue
constructif et une coopération avec les Assemblées consultatives créées auprès des
collectivités territoriales et auprès de ses homologues européens et étrangers et contribuer à
l’information des citoyens184.
L’article 69 dispose que : « le Conseil économique, social et environnemental, saisi par le
Gouvernement, donne son avis sur les projets de loi, d'ordonnance ou de décret ainsi que sur
les propositions de lois qui lui sont soumis. Un membre du Conseil économique, social et
environnemental peut être désigné par celui-ci pour exposer devant les assemblées
parlementaires l'avis du Conseil sur les projets ou propositions qui lui ont été soumis. Le
Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition dans les
conditions fixées par une loi organique. Après examen de la pétition, il fait connaitre au
Gouvernement et au Parlement les suites qu'il propose d'y donner ». L’article 70 dispose
aussi que : « le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté par le
Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social ou
environnemental. Le Gouvernement peut également le consulter sur les projets de loi de
programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques. Tout plan
ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental
lui est soumis pour avis ».
184Colin (F), Droit public économique, Paris, Gualino éditions, 2011, p. 58.
51




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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
À la suite de la véritable Révolution juridique constituée par la jurisprudence
constitutionnelle des années 1971-1975 et l’élargissement de la saisine du Conseil
constitutionnel à 60 députés ou 60 sénateurs un « bloc de constitutionnalité » a été constitué,
intégrant au-delà du texte même de la Constitution, son Préambule, ainsi que les lois
organiques, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République185 et autres
principes à valeur constitutionnelle. D’où une véritable constitutionnalisation de toutes les
disciplines du droit à laquelle n’échappe pas le droit économique186.
Contrairement en France, au début de la Première République, le droit constitutionnel de
l’intervention économique tunisien était très réservé. Toutefois, avec l’apogée d’une nouvelle
Constitution en 2014, les principes justifiant l’intervention de l’État dans l’économie se sont
bien améliorés.
Paragraphe 2. L’inscription constitutionnelle de droits économiques et
sociaux justifiant l’intervention de l’État en Tunisie : de la rareté à la
diversité
En comparaison de la Constitution française, la Constitution tunisienne n’entretient que
de faibles rapports avec les droits économiques et sociaux. Les dispositions constitutionnelles
à objet économiques et sociales sont insuffisantes187. La Constitution de 1959 est relativement
neutre. Elle se caractérise par une rareté des dispositions constitutionnelles fondant
l’intervention de l’État dans l’économie (A). L’adoption d’une nouvelle Constitution après la
Révolution y remédiera. La Constitution du 27 janvier 2014 a proclamé l’essentiel des droits
qui justifient l’intervention de l’État dans la vie économique et sociale. Elle est plus riche et
plus explicite en la matière que celle du 1er juin 1959 (B).
185Le Conseil constitutionnel a identifié onze principes consacrés comme principes fondamentaux reconnus par
les lois de la République : la liberté d’association, les droits de la défense, la liberté individuelle, la liberté
d’enseignement, la liberté de conscience, l’indépendance de la juridiction administrative, l’indépendance des
professeurs d’université, la compétence exclusive de la juridiction administrative pour l’annulation ou la
réformation des décisions prises dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, l’autorité judiciaire
gardienne de la propriété privée immobilière, l’existence d’une justice pénale des mineurs et l’utilisation des lois
locales en Alsace et en Moselle.
186Orsoni (G), op, cit, p. 32.
187Concernant la rareté des dispositions constitutionnelles à objet économique et sociale dans la Constitution
tunisienne de 1959, voir, Ben M’Rrad (H),
La liberté du commerce et de l’industrie Thèse, FDSPT, p. 234.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

A. L'évanescence de l’aspect économique et social dans la Constitution de 1959
La Constitution tunisienne du 1er juin 1959 ne s’est pas trop attardée sur les choix
économiques du pays, contrairement aux Constitutions des pays socialistes où la Constitution
développait fréquemment des données relatives à l’organisation économique de l’État188.
Citons en exemple la Constitution chinoise du 4 décembre 1982 qui a déterminé dans son
chapitre 1er le régime économique de la Chine189 ou la Constitution Yougoslave du 21 février
1974 qui a traité l’organisation socio-économique de la fédération dans sa 2e partie du Titre
I190.
La Constitution de 1959 s’est caractérisée par une insuffisante et timide consécration à
l’aspect économique et social191. Elle est peu prolixe quant à cette catégorie de droits. En
effet, hormis une référence sommaire et peu détaillée dans le Préambule à certains droits
comme celui du travail, de l’éducation et de la santé, on ne retrouve dans le corps même de la
Constitution que peu de place aux droits économiques et sociaux. S’il y a peu de dispositions
explicitement consacrées à l’économie, c’est parce que la majorité des dispositions ne sont
consacrées qu’à l’organisation politique de l’État. Cette rareté de dispositions économiques et
sociales tient également à l’approche modérée du juge constitutionnel qui a de longue date
veillé à ne pas opposer les normes constitutionnelles aux orientations de fond des politiques
économiques des majorités successives.
L’encadrement constitutionnel de la question économique et social en Tunisie ne
constitue pas habituellement une préoccupation fondamentale des faiseurs de Constitution.
Focalisée sur le phénomène politique, la Constitution se limite aux règles minimales du
phénomène économique. Cette attitude semble pouvoir expliquer la suppression dans le texte
188Linotte (D), Romi (R), op, cit, p. 40.
189L’article 6 dispose que : « Le régime économique socialiste de la République populaire de Chine est fondé sur
la propriété socialiste publique des moyens de production, c'est-à-dire la propriété du peuple tout entier et la
propriété collective des masses laborieuses. Le régime de la propriété socialiste publique remplace le système
d'exploitation de l'homme par l'homme, il applique le principe « de chacun selon ses capacités à chacun selon
son travail ». « Durant la première étape du socialisme, l'État applique un régime économique fondé sur la
propriété publique comme facteur dominant et différents secteurs de l'économie se développant côte à côte, et un
système de distribution, avec la distribution selon le travail comme facteur dominant et la coexistence de
plusieurs modes de distribution ». L’article 7 prévoit « L'économie sous la responsabilité de l'État constitue un
secteur socialiste fondé sur la propriété du peuple tout entier, elle est la force dirigeante de l'économie nationale.
L'État assure son renforcement et son développement ».
190Voir, en particulier Miodrag (J). « La nouvelle Constitution Yougoslave de 1974. Ses particularités et
caractéristiques en tant qu'acte juridique général suprême », Revue internationale de droit comparé, 1974.
pp. 787-805.
191Voir l’ouvrage collectif dirigé par Horchani (F), Le commentaire de la Constitution tunisienne article par
article
, Édition, Association Tunisienne de droit constitutionnel et l’article, Verges (D-J) « La Constitution
Tunisienne du 1 juin 1959 et les traités »,
RTD, 1975, pp. 84-140.
53


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
final de la Constitution de 1959 de l’ensemble des droits à caractère social et économique
retenus dans le projet du 9 janvier relatif à la monarchie constitutionnelle et reconduits de
manière incomplète dans le texte initial de la Constitution présenté à l’Assemblée nationale
constituante le 30 janvier 1958192. Elle explique aussi la négligence de la part du constituant
tunisien du régime économique auquel il n’a été consacré que quelques dispositions fort
disparates et peu cohérentes.
Les dispositions constitutionnelles à objet économique et social sont rares. Nous
trouverons quelques articles comme l’article 34 où il est mentionné qu’il y a une réserve de
loi, c'est-à-dire une liste de compétences réservées au législateur en matière économique de
créer des entreprises publiques. En effet, est réservé au législateur le soin de la création
d’offices, d’établissements publics, de sociétés ou d’entreprises nationales ou aussi depuis la
révision constitutionnelle de 1997, la création de catégories d’établissements et d’entreprises
publiques. Cette disposition intéresse à la fois les entreprises publiques déjà existantes, ainsi
que celles à créer non pas ab initio mais par la transformation d’entreprises privées existantes.
Cet article est considéré comme l’une des bases constitutionnelles de l’interventionnisme
économique de l’État. C’est la volonté du constituant de circonscrire l’intervention de l’État
de sorte que le secteur public ne s’étende pas au détriment du secteur privé.
Cet article a été inspiré de l’article 34 de la Constitution française du 4 octobre 1958.
Mais il n’en constitue pas une reproduction fidèle. Certaines questions rangées dans le
domaine de la loi par l’article 34 Français n’existent guère dans l’article 34 tunisiens. Il en est
ainsi de la question des règles concernant les nationalisations d’entreprises et les transferts de
propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé. Cette disposition qui laisse au
législateur l’appréciation de l’opportunité des transferts du secteur public au secteur privé et la
détermination des biens ou des entreprises sur lesquels ces transferts doivent porter n’a point
d’équivalent dans la constitution tunisienne193.
La Constitution tunisienne a consacré le droit du travail, mais d’une manière très timide
en y faisant allusion dans le Préambule : « le moyen le plus efficace pour assurer la protection
de la famille et le droit des citoyens au travail, à la santé et à l’instruction ». Cette
consécration du droit de travail est dont l’objectif de promouvoir la protection de travailleurs.
Le droit au travail ne constitue pas un droit subjectif se traduisant par l’obligation à la charge
192Ben M’Rad (H), La liberté du commerce et de l’industrie, Thèse, FDSPT, 1998, p. 70.
193Ben Massoued (K), op, cit, p. 168.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

de l’État de fournir à chacun un emploi194. Cela implique surtout l’adoption par l’État d’une
politique active visant à créer les conditions favorables pour promouvoir l’emploi et lutter
contre le chômage. Cette forme d’expression du droit de chacun d’obtenir un travail satisfait
aux exigences de la démocratie. Elle oblige l’État à agir sans l’obliger à un résultat impératif.
Nous trouverons également dans la Constitution la reconnaissance de la liberté
syndicale : « tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et
adhérer au syndicat de son choix ». Aussi le principe de la participation à la vie de
l’entreprise et le principe du repos hebdomadaire. C’est au législateur qu’il revient de
déterminer dans le respect de cette disposition à valeur constitutionnelle les conditions et
garanties de sa mise en œuvre. Ces droits sont reconnus comme l’un des droits sociaux
fondamentaux dans les relations de travail. Le Conseil constitutionnel a reconnu à cette liberté
syndicale une valeur constitutionnelle195.
Aux termes de l’article 25 de la DDHC « toute personne a droit à un niveau de vie
suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille ». S’inscrivant dans ce
même sillage, le Préambule de la Constitution tunisienne de 1959 proclame le Régime
Républicain comme étant « le moyen le plus efficace pour assurer […] le droit des citoyens à
la santé (…) ». Ce droit était énoncé comme étant un droit créance à la charge de la
collectivité nationale196. Il s’insère dans le cadre d’une obligation constitutionnelle générale
fondée sur l’article 5 de la Constitution qui consacre les valeurs de solidarité et d’entraide
entre individus, groupes et générations.
D’une manière générale, la constitutionnalisation des principes économiques et sociaux
est une problématique peu habituelle en droit constitutionnel tunisien. Ce dernier est réputé
assez pauvre en matière des dispositions d’ordre économique et social qui sont presque
insuffisantes, dans la mesure où elles appréhendent sommairement et de manière très
insuffisante le régime économique du pays. Toutefois, la nouvelle Constitution de 2014
accorde une place de choix aux droits économiques et sociaux. Elle est beaucoup plus
rigoureuse dans la mesure où plusieurs dispositions ont été consacrées à cette catégorie de
droits. Tous ces droits constituent pour l’État une obligation positive d’intervenir dans la vie
194Nouri (M), « Du droit du travail au droit de l’emploi », Revue travail et développement, 2000, p. 10.
195Décision n°82-144 DC du 22 octobre 1982, Rec, p. 61 et décision n°89-257 DC juillet 1989, Rec, p. 59.
196Hamdi (M-A), Le Préambule de la constitution tunisienne du 1 juin 1959, Mémoire (M2), Faculté de droit de
Sfax, 2010, p. 136.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
économique et sociale. Ces droits participent au développement d’une démocratie stable,
offrant une vie digne à chacun.
B. Un rôle économique accru de l'État consacré dans la Constitution de 2014
La Révolution est partie des régions les plus défavorisées du pays en réaction à un déficit
de développement économique et social que la crise financière internationale a aggravé. Le
chômage a affecté massivement les diplômés de l’université et le mécontentement était à la
fois d’ordre social et économique. Dans l’imaginaire collectif, le déficit de développement est
le produit de la mauvaise gestion des finances publiques et du non-respect des droits socio-
économiques que l’État se devait de consolider. Ce sentiment partagé a produit une frustration
notamment chez les jeunes et un fort sentiment d’injustice et d’arbitraire qui furent fatal pour
le régime197. Grâce à cette Révolution, la Tunisie a pu adopter une nouvelle Constitution.
Le 27 Janvier 2014, la Tunisie s’est enfin dotée de sa troisième Constitution de l’ère
moderne198. Cette nouvelle Constitution appelée à tort par certains Constitution de la
deuxième république199est censée mettre fin à une période transitoire démesurément longue.
Elle est l’œuvre d’une Assemblée nationale constituante (ANC) théoriquement élue pour
élaborer la Constitution dans un délai maximum d’un an à compter de la date de son
élection200, mais qui a superbement ignoré la limite temporelle qui lui a été fixée outre le fait
qu’elle a outrepassé l’objet de son mandat strictement constituant201.
La nouvelle Constitution accorde une importance accrue au rôle de l'État et du secteur
public dans la gestion des affaires et des ressources économiques ainsi que dans la
réorientation de la politique et des choix économiques en faveur des catégories sociales
marginalisées et des régions défavorisées. Ce faisant, les constituants ont imprimé une
orientation nouvelle à la politique économique en rupture avec les choix de l'Ancien Régime
197Baccouche (N), op, cit, p. 478.
198Les deux Constitutions précédentes : la Constitution du 26 avril 1861, Constitution octroyée par le Sadok Bey
qui institua une sorte de monarchie constitutionnelle. En 1864, cette Constitution fut suspendue et la Constitution
du 1 juin 1959 adoptée par une Assemblée nationale élue au lendemain de l’indépendance de la Tunisie en 1956.
Elle a été aussi suspendue à partir du 15 mars 2011 suite à la révolution de 2011. Voir, Ben Achour (R), Ben
Achour (S), « La transition démocratique en Tunisie : entre légalité constitutionnelle et légitimité
révolutionnaire»,
Revue française de droit constitutionnel, 2012, pp. 715-732.
199Ben Achour (R), « la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014, Revue française de droit constitutionnel,
2014, p. 783.
200Décret n°2011-1086 du 3 aout 2011 portant convocation du corps électoral pour l’élection de l’Assemblée
nationale constituante pour le 23 octobre 2011,
201Ben Achour (R), « La Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 », op, cit, p. 785.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

basés sur le désengagement de l'État au profit du secteur privé et l'insertion de la Tunisie dans
l'économie du marché202.
Il faut cependant noter que la consécration par la nouvelle Constitution de la plupart de
droits économique et sociaux était très attendu tellement les revendications à caractère
économique et social étaient omniprésentes pendant la Révolution. Ces droits ce sont des
droits créances c'est-à-dire que tous les membres de la société pourraient revendiquer à leur
titulaire une dette sur l’État que celui-ci serait tenu d’honorer en garantissant à chacun la
Sécurité sociale, un emploi librement choisi ou encore la santé (etc.)203. Ces droits nécessitent
une action positive de la part de l’État.
La Constitution renferme un catalogue des divers droits économiques et sociaux. Elle
garantit le droit syndical y compris le droit de grève dans l’article 36 : « le droit syndical, y
compris le droit de grève, est garanti. Ce droit ne s’applique pas à l’armée nationale. Le
droit de grève ne s’applique pas aux forces de sécurité intérieure et à la douane. »
L’article 36 a apporté une triple précision. D’abord, le droit de grève est explicitement
reconnu comme droit connexe du droit syndical. On peut regretter la formule utilisée « y
compris le droit de grève », car elle peut signifier que le droit de grève n’est pas indépendant
du droit syndical. Ensuite, les agents des forces de sécurité intérieure et ceux de la douane,
tout en bénéficiant du droit syndical, n’ont pas le droit à la grève. Chacun des deux droits à sa
singularité et on aurait dû limiter l’interdiction du droit de grève aux agents actifs du corps de
la douane et éviter d’étendre l’interdiction aux agents ne disposant pas de prérogatives
manifestement exorbitantes. Enfin, le personnel de l’armée nationale est privé du droit
syndical et du droit de grève. Ces précisions ont été rendues nécessaires à la fois par les
interprétations de l’ancienne disposition constitutionnelle qui a ouvert la voie à des
interprétations restrictives du droit syndical et le contexte post-révolutionnaire qui vu
apparaitre des grèves sauvages y compris par les agents des forces de sécurité intérieure et de
la douane204.
202Ben Mustapha (A), « Politique économique et dispositions de la Constitution », Kapitalis, 2014, p. 5.
203Sayah (J), L’acte II de la révolution tunisienne : La constitution, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 172. « Les
droites créances ne peuvent recevoir satisfaction qu’avec la mise en place d’un appareil destiné à répondre aux
exigences des particuliers : tant que le service n’est pas créé (…) le droit du créancier ne peut s’exercer ».
Rivero (J),
Liberté publiques, Paris, PUF, 1973, p. 122
204Baccouche (N), op, cit, p. 477.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
La Constitution consacre aussi le droit de tout être humain à la santé et le droit à une
couverture sociale dans l’article 38 : « tout être humain a droit à la santé. L’État garantit la
prévention et les soins de santé à tout citoyen et assure les moyens nécessaires à la sécurité et
à la qualité des services de santé. L’État garantit la gratuité des soins pour les personnes
sans soutien ou ne disposant pas de ressources suffisantes. Il garantit le droit à une
couverture sociale conformément à ce qui est prévu par la loi ». Ce même article ne s’est pas
contenté de proclamer ce droit mais il a mis à la charge de l’État l’obligation de garantir la
prévention et les soins sanitaires cette fois-ci à tout citoyen. L’État garantit aussi la gratuité
des soins pour les personnes sans soutien et à revenu faible. Cette variabilité des concepts
utilisés (personne, citoyen ou être humain) est lourde de conséquence. Le texte s’est même
hasardé à obliger l’État à fournir les moyens nécessaires pour garantir la sécurité et la qualité
des services de santé. On peut s’interroger sur le réalisme et l’opportunité d’une telle
disposition compte tenu des moyens limités de l’État et du contentieux qu’elle peut
engendrer205.
L’article 39 consacre également le droit de l’enseignement « l’instruction est obligatoire
jusqu’à l’âge de seize ans. L’État garantit le droit à l’enseignement public et gratuit à tous
ses niveaux. Il veille à mettre les moyens nécessaires au service d’une éducation, d’un
enseignement et d’une formation de qualité. L’État veille également à l’enracinement des
jeunes générations dans leur identité arabe et islamique et leur appartenance nationale. Il
veille à la consolidation de la langue arabe, sa promotion et sa généralisation. Il encourage
l’ouverture sur les langues étrangères et les civilisations. Il veille à la diffusion de la culture
des droits de l’Homme ». Nous constatons que l’enseignement est obligatoire jusqu’à l’âge de
seize ans et que l’État garantit le droit à un enseignement public gratuit dans tous les cycles et
veille à fournir les moyens nécessaires à même d’assurer la qualité de l’enseignement, de
l’éducation et de la formation.
L’innovation dans la nouvelle Constitution est la consécration du droit de travail dans
l’article 40 : « tout citoyen et toute citoyenne a droit au travail. L’État prend les mesures
nécessaires afin de le garantir sur la base du mérite et de l’équité. Tout citoyen et toute
citoyenne a droit au travail dans des conditions favorables et avec un salaire équitable ». Ce
droit est sur le plan juridique une véritable conquête sociale car si l’ancienne Constitution
s’est contentée d’une allusion à ce droit dans son Préambule, celle de 2014 lui consacre une
205Baccouche (N), op, cit, p. 478.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

part dans le contenu de la Constitution. En effet, cet article met à la charge de l’État
l’obligation de prendre les mesures nécessaires à sa garantie sur la base de l’aptitude et
l’équité. Il s’agit d’une réponse forte au chômage qui frappe une frange importante de la
population, notamment les diplômés de l’université dans les zones dites intérieures206. Mais,
la liberté du travail en cas de grève n’a pas été consacrée par la Constitution en raison d’une
très ferme hostilité du syndicat ouvrier dont la constituante ne pouvait ignorer le poids sur le
climat social, déjà très tendu depuis la Révolution. Les atteintes à cette liberté sont certes
incriminées par le Code pénal mais cette incrimination est tombée en désuétude.
La Constitution garantit également le droit à la culture et la liberté de la création dans
l’article 42 : « le droit à la culture est garanti. La liberté de création est garantie. L’État
encourage la créativité culturelle et soutient la culture nationale dans son enracinement, sa
diversité et son renouvèlement, en vue de consacrer les valeurs de tolérance, de rejet de la
violence, d’ouverture sur les différentes cultures et de dialogue entre les civilisations ». Aussi
le droit à l’eau dans l’article 44 : « Le droit à l’eau est garanti. Il est du devoir de l’État et de
la société de préserver l’eau et de veiller à la rationalisation de son exploitation ».
Dans le premier chapitre consacré aux principes généraux, l’article 12 proclame
l’engagement de l’État à œuvrer à la réalisation de la justice sociale, du développement
durable et de l’équilibre régional207 : « l’État agit en vue d’assurer la justice sociale, le
développement durable et l’équilibre entre les régions, en tenant compte des indicateurs de
développement et du principe de l’inégalité compensatrice. Il assure également l’exploitation
rationnelle des ressources nationales ».
Toutefois, ancrer dans la Constitution un catalogue de droits et de libertés ne suffit pas. Il
faut aussi en assurer la protection. L’article 49 constitue un rempart contre la violation de
droits et de libertés garantis par la Constitution. Selon cet article, « toute restriction des droits
et libertés doit être fondée sur le respect du principe de proportionnalité comme il doit être
compatible avec un état civil et démocratique, ne peut porter atteinte à l’essence même de ces
droits et libertés ». De plus, l’article 49 combiné à l’article 102 souligne le rôle essentiel du
pouvoir judiciaire indépendant en tant que protecteur des droits et libertés. Enfin, aucun
206Baccouche (N), op, cit, p. 478
207Ben Moussa (I), « Le changement de Constitution en temps de crise : l’expérience tunisienne », conférence
sur la protection des droits économiques et sociaux en temps de crise économique : quel rôle pour les juges ?,

Brésil, 2014, pp. 2-7.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
amendement ne peut porter atteinte aux acquis en matière de droits de l’homme et des libertés
garantis par la Constitution208.
Malgré la richesse des droits sociaux dans la nouvelle Constitution, il y a des principes
importants qui n’ont pas trouvé leur place au sein de la Constitution comme le dialogue
social. Le refus par l’Assemblée nationale constituante de constitutionnaliser ce principe est
étonnant puisque c’est au sein de la constituante qu’un important document, dit le Pacte
social, a été signé le jour anniversaire de la Révolution, le 14 janvier 2013. Ce texte de valeur
politique envisage de fonder la démocratie sociale et plus particulièrement le droit à la
négociation collective qui devient incontournable. Le refus de constitutionnaliser le dialogue
social semble avoir découragé les initiateurs et les acteurs sociaux puisque ce document signé
depuis 2013 n’a pas été suivi, jusque-là d’effets concrets. Pourtant, le contexte national
difficile aurait dû inciter à la constitutionnalisation du dialogue social pour favoriser ainsi
l’esprit démocratique que suppose ledit dialogue. En effet, l’affaiblissement du pouvoir
d’achat des employés a donné lieu à ce qui ressemble à un désordre social puisque la
multiplication inconsidérée des grèves affecte la compétitivité de l’économie et fragilise
encore plus les finances publiques qui constituent l’instrument de redistribution des
richesses209.
Le silence de la Constitution sur les finances sociales est difficilement compréhensible
d’autant plus que ces dernières enregistrent un déficit préoccupant qui menace la pérennité du
système de la Sécurité sociale. Leur gestion est confiée au pouvoir exécutif sans contrôle du
Parlement. Il aurait fallu envisager une loi annuelle régissant les finances sociales et qui
tiendrait compte de leur spécificité tout en imposant l’incontournable équilibre aux différentes
caisses sociales210.
D’emblée, le Conseil constitutionnel nous a dotés d'une Constitution qui a l'ambition de
mettre en place un nouveau modèle de société et un nouveau système de développement
économique basé sur la rénovation du rôle économique de l'État, alors que la Tunisie n'a pas
les moyens nécessaires de mettre en œuvre les politiques pertinentes susceptibles de faire
respecter cette option fondamentale !
208Rapport, « La Constitution Tunisienne du 27 janvier 2014 et la gouvernance du secteur de la sécurité »,
DCAF, 2015, p. 14.
209Baccouche (N), op, cit, p. 480.
210Ibid, p. 481.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

La consécration constitutionnelle des principes justifiant l’intervention de l’État dans
l’économie n’est que pour objectif la protection de la démarche interventionniste des pouvoirs
publics. Ces derniers ont joué depuis longtemps un rôle crucial dans la reconstruction de
l’État moderne et le développement de l’économie à l’échelle nationale et locale.
Section 2. L’intervention de
développement économique
l’État pour
la reconstruction et
le
Si nous revenons aux faits historiques, il s’avère que la France et la Tunisie sont apparues
comme des prototypes de l’étatisme économique. En France, la centralisation est la continuité
de l’État Jacobin de la Révolution. Quant à la Tunisie, elle a hérité cette tradition
centralisatrice de l’État sous l’influence française211. Même si le contexte politique est
totalement différent dans les deux pays, la démarche est la même. En France, après la
Seconde Guerre mondiale et en Tunisie après l’indépendance, les gouvernements ont adopté
un modèle de développement basé sur une intervention très poussée des pouvoirs publics et
un rôle prépondérant du secteur public. Donc, un rôle nouveau est attendu par l’État au
lendemain de la guerre : assurer la reconstruction matérielle du pays et moderniser ses
institutions en les rendant plus efficaces. François BLOCHE-LAINE rappelle les acquis
indéniables de cette période au cours de laquelle l’administration va soutenir l’élan
modernisateur « la reconstruction rapide, le développement sans précédent dû aux grands
investissements, la planification incitative au début du processus de modernisation, les
campagnes pour la productivité, l’ouverture presque forcée aux échanges internationaux sont
dus principalement à la volonté contenue de hauts fonctionnaires avisés »212.
L’histoire montre que contrairement à
la Tunisie,
la France a un passé
d’interventionnisme marqué étant donné qu’elle a connu relativement tôt le droit de
l’interventionnisme économique public. L’intervention de l’État étant une composante
importante de la politique économique, sa participation directe y demeure forte. Seulement en
Tunisie, pendant toute la période du protectorat, l’activité économique était essentiellement
assurée par des entrepreneurs privés principalement de nationalité étrangère, tandis que
l’intervention directe de l’État était assez faible. Le pays n’a connu l’interventionnisme
étatique qu’après l’indépendance.
211Marcou (G), « L’administration territoriales en Tunisie et les enjeux de la décentralisation », in
décentralisation et démocratie en Tunisie
, (dir), Ben Salah (H), Marcou (G), Paris, L’Harmattan, 1998, p. 7.
212Bloch-Lainé (F), « Problématiques actuelles du service de l’État en France », Servir, 1969, p. 200.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Dans cette perspective, nous étudierons en premier lieu le rôle prépondérant de l’État
dans la reconstruction et le développement économique (Paragraphe 1) et son rôle dans la
règlementation de ses activités économiques dans un second lieu (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. L’État, acteur principal de la reconstruction et de
développement économique
Seules les circonstances exceptionnelles telles que les situations de pénurie dues à la
guerre ou à des crises économiques graves ont légitimé pendant longtemps les interventions
de l’État en matière économique213. D’ailleurs, les circonstances de la Seconde Guerre
mondiale ont conduit à la transformation du rôle de l’État214dont l’objectif était de
reconstruire un nouvel État et de stimuler la modernisation et le développement économique.
À cette époque, l’État interventionniste Keynésien a définitivement pris le relai du marché
dans la réalisation de l’optimum économique215 et a pris en mains la direction de la vie
économique216. C’est au cours de cette période que l’État Français et l’État Tunisien ont eu
recours à l’étatisation de l’économie. Cette modernisation de rattrapage217 sous la forme d’un
capitalisme d’État a été renforcée par le Président DE GAULLE 218 et le Président
BOURGUIBA219.
L’interventionnisme étatique a permis à l’État de conforter son interventionnisme.
D’abord à des fins de reconstruction (A). Puis à des fins de modernisation et de
développement de ses activités économiques (B).
213Dreyfus (F), L’interventionnisme économique, Paris, PUF, 1971, p.6.
214Trois grandes périodes marquent le développement du rôle de l’État dans l’économie en France et en Tunisie :
En Tunisie, la période de 1956 à 1969 qui est celle de la conquête de la souveraineté et de la tunisification de
l’économie. Cette période peut être décomposée en deux phases, de 1956 à 1960 et de 1961 à 1969. La première
correspond à une politique d’inspiration libérale et le seconde à une politique d’inspiration socialisante. La
période de 1969 à 1986 est celle qui est présentée comme celle du libéralisme et de l’économie de marché. La
troisième période de 1986 jusqu'à 2011, est celle de la réduction des politiques protectionnistes, le
démantèlement des barrières tarifaire et la mise en place d’un Plan d’ajustement structurel (PAS), le libre-
échange industriel avec l’Union européenne et l’entrée dans une première vague de privatisation.
En France, la période du XIX siècle est une période de libéralisme triomphant. La période révolutionnaire
marque un tournant vers la libéralisation. La période d’entre-deux -guerres prépare le tournant de 1945 du point
de vue de la forte intervention de l’État dans l’économie. L’interventionnisme étatique, seul moyen de sortir le
pays de son marasme économique et social. À partir du milieu des années 1980, le désengagement de l’État de
l’économie semble devenir une nécessité. C’est le début de la privatisation des entreprises publiques.
215Lehmann (É), « Régulation économique et démocratie politique : un point de vue d’économiste », (dir),
Lombard (M),
Régulation économique et démocratie, op, cit, pp. 51-67.
216Chénot (B), Organisation économique de l’État, op, cit, p. 51.
217Modernisation du rattrapage, capitalisme d’État, « socialisme réellement existant », U.R.S.S., développement,
mise en ligne le 8 juillet 2012, consulté le 20 juin 2016, URL : http://www.palim-psao.fr/article-article-
modernisation-de-rattrapage-capitalisme-d-etat-socialisme-reellement-existant-u-r-s-s-107919219.html
218Président de la Cinquième république Française.
219Président de la Première république Tunisienne.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

A. La reconstruction de l’État et la centralisation du pouvoir public
Le pays doit faire face à une reconstruction inédite dans l’histoire. L’État français est en
ruine. De nombreuses villes sont partiellement ou totalement détruites. La guerre a provoqué
des destructions matérielles d’une ampleur inédite et a entrainé un désordre financier et
monétaire sans précédent220. Il faut donc des efforts colossaux pour les reconstruire. C’est
l’État qui devait alors tout pouvoir. De ce fait, il se transforme en un acteur à part entière de
l’économie traduisant ainsi l’émergence de l’État Keynésien modernisateur selon Pierre
ROSANVALLON221. L’État est devenu tuteur, il définit les règles, les objectifs, les moyens
et les processus de mise en œuvre222.
En Tunisie, les problèmes légués par la colonisation, la fuite des capitaux étrangers,
l’inexistence d’une couche d’entrepreneurs nationaux, le sous-développement généralisé et
multiforme, commandent une action rigoureuse de l’État dans l’œuvre du développement
économique, social et culturel dans le pays. La prise en charge du développement par l’État
était d’autant plus urgente, que l’indépendance signifiait pour la majorité de la population la
fin de l’oppression et la réalisation d’un bien-être économique et social longtemps refoulé
durant la colonisation223. En effet, la stratégie de développement par l’État se devait dans une
autre perspective, de reconquérir les symboles de la souveraineté et de participer à la
construction étatique et à la consolidation de l’unité nationale. L’État s’était attelé à tunisifier
et à nationaliser les secteurs stratégiques de l’économie jusque-là sous contrôle étranger.
Si en France, la nationalisation a été considérée comme un outil pour la reconstruction
d’un nouvel État (1). En Tunisie, elle n’a connu que quelques domaines d’application. En fait,
l’État a eu recours surtout à la Tunisification224des secteurs de base en vue de disposer des
commandes des principaux secteurs de l’économie (2).
220Fernandez (A), L’économie française depuis 1945, Paris, Hachette, 2001, p. 9.
221Rosanvallon (P), L’État en France. De 1789 à nos jours, op, cit, p. 66.
222L’État, acteur de développement, (dir), Leloup (F), Brot (J), Gerardin (H), Paris, Karthala, 2012, p. 7.
223Tarchouna (L), Décentralisation et déconcentration en Tunisie, Thèse, FDSPT, 2005, p. 767.
224La tunisification caractérise l’action des dirigeants tunisiens au lendemain de l’indépendance à effacer tous les
signes extérieurs rappelant la présence française, notons que la tunisification désigne également le fait de mettre
en place dans un pays un protectorat similaire à celui instauré en Tunisie par la France. Voir Tamzini (W),
Tunisie, Paris, De Boeck, 2013, p. 23.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
1. Les nationalisations : un outil pour la reconstruction de l’État en France
Après la Seconde Guerre mondiale, le seul acteur ayant assez de fonds pour reconstruire
l’économie du pays était l’État. Il était donc légitime qu’il nationalise une part importante des
grandes entreprises pour une relance plus rapide de l’économie. Par la force des choses, la
nationalisation des entreprises de secteurs essentiels voire les plus importants de l’économie a
donc propulsé l’État comme acteur principal de l’économie.
Durant cette période, la France a choisi de récupérer les leviers économiques et financiers
du pays en nationalisant les acteurs stratégiques du système productif dans le but de faire du
secteur public un facteur essentiel de l’économie française225. Ainsi, les nationalisations sont-
elles l’objet d’un large accord, symboles de réappropriation par le pays d’éléments de
souveraineté. Elles témoignent d’une politique conçue comme un système global articulé et
planifié226.
Selon la doctrine, la nationalisation227 est le transfert à l’État ou à la nation de la propriété
du capital des entreprises228. Elle consiste alors à remettre à la collectivité nationale la
propriété et l’exploitation de certaines richesses ou industries ayant une grande importance
économique ou politique229.
La nationalisation de secteurs stratégiques pour l'économie nationale a été retenue comme
élément de réponse à la remise en marche de l'appareil industriel. Cela s'est effectué tout
autant par morale politique sous l'égide de Président DE GAULLE et dans le cadre d'un
gouvernement d'Union nationale auquel participaient activement des élus, mais c’était
également le moyen d'affirmer l'unité nationale par la maîtrise des services essentiels230.
22516 janvier 1945 : Renault, mars 1945 : compagnies aériennes-Air France, 2 décembre 1945 : Banque de
France, Société Générale, Banque Nationale de Paris, avril 1946 : EDF et GDF (sous forme d'Etablissements
Publics), Houillères et Charbonnages de France, Caisse des Dépôts et Consignations, mai 1946 : Crédit Foncier,
Crédit National, réseaux du Crédit Agricole et du Crédit Populaire. cf. site www.vie-publique.
226Doneddu (J), « Quelles missions et quelle organisation de l'État dans les territoires ? », Rapport du Conseil
économique, social et environnemental, Mandature 2010-2015
, Séance du 22 novembre 2011, pp. 16-17.
227En tant que transfert forcé de propriété, la nationalisation se rapproche de l’expropriation, mais elle s’en
distingue sur deux points essentiels, l’expropriation porte sur un immeuble, la nationalisation porte sur un
ensemble des biens formant une entreprise ou sur des actions permettant le contrôle d’une entreprise,
l’expropriation vise à satisfaire l’utilité publique et à mettre un immeuble à la disposition du public, par contre la
nationalisation est réalisé dans un but de politique économique. Voir, Chérot (J-Y),
Droit public économique,
Paris, Economica, 2007, p. 32.
228Favoreu (L), Philip (L), Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, Paris, Dalloz, 2012, p. 27.
229Laufenburger (H), L’intervention de l’État en matière économique, Paris, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 1939, p. 265.
230Darold (J), Les sociétés d'économie mixte locales : Acteurs et témoins des politiques urbaines et territoriales.
Quelle légitimité entre Partenariat Public Privé et Entreprise Publique Locale ?,
Thèse, Université de Bordeaux,
2008, p. 53.

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 semble être la source d’obligation
juridique de la nationalisation puisqu’il dispose que : « tout bien, toute entreprise dont
l’exploitation a ou acquit le caractère d’un service public national ou d’un monopole de fait
doit devenir la propriété de la collectivité »231. Dans ce sens, le législateur a fondé les
nationalisations par ladite loi sur le fait que ces nationalisations seraient nécessaires pour
donner aux pouvoirs publics les moyens de faire face à la crise économique, de promouvoir la
croissance et de combattre le chômage. Elles procèderaient donc de la nécessité publique au
sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789. Mais la possibilité de nationalisation dépasse
bien sûr ce cadre juridique à condition d’être fondées sur la nécessité publique232 qui doit
justifier toute atteinte à la propriété privée. Le Conseil constitutionnel s’est tout récemment
reconnu le pouvoir d’exercer un contrôle minimal sur cette nécessité en recherchant si le
législateur n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation233 reprenant ainsi les méthodes
du juge administratif.
Dans le silence des textes constitutionnels de 1946, il avait jugé que les détenteurs du
pouvoir règlementaire ne pouvaient procéder à une opération qui portait atteinte à la propriété
privée234. À partir de 1958, la situation s’est constitutionnellement éclaircie puisque le nouvel
article 34 réserve au législateur les nationalisations d’entreprises. Au titre de cet article, le
législateur « fixe […] les règles concernant […] les nationalisations d’entreprises ». Cette
compétence a été interprétée par le Conseil constitutionnel235 comme incluant la définition
des critères des entreprises à nationaliser ainsi que la possibilité pour le législateur de
déterminer lui-même la liste des sociétés concernées236.
La vie économique en France s’est marquée après-guerre par une grande vague de
nationalisation qui a touché la plupart des secteurs industriels. Elle a connu trois différentes
vagues de nationalisations. La première date de 1936 est de l’avènement du Front Populaire,
qui avait pour objet les industries d’armement et les chemins de fer. La deuxième est
intervenue en 1946237 à la Libération. Les nationalisations de 1945-1946 ont marqué une
231Linotte (D), Romi (R), op, cit, p. 351.
232L’article 17 de DDHC prévoit que « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si
ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste
et préalable indemnité ».
233CC, 16 janvier 1982, JO, 17 janvier 1982, p. 301.
234CE, 13 juin 1947, Brandt, Rec. CE, 1947, p. 264.
235Décision n°139 DC du 11 février 1982, Loi de nationalisation.
236Nicinski (S), op, cit, p. 340.
237La Loi du 8 avril 1946 nationalise les entreprises de production, de transport, de distribution, d’importation et
d’exportation de l’électricité et du gaz.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
rupture. Si elles ont été le fruit d’inspiration diverse, elles ont été guidées par la volonté de
transférer à la collectivité nationale la propriété entière d’entreprises afin de les soustraire à la
direction capitaliste. L’actionnariat étatique est alors apparu comme un véritable outil de
politique économique et non plus simplement comme un moyen de reprendre en main
quelques entreprises concessionnaires de modernisation de l’économie nationale. Ces
nationalisations ont été une ampleur bien supérieure à celles de 1936. Elles ont concerné
l’ensemble de l’extraction charbonnière238, le transport et la distribution du gaz et de
l’électricité239, les transports aériens240, le secteur bancaire241 et les assurances242. Elles n’ont
pas touché le secteur proprement industriel, à l’exception de la nationalisation sanction des
usines Renault243 et de la société des moteurs Gnome et Rhône244 qui fut transformée en
Société Nationale d’Études et de Construction des Moteurs d’Avions (SNECMA)245. La loi
du 2 décembre 1945 a achevé de nationaliser la Banque de France ainsi que les plus grandes
Banques de dépôt : la Société Générale, le Crédit Lyonnais, la Banque nationale du commerce
et de l'industrie et le comptoir national d'escompte de Paris246. L’État a nationalisé aussi le
secteur des assurances247, le secteur des transports : création de la Compagnie nationale Air
France prenant ainsi la place des différentes compagnies privées248. On doit la troisième
vague de nationalisations à l’arrivée de la Gauche au pouvoir en 1981. Alors que les
nationalisations de 1945 avaient largement porté sur des entreprises dotées de missions de
service public. Celles de 1982 ont essentiellement concerné les secteurs de l’industrie et de la
banque. De ce fait cinq grandes sociétés industrielles sont concernées (Compagnie Générale
238Les ordonnances du 13 décembre 1944 et du 12 octobre 1945 ont nationalisé les Houillères du Nord et du Pas-
de-Calais, la loi du 17 mai 1946 a étendu la nationalisation à l’ensemble des mines françaises.
239La loi du 8 avril 1946 a substitué les établissements publics EDF, GDF aux multiples compagnies
concessionnaires.
240L’ordonnance du 26 juin 1945 a nationalisé Air-Bleu, Air-Transatlantique et Air France.
241La loi du 2 décembre 1945 a nationalisé la Banque de France et quatre grandes banques de dépôt (le crédit
lyonnais, la Société Générale, le Comptoir National d’Escompte de Paris et la Banque nationale pour le
Commerce et l’Industrie.
242La loi du 25 avril 1946 a nationalisé 34 compagnies d’assurances.
243Ordonnance du 16 janvier 1945 portant nationalisation des Usines Renault, JORF, 1945, p. 222.
244Ordonnance du 29 mai 1945 portant transfert à l’État d’actions de la société Anonyme des moteurs Gnome et
Rhône,
JORF, 1945, p. 245.
245Cartier-Bresson (A), L’État actionnaire, Paris, LGDJ, 2010, p. 8.
246Loi n° 45-15 du 2 décembre 1945 relative à la nationalisation de la Banque de France et des grandes banques
et à l'organisation du crédit,
JORF, 1945, p. 4200.
247Loi n°46-1072 du 17 mai 1946 relative à la nationalisation des combustibles minéraux, JORF, 1946
p. 4272.
248« On distingue une logique politique et une logique économique dans les nationalisations de 1944-1946.
Logique politique lorsqu’on cherche à réduire le pouvoir de patrons jugés défaillants, à promouvoir le contrôle
salarié, à amplifier et consolider la notion de service public, à assurer l’indépendance nationale dans la tradition
d’un certain esprit français «
colbertiste ». Logique économique lorsqu’on choisit d’abolir une concurrence
contre-productive en créant une entreprise unique qui sera dotée de moyens techniques et financiers à la mesure
des investissements à réaliser ». Fernandez (A),
L’économie française depuis 1945, Paris, Hachette, 2001, p. 32.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

d’électricité, Saint-Gobain, Pechiney, Rhône-Poulenc, Thomson-Brandt), ainsi que deux
compagnies financières (Paribas et Suez) et de nombreuses banques249. Ces nationalisations
ont correspondu à des choix de politique industrielle et à une politique de relance keynésienne
en réponse à la crise économique, ainsi qu’une réaction contre l’internationalisation des
entreprises250. D’une manière générale, ces nationalisations illustrent de manière spectaculaire
la volonté de l’État d’intervenir systématiquement et massivement pour peser sur l’économie
du pays251.
L’avantage principal des nationalisations était de donner à l’État les moyens d’un
dirigisme qui lui permettrait de stimuler le développement économique. Ces nationalisations
ont conduit à la constitution d’un véritable secteur public composé de différents types de
personnes juridiques comme les établissements publics, les entreprises publiques et des
organismes privés en charge d’une mission de service public252. Les raisons de ces créations
et notamment des nationalisations sont plurielles même si elles relèvent toujours in fine d’une
volonté de limitation des lois du marché et d’une implication plus grande, quelle que soit
l’appellation fournie de la puissance publique ou des intérêts collectifs dans l’économie. Si
l’on excepte les causes conjoncturelles (nationalisation sanction de la Libération), les
motivations principales des nationalisations furent d’ordre
idéologique mais aussi
conjointement ou alternativement de rationalité économique, de progrès social et de
protection des intérêts nationaux253.
Contrairement à la France qu’elle a eue recours à la nationalisation pour la reconstruction
d’un nouvel État. La Tunisie a eu recours surtout à la Tunisification des secteurs de base de
l’économie par la nationalisation des unités de production et la création d’industries lourdes.
2. La conquête de la souveraineté économique et la tunisification de l’économie :
une priorité pour la construction de l’État en Tunisie
Les années qui succèdent immédiatement à l’indépendance sont celles de la construction
de l’État sous le Président BOURGUIBA. En 1956, la Tunisie accède à l’indépendance, son
économie et son commerce extérieur étaient entre les mains d’intérêts étrangers, français pour
l’essentiel. Par exemple, l’agriculture était possédée par des exploitants européens et par
249Nicinski (S), op, cit, p. 338.
250Cartier-Bresson (A), op, cit, p. 9.
251Kerninon (J), Droit public économique, Paris, Montchrestien, 1999, p. 31.
252C.E Ass, 31 juillet 1942, Monpeurt, GAJA, Pour les ordres professionnels, voir CE Ass., 2 avril 1943,
Bouguen, GAJA n° 56.
253Orsoni (G), L’administration de l’économie, Paris, LGDJ, 1995, pp. 125-126.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
quatre sociétés financières anonymes. Les mines de phosphates étaient sous le contrôle de
quatre grandes sociétés françaises, la production et distribution de l’électricité, du gaz et de
l’eau potable régis par deux grandes sociétés métropolitaines et le transport maritime assuré
par des compagnies françaises de navigation, (etc.)254.
À cette époque, l’État avait opté pour l’interventionnisme en favorisant le secteur public.
Ainsi, il fut donc amené à intervenir massivement dans la vie économique. Il a d’abord pallié
à l’insuffisance des capitaux privés nationaux, en prenant la relève des entreprises étrangères
établies sous le Protectorat dans des secteurs traditionnels tels que l’agriculture, les transports,
les mines et l’énergie. Puis il a œuvré à promouvoir des activités nouvelles telles que
l’industrie et le tourisme.
L’État procèdera à la nationalisation des services de base. Très développée en France au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la nationalisation en Tunisie n’a connu que deux
grands domaines d’application.
La première nationalisation toucha les sociétés d’électricité, de gaz naturel et d’eau255.
L’article 1er du décret-loi de 1962256 dispose que : « la production, le transport, la
distribution, l’importation et l’exportation de l’électricité et du gaz combustible sont
nationalisés à dater de la promulgation du présent décret-loi. Les entreprises constituées en
Tunisie se livrant à des activités et ayant fait l’objet d’une reprise provisoire sont
nationalisées à dater de cette reprise ».
La seconde nationalisation a concerné le secteur des transports. En 1960, l’État a
nationalisé les sociétés de transport. Quant aux anciennes sociétés concessionnaires, telles la
Tunisienne Automobile et la société des Transports Automobiles du Sahel, elles ont fait dans
un premier temps l’objet d’une reprise provisoire par l’État.
L’État a eu recours surtout à la Tunisification des secteurs de base en vue de disposer des
commandes des principaux secteurs de l’économie comme le secteur du chemin de fer, le
secteur minier et le secteur bancaire qui étaient sous le contrôle des compagnies étrangères.
254Chouikha (L), Gobe (E), Histoire de la Tunisie depuis l’indépendance, Paris, La découverte, 2015, p.116.
255Aouij Mrad (A), Droit public économique, op, cit, p. 8.
256Décret-loi 62-8 du 3 avril 1962 portant création et organisation de la société tunisienne de l’électricité et du
gaz,
JORT, 1962, p. 363.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

La tunisification était considérée comme une expression de la souveraineté nationale. Un
grand nombre de colons quittèrent le pays, les exploitants agricoles vendérent leurs terres et
leurs propriétés immobilières et un grand nombre d’activités liées à l’État colonial ou à la
colonie européenne cessèrent progressivement leurs activités257. En ce sens, tout apport
nouveau est « tunisifié » c'est-à-dire qu’il est à la fois justifié par une tradition culturelle,
politique et étatique tunisienne et transformé dans sa signification et les modalités de sa mise
en œuvre selon la nécessité de son insertion dans une historicité du politique propre258.
Il faut souligner que ce choix de tunisification a beaucoup plus un aspect politique et
nationaliste (remplacer le contrôle étranger par un contrôle tunisien de ces activités et
raffermir la légitimité de l’État), qu’un aspect économique (préférence pour une propriété
collective au lieu d’une propriété privée). Sur le plan institutionnel, de nouveaux corps de
fonctionnaires sont créés (les gouverneurs et les délégués). Les fonctionnaires français sont
remplacés par des
fonctionnaires Tunisiens conformément à
la doctrine de
la
Tunisification259.
D’une manière générale, la tunisification était le prélude à l’accomplissement de la
souveraineté nationale dans tous ses aspects260. L’administration ayant été considérée comme
l’emblème de l’autorité de l’État et le moteur du développement économique, du progrès
social et de l’édification d’une société moderne. Le 21 juin 1956, une nouvelle organisation
administrative a vu le jour avec la création des gouvernorats et des délégations en
remplacement des Caïdats et des Khalifats.
Après la reconstruction, l’État a choisi de développer ses activités économiques. Dans
beaucoup d’États modernes et surtout dans les sociétés en transition, la planification
apparaissait comme le symbole et la clé du développement économique.
B. La planification, clé du développement économique ?
L’examen de la politique économique dans les État capitalistes en général et de la France
et de la Tunisie en particulier, montre que le développement est d’une part, une idée neuve, et
d’autre part une mission nouvelle de l’État. En effet, le développement économique étant
257Chouikha (L), Gobe (E), op, cit, p. 117.
258Cavallo (D), « Développement et libéralisation économique en Tunisie », Revue tiers monde, 2010, p. 56.
259Tamzini (W), op, cit, p. 23.
260La stratégie du développement administratif (2007-2011), Direction générale des réformes et perspective
administrative, octobre 2007, p. 56.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
instrument du renouveau, on ne jurait que par lui et pour les leaders le chemin le plus court
était une gestion étatique et centralisée261.
La planification peut être définie comme l’organisation et la détermination d’une
politique économique qui nécessite l’identification de moyens adaptés à des objectifs fixés et
cela en fonction de détails préétablis262. Le plan déterminait les choix stratégiques à moyen
terme du développement économique, social et culturel de la nation, ainsi que les moyens
nécessaires pour les atteindre263.
La France est un vieil État et la Tunisie un État jeune. La France fait figure de pays riche,
alors que le développement reste le premier défi que doit relever la Tunisie. Ces différences
expliquent que le rôle de l’État en général et celui de la planification en particulier, fassent
l’objet d’une appréciation différente d’une rive à l’autre de la Méditerranée.264 En France, la
planification est perçue aujourd’hui comme une entrave à l’expansion économique (1), alors
qu’en Tunisie, jusqu'à présent, elle demeure au contraire un outil pour le développement (2).
1. La planification en France, une entrave à l’expansion économique
C’est le décret du 3 janvier 1946 qui a prévu pour la première fois en France
l’élaboration d’un plan de modernisation et d’équipement. La Constitution de la IVe
République a assuré à la planification une présence en son article 25 qui prévoit « le Conseil
économique est consulté sur l’établissement d’un plan économique national ayant pour objet
le plein-emploi des hommes et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles ».
L’artisan de la planification en France est Jean MONNET265 qui réussit à convaincre le
Président DE GAULLE de la nécessité d’élaborer un plan pour permettre la reconstruction et
la modernisation et donc le développement de la France.
Le 1er plan Monnet, fut adopté par décret du 16 janvier 1947 et s’est appliqué jusqu’en
1953. Il trouvait une justification dans les nécessités de la reconstruction et la relance de
l’économie. Trois plans quadriennaux se succédèrent puis trois plans quinquennaux jusqu’en
1980. Le VII plan devant couvrir la période 1981-1985 subit l’alternance de 1981. Un plan
261Wilmots (A), De Bourguiba à Ben Ali. L’étonnant parcours économique de la Tunisie (1960-2000), Paris,
L’Harmattan, 2003, p. 60.
262Linotte (D), op, cit, p. 185.
263Bernard (S), Droit public économique, Paris, LexisNexis, 2009, p. 18.
264Marcou (G), op, cit, p. 54.
265Jean Monnet est le grand artisan de la planification de l’après-guerre. Ancien fonctionnaire de la SDN,
conseiller financier auprès de plusieurs gouvernements et cadre d’une grande banque américaine, il parvient à
convaincre le Général De Gaulle de la nécessité du plan pour permettre la reconstruction et la modernisation de
l’économie française.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

intérimaire fut adopté pour la période 1982-1983. Un IX plan a couvert la période 1984-1988
et postérieurement à l’alternance politique, une majorité moins attachée à l’idée de la
planification a lancé la préparation du Xème plan qui fut adopté en 1989 (1989-1992). La
procédure d’élaboration du XI plan a été engagée mais l’alternance de 1993 a eu raison de la
politique de planification française266.
Ce n’est qu’en 1982 que la politique de planification a pu reposer sur un cadre juridique
avec la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification267. D’après l’article 1er de
cette loi, « le plan détermine les choix stratégiques et les objectifs à moyen terme du
développement économique, social et culturel de la nation ainsi que les moyens nécessaires
pour les atteindre ».
Tous ces plans comportent toujours des objectifs quantitatifs en termes de production (le
nombre de secteurs pris en compte est cependant plus élevé), mais également des objectifs
globaux de développement économique (équilibres généraux, organisation des marchés,
développement de l'industrie des biens de consommation)268. En effet, ils témoignent de la
différente appréhension des problèmes économiques et de l’adaptation des pouvoirs publics
aux nécessités économiques et sociales du pays.
Le Second choc pétrolier affaiblira davantage le septième plan, il permettra de constater
l’incapacité manifeste des pouvoirs publics à prévoir les crises majeures en dépit
d’instruments adéquats de plus en plus perfectionnés. L’on déclare généralement le huitième
plan mort-né puisqu’il ne fut pas voté en raison du changement de majorité parlementaire issu
des élections présidentielles de 1981269. Le neuvième plan qui s’étend de 1984 à 1988
destinés à mettre en œuvre un certain nombre d’actions organisant l’industrie française et
orientées vers le marché intérieur. Ce plan abandonne l’échelon macro-économique. De 1989
à 1992, le dixième plan scellera l’abandon du cadrage macro-économique et laissera toute
programmation financière lettre morte270.
La planification est en pleine restructuration. Le plan nation a progressivement disparu.
Les orientations du Xième Plan furent présentées en Conseil des ministres en 1993 mais ne
furent pas soumises à une loi de plan. Désormais, l'idée d'un plan national est abandonnée.
266Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 178.
267Loi n° 82-653 des 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, JORF, 1982, p. 2441.
268De Gaulle (J), op, cit, p. 22.
269Biscaino (C), Interventionnisme économique
conjoncturelle
, Thèse, Faculté d’Aix-Marseille, 2007, p. 45.
270Noomane-Bejaoui (D), op, cit, p. 45.
local : d’une politique structurelle à une politique
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Mais pourquoi un tel déclin au point d’envisager de supprimer le plan ? D’abord, le plan
s’est avéré incapable de prévoir les crises extérieures à l’économie nationale. Ensuite, il faut
bien admettre qu’une économie développée comme celle de la France brille par sa
complexité. Dès lors, il est difficile dans le cadre d’un plan d’appréhender de manière
exhaustive toutes les relations économiques et sociales de tous les acteurs en présence, d’en
imaginer l’évolution et de prendre des décisions tendant à l’équilibre de cette gigantesque
imbrication relationnelle271. Enfin, le Plan a perdu une partie de son efficacité dans la mesure
où il ne portait plus exclusivement sur les investissements et tendait à programmer l’ensemble
des phénomènes économiques, y compris ceux relevant principalement de la politique
conjoncturelle tels que l’équilibre des prix ou du commerce extérieur272.
Outre le fait que l’accroissement des charges de l’État pendant la crise économique
paralysa l’exécution d’un certain nombre de programmes d’actions prioritaires du Plan, les
vertus opérationnelles de la planification française (prévisibilité, rationalité) ne trouvèrent
plus à s’appliquer. Selon Pierre BAUCHET : « c’est probablement dans l’instabilité des
politiques de l’État depuis quelques années qu’il faut chercher la cause profonde de la remise
en cause du Plan, qui invoqué comme un mythe, n’a pas donné un contenu à la politique
économique des pouvoirs publics »273. Il était en effet difficile de croire en la planification
sans un avenir économique prévisible274. Le caractère de plus en plus aléatoire de l’évolution
économique a restreint le contenu décisionnel du plan275. L’État a progressivement mis
l’accent sur les fonctions collectives qui sont les équipements publics et les données
maîtrisables à l’inverse du secteur productif. De surcroît, l’aptitude des pouvoirs publics à
planifier le développement économique a été affectée par la mondialisation et par le caractère
imprévisible de certaines données économiques276.
La planification connait un nouvel élan. Après les lois de décentralisation en 1982 et
dans un État post-moderne277 s’inscrit le rapport de partenariat État-collectivité local en vue
de renforcer la stratégie de développement économique essentiellement à travers la volonté de
271Noomane-Bejaoui (D), op, cit, p. 45.
272Savy (R), Fromont (M), op, cit, p. 252.
273Bauchet (P), Le plan dans l’économie française, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques,
Paris, Economica, 1986, p. 46.
274Marmot (J), « Le Xème Plan », RDA, 1988, pp. 486-488, sur cette question, voir, De Gaulle (J), L’avenir du
Plan et la place de la planification dans la société française
, Rapport au Premier ministre, Paris, La
documentation Française, 1994.
275Menier (J), « Planification et réforme administrative en France », Revue administrative, 1976, p. 477.
276La planification a été abandonnée, mais ses dérivés sont : les contrats de plan État-Région, État-entreprises
publiques ou privées et État-établissements publics subsistent.
277Ben Letaief (M), « Partenariat et gouvernance territoriale en Tunisie », in, mélange offerts au doyen Amor (A)
Tunis, 2005, p. 248.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

conclure un contrat plan entre État-région tel qu’en France pour une durée de 5 ans en vue de
répondre à la politique de développement territoriale. Cette vision de partenariat entre État et
région est totalement absente en Tunisie. Par conséquent, ce type de contrat pourrait être une
source d’inspiration à ce niveau car il permet d’assurer la conciliation des objectifs nationaux
et des besoins locaux278.
Le plan de la région détermine les objectifs à moyen terme du développement
économique, social et culturel de la région pour la période d’application du plan national. Les
régions ont ainsi la particularité de détenir non seulement des compétences propres (formation
professionnelle, lycées (etc.) à l’instar des départements et des communes, mais aussi des
compétences d’ordre général qu’elles partagent avec l’État comme l’aménagement du
territoire et les stratégies de développement économique et social. 279. Selon l’article 11 de la
loi du 29 juillet 1982 : « l’État peut conclure avec les collectivités territoriales, les régions,
les entreprises publiques ou privées et éventuellement d’autres personnes morales, des
contrats de plan comportant des engagements réciproques des parties en vue de l’exécution
du plan et de ses programmes prioritaires. Ces contrats portent sur les actions qui
contribuent à la réalisation d’objectifs compatibles avec ceux du plan de la nation. Ils
définissent les conditions dans lesquelles l’État participe à ces actions (…). Le contrat de
plan conclu entre l’État et la région définit les actions que l’État et la région s’engagent à
mener conjointement par voie contractuelle pendant la durée du plan (…). Les contrats
conclus entre l’État, d’une part, et les collectivités territoriales, des entreprises ou d’autres
personnes morales, d’autre part doivent être communiqués aux régions concernées. L’État
peut subordonner la conclusion du contrat de plan avec une entreprise à l’inclusion dans ce
contrat de la définition des principales orientations stratégiques de l’entreprise et à la mise
en évidence de leur comptabilité avec les objectifs du plan de la nation ».
Le plan de région est constitué par le schéma régional d’aménagement et de
développement du territoire prévu à l’article 34 de la loi du 7 janvier 1983 portant répartition
de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État280. Ce plan fixe les
orientations mises en œuvre par la région soit directement soit par voie contractuelle par
278Tarchouna (L), « Décentralisation et déconcentration en Tunisie », op.cit, p. 851
279Albertini (J-B), (dir), Le Dolley (V), Alouis (F), Lespiaucq (A), Les contrats de projets État-régions, Paris, La
documentation francaise, 2007, p. 11.
280Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements,
les régions et l'Etat *loi Defferre*,
JORF, 1983, p.215.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
l’État. D’autres régions, les départements, les communes ou leurs groupements, les
entreprises publiques ou privées, les établissements publics ou toute autre personne morale281.
Dans les années quatre-vingt-dix, la planification connait encore un nouvel élan. La loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995282
marque l'émergence d'un véritable droit de l'aménagement du territoire avec une réaffirmation
du service public dans son acception classique comme instrument de cohésion sociale. Cette
grande loi est complétée par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement
durable du territoire du 25 juin 1999 qui prévoit de nouveaux instruments. Schémas de
services collectifs et directives territoriales d'aménagement283. Une dernière strate législative
s'est ajoutée dernièrement : la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires
ruraux284 prévoit comme son nom l'indique des instruments de protection spécifiques des
territoires et des services publics ruraux.
À la différence de la France, jusqu’à présent, la planification en Tunisie reste l’outil
privilégié pour le développement économique et social du pays.
2. La planification en Tunisie, un outil privilégié pour le développement économique
Le développement économique était parmi les objectifs de l’État après l’indépendance.
Selon le Préambule de la Constitution de 1959, « le régime Républicain constitue la meilleure
garantie (…) pour la réalisation de la prospérité du pays par le développement économique et
l’exploitation des richesses au profit du peuple ».
Dans un contexte marqué par le départ de nombreux colons et la faiblesse du secteur
capitaliste national, cette orientation conduisait à faire de l’État le principal acteur du
développement, par la planification285.
La planification du développement économique a été très tôt perçue en Tunisie comme
une nécessité. Ainsi l’inexistence d’une entreprise privée capable de promouvoir le
développement économique a poussé l’État à se substituer à la planification. Le plan avait
281Article L. 4251-1 du CGCT.
282Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, JORF,
1995, p.1973.
283Loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et
portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement
du territoire, JORF,1999, p. 9515.
284Loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, JORF, 2005, p. 3073.
285Sur cette question, Voir, Ben Aissa (M-S), Expériences tunisienne et algérienne en matière de planification,
Thèse, Tunis, 1982. Mestre (A), « La Tunisie à l’heure de la planification libérale »,
Revue Tunisienne de Droit,
1973.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

pour ambition de promouvoir le développement économique, d’enrayer les déséquilibres
régionaux et de créer purement et simplement l’entreprise privée. La naissance de la
planification dans un contexte d’absence et de carence de l’entreprise privée a eu pour
conséquence de promouvoir
l’État comme
le principal acteur du développement
économique286.
Ce sont donc principalement les nécessités et les besoins impérieux de la vie économique
qui ont poussé les dirigeants tunisiens à opter pour la planification. Un pays neuf se doit
d’assurer un démarrage rapide et organisé de la vie économique. La planification a pour objet
de rénover certaines structures d’un type archaïque et de développer les secteurs de pointe
indispensables au développement de la nation. En ce sens, le plan est à la fois un instrument
d’orientation de l’économie et un cadre pour les investissements287.
L'idée de la planification en Tunisie est liée à l'idée de l’indépendance288 à tel point que
la politique économique envisagée s’est appuyée sur la planification indicative289 pour
promouvoir
l’industrialisation accélérée grâce à un accroissement exceptionnel de
l’investissement public290. Au lendemain de l’indépendance, la nécessité d’un plan général
aux structures délimitées et aux moyens définis dans leurs détails291 fut affirmée par le
Président BOURGUIBA dès son discours de désignation comme le seul moyen de résoudre le
problème du sous-développement qui constitue une atteinte permanente à la dignité de l’État,
du peuple et des individus. « Planifier ne signifie pas spolier. Notre attention est d’organiser,
d’harmoniser, de profiter des expériences des autres et d’accomplir une œuvre rationnelle
s’inspirant de la technique moderne »292.
286Tarchouna (L), Décentralisation et déconcentration en Tunisie, op, cit, p. 888.
287ENA, Le droit administratif tunisien, Centre de recherche et d’études administratives, 1975, p. 2277.
288Zaraka (C), « L’économie tunisienne à l’heure de la planification impérative », AAN, 1962, pp. 208-209
289« C’est en automne 1956 que parait le Rapport, qualifié par certains de « révolutionnaire » de l’Union général
des Travailleurs Tunisiens (UGTT de Ahmed Ben Salah). On y trouvait un réquisitoire contre le capitalisme et le
colonialisme, la proclamation de la nécessité pour les Tunisiens de prendre en mains les leviers de commande du
système économique, d’assurer grâce à une planification rationnelle un développement économique rapide. En
bref, l’UGTT affirmait qu’il ne pouvait y avoir indépendance politique véritable sans indépendance économique
complète, sans politique d’inspiration nationale et populaire » Extraits de Claude Zarka, « L’économie
tunisienne à l’heure de la planification impérative »,
AAN, 2012, p. 12.
290Chaabane (A), « Le rôle de l’État dans la coordination des marchés : Le cas Tunisien », (dir), Berthomieu (C),
Chaabane (A), Chorbel (A),
La restauration du rôle de l'État dans la croissance et le développement
économique, Paris, Publisud, 2004, p. 234.
291Mestre (A), Les services publics de l’administration tunisienne, op, cit, p. 51.
292Lombard (M), Cabanis (A), « Administration d’État, administration centrale, administration nationale », in,
Administration et changement, mutations structurelles et pénétration territorial en Tunisie, (dir), Ben salah (H),
Roussillon (H), Toulouse, Presses de l’institut d’études politiques de Toulouse, 1999, p. 21
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
C’est Ahmed BEN SALAH, qui a dirigé pendant presque une décennie la planification
de l’économie tunisienne. Le but déclaré de cette politique était d’une part, d’organiser de
façon cohérente et de structurer le développement du pays et d’autre part, de réduire les écarts
de revenu et l’antagonisme de classes qui subsistaient en Tunisie après l’indépendance
politique en 1956293.
L’expérience tunisienne lancée depuis les années soixante à travers le lancement des
premières perspectives décennales (1962-1971) lui a valu des réussites avérées et des acquis
indéniables. Le premier document de planification économique et sociale appelé Perspectives
décennales de développement a été élaboré en 1961.
Onze plans de développement ont été élaborés sans discontinuité de 1962 à 2010. Ridha
BEN MOSBAH, Conseiller économique auprès du Chef du gouvernement, a indiqué qu’ils
« ont permis au pays de réaliser des réussites tangibles économiques et sociales sur le long
terme »294. Ces plans fixent les orientations et les objectifs en matière de développement pour
une période de cinq ans et sont préparés sur la base de larges consultations auxquelles
participent toutes les composantes de la société civile au niveau central et régional : partis
politiques, organisations nationales et professionnelles.
Depuis les années 2000, le modèle de développement tunisien a commencé à s’essouffler
et à montrer ses limites. L’aggravation des disparités régionales, la surconcentration urbaine,
la forte pression exercée sur le marché de l’emploi, la faiblesse de l’épargne et de
l’investissement, la forte dépendance énergétique et les grandes pressions exercées sur les
ressources naturelles ont été les principaux indicateurs qui ont en quelque sorte conduit à la
Révolution du 14 janvier 2011. Mais cette faiblesse du modèle ne veut pas dire la remise en
cause de la planification. Au contraire, jusqu'à aujourd’hui cette dernière reste un facteur de
développement économique en Tunisie. Le plan 2016-2020 réaffirme cette idée. L’objectif
visé par ce plan est la consolidation de la croissance économique et la distribution équitable
des bénéfices du développement tout en exploitant de manière durable les ressources
naturelles.

293Pour la ferveur planificatrice en Tunisie dans les années 1960 et le développement planifié et
interventionniste, voir, Ayari (CH),
Le système de développement tunisien (une rétros- respective. Les années
(1962-1988)),
Tunis, CPU, 2003.
294Ouerghi (N), « Planification stratégique en Tunisie », mise en ligne le 21 juin 2015, consulté le 30 avril 2018,
URL : https://www.realites.com.tn/2015/06/planification-strategique-en-tunisie/
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Ce plan s’articule autour de 5 axes prioritaires : la bonne gouvernance, la réforme de
l’administration et lutte contre la corruption, le développement humain et une inclusion
sociale, la concrétisation des ambitions des régions295 et enfin l’économie verte296. Les
réformes programmées dans le plan paraissent ambitieuses et visent à corriger les faiblesses
constatées dans le pays pendant la période écoulée 2011-2015.
Le plan quinquennal de développement 2016-2020 a adopté des politiques économiques
crédibles et fiables pouvant consacrer à la Tunisie une place de choix sur la scène économique
mondiale. Le modèle de développement prévoit également la stimulation de l'investissement
conformément aux exigences de cette phase cruciale caractérisant actuellement l'économie
nationale. Ce plan comprend plus de 50 grands projets couvrant toutes les régions notamment
celles de l’intérieur et dans tous les domaines dont l’infrastructure. Ce dernier verra les
distances des autoroutes du pays doubler conjointement avec l’achèvement de la mise en
œuvre du Plan. L’infrastructure comprendra également les ports, les chemins de fer express,
les zones industrielles, les aéroports, les barrages, l’assainissement de villes, l’embellissement
des quartiers populaires et des logements sociaux, les hôpitaux pluridisciplinaires, les cités
sportives et culturelles, les centrales électriques, les champs pétroliers et gaziers et les mines
de phosphate297.
Contrairement à la France, les politiques en Tunisie n’ont pas été capables d’offrir des
solutions, ni des projets de société. Les nouvelles valeurs de dignité, liberté et travail n’ont
pas trouvé de traduction pratique dans le discours politique et a fortiori n’ont pas poussé les
visionnaires à entrevoir des pistes de réflexion pour apporter des réponses à des
problématiques complexes à l’instar de l’exclusion, des disparités ou à la nouvelle donne qui
est apparue, à savoir le terrorisme et l’insécurité. C’est pour cette raison que la planification
reste la seule solution pour le développement économique.
295Le développement régional est la nouvelle priorité qui s’est imposée au lendemain de la Révolution. Il ne doit
plus découle d’un pouvoir central bureaucratique qui impose aux régions les projets et les programmes à mettre
en œuvre. Il faut faire accompagner à chaque région sa destinée. Dés lors, ce sont les autorités de la région, élues
démocratiquement, qui doivent favoriser la croissance de leur région.
296L’économie verte est une économie dont la finalité est un développement économique, environnemental et
social pertinent. Autrement dit, le développement économique doit s’accompagner nécessairement de la
protection des ressources naturelles, du respect de l’environnement, d’un meilleur partage des richesses entre les
régions, entre les catégories sociales et entre les individus et d’une meilleure santé et d’une meilleure éducation
pour les citoyens. L’économie verte est fondée sur l’utilisation rationnelle des ressources, la protection des éco-
systèmes, la faible émission de gaz, l’adoption de nouvelles technologies de production non polluantes et le
développement des énergies renouvelables.
297Présidence de la République : « Communiqué du Conseil des ministres », op, cit.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
La nationalisation et la planification apparaissaient bien comme les principaux
fondements du pouvoir économique de l’État. C’était aussi le cas de la possibilité de la
règlementation de l’économie.
Paragraphe 2. L’État, perpétuel dominateur dans la règlementation de
l’économie
Dans le modèle de la règlementation, la société est entièrement structurée par et autour de
l’État qui joue un rôle d’impulsion et exerce en contrepartie sa mainmise sur la société. L’État
se réserve l’exploitation exclusive de certaines activités commerciales et industrielles, les
prohibant par là-même aux initiatives privées.
L’État a le devoir d’intervenir non pas pour gêner les initiatives privées ou leur faire
concurrence, mais pour les guider, pour les inciter, pour les soutenir au profit de l’activité
d’intérêt général, pour déblayer le chemin devant elles et leur garantir les perspectives d’un
labeur et sans ébranlements.
La règlementation de l’économie par l’État a pour objectif d’administrer et de diriger à
cet effet la vie économique298, de déterminer la structure et l'évolution des prix, des biens ou
des services d'une activité spécifique, de contrôler le processus d'entrée de nouvelles firmes
dans l'activité ou règlementer l'accès à certaines professions, de structurer l'offre du secteur
par des contingentements, des licences ou d'autres règles spécifiques de rationnement,
contraindre la liberté des entreprises à quitter certains segments du marché, de fixer des seuils
de rentabilité aux entreprises du secteur et de satisfaire des contraintes de service public en
arrêtant le principe d'un prix et d'une qualité universelle299.
L’encadrement direct des activités économiques de l’État fut pendant longtemps la forme
d’intervention dominante des pouvoirs publics. Cette domination a été expliquée par la
multiplication des monopoles publics entravant la concurrence (A) et une règlementation
étatique des prix (B).
298Dussart (M-A), op, cit, p. 321.
299David (E), « Réglementation et concurrence : quelques éléments de théorie économique », Économie et
prévision
, 1986, p. 40.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

A. Le maintien de monopoles publics : une limitation de l’accès au marché
Sur le plan juridique, « le monopole s’apparente plus volontiers à l’existence de
privilèges, de droits exclusifs ou spéciaux accordés ou reconnus à une entreprise pour
l’exercice d’une activité, généralement érigée en service public, ceci expliquant cela. Cette
approche du monopole postule donc, quelque part, l’existence d’une intervention publique,
extérieure au marché, ayant pour effet d’éliminer la concurrence, ce qui est une vue exacte
mais seulement partielle de la réalité des monopoles »300.
Les monopoles ne sont pas propres à la Tunisie. Bien qu’ils soient prohibés par le droit
européen, ils existent aussi en France. Par exemple, concernant la production nucléaire
d’électricité, il est clair qu’il y a une hégémonie d’EDF. Les textes initiaux instituant le
monopole d’EDF n’ont jamais été abrogés. C’est un monopole de fait où apparaissent
clairement les intérêts de l’État301. Pour le Conseil d’État, « C’est une position dominante
érigée en service public »302.
En France, la création et le maintien des monopoles publics sont profondément liés à la
fourniture d’un service public en vertu de l’alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946
(1), alors qu’en Tunisie, l’absence de l’initiative privée au cours des premières années de
l’indépendance a conduit à créer des monopoles publics dans tous les secteurs (2).
1. Les monopoles publics en droit français : une exigence attachée au service public
En droit français, l’expression « monopole public » désigne « tous les monopoles dont
l’existence dépend de l’attribution par les États de droits exclusifs à des entreprises publiques
ou privées »303. Elle englobe aussi bien les monopoles nationaux à caractère commercial visés
par l’article 37 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne que les monopoles
régis par le premier paragraphe de l’article 101 de ce texte304.
En France, la création et le maintien des monopoles publics sont profondément liés à la
fourniture d’un service public305 en vertu de l’alinéa 9 du Préambule de la Constitution de
300Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p.197.
301Aouij Mrad (A), Droit public économique, op, cit, p. 9.
302Conseil d'État, Assemblée, 12/04/2013, 329570, publié au recueil Lebon.
303Kovar (R), « Monopoles publics », Rép. De droit communautaire, 2006, p. 3.
304Noomane-Bejaoui (D), Les privatisations en Tunisie. Thèse, Université de Paris Dauphine, 2014, p. 190.
305« Le service public constitue une activité d’intérêt général exercée par une personne publique ou sous son
contrôle auquel s’applique un régime dérogatoire au droit commun. Il englobe des activités diverses notamment
la santé, les télécommunications, la distribution de l’eau, le gaz, l’électricité, la distribution du courrier, les
transports (etc.) ». Colin (F),
op, cit, p. 56. Léon Duguit l’a défini comme « toute activité dont
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
1946 « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un
service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
Depuis longtemps, les grands services publics en réseau306 ont été organisés en monopoles et
exploités par des entreprises publiques. Ce choix repose à la fois sur des considérations
économiques307, sociales308 et politiques309 .
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la nécessité d’investissements importants
dans le secteur public industriel et commercial est apparue notamment à EDF, à la SNCF et
aux Charbonnages de France. Les monopoles réservent certaines activités économiques à une
institution en supprimant pour elles la concurrence privée. Ils vont produire des biens et des
services qu’ils mettront à la disposition des consommateurs.
Les grands monopoles d’État ont été institués pour lui procurer des ressources. L’État a le
droit de contrôler ces monopoles afin que les prix ne soient pas excessifs et que les
obligations de services publics soient assurées. Le contrôle de ces monopoles renvoie pour
l’essentiel aux procédés de police économique310 très classique en droit public.
Les monopoles publics ne pouvaient se présenter que de manière hétérogène311 comme le
tabac, allumettes, poudres et salpêtres, alcools. Ils sont créés dans un but fiscal. D’autres, sont
créés pour des raisons politiques comme les monnaies, la radiodiffusion-télévision. Alors que
l’électricité et le gaz sont créés dans un but économique. Les chemins de fer, papiers de
presse, importation des combustibles minéraux solides quant à eux sont créés dans un but
administratif.
l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants parce que l’accomplissement de cette
activité est indispensable à la réalisation et à l’accomplissement de l’interdépendance sociale et qu’elle est de
telle nature qu’elle ne peut être réalisée que par l’intervention de la force gouvernante ». Duguit (L),
op, cit,
p. 68.
306Télécommunications, électricité, gaz, chemins de fer et poste.
307La théorie du monopole naturel.
308L’égalité des usagers devant le service public.
309Energétique ou industrielle.
310« La police économique, qui peut se définir comme l’ensemble des moyens permettant à la puissance publique
de préserver l’ordre public économique, tel qu’il est conçu à une époque donnée, est toutefois largement
dépassée, aujourd’hui par la notion de « régulation économique ». Stéphane (B),
Droit public de l’économie,
Paris, PUF, 2015,
p. 112.
311Moulin (R), Brunet (P), Droit public des interventions économiques, Paris, LGDJ, 2007, pp. 16-17.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Certains de ces monopoles sont très anciens tel celui des monnaies qui date de Philippe le
Bel, fin du Xlll e siècle et celui des poudres du XIV siècle. D’autres sont plus récents celui des
papiers de presse qui ne remonte qu’à 1936 et ceux qui sont attachés à certaines
nationalisations notamment l’électricité, le gaz et la production charbonnière312.
En outre, l’État a le monopole sur les importations des combustibles minéraux solides
(essentiellement le charbon) et liquides (le pétrole), les télécommunications, extraction des
combustibles minéraux solides autres que la tourbe et le transfert ferroviaire. Également, la
Poste a disposé d’une situation de monopole pour assurer des missions régaliennes : assurer
une mission de police-contrôle et assurer des recettes à l’État.
La plupart de ces monopoles ont été accordés pour de multiples raisons. Garantir la
sécurité nationale et surtout garantir la rentabilité de l’investissement lourd engagé par les
ÉPIC. En revanche, dans le contexte économique mondialisé, la montée en puissance des
groupes multinationaux leur permet d’assurer un tel investissement. Ainsi, l’importance de la
sécurité nationale justifiant l’existence du monopole est devenue de plus en plus réduite. Par
exemple, les transports ferroviaires et aériens concernaient certainement la sécurité sur le
territoire ce qui permettait à l’État de conserver le pouvoir de gestion par le biais de ses
entreprises comme la SNCF ou Air France. Ces monopoles ont été accordés par voie de
concession ou d’autorisation généralement à des personnes publiques et parfois à des
personnes privées.
L’argument véritable de justification de ces monopoles à côté de l’intérêt général ou de
l’ordre public réside essentiellement en ce que l’État doit protéger ses ressources en
préservant les monopoles de certains secteurs dont il retire des revenus considérables et
développer les secteurs économiques313. En Tunisie, la création de ces monopoles était surtout
en raison de l’insuffisance du secteur privé après l’indépendance et aussi l’idéologie
centralisatrice des pouvoirs politiques. La stratégie de l’État était de disposer le monopole
dans tous les domaines d’activités économiques.
312Delvolvé (P), op, cit, p. 151.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
2. Les monopoles publics en droit tunisien : une exigence attachée à l’absence de
l’intervention privée
À l’indépendance, l’intervention privée étant insuffisante et l’économie fragile, l’État dû
intervenir avec l’institution de monopoles. Ainsi, le rôle important que l’État devait jouer en
matière économique l’obligeait pour des raisons diverses à assurer la totalité de l’orientation
des richesses de la nation314.
L’économie tunisienne était structurée autour de monopoles dans les secteurs les plus
importants et le rôle de l’État était de contrôler ces monopoles. Mais, contrairement à la
France, il n’y avait pas de monopoles exercés par le secteur privé vu l’absence d’investisseurs
privés capables de prendre en charge certaines activités économiques.
L’absence de l’initiative privée en Tunisie au cours des premières années de
l’indépendance trouve son fondement dans la faiblesse économique de la bourgeoisie. Cette
classe incapable de porter un projet de développement économique autonome a eu dès le
départ besoin de l'omniprésence d'un État bureaucratique et redistributeur pour sceller une
alliance avec les autres classes sociales315.
Ces monopoles selon le Professeur Habib AYADI comprennent les tabacs, les allumettes
chimiques, les poudres à feu et les cartes à jouer316. À titre d’exemple, l’exploitation du
monopole des tabacs, des allumettes et des cartes à jouer a été accordée à deux organismes
publics. La régie nationale des tabacs et des allumettes qui est chargée d’exploiter au profit de
l’État le monopole fiscal des tabacs, des allumettes et des cartes à jouer, précédemment géré
par le service des monopoles317 et a la manufacture des tabacs fiscaux, des allumettes et des
cartes à jouer318.
314Imouna (S), Ordre public et libertés : recherches sur la police administrative en Tunisie, FDSPT, 1998, p.230.
315Lamloum (O) Tunisie : « Quelle transition démocratique ? ». (Dir), Ferrié (J-N), Santucci (J-C), Dispositifs de
démocratisation et dispositifs autoritaires en Afrique du Nord »,
CNRS, 2006, p. 134.
316Ayadi (H), Droit fiscal, CERP, 1996, p. 418.
317Loi n°64-57 du 28 décembre 1964 portant création de la Régie nationale des Tabacs et des allumettes. JORT,
29 décembre 1964, p. 1542.
318Article 2 alinéa 1 de la loi n°81-14 du 2 mars 1981, portant création de la régie nationale des tabacs et des
allumettes,
JORT, 6 mars 1981, 1981, p. 473.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

D’autres illustrations de monopoles publics seront empruntées à des activités à caractère
commercial et industriel plus net. Des monopoles réservés à certains établissements publics à
caractère industriel et commercial et personnes morales de droit public sont clairement
exprimés par les textes319.
Certains de ces monopoles sont classiques et ne sont pas propres au pays. Il s’agit de ce
qu’on appelle les monopoles fiscaux. Parmi ces monopoles, l’office des céréales qui exerce le
monopole de l’importation des céréales et du blé dur, du blé tendre et de l’orge. Aussi l’office
de l’huile qui détient le monopole de l’importation des huiles et contrôle la qualité de l’huile
d’olive à l’export320.
L’office du commerce tunisien (OCT) détient quant à lui le monopole de l’importation du
sucre, du café, des pommes de terre et du thé. Depuis sa création en 1962, ce monopole de
l’importation de produits alimentaires de base et de certains produits conjoncturels en cas
d’insuffisance de la production locale procède à la distribution en gros. Alors que la
commercialisation de ces produits au détail s’effectue par les opérateurs privés321. L’office
national des huiles pour sa part importe des huiles de graines (soja, colza, olive) et exporte de
l’huile d’olive sans droits exclusifs.
La société nationale de l’électricité et du gaz (90%) pour la STEG, la gestion de l’eau
potable pour la société nationale de distribution de l’exploitation des eaux (SONEDE)322, la
société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT), l’importation des médicaments et des
vaccins relève de la pharmacie centrale de Tunisie, la régie nationale des alcools dispose de
droits d’importation exclusifs sur l’alcool pur. L’entreprise tunisienne des industries du
raffinage (STIR) et l’entreprise tunisienne des activités pétrolières (ETAP) sont des
entreprises étatiques qui détiennent les droits exclusifs d’importations et de ventes nationales
de tous les produits pétroliers en Tunisie, y compris pétroles bruts, GPL, Gasoil, Jet, Fuel et
Bitumes.
319Ben M’Rad (H), op, cit, p. 258.
320Ibid, p. 259.
321Examens de l’OCDE des politiques de l’investissement en Tunisie, 2012, Éditions OCDE, consulté le 25-10-
2016,URL :
https://books.google.fr/books?id=n3TT59HBmroC&pg=PA66&lpg=PA66&dq=les+monopoles+de+l%27Etat+s
ur+les+produits+alimentaires+en+Tunisie&source=bl&ots=OPsfP2Kz3a&sig=Ux-
etq8olxudP5J56_DrXjK2Y4M&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiU1bOxjvTPAhXkAsAKHdTfBXIQ6AEIPDAF#
v=onepage&q=les%20monopoles%20de%20l'Etat%20sur%20les%20produits%20alimentaires%20en%20Tunisi
e&f=false
322La Sonéde jouit d’un monopole total pour la fourniture d’eau potable sur toute l’étendue du territoire national.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Quant au secteur des eaux et de l’assainissement, il est l’archétype du monopole naturel.
L’article 2 de la loi du 2 juillet 1968 précise que « la société jouit pour ce service d’un
monopole total qu’elle peut concéder partiellement »323. À la différence de la France où il
s’agit d’un monopole local. La STIR a également le monopole du raffinage de pétrole, ainsi
que de tous les autres combustibles, tels que le gaz liquide et Lubrifiants pour le marché
tunisien. Comme en France, l’office national des postes dispose d’un monopole pour le
traitement des envois dont le poids ne dépasse pas 1 kilogramme et pour l’émission des
timbres-poste324. L’exercice des services postaux est soumis à l’agrément préalable du
ministre chargé de la poste.
À l’instar de son homologue français, l’État Tunisien dispose aussi du monopole de
certains jeux de hasard. Effectivement, la loi du 6 août 1984 portant organisation et
développement des activités physiques et sportives a créé la société « Promosport » qui est
une entreprise publique sous tutelle du ministère de la jeunesse, des sports et de l’éducation
physique. Elle est chargée en vertu de la règlementation en vigueur de l’organisation des
concours de pronostics sportifs, des jeux et des compétitions. Un réseau bancaire para-
étatique se constitue sur cette dernière base surtout Société tunisienne de Banque, Société
nationale d'Investissement, Banque nationale agricole et la Banque Centrale de Tunisie qui est
dotée du monopole d’émission de la monnaie nationale325. De même, pour la Pharmacie
Centrale de Tunis qui a pour mission d’assurer le monopole de l’importation des médicaments
et de tous autres produits déterminés par arrêté conjoint des ministres de l’économie et des
finances et de la santé publique326. Quant au secteur de télécommunication, l’article 3 du code
relatif aux télécommunications a institué au profit de l’État, un monopole général en matière
de télécommunications exercé par le ministre des transports et des communications.
Pour certains monopoles publics, le législateur fait parfois usage de l’expression
exclusivité au lieu de monopole. C’est ainsi que la STEG a été chargée de la production, le
transport, la distribution, l’importation et l’exportation de l’électricité et du gaz combustible
en vue d’assurer à titre exclusif le développement de l’ensemble énergétique de la Tunisie327.
323Loi n°68-22 du 2 juillet 1968 portant création de la société nationale d'exploitation et de distribution des eaux,
JORT, 1968, p. 734.
324Examens de l’OCDE des politiques de l’investissement en Tunisie, 2012, op, cit, p. 76.
325Gobe (E), Chouika (A), op, cit, p. 95.
326Article 2 alinéa 2 de la loi du 26 novembre 1990 relative à la pharmacie centrale de Tunisie.
327Article 4 du décret-loi du 3 avril 1962 portant création d’un office de commerce de la Tunisie
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

La BCT bénéficie aussi comme nous l’avons déjà vu du privilège exclusif d’émettre sur le
territoire de la république des billets de banque et des pièces de monnaies métalliques328.
L’adoption de ces monopoles se traduit par une interdiction de toute activité concurrente.
Ainsi, l’opérateur privé ne peut plus faire valoir le droit d’être producteur, importateur ou
exportateur d’électricité ou de gaz combustible. Aussi, il n’a aucun droit d’accès à l’activité
d’importateur de produits sensibles ni à celle relative à l’émission des billets de banque et des
pièces de monnaies métalliques329. Ces monopoles limitent le nombre d’entreprises privées
qui peuvent se créer dans les domaines en question et donc, limitent la liberté d’entreprendre
et la liberté de la concurrence. Le recours à la monopolisation n’était pas la seule stratégie de
l’État interventionniste pour développer l’économie. C’était aussi le cas de la possibilité de la
règlementation étatique des prix.
B. L’étendue de l’intervention publique dans la règlementation des prix
À partir du moment où les besoins humains ont commencé à se multiplier, les
transformations rapides du commerce, de l’industrie et plus généralement l’évolution des
données économiques et
techniques ont augmenté. C’est ainsi qu’une politique
interventionniste est née selon laquelle l’État doit intervenir et gérer lui-même le marché
d’une manière permanente et massive notamment à travers le mécanisme de la règlementation
des prix. L’un de ses buts est d’éviter le bouleversement brutal de la situation économique et
de rechercher un équilibre entre les différentes catégories sociales. Cet objectif ne peut être
garanti qu’à travers une puissante autorité qui est l’État.
Phénomène quasi général et global, la règlementation des prix varie d’un pays à un autre
selon le degré de son développement et la nature de son système politique. Concernant la
France, d’une règlementation autoritaire et contraignante durant les années quarante et
cinquante, l’on est passé depuis les années soixante à une règlementation plus souple de
nature à s’adapter avec la nouvelle conjoncture économique internationale (1). Quant à la
Tunisie, la situation s’est caractérisée depuis l’indépendance jusqu’aux les années quatre-
vingt-dix par une règlementation très sévère dont le blocage quasi-total des prix (2).
328Article 35 de la loi du 19 septembre 1958 portant création et organisation de la banque centrale de Tunisie.
329Ben M’Rad (H), op, cit, p. 262.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
1. La règlementation des prix en France : une volonté de libérer les prix
Sous l’Ancien Régime, la règlementation des prix était appliquée car les corporations
étaient compétentes pour fixer le prix des produits dans le respect d’un minimum fixé par
l’autorité Royal330. Ainsi, la loi française du 19 et 22 juillet 1791 a donné compétence aux
maires pour taxer les prix de produit de première nécessité. Ce pouvoir sera étendu aux
préfets en 1933 et 1935, mais réellement la plus forte intervention sur les prix fut remarquée
sous le gouvernement de VICHY331 qui institua par la loi du 21 octobre 1940 une Charte et un
Code des prix repris par l’ordonnance française du 30 juin 1945 qui détermina les règles en la
matière en précisant, que « les décisions relatives au prix de tous produits sont fixées par
l’État »332. Nous constatons ainsi que le champ d’application de la règlementation est très
large, il concerne tous les produits et services et tous les acteurs de la vie économique
(artisans, commerçants, entreprises publiques…)333.
L'article 16 de cette ordonnance disposait que : « les prix de tous les produits et services
sont et demeurent bloqués, soit au niveau qu'ils avaient atteint au 1er septembre 1939, soit au
niveau qui résulte des décisions prises depuis cette date. Pour les entreprises qui ne vendaient
pas ces produits ou services à cette époque-là, les prix seraient ceux usuellement pratiqués
pour les produits ou services identiques par des entreprises similaires »334.
L’ordonnance avait supprimé le principe de liberté de fixation des prix. Le principe
même de l’ordonnance était le blocage des prix sur la base du niveau qu’ils avaient atteint
avant-guerre. Les prix ne pouvaient augmenter que sur décision du ministre chargé de
l’économie335. Dans ce sens, les prix des biens et services étaient directement fixés par le
gouvernement. Par exemple, le gouvernement pouvait choisir d'augmenter les redevances
locales du transport en commun à intervalles réguliers ou à titre d’exemples aussi les frais de
scolarité, les billets de théâtre, la collecte des déchets, la garde d'enfants, et les frais pour les
documents administratifs.
330Cliquennois (M), Droit public économique, Paris, Ellipses, 2001, p. 213.
331« Le gouvernement de vichy atteint le summum en matière d’intervention, par la création d’institutions et mise
en place de mécanismes. L’énumération est longue : création d’offices de répartition, de groupements nationaux
d’achat, de Comités d’organisation ayant pour but de diriger des branches entières par la loi du 16 aout
1940… ». Clinquennois (M),
op, cit, p. 11.
332Ingelaere (F), Droit public économique, Paris, Ellipses, 2007, p. 83.
333Le gouvernement a été amené à poursuivre une politique des prix en réponse à des hausses assez fortes des
prix.
334Ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix, JORF, 1945, p. 4150.
335Chérot (J-Y), op, cit, p.385.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

En revanche, l’ordonnance de 1945 s’avère favorable à un certain dirigisme économique
en ce qu’elle confère d’importants pouvoirs au ministre de l’économie pour règlementer les
prix. Il dispose ainsi d’une compétence quasi discrétionnaire pour fixer des prix planchers,
des prix plafonds ou encore des prix imposés afin de faire face à des situations de pénurie ou
pour réguler certains marchés336.
Si l’ordonnance de 1945 reste le document fondamental sur lequel sont fondées les
mesures règlementaires édictées par l’administration, d’autres textes ont été élaborés pendant
cette période afin de renforcer en fonction de situations conjoncturelles l’action dirigiste de
l’État en la matière337. On peut citer les décrets du 4 janvier et du 27 février 1947338 qui
avaient imposé une baisse des prix aux produits qui bénéficiaient d’un régime de liberté. De
même, le décret du 9 août 1953339 relatif au maintien de la libre concurrence a renforcé le
contrôle de l’administration sur les pratiques commerciales qui avaient par exemple pour effet
de favoriser des hausses artificielles de prix.
Le gouvernement décida de continuer à s’appuyer sur l’appareil de contrôle qui avait
œuvré sous VICHY. Ce choix s’imposait face à l’urgence de la situation et s’inscrivait dans la
volonté plus large exprimée par le Général DE GAULLE d’éviter « de faire tout à coup table
rase de la grande majorité des serviteurs de l’État, dont la plupart, pendant les années
terribles de l’occupation et de l’usurpation, ont avant tout cherché à servir de leur mieux la
chose publique»340.
Si ces procédés se révélaient de plus en plus inadaptés au fonctionnement économique
national, c’est parce que le droit européen invitait déjà les pouvoirs publics à moins de rigidité
dans leur système d’encadrement des prix, l’administration centrale est allée dans le sens
d’une économie davantage concertée. Le gouvernement a donc progressivement fait évoluer
sa méthode vers le développement de la contractualisation341. Les représentants se voient
proposer des contrats de stabilité destinés à laisser une certaine marge de manœuvre aux
entreprises dans la détermination détaillée des prix des produits tout en maintenant un niveau
moyen sur l’ensemble des prix pratiqués. En outre, l’État a mis en place des contrats de
programme qui permettaient une libération des prix dans les branches professionnelles qu’ils
336Thaury (M), op, cit, p. 8.
337Dreyfus (F), L’interventionnisme économique, Paris, PUF, 1971, p.11.
338Décret n°47-11 du 4 janvier 1947, JORF, 1947, p.147.
339Décret n°53-704 du 9 août 1953 dit décret anti-trust réglementant les ententes professionnelles et rétablissant
la libre concurrence,
JORF, 1953, p.7045.
340Discours du 25 juillet 1944, cité par Marc Olivier Baruch, Servir l’État français, Paris, Fayard, 1997, p. 572.
341Colin (F), op, cit, p. 244.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
pouvaient concerner. Par ces contrats, l’État agissait discrétionnairement par le moyen d’actes
unilatéraux ce qui était affirmé en jurisprudence partant du principe d’interdiction de recourir
pour l’administration au procédé contractuel dans des domaines relevant de mesures de
police342.
D’autres techniques contractuelles peuvent être mentionnées par exemple les accords de
programmation (1973), les engagements de modérations (1976) et les accords de régulation et
des engagements de lutte contre l’inflation (1981). Après négociation, le Conseil d’État a
refusé à cette procédure la qualification de contrat, décidant qu’il s’agissait toujours de
l’exercice d’une police des prix. Or, l’administration ne peut déléguer par contrat ses pouvoirs
de police. De plus, ces demi-mesures ne pouvaient être conciliées avec le droit de l’Union
européenne qui consacre la liberté économique343. Jusqu'en 1986, l'histoire économique
française sera marquée par ces blocages particuliers de prix comme celui du prix de l'essence,
du pain (etc.). De nombreux régimes spéciaux sont exclus de la liberté des prix tels que les
locations de biens immeubles, les transports publics, les tarifs aériens, de la SNCF et la
RATP, les produits agricoles, certaines professions libérales, les médicaments, les tarifs de
certains services publics par exemple les timbres, la Poste et les tarifs réglementés de
l’électricité ou du gaz344.
Contrairement à la France, qu’elle avait eu la volonté de libérer les prix. L’économie
tunisienne reste jusqu’aux les années quatre-vingt-dix une économie réglementée avec un
régime très rigide et contraignant excluant toute concurrence et toute liberté des prix.
2. La règlementation des prix en Tunisie : un régime rigide et contraignant
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, pour lutter contre le marché noir et l’inflation
galopante, un régime très strict avait été prévu qui comprenait notamment le blocage des prix
et tarifs et comportait des barrières règlementaires et des obstacles à l’entrée aux marchés. La
concurrence y était limitée. Ainsi, dès la fin de la guerre et face à la flambée des prix des
produits alimentaires, Lamine BEY décida la création d’une Caisse de compensation345 pour
342Linotte (D), Graboy-Grobesco (A), Droit public économique, Paris, Dalloz, 2001, p. 219.
343Colin (F), op, cit, p. 244.
344Ibid, p. 246.
345Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la flambée des prix des produits alimentaires sur le marché
international a poussé l’administration coloniale à créer une caisse de compensation par le décret beylicale du 28
juin 1945. Son but initial était de jouer le rôle d’un coussin qui protège les ménages tunisiens contre la hausse de
produits céréaliers.
88

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

protéger le modeste pourvoir d’achat de ses sujets et leur équilibre nutritionnel. La gestion de
cette Caisse fut confiée au ministère de l’économie nationale.
Après
l’indépendance,
la règlementation s’est caractérisée par un régime de
règlementation rigide, autoritaire et contraignante. Ceci ne doit pas surprendre puisque la
première décennie de développement (1960-1970) est caractérisée surtout par le blocage
quasi-total des prix. Jusqu’en la fin des années quatre-vingts, la presque totalité des prix était
fixée par voie autoritaire.
C’est la loi du 19 juin 1959 qui a repris le système du blocage des produits et services
maintenus aux taux qu’ils avaient atteints à une période de référence antérieure. Mais les
textes en vigueur ne permettaient pas de répondre aux exigences économiques du moment346
et certaines mesures complémentaires furent prises avec notamment la taxation de quelques
produits de grande consommation comme le sucre ou l’huile.
Le système autoritaire de fixation des prix a été repris par la loi du 26 mai 1970 relative à
la modalité de fixation des prix et à la répression des infractions347. D’après cette loi, la
fixation des prix était la règle, la liberté étant l’exception.
Sous l’emprise de cette loi, les prix des produits et services étaient fortement encadrés et
soumis à des régimes plus ou moins contraignants sous le contrôle de l’administration, allant
de la fixation autoritaire par l’administration ( taxation et homologation) à la fixation libre par
l’entreprise en passant par des régimes dits d’auto-homologation et de liberté contrôlée dans
lesquels les entreprises fixaient un prix que le ministre chargé de l’économie devait agréer ou
au moins en être informé348.
Le système des prix était fortement marqué par l’intervention substantielle de
l’administration349. En accordant une place prépondérante à son intervention notamment par
l’intermédiaire de la taxation et de l’homologation, les pouvoirs publics ont voulu
certainement mettre en œuvre des choix politiques, économiques et sociaux bien déterminés,
346Mestre (A), op, cit, p.87.
347Loi n°70-26 du 19 mai 1970 relative aux modalités de fixation des prix et la répression des infractions en
matière économique,
JORT, 1970, p. 617
348Chikaoui (L), « la liberté du commerce et de l’industrie à travers la nouvelle réglementation de la concurrence
et des prix en Tunisie »,
AJT, 1993, p. 144.
349Cette intervention est passée surtout au niveau de la taxation et de l’homologation.
89


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
en essayant de réaliser une conciliation impossible ou du moins difficile entre des intérêts
contradictoires des producteurs et des consommateurs350.
À la fin des années soixante-dix, plus de 50 % de l’économie tunisienne était composée
de secteurs assujettis à des restrictions d’accès. Certaines barrières ont été créées dont
l’objectif de protéger certaines entreprises tunisiennes de la concurrence ou parfois pour
protéger les secteurs émergents ou aussi maintenir les prix à la consommation à un niveau
raisonnable pour contenir l’inflation. Cela s’insère dans ce que l’on dénomme « l’ordre public
de protection »351, qui certes protègera le marché des activités indésirables ou sensibles,
protègera le marché contre lui-même et l’orientera mais, n’en ait pas moins certain que cela
ne risque pas d’avoir un effet contreproductif. Jusqu'à aujourd’hui, les prix des biens et
services de base tels que le pain, l’huile, le sucre, le transport urbain, les carburants, (etc.) sont
directement fixés par l’État et la liberté des prix n’est perçue que comme une exception.
En définitive, on peut affirmer sans paradoxe que la fonction de la règlementation en
Tunisie ne s’est jamais démodée, elle consiste dans la prise de décisions impératives à
caractère général et impersonnel352. Il existe dans toutes économies administrées même
libéralisées de nombreuses dispositions d’ordre législatif ou règlementaire susceptible de
favoriser un comportement abusif ou restrictif de concurrence de la part d’entreprises353.
350Zakraoui (S), Le régime juridique des prix en Tunisie, Mémoire (M2), Université de Paris Descartes, 1987,
p. 18.
351L’ordre public de direction impose une certaine direction de l’économie en éliminant des contratsprivés, tout
ce qui pourrait la contrarier. Au contraire, l’ordre public de protection est spécifié par rapport aux autres ordres
publics par la nature des intérêts protégés, c’est un ordre public de protection des intérêts privés. Pour le Doyen
Carbonnie « l’ordre public de protection protège une catégorie de personnes dans leurs rapports contractuels
avec d’autres ». Egalement le professeur Couturier affirme que « l’ordre public de protection restreint des
conventions afin de protéger certains contractants faibles à l’encontre des contractants forts ». Le professeur
Flour précise que « l’ordre public de protection a pour but de rétablir dans le contrat l’égalité d’avantages et de
sacrifices, que n’assure pas le régime de liberté ». Selon Jan Baptiste, « l’ordre public de protection ne protège
pas uniquement des intérêts individuels, il protège aussi, et peut-être avant tout, des intérêts catégoriels et
contribue ainsi plus largement au bon fonctionnement du marché, voire de la société toute entière. Quant à
l’ordre public de direction, il ne coïncide plus avec une véritable politique dirigiste. Conformément aux principes
du néo-libéralisme, il s’agit bien plutôt d’un ordre public régulatoire ». Racine (J-B), « Droit économique et lois
de police », Revue internationale de droit économique, 2010, p. 62.
352Mestre (A), op, cit, p. 89.
353La réglementation peut entrer en contradiction avec la politique de la concurrence. Certaines réglementations
peuvent avoir encouragé, voire même imposé, des pratiques ou conditions qui constitueraient autrement des
violations du droit de la concurrence.

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Conclusion du chapitre I
Ce chapitre a souligné les fondements de l’interventionnisme étatique en France et en
Tunisie qui s’est traduit surtout par une étatisation des activités économiques et une forte
intervention de l’État dans le domaine économique. Ces fondements présentaient des
divergences. Si en France, la nationalisation a été considérée comme un outil pour la
reconstruction d’un nouvel État, en Tunisie, elle n’a connu que quelques domaines
d’application. L’État a fait recours surtout à la Tunisification des secteurs de base en vue de
disposer des commandes des principaux secteurs de l’économie.
Pour la relance de l’économie, l’État ayant recours à la planification. Aujourd’hui, en
France, elle est perçue comme une entrave à l’expansion économique, alors qu’en Tunisie,
elle demeure au contraire un outil pour le développement économique.
Aussi, la divergence se voit au niveau de la règlementation étatique des activités
économiques. La France, a toujours la volonté de libérer les prix par le recours à plusieurs
stratégies pour s’adapter à la nouvelle conjoncture économique internationale, alors en
Tunisie, la situation s’est caractérisée jusqu’aux les années quatre-vingt-dix par une
règlementation très sévère dans le blocage quasi-total des prix.
La création et le maintien des monopoles publics sont également différents dans les deux
pays. En France, le recours aux monopoles publics est profondément lié à la fourniture d’un
service public en vertu de l’alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946, alors qu’en
Tunisie, c’est l’absence de l’initiative privée au cours des premières années de l’indépendance
qui a conduit les pouvoirs publics à créer des monopoles publics dans tous les secteurs.
Ce chapitre a montré aussi l’ouverture de la Constitution à l’activité économique de
l’État. En France, les principes qui justifient l’interventionnisme économique trouvent leur
place essentiellement dans le Préambule de la Constitution de 1946, alors qu’en Tunisie, ces
principes trouvent leur place dans la Constitution de 2014 qui a attribué un rôle important de
l’État dans la vie économique et sociale.
Néanmoins, les résultats de l’interventionnisme étatique se sont manifestés par la
segmentation de l’économie et sa fragmentation en plusieurs sphères qui ont provoqué des
déséquilibres structurels profonds, empêchant
l’enclenchement de
toute dynamique
d’accumulation. L’État interventionniste était considéré comme nuisible à l’initiative privée et
au bon fonctionnement du marché.
91

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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Le prochain chapitre qui traitera la remise en cause de l’économie administrée et le recul
de l’État interventionniste est conçu pour mettre en évidence les phénomènes cités ci-dessus.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Chapitre 2. Le recul de l’État interventionniste : une centralisation
excessive entravant le développement économique de l’État
Les études consacrées aux résultats du modèle français et tunisien de développement sont
unanimes. La stratégie de développement n’a non seulement pas atteint ses objectifs affichés,
mais elle a plongé
le système économique dans des cercles vicieux empêchant
l'enclenchement de toute dynamique d'accumulation. L’État était de plus en plus vécu par les
citoyens comme un lieu de blocage, de plus en plus incapable de remplir sa fonction de
régulation par l'interventionnisme compensateur. Il était vécu comme un lieu de coercition354.
En 1981, deux publications accélèrent le débat, un Rapport de l’OCDE intitulé la crise de
l’État protecteur et le célèbre ouvrage de Pierre ROSANVALLON sur la crise de l’État-
providence355. Selon cet auteur, la crise se situe à trois niveaux : ceux du financement, de
l’efficacité et de la légitimité de l’action publique356. Le premier est lié au blocage du cercle
vertueux évoqué plus haut. Le deuxième tient à l’incapacité de résorber le chômage de masse
qui s’installe partout en Europe. Quant à la troisième, il est alimenté par la montée en force du
paradigme néolibéral favorable au libre jeu des marchés et à la privatisation de la protection
sociale357.
Alain JUPPÉ fournit de son côté trois facteurs explicatifs à ce repli du rôle de l’État.
Premièrement, par la vogue des idées libérales qui se traduit au niveau international par une
confiance aveugle dans le marché pour réguler l’économie. Deuxièmement, au niveau
européen par le dogme de la concurrence libre et parfaite et au niveau national par la
privatisation des entreprises publiques. Troisièmement, par la multiplication des autorités
administratives indépendantes et l’aspiration à la décentralisation en réaction à un État
Jacobin qui a marqué toute notre histoire Républicaine et les contraintes budgétaires qui
imposent aux gouvernants successifs de procéder à des économies de fonctionnement par la
réorganisation et la compression des services de l’État358.
354Mahjoub (A), « État, secteur public et privatisation en Tunisie », AAN, 1987, p. 305.
355La crise de l’État-providence s’appuie sur le constat de l’usure du système interventionniste. Il s’agit d’abord
d’une crise financière de l’État avant d’être une crise idéologique. Sur la crise de l’État-providence, se référer à :
Rosanvallon (P),
La nouvelle question sociale, Paris, Seuil, 1998 et soon livre La crise de l’Etat providence,
Paris, Seuil, 1981, Denis-Clair (L) Jean-François (R),
L’État providence en question, Paris, Economica, 1990.
356Rosanvallon (P), La crise de l’État providence, Paris, Seuil, 1981, p. 57.
357Cassiers (I), Reman (P), « Ambivalence de l’État providence. À l’horizon d’un État social actif »,
Informations sociales
, 2011, p. 21.
358Audition d’Alain Juppé devant la section de l’aménagement durable des territoires le 23 juin 2010. Sébastien
Bernard a proclamé ainsi, que : «
la spécificité de la grande crise des années quatre-vingt résulte de la
combinaison de plusieurs facteurs : en premier lieu l'épuisement séculaire d’un modèle de développement
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Dans une interview à Acteurs Publics, Jacques ATTALI estime de sa part que « l’État est
devenu une sorte de Titanic, saigné aux quatre veines, qui ne pense plus : l’affaiblissement de
l’État résulterait d’une conjugaison de facteurs dont la décentralisation conférant des
pouvoirs aux collectivités territoriales, la construction européenne, la globalisation faisant
remonter la décision au marché mondial et les privatisations qui ont cédé au privé des pans
entiers de l’économie »359.
Pour connaitre les raisons de la remise en cause de l’État interventionniste en France et en
Tunisie, nous étudierons en premier lieu, le déclin de l’intervention publique face aux défis de
la crise et des mutations économiques (Section 1) et en second lieu, la déstabilisation de
l’autorité de l’État par la reconnaissance de l’interventionnisme économique local (Section 2).
Section 1. Le déclin de l’intervention publique face aux défis de la crise et
les mutations économiques.
À la fin des années soixante-dix, l’État se trouve dans une situation économique très
difficile. L’étatisme et la présence de plus en plus envahissante des appareils de gestion
publics étaient considérés comme un obstacle devant le développement économique et social
du pays et comme une contrainte360 réduisant de manière croissante la marge de la liberté
économique et de la concurrence.
L’interventionnisme économique de l’État a été fortement remis en cause à partir du
début des années quatre-vingts. En France, la crise et l’intervention de l’Union Européenne
ont fortement imposé la remise en cause de l’interventionnisme économique public
(Paragraphe1). Alors qu’en Tunisie, c’est la crise et les institutions financières internationales
qui ont joué un rôle de premier plan dans la diminution de l’intervention de l’État dans
l’économie. (Paragraphe2).
caractérisé par l'accumulation extensive et la régulation pénurique appuyée sur une base institutionnelle et
comportementale fondamentalement rigide
», Bernard (S), « Rigidité et flexibilité systémique : L'expérience des
réformes dans les économies socialistes »,
in, Boyer (R), Chavance (B) et Godard (O), Figures de
l'irréversibilité en économie
, Editions EHESS, 1991, p. 65.
359Acteurs Publics 28 juin 2011. Pour Guy CARCASSONNE, les évolutions institutionnelles à l’instar de la
consolidation de la construction européenne et de la décentralisation ont contribué à restreindre les capacités
d’intervention de l’État, elles ne sont pas les seules causes majeures de ce bouleversement qu’il qualifie
d’envergure. Il estime en effet « qu’
en termes strictement économiques, il fut un temps où l’État occupait une
position dominante sur ce qui aujourd’hui relève à l’évidence de l’activité privée. Non seulement les
nationalisations de 1981 ont été largement effacées, mais ont également été effacées en large partie celles de
1946. Il fut un temps où l’essentiel du crédit, la totalité de la banque, la totalité de l’assurance, c’est-à-dire
l’ensemble des institutions financières étaient sous le contrôle de l’État où les plus grands groupes industriels
étaient possédés par l’État
». Audition de M. Guy Carcassonne, Professeur de Droit constitutionnel, devant la
section de l’aménagement durable des territoires, le 2 juin 2010.
360Chevalier (J), L’État post-moderne, op, cit, p. 25.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Paragraphe 1. La crise et l’Union européenne : des facteurs imposant la
remise en cause de l’interventionnisme étatique en France
Le formidable développement de l’État interventionniste a connu un réel succès durant la
période des Trente Glorieuses. Les inégalités diminuaient, le chômage involontaire persistant
était quasiment inexistant, la richesse des nations croissait à un rythme soutenu, les budgets
des États étaient en équilibre et les dettes publiques s’estompaient361. Mais la crise frappa le
capitalisme d’État français au milieu des années soixante-dix. Elle était le résultat de
l’incapacité croissante des gouvernements à prendre en compte l’évolution du contexte
économique international et d’une série d’échecs à savoir la planification qui s’était fondée
sur des prévisions erronées, les politiques industrielles s’étaient appuyées sur des
investissements inadéquats, et bien des fleurons de l’économie nationale n’étaient plus que
des canards boiteux362. D’une manière générale, ce modèle de modernisation n’avait pas
permis de développer le système économique. Au contraire, il était considéré comme un
obstacle devant le développement économique et social de l’État.
En admettant que la crise des années soixante-dix semble la cause à la fois de la
réduction de l’intervention étatique et de la création de conditions économiques et politiques
nouvelles au sein de l’État (A), il faut aussi souligner que l’Union européenne a joué un rôle
majeur dans la remise en cause de l’étatisme et la régulation de l’économie (B).
A. La crise : une cause de réduction de poids de l’État dans l’économie
De manière récurrente, les historiens de l’État et de l’action publique de l’après Seconde
Guerre mondiale mettent l’accent sur le rôle moteur de l’administration, du secteur public et
de la planification dans la reconstruction du pays. Les éléments essentiels en sont connus :
une place centrale de l’État, acteur et régulateur de l’économie et des pratiques de
redistribution sociale assez larges. Sous l’effet de la crise économique, ces politiques
keynésiennes auraient été contestées durant les années soixante-dix avant que leur acte de
décès ne soit signé politiquement un peu plus tardivement et de manière relativement
inattendue363.
361Bottini (F), L’État interventionniste. Le rôle de la puissance publique dans l’économie, Paris, L’Harmattan,
2012, p.72.
362Vivien-Ann (S), Rachel (B), op, cit, p. 165.
363Gaïti (B), « L'érosion discrète de l'État-providence dans la France des années 1960. Retour sur les temporalités
d'un « tournant néo-libéral » »,
Actes de la recherche en sciences sociales, 2014, p. 59.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
La crise frappa donc le capitalisme d’État français. Elle était le résultat de l’incapacité
croissante des gouvernements à prendre en compte l’évolution du contexte économique
international, et d’une série d’échecs : la planification s’était fondée sur des prévisions
erronées, les politiques industrielles s’appuyaient sur des investissements inadéquats et bien
des fleurons de l’économie nationale n’étaient plus que des canards boiteux. De nombreuses
firmes étaient en déficit et hors d’état de résister à des rachats. Les relations du travail étaient
très conflictuelles, les grèves se multipliaient364.
C’est pour la première fois qu’une crise économique devenait synonyme d’inflation
forte365. Hormis, dans l’industrie la production ne chutait pas mais stagnait ou fléchissait
légèrement366. Des déficits publics commençaient à apparaitre ainsi que la montée du
chômage. Entre 1973 et 1983, le taux de chômage français est passé de moins de 3 % à
presque 8 %367. L’augmentation de l’espérance de vie et la baisse de la croissance limitent
considérablement les marges de manœuvre budgétaires des gouvernements368. L’État serait
donc incapable de sélectionner les secteurs et les entreprises porteurs. Il ne pourrait remplacer
le processus de sélection naturelle quasi darwinien qu’effectue le marché. Il pourrait même
aller à l’encontre de ce processus. En deuxième lieu, l’État serait en permanence suspecté de
choisir non en rationalité, mais en fonction du rapport de force des groupes de pression369. En
troisième lieu, l’État serait incapable de prouver que son intervention est justifiée, qu’il peut
faire mieux en intervenant plutôt qu’en s’abstenant d’intervenir. En quatrième lieu, l’État ne
pourrait ni ne saurait attirer les talents et les expertises requis pour opérer en environnement
concurrentiel. En cinquième lieu, l’État serait en permanence suspecter de privilégier les
bénéfices politiques à court terme. Enfin, l’État est multiple, il ne pourrait de ce fait réagir
avec la célérité nécessaire devant les changements intervenus dans la détermination d’une
stratégie370. Cette longue liste des insuffisances supposées à l’État interventionniste est
intéressante car elle parait justifier le retrait de l’État.
364Vivien Ann (SH), Rachel (B), « Les beaux restes du capitalisme d’État à la française », Critique
internationale
, 2000 p. 167.
365« En France, le rythme de hausse des prix passa de 6% par an dans les années 1970 à 15,2% en 1974 pour
osciller entre 10 et 12% à partir de 1975 puis se réduisait progressivement au cours des années 1980 ». Joye (J-
F),
Essai sur les mutations juridiques de l’action économique territoriale, Thèse, Université de Savoie, 2000,
p. 150.
366Joye (J-F), op, cit, p. 151.
367Bottini (F), op, cit, p. 72.
368Thaury (M), op, cit, p. 9.
369Voir Henry (L), Concurrence et services publics dans l’union européenne, Paris, PUF, 1997, p. 35.
370Isidoro (C), op, cit, p. 98.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Face à ces crises, le gouvernement de cohabitation de 1986 dirigé par le Président
Jacques CHIRAC a procédé à un changement de culture politique371. Le gouvernement s’est
alors réclamé vigoureusement du néolibéralisme mais n’a pas pour autant confiner l’État à ses
taches naturelles (souveraineté nationale et justice). Il a plutôt procédé à une réorientation ou
à un recentrage. Le rôle d’initiation de l’accumulation du capital et de son déploiement dans
le marché mondial n’a pas été fondamentalement mis en cause, même si ses formes ont
changé (privatisations, libéralisations)372.
Sa réélection en 2002 a donné des fonctions et des responsabilités nouvelles au
gouvernement, il annonce dans son discours de politique générale quatre axes. Premièrement
recentrer
l’État sur ses missions
régaliennes et
restaurer
l’autorité
républicaine.
Deuxièmement, favoriser le renouveau de la démocratie sociale et la relance de la démocratie
locale par la décentralisation. Troisièmement, promouvoir une valeur de création tout aussi
économique, social que culturelle. Enfin, œuvrer à une construction européenne humanisée373.
À partir de ce qui précède, nous pouvons constater que la crise n’a pas été un simple
dérèglement passager comme le prétendent certains économistes, mais un moment de
restructuration et de transformation du système capitaliste mondial. La crise a conduit le
passage vers la libéralisation de l’économie.
B. La diminution de l’interventionnisme étatique : une exigence européenne
Dans la pratique, les décideurs européens imposent les politiques de libéralisation et
l’ouverture à la concurrence dans des secteurs non régaliens où la dimension économique est
facilement identifiable comme les services en réseau tels que les transports, l'énergie, l'eau, les
télécommunications et les services postaux. Le traité instituant la Communauté économique
européenne (CEE)374 impose à toutes les activités économiques le respect des règles de
concurrence sur lesquelles repose la formation du grand marché, notamment au travers de
l’article 37 qui exige l’adaptation des monopoles et de l’article 90 qui fait des règles de
concurrence le droit commun applicable aux services d’intérêt économique général375.
371Brown (W), Les habits neufs de la politique mondiale. Néolibéralisme et néo-conservatisme, Paris, Les
prairies ordinaires pour la traduction française, 2007, p. 14.
372Bauby (P), op, cit, p. 77.
373Discours de politique générale du 3 juillet 2002 : www.gouvernement.fr/jean-pierre-raffarin
374Le traité instituant la Communauté économique européenne aussi appelé traité de Rome, c’est un traité signé
le 25 Mars 1957 à Rome entre 6 pays : L’Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays Bas.
375Marcou (G), « L’application de l’ordonnance du 1er décembre 1986, le droit de la concurrence et les services
publics »,
RFDA, 2002, p. 63.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Les directives européennes obligent la France à réduire son secteur concurrentiel
(électricité, gaz, téléphone, chemins de fer…) et à s’ouvrir davantage à la concurrence. Ainsi,
l’adoption du traité de Maastricht le 7 février 1992 accentue cette tendance en instituant
l’Union économique et monétaire (UEM)376. L’intégration de la France au sein de cette Union
affecte les bases mêmes de l’interventionnisme étatique.
Le droit européen est venu remettre en cause les restrictions à la libre concurrence et les
monopoles publics dans les États membres377. Il prohibe ainsi toute intervention publique
susceptible de fausser la concurrence ou d’entraver la libre circulation des biens et des
services. Cette ouverture économique se traduit par l’instauration de la liberté économique, le
renforcement de la concurrence, la démonopolisation des activités économiques et
commerciales, l'ouverture aux investissements privés nationaux et étrangers, la libéralisation
de services publics, la privatisation des entreprises publiques et la dérèglementation des
activités économiques de l’État. Ces dernières visent à réduire l’intensité de l’intervention
publique dans le secteur économique en ouvrant de nouveaux espaces à l’initiative privée.
Dans ce contexte global défavorable aux monopoles publics. À compter des années
soixante-dix, la plupart des monopoles publics ont été supprimés à l’initiative des autorités
nationales ou sur recommandation de la Commission parfois après une phase transitoire
d’ouverture progressive à la concurrence378. Ainsi, la loi du 9 novembre 1981 a amorcé la
disparition du monopole de la radiodiffusion qui disposait dans son article 1er que « la
communication audiovisuelle est libre »379. Aussi pour les poudres, une loi du 3 juillet 1970 a
remplacé le service des poudres par une société anonyme380, de même pour les tabacs, le
monopole a été restreint le 27 décembre 1994381. Pour les alcools, la loi du 11 juillet 1985 a
mis fin au monopole en supprimant les activités du service des alcools382. Quant au monopole
376Deuxième acte fondamental de la construction européenne après le traité de Rome du 25 mars 1957. Le traité
Maastricht est entré en vigueur le 1
er Novembre 1993. Il institue une Union Européenne entre les 12 États
membres de la communauté européenne : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande,
Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Unis ».
377Valin (S), Services publics : un défi pour l’Europe. Approches nationales et enjeux communautaires, Paris,
Editions Charles Léopold Mayer, 2007, p. 34.
378Annamayer (A-L), op, cit, p. 21.
379Loi n° 81-994 du 9 novembre 1981 portant dérogation au monopole d’État sur la radiodiffusion, JORT, 1981,
p. 3070.
380Loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances explosives, JORF, 1970,
p. 6299.
381Loi n° 94-1135 du 27 décembre 1994 relative aux conditions de privatisation de la Société nationale
d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes
, JORF, 1994, p.18534.
382Loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, JORF, 1985,
p. 7855.
98

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

des allumettes, il a été supprimé par la loi du 4 décembre 1972383. Cette ouverture des services
publics à la concurrence sous l’impulsion principale du droit européen a accéléré le processus
de soumission des services publics au droit de la concurrence.
La démonopolisation du secteur des transports et notamment l’espace aérien ont débuté
dans les années quatre-vingts. L’acceptation par la Commission du regroupement d’Air
France384 et d’UTA eut pour contrepartie l’engagement de la France vers une accélération de
l’introduction de la concurrence sur les lignes aériennes domestiques et internationales au
départ du territoire national385. Également, les règles applicables aux aéroports ont dû être
adaptées à l’ouverture de la concurrence du transport aérien. L’État a aussi levé les barrières
dans le domaine des transports terrestres en 1991 et des transports maritimes. D’abord en
1986, puis complétés en 1992386.
L’État français a libéré aussi les activités postales. En 2008, le monopole postal a
désormais totalement disparu387. La volonté de mettre en place un marché intérieur postal a
été accompagnée par des objectifs d’amélioration de la qualité du service, notamment de
meilleurs délais d’acheminement des produits postaux388.
Le régime de monopole délégué pour l’importation du pétrole a pris fin avec la loi du 31
décembre 1992 qui a libéralisé l’activité pétrolière389, l’article 1er dispose que « la liberté de
383Loi n° 72-1069 du 4 décembre 1972 portant aménagement du monopole des allumettes, JORF, 1972 p.12555.
384Des lois votées récemment aménagent et envisagent leur privatisation, c'est-à-dire le transfert par l'État de sa
détention majoritaire du capital. Voir loi du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et
notamment à la société Air France. Cette loi vise à préparer la privatisation de l'entreprise ; pour un
commentaire : Lombard (M), « Les garanties accompagnant la privatisation d'Air France »,
AJDA, 2003,
p. 1100. Un décret du 3 octobre 2003 a finalement autorisé le transfert au secteur privé de la participation
majoritaire détenue par l'État dans l'entreprise, le recours pour excès de pouvoir contre ce décret a été rejeté : CE
11 févr. 2004, Delmas, en 2004, la nouvelle alliance entre Air France et KLM a fait passer la part de l'État dans
l'entreprise de 54 à 44%.
385Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, 2010, p. 240.
386Jedidi (R-A), Les exceptions à la liberté des prix en droit de la concurrence, Mémoire (M2), FDSPT, 2009,
p. 56.
387La Loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la Poste et des télécommunications a créé
une personne morale de droit public : l'exploitant public. La Poste (qualifié par le Conseil d'État comme la Cour
de Cassation, d'établissement public industriel et commercial) afin de lui donner l'autonomie de gestion dont elle
avait besoin pour conduire sa stratégie de développement. La loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des
activités postales avait permis pour sa part la création de La Banque Postale et mis en place une régulation des
activités postales confiée à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).
Pour plus d’informations, voir l’étude menée par le CIRIEC pour la DG Regio de la Commission européenne
« contribution des services d’intérêt général à la cohésion économique et sociale », Rapport sectoriel sur les
services postaux, 2004, voir : www.ulg.ac.be/ciriec/intl-fr/index.html
388Valin (S), op, cit, p. 187.
389Faberon (J-Y), « Le régime pétrolier Français », RDP, 1994, p. 55.
99


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
l’importation, de l’exportation, du traitement, du stockage et de la distribution du pétrole brut
et des produits pétroliers »390.
L’État a aussi levé les barrières dans le secteur des télécommunications. En revanche, le
droit des télécommunications391 représente un droit autonome et spécifique qui obéit aux
règles de la concurrence et à la politique d’ouverture avec l’adoption d’un Code propre à la
matière, celui du Code des postes et des communications électriques. Cette libéralisation avait
pour objet l’ouverture du marché des télécommunications à l’initiative privée en encourageant
les opérateurs concernés à s’y engager sur la base des règles de l’économie du marché392.
Le secteur audiovisuel français avait été longtemps soumis à un monopole à l’intérieur
des frontières, la concurrence s’exerçait seulement par des postes périphériques393. Ce secteur
avait été libéralisé avec la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle394. Par
ailleurs, les jeux d’argent étaient encadrés de longue date en France. La loi relative à
l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en
ligne a néanmoins été adoptée le 12 mai 2010.
On remarque alors que sous l’impulsion de la Communauté Européenne395, la France a
accepté
l’aménagement et
la suppression des monopoles étatiques des activités
économiques396. Le socle idéologique de ces initiatives visait l’exaltation de l’initiative privée
caractérisée par le dynamisme et l’efficacité face au manque de qualité, à la rigidité et à
l’esprit bureaucratique qui seraient consubstantiels au secteur public397.
390Dalaunay (B), Droit public de la concurrence, Paris, LGDJ, 2015, p. 438.
391Pour France Télécom, voir, loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des
Télécommunications et à France Télécom dont le titre 3 est relatif au statut de France Télécom qui est ajoutée à
la liste annexée à la loi du 19 juillet 1993 sur les privatisations. Pour un commentaire : Rapp (L), « France
Télécom entre service public et secteur privé ou la tentation de Madrid »,
AJDA, 2004, p. 579. Pour France
Télécom, le décret du 4 mai 2004 a autorisé le transfert au secteur privé de l'entreprise, transfert opéré le 1 er
septembre 2004 l'État détient 42,2% du capital mi 2005.
392Ben Rejeb (I), « La régulation du marché des télécommunications », Actes du colloque, La régulation, (dir),
Ben Salah (H), Aouij M’Rad (A), 2010,
op, cit, p. 236.
393Albert (S), Buisson (C), Entreprises publiques. Le rôle de l’État actionnaire, Paris, la Documentation
Française, 2002, p. 46.
394Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, JORF, 1982, p. 2431.
395Le droit européen ne pouvait rester sans influence sur le droit public économique français. Sur l’influence du
droit européen sur le droit français, voire l’étude de synthèse de Dubouis (L), « Droit administratif et droit
communautaire »,
AJDA, 1995.
396Il faut noter que le traité de l’Union Européenne n’impose pas la suppression des monopoles publics mais il
exige néanmoins leurs aménagements ainsi que l’encadrement des droits spéciaux et exclusifs qui leur sont
généralement accordés.
397De la Fuente (J), « Les services publics d’intérêt général : Le mythe de la libéralisation et la réalité de la
privatisation », Services publics, concurrence, régulation : le grand bouleversement en Europe ?,
Pulim, 2008,
p. 109.
100

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Nous relevons ainsi qu’en France, l’interventionnisme étatique était remis en question du
fait de l’adhésion de la France à la Communauté européenne. L’Europe s’est construite sur de
solides principes libéraux, lesquels vont venir peu à peu s’opposer à certaines manifestations
de l’État interventionniste398. Alors, qu’en Tunisie, l’interventionnisme étatique était remis en
cause lors de l’intervention des institutions financière internationales pour aider le pays de
faire face à la crise.
Paragraphe 2. La crise et
internationales : des
l’interventionnisme étatique en Tunisie
facteurs
imposant
la pression des
institutions financières
la remise en cause de
Après
l’indépendance,
l'économie
tunisienne s’est caractérisée par une gestion
centralisée, plus exactement par une planification impérative facilitée par la présence d'un
large secteur public productif, une détermination administrée des prix sur les marchés
officiels de biens, un contrôle des salaires ainsi que des restrictions de change associées à un
cours du dinar fixe et un monopole d'État sur le commerce extérieur auquel n'échappaient que
les importations du secteur privé, financées à l'aide de ressources du marché parallèle de
devises.
À la fin des années soixante-dix, l’économie dirigiste a connu un immense échec. Selon
les experts du FMI et de la Banque mondiale, cet échec s’explique par la mise en place d’une
politique économique qui a engendré des effets graves sur l’économie du pays 399 : des
mesures discrétionnaires internes (prix administrés, subventions, surévaluation du taux de
change), des obstacles au libre-échange (prêts, rationnement du crédit, contrôle des changes),
des excès de la demande sur l’offre et le poids excessif de l’État créant des effets d’éviction et
des déficits financiers.
Face à cette situation, l’État est entré dans une grave crise économique, politique et
sociale. Cette crise a été à l’origine de la réduction du poids de l’État dans l’économie (A),
pour y faire face, la Tunisie a choisi le désengagement de l’État sous la pression des
institutions financières internationales (B).
398Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 38.
399Berthomieu (C), Chaabane (A), La restauration du rôle de l’État dans la croissance et le développement
économiques,
Paris, Éditions Publisud, 2004, p. 236.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
A. La crise : une cause de réduction de poids de l’État dans l’économie
La remise en cause de l’intervention de l’État s’est inscrite dans un contexte de crise
économique et financière des plus graves dans l’histoire de la Tunisie Républicaine. Des
facteurs anciens et contemporains tant interne qu’externe se sont conjugués pour rendre
apparente une crise qui n’était pas moins existante, quoique latente400.
La crise économique en Tunisie n’a été reconnue par le gouvernement qu’en 1986 et ce à
travers son programme de redressement économique présenté devant la Chambre des députés
le 19 août 1986401. En effet, la chute du gouvernement Nouira en février 1980 coïncida avec
le début d’une période de détérioration accélérée de la situation économique et financière402.
La croissance économique enregistrée dans les années soixante-dix fut réalisé au prix d’une
aggravation de la dépendance de la Tunisie vis-à-vis de l’extérieur. Dès 1982, la dégradation
de la situation économique évolua à un rythme alarmant.
La crise a été à l’origine d’un important accroissement de l’endettement externe pour
l’économie qui provoquera la crise de la dette dès le retournement des taux d’intérêt au début
des années quatre-vingts. En effet, entre 1977 et 1986, l’encours de la dette extérieure va
atteindre un taux annuel moyen de 22 %. Le taux d’endettement et le service de la dette vont
également progresse de manière rapide avec des rythmes de 38 % et de 12,1 % entre 1977 et
1982. Cette croissance de l’endettement et ses rythmes de progression seront les causes de la
détérioration de la situation financière externe de la Tunisie403.
En outre, le diagnostic effectué met aussi l’accent sur les vicissitudes du secteur public qui
s’est caractérisé par des choix irrationnels au niveau de l’investissement, des schémas de
financement souvent inadaptés aux besoins réels du pays et aux besoins d’autofinancement et
d’endettement, une politique de tarification inadéquate avec une marge de manœuvre réduite
au niveau des prix. Toute une mauvaise gestion se caractérisant par la bureaucratie,
l’inefficacité, l’inefficience, la rigidité et la lourdeur routinière. Des sureffectifs pléthoriques
avec des surcouts et une sous-activité engendrant déficits chroniques, baisse des cash-flows et
accroissement des besoins en subventions, une tutelle contraignante et complexe, source de
400Ben Massoued (K), op, cit, p. 33.
401Ibid, p. 35.
402Bessis (S), op, cit, p. 44.
403Ben Hammouda (H), op, cit, p. 53.
102

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

dilution des responsabilités aggravée par l’absence de critères d’évaluation des résultats et un
système de sanction efficaces404.
La mise en place de cette nouvelle politique économique étatiste n’a pas permis de
résoudre la question du chômage. Ce dernier allait en s’aggravant et le pouvoir d’achat des
salariés a connu une importante détérioration à la suite du gel des salaires décidé à partir de
1983405. L’aggravation du chômage, la réduction du pouvoir d’achat des salariés, le recul des
investissements, le recul de la productivité du travail et la crise des paiements extérieurs sont
les signes exprimant l’entrée de l’État Tunisien en crise406. Dans son Rapport économique sur
l’exécution du VIème plan (1982-1986), et à propos de la redistribution par la compensation,
la Banque déplore « la progression rapide des dépenses de compensation qui soulève le
problème de leur efficacité économique et sociale (…), la compensation s’avère d’un cout
budgétaire élevé par rapport au transfert qu’elle procure aux ménages à faibles revenus, du
fait du caractère non sélectif des subventions de la Caisse »407.
Cette mauvaise situation économique était doublée d’une conjoncture politique
tourmentée empêchant toute stratégie économique à long terme. Le Président BOURGUIBA
n’ayant pas permis le pluralisme politique ni même l’épanouissement d’une société civile.
Dès les années soixante-dix, des forces d’opposition se constituent et pullulent. Des combats
éclatent notamment dans la région de Gafsa en 1980, opposant d’une part, les forces du
régime et d’autre part, des rebelles armés constitués de Tunisiens expatriés et soutenus par des
partis étrangers. Cette situation explosive a favorisé le développement des forces islamistes
qui ont organisé à leur tour des manifestations et des émeutes conduisant la Tunisie à la lisière
de la guerre civile408.
La guerre de succession du Président BOURGUIBA était à son paroxysme. La fixation
de la classe dirigeante et surtout du Premier Ministre Mohamed MZALI sur la conquête des
atouts à même de l’ériger au rang de successeur légitime du Président a fait détourner les
décideurs des problèmes réels. En dépit de cet état de choses, l’économie tunisienne a pu tenir
le coup grâce notamment à la rente pétrolière. Bien qu’importante dès 1973 celle-ci connut
son apogée entre 1979 et 1985. Durant cette période, les effets combinés d’une nouvelle
404Ben Letaief (M), « La signification de la restructuration des entreprises publiques », Actes de colloque La
restauration des entreprises publiques
, 1990, FDSPT, Tunis, p. 13.
405Ben Massoued (K), op, cit, p. 33.
406Mahmoud (B-R), « Fondements et contenu des restructurations face à la crise économique en Tunisie. Une
analyse critique »,
État et Développement au Maghreb, 2000, pp.150-151.
407Guelmami (A), op, cit, p. 171.
408Tamzini (W), op, cit, p. 24.
103


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
flambée des prix et d’une appréciable augmentation de la production du pétrole ont fait de
cette rente une véritable manne pour l’État. Cette rente était d’autant plus importante que la
balance des paiements accusait un déficit en perpétuelle augmentation409.
D’emblée, les problèmes économiques qui se sont posés au sein de l’État Tunisien
constitué sans nul doute un véritable défi. Défi d’abord au peuple tunisien confronté à la
misère, à l’inemploi, à un niveau de vie bas et qui menace de décliner. Défi ensuite au
gouvernement tunisien, hériter d’un legs suffisamment lourd et devenu seul responsable des
destinées du pays de plus en plus. Défi enfin aux théories classiques ou libérales de la
croissance410. Pour faire face à cette crise, l’intervention des institutions financières
internationales pourrait être la solution attendue par les pouvoirs politiques.
B. La diminution de l’interventionnisme étatique : une pression internationale,
FMI et Banque mondiale
À la fin du premier semestre de l’année 1986, le problème de l’insolvabilité de l’État
tunisien était devenu inquiétant. Les déficits structurels du secteur public et leur poids
excessif sur le budget de l’État ont mis le pays en crise et l’ont amenée à conclure des accords
de prêts411 avec le FMI dans le cadre du réajustement structurel de l’économie tunisienne412.
L’État était dans l’obligation de recourir aux facilités proposées par le FMI ainsi qu’aux
prêts de la Banque mondiale. L’on savait à l’avance quelles seraient les conséquences des
négociations avec ces deux institutions. Avec un régime affaibli par les luttes internes, secoué
par les émeutes populaires et la crise syndicale, une économie dans un état de délabrement et
une crise financière aigüe, la partie tunisienne n’était pas réellement avantagée pour négocier
en toute souveraineté413. On pourrait dire combien le contexte politico-économique était
propice à un choix imposé plutôt qu’à un choix négocié414.
Si nous revenions aux faits historiques, nous trouverions peu de justifications
raisonnables expliquant le désengagement de l’État. En effet, lors de la présentation de son
programme de redressement économique devant la Chambre des députés, le gouvernement se
409Ben Messoued (K), op, cit, p. 34.
410Guen (M), La Tunisie indépendante face à son économie, Paris, PUF, 1961, p. 51.
411Dans ces accords, l’une des conditions d’octroi des prêts est le désengagement de l’Etat et la déréglementation
de l’économie.
412Midoun (M), « La privatisation des entreprises publiques : le cas de la Tunisie », Vues Économiques, 1993,
p. 56.
413Harik (I), « Privatisation et développement en Tunisie », Machrek-Maghreb, 1990, p. 5.
414Ben Messoued (K), op, cit, p. 36.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

contenta d’annoncer un certain nombre de mesures dont la plus importante est son
désengagement surtout économique et financier : l’accroissement des dépenses publiques à un
rythme plus rapide que celui des recettes et le déficit financier chronique représentaient un
fardeau pour le budget de l’État et un gouffre financier. Toutefois, aucune justification
idéologique ou politique ne fut avancée.
Donc, le choix de ce désengagement n’était ni le fruit d’une revendication politique, ni le
résultat d’une évolution des rapports de force et encore moins la consécration d’un
changement de majorité au niveau des institutions de gouvernement. Le désengagement était
un choix imposé de l’extérieur mais il ne pouvait être présenté en tant que tel par les pouvoirs
publics.
Le désengagement de l’État a constitué l’un des thèmes majeurs du plan d’ajustement
structurel adopté en Tunisie en 1986415. Apparemment négocié mais réellement imposé, ce
plan a marqué le passage de la Tunisie sous la tutelle des institutions de Bretton Woods,
largement dominées par les pays de l’OCDE, et surtout les États-Unis416.
Le plan d’ajustement structurel était accompagné par des réformes qui ont permis à la
Tunisie de passer d’une économie administrée où le secteur public jouait un rôle important à
une économie de marché basée sur le secteur privé et ouverte sur l’extérieur417. Cet
ajustement était donc le catalyseur du recul de l’interventionnisme étatique en modifiant les
liens que les pouvoirs publics entretenaient avec l’économie. À cet effet, le rôle du secteur
public a été réduit dans l’économie, renonçant même à la gestion de certaines activités
économiques au profit des opérateurs privés418.
Le PAS consiste en un ensemble d’actions et de mesures structurelles visant à construire
un ensemble de rapports économiques et sociaux qui conditionnent l’ajustement au système
de l’économie mondiale. Ces mesures visent à la réduction des déficits publics et de la dette
extérieure par la réduction des subventions aux entreprises afin de réaliser l’équilibre
budgétaire, en compression la demande sociale, en libéralisation les importations, les
exportations et les investissements, en dynamisation l’économie nationale par l’instauration
415Voir, Aouij Mrad (A), « Le champ d’application de la restructuration des entreprises publiques », Actes de
colloque La restructuration des entreprises publiques, op, cit, p. 33.
416Ben Messaoud (K), op, cit, p. 32.
417Moussa (F), « Le plan de mise à niveau de l’administration en Tunisie, un agenda 21 pour l’administration »,
op, cit, p. 732.
418Ben M’Rad (H), La liberté du commerce et de l’industrie, op, cit, p. 312.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
d’un environnement concurrentiel419. Ces mesures résument, selon les termes de Jurgen
HABERMAS, « le passage d’une économie orientée vers la demande à une économie
orientée vers l’offre. Un passage expliquant la transformation et le démontage de l’État
social comme conséquence directe d’une politique économique orientée vers l’offre, visant à
la fois à déréguler les marchés, à réduire les subventions et à améliorer les conditions de
l’investissement, tendance liée à une politique antiinflationniste ainsi qu’à une baisse des
impôts directs, à la privatisation des entreprises publiques et à d’autres mesures du même
type »420.
Ce programme a fixé un double objectif. Au niveau macro-économique, il a cherché à
travers une réduction de la demande à réduire les grands déséquilibres macro-économiques
notamment le déficit public et celui de la balance des paiements. Au niveau structurel, sa
finalité était de favoriser les forces du marché à travers une remise en cause du rôle de l'État
en libéralisant les échanges, les investissements nationaux et étrangers, les prix ainsi que la
promulgation d'une réforme bancaire.
L'application de ce programme a permis de réduire les dépenses budgétaires qui sont
passées de 37,3 % du PIB en 1986 à 29,9 % en 1993421 . D’abord, concernant la libéralisation
des prix, la Banque mondiale a déclaré que « des progrès considérables ont été réalisés dans
la réduction des contrôles des prix à la production et des marges réglementées de distribution
dans les secteurs agricole et manufacturier. C'est ainsi que, à la fin de 1994, seulement 13 %
des prix agricoles et industriels étaient encore réglementés au niveau de la production et 30
% au niveau de la distribution »422. Ensuite, libéraliser les échanges à travers l'adoption de la
convertibilité courante du dinar tunisien en janvier 1993 autorisant des transferts au titre de
paiements à destination de l'étranger423 et encourager la privatisation. Faire adopter par la
chambre des députés le 21 décembre 1993 un nouveau Code d'incitation aux investissements.
Enfin, maîtriser la masse salariale à travers la baisse en terme réel du salaire minimum dans
les villes et à la campagne respectivement de 14 % et 10 % entre 1986 et 1991424.
419Gherairi (GH), Ben Khemis (W), Babacheikh (A), op, cit, p. 9.
420Jurgen (H), Après l’Etat nation. Une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 2000, p.29.
421Banque mondiale, « Tunisie : Intégration mondial et développement durable. Choix stratégique pour le 21e
siècle ».
Étude économique de la Banque mondiale, 1996, p. 10.
422Banque mondiale, op, cit, p. 78.
423Le Figaro, 29 décembre 1992.
424Gargouri (M), op, cit. p. 28.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Selon Sophie NICINCKI, « cette nouvelle régulation économique va redéfinir le rapport
entre l’État et le marché, il est conçu comme un moyen pour l’État de préserver, garantir,
stabiliser le libre jeu du marché, il intervient tout d’abord en amont du processus économique
pour organiser un marché sensible ou prévenir les atteintes aux lois du marché. Il agit ensuite
pour contrôler la structure du marché, son accès ou assurer son bon fonctionnement et enfin,
l’État organise des sanctions infligées aux opérateurs ayant méconnu les règles de la
concurrence »425.
Sur cette base, beaucoup de lois sont promulguées et beaucoup de modifications sont
intervenues. En matière d’investissements, deux principes ont été introduits. Le premier
consista à procéder à leur libéralisation lorsqu’il s’agit de simples projets répétitifs à travers
l’abolition de l’agrément préalable et des avantages consentis. Le second consista à accorder
des avantages particuliers aux projets ayant un contenu exportation ou à ceux situés dans les
régions défavorisées.
Les monopoles publics constituèrent de véritables entraves à la liberté économique et
étant contraires à la philosophie néo-libérale véhiculée par le PAS, leur démantèlement
devient une nécessité. Cela a touché certains d’entre eux comme la diminution de la situation
de monopole de l’office national de l’huile426. Il assure aujourd’hui l’achat à la production des
huiles d’olives, leur exportation, l’importation des huiles végétales comestibles et la vente au
stade de gros sur le marché intérieur de l’huile d’olive, des huiles de mélanges et des huiles
comestibles.
En ce qui concerne la Pharmacie Centrale de Tunisie427, l’aménagement a porté sur le
monopole de fabrication et de préparation des médicaments à l’exclusion du monopole
d’importation428. Avec l’élimination du monopole public de fabrication et de préparation des
médicaments, certaines entreprises privées se sont lancées en 1989 dans l’industrie
425Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 42.
426Le monopole de l’office national de l’huile était prévu par l’article 2 du décret-loi du16 octobre 1970, portant
réorganisation de l’ONH qui prévoit que : « le monopole des achats à la production des huiles d’olives, des
huiles de grignons d’olives, neutres ou raffinées, de leur exportation, de l’importation des huiles végétales
comestibles, des huiles industrielles destinées à la savonnerie, de la vente au stade du gros sur le marché intérieur
de l’huile d’olive, des huiles de mélange et des huiles comestibles est confiés à l’office national de l’huile ».
427L’assainissement de la pharmacie centrale de Tunisie a fait l’objet de la loi n°90-104 du 26 novembre 1990,
JORT, 1990, p. 182.
428Il ressort de l’article 2 de la loi du 26 novembre 1990 que « la pharmacie centrale n’a plus comme attributions
de fabriquer ou préparer les médicaments, mais qu’elle assure le monopole de l’importation des médicaments et
de tous les autres produits déterminés par arrêté conjoint des ministres de l’économie et des finances et de la
santé publique ». Loi n°90-105 du 26 novembre 1990 relative à la pharmacie centrale de Tunisie,
JORT, 1990,
p. 182.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
pharmaceutique à côté de la société anonyme SIPHAT429 dont le capital est détenu à raison de
99 % par l’État, par l’intérimaire de la pharmacie centrale. Enfin, en ce qui concerne la
STEG, l’ouverture de la concurrence aux personnes privées s’est faite de manière prudente430.
Sous cette pression, l’État a levé les barrières dans le secteur des télécommunications
pour adhérer davantage à la mondialisation des nouvelles technologies de l’information. La
Tunisie a mis en évidence ce changement par l’adoption du code des télécommunications.
Elle a libéralisé ce secteur dans le cadre de l’OMC en février 1997. Cette libéralisation a pour
objet l’ouverture du marché des télécommunications à l’initiative privée en encourageant les
opérateurs concernés à s’y engager sur la base des règles de l’économie du marché431.
Tunisie Télécom est l’opérateur historique chargé des télécommunications, a débuté ses
activités en 1995, en bénéficiant d’un monopole d’État sur l’ensemble des services de
télécommunications jusqu’au début des années 2000. En 2002, avec la libéralisation
progressive du secteur des télécommunications, un premier opérateur privé432 a pénétré le
marché en proposant ses services dans le domaine de la téléphonie mobile. En 2009, un
deuxième opérateur privé433 est entré sur le marché.
De même, le secteur du transport aérien compte désormais deux compagnies aériennes
privées qui sont en cours de fusionnement pour supplanter la compagnie aérienne nationale, la
Tunisair. Dans le même contexte, la gestion aéroportuaire n’est plus désormais du ressort
exclusif de l’office public de l’aviation civile et des aéroports (OACA). En effet, une société
étrangère a obtenu la concession de deux aéroports Tunisiens. L’exploitation de l’aéroport de
Monastir ainsi que la construction et l’exploitation du nouvel aéroport d’Enfidha. Cette
libéralisation a concerné aussi le transport routier. Depuis 1989, les activités de transport
routier des marchandises ont été libéralisées et ouvertes au secteur privé.
En outre, l’État a libéralisé le secteur audiovisuel en autorisant les personnes privées à
devenir propriétaire de stations de radio ou de télévision. Les gouvernants mettent en œuvre
les mêmes schèmes équivalents à ceux qui imprègnent leur gestion de la presse écrite.
429La SIPHAT est une société anonyme créée en 1989 par une transformation de l’unité industrielle de la
pharmacie centrale, faisant suite à la dissociation entre les activités industrielle et commerciale de cet
établissement public.

430Ben M’Rad (H), op, cit, p. 266.
431Ben Rejeb (I), « La régulation du marché des télécommunications », Actes de colloque, La régulation, (dir),
Ben Salah (H), Aouij Mrad (A),
op, cit, p. 236.
432Tunisiana.
433Orange.
108

Page 111
Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Contrairement à la France, jusqu'à aujourd’hui, les activités postales en Tunisie restent
monopolisées par le secteur public. Une libéralisation de ce secteur pourrait être une
excellente proposition pour l’économie Tunisienne. Cette démonopolisation pourrait être un
moyen pour créer plus de richesses et d’emplois, pourrait aussi aider à l’émergence d’un
certain nombre d’acteurs dynamiques qui proposeraient des services de meilleure qualité ou
cibleraient des secteurs spécifiques ou des niches porteuses.
Aux facteurs endogènes et exogènes de remise en cause de l’État interventionniste
s’ajoutent d’autres facteurs d’autant plus importants pour les deux pays étudiés qu’ils
résultent principalement par la reconnaissance de l’interventionnisme économique local.
Section 2. La déstabilisation de l’autorité de l’État par la reconnaissance de
l’interventionnisme économique local
En économie dirigée, l’intervention économique relevait majoritairement de l’État. Les
collectivités territoriales n’apparaissaient pas comme d’importants centres de décision et
comme des entités juridiques capables d’apporter leur contribution aux régulations de
l’économie434. La crise économique des années soixante-dix va contraindre l’État à ouvrir son
espace afin de promouvoir les compétences économiques des collectivités territoriales. Dans
leurs fonctions d’employeur, d’investisseur, d’acheteur ou de financeur d’organisations
publiques ou associatives, les collectivités territoriales jouent un rôle important dans la
relance de l’économique à l’échelle locale.
Les collectivités
territoriales pourraient être définir comme « des structures
administratives distinctes de l’administration de l’État. Elles ont pour mission la prise en
charge des intérêts de la population d’un territoire précis. Elles sont dotées des compétences
propres qui leur sont confiées par le législateur. Néanmoins, elles ne constituent pas des États
dans l’État. Elles ne détiennent pas de souveraineté et ne peuvent pas se doter, de leur seule
initiative, de compétences ou d’organes nouveaux »435.
434« Jusqu’au début du XXe siècle, le juge admettait peu, ou pas du tout, l’intervention des collectivités
territoriales dans le domaine économique, et ce pour trois motifs. D’abord, en raison du principe de la liberté du
commerce et de l’industrie, car les aides financières publiques faussent les règles de la concurrence. Ensuite,
parce qu’il fallait assurer la protection des collectivités publiques contre le risque de faillite auquel s’expose tout
opérateur privé. Enfin, parce qu’il était nécessaire de préserver les finances des collectivités territoriales, et donc
les deniers publics, des risques financiers de ces interventions ». Ministère de l’intérieur et de l’aménagement du
territoire
, Le guide des sociétés d’économie mixte locales, Paris, La documentation française, 2007.
435Bœuf (J-L), Magnan (M), Les collectivités territoriales et la décentralisation, Paris, La documentation
française, Paris, 2008, p. 07
109


Page 112
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
L’État reste le maître de la politique économique. L’action des collectivités territoriales ne
s’exerçant que sous réserve des missions incombant à l’État436. Leurs participations au
développement économique quoique indéniable s’avère essentiellement complémentaire.
En France, le développement local est perçu comme de « l’interventionnisme économique
local ». Il est assimilé aux différentes politiques publiques : les politiques urbaines,
l’aménagement du territoire, la décentralisation, les politiques industrielles voire les politiques
sociales. Ainsi, les collectivités territoriales jouent un rôle crucial dans le développement
économique local (Paragraphe 1). En Tunisie, le développement local a été introduit suite aux
plans d’ajustement structurel. Ce sont les zones rurales notamment celles qui sont
marginalisées qui sont le plus concernées par cette approche locale voire territoriale. La
décentralisation et le changement institutionnel qu’elle implique sont les démarches adoptées
pour concrétiser le processus de développement local437. Néanmoins, l’intervention des
collectivités territoriales dans le développement local reste très limitée vu le caractère
centralisé de l’État, l’absence de l’autonomie administrative et financière et l’absence d’un
cadre juridique adéquat (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Les collectivités territoriales en France, acteurs importants
du développement économique local
Le développement local est un procès qui vise à développer la situation d’un territoire des
points de vue économique, social, environnemental et culturel à partir de l’analyse des
intérêts, des besoins et des initiatives des différents acteurs locaux (publics et privés) et par la
mise en place d’action cohérente et concertées entre ces acteurs.
Le développement local qui est un processus d’une bonne gouvernance locale peut être
une démarche solidaire basée sur la complémentarité et la synergie entre les zones
géographiques d’un même État. Toutefois, il est un objectif, une finalité à atteindre de la
bonne gouvernance locale. De plus, il constitue à l’heure actuelle une préoccupation majeure
des pouvoirs publics dans la plupart des pays qui cherchent de donner une certaine politique
du développement.
436Article L.1511-1, al. 1 CGCT.
437Boudedja (K) Les acteurs et le développement local : outils et représentations. Cas des territoires ruraux au
Maghreb
, Thèse, Université Paul Valéry - Montpellier III, 2013, p. 141.
110


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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

À la fin des années soixante-dix, la montée du chômage, l’apparition des dégâts du
progrès conduit l’État à solliciter les collectivités territoriales afin de partager les charges du
développement. Cette volonté d’intervention dans le domaine économique s’articule autour de
quatre évolutions principales : Création d’une nouvelle collectivité régionale et maintien des
structures existantes, confirmation du principe de libre administration438 par un exécutif élu
des communes, départements et régions, transfert de compétences et stricte compensation
financière et limitation du pouvoir de contrôle et de tutelle de l’État sur l’action des
collectivités territoriales. S’y ajoute aussi le principe de l’absence de tutelle d’une collectivité
territoriale sur l’autre439.
La place des collectivités territoriales s’inscrivant dans un mouvement d’affirmation, il
devient difficile de nier leur interventionnisme puisque celui-ci répondait à une demande
sociale : l’encouragement du développement économique en général, la protection des intérêts
économiques et sociaux de la population par le moyen d’aides apportées aux entreprises en
difficultés et le maintien des services nécessaires pour satisfaire les besoins de la population
en milieu rural440.
Cette importance d’intervention économique des collectivités territoriales est liée au
mouvement de décentralisation (A) qui a confirmé le rôle important de la région dans le
développement économique local (B).
A. L’intervention des collectivités territoriales dans le développement local : une
importance liée à la décentralisation
L’interventionnisme des collectivités territoriales n’est pas un phénomène nouveau, mais
dans le passé, il a été étroitement encadré par l’État. Depuis la fin du siècle dernier et le débat
sur ce qu’on appelait alors socialisme municipal, les interventions économiques des
collectivités territoriales ont été strictement limitées. L’État autorisait ces dernières à
s'occuper de l'environnement économique de l'entreprise, mais à condition que les initiatives
des premières soient dans le prolongement des interventions de l’État. Toute intervention
438La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a confirmé le principe de libre administration des collectivités
territoriales qui était déjà présent dans la Constitution. L’article 72 énonce désormais ainsi ce principe :
« Les
collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à
statut particulier et les collectivités d’outre-mer […]. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi
[…]. Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et
disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences
».
439Doneddu (J), « Quelles missions et quelle organisation de l’État dans les territoires ? », Les avis du Conseil
économique, social et environnemental, les journaux officiels
, 30 novembre 2011, p. 45.
440Linotte (D), Graboy-Grobesco (A), Droit public économique, Paris, Dalloz, 2001, p. 105.
111


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
directe des collectivités territoriales dans la création et la gestion des entreprises privées était
interdite.
Avant la loi du 2 mars 1982, très peu de dispositions législatives et règlementaires ont été
édictées en ce domaine. Pour les communes, le décret-loi Poincaré du 5 novembre 1926
prévoyait que celles-ci « peuvent être autorisées [...] à exploiter directement des services
d'intérêt public à caractère industriel et commercial ». Le décret du 20 mai 1955441 énonce
quant à lui « est légale l'intervention des communes dans le domaine économique et social,
notamment par voie d'exploitation directe ou par simple participation financière dans des
organismes ou entreprises, même de forme coopérative ou commerciale, ayant pour objet la
mise au point de projets, l'exécution de travaux présentant un caractère d'intérêt public, ou
l'exploitation de services publics, le ravitaillement et le logement de la population, les œuvres
d'assistance, d’hygiène et de prévoyance sociale, ainsi que la réalisation d’améliorations
rurales ». Pour les départements, ce même décret indique que ceux-ci peuvent décider
« d’intervenir dans le domaine économique et social lorsqu'un intérêt départemental le
justifie ». C'est donc essentiellement le juge administratif qui par sa jurisprudence définit les
capacités d'interventions économiques des collectivités locales442.
Nous relevons ainsi que les collectivités territoriales exerçaient traditionnellement leurs
activités de gestion, notamment économique dans la dépendance de l’État, de ses
compétences, de ses ressources et de ses agents. L’essentiel de la gestion administrative locale
était aux mains de l’État qui l’exerçait ou la contrôlait par l’intermédiaire des services
extérieurs.
Cette centralisation excessive a été remise en cause. Entre 1945 et 1960, la perte des
colonies et les progrès de l’Europe ont remis en cause le protectionnisme qui mettait
l’économie française à l’abri de la concurrence. Afin d’accompagner et d’orienter ces
changements, l’État va non seulement engager une politique de grands équipements publics
(transports autoroutiers et ferroviaires, télécommunications, villes nouvelles), mais également
tenter de réorienter le développement économique sur l’ensemble du territoire.
Les lois de décentralisation élaborées sous l'égide de Gaston DEFERRE, du 2 mars 1982
relative aux droits et libertés des communes et des régions et celle du 7 juillet 1983 relative à
la répartition des compétences entres les communes, les départements et les régions
441Décret n°55-579 du 20 mai 1955 relatif aux interventions des collectivités locales dans le domaine
économique (participation financière ou exploitation directe),
JORF, 1955, p. 5078.
442Jean-Claude (N), « L'interventionnisme économique des collectivités locales », Pouvoirs locaux, pp. 139-140.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

concrétisaient cette volonté. Ces lois ont donné des libertés d'actions nouvelles notamment
dans le développement économique, supprimé la plupart des tutelles et transféraient l'exécutif
des Conseils généraux et des Conseils régionaux à leurs Présidents. Elles ont d'autre part fait
de la région une collectivité territoriale à part entière443.
La première étape est de 1982-1983 qui est l’acte I de la décentralisation444. La loi du 2
mars 1982445 portant sur les droits et liberté des communes, des départements et des régions
constituent le point de départ d’un vaste mouvement de décentralisation qui avait pour
objectifs le renforcement des pouvoirs locaux face au pouvoir central, la recherche d’une
meilleure efficacité de l’action publique et le développement d’une démocratie de proximité
en associant le pouvoir d’autorités élues au plus près des citoyens. Les articles 5, 6, 48 et 68
de la loi du 2 mars 1982 relatifs aux droits et libertés des collectivités locales, ainsi que
l'article 4 de la loi du 7 janvier 1982 approuvant le plan intérimaire 1982-1983 ouvraient de
nouvelles possibilités d'intervention économique aux collectivités locales.
La loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les
départements, les régions et l’État446 indique dans son article 1er que ces mêmes collectivités
règlent par leurs délibérations les affaires d'intérêt local. À ce titre, elles concourent avec
l’État à l'administration et à l'aménagement du territoire au développement économique,
social et culturel, ainsi qu'à la protection de l'environnement et à l'amélioration du cadre de
vie. Egalement, la loi du 5 janvier 1988 dite d’amélioration de la décentralisation447. D’autres
443Darold (J), Les sociétés d'économie mixte locales : Acteurs et témoins des politiques urbaines et territoriales
Quelle légitimité entre Partenariat Public Privé et Entreprise Publique Locale ?
Thèse, Université de Bordeaux
2008, p. 80.
444« Avant la loi du 2 mars 1982, très peu de dispositions législatives et réglementaires ont été édictées en ce
domaine. Pour les communes, le décret-loi Poincaré (5 novembre 1926) prévoit que celles-ci « peuvent être
autorisées [...] à exploiter directement des services d'intérêt public à caractère industriel et commercial ». Le
décret du 20 mai 1955 indique quant à lui : « Est légale l'intervention des communes dans le domaine
économique et social, notamment par voie d'exploitation directe ou par simple participation financière dans des
organismes ou entreprises, même de forme coopérative ou commerciale, ayant pour objet la mise au point de
projets, l'exécution de travaux présentant un caractère d'intérêt public, ou l'exploitation de services publics, le
ravitaillement et le logement de la population, les œuvres d’assistance, d’hygiène et de prévoyance sociale, ainsi
que la réalisation d’améliorations rurales », Pour les départements, ce même décret mentionne que ceux-ci
peuvent décider d'«intervenir dans le domaine économique et social lorsqu'un intérêt départemental le justifie
»,Jean-Claude (N), « L'interventionnisme économique des collectivités locales »,
Pouvoirs locaux, 1985,
pp. 139-146.
445Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions,
JORF, 1982, p.730.
446Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements,
les régions et l’État,
JORF, 1983, p. 215.
447Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation, JORF, 1988, p. 208.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
lois encore accompagneront ce mouvement par exemple celle 26 janvier 1984 relative à la
fonction publique territoriale448.
En 1992, la mise en place de la loi du 6 février 1992 relative au renforcement et à la
simplification de la coopération intercommunale multiplie les incitations notamment
financières en faveur de l’intercommunalité. Il convient d’ajouter à ces textes la loi
d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 et celle
pour l’aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999449.
En 2003-2004, une révision constitutionnelle450 et un nouvel ensemble de lois organiques
et ordinaires sont venus renforcer la décentralisation. Nous parlerons de l’acte II de la
décentralisation. Cette révision consacre la décentralisation comme mode d’organisation de la
République dans l’article 1er de la Constitution, « l’organisation de la République est
décentralisée » et enclenche une nouvelle vague de transferts de compétences. L’autonomie
financière des collectivités locales est également renforcée. En effet, les collectivités
bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement et elles peuvent recevoir tout
ou une partie du produit des impositions de toutes natures. La loi les autorise également dans
certains cas à en fixer l’assiette et le taux. De plus, les ressources propres doivent représenter
une part importante parmi les ressources des collectivités. Enfin, chaque nouveau transfert de
compétences doit s’accompagner de l’attribution de ressources équivalentes à celles que l’État
leur consacrait auparavant451.
La réforme constitutionnelle suscite selon les termes employés par le Premier ministre
cinq leviers de changement : le principe de subsidiarité, le droit de spécificité, le droit
d’expérimentation, l’autonomie financière locale et la participation populaire.
Le principe de subsidiarité est reconnu par l’article 72 alinéa 2 de la Constitution, selon
lequel « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des
compétences qui peuvent le mieux-être mis en œuvre à leur échelon ».
Le droit d’expérimentation est prévu d’une part par l’article 73-1 qui autorise la loi et le
règlement à comporter pour une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental.
448Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 649.
449Loi no 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et
portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement
du territoire (1)
, JORF, 1999, p, 9515.
450Loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.
JORF, 2003, p. 5568.
451Doneddu (J), op, cit, p. 48.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

D’autre part, l’article 72 alinéa 4 dispose que « dans les conditions prévues par la loi
organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté
publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs
groupements peuvent, lorsque selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre
expérimental pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou
règlementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences ».
L’autonomie financière des collectivités territoriales est consacrée ainsi par l’article 72
alinéa 2 de la Constitution. Enfin, la participation citoyenne à la décision locale est renforcée
par la reconnaissance constitutionnelle d’un droit de pétition (article 72-1) et de la possibilité
pour les collectivités territoriales d’organiser des référendums locaux.
En 2004, trois lois organiques relatives à l’expérimentation par les collectivités
territoriales452, au référendum
local453 et à
l’autonomie financière des collectivités
territoriales454, ont mis en œuvre les nouvelles dispositions constitutionnelles relatives à la
décentralisation.
D’importants transferts de compétences ont ainsi été réalisés sur le fondement de la loi du
13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales455 qui a supposé l’adoption de
nombreux décrets d’application pour que les nouvelles compétences locales notamment en
matière de développement économique comme dans d’autres domaines, essentiellement la
formation professionnelle,
l’éducation,
la culture,
le
tourisme,
les
infrastructures,
l’environnement, l’action sociale et la santé. Cette loi définit l’ensemble des nouvelles
compétences transférées par l’État aux collectivités locales. La région voit son rôle de
pilotage et de coordination en matière d’intervention économique renforcé.
La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales456 engage une
troisième étape de la décentralisation. C’est l’acte III de la décentralisation. Elle nous montre
452Loi organique n°2003-704 du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales,
JORF, 2003, p.13217. Sur cette question, voir, Pontier (J-M), « La loi organique relative à l’expérimentation par
les collectivités territoriales »,
AJDA, 2003. Crouzatier-Durand (F), « L’expérimentation locale », RFDA, 2004.
453Loi organique n°2003-705 du 1 août 2003 relative au référendum local, JORF, 2003, p.13218. Sur cette
question, voir, Duprat (J-P), « La prudente avancée du référendum local dans la loi organique du 1
er aout 2003 »,
AJDA, 2003. Delvolvé (P), « Le référendum local », RFDA, 2004.
454Loi organique n°2004-758 du 29 juillet 2004 précise en application de l’article 72-2 de la Constitution relative
à l’autonomie financière des collectivités territoriales,
JORF, 2004, p. 13561. Sur cette question, voir, Hertzog
(R), « La loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales : précisions et
complications »,
AJDA, 2004, Lascombe (M), Vandendriessche (X), « L’autonomie financière des collectivités
territoriales ou une réforme en trompe-l’œil »,
RFDA, 2005.
455Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, JORF, 2004, p. 14545.
456Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, JORF, 2010, p. 22146
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
l’objectif de rationaliser l’organisation territoriale et de clarifier les compétences de chaque
collectivité.
La loi instaure par ailleurs, un nouvel outil de gouvernance : la métropole pour mieux
prendre en compte le fait urbain et pour renforcer la compétitivité des grandes agglomérations
françaises au plan international. La loi du 27 juillet 2014 de modernisation de l’action
publique territorial et d’affirmation des métropoles457 affirme le rétablissement de la clause de
compétence générale458 et privilégie le recours aux collectivités chefs de file et à la
coordination pour clarifier les compétences.
Enfin, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République,
dite loi NOTRe459 est le troisième et dernier volet de la réforme territoriale après la loi
MAPTAM du 27 janvier 2014 et la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des
régions. La loi NOTRe consacre le développement économique local comme l’une des
responsabilités premières de l’échelon régional.
B. La région : collectivité chef de file du développement économique local
La notion de développement local est née en France de la prise de conscience que les
politiques d’aménagement du territoire mises en œuvre pour corriger les grands déséquilibres
géographiques et socio-économiques ne pouvaient trouver leur pleine efficacité qu’en
s’appuyant sur une structuration des populations locales propice à une mise en mouvement de
la société civile.
Les lois de décentralisation, ainsi que le Code général des collectivités territoriales ont
reconnu un rôle important aux collectivités territoriales dans le développement économique.
Ainsi, l’article L. 1111-2 du CGCT dispose que « les communes, les départements et les
régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence. Ils concourent avec
l’État à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique,
social, sanitaire, culturel et scientifique (…) ».
457Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des
métropoles (1
), JORF, 2014, p.1562.
458Voir, notamment Verpeaux (M), « Pavane pour une notion défunte, la clause de compétence générale »,
RFDA, 2014, Brisson (J-F), « Clarification des compétences et coordination des acteurs », AJDA, 2014.
459Deux circulaires du 22 décembre 2015 clarifient l’application de la loi : Circulaire n°40359 relative à la
nouvelle répartition des compétences en matière d’interventions économiques des collectivités territoriales et de
leurs groupements issus de l’application de la loi NOTRe et la Circulaire n°40360 relative aux incidences de la
suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l’exercice des compétences
des collectivités territoriales.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Le juge administratif de son côté a admis les interventions économiques des collectivités
territoriales dès lors qu’elles étaient justifiées par un intérêt public local. Tout d’abord, les
collectivités territoriales peuvent prendre en charge des activités économiques, sous réserve
de respecter le principe de liberté du commerce et de l’industrie et le principe de libre
concurrence. Ensuite, dès lors qu’elles se rattachent à la promotion du développement
économique local, les interventions des collectivités territoriales en faveur des entreprises sont
largement admises par le juge460.
Lors de la réforme de 2012, le Président François HOLLANDE avait déclaré qu’il n’était
pas question de revenir sur la clause générale de compétence461 au profit des départements et
des régions. En janvier 2014, il souhaitait une clarification stricte des compétences des
collectivités
territoriales, chacune devant agir dans un périmètre bien précis. Le
développement économique pour les régions, l’action sociale pour les départements, les
services de proximité pour les communes462.
Nous constatons, ainsi, qu’il aura un passage d’une logique généraliste qui donne à chaque
collectivité territoriale le droit d’intervenir dans tout domaine présentant un intérêt public
local à une logique de spécialisation qui consiste en l’adoption des blocs de compétences. La
répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l’État s’effectue dans la
mesure du possible, en distinguant celles qui sont mises à la charge de l’État et celles qui sont
destinés aux communes, aux départements et aux régions.
La compétence des régions est confirmée par la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et
libertés des communes, des départements et des régions463 confirment le rôle de la région tout
en rappelant la prépondérance de l’État. Ce dernier a la responsabilité de la politique
économique et sociale, mais autorise certaines interventions économiques des collectivités
locales (aides directes, aides indirectes, participation au capital de sociétés, garanties
d’emprunts)464. L’article 66 de cette loi augmentait les attributions économiques et sociales
des régions. Il prévoit que « la faculté d'exonérer de la taxe professionnelle, offerte aux
460Thaury (M), Leçons de droit public des activités économiques, Paris, Ellipses, 2011, p. 90.
461« La clause générale de compétence indique qu’il est accordé aux collectivités une capacité d’intervention
générale, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une énumération de leurs attributions. Elle repose sur les
affaires de la collectivité ou l’intérêt public local. Elle découle de la loi municipale de 1884 et a été étendue en
1982 aux autres collectivités territoriales ». Verpeaux (M), Rimbault (CH
), Les collectivités territoriales et la
décentralisation, Paris, La documentation française, 2011, p. 59.
462Roux (A), La décentralisation. Droit des collectivités territoriales, Paris, LGDJ, 2016, p. 52.
463Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions,
JORF, 1982, p. 730.
464Nicinski (S), Droit des affaires, op, cit, p. 83.
117


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
collectivités locales et aux communautés urbaines dans les conditions prévues par l'article
1465 du Code général des impôts, est étendue aux établissements publics et régionaux ».
Aussi, les lois du 7 janvier et du 22 juillet 1983 relatif à la répartition des compétences
entre l’État et les collectivités locales ont élargi les attributions économique et sociale des
régions465. Les compétences ajoutées au profit de la région ont été les suivantes : la
participation des dépenses de fonctionnement liées à des opérations d’intérêt régional direct,
l’attribution pour le compte de l’État d’aides financières aux investissements des entreprises
concourant au développement régional,
la participation au capital de sociétés de
développement régional et de sociétés d’économie mixte466.
La réforme du 13 août 2004 a été l’occasion de confirmer le rôle de la région et le
renforcement de ces compétences467. Ainsi, dans le cadre du rôle de coordination de la région
en matière de développement économique, l’article 1er de cette loi dispose que : « à titre
expérimental et pour une durée de cinq ans, aux fins de coordination des actions de
développement économique définies à l’article L. 1511-1 du Code général des collectivités
territoriales, l’État peut confier à la région le soin d’élaborer un schéma régional de
développement économique ». L’adoption d’un tel schéma entraîne pour la région la faculté
d’attribuer par délégation de l’État et dans les conditions prévues par une convention tout ou
une partie des aides que celui-ci met en œuvre au profit des entreprises et qui font l’objet
d’une gestion déconcentrée468.
Enfin, la loi NOTRe du 7 août 2015 renforce le rôle économique des régions469. Certes, la
région ne dispose plus d’une clause de compétence générale470. L’article 1er de cette loi vient
supprimer la clause de compétence générale des régions. Il dispose, « qu’un Conseil régional
ou, par délibérations concordantes, plusieurs Conseils régionaux peuvent présenter des
propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou règlementaires,
en vigueur ou en cours d’élaboration, concernant les compétences, l’organisation et le
fonctionnement d’une, de plusieurs ou de l’ensemble des régions ». L’article 2 prévoit, à
465Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements,
les régions et l'État *loi Defferre*,
JORF, 1983, p. 215.
466Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 681.
467Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, JORF, 2004, p.14545.
468Bergs (E), « Le Guide des interventions économiques des collectivités locales », Direction générale des
collectivités locales,
2008, p. 67.
469Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, JORF, 2015,
p.13705.
470« La clause générale de compétence consiste à donner aux organes délibératifs vocation à intervenir dans tout
domaine présentant un intérêt public local », Thoumelou (M),
Collectivités locales, quel avenir ?, Paris,
Documentation française, 2011, p. 120.
118

Page 121
Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

travers un article L. 4251-12 du Code général des collectivités territoriales que « la région est
la collectivité territoriale responsable, sur son territoire, de la définition des orientations en
matière de développement économique ». Elle sera notamment responsable de la politique de
soutien aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire. La loi
rappelle ainsi que le Conseil régional est seul compétent pour définir les régimes d'aides et
pour décider de l'octroi des aides aux entreprises dans la région. Ces aides peuvent revêtir la
forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d'intérêts, de prêts et
d'avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que les conditions du
marché. En tout état de cause, elles doivent avoir pour objet la création ou l'extension
d'activités économiques471.
L’article 2 donne aussi à travers l’article L. 4251-13 du Code général des collectivités
territoriales compétence à la région pour élaborer un schéma régional de développement
économique, d’innovation et d’internationalisation et un schéma régional d’aménagement et
de développement durable du territoire472, en concertation avec les départements, les
communes, les EPCI et les chambres consulaires473 Ce schéma définit les orientations en
matière d’aides aux entreprises, de soutien à
l’internationalisation et d’aides à
l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises, ainsi que les orientations
relatives à l’attractivité du territoire régional. Il définit les orientations en matière de
développement de l’économie sociale et solidaire, en s’appuyant notamment sur les
propositions formulées au cours des conférences régionales de l’économie sociale et solidaire.
Le schéma organise sur le territoire régional la complémentarité des actions menées par la
région en matière d’aides aux entreprises avec les actions menées par les collectivités
territoriales et leurs groupements474.
Les nouvelles dispositions relatives aux aides locales au développement économique sont
intervenues dans un contexte marqué par l’affirmation du rôle de chef de file de la région en
matière de développement économique. L’article L. 1511-1 du CGCT dispose que « la région
coordonne sur son territoire les actions de développement économiques des collectivités
territoriales et de leurs groupements sous réserve des missions incombant à l’État ». Aussi,
en
ligne
471Au service des territoires, « Après la loi NOTRE, quelles interventions économiques pour les communes et les
EPCI ? », mise
2018, URL :
https://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr/cs/ContentServer?pagename=Mairie-
conseils/MCQuestRep/FicheReponse&cid=1250270394651
472Hastings-Marchadier (A), Faure (B), (dir), La décentralisation à la francaise, Paris, LGDJ, 2015, p. 113.
473Gohin (O), Sorbara (J-G), Institutions administratives, Paris, LGDJ, 2012, p. 496.
474Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 84.
6 mars
consulté
2016,
avril
le
le
7
119


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
l’article L. 1511-2 CGCT dispose que « le Conseil régional définit le régime et décide de
l’octroi des aides aux entreprises dans la région qui revêtent la forme de prestations de
services, de subventions, de bonifications d’intérêt, de prêts et avances remboursables, à taux
nul ou à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations. Il peut
déléguer la gestion de ces avances à des établissements publics ».
Les régions pourront déléguer leurs aides ou voir celles-ci complétées par d’autres, mais
elles seront intégralement responsables des règles du jeu. Elles voient également leurs respon-
sabilités renforcées en matière d’internationalisation des entreprises et de pilotage de
l’innovation. Elles ont vocation à copiloter avec l’État ou piloter seules les pôles de
compétitivité. Elles peuvent entrer au capital des sociétés d’accélération du transfert de
technologies (SATT).
Contrairement aux régions, les départements n’ont jamais disposé d’une compétence
économique explicitement confiée par la loi, leurs interventions se fondant sur leur clause
générale de compétence. La loi NOTRe supprimant la clause générale de compétence des
départements, ces derniers n’ont plus de base légale pour agir. La loi reconnaît toutefois aux
départements une capacité à agir dans des domaines limitativement énumérés comme la forêt,
la pêche ou l’agriculture. Ils pourront également continuer à agir en matière de tourisme
puisqu’il demeure une compétence partagée pour laquelle le législateur a renoncé, après de
longs débats à désigner un chef de file475. Les départements sont confortés ainsi, par la loi du
13 août 2014 dans son rôle de chef de file des actions sanitaires et sociales sous réserve des
compétences des communes et de celles de l’État en la matière.
En outre, la loi NOTRe a réduit la marge de manœuvre des communes en matière
économique sans toutefois les dessaisir totalement. Les communes et leurs groupements
peuvent prendre des participations dans des SEML conformément au régime applicable à ces
sociétés. Sont exclus sauf autorisation prévue par décret en Conseil d’État, toutes
participations d’une commune dans le capital d’une société commerciale et de tout autre
organisme à but lucratif n’ayant pas pour objet d’exploiter les services communaux et leurs
groupements peuvent participer au capital d’une société dont l’objet social est la production
475Portier (N), op, cit, p. 67.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

d’énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ou sur des territoires
situées à proximité et participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire476.
Les collectivités territoriales doivent respecter l’initiative privée au nom de la liberté du
commerce et de l’industrie. Celle-ci interdit aux communes de créer en dehors des cas prévus
par la loi des services publics industriels et commerciaux sauf si l’initiative privée est
inexistante ou défaillante et que des circonstances locales particulières justifient cette
intervention au nom d’un intérêt local. En outre, les collectivités territoriales ne peuvent pas
empiéter sur les compétences attribuées par la loi à un autre niveau local d’administration,
dont l’État. Enfin les collectivités territoriales ne peuvent pas intervenir dans un domaine qui
n’est pas local477. Les collectivités territoriales doivent respecter le rôle de l’État dans
l’aménagement et le développement durable du territoire. L’État conserve ainsi la
responsabilité de la conduite de la politique économique et sociale et de la politique générale
de l’emploi. Les incitations administratives sont un moyen d’y parvenir. Il s’agit tout à la fois
d’éviter que les communes deviennent la proie des chasseurs de primes et que persistent de
trop fortes disparités géographiques de développement. Il s’agit aussi d’imposer aux
collectivités le respect des obligations de l’État, notamment vis-à-vis de l’Union européenne.
À la différence de la France, l’intervention des collectivités territoriales en Tunisie dans le
développement économique local reste très limitée à cause de la tutelle de l’État, l’absence de
l’autonomie administrative et financière et l’absence d’un cadre juridique adéquat. Ces
collectivités se trouvaient largement évincées de ce processus du développement général du
pays et plus particulier du développement de leurs propres territoires locaux. Dans ce sens, le
Doyen Guillaume PROTIÈRE a souligné que « Les collectivités territoriales ne sont que des
structures dominées, ne jouissant d’aucune garantie véritable quant à leur statut et à leur (s)
fonction (s). Dans ce cas de figure, le pouvoir vient d’en haut, ou plus précisément du centre :
source unique, il irradie alors l’ensemble administrativo-politique »478.
476Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 87.
477Verpeaux (M), Rimbault (CH), Les collectivités territoriales et la décentralisation, Paris, La documentation
française, 2011, p. 61.
478Protière (G), La puissance territoriale, contribution à l’étude du droit constitutionnel local, Thèse, Université
Lumiére Lyon 2, 2006, p. 20.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Paragraphe 2. Le rôle des collectivités territoriales dans le développement
économique local en Tunisie : d’une importance limitée à une importance
étendue consacrée dans la Constitution
Après l’indépendance, l’État est apparu en Tunisie comme le principal agent du
développement. La construction d’un nouvel État étant associé à un projet national était celui
de promouvoir le développement économique accéléré de l’ensemble du pays. Mais cette
orientation n’a pas donné tous les résultats escomptés. La crise des années soixante-dix et la
contrainte exercée par le marché mondial et par les institutions financières internationales a
obligé l’État à remettre en cause ses instruments traditionnels d’action économique. Cette
situation a conduit à la recherche d’autres leviers. La décentralisation479 pourrait être une
stratégie capable de favoriser la mobilisation et le développement au niveau local480 ou
régional de toutes les potentialités de développement481.
Depuis les années quatre-vingts, l’action publique économique a beaucoup évolué. Le
gouvernement s’est engagé dans une action volontariste de régionalisation très affirmée au
nom du principe selon lequel le développement national passe par celui des territoires
localisés. Il a dû s’appuyer sur une logique de diversification des acteurs régionaux et locaux
qui consistait à mettre en place les instruments institutionnels capables de promouvoir le
développement régional. Tel a été le cas de la création d’un Commissariat général au
développement régional et de ses antennes régionales482. Dès 1989, le Président BEN ALI
annonce une relance de la politique de développement régional.
Malgré les réformes et la volonté de modernisation, les nouvelles procédures élaborées
pour mettre en place une réforme de l’État, telle que fortement suggérée par la Banque
mondiale, n’ont pas incité à un transfert du pouvoir de décision du niveau central aux niveaux
479La décentralisation aurait existé en tant que mode d’organisation locale dans la civilisation carthaginoise et en
Tunisie romaine. Le fait communal remonte à 1858 création de la 1ere commune à Tunis. Après l’indépendance,
la priorité était à la construction et à la consolidation de l’Ėtat au centre et à la périphérie. La décentralisation
n’était pas parmi les priorités du gouvernement.

480« Il n’y a toujours pas de définition officielle du DEL en Tunisie. C’est ainsi que la nouvelle Constitution
tunisienne de 2014 et le plan stratégique de développement 2016-2020 ne parlent que de développement durable
et de développement régional alors que le dernier projet de Loi organique des collectivités locales de mars 2016,
parle de développement régional et durable mais évoque les Plans de Développement Locaux qui font référence
aux plans de développement municipaux et régionaux mais sans mentionner explicitement le DEL. Il était
pourtant mentionné dès 1975 dans l’article 36 de la Loi organique des collectivités locales, que le Conseil
municipal donne son avis sur toutes affaires qui présentent un intérêt local, notamment en matière économique ».
Rapport État des lieux du développement économique local, Février 2016, p. 5.
481Marcou (G), « L’administration territoriales en Tunisie et les enjeux de la décentralisation », in
décentralisation et démocratie en Tunisie
, (dir), Ben Salah (H), Marcou (G), Paris, L’Harmattan, 1998, p. 7.
482Laroussi (H), « Politiques publiques et bonne gouvernance en Tunisie », Mondes en développement, 2009,
pp. 93.

122

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

locaux. Il ne s’agit pas non plus d’un transfert complet de responsabilités, d’autorités, de
recettes et de ressources à des collectivités locales qui sont dotées d’une autonomie totale et
reconnues comme des entités juridiques indépendantes. Nous avons pu constater plutôt une
soumission des collectivités locales et des administrations locales à la règlementation de l’État
central qui définit leur rôle et leur autonomie.
En Tunisie, les collectivités territoriales ne jouent pas le nouveau rôle suggéré par les
organisations internationales483. Le développement économique local a été affaibli face à la
prééminence de l’État central et l’absence d’un cadre juridique adéquat (A). Aprés la
Révolution de 2011, nous constatons une amélioration du cadre constitutionnel par l’insertion
de plusieurs principes qui facilitent l’intervention des collectivités territoriales dans le
développement économique local (B).
A. Un développement économique local affaibli face à la prééminence de l’État
central et l’absence d’un cadre juridique adéquat
Dans plusieurs pays du monde, l’idée de la décentralisation est liée à la recherche des
divers problèmes que connaissent les administrations locales et à la tentative d’activer leur
rôle pour réaliser les objectifs fondamentaux de l’administration. Ces derniers impliquent
l’attribution du pouvoir de décision à des unités régionales ou à d’autres personnes
publiques484. Le but en est de partager le pouvoir sans le restreindre à une seule autorité qui
possèderait le pouvoir exclusif d’émettre des décisions finales parmi les plus importantes. De
plus, ce système de décentralisation est un modèle fondé sur le partage des prérogatives et des
compétences entre les institutions administratives et d’autres autorités indépendantes de
l’État. Cela concerne également un partage des régions de l’État en services chargés de la
gestion des affaires régionales dans le cadre des compétences et des prérogatives qui leur sont
conférées485.
Si l’on se penche sur la réalité Tunisienne, on constate que la décentralisation est suscitée
par le pouvoir central. Nous pouvons lire dans un rapport présenté au colloque sur la
rénovation de l’administration et préparé par une Commission présidée par le Ministre de
l’intérieur ce qui suit : « il convient de signaler que la décentralisation en Tunisie, à la
483Laroussi (H), op, cit, p. 94.
484Vital-Durand (E), Les collectivités territoriales en France, Paris, Hachette supérieur, 2013, p.157.
485Auber (E), Cervelle (D), Les collectivités territoriales : une approche juridique et pratique de la
décentralisation
, éditeur Sedes, Paris, 2012, p. 286.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
différence de celle pratiquée en Europe (…) est suscitée par le pouvoir central en vue de
dynamiser la vie locale et régionale »486.
La prise en charge du développement a toujours été une responsabilité qui relève
prioritairement en Tunisie, de l’État et de ses structures territoriales déconcentrées et de ses
relais spécialisés. Si les collectivités territoriales disposent de nombreuses compétences les
habilitant à intervenir en matière de développement économique et social à leurs échelles
territoriales respectives, elles n’occupent jamais la position de l’acteur prééminent à ce
niveau. La position secondaire des institutions de la décentralisation en matière de
développement local s’inscrit très largement dans le cadre des équilibres généraux du système
politico-administratif structurellement favorables à la déconcentration.
Malgré les pressions exercées par les bailleurs de fonds pour promouvoir la
décentralisation, les pouvoirs publics demeurent défavorables à l’idée de reconnaitre que les
collectivités territoriales ont des intérêts distincts de l’intérêt national et même si le
constituant et le législateur leur confient la charge de gérer leurs affaires, leur vision en la
matière demeure restrictive.
Force est de constater que par rapport au système tunisien, les nouvelles procédures
élaborées pour mettre en place une réforme de l’État, telle que fortement suggérée par la
Banque mondiale, n’ont pas incité à un transfert du pouvoir de décision du niveau central aux
niveaux locaux. Il ne s’agit pas non plus d’un transfert complet de responsabilités, d’autorités,
de recettes et de ressources à des collectivités territoriales qui sont dotées d’une autonomie
totale et reconnues comme des entités juridiques indépendantes. Nous constatons ainsi la
soumission des collectivités locales et des administrations locales à la règlementation de l’État
central qui définit leur rôle et leur autonomie487.
La diversité et l’importance des enjeux du développement pour l’État, empêchent de doter
les collectivités territoriales d’une véritable fonction à ce niveau qui puisse compromettre
outre mesure les statuts politiques et institutionnels des différents acteurs dans le système
politico-administratif tunisien. Les collectivités territoriales ne peuvent se prévaloir d’une
position autre que celle d’un opérateur important certes, mais toujours secondaire, par rapport
aux opérateurs centraux et déconcentrés agissant sur l’espace régional et local. Même si les
collectivités territoriales tunisiennes disposent de nombreuses compétences en matière de
486Rapport de la Commission préparant le colloque national sur la modernisation de l’administration, 30 octobre
1989, p. 1.
487Laroussi (H), op, cit, p. 95.
124

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

développement, le législateur ne leur a pas confié une véritable fonction de développement de
leurs territoires respectifs. Elles participent certes par diverses actions à la promotion du
développement économique de leurs localités, mais elles sont loin de pouvoir jouer un rôle
significatif ou déterminant à ce niveau488. La fonction du développement économique, c'est-à-
dire sa conception, son impulsion, son animation, son pilotage et son contrôle reste de la
responsabilité de l’État, de ses antennes déconcentrées et de ses relais spécialisés. Les
collectivités territoriales ne peuvent pas prétendre à impulser le développement, mais
uniquement à l’accompagner et à soutenir l’effort de l’État et de ses institutions déconcentrées
et spécialisées qui restent les principaux opérateurs à ce niveau, tant à l’échelle centrale, que
régionale et locale489.
La promotion du développement par les collectivités territoriales pose le probléme
fondamental du fondement juridique de l’interventinnisme économique. Longtemps confus,
strictement encadré par la jurisprudence et très restrictivement circonscrit par le principe de la
libérté du commerce et de l’industrie, l’interventionnisme économique des collectivités
territoriales est largement reconnu par le droit positif des États libéraux.
Les fondements juridiques de l’interventionnisme économique des collectivités territoriales
tunisiennes n’est pas uniquement imprécis, mais il s’est avéré incapable pendant très
longtemps de libérer les énergies locales en ce domaine. Les textes de 1975 sur les
communes490 et de 1989 sur le Conseil régional491, sont venus en Tunisie, reconnaitre le
principe de l’intervention des collectivités territoriales dans le domaine économique. Ils visent
moins à sanctionner un état de fait, qu’à provoquer de nouveaux comportements et de
nouvelles traditions. Si la législation d’une situation de fait sanctionne une pratique
antérieure, l’attribution de nouvelles missions de développement se construit, dans le cadre
tunisien, sur un terrain quasi-vierge, les collectivités locales n’ayant pas de grandes traditions
à ce niveau. Dans la première hypothèse, l’intervention économique ne relève pas de la
nécessité, mais du domaine du droit reconnu et des libertés conquises et dans la deuxième
hypothèse, la reconnaissance d’une mission de développement au profit des collectivités
locales peut s’analyser, non pas en termes de libertés conquises mais de charges subies. La
reconnaissance d’une nouvelle mission à des collectivités locales qui ne sont pas
véritablement préparées psychologiquement, financièrement et techniquement à les exercer,
488Tarchouna (L), Décentralisation et déconcentration en Tunisie, Thèse, FDSPT, 2005, p. 762.
489Tarchouna (L), Décentralisation et déconcentration en Tunisie, op, cit, p.762.
490Loi n°75-33 du 14 mai 1975, portant promulgation de la loi organique des communes, JORT, 1975, p. 626.
491Loi n°89-11 du 4 février 1989 relative aux Conseil régionaux, JORT, 1989, p. 218.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
risque de les surcharger démesurément et de les condamner à l’inertie. Les nouvelles
attributions correspondent de ce fait beaucoup plus aux attentes de l’État, de ne pas répondre,
spontanément et rapidement à ces nouvelles exigences, ce qui peut à terme influencer la
nature de leurs relations avec l’État492.
L’État exerce une lourde tutelle sur les collectivités territoriales. La tutelle administrative
constitue le moyen de contrôle le plus rigoureux et limite considérablement le champ de
manœuvre des collectivités décentralisées. Elle correspond à ce que Mohamed Amine BEN
ABDALLAH appelle « le stade primaire de la décentralisation »493. Elle peut s’exercer a
priori ou a posteriori et prend plusieurs formes : approbation ou annulation des décisions,
pouvoir de substitution, suspension ou révocation des élus voire même dissolution des
assemblées. En France, la tutelle administrative sur les collectivités territoriales a été
supprimée depuis l’adoption de la loi du 2 mars 1982 et remplacée par le contrôle
administratif. Au Maroc aussi le processus de décentralisation a pris, à partir de 2002, une
nouvelle dimension avec la révision complète du régime juridique des collectivités locales
pour réduire la tutelle de l’État.
Les missions des collectivités territoriales sont toujours réduites par une loi. Le renvoie à
la loi pour les besoins de la détermination des conditions d’exercice des affaires locales
diminue considérablement l’autonomie des collectivités locales494. C’est ainsi que la loi du 14
mai 1975 sur les communes a adopté un contrôle rigoureux exercé sur les autorités
communales495. En effet, les questions importantes relevant de la compétence du Conseil
municipal ne devenaient exécutoires qu’après leur approbation par l’autorité de tutelle496.
Même la dénomination des rues, des places publiques et des espaces réservés aux sports, aux
jeunes et à la culture nécessite l’approbation du gouverneur497. Les voies de contrôle exercées
par l’autorité de tutelle s’apparentaient plutôt au pouvoir hiérarchique. Les mécanismes de la
tutelle sont parfois détournés de leur objectif pour servir des intentions politiques498.
492Tarchouna (L), op, cit, p. 840.
493Ben Abdallah (M-A), Propos sur la décentralisation territoriale au Maroc, Paris, Economica, 2003, p. 19.
494Ben Hassen (I), « Constitution et pouvoir local », in, Nouvelle constitution tunisienne et transition
démocratique, (dir), Baccouche (N), Dubout (E.), Paris, LexisNexis, 2014, p. 48.
495Loi n°75-33 du 14 mai 1975, portant promulgation de la loi organique des communes, JORT, 1975, p. 289.
496Article 25 de la loi du 14 mai 1975 sur les communes.
497Ben Hassen (I), op, cit, p. 48.
498Ben Achour (Y) Droit administratif, Tunis, CPU, 2010, p. 211.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Les communes ne disposaient d’aucune autonomie. Elles sont soumises au pouvoir de
tutelle exercé par le représentant de l’État central sur tout leur processus décisionnel.
Contrairement à l’exemple français où le contrôle exercé sur les collectivités territoriales est
un contrôle de légalité visant à limiter l’empiètement du pouvoir central sur le pouvoir local,
le législateur tunisien s’est au contraire acharné pour diversifier les intervenions du pouvoir
central par le biais d’un contrôle excessif. Il s’exerçait selon les cas soit a priori, soit a
posteriori sur les actes et les personnes499.
Ce contrôle se manifestait à deux niveaux. Premièrement, à travers le Gouverneur (Wali),
représentant nommé de l’État, qui est en même temps Président du Conseil régional. En
réalité, il n’avait pas droit de vote dans les Conseils régionaux, mais dans la pratique ses avis
étaient systématiquement suivis. Deuxièmement, les communes subissaient un encadrement
de la part des directions régionales des départements ministériels qui étaient l’autre figure du
pouvoir central et des agences nationales500. C’est dans cette logique que les actions des
collectivités territoriales étaient limitées.
La lourdeur de ce contrôle s’explique par l’obsession quasi généralisée pour un pouvoir
central fort et le mythe de l’État unitaire centralisé et aussi par la peur qui hante les dirigeants
africains quant à un éventuel éclatement de l’entité étatique qu’ils dirigent souvent en
monarque absolu »501.
S’agissant du contrôle sur les actes, certaines délibérations et arrêtés ne revêtent la forme
exécutoire qu’après approbation de l’autorité de tutelle. L’article 42 de la loi organique de
2006 sur les communes502 dresse une liste de ces actes. Il s’agit notamment du budget de la
commune, des aliénations et échanges d’immeubles, les conditions des baux dont la durée
dépasse deux ans, la dénomination des places et des rues, les projets de coopération
intercommunale, la participation des communes dans le capital social des entreprises, les
règlements généraux, les rapports de jumelage et la coopération extérieure(etc.)503.
499Mokni (H-B). L’exercice des libertés publiques en période de transition démocratique : le cas de la Tunisie,
Droit, thése, Université de Côte d’Azur, 2016, p. 139.
500Yousfi (H), « Redessiner les relations Etat/collectivités locales en Tunisie : enjeux socio-culturels et
institutionnels du projet de décentralisation », Papiers de Recherche AFD, 2017, p. 56.
501Nach Mback (CH), Démocratisation et décentralisation, genèse et dynamiques comparées des processus de
décentralisation en Afrique subsaharienne
, éd. Karthala et PDM, 2003, p. 11.
502Loi organique n°2006-48 du 17 juillet 2006 modifiant la loi n°75-33 du 14 mai 1975, JORT, 2006, p. 1923.
503Mokni (H-B), op, cit, 2016, p. 139.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Pour ce qui est du contrôle sur les personnes. Il est pour sa part, contraignant et ne répond
aucunement au principe de l’autonomie qui doit gouverner les institutions décentralisées.
Signalons à ce titre qu’au sens de l’article 57 de la même loi, le Président du Conseil et ses
adjoints peuvent faire l’objet d’une suspension ou d’une destitution de la part du ministre de
l’intérieur. Malgré l’ampleur des sanctions encourues, le législateur n’a pas énuméré les cas
pouvant justifier le recours à de telles sanctions, laissant la porte ouverte à des abus, voire à
un usage politique, sanctionnant les élus locaux qui ne se plient pas au pouvoir central504.
En outre, le brouillage des actions menées par les communes et leurs services
s’accompagnait également de l’irresponsabilité politique des structures municipales ce qui est
une conséquence de la centralisation totalitaire. Et cette irresponsabilité des élus rendait
possible aussi bien corruption que toute puissance des agents territoriaux. Dans un tel
système, le citoyen n’avait point le choix que de se soumettre. Dans ce contexte, il ne saurait
donc être question de démocratie505.
Au niveau économique, l’administration locale est celle qui fixe le rendement et le projet
de développement. De plus, elle est la seule responsable dans la garantie des besoins des
individus, ainsi son absence fait perdre la valeur de ces besoins. C’est ce qui s’est passé dans
la plupart des régions du Sud tunisien et quelques régions de l’est et du centre. Ces régions
telles que Kasserine, Sidi Bouzid, Jendouba, Kef, Gafsa, Médenine, ont été exclus des
programmes de développement économique du pays stoppant ainsi leurs croissances et leurs
reconstructions. Cela est dû au manque de rôle de l’administration locale dans ces processus
de développement. Rajoutons que ces régions n’appartiennent pas forcément à celles qui ont
manifesté leur loyauté au régime contrairement à d’autres qui ont davantage bénéficié de
développement et d’investissement.
Cette tendance du pouvoir central à vouloir tout contrôler, tout en refusant une réelle
participation des collectivités territoriales conjuguée à la médiocrité des services locaux a
nourri au fil des temps un véritable sentiment de rejet. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que
les mécontentements populaires s’expriment à partir des zones marginalisées. Comme l’a
proclamé Néji BACCOUCHE, « l’étatisation totale des collectivités locales, facilitée par le
laconisme de la constitution et par le nivèlement de la vie politique dépourvue de toute
compétition réelle et effective entre ses acteurs ont empêché l’émergence d’une réelle
504Mokni (H-B), op, cit, 2016, p. 141.
505Sayah (J), Le service public local. Des impératifs de la modernisation aux exigences de la démocratie,
Grenoble, PUG, 1998, p. 10.
128

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

décentralisation. Le pouvoir central était le seul pourvoyeur de légitimité pour les personnes
en charge des affaires locales »506.
Avec l’apogée d’une nouvelle Constitution en 2014, les collectivités territoriales peuvent
jouer un rôle important dans le développement économique local. Cette nouvelle Constitution
fait engager le pays dans un processus de décentralisation qui donne aux autorités locales plus
d’autonomie et un rôle moteur dans le développement économique et social de leurs
territoires.
B. L’insertion des principes facilitant l’intervention des collectivités territoriales
dans le développement économique local dans la nouvelle Constitution de 2014.
La Tunisie a initié depuis le 14 janvier 2011 une nouvelle phase décisive de son histoire
contemporaine avec confiance et optimisme quant à l’avenir grâce aux acquis avantageux et
précieux de la Révolution ainsi qu’à la volonté éclairée du peuple à son aspiration, à la liberté,
au progrès et à la construction d’un avenir plus ambitieux. Elle est déterminée également à
rompre avec le passé, à construire un système démocratique et à intensifier l’État de droit basé
sur la liberté, la justice et la citoyenneté dans toute la nation mais essentiellement à l’échelle
locale.
Ces différents objectifs sont déterminés d’une manière très claire dans la Constitution de
27 janvier 2014 qui rappelle en premier lieu que les régions défavorisées sont l’étincelle qui a
allumé le feu de la Révolution. En deuxième lieu, elle consacre que la démocratie locale est le
garant de la liberté et de la dignité. En troisième lieu, elle a permis de clarifier l’organisation
administrative tunisienne et de faire préciser certains concepts. C’est dans ce cadre que se
traduit la richesse de la nouvelle Constitution en ce qui concerne la décentralisation.
Bien que le développement économique local n’ait pas encore trouvé sa place dans les
politiques publiques, il faut cependant reconnaitre que la nouvelle Constitution ouvre la voie à
l’émergence de pouvoirs locaux forts et autonomes, premiers responsables du développement
de leur territoire.
La première remarque à faire concerne le passage d’un seul article dédié aux collectivités
territoriales dans la Constitution de 1959507 à un chapitre entier dans la Constitution de
506Ben Hassen (I), op, cit, p. 48.
507Cet article mentionne que « Les conseils municipaux et les conseils régionaux gèrent les affaires locales, dans
les conditions prévues par la loi
». L’unique amendement à cet article apporté a simplement ajouté aux
collectivités citées les structures auxquelles la loi confère la qualité de collectivité locale. En l’absence de
principes énoncés dans la Constitution, ce sont les textes législatifs qui ont défini les modes de fonctionnement
129


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
2014508 auquel s’ajoute un article dans les principes généraux de la Constitution et qui
rappelle l’engagement de l’État sur le chemin de la décentralisation509. Cela prouve la prise de
conscience des décideurs de l’importance que revêt la question du développement régional et
du partage du pouvoir510.
La Constitution de 1959 était d’une très faible portée normative. Elle ne contenait aucun
principe susceptible d’orienter le législateur dans l’organisation et le fonctionnement des
collectivités locales. Le seul principe qui se dégageait de l’article 71 était celui de la gestion
des affaires locales par les Conseils municipaux et régionaux. Par contre, dans la nouvelle
Constitution, le chapitre 7 consacre dans les articles 132 à 136 un ensemble de principes
ayant trait à la personnalité juridique, à l’autonomie financière et administrative des
collectivités territoriales, à la libre administration511, aux élections au suffrage universel des
Conseils municipaux et régionaux512, au transfert de compétences sur la base du principe de
subsidiarité et accompagné de transfert de ressources513, à la solidarité entre collectivités
locales selon les principes de la régulation et de l’adéquation garantis par l’État514, à la libre
gestion des ressources dans le cadre du budget avec obligation de respect des règles de la
bonne gouvernance et du contrôle exercé a posteriori515 , à l’adhésion des collectivités
territoriales aux mécanismes de la démocratie participative et aux principes de la bonne
gouvernance516, à la possibilité de recourir à l’intercommunalité et à la coopération
décentralisée517.
des collectivités locales. Même la constitution de 1861 a ignoré les collectivités locales, alors que la municipalité
de Tunis était déjà créée depuis 1858.
508Le pouvoir local relève un débat doctrinal. Certains considèrent que le terme pouvoir peut constituer une
atteinte à l’unité de l’État puisqu’il signifie que les autorités locales détiennent les pouvoirs à l’échelle locale.
D’où on parle d’un gouvernement national et autre local. D’autres prévoient que ce terme renforce l’autonomie
des autorités décentralisées et garantit la démocratie locale par rapport au pouvoir central de l’État. Le terme le
plus convenable qui peut être mieux utilisé comme titre de ce chapitre est le terme autorité qui signifie le droit ou
le pouvoir de commander. Ce terme repose sur des principes fondamentaux de la décentralisation telle que la
libre administration, l’autonomie locale, l’autonomie financière, la légitimité électorale, la gouvernance ouverte,
et la démocratie participative. D’ailleurs, au cœur de la Constitution l’attention s’est focalisée sur les efforts de la
démocratisation et sur la relation entre ce triple pilier à savoir la décentralisation, la démocratie et la bonne
gouvernance.
509Article 14.
510Labiadh (I), op, cit, p. 5.
511Article 132.
512Article 133.
513Articles 134 et 135.
514Article 136.
515Articles 137 et 138.
516Article 139.
517Article 140.
130

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Ces principes désormais inscrits dans la Constitution font du développement des capacités
des collectivités locales un enjeu majeur. C’est l’une des étapes les plus cruciales de la
construction de la deuxième République. En effet, il est utile de rappeler que la répartition
manifestement inéquitable de la richesse, le maintien d’une forte étatisation des moyens et la
méconnaissance de la spécificité des régions et de leurs droits de gérer librement leurs affaires
constituent
les principales causes de
la Révolution de 2011. L’édification de
la
décentralisation figure donc parmi les priorités des aspirations du peuple. D’ailleurs
Mohamed BOUAZIZI, vendeur ambulant à Sidi Bouzid, s’est immolé le 17 décembre 2010
par le feu en signe de protestation contre le comportement intolérable de l’administration
locale518. La consécration de ces principes avait pour objectif de mettre fin à l’emprise de
l’État sur les collectivités territoriales.
La nouvelle Constitution ouvre une nouvelle étape dans le processus de décentralisation
en Tunisie. L’ancien système centralisé selon lequel les communes étaient sous la tutelle du
pouvoir central est ainsi transformé en un système dans lequel les communes sont plus
autonomes et responsables devant leurs citoyens de la fourniture des services publics locaux.
Ces changements majeurs entrainent une plus grande liberté pour les communes dans le choix
de leurs investissements, décidés après consultation des citoyens. Ils nécessitent aussi la mise
en place de moyens financiers transparents et prévisibles permettant aux communes de
programmer le financement de ces investissements dans le temps.
Le principe de la libre administration et le partage de la responsabilité sont apparus
comme l’un des deux fondements de l’intervention économique des collectivités territoriales.
Aujourd’hui, les collectivités territoriales peuvent intervenir dans le développement
économique en toute liberté et sans contrainte du pouvoir central. Selon l’article 132 de la
constitution : « les collectivités locales jouissent de la personnalité juridique et de
l’autonomie financière et administrative. Elles gèrent les affaires locales conformément au
principe de libre administration ». Ce principe consiste à leur garantir la plénitude de leur
capacité de gestion des affaires locales dans le respect du contrôle de la légalité : « la justice
administrative statue sur tous les litiges en matière de conflits de compétence entre les
collectivités locales ou entre l’autorité centrale et les collectivités locales »519.
Il s’agit alors de permettre aux collectivités territoriales de s’administrer librement par des
Conseils élus : « les Conseils municipaux et régionaux sont élus au suffrage universel, libre,
518Ben Hassen (I), op, cit, p. 49.
519Article 142.
131


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
direct, intègre et transparent… »520. Dès lors que l’existence de Conseils élus constitue l’un
des éléments de la libre administration, il est logique que le législateur soit complètent pour
fixer les principes de composition de ses organes délibérants ainsi que leurs statuts521.
Avec la nouvelle Constitution, les collectivités territoriales ont vocation de prendre les
décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent les mieux-être mis en œuvre à leur
échelon. La répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales est guidée
par le principe de subsidiarité. Ce principe signifie « qu’une collectivité de niveau supérieur
ne doit être appelée à intervenir que dans la mesure où la collectivité de niveau inférieur ne
parait pas à même pour des raisons de taille, de moyens financiers, de moyens techniques
(…) d’exercer une compétence déterminée. Autrement dit, l’échelon local doit disposer de la
compétence de principe, cette compétence ne devrait être exercée au niveau régional ou au
niveau national que si l’intérêt d’une bonne administration le justifie »522.
Dans l’esprit de la nouvelle Constitution, la question de la décentralisation est fortement
liée à la notion du développement. La décentralisation est donc avancée comme un ensemble
de mécanismes qui sera amené, à moyen et à long terme, à assurer le développement des
régions en retard de développement. Comme a dit Jean Christophe DEBERRE « la
décentralisation lui en offre l’occasion pourvu qu’elle n’avance pas comme panacée aux
impuissances de l’État central mais comme modalité utile de prise en charge des besoins et
des aspirations d’une population qui souvent, dans ses marges, et par nécessité, inventait des
réponses à des questions qu’on ne partageait pas avec elle ou auxquelles il lui paraissait que
l’État apportait des solutions trop insuffisantes »523.
D’emblée, la décentralisation a apparu comme un moyen d’améliorer la pertinence et la
qualité des services et de répondre aux besoins et possibilités de l’économie locale. Sachant
qu’un nombre croissant d’acteurs locaux intervient non seulement dans l’exécution, mais
aussi dans la conception et le développement des politiques de création d’emplois et
d’inclusion.
520Article 133 alinéa 2.
521Sayah (J), L’acte II de la révolution tunisienne : La constitution, Paris, L’Harmattan, 2015, p.214.
522Ferstenbert (J), Priet (F), Quilichini (P), Droit des collectivités territoriales, Paris, Dalloz, 2009, p. 88.
523Deberre (J-CH), « Décentralisation et développement local », Afrique contemporaine, 2007, pp. 45-54.
132



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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Conclusion du chapitre II
L’accumulation des facteurs économiques, politiques et juridiques provoque une remise
en cause lancinante de la légitimité de l’État interventionniste, de son modèle de gouvernance
et même de son modèle démocratique. Si en France, la crise et l’intervention de l’Union
Européenne ont fortement imposé la suspension de l’interventionnisme étatique, en Tunisie,
la crise et les institutions financières internationales ont joué un rôle déterminant dans la
remise en cause de l’État interventionniste. L’Union européenne et les institutions financières
internationales ont exercé la plus forte influence sur les droits nationaux dans la sphère de
l’économie. Les concepts de l’État se sont renouvelés : c’est la concurrence qui commence à
jouer le rôle principal dans l’économie et même dans les autres sphères de la vie sociale, les
conceptions de secteur public et de la nationalisation ont grandement changé.
Aux facteurs économiques, politiques et juridiques de remise en cause de l’État
interventionniste s’ajoutent d’autres facteurs qui résultent principalement de la reconnaissance
de l’interventionnisme économique local. En France, les lois de la décentralisation ont
reconnu le rôle important des collectivités territoriales dans le développement économique,
alors qu’en Tunisie, l’intervention des collectivités territoriales dans le développement local
reste très limitée vu le caractère centralisé de l’État et l’absence de financements. Toutefois,
avec la nouvelle Constitution de 2014, ces collectivités peuvent jouer un rôle important dans
le développement économique local. Cette nouvelle Constitution a consacré les principaux
principes qui faciles l’intervention de ces collectivités dans le développement économique.
133










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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Conclusion du titre I
Le premier titre de notre thèse était consacré à l’évolution de l’État interventionniste et à
son déclin. Nous avons donc cherché à connaitre et à comprendre pour quelles raisons l’État
interventionniste était critiqué et banalisé.
La fin des Trente Glorieuses annonce la remise en cause des politiques économiques
d’inspiration Keynésienne. L’origine de ce déclin est la forte intervention de l’État, autrement
dit, le développement plus rapide de l’État dans le domaine économique et social par rapport à
la sphère réelle, un développement qui s’explique par la recherche des profits dans la
première sphère en l’absence des mécanismes de pilotage et de régulation dans la deuxième
sphère.
La politique économique dirigiste s’est caractérisée par le manque d’efficacité, la
lourdeur et l’attitude dominatrice voire dans certains cas des dysfonctionnements graves et la
confiscation fréquente de la rente, soit par la structure assurant le service public soit par les
technostructures.
L’Union européenne et les institutions financières internationales ont joué un rôle
important dans la remise en cause de l’interventionnisme étatique. Elles ont exercé la plus
forte influence sur les droits nationaux dans la sphère de l’économie. Sous cette influence, la
gouvernance étatique a été remise en cause.
La crise économique des années soixante-dix va contraindre l’État à ouvrir son espace
aux collectivités territoriales. Dans leurs fonctions d’employeur, d’investisseur, d’acheteur ou
de financeur d’organisations publiques ou associatives, ces collectivités peuvent jouer un rôle
important dans la relance de l’économie à l’échelle locale.
La rupture avec l’État interventionniste est consommée avec l'émergence d'un nouveau
modèle d'État inscrit dans le cadre d'une perspective néo-libérale sur laquelle nous
reviendrons plus longuement dans la suite de nos développements.
134


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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Titre II. Vers la redéfinition du rôle de l’État dans l’économie :
l’État régulateur
Dès les années quatre-vingts, l’État a connu de profondes transformations, un autre visage
de l’État semble ainsi apparaitre524. Passant d’un modèle dirigiste et administré vers un État
régulateur525, il évoque par là, une vision nouvelle de l’État consécutive au déclin de l’État
providence à un État omniprésent dans la vie sociale aurait succédé un État « modeste », dont
la fonction serait avant tout d’assurer la préservation des grands équilibres économiques et
sociaux dans un monde où l’incertitude domine. L’État régulateur romprait ainsi avec
l’interventionnisme et le dirigisme qui ont été la marque de l’État providence pendant les
heures de gloire des Trente Glorieuses526.
Pour les partisans des thèses de l’École de Chicago ou des thèmes du Public Choice527,
l’adoption politique de l’économie de marché s’accompagnerait du passage d’un modèle de
régulation par l’État à un modèle de régulation par le marché. Aux États- Unis528, la volonté
de substituer le marché à l’État, de remplacer des directives par de la compétition y a été
approuvée par la plupart des courants politiques. Le projet de réinventer le gouvernement s’y
est ainsi trouvé en grande partie assimilé à celui d’une importation des valeurs de la libre
concurrence dans le fonctionnement de l’administration. La National Performance Review
(NPR) lancée au lendemain de l’élection de Bill CLINTON sera le point d’orgue de ce
programme529.
524Guédon (M-J), Les autorités administratives indépendantes, Paris, LGDJ, 1991, p. 19.
525L’État régulateur exprime « La transformation des fonctions de l’État qui, désormais, n’intervient plus
directement dans l’économie et ne s’appuie plus sur les prérogatives de la propriété, mais agit par la production
normative, pour confronter les droits et les obligations des sujets à ses objectifs et par la sanction des
comportements ». Marcou (G), « La notion juridique de régulation », AJDA, 2006, p. 347. Voir, en particulier,
Boyer (R),
Théorie de la régulation. Les fondamentaux, Paris, La Découverte, 2004, Colloque « La régulation »,
(dir), Ben Salah (H), Aouij Mrad (A),
op, cit, Bazex (M), « Entre concurrence et régulation la théorie des
facilités essentielles »,
Revue de la concurrence et de la consommation, 2001, Brouillet (J), « Vers un État
régulateur ? »,
Revue Projet, 2010, Burkard (E), « L'État régulateur en Europe », RFSP, 1999, Chevallier (J), «
L’État régulateur »,
RFDP, 2004, Grard (L), « Nouvelles régulations et nouveaux régulateurs dans le secteur des
transports en Europe »,
Revue du Marché Commun et de l'Union Européenne, 2001. Marcou (G), « La notion
juridique de régulation »,
AJDA, 2006.
526Chevalier (J), « L’État régulateur », RFAP, 2004, pp. 473-474.
527Tullock (G), Le Marché politique. Analyse économique des processus politiques, Paris, Economica, 1978.
528Paul Thibault constate « qu à partir de Reagan (…) le néo-conservatisme s’est présenté non seulement comme
un changement d’orientation politique, mais presque comme une refondation de la démocratie et comme un
reformatage de la société par la mise en concurrence systématique », Thibaud (P)
, « La crise que cache la crise»,
Le Débat, janvier 2009, p. 50.
529Cantillon (G), Concurrence et objectifs de politiques publiques en droit des marchés publics. Le droit des
marchés publics et la régulation
, op, cit, p. 7.
135



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En France comme en Tunisie, le passage d’un État interventionniste à un État régulateur
n’a été appliqué qu’au début des années quatre-vingts. La crise de l’État interventionniste
ouvre ainsi la voie à un nouveau modèle d’État « l’État régulateur ». Un État ouvert à la
concurrence et à l’économie de marché530. Un État qui nécessite d’intervenir seulement pour
instaurer et maintenir un cadre marchand excluant tout dirigisme, toute planification, toute
participation étatique à la production des biens et des services et qui relève exclusivement du
jeu de marché. Dès lors, sous l’impulsion de l’État régulateur, la nouvelle politique
économique consiste à réduire l’intervention directe de l’État au profit du développement
d’un marché au sein duquel les activités de l’État devraient être soumises aux règles de la
concurrence531. Autrement, l’État garde sa légitimité pour édicter les règles, mais le contrôle
de leur application est progressivement confié à des agences autonomes, afin de garantir
l’impartialité de l’action de l’administration et de la préserver de toute intervention du
pouvoir politique532. L’État n’a donc pas disparu mais a changé son rôle.
Néanmoins, malgré l’extension du libéralisme économique, malgré les politiques de
privatisations et le processus de désengagement de l’État entamé par la France et la Tunisie,
l’économie présente encore des lacunes et des déficiences et l’État continue à intervenir dans
la vie économique (Chapitre 1). L’État est appelé donc a transformé ses interventions. Dans
ce sens, nous étudierons dans le second chapitre les nouvelles orientations des politiques
économiques et les évolutions du rôle de l’État dans l’économie (Chapitre 2).
530Dans ce sens, le Président de la République Nicolas Sarkozy a adressé au monde depuis Toulon à l’automne
2008 que « l’économie de marché c’est le marché régulé, le marché mis au service du développement, au service
de la société, au service de tous. Ce n’est pas la loi de la jungle, ce n’est pas des profits exorbitants pour
quelques-uns et des sacrifices pour tous les autres. L’économie de marché c’est la concurrence qui réduit les
prix, qui élimine les rentes et qui profite à tous les consommateurs. Le capitalisme ce n’est pas la primauté
donnée au spéculateur. L’économie de marché est essentiellement une économie où les prix sont déterminés sur
le marché contrairement à une économie où les prix sont fixés par mes autorités publiques ».
531Saisie par le droit, la concurrence s’est trouvée dans le sillage de l’État régulateur, avec le Conseil de la
concurrence comme principale autorité chargée de l’application du droit de la concurrence.
532Brouillet (J), « Vers un État régulateur ? », Revue Projet, 2010, p. 21-22.
136




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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Chapitre 1. L’État régulateur et l’ouverture à la concurrence et à
l’économie du marché : une réduction du périmètre de l’économie
administrée
Démonopolisation, dérèglementation,
libéralisation, privatisation, dénationalisation,
actionnarisation (etc.)533. Les mots et les expressions ne manquent pas pour exprimer le vent
de réformes qui souffle dans les années quatre-vingts sur le secteur public534. Cette évolution
n’a pas conduit à un retrait de l’État en tant que puissant acteur économique. Au contraire, la
tentative de redéfinition des frontières entre le marché et l’État a donné lieu à une ré-
régulation extensive des processus économiques relatifs aux différents niveaux politiques
national et européen535.
Les principes libéraux c'est-à-dire les libertés qui s’inscrivent dans la philosophie selon
laquelle l’activité économique est une affaire privée doivent permettre le fonctionnement
normal de l’économie de marché résultant du paradigme de la concurrence pure et parfaite.
Ces libertés telles que la liberté du commerce et de l’industrie, le droit de propriété et la libre
concurrence peuvent être incluses dans la Constitution. L’objectif est ainsi de limiter
l’intervention de l’État dans l’économie et d’encourager la concurrence et les libértés
économiques (Section 1). En France comme en Tunisie, l’État est organisé selon ces
principes. Un État qui se caractérise par une économie orientée vers le marché, un État ouvert
à la concurrence des monopoles publics et à la liberté économique. Cependant, malgré les
avancées en matière de libéralisation et l’ouverture à la concurrence, l’économie reste lésée
par des barrières règlementaires et obstacles à l’entrée aux marchés. Les États avaient gardé le
contrôle de l’économie et les interférences des pouvoirs publics ont limité la concurrence et
l’efficacité du marché (Section 2).
533 Nous trouverons ces principes aussi bien dans le Consensus de Washington. Ce dernier est un corpus de
mesures d'inspiration libérale appliquées aux économies en difficulté face à leur dette (notamment en Amérique
latine) par les institutions financières internationales siégeant à Washington (Banque mondiale et Fonds
monétaire international) et soutenues par le département du Trésor américain. Il formule dix recommandation
adressées plus particulièrement aux pays d’Amérique latine : discipline budgétaire, réorientation de la dépense
publique, réforme fiscale, stabilité monétaire, adoption d’au taux de change unique et Libéralisation du
commerce extérieur, élimination des barrières à l’investissement étranger, privatisation des entreprises
publiques, déréglementation des marchés et la prise en compte des droits de propriété.
534« Parmi les États libéraux qui ont mis fin à l’intervention étatique nous trouverons le Royaume-Uni qui a fait
preuve d’une plus grande capacité de transformation que les États-Unis, chez les « facilitateurs », les Pays-Bas
ont évolué davantage que l’Allemagne, et le Danemark davantage que la Suède, et, parmi les États «
promoteurs » , la France a plutôt réformé sa politique économique, et l’Italie plutôt son système de protection
sociale », Schmidt-Vivien (A), « L'État, l'économie et la protection sociale aux États-Unis et en Europe »,
Critique internationale, 2005,p. 84.
535Burkard (E), « L’État régulateur en Europe », Revue Française de science politique, 1999, p. 210.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Section 1. La consécration constitutionnelle des principes
l’intervention de l’État dans l’économie
limitant
Les principes d’intervention inhérents aux principes libéraux, tels que le principe de la
liberté du commerce et de l’industrie ou encore de la liberté d’entreprendre et les principes de
libre choix des propriétaires dans l’exercice des droits sur leurs biens, lorsqu’ils sont reconnus
comme des principes à valeur constitutionnelle devant être protégés juridictionnellement sont
regardés par les Cours constitutionnelles comme des principes comportant ou autorisant dans
leurs structures mêmes certaines limitations pour des motifs de police, d’utilité publique et
d’intérêt général. Ces principes comportent en substance l’interdiction pour les personnes
publiques de prendre en charge des activités industrielles et commerciales réservées par
principe aux initiatives privées536.
Ces différents principes peuvent être inclus dans la reconnaissance textuelle des principes
avec des formulations différentes auxquelles
les rédacteurs des Constitutions sont
particulièrement attentifs. Elles peuvent ne pas être exprimées dans les textes, mais être
comprises par les juges comme étant impliquées par les textes constitutionnels537.
L’économie a toujours été une préoccupation des constituants et des analystes de l’État.
Prenons plusieurs exemples : Les constituants américains se sont intéressés aux enjeux
économiques de l’Union qu’ils construisaient. Ils ont essayé de démontrer que l’Union sera
plus favorable aux activités économiques que son absence. En ce sens, la Constitution
américaine comporte une clause de commerce qui fait du marché une partie intégrante de
l’Union538. Aussi, la Constitution allemande de Weimar du 11 août 1919 comporte plusieurs
dispositions économiques. Le chapitre V du Titre II de sa Constitution s’intitule « la vie
économique » est consacré à est consacré à l’économie de marché et aux libertés
économiques. L’article 151 de ce chapitre précise que « l'organisation de la vie économique
doit répondre aux principes de la justice et viser à garantir à chacun les conditions d'une
existence digne de l'homme. Dans ces limites, la liberté économique de l'individu doit être
assurée ».
536Ben M’Rad (H), op, cit, p. 312.
537Chérot (J-Y), « Constitution et économie », (dir), Chagnollaud (D), Troper (M), in, Traité international de
droit constitutionnel. Suprématie de la Constitution,
Paris, Dalloz, 2012, pp. 15-16.
538Article 1, paragraphe 8, alinéa 3.
138


Page 141
Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

En outre, l’article 61 de la Constitution portugaise dispose que : « l’initiative économique
s’exerce librement dans le cadre de la Constitution et de la loi tenant compte de l’intérêt
général ». Une formulation plus claire est retenue par l’article 41 de la Constitution italienne
qui dispose que « l’initiative économique privée est libre ».
Contrairement à la Constitution française, la consécration de droits et de libertés
économiques dans la Constitution tunisienne reste très limitée. Avant d’étudier cette
consécration de façade de droits et de libertés économiques dans la Constitution tunisienne
(Paragraphe 2), nous étudierons la protection de droits et de libertés économiques dans la
Constitution
française et
surtout
le
rôle du Conseil constitutionnel dans
la
constitutionnalisation des principes économiques qui encourage l’initiative privée et la
concurrence (Paragraphe 1).
Paragraphe 1. La protection constitutionnelle de droits et de libertés
économique en France : des formes diversifiées
Pendant longtemps, on s’est contenté de prévoir une protection de la concurrence et des
libertés économiques539 par la loi. L’objectif était d’assurer d’abord cette protection contre les
abus du gouvernement et de l’administration. Aujourd’hui, cela ne suffit plus parce que
l’expérience montre que la loi peut à son tour être tout aussi dangereuse pour les libertés et
cela dans le cas où la majorité parlementaire et le gouvernement qu’elle soutient sont
homogènes. Il convient de placer les droits et les libertés sous la protection de la Constitution
sous la forme d’un catalogue qui sera généralement situé en tête de celle-ci.
La Constitution française comporte divers principes libéraux. La première consécration
de ces principes a été dans la Déclaration Universelle de Droit de l’Homme et du Citoyen
(DDHC) de 1789, le décret d’Allarde du 2-17 mars 1791 et la loi Le Chapelier du 14 juin
1791 (A). Le Préambule de la Constitution de 1946 et le texte constitutionnel de 1958 se
caractérisent par une rareté des dispositions d’ordre économique relative aux droits et aux
libertés économiques. Depuis 1981, la France a connu une série d'alternances politiques qui
ont conduit à des réformes économiques. Le rôle joué à cet égard par le Conseil
539« Il s’agit des libertés qui s’inscrivent dans la philosophie selon laquelle l’activité économique est une affaire
privée. Des libertés qui doivent permettre le fonctionnement normal de l’économie de marché, résultant du
paradigme de la concurrence pure et parfaite. Un double objet, veiller à ce que l’intervention de la puissance
publique n’altère pas le fonctionnement régulier du marché, c'est-à-dire qu’elle ne fausse pas la concurrence et
garantir une égale liberté aux opérateurs économiques, dont l’activité économique ne peut être réduite que de
manière exceptionnelle », Braconnier (S),
Droit public de l’économie, op, cit, p. 14.
139


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
constitutionnel est loin d'être négligeable. Les principes constitutionnels applicables à
l'économie et à la construction d'un droit de la régulation ont en effet permis au Conseil
constitutionnel d'encadrer les grandes réformes inspirées par le libéralisme économique
(B).
A. La première consécration de droits et de libertés économiques : DDHC, le
décret d’Allarde et la loi Le Chapelier
La Déclaration Universelle de Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789
consacre largement l’idée d’État gendarme à travers la liberté d’entreprendre, la propriété
privée et le principe d’égalité. Elle contient des dispositions économiques intéressant
directement ou indirectement le système économique français540.
Le 16 janvier 1982541, à propos de la nationalisation, le Conseil constitutionnel français a
proclamé que les principes et les droits proclamés en 1789 ont pleine valeur constitutionnelle
alors que le Préambule de 1946 « tend seulement à compléter ».
Le droit de propriété constitue un principe libéral fondamental qui limite l’action des
personnes publiques dans l’économie. Il est proclamé par la DDHC à ses articles 2 et 17 qui le
qualifient de droit inviolable et sacré. L’article 17 de ladite déclaration dispose que « la
propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n’est lorsque la
nécessité publique, légalement constatée l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste
et préalable indemnité ». Alors que l’article 2 prévoit que « le but de toute association
politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits
sont la liberté, la propriété, la sureté, et la résistance à l'oppression ».
Le droit de propriété joue le rôle principal dans l’encadrement juridique du marché, il en
est même la condition d’existence542. En effet, la question de la propriété est le cœur de la vie
politique et économique de l’État, il est dès lors de notre devoir de défendre ce principe543.
D’inspiration libérale, ce droit vise avant tout à protéger la propriété privée des atteintes que
les pouvoirs publics sont susceptibles de lui porter.
540La Déclaration Universelle de Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 est un texte fondamental de
la Révolution française qui énonce un ensemble de droits naturels, individuels et les conditions de leur mise en
œuvre.
541CC, n° 81-132 DC, 16 janvier 1982, Loi relative aux nationalisations, Favoreu (L), Philip (L), Les grandes
décisions du Conseil constitutionnel
, 2009, Paris, Dalloz, p. 357.
542Mescheriakoff (A-S), Droit public économique, Paris, PUF, p. 91.
543Bahi Ladgham (M), séance du 27 janvier 1958, JO, Débats du 12/02/1958, p.72.
140

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Parmi les principes qui limitent l’intervention de l’État dans l’économie consacrée dans la
DDHC, nous trouverons celles relatives au principe d’égalité544. Ce principe figure à l’article
6 de la déclaration en vertu duquel : « la loi est l’expression de la volonté générale. Tous les
citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation.
Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens
étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics,
selon leur capacité et sans autre distinction que leurs vertus et leurs talents ».
L’égalité des divers acteurs est une condition de la saine concurrence. Elle doit permettre
d’éviter la constitution de monopoles protégés et de privilèges alimentés par les exonérations
fiscales et douanières, les facilités administratives ou l’octroi de discriminations545. Par
ailleurs, les mesures juridiques, règlementaires ou individuelles prises par l’administration en
matière économique doivent respecter l’égalité des agents économiques entre eux.
Le meilleur exemple est celui de la liberté d’entreprendre. Elle apparait comme une
liberté fondamentale. Une valeur déduite de l’article 4 de la DDHC « la liberté consiste à
pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque
homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance
de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». Cette liberté
permet à toute personne d’exercer tout commerce ou toute profession qui leur plaira de faire,
à condition d’acquitter une patente.
À l’époque de la Révolution française, la loi du 2-17 mars 1791 dite décret d’Allard, et
la loi du 14 juin 1791 dite la loi de Chapelier ont aboli les corporations, supprimées les
disciplines professionnelles et abrogé les règlementations commerciales et industrielles546. Le
décret d’Allarde des 2-17 mars 1791 intervenu environ deux ans après la déclaration de 1789
a joué un rôle fondamental, en France principalement dans l’affirmation et le développement
du libéralisme économique qui s’inscrivait dans la droite ligne de la vague de libéralisation
politique traversant l’Europe de l’époque547.
544Article 1 et 6 de la DDHC.
545Ghrairi (Gh), Ben Khenis (W), Babacheikh (A), Droit administratif de la concurrence, Tunis, FSJPST, 2010,
p. 13.
546Pendamon (M) Droit commercial, Paris, Dalloz, 1994, p. 359.
547Ben M’Rad (H), op, cit, p. 80.
141



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Le décret d’Allarde était considéré dans la société libérale du XIX siècle comme la
protection de l’initiative économique privée contre les entraves que l’autorité administrative
tenterait de lui imposer548. Dans ce décret, nous trouverons le principe de la liberté du
commerce et de l’industrie consacrée dans l’article 7 : « il sera libre à toute personne de faire
tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon, mais elle sera
tenue de se pourvoir auparavant d’une patente, d’en acquitter le prix suivant les taux ci-après
déterminés et de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits ».
La liberté de commerce et de l’industrie549 constitue un fondement de l’économie de
marché. Elle signifie la liberté économique, liberté reconnue aux citoyens dans le domaine
économique. Elle se décompose en deux libertés complémentaires. La liberté d’entreprendre
qui signifie le pouvoir de créer librement une activité économique et d’exercer une profession
et la liberté concurrence.
Le Chapelier des 14-17 juin 1791 qui supprime les corporations et les barrières
douanières550 interdit non seulement les corporations professionnelles mais encore les
coalitions et les grèves et cela au nom de la liberté individuelle. L’article 1 prévoit que :
« l’anéantissement de toutes espèces de corporations des citoyens du même état ou profession
étant une des bases fondamentales de la Constitution française, il est défendu de les rétablir
de fait, sous quelque prétexte et quelque forme que ce soit »551. L’article 8 dispose ainsi que,
« tous attroupements composés d'artisans, ouvriers, compagnons, journaliers, ou excités par
eux contre le libre exercice de l'industrie et du travail appartenant à toutes sortes de
personnes et sous toute espèce de conditions convenues de gré à gré, ou contre l'action de la
police et l'exécution des jugements rendus en cette matière, ainsi que contre les enchères et
adjudications publiques de diverses entreprises, seront tenus pour attroupements séditieux et
comme tels, ils seront dissipés par les dépositaires de la force publique, sur les réquisitions
légales qui leur en seront faites, et punis selon tout le rigueur des lois sur les auteurs,
instigateurs et chefs desdits attroupements et sur tous ceux qui auront commis des voies de
fait et des actes de violence ».
548Manitakis (A), op, cit, p. 24.
549Sur ce point, se reporter notamment, Françoise (D), La liberté du commerce et de l’industrie, Paris, Berger-
Levrault, coll. Adm. Nouvelle, 1973, Antonis (M), La liberté du commerce et de l’industrie en droit belge et en
droit français
, Bruxelles, Bruylant, Coll. Thèses et mémoires, Centre interuniversitaire de droit public, 1979.
550Blanc-Jouvan (G), Initiation au droit économique, cours 2007-2008, Paris, Edition l’esprit des lois, 2008,
p.127.
551Voir article 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 de la Loi Le Chapelier des 14-17 juin 1791.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Ces deux textes ont proclamé la liberté pour chacun d’exercer la profession de son choix
sous réserve de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits552. Ces
deux textes sont toujours en vigueur en France.
Malgré l’insuffisance consécration constitutionnelle des principes libéraux qui limitent
l’intervention de l’État dans l’économie dans la Constitution de 1958, nous ne pouvons pas
négliger le rôle majeur du Conseil constitutionnel dans la reconnaissance constitutionnelle de
droits et de libertés économiques dans ces décisions. C'est en effet grâce au juge
constitutionnel que les libertés économiques ont été consacrées au plus haut niveau de la
hiérarchie des normes à la fin des années soixante-dix.
B. Le rôle du Conseil constitutionnel dans la reconnaissance constitutionnelle de
droits et de libertés économiques
La Constitution ne contenait aucune norme textuelle permettant ou garantissant l'exercice
d'une activité économique553. Cette situation a profondément évolué à la fin des années
soixante-dix conjointement à
l'évolution de
la fonction
juridictionnelle du Conseil
constitutionnel qui a construit la Constitution économique de la France dans sa décision du 27
décembre 1973554 dans laquelle il a confirmé la valeur constitutionnelle du principe d’égalité
et dans sa décision du 16 janvier 1982555 la pleine valeur constitutionnelle du droit de
propriété et a dégagé une liberté constitutionnelle d'entreprendre sur le fondement de l'article
4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen556.
Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 décembre 1973557 et du 22 août 2002558
a affirmé la valeur constitutionnelle du principe d’égalité559. Ce principe a été consacré aussi
552Chikaoui (L), « La liberté du commerce et de l’industrie à travers la nouvelle réglementation de la concurrence
et des prix en Tunisie »,
AJT, 1993, p. 137.
553À l'exception, notable, de l’article 2 de la Constitution de 1958 qui affirme que « la France assure l’égalité
devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion
».
554CC, déc. n° 73-51 D.C. du 27 décembre 1973.
555CC, déc. 16 janv. 1982, n° 81-132 DC, Loi de nationalisation : Juris Data n° 1982-300012.
556Sée (A), « La question prioritaire de constitutionnalité et les libertés économiques », Revue juridique de
l’économie publique, LexisNexis JurisClasseur
, 2014, p. 3.
557« Considérant, toutefois, que la dernière disposition de l'alinéa ajouté à l'article 180 du Code général des
impôts par l'article 62 de la loi de finances pour 1974, tend à instituer une discrimination entre les citoyens au
regard de la possibilité d'apporter une preuve contraire à une décision de taxation d'office de l'administration les
concernant ; qu'ainsi ladite disposition porte atteinte au principe de l'égalité devant la loi contenu dans la
Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution »,
CC, déc. n° 73-51 D.C. du 27 décembre 1973.
558CC Déc. n° 2002-460 DC, loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, LPA du 11 sep.
2002, p. 12.
143



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
par le juge administratif. Selon lui, « le principe d’égalité est un principe général du droit ou
un principe écrit lorsqu’il s’agit de l’égalité devant la loi »560.
Ce principe on le retrouve en matière économique même si son application y est parfois
plus délicate, l’intervention publique peut jouer doublement sur ce principe. Soit en favorisant
une catégorie d’individus, un secteur, une branche d’activités ou un territoire, la politique
publique économique peut donc tendre à remettre en cause une égalité rapidement conçue au
profit d’une égalité plus subtile. Soit en garantissant l’égalité entre les acteurs sur un marché
donné par exemple l’égalité devant la règlementation économique561.
Le principe d’égalité se subdivisait en de nombreux sous-principes dont quelques-uns
touchent directement à la matière économique. Égalité devant les charges publiques, l’impôt,
des usagers du service public et devant la règlementation économique562. Le Conseil
constitutionnel français reprend souvent ce principe et considère qu’il ne s’applique qu’aux
entreprises placées dans des situations identiques et pour autant qu’un motif d’intérêt général
ne permette d’y déroger563. L’égalité est une condition de la saine concurrence, elle doit
permettre d’éviter la création des monopoles publics.
En matière d’action économique, cette consécration constitutionnelle de principe d’égalité
apparait nettement à travers la décision du 16 janvier 1982 relative aux nationalisations564. Le
Conseil déclare que « le principe d’égalité n’est pas moins applicable entre les personnes
morales qu’entre les personnes physiques car les personnes morales étant des groupements
de personnes physiques, la méconnaissance du principe d’égalité entre celles-là équivaudrait
nécessairement à une méconnaissance de l’égalité entre celles-ci ». Dans l’organisation de
cette action économique, le législateur comme l’administration doit respecter ce principe565.
559Le principe d’égalité se concrétise en sous-principes : égalité d’accès des usagers au service public, égalité de
traitement, égalité d’accès aux fonctions publiques, égalité devant les charges publiques. Il demeure un principe
essentiel dans le champ de l’action publique et trouve à s’appliquer tant à l’égard des usagers des services
publics Ce principe s’applique aux personnes morales aussi bien qu’aux personnes physiques. Ce principe est
considéré comme un facteur primordial de démocratie. L’égalité étant la condition d’exercice d’une liberté.
560CE, Société des concerts du conservatoire, 9 mars 1951.
561Principe consacré dans les arrêts CE, 26 octobre 1949, Ansar et 22 mars 1950, Société des ciments français.
562Orsoni (G), L’administration de l’économie, op, cit, p. 57.
563Linotte (D), Principe d’égalité, de liberté, de commerce et de l’industrie et droit de la concurrence, droit
public de la concurrence,
(dir), Rainaud (J-M) et Cristini (R), Paris, Economica, 1987, p. 9.
564CC, décision n° 81−132 DC du 16 janvier 1982 relative à la loi de la nationalisation, Favoreu (L), Philip
(L),
Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, op, cit, p. 357.
56529 déc. 1984 : JO, 31 déc. p. 4167.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Notamment, le Conseil d’État avait consacré l’égalité comme principe général du droit
applicable même en l’absence d’un texte précis566.
Le Conseil constitutionnel a reconnu en 1982 le caractère éminent du droit de propriété
mis ainsi sur le même plan que la liberté, la sureté et la résistance à l'oppression, au nombre
des droits naturels et imprescriptibles de l'homme dont la conservation constitue l'un des buts
de la société politique. Il a proclamé que « les principes même énoncés par la déclaration des
droits de l’homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère
fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l’un des buts de la société
politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sureté et la résistance à l’oppression,
qu’en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la
puissance publique »567. Il s'agit donc d'un principe fondateur de la démocratie qui ne saurait
être vidé de son sens par le législateur même en cas d'alternance politique. C'est une
institution de base de la société française, même deux siècles après sa déclaration par
l'Assemblée nationale de 1789.
Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 janvier 1982 a affirmé la valeur
constitutionnelle de la liberté d’entreprendre568. Il prévoit que « la liberté, qui aux termes de
l’article 4 de la DDHC consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait
elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la
liberté d’entreprendre ». Dans sa décision du 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la
cohésion sociale, le Conseil a admis que la liberté d'entreprendre doit être conciliée avec les
autres principes constitutionnels, en particulier ceux issus du Préambule de 1946 : « pour
poser des règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du
Préambule de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi, il peut apporter à la liberté
566CE, 9 mars 1951 Société des concerts du conservatoire.
567CC, 16 janvier 1982, op, cit.
568« Considérant que, si postérieurement à 1789 et jusqu'à nos jours, les finalités et les conditions d'exercice du
droit de propriété ont subi une évolution caractérisée à la fois par une notable extension de son champ
d'application à des domaines individuels nouveaux et par des limitations exigées par l'intérêt général, les
principes mêmes énoncés par la Déclaration des droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce
qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la
société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui
concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique ; que la
liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne
saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté
d'entreprendre ». CC, déc. n° 81-132 D.C. du 16 janvier 1982 (Loi de nationalisation).
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
d'entreprendre des limitations liées à cette exigence constitutionnelle, à la condition qu'il n'en
résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi »569.
Selon le Conseil d’État, « la liberté d’entreprendre confère le libre accès à l’exercice par
les citoyens de toute activité professionnelle n’ayant fait l’objet d’aucune limitation
légale »570. De même, Michel PEDAMON considère que « c’est le droit pour toute personne
de se livrer aux activités commerciales ou industrielles de son choix, soit en créant une
entreprise, soit en faisant l’acquisition ou en prenant le contrôle »571.
La liberté d’entreprendre n’est pas une liberté générale ou absolue. Elle n’existe que dans
le cadre des lois qui en organisent le régime572. La liberté d’entreprendre peut donc connaître
une série de limites notamment pour des raisons d’intérêt général comme la protection de la
santé573 et la transparence économique574. C’est une liberté soumise à un contrôle restreint du
Conseil constitutionnel, même si les dernières décisions sur la « question prioritaire de
constitutionnalité » (QPC), ont paru orienter le contrôle vers un contrôle normal575.
La liberté du commerce et de l’industrie576 possède-t-elle une valeur constitutionnelle ?, il
est exact qu’aucune disposition du droit constitutionnel positif ne consacre cette liberté. Ni le
texte de 1958, ni le préambule de 1946 dont « les principes particulièrement nécessaires à
notre temps ». Ils sont plus soucieux d’interventionnisme que de libéralisme.
Le fait que ce principe n’ait pas été mentionné dans la Constitution, ni qu’il n’ait été
exprimé dans la DDHC, a déclenché une polémique sur sa signification juridique. Le Conseil
d’État considérait toujours cette liberté comme une liberté publique.
569CC, Décision n°2004-509, DC, 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale.
570CE, Syndicat du personnel soignant de la Guadeloupe, 22 juin 1963.
571Pedamon (M), Droit commercial, Paris, Dalloz, 1994, p. 369.
572« Considérant que ces libertés qui ne sont ni générales ni absolues ne peuvent exister que dans le cadre d'une
réglementation instituée par la loi et que les règles apportant des limitations au financement des activités de
communication par la publicité commerciale ne sont, en elles elles-mêmes, contraires ni à la liberté de
communiquer ni à la liberté d'entreprendre
».CC, déc. n° 82-141 D.C. du 27 juillet 1982 (Loi sur la
communication audiovisuelle).

573CC, déc. n° 90-283 D.C. du 8 janvier 1991 (Loi relative à la lutte contre le tabagisme),
574CC, déc. n° 92-316 D.C. du 20 janvier 1993 (Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence
de la vie économique et des procédures publiques).
575 CC.déc. n° 2011-126, question prioritaire de constitutionnalité.
576Cette liberté a depuis lors une double portée, opposition aux réglementations des autorités publiques limitant
l’exercice d’activités économiques par les opérateurs privés et interdiction à l’initiative publique de concurrencer
l’initiative privée : le principe de non-concurrence. Un principe de valeur infra-législative.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Il existe deux arrêts du Conseil d’État à caractère général. Dans le premier arrêt, le
Conseil juge que la liberté du commerce et de l’industrie s’oppose à ce que l’exercice d’une
profession soit subordonné à la délivrance d’une autorisation préalable, condamnant par là
même ce régime en l’absence de loi l’instituant577. Dans le second arrêt, sont prohibées les
interdictions générales et absolues d’exercice d’une activité économique578.
La valeur constitutionnelle de la liberté du commerce et de l’industrie est maintenant
établie. Elle trouve sa source dans le principe de liberté posé par la Déclaration des Droits de
l’Homme et de Citoyen579.
Le Conseil constitutionnel a semblé reconnaitre la valeur constitutionnelle du principe de
liberté du commerce et de l’industrie dans sa décision du 30 octobre 1981, « monopole de la
radiodiffusion ». Aussi, ce principe a vu son contenu précisé par le Conseil dans sa décision
du 30 novembre 2012 qui a indiqué qu’elle « comprend non seulement la liberté d’accéder à
une profession ou à une activité économique mais également la liberté dans l’exercice de
cette profession ou de cette activité »580.
La jurisprudence administrative admet dans certains cas la création de services publics
concurrençant les activités privées. Mais en règle générale, les personnes publiques ne
peuvent agir qu’en cas de carence ou de défaillance de l’initiative privée. Ainsi, beaucoup
d’activités industrielles et commerciales ou libérales ont été érigées en service public.
Toutefois, le Conseil d’État qui reste toujours attaché au principe de la liberté du commerce et
de l’industrie581 a précisé que les interventions publiques en ce domaine devaient rester
exceptionnelles.
Si la liberté de commerce et de l’industrie a été affirmée et relativement protégée par la
jurisprudence administrative, il faut toutefois préciser qu’elle n’est pas inscrite dans le bloc de
constitutionnalité, sa valeur constitutionnelle demeure alors partielle582. Cette liberté connaît
une double limitation qui résulte en premier lieu du législateur agissant dans l’intérêt général
(un texte législatif peut apporter une dérogation au principe de la liberté du commerce et de
l’industrie en règlementant l’organisation de certaines professions ou en prévoyant
l’attribution d’aides aux entreprises) et en second lieu des collectivités publiques faisant usage
577CE, 22 juin 1951, Daudignac.
578CE, 22 juin 1951, Fédération nationale des photographes-filmeurs.
579Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 31.
580Décision n° 2012-285, question prioritaire de constitutionnalité du 30 novembre 2012.
581CE, 16 décembre 1988, association des pêcheurs aux filets et engins.
582Dussart (M-L), op, cit, p. 234.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
du pouvoir règlementaire de police lorsque l’ordre public est menacé par l’exercice de cette
liberté ou du pouvoir de gestion dans l’intérêt général du domaine public583.
D’après Michel GUIBAL, la libre concurrence « confère aux individus le libre exercice
d’un point de vue concurrentiel, de toute activité économique à laquelle ils ont accédé, c'est-
à-dire garantit aux opérateurs économiques la libre activité concurrentielle sur le
marché »584. Le principe de la libre concurrence est un principe dépourvu de portée générale
qui vise à garantir les conditions de la concurrence, il n’a pas, en ce sens, de valeur
constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel s'est toujours refusé à constitutionnaliser le
principe de libre concurrence. On a vu que le Conseil d’État faisait dériver ce principe de
l'ordonnance de 1986.
Devant le Conseil constitutionnel, la question s'est posée surtout en matière contractuelle
(délégations et marchés publics). La décision du 20 janvier 1993 relative à la loi Sapin avait
accrédité l'idée que la concurrence et la transparence puissent être des objectifs à valeur
constitutionnelle « il est loisible au législateur pour atteindre les objectifs de transparence et
de concurrence de règlementer la passation et l'exécution des contrats des personnes
publiques ».
Dans ses décisions du 22 août 2002, loi orientation sur la sécurité intérieure, et du 29
août 2002, loi d'orientation sur la justice, était invoqué le principe d'égal accès à la
commande publique qui impliquait, selon les auteurs de la saisine, le principe de libre
concurrence. Le Conseil s'il a constitutionnalisé le principe d'égal accès à la commande
publique ne dit rien sur la libre concurrence, dans sa décision du 26 juin 2003 relative à la loi
habilitant le gouvernement à simplifier le droit585, le juge constitutionnel relève que les
dispositions relatives à la commande publique devront respecter les principes qui découlent
des articles 6 et 14 de la DDHC (égalité) et qui sont rappelés par l'article premier du Code des
marchés publics (liberté d'accès à la commande publique, égalité de traitement des candidats,
principe de mise en concurrence). À travers l'assimilation entre mise en concurrence et liberté
de concurrence, le Conseil fait découler les principes législatifs du principe d'égalité586. C'est
583Joye (J-F), Essai sur les mutations juridiques de l’action économique territoriales, Thèse, Université de la
Savoie, 2000, p. 33.
584Guibal (M), « Commerce et industrie », Répertoire de droit commercial, février 2003, p. 43.
585L'article 5 de cette loi habilite le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires pour rendre
les dispositions législatives du code des marchés publics compatibles avec le droit européen ainsi que pour
prendre les mesures pour alléger les procédures de passation, pour les auteurs de la saisine, cette habilitation est
contraire à l'article 38.
586Combeau (P), Droit public économique, Paris, UNJF, 2015, p. 34.
148

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

donc une porte ouverte à la consécration définitive du principe constitutionnel de libre
concurrence.
En définitive, le Conseil constitutionnel français a joué un rôle important dans la
reconnaissance constitutionnelle de droit et de libertés économiques. Malheureusement, le
Conseil constitutionnel tunisien n’a qu’un rôle très réservé dans la reconnaissance
constitutionnelle de droits et de libertés économiques.
Paragraphe 2. Une consécration constitutionnelle de droits et de libertés
économiques de façade en Tunisie
Sur le plan politique, il est incontestable que la Constitution tunisienne est une
Constitution libérale. L’ensemble des techniques libérales de gouvernement y sont
inscrites par exemple l’existence d’une Constitution écrite, la séparation des pouvoirs et la
consécration de droits et de libertés traditionnels.
Cette Constitution véhicule-t-elle la même logique libérale sur le plan économique ? La
Constitution n’a pas de
tradition de Constitution strictement économique. Depuis
l’élaboration des premières Constitutions dans le sens moderne du terme, ni la Monarchie ni
la République n’ont connu dans leurs Constitutions les droits et les libertés économiques.
Depuis les années quatre-vingts, une multitude de révisions constitutionnelles ont été
effectuées au point que certains parlent « d'inflation des révisions constitutionnelles »587. Le
domaine de ces révisions est varié. Néanmoins, certains thèmes y reviennent souvent comme
ceux qui concernent le statut du chef de l'État, de l'alternance politique, c'est-à-dire les thèmes
qui portent sur la prolongation ou non du mandat présidentiel, sur le nombre des mandats
possibles, leur durée, des attributions du pouvoir exécutif, (etc.). Cinq modifications de la
Constitution sont intervenues depuis soit celles de 1995588, 1997589, 1998590,2002591et 2008592.
Toutes ces modifications sont venues renforcer d'une manière directe ou indirecte les pouvoirs
du Président et ont créé des conditions favorables à sa réélection. La révision la plus
le
en
10
ligne
2011,
janvier
587Atangana Amougou (J-L) « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain »,
mise
URL
http://www.droitconstitutionnel.org/congresmtp/textes7/ATANGANA.pdf

588Loi constitutionnelle n° 95-90 du 6 novembre 1995 relative au Conseil constitutionnel.
589Loi constitutionnelle n° 98-72 du 2 novembre 1998 portant modification du paragraphe 1er de l'article 75 de la
Constitution.
590Ibid.
591Loi constitutionnelle n° 2002-51 du 1er juin 2002 portant modification à certaines dispositions.
592Loi constitutionnelle n° 2008-52 du 28 juillet 2008 modifiant l'article 20 de la Constitution qui contient des
dispositions dérogatoires au troisième alinéa de l'article 40 de la Constitution.
consulté
2018,
Avril
le
7
149


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
importante est celle de 2002 car elle concerne 39 des 78 articles de la Constitution, soit la
moitié des dispositions. Néanmoins, les réformes étaient muettes quant aux droits et aux
libertés économiques. L’économie
reste
toujours négligée même par
le Conseil
constitutionnel.
Les premières manifestations de droits et de libertés économiques en Tunisie ont été
consacrées dans le Pacte fondamental de 1857 et la Constitution de 1861 (A). Néanmoins,
avec la Constitution de 1959 plusieurs dispositions ont disparu (B). Même après la
Révolution, malgré la richesse de la nouvelle Constitution, les droits et les libertés
économiques restent toujours négligés par les constituants (C).
A. Les premières manifestations de droits et de libertés économiques : le Pacte
fondamental de 1857 et la Constitution de 1861
Le pays s’est doté du Pacte fondamental en 1857 et d’une Constitution en 1861593. Ce
dispositif constitutionnel positif rompant avec la tradition arabo-musulmane, avait consacré
de nombreux droits et libertés économiques tels que le droit de propriété, le droit à la sécurité
juridique, la légalité fiscale, la légalité pénale et la liberté du commerce et de l’industrie.
Le Pacte fondamental a été analysé comme une « véritable déclaration des droits,
proclamant la sécurité complète de la vie et de la propriété des habitants de la Régence,
l'égalité devant la loi et devant l'impôt, la liberté de la religion, la limitation de la durée du
service militaire. Il annonçait la création de tribunaux mixtes où la minorité juive serait
représentée, il abolissait les privilèges accordés aux musulmans, les restrictions apportées à
la liberté du commerce, les monopoles, et accordait enfin aux étrangers le droit d'accéder à
la propriété et d'exercer tous les métiers dans la Régence »594.
L’article 9 du Pacte fondamental de 1857 prévoit « la liberté du commerce pour tous et
sans aucun privilège pour personne. Le gouvernement s’interdit toute espèce de commerce et
n’empêchera personne de s’y livrer. Le commerce en général sera l’objet d’une sollicitude
protectrice et tout ce qui pourrait lui causer des entraves sera écarté ».
593La première dans le monde musulman.
594Ganiage (J), Les origines du protectorat français en Tunisie (1861-1881), Tunis, Maison tunisienne de
l’édition, 1968, pp. 67-68.
150

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Le Pacte a consacré dans son article 10 la liberté aux étrangers de faire le commerce595 :
« les étrangers qui voudront s’établir dans nos États pourront exercer toutes les industries et
tous les métiers, à la condition qu’ils se soumettent aux règlements établis et à ceux qui
pourront être établis plus tard, à l’égal des habitants du pays. Personne ne jouira, à cet
égard, de privilège sur un autre. Cette liberté leur sera acquise après que nous nous serons
entendus avec leurs gouvernements sur le mode d’application, qui sera expliqué ou
développé ».
Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie a été ensuite repris par la
Constitution tunisienne de 1861 qui évoque dans son article 97 la liberté du commerce,
d’exploitation et d’importation. Cet article dispose que : « tous nos sujets, à quelques
religions qu’ils appartiennent, ont le droit d’exercer telle industrie qu’ils voudront et
d’employer à cet effet tels engins et machines qu’ils jugeront nécessaires, quand bien même
cela pourrait avoir des inconvénients pour ceux qui voudraient continuer à se servir des
anciens procédés (...) ». L’article 98 quant à lui dispose que : « tous nos sujets, à quelque
religion qu’ils appartiennent, sont libres de se livrer au commerce d’exportation ou
d’importation en se conformant aux lois et règlements déjà établis ou qui seront établis à
l’avenir relativement aux droits d’entrée et de sortie sur les produits du sol ou sur ceux
manufacturés ».
Les articles 110 et 112 de la Constitution de 1861 accordent aux sujets étrangers établis
dans le Royaume les mêmes facultés accordées aux sujets tunisiens en matière de commerce
et d’industrie et les soumettent aux mêmes charges et conditions596. L’article 110 prévoit que :
« il est accordé aux sujets étrangers établis dans le Royaume les mêmes facultés accordées
aux sujets tunisiens relativement aux industries à exercer et aux machines à introduire dans le
royaume, et ils seront soumis aux mêmes charges et conditions ». Quant à l’article 112, il
dispose que « les sujets étrangers établis dans les États tunisiens pourront se livrer au
commerce d’importation ou d’exploitation à l’égal des sujets tunisiens, et ils devront se
soumettre aux mêmes charges et restrictions que celles auxquelles sont soumis lesdits sujets
tunisiens ».
595« Le principe de la liberté de commerce et de l’industrie a été déjà étudié par Ibn Khaldoun qui relève l’effet
néfaste de l’immixtion du souverain dans le commerce. Dans le chapitre 40 de la Moqadma, Ibn Khaldoun relève
que l’intervention du souverain dans le commerce porte préjudice aux citoyens, altère l’impôt, fausse les lois de
la libre concurrence et annihile le libre initiative en établissant le monopole du souverain ». Chekir (H), « La
signification de la concurrence »,
AJT, 1993, p. 22.
596Gherairi (GH), Ben Khemis (W), Babacheikh (A), op, cit, p. 11.
151


Page 154
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
À ce niveau, on fera tout juste remarquer que cette première manifestation juridique de la
liberté du commerce et de l’industrie n’est pas totalement en rupture avec les pratiques
libérales précédemment relevées, lesquelles seront davantage renforcées avec l’avènement du
protectorat français597.
Accordés sous impulsion étrangère, ces textes traduisent aussi l’aspiration des
réformateurs tunisiens à une plus grande liberté. L’apparition de cette liberté du commerce et
de l’industrie s’est caractérisée par deux traits fondamentaux qui ne sont pas directement
perceptibles dans le droit positif actuel. Elle répond d’abord à la conception traditionnelle, la
plus libérale, qui a prévalu à l’époque en Europe. Elle se situe ensuite à un niveau
constitutionnel qui ne lui est pas explicitement reconnu actuellement598.
D’une manière générale, la liberté du commerce et de l’industrie comporte deux séries
d’interdictions. Elle interdit à l’État d’organiser l’économie par des mesures administratives.
Elle interdit ensuite aux particuliers d’organiser eux-mêmes l’économie par des accords ou
des ententes monopolistiques qui suppriment purement et simplement la faculté d’exercer un
commerce599. Elle est conçue donc dans son acceptation la plus libérale comme le droit
strictement réservé aux personnes privées de se livrer à des activités commerciales ou
industrielles600.
Ces libertés économiques répondaient à la conception de l’État gendarme qui ont
largement dominées le XIXe siècle européen et qui réduisaient le rôle de l’État à une activité
minimale de maintien de l’ordre. Néanmoins, ces principes ont été disparus avec la
Constitution de 1959.
B. Le faible encadrement constitutionnel de droits et de libertés économique dans
la Constitution de 1959
L’apparition d’une nouvelle Constitution en 1959 n’est toutefois pas accompagnée d’un
enrichissement véritable du texte constitutionnel car elle ne contient que quelques articles de
telle manière qu’en réalité elle ne s’est jamais saisie fondamentalement de la question
économique. Nous trouverons quelques principes et quelques droits comme le droit de
597Ben M’Rad (H), op, cit, p. 42.
598Ibid, pp. 54-55.
599Manitakis (A), La liberté du commerce et de l’industrie en droit belge et en droit français, op, cit, p. 24.
600Dreyfus (F), La liberté du commerce et de l’industrie, Paris, édition Berger-Levrault, 1973, p. 99.
152


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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

propriété qui trouve son fondement constitutionnel dans l’article 14 : « le droit de propriété
est exercé dans les limites prévues par la loi ».
L’Assemblée constituante a adopté une conception libérale de droit de propriété601. Elle
s’est fortement inspirée de l’expérience française. Ainsi, le Conseil constitutionnel tunisien a
soulevé dans ses avis le principe de la garantie de propriété, il a rappelé que « l’exercice de
ce droit ne relève pas du pouvoir règlementaire, ce qui fait que la reconnaissance d’une
compétence générale, au ministère chargé du patrimoine, pour ajouter des règlements relatifs
aux abords des monuments historiques, sans déterminer les procédures d’édiction de ces
règlements ou le contenu de ces dernières dans le texte de loi, est incompatible avec le
principe de la garantie du droit de propriété et avec ce que prévoit l’article 34 de la
Constitution »602.
Quant au principe de la liberté du commerce et de l’industrie, la Constitution de 1959
n’a pas prévu expressément ce principe, mais certains constitutionnalistes tunisiens ont
constaté qu’il serait consacré indirectement par l’article 7 qui reconnait « aux citoyens
l’exercice de la plénitude de leurs droits dans les formes et conditions prévues par la loi », et
celles de l’article 14 qui « garantit de la plénitude du droit de la propriété, exercé dans les
limites prévues par la loi »603.
D’autres juristes, en réaffirmant que la propriété individuelle et la liberté contractuelle
sont des éléments indissociables de la liberté du commerce et de l’industrie ont déduit la
consécration implicite de ce principe de l’article 242 du Code des obligations et contrats de
1906 qui proclame le principe de la liberté contractuelle et de l’autonomie de la volonté604.
Ainsi, le Code pénal est le plus indiqué en la matière. Il réprime ceux qui portent atteinte à ce
principe et aux lois du marché qui lui sont conséquentes605.
En plus de cette consécration législative indirecte et au niveau de la répression, il existe
une consécration timide, isolée, douce du tribunal administratif606. Depuis 1982, dans l’affaire
601Moussa (F), « La Constitution et le droit de propriété en Tunisie », RTD, 1986, p.74.
602Avis n° 43-2004 du Conseil constitutionnel, concernant certaines dispositions du projet de la loi de finances
pour l’année 2005,
JORT, pp. 3766-3771.
603Jaidane (R), op, cit, p. 65.
604Chikaoui (L), op, cit, p. 135.
605En vertu de l’article 139 du Code Pénal : « Tous ceux qui par des faits faux ou calomnieux semés sciemment
dans le public, par des offres jetées sur le marché à dessein de troubler les cours, par des sur-offres faites aux
prix que demandaient les vendeurs eux-mêmes par des voies ou moyens frauduleux quelconques. Ou qui, en
exerçant ou tenant d’exercer, soit individuellement, soit par réunion ou coalitions, une action sur le marché dans
le but de se procurer un gain qui ne serait pas le résultat du jeu naturel de l’offre et de la demande ».
606TA, 15 février 1982, chambre syndicale des entreprises de publicité contre ville de Tunis.
153


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
chambre syndicale des entreprises de publicité/centre-ville de Tunis, le principe de la liberté
de commerce et de l’industrie a droit de cité607.
Au final, on rappellera que ce statut constitutionnel implicite de la liberté du
commerce et de l’industrie n’a pas empêché le juge administratif tunisien d’assurer sa
protection juridictionnelle en retenant qu’« en matière d’exercice du commerce et de
l’industrie, la liberté est la règle, et la limitation l’exception »608.
Le Tribunal administratif ne se hasarde pas ni à définir ni à qualifier la liberté du
commerce et de l’industrie, il consacre le principe comme un fait établi, incontestable se
rattachant à la théorie générale des principes généraux du droit et aux libertés609.
L’affirmation timide de ce principe dans l’arrêt chambre syndicale des sociétés de publicité
contre la municipalité de Tunis, n’était pas faite en faveur de la libre exploitation mais en ce
qui concerne les interdictions apportées par la municipalité de Tunis aux placards publicitaires
et les discriminations que pouvaient causer ces interdictions aux sociétés de publicité
concernées610.
Si en droit tunisien, le principe de liberté de commerce et de l’industrie fait l’objet d’un
débat quant à sa consécration juridique, la situation est différente pour le principe d’égalité
auquel est accordée une place primordiale. Son rang dans la hiérarchie des normes juridiques
est incontestable. Dès lors que le principe est écrit, inscrit dans les textes constitutionnels, il a
une valeur constitutionnelle611, l’article 6 de la Constitution du 1er juin 1959 dispose que :
« tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont tous égaux devant la
loi ». L’égalité des divers acteurs est une condition de la saine concurrence. Elle doit
permettre d’éviter la constitution de monopoles protégés et de privilèges alimentés par les
exonérations
fiscales et douanières,
les
facilités administratives ou
l’octroi de
discriminations.612
607Chekir (H), op, cit, p. 23.
608Ben M’Rad (H), op, cit, p. 67.
609Imouna (S), Ordre public et libertés : recherches sur la police administrative en Tunisie, Thèse, FDSPT,
1998, p. 242.
610TA, affaire du 15 février 1982 chambre syndicale des sociétés de publicité, municipalité de Tunis, 1982,
p. 10.
611Chapus (R), Droit administratif général, Paris, LGDJ, 2011, p. 97.
612Gherairi (GH), Ben Khemis (W), Babacheikh (A), op, cit, p. 13.
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Page 157
Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Ce principe a été invoqué à plusieurs reprises dans les avis du Conseil constitutionnel, tel
que l’avis de 2006 où le Conseil a déclaré le projet de la loi inconstitutionnel pour violation
de principe d’égalité prévu par l’article 6 de la Constitution613.
Cependant, le principe d’égalité se heurte en Tunisie aux comportements inégalitaires
sous couvert d’intérêt général dicté par la fixation des priorités nationales ou les faveurs à
l’égard de certains exportateurs dans le but de développer le commerce extérieur614. Par
ailleurs, l’application du principe d’égale concurrence était limitée au domaine de la passation
des marchés publics. Elle n’avait pas été généralisée sur la base des principes d’égalité devant
la loi au du principe de la liberté du commerce et de l’industrie.
Si la Constitution tunisienne de 1959 n’appréhende pas explicitement la notion de la
concurrence, elle accorde par contre une valeur constitutionnelle aux notions de
développement économique, de droit de la propriété et de Conseil économique. Ces
différentes notions sont interprétées très largement par certains constitutionnalistes pour
constater que le droit de la concurrence n’est pas en rupture totale avec la Constitution pour
deux raisons. D’abord, l’option pour un modèle de planification indicative et libérale en
Tunisie fait de la concurrence est apparue dans une situation économique libérale qui doit
protéger la liberté du commerce et d’industrie. La concurrence est au cœur de cette situation.
Ensuite, on estime que le droit de la concurrence est imprégné par la logique interventionniste
car il s’agit pour les pouvoirs publics d’utiliser leur pouvoir normatif pour encadrer les
comportements des opérateurs économiques qui sont susceptibles de fausser le libre jeu de
concurrence. Dans cette logique, le droit de la concurrence devient un arsenal juridique par
lequel l’État tente de réguler le marché615. Ainsi, le Conseil constitutionnel Tunisien, qui a
vocation à combler les lacunes de la lettre de la Constitution de 1959 en interprétant l’esprit
qui anime les droits et libertés fondamentaux616 pourrait conférer une valeur constitutionnelle
au principe de la libre concurrence.
613« Considérant qu’il est loisible au législateur compétent pour déterminer les règles de procédure devant les
différents ordres de juridiction, d’édicter les règles de procédures devant les différents ordres de juridiction,
d’édicter des règles procédurales différentes en fonction des faits et cas, cela ne doit pas déboucher sur un état
d’inégalité entre le suspect auditionné par le juge d’instruction et le suspect auditionné par l’officier de police
judicaire… », Avis n°14-2006 du Conseil constitutionnel sur un projet de loi complétant certaines dispositions
du code de procédures pénales, JORT, 2007, pp. 988-990.
614Chekir (H), « La signification de la concurrence », AJT, 1993, p. 15.
615Ben M’Rad (H), Liberté du commerce et de l’industrie en Tunisie, op, cit, p. 134.
616Constitution et droit international, Académie internationale de droit constitutionnel, Tunis, CPU, 2000,
p. 369.
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Page 158
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
La consécration de droits et de libertés économiques reste toujours limitée même avec
l’apogée d’une nouvelle Constitution après la Révolution de 2011.
C. La constance de la faiblesse de l’encadrement constitutionnel de droits et de
libertés économiques dans la nouvelle Constitution de 2014
La nouvelle Constitution du 27 janvier 2014 a proclamé l’essentiel des droits. Elle est
plus riche et plus explicite en la matière que celle du 1er juin 1959. Mais malgré la richesse, le
patrimoine constitutionnel tunisien reste en delà de la notion de Constitution économique. Le
débat public national préliminaire à cette élection de la Constituante et le programme de
transition économique ne semblent pas déroger aux grands choix de politique économique.
Elle se limite aux règles minimales du phénomène économique. Ainsi, cette proclamation,
aussi solennelle qu’elle soit, n’est ni exhaustive ni suffisante pour rendre la jouissance de ces
droits réelle. En outre, l’entreprise a été malencontreusement oubliée dans un monde où elle
occupe une place de choix dans la création des richesses que l’on se doit de redistribuer617.
La Constitution de 2014 a confirmé le caractère constitutionnel de droit de propriété qui
trouve son fondement dans l’article 41 « le droit de propriété est garanti, il ne peut y être
porté atteinte que dans le cas et avec les garanties prévues par la loi. La propriété
intellectuelle est garantie ». Aussi, elle garantit le caractère constitutionnel du principe
d’égalité dans l’article 21 « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs.
Ils sont égaux devant la loi sans discrimination ».
La nouvelle Constitution n’a pas jugé utile de consacrer la liberté du commerce et
d’industrie. Principe historique de base du système économique capitaliste et de l’économie
de marché, il est encore vivace dans certains systèmes constitutionnels par exemple l’article
37 de la Constitution algérienne et la jurisprudence administrative et constitutionnelle
en France. Pourtant, cette liberté économique fut proclamée depuis 1857 par le Pacte
fondamental. On peut penser qu’il ne s’agit pas d’une simple omission d’autant que
l’organisation patronale historique, à l’instar du puissant syndicat ouvrier, a agi auprès de
l’Assemblée constituante pour consacrer des droits qu’elle considère légitimes et nécessaires
pour la prochaine étape. Manifestement, la constituante n’a pas réservé aux doléances du
syndicat des patrons le même accueil que celles du syndicat ouvrier. La méfiance à l’égard du
capital, conjuguée avec la proximité des anciens dirigeants dudit syndicat de l’ancien
Président et son entourage, n’a pas favorisé la reconnaissance au profit des agents
617Baccouche (N), op, cit, p. 473.
156

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

économiques de certains droits de nature à rééquilibrer les rapports entre les partenaires
sociaux618.
L’institut arabe des chefs d’entreprise a présenté à l’Assemblée nationale constituante une
proposition visant à introduire le principe de la liberté de l’activité économique dans la
nouvelle Constitution tunisienne. Mais cette proposition n’a pas été introduite dans la
Constitution. Si elle avait été adoptée, cette proposition aurait dû clarifier les choix
économiques fondamentaux, de manière consensuelle à l’instar d’un nombre de pays comme
l’Allemagne, ce qui permettra de faciliter la tâche de tous les acteurs économiques, d’assurer
la pérennité de l’économie nationale et d’améliorer le positionnement de la Tunisie à l’échelle
internationale. L’institut arabe des chefs d’entreprise a indiqué que l’introduction du principe
de la liberté de l’activité économique dans la Constitution permettra à l’État d’exercer sa
tâche économique régulatrice, conformément à un référentiel constitutionnel économique
sain, en adéquation avec les principes caractérisant la mondialisation économique à laquelle la
Tunisie a adhéré619.
Selon Hédi BEN M’RAD, si le principe de la liberté d’entreprendre a été consacré dans la
Constitution, sa constitutionnalisation lèvera définitivement l’équivoque sur la réalité
économique libérale ancestrale de la Tunisie, à la condition bien évidente de son adaptation à
l’évolution du contexte national et international. Elle aura pour effet d’enrichir le patrimoine
constitutionnel économique tunisien620.
Le 14 janvier 2011 était bel et bien un discours de dignité, mais aussi de liberté et de
démocratie. Et on voit mal comment l’invocation du libéralisme politique a totalement
sacrifié le libéralisme économique et l’économie de marché.
618Baccouche (N), p. 477.
619Kapitalis, « Pour l’inscription de la liberté économique dans la nouvelle constitution tunisienne », mise en
ligne le 23 juillet 2012, consulté le 8 avril 2018, URL : http://www.kapitalis.com/kapital/10948-pour-
linscription-de-la-liberte-economique-dans-la-nouvelle-constitution-tunisienne.html
620Ben M’Rad (H), « Constitution et Economie : Pour quels Principes constitutionnels économiques ? », mise en
ligne, consulté le 8 Avril 2018, URL : http://studylibfr.com/doc/8614484/constitution-et--economie---pour-
quels-principes-constitu...
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Section 2. La libéralisation de l’économie : la clef d’un nouvel ordre
économique
La libéralisation entreprise dans les années quatre-vingts a été marquée par un
redéploiement de l’intervention étatique621. Il s’agissait de créer un secteur privé capable
d’être un relai, voire un intermédiaire avec la population, censé assumer un rôle important
dans la sphère productive et être un vecteur de redistribution et de gestion du salariat sans
pour autant se dégager de la tutelle de l’État622.
La libéralisation est devenue dans le contexte de la mondialisation une des pierres
angulaires de tout processus d’ouverture et d’amollissement d’une économie donnée. Elle est
considérée comme un axe important de la construction européenne623 et de l’établissement de
toute zone de libre-échange624.
En Tunisie, l’idée de base de la politique économique depuis les années quatre-vingts est
la libéralisation interne et externe. La libéralisation économique interne veut dire que l’État
doit être plus modeste sur le plan économique et financier. En conséquence, une partie des
activités dont il a la charge doit passer dans le secteur privé. Plus clairement, le train de vie de
l’État doit être nécessairement réduit par la dérèglementation censée libérer les activités
économiques et par la démonopolisation. Alors que la libéralisation économique externe
signifie l’engagement de rendre libre le mouvement des marchandises et des services,
financiers ou autres. C’est la loi du 24 avril 1995 qui a traduit la préparation de la Tunisie à
l’ouverture de son économie interne à la concurrence internationale625 et aux produits
Européens626.
621« La libéralisation des services publics remet en cause les organisations traditionnelles des services publics.
Cette libéralisation doit être simple et rapide et consister à déréglementer les activités économiques qui étaient
jusque-là planifiées et administrées », Wladimir (A),
Économie de la transition. La transformation des
économies planifiées en économies de marché,
Bréal, 2007, p. 26. Voir en particulier, Bauby (P), « La
libéralisation des services publics »,
Cahiers français, 2008, pp. 9-10.
622Meddeb (H), « La Tunisie, pays émergent ? », Revue Européenne d’analyses des sociétés politiques, 2010,
p. 21.
623Laguerre (A), Concurrence dans les marchés publics, Paris, Berger-Levraut, 1989, p. 152.
624Pons (J-F), « Le rôle accru de la politique de la concurrence dans la relance du partenariat euro-
méditerranéen »,
Séminaire régional sur la politique de concurrence et les négociations multilatérales, Tunis,
2002, p. 6.
625La Tunisie a signé plusieurs accords commerciaux préférentiels régionaux, dont l'Accord d'association avec
l'Union européenne, la Grande zone arabe de libre-échange (GAFTA), l'Accord arabo-méditerranéen de libre-
échange, l'Accord de libre-échange avec l'AELE, l'Union du Maghreb arabe, et des accords bilatéraux.
626Loi n° 95-42 du 24-04-1995 modifiant et complétant la Loi n° 91-64 du 29 juillet 1991 relative à la
concurrence et aux prix,
JORT, 1995, p. 679.
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Page 161
Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

À la différence de la Tunisie, la libéralisation externe a de longue date été engagée puis
accomplie en France dans le cadre du processus d’intégration européenne qui a abouti à
l’unification du marché intérieur européen, espace sans frontière intérieur dans lequel la libre
circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée627. La
libéralisation interne a été marquée par la liberté des prix et la politique de dérèglementation
et de démonopolisation menée de 1986 à 1988, en rupture avec la politique de
monopolisation628.
Malgré l’ouverture à la concurrence et à l’économie du marché, l’économie présente
encore des défaillances et reste encadrée par l’État. Dans ce sens, nous étudierons en premier
lieu la libéralisation de l’économie et ses limites en France (Paragraphe 1) et ensuite en
Tunisie (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. La libéralisation de l’économie en France : des limites
malgré des réformes progressives
Les politiques néo-libérales qui ont commencé à s’imposer partout en Europe à partir du
début des années quatre-vingts se sont traduites en France par un vaste mouvement de
privatisation, de libéralisation des marchés, de réduction du périmètre de l’économie
administrée629. Malgré les réformes, le marché en France est en grande partie un produit de
l’État. L’économie repose sur le marché, mais elle est encadrée et régulée par l’État. Ce
dernier organise des services publics dont il est propriétaire et qui bénéficient d’un monopole.
Il assure un rôle de régulation de l’économie (contrôle des prix, contrôle des changes,
régulation du crédit (etc.)) et il met en œuvre les principes keynésiens de réglage de l’activité
économique par les politiques budgétaire et monétaire.
La libéralisation de l’économie se manifeste tout d’abord par la libéralisation des prix qui
reste relative d’où nous trouverons plusieurs exceptions qui justifient l’intervention de l’État
dans l’économie (A) et ensuite par l’ouverture à la concurrence qui est de sa part reste limitée
par les monopoles de l’État dans divers secteurs (B).
627Article 7 du du traité C.E.
628Essoussi (A), Molinier (J), op, cit, p. 31.
629Poirmeur (Y), « L’État régulateur en France », in, Actes de colloque La régulation, (dir), Ben Salah (H), Aouij
Mrad (A), FDSPT, 2010, p. 12.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
A. Une libéralisation relative des prix : des exceptions autorisant l’intervention de
l’État dans la régulation de l’économie
À la fin des années quatre-vingts, l’État français s’est orienté vers une conception
libérale et ce en suivant une démarche de libéralisation progressive de l’économie basée
surtout sur le principe de la liberté. C’est dans ce cadre qu’est intervenu le législateur par la
promulgation de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et du
commerce630. L’article 1er de ladite ordonnance prévoit que : « l’ordonnance n°45-1483 du 30
juin 1945 est abrogée. Les prix des biens, produits et services relevant antérieurement de
ladite ordonnance sont librement déterminés par le jeu de la concurrence ». Dans ce sens, la
Professeure Sophie NICINSKI constate que « l’année 1986 marque un tournant fondamental
en matière de prix puisque est proclamé un principe de liberté des prix »631.
Cette consécration expresse de la liberté des prix en France tranche nettement avec la
situation antérieure et notamment avec l’ordonnance du 30 juin 1945 relative aux prix. Elle
traduit cependant, l’abondant d’un système de contrôle des prix et la substitution du marché
au dirigisme comme processus régulatoire de l’économie. En effet, sous l’empire de
l’ancienne loi, les prix des produits et services étaient fortement encadrés et soumis à un
régime contraignant de fixation des prix sous le contrôle de l’administration.
Le principe de la libre détermination des prix constitue l’un des principes clés de
l’économie libérale. Mais ce principe s’avère relatif parce qu’il connait des exceptions.
L’ordonnance Française du 1er décembre 1986 a prévu plusieurs exceptions. La première vise
des situations plus durables. L’article 1er alinéa 2 prévoit que « toutefois, dans les secteurs ou
dans les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de
monopole ou de difficultés durable d’approvisionnement, soit de dispositions législatives ou
règlementaires, un décret en Conseil d’État peut règlementer les prix après consultation du
conseil de la concurrence ».632 En application de cette exception, un décret en Conseil d’État
peut règlementer les prix après consultation de l’Autorité de la concurrence. Le rôle de
l’Autorité consiste uniquement à apprécier si les conditions sont réunies. Cependant,
l’appréciation peut être étendue à l’évaluation de l’impact sur les marchés en cause633.
630Ordonnance n°86-1234 du 1 décembre 1986 relative à la liberté des prix et du commerce, JORF, 1986,
p. 14773.
631Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 141.
632Ordonnance n° 86-1243 du 1 décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, JORF, 1986,
p.14773.

633Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 176.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

De multiples mesures d’encadrement des prix ont été édictées sur ce fondement dans des
secteurs variés. Par exemple, la tarification des courses de taxis, est réglementée par le décret
de 2015 relatif aux tarifs des courses de taxi634. Il en va de même des tarifs des cantines
scolaires et de demi-pension des établissements publics635. Concernant les redevances
aéroportuaires, l’article L. 6325-1 du Code des transports précise que les services publics
aéroportuaires donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus fixées
conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article L. 420-2 du Code du commerce.
En outre, les domaines du gaz et de l’électricité se caractérisent par l’existence de tarifs
réglementés. En vertu de l’article L. 337-1 du Code de l’énergie, la procédure de l’article L.
410-2 du Code de commerce s’applique au prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire
historique, aux tarifs réglementés de vente d’électricité et aux tarifs de cession de l’électricité
aux entreprises locales de distribution ou aux entreprises issues de la séparation juridique des
activités des entreprises locales de distribution. S’agissant du gaz, ce sont les dispositions des
articles L. 445-1 et s. et L. 445-1 du Code de l’énergie qui fixent le régime applicable.
La deuxième exception correspond plus précisément à la possibilité d’arrêter « contre des
hausses ou des baisses excessives de prix, des mesures temporaires motivées par une situation
de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation
manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé »636. Ceci, dans le but de faire
face à des hausses excessives de prix (fort mouvement d’inflation), ou même à des baisses
(protection du marché de la pèche et de marchés agricoles), suite à des catastrophes naturelles
(cyclones, inondations…), ou encore à des faits de guerre637. Ces mesures doivent être prises
par décret en Conseil d’État après consultation du Conseil national de la consommation. Le
décret précise sa durée de validité qui ne peut excéder six mois.
Cette procédure a été utilisée lors du blocage des prix et marges en Guadeloupe pour
quatre mois à la suite du passage du Cyclone Hugo et pour règlementer les prix des produits
pétroliers après la crise du Golfe persique638.
634Décret n° 2015-1252 du 7 octobre 2015 relatif aux tarifs des courses de taxi, JORF, 2015, p. 18601
635Décret n°2006-753 du 29 juin 2006 relatif aux prix de la restauration scolaire pour les élèves de
l'enseignement public,
JORF, 2006, p. 9788.
636Article 1 alinéa 3 de l’ordonnance de 1986.
637Linotte (D), Graboy-Grobesco (A), op, cit, p. 220.
638Un décret n°90-701 du 8 aȏut 1990 relatif au prix de vente des produits pétroliers, avait fixé temporairement
des prix plafonds pour les produits pétroliers compte tenu des circonstances exceptionnelles traversées par le
marché pétrolier au cours de l’été 1990, à savoir l’occupation du Koweit par l’Irak
, Blary-Clement (E),
161


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En somme, les circonstances exceptionnelles se fondent sur l’état de nécessité ainsi que
sur l’obligation pour l’administration d’assurer l’ordre public et le bon fonctionnement des
services publics. Elles ont permis de considérer comme légales des mesures normalement
illégales pour vice de forme de par leur objet ou encore pour incompétence légale.
Nous trouverons aussi le maintien de la règlementation de certains prix extérieure à
l’ordonnance du 1er décembre 1986. Demeurent ainsi réglementés sans exhaustivité, le prix
des annonces légales639, différents honoraires des officiers publics, les prix des transports
ferroviaires, les loyers des baux commerciaux640 et des baux ruraux641, les prestations
médicales et le prix des livres642. Aussi, la règlementation des prix de détail reste relativement
stricte et limite encore la concurrence possible entre enseignes, les détaillants ne sont toujours
pas autorisés à revendre à perte, contrairement à la plupart des pays européens. La pratique
des prix prédateurs en cas de position dominante est déjà interdite par le droit de la
concurrence. Aussi la concurrence par les prix est limitée pour les pièces détachées
automobiles ou les livres643, la concurrence sur les médicaments à prescription facultatives est
aussi limitée par le monopole des pharmacies sur de nombreux produits, leurs faibles marges
de négociation par rapport aux grands laboratoires et le manque d’information des
consommateurs.
En définitive, l’ouverture à la concurrence et à l’économie du marché en France reste
limitée. Nous trouverons toujours des entraves et des restrictions de plusieurs ordres, ce qui
n’est pas le cas en Grande Bretagne par exemple644.
B. L’ouverture à la concurrence : une ouverture limitée par la présence de l’État
dans la régulation de l’économie
En comparaison avec la Grande Bretagne et l’Allemagne, la concurrence en France reste
faible. Donnons l’exemple du secteur des transports, la concurrence dans ce secteur est très
limitée, certaines modes de transports comme le train sont partiellement protégées de la
« Réflexions sur le décret n°90-701 du 8 aout 1990 relatif aux prix de vente des produits pétroliers », ALD, 1991,
p. 17.
639Loi n°55-4 du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales, JORF, 1955, p. 276.
640Article L. 145-1 du Code de commerce.
641Article L. 411-11 du Code rural.
642Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, JORF, 1981, p. 2198.
643Études économiques de l’OCDE, France, Mars 2015, p. 132.
644Dans les années quatre-vingts, Margaret Thatcher poursuit à marche forcée sa libéralisation de l'économie du
pays. Elle lance une vaste vague de privatisations qui touchent tous les grands secteurs nationalisés de 1945 à
1951 (houilles, chemins de fer, aérien, aciérie, télécommunications, gaz, électricité, etc.). L'internationalisation
de l'économie britannique s'accélère fortement.

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

concurrence. Ce secteur est dominé par la SNCF, les dessertes internes ne sont pas ouvertes à
la concurrence et les services de transports ferroviaires internationaux restent quasi
exclusivement réalisés via des accords de coopération entre la SNCF et les opérateurs
historiques des pays voisins à l’exception d’une desserte Paris-Venise ouverte par l’opérateur
italien Thello645. Pour l'instant, la SNCF établissement public industriel et commercial est
toujours régie par l’article L2141-1 du Code des transports qui lui octroie le monopole de
l'exploitation du transport ferroviaire de personnes sur le réseau ferré national.
Cette monopolisation a eu de graves conséquences. La grève de 2018 est l’exemple
typique de l’inefficacité des monopoles publics. Aujourd’hui, le gouvernement souhaite
réformer le monopole de la SNCF. Le Premier ministre Edouard PHILIPPE affirme : « nous
allons ouvrir à la concurrence le domaine ferroviaire, transformer l'organisation de
l'entreprise, mettre fin au recrutement au statut »646. Nous constatons, ainsi que la France est
en retard sur ses voisins européens, notamment le Royaume-Unis647 et l’Allemagne648 qui
offrent deux exemples de privatisation et de libéralisation des chemins de fer.
Malgré l’ouverture de plusieurs secteurs à la concurrence, de nombreuses restrictions
restent présentes. En premier lieu, l’accès au marché peut être soumis à un régime
d’autorisation ou de déclarations préalables dans un cadre défini par les textes européens et
placé sous le contrôle des autorités nationales. Il s’agit par exemple d’une licence délivrée par
le ministre des Transports pour opérer sur le réseau ferroviaire ou d’une autorisation délivrée
par le ministre délégué à l’industrie pour le transport de gaz. En deuxième lieu, dans le cadre
de la libéralisation des industries de réseaux autrefois organisés sous forme de monopoles
publics, ces derniers substituent au monopole légal un monopole de fait tant que les
9
6
le
le
en
mai
avril
ligne
2018,
2018,
consulté
645Études économiques de l’OCDE, France, Mars 2015, pp. 136-137.
646BRUT, « Privatisation, libéralisation, ouverture à la concurrence : les réseaux ferroviéres dans le monde »,
mise
URL :
https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/greve-a-la-sncf/privatisation-liberalisation-ouverture-a-la-
concurrence-les-reseaux-ferroviaires-dans-le-monde_2697936.html
647« Au Royaume-Uni, le réseau ferroviaire a été privatisé en 1994 à l’initiative des conservateurs. La
privatisation concernait l’exploitation des lignes et l’infrastructure mais la dégradation du réseau a occasionné
plusieurs accidents mortels qui ont marqué l’opinion publique britannique. Le gouvernement a finalement fait
machine arrière et renationalisé la maintenance du réseau. Depuis, les prix des billets ont augmenté : ils sont
aujourd’hui presque deux fois plus chers qu’en 2005 et en moyenne 30 % plus chers qu’en France. La
fréquentation des trains a également doublé »,
BRUT, « Privatisation, libéralisation, ouverture à la concurrence :
les réseaux ferroviéres dans le monde »,
op, cit.
648« Le secteur ferroviaire allemand a été ouvert aux compagnies privées dans les années 1990. La concurrence a
boosté les transports régionaux, permettant la multiplication du nombre de lignes. Le statut de cheminot a été
abandonné mais la compagnie d’État a conservé le monopole des grandes lignes. La réussite de la libéralisation
allemande est d’ailleurs avancée comme argument par le gouvernement français qui souhaite s’en inspirer »,
BRUT, « Privatisation, libéralisation, ouverture à la concurrence : les réseaux ferroviaires dans le monde
», op,
cit.

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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
concurrents ne parviennent pas à entrer durablement sur le marché. En troisième lieu, il ne
faut pas mésestimer les risques que présente la libéralisation. En faisant perdre aux opérateurs
de service public des ressources jusqu’alors garanties par un monopole, la libéralisation
fragilise inévitablement les conditions habituelles de financement des missions d’intérêt
général qui leur sont dévolues. Au surplus, l’environnement nouvellement concurrentiel se
révèle parfois propice à l’écrémage, c'est-à-dire à la pratique pour les nouveaux entrants sur
un marché concurrentiel consistant à se concentrer sur les segments d’activités ou les
catégories d’usagers les plus rentables et qui a pour effet d’entrainer l’abandon de certains
services qui le sont moins649.
Le législateur peut limiter l’accès à une profession650 et la soumettre à des conditions651.
Premièrement pour des raisons d’ordre public. Logiquement, la restriction de l’accès à une
profession étant le fait d’une mesure de police, les composantes de l’ordre public peuvent
servir de fondements. Par exemple, l’interdiction de fabriquer des armes biologiques, la
fermeture d’un magasin car celui-ci vend de l’alcool et participe ainsi aux tapages nocturnes
et aux violences. Deuxièmement, pour des raisons de la protection de la morale et des bonnes
mœurs, on autorise à interdire le proxénétisme ou les jeux de hasard et les maisons de
tolérance. Troisièmement pour des raisons la protection de la santé publique.
La profession réglementée se caractérise justement par un triple encadrement. Elle fait
d’abord l’objet de dispositions qui restreignent l’accès à la profession, soit par le biais de
conditions de diplôme, d’achat de charge, de conditions de nationalité ou de limitation du
nombre des prestataires autorisés à exercer652. La profession réglementée se caractérise
ensuite par un monopole jouissant, d’un monopole sur tout ou une partie des activités qu’elles
exercent, par exemple les médecins ont ainsi un monopole sur l’exercice de la médecine et la
prescription de médicaments, les notaires sur l’enregistrement des transactions immobilières
649Delaunay (B), Droit public de la concurrence, Paris, LGDJ, 2015, p. 410.
650Exemples de professions réglementées : Avocats, Ambulancier, Architecte, Agent immobilier, les chauffeurs
de taxi, guide interprète, conférencier national, Pâtissier, Pharmacien, Plombier, Poissonnier, Charcutier,
Carrossier, commissaire aux comptes, Esthéticien, Vétérinaire ou visiteur médical (etc).
651« Considérant que la constitution du 4 octobre 1958 dispose dans son article 37 alinéa 1 que les matières
autres que celles qui sont du domaine de la loi, ont un caractère réglementaire et, dans son article 34, que la loi
fixe les règles concernant ... les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés
publiques qu'au nombre des libertés publiques dont, en vertu de cette dernière disposition, les garanties
fondamentales relèvent du domaine de la loi figure le libre accès à l'exercice par les citoyens de toute activité
professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale, (…) que si le dernier alinéa du même article
précise que les conditions d'adhésion à ces associations sont fixées par décret en Conseil d'État, cette disposition
n'autorisait pas le gouvernement, en l'absence d'une habilitation expresse, à soumettre l’accès à l'exercice de
l’activité de pécheur professionnel à d’autres limitations que celles qui découlent des dispositions précitées de la
loi » CE Ass., 16 décembre 1988,
Assoc. Des pêcheurs aux filets et engins Garonne Isle et Dordogne Maritime.
652Voir à ce propos, Perrin (A), « Les professions réglementées », Droit administrative, 2008.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

(etc.)653. La récente loi relative aux taxis et aux véhicules avec chauffeur a ainsi aménagé le
monopole des taxis en matière de transport de personnes654. Pour le Conseil de la
concurrence, cette règlementation était justifiée par la situation de monopole des exploitants
de ces services publics locaux. Enfin, les professions sont souvent l’objet d’un tarif unique
fixé par l’État, tel est le cas par exemple du tarif de la consultation des médecins
conventionnés, du tarif des huissiers de justice ou encore du tarif des notaires ou des taxis655.
L’État Français a toujours montré son attachement au service public, c’est pour cela lors
de la conférence de Maastricht et celle qui a précédé le Traité d’Amsterdam a été reconnue la
spécificité du service public à la française. L’État reste le garant de la cohésion du groupe
social qu’il gouverne et qu’on appelle la nation. Ce rôle semble d’ailleurs croitre avec le
phénomène d’appauvrissement dans lequel est entrée la société française. Même si l’État
Keynésien a perdu de son pouvoir de séduction, « l’État paternel » responsable du bien-être
au moins matériel des populations demeure. L’État reste aussi entrepreneur, même si ce rôle
passe de plus en plus par une maitrise de l’intérieur du groupe dirigeant des grandes
entreprises françaises, il existe encore des entreprises publiques soumises partiellement à un
régime exorbitant du droit commun et qui à ce titre relève du droit public656.
Une enquête réalisée par le centre européen des entreprises publiques en 2002 a fait
apparaitre la France comme l’un des pays de l’Union européenne dans lesquels le secteur
public reste le plus développé. Ce maintien d’un secteur public important révèle la persistance
d’une exception française, que le rapport Bergougnoux sur « les services en réseau » définit
comme consistant dans « des caractéristiques permanentes et quasiment culturelles de la
société française convaincue de la prééminence du rôle de l’État (…) qu’il s’agisse de la
définition ou de la conduite des stratégies essentielles pour l’avenir du pays, de la régulation
économique en général ou d’une régulation des services publics répondant à des attentes en
termes d’équité beaucoup plus fortes que dans d’autres pays »657. La comparaison
européenne fait également ressortir la forte centralisation de système français qui se traduit
par l’importance de l’actionnariat étatique par rapport à des collectivités locales658.
653Braconnier (S), op, cit, p. 177.
654Loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux véhicules avec chauffeur, JORF,
2014, p.15938.
655Braconnier (S), op, cit, p. 177.
656Mescheriakoff (A-S), op, cit, 1994, p. 75.
657Rapport du Commissariat général du plan, « Services publics en réseau : perspectives de concurrence et
nouvelles régulation », (dir), Bergougnoux (J), avril 2000, p. 253
658Cartier-Bresson (A), op, cit, p. 13.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En résumé, le rôle des pouvoirs publics n'est plus de se substituer aux entreprises, ni au
fonctionnement du marché. L'État doit se limiter à garantir le respect de la loi, du droit et de
la propriété privée. Il doit également agir contre certains monopoles et pallier les
éventuelles défaillances du marché en favorisant la concurrence. Pour Milton FRIEDMAN,
« les monopoles d'origine étatique doivent être limités au maximum »659.
En Tunisie aussi, malgré la dérèglementation, la libéralisation des activités économiques.
Malgré les politiques de privatisations et le processus de désengagement de l’État entamé par
l’État, l’économie de marché reste encadrée par un cadre juridique relativement contraignant
et l’État continue à intervenir dans la vie économique.
Paragraphe 2. Une libéralisation limitée en Tunisie : un monopole d’État
empêchant une véritable liberté économique
La stratégie de développement impulsée depuis les années quatre-vingts, malgré un
référentiel idéologique rénové, s’est avérée incapable de favoriser l’émergence d’une
conception décentralisée du développement660. L’organisation de la vie économique par l’État
régulateur reste limitée. Il s’agit d’un mode de désignation purement formel. L’État continue
à jouer un rôle déterminant dans la politique économique et sociale. L’ouverture des marchés
à la concurrence n’implique pas un désengagement total de la puissance publique et laisse la
possibilité au législateur d’intervenir dans le marché661.
Les obstacles à l’entrée aux marchés introduits par la loi sur la concurrence, le Code des
incitations aux investissements, le Code du commerce et d’autres règlementations sectorielles
régissant notamment le secteur tertiaire dont tout particulièrement les télécommunications, la
santé, l’éducation et les services professionnels étouffent la croissance économique en
entravant l’initiative privée et en décourageant l’innovation et la recherche de gains de
productivité. Dans cette perspective, nous aborderons en premier lieu les limites relatives à la
liberté des prix (A) et en second lieu le paradoxe de l’État régulateur ; une pratique libérale
incompatible avec les principes libéraux (B).
en
659Nakhla (M), « Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire : quel modèle économique pour la
France ? », mise
2018, URL :
https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/ouverture-a-la-concurrence-du-transport-ferroviaire-quel-modele-
economique-pour-la-france-774455.html
660Tarchouna (L), op, cit, p. 767.
661Le législateur peut limiter l’accès à une profession et la soumettre à des conditions.
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consulté
2018,
ligne
avril
le
le
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

A. La relativité du principe de la liberté des prix
En Tunisie, l’engagement dans un processus de dérèglementation économique s’est
accompagné de la promulgation d’une loi sur la libre détermination des prix : loi du 29 juillet
1991662. L’article 2 de cette loi dispose que : « les prix des biens, produits et services sont
librement déterminés par le jeu de la concurrence ». Dans ce sens, la Banque mondiale a
déclaré que « des progrès considérables ont été réalisés dans la réduction des contrôles des
prix à la production et des marges réglementées de distribution dans les secteurs agricoles et
manufacturiers. C’est ainsi qu’à la fin de 1994, seulement 12 % des prix agricoles et
industriels étaient encore réglementés au niveau de la production et 30 % au niveau de la
distribution »663.
La révision de la loi du 29 juillet 1991 a pour souci majeur de dynamiser la concurrence
et de doter le pays d’un cadre juridique qui réponde aux normes internationales. La
libéralisation des prix entraine aussi le risque d’inflation monétaire d’où la mise en place par
la nouvelle loi d’un Conseil de la concurrence664 chargé de sanctionner les pratiques
anticoncurrentielles.
Cette consécration de la liberté des prix en Tunisie tranche nettement avec la situation
antérieure et notamment avec la loi du 19 mai 1970 portant règlementation des prix, ce qui
rompt avec le principe de la fixation des prix, libère les professionnels des pouvoirs de
décisions de l’administration économique et leur attribue de ce fait une liberté de décision en
fixant eux-mêmes les prix. Sous l’empire de l’ancienne loi, les prix des produits et services
étaient soumis à des régimes contraignants de fixation des prix sous le contrôle de
662Cette loi a consacré la liberté de la concurrence et des prix, la prohibition des pratiques anticoncurrentielles,
elle a en outre prévu des dispositions portant sur la protection des consommateurs. Cette loi qui a fait l’objet de
plusieurs révisions reflète une volonté de consacrer l’économie de marché, et d’en renforcer la compétitivité. Ces
révisions ont pour objet de dynamiser la concurrence et de doter la Tunisie d’un cadre juridique qui répond aux
normes internationales. Ce texte a été amandé cinq fois (Loi n°93-83 du 26 juillet 1993. Loi n°95-42 du 24 avril
1995. Loi n°99-41 du 10 mai 1999. Loi n° 2003-74 du 11 novembre 2003. Loi n°2005-60 du 18 juillet 200) pour
donner plus de pouvoir aux instances chargées de sa mise en application, mais également et surtout, pour en faire
un instrument fondamental dans la construction et la consolidation de l'économie de marché en Tunisie.
Après la Révolution, le législateur a adopté une nouvelle, la loi n°2015-36 du 15 septembre 2015 relative à la
concurrence et aux prix. Voir Ben Aissa (M-S), « Régime des prix et régime de concurrence en Tunisie »,
Revue
internationale de droit économique
, 1992. Voir aussi Mehrez (B), « système des prix et de concurrence en
Tunisie »,
Revue de jurisprudence et législation, 1995.
663Banque mondiale, « Tunisie : intégration mondiale et développement durable. Choix stratégique pour le
21eme siécle »,
Etude économique de la Banque mondiale, 1996, p. 10.
664En Tunisie, le Conseil de la concurrence est un organisme qui a été créé par la loi n°64 du 29 juillet 1991
relative à la concurrence et aux prix a créé une « Commission de la Concurrence » à laquelle succédera en 1995
l'actuel « Conseil de la Concurrence. Elle s’est attribuée depuis 2002, la qualité d’une autorité indépendante
édictant des décisions de nature juridictionnelle et exerçant une fonction consultative dans le domaine de la
concurrence ».
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
l’administration. Cependant, ce système basé sur le contrôle des prix et l’intervention de
l’administration s’est avéré inadéquat. Il défavorise le développement économique.
La loi du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix est dont l’objectif de
consacrer la libre concurrence à travers la liberté des prix. Toutefois, ce principe s’avère
relatif parce qu’il connait plusieurs limites.
L’article 2 de la présente loi affirme que la liberté des prix des biens, produits et services
sont déterminés par le jeu de la concurrence. Mais cette liberté connait des limites apportées
par l’article 3 de la même loi. Cet article a mentionné les dérogations permanentes à la liberté
des prix. Il prévoit que : « sont exclus du régime de la liberté des prix les biens, produits et
services de première nécessité ou afférents à des secteurs ou zones où la concurrence par les
prix est limitée soit en raison d’une situation de monopole ou de difficultés durables
d’approvisionnement soit par l’effet de dispositions législatives ou règlementaires »665. Nous
constatons donc l’inapplicabilité du principe de la liberté des prix dans les cas prévus par cet
article.
En comparant cet article avec l’ordonnance française du 1er décembre 1986, dont il est
largement inspiré, nous remarquons que le champ d’application de l’article 3 est plus large666.
Les biens et les produits de première nécessité ou produits figurant sur une liste667 sont
réglementés. Dans la loi française, ces produits ne sont pas réglementés.
Cette énonciation ne peut qu’attester du souci du législateur de faire échapper les biens,
produits et services de nature sensible à la loi du marché et laisser le système de formation de
leur prix sous l’égide de l’administration et ceci en tenant compte de l’intérêt des couches
sociales les plus défavorisées qui pourraient voir leur pouvoir d’achat encore plus menacé par
l’effet de la libéralisation des prix668. Par ailleurs, les biens produits ou services superflus ou
luxueux demeurent, quant à eux, régis par le principe de la libre détermination des prix669.
665Loi n° 91-64 du 29 Juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix, JORT, 1991, p. 897.
666Guiga (J), Le droit tunisien de la concurrence à l’ère de la mondialisation, Tunis, CPU, 2002, p. 45.
667La liste actuelle est celle de l’arrêté du ministre du commerce du 4 juillet 2006. Il s’agit de la farine, du sucre,
du tabac, de l’eau et de l’électricité, des produits pharmaceutiques (…).

668Chikaoui (L), « La liberté du commerce et de l’industrie à travers la nouvelle réglementation de la concurrence
et des prix en Tunisie »,
AJT, 1999, p. 139.
669Ibid, p. 150.
168


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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Cette attitude protectrice de l’intérêt social se confirme à travers les travaux préparatoires
de la loi de 1991 lors desquels le ministre de l’économie nationale de l’époque avait été
interrogé à propos de l’article du projet de loi, en l’occurrence l’actuel article 3 avait répondu
que : « le principe étant la liberté des prix, bien qu’il y ait des produits socialement sensibles
et aussi des zones où il n’y a pas de concurrence suffisante et qui sont donc exempts de ce
principe »670. Et avait insisté en outre sur le fait « de trouver une formule transitoire qui
permettrait de passer graduellement du régime de fixation à celui de la liberté en se gardant
de créer des confusions au sein du tissu économique »671.
« (…) Lorsqu’il y a absence ou insuffisance de concurrence ou quand il y a des difficultés
durables
d’approvisionnement, soit
par
l’effet
de
dispositions
législatives
ou
règlementaires ». Le législateur tunisien a suivi en ce sens les orientations du droit français en
la matière et qui résultent de l’article L. 410-2 du Code du commerce qui fait référence à cette
notion de difficultés durable d’approvisionnement. Il s’agit alors de régimes spécifiques, les
produits des monopoles d’État (Tabac, alcool, allumettes (etc.)), les péages autoroutiers, les
prix des transports urbains et ceux des courses de taxi, les prix du gaz, eau, électricité, des
communications téléphoniques (etc.). Ce sont des prix homologués ou auto-homologués. Il
s’agit d’obstacles structurels qui empêchent la libre détermination des prix.
L’État poursuit toujours un objectif d’ordre social pour permettre à la population
d’obtenir certaines prestations correspondant à des besoins essentiels. Il veut en limiter les
prix. D’un autre côté, l’État est nécessairement amené à encadrer les prix de certains produits
et services et ce dans le cadre de la mise en œuvre de ses choix économiques et financiers, en
particulier dans le but de se garantir par lui-même des ressources par les éléments intégrés aux
prix mais également afin de veiller à une ouverture progressive et régulée de certains secteurs
à la concurrence.
Le deuxième cas d’exception est prévu par l’article 4 de la loi du 29 juillet 1991 qui
dispose que le ministre chargé du commerce peut pour une période n’excédant six mois,
prendre par arrêté « des mesures temporaires contre les hausses excessives des prix motivés
par une situation de crise ou de calamité, des circonstances exceptionnelles, une situation de
marché manifestement anormale dans un secteur déterminé ».
670Débats Chambre des représentations, réponse du ministre de l’économie nationale, p. 2203.
671Ibid, p. 2204.
169


Page 172
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Le risque de flambée des prix donne au gouvernement le pouvoir de règlementer ces
derniers par arrêté du ministre du commerce. C’est ce qui constitue une différence avec la
législation française pour qui la règlementation est réalisée par décret en Conseil d’État pris
après avis du Conseil national de la concurrence.
Cette intervention est soumise à des conditions. Il faut qu’il y ait une situation de crise ou
de calamité ou des circonstances exceptionnelle. Dans cette hypothèse, la hausse excessive
des prix serait consécutive à la survenance d’un évènement à caractère exceptionnel ou
imprévisible672. Il pouvait s’agir d’un grand évènement national ou international imprévu
d’une crise d’approvisionnement sur une matière première comme le pétrole par exemple ou
une sècheresse (etc.). Également, des hausses excessives des prix peuvent autoriser
l’intervention administrative lorsqu’elles sont motivées par une situation de marché
manifestement anormale dans un secteur déterminé.
Les mesures d’intervention administratives en matière de hausse excessive des prix
doivent prendre la forme d’un arrêté du ministre chargé du commerce à la différence du droit
français qui prévoit que de telles mesures sont prises sous forme de « décret » après
consultation du Conseil national de la consommation.
Nous trouverons ces exceptions, même dans la nouvelle loi du 15 septembre 2015 relative
à la concurrence et aux prix673.
En définitive, l’économie tunisienne reste encadrée par une intervention très forte de
l’État. La Tunisie a réorienté sa politique économique vers une réduction de la sphère
économique de l’État au profit du marché, mais ce choix malgré les performances
économiques apparentes qu’il a pu engendrer a eu des conséquences sociales très lourdes
notamment sur le niveau de l’emploi et le chômage. La pratique reste très différente à la
théorie et aux textes législatifs.
672Guiga (J), Le droit tunisien de la concurrence à l’ère de la mondialisation, Tunis, CPU, 2002, p. 67.
673Loi n° 2015-36 du 15 septembre 2015, relative à la réorganisation de la concurrence et des prix, JORT, 2015,
p. 1320.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

B. Le maintien d’une pratique libérale incompatible avec les principes libéraux
En Tunisie, le libéralisme économique a connu une évolution certaine. L’adaptation de
ce modèle s’est faite sur l’omniprésence de l’État et le contrôle étatique. Les conditions de la
concurrence pure et parfaite sont avant tout théoriques. Dans la pratique c'est tout autre chose.
Pour Béatrice HIBOU, « le caractère central de l’État dans la construction d’une économie
de marché est flagrant. Le libéralisme a mis en place un système hybride : l’État est
omniprésent, d’autant plus que les acteurs privés se sont habitués dès le départ à cette
présence »674.
Il faut comprendre en général que la politique en Tunisie ne se laisse pas aisément tirer
par l’économique, c’est toujours le pouvoir politique qui fait le jeu. Les plans d’ajustement
structurel ou la libéralisation économique ont certes été dictés par la nécessité ou par des
considérations économiques et adopté moins en raison d’un quelconque partage lyrique de
pouvoir pour que pour le système politique global n’échappe pas à l’emprise du pouvoir675.
On trouve donc, naturellement au cœur de ce programme le paradoxe qui gouverne
l’ouverture à la concurrence des activités de services publics. L’État intervient, souvent par
des moyens musclés (autorités de contrôle, législation anti-monopoles puis anticartel676.
La Tunisie est perçue, surtout de l’extérieur comme un pays stable, ce qui n’est pas pour
déplaire aux bailleurs de fonds, aux investisseurs nationaux et internationaux, aux partenaires
étrangers et aussi à une large couche de la population tunisienne677. Jusqu’en 2010, il semblait
bien se porter et était considéré par la Banque mondiale et le FMI comme un modèle à suivre
par les autres pays en développement et que le Forum économique mondial a plusieurs fois
classé la Tunisie comme l’économie la plus compétitive en Afrique678.
Malheureusement, le FMI s’est trompé dans une partie de ses analyses pendant les
années de l’Ancien Régime. Quant à la Banque mondiale dont les missions faisaient
régulièrement des visites à l’intérieur des régions, l’a été un peu moins. Christine
LAGARDE679, elle-même, comme d’ailleurs son prédécesseur l’a admis en disant que « la
674Hibou (B), « Le libéralisme réformiste, ou comment perpétuer l’étatisme tunisien », Revue de L’économie
politique
, 2006, p. 4.
675Ben M’rad (H), op, cit, p. 84.
676Isidoro (C), op, cit, p. 122.
677Brik Mokni (H), op, cit, p. 340.
678Banque mondiale : « La Révolution inachevée. Créer des opportunités, des emplois de qualité et de la richesse
pour tous les Tunisiens »,
op, cit, p. 324.
679Directrice de générale du FMI.
171



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Révolution tunisienne a permis au FMI d’apprendre, on ne voyait que les équilibres
fondamentaux, taux de croissance, taux des déficits budgétaires primaire et global, taux
d’inflation, taux du déficit courant de la balance des paiements. On ne voyait pas les
déséquilibres des revenus, des régions, de l’emploi et l’ampleur de la corruption »680.
Auparavant, les missions du FMI limitaient leurs déplacements entre les grands hôtels et les
ministères, même les visites organisées à l’intérieur du pays, cantonnaient à des villes
touristiques telles à Hammamet ou Sousse ou Djerba, dans des hôtels cinq étoiles, mais non à
Gafsa ou à Sidi Bouzid681. Il a fallu le 14 janvier pour ouvrir les yeux des experts du FMI sur
la situation réelle du pays et pour montrer au monde que sa stratégie n’était pas réussie.
« Aucun pays dans lequel le FMI est intervenu n’a réussi », cette affirmation est contraire
à la réalité. L’exemple de la Tunisie le prouve. Elle a pu redresser sa situation économique et
financière en quelques années, grâce à l’accord avec le FMI en 1986-1988. Il est important de
souligner que le FMI est appelé quand la situation économique sous l’effet des atermoiements
politiques, empire. Or, plus elle empire, plus les mesures de redressement deviennent
difficiles et nécessairement vigoureuses sinon douloureuses682.
Après les évènements de 2011, la Banque mondiale reconnaît avoir mal évalué la
situation économique tunisienne qui repose sur un « capitalisme de copains », la corruption
généralisée, l’inefficacité des politiques économiques et l’inadéquation de la structure de
production et du marché du travail aux spécificités de la population active683.
L’essoufflement de l’économie a été à l’origine de la mise en œuvre du plan d’ajustement
structurel en 1986, un essoufflement qui s’est traduit par la dégradation de tous les équilibres
macro-économiques. La responsabilité incombe à la politique suivie par l’État depuis 1960 et
du rôle central qu’il a joué dans l’encadrement et la régulation du processus de reproduction
du capital, dépendant d’une politique d’endettement mal maitrisée. Ainsi l’objectif du PAS
vise le passage d’une économie peu intégrée, encadrée par l’État vers une économie intégrée
et gouvernée par les mécanismes du marché684.
680Banque mondiale : « La Révolution inachevée. Créer des opportunités, des emplois de qualité et de la richesse
pour tous les Tunisiens »,
op, cit, p. 324.
681Guen (M), op, cit, pp. 156-157.
682Ibid, p. 164.
683Banque mondiale : « La Révolution inachevée. Créer des opportunités, des emplois de qualité et de la richesse
pour tous les Tunisiens »,
op, cit, p. 324.
684Brik Mokni (H) op, cit, 2016, p. 356.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Le programme d’ajustement structurel en Tunisie n’a pas donné de résultats immédiats.
En effet, même si l’économie a repris une croissance positive en 1987 de 5,8 %, après une
baisse de 2 % en 1986, cette progression reste fragile jusqu'à la fin des années quatre-vingt et
le début des années quatre-vingt-dix. Par ailleurs, les investissements vont reprendre leur
évolution positive à partir de 1989, après une forte baisse en 1986, estimée à -18%. Mais
celle-ci demeure faible et ne dépassera pas les 11,8 % par rapport au PIB en 1989 et 15,8 %
en 1990. La faiblesse de l’investissement s’explique en partie par une hausse des taux
d’intérêt suite à la libéralisation de la politique monétaire et aux taux directeurs de la banque
centrale, passés de 8,6 % à 11,3 % entre 1988 et 1989685.
Si le programme d'Ajustement structurel permet de remplir certains critères de
performance à caractère purement financier fixés par le FMI, il n'en induit pas moins un
déclin du niveau de vie de la population et la quasi-disparition de classes moyennes associées
à la persistance de la récession économique. On observe un coût social substantiel et mal
réparti, le marché du travail en constitue un indicateur important justifiant ainsi la nécessité
d'appréhender les institutions du marché du travail non seulement sous l'angle de l'efficacité
économique, mais également du point de vue de l'efficacité sociale. Au niveau macro-
économique, on observe un déclin de la capacité d'absorption de la main-d’œuvre. Durant les
trois dernières décennies, l'essentiel des emplois créés, soit plus des deux tiers, a été engendré
par un nombre limité d'activités, à savoir les divers services autres que l'administration (22%),
le textile (14,5%), le bâtiment et les travaux publics (8,2 %). Or, ces activités risquent de ne
plus pouvoir jouer un rôle aussi décisif dans la création d'emplois686.
Dire que le FMI se substitue aux autorités du pays ou leur dicte leur conduite c’est
ignorer les fondements de l’intervention du FMI. Aucun programme de redressement ne peut
réussir s’il est imposé de l’extérieur. La condition fondamentale de sa réussite est qu’il soit
forgé par les responsables du pays, tenant compte de la spécificité du pays et des
circonstances particulières de son économie687.
685Ben Hammouda (H), op, cit, p. 79.
686Chaker (S), « Impacts sociaux de l’ajustement structurel : cas de la Tunisie », Nouvelles pratiques sociales,
1997, pp. 151–162.
687Guen (M), op, cit, p. 164.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Malgré deux décennies de réformes dites néolibérales, l’État détient en Tunisie une
vision raisonnée du monde, comme le prouve aujourd’hui encore la place centrale du Plan688.
Il peut tout prévoir, tout organiser, tout contrôler689. Cette renégociation, qui s’est traduite par
la notion de mise à niveau, relève d’une volonté de contrôle politique qui se manifeste de
manière très bureaucratique et mal appropriée à la réalité des entreprises. Comme l’a
proclamé Béatrice HIBOU : « d’une part, la mise à niveau est appliquée de façon très
interventionniste, elle est mise en œuvre de manière pressante, quand elle n’est pas imposée,
c’est incontestablement un processus bureaucratique lourd, assez éloigné du discours libéral
apparent. D’autre part, contrairement à l’idée selon laquelle la libéralisation serait
l’occasion d’une dépolitisation des actions économiques, la mise à niveau est un processus
politique. Elle traduit à la fois une volonté de modernisation par le haut et une volonté, plus
affirmée encore, de contrôle politique »690.
L’État continue d’utiliser certains leviers d’action comme la planification. Les plans
quinquennaux continuent de programmer les grandes lignes à suivre dans tous les secteurs
clés de l’économie. Aujourd’hui, la Tunisie reste régie par le 11 plan couvrant la période
2007-2011. C’est aussi ce contexte qui explique le maintien de services publics aussi étendus.
En effet, beaucoup de services publics continuent d’exister, certains même en situation de
monopole (STEG) et d’autres demeurent en grande partie gratuits comme l’éducation691, la
santé (etc.). D’ailleurs, l’État ne pourrait se désengager de certains services publics car ceux-
ci bénéficient d’une légitimation constitutionnelle.
L’État en Tunisie conserve encore son rôle de protecteur et continue d’assurer à ses
usagers un grand nombre de services publics. Il n’est pas inhabituel par exemple de voir des
monopoles publics dans les services de réseaux de base notamment l’eau, le gaz et
l’électricité. Bien qu’en France ces marchés et services ont été ouverts à des opérateurs
supplémentaires. En Tunisie, même les marchés des transports et des services de
télécommunication, où la participation du secteur privé est habituelle sont demeurés fermés
en comparaison avec la France.
688L’État tunisien a toujours été perçu auprès de la population comme un père. Depuis l’indépendance,
l’idéologie socialisante et interventionniste a fait de lui un investisseur, un producteur et un employeur. Cette
image reste encore assez répandue auprès d’une grande partie de la population.
689Hibou (B), « Le libéralisme réformiste, ou comment perpétuer l'étatisme tunisien », op, cit, p.24.
690Laroussi (H), « Politiques publiques et bonne gouvernance en Tunisie », Mondes en développement, 2009,
p. 103.
691Loi n°91-65 du 29 juillet 1991 relative au système éducatif modifiée par la loi n°2002-5 du 21 janvier 2002.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Le secteur des télécommunications par exemple est caractérisé par des niveaux bas de
concurrence dû à l’accès restreint au marché et à des règlementations qui n’encouragent pas la
concurrence entre les entreprises en place et mènent à des prix très élevés pour les entreprises
et consommateurs tunisiens. L’opérateur étatique, Tunisie Télécom, jouit d’un monopole sur
les communications par ligne de téléphone fixe et possède une des trois licences de téléphonie
mobile et licence 3G dans le pays. Sur le marché national, tous les opérateurs utilisent
l’infrastructure de connexion nationale de Tunisie Telecom y compris l’administration et les
sociétés privées. Tunisie Télécom est aussi propriétaire de toutes les stations d’atterrissement
des câbles sous-marins internationaux et a de facto une position de quasi-monopole dans la
location de lignes nationales et internationales. Il y a deux autres opérateurs de téléphonie
mobile et 3G nommément Ooredoo et Orange. En 2012, Ooredoo détenait
approximativement 53 % du marché mobile alors que Tunisie Télécom détenait
approximativement 36 % et Orange détenait les 11 % restants692.
Cette forte intervention de l’État dans plusieurs domaines a entrainé un régime autoritaire
et policier où les violations des droits de l’homme sont nombreuses caractérisé par une
absence totale de liberté de presse et d’association et par un pluralisme politique de façade.
La Banque mondiale en 2014 dans son rapport intitulé « la Révolution inachevée » est
arrivé à la conclusion suivante : « le modèle économique tunisien est dans une impasse et
pour elle, la seule cause avancée est la persistance du contrôle de l’État sur l’économie
nationale : plus de 50% de l’économie sont fermées ou d’accès restreint ».
La Banque mondiale a pu avec la collaboration de l’institut national des statistiques en
Tunisie apporter des précisions importantes sur les pratiques courantes en matière
économique sous le Régime de Ben Ali, précisément sur la période 1994-2010. Le rapport a
ainsi souligné que : « quand le cadre règlementaire n’était pas en mesure de protéger un
secteur d’activité lucratif, le Président BEN ALI se servait des pouvoirs de l’exécutif pour
changer la législation en sa faveur. En l’espèce, l’introduction de nouvelles restrictions à
l’investissement étranger et d’autorisations est corrélée à la présence de sociétés du clan Ben
Ali et à leur entrée sur le marché. En l’espace de 16 ans, le président Ben Ali a signé 25
décrets qui impliquaient des demandes préalables d’autorisations dans 45 secteurs différents
692« La Révolution Inachevée Créer des opportunités, des emplois de qualité et de la richesse pour tous les
Tunisiens Chapitre 2, l’ouverture des marchés : création d’un environnement propice à l’investissement et la
création d’emploi »,
op, cit, p. 84.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
et de nouvelles restrictions pour l’investissement direct étranger (IDE) dans 28 secteurs »693.
Selon le même rapport, « 21% des bénéfices du secteur privé tunisien appartenaient aux
proches de Ben Ali. Il n’est donc pas étonnant que les entreprises du clan BEN ALI
interviennent dans les secteurs fortement réglementés, soumis à des restrictions d’accès,
souvent disproportionnées ». Le rapport de la Banque mondiale avance une évidence en
dévoilant que « les résultats des sociétés dans le giron de la famille BEN ALI sont
considérablement plus importants quand elles opèrent dans des secteurs fortement
réglementés »694.
Même les mesures prises par le Président pour diminuer la pauvreté dans les zones
d’ombre de la Tunisie étaient à des fins personnels pour satisfaire les besoins de la famille
BEN ALI et TRABELSI, comme le fonds national de la solidarité ou la banque tunisienne de
solidarité, dont le numéro de compte est le désormais célèbre 26.26, qui était alimenté par une
contribution supposée « volontaire » des entreprises et des particuliers. Les objectifs en sont
largement approuvés : aide à la création de petits métiers, formation, infrastructures de base à
commencer par l’électrification et l’adduction d’eau695. Néanmoins, ce fonds n’était pas
comptabilisé dans le budget national et le Parlement ne contrôlait pas son utilisation. Les
fonds appartenaient en réalité au Président de la République personnellement696.
D’emblée, il apparait que l’environnement économique de la Tunisie n’est pas fondé sur
la concurrence697. Ceci est en grande partie le résultat d’un environnement règlementaire qui
ne soutient pas la concurrence mais au contraire basé sur les restrictions à l’accès. L’impact
du néo-libéralisme est limité, l’État en Tunisie demeure très présent, la démocratie juridique
est marquée par le contexte interventionniste et le droit, à travers des procédures plus fines,
reste un outil de gouvernement aux mains du pouvoir 698 ».
En définitive, la libéralisation et l’ouverture des marchés préconisés par les plans
d’ajustements structurels ne se sont pas réalisées. Ces programmes ont débouché au contraire
sur une grave crise financière des pays assujettis à ces plans. Les institutions internationales
proposent alors une solution qui leur semble plus opérationnelle et mieux adaptée à ces pays,
693Banque mondiale : « Le capitalisme de « copinage » est aujourd’hui l’enjeu principal du développement de la
Tunisie », Soumis par Bob Rijkers, Caroline Freund et Antonio Nucifora, 2014, p. 56.
694Ibid, p. 57.
695Hibou (B), Tunisie : le coût d'un « miracle », Critique internationale, 1999, p. 50.
696Hibou (B), « Retrait ou redéploiement de l'État ? », Critique internationale, 1998, p. 157.
697« La Révolution Inachevée Créer des opportunités, des emplois de qualité et de la richesse pour tous les
Tunisiens Chapitre 2, l’ouverture des marchés : création d’un environnement propice à l’investissement et la
création d’emploi »,
op, cit, p. 84.
698Vincent (V), Les conceptions néolibérales du droit, Paris, Econimica, 2002, p. 250.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

il s’agit de la bonne gouvernance présentée comme solution universelle permettant de générer
la confiance nécessaire à la croissance économique. Il est demandé aux pays en
développement de s’approprier cet outil, formulé comme un ensemble de mesures techniques
pour que le processus de développement s’amorce699.
699Nicolas (M), Jacques Ould (A), « L'insaisissable relation entre bonne gouvernance et développement », Revue
économique,
2008, p. 120.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Conclusion du chapitre I
Les politiques néo-libérales qui ont commencé à s’imposer partout en Europe à partir du
début des années quatre-vingts, se sont traduites en France par un vaste mouvement de
privatisation, de libéralisation des marchés et de réduction du périmètre de l’économie
administrée. Cependant, malgré les avancées en matière de libéralisation et l’ouverture à la
concurrence, l’économie reste encadrée par l’État. Les États avaient gardé le contrôle de
l’économie et les interférences des pouvoirs publics ont limité la concurrence et l’efficacité du
marché. En France comme en Tunisie, le marché est en grande partie un produit de l’État.
L’économie repose sur le marché, mais elle est encadrée et régulée par l’État qui organise des
services publics, dont il est propriétaire et qui bénéficient d’un monopole.
Dans les années quatre-vingts, les constituants ont essayé de consacrer de droits et de
libertés économiques dans la Constitution pour garantir la concurrence et la liberté du
commerce et de l’industrie. L’objectif de ces principes étant de limiter l’intervention de l’État
dans l’économie et d’encourager la concurrence et l’initiative privée. Contrairement à la
Constitution française, la consécration de droits et de libertés économiques dans la
Constitution tunisienne reste très limitée même après la Révolution. Depuis 1981, la France a
connu une série d'alternances politiques qui ont conduit à des réformes économiques. Le rôle
joué à cet égard par le Conseil constitutionnel est loin d'être négligeable. Les principes
constitutionnels applicables à l'économie et la construction d'un droit de la régulation ont, en
effet, permis au Conseil constitutionnel d'encadrer les grandes réformes inspirées par le
libéralisme économique.
Malgré les réformes, l’économie présente encore des défaillances, la crise des Subprimes
de 2008 et l’éclatement de la Révolution tunisienne en 2011 étaient une preuve éminente de
l’échec de la politique économique adoptée par les pouvoirs publics. Alors quelle est la
nouvelle politique économique adoptée par l’État ? Quel rôle l'État a-t-il à jouer dans une
nouvelle politique économique de la France et de la Tunisie ?
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Chapitre 2. Les insuffisances de la régulation et la nécessité de
transformer le rôle économique de l’État
La crise économique des Subprimes de 2008 et la Révolution tunisienne de 2011 sont à
l’origine d’un profond examen du rôle de l’État dans l’économie. Elles semblent avoir affecté
l’application des politiques de privatisations et de libéralisations. Ces deux évènements ont
donné lieu à plusieurs cas de recours aux garanties d’État pour redonner confiance aux
marchés économiques et financiers.
L’idée que l’économie de marché pourrait se développer au profit de tous avec un État
neutre ou absent est complètement fausse. L’État doit garder sa capacité de régulation et
d’orientation700. Il est un élément stabilisateur pour l’économie d’un pays parce qu’il est le
seul susceptible d’imposer l’intérêt général face aux intérêts particuliers701. Dans ce sens,
Susan STRANGE dans son ouvrage Le retrait de l’État a affirmé que « l’économie de marché
ne pouvait pas fonctionner convenablement sans le cadre politique procuré par l’État »702.
Depuis longtemps, l’État est synonyme avant tout d’autorité et de souveraineté. À lui le
monopole de la création du droit, à lui le monopole de la violence légitime703. Ainsi, la crise
de 2008 a montré que les banquiers qui ne juraient auparavant que par l’ultra-libéralisme se
sont précipités dans les bras de l’État. Pour qu’il puisse jouer son rôle, cet État ne doit être ni
trop bureaucratique ni trop interventionniste et il ne doit être non plus ne se limiter à
l’administration des affaires publiques, il faut un État de droit qui soit un acteur du
développement économique704.
La Révolution tunisienne de 2011 a aussi montré le rôle important de l’État à faire face à
la crise. L’État est le responsable du développement souhaité tel que le prévoit la Constitution
du 27 janvier 2014 dans son article 10 alinéa 3 « l’État veille à la bonne gestion des deniers
publics et prend les mesures nécessaires pour les utiliser conformément aux priorités de
700Le Figaro, François Hollande a affirmé que « l’État a un rôle plus grand à jouer. Dans toutes les grandes
avancées du capitalisme, l’État a été présent, il l’a été à Venise, à Florence, dans le capitalisme commercial du
XVIIe et du XVIIIe siècle, dans les révolutions industrielles du XIX e siècle, dans les Trente Glorieuses. Mais il
s’agit de savoir quel État on veut. Ce que nous voulons, c’est un État qui entreprend, qui innove, qui instruit, qui
protège », 23 janvier 2009.

701Marzouki (M), L’invention d’une démocratie. Les leçons de l’expérience tunisienne, Paris, La découverte,
2013,
p. 135.
702Strange (S), op, cit, p. 16.
703Frémiot (G), L’État : le grand retour ?, Paris, Muller édition, 2012, p. 40.
704Ibid, p. 41.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
l’économie nationale. Il agit en vue d’empêcher la corruption et tout ce qui est de nature à
porter atteinte à la souveraineté nationale ».
Dans ce chapitre, nous essayerons de montrer l’évolution du rôle de l’État dans
l’économie pendant les années 2000 tout en essayant de repérer les différents changements et
les différentes orientations. La première section sera réservée à l’analyse de la redéfinition du
rôle de l’État après la crise des Subprimes en France et le rôle de l’État en période actuelle
(Section 1). La deuxième section sera consacrée à l’analyse de la redéfinition de rôle de l’État
après l’échec de la politique d’ajustement structurel et au cours de la période transitoire en
Tunisie (Section 2).
Section 1 : Le renouveau du rôle de l’État dans l’économie en France :
entre libéralisme et interventionnisme
La crise économique et financière de 2008705 a été l'une des principales causes de la reprise
des discussions sur le rôle de l'État dans l'économie. Les défenseurs du libre marché ont
reproché aux consommateurs leur comportement économique, imprudent leur attribuant la
responsabilité de la crise. De leur côté, les partisans d'un État plus interventionniste ont
attribué la responsabilité de cette crise à l'absentéisme de l'État durant les dernières
décennies706.
Cette crise a renouvelé la réflexion relative à une nécessaire intervention publique dans
l’économie. On observe notamment à cette occasion un retour de l’État. Dès lors, ce dernier a
un rôle important à jouer pour prévenir les crises et pour relancer les économies après des
catastrophes économiques et financières. L’État a le rôle de sauveur et d’investisseur dans
l’économie707.
La France comme les autres pays européens a été touchée par la crise qui est venue
renforcer
la fragilité des dynamiques de croissance et
l’essoufflement du modèle
économique708. Avec cette crise, l’État est revenu en force dans le capital des sociétés,
705« La crise des années 2007-2008 et le besoin d’État qui a été ressenti vont sans doute amplifier la nécessité de
bénéficier d’une vision claire des instruments juridiques de l’État régulateur. Cette crise a été l’une des
principales causes de la reprise des discussions sur le rôle de l’État dans l’économie ». Nicinski (S),
Droit public
des affaires, op, cit, p. 41.
706De Oliveira (A), « L’État et l’économie de marché aujourd’hui ». Les Cahiers de droit, 2003, pp. 33-34.
707Thesmar (D), « Le retour de l’État, quels obstacles ? », Actes des rencontres économiques d’Aix-en Provinces,
2011, Les cercles des économistes, p. 36.
708Ben Hammouda (H), op, cit, p. 129.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

principalement pour éviter l’insolvabilité du système bancaire, mais aussi pour sauver les
entreprises en difficulté des secteurs dits « stratégiques »709. D’une manière générale, l’État
oriente son action vers un rôle de garant du bon fonctionnement des règles économiques de
base710. Dans ce sens, nous étudierons en premier lieu le rôle de l’État dans l’économie
pendant la crise des subprimes (Paragraphe 1) et en second lieu le rôle de l’État dans
l’économie en période actuelle (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Le rôle de l’État dans la répression économique et financière
lors de la crise des
Subprimes : une intervention excessive des pouvoirs
publics
Après la crise mondiale de 2008, plusieurs banques aux États-Unis ont connu des
difficultés et même des faillites telles que Bear Stearns qui présentait une des plus grandes
banques d’investissement de Wall Street, ainsi que la banque Lehman Brothers qui a annoncé
sa faillite le 15 septembre 2008. L’État a choisi de faire une action exceptionnelle en
intervenant afin de soutenir la banque de Bear Stearns par le biais de la réserve fédérale. Cette
action dévoile un retour explicite de l’État encadreur et protecteur de la vie économique711.
Cette crise qui s’est développée à partir de 2008 a renouvelé la réflexion relative à une
nécessaire intervention publique dans l’économie. Les interventions purement nationales sont
devenues insuffisantes face à la gravité de la situation. Il s’agit donc de trouver une nouvelle
façon d’intervenir, qui combine les actions internationales et les actions internes. On observe
néanmoins à cette occasion un retour du « public » dans la sphère privée qui se double d’une
modification de son rôle. Peut-être plus qu’un État providence, compte tenu de moyens
financiers plus réduits, l’État oriente son action vers un rôle de garant du bon fonctionnement
des règles économiques de base. Et on observe le retour de solutions que certains croyaient
révolues comme l’utilisation de prérogatives de puissance publique712.
709OFCE, L’économie française 2016, Paris, La découverte, 2015, p. 66.
710Colin (F), op, cit, p. 40.
711Redoulés (O), Fournier (J-M), « L'économie mondiale en 2008 : du ralentissement à la récession, retournement
de l'activité en France », mise en ligne le 12 janvier 2014, consulté le 20 décembre 2017, URL :
https://www.google.fr/search?q=Redoul%C3%A9s+(O)%2C+%E2%80%9CL%E2%80%99%C3%A9conomie+
mondiale+en+2008%2C&oq=Redoul%C3%A9s+(O)%2C+%E2%80%9CL%E2%80%99%C3%A9conomie+mo
ndiale+en+2008%2C&aqs=chrome.69i57.326j0j1&sourceid=chrome&ie=UTF-8
712Colin (F), Droit public économique. Sources et principes, secteur public et régulation économique, Paris
Gualino, Lextenso éditions, 2011, p. 40.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En France, l’État a eu recours à plusieurs réformes. Au-delà de son intervention rapide
pour réduire les effets de la crise, l’importance de cette dernière a procuré de multiples prises
de position en faveur d’une réforme du mode de fonctionnement du capitalisme qui prévaut
depuis une vingtaine d’années. Dans ces perspectives, nous aborderons d’abord l’intervention
de l’État dans le domaine financier (A) et ensuite l’intervention de l’État dans le domaine
économique (B).
A. L’intervention de l’État dans le domaine financier : d’un État sauveur à un
État investisseur
Le marché ne fonctionne pas toujours de façon à sauvegarder les intérêts de tous les
agents, à assurer sa survie et à éviter des crises. C’est pourquoi l’État doit intervenir pour
protéger les intérêts communs et assurer le fonctionnement optimal de l’économie. Tel fut le
cas en 2008 avec la crise des subprimes déclenchée par les marchés immobiliers et financiers
américains suite à une distribution inconsidérée de crédits immobiliers aux ménages sans
commune mesure avec leurs revenus.
L’État a joué un rôle majeur pour faire face à cette crise. Il a joué le rôle d’un « État
sauveur »713. Cette forme d’État est apparue pendant la crise financière qui s’est manifestée
par un effondrement boursier au cours de l’année 2008, puis s’est prolongée en crise
économique entrainant la plupart des pays dans la récession714. En France, l’affirmation du
rôle de l’État sauveur a fait un retour depuis le commencement de la crise, comme en
témoigne la déclaration de Nicolas SARKOZY : « l’idée que les marchés ont toujours raison
était une idée folle »715.
Sur le plan financier, l’État a promulgué la loi du 16 octobre 2008 de finances
rectificatives pour le financement de l'économie716. Cette loi a tiré les premières conséquences
des décisions prises au sommet de Paris. Elle constitue un plan destiné à restaurer les
liquidités et la solvabilité des établissements financiers.
La loi de finances rectificative pour le financement de l’économie a permis l’utilisation
de différents instruments. Elle a institué deux types de garanties au bénéfice des banques.
D’une part, la garantie de l’État peut être apportée à titre onéreux aux titres émis par les
713Selon les dires de Sébastien Bernard.
714Bernard (S), op, cit, p. 23.
715Discours prononcé à Toulon le 26 septembre 2008.
716Loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie, JORF,
2008, p. 15905.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

établissements de crédits. D’autre part, cette loi permet à la France de garantir jusqu’à 55
milliards d’euros dans le cadre du plan intergouvernemental conclu dès la fin du mois de
septembre 2008 avec les gouvernements Belge et Luxembourgeois pour sauver le groupe
européen Dexia menacé de faillite. D’une manière générale, cette loi apparait comme un plan
destiné à restaurer les liquidités et la solvabilité des institutions financières717.
En outre, l’État a aussi créé une société de refinancement de l’économie718 qui a pour but
de revitaliser le financement des banques. Elle est chargée de refinancer l’économie en
octroyant des crédits sur une durée de 1 à 5 ans aux banques, dont le but de soutenir les
ménages, les entreprises et les collectivités locales et cela en levant des fonds sur les marchés
par le biais d’émissions obligataires garanties par l’Etat719. Ainsi, l’objectif assigné à la SFEF
était un objectif de crise. Son intervention était donc limitée dans le temps. En octobre 2009,
la société annonçait qu’elle suspendait son activité d’émissions garanties par l’État.
Enfin, la loi du 16 octobre 2008 a créé la société de prise de participation de l’État pour
sauver Dexia720. Elle s’est gérée par l'Agence des participations de l'État, bras armé habituel
de l'État actionnaire. Elle se financera par emprunts sur les marchés au travers de l'Agence
France Trésor721.
La société de prise de participation de l’État est une société dont l’État est l’unique
actionnaire et qui participe à des opérations d’injection de capitaux dans des institutions
financières saines ou à sauver des opérations pour des institutions financières en difficulté en
vue de maintenir la stabilité financière et d’éviter toute perturbation grave de l’économie
717Nicinski (S), « Le plan de relance de l’économie », op, cit, p. 41. Voir aussi Bazex (M), Blazy, (S) « Le
dispositif de réponse à la crise financière »,
DA, 2008, Lignères (P), Lazar (R), « Les outils d'intervention de
l'état face à la crise financière », DA, 2009.
718L’article 6 alinéa 3 a prévu : « Afin de garantir la stabilité du système financier français, la garantie de l'État
peut être accordée aux financements levés par une société dont l'État est l'unique actionnaire, ayant pour objet de
souscrire à des titres émis par des organismes financiers et qui constituent des fonds propres réglementaires. La
décision du ministre chargé de l'économie accordant la garantie de l'État précise, pour chaque financement
garanti, notamment la durée et le plafond de la garantie accordée ». Sur ce point, voir Bazex (M), Blazy (S), « Le
dispositif de réponse à la crise financière »,
DA, 2008, Lignères (P), Lazar (R), « Les outils d'intervention de
l'État face à la crise financière »,
DA, 2009.
719L’article 6 alinéa 1 a prévu ; « La garantie de l'État peut être accordée à titre onéreux aux titres de créance
émis par une société de refinancement dont le siège est situé en France et qui a pour objet, par dérogation à
l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, de consentir des prêts aux établissements de crédit agréés et
contrôlés dans les conditions définies par ce Code ».
720Dexia est une banque née de l'alliance en 1996 entre le Crédit communal de Belgique et le Crédit local de
France. Voir : http://www.dexia.com/FR/le_groupe/profil/Pages/default.aspx
721Bernard (S), « L’actionnariat public et la crise », Actes de colloque Le droit public économique face à la crise,
2009, p. 24.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
française. Cette société emprunte sur le marché à des taux avantageux et prête ensuite aux
banques qui doivent rembourser ces fonds en s’acquittant d’intérêts conséquents722.
Annoncée par le Président Nicolas SARKOZY le 20 novembre 2008 à travers la célèbre
image d’un « fonds souverain à la française ». L’État investisseur s’est concrétisé par la
création du Fonds stratégique d’investissement723. La création de ce FSI le 19 décembre 2008
sous forme de société anonyme a pour objectif d’aider les entreprises Françaises qui ont
besoin de trouver des investisseurs stables pour financer leurs projets de développement.
Le Fonds stratégique d’investissement ne souhaite pas prendre le contrôle de sociétés ni
être responsable du management des sociétés dans lesquelles il investit, mais contribuer à la
croissance de ces sociétés en leur procurant des ressources financières adaptées tout en étant
très attentif à leur business plan et à leurs orientations stratégiques. Le Fonds stratégique
d’investissement a joué un rôle protecteur vis-à-vis de certaines entreprises nationales
menacées par des fonds spéculatifs724.
D’une manière générale, ce fonds stratégique a vocation à n’investir que dans des
entreprises existantes et il a ciblé quatre catégories de sociétés susceptibles d’être soutenues.
D’abord, les petites et moyennes entreprises de croissance. Ensuite, les entreprises de taille
moyenne qui disposent d’un potentiel de création de valeur, notamment parce qu’elles
maitrisent des technologies innovantes ou peuvent bâtir des positions de leader. Puis, des
entreprises de taille moyenne présentes sur des secteurs en phase de mutation, le fonds veut en
l’espèce jouer un rôle d’accélérateur des redéploiements industriels. Enfin, des grandes et
moyennes entreprises qui jouent un rôle important dans leur secteur et dont la stabilisation du
capital rend possible la réalisation d’un projet industriel créateur de valeur725.
Puisque la crise financière a graduellement été transformée en crise économique, cela a
demandé de plus fortes mesures. Le Président Nicolas SARKOZY dans son discours du 4
décembre 2008 a émis l’opinion qu’il faut « construire un État entrepreneur, un État
investisseur »726. De ce fait, plusieurs mesures ont été prises pour la relance de l’économie.
722Thaury (M), op, cit, p. 17.
723Bernard (S), op, cit, p. 34.
724Nicinski (S), « Le plan de relance de l’économie », op, cit, p. 271.
725Bernard (S), op, cit, p. 44.
726Nicinski (S), « Le plan de relance de l’économie », op, cit, p. 273.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

B. L’intervention de l’État dans le domaine économique : l’annonce d’un plan de
relance de l’économie
Les pouvoirs publics se sont engagés vers la voie d'un plan global de relance de
l'économie, axé essentiellement sur l'investissement. La politique de relance a pour objectif de
faire redémarrer l’activité économique plissée à cause de l’insuffisance de la liquidité ou qui
est en récession en opérant l’accroissement de la demande globale.
Le 4 décembre 2008, le Président SARKOZY a annoncé un plan de relance727 d’un
montant de 26 milliards d’euros comprenant toute une série de mesures ; accélération des
investissements publics prévus, exonération partielle de cotisations sociales pour de nouvelles
embauches, remboursement des dettes aux entreprises et soutien au secteur de l’automobile à
travers l’institution d’une prime à la casse et rehaussement des seuils en matière de marchés
publics afin de rendre plus rapide leur passation728.
Le plan de relance se décompose en trois grands ensembles de mesures. En premier lieu,
celles en direction de la trésorerie des entreprises. En second lieu, des investissements de la
part des entreprises publiques. Enfin, des interventions directes de l’État.
D’une manière générale,
il envisage
les actions suivantes729 : accélérer
les
investissements publics, soutenir le secteur de l’automobile, renforcer les entreprises, stimuler
l’emploi730, investir pour le logement, soutenir les ménages modestes et alléger les procédures
d’appel d’offres731.
Le plan de relance s’inscrit dans la manifestation de l’État régulateur. Il serait celui d’un
État libéral dont la mission comporte une obligation d’intervention en temps de crise. On
pourrait aussi soutenir que le plan de relance marque à l’inverse tout simplement le retour de
l’État interventionniste, mais libéral par ses moyens et par nécessité. Le plan de relance
727Le Plan de relance économique de la France de 2008-2009 est un programme mis en place par le
gouvernement français dans le but de relancer l'économie française suite à la crise économique de 2008-2010. Ce
plan n’a rien à voir avec les plans de la période interventionniste (1947-1993) de l’État Français.
728 Nicinski (S), « Le plan de relance de l’économie », op, cit, p. 275.
729Colin (F), Droit public économique. Sources et principes, secteur public et régulation économique, Paris,
Gualino Lextensoéditions, 2011, p. 41.
730Décret n°2008-1357 du 19 décembre 2008 instituant une aide à l’embauche pour les très petites entreprises,
JORF, 2008, p.19548.
731Voir, loi n° 2009-179 du 17 février 2009 relative à l’accélération des programmes de construction et
d’investissement publics et privés et décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 de mise en œuvre du plan de
relance économique dans les marchés publics.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
marque aussi le retour de l’utilisation du plan comme moyen d’orientation et de direction de
l’économie732. Il utilise toutes les facettes de l'interventionnisme de l'État interventionniste :
D’abord, l’interventionnisme de contrôle. Il s'agit ici d'une figure classique de l'État
interventionniste. Plusieurs institutions ont été créées à l'occasion de ce plan. Sur le plan
national, on pourra citer la nomination par le Président de la République du Médiateur du
crédit René RICOL en novembre 2008733. Celui-ci peut être saisi par toutes les entreprises, y
compris les plus jeunes en création ou celles en reprise, dès lors qu’elles se sont heurtées à un
refus de financement. Il établit d’abord un diagnostic financier de l’entreprise qui le saisit.
Cette analyse financière et, si nécessaire, stratégique permet d’évaluer la nature précise des
difficultés à résoudre avec les partenaires financiers (banques, assureurs-crédit, sociétés
d’affacturage…) et éventuellement les actionnaires. Sur cette base, sa mission consiste ensuite
à faciliter le retour du dialogue entre l’entreprise et ses interlocuteurs financiers et à proposer
des solutions pour répondre aux besoins de l’entreprise. Son intervention est gratuite et
confidentielle734. On peut citer aussi la nomination d'un nouveau ministre de la relance
économique Patrick DEVEDJIAN en décembre 2008 chargé du suivi et de la mise en place
du plan de relance735. Les attributions du ministre sont, la gestion de l'exécution du plan de
relance et des crédits associés, la gestion du plan d’investissements de l’État, préparation et
application de mesures destinées à soutenir l'économie française, la gestion de mesures
destinées à la relance du secteur du logement et la gestion de mesures à destination des
ménages les plus démunis, et de l'emploi736.
Ensuite, l’interventionnisme de gestion. La loi de relance de 2009 permet à l'État de se
comporter comme un véritable opérateur économique. Dans le cadre du plan de soutien aux
banques sont créées des nouvelles structures par l'intermédiaire desquelles l'État peut agir.
Enfin, l’interventionnisme d'incitation. Les différentes mesures d'incitation ont été prises
pour soutenir les différents plans de relance. La première technique d'incitation est
l'instrument du plan lui-même. Ce plan montre un certain retour à la technique de
732Voir en particulier, Jacquot (H), Le statut du plan français, Paris, LGDJ, 1973, Moreau (J), « Les contrats de
plan État régions, technique nouvelle d’aménagement du territoire »,
AJDA, 1979, Pontier (J-M), Les contrats de
plan entre l’État et les régions
, Paris, PUF, 1998.
733Créée en novembre 2008 par le Président de la République, la Médiation du crédit a reçu pour mission de ne
laisser aucune entreprise seule face à ses difficultés de financement. Trois ans après, sa détermination à tenir cet
engagement reste entière.
734Rapport d’activité, « Médiation du crédit aux entreprises », Octobre 2010, p. 67.
735En réponse à la crise financière, Patrick Devedjian est nommé ministre responsable de la mise en œuvre du
plan de relance, sous l'autorité directe du Premier ministre François Fillon.
736Décret du 11 décembre 2008 relatif aux attributions du ministre auprès du Premier ministre, chargé de la mise
en œuvre du plan de relance,
JORF, 2008, p. 18946
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

planification que l'on croyait en perte de vitesse. Toutefois, la technique utilisée tranche avec
la planification traditionnelle. Premièrement, parce qu'il ne définit pas des objectifs
prospectifs à moyen et long terme mais des actions immédiates destinées à agir dans
l'urgence. Deuxièmement, parce que cette nouvelle planification se fait sous l'autorité d'un
ministre spécifique « ministre de la relance économique » et relève d'une nouvelle mission
budgétaire. Bref, outil ancien, le plan est ici de nouveau convoqué de façon inédite. D'autres
techniques d'incitation sont développées. La collaboration avec les opérateurs privés pour
encourager les investissements passe essentiellement par un assouplissement des règles de la
commande publique737.
Dans le cadre du plan de relance, les entreprises publiques ont été sommées d’être
exemplaires face à la crise en procédant à quatre milliards d’investissement exceptionnel738.
Le retour de cette idée témoigne de la place importante accordée en France à l’actionnariat
public face à la crise.
En définitive, l’aggravation de la crise et la nécessité de contenir des déficits publics
devenus insoutenables pourraient bien contraindre les gouvernements à revenir à des formes
plus classiques de direction de
l’administration et plus dirigiste de
la régulation
économique739, mais en les inscrivant dans un nouveau cadre et avec la participation des
autres entités publiques et privées. Aujourd’hui, l’État joue à la fois un double rôle :
interventionniste et régulateur dont le secteur privé trouve une grande place dans le marché
français. Toutefois, l’État doit accepter et respecter les règles de l’Union européenne.
Paragraphe 2. Le rôle économique de l’État en période actuelle : une
combinaison de libéralisme et d’interventionnisme
La mondialisation, la construction européenne et la complexification de la vie
économique ont conduit la plupart des nations industrialisées à d’importantes réformes de
l’intervention publique et de l’organisation de l’État740. Mais, malgré la réforme et
l’intégration européenne, l’État reste en France l’acteur majeur dans le développement
économique. L’État est d’abord le garant d’un ordre économique et social déterminé. Il
apparait ensuite comme le promoteur du développement économique et social, fonction
737Combeau (P) « Cours droit public économique », UNJF, 2011, p. 26.
738Bernard (S), op, cit, p. 157.
739Poirmeur (Y), op, cit, p. 30.
740Muet (P-A), « Introduction », Actes de colloque État et gestion publique, Paris, La documentation française,
2000, p. 7.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
assumée par tout État moderne, qu’il soit capitaliste ou socialiste, qu’il soit développé ou en
voie de développement. Il est enfin le promoteur de la démocratie économique et sociale.
Depuis la signature de l’Acte unique, le droit européen a joué un rôle important dans la
réforme de l’État et ses modes d’intervention. L’État français doit respecter les règles de
l’Union européenne comme les autres États membres. Toutefois, tout en primant sur la loi, le
droit européen n’a pas valeur supérieure à la Constitution (A). Aujourd’hui, l’État ne serait ni
un État interventionniste ni un État régulateur. Nous parlerons donc d’un mélange
d’interventionnisme et de libéralisme (B).
A. La primauté du droit européen : une primauté relative obligeant le respect de
la Constitution
Selon le principe de primauté, le droit européen741 a une valeur supérieure aux droits
nationaux des États membres. Le principe de primauté vaut pour tous les actes européens
disposant d’une force obligatoire742. Les États membres ne peuvent donc pas appliquer une
règle nationale qui serait contraire au droit européen.
Sur le plan juridique, l’articulation du droit de l’Union européenne et des droits nationaux
s’opère sur la base de trois principes. D’abord, le principe de primauté du droit de l’Union
européenne sur le droit national743 selon lequel la règle nationale qu’elle préexiste au droit de
l’Union ou lui soit postérieure doit être écarté par les autorités nationales administratives et
juridictionnelles si elle est incompatible avec le droit de l’Union européenne. Ensuite, le
principe de l’effet direct qui signifie que le droit de l’Union confère des droits et impose des
obligations aux institutions de l’Union européenne, aux États membres, mais aussi aux
citoyens de l’Union sans qu’il soit nécessaire de passer au préalable par l’intégration de la
norme de l’Union en droit interne via une loi ou une mesure règlementaire nationale. Enfin, le
741« Le droit européen qui fait sentir son influence sur nos droits publics n’est pas un : il est un composé de deux
corpus juridiques. Le premier est celui qui découle de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’Homme de 1950, le second du droit de l’Union européenne (UE). Ces deux gisements de droit sont distincts.
Ils ne sont pas tirés des mêmes sources la Convention de 1950 d’un côté, les traités créant les Communautés puis
l’Union européenne de l’autre. Ils ne lient pas les mêmes groupes d’États. 27 États membres de l’UE, 47 États
parties à la Convention. Dans les deux cas, une partie de leur application une partie seulement car les juges
nationaux sont eux aussi chargés de la mise en œuvre de leurs règles est confiée à des juges européens, mais il ne
s’agit pas des mêmes : il y a d’un côté ceux de la Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg, de
l’autre ceux de la Cour de justice de l’Union européenne avec le Tribunal de Première instance et le Tribunal de
la Fonction publique ». Auby (J-B), « L'influence du droit européen sur les catégories juridiques du droit
public»,
Informations sociales, 2013, pp. 60-68.
742EUR, Lex, « La primauté du droit européen », mise en ligne le 1 octobre 2010, consulté le 5 mars 2018, URL :
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM%3Al14548
743Cour de justice des communautés européennes, Arrêt Costa c/ENEL, 1978 arrêt Simmenthal.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

principe de responsabilité des États pour violation du droit de l’Union européenne. L’État
défaillant doit réparer les éventuels dommages découlant pour les particuliers de l’absence de
transposition744.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a consacré le principe de primauté
dans l’arrêt Costa contre Enel du 15 juillet 1964745. Pour la Cour, « à la différence des traités
internationaux ordinaires, le traité de la CEE a institué un ordre juridique propre, intégré au
système juridique des États membres lors de l’entrée en vigueur du traité et qui s’impose à
leurs juridictions »746.
Le Conseil d’État considère en effet, dans sa décision Perreux que « la transposition en
droit interne des directives européenne revêt en outre, en vertu de l’article 88-1 de la
Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle, que pour chacun de ces deux
motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit
communautaire, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette
obligation à l’égard des autorités publiques, que tout justiciable peut en conséquence
demander l’annulation des dispositions réglementaires qui seraient contraires aux objectifs
définis par les directives et pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie
d’action ou par voie d’exception, qu’après l’expiration des délais impartis, les autorités
nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions règlementaires, ni continuer de
faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas
compatibles peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non
règlementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’État
n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci les mesures de transpositions
nécessaires »747.
744Rapport du Conseil économique, social et environnemental.
745« À la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE a institué un ordre juridique propre
intégré au système juridique des États membres [...] et qui s’impose à leur juridiction. En instituant une
Communauté de durée illimitée, dotée d’institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d’une
capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d’une limitation de
compétence ou d’un transfert d’attributions des États à la Communauté, ceux-ci ont limité leurs droits
souverains et ont créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes (…) le droit du
traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte
interne quel qu’il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique
de la Communauté elle-même ».
Arrêt de la CJUE du 15 juillet 1964 (1) Costa contre ENEL.
746Blumann (L), Dubouis (L), Droit institutionnel de l’union européenne, Paris, Litec, 2010, p. 517.
747CE, Ass, 30 octobre 2009, Mme Perreux. Cité par Delvallez (CH-E), Le juge administratif et la primauté du
droit communautaire
, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 37.
189



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Les juridictions françaises ne font en revanche pas application de la primauté du droit de
l’Union sur la Constitution. Le Conseil d’État dans sa décision Arcelor748 considère en effet
que la suprématie donnée par l’article 55 de la Constitution aux engagements internationaux
de la France (dont participent les traités européens) ne s’applique pas dans l’ordre interne, aux
normes constitutionnelles, position adoptée par la Cour de cassation et par le Conseil
constitutionnel lequel reconnaît la vocation de l’ordre juridique de l’Union européenne à
s’intégrer dans l’ordre juridique interne, mais considère que cette intégration ne peut conduire
à primer des dispositions constitutionnelles expresses contraires ou à être contraires au respect
de « l’identité Constitutionnelle de la France »749. L’article 55 lui permet d’affirmer la
suprématie de la Constitution. Les engagements internationaux ne seraient primer sur cette
dernière. En outre, l’article 88-1 lui permet d’affirmer la prise en compte de la spécificité du
droit européen qui implique un contrôle particulier du juge vérifiant la constitutionnalité de
l’acte règlementaire de transposition d’une directive, exigence constitutionnelle. Ces deux
articles sont également visés dans la décision d’Assemblée Perreux du 30 octobre 2009
abandonnant la jurisprudence Cohn-Bendit750.
L’Europe s’est construite sur de solides principes libéraux, lesquels vont venir peu à peu
s’opposer à certaines manifestations de l’État interventionniste. L’objectif est de favoriser
l’investissement en permettant aux entreprises d’accéder librement aux marchés des capitaux
de tous les États membres et créer un grand marché pour les emprunts de ces États751.
Le traité de Rome est la première initiative de libéralisation de l’économie. Ce traité signé
le 25 mars 1957 est entré en vigueur le 1 janvier 1958. Il consacra le principe de la liberté de
circulation des marchandises, des services et capitaux, des personnes et le libre établissement
dans les différents États membres. Mais aux termes de l’article 67 du traité, « la suppression
des restrictions à la circulation des capitaux ne devait être réalisée que dans la mesure où le
bon fonctionnement du marché commun l’exigeait », ce qui explique le fait que la
libéralisation financière fut subordonnée au processus de libéralisation économique. D’autre
part, l’article 68 du traité énonce que « l’émission d’emprunts d’États ou de collectivités
publiques sur le marché d’un autre État membre était conditionnée à l’accord de ce
dernier ». En 1981, dans un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 11
748CE, 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Loraine et autres. Cité par Delvallez (CH-E), op, cit, p. 25.
749Sauron, (J-L), Barbe (E.), Huberdeau (PH), Comprendre l’Union européenne, Paris, La documentation
Française, 2011, p. 16.
750Delvallez (CH-E), op, cit, p. 25.
751Pellet (R.), États et marchés financiers, Paris, LGDJ, 2017, p.115.
190

Page 193
Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

novembre 1981, Cosati752, la Cour avait jugé que le principe de libre circulation des capitaux
n’était pas d’application directe même après la fin de la période transitoire753.
La signature de l’Acte unique les 17 et 28 février 1986 par les États membres des
Communautés européennes constitue une deuxième étape primordiale dans la libéralisation de
l’économie. L’article 1 de l’Acte énonce que « les Communautés européennes et la
coopération politique européenne ont pour objectif de contribuer ensemble à faire progresser
concrètement l'Union européenne ».
L'Acte unique européen révise les traités de Rome pour relancer l'intégration européenne
et mener à terme la réalisation du marché intérieur. Il change les règles de fonctionnement des
institutions européennes et élargit les compétences communautaires, surtout dans le domaine
de la recherche et du développement, de l'environnement et de la politique étrangère
commune.
La signature du traité de Maastricht le 7 février 1992 devait garantir l’ancrage définitif de
l’Allemagne à l’Europe avec l’instauration de l’Union économique et monétaire par trois
moyens. La libéralisation complète des mouvements de capitaux, avec l’intégration de
l’ensemble des marchés bancaires et financiers. La convertibilité complète des monnaies entre
elles et la fixation irrévocable des parités dans la perspective de l’émission d’une monnaie
unique754.
Le traité de Maastricht a posé le principe selon lequel toutes les restrictions aux
mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers
sont interdites. Ainsi, l’obligation de libéralisation des mouvements de capitaux n’est plus
conditionnée par la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun. Les États
ne peuvent donc plus recourir à une clause de sauvegarde755.
En principe, la concurrence classique peut être assurée par la neutralité économique de
l’État. Dans les conditions de l’interventionnisme français, ce principe change. Mais c’est le
droit européen qui lui rend le sens initial. Si certaines restrictions et en particulier les
monopoles qui s’analysent comme de véritables interdictions d’accès à l’encontre des
752Arrêt de la CJCE, Procédure pénale contre Guerrina Casati (11 novembre 1981). Dans cet arret, la Cour de
justice, saisie d'un recours préjudiciel par le juge italien, doit se prononcer sur la portée de l'article 67 du traité
CEE relatif à la liberté de circulation des capitaux.

753Pellet (R.), États et marchés financiers, Paris, LGDJ, 2017, p.119.
754Ibid, p. 119.
755Ibid, p. 121.
191


Page 194
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
personnes privées sont remises en cause dès les années quatre-vingts, c’est du fait du droit
européen et non du droit interne français756.
Le droit européen a pour but la réalisation de la concurrence. La volonté de sauvegarder
les conditions de la concurrence est en effet une priorité qui inspire très largement le droit
européen. Ce droit vise, au-delà du critère organique public ou privé à promouvoir l’égalité
formelle des chances entre les différents opérateurs économiques757. En outre, le droit
européen a pour but la réalisation d’un marché commun758. Pour l’atteindre, les règles doivent
être communes et le droit doit faire l’objet d’une application uniforme. Denys SIMON a
écrit: « en l’absence de règles communes uniformément appliquées, un marché unique,
comportant la libre circulation des produits, des personnes, des services et des capitaux ne
peut fonctionner sans risque de distorsions de concurrence, de détournements de trafic et de
délocalisation
d’activités
économiques
et
financières,
lesquels
entraineraient
immanquablement le retour au cloisonnement des marchés et la désintégration de la
communauté. Pour pallier ce danger, le traité a donc prévu la substitution de règles
communes aux règlementations nationales, ou l’harmonisation imposée des règlementations
nationales, de telle sorte que, sous réserve de l’application du principe de subsidiarité le
même droit s’applique aux mêmes activités sur l’ensemble du territoire communautaire »759.
Le droit européen a réduit le champ d’action des moyens d’action nationaux. Il a conduit
ses membres à règlementer en commun leurs marchés. Ainsi, en matière agricole, les normes
de protection sanitaire ou les appellations protégées et contrôlées s’appliquent dans toute
l’Union.
En matière industrielle, de multiples directives ont harmonisé les normes techniques des
produits. En matière financière,
les mêmes règles prudentielles s’appliquent aux
établissements de crédit ou aux entreprises d’assurance établis en Europe. Des normes
générales d’harmonisation fiscale et douanière, de contrôle des concentrations ont été
756Hubrecht Hubert-Gérard, op. cit, p.90.
757Ibid, p. 149.
758Comme le souligne Simon (D), « Les notions de marché commun et de marché unique ont un contenu
généralement que celle de libre échange ou d’union douanière. On considère généralement que la réalisation
d’un marché commun suppose qu’à la libéralisation des échanges de biens impliqués par l’Union douanière
s’ajoutent la libre circulation des facteurs de production, l’application de règles commune et un début de
rapprochement des politiques économiques. Le stade suivant de l’intégration économique consiste dans
l’achèvement du marché intérieur, qui tend à l’élimination totale des entraves et techniques, en vue de faire
disparaitre les obstacles physiques aux frontières intérieures. La Communauté a atteint cette étape au 1 janvier
1993, conformément à l’objectif et au calendrier défini par l’Acte unique européen »,
in, Le système juridique
communautaire
, Paris, PUF, 1998, p. 30.
759Simon (D), « Les fondements de l’autonomie du droit communautaire », in, Droit international et droit
communautaire, perspectives actuelles
, Paris, L’Harmattan, 1999,
192

Page 195
Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

adoptées. Tout cet ensemble a pour effet de créer des règles de concurrence sinon identiques,
du moins partiellement harmonisées entre les pays membres de l’Union. En contrepartie, les
pays membres doivent respecter un certain nombre de contraintes. L’Europe a surtout encadré
les conditions d’intervention des collectivités publiques afin qu’elles ne faussent pas les
conditions de la concurrence. Des disciplines communes s’imposent en matière d’aides aux
entreprises, de politique commerciale extérieure et d’ouverture des marchés publics. La
contrainte est particulièrement forte dans le domaine de la politique monétaire. La perspective
de la monnaie unique suppose une discipline rigoureuse en matière de prix et d’endettement
public. D’ores et déjà, l’indépendance conférée à la banque de France a retiré à l’État la
maitrise du maniement des taux d’intérêt. Le jour où elle sera mise en place, la monnaie
unique privera les pays de l’arme des taux de change et des taux d’intérêt760.
D’une manière générale, le droit européen a exercé la plus forte influence sur les droits
nationaux dans la sphère de l’économie. La politique de l’Union européenne de réformes de
l’administration d’État a conditionné le tournage de « gouvernement » vers la « gouvernance»
et la régulation. Toutefois, jusqu'à aujourd'hui, l’État continu à intervenir dans l’économie. La
combinaison de libéralisme et d’interventionnisme est la caractéristique de la période actuelle.
B. La combinaison de libéralisme et d’interventionnisme : une caractéristique de
la période actuelle
Dans un contexte de mutation, l’État a toujours cherché à osciller entre sa tendance
interventionniste et libérale, il intervient dans le jeu du marché selon les phases du
développement économique. Selon Marine LE PEN : « L’État n’est pas l’ennemi de
l’économie et l’économie ne peut pas prendre la place de l’État »761. L’État s’intéresse alors à
l’économie, il assume le choix des investissements stratégiques et il décide des orientations
économiques à côté des opportunités que peuvent saisir les individus.
Le concept de l’État régulateur est venu en réponse au déclin de l’État providence. La
part belle est accordée au marché qui selon une conception nouvelle possède des vertus
régulatrices indéniables. Ce désengagement ne signifie cependant pas que l’État n’ait plus de
rôle à jouer en matière économique et sociale. La position d’extériorité qui est censée être la
sienne doit au contraire lui permettre de veiller au maintien des grands équilibres, en intégrant
760Rapport au Premier ministre, L’État en France. Servir une nation ouverte sur le monde, Paris, La
documentation française, 1995, p. 95.
761Conférence Présidentielle « Le rôle de l’État l’économie », mise en ligne le 3 mars 2017, consulté le 1 Mai
2018, URL : http://www.frontnational.com/videos/conference-presidentielle-le-role-de-letat-dans-leconomie/

193



Page 196
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
les contraintes de nature diverse, la gouvernance est sous-tendue par une finalité régulatrice
qui confère aux interventions étatiques une nouvelle légitimité. L’État reste ainsi présent dans
l’économie, mais à la manière d’un « stratège » et non plus d’un « pilote ». Sa fonction
consiste à superviser le jeu économique, en établissant certaines règles et en intervenant de
manière permanente pour amortir les tensions, régler les conflits. Mais cette fonction doit être
exercée en association étroite avec les opérateurs économiques762.
Malgré les proclamations libérales des gouvernants, ceux-ci s’engagent dans une politique
interventionniste et protectionniste. Soumis à la fois à la pression nationale de certains
groupes sociaux. L’État n’est cependant pas tout à fait absent, il demeure un agent rationnel et
bienveillant dont l’intervention s’insère obligatoirement dans un équilibre général. Il
intervient tout d’abord en amont du processus économique pour organiser un marché sensible
ou prévenir les atteintes aux lois du marché. Il agit ensuite au sein du processus économique
pour contrôler la structure du marché, son accès ou assurer son bon fonctionnement, il engage
des mesures de soutien à certains marchés ou catégories d’opérateurs. Enfin, en aval du
processus économique, l’État organise des sanctions infligées aux opérateurs ayant méconnu
les règles de la concurrence763.
L’État n’a jamais disparu. L’État organise plutôt un redéploiement de ses prérogatives, il
n’y a pas de règlementation économique, moins de contrôle, mais tout simplement une
règlementation conçue différemment ou un contrôle confié à diverses entités, non soumises à
la hiérarchie des ministères, qui n’en demeurent pas moins rattachées à l’État764.
En France, l’État s’est construit comme le garant de l’intérêt général qui est regardé à bon
droit comme la pierre angulaire de l’action publique dont il détermine la finalité et fonde la
légitimité. La conception d’inspiration utilitariste qui ne voit dans l’intérêt commun que la
somme des intérêts particuliers n’a pas trouvé dans le pays de terrain fertile et c’est une
conception volontariste de l’intérêt général qui s’est développée. Supposant le dépassement
des intérêts particuliers, l’intérêt général est d’abord dans cette perspective l’expression de la
volonté générale ce qui confère à l’État la mission de poursuivre des fins qui s’imposent à
l’ensemble des individus, par-delà leurs intérêts particuliers765.
762Chevallier (J), « La gouvernance, un nouveau paradigme étatique ? », RFAP, 2003, pp. 203-204.
763Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 36.
764Ibid, p.36.
765CE, Rapport public 1999. Réflexions sur l’intérêt général, Paris, La Documentation française, 2000.
194

Page 197
Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

L’État, aujourd’hui est vu comme un instrument pour fixer le cap de la nation et
contribuer à résoudre l’ensemble des questions qui surgissent de la vie en société. Il est vécu
comme une solution et non pas comme un problème. Il y a là, sans aucun doute, une
spécificité française qui tient à l’impossibilité, compte tenu de leur histoire, à penser le lien
social et la vie commune sans l’État. En France, le besoin d’État ne peut être nié766. Cet État
agit ainsi dans différents domaines comme le renforcement de l’État de droit, l’amélioration
du climat des affaires avec la création d’un environnement favorable à l’investissement privé
afin d’assurer
le développement de
l’économie formelle,
la
transformation d’une
administration bureaucratique en une administration transparente et efficace, la réforme des
grandes entreprises publiques en situation de faillite virtuelle, la valorisation des productions
nationales, industrielles et agricoles, en particulier les cultures vivrières afin de nourrir les
populations locales, le développement de l’économie formelle, la revalorisation du système
éducatif, l’intensification des avancées démocratiques et la lutte contre la corruption et la
relance de l’économie au niveau national et local.
Parmi les indicateurs qui caractérisent la place de l’État dans l’économie, on peut relever
que la dette française est supérieure à 60% du PIB (critère de convergence macro-économique
européenne) depuis la fin de l’année 2002 (actuellement 93,5%). Le déficit s’établit
actuellement à 3,5% du PIB mais reste supérieur à 3% (critère de convergence). Il devrait
s’établir à 2,7% pour l’année 2017. Le budget de l'État pour l’année 2017 est de 387 milliards
d’euros. Les principaux postes sont l’École (13% du budget), le versement des Pensions
(12,5%), la charge de la dette (11%) ou encore le domaine de la recherche et du supérieur
(7%) »767.
L’État détient également un rôle de régulateur ou bien encore un rôle d’assureur des
conditions de réalisation du marché768. Ce faisant, l’intervention de l’État en tant que
régulateur doit s’en tenir à des ajustements entre les intérêts privés et le marché. Les pouvoirs
766Sauvé (J-M), « Où va l’État ? », Table ronde, Les transformations de l’Etat, effacement ou montée en
puissance ?,
samedi 8 décembre 2012, consulté
le 11 mars 2018, URL :
http://www.conseil-
etat.fr/content/download/3351/10081/version/1/file/80-ans-de-la-revue-esprit-article-publie-dans-la-revue-
esprit.pdf

767Davoine (F), « Quel rôle pour l’État dans l’économie ? », mise en ligne 10 mars 2017, consulté le 1 mai 2018,
URL : http://www.printempsdeleco.fr/blog/fiche-quel-role-pour-l-etat-dans-l-economie
768Massardier (G) : « Politiques et actions publiques », op, cit, p.47.
195



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
publics se doivent de respecter les libertés des agents économiques sur le marché et de
faciliter la pérennité et le bon fonctionnement des marchés769.
L’intervention de l’État fonde sur un panel de prérogatives allant de la règlementation a
priori aux décisions propres, sanctions ou règlements des conflits a posteriori. L’État
régulateur se différencie par le fait qu’il agit à tous les stades du processus économique, en
amont du marché pour en préserver les lois fondamentales, au sein des opérations
économiques ou en aval pour arrêter certains comportements.
Aujourd’hui, l’État utilise tous les leviers de l’action économique : incitation, orientation,
contrainte ou menace de contrainte, limitation, prescription, sanction, soutien, contrôle. Pour
le Président Emmanuel MACRON, augmenter la qualité des services publics un des
piliers de la nouvelle croissance. Il insiste sur la réforme de la sphère publique pour plus
d’efficacité et plus d’investissements. C’est dans ce cadre, qu’il a lancé le programme
« Action publique 2022 ». Ce programme a pour trois objectifs. D’abord, pour les usagers,
l’objectif est d’améliorer la qualité de service, notamment en développant la relation de
confiance entre les usagers et les administrations. Ensuite, pour les agents publics, l’objectif
est de leur offrir un environnement de travail modernisé, en les impliquant pleinement dans la
définition et le suivi des transformations. Enfin, pour les contribuables, l’objectif est
d’accompagner la baisse des dépenses publiques770.
En outre, le Président MACRON encourage l’investissement privé qui est l’un de
développement économique de la France. Le Gouvernement a lancé un plan d’actions pour
l’investissement et la croissance des entreprises. Ce plan a pour objectif de faire évoluer et
favoriser la croissance des entreprises et la création d’emplois tout en simplifiant des
dispositifs existants.
En définitive, un équilibre entre l’interventionnisme et le libéralisme s’impose. D’une
part, compter seulement sur le secteur public ne peut conduit qu’à une situation caractérisée
par l’absence de toute initiative privée, les comportements d’assistés, la marginalisation des
petites et moyennes entreprises, l’appauvrissement du secteur de l’artisanat et de l’économie
familiale. D’autre part, compter seulement sur le secteur privé signifie l’abandon par l’État de
769Davoine (F), « Quel rôle pour l’État dans l’économie ? », mise en ligne 10 mars 2017, consulté le 1 mai 2018,
URL : http://www.printempsdeleco.fr/blog/fiche-quel-role-pour-l-etat-dans-l-economie
769Massardier (G) : « Politiques et actions publiques », op, cit, p.48.
770« Programme Action Publique 2022 : Pour une transformation du service public, mise en ligne le 16 octobre
2017, consulté le 20 mars 2018, URL : https://www.economie.gouv.fr/lancement-programme-action-publique-
2022.
196

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

son rôle économique, l’aggravation des déséquilibres régionaux et sociaux, étant donné
l’intérêt excessif du capital privé à rechercher les gains faciles et rapides.
En Tunisie aussi, nous constatons une redéfinition du rôle de l’État dans les années
quatre-vingt-dix et les années 2000. L’échec de la politique d’ajustement structurel préconisée
par le FMI et la Banque mondiale, nous incite à nous poser la question sur le nouveau rôle de
l’État dans la vie économique, politique et sociale. Un certain nombre de décisions politiques,
prises au milieu des années quatre-vingt-dix et les années 2000, apportent une note
supplémentaire d’incertitude quant à la future réussite économique de la Tunisie.
Section 2. La redéfinition du rôle de l’État en Tunisie, une nouvelle
génération de réformes économiques
En Tunisie, c’est plutôt le facteur international qui va jouer un rôle important dans les
années quatre-vingt-dix. L’accord d’association Tunisie-Union Européenne a fait entrer le
pays de plein pied dans la mondialisation771. Aussi, les institutions internationales ont joué un
rôle important dans la libéralisation de l’économie et l’ouverture à l’extérieur. Elles ont
proposé une solution qui leur semble plus opérationnelle et mieux adaptée aux pays en voie
de développement. Il s’agit de la bonne gouvernance (Paragraphe 1).
Malgré les réformes, l’économie présente encore des défaillances. L’éclatement de la
Révolution en 2011 est une preuve éminente de l’échec de la politique économique adoptée
par les pouvoirs publics. Depuis le 14 janvier, l’État a initié une nouvelle phase décisive de
son histoire contemporaine. La Tunisie est déterminée à rompre définitivement avec le passé
et fonder un système démocratique solide, consolider l’État du droit (Paragraphe 2).
la politique
Paragraphe 1. Le nouveau rôle de
d’ajustement structurel : l’ouverture à la mondialisation et à la bonne
gouvernance
l’État après
En Tunisie, la libéralisation de l’économie prend racine dans un document qui est le Plan
d’Ajustement Structurel. Mais, il est largement remis en cause car il minimalise le rôle de
l’État dans l’économie et qui est élaboré d’une manière plus ou moins standardisée par des
instances internationales. Ce plan ne reflète aucune idéologie nationale772.
771Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 13.
772Ibid, p. 16.
197


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Dans les années quatre-vingt-dix, c’est le facteur international qui a joué un rôle important
dans la relance de l’économie. L’accord d’association liant la Tunisie à l’Union européenne
est d’inspiration purement libérale773. Cet accord a fait entrer la Tunisie de plein pied dans la
mondialisation. Afin que l’économie tunisienne s’intègre dans l’économie mondiale et soit
performante, il était impératif d’alléger le fardeau financier de l’État. Les choses se sont donc
inversées en l’espace de quelques décennies. Auparavant, l’État devait s’impliquer dans
l’économie pour que celle-ci soit performante, maintenant et pour les mêmes raisons, il faut
qu’il s’en désengage. Ceci constitue la preuve qu’en économie et indirectement en droit rien
n’est acquis ni figé774 (A). Les institutions internationales ont aussi joué un rôle important
dans le développement économique et social en Tunisie, en proposant une solution qui leur
semble plus opérationnelle et mieux adaptée aux pays en voie de développement. Il s’agit de
la bonne gouvernance775 (B).
A. L’accord d’association avec l’Union européenne : de l’euphorie à la crise
Les périodes de 1991 à 2010 ont été marquées par un nouveau tournant consacrant la
libéralisation et l’ouverture de l’économie à travers la signature en 1995 de l’accord
d’association avec l’Union Européenne. Celui-ci a été un catalyseur pour le renforcement de
la compétitivité des entreprises et leur modernisation et ce grâce à une gestion mesurée du
processus d’ouverture776.
Cette politique porta ses fruits en termes d’évolution des capacités exportatrices des
entreprises et de désengagement de l’État dans de nombreux secteurs productifs (plus de 200
opérations de privatisations)777 (1). Mais, outre le fait que la croissance aurait pu être plus
élevée, cela n’a pas été le cas en termes de développement régional même si à partir de 2008,
un début de déplacement des investisseurs vers l’axe intérieur est à signaler avec l'installation
773La Tunisie est le premier pays du sud de la Méditerranée à avoir signé un Accord d'Association avec l'UE en
1995. Cet accord constitue le cadre juridique de la coopération et du partenariat entre l'UE et la Tunisie. Voir,
Actes de colloque
Droit de la concurrence et Accord d’association entre la Tunisie et l’Union européenne et ses
États-membres
, (dir) Baccouche (N), FDSPT, juin 2017.
774Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 110.
775Sur cette question, voir, Laroussi (H), « Politiques publiques et bonne gouvernance en Tunisie », Mondes en
développement
, 2009.
776Rapport « Les fondements de la croissance et du développement économique », Décembre 2016, p. 19.
777Ibid, p. 20.
198



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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

de 10 grands projets dans les 8 Gouvernorats intérieurs. Cependant, cette dynamique
demeurait assez circonscrite (2).
1. L’impact positif de l’ouverture à la mondialisation sur la croissance économique
Le retour en force de la doctrine libérale constitue sans conteste l’un des faits les plus
marquants de la fin du 20e siècle778. Située dans un contexte de mondialisation, la
libéralisation des échanges apparait comme un facteur de rapprochement entre les nations à
travers non seulement la perméabilité des frontières étatiques aux échanges économiques et la
dilution de l’idée d’une souveraineté nationale presque sacralisée779, mais aussi à travers la
standardisation des règles juridiques applicables aux activités économiques internationales780.
C’est dans cette perspective que la Tunisie a signé un accord pour l’ouverture de son
économie à l’extérieur. Elle est le premier pays méditerranéen781 qui a signé l’accord Euro-
méditerranéen782 susceptible de créer les conditions de sécurité, de stabilité et de progrès.
L’accord d’association Tunisie-Union européenne a été signé le 17 juillet 1995, entré
officiellement en vigueur le 1er mars 1998, bien que le processus de démantèlement tarifaire
ait été effectivement appliqué par la Tunisie le 1er janvier 1997 avec effet à partir du 1er
janvier 1996783.
Cet accord a pour objectif la constitution progressive d’une zone de libre-échange entre la
Tunisie et l’Union européenne en conformité avec les règles de l’OMC pendant une période
778Sorman (G), « Le projet libéral », Les cahiers français, 1986, p. 69.
779Gargouri (M), Libéralisation des échanges et accords d’association tuniso-européen, Thèse, Faculté de droit
de Sfax, 2005, p. 6.
780La relation entre souveraineté et ordre juridique n’est pas nouvelle. La souveraineté signifie, en fin de compte,
la monopolisation du droit positif par l’État qui ne connait aucun concurrent à l’intérieur de ses frontières.
781 Les pays méditerranéens non membres de l’UE ou pays tiers méditerranéens sont au nombre de 17 :
- Maghreb : Maroc, Algérie, Tunisie et Libye
- Machrek : Egypte, Jordanie, Syrie, Liban
- Méditerranée orientale : Israël, Turquie, Albanie, République Fédérale Yougoslave, Bosnie-
Herzégovine, Croatie, Slovénie, Chypre et Malte.
782L'accord d’association avec l’Union européenne a été signé à Bruxelles le 17 juillet 1995 et ratifié par la loi
n°96-49 du 20 juin 1996,
JORT, 25 juillet 1996, p. 1131. Il est entré en vigueur en mars 1998 et a été publié par
le décret n°98-1273 du 18 juin 1998. L’accord prévoit l'instauration d'une zone de libre-échange à l’horizon entre
la Tunisie et l'Union Européenne. Il prévoit le commerce en franchise de droits de douane sur la plupart des
importations de produits industriels à partir de 2008. Les droits de douane sur des biens d'équipement et des
intrants ont été démantelés dès 1996. L'accord, complété en 2000 par un nouveau protocole agricole qui améliore
les conditions d'accès pour les produits tunisiens, prévoit également la libéralisation progressive de quelques
produits agricoles et de pêche. Il instaure des préférences tarifaires sur des produits comme l'huile d'olive, les
viandes, les rosiers, les fleurs coupées, les épices et les fruits et légumes (selon un certain calendrier), les
conserves et les vins. Sur cette question, voir Querol (F), « Le volet économique de l’accord d’association union
européenne-Tunisie : vers la création d’une zone de libre-échange », étude présentée lors d’un colloque sur les
accords euro-méditerranéens et leurs effets sur le droit des États associés, organisé les 26 et 27 novembre 1997
par la FSJPST, 1998.
783Suid (J), La zone de libre-échange entre la Tunisie et l’union européenne, Mémoire (M2), FDSPT, 2013, p. 3.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
transitoire de 12 ans à compter de la date d’entrée en vigueur de l’accord afin de permettre à
l’économie tunisienne de préparer son marché à cette ouverture et d’assurer les adaptations
nécessaires.
L’accord d’association euro-méditerranéenne a obligé l’État tunisien à aménager leurs
monopoles. L’obligation d’ajuster les monopoles d’État véhiculé par l’accord d’association
mérite certaines précisions. D’abord, elle ne concerne que les monopoles d’État à caractère
commercial, les monopoles en cause sont ceux qui ont trait à la commercialisation et non à la
production784. Il est à préciser en outre que l’accord ne vise que les monopoles de
commercialisation des marchandises à l’exclusion des services. Cela ressort clairement de
l’article 37 qui institue l’obligation d’ajustement des monopoles d’État de manière à garantir
qu’il n’existe plus de discrimination en ce qui concerne les conditions d’approvisionnement et
de commercialisation des marchandises entre les ressortissants des États membres et ceux de
la Tunisie. Ensuite, les monopoles devant être ajustés sont ceux, quelle qu’en soit la forme qui
comporte des discriminations
telles qu’un droit exclusif d’importation ou de
commercialisation de marchandises. Enfin, l’ajustement requis par l’accord n’est pas
immédiat. Les débiteurs de l’obligation d’ajustement disposent d’un délai de 5 ans785 pour
éliminer des monopoles de commercialisation de marchandises
tous éléments de
discrimination786.
Peu à peu, sous cette pression des institutions internationales, l’État Tunisien a eu recours
à la réforme de certains domaines juridiques qui touchent notamment la vie économique et
commerciale. Des mouvements de réformes juridiques se sont ainsi succédé. Une réforme
financière par le développement de la Bourse de Tunis et la création de nouveaux instruments
financiers et la libéralisation des opérations courantes. Une réforme monétaire par la création
d’un marché des changes et la modernisation des moyens de paiements787. Une réforme
bancaire avec la création des banques d’affaires788. Une réforme du droit des sociétés.
L’adoption d’une loi relative au commerce de la distribution, d’une loi relative aux techniques
784Poillot-Peruzzetto (S), L’impact de l’accord sur le droit de la concurrence », Actes de colloque, les accords
euro-méditerranéens et leurs effets sur le droit des Etats associés,
FSJPST, 26-27 novembre 1997, p. 56.
785À partir de l’entrée en vigueur de l’accord, article 37 de l’accord d’association.
786Ben Messaoud (K), « L’impact de l’accord d’association dans les domaines des marchés publics, des
entreprises publiques et des monopoles d’État », AJT, 2002, p.19.
787Dépénalisation de l’infraction du chèque sans provision par la loi n°96-28 du 3 avril 1996 et la loi d’amnistie
n° 95-104 du 11 décembre 1995, prorogée par la loi n° 96-64 du 22 juillet 1996.
788Loi n° 94-25 du 7 février 1994, modifiant la loi n° 67-51 du 7 décembre 1967 réglementant la profession
bancaire,
JORT, 1994, p. 12456.
200

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

de vente et à la publicité commerciale789, d’une loi relative aux sociétés de recouvrement des
créances, d’un Code d’incitation aux investissements790 et d’un Code de droit international
privé.
L’accord complété en 2000 par un nouveau protocole agricole qui améliore les conditions
d’accès pour les produits tunisiens. Il instaure des préférences tarifaires sur des produits
comme l’huile d’olive, les viandes, les rosiers, les fleurs coupées, les épices et les fruits et
légumes, les conserves et les vins. La Tunisie accorde pour sa part à l’Union européenne des
contingents tarifaires préférentiels pour des céréales tarifaires préférentiels pour des céréales
et pour le sucre791.
Sur le plan pratique, la décision la plus importante de cet accord est l’établissement, entre
les pays signataires, d’une zone de libre-échange (ZLE) se limitant au départ à l’échange de
produits industriels. L’article 43 alinéa 2 de l’accord stipule que : « la coopération
s’appliquera de façon privilégiée aux domaines d’activité subissant des contraintes et des
difficultés internes ou affectées par le processus de libéralisation de l’ensemble de l’économie
tunisienne et plus spécialement par la libéralisation des échanges entre la Tunisie et la
communauté ». Cette zone s’analyse comme un espace qui se caractérise par une libre
circulation des marchandises entre les deux partenaires tout en permettant à chacun d’eux de
conserver, dans ses relations commerciales avec les pays tiers la maîtrise de sa politique
douanière792.
La création d’une zone de libre-échange euro-tunisienne engendre l’entrée libre des
produits européens sur le marché national et conduit par conséquent à concurrencer la
production locale tunisienne.
Avec la création de cette zone, il est escompté le démantèlement progressif des droits de
douane tunisiens relativement aux produits originaires européens industriels et à composante
industrielle sur 12 ans. Tous les obstacles règlementaires à la libre circulation des capitaux et
à l’investissement étranger sont censés être supprimés à l’échéance 2010.
789Loi n° 98-40 du 2 juin 1998 relative aux techniques de vente et à la publicité commerciale, JORT, 1998,
p. 1203.
790Code d’incitations aux investissements par la loi n°93-120 du 27 décembre 1993.
791Examen collégial volontaire de la politique de concurrence : Tunisie, Nations Unies, 2006, p. 22.
792Queroi (F), « Le volet économique de l’accord d’association. Union européenne-Tunisie : vers la création
d’une zone de libre-échange », Actes de colloque,
les accords euro-méditerranéens et leurs effets sur le droit des
Etats associés,
FSJPST, 26-27 novembre 1997, p. 56.
201


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Pratiquement, ces engagements se trouvent dans la libéralisation des échanges par
l’abandon progressif des barrières douanières, ainsi que de toutes celles qui gênent la libre
circulation des marchandises dans le cadre des accords de l’OMC, la mise en œuvre de
l’égalité de traitement entre les opérateurs économiques par application du principe du
traitement national ou de la clause de la nation la plus favorisée de manière à libérer les
échanges internationaux des obstacles liés aux règlementations étatiques qui sont perçues
comme des oppressions à la réalisation du marché devenu mondial.
En définitive, le commerce a un impact positif sur le degré d’industrialisation et de
croissance d’un pays. Plusieurs barrières domestiques élevées réduisent la capacité à
bénéficier de ressources cognitives potentielles et des transferts technologiques, de réaliser
des gains issus du commerce ou d’être engagés dans une concurrence plus vigoureuse et
finalement d’enregistrer une meilleure performance économique793. Néanmoins, cette
ouverture n’a pas pu réaliser les objectifs optimisés.
2. Les effets pervers de l’ouverture à l’Union européenne
L’accord d’association Tunisie-Union européenne a été un catalyseur pour la relance de
l’économie et le renforcement de la compétitivité des entreprises et leur modernisation et ce
grâce à une gestion mesurée du processus d’ouverture. En effet, ce processus a été graduel par
sous-secteur étalé sur 12 ans et accompagné de mesures de sauvegarde, du programme de
mise à niveau et d’un certain nombre de réformes. Cette politique porta ses fruits en termes
d’évolution des capacités exportatrices des entreprises et de désengagement de l’État dans de
nombreux secteurs productifs794. Mais, outre le fait que la croissance aurait pu être plus
élevée, cela n’a pas été le cas en termes de développement régional même si, à partir de 2008,
un début de déplacement des investisseurs vers l’axe intérieur est à signaler avec l'installation
de 10 grands projets dans les 8 Gouvernorats intérieurs. Cependant, cette dynamique
demeurait assez circonscrite.
Les investissements publics qui représentaient 8 % du PIB dans les années quatre-vingt-
dix ne représentaient plus que 6 % dans les années 2000. C’est l’une des lacunes majeures de
cette dernière décennie, l’effort d’investissement public aurait pu être plus ambitieux,
permettant d’accompagner davantage l’investissement privé. En particulier, au niveau
793Bel Kefi (R), Ouverture économique et bonne gouvernance dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen.
Cas de la Tunisie et du Maroc
, Thèse, Université de Paris I Sorbonne, 2007, p. 80.
794Ibid, p. 81.
202


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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

régional, s’il est vrai que le volume d’investissements publics dans les régions au cours des
deux dernières décennies a globalement été significatif, il s’agissait surtout d’infrastructures
sociales impliquant des évolutions en termes de routes, d’électrification, d’eau et
d’assainissement et d’équipements collectifs. Par contre, les grandes insuffisances ont
concerné les investissements publics ayant un effet direct sur l’investissement privé. Ainsi,
entre 1992 et 2010, les 14 gouvernorats de l’intérieur ont reçu plus d’investissements publics
par tête d’habitant que les gouvernorats côtiers mais quatre fois moins d’investissements
privés795.
La Tunisie a généralement appliqué les réformes institutionnelles exigées par Bruxelles
et s’est presque toujours acquittée de son rôle sur le plan formel. Seulement formel car dans la
réalité, il en allait tout autrement. Le régime tunisien a compris qu’il ne coûtait presque rien
de signer des papiers et d’adhérer à une rhétorique alignée sur les dogmes du libéralisme796.
Quitte à exercer dans la pratique un dirigisme économique caché derrière les abus et la
corruption dans les fonctions régaliennes de l’État et à voiler sur le plan politique une
dictature derrière une apparence institutionnelle démocratique.
Le cas de la libéralisation du commerce extérieur est emblématique. La Tunisie est
souvent considérée comme le premier pays de la région à avoir libéralisé son commerce
extérieur. Mais ce processus est en réalité largement négocié non seulement avec les bailleurs
de fonds et les organismes internationaux eux-mêmes, mais aussi avec les différents acteurs
économiques tunisiens. La décision d’apparaitre comme le « bon élève » de l’OMC et surtout
du partenariat euro-méditerranéen ne peut se faire contre les intérêts des entrepreneurs ou
pour être plus exact, ne peut se réaliser de façon trop opposée à leurs intérêts. Or, ceux-ci
peuvent très facilement être pris en compte grâce au décret du 29 août 1994797 qui autorise
toutes sortes de restrictions, grâce aussi aux mesures de sauvegarde temporaires incluses dans
l’accord d’association et à l’article 28 de celui-ci qui admet des dérogations au principe du
libre-échange pour des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de
protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux798 : « l'accord ne fait pas
obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées
795Rapport économique, « La Tunisie en 2025 », Décembre 2016, p. 37.
796Mestiri (O), Bensedrine(S), « L'échec du modèle », Confluences Méditerranée, 2007, pp. 119-132.
797Le décret n° 94- 1742 du 29 août 1994, fixant les listes des produits exclus du régime de la liberté du
commerce extérieur tel que modifié par les textes subséquents et notamment les décrets n°97- 2515 du 29
décembre 1997, et le décret n° 98-1984 du 12 octobre 1998.
798Voir Baccouche (N), « Les implications de l’accords d’association sur le droit fiscal et douanier », Mélanges
en l’honneur d’Habib Ayadi, pp. 5-27.
203




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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la
santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de
protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou
de protection de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale ni aux règlementations
relatives à l'or et à l'argent. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer
ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre
les parties ». Ces dispositions permettent de légitimer les courbures à l’ouverture qui de la
sorte n’apparaissent pas comme une violation des accords de libre-échange.
Les techniques prises par le gouvernement sont nombreuses : contrôles sanitaires et
techniques, contrôle tatillon des cahiers des charges, lourdeurs bureaucratiques et invention de
taxes pour compenser la suppression des droits de douane (etc.). En cas de dérapage de la
balance des transactions courantes, ou de pénurie de devises, la Banque centrale émet des
injonctions orales auprès des banques et des organismes publics pour limiter les importations.
Multiplication des formalités douanières, limitations de la fourniture des importateurs en
devises et entraves à l’obtention de crédits documentaires, retards à l’arrivée des produits en
incitant les autorités portuaires à ralentir les procédures de dédouanement et l’accès aux
documents nécessaires, majorations ponctuelles et officieuses des droits de douane, avis
défavorables à l’importation du produit pour défaut de production et absence d’informations
suffisantes ou tout simplement défectuosité. Les modalités d’interventions sont infinies799.
Le principal instrument du partenariat pour la région méditerranéenne est le programme
MEDA800 pour la démocratie. Selon le règlement MEDA, le respect de l’État des droits de
l’homme constitue un élément essentiel du partenariat dont la violation justifierait l’adoption
de mesures appropriées. Ces mesures peuvent être adoptées par le Conseil statuant à la
majorité qualifiée sur proposition de la Commission. Force est de constater qu’il n’en fut rien
et MEDA a servi à renflouer les caisses des régimes autoritaires. Eloquent, le cas de la
Tunisie, qualifiée de locomotive et de pays modèle dans la coopération euro-méditerranéenne
par Romano PRODI, l’ancien Président de la Commission européenne801. Pourtant, tous les
fonctionnaires de la Commission qui ont eu affaire aux officiels tunisiens déclarent en privé
799Hibou (B), La force de l’obéissance, op, cit, p. 67.
800Le programme MEDA constituait le cadre financier principal de la coopération de l'Union européenne avec les
pays méditerranéens, dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, avant son remplacement par l'Instrument
européen de voisinage et de partenariat. L'objectif de ce programme était d'accompagner la transition
économique des pays méditerranéens. Pour plus d’informations, voir, Rapport annuel du programme Meda,
commission au conseil et au parlement européen, 2000.
801Mestiri (O), Bensedrine(S), « L'échec du modèle », Confluences Méditerranée, 2007, p. 121.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

tout le mal qu’ils ont à mettre en pratique les accords et toute l’inventivité des Tunisiens dans
l’art de poser des obstacles et de contourner les engagements.
Mais les apparences ont toujours été sauvées et jamais une mise en garde n’a émané des
instances officielles lorsque des violations graves ont été vérifiées. Bien au contraire, les
fonds MEDA sont allés généreusement renforcer la dictature. La deuxième phase Sommet
Mondial sur la société de l’information (SMSI)802 tenu à Tunis le 16 novembre 2005 a été
l’écueil qui a heurté de plein fouet le partenariat, et constitué un moment de vérité pour les
relations Union-Européenne-Tunisie. Le masque démocratique du régime tunisien est apparu
et a révélé le vrai visage de la dictature.
Le cadre international et extraterritorial du Sommet tenu sous l’égide de l’ONU n’a pas
été respecté. La censure a été largement pratiquée dans l’enceinte du site. Un rapport
d’Amnesty international a été censuré et interdit de distribution. Des sites internet à contenu
critique continuaient à être bloqués. Les participants n’ont pas bénéficié de l’immunité que
leur confère ce cadre et l’incident le plus marquant a été le refus illégal des autorités
tunisiennes d’autoriser Robert MENARD803 à participer au SMSI en tant que participant
accrédité. Tout cela évidemment avec la complicité du secrétaire exécutif du SMSI. Mais
l’épisode le plus grave qui a marqué ce sommet a été l’agression à l’arme blanche dont avait
été victime à cinq jours de l’ouverture du sommet le journaliste de Libération, Christophe
BOLTANSKI, qui a dénoncé que « le sentiment d’impunité » des autorités tunisiennes. Moins
gravement attaqués, ses collègues de la RTBF ont eux aussi eu leur part de violences et leur
cassette a été confisquée. Ils auront seuls droit à des excuses officielles. Quant à l’équipe de
TV5, elle a décidé de plier bagage avant l’ouverture du sommet en réaction à une surveillance
policière trop collante804.
Le 13 décembre 2005, le Parlement européen a consacré une séance à l’évaluation du
SMSI, où le Conseil et la Commission se sont exprimés publiquement sur les droits de
l’homme et la liberté de la presse en Tunisie. La colère des partenaires européens a éclaté
publiquement. Catherine TRAUTMANN, députée européenne qui conduisait la délégation du
802La première phase du SMSI s’est tenue à Genève du 10 au 12 décembre 2003. Les participants ont adopté une
déclaration de principes et un plan d’action pour favoriser l’accès des pays en développement aux nouvelles
technologies. La deuxième phase du Sommet mondial sur la société de l’information se tient à Tunis du 14 au 19
novembre 2005. La gouvernance de l’internet et la lutte contre la fracture numérique entre les pays du Sud et du
Nord sont les deux enjeux à l’ordre du jour.

803Robert Ménard, est un journaliste et homme politique français.
804Mestiri (O), Bensedrine(S), op, cit, p. 130.
205





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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Parlement européen au sommet s’indigne : « Je déclare inacceptables les incidents graves qui
ont entouré le sommet et porté atteinte à la liberté de la presse, à la liberté d’expression et de
réunion, mais aussi aux personnes, ainsi que les évènements qui ont visé notre délégation, en
particulier le sabotage de l’atelier sur les droits de l’homme. Ils sont contraires aux
engagements souscrits par la Tunisie dans les conclusions du sommet, de même que dans
l’accord d’association, dont ils rompent ainsi la réciprocité ». Quant à Hélène FLAUTRE,
Présidente de la sous-commission des Droits de l’homme constate que « ce qui s’est passé
met au défi la politique de l’UE en matière de démocratie et de droits de l’homme dans ce
pays... c’est ce défi qu’il nous faut relever ». Luisa MORGANTINI, quant à elle, parle de «
symptômes d’un État quasi-policier dans lequel les droits et les principes démocratiques sont
niés »805. Pour faire face à ces contraintes, la Tunisie s’est tournée vers une autre stratégie
pour dépasser les controverses État-marché. C’est l’ouverture à « la bonne gouvernance ».
B. La bonne gouvernance : une gouvernance gérée et contrôlée par les pouvoirs
publics
Pour gérer les mutations sociopolitiques mondiales, nous aurons besoin d’une nouvelle
relation entre État et société qui se fonde non plus sur le clientélisme, qui a longtemps
caractérisé cette relation, mais sur la bonne gouvernance. Cette nouvelle stratégie devra être
fondée sur une certaine cohérence entre État efficace, société civile active et secteur privé
dynamique. Tant la société civile occupera une part de plus en plus grande et de plus en plus
importante de l’espace autrefois réservé à l’État, tant ce dernier pourra organiser ses
interventions et veiller à sauvegarder l’intérêt de tous les groupes806.
Les caractéristiques attribuées à la bonne gouvernance sont celles de l’efficience (rigueur
budgétaire, politiques axées sur le marché, réduction du champ d’intervention de l’État et
privatisation), la démocratie (transparence, équité, justice, promotion de l’État de droit, droits
civiques et socio-économiques et décentralisation) et la lutte contre la corruption qui constitue
un axe central de la bonne gouvernance.
La bonne gouvernance implique l’État de droit, la bonne administration, la responsabilité
du gouvernement, la transparence, la participation des acteurs non gouvernementaux,
notamment des entreprises privées et de la société civile807. Cette contribution est un moyen
805Mestiri (O), Bensedrine(S), op, cit, p. 130.
806Benjannet (Z), « Vers une nouvelle stratégie de développement : de l’État-nation à la bonne gouvernance. Le
cas tunisien »,
Revue algérienne d'anthropologie et de sciences sociales, 2008, p. 7.
807Bellina (S), Magro (H), De Villemeur (V), La gouvernance démocratique, Paris, Karthala, 2008, p. 25.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

particulièrement efficace de garantir l’évolution de la gouvernance par la complémentarité et
le développement des compétences qui réalisent la solidarité collective, d’enraciner la culture
participative, de prendre en compte la diversité des valeurs de la participation et de la
coordination des tâches et d’organiser les relations avec le pouvoir. Ceci dans un cadre qui
définit le sens et la forme de la participation, son domaine, sa portée et ses limites. De même
qu’il spécifie les moyens et les méthodes organisant sa mise en pratique. La contribution
participative constitue donc un des mécanismes permettant de réaliser l’harmonie entre les
interventions de tous les acteurs sociaux dans la mesure où elle représente un juste partage du
pouvoir808.
D’après ces analyses, le but recherché par la bonne gouvernance semble clair. Il s’agit de
limiter les prérogatives de l'État et de renforcer les acteurs de la société civile. L’État doit
assurer un fonctionnement efficace du marché, notamment en protégeant la propriété du
secteur privé et la sécurité des investissements et mettre en place des mesures correctives
lorsque celui-ci est défaillant. Il doit aussi fournir des services publics tels que l’éducation, la
santé et les infrastructures essentielles.
Or, les concepts consacrant la contribution participative et la citoyenneté n’ont pas été
instaurés en Tunisie. Le pays a continué à souffrir de problèmes complexes et d’un lourd
héritage social basé sur la concentration du pouvoir et le refus de la participation dans la prise
de décisions. C’est en effet, une société où n’existent pas les valeurs démocratiques modernes
imprégnées par le népotisme, la corruption et l’exploitation où se propagent la discrimination,
la marginalisation et le monopole. Face à cette triste situation de l’État en Tunisie, il est
difficile d’instaurer ces valeurs de manière efficace.
Le système arbitraire gouverné par le Président BEN ALI a renfermé la société sur les
initiatives individuelles par crainte de voir le régime déstabilisé. Ce système a réussi à devenir
un pôle du programme de despotisme et d’oppression, au lieu d’avoir un projet sociétal de la
participation des citoyens dans la vie économique, sociale ou politique.
Nous pouvons alors affirmer que dans les pays où existe une concentration politique du
pouvoir, il est difficile de parler de l’existence d’un lien sociale, de même qu’aucune de leurs
institutions ne profite d’une marge de liberté leur permettant de participer à la prise de
décision.
808Alkazagli (M), La réforme administrative et son rôle dans la construction d’un nouvel État en Lybie, Thèse,
Université de Grenoble Alpes, 2017, p. 268
.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En Tunisie particulièrement et plus généralement dans la plupart des sociétés arabes, les
questions de la bonne gouvernance et de la citoyenneté ont soulevé de grandes polémiques.
En réalité, ces pays n’ont pas réussi à instaurer et à intégrer ces valeurs dans leurs systèmes
généraux même si la plupart ont inclus dans leurs Constitutions des articles qui affirment les
valeurs de la citoyenneté et de la participation à la prise de décisions, ainsi que l’égalité des
droits et des devoirs de tous devant la loi. En effet, dans ces pays, la discrimination sur la base
de l’identité, de la religion ou de l’appartenance est bien visible, ce qui est contraire aux plus
élémentaires systèmes publics démocratiques modernes809.
Il apparait malgré les nombreux usages politiques du terme que la notion de gouvernance
est difficilement transférable au cas tunisien dans la mesure où la centralité de l’État y est
prédominante. Nous sommes donc face à un nouveau mode de régulation par la gouvernance
gérée, ou contrôlée, par laquelle les pouvoirs publics continuent à fonctionner selon des
conceptions hiérarchiques qui ne peuvent aboutir à des résultats satisfaisants. Il n’en demeure
pas moins que la réappropriation de la bonne gouvernance par les instances tunisiennes
conserve tout son sens de contrôle de la société810.
En définitive, nous pouvons admettre que les principes interdépendants de la bonne
gouvernance ont été quasi absents dans toutes les politiques de développement usitées par les
États-nations dans les pays sous-développés. C’est pour cela peut-être que les modèles de
développement qui se sont succédé durant de longues années et partout dans le monde ont
échoué811.
Malgré les réformes, l’économie reste encadrée par les pouvoirs publics et n’a pas pu
développer. La Révolution tunisienne de 2011 a prouvé que le retour à l’État interventionniste
n’avait été jamais dépassé. Même avant les évènements de 2011 et malgré le programme
d’ajustement structurel et l’intégration européenne, l’économie a toujours été marquée par une
forte intervention étatique dans la vie économique812.
809Alkazagli (M), op, cit, p. 268.
810Laroussi (H), « Politiques publiques et bonne gouvernance en Tunisie », op, cit, p. 23.
811Benjannet (Z), « Vers une nouvelle stratégie de développement : de l’Etat-nation à la bonne gouvernance. Le
cas tunisien »,
Insaniyat, 2008, pp. 123-137.
812Hibou (B), « L’économie politique, Le libéralisme réformiste, ou comment perpétuer l’étatisme tunisien »,
op, cit, p. 23.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Paragraphe 2. Le rôle de l’État dans l’économie après la Révolution : d’une
intervention excessive pour faire face à la crise à une nécessité du secteur
privé capable de relancer l’économie
Dans les divers pays et sociétés, en particulier ceux ayant subi la tyrannie et le
despotisme, ceux sous-développés ou en voie de développement, la réalité montre qu’en
général les transitions et les changements importants qui interviennent dans leurs structures et
leurs modèles fondamentaux préparent à une nouvelle phase de restructuration de leurs
systèmes politique, économique et sociale, ce qui est le facteur le plus essentiel et le plus
urgent pour ces pays. Le 14 janvier 2011 marque pour les Tunisiens l’apogée d’un
mouvement révolutionnaire contre l’Ancien Régime. Une phase caractérisée par la
perturbation et l’interruption de la situation politique et surtout économique ce qui a nécessité
la présence et l’intervention de l’État afin d’instaurer de nouvelles politiques économiques.
Suite à cette situation, l’État doit intervenir dans tous les domaines y compris la vie
économique, puisqu’il fait tout pour protéger les personnes contre toute forme de violence
étrangère y compris les entrepreneurs par la présence de la police, les lois et les règlements
qui organisent la vie sociale et économique au sein du pays. L’interventionnisme des pouvoirs
publics est indispensable dans cette période pour assurer la protection du marché.
Au début de la Révolution, l’État était présente d’une manière excessive dans tous les
domaines à travers l’action publique (A). Néanmoins, l’intervention massive de l’État dans
l’économie a entrainé beaucoup de problèmes, ce qui a nécessité de faire appel au secteur
privé comme solution pour le relancement de l’économie et la diminution de la pression sur
les dépenses publiques (B).
A. L’intervention excessive des pouvoirs publics face au mouvement social : des
solutions peu efficaces
Dans un climat post-révolution marqué par de très fortes revendications sociales, la
Tunisie s’est trouvée face à une situation économique et sociale très difficile lors du passage
vers sa deuxième République. C’est dans ces moments qu’on doit faire appel à l’État.
L’interventionnisme des pouvoirs publics pendant cette période est indispensable pour
assurer la protection du marché par la prise en charge des résultats dû suite aux difficultés
en assurant la sécurité des activités économiques des entrepreneurs. L’État doit lutter
également contre les cycles économiques par les politiques publiques, veiller sur le bon
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
fonctionnement d’allocation des ressources et des richesses, sur le bon fonctionnement des
services publics tels que la santé et l’éducation et sur l’économie du marché afin de lutter
contre la corruption, les faux prix, le taux d’intérêt et les salaires pour l’intérêt de
consommateur813.
Le rôle de l’État a été affirmé par la Constitution du 27 février 2014 qui lui confère la
responsabilité d’agir « en vue d’assurer la justice sociale, le développement durable et
l’équilibre entre les régions, en tenant compte des indicateurs de développement et du
principe de l’inégalité compensatrice. Il assure également, l’exploitation rationnelle des
ressources nationales »814.
Après la Révolution, nous relevons une faiblesse de la croissance économique et un
découragement de l’investissement par l’insécurité et la mobilisation sociale. Les recettes
fiscales du budget de l’État passent de 82 % en 2010 à 75 % en 2013 avec un déficit
budgétaire de -1 % à -6,3 %815. Cette situation oblige l’État à adopter une politique de
redressement économique. La loi de finances 2014 a donné une nouvelle orientation
économique qui a comporté une liste de rehaussements de l’impôt, tel que l’élargissement du
champ d’application de l’impôt sur le revenu au titre de la plus-value immobilière et a annulé
l’exonération des rémunérations qui sont payées par les sociétés exportatrices au profit des
personnes non-résidents en Tunisie816. Des rehaussements également au niveau d’impôts et
des taxes s’appliqueront à toutes les classes sociales, suite à la politique d’austérité du
gouvernement Mahdi JEMAA.
En 2015, la loi de finances a continué à imposer les dividendes qui sont les rémunérations
au profit des actionnaires en contrepartie de leurs contributions au capital de l’entreprise et a
réduit le taux d’impôts sur la société de 30 % à 25 ¨% sauf pour les sociétés qui sont soumis à
impôts sur la société de 35 % comme les établissements de crédits et d’autres sociétés bien
déterminés par la loi817.
Nous remarquons que l’État a fait des efforts pour corriger la situation économique, mais
ces efforts n’étaient pas suffisants à cause de l’absence de réformes stables et de décisions
courageuses. Face à cette situation, l’État a recours à l’aide extérieur dans le but de soutenir
813Van Mises (L), Politique économique : réflexion pour aujourd’hui et pour demain, Paris, Editions de l’institut
économique de Paris, 1986, p. 41.
814Article 12 de la Constitution du 27 février 2014.
815Portail de ministère de finances, les recettes fiscales, Tunisie.
816Fékih (K), op, cit, p. 67.
817Fékih (K), Dispositions de la loi de finances 2015.
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

son économie. Les dons ont présenté une source stable de revenus de l’État tunisien durant la
période transitoire et plus précisément entre 2011 et 2016. Durant cette période, le Japon était
l’un des pays qui a aidé la Tunisie financièrement.818.
L’État tunisien a aussi eu recours à l’emprunt à plusieurs reprises tel celui du Fond
monétaire international de 1,7 MDA sur les périodes de 2013 et 2015 avec un taux d’intérêt
de 1, 07 % à condition que le pays aboutisse à une stabilité macro-économique819.
La Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Banque européenne
d’investissement et l’Agence française de développement ont aussi accordé des crédits
importants de plus de 2 milliards de dollars US à la Tunisie. La plupart de ces crédits étaient
destinés à financer des projets d’infrastructures dans les régions déshéritées et longuement
négligées de notre pays820.
Toutefois, suite à une série de mesures maladroites et précipitées, l’État aggravera la
crise. Il va à la fois augmenter les salaires, procéder à de nouveaux recrutements dans la
fonction publique et augmenter le budget de la Caisse générale de compensation par
l’inclusion de nouveaux produits subventionnés et donc augmenter les dépenses publiques et
creuser le déficit public.
En 2011, l’État a décidé d’augmenter les salaires pour un nombre de plus que millions
d’employés dans les secteurs public et privé. Cette augmentation a continué avec le
gouvernement de
la Troïka. Malgré
l’instabilité politique, sociale et économique,
l’augmentation des salaires a touché les employés de fonctions publiques qui ont bénéficié
d’une augmentation des salaires de 70 dinars en 2012 et d’une autre augmentation
supplémentaire de 50 dinars en 2015821.
818Portail du ministère de finances.
819« Lors de la commission mixte tunisio-japonnaise qui a eu lieu en 2012 le Japon a décidé de nous octroyer un
don pour encourager le pays à développer plusieurs domaines tels que les énergies renouvelables et la recherche
scientifique ainsi que des promesses de financement de projets d’infrastructures. Le Japon a continué son soutien
à la Tunisie même en 2014 par le financement de plusieurs projets avec un montant de 5,1 % milliard de dinars
Tunisien et en 2015 lorsqu’il nous a octroyé un don de 11 millions de dinars pour la sécurité de nos aéroports et
le ministère de l’intérieur surtout après les évènements de terrorisme. Les revenus de l’État de dons étaient de
632,8 millions de dinars en 2012 d’ailleurs c’est le montant le plus haut qu’on ait reçu durant toute la phase
transitoire afin de mettre en œuvre le développement régional ainsi que la création des emplois et encourager le
développement », Tunisie, document de stratégies des pays intérimaires 2014-2015 réalisé par le groupe de
Banque d’Afrique de Développement, p. 16.
820Guen (M), Tunisie. Pour un modèle économique postrévolutionnaire, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 35.
821Tunisie, affaires sociales, fonction publique, augmentation de 50 dinars à compter de janvier 2015.
211



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
La justification de l’augmentation de ces salaires est de préserver le pouvoir d’achat face
à l’augmentation des prix. D’ailleurs, c’est à partir de septembre 2007 que l’augmentation des
prix des produits alimentaires est fortement ressentie par les consommateurs. En juillet 2008,
les prix ont augmenté de 6,7 % par rapport à juillet 2007822. Cette augmentation des prix a été
l’élément moteur de la crise qui a existé en Tunisie en 2011. Néanmoins, à ce qu’il parait, les
gouvernements n’ont jamais pensé à des solutions face au blocage qui empêche le budget de
l’État tunisien de payer les dépenses d’urgences tel que les dettes, ou bien les investissements
imprévus.
Les décisions du gouvernement ont souvent été inefficaces et impuissantes parfois devant
les demandes de l’augmentation de salaires. Ils ont choisi de répondre à ces demandes au lieu
de regarder le pays en blocage total. Ces augmentations de salaires ont affaibli le budget de
l’État.
La crise de l’emploi en général, et celle de l’emploi des jeunes et des jeunes diplômés de
l’université plus particulièrement est depuis plusieurs années ponctuée par des drames assez
significatifs qui voient des jeunes chercher à émigrer clandestinement vers les pays
européens, et dont certains terminent leur aventure aussi tristement que les suicidaires de
l’intérieur du pays823. Ainsi, le chômage présente un réel défi à relever puisqu’il est en
persistance. Un phénomène qui a affaibli l’économie du pays et été la cause directe des
évènements du 14 janvier 2011824. Les jeunes ont exprimé leur volonté d’assouvir leurs
besoins vitaux, tout comme les autres segments de la population. Cette recherche d’inclusion
et cette revendication d’une vie normale qui devrait être accessible à tous ont été alimentées
par les discours officiels qui n’ont cessé, depuis plus d’une décennie, de vanter le « miracle
économique » tunisien825.
Les évènements de janvier 2011 n’étaient pas les seuls responsables de l’augmentation du
chômage, il y avait aussi les évènements que connaissait la Lybie, pays voisin, et dont les
perturbations politiques et économiques furent un facteur aggravant. La contraction des
activités économiques, les mouvements sociaux et la mise à l’arrêt de projets industriels dont
822 WWW.commerce.gov.tn
823Belaid (S), « Révolutions politiques, révolution économiques : quelles perspectives ? », La transition
économique en Tunisie,
(dir) Haddar (M), Moisseron (J-Y), L’Harmattan, 2012, p.136.
824Leader, Hamida (E-B), « L’histoire du chômage en Tunisie 1962-2012, un mal dont la responsabilité est
2017, URL :
février
collective », mise
http://www.leaders.com.tn/article/13463-l-histoire-du-chomage-en-tunisie-1962-2012-un-mal-dont-la-
responsabilite-est-collective
825Hibou (B), « Tunisie. Économie politique et morale d'un mouvement social », Politique africaine, 2011, p. 18.
consulté
janvier
2014,
ligne
24
27
en
le
le
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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

ceux financés par les investissements directs étrangers étaient en train d’exacerber une
situation de chômage déjà très difficile.
Les règlementations rigides, la faiblesse du marché de travail et l’inefficience par rapport
aux normes internationales sont des raisons qui ont classé la Tunisie 108éme sur 183 pays en
ce qui concerne l’indicateur « employer des travailleurs », et 106éme sur 142 pays dans
l’efficacité du marché du travail en « doing business », 2010 comme titre d’exemple826.
L’État n’incite pas le chômeur à trouver un emploi. Il n’y a pas de négociation des salaires
avec le syndic et il n’y a pas de programmes sérieux pour améliorer la qualité de l’éducation
qui a connu un manque d’encadrement pour motiver les élèves à êtres créatifs et innovants et
comme résultat on trouve des diplômés avec un niveau intellectuel qui ne reflète pas leurs
niveaux d’éducation et ne répond pas aux besoins du marché de travail827.
Juste après le départ du Président BEN ALI et dans un contexte de montée en puissance
des contestations sociales, l’ancien dispositif de « hadhira » (travail de chantier) a été réactivé
et son utilisation généralisée. Il s’agit d’un ancien dispositif qui a été élargi pour couvrir un
nombre de plus en plus important de bénéficiaires. Ce dispositif s’adresse aux chômeurs qui
n’ont pas de diplômes. Au départ, il a été conçu comme une aide sociale de 150 dinars. Il
s’agissait d’effectuer 4 heures de travail dans une institution étatique. Il était principalement
conçu pour absorber la tension et les pressions exercées sur les autorités locales par les
protestations de milliers de personnes contre l’exclusion sociale. Toutefois, les bénéficiaires
se sont organisés rapidement dans des collectifs revendiquant que ce dispositif provisoire
devienne un emploi stable et les caractéristiques d’urgence de ce mécanisme se sont
rapidement transformées en objet de contestation. Quelques mois après sa mise en place, des
mobilisations de
travailleurs de chantier se sont développées.
Ces mouvements
revendiquaient la révision des modalités de recrutement des travailleurs de chantier.828.
Les mesures les plus remarquables prises par l’État depuis 2011 furent le recrutement
massif à la fonction publique que l’on peut considérer comme une solution temporaire et non
une stratégie de long terme contre le chômage. Entre 2011 et 2012 l’État a recruté 14,000
jeunes et 8,000 diplômés dans la fonction publique dans le cadre du programme AMAL qui a
826 Banque d’Afrique de développement, Défis économiques et sociaux post-révolution, 2012, p. 33.
827La Banque d’Afrique de développement, « vers un modèle économique pour la Tunisie : déterminer les
contraintes majeures pour une croissance généralisée : étude conjointe effectuée par : la banque africaine de
développement le gouvernement tunisien le gouvernement des Etats-Unis », pp. 161-163.
828De Facci (D), Belhadj (A), « L’État dans l’impasse. La crise de l’emploi dans les régions de l’intérieur en
Tunisie postrévolutionnaire »,
Maghreb – Machrek, 2015, p. 37.
213




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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
été lancé par le ministère de l’emploi. 10,000 diplômés de supérieurs en chômage depuis 3
ans ont été inscrits dans un système de la préparation à la vie active. Ce recrutement s’est
passé par voie de concours pour garantir le principe de l’égalité des chances829. Néanmoins,
les résultats de recrutement massifs et l’erreur des décisions prises après la Révolution ont
encouragé le chef du gouvernement Mahdi JEMAA à décider de ne plus effectuer de
recrutements massifs dans la fonction publique a encouragé les hommes d’affaires à investir
dans tous les domaines ce qui ouvrira les portes aux postes d’emploi dans le secteur privé830.
La Tunisie est en train de vivre une situation paradoxale qui décrit la persistance de la
crise économique. Malgré les changements au niveau des institutions politiques et l'évolution
constitutionnelle depuis la Révolution du 14 Janvier 2011, cette évolution démocratique et
politique ne s'est pas traduite par une amélioration de la croissance et du développement
économique et social. Après sept ans de la transition démocratique, les politiques
économiques semblent encore fragiles et insuffisantes. Il nous semble qu’elles pourraient être
beaucoup plus efficaces avec des programmes économiques plus courageux. Le recours au
secteur privé pourrait être une solution pour relancer l’économie et lutter contre le chômage.
Le nouveau modèle de développement doit impulser un environnement propice au secteur
privé qui doit s’engager davantage dans le développement régional et sectoriel.
B. Le recours au secteur privé : une solution pour le relancement de l’économie et
la lutte contre le chômage
L’intervention massive de l’État dans l’économie a entrainé beaucoup de problèmes, ce
qui a nécessité de faire appel au secteur privé comme solution pour le relancement de
l’économie et la diminution de la pression sur les dépenses publiques. Aussi la création de
l’emploi et la lutte contre le chômage s’est accompagné d’une politique de promotion du
secteur privé.
829Banque africaine de développement, programme d’appui à l’inclusion sociale et à la transition, Tunisie, 10-05-
2011.
830Lefebure (A), « en visite en France, Mahdi Jemaa plaide la cause d’une Tunisie apaisée », publié le 29 avril
2014, consulté le 20 janvier 2018, URL : http://www.jolpress.com/visite-france-mehdi-jomaa-premier-ministre-
tunisie-plaide-apaisement-defis-economie-securite-article-825721.html

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

L’expérience internationale montre que la participation du secteur privé et l’organisation
de la concurrence sont indispensables à la fourniture de services d’infrastructure de qualité.
Les avantages économiques provenant de réformes règlementaires et d’une concurrence
accrue sont au moins aussi importants que ceux provenant des investissements privés831.
La stratégie préconisée aujourd’hui consiste à promouvoir l’initiative privée et à
consolider la place du secteur privé en tant que vecteur de l’action de développement, en
poursuivant la politique de libéralisation de l’économie et en ouvrant de nouveaux secteurs à
la concurrence.
Les premières mesures de l’initiative privée et de l'investissement datent de 1972 avec le
premier Code sur les investissements. Des 1986, le plan d'ajustement structurel signé avec le
FMI conduit le gouvernement tunisien, puis le nouveau Président BEN ALI à engager un
vaste programme de privatisation qui aboutit à la cession de nombreux actifs publics à des
entreprises privées832. En 1993, le gouvernement tunisien engage cependant une réforme
substantielle du cadre juridique de l'investissement en Tunisie et promulgue le Code
d'incitation aux investissements qui fixe le régime de la création de projets et d'incitations aux
investissements réalisés en Tunisie par des promoteurs tunisiens ou étrangers, résidents ou
non-résidents.
Les années du Président BEN ALI ont été marquées par la place centrale accordée aux
investisseurs privés, locaux ou étrangers dans la création de richesse et d’emplois. Les années
quatre-vingt-dix et 2000 permettent l’arrivée d'investisseurs privés sur le marché tunisien, y
compris dans des secteurs historiquement contrôlés par l’État833. Mieux encore, les
investisseurs étrangers se trouvent dans les faits avantagés dans la mesure où ils sont plus
actifs sur les secteurs d'exportation, notoirement spéculatifs pour un certain nombre d'entre
eux.
L’avènement du moment révolutionnaire a signalé l’échec total de ce modèle. En effet, le
secteur privé est toujours incapable d’absorber la plupart des nouveaux arrivés sur le marché
de l’emploi, particulièrement les diplômés du supérieur. Ce secteur est resté très attaché au
831« Étude sur la participation privée dans les infrastructures en Tunisie », Ministère du développement et de la
coopération internationale et banque mondiale et programme participation privée dans les infrastructures
méditerranéennes, 2015, p. 50.
832Voir OCDE, Examen de l'OCDE des politiques d'investissement : Tunisie, OCDE, 2012, Paris,
accessibledepuishttp://www.oecd-ilibrary.org/finance-and
investment/examens-de-l-ocde-despolitiques- de-l-
investissement-tunisie-2012/cadre-des-politiques-d-investissement-de-latunisie_ 9789264179431-7-fr
833Par exemple hydrocarbures, services (etc.).
215



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
recrutement de la main-d’œuvre pas chère (majoritairement féminine) et ne peut embaucher
que très peu de diplômés du supérieur car trop spécialisé dans des activités à petite valeur
ajoutée834. En outre, le positionnement des bureaucraties et des élites proches du régime dans
une position d'arbitrage décisive de nombreuses décisions liées à l'attribution des licences, des
marchés et des contrats ont créé des contradictions, des lourdeurs et des incohérences ce qui a
renforcé le rôle décisif des autorités administratives et politiques. Ces réformes n'ont donc pas
entièrement privé les autorités et leurs alliés des milieux d'affaires d'un certain nombre de
leviers leur permettant de continuer à contrôler l'activité économique et surtout à en bénéficier
notamment via le système d'attribution et de rétribution des grands contrats avec les
opérateurs internationaux835.
Aujourd’hui, l’État a encore besoin d’un secteur privé qui pourrait aider à la lutte contre le
chômage et la relance de l’économie. La Tunisie a besoin d’un secteur privé libre de toute
contrainte politique, un secteur privé fort réduire le niveau de régulations et créer un
environnement favorable dans lequel le gouvernement doit apprendre à se retirer. Le
gouvernement actuel a accordé un intérêt particulier au secteur privé en tant qu’instrument
pour améliorer la compétitivité de l’économie et des entreprises et soutenir les exportations et
en tant que levier pour attirer davantage d’investissements étrangers et ainsi alléger les
pressions fiscales.
L’encouragement du secteur privé est vu comme une alternative à la difficulté de l’État à
investir dans les régions marginalisées, au manque d’infrastructures et à l’absence de services
publics dans ces mêmes régions. L’État n’est plus capable à lui seul de surmonter la charge du
développement économique. L’intervention du secteur privé pourrait être une source
d’économie pour l’État qui n’aura pas à avancer des sommes astronomiques pour lancer les
travaux.
Les privés se sont ainsi vus confier la possibilité de fournir des prestations et des services
au public dans des domaines extrêmement divers, affectant particulièrement les services
publics économiques. Il en est ainsi des services de maintenance, de développement
informatique, de restauration, de nettoyage, de gardiennage, de la gamme des services de
télécommunication836,
installation
et
exploitation
des
réseaux
publics
de
834Belhadj (A), De Facci (D), op, cit, p. 49.
835Ibid, p. 51.
836Loi 2001-1 du 15 janvier 2001 portant promulgation du code des télécommunications, JORT, 2001, p. 83.
216

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

télécommunication837. En effet, les décideurs à l’échelle nationale ainsi que leurs relais à
l’échelle locale semblent totalement attachés à la suprématie du secteur privé dans la création
de l’emploi838.
S’il est vrai que les pouvoirs publics peuvent autonomiser les pauvres par le biais de la
règlementation, du financement et de la fourniture de biens publics, il n’en demeure pas
moins que l’initiative privée peut également plaider efficacement en faveur des réformes et
promouvoir la bonne gouvernance. Le secteur privé est celui qui réalisera nécessairement la
croissance permettant à l’État de remplir ses caisses et que donc le secteur privé n’est pas une
menace à la démocratie ou à l’État mais en est au contraire une des bases. Le secteur privé
pourrait être une solution pour réduire le nombre des chômeurs notamment parmi les jeunes,
relancer la croissance et promouvoir les investissements. L’institut national de la statistique a
constaté une croissance de 1,8 % pour le second trimestre 2017839. D’après les chiffres, c’est
le secteur privé qui a sauvé la croissance après la Révolution.
Pour encourager l’intervention du secteur privé dans l’économie, le législateur a adopté la
loi du 30 septembre 2016 entrée en vigueur le 1er janvier 2017 portant sur l’investissement840.
L’article 1 dispose que : « la présente loi a pour objectif la promotion de l’investissement et
l’encouragement de la création d’entreprises et de leur développement selon les priorités de
l’économie nationale, notamment à travers, l’augmentation de la valeur ajoutée, de la
compétitivité et de la capacité d’exportation de l’économie nationale et de son contenu
technologique aux niveaux régional et international, ainsi que le développement des secteurs
prioritaires, la création d’emplois et la promotion de la compétence des ressources
humaines, la réalisation d’un développement régional intégré et équilibré la réalisation d’un
développement durable ».
Cette loi est a pour objectif principal le développement des investissements dans les
secteurs innovants et à forte valeur ajoutée. La nouvelle loi cherche à limiter les restrictions à
l’investissement et à l’initiative privée, tout en assurant l’intégration régionale et le
développement durable.
837Dabbou-Ben Ayed (S), « L’État régulateur », in, Actes de colloque La régulation, (dir), Ben Salah (H), Aouij
Mrad (A), Tunis, FDSPT, 2011, p. 39.
838Belhadj (A), De Facci (D), op, cit, p. 76.
839« Le secteur privé, levier de croissance », mise en ligne 22 Aout 2017, consulté le 30 avril 2018, URL :
http://www.radioexpressfm.com/lire/le-secteur-prive-levier-de-la-croissance-en-tunisie-8902
840Le régime d’investissement en Tunisie, tant pour les nationaux que les étrangers, était régi par le Code
d’incitations aux investissements de 1993.
217


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Les six points essentiels dans cette loi sont le développement régional équilibré, l’appui à
l’emploi et le renforcement de l’employabilité, la promotion de la recherche et du
développement, les systèmes économiques inclusifs et durables, la productivité source de
compétitivité des secteurs et le positionnement sur les chaines de valeurs internationales de
promotion de l’exportation et des secteurs porteurs.
Les incitations à travers le Code d’investissement ne semblent pas non plus réaliser leurs
objectifs. Renforcées dans le nouveau Code d’investissement adopté après la Révolution, ces
incitations ont accordé plus d’avantages aux investisseurs qui désirent s’implanter dans les
régions défavorisées. Un découpage administratif partage le territoire national en cinq zones,
en établissant des « zones prioritaires » pour l’investissement. Les incitations accordées aux
investisseurs désireux de s’implanter dans ces zones sont très généreuses. Elles peuvent
atteindre une exonération de la plupart des charges pendant dix ans pour les sociétés
étrangères totalement exportatrices841.
L’infrastructure de la Tunisie doit lier entre les zones de productions et les zones de
distribution. Ceci ne peut être exécuté qu’en encourageant le secteur privé à investir dans
l’infrastructure et là on doit parler de la Caisse de dépôt et de consignation qui a été créée par
le décret-loi du 13 septembre 2011 et qui est chargée de réaliser les investissements dans le
cadre des partenariats publics privés surtout dans le domaine de l’infrastructure, le
développement régional, les secteurs des nouvelles technologies, de l’environnement et du
développement durable et le soutien aux petites et moyennes entreprises et les investissements
sur les marchés financiers842.
Le secteur privé doit être donc encouragé pour aménager le territoire des zones
industrielles et consacrer des espaces pour l’habitation et les loisirs des fonctionnaires. En
contrepartie, le gaz naturel et l’électricité ainsi que les routes doivent être procurés par l’État
pour encourager le secteur privé à investir.
Malgré les encouragements de l’État et l’adoption d’une nouvelle loi sur les
investissements, les investisseurs préfèrent toujours investir dans les régions côtières ou le
Grand Tunis, où ils peuvent bénéficier d’une infrastructure favorable, d’une proximité au
centre administratif et d’un marché à pouvoir d’achat plus intéressant pour les commerciaux.
Les raisons politiques sont également avancées comme des facteurs déterminants. D’après les
841Belhadj (A), De Facci (D), op, cit, p. 13.
842Décret-loi n°2011-85 du 13 septembre 2011 portant création de Caisse des dépôts et consignations, JORT,
2011, p. 1846.
218

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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

acteurs de Jbenyena, « le fait que la région soit marquée par une histoire contestataire et par
une implantation forte du mouvement syndical, rend cette destination peu attractive pour les
investisseurs ». En ce qui concerne Kasserine, le problème réside plutôt dans le fait que la
région soit classée comme zone dangereuse, en raison de l’existence d’une brigade terroriste
sur le mont Chaambi, situé juste à quelques dizaines de kilomètres de la ville843.
843Belhadj (A), De Facci (D), op, cit, p. 49.
219





























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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Conclusion du chapitre II
L’État régulateur n’a pas pu réaliser les objectifs espérés. La crise des Subprimes et la
Révolution Tunisienne de 2011 en sont des preuves éminentes. Face à ces défis et urgences, la
majorité des observateurs convergent sur l’idée de redéfinir le rôle de l’État et d’améliorer
l’efficacité de son intervention dans la vie économique et sociale.
La France, comme les autres pays européens, a été touchée par la crise qui est venue
renforcer la fragilité des dynamiques de croissance et l’essoufflement du modèle économique.
Avec cette crise, l’État est revenu en force dans le capital des sociétés, principalement pour
éviter l’insolvabilité du système bancaire, mais aussi pour sauver les entreprises en difficulté
des secteurs dits stratégiques. L’intervention de l’État a joué un rôle important pour faire face
à la crise. L’État a fait recours à plusieurs réformes que ce soit dans le domaine financier ou
économique. Aujourd’hui, en France, l’État ne serait ni un État interventionniste ni un État
régulateur. Nous parlerons donc d’un mélange d’interventionnisme et de libéralisme.
En Tunisie, malgré les réformes, l’économie présente encore des défaillances. La
politique d’ajustement structurel a connu un échec surtout dans les années quatre-vingt-dix.
C’est plutôt le facteur international qui a joué un rôle important pour la Tunisie. L’accord
d’association Tunisie-Union européenne a fait entrer le pays de plein pied dans la
mondialisation. En outre, les institutions internationales ont proposé une solution qui leur
semble plus opérationnelle et mieux adaptée aux pays en voie de développement, il s’agit de
la bonne gouvernance. Néanmoins, toutes ces stratégies n’ont pas pu réaliser de bons
résultats. L’État reste toujours interventionniste et ne laisse pas une place aux autres autorités
pour réguler l’économie. L’éclatement de la Révolution en 2011 est une preuve éminente de
la défaillance de la politique économique adoptée par les pouvoirs publics. Depuis le 14
janvier, l’État a initié une nouvelle phase décisive de son histoire contemporaine. La Tunisie
est déterminée à rompre définitivement avec le passé, à fonder un système démocratique
solide et à consolider l’État du droit. Au début de la Révolution, l’État était présent d’une
manière excessive dans tous les domaines pour faire face à la crise. Mais, cette intervention
massive de l’État a entrainé beaucoup de problèmes, ce qui a nécessité de faire appel au
secteur privé comme solution pour le relancement de l’économie et la diminution de la
pression sur les dépenses publiques.
220


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Premiére partie : les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie administrée à une
économie concurrentielle

Conclusion du titre II
Le deuxième titre de notre thèse était consacré au nouveau rôle de l’État dans les années
1980, 1990 et 2000.
Dans le premier chapitre, nous avons vu le caractère extrêmement progressif de
l’ouverture à la concurrence et à l’économie de marché qui se traduit davantage par un
changement du cadre règlementaire que par l’aménagement des monopoles publics. C’est
pourquoi les termes dérèglementation et démonopolisation sont souvent employés pour
décrire les évolutions en cours. Mais ce changement ne veut pas dire que le pouvoir public
perd sa capacité d’orientation et de contrôle sur ses activités essentielles, ni que sa
responsabilité à assurer ses obligations disparaisse. Il doit en effet continuer à garantir un
certain degré de bien-être social. L’État passe du statut de producteur à celui de régulateur.
Ce chapitre a souligné aussi les défaillances de l’État régulateur. Malgré l’ouverture à la
concurrence et à la liberté économique, l’économie reste encadrée par l’État. La libéralisation
des services publics est loin d’être parfaite, tant dans ses dimensions juridiques, économiques
que politiques.
Dans le deuxième chapitre, nous avons montré la transformation du rôle de l’État dans
l’économie et les nouvelles orientations des politiques économiques pendant les années 2000.
La crise économique de 2008 et la Révolution tunisienne de 2011 sont à l’origine d’un
profond examen du rôle de l’État. Ils semblent avoir affecté l’application des politiques de
privatisations, de libéralisations et de désengagements.
221










Page 224
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Conclusion de la partie 1
La première partie de notre thèse a été consacrée aux fondements de l’interventionnisme
économique public en France et en Tunisie. Fondements qui expliquent l’évolution du rôle de
l’État dans le développement de l’économie nationale et locale.
L’étatisme était considéré comme le seul moyen pour résoudre le problème du sous-
développement qui constituait une atteinte permanente à la dignité de l’État et des individus.
Toutefois, après avoir été prépondérant, ce modèle de développement économique est devenu
insuffisant. Le monopole de la capacité de régulation de l'économie par l’État a été remis en
cause. D’une part, par la crise et les institutions internationales. D’autre part, par la
reconnaissance de l’interventionnisme économique local.
Nous constatons ainsi que malgré l’extension du libéralisme économique, malgré la
décentralisation et le processus du désengagement de l’État entamé par la France et la Tunisie,
l’économie présente encore des lacunes conduisant à la redéfinition du rôle de l’État dans
l’économie. Dans ce sens, on peut constater que l’idée de l’économie de marché pourrait se
développer au profit de tous avec un État neutre ou absent est complètement fausse. Le rôle de
l’État reste indispensable, même dans le contexte actuel d’une économie de plus en plus
globalisée et libéralisée.
Avec l’apogée des nouvelles Constitutions après la Deuxième Guerre mondiale, l’aspect
économique et social est devenu fortement ancré. D’une part, la Constitution française et la
Constitution tunisienne ont consacré de droits économiques et de droits sociaux justifiant
l’intervention de l’État comme le droit au travail, les nationalisations, le droit syndical (etc.).
D’autre part, elles ont consacré des principes d’intervention inhérents aux principes libéraux,
tels que les principes de la liberté du commerce et de l’industrie ou encore de la liberté
d’entreprendre et le droit de la propriété.
Notre première partie qui s’est basée sur une étude comparative dans tous les aspects
possibles entre l’interventionnisme économique français et tunisien nous conduit à la
deuxième partie qui traitera la mise en œuvre de l’interventionnisme économique.
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Deuxième partie :
La mise en œuvre de l’interventionnisme économique
public : d’une configuration monopolistique à une logique
concurrentielle
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle
Après avoir identifié les fondements de l’interventionnisme économique, il convient de
déterminer les modalités de sa mise en œuvre, c'est-à-dire les moyens d’action qui ont été mis
en place par l’État pour développer l’économie.
L’objectif de cette partie vise à analyser les modalités d’administration de l’économie et
les moyens spécifiques d’intervention des autorités ayant en charge une mission de régulation
de l’économie. D’une part, l’État se trouve en position d’autorité extérieure au marché et
cherche à l’administrer et le diriger. L’administration avec ses modalités et ses moyens
dirigistes agit en tant qu’autorité publique visant à orienter, soutenir, contraindre, protéger ou
encore modeler les opérateurs économiques agissant sur le marché844. D’autre part, l’État se
trouve dans une position de collaboration avec d’autres entités publiques et privées. Il consiste
à remettre des pouvoirs de décisions à des organes autres que de simples agents du pouvoir
central non soumis au pouvoir d’obéissance hiérarchique et qui sont souvent élus par les
membres de la collectivité concernée.
Le premier titre sera consacré à l’étude de la mise en œuvre de l’interventionnisme
économique publique. L’État peut intervenir de plusieurs façons. Il peut d’abord intervenir
par le recours aux entreprises publiques pour orienter l’économie et pour développer ses
activités. Il peut aussi intervenir par la commande publique. Les contrats de concession et les
marchés publics constituent les moyens privilégiés d’intervention de l’État pour relancer
l’économie. Néanmoins, à la fin des années soixante-dix, ces moyens d’intervention de l’État
sont considérés comme un obstacle devant le développement économique et la modernisation
de l’État. Ils sont caractérisés par l’inefficacité, les faibles productivités et les mauvaises
qualités de biens et de services et l’augmentation de la dette pour les entreprises
gouvernementales à vocation commerciale. En revanche, le rôle de l’État comme organe de
contrôle est hypertrophié, créant des contraintes lourdes dans de nombreux domaines (Titre1).
Le deuxième titre sera quant à lui relatif à l’analyse du redéploiement des moyens
d’intervention publique. Les années quatre-vingts ont été marquées par la critique virulente de
l’étatisme. Elles indiquent la nécessité des réformes en attirant l’attention sur le fait que
l’intervention de l’État doit être régulée. La nouvelle mission de l’État consistait justement à
mettre en œuvre cette politique et à assurer au mieux ce changement de cap. Les réformes
récentes des instruments dont dispose l’État et de ses moyens d’interventions sont : le recours
844Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 19.
225

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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
croissant à des autorités de régulation, aux collectivités territoriales et aux contrats de
partenariats public-privé (Titre 2).
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Titre 1. Le rôle affirmé de l’État dans la mise œuvre d’une
politique économique dirigiste : de la prépondérance à la
limitation de l’action économique publique
L’objectif de ce premier titre est d’aborder le premier genre de relations que l’État est
susceptible d’entretenir dans la vie économique. L’État est en position d’extériorité au
marché, il cherche à le diriger et à l’administrer. L’État agit en tant qu’autorité supérieure. Il a
le monopole dans la mise en œuvre de sa politique économique. Cette volonté d’intervenir
directement dans l’économie se traduit par la mise en place d’un vaste secteur public qui
organise la vie économique et politique de l’État.
En France, après la Seconde Guerre mondiale et en Tunisie après l’indépendance, l’État
n’a pas cessé de chercher la meilleure façon d’exercer ses missions, de percevoir son
organisation et d’améliorer son mode de fonctionnement. Il a fait recours à la réforme de ses
modalités et de ses moyens d’intervention pour qu’il puisse jouer un rôle important dans la
reconstruction d’un nouvel État et le développement de ses activités. La réforme de l’État845
est alors la réforme de l’ensemble des missions, des organisations et des méthodes de
fonctionnement des administrations de l’État d’avant-guerre846.
L’État chargé d’orienter l’économie dans le cadre de l’intérêt général va s’appuyer sur des
actions dirigistes (Chapitre 1). Toutefois, la mise en œuvre d’un modèle de développement
économique étatiste n’a pas permis de promouvoir une croissance intensive et diversifiée, ni
de résoudre la question du chômage. L’interventionnisme étatique a été fortement contrarié
par une série de paramètres, les uns externes à l’État, les autres propres à l’ordre juridique
interne. Les paramètres externes sont la pression des institutions internationales, alors que les
paramètres internes sont l’inefficacité de l’entreprise publique et l’affirmation des bienfaits de
la privatisation et le partenariat public-privé. L’hégémonie de l’État a été fortement contestée
(Chapitre 2)
845La réforme de l’État dite technique vise au renforcement des structures, des procédures et du personnel de
l'instrument de mise en œuvre des politiques
l'appareil administratif, c'est-à-dire à perfectionner
gouvernementales. Elle vise à changer par des réformes les politiques gouvernementales relatives à l'efficacité de
l'administration dans son rôle de régulateur des mécanismes de marché.
846Mordacq (F), La réforme de l’État par l’audit, Paris, LGDJ, 2009, p. 12.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Chapitre 1. La prépondérance de l’action économique des pouvoirs
publics dans la mise en œuvre de la politique économique de l’État.
L’interventionnisme public est apparu comme un levier essentiel pour mener à bien la
politique économique de l’État dans son ensemble. Ce phénomène s’explique notamment par
des raisons historiques et idéologiques liées à la reconstruction d’un nouvel État et au
développement de l’économie847.
L’intervention économique de l’État s’appuie sur des procédés juridiques s’accolant aux
ajustements automatiques du marché. Ayant la domination sur le système juridique, il met en
place un puissant système d’action publique économique. C’est autour de ce modèle dirigiste
que la société est en grande partie structurée par des institutions étatiques qui jouent un rôle
d’impulsion et exerce en contrepartie sa mainmise sur l’économie. C’est le modèle du droit
public classique marqué par l’existence de prérogatives de puissance publique nécessaires à la
satisfaction des missions de service public.
En période d’économie dirigée, les moyens juridiques de l’État relaient l’ensemble du
territoire national. Son système d’intervention dont il était l’élément dominant était le fait
d’une double ramification. Il orientait les activités économiques par la création des entreprises
publiques (Section 1) mais aussi par le recours à des techniques contractuelles (Section 2).
Section 1. L’entreprise publique, un moyen privilégié d’intervention de
l’État dans l’économie
Diverses causes justifient le développement de l’interventionnisme étatique, en particulier,
la création des entreprises publiques848. En tant qu’ « organisme décentralisé dans l’appareil
du pouvoir exécutif, constitué en personne morale, disposant d’un patrimoine public et affecté
à une tâche industrielle, commerciale ou financière »849, l’entreprise publique a joué depuis
longtemps un rôle de premier ordre dans l’économie. Elle est au cœur de l’activité
économique d’un pays. Quelle que soit sa forme juridique, son mode de fonctionnement ou
encore son objet, elle contribue à la croissance du pays dans lequel elle exerce.
847Legendre (P), L’administration du XVIII siècle à nos jours, Paris, PUF, 1969, p. 262.
848Voir notamment, Dufau (J), Les entreprises publiques, Paris, Le Moniteur, 1991, Baillon (CH), Droit des
entreprises publiques, Paris, Delmas, 1992, Chevallier (F), Les entreprises publiques en France, Paris, la
documentation française, 1979, Cartier-Bresson (A),
L’État actionnaire, Paris, LGDJ, 2010, Refait (M),
L'entreprise et l’État, capitalisme et démocratie, Paris, PUF, 1994.
849Issalys (P), Lemieux (D), L’action gouvernementale, Précis de droit des institutions administratives, Paris,
Editions Yvon Blais, 2002, p. 413.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Selon le Professeur Amel AOUIJ MRAD, « l’entreprise publique est toujours un
organisme doté de la personnalité juridique. Cette personnalité lui permet d'agir en son nom
propre, de poursuivre et de réaliser ses actions, d’être (théoriquement) financièrement
autonome. Cette personnalité peut être de droit public (EPNA) ou de droit privé (sociétés).
Ensuite, l’entreprise publique gère toujours une activité économique. Elle produit des biens
ou des services qu'elle vend contre un prix. Enfin, l'entreprise publique est toujours soumise
au contrôle d’une entité publique (pas forcément l’État). Ce contrôle est généralement
important, prend des formes variables, peut être direct ou indirect »850.
Les entreprises publiques sont des entités fondées par l’État pour réaliser des missions
souvent liées au service public ou à l’intérêt général. Chacune d’elles dispose d’une
personnalité juridique distincte, lui permettant de gérer son capital851. Elles revêtent des
caractères juridiques hétérogènes et peuvent êtres des établissements publics, des
sociétés d’économie mixte ou nationalisés.
L’État a créé un secteur des entreprises publiques au sein du secteur public pour
développer l’économie (Paragraphe 1) et a disposé d’importants moyens de contrôle pour
orienter leur activité. Le contrôle d’un secteur d’entreprise traduit là encore la volonté de
l’État de maîtriser l’économie nationale852. C’était un outil décisif du développement
économique si l’on en juge les motivations du législateur Français de 1981853.
Paragraphe 1. L’entreprise publique, un vecteur de développement
Le premier pilier du développement économique est l’entreprise publique. Créatrice
d’emplois et de richesses, elle constitue encore aujourd’hui le principal moyen d’intervention
de l’État pour la relance de l’économie.
En France, la création des entreprises publiques a connu un essor important à la suite de la
Première Guerre mondiale qui a entrainé la nécessité de réorganiser des structures
économiques et de remettre en état l’appareil de production854. Suite à la Deuxième Guerre
mondiale, les entreprises publiques ont eu un rôle important, lorsqu’il fallait reconstruire des
économies et concentrer les efforts sur des secteurs clés855.
850Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 17.
851Riad (F), Les entreprises publiques et semi-publiques, op, cit, 1963, p. 573
852Chenot (B), « La philosophie des nationalisations », RFAP, 1980, p. 8.
853Timiste (G), « Les relations entre l’État et les entreprises publiques », RA, 1983, p.10.
854Baillon (CH), Droit des entreprises publiques, Paris, Delmas, 1992, p. 17.
855Buby (P), Service public, services publics, Paris, La documentation française, 2011, p. 81.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En Tunisie, également, un mouvement similaire s’observe au début de la Première
république en 1956. Lors de son indépendance, l’État faisait face à une situation économique
caractérisée par un taux de chômage très élevé, par une absence de structures économiques et
de ressources naturelles importantes. La stratégie de développement adoptée pour affronter
ces problèmes consistait à créer des entreprises publiques. Ces dernières étaient considérées
comme essentielles pour des projets de développement dont l’intérêt allait au-delà de ceux du
secteur privé.
Si en France, l’intervention de l’État dans l’économie par les entreprises publiques était
comme un moyen pour la reconstruction de l’économie et de réaliser des objectifs
économiques conformes à l’intérêt général (A), en Tunisie l’intervention de l’État dans
l’économie par les entreprises publiques était à cause de la faiblesse du secteur public et
l’absence des investisseurs privés capable de relancer l’économie (B).
A. La nécessité de reconstruire et de promouvoir la croissance économique : les
raisons du recours à l’entreprise publique en France
Le capitalisme d’État français de l’après-guerre s’était avant tout attaché à promouvoir
une croissance rapide par la modernisation et l’expansion des entreprises publiques. Au
niveau macro-économique, l’État activait la croissance par la pratique de l’inflation et de
fréquentes dévaluations, à la différence tant de l’Allemagne, avec sa politique de stabilité
économique et de lutte à tout prix contre l’inflation, que de la Grande-Bretagne, dont la
priorité absolue était le maintien d’une livre sterling856 forte comme monnaie de réserve. Au
niveau micro-économique, l’État était interventionniste, contrairement aux approches
britanniques où l’État ne se mêlait pas des affaires des entreprises, se contentant autant que
possible de définir des règles dont l’application était confiée à des organismes indépendants et
d’arbitrer les conflits ou allemande où l’État s’efforçait de faciliter la tâche aux acteurs
économiques tout en leur laissant gérer collectivement les règles857.
L’objectif du recours aux entreprises publiques n’était plus seulement de relever
l’économie des conséquences de la guerre, mais de rattraper le retard économique découlant
du parti insuffisant qu’elle avait tiré des deux premières Révolutions industrielles. L’État
orientait son économie par la création des entreprises publiques. C’est un outil « décisif du
856La livre sterling est l’unité monétaire officielle du Royaume-Uni, des dépendances de la couronne britannique
et des territoires britanniques d’outre-mer.
857Vivien-Ann (S), Rachel (B), « Les beaux restes du capitalisme d’État à la française », Critique internationale,
2000, p. 164.

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

développement économique »858. L’État cherchait à maitriser les entreprises de grandes tailles
ce qui lui permettait d’orienter directement l’économie que ce soit pour remplir les objectifs
du plan, freiner l’augmentation des prix, contrôler les productions, les investissements ou
maintenir des services publics et des emplois859.
L’appareil de production est obsolète et détruit, les capitaux privés se font rares et on peut
nourrir des doutes sur la capacité des entrepreneurs privés à investir massivement dans un
cadre d’économie désormais planifiée. Qui plus est, il faut rattraper un retard dû au fait que la
France a insuffisamment profité des deux premières Révolutions industrielles ? L’unanimité
semble se faire sur le recours à des entreprises publiques. Cela se traduit dans le programme
du Conseil national de la Résistance860. L’interventionnisme économique oriente donc
principalement son action vers l’entreprise publique. Cette dernière apparait comme l’objet et
l’instrument de la démarche économique de la collectivité publique.
Juridiquement, l’alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946 traduit cette
tendance « tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un
service public ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ».
De 1946 à 1981, l’État a créé plusieurs entreprises publiques. Nous trouverons des
créations ex nihilo comme le RATP ou par regroupement comme Elf, Aérospatiale, UAP861.
Au cours de cette période, de grands opérateurs publics s’inscrivaient dans le paysage national
et assuraient des services essentiels notamment dans les transports et l’énergie exerçants, par
là, des effets structurants aussi bien en matière industrielle que sociale. Ces grands opérateurs
étaient considérés alors comme des services publics. En tant qu’entreprises, elles étaient
également des leviers de l’innovation technologique et de l’expérimentation, servant de
vitrine au savoir-faire français et participant au rayonnement international du pays862.
L’entreprise publique, telle qu’elle s’est affirmée dans le modèle de la période d’après-
guerre a deux grands domaines d’intervention et son régime de gestion combine autant la
poursuite de l’intérêt général et que le comportement marchand. Ces deux grands domaines
d’intervention sont le service public et la politique industrielle.
858Timsit (G), « Les relations entre l’État et les entreprises publiques », Revue administrative, 1983, p. 11.
859Joye (J-F), op, cit, p. 230.
860Nicinski (S), Droit public économique, op, cit, p. 315.
861Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 8.
862Gaeremynck (J), « Des entreprises et participations publiques, pour quoi faire ? », Actes de colloque, Les
entreprises publiques,
Paris, La documentation française, 2017, p. 21.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Sur le service public, les entreprises publiques sont l’acteur marchand de la fourniture des
services collectifs. Elles interviennent dans le domaine de ce que l’on peut appeler l’économie
des besoins863, c’est-à-dire l’ensemble des activités dans lesquelles, afin d’assurer la
satisfaction de droits fondamentaux ou de besoins sociaux jugés essentiels, la collectivité
publique intervient pour organiser la fourniture des prestations864. L’objectif d’égalité est
présent dans toutes ces activités, mais avec des degrés différents d’exigence. Lorsque l’on
veut assurer une égalité totale, la prestation est gratuite ou quasi-gratuite, elle est dispensée
hors marché par des administrations ou des établissements publics administratifs, ce qui est le
cas pour les fonctions visant à assurer le développement humain865. Dans d’autres domaines,
l’objectif d’égalité n’est pas absolu, il s’agit d’assurer à tous un niveau de satisfaction
minimum, au-delà duquel on s’accommodera d’une différenciation selon les ressources. C’est
dans cette seconde catégorie de situations qu’intervient l’entreprise publique, notamment dans
les domaines de l’énergie, du transport, de la communication et du logement. Dans ces
domaines, le modèle français est celui du monopole national qui s’impose aux collectivités
territoriales. L’exemple le plus caractéristique à cet égard a été celui de la distribution de
l’énergie où bien que conservant la qualité d’autorité concédante, les communes ont perdu le
libre choix de leur concessionnaire. Elles n’ont gardé de réelles marges de choix que pour
l’eau et les transports urbains866.
Sur la politique industrielle, il y aura eu, on le sait, à trente-cinq ans d’intervalle, deux
poussées de nationalisations, l’une et l’autre dans la foulée d’un programme politique : celui
du Conseil national de la Résistance à la libération qui a conduit à la nationalisation des
banques de dépôt et de certaines entreprises comme Renault, celui de la gauche unie en 1981
qui à contre-courant de l’évolution mondiale alors esquissée, a porté sur plusieurs grands
groupes industriels et sur la quasi-totalité du système bancaire867.
Contrairement à la Tunisie, la majorité des entreprises publiques en France se situent au
niveau local. En premier lieu, cela signifie que la richesse économique, entrepreneuriale du
pays se situe à l’échelon local. D’autre part, il en résulte que les collectivités territoriales vont
être les plus aptes à encadrer, organiser, corriger ou encore soutenir l’implantation et le
développement des entreprises sur leur territoire. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les
interventions des collectivités locales se sont développées sous la pression des nécessités
863Fournier (J), L’économie des besoins, Paris, Odile Jacob, 2013.
864Darold (J), op, cit, p. 53.
865Exemple éducation et santé.
866Darold (J), op, cit, p. 54.
867Ibid, p. 54.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

économiques et d'une crise du logement qui ne pouvait être jugulée par la seule intervention
de l'État qui devait se consacrer aux grands objectifs d'aménagement du territoire et n'avait
pas les moyens de se substituer aux communes notamment dans la maîtrise foncière. Les
entreprises privées préféraient quant à elles, se tourner vers l'industrie alors plus rentable868.
Le droit de créer des entreprises locales à participation publique telles les sociétés
d’économie mixte (SEM)869 a alors été étendu par une refonte du droit de l'interventionnisme
économique local, notamment le décret du 20 mai 1955. Ce décret étend aux départements les
compétences accordées précédemment aux communes notamment par les lois POINCARE870
et élargit les possibilités d'intervention de ces deux collectivités aux sociétés créées pour la
mise au point de projets d'équipement ou de gestion de services publics871.
Les SEM sont apparues comme l’outil par excellence de reconstruction de la France après
la Seconde Guerre mondiale, en même temps qu’un facteur de relance économique, sans
toutefois que la formule ait un grand succès jusqu’en 1955. À partir de cette date, les SEM
connaissent un véritable essor et vont être utilisées dans le secteur de l’aménagement et de
l’urbanisme, puis dans le secteur des services872. Elles occupent une place importante dans les
infrastructures de premier plan : autoroutes, parkings, aménagement, concessions de grands
sites touristiques (balnéaires ou de montagnes), mais aussi logements ou encore transports.
Aujourd’hui, elles interviennent encore majoritairement dans l’aménagement et l’immobilier
et désormais dans l’énergie, les transports et le numérique873.
Les entreprises publiques ont fortement contribué à l’équipement du pays et à sa
modernisation. Elles ont assuré dans de bonnes conditions l’accès au service public,
consolidant ainsi l’attachement dont il est l’objet en France, et même si elles ont été
temporaires, les nationalisations de 1981 ont rendu possible la restructuration nécessaire du
paysage industriel français. En 1982, le secteur public connait encore une phase de
développement. L’idée persiste qu’il faut maintenir et étendre le secteur public qui est
considéré comme le seul capable de réaliser d’importants risques économiques. Sont créées
868Darold (J), op, cit, p. 54.
869Une société d’économie mixte est une société anonyme dont le capital est majoritairement détenu par une ou
plusieurs personnes publiques à savoir l’État, les collectivités territoriales ou tout autre établissement public.
870Les décrets lois Poincaré du 26 novembre et du 28 décembre 1926 qui ont réellement marqué le point de
départ de l'économie mixte locale en autorisant les communes à prendre des participations dans les sociétés de
construction ou d'exploitation de services communaux.

871Darold (J), op, cit, p. 53.
872Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 416.
873Gauthey (G), « Entreprises publiques nationales et entreprises publiques locales : convergences et
divergences », Actes de colloque
Les entreprises publiques, Paris, la documentation française, 2017,
p. 93.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
les sociétés d’autoroute, les compagnies d’aménagement, le développement des SEML et des
régies sont transformées en entreprises publiques.
La nécessité de reconstruire et de promouvoir la croissance économique est perçue comme
les principales raisons justifiant le recours à l’entreprise publique en France. Néanmoins, en
Tunisie, le recours à l’entreprise publique a été justifié par la faiblesse du secteur public et
l’absence des investisseurs privés.
B. La faiblesse du secteur public et l’absence des investisseurs privés : les motifs
principaux du recours à l’entreprise publique en Tunisie
En Tunisie, le recours à l’entreprise publique était d’abord à cause de la faiblesse voire
parfois l’inexistence du service public874. L’administration coloniale était essentiellement
préoccupée par des questions d’ordre public. Cette situation a nécessité une intervention
intensive des pouvoirs politiques de façon à ce qu’il puisse garantir la construction de l’État
puis le développement économique et social. Ensuite, l’absence d’investisseurs privés capable
de prendre en charge certaines activités économiques a nécessité l’intervention de l’État dans
des secteurs habituellement du ressort du secteur privé. Cette double difficulté allait
engendrer la naissance de deux rôles de l’État, deux rôles différents mais complémentaires.
L’État s’est vu reconnaitre un rôle de locomotive voire de développeur économique chargé
d’une multitude de services publics et un rôle d’industriel dans la mesure où l’État était
appelé à intervenir dans des secteurs considérés traditionnellement comme des secteurs
concurrentiels tels le secteur des textiles, du tourisme, de l’agro-alimentaire (etc.)875.
C’est à la période du protectorat que remonte la naissance des premières entreprises
publiques en Tunisie876. À la fin du protectorat en 1956, le nouveau pouvoir se trouva devant
une situation dont les traits saillants étaient l’absence de l’esprit d’initiative, de la mentalité de
l’épargne et l’inexistence d’une bourgeoisie capitaliste capable de prendre la relève des
874« La politique des pouvoirs publics en matière de création d’entreprises publiques a été, dépourvue d’une
vision globale… elles sont nées au coup par coup et de manière étalée dans le temps, plutôt sous la pression des
contraintes économiques et sociales ». Ben Letaïef, (M)
L’État et les entreprises publiques en Tunisie, Paris :
L’Harmattan, 1998, p. 23.
875Larguet (L), « Fondement et cadre juridique de la restructuration des entreprises publiques », Actes de
colloque La restructuration des entreprises publiques, FDSPT, 1990, p. 23.
876La création des sociétés d’économie mixte dans le domaine minier (SOREMIT) et pétrolier (SEREPT) et des
offices généralement qualifiés d’établissements d’utilité publique comme l’office d’étude et de développement
des pêches, l’office du vin et l’office de l’huile. Les missions de ces offices étaient de nature principalement
administrative.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

colons877. Ainsi, la plupart des activités vont alors s’organiser sous forme d’entreprises
publiques. La prise en charge directe des principaux leviers de l’économie du pays par l’État
va cependant, se produire surtout à partir de l’année 1961. Donc, un mouvement de création
d’entreprises publiques va être lancé comme la création de la Société tunisienne de banques
(STB) en 1956, la Société tunisienne des chemins de fer de Tunisie (SNCFT) en 1956, la
Banque nationale agricole (BNA) en 1959, la Société tunisienne d’assurances et de
réassurances (STAR) en 1959 et la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG) en
1962878.
Les entreprises publiques étaient considérées comme essentielles pour des projets de
développement dont l’intérêt allait au-delà de ceux du secteur privé. C’était le cas pour
l'exploitation du phosphate, l'exploration pétrolière, la production de ciment et le raffinage du
pétrole. En outre, il a vite été assigné à ces entreprises des objectifs socio-économiques pour
la collectivité, tels que l'emploi ou la redistribution des revenus.
Malgré le tournant libéral dans les années quatre-vingts, le rythme de création des
entreprises publiques n’a pas arrêté. L’État sort désormais du cadre des secteurs vitaux et
diversifie ses créations. Pendant cette période, apparaissent notamment l’office des ports
aériens de Tunisie (OPAT, devenu Office de l’Aviation civile et des aéroports), de l’office
national de l’assainissement (ONAS), la Société générale industrielle des textiles (SOGITEX)
et de très nombreuses Unités et chaines hôtelières879.
L’État garde encore la mainmise sur un grand nombre d’entreprises opérant dans
différents secteurs aussi bien stratégiques qu’ouverts à la concurrence. Ces entreprises
publiques détiennent entre 50 % et 100 % des marchés du gaz, de l’électricité, du transport
ferroviaire, du transport aérien et des services de télécommunication de ligne fixe. Plusieurs
entreprises publiques jouissent de monopoles pour la production, l’importation et la
distribution de divers produits par exemple les céréales, l’huile, la viande ou le sucre.
877Ben Letaeif (M), op, cit, p. 18.
878Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 18.
879Ibid, p. 21.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Les entreprises publiques opèrent dans de nombreux secteurs, les plus importants étant le
transport, l'industrie, l'énergie, les services financiers et les services non financiers. Ces
structures sont présentes aussi bien dans des secteurs concurrentiels880 que non
concurrentiels881 ainsi que dans les services publics marchands882. La présence de l’État est
importante dans les services publics883 de même que dans l'importation de certains produits de
base tels que les céréales, le thé, le café, les huiles végétales, le fer et les produits
pharmaceutiques. De nombreuses entreprises publiques soumises à des régimes de
subventions ont des positions de monopole dans la production, l'importation et la distribution
de biens. Dans l’agriculture et l’agro-industrie, les entreprises publiques détiennent des
positions de monopole au sein de nombreux secteurs y compris l'import-export884 tandis que
plusieurs barrières règlementaires à l'entrée ont été relevées, en particulier sur les marchés des
intrants.
Les entreprises publiques constituent encore aujourd’hui
le principal moyen
d’intervention de l’État dans l’économie. Elles sont nombreuses et interviennent dans tous les
secteurs de l’économie. Elles occupent toujours une position dominante en matière de
production et d’emploi. Actuellement, en plus des secteurs des services publics et des
infrastructures en particulier, elles dominent encore les secteurs miniers, pétroliers et dans une
certaine mesure agricole. En 2014, la Tunisie comptait 104 entreprises publiques qui
employaient 3 % de la population active. Le nombre d’emplois dans certaines entreprises
publiques a augmenté de plus de 50 % depuis 2011. Selon les calculs du FMI, la Société
tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG), la compagnie aérienne Tunisair, la compagnie de
transport Transtu et la compagnie de distribution céréalière avaient un déficit cumulé de 0,8 %
du PIB en 2014. Or, il n’existe pas à ce jour de normes nationales de bonne gouvernance des
entreprises, qu’il s’agisse des entreprises publiques ou privées et la mise en application des
lois relatives à la comptabilité et l’audit financier des entreprises demeure faible s’étant
surtout jusqu’à présent focalisée sur le secteur bancaire. Les déficits sont généralisés dans ces
entreprises surtout dans les secteurs d’infrastructure et découragent en conséquent les
investisseurs privés de participer à ces secteurs. Les effets plus larges touchent à tant de
880Le ciment, le sucre, les produits agricoles, la construction/équipement/travaux publics et l'immobilier.
881Le pétrole, le raffinage, le commerce, le tabac et l'alcool.
882Électricité et gaz, eau, transport, poste et télécommunications.
883Électricité, eau, assainissement, transport.
884Le secteur sucrier à titre d’exemple.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

secteurs de l’économie que la question requiert un important effort de réflexion de la part des
autorités afin de réformer le modèle de développement économique du pays885.
En définitive, l’État a orienté son économie par le recours aux entreprises publiques. Et
pour orienter les activités de ses entreprises, il a eu recours au contrôle public886 « la tutelle
administrative ».
Paragraphe 2. L’orientation des activités de l’entreprise publique par le
contrôle étatique « La tutelle administrative »
Si la relation entreprise publique-État a été organisée selon le modèle de la tutelle
administrative, c’est à parce qu’à l’époque où sont apparues les premières entreprises
publiques, l’État ne connaissait aucun autre mode de contrôle887, ne disposant ni d’une
aptitude particulière ni d’un savoir-faire spécifique pour gérer les entreprises. Ce modèle de la
tutelle administrative a autant marqué les modalités du contrôle étatique des entreprises
publiques que son organisation, qui sont restées inchangées durant plus de cinquante
années888.
La tutelle administrative constitue le moyen de contrôle le plus rigoureux et limite
considérablement le champ de manœuvre des entreprises publiques. Elle peut s’exercer a
priori ou a posteriori et prend plusieurs formes : approbation ou annulation des décisions,
pouvoir de substitution, suspension ou révocation des élus voire même dissolution des
assemblées. Dans cette optique, nous étudierons en premier lieu l’expérience française dans le
contrôle des entreprises publiques (A) et en second lieu l’expérience tunisienne (B).
A. L’expérience française dans le contrôle des entreprises publiques : une
diversité de contrôles dont le Parlement a un rôle considérable
Une pluralité de contrôle pèse sur les entreprises publiques sans que toutefois le résultat
ne soit très efficace. C’est à travers ces contrôles que l’on se rend compte que les entreprises
publiques constituent en elles-mêmes un élément de la gestion de son économie par l’État.
Sous son visage de puissance publique chargée d’assurer l’intérêt général et de répondre aux
besoins de la population par l’intermédiaire des entreprises publiques, l’État exerce des
885OCDE, « Les partenariats public-privé en Tunisie », 2015, p. 27.
886Pour Marcel WALINE, « le contrôle peut se définir comme la vérification de la conformité d’une action avec
une norme qui s’imposait à celle-ci ; ce peut être une norme juridique (on parlera alors de contrôle de
régularité) ou une norme de bonne exécution (on parlera alors de contrôle de rentabilité ou d’efficacité
) ».
Waline (M),
Précis de droit administratif, Paris, Montchrestien, 1970, p. 516.
887G. Delion (A), « L’évolution du contrôle des entreprises publiques en France », RFAP, 1984, p. 689.
888Cartier-Bresson (A), op, cit. p. 259.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
contrôles de deux ordres. En premier lieu un contrôle a priori (1) et en second lieu un contrôle
a posteriori (2).
1. Le contrôle a priori
Le décret du 26 mai 1955 portant aménagement des textes relatifs au contrôle
économique et financier de l’État est modifié par le décret du 21 mai 1973889 soumit
d’établissements publics ayant pour objet principal une activité commerciale, industrielle ou
agricole, les sociétés ou les groupements d’intérêt économique dans lesquels l’État détient
plus de 50 % du capital890 .
Les entreprises sont généralement placées sous la tutelle d’un ou plusieurs ministres891
(ministre des transports pour Air France, la SNCF et la RATP. Ministre de l’industrie pour
EDF-GDF, etc.) représentés par un Commissaire du gouvernement désigné pour représenter
le ou les ministres auprès de la direction et siéger au Conseil d’administration de
l’entreprise892.
Le ministre de l’économie et des finances gère les participations financières de l’État dans
les entreprises893. Il l’assure sur toutes les entreprises publiques à l’exception de celles qui en
sont légalement dispensées, acquérant ainsi une grande liberté d’action. En effet, le ministre
détient le pouvoir d’approuver préalablement certaines décisions capitales portant sur les
budgets, les bilans et les prises de participations financières certaines rémunérations.
Une surveillance constante provient de personnes nommées par l’État au sein de
l’entreprise et appelées contrôleur d’État894. Ils interviennent dans la plupart des entreprises
889Voir, décret n° 55-733 du 26 mai 1955 portant codification et aménagement des textes relatifs au contrôle
économique et financier de l'état,
JORF, 1955, p. 5547, décret n°73-502 du 21 mai 1973 relatif aux infractions a
certaines dispositions du titre 1 du livre 1 du code de la sante publique,
JORF, 1973, p. 5755
890Cité par Delvolvé (P), Droit public économique, op, cit, p. 738.
891« La tutelle du ministre de l’économie et des finances est permanente en vertu de ses compétences générales
dans l’économie mais elle est spécialement le fait d’un ministre « technique » de tutelle : ministre des transports
pour la SNCFT, de la défense pour l’Aérospatial, l’industrie pour EDF-GDF. Le contrôle d’État trouve son
fondement dans le décret du 9 août 1953 modifié par celui du 16 février 1978 (
JO, du 17 février 1978)
définissant les décisions des entreprises publiques qui sont soumises à l’approbation préalable du ministre de
l’économie et des finances et du ministre « technique » de tutelle (budgets ou états prévisionnels de recettes et
dépenses, bilans et comptes de résultat, cessions, prises de participations financières, mesures de rémunération
du personnel, règles relatives à la tenue des comptes. Toutefois, un décret du 2 décembre 1982,
JO du 4
décembre 1982,
JCP, 1982, III, 53478), soustrayait les sociétés nouvellement nationalisées par la loi du 11 juillet
1982 et leurs filiales aux cas d’approbation préalable pour les budgets, les bilans, les états prévisionnels de
recettes et dépenses et les règles relatives aux tenues de compte ». Joye (J-F), op, cit, pp. 69-70.
892Orsoni (G), op, cit, p. 149.
893Article 36 de la loi n°48-24 du 6 janvier 1948 et article 10 de la loi n°49-985 du 25 juillet 1949.
894Un décret du 15 décembre 1934 avait créé un contrôleur financier dans les entreprises qui devient un
contrôleur d’État en 1944.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

nationales, à l’exception en particulier de la régie Renault, des banques et compagnies
d’assurances, du commissariat à l’énergie atomique, de la SNCF et de la RATP qui sont
soumis à des dispositions particulières. Ils sont également présents dans les sociétés dans
lesquels l’État détient plus de la moitié du capital, dans les organismes percevant des taxes et
dans les services autonomes de l’État à caractère industriel ou commercial. À l’inverse, ils
sont absents des nouvelles entreprises nationalisées895.
Le contrôleur d’État examine plus particulièrement l’activité économique et la gestion
financière de l’entreprise. Il assiste au Conseil d’administration et aux principaux Comités de
décision. Il dispose des pouvoirs d’investigation les plus étendus sur pièces et sur place et
informe le ministre sur les projets des entreprises contrôlées qui sont soumis à l’approbation
de la tutelle. Il rédige enfin un rapport annuel sur les principales évolutions de l’entreprise896.
Selon Michel DURUPTY, « les fonctions des contrôleurs d’État peuvent être regroupées
autour de cinq fonctions : la fonction d’information, le contrôle de régularité des décisions, le
contrôle d’orientation, le contrôle d’efficacité et enfin le contrôle de conseiller »897.
Les contrôleurs d’État disposent dans des cas prévus par des arrêtés ministériels d’un
pouvoir de visa préalable sur certains actes, notamment sur les marchés dépassant des seuils
importants passés par de grands établissements (EDF, GDF, Houillères, SNCF, RFF) dans le
cadre des programmes d’investissement. Ils participent aussi aux séances du Conseil
d’administration, des divers Comités liés à la direction et à l’Assemblée générale dans le cas
des sociétés. Ils reçoivent à cet effet les convocations, les ordres du jour et les documents
joints. Ils ont aussi tous pouvoir d’investigation sur pièces et sur place898.
Pour contrôler l’entreprise publique, l’État a eu recours aussi à un contrôle plus général
accordé par des organismes spécialisés.
2. Le contrôle a posteriori
Le contrôle a posteriori est un contrôle assuré par des organes spécialisés tels le
Commissariat Général du plan et le Haut Conseil du secteur public qui suit l’évolution du
secteur public et livre ses recommandations aux pouvoirs publics dans un rapport paraissant
895Rapport, « Le secteur public concurrentiel en 1987-1988 », op, cit, p. 119.
896Rapport, « Le secteur public concurrentiel en 1987-1988 », op, cit, p. 120.
897Durupty (M), Les entreprises publiques, 2- Gestion-Contrôle, op, cit, p. 323.
898G. Delion (A), Droit des entreprises et participations publiques, op, cit, p.103.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
tous les deux ans899. Le contrôle est également parlementaire. Même si sous la Vème
république, il est allégé900, il est actuellement limité à des missions d’information et la
constitution de Commissions de contrôle et d’enquête pour examiner
la gestion
administrative, financière ou technique des services publics ou des entreprises nationales901.
Le contrôle a posteriori repose tout d’abord sur la Cour des comptes en vertu de l’article
L. 111-4 du Code des juridictions financières « la Cour des comptes contrôle les entreprises
publiques ». Elle a pour mission de vérifier les comptes des entreprises publiques depuis 1967
pour les organismes subventionnés et depuis 1976902 pour tout organisme public et ce en
remplacement de la Commission de vérification des comptes des entreprises publiques créée
par la loi du 6 janvier 1948903.
L’article L. 133-1 du Code des juridictions financières énonce que « la Cour des comptes
assure la vérification des comptes et de la gestion des établissements publics de l’État à
caractère industriel et commercial, des entreprises nationales, des sociétés nationales, des
sociétés d’économie mixte ou des sociétés anonymes dans lesquelles l’État possède la
majorité du capital social »904.
La compétence de la Cour est obligatoire à l’égard « des établissements publics de l’État
de caractère industriel et commercial, des entreprises nationales, des sociétés d’économie
mixte ou des sociétés anonymes dans lesquelles l’État possède la majorité du capital »905.
Pour les entreprises exerçant une activité industrielle ou commerciale, la compétence de la
Cour est facultative.
899Crée par l’article 53 de la loi de nationalisation du 11 février 1982 et décret du 3 juin 1982 mais restant un
organe de réflexion, d’étude et de proposition sur le service public et non de direction. Cet organe a été complété
par un observatoire du secteur public rattaché au service des entreprises nationales du ministère de la recherche
et de l’industrie, dont la mission est la publication tous les six mois des résultats d’exploitation des entreprises
publiques et d’informer toute personne intéressée (article 11 du décret du 9 septembre 1982,
JO, du 10
septembre 1982).
900La loi du 3 avril 1955 avait organisé le contrôle des parlementaires sur les entreprises publiques nationales.
Voir, Vedel (G), « Le contrôle par les Commissions parlementaires de la gestion des entreprises industrielles
nationalisées et des sociétés d’économie mixte »,
Droit social, 1955, pp. 137-145.
901Par exemple, en 1944, le Crédit Lyonnais a fait l’objet d’un contrôle de la part d’une Commission d’enquête
parlementaire. Rapport sur la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale, 1994.
902Loi n°67-483 du 22 juin 1967 relative à la cour des comptes, JORF, 1967, p. 6211.
903Loi n° 48-24 du 6 janvier 1948 relative à diverses dispositions d'ordre budgétaire pour l'exercice 1948 et
portant création de ressources nouvelles, 1948,
JORT, p. 199.
904Article 6-bis de la loi n°67-483 du 22 juin 1976 relative à la Cour des comptes modifiée par la loi de finances
rectificative pour 1976 (loi n°76-539 du 22 juin 1976,
JO, 23 juin 1976, p. 3739) toujours en vigueur.
905Muzellec (R), « Le contrôle de la Cour des comptes sur les entreprises publiques », AJDA, 1976, p. 548.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

La Cour des comptes a compétence à l’égard de l’État, du fait d’attributions de crédits
budgétaires906, de prélèvements obligatoires907, d’apports en capital parfois assortis de
subventions908 ou de concours financiers publics à des organismes non publics de toutes
sortes. Elle exerce la plénitude des tâches de vérification. D’une part, elle atteste la régularité
des comptes et celle des opérations qu’ils décrivent par des comparaisons avec des textes
juridiques ou des chiffres, notamment budgétaires. D’autre part, elle évalue la performance
par des comparaisons avec des normes résultant d’objectifs préfixés, de critères managériaux
ou d’autres références qui permettent de mesurer l’efficacité et l’efficience909.
En ce qui concerne les modalités d’exercice de sa mission, la Cour des comptes exerce
une double tâche. D’une part, elle exerce un contrôle juridictionnel des comptes des
comptables publics dans les établissements publics industriels et commerciaux qui en sont
dotés. D’autre part, elle exerce un contrôle général de caractère administratif et financier qui
porte sur les comptes et sur la gestion sur l’ensemble des entreprises publiques910.
En France, la Cour de discipline budgétaire et financière créée par la loi du 25 septembre
1948911 est indépendante de la Cour des comptes mais entretient tout de même avec elle des
rapports étroits. Elle sanctionne les dirigeants d’entreprises publiques s’ils s’octroient des
compléments et rémunération dans des conditions irrégulières. À titre d’exemple, elle a
considéré comme irrégulier l’extension aux fonctionnaires détachés l’octroi de l’indemnité de
fin de carrière. La Cour peut encore sanctionner les responsables d’une entreprise publique
pour l’octroi de frais de déplacement irréguliers à des personnes étrangères à la société ou
pour le paiement de l’essence à un fonctionnaire pour se rendre à son domicile personnel.
Finalement, la Cour va surtout sévèrement sanctionner les responsables d’entreprises
publiques qui se seraient octroyé des avantages irréguliers ou personnels (travaux dans les
logements, frais accessoires au logement abusivement gratuits)912.
Le contrôle financier a posteriori repose aussi sur les Commissaires aux comptes sur le
fondement de l’article 228 de la loi du 24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales. Le
Commissaire aux comptes exerce surtout un contrôle sur les entreprises publiques, en
906Administrations de l’État.
907Sécurité sociale.
908Etablissements publics et entreprises publiques.
909G. Delion (A), Droit des entreprises et participations publiques, op, cit, p. 108.
910Kerninon (J), op, cit, p. 96.
911Loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat
et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière,
JORF, 1948,
p. 9461.
912Poyet (M), op, cit, p. 279.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
particulier, les Sociétés d’économie mixte. Ces derniers relèvent des Commissaires aux
comptes et non des règles de la comptabilité publique913.
Le Commissaire aux comptes est un acteur extérieur à l'entreprise ayant pour rôle de
contrôler la sincérité et la régularité des comptes annuels établis par une société ou autre
institution, en réalisant pour cela un audit comptable et financier. Il s'agit d'une mission
légale, pouvant toutefois être décidée volontairement par l'entreprise. La principale mission
du Commissaire aux comptes est le contrôle des comptes annuels qui comprennent, de façon
indissociable le bilan, le compte de résultat et l’annexe. Elle consiste à certifier que les
comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat, de la
situation financière et du patrimoine de l’entreprise. La loi du 10 juin 1994914 a instauré une
procédure d’alerte qui consiste pour le Commissaire aux comptes à informer les dirigeants des
entreprises des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation qu’il a relevés à
l’occasion de l’exercice de sa mission. Cette procédure prend fin avec l’information de
l’Assemblée générale et éventuellement du Président du Tribunal. Le Commissaire aux
comptes dispose donc d’un pouvoir assez large quant à la vérification des comptes.
Cependant, la loi fixe certaines limites. Les Commissaires aux comptes ne doivent en
aucun cas s'immiscer dans la gestion de la société. Le Commissaire n’est délié du secret
professionnel que vis-à-vis de certaines personnes dont les autorités judiciaires (notamment le
procureur de la République en raison de l’obligation de lui révéler les faits délictueux dont il a
eu connaissance) dans les cas prévus par la loi ainsi que les Chambres régionales des
comptes915.
Le contrôle parlementaire trouve ses fondements dans les dispositions de l’article 164 de
l’ordonnance du 30 décembre 1958 portant loi de finance pour l’année 1959916 aux termes
desquelles le Parlement doit disposer d’une information par les nombreux documents qui lui
sont communiqués à l’appui des projets de loi de finances par le gouvernement. À cet égard,
la Cour des commissions des finances des Assemblées parlementaires entretient des rapports
privilégiés avec la Cour des comptes pour le contrôle de l’entreprise publique. L’article 10 de
la loi du 22 juin 1967 dispose que « la Cour procède aux enquêtes qui lui sont demandées par
913Vital-Durand (E.), Les collectivités territoriales en France, Paris, Hachette supérieur, 2008, p.119.
914Loi n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, JORF,
1994, p. 8440
915Lorraine-Voland (M), « Le rôle du commissaire aux comptes au sein d'une société », mise en ligne le 18 aȏut
2014, consulté le 15 avril 2018, URL : http://www.avocats-picovschi.com/le-role-du-commissaire-aux-comptes-
au-sein-d-une-societe_article_299.html
916Ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, JORF, 1958, p.12071
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

les Commissions des finances du Parlement sur la gestion des services ou organismes qu’elle
contrôle. Le premier Président peut donner connaissance aux Commissions des finances du
Parlement des observations et constatations de la Cour »917. Ces liens ont été renforcés par la
loi du 19 juillet 1977 qui a étendu aux Commissions parlementaires de contrôle. Le sénateur
Christian PONCELET918, qui est « un fervent partisan d’une intensification des relations
qu’entretiennent la Cour des comptes et le Parlement », souhaite qu’au-delà du contrôle de
l’exécution des lois de finances s’instaure un dialogue réel et suivi entre la Cour et le
Parlement.
Le contrôle parlementaire a surtout deux objectifs. D’abord, le dépassement des clivages
politiques selon les termes de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement
des Assemblées parlementaires919. Les membres du Parlement ont institué une représentation
de la minorité politique aux côtés de la majorité. Depuis 1958, la pratique du Parlement
consiste à assurer la représentation de tous les groupes politiques, même minoritaires dans
toutes les commissions d’enquête et de contrôle. Ensuite, le contrôle parlementaire a pour
objectif le maintien de l’impartialité de l’entreprise publique. Le parlement doit également
s’assurer que l’entreprise publique remplit sa mission de service public en toute impartialité et
hors des clivages financiers, économiques ou politiques. Dans cet aspect, le contrôle
parlementaire a pour mission de vérifier que la volonté générale, l’intérêt général voire
l’intérêt national prime sur les intérêts particuliers920.
Les Assemblées sont en effet tenues d’exercer une vigilance particulière sur les
entreprises publiques en raison de leur importance du point de vue des financements
budgétaires et de leur place dans les fonctions de tutelle exercées par le gouvernement921.
Chaque Assemblée dispose de la possibilité de former des Commissions de contrôle pour
examiner la gestion administrative, financière ou technique de services publics ou
d’entreprises nationales922.
917Picard (J-F), Finances publiques, Paris, Litec, 1995, p. 233.
918Poncelet (C), « Introduction » RFFP, 1997, p. 125.
919Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des Assemblées parlementaires,
JORF, 1958, p.10335.
920Poyet (M), op, cit, p. 279.
921Rapport, « Le secteur public concurrentiel en 1987-1988 », op, cit, p. 127.
922Mestre (A), op, cit, p. 290.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En plus des Commissions permanentes à vocation économique générale des deux
Assemblées, il peut exister des Commissions spécialisées. Sous la IV république, chaque
Assemblée disposait d’une sous-commissions permanent chargée de suivre la gestion des
entreprises publiques. Elles ont été remplacées après par des Commissions d’enquête
temporaires dont la Constitution est prévue par l’ordonnance du 17 novembre 1958 et modifié
par la loi du 20 juillet 1991. Selon ce dernier texte, elles sont formées pour recueillir des
éléments d’information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou
des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l’assemblée qui les a
créées923.
Le rôle du Parlement a été renforcé par la révision constitutionnelle de l’été 2008 sur la
réforme des institutions de la V république, sans compter qu’il participe désormais au
processus de désignation des dirigeants des entreprises publiques les plus importantes. De
plus, les parlementaires peuvent se faire communiquer des informations relatives aux
entreprises contrôlées majoritairement par l’État924.
Le contrôle sur les entreprises publiques en France était un catalyseur de l’émergence du
contrôle en Tunisie qui a été inspiré par le modèle administratif français lui-même fondé sur
l’idée de tutelle. En fait, dès la période du Protectorat, les contrôles sur les entreprises
publiques constituaient une simple transposition de textes du droit français qui établissaient
un modèle fondé sur l’idée de tutelle.
B. L’expérience tunisienne dans le contrôle des entreprises publiques : un
contrôle tatillon dont le Parlement a un rôle mineur
L’État exerce un contrôle sur les entreprises publiques dans une logique qui leur est propre
et qui se caractérise par un régime juridique de droit public. Ces contrôles de l’État sont
exercés par de multiples instances, tant administratives que juridictionnelles et politiques.
C’est à travers ces contrôles que l’on se rend compte que les entreprises publiques
constituent en elles-mêmes un élément de la gestion de son économie par l’État. Dans ce sens,
Mansour MOALLA prévoit que « pour atteindre cet objectif, il convient tout d’abord de
923Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 729.
924Article 164-I de l’ordonnance du 30 décembre 1958 aménagé par l’article 20 de la loi du 8 aȏut 1994.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

renforcer la position de l’État dans le domaine économique de façon à lui permettre
d’exercer un certain contrôle sur l’orientation économique générale »925.
En Tunisie, les modalités de contrôles pesant sur les entreprises publiques par l’État se
résume en contrôle a priori (1) et contrôle a posteriori (2) qui peut prendre de nombreux
types qu’elles soient économique, financière, administrative ou politique.
1. Le contrôle a priori
L’administration publique exerce un contrôle a priori sur les entreprises publiques. La
finalité de ce contrôle est d’exercer un pouvoir d’orientation des activités de l’entreprise
conformément à la politique économique et sociale de l’État et des objectifs fixés par le plan
de développement. Mais aussi de bloquer dans l’hypothèse d’un acte irrégulier ou qui cadre
mal avec les orientations des pouvoirs publics, la procédure926.
Ce contrôle préalable obéit à un principe de double contrôle. L’un dit de tutelle
technique927 et l’autre dit de tutelle financière928. Ce contrôle préalable est aussi exercé par le
contrôleur d’État. À ces contrôles vient s’ajouter celui exercé par le ministère du
développement économique.
Dans le cadre légal actuel en Tunisie, le ministère de tutelle a pour responsabilité
principale de surveiller les entreprises publiques. Chaque ministère est chargé de concevoir et
de fixer les politiques du secteur d'activité dont il est responsable, de déterminer les objectifs à
atteindre par les entreprises et donc d’orienter leurs actions en ce sens. Ce contrôle repose sur
l’idée que tout ministère dispose de deux fonctions principales à l’égard des entreprises
placées sous sa tutelle et qui sont de concevoir et de fixer les politiques du secteur d’activité
dont il est responsable et déterminer dans ce cadre les objectifs à atteindre par les-dits
entreprises et orienter leurs actions en ce sens929.
D’après le décret du 2002, les ministères de tutelle ont les responsabilités suivantes
« Nomination des membres du Conseil d'administration. Nomination des dirigeants. Un
ministre nomme le président-directeur général (PDG) et l'équipe de direction. Approbation
des décisions du conseil d’administration. Les décisions des Conseils d’administration des
925Moalla (M), L’État tunisien et l’indépendance, Tunis, Cérès, 1993, p. 258.
926Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 81.
927La tutelle technique est un contrôle exercé par les ministères de rattachement essentiellement par les directions
spécialisées au sein de ces ministères.
928La financière est un contrôle exercé par le ministère des finances.
929Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 85.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
entreprises publiques sont soumises à l’approbation du ministre de tutelle. Les décisions ne
deviennent applicables qu’après accord explicite de ce dernier. Il s'agit notamment des
décisions qui sont normalement considérées comme la responsabilité des actionnaires
(contrats de performance, états financiers, approbation du budget et de son exécution et
rémunération de la direction). Décisions relatives aux ressources humaines. La loi donne le
pouvoir au ministre d'approuver ou non les décisions relatives aux rémunérations,
organigrammes et recrutements. Aussi, toute modification des entreprises publiques
entrainant des changements dans l’organigramme ou l’ouverture de postes de direction est
soumise à autorisation préalable du ministère de tutelle. Ces modifications font l’objet de la
publication d’un décret du chef du Gouvernement »930.
L’objectif de ce contrôle est de suivre la gestion de l’entreprise publique qui consiste à
faire respecter la législation et la règlementation, la cohérence par rapport aux orientations
générales de l’État et la conformité par rapport aux règles de bonne gouvernance. Toutefois, à
cause de la mauvaise circulation de l’information entre les différentes directions d’un même
ministère et avec les résultats médiocres de ministère du développement économique, ce
contrôle est répétitif et émietté. Il n’obéit pas à une cohérence d’ensemble, bien que ce soit là
l’objectif de la réforme de 2002931.
Le ministère des finances est également compétent pour exercer certaines formes de
contrôles financiers. Au sein de ce ministère, plusieurs directions générales interviennent dans
le contrôle des entreprises publiques. La Direction générale du trésor exerce un contrôle des
entreprises publiques notamment en matière d’investissement. De son côté, la Direction
générale du budget intervient dans le contrôle préalable des entreprises publiques, au titre de
sa mission d’examen et de suivi de toutes les questions ayant une incidence financière sur le
budget de l’État. La Direction générale de financement joue également un rôle important dans
l’encadrement financier des entreprises publiques dans le cadre de ses missions générales
d’examen de toutes les questions se rapportant au statut de l’investissement et à la promotion
des projets productifs et dans ce cadre, de toutes les demandes tendant à l’octroi de l’aide
fiscale et financière de l’État. De même la Direction générale des assurances exerce le
930Article 3 alinéa 1 du décret 2002-2197 du 7 octobre 2002, relatif aux modalités d’exercice de la tutelle sur les
entreprises publiques, à l’approbation de leurs actes de gestion, à la représentation de leurs actes de gestion, à la
représentation des participants publics dans leurs organes de gestion et de délibération et à la fixation des
obligations mises à leur charge,
JORT, 2002, p. 2364.
931Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 87.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

contrôle des entreprises de ce secteur relevant normalement des compétences du ministère des
finances au titre du rattachement technique932.
Le ministère des domaines de l’État et des affaires foncières exerce aussi un contrôle sur
les entreprises publiques. Deux directions sont compétentes. La Direction générale du
recensement des biens publics et la Direction générale de la gestion et des ventes.
En Tunisie, le contrôle d’État est un outil de contrôle préventif de la majorité des
organismes publics, notamment les entreprises et les établissements publics à caractère non
administratif. Depuis les décrets des 30 septembre et 7 octobre 2002, le corps du contrôleur
d’État est rattaché au Premier ministère et dirigé par un Comité de contrôle d’État933.
Les contrôleurs d’État exercent au sein des entreprises publiques une mission de contrôle
général. À côté du contrôle de toute opération susceptible d’avoir des répercussions
financières sur l’entreprise, les contrôleurs d’État sont chargés de s’assurer notamment du
respect des obligations mises à la charge des entreprises publiques, de l’application des
décisions prises par ses organes des entreprises publiques, de l’application des décisions
prises par ses organes délibérants, du suivi de leur fonctionnement et de l’évolution de
situation934.
Conformément aux dispositions de la loi du 1 février 1989935, les contrôleurs d’État
effectuent deux types de contrôles. Un contrôle de régularité et un contrôle d’orientation. Le
contrôle de régularité est un contrôle qui a pour objet de veiller à la sauvegarde des intérêts de
l’État et de s’assurer du respect des règles auxquelles sont assujetties les entreprises
publiques. Il s’agit, en l’occurrence de la passation des marchés de l’entreprise dans le cadre
de droit en vigueur, de l’application des régimes de rémunération dans l’entreprise et de
l’exécution de l’ensemble des obligations mises à sa charge936. Par contre le contrôle
d’orientation est un contrôle qui vise quant à lui, à s’assurer de l’application des directives et
instructions données aux entreprises publiques. Celles-ci concernent notamment l’élaboration
des contrats-programmes et des budgets prévisionnels, l’exécution des décisions de la
932Ben Letaief (M), L’État et les entreprises publiques, les mutations de contrôle, op, cit, p. 220.
933Ben Letaif (M), « L’évolution du contrôle des entreprises publiques », (dir) Sanchez Moron (M), Ben Letaief
(M),
La réforme des contrats publics en Espagne et en Tunisie, Tunis, Aecid, 2010, p. 137.
934Ghrab (R), « Le contrôle d’État sur les entreprises publiques », Actes de colloque le droit des entreprises
publiques, op, cit, p. 103.
935Loi n°89-9 du 1er février 1989 relative aux participations, entreprises et établissements publics telle que
modifiée et complétée par la loi n°94-102 du 1er aout 1994, la loi n°96-74 du 29 juillet 1996, la loi n°99-38 du 3
mai 1999 et la loi n°2001-33 du 29 mars 2001.
936Ben Letaeif (M), L’État et les entreprises publiques en Tunisie. Les mutations du contrôle, op, cit, p. 233.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
commission d’assainissement et de restructuration des entreprises publiques, les décisions des
organes délibérants de l’entreprise et la réalisation des actions spéciales confiées par l’État à
l’entreprise937.
Le contrôleur d’État exerce aussi la fonction d’information. La mission d’information et
de conseil est exercée tant au profit de l’autorité administrative de contrôle qu’au profit des
administrateurs de l’entreprise. Au profit de son ministère, le contrôleur d’État établit des
rapports périodiques d’informations. Ces rapports à caractère ponctuels sont établis chaque
fois qu’intervient un fait nouveau susceptible d’avoir des répercussions financières, soit sur
l’entreprise, soit sur l’action du ministère. Par contre, en direction de l’entreprise, la fonction
d’information consiste notamment en la transmission aux dirigeants des instructions et
informations en provenance du ministère accompagnées de ses éclaircissements et
commentaires938.
2. Le contrôle a posteriori
Les contrôles a posteriori exercés par les autorités administratives sont des contrôles
externes donnés à des agents de contrôle aux compétences et au champ d’intervention vaste,
pouvant porter sur l’ensemble des aspects de la gestion. Dans ce type de contrôle939, intervient
la Cour des comptes, la Cour de la discipline financière le Parlement.
En Tunisie, c’est la loi du 8 mars 1968 qui a inscrit l’organisation de la Cour des
comptes940, institution supérieure de contrôle prévue par l’article 57 de la Constitution du 1
juin 1959 qui dispose que « une cour des comptes chargée de vérifier les comptes de l’État et
d’en adresser rapport au Président de la république et à l’Assemblée nationale. La
composition et la compétence du conseil d’État ainsi que la procédure applicable devant cette
juridiction sont fixées par la loi ».
La Cour des comptes n’a pas d’attributions juridictionnelles à l’égard des entreprises
publiques car elles ne sont pas soumises à la comptabilité publique. Elle a des attributions que
l’on qualifie d’administratives, des contrôles sur dossiers et sur place941. Elle est compétente
pour examiner les comptes et la gestion de l’État, des collectivités publiques locales et des
établissements publics dont le budget est rattaché pour ordre au budget général de l’État. Elle
937Ben Letaeif (M), L’État et les entreprises publiques en Tunisie. Les mutations du contrôle, op, cit, p. 233.
938Ibid, p. 235.
939Pour le contrôle a posteriori, voir, Bazy-Maulaurie (C), « Le contrôle a posteriori est-il adapté aux ambitions
de la rénovation institutionnelle ? »,
RFAP, 2007.
940Loi n° 68-8 du 8 mars 1968, portant organisation de la Cour des comptes, JORT, 1968, p. 320.
941Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 34.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

est compétente aussi pour contrôler les comptes et la gestion des établissements publics non
administratifs et des entreprises publiques et de tous les organismes quelle que soit leur
dénomination dans lesquels l’État et les collectivités publiques locales possèdent une
participation en capital directe ou indirecte942.
La Cour des comptes exerce sur les entreprises publiques un large contrôle administratif a
posteriori. L’article 22 de la loi du 8 mars 1968 dispose qu’elle a « tous pouvoirs
d’appréciation de leur gestion ». L’article 7 prévoit aussi que la Cour « doit déceler toute
irrégularité au infraction, ordonner les redressements nécessaires, apprécier les méthodes de
gestion et formuler les réformes à introduire ».
Selon la nouvelle Constitution de 2014, « la Cour des comptes est compétente pour
contrôler la bonne gestion des deniers publics conformément aux principes de légalité,
d’efficacité et de transparence. Elle juge la comptabilité des comptables publics. Elle évalue
les modes de gestion et sanctionne les fautes y afférentes. Elle assiste le pouvoir législatif et le
pouvoir exécutif dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de règlement du
budget. La Cour des comptes établit un rapport général annuel qu’elle soumet au Président
de la République, au Président de l’Assemblée des représentants du peuple, au Chef du
Gouvernement et au président du Conseil supérieur de la magistrature. Ce rapport est publié.
La Cour des comptes établit, le cas échéant, des rapports spéciaux pouvant être publiés »943.
En Tunisie, la Cour de discipline financière est le juge des infractions commises par les
gestionnaires des entreprises publiques. Elle ne peut prononcer que des sanctions pécuniaires.
Elle a été créée par la loi du 20 juillet 1985944. Elle est compétente pour juger des fautes de
gestion des ordonnateurs du secteur public et des gestionnaires et des agents des entreprises
publiques.
Aux termes de l’article 3 de la loi du 20 juillet 1985 « sont considérés fautes de gestion
pour ce qui concerne les entreprises publiques : tout acte de gestion qui n’aurait pas satisfait
aux conditions de contrôle auxquelles il est soumis conformément à la législation et à la
règlementation en vigueur. Tout acte de gestion passée par une personne qui aura engagé
l’entreprise sans en avoir le pouvoir et sans avoir reçu délégation régulière de pouvoir à cet
942Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 35.
943Article 117 de la Constitution de 2014.
944Loi n°85-74 du 20 juillet 1985 relative à la sanction des fautes de gestion commises à l’égard de l’État, des
établissements publics administratifs, des collectivités publiques locales et des entreprises publiques et à la
création d’une cour de discipline financière,
JORT, 1985, p. 960.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
effet. Tout acte de gestion qui, même reprit en comptabilité, ne pourra être justifié par son ou
ses auteurs par la production des pièces prouvant la réalité de son exécution. Tout acte de
gestion passée par une personne qui aura, en méconnaissance de ses obligations, procuré ou
tenté de procurer à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entrainant un
préjudice à l’entreprise. Et d’une manière générale, tout acte contraire aux lois, décrets et
règlements applicables à la gestion des entreprises publiques et entrainant pour celles-ci un
préjudice pécuniaire ».
Les entreprises publiques sont pour les pouvoirs publics un instrument d’intervention
essentiel. Elles assurent dans plusieurs secteurs des responsabilités vitales et leurs projets
entrainent le plus souvent des dépenses considérables relevant au moins en partie du budget
de l’État. Le parlement ne saurait donc se désintéresser de leurs activités et de leur gestion. Le
contrôle politique de la représentation nationale sur les entreprises publiques devrait donc être
le contrôle principal et le plus attentif sur ces entreprises. Le parlement est logiquement
l’instance suprême qui devait fixer les finalités globales des entreprises publiques, voter les
moyens à mettre à leur disposition pour mettre en œuvre ces finalités et poursuivre la gestion
par référence précisément à ces finalités et orientations globales. Pourtant, dans les faits, le
contrôle de la chambre des députés tunisienne sur les entreprises publiques est trés faible pour
ne pas dire inexistant. Ce caractère marginal découle de la faiblesse des moyens d’information
et d’investigation, notamment directs, dont dispose la chambre des députés. D’autre part, les
mécanismes prévus par la Constitution pour assurer ce contrôle s’avèrent particulièrement
inadaptés pour assurer un contrôle efficace.
La Constitution du 1er juin 1959, instaurant un régime politique de type présidentialiste,
n’a pas doté le Parlement de moyens suffisants pour lui permettre d’exercer un contrôle
substantiel sur le secteur public en particulier et sur le pouvoir exécutif de manière générale.
La réforme constitutionnelle du 8 avril 1976 a tenté de rééquilibrer les deux pouvoirs, exécutif
et législatif, en introduisant dans le régime politique tunisien certain des techniques du régime
parlementaire. Malgré cette tentative, les moyens dont dispose la Chambre des députés pour
assurer un contrôle efficace restent à la fois largement insuffisants.
Le Parlement ne dispose donc d’aucun moyen de sanctionner directement les dirigeants
des entreprises publiques, il doit ainsi s’en remettre à la bonne volonté du gouvernement.
L’intervention du Parlement en matière de contrôle des entreprises publiques s’effectue sous
son aspect constitutionnel, dans le cadre du pouvoir de surveillance qu’il exerce sur l’action
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

du gouvernement, il se manifeste, notamment par la discussion budgétaire. À l’occasion de la
présentation du budget, les parlementaires disposent certes, d’un grand nombre de documents
et d’informations, mais il faut reconnaitre que ces informations sont loin d’être toujours
suffisamment claires et pertinentes pour permettre aux parlementaires d’exercer sérieusement
leur fonction de contrôle. Cette situation est aggravée par le fait que ces informations
nécessitent une charge importante de travail. Or, les parlementaires disposent de peu de temps
et de moyens pour pouvoir recourir à des experts indépendants et doivent adopter la loi de
finances dans un délai relativement court. Cette procédure, qui oblige les députés à examiner
dans de très brefs délais, une masse de crédits considérables, n’apparait donc pas propice à
l’exercice d’une surveillance approfondie sur la gestion et les finances des entreprises
publiques945.
En fait, sur le plan institutionnel et politique, la Constitution a consacré dès 1959 un
régime politique présidentialiste, favorisant un net déséquilibre entre le pouvoir législatif et le
pouvoir exécutif au profit de ce dernier. En Tunisie, non seulement le pouvoir législatif est
dominé par le pouvoir exécutif, mais de plus les deux sont composées par les membres d’un
même parti politique, longtemps unique et depuis les années quatre-vingts, ultra-dominant.
Cette situation constitue un facteur explicatif essentiel de la faiblesse du contrôle
parlementaire sur l’exécutif en général et sur les entreprises publiques en particulier946. En
outre, cette situation aboutit à l’exclusion de toute investigation et de tout contrôle
parlementaire susceptible par sa dimension critique, de réellement gêner le gouvernement
dans son contrôle et sa gestion des entreprises publiques dont il nomme les dirigeants, oriente
l’action, finance souvent les investissements et subventionne l’exploitation. Ainsi, la majorité
parlementaire évite tout contrôle gênant pour ses amis politiques membres de l’exécutif.
Quant à l’opposition, elle est si faible en nombre et en expérience de la vie parlementaire
qu’elle ne dispose ni des moyens institutionnels ni des moyens politiques pour donner au
contrôle parlementaire une quelconque vigueur947. L’effectivité de ce contrôle demeurera
ainsi tout à fait théorique. C’est pourquoi, une réhabilitation du contrôle parlementaire s’avère
inévitable et indispensable.
L’entreprise publique apparaissait bien comme un moyen
important pour
le
développement de l’économie. C’était aussi le cas de la possibilité du recours à la commande
publique.
945Ben Letaief (M), L’État et les entreprises publiques en Tunisie. Les mutations du contrôle, op, cit, p. 392.
946Ibid, p. 393.
947Ibid, p. 393.
251


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Section 2. La commande publique : un second moyen d’intervention de
l’État dans l’économie
La commande publique revêt une importance déterminante pour les personnes publiques
en tant que moyens de leurs interventions publiques dans l'économie. Cela s’observe sur le
plan quantitatif, du fait du nombre des contrats passés quotidiennement par
les
administrations nationales ou locales et des multiples formules contractuelles susceptibles
d’être employés. Cela s’observe aussi sur le plan qualitatif, dans la mesure où l’usage du
contrat est devenu si courant, qu’il a profondément
transformé
les méthodes de
l’administration elle-même à
tel point, qu’il est désormais convenu de parler
« d’administration contractuelle » pour désigner une nouvelle forme de gestion des intérêts
collectifs948.
La commande publique constitue un moyen de satisfaction des besoins économiques et
même sociaux comme la création d’emploi et d’amélioration du bien-être des citoyens949.
Comme il a proclamé le Président Emmanuel MACRON « Par ses enjeux et son poids dans
l’économie de notre pays, la commande publique constitue un formidable levier de croissance
économique et de développement de nos entreprises »950.
Le marché public et le contrat de concession951 constituent les principaux moyens
d’interventions de l’État pour le développement économique. Ils sont trop souvent résumés à
leur dimension juridique et leur potentiel en tant qu’instrument de politique économique de
l’État952. C’est dans cette optique que nous étudierons en premier lieu le contrat de concession
comme un mode de gestion privée de service public susceptible de relancer l’économie
(Paragraphe 1), ainsi que les marchés publics en second lieu (Paragraphe 2).
948Sur la question de la normativité du contrat, voir, De Bechillon (D), « Le contrat comme norme dans le droit
public positif »,
RFDA, 1992, Jenayah (M.-R.), « Contrats publics et hiérarchie des normes », Actes de colloque
Globalisation et Contrats publics au Maghreb, Sousse, 23, 24 et 25 avril 2009.
949Karadji (M), « Le déclin de l’action publique en Algérie », in, les mutations de l’action publique au maghreb,
Actes de la journée Maghrébine de droit, (dir), Ben Letaief (M), 2007, p. 87.
950Macron (E), « faire des marchés publics un levier de développement économique », Lettre d'actualité
juridique des ministères économiques et financiers
, 2014, p. 1.
951« Les procédures mises en œuvre pour les concessions sont beaucoup plus souples que celles des marchés
publics car elles sont régies par les principes de l’
intuitu personae, c’est-à-dire du libre choix du
concessionnaire, le juge administratif se bornant à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Le
concessionnaire se voyant confier la gestion d’un service public, il est apparu important de laisser une grande
marge de manœuvre à l’autorité concédante lors de sa désignation ». Bourquin (M), « Rapport d’information fait
au nom de la mission commune d’information sur la commande publique »,
Sénat, 2015-2016, p. 20.
952Bourquin (M), op, cit, p. 20.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Paragraphe 1. Le contrat de concession : un mode de gestion privée de
service public susceptible de relancer l’économie
Le contrat de concession953 est un mode de gestion privée de service public le plus
traditionnel et classique. Il a constitué un instrument privilégié de l’action administrative tout
au long du XIX siècle aussi bien en France qu’en Tunisie. Si par la suite, cette technique de
gestion privée de service public a connu un certain déclin lié à l’instabilité économique et à la
transformation de l’État gendarme en État interventionniste durant l’entre-deux-guerres, elle
semble cependant, rencontrer de nos jours un regain d’intérêt remarquable auprès des
personnes publiques. Les améliorations que les concessions permettent d’apporter à
l’infrastructure jouent un rôle important dans le développement économique. Les services
d’infrastructure sont des éléments essentiels de la production et de la fourniture de biens et
services.
L’apport des concessions au développement économique est simple. Dans tous les pays
développés ou en voie de développement, les budgets publics ne sont pas suffisants pour
réaliser au rythme souhaité les infrastructures de base offrant un service pour lequel le citoyen
serait prêt à payer un prix. Le recours à un concessionnaire privé est donc la solution pour le
financement.
Les concessions peuvent contribuer au développement économique de plusieurs manières.
Premièrement, elles peuvent attirer l’investissement étranger direct. Deuxièmement, elles
peuvent faciliter la mise en place de structures de marché plus efficientes, permettant ainsi
l’établissement de nouveaux concurrents. Troisièmement, en améliorant l’efficience de la
fourniture de services d’infrastructure, elles peuvent améliorer celle de tous les biens, services
et produits qui utilisent l’infrastructure comme intrant. Enfin, elles peuvent assurer l’accès
aux services d’infrastructure à des personnes et à des entreprises qui en sauraient sinon
953Le régime des concessions connait généralement deux formes, il s’agit du modèle de concession : Built –Own-
Opérate (construire, exploiter et posséder) l’ouvrage devient la propriété du concessionnaire et le modèle de
concession : Built-Opérate-Transfer (construire, exploiter et transférer), dans ce cas et à la fin de la concession
l’ouvrage est transféré au concédant. « La concession peut être de service ou de travaux. Les concessions de
servies peuvent être de service public. S’il s’agit d’une concession de service public, elle prendra la forme dans
le droit français, pour les collectivités territoriales, d’une délégation de service public, étudiée plus loin. Mais il
peut y avoir des concessions de services, conclues par des pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicateurs qui
n’ont pas le caractère de service public, et qui de ce fait se trouvent bénéficier d’un encadrement de service
public et qui de ce fait se trouvent bénéficier d’un encadrement juridique, alors qu’auparavant elles ne
subissaient aucune contrainte issue du droit de la commande publique », Auby (J-F),
Les contrats de gestion du
service public, op, cit,
p. 74.
253


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
privées, leur permettant ainsi d’accroitre leur activité économique et de promouvoir le
développement général954.
Selon Georges DUPUIS955, « la concession de services publics est définie comme un
contrat qui charge un particulier ou une société d’exécuter un ouvrage public ou d’assurer un
service public à ses frais avec ou sans subvention, avec ou sans garantie d’intérêt, et que l’on
rémunère en lui confiant l’exploitation de l’ouvrage public ou l’exécution du service public,
avec le droit de percevoir des redevances sur les usagers de l’ouvrage ou sur ceux qui
bénéficient du service public »956.
Dans les pays développés, tel que la France, les concessions dans la plupart du temps ont
conduit au développement économique en raison de l’existence d’un droit relatif à la
concession (A). Mais dans les pays en développement, comme la Tunisie, les concessions
n’ont pas toujours donné les résultats escomptés à cause de la tutelle de l’État et l’absence
d’un cadre juridique souple et clair. Dans la plupart des pays en développement, les
expériences en la matière sont en fait mitigées et beaucoup sont aujourd’hui considérées
comme des échecs (B).
A. L’expérience française : un droit des concessions permettant le développement
économique
En France, la concession est un mode d’administration extrêmement ancien957. Le fait
qu’une autorité publique confie à un opérateur privé le soin d’exercer pour son compte une
mission d’intérêt public, moyennant une rémunération a toujours été pratiqué. Après la
Révolution, l’État pratique largement la technique de la concession notamment pour
954« Monopoles publics, concessions et droit et politique de la concurrence », Conférence des nations Unies sur
le commerce et le développement
, 2009, p. 18.
955Dupuis (G), Guédon (M-J), Chrétien (P), Droit administratif, Paris, Dalloz, 2004, p.401.
956« Cette définition permet déjà de distinguer la concession de service public. D’une part, de la concession de
travaux publics, dans laquelle le concessionnaire réalise un ouvrage public et l’exploite à titre onéreux durant un
temps déterminé. D’autre part, du marché d’entreprise de travaux publics qui confie à une entreprise le soin de
construire un ouvrage et d’exploiter le service auquel il est destiné moyennant un prix versé par la collectivité
contractante » Aouij Mrad (A),
Le droit des services publics, op, cit, p. 131. Voir, en particulier Bezancon (X),
Van Ruymbeke (O), « Le marché d’entreprise de travaux publics, une forme particulière de concession ? »,
AJDA, 1990, Terneyre (P), Une nouvelle technique de financement privé des ouvrages publics collectifs : le
METP,
Mélanges Auby (J-F), Paris, Dalloz, 1992.
957En 1916, dans l’affaire du gaz de Bordeaux, le commissaire du gouvernement Chardenet avait donné de la
concession la définition suivante : « c’est un contrat qui charge un particulier ou une société d’exécuter un
ouvrage public ou d’assurer un service public, à ses frais, avec ou sans subvention, avec ou sans garantie
d’intérêt, et que l’on rémunère en lui confiant l’exploitation de l’ouvrage public ou l’exécution du service public
avec le droit de percevoir des redevances sur les usagers de l’ouvrage ou sur ceux qui bénéficient du service
public », Voir, « CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux »,
Revue de droit public et de
la science politique
, 1916, p. 213, cité par Christophe Guettier, Droit des contrats administratifs, Paris, PUF,
2008,p. 8.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

construire des réseaux958. Ce siècle voit également l’apparition et le développement de
nouveaux réseaux et services à une échelle aussi bien locale telle distribution d’eau,
assainissement, gaz, électricité, transports collectifs urbains que nationale tels canaux,
chemins de fer, télégraphe puis téléphone et le développement concomitant des compétences
des collectivités locales qui conduit à la clause de compétence générale reconnue aux
départements et aux communes, respectivement dans les lois de 1871 et 1884959.
Au XXe siècle, les guerres, l’apparition de l’inflation, les excès de certaines sociétés
privées et le développement des volontés interventionnistes de l’État ont dans une certaine
mesure remis en cause la concession au profit de la régie, du développement de grandes
entreprises publiques (parfois issues de nationalisations : SNCF, EDF, (etc.)) ou de
l’économie mixte960.
Dans un contexte de réduction des dépenses publiques et face aux forts besoins de
développement des infrastructures à la fin des années soixante-dix, le système concessif est
réapparu comme un moyen de financer les très ambitieux programmes d’infrastructures, tout
en allégeant la charge financière pesant sur les personnes publiques. Dans ce contexte,
l’administration passe un contrat avec une personne privée ou publique qui s’engage à
exécuter un travail public consistant dans la construction ou l’aménagement d’un ouvrage
public. À titre de rémunération de ses prestations, le concessionnaire reçoit le droit d’exploiter
pendant un certain temps l’ouvrage public, le plus souvent en percevant les taxes versées par
les usagers de l’ouvrage public. Dans un certain nombre de cas, le concessionnaire est
rémunéré non seulement par des versements des usagers, mais aussi par des attributions
financières de l’administration (subventions) : la concession se rapproche ainsi du régime de
l’entreprise961.
Divers
facteurs
contribuent
au
recours
aux
contrats
de
concessions en
France. Premièrement, des besoins collectifs de plus en plus variés et importants à satisfaire,
tant en quantité qu’en qualité, face à des détenteurs de la souveraineté cherchant à réduire la
dépense publique. Cette question du financement, voire d’une éventuelle paupérisation de
l’État est souvent déterminante. Même ses plus ardents défenseurs reconnaissent les limites de
958Auby (J-F), op, cit, p. 67.
959Barjot (D), Petitet (S), Varaschin (D), « La concession comme levier de développement ? », Entreprises et
histoires
, 2002, p. 8.
960Ibid, p. 9.
961Barjot (D), Berneron-Couvenhes (M-F), « Le modèle français de la concession », Entreprises et histoire,
2005, p. 20.
255


Page 258
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
l’action publique. Deuxièmement, il y a une tendance mondiale à la privatisation des grands
monopoles nationaux de services publics. En Europe, l’impulsion donnée par les directives
communautaires découlant de l’Acte unique de 1986 a conduit à engager un processus de
libéralisation des services publics secteur par secteur. Troisièmement, la montée en puissance
de la régulation à savoir un troisième élément, indépendant entre le concessionnaire et le
concédant qui permettrait de limiter la confusion des genres. Le régulateur contrôle le
concessionnaire. Il définit et fait respecter des règles qui devraient protéger l’investisseur
(contre trop de concurrence), l’usager (contre les monopoles) et l’intérêt collectif. Au
quotidien, il veille à la transparence des décisions962.
D’autres facteurs plus indirects sont manifestés comme les exigences grandissantes des
populations, la technicité accrue des systèmes de gestion, la recherche de vecteurs nouveaux
d’innovation et de progrès social et la nécessité de l’aménagement du territoire963.
L’utilisation de la concession a permis d’équiper la France en réseaux modernes de voies
ferrées, de distribution de l’eau, de gaz et d’électricité. Citons en exemple, la concession des
travaux publics qui connaît une certaine renaissance. En particulier, l’État recourt à ce
procédé pour la construction et l’exploitation de certains ouvrages. La loi du 18 avril 1955964
a décidé que la construction et l’exploitation des autoroutes pourront être concédées à des
organismes publics et à des sociétés d’économie mixte qui pourraient être autorisées à
percevoir des péages. De même la loi du 12 mai 1970965 prévoit que la concession de ces
autoroutes peut être faite à une société purement privée966. La concession ayant permis la
construction du réseau ferroviaire français967 puis l’électrification du territoire national968 et
enfin de rattraper à partir de 1969-1970 le retard pris par le pays en matière d’autoroutes de
liaison.
962Petitet (S), Varaschin (D) (dir.), Intérêts publics et initiatives privées. Initiatives publiques et intérêts privés.
Travaux et services publics en perspectives
, Vaulx-en-Velin, ENTPE, 1999, p. 54.
963Fritsch (B), La contribution des infrastructures au développement des régions françaises, Paris, Presses de
l’ENPC, 1999.
964Loi n° 55-435 du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes, JORF, 1955, p.4023
965Décret n°70-398 du 12 mai 1970 concessions par l'État pour la construction et l'exploitation des autoroutes
modification des dispositions règlementaires des alinéas 2 et 6, substitues par le décret 60661 du 4 juillet 1960
aux alinéas 2 et 3 de l'article 4 de la loi 55435 du 18-04-1955,
JORF, 1970, p.4509
966Barjot (D), Berneron-Couvenhes (M-F), op, cit, p. 23.
967Caron (F), Histoire des chemins de fer en France, Paris, Fayard, 2005, p. 45.
968Barjot (D), L’Energie, Paris, Presses de l’ENS, 1991, p. 55.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

L’avantage principal de ces concessions de service public et de travaux publics est que la
charge d’investissement initiale est supportée par une personne privée qui immobilise dans
tous les cas des capitaux propres et des fonds d’emprunt dont ne pourraient pas disposer les
finances publiques969.
La crise du début des années quatre-vingts a mis en évidence les dysfonctionnements dont
souffrait plus ou moins la France ayant pour cause essentielle l’hypertrophie du secteur public
qui a lui-même entrainé un alourdissement des dépenses publiques970. Ainsi, de moment aussi
bien l’État que les collectivités territoriales se trouvent de nos jours confrontées à de
nombreuses demandes d’équipement particulièrement lourds à gérer tant sur le plan financier
que sur le plan technique. Et du moment que la crise financière des collectivités est devenue
une réalité, le choix du partenariat financier avec les entreprises privées apparait comme
indispensable971. Les autoroutes peuvent depuis le décret du 12 mai 1970, être concédées à
des sociétés privées et non exclusivement à des sociétés d’économie mixte comme le
prévoyait la loi du 18 avril 1955. L’exploitation des transports publics d’intérêt local peut être
réalisée par concession à des personnes privées, il en est de même des ponts et bacs à péages.
La technique de la concession n’est pas réservée à des sociétés purement privées, elle peut
également avoir pour but de confier le service public à d’autres personnes publiques. Ainsi,
EDF et GDF, établissements publics issus de la nationalisation de sociétés privées, en
application de la loi du 8 avril 1946 étaient concessionnaires des personnes publiques pour la
distribution du gaz et de l’électricité972.
Grâce à la suppression de la tutelle par la loi du 2 mars 1982, les collectivités territoriales
se sont retrouvées libres de conclure dans un régime de droit commun les contrats de
concession. Un certain nombre d’affaires à connotation pénale et fortement médiatisées ont
focalisé l’attention sur l’absence de règlementation spécifique pour la conclusion des
concessions973.
Pour lutter contre la corruption974, en 1992, le Premier ministre Pierre BEREGOVOY met
en place une Commission de prévention de la corruption. Parmi les propositions du rapport de
969Guglielmi (G-J), Koubi (G), Long (M), Droit du service public, Paris, LGDJ, 2016, p. 830.
970Khader (B), « L’ajustement structurel au Maghreb, une synthèse », Cahiers trimestriels, 1995, p. 6.
971Delcros (X), Leyrical (J-M), « Le financement privé des équipements collectifs. Un développent inéluctables à
encadrer »,
AJDA, 1996, p. 71.
972Guglielmi (G-J), Koubi (G), Long (M), op, cit, p. 832.
973Auby (J-F), op, cit, p. 68.
974« Dans les années 1990, quelques affaires de corruption ont défrayé la chronique. En échange de l’attribution
de contrats d’affermage ou de concession du service de l’eau potable, des élus locaux demandaient le versement
de sommes destinées à leur parti, à leurs campagnes électorales ou à leurs dépenses personnelles, pratiques à ne
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
cette commission figure une proposition de réforme du droit des concessions. Il convenait
selon le rapport de créer une procédure de publicité et mise en concurrence, sans que cela
exclue la négociation. Cette proposition va rapidement être transformée en loi : c’est la loi du
29 janvier 1993 dénommée « loi Sapin »975. Le but poursuivi par le législateur était de lutter
contre la corruption. Mais on peut être certain que la corruption n’a pas disparu avec la loi
Sapin, mais l’existence d’une procédure de passation la rend plus difficile et a donc
nécessairement pour effet de la diminuer976.
Dès lors, la corruption est contrariée par différents facteurs. D’abord, l’obligation de
publier un avis de mise en concurrence ouvrant ainsi la voie aux candidatures des concurrents,
c'est-à-dire d’autant de surveillants. Ensuite, l’obligation de définir des critères de sélection
qui s’accompagne de la motivation explicitant tel ou tel choix. Enfin, la collégialité de la prise
de décision qui gênera les échanges occultes977.
Parmi les facteurs de réussites des concessions en France est la mise en place d’un droit
de concession de qualité qui n’a pas été développé par le législateur, par la puissance publique
ou par les représentants des concessionnaires privés ou des usagers mais par une instance
originale, le Conseil d’État, qui est à la fois une Cour Suprême pour traiter les différends en
matière de contrats publics auxquels appartiennent les concessions et qui conseille l’État en
matière de textes règlementaires, avis, (etc.)978. Cette instance est très prestigieuse. Elle
possède la confiance de tous. On peut sans hésiter la qualifier de « super-régulateur ». Cette
particularité française a des conséquences très visibles sur le terrain où les contrats de
pas confondre avec celle qui se développait en même temps du versement de « droits d’entrée » tout à fait
officiels, qui venaient alimenter le budget des communes ». Richer (L),
La concession en débat, Paris, LGDJ,
p. 1147.

975Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie
économique et des procédures publiques
, JORF, 1993, p. 1588.
976Richer (L), op, cit, p.165.
977Ibid, p. 168.
978« Beaucoup de décisions ont adoptés par le Conseil d’État, par exemple, lorsque l’électricité qui s’est
rapidement imposé face au gaz pour l’éclairage. Un célèbre arrêt «
Gaz de Bordeaux » de 1913, a consacré un
des principes importants du droit des concessions de service public à savoir la «
Théorie de l’imprévision » qui
permet d’adapter les obligations contractuelles, lorsque l’équilibre économique du contrat est bouleversé par des
circonstances extérieures imprévues (ce qui est différent de la force majeure, caractérisée par une impossibilité
absolue d’exécution). En contrepartie du droit à l’équilibre reconnu au concessionnaire, dans certaines
circonstances, d’autres droits tout aussi particuliers et dérogeant également au droit commun des contrats ont été
accordés à l’autorité publique. Cette dernière peut imposer au concessionnaire d’adapter le service et les tarifs,
de modifier unilatéralement le contrat, pour garantir la continuité du service public, l’égalité des usagers, etc.
Ces droits très particuliers, sans lesquels on peut comprendre qu’une autorité publique répugne à déléguer à un
partenaire privé l’exploitation du service public, peuvent être source d’abus de la part de la puissance publique.
Le Conseil d’Etat a donc ainsi encadré l’exercice de ces droits pour éviter qu’ils soient mis en oeuvre de façon
discrétionnaire et injuste (justification d’un intérêt public et garantie d’une indemnisation juste, équitable et
rapide) ». Frillet (M), « Concessions et partenariat public-privé : expérience française : un cadre juridique
autonome et stable dominé par l’intérêt public et l’équilibre économique », Actes de colloque
La sécurité
juridique au service du développement économique
, 2010, p. 5.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

concession de service public sont développés. Aux secteurs déjà évoqués se sont ajoutés de
nombreux autres secteurs comme autoroutes à péage, aéroports, marinas, ordures ménagères
et assainissement, ponts et tunnels à péage, équipements sportifs et stades et lignes d’autobus
(etc.)979.
Pour développer les concessions et pour une bonne gestion de service public, l’État a
adopté l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession980. Cette
ordonnance a unifié les règles applicables aux contrats de concession et mit fin aux régimes
juridiques relatifs aux concessions de travaux (ordonnance du 15 juillet 2009) et aux
délégations de service public (loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption
et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin »). Elle
permet ainsi aux personnes publiques de tirer le meilleur parti des outils offerts par la
nouvelle directive pour favoriser l'utilisation stratégique de la commande publique comme
levier de politique en matière d'emploi, d'innovation et de développement durable. Les
personnes publiques pourront imposer dans les contrats de concession le recours pour
l’exécution d’une partie des services ou travaux à des petites et moyennes entreprises (PME)
privilégiant ainsi leur accès à la commande publique. Elle permet notamment de réserver
certains contrats de concession à des opérateurs économiques qui emploient des travailleurs
handicapés ou défavorisés.
L’article 34 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la
corruption et à la modernisation de la vie économique dite « loi Sapin 2 »981 a établi le
principe de la mise en concurrence des occupations privatives du domaine public des
personnes publiques.
L’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques982 a
renforcé l’application du principe de transparence. Les titres d’occupation conclus à compter
du 1er juillet 2017 sont désormais soumis à l’obligation de mise en concurrence et de
publicité. Aussi, cette ordonnance a posé notamment le principe de l’obligation d’une
procédure de sélection préalable des candidats lorsque le titre permet l’exploitation
économique du domaine public et en précisant les règles de cession des biens des personnes
publiques. L’article 3 de cette loi dispose que : « Art. L. 2122-1-1, sauf dispositions
979Frillet (M), op, cit, p. 7.
980Ordonnance n°2016-65 du 29 janvier relative aux contrats de concession, JORF, 2016, p.1250.
981Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique (1)
, JORF, 2016, p. 2280.
982Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, JORF, 2017,
p. 2312.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à son titulaire
d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité
compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les
garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité
permettant aux candidats potentiels de se manifester. Lorsque l'occupation ou l'utilisation
autorisée est de courte durée ou que le nombre d'autorisations disponibles pour l'exercice de
l'activité économique projetée n'est pas limité, l'autorité compétente n'est tenue que de
procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la
manifestation d'un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions
générales d'attribution ». En outre, l’article 4 dispose que : « lorsque le titre mentionné à
l'article L. 2122-1 permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue
d'une exploitation économique, sa durée est fixée de manière à ne pas restreindre ou limiter
la libre concurrence au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l'amortissement des
investissements projetés et une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis,
sans pouvoir excéder les limites prévues, le cas échéant, par la loi ». Ce sont les enjeux
économiques actuels de l’occupation privative du domaine public qui rendent ces nouvelles
obligations de publicité et de mise en concurrence attendues depuis longtemps et sur
lesquelles le juge administratif n’avait pas voulu lui-même s’engager.
Aujourd’hui, la France est un des pays du monde où les infrastructures de service public
sont de grande qualité et où les entreprises françaises sont les leaders mondiaux (Vinci,
Bouygues, Veolia, Eiffage, (etc.)). C’est dans une grande mesure grâce à l’existence d’un
droit des concessions dérogatoire au droit commun des contrats basé sur quelques grands
principes simples et acceptés par tous et mis en œuvre par un régulateur unanimement
respecté983. Malheureusement, en Tunisie, les contrats de concessions souffrent pour toujours
de la rigidité et de l’austérité ce qui empêche le développement économique du pays.
B. L’expérience tunisienne : la tutelle de l’État et la rigidité du cadre juridique
des contrats de concessions, entravant le développement économique
La définition de la concession en Tunisie est assez large, couvrant non seulement la
concession
traditionnelle, (la délégation d’un service public) mais aussi
les BOT
(construction, exploitation et transfert). La concession est donc considérée aussi bien comme
une opération de délégation de la gestion d’un service public que comme une opération
983Auby (J-F), op, cit, p. 16.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

d’utilisation et d’exploitation du domaine ou des outillages publics. Elle peut également
porter sur les constructions et les ouvrages nécessaires à l'exécution de l’objet du contrat984.
Les contrats de concessions en Tunisie sont utilisés depuis la date du protectorat985,
distribution de l’eau potable, distribution de l’électricité, les chemins de fer, tramways, gaz et
eaux. Toutes sont confiées à des sociétés étrangères986. Après l’indépendance, la concession a
occupé une place marginale et les pouvoirs publics ont privilégié la création de nombreuses
entreprises publiques prenant en charge plusieurs services publics nationaux (transport,
électricité, gaz (etc.))987.
L’explosion de la dette en Tunisie, au début des années quatre-vingts, a marqué un
tournant dans la recherche de solutions alternatives au financement des grands ouvrages
d’infrastructures sur des budgets publics exsangues, grâce au concours du secteur privé. Cette
tendance a été confrontée par les travaux des économistes qui ont fait de la privatisation des
services publics et de la systématisation de l’usage de mécanisme concurrentiels les pierres
angulaires de la nouvelle économie des biens à usage collectif988. Depuis les années quatre-
vingt-dix, elle est devenue l’un des moyens privilégiés de gestion d’activités économiques.
Une représentation du ministère du commerce et de l’artisanat avait présenté lors de la
10éme session de la CNUCED, un rapport sur les concessions en Tunisie, dans lequel elle a
mis en exergue l’importance de la technique de concession : « pour la Tunisie, la concession
984OCDE, « Les partenariats public-privé en Tunisie : Analyse des cadres juridique et institutionnel », aȏut
2015, p. 45.
985La 1ère concession en Tunisie : concession de 1884 octroyée à la société de gaz et de l’eau de Tunis relative à
l’allumage par le gaz à la Goulette.
986Le chemin de fer a vu le jour en Tunisie avant 1881. La première ligne de chemin de fer a relié Tunis, la
Goulette et la Marsa (TGM)
. Inaugurée le 2 août 1872, cette ligne constituait le prélude à de nombreuses autres
lignes qui, de 1878 à 1916, allaient être étendues dans le Nord du pays par la société des BATIGNOLES et sa
filiale BONE-GUELMA. La Compagnie fermière des chemins de fer tunisiens est une société créée le 8 juin
1923 pour exploiter en affermage le réseau ferroviaire issu du rachat des actifs de la Compagnie des chemins de
fer Bône-Guelma (ancienne filiale de la Société de construction des Batignolles) en Tunisie. La « Compagnie
Tunisienne d'électricité et de transport » (ex-Tramways de Tunis) gère les transports publics dans la ville de
Tunis (et le TGM).
987Sayari (M), « Les mutations de la liberté contractuelle dans les concessions de service public au regard de la
loi du 1
er Avril 2008 relative au régime des concessions », Actes de colloque Les mutations des contrats publics,
Unité de recherche droit et gouvernance de la FDSPT, 13 et 14 mars 2009, p.75. Voir, en particulier, Ayadi (H),
« Le régime juridique du service public de l’électricité et du gaz en Tunisie »,
RTD, 1968, p. 53.
988Bolmin (PH), « Pour un nouveau partenariat public privé dans la réalisation des grands projets
d’infrastructures : la notion de Co-développement », Acte de colloque,
marché et concession, BOT, Rome, 2001,
p. 13.
261


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
n’est pas une simple modalité de financement non budgétaire des biens collectifs mais un réel
instrument de développement socio-économique »989.
L’utilisation ponctuelle du contrat de concession débute en 1986 en matière
d’infrastructures routières. La loi du 7 mars 1986 relative au domaine public routier de
l’État990 confie à la société Tunisie Autoroutes l’exploitation, l’entretien, l’édification des
installations, des équipements et des aménagements annexes. En 1992, la première concession
de transport public urbain attribuant l'exploitation de lignes de transport urbain des voyageurs
par des transporteurs privés dans le grand Tunis fut signée. En 1996, la concession de
production d’électricité avec la modification de la loi du 3 avril 1962 créant la société
tunisienne d’électricité et du gaz avec cependant une limite importante : l’électricité produite
ne peut être revendue qu’à la STEG. En 2001, le Code des télécommunications prévoit la
possibilité de conclusion de contrats de concessions pour l’installation et l’exploitation des
réseaux publics des télécoms. Il y aura aussi les infrastructures portuaires, l’exploitation et la
maintenance des ouvrages d’assainissement et des ouvrages publics (etc.).
Les concessions ont principalement été développées dans les transports991 et l’énergie992.
Ces domaines sont les plus attractifs pour le secteur privé au regard des revenus qu’ils
génèrent993. La Tunisie comptait en 2007 six aéroports internationaux, dont un à Monastir et
un à Tunis-Carthage à proximité de la capitale. Cependant, face au nombre croissant de
touristes, leur capacité d’accueil a atteint ses limites. L’aéroport de Monastir ne pouvant être
étendu, les pouvoirs publics tunisiens ont envisagé dès la fin des années quatre-vingt-dix de
construire un nouvel aéroport à Enfidha et d’associer ce projet à une amélioration de
l’exploitation de l’aéroport de Monastir situé à 40 km d’Enfidha. Le projet prévoyait de
regrouper deux concessions. Une première pour la construction et l’exploitation de l’aéroport
d’Enfidha et une seconde pour l’amélioration et l’exploitation de celui de Monastir994.
Ces dernières années, une forte expansion via la concession d’un réseau GSM à un groupe
égyptien en 2004, l’aménagement du Lac Sud de Tunis en 2007 (pour plus de 25 milliards de
989« Le bilan des concessions en Tunisie », Groupe intergouvernemental d’experts du droit et de la politique de la
concurrence, 10éme Session, Genéve 7-9 juillet 2009, p. 7.
990Loi 86-17 du 7 mars 1986 relative au domaine public routier de l’État, JORT, 1986, p. 990.
991La loi du 4 aout 1986 portant organisation des transports terrestres. L’article 12 prévoit : « Le transport urbain
des personnes est confié à une entreprise de transport publique ou privée… ».
992Projet de production indépendante (IPP) de Radès II.
993Beaussé (N), Gonnet (M), Partenariats public-privé en Méditerranée : État des lieux et recommandations
pour développer les PPP dans le financement de projets dans le Sud et l’Est de la Méditerranée
, Ipemedi, 2012,
p. 19.

994Nomaane (D), op, cit, p. 322.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

dollars) par le groupe émirati Sama Dubaï, l’aménagement du Lac de l’Ariana au Nord de
Tunis par le groupe EL Maabar, ou encore en 2008, un projet de ville sportive et résidentielle
baptisée Tunis sport city attribué au groupe Abu Khater. On peut ajouter à cette liste la
construction d’un pôle financier confiée à un autre groupe émirati, ainsi qu’une raffinerie de
pétrole à la Skhira, au sud de Sfax. Dans ce contexte, l’impératif d’efficacité tend à supplanter
le dogme du développement équilibré du territoire995. Sur le plan local, les concessions
pratiquées concernent notamment l’exploitation des foires, des parkings, des marchés, la
gestion des panneaux publicitaires.
Les problèmes énormes dont souffre le secteur de transport des personnes dans la capitale
et les difficultés financières des entreprises publiques de transport ont imposé aux pouvoirs
publics le recours à des personnes privées. Nous trouverons deux concessions dans ce
domaine. La première entre le ministère de transport et la société « transport en commun des
voyageurs » datant du mois de mai 1989 et le deuxième passé avec la société « transport
urbain de Tunis » en octobre 1996. Le secteur de l’énergie n’a pas été épargné lui aussi de la
vague de concession. L’incapacité financière voire technique de la société tunisienne de
l’électricité et de gaz (STEG) ont jugé opportun l’octroi à des personnes privées des
concessions de production d’électricité. Les autorités tunisiennes ont envisagé alors le recours
à la concession comme une formule d’investissement qui vise le redéploiement des capacités
d’autofinancement absorbées auparavant par les projets à caractère économique et social. Sur
un plan juridique, le monopole dont bénéficie la STEG a été atténué mais seulement en
matière de production de l’électricité.
Autres domaines qui ont connu la concession de service public à savoir la concession de
ports maritimes qui visent l’exploitation du domaine public des ports. Abordant le domaine de
communication, la nouvelle législation issue du nouveau Code de communication du 15
janvier 2001 a en effet, ouvert une brèche dans le secteur en prévoyant le recours à la
concession. En droite ligne avec les nouvelles orientations économiques de la Tunisie, la
concession pour l’exploitation de la deuxième licence GSM s’inscrit dans le cadre d’une
politique dite d’ouverture et d’incitation à la concurrence dans le secteur de communication.
Mais, toutes ces concessions n’obéissent pas à un cadre juridique unifié. Il n’y avait pas
un cadre législatif général. La démarche des pouvoirs publics a consisté à édicter des textes
législatifs et règlementaires chaque fois qu’il était décidé de conclure une concession dans tel
995Ben Letaief, (M), « Les politiques urbaines en Tunisie : quelques réflexions sur les mutations d’une action
publique postkeynésienne »
. Métropoles, 2008, p. 15.
263


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
ou tel secteur d’activité996. Il en a résulté une législation disparate, un texte particulier pour
chaque type de concession. Cette absence d’un cadre juridique générale laisse la liberté aux
administrations concernées de la définir au cas par cas. L’administration serait donc le
responsable du bon fonctionnement du service et à cet effet, elle dispose de toute une gamme
de pouvoirs.
La concession n’a connu un véritable régime juridique que dans les années 2000 : c’est la
loi du 1er avril 2008 relative au régime des concessions997. Cette loi vient établir un cadre
législatif général applicable à toutes les concessions. Elle consacre la concession en tant que
mode global de gestion des services publics avec occupation du domaine public et réalisation
de travaux publics. D’après cette loi, la concession est le « contrat par lequel une personne
publique (concédant) délègue, pour une durée limitée, à une personne publique ou privée
(concessionnaire), la gestion d’un service public ou l’utilisation et l’exploitation des
domaines ou des outillages publics en contrepartie de rémunération qu’il perçoit sur les
usagers »998.
Dans ce cadre législatif, le système de concessions présente plusieurs limites. En effet, il
se trouve inapproprié pour les services publics non finançables par l’utilisateur final. Aussi
l’insuffisance de la capacité économique et budgétaire du secteur public à faire face aux
demandes des usagers notamment dans les secteurs de santé, l’éducation et le transport
(etc.)999.
Dans le contrat de concession, l’État dispose de prérogatives de plusieurs ordres. La
concession est consentie par une personne publique : État et collectivité territoriale à une
entreprise privée dont elle a le libre choix. Il est certes encore très fréquent que l’État octroie
des concessions (chemin de fer et autoroute) de même que les collectivités territoriales
peuvent en accorder d’autres. C’est le cas par exemple des parcs de stationnement et de
distribution de l’eau. La novation est qu’il peut arriver aussi que des établissements publics en
accordent eux-mêmes. Malheureusement, l’état de droit en Tunisie ne déroge pas
fondamentalement à ce schéma. L’autorité concédante en Tunisie n’est autre que l’État,
spécialement dans l’exploitation des autoroutes, la production de l’électricité et la
télécommunication. Les collectivités territoriales ne semblent pas être le véritable maitre de la
996Sayari (M), op, cit, p. 79.
997Loi n° 2008-23 du 1er avril 2008, relative au régime des concessions, JORT, 2008, p. 1124.
998Article 2 de la loi du 1er avril 2008 relative au régime des concessions.
999Majdoub (A), « Régime des concessions et des PPP en Tunisie », Unité de suivi des concessions, 27 novembre
2014, p. 15.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

gestion de ses services publics. Le fait d’exiger l’autorisation préalable du ministère de
l’intérieur pour toute décision de délégation d’un service public local apparait peut conforme
au principe de l’autonomie des collectivités décentralisées. Ceci est d’autant plus vrai que le
gouverneur par le fait de la réforme de la loi organique des communes de 24 juillet 1995 est
l’autorité de tutelle de principe pour les communes. Ceci n’est pas le cas en France. La loi de
4 février 1989 écarte cette autorisation et semble accorder aux organes du gouvernorat le
pouvoir libre et autonome de recourir à la concession1000. Aussi, les établissements publics ne
sont pas aussi libres qu’on le pense. Ils sont soumis à plusieurs contrôles.
L’État exerce un contrôle très sévère sur le contrat de concession. Par exemple, dans la
première concession d’autoroute, la convention de la concession conclue le 24 décembre 1994
a imposé au concessionnaire de fournir une copie des programmes informatique de
l’explication et du contrôle de recette concernant le droit de passage accompagnée de tous les
documents d’éclaircissement et d’exploitation. Aussi, cette même convention de concession a
exigé une comptabilité du concessionnaire indiquant d’une façon indépendante un état sur les
droits de passage, l’état de l’exploitation des ouvrages annexes et l’état de toutes autres
activités étrangères à l’activité de la concession. Le contrôle comptable et financier ne se
limite pas à l’activité susceptible d’être exercé par le concessionnaire. Le contrôle technique
quant à lui n’est pas de moindre importance. Il porte sur la construction des ouvrages
concédés et l’exploitation du service par le concessionnaire. Mais les conditions d’exercice de
contrôle varient profondément selon le type de concession envisagé. Dans la deuxième
concession d’autoroute tunisienne, les études du projet de construction de l’autoroute ont été
effectuées par l’autorité concédante. Le concessionnaire ne peut que recommander
d’introduire quelques rectificatifs. Plus encore, l’exécution de travaux ne peut être
opérationnelle qu’après l’approbation des services techniques au sein du ministère de
l’équipement1001.
Le contrôle de l’autorité publique apparait clairement dans le décret du 14 octobre 2016
relatif à l’instance générale de partenariat public-privé1002 rattachée à la Présidence du
gouvernement qui comporte entre autres une Unité de contrôle et de suivi des contrats de
concession. L’Unité est chargée de donner son avis préalable sur les dossiers d’appels d’offres
des concessions, leur règlement de sélection, les rapports de dépouillement des offres (etc.). Il
1000L’article 55 prévoit « Lorsque les services publics ne peuvent être exploités en régie, le gouvernorat peut les
concéder ».
1001Article 6 de la convention de concession pour construction, l’exploitation et l’entretien de l’autoroute A4,
Tunis-Bizerte du 25 décembre 1999.
1002Qui a abrogé le décret 2013-4630 du 18 novembre 2013 créant l’Unité de suivi des concessions.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
y a aussi les contrôles publics sur l’exécution du contrat, nombreux et diversifiés. Outre le
contrôle exercé par l’État ou les autres organismes, le concédant se réserve le droit d’une
manière permanente d’exercer un pouvoir général de contrôle économique, technique et
financier inhérent aux obligations découlant du contrat1003.
Contrairement à la France, le contrat de la concession en Tunisie est dominé par les
pouvoirs publics. Le contrôle de l’autorité concédante constitue non seulement un droit, mais
une obligation. Le refus de l’autorité concédante d’exercer ce contrôle ou son obtention
fautive permet aux usagers soit d’intenter un recours pour exercer de pouvoir contre la
décision expresse ou implicite de refus, soit de demander du juge de contrat de concession,
une indemnité en réparation du préjudice causé par le refus ou la négligence de l’autorité
concédante1004. Aussi le cadre juridique s’est caractérisé par la rigidité ce qui conduit à la
corruption et aux plusieurs abus. Aujourd’hui, une réforme de la loi de 2008 est une nécessité
pour faire face à la corruption et l’intervention autoritaire du concédant.
Si le contrat de la concession constitue un moyen pour développer l’économie et accélérer
les investissements, le marché public revêt une grande importance tant dans la vie
économique que dans la vie sociale du pays.
Paragraphe 2. Le marché public : un mode de gestion privée de service
public capable de développer l’économie
Le marché public constitue le moyen privilégié qui permet à l’acheteur public d’accomplir
un bon acte économique en satisfaisant au mieux ses besoins1005. La construction
d’infrastructures très couteuses comme les hôpitaux, les routes, les ponts, les écoles, les
logements sociaux et les bâtiments publics fait souvent l’objet d’appels d’offres.
Constituant un véritable enjeu économique, les marchés publics par leur grand nombre
enregistré annuellement touchent la quasi-totalité des secteurs de la vie socio-économique,
industrie, commerce, habitat, santé, éducation (etc.). Ces secteurs économiques voient leur
dynamisme très fortement dépendant de la commande publique1006.
1003L’article 25 loi de 2008 relative au régime des concessions.
1004Dufau (J), op, cit, p. 19.
1005Lachiheb (A), « Les marchés publics et la concurrence », RTAP, 1996, p. 7.
1006Ben Letaief (M), « La philosophie et les orientations de la nouvelle réglementation des marchés publics », in,
Les nouveautés du droit des marchés publics, Actes de la journée d’études organisée par la FDSPT, 2010, p. 7.
266


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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Le marché public s’insère dans les choix économiques de l’ensemble du pays. Il est le
complément indispensable de la politique de l’État et il est devenu l’outil indispensable à la
réalisation de cette politique. C’est dans ce sens que Sophie NICINSKI considère que
« l’action de l’État passe de façon croissante par la voie des contrats de commande publique
au sein desquels les marchés publics occupent, quantitativement, la place la plus
importante »1007. En cela, les marchés publics sont considérés comme un nouveau rôle de
l’État dans l’économie et un outil d’intervention adapté. Les acheteurs sont donc de nouveau
invités à se préoccuper de l’impact de leurs actes sur la conjoncture économique et sociale.
En France, la bonne gestion des marchés publics a permis de réaliser des économies sur
les dépenses de l’État et à lutter contre la pauvreté. Elles constituent un moyen accru de
relance de l’économie et de satisfaction des besoins économiques et sociaux de la population
(A), alors qu’en Tunisie, les marchés publics présentent d’importantes faiblesses. Ils résultent
notamment de l’insuffisance ou de la caducité des législations, de la lenteur et de la
complexité des formalités, de l’absence des mécanismes de contrôle et de responsabilité, mais
également de la corruption et de la fraude. Ces lacunes ont un impact négatif sur le
développement économique du pays (B).
A. Le marché public en France : un moyen de satisfaction des besoins
économiques et sociaux de la population
Les marchés publics ont une importance financière et économique considérable1008. Sur le
plan financier, plus de la moitié des dépenses d’investissement du secteur public est réalisée
par le recours au procédé des marchés publics. Sur le plan économique, de nombreux secteurs
économiques voient leur dynamisme très fortement dépendant de la commande publique. Ceci
est particulièrement évident pour le secteur des travaux publics1009.
L’article 1er du Code des marchés publics français de 2006 donne la définition suivante
des marchés publics : « les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les
pouvoirs adjudicateurs définis à l’article 2 à savoir : l’État et ses établissements publics
ayant un caractère autre que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les
collectivités territoriales et les établissements publics locaux et des opérateurs économiques
publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de
1007Nicinski (S), « Le mode de régulation », RFDA, 2010, pp. 735- 736.
1008Colin (F), Droit public économique, op, cit, p. 98.
1009Ben Letaief (M), « La philosophie et les orientations de la nouvelle réglementation des marchés publics »,
op, cit, p. 7.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
services »1010. C’est dans ce cadre que s’inscrit la notion des marchés publics qui constituent
un instrument privilégié d’intervention de l’État en matière de développement et de promotion
de l’industrie nationale1011.
L’objet des marchés publics tel que défini par l’article 5 de l’ordonnance du 23 juillet
20151012 est travaux, fourniture et services. Pour accéder à ces dernières, l’article 1er s’ouvre
par l’énoncé des principes fondamentaux. Il dispose que « les marchés publics respectent les
principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et
de transparence des procédures ». Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la
commande publique et la bonne utilisation des deniers publics.
L’utilisation de la commande publique comme un instrument pour donner du travail aux
chômeurs en période de crise précède la théorie keynésienne. On notera ainsi que les
éphémères ateliers nationaux créés après la Révolution de 1848 pour donner du travail aux
chômeurs parisiens étalaient leur activité surtout dans le domaine des travaux publics. La
politique des grands travaux sous le Second Empire eut également une vocation de soutien à
l’activité économique. Dans une approche instrumentale, les achats publics peuvent ainsi être
considérés de la même manière que le budget de l’État est conçu dans les analyses
keynésiennes c’est-à-dire comme un outil de politique conjoncturelle. De même que
l’équilibre des finances publiques n’est pas un objectif en soi lorsqu’un déficit permet de
réaliser certains équilibres globaux, la recherche du prix le plus bas ne serait pas un impératif
prioritaire lorsque des achats plus coûteux assurent un meilleur fonctionnement de l’économie
nationale1013. Dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, ces deux principaux outils
vont apparaître comme insuffisants pour répondre aux exigences des personnes publiques. Ils
ne permettaient pas de mener à bien certains projets publics portant sur le financement, la
construction et l'exploitation d'infrastructures publiques indispensables à la réalisation des
missions des collectivités publiques1014.
Les marchés publics ont des retombées sensibles sur l’emploi, sur l’aménagement du
territoire, sur l’insertion des innovations technologiques et sur la protection voire la
promotion des petites et moyennes entreprises. Ils constituent un levier économique et
1010Article 1 du Code des marchés publics.
1011Drira (R), « Marché public, un instrument de concurrence et de développement économique », RTAP, 2000,
p. 11.
1012Ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, JORF, 2015, p. 12602.
1013Mougeot (M) « L’impact industriel des commandes publiques : une analyse en termes de diffusion
intersectorielle »,
Marchés public, 1985, p. 22.
1014Braconnier (S), « les contrats de partenariat et les collectivités locales : entre mythe et réalités », Bulletin
juridique des contrats publics
, 2004, pp. 340-341.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

politique de choix entre les mains des décideurs publics et assurent une fonction instrumentale
très importante1015.
L’actualité nous rappelle régulièrement que les grands groupes ont tendance à délocaliser
voir de plus en plus à réduire leurs effectifs. Ces faits sont dans une mondialisation installée,
difficile à court terme à endiguer même s’il faut reconnaître des démarches exemplaires de
certains grands groupes. Les disparités de coût du travail entre zones géographiques et pays
sont dans l’industrie trop importantes et dans le domaine des services, se pose souvent la
question du travail illégal ou encore des fraudes diverses. Les très petites entreprises (TPE) et
les petites et moyennes entreprises (PME) représentent donc un enjeu important en Europe et
plus spécifiquement en France1016.
Les TPE/PME représentent en France 99,8 % des entreprises (soit 3,5 millions) et près de
la moitié des emplois salariés (soit 7 millions). Elles réalisent chaque année 1 300 milliards
d’euros de chiffre d’affaires, soit le tiers (35,5 %) du chiffre d’affaires total des entreprises
françaises représente 44 % du PIB mais ne représente que 12 % des entreprises qui exportent
et à peine 25 % de la commande publique en montant1017. Elles ont un très grand potentiel de
création d’emploi, de croissance et de rénovation. Leur assurer un accès facile aux procédures
de passation de marché pourrait les aider à libérer ce potentiel, tout en permettant aux entités
adjudicatrices d’élargir leur base de fournisseurs avec les effets positifs qu’aurait une
concurrence renforcée pour les marchés publics.
Le Code des marchés publics de 2001 a introduit plusieurs mesures de simplification pour
une plus grande ouverture aux TPE/PME, amplifiées par les Codes des marchés publics de
2004 et de 20061018. Les nouvelles directives de marchés publics reprennent certaines de ces
mesures et annoncent de nouvelles avancées.
1015Ben Letaief (M), « Le droit des marchés publics en Tunisie, état des lieux et perspectives », op, cit, p. 135.
1016« Les défenseurs d’un rôle accru des PME dans l’économie française arguent souvent du fait que dans
d’autres pays, et notamment aux États-Unis, une partie substantielle des marchés publics est réservé aux PME
nationales. Ainsi, en 1953 fut votée par le Congrès américain une loi cadre pour les PME, la «
Small Business
Act
» qui proclame que le gouvernement doit veiller aux intérêts des PME. La « Small Business Administration»,
agence fédérale chargée du soutien aux PME fut alors créée », Saussier (S),
L’accès des PME aux marchés
publics : une analyse économique,
Université de Paris I Sorbonne, 2014, p. 7.
1017Taupiac (S), « La commande publique, un acte juridique économique ou politique ? », mise en ligne le 4 mai
2017, consulté le 15 avril 2018, URL : https://www.weka.fr/actualite/commande-publique/article/la-commande-
publique-un-acte-juridique-economique-ou-politique-49087/
1018« En France, la recherche d’un meilleur accès des PME à la commande publique s’est pour la première fois
développée dans le contexte de la crise économique du milieu des années soixante-dix. Jusqu’alors, les politiques
et pratiques d’approvisionnement du secteur public avaient tendu à favoriser de façon marquée les grandes
entreprises », Dillemann (D),
Les commandes publiques, stratégies et politiques, op, cit. pp. 70-71.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Dans le Code des marchés publics de 2001, on peut distinguer les mesures de recul du
formalisme de celles d’allégement de la contrainte financière.
En matière de recul du formalisme, la principale disposition est la simplification des
formalités relatives à la situation fiscale et sociale des candidats1019. Avec le CMP de 2001, le
candidat peut ne produire pour justifier de la régularité de sa situation fiscale et sociale,
qu’une déclaration sur l’honneur dument datée et signée1020, ce n’est que s’il se voit attribuer
le marché que ce candidat devra produire ces certificats. On note également l’objectif de
dématérialisation des procédures1021.
Côté allégement des contraintes financières figurent : l’extension aux PME de la
périodicité préférentielle de versement des acomptes1022, l’obligation de prévoir dans les
documents contractuels un délai global de paiement1023, le remboursement de la retenue de
garantie au plus tard un mois après l’expiration du délai de garantie1024, la précision des règles
relatives à la sous-traitance (cession ou nantissement de créance et paiement direct du sous-
traitant)1025 et la facilitation du recours à la co-traitance c’est-à-dire au groupement
d’entreprises1026. Le règlement de la consultation ne peut plus faire obstacle à la présentation
d’offres groupées1027. On notera aussi la création de l’Observatoire économique de l’achat
public1028 qui est présenté dans le document préparatoire à la réforme comme un élément
d’ouverture de la commande publique aux PME1029.
Nous trouverons aussi au cœur des objectifs du Gouvernement le renforcement de la
concurrence et de développement économique. Le Gouvernement a déclaré ainsi que
« l’encouragement du recours à l’allotissement (répartition des marchés en plusieurs lots) et
au groupement des offres permettra de lever les obstacles techniques limitant l’accès des
PME à la commande publique (…). Le Gouvernement a souhaité prendre en compte la
spécificité des PME, en retenant comme l’un des axes majeurs de la réforme, l’objectif d’une
1019Article 46 alinéa 1.
1020Article 46 alinéa 2.
1021Cantillon (G), Concurrence et objectifs de politiques publiques en droit des marchés publics. Le droit des
marchés publics et la régulation
, Thèse, Université de Paris I Sorbonne, 2015, p. 123.
1022Article 89.
1023Article 96.
1024Article 101.
1025Article 112.
1026Article 51.
1027Cantillon (G), op, cit, p. 124.
1028Article 135.
1029Braconnier (S), op, cit, p. 30.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

ouverture plus large de l’achat public à ces entreprises. Une plus grande ouverture aux PME
de la commande publique est en effet essentielle par ce que ces dernières constituent un
secteur dynamique et créateur d’emplois, et par ce qu’il en résultera une concurrence accrue
dont les acheteurs publics bénéficieront »1030. Mais malgré cet effort de simplification, le
Conseil d’État continua à qualifier le droit des marchés publics d’armature passablement
lourde et paralysante et à réclamer qu’il se voie enfin doté de « ce vêtement ample et
souple »1031.
Le Code des marchés publics de 2004 amplifie le mouvement déjà esquissé de respiration
et de libéralisation1032
du droit des marchés publics. On retiendra comme principales mesure
la suppression du cautionnement en matière de remise des dossiers1033, la possibilité pour les
candidats aux marchés de se prévaloir de leurs sous-traitants pour justifier de leurs capacités
professionnelles, techniques et financières1034, l’appréciation globale de ces mêmes capacités
en cas d’offres groupées1035, la déclaration sur l’honneur1036 et la possibilité de rattrapage en
cas de déclaration incomplète.
Depuis 2006, le Code des marchés publics inclus des modalités favorables aux PME
comme l’allotissement, ou la suppression de l'obligation de fournir des références similaires
au marché proposé. En outre, les acheteurs doivent rendre compte des commandes passées
aux PME. Ces modalités sont détaillées aux articles 6, 10 et 14 de la circulaire du 3 août 2006
portant manuel d'application du Code des marchés publics1037. L’idée initiale était de
transposer le système américain dit du « Small Business Act »1038.
Le décret du 26 septembre 2014 portant mesures de simplifications applicables aux
marchés publics1039 a introduit « le partenariat d'innovation ». Ce dernier est un nouveau type
de marché public qui a pour objet la recherche et le développement ainsi que l’acquisition de
fournitures, services ou travaux innovants qui en sont le résultat. Il permet de répondre à un
1030Ministére de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, « communiqué de presse relatif à la réforme du Code
des marchés publics », 6 mars 2001
.
1031C.E, Collectivités publiques et concurrence, Paris, La Documentation française, 2002, p. 332.
1032Liorens (L), Soler-Couteaux (P), « Les habits neufs du code des marchés publics », Contrats-Marchés public,
2004, p. 3.
1033Article 41 alinéa 1.
1034Article 45 alinéa 1.
1035Article 52 alinéa 1.
1036Article 45 alinéa 2.
1037Circulaire du 3 août 2006 portant manuel d'application du Code des marchés publics, JORF, 2006, p. 11665.
1038Cantillon (G), op, cit, p. 235.
1039Décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 portant mesures de simplifications applicables aux marchés
publics
, JORF, 2014, p. 15782
271



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
besoin qui ne peut être satisfait par des fournitures, services ou travaux disponibles sur le
marché1040.
La directive donne de l’innovation une définition très ouverte. Elle consiste en « la mise
en œuvre d’un produit, d’un service ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, y
compris mais pas exclusivement des procédés de production ou de construction, d’une
nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail ou
les relations extérieures de l’entreprise »1041.
En instaurant le partenariat d’innovation, le décret a pour objectif de faciliter la passation
de marchés publics à visée innovante et d’aider les acheteurs publics à faire une meilleure
utilisation stratégique de leurs marchés pour stimuler l’innovation. L’acquisition de solutions
innovantes joue en effet un rôle essentiel dans l’amélioration de l’efficacité et de la qualité des
services publics tout en permettant de faire face aux enjeux de société1042.
Le partenariat d’innovation est passé selon une procédure négociée avec publicité et mise
en concurrence, aménagée pour tenir compte des spécificités des activités de recherche et
développement. Il peut être conclu avec plusieurs entreprises, il comprendra alors plusieurs
contrats individuels s’exécutant séparément. Conclu sur le long terme, le partenariat
d’innovation comprend deux phases principales. La phase de recherche et développement et la
phase d’acquisition des fournitures, services ou travaux issus de la phase de recherche et
développement1043.
Dernièrement, la France a adopté une nouvelle ordonnance pour la simplification et
rationalisation des règles de la commande publique : Sécurité juridique, compétitivité du
système juridique et efficacité de l’achat public. Ce sont les principaux objectifs de
l’ordonnance du 24 juillet 2015 relative aux marchés publics1044. Elle rassemble au sein d'un
1040BOAMP : « Le partenariat d’innovation », mise en ligne, le 7 juin 2016, consulté le 5 mars 2018, URL :
https://www.boamp.fr/Espace-acheteurs/Actualites/Le-partenariat-d-innovation
1041Directive, 2014/24/UE, article 2.
1042Direction des affaires étrangères, « Le partenariat d’innovation », mise en ligne le 29 avril 2014, consulté le
15 avril 2018, URL : https://www.economie.gouv.fr/daj/partenariat-innovation
1043BOAMP : « Le partenariat d’innovation », op, cit.
1044Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, JORF, 2015, p.12602. Cette
ordonnance est parue au Journal Officiel de la République française le 24 juillet 2015. Prise sur le fondement de
l’article 42 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et
portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives, elle
transpose le volet législatif de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014
sur la passation des marchés publics et de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

corpus unique les règles régissant tous les contrats constituant des marchés publics au sens
des directives européennes, tout en conservant des dispositions propres à chaque catégorie de
contrats et en prenant en compte les spécificités de certains acheteurs, notamment dans le
secteur des réseaux. L’ordonnance a mis fin en particulier à la dichotomie entre les marchés
relevant du Code des marchés publics et ceux relevant de l’ordonnance du 6 juin 2005 relative
aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des
marchés publics1045.
Cette ordonnance est exigée par le droit européen. Elle a pour but de simplifier le droit
français des marchés publics. Elle vise à favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises
aux marchés publics et améliorer l'utilisation stratégique de ces marchés comme levier de
politique en matière d'emploi, d'innovation et de développement durable, tout en optimisant
les politiques d'achat.
Le gouvernement a présenté l’ordonnance comme un outil juridique ayant de fortes
retombées socio-économiques puisque ses dispositions devraient faciliter l’accès des
PME/TPE à la commande publique, encourager l’achat responsable, ainsi qu’encadrer et
unifier les anciens contrats de partenariat sous le modèle unique du « marché du
partenariat ». Ledit marché de partenariat aura un champ étendu et pourra porter sur une
mission de service public, alors que les missions d’entretien, de maintenance et d’exploitation
ne seront plus obligatoires. L’acheteur public pourra donc recourir à ces marchés pour des
missions qui étaient jusque-là réservées aux autorisations d’occupation temporaires et aux
baux emphytéologiques administratifs1046.
Ces actions de réforme interviennent dans un contexte national et international qui impose
des réformes centrées sur les préoccupations d’efficience et d’intégrité dans une optique de
lutte contre la corruption et avec une volonté de renforcer la concurrence, d’assouplir les
procédures et de raccourcir les délais.
En définitive, la capacité d’atteindre les objectifs de développement économique et social
dépend du bon fonctionnement du système de passation des marchés publics. Une mauvaise
2017, URL :
février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des
transports et des services postaux.
1045FHF, « Publication de l’ordonnance sur les marchés publics », mise en ligne le 28 juillet 2015, consulté le 16
avril
https://www.fhf.fr/Finances-BDHF/Achats-marches-publics-fiscalite/Publication-de-l-ordonnance-sur-les-
marches-publics

1046Stefanini-Coste (A), « L’ordonnance marché public enfin publiée : une étape clé vers le code de la commande
publique », mise en ligne le 31 juillet 2015, consulté le 16 mars 2018, URL : https://www.kpratique.fr/L-
ordonnance-marches-publics-enfin-publiee-une-etape-cle-vers-le-Code-de-la-commande-publique_a375.html
273



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
gestion du système de passation des marchés a nécessairement un impact négatif sur
l’économie nationale et le développement car elle entraîne un gaspillage des fonds publics et
un manque à gagner pour les contribuables, une dégradation de l’état des infrastructures et un
accroissement du poids de la dette du pays et une mauvaise exécution des projets de
développement. C’est pour cela que les États doivent mettre en place des cadres juridiques
adéquats. Malheureusement, ce n’était pas le cas pour la Tunisie où nous trouverons toujours
un cadre juridique rigide et contraignant qui bloque la concurrence et freine la réalisation les
objectifs de développement.
B. Le marché public en Tunisie : la corruption et l’absence d’un cadre juridique
adéquat, freinent la réalisation des objectifs de développement
Les marchés publics ne constituent pas simplement des enjeux financiers. Ils constituent
un instrument de politique économique car ils peuvent être utilisés par les pouvoirs publics
pour stimuler les petites et moyennes entreprises ou pour stimuler les entreprises opérant dans
les secteurs jugés prioritaires par les pouvoirs publics. Mais la problématique des marchés
publics en Tunisie revêt une acuité particulière, compte tenu de nombreuses corruptions
commises sous l’Ancien Régime1047. Les conclusions de la Commission Nationale
d’Investigation sur la Corruption et la Malversation (CNICM) 1048ont montré que malgré le
recours à la mise en concurrence, ce domaine a été particulièrement touché par des abus sous
l’Ancien Régime.
À l’époque du Président BEN ALI, les marchés publics se caractérisent par la faible
performance qui est le résultat de divers obstacles qui ont mis des freins au fonctionnement
des marchés et de distorsions introduites par les politiques économiques erronées, même elles
1047« Les premiers textes relatifs à la réglementation des marchés publics en Tunisie remontent à la période du
protectorat français. Après l’indépendance, le gouvernement du nouvel État a adopté le décret du 1er Avril 1965
relatif au contrôle des marchés passés par l’État et les établissements publics. Avec cette loi, l’État a mis en place
des organes de contrôles des procédures de passation des marchés publics. D’après cet article, il est clair que le
souci majeur qui animait les autorités publiques était le contrôle de la passation des marchés publics. Cette
volonté est symptomatique du centralisme qui caractérisait l’organisation de l’État à cette époque. La
prééminence de l’État explique l’intérêt affiché pour la réglementation de la commande publique au dépend des
autres formes contractuelles notamment celles qui associent des personnes privées à la gestion des services
publics. La crise économique de 1969 a relevé aux pouvoirs publics tunisiens les défaillances du système de
contrôle de l’administration. Il a fallu cependant attendre l’adoption de la loi du 1
er avril 1973 portant
promulgation du code de la comptabilité publique pour assister à une refonte totale du système des marchés
publics. C’est sur la base de cette habilitation que fut adopté le premier code sur les marchés publics du 27 juillet
1974 », Hassayoun (M), « Le droit des contrats publics en Tunisie : tendances générales d’évolution », (dir),
Moron (M-S), Ben Letaief (M),
La réforme des contrats publics en Espagne et en Tunisie, 2010, p. 109.
1048La Commission nationale d’investigation sur la corruption et la malversation, créée en Tunisie après la
Révolution, le18 février 2011, a prévu que le marché public est un secteur particulièrement exposé à la
corruption sous l’ancien régime.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

sont souvent bien
intentionnées. Il s’agit plus spécifiquement d’un environnement
règlementaire protectionniste qui bloque la concurrence du fait d’une bureaucratie pesante,
d’un secteur financier entravé par
les défaillances de gouvernance, des mesures
règlementaires qui limitent la concurrence et de politiques industrielles et agricoles qui
introduisent les distorsions et aggravent les disparités régionales. L’accès au marché ayant été
lourdement réglementé. Il s’est donc créé des opportunités pour l’extraction de rentes par les
agents bénéficiant d’un accès privilégié à certaines informations en activités.
Les pratiques de copinage ont porté atteinte à la performance de la commande publique et
même de toute l’économie aux dépens de ceux qui n’avaient pas de bonnes relations et des
liens avec les politiciens ou avec l’administration. Plus particulièrement, les règlementations
elles-mêmes étaient adaptées en fonction d’intérêts personnels et permettaient des pratiques
douteuses.
Également, le régime juridique gouvernant les marchés publics était caractérisé par des
faiblesses réelles, tant aux niveaux des principes et règles qui régissent la phase de la
formation et de l’exécution du marché quant à ceux qui gouvernent les contrôles auxquels ces
procédures sont soumises. Malgré les amendements1049, la règlementation reste dominée par
la médiocrité et l’absence de pilotage puisqu’il place l’administration ou l’acheteur public
comme juge et partie car c’est lui qui exprime les besoins, c’est lui qui détermine la
conformité et qui valide la réception.
Plusieurs facteurs participent à l’inefficacité du dispositif du 17 décembre 20021050 : le
monopartisme, l’endettement des entreprises publiques et de l’État, la corruption dans la
passation des marchés publics, le recours excessif au gré à gré et l’instabilité institutionnelle,
l’absence de transparence ; aucun outil informatique ou journal public des marchés publics
n’existe en Tunisie. On continue à entretenir le secret sur les marchés attribués, les montants,
les titulaires, le nombre des soumissionnaires, les motifs de rejet et les offres financières
présentées. Seule l’administration dispose de ces informations alors que dans d’autres pays
comme en France, elles sont publiées pour apporter plus de transparence.
1049Les marchés publics sont aussi régis par les textes suivants : le code de la comptabilité publique promulgué
par la loi n° 73-81 du 31 décembre 1973 et l’ensemble des textes qui l'ont modifié et complété et notamment la
loi n° 93-125 du 27 décembre 1993, la loi n° 96-86 du 6 novembre 1996, la loi n° 99-29 du 5 avril 1999, la loi
organique du budget n° 67-53 du 8 décembre 1967, la loi n° 91-64 du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et
aux prix et l’ensemble des textes qui l’ont modifiée ou complétée. Ces différentes réformes en matière de
marchés publics ont créé une instabilité juridique.
1050Décret n° 2002-3158 du 17 décembre 2002, portant réglementation des marchés publics, JORT, 2002,
p. 980.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Le dispositif tunisien se caractérise par des contrôles démultipliés et lourds. Ce contrôle
est exercé à tous les stades du processus de l’achat public par des organes internes et externes
dont l’organisation et la composition se trouvent étoffées. A priori, les contrôles sont exercés
selon le cas, soit par des contrôleurs des dépenses pour les marchés de l’État, des collectivités
locales et des établissements publics administratifs, soit par des contrôleurs d’État pour les
marchés des entreprises publiques et des établissements publics n’ayant pas un caractère
administratif1051. Ainsi, la tutelle ne se limite plus aux contrôles traditionnels internes et
externes, elle participe désormais directement à la gestion des achats des entreprises publiques
dès qu’ils dépassent un certain seuil d’importance. Ainsi, la lourdeur de l’emprise de
l’administration par le contrôle a priori apparait à travers le rôle des contrôleurs des dépenses
et des contrôleurs d’État qui président désormais, comme nous l’avons déjà souligné la
commission d’ouverture des plis1052.
Le décret de 2002 a alourdi le système de contrôle permanent sur les marchés publics. Ce
décret a renforcé de manière très nette le système de contrôle. Celui-ci s’exerce à tous les
stades du processus de l’achat public. Cette option des pouvoirs publics s’est traduite par la
consolidation des structures de contrôle1053 et l’élargissement de leurs attributions1054.
La complexité du cadre juridique, l’absence de transparence et l’application inefficace et
inadaptée de la règlementation ont favorisé la corruption et les comportements malhonnêtes
en matière d’achat public. Il est donc devenu impératif de réformer le cadre juridique des
marchés publics. Dans cette perspective, et pour garantir la bonne gestion des deniers publics,
un plan d’action a été établi, visant une réforme de la règlementation en matière de marchés
publics et l’amélioration de ses performances. Il s’articule autour de cinq axes jugés
prioritaires « la gouvernance, la rationalisation du cadre juridique, la transparence, la
performance et la professionnalisation ». C’est dans cette optique, que le législateur a élaboré
un nouveau décret en 2014 portant sur la règlementation des marchés publics1055 pour faire
face aux effets néfastes du dernier décret résultant de l’inefficacité et de la corruption dans la
passation des marchés publics.
1051Ben Letaief (M), « Le droit des marchés publics en Tunisie, état des lieux et perspectives », op, cit, p. 159.
1052Jenayeh (M), op, cit, p. 122.
1053L’exposé des motifs du décret n°2002-3158 du 17 décembre 2002 fait de la consolidation du contrôle l’un de
ses objectifs.
1054Ben Letaeif (M), « Rapport introductif », Actes de la journée d’étude sur les marchés publics organisé le 3
avril 2003, Tunis, p. 7.
1055Décret n°2014-1039 du 13 mars 2014 portant réglementation des marchés publics, JORT, 2014, p. 1670.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Le nouveau décret vise à renforcer le rôle des marchés publics dans la réalisation des
objectifs de développement et la garantie de l’efficience des achats publiques et de la base
gouvernance en matière de lutte contre la corruption et de garantie de la transparence. C’est
pour cette raison que l’accent a été mis sur la simplification des procédures, l’organisation des
structures concernées par les marchés publics et la préservation des intérêts des intervenants
dans les marchés publics.
En vue de rapprocher la règlementation tunisienne des standards internationaux et dans
un souci de simplification des procédures, d’assouplissement des contrôles a priori et de
raccourcissement des délais, le décret de 2014 a introduit un nouveau type de marchés. Il
s’agit des marchés à procédure simplifiée pour les commandes dont la valeur estimée varie
entre 200.000 dinars et 500.000 dinars pour les travaux, entre 100.000 dinars et 200.000
dinars pour les études et la fourniture de biens ou de services dans le secteur de l'informatique
et des technologies de la communication, entre 100.000 dinars et 300.000 dinars pour la
fourniture de biens ou de services dans les autres secteurs et entre 50.000 dinars et 100.000
dinars pour les études dans d’autres secteurs1056. Pour les marchés passés selon la procédure
simplifiée, l’acheteur public est tenu de respecter les principes régissant les marchés publics, à
savoir la concurrence, la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité devant la
commande publique, la transparence et l’intégrité des procédures et il reste soumis à
l’obligation de publicité de l’appel à la concurrence1057.
Le décret de 2014 impose aux acheteurs publics de préparer un manuel de procédures
spécifique aux marchés à procédure simplifiée et de créer une Commission d’achats spéciale
pour ces marchés qui se charge de l’ouverture et de l’évaluation des offres, propose
l’attribution du marché et examine les avenants et les litiges. Ces nouvelles dispositions
assouplissent la gestion des marchés en dessous des seuils fixés par le décret et
responsabilisent les acheteurs publics en les exonérant du contrôle a priori des Commissions
de marchés et en leur permettant de fixer les modalités de passation du marché (délai
raisonnable pour la réception des offres, pièces de l’appel d’offres, etc.) selon leurs propres
caractéristiques.
1056Tlili (A), op, cit, p. 34.
1057Sur cette question, voir, Caillosse (J), « Le droit administratif français saisi par la concurrence », AJDA,
2000, Braconnier (S), « Les règles d’attribution des contrats », dossier Les nouvelles dispositions sur les contrats
de commande publique
, RFDA, 2016. En droit tunisien, voir, Ben Letaief (M.), « Les marchés publics et la
concurrence »,
AJT, 2000, Fourati (S), La mise en concurrence dans les marchés publics. Essai de comparaison
entre les droits français et
tunisien, Thèse, Université de Paris II, Panthéon- Assas, 2006.
277


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Le nouveau décret a apporté aussi plusieurs dispositifs à savoir la recherche de
rationalisation des achats publics. Le plan prévisionnel annuel de passation des marchés
publics obligatoirement établi par chaque acheteur public doit être compatible avec les crédits
qui lui sont annuellement alloués. Il doit être conforme au projet de budget et respecter un
calendrier, la prise en compte de nouveaux facteurs pour le choix des entreprises
soumissionnaires notamment
le développement durable entendu au sens social ou
environnemental1058. Dans ce sens, l’article 19 prévoit que « les conditions d’exécution d’un
marché public doivent, dans la mesure du possible, comporter des éléments à caractère social
ou environnemental qui tiennent compte des objectifs du développement durable ». Ces
conditions d’exécution sont indiquées dans l’avis d’appel public à la concurrence et dans les
cahiers des charges relatifs au marché et ne doivent en aucun cas avoir d’effet discriminatoire
à l’égard des candidats potentiels.
Les nouveautés les plus spécifiques sont surtout l’affirmation marquée de la lutte contre la
corruption dans les articles 173, 174, 177, 178, 179. Le rapport de l’OCDE « Évaluation du
cadre d’intégrité dans les marchés publics en Tunisie », fait le constat suivant : « le
gouvernement devrait encourager les entreprises à renforcer l’intégrité dans leurs rapports
avec l’administration (…). Les administrations peuvent par exemple, instituer des pactes
d’intégrité qui exigent l’engagement réciproque de l’administration et de tous les
soumissionnaires de s’abstenir de toute malversation, de prévenir toute action de corruption
et de se soumettre à des sanctions en cas de violation »1059.
Nous relevons aussi l’instauration de plus de rapidité dans la passation des marchés
publics. Ces derniers sont en principe passés après mise en concurrence par voie d’appel
d’offres. Des procédures plus rapides de passation existent comme la négociation directe ou la
procédure simplifiée.
La négociation directe concerne des cas précis. Elle est exceptionnelle et doit se justifier
par le caractère spécifique de la commande. Lorsque le marché ne peut être confié qu’à un
seul fournisseur à cause de la détention de brevets, ou s’il est seul à offrir la prestation pour
des motifs de sûreté publique ou lorsque les offres précédentes ont été déclarées
inacceptables.
1058Aouij Mrad (A), « Marchés publics », FDSPT, 2016, p. 7.
1059OCDE, Rapport, « Évaluation du cadre d’intégrité dans les marchés publics en Tunisie », 2012, p. 23.
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Page 281
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Quant aux marchés à procédure simplifiée, ils ne concernent que les commandes
inférieures à un certain montant1060. L’acheteur dispose de beaucoup de souplesse pour ces
marchés. C’est lui qui fixe les modalités de cette procédure qui elle-même est beaucoup plus
légère. Cependant, il doit respecter la procédure.
Pour assurer la promotion des opportunités pour les petites et moyennes entreprises et
participer à la croissance du commerce électronique et du développement économique qui en
résulte, l’État a intégré les technologies de l’information et de la communication dans le
processus d’achat public. Le texte institut l’achat public en ligne « TUNEPS »1061, ce qui
constitue une avancée pour la transparence et la rapidité des procédures de passation. C’est un
gage d’économie de temps et de meilleur choix pour les acheteurs publics.
TUNEPS, co-réalisé par une entreprise coréenne spécialisée « Samsung SDS » et
plusieurs entreprises tunisiennes vont conférer davantage d’efficacité et de transparence aux
marchés publics et une meilleure gestion des finances publiques pour la Tunisie, étant donné
que les dépenses publiques passent nécessairement par les marchés publics.
Malheureusement, l’inscription sur ce site n’est pas obligatoire pour les acheteurs publics
et il n’y a pas une homogénéité des normes d’achats, c'est-à-dire que chaque acheteur public a
ses propres normes pour ses commandes. Le but de rationaliser l’achat public qu’on comptait
atteindre en instaurant TUNEPS n’est donc pas atteint.
La nouvelle Constitution du 27 janvier 2014 consacre également un certain nombre de
principes qui auront un effet direct sur le droit de l’exécution des marchés publics1062
. Il en est
des principes de bonne gestion des deniers publics, de transparence des procédures,
d’intégrité, d’efficacité et de redevabilité promus au rang constitutionnel par les articles 10 et
15 de la Constitution. Il en est également des principes de l’indépendance du pouvoir
judiciaire, du procès équitable, du délai raisonnable et du droit au recours prévus par les
articles 102 et 108. Il en est enfin du principe de libre administration des collectivités locales
dans l’article 132 et de la soumission des actes de ces collectivités à un contrôle a posteriori
1060Article 51 alinéa 2.
1061« TUNEPS, le nouveau système tunisien d'achats publics en ligne Le système d'achats publics en ligne
(Tunisia E-Procurement System) « TUNEPS » a été lancé fin janvier 2013 en Tunisie, dans le cadre d'un projet
de coopération tuniso-coréenne. L’entrée en service de ce projet concerne dans une première étape 9 sites
pilotes, dont 4 ministères (présidence du gouvernement, ministères de l’Education, des Technologies de
l’information et de la communication et de l’Equipement) et 5 entreprises publiques (STEG, la Poste tunisienne,
ONAS, ARRU,
publics ».
Webmanagercenter : « TUNEPS, le nouveau système tunisien d’achats publics en ligne », mise en ligne le 30
janvier 2013, consulté le 14 mars 2017, URL : https://www.webmanagercenter.com/2013/01/30/130556/tuneps-
le-nouveau-systeme-tunisien-d-achats-publics-en-ligne/

1062Jenayah (A), op, cit, p. 22.
ensuite généralisé
SONEDE).
acheteurs
autres
sera
aux
Il
279


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
exercé par le juge administratif et de l’interdiction de l’exercice de tout contrôle a priori sur
ces actes dans l’article 1381063.
La garantie de l’ensemble de ces principes est du ressort du nouvel édifice institutionnel
dont la mise en place est annoncée par la nouvelle Constitution. Il s’agit, en premier lieu de la
Cour constitutionnelle créée par l’article 118 et appelée en vertu de son article 120 à exercer
un contrôle de constitutionnalité tant par voie d’action que par voie d’exception1064. Les
modalités de ce contrôle ont été précisées par la loi organique du 3 décembre 2015 relative à
la Cour constitutionnelle1065. Il s’agit, en second
lieu, des nouvelles
juridictions
administratives et financières dont la création est prévue par les articles 116 et 117 de la
Constitution. Il s’agit, en dernier lieu de l’Instance de la bonne gouvernance et de la lutte
contre la corruption (IBGLC), dont la création est prévue par l’article 130 qui est appelé à se
substituer à l’actuelle Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC)1066.
Le Chapitre VII de la Constitution relatif au « pouvoir local », constitue aussi un
bouleversement de l’état antérieur du droit sur lequel continuent cependant de s’appuyer les
collectivités locales à titre transitoire1067 pour conclure leurs marchés. Il comporte notamment
un article 132 relatif au principe de « libre administration » et un article 138 qui interdit tout
contrôle a priori sur les actes de ces collectivités. Il en résulte que l’intervention du pouvoir
règlementaire général dans le champ des marchés publics locaux, sans une habilitation claire
et expresse du législateur, devient problématique et que les mécanismes de contrôle a priori
applicables à cette catégorie de marchés doivent être révisés par le nouveau code en voie
d’adoption1068.
1063Jenayah (A), op, cit, p. 22.
1064Ibid, p. 23.
1065La loi organique du 3 décembre 2015 relative à la Cour constitutionnelle, JORT, 2015, p. 2926.
1066Cette instance a été créée pendant la période transitoire en vertu du décret-loi n° 2011-120 du 14 novembre
2011,
JORT, 2011, p. 2746.
1067Sur cette question, voir Jenayah (M.-R.), « Démocratie locale et transition politique en Tunisie », Droit et
Politique
, Faculté de droit et des sciences politiques de Sousse, 2012.
1068Jenayah (A), op, cit, p. 23.
280








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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Conclusion du chapitre I
Pour mener à bien les objectifs de cohésion économique et sociale, l’État avait recours à
des différents moyens susceptibles d’orienter l’économie qui se traduit par une gestion
étatique des activités économiques et une forte intervention de l’État dans le domaine
économique.
L’entreprise publique constitue le principal moyen d’intervention de l’État pour orienter
l’économie. Le recours à la commande publique est devenu aussi un instrument de
l’interventionnisme public dans l’économie. Elle constitue un moyen de satisfaction des
besoins économiques et sociaux de la population comme la création d’emplois et la lutte
contre la pauvreté.
Cependant, cette domination connait de nos jours un abandon dû au contexte qui nécessite
une forte dose de concurrence et de partenariat entre le secteur public et le secteur privé. Nous
étudierons cette altération aussi bien en droit comparé qu’en droit tunisien : ses causes et ses
conséquences sur l’économie dans la suite de notre développement. Le chapitre suivant qui
traitera le déclin de l’action économique de l’État est conçu pour mettre en évidence les
phénomènes cités ci-dessus.
281















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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Chapitre 2. Les limites de l’action économique des pouvoirs publics
dans la mise en œuvre de la politique économique de l’État.
Le début des années quatre-vingts a été marqué par une crise économique mondiale ayant
des effets directs sur les économies périphériques. La Tunisie qui a supporté durant les deux
premières décennies de l’indépendance une politique économique dépendante de l’extérieur,
surtout en matière de financement du développement était au premier rang des pays en
crise1069. Les signes exprimant l’entrée en crise sont nombreux : la réduction sensible de la
croissance, l’aggravation du chômage, la réduction du pouvoir d’achat des salariés, le recul
des investissements, la détérioration sensible et continue du rendement du capital et la crise
des paiements extérieurs (etc.)1070.
On peut relever le même phénomène en France même si les réformes ont été plus
audacieuses dans plusieurs secteurs publics qui nécessitent l’intervention des autres
opérateurs privés. Dès la fin des années soixante, le rapport NORA allait mettre en lumière les
dysfonctionnements inhérents au mode de gestion des entreprises publiques : absence de
contrôle régulier, absence d'objectifs, absence de codification des processus de prise de
décision au sein des Conseils d’administration et
l’insuffisante généralisation des
représentants de l’État et des dirigeants d’entreprises1071.
En France comme en Tunisie, ces bouleversements ont constitué pour l’État non
seulement des entraves et des oppressions mais aussi une occasion pour moderniser son
administration et améliorer son efficacité.
L’action économique de l’État a connu un déclin. Ce déclin se résume en premier lieu,
par l’incapacité de l’entreprise publique à relancer l’économie et à faire face à l’endettement
public (Section 1) et en second lieu, par l’inaptitude des deux formes classiques des contrats
administratifs dans la réalisation des investissements publics (Section 2).
1069Ben Romdhane (M), « Fondements et contenu des restructurations face à la crise économique en Tunisie. Une
analyse critique »,
AAN, 1987, pp. 150-151.
1070Voir Banque mondiale, « La révolution inachevée, créer des opportunités, des emplois de qualité et de la
richesse pour tous les Tunisiens »,
Revue des politiques de développement, 2014, le Rapport de la Commission
nationale d’investigation sur la corruption et la malversation (CNICM), novembre 2011 et le Rapport de la
Commission nationale anticorruption, 2012.
1071Nora (S), Rapport sur les entreprises publiques, avril 1967, Paris, La documentation française, 1968, p. 39.
282

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Section 1. La défaillance de l’entreprise publique : vers le recours à la
privatisation
Le problème le plus douloureux concernant les entreprises publiques est certainement
celui relatif à leur situation financière. Les entreprises publiques constituent une charge de
plus en plus lourde pour le budget de l’État qui s’est avéré être un mauvais régulateur de la
vie économique. Elles ont subi de lourdes pertes financières grevées le budget de l'État et
absorbé une part disproportionnée des crédits intérieurs qui auraient pu être mieux investis
pour le développement de l'économie1072.
La performance des entreprises publiques s’est révélée en règle générale insatisfaisante.
Si certaines sont efficaces, beaucoup d’autres ne l’ont pas été. Alors qu’elles avaient été
créées pour remédier à la carence du secteur privé et servir au développement de l’économie
nationale, elles sont au contraire, contribuées à l’étouffement du secteur privé et à la
stagnation de l’économie.
Or, il appert que dans les dernières décennies, les actions de l’État interventionniste ont
été remises en cause par l’effet de l’intégration économique, la mondialisation, la
concurrence, la libéralisation des marchés ainsi que les accords internationaux qui sont
désormais à l’ordre du jour1073. Ces mutations ont conduit la plupart des États à la
privatisation de ses entreprises publiques. L’État n’a plus le prestige qu’il avait auparavant. Il
est confronté à l’intégration économique ce qui affaiblit ses fondations, la raison d’être de son
intervention et de sa puissance publique.
Dans ces différentes perspectives, nous étudierons d’abord le rôle inachevé de l’entreprise
publique dans la relance de l’économie (Paragraphe 1) et ensuite le recours à la privatisation
comme solution pour redresser les déséquilibres économiques et financiers de l’État et pour
améliorer l’efficacité économique de l’entreprise publique (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Le rôle inachevé de l’entreprise publique dans la relance de
l’économie
La remise en cause de l’entreprise publique a été expliquée surtout par le fardeau
financier. Étant un instrument privilégié de la politique économique et sociale de l’État,
l’entreprise publique est en étroite liaison avec son budget. L’État intervient à plusieurs
degrés dans le financement de ses entreprises publiques. D’abord, avec la constitution du
1072Noomane (D), op, cit, p. 42.
1073Pelletier (M-L), L’entreprise publique de service public. Déclin et mutation, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 22.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
capital d’entreprise nouvellement crée. Ensuite, par la prise en charge des travaux
d’infrastructure réalisés par les entreprises publiques assurant un service public. Enfin, l’État
participe à l’augmentation du capital, accorde des prêts, des subventions d’exploitation, des
dotations pour assainissement et abandonne des créances. En sens inverse, le budget de l’État
est alimenté par des fonds en provenance des entreprises publiques sous forme de dividendes,
d’intérêts, de bénéfices et de remboursement de prêts précédemment accordés1074.
La remise en cause de l’entreprise publique a été expliquée aussi par l’inefficacité
économique. Dans le monde entier, elle s’est avérée hautement inefficace, principalement à
cause de l’intervention excessive de l’État, mais aussi parce qu’elle conduit des stratégies
destinées à satisfaire les objectifs des hommes politiques.
Les effets conjugués de la fin des Trente Glorieuses, les difficultés économiques, la
construction européenne et l’avènement de la mondialisation conduisent à brouiller, ramifier
et affaiblir les entreprises publiques. Le caractère public des entreprises publiques se mue de
force en handicap sur des plans aussi essentiels que la gouvernance, le financement, le social
et le positionnement dans l’économie nationale. La gouvernance de l’État est désormais
considérée par nature comme peu efficace, peu apte à dégager une vraie capacité stratégique
et culturellement éloignée du risque et même de l’innovation1075 (A).
En Tunisie, le déclin de l’entreprise publique s’explique par deux raisons. La première
raison relève des contraintes budgétaires. L’État doit faire face à des déficits publics de plus
en plus importants qui sont principalement dus au poids financier des entreprises publiques.
La deuxième raison est d’ordre économique. Le mode de gestion public est considéré comme
étant un obstacle de taille, empêchant les entreprises publiques d’être performantes et
efficaces (B).
A. Le déclin de l’entreprise publique en France : inefficacité économique,
tutelle de l’État et déficit financier
C’est vers le milieu des années soixante que des critiques ont commencé à apparaître
concernant la taille du secteur public. En 1967, le rapport NORA a mis en cause l’influence
néfaste du secteur public en matière de concurrence, de tarification et d’autonomie de
1074Noomane (D), op, cit, p. 42.
1075Cartier-Bresson (A), « Des entreprises et participations publiques pour quoi faire ? », Actes de colloque Les
entreprises publiques
, Paris, La documentation française, 2017, p. 21.
284


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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

gestion1076. Ce rapport a dénoncé les déficits financiers des entreprises publiques qui ne
cessent de s’accroitre avec la crise économique des années soixante-dix et qui devaient ainsi
être comblé par les recettes budgétaires de l’État1077. Les rapports Vedel1078
et Bonnefous1079
ont critiqué quant à eux la politique de financement des entreprises publiques ainsi que
l’augmentation du nombre de filiales dépendant de l’État.
Malgré ces critiques, pendant les années soixante-dix, la gauche a adopté un programme
prévoyant un seuil minimal de nationalisation en cas de victoire électorale. L’objectif étant de
rendre à la Nation des biens qui devaient servir l’intérêt général, constituer le fer de lance
d’une grande politique industrielle et instituer dans l’entreprise une nouvelle citoyenneté.
Après 1981, le gouvernement MAUROY a eu recours aussi à la nationalisation. L’objectif
visé est d’orienter plus aisément les choix industriels et de diminuer le poids des contraintes
de court terme dans les décisions des entreprises. Malgré la nouvelle politique de
nationalisation, on relève un endettement assez important des entreprises publiques à court ou
long terme. Les Charbonnages de France et la SNCFT sont obligés d’emprunter pour financer
leur fonds de roulement. D’autres entreprises sont endettées envers l’étranger. L’État les ayant
encouragés à recourir aux financements extérieurs afin de ne pas réduire le potentiel
d’investissement national.
En 1982, d’autres entreprises publiques avaient été nationalisées pour mettre en place des
stratégies de développement grâce à l’apport de fonds publics. Or, l’État s’est révélé être
incapable de fournir les financements nécessaires à la poursuite des opérations de croissance
des entreprises publiques les plus actifs et les investissements indispensables à celles en
difficultés.
Suite à l’échec de cette politique de relance lancée par le gouvernement MAUROY, le
gouvernement injecte de l’argent dans l’économie afin de stimuler l’investissement et la
consommation et de lutter contre le chômage. Mais ces dépenses financées par le biais d’un
accroissement des déficits publics n’ont pas été accompagnées d’une dévaluation du franc ni
d’une modernisation de l’appareil productif. Ce dernier n’étant pas en mesure de répondre à la
1076Nora (S), op, cit, p. 45.
1077« Depuis 1973, le budget des administrations publiques (État, les collectivités territoriales et les
administrations de sécurité sociale) françaises est constamment déficitaire ». Sur cette question, voir Bottini (F),
L’État interventionniste. Le rôle de la puissance publique dans l’économie, Paris, L’Harmattan, 2012, p.76.
1078Vedel (G), « La technique des nationalisations », Dr. Soc, 1946, p. 15.
1079Bonnefous (E), Rapport fait au nom de la Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la Nation,
J.O. Document Sénat.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
demande additionnelle. Le déficit de la balance commerciale se creuse rapidement et
l’inflation s’accroit, sans que la montée du chômage soit enrayée1080.
Au lendemain des élections présidentielles et législatives en 1982, les gouvernements
admettent que l’expansion du secteur public ne peut suffire à résoudre les déséquilibres
financiers des entreprises publiques.
L’autre raison du déclin de l’entreprise publique en France est l’inefficacité économique.
Cette dernière est en partie due aux immixtions politiques. Les ingérences du pouvoir
politique sont fréquentes, tant dans la nomination des instances dirigeantes de l’entreprise que
dans la prise de décision. Le recrutement des dirigeants se fait sur la base du clientélisme et
non sur la base des compétences ou des connaissances. Les personnes qui accèdent à ces
postes dans les structures étatiques s’en servent pour satisfaire leurs intérêts personnels et
ceux de
leur clan. En outre,
le gouvernement contrôle
totalement
les Conseils
d’administration1081.
Ces ingérences se sont manifestées par l’exercice de la tutelle par les ministères
techniques et par la multiplication des contrôles. Cette gestion administrée et centralisée a
privé les organes dirigeants des entreprises de toute liberté d’action les obligeant à exécuter
les directives de leur tutelle. Ces conditions laissent aux pouvoirs publics un large pouvoir
discrétionnaire déterminé par la loyauté politique de ces agents, alors que c’est de la
compétence professionnelle de ces dirigeants que dépendent le sort et les résultats de
l’entreprise publique et non pas de leur appartenance politique.
L’inefficacité de l’entreprise publique ne dépend pas uniquement de la qualité de ces
organes dirigeants, mais principalement de leurs modes de direction et des attributions qui
leur sont donnés. Ainsi, l’influence exercée par l’État se révèle dans tous les cas
prépondérante, car il exerce une pression sur les attributions des organes dirigeants1082. Dans
la majorité des cas, les attributions du Conseil d’administration sont limitées par le contrôle
de tutelle qu’exerce l’État sur ses décisions. En effet, toutes les décisions importantes prises
par cet organe sont soumises à l’approbation préalable de l’autorité de tutelle. Par contre, le
Président-Directeur Général (PDG) se trouve doté d’un pouvoir largement étendu et il
centralise de ce fait, toutes les formations et tout le pouvoir sur la gestion de l’entreprise.
1080Thaury (M), op, cit, p. 9.
1081Bounjoua (O), Le contrôle des entreprises publiques en économie de marché, Thèse, Université de Paris I
Sorbonne, 1990, p. 103.
1082Jarnevic (J-P), Chenevoy (M), « Les dirigeants des entreprises publiques », RFAP, 1977, p. 822.
286

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Cette centralisation des pouvoirs au niveau des chefs d’entreprise a une répercussion sur la
réactivité de la direction de l’entreprise publique et peut aussi se révéler néfaste1083, si cette
même direction bénéficie d’un soutien inconditionnel de la puissance publique notamment, au
travers du lien de tutelle1084 surtout que ces représentants partagent les mêmes orientations
politiques et se sentent « immunisés »1085. Donnons l’exemple du crédit lyonnais où la
désignation des membres du Conseil d’administration est critiquable. Concernant les
personnalités qualifiées, la Commission relève qu’elles ont brillé par leur timidité et que
souvent absentes, leur participation aux débats s’est avérée décevante. Choisis parmi les
industriels les plus prestigieux du pays, ils ont rarement mis leur expérience au service du
Crédit Lyonnais1086.
Les entreprises publiques sont soumises à un contrôle qui s’exerce à travers le système de
la tutelle. Toutefois, ce contrôle comporte deux effets pervers. D’une part, lorsqu’il aboutit à
confirmer les choix stratégiques du Président de l’entreprise, il a pour conséquence d’en
accroitre la légitimité au regard des membres du Conseil d’administration. D’autre part,
lorsque la situation se complique du fait des divergences de vues entre la direction du trésor et
le cabinet du Premier ministre, les recommandations de l’administration de tutelle perdent une
grande partie de leur efficacité si le Président de l’entreprise publique voit son autorité
renforcée par ce qui apparait comme un arbitrage en sa faveur1087.
La Banque mondiale relève en 1995 que « les entreprises publiques, inefficaces et
déficitaires, font peser des charges importantes sur les budgets nationaux, freinent la
croissance et la libéralisation »1088.
Aujourd’hui, en 2018, la SNCF pourrait être l’exemple recherché sur l’inefficacité de
l’entreprise publique. Elle est non seulement un désastre économique avec seulement la
moitié de ses dépenses couvertes par ses recettes commerciales, mais aussi le symbole de
l’immobilisme.
1083Shwall (P), « Le groupe industriel et commercial de l’État : réflexion sur la tutelle ministérielle » Revue
administration
, 1992, p. 67.
1084Duputy (M), « Faut-il réaménager le contrôle de l’État sur les entreprises publiques ? », op, cit, p. 3.
1085Ben Letaif (M), op, cit p. 138.
1086Duputy (M), « Faut-il réaménager le contrôle de l’État sur les entreprises publiques ? », op, cit, p. 3.
1087Ibid, p. 3.
1088Rapport public, « L’État actionnaire, l’Agence de participation de l’État », op, cit, p. 23.
287



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
L’une des principales craintes sur l’avenir du service public ferroviaire français porte sur
le fardeau de sa dette qui atteint 54,5 milliards d’euros (7,9 milliards pour SNCF Mobilités et
46,6 milliards pour SNCF Réseau), dont autour de 23 milliards viennent du coût de
construction des lignes à grande vitesse (LGV)1089.
Quant à la sécurité, le nombre d’accidents mortels n’a cessé de croître et est maintenant
double de celui des Britanniques. En comparaison avec les autres pays européens, la
performance de la SNCF reste plus que modeste. Depuis plus de 20 ans, le nombre de
voyageurs transportés en France n’a progressé que de 37%, alors que dans les autres grands
pays de l’Europe avec des tailles de réseau ferroviaire importantes. Le nombre de voyageurs
transportés a connu une augmentation beaucoup plus forte : de 80% en Italie, de 100% au
Royaume-Uni et en Espagne et enfin de presque 150% en Allemagne1090.
Face à ses défis, l’État a décidé de réformer ce secteur public1091. À partir de 2021, des
opérateurs privés pourront exploiter leurs trains sur le réseau ferroviaire, conformément au
calendrier imposé par l’Union Européenne à la France pour libéraliser le secteur.
L’intervention des opérateurs privés va mettre fin à plus de quatre-vingts ans de monopole de
la Société nationale des chemins de fer sur le transport de voyageurs.
En définitive, la mise en place de cette politique économique pour le développement
économique et la modernisation de l’État a eu des conséquences graves sur l’économie du
pays telles l’augmentation du coût de production pour les entreprises, la baisse du profit,
réduction du volume d’investissement et la hausse de l’inflation1092. Est-ce que l’entreprise
publique tunisienne a connu aussi un certain déclin ? Est-ce qu’elle constitue une entrave
devant le développement économique et social du pays ?
1089Le Monde, « Que prévoit la réforme de la SNCF, définitivement adoptée par le Parlement ? », mise en ligne
le 5 juin 2018, consulté le 23 juin 2018, URL :
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/06/05/ou-en-
est-la-reforme-de-la-sncf_5309990_4355770.html
1090Hugo (M), « SNCF, le cancre », mise en ligne 5 avril 2018, consulté le 23 avril 2018, URL :
https://entrepreneurs-pour-la-france.org/Les-obstacles/SNCF/article/SNCF-le-cancre
1091Les principes-clés de la réforme sont l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, la
transformation de la SNCF en société anonyme à capitaux publics et la fin des recrutements au statut de
cheminot.
1092Zaiter Lahimer (M), L’impact des entrées de capitaux privés sur la croissance économique dans les pays en
développement,
Thèse, Université de Paris I Sorbonne, 2011, p. 36.
288

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

B. Le déclin de l’entreprise publique en Tunisie : inefficacité économique,
tutelle de l’État et accroissement continu du déficit financier
Dans les années quatre-vingts, les entreprises publiques ont subi de lourdes pertes
financières, grevées le budget de l'État et absorbé une part disproportionnée des crédits
intérieurs qui auraient pu être mieux investis pour le développement de l'économie. Le taux
d’endettement a atteint 55.9% du revenu national disponible en 19871093.
Le VIe plan de développement1094 défendait les résultats financiers négatifs des
entreprises publiques en énonçant que ces mauvais résultats étaient dus à l’environnement
économique dans lequel elles évoluaient, notamment la faible marge de manœuvre qu’elles
avaient dans la fixation des prix de vente et dans la compression des coûts. Il énonça que
« durant les deux derniers plans de développement, le concours budgétaire de l’État au profit
des entreprises publiques a représenté 20 % de l’ensemble des dépenses du budget ». Le
VIIe plan1095 précise aussi que « même les entreprises publiques agissant dans les secteurs
concurrentiels souffrent de difficultés financières chroniques, ce qui a nécessité le recours à
des assainissements successifs qui, en fin de compte, n’ont donné que des résultats peu
satisfaisants ».
L’examen des sources de financement du déficit budgétaire révèle que la fraction des
ressources extérieures était supérieure à celle d’origine interne1096 ce qui aggrava
l’endettement extérieur de la Tunisie. De plus, l’impact n’était pas seulement indirect, il était
également direct. Les entreprises tunisiennes pour se financer font souvent appel à l’emprunt
international. Un tel recours est facilité par les garanties de remboursement qu’offre l’État aux
bailleurs de fonds internationaux. De ce fait, la Banque mondiale a révélé « qu’en partie en
raison de ces garanties, les emprunts des entreprises publiques ont beaucoup ajouté à
l’endettement extérieur. Entre 1970 et 1986, leurs emprunts directs à l’étranger ont
représenté plus du cinquième du total de la dette extérieure d’un échantillon de 99 pays »1097.
1093Rapport, « Pour une meilleure gouvernance des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 4. Voir
également, Berthomieu (C), Chaabane (A), (dir
), La restauration du rôle de l’État dans la croissance et le
développement économiques,
Paris, Éditions Publisud, 2004, Mahmoud (B-R), « Fondements et contenu des
restructurations face à la crise économique en Tunisie. Une analyse critique »,
État et Développement au
Maghreb
, 2000.
1094VIe plan de développement (1982-1986).
1095VIIe plan de développement (1987-1991).
1096Voir, les cahiers de l’Institut d’Économie Quantitative, ministère du Plan et du développement régional,
1990, p. 64.
1097Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde, 1988, p. 200.
289


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Depuis la Révolution de 2011, les entreprises publiques ont connu une grave crise
financière semblable à une réaction en chaine, ce qui a aggravé la crise économique de l’État
qui est très impliqué dans leur fonctionnement et leur gestion. Il leur accorde des subventions
de plus en plus importantes, alors que les excédents qui lui sont reversés sont de plus en plus
faibles. Certaines entreprises connaissent des difficultés plus importantes que d’autres
comme CTN, SNCFT, STS. La STEG a été contrainte d’intégrer des dizaines d’employés en
surnombre. Quant à la Tunisair, elle a souffert de la crise du tourisme1098.
Ces difficultés sont surtout structurelles : absence de stratégie de développement,
contrôles excessifs et mal organisés et aucune visibilité sur leur gestion. Il y a une confusion
totale de ses rôles par l’État ou plus exactement une nette domination d’un rôle contrôleur par
rapport à l’autre actionnaire1099.
Depuis longtemps, l’entreprise publique tunisienne s’est caractérisée par l’inefficacité.
S’agissant de la Poste, sur 1000 bureaux, 500 d’entre eux sont considérés comme «dormants»,
c’est-à-dire ne générant pas assez de revenus pour couvrir leurs dépenses pourtant limitées à
un seul employé. En outre, la Poste souligne aussi un faible taux d’équipement de ses clients
en cartes de paiement. Seulement 8% contre un taux d’équipement au niveau des banques de
70%, tout comme elle fait face à des difficultés de fidélisation, d’activation de sa clientèle et
de rentabilisation de son réseau. De même, dans le domaine bancaire, une entreprise comme
la STB est confrontée à des problèmes importants de trésorerie, des créances douteuses et une
sous-capitalisation chronique1100.
L’inefficacité des entreprises publiques est due aussi à l’utilisation de ces entreprises à
des fins personnelles. Plusieurs pratiques ont été mises à jour au lendemain de la Révolution.
Selon le rapport de la Commission nationale d'enquête sur la corruption et les malversations
publié en novembre 20111101, les mauvaises pratiques de plusieurs entreprises publiques
étaient récurrentes concernant notamment l'accès au domaine public à des conditions de prix
sans lien avec les prix du marché était une pratique très lucrative dans un contexte de
développement de l'immobilier en plein essor, l'utilisation à des fins personnelles
d’informations sur les actifs à privatiser à des conditions de prix hors marché ou bien le rachat
1098Aouij Mrad (A), Droit public économique, op, cit, p. 8.
1099Ibid, p. 9.
1100Rapport Zidi, « Le fonctionnement des entreprises publiques et de leurs relations avec l’État », 1973, p. 35.
1101La Commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation a été mise en place
en février 2011. Elle était chargée de réceptionner les doléances, d’enquêter sur les cas de corruption qui ont lieu
depuis 1987 et d’élaborer une orientation future pour la lutte contre la corruption.
290


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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

d'actions dans des secteurs stratégiques telles que les banques privatisées, l'utilisation à des
fins personnelles de services publics ou entreprises publiques pour donner aux entreprises de
la famille BEN ALI des avantages concurrentiels importants, l’abus de biens publics à des
fins privées, comme Cartago Airlines, qui a utilisé les services de Tunisair sans les payer.
Enfin, les Banques publiques ont été utilisées par le régime pour obtenir un accès privilégié
aux crédits à des conditions avantageuses1102.
Le diagnostic largement partagé de la situation des entreprises publiques en Tunisie remet
en cause leur gouvernance et souligne de nombreux dysfonctionnements, tels que les trop
nombreux contrôles qui ont affecté le fonctionnement et la performance des entreprises
publiques. Aussi, la multiplicité des structures en charge de la supervision, la complexité du
paysage administratif ainsi que l’implication de plus en plus déterminante de nouvelles parties
prenantes notamment à travers les mouvements sociaux et les revendications de la société
civile, nuisent à la performance des établissements publics. La faiblesse du cadre
institutionnel a aussi contribué aux dysfonctionnements de ces entreprises publiques d’où la
nécessité d’aller vers des réformes audacieuses, mettant l’accent sur l'environnement de
contrôle. Ainsi, l’absence de pilotage performant de la part de l’État a engendré une utilisation
inefficiente de la ressource publique qui a enclenché une spirale d’inefficacité dont l’issue
nécessite une réforme à grande échelle1103.
Le cadre juridique actuel des entreprises publiques n’est plus adapté à la situation et aux
enjeux actuels. Entrée en vigueur à la fin des années quatre-vingts, la loi de 1989 contient très
peu de dispositions sur la gouvernance et celles qui existent constituent un frein à l’efficience
des entreprises. La loi distingue deux catégories d’entreprises publiques. Les établissements
publics à caractère non administratif (EPNA), qui jouissent d'une autonomie administrative et
de gestion et dont la liste est fixée par décret et les sociétés anonymes (SA) détenues par
l’État ou dont l’État, une collectivité ou autre entité publique, détient au moins 50% du
capital. Ces deux formes d’entités ont pourtant des formes juridiques, des objectifs et des
activités très différents et la répartition apparaît parfois comme arbitraire et dépourvue de
critères objectifs. Des disparités existent également au sein des EPNA. Certaines exerçant des
activités partiellement ou totalement commerciales (dans le secteur de l’énergie et du
transport par exemple) alors que d'autres sont des institutions publiques ayant une activité de
marché commerciale limitée ou absente (agences et régies notamment). Il n’existe à ce jour
1102Rapport, « Pour une meilleure gouvernance des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 35.
1103Rapport « La réforme des entreprises publiques en Tunisie », Mars 2014, p. 17.
291


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
aucun inventaire systématique de ces différentes structures, y compris au sein d’un même
secteur1104.
Les contrôles restent ainsi, lourds et la transparence insuffisante en l’absence de système
harmonisé de suivi de la performance. La transparence et la redevabilité dans l’utilisation des
biens publics ne peuvent alors être garanties. La législation actuelle impose aux entreprises
publiques de nombreux contrôles a priori1105 et a posteriori1106. Le manque de mécanismes de
coordination efficace réduit pourtant l’efficacité de ces contrôles qui restent très formels et se
limitent souvent à assurer la conformité avec la législation. Ces contrôles constituent en
revanche un lourd fardeau pour les entreprises, en particulier celles qui opèrent dans un
secteur concurrentiel1107.
Étant donné que la contre-performance des entreprises publiques est considérée comme un
frein supplémentaire à la croissance, leur réforme apparaît ainsi comme une composante
essentielle du programme économique des autorités tunisiennes qui permettra de libérer le
potentiel de croissance du pays. En effet, cette réforme consiste à soulager les finances
publiques et à améliorer la qualité des prestations de services tout en garantissant la viabilité
des entreprises publiques. En outre, cette réforme fait partie d’un plan de réformes majeures
inscrites dans le plan stratégique de développement quinquennal 2016-2020 qui vise à
promouvoir une croissance plus forte, inclusive et génératrice de plus d’emplois.
Aujourd’hui, dans une Tunisie post-révolution, il est primordial de repartir sur de bonnes
bases notamment dans le domaine politique, économique et social, en insistant sur la « bonne
gouvernance » comme étant une valeur cardinale qui doit être inscrite même dans notre
nouvelle Constitution. Il est urgent dès maintenant de réformer le système de gouvernance des
entreprises publiques. Transparence, efficacité et compétence doivent être les mots d’ordre.
Plus précisément, il faut accentuer la séparation des pouvoirs de contrôle et d’exécution,
affirmer l’indépendance des organes de surveillance, œuvrer pour des processus de création
de valeurs durables et partenariales, insister sur l’implication des salariés aux côtés des
dirigeants et des administrateurs dans la co-construction et la mise en œuvre des systèmes de
1104Rapport « La réforme des entreprises publiques en Tunisie », Mars 2014, p. 18.
1105Par exemple le contrôle d’État.
1106Par exemple le contrôle général des services publics, contrôle général des finances, contrôle général du
domaine de l'État et des affaires foncières, Cour des Comptes, Inspection départementale.
1107Rapport « La réforme des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 21.
292

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

gouvernance et garantir la qualité des prestations de services et la pérennité de l’entité
publique1108.
L’État qui prenait directement en charge le développement, a dû à cause de l’épuisement
de ses capacités distributives, et à une mondialisation de l’économie sur le plan international,
redéfinir les rôles et les fonctions dans l’ouvre du développement économique, une place de
choix est sollicitée de l’entreprise privée.
Paragraphe 2. La privatisation de l’entreprise publique : une solution pour
redresser
l’État et
d’accélérer le développement économique
les déséquilibres économiques et
financiers de
Après 1945, l’État est devenu peu à peu un investisseur, un producteur et un commerçant.
À partir de 1980, la privatisation d’entreprises publiques a rendu cette frontière très
poreuse1109. Elle est devenue l'un des phénomènes les plus marquants des années quatre-
vingts. Elle touche aussi bien les pays développés que les pays en voie de développement1110.
La privatisation vise principalement à garantir la pérennité de l'entreprise concernée à
travers l'amélioration de son efficacité et de sa compétitivité tout en permettant la
mobilisation des capitaux, la flexibilité de gestion et le transfert de technologies nécessaires à
son développement. Elle vise ensuite à consolider l'équilibre des finances publiques en
réduisant, d'une part, les dépenses prises en charge par le budget de l'État au profit de
certaines entreprises publiques et en lui procurant, d'autre part, des ressources additionnelles
permettant de soutenir l'effort de l'État notamment dans les domaines de l'éducation, de la
formation, de la santé et de l'infrastructure. Enfin, la privatisation de l’entreprise publique vise
à dynamiser le marché financier et développer l'actionnariat populaire par la réalisation
d'offres publiques de vente et par l'introduction de certaines sociétés privatisées à la cote de la
bourse1111.
Selon Pierre DELVOLVÉ, la privatisation peut être définie selon trois sens : « d’abord, au
sens organique : la privatisation peut recouvrir deux réalités distinctes. Le premier est celui
de l’objet capitalistique : la privatisation est une cession d’actions que détenait l’État. C’est
1108Joudi (M), « La mauvaise gouvernance des entreprises publiques tunisienne », mise en ligne 12 juillet 2013,
consulté
le 5 mars 2018, URL : http://www.businessnews.com.tn/alerte--la-mauvaise-gouvernance-des-
entreprises-publiques-tunisiennes%2C526%2C39341%2C4
1109Bernier (L), « Que faire des sociétés d’État aujourd’hui ? », (dir), Bernier (R.), L’État québécois au XXI
siècle
, Sainte-Foy, PUQ, 2004, p. 103.
1110Mahjoub (A), « État, secteur public et privatisation », AAN, 1987, p. 308.
1111Somai (A), op, cit, p. 5.
293


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
le sens de l’article 34 de la Constitution. Le deuxième est le changement de statut : Passage
d’une forme de droit public à une forme de droit privé. Un tel changement de forme
n’entraine pas nécessairement une privatisation capitalistique (dans la mesure où la
puissance publique demeure actionnaire à plus de 50 %). Toutefois, elle est souvent un
préalable à ce type de privatisation1112. Ensuite, au sens fonctionnel : la privatisation peut
aussi recouvre deux réalités. Celui de Changement du mode d’exercice de l’activité :
l’activité de service public devient un SPIC soumission au droit privé1113. Aussi l’activité est
confiée à une personne privée, cas de la DS, et celui de changement de nature de l’activité :
dans cette hypothèse, l’activité est déqualifiée de service public et devient une simple activité
marchande1114. Enfin, au sens personnel : c’est le basculement des personnels de certains
services du droit public vers le droit privé. Plusieurs cas de figure. Cette privatisation
accompagne une privatisation fonctionnelle ou organique. Cette privatisation est une manière
de soumettre des personnes publiques au droit privé1115. Le très large recours de nombreuses
personnes publiques à des contrats de droit privé dans les relations avec leurs agents (État,
collectivités territoriales, hôpitaux, université) »1116.
Ce passage vers la privatisation a été différent dans les deux pays. En France, le recours à
la privatisation de l’entreprise publique était pour des raisons économiques et financières (A),
alors qu’en Tunisie, elle était surtout pour des raisons politiques (B).
A. Les raisons économiques et financières de la privatisation de l’entreprise
publique en France : une réduction du déficit financier et une amélioration
de l’efficacité
L’objectif poursuivi à travers les privatisations est de réaliser des économies, de se
procurer des recettes et d’alléger l’endettement des États en réduisant la charge du secteur
public industriel1117. Le deuxième objectif recherché le plus souvent lors d’une privatisation
est l’amélioration de l’efficacité économique de l’entreprise publique. En d’autres termes, il
s’agit de la recherche de l’efficacité productive et allocative de l’économie nationale. Ce but
tire son fondement du principe théorique selon lequel une entreprise privée est plus efficiente
économiquement et enfouit en elle une aptitude inhérente à être plus efficace que l’entreprise
1112Par exemple, la privatisation de France Télécom, en 1988 la création du service des télécommunications sous
la forme d’une régie d’État. En 1990 : le service des télécommunications passe du statut de régie d’État
(caractère administratif) à celui d’exploitant public (EPIC).
1113Par exemple, la Caisse nationale des marchés d’État transformée d’EPA en EPIC.
1114Par exemple, France télécom qui n’exerce plus, pour l’essentiel, de missions de service public.
1115Par exemple la Banque de France est soumise au droit privé.
1116 Delvolvé (P), « La privatisation du service de l'État », Pouvoirs, 2006, p. 110.
1117Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 281.
294

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

publique1118. On pouvait par exemple lire dans une étude économique de la France réalisée en
2003 pour l’OCDE que « l’efficience globale s’améliorait aussi avec la poursuite de la
privatisation. Même si des progrès spectaculaires ont été accomplis ces vingt dernières
années, au cours desquelles l’État a cédé quelque 2 000 sociétés, il en détient au contrôle
encore 1 500. (…) De nouveaux progrès restent nécessaires sur le front de la privatisation.
Les autorités sont en train de réaliser quelques nouvelles ventes d’envergure, mais il faut
aussi transférer au secteur privé les nombreuses petites sociétés détenues par l’État et vendre
les nombreuses participations minoritaires de l’État (…) »1119.
En France,
les privatisations sont essentiellement encadrées par des
règles
constitutionnelles et législatives. L’alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946 interdit
la privatisation des services publics nationaux et des monopoles de fait : « tout bien, toute
entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou
d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
L’article 20 de la loi du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations1120 reprend
l’interdiction constitutionnelle, en disposant que « les opérations de transfert mentionnées au
présent article ne peuvent concerner des entreprises dont l’exploitation présente le caractère
d’un service public national ou d’un monopole de fait ». Selon la jurisprudence initiée par la
décision du Conseil constitutionnel des 25 et 26 juin 1986, « il est interdit de céder une
entreprise pour un prix inférieur à sa valeur ». Récemment, le Conseil constitutionnel a émis
une réserve d’interprétation concernant l’autorisation de privatiser Gaz de France1121.
C’est le législateur qui a droit de demander la privatisation. L’article 34 de la Constitution
dispose que « la loi fixe les règles concernant les nationalisations et les transferts de
propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé »1122.
Le mouvement de privatisation1123 a été lancé peu de temps après un programme massif
de nationalisations initié en 1982. Elles correspondent au gouvernement CHIRAC. C’est ainsi
1118Andreff (W), « Une approche comparative des privatisations : l’exemple français est-il transposable ? »,
Sciences humaines, 1993, p. 170.
1119OCDE, Étude économique de la France, 2003, p. 5.
1120Loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, JORF, 1986, p. 9695
1121CC, décision n°2006-543 DC du 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l’énergie.
1122L’encadrement législatif des privatisations découle de la loi du 6 août 1986 prise pour l’application de celle
du 2 juillet 1986 et modifiée par celles du 19 juillet 1993
sur les privatisations et du 12 avril 1996 portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier
et en dernier lieu par la loi du 30 décembre 2006.
1123Pour la privatisation en France, se reporter notamment à Bizaget (A), « Le secteur public et les
privatisations »,
QSJ, 1992, Durupty (M), « La privatisation en France », Docu. Franc, 1998, Viandier (A), « La
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
que les trente-six banques et les deux compagnies financières (Suez et Paribas) nationalisées
par la loi du 11 février 19821124 ont été reprivatisées par la loi du 2 juillet 19861125. Du côté
des groupes industriels, cinq entreprises nationalisées par la loi du 11 février 1982 ont été
reprivatisées ultérieurement : Saint-Gobain, Péchiney, Compagnie Générale d’Electricité,
Rhône Poulenc et Thomson SA. Même une entreprise comme Renault, pourtant considérée
comme un symbole de l’entreprise publique a été privatisé. Des sociétés gérant des autoroutes
et des entreprises considérées comme relevant traditionnellement du service public comme
France Télécom (qui était dans les années 1970 une administration) ou encore Gaz de France
(GDF) et Électricité de France (EDF) ont ouvert leur capital et sont aujourd’hui cotées en
Bourse.
Pour les pouvoirs publics, ces privatisations peuvent être affectées au désendettement de
l’État, en réduisant la charge du secteur public industriel. La réalisation d’économies est
escomptée par une réduction des dépenses publiques, l’État n’accordant plus aux entreprises
privatisées les subventions d’équilibre qu’il avait coutume de verser à certaines entreprises
publiques déficitaires1126. Elles peuvent aussi servir à financer d’autres activités comme la
lutte contre le chômage1127. Elles peuvent enfin servir les entreprises publiques à affronter la
concurrence internationale tout en satisfaisant la logique européenne1128.
D’une manière générale, ces privatisations ont une triple motivation. D’abord,
idéologique puisqu’elles participent d’un recul de l’État sur ses importantes missions. Ensuite,
financière dans la mesure où elles participent à renflouer les caisses de l’État pour sauver les
entreprises. Enfin, stratégique parce qu’elles permettent aux entreprises privatisées de relier
plus facilement des accords avec d’autres opérateurs et de mieux confronter la concurrence
internationale.
Cette première vague de privatisation a connu un gros succès. Le 24 novembre 1986, la
privatisation du Saint-Gobin porte sur 63,9 % du capital, soit 28 millions d’actions au prix de
310 F. Le 19 janvier 1987, l’État a privatisé Paribas, 14 milliards de francs d’actions furent
vendus aux prix unitaires de 405 F. En janvier 1987, l’État a privatisé la compagnie générale
loi de privatisation, » JCP, 1993, Bazex (M), « La privatisation stade suprême de l’interventionnisme », RFDA,
1994.
1124Loi n° 82-155 du 11 février 1982 de nationalisation, JORF, 1982, p. 566
1125Loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et
social,
JORF, 1986, p. 8240.
1126Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 230.
1127G. Delion (A), Durupty (M), « Chronique des entreprises publiques », RFAP, 1993, p. 155.
1128Linotte (D), Romi (R), Droit public économique, op, cit, p. 396.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

d’électricité. En trois ans (1986-1987), 29 entreprises ou banques ont été privatisées pour un
total de 84 milliards de francs1129.
À partir de 1988, ce programme fut abandonné avec l’arrivée d’un gouvernement
socialiste jusqu’en 1993. La réélection du Président François MITTERAND à la présidence
de la République s’accompagne d’une nouvelle doctrine : ni privatisation, ni nationalisation.
Pendant cette période le gouvernement socialiste ne procède qu’à des ventes partielles et
minoritaires. En 1991, la vente du Crédit local de France : 25 %. En 1992, la vente d’ELF
Aquitaine : 2 %. Et en janvier 1993, la vente du Rhône-Poulenc : 14 %.1130
Le programme de privatisation a été réactivé en 1993. Il trouve son fondement juridique
dans la loi du 19 juillet 19931131 qui a concerné 21 entreprises du secteur concurrentiel. Ont
été transférées au secteur privé, en plus des entreprises qui avaient fait l’objet d’une ouverture
minoritaire au cours de la période précédente, la BNP (octobre 1993), Bull (avril 1995) et les
AGF (mai 1996). Cette nouvelle loi étend le champ des privatisations aux holdings financiers
qui sont actionnaires de référence des entreprises privatisables1132. Elle concerne notamment
Aérospatiale, la société nationale industrielle, la compagnie nationale Air France, société
nationale Elf-Aquitaine, la Régie nationale des usines Renault, des compagnies d’assurances
et des banques (etc.)1133. En revanche, les entreprises publiques gestionnaires de services
publics notamment EDF, GDF, France Télécom, la Poste, la SNCFT n’y figurent pas.
À partir de 1996, l’État connait des difficultés dans le processus de privatisation dues à la
situation économique ou financière délicate de certaines entreprises (Bull), ou encore à l’avis
négatif de la Commission de privatisation (Thomson en 1997). L’État expérimente aussi la
technique de cession de gré à gré, mieux adaptée aux alliances industrielles, ou permettant de
mieux valoriser les entreprises de petite taille ou de monnayer le droit de contrôle accordé sur
une entreprise. En 1997, le gouvernement JOSPIN annonce qu’il poursuivra les privatisations
lorsqu’elles permettent à la France de conserver son rang économique et surtout pour
permettre des rapprochements avec des partenaires européens. Les plus importantes
1129Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 232.
1130Ibid, p. 233.
1131Loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, JORF, 1993, p.10255
1132Monaco (C), « La restructuration capitalistique de l'économie française : entre nationalisations et
privatisations », in, Crise et droit économique (dir), Thirion (N), Paris, Larcier, 2014, p. 45.
1133Exemples de transferts: décret n°96-137 du 20 février 1996 autorisant le transfert au secteur privé de la
société Thomson SA, décret n°99-192 du 12 mars 1999 autorisant le transfert au secteur privé de la société
Crédit Lyonnais, Décret n°99-94 du 13 février 1999 relatif au transfert du secteur public au secteur privé de la
majorité du capital de la société Aérospatiale, société nationale industrielle.
297


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
opérations concernent Thomson dans le capital duquel l’État devient minoritaire, la
privatisation du crédit lyonnais et du crédit foncier de France1134.
À partir de 1998, le gouvernement a pratiqué une politique qui privilégie les ouvertures
minoritaires de capital des entreprises publiques (France télécom, Air France, Thomson
multimédia), sans exclure la privatisation complète de certaines d’entre elles. Ainsi, France
télécom a été transformée en SA et son capital s’ouvrir de 25 % au secteur privé. En 1998,
une nouvelle tranche de 5 % de son capital fut mise sur le marché et assortie d’une opération
d’échange de 2 % avec son partenaire Deutsch Telekom. Pour Air France, le gouvernement a
refusé la privatisation réclamée par la Commission européenne et l’opposition. Au début de
1999, une part de 20 % du capital de la société a été introduite en bourse, dont 15 % réservés
au personnel dans le cadre de la politique salariale d’échange salaire contre actions. Donc, la
participation de l’État a diminué de 93 % en 1998 à 54, 4 %. La branche grand public de
Thomson SA, Thomson multimédia a par ailleurs connu une ouverture de 30 % de son capital
au profit de quatre acquéreurs, dont Alcatel1135.
De nouvelles privatisations avaient été effectuées en 1999 : le crédit foncier de France, le
GAN et surtout le crédit Lyonnais. Au début des années 2000, le secteur industriel public était
formé essentiellement par les grands établissements publics, souvent gestionnaires de services
publics en réseaux : EDF, GDF, SNCFT, la Poste et aussi des sociétés comme France
Télécom, Air France. En 2002, a marqué à cet égard l’entrée dans une nouvelle phase
d’évaluation des contours du secteur public certaines privatisations. A été privatisés entre
2002 et 2010 Air France1136, France Télécom1137 dont l’actionnaire public totalise aujourd’hui
27,3 %, la Snecma, devenue avec Sagem le groupe Safran, dans lequel l’État reste actionnaire
à hauteur de 30,8%1138, la société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France, les
Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, les Autoroutes du sud de la France1139 ainsi que Dagris SA1140
et Gaz de France1141.
1134Nicinski (S), Droit public des affaires, op, cit, p. 340.
1135Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 234.
1136Arrêté du 19 mars 2004 fixant les modalités du transfert du secteur public au secteur privé de la société Air
France.
1137Décret n°2004-387 du 3 mai 2004 relatif au transfert du secteur public au secteur privé de la société France
Télécom en application de la loi n°2003-1365 du 31 décembre 2003.
1138Voir, Rapports de l’APE : WWW.ape-minefi.gouv.fr.
1139Décret n°2006-98 du 2 février 2006, 2006-167 du 16 février 2006 et 2006-267 du 8 mars 2006.
1140Arrêté du 15 février 2008 relatif aux modalités de transfert au secteur privé de la majorité du capital de la
société DAGRIS SA.
1141Opération réalisée en 2008.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Aujourd’hui, le Président Emmanuel MACRON, est décidé à céder la majorité de Groupe
ADP et la Française des jeux. Ce programme est destiné à alimenter le fonds pour
l'innovation. Pour l’État, la privatisation la plus intéressante et la plus attendue concerne le
groupe ADP. L’État a décidé de céder l’intégralité de sa participation de 50,6% des aéroports
d’Orly et de Roissy-CDG. Une vente qui rapporterait neuf milliards d'euros à l'État, mais qui
pourrait nuire à terme aux contribuables1142. L'État estime qu'il n'a pas besoin d'être
propriétaire des aéroports pour conserver un contrôle étroit sur ces actifs stratégiques (6600
hectares pour Roissy et Orly, ainsi que 412 de réserves foncières). L'exploitation sera cédée
pour une durée longue, mais déterminée. La licence d'exploitation sera comprise entre 70 et
90 ans. Au final, l'État espère récupérer environ 8,2 milliards d'euros de cette vente. Les
candidats au rachat ne manquent pas1143.
En définitive, les privatisations constituent un changement qualitatif important dans
l’économie française. Elles introduisent un système plus libéral prenant appui sur l’initiative
privée et dotée d’une nouvelle dynamique de concurrence dans une économie de marché
redécouverte. Néanmoins, ces privatisations ont été des opérations très contrôlées par l’État
qui sélectionnait le groupe d’actionnaires destiné à devenir le noyau dur des entreprises
privatisées de façon à leur garantir une certaine stabilité et à les protéger contre les prises de
contrôle1144.
Si la privatisation de l’entreprise publique en France était un choix spontané et décidé par
les pouvoirs publics pour faire face aux déficits financiers et pour plus d’efficacité, la
privatisation de l’entreprise publique en Tunisie était un choix politique imposé par les
institutions financières internationales.
1142Le monde économie, « l’État donne le coup d’envoi aux privatisations », mise en ligne 8 mars 2018, consulté
le 20 avril 2018, URL : http://www.lemonde.fr/economie/article/2018/03/08/l-etat-donne-le-coup-d-envoi-aux-
privatisations_5267545_3234.html
1143Duval (J-B), « Aéroports de Paris : Le gouvernement prêt à lancer la privatisation totale d'ADP, selon BFM
Business. L'État espère récupérer plus de 8 milliards d'euros », mise en ligne le 7 mars 2018, consulté le
20 avril 2018, URL : https://www.huffingtonpost.fr/2018/03/07/aeroports-de-paris-le-gouvernement-
pret-a-lancer-la-privatisation-totale-dadp-selon-bfm-business_a_23379071/
1144Anne-Schmidt (V), « L'État, l'économie et la protection sociale aux États-Unis et en Europe », Critique
internationale,
2005, p. 104.
299



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
B. Les raisons politiques de la privatisation de l’entreprise publique en
Tunisie : une pression des institutions financières internationales
Si la Tunisie a connu une période des années soixante et soixante-dix de consolidation de
l’investissement public et de renforcement du rôle de l’État dans la sphère économique,
plusieurs facteurs ont contribué à un changement de ce rôle à partir du milieu des années
quatre-vingts. Cela était dû aux difficultés financières et commerciales rencontrées, à
l’impossibilité de l’État de soutenir financièrement les entreprises en difficultés en raison des
faiblesses budgétaires, à la difficulté croissante de contribuer à la gestion de ces institutions et
à
l’émergence de compétences
tunisiennes privées capables de mieux gérer ces
institutions1145.
En 1977, les entreprises publiques représentaient 46 % des investissements publics. Sous
l’impulsion de Hèdi NOUIRA, une réflexion s’est engagée sur le rôle de l’État dans
l’économie, suite aux dysfonctionnements importants de ces entreprises qui ne vont désormais
plus cesser. Malgré son départ de la tête du gouvernement, ses idées sur le nécessaire retrait
de l’État de l’économie poursuivent leur chemin. En 1982, le VIe plan préconise
officiellement le désengagement de l’État1146.
Le VIe plan (1982-1986), qui a mentionné le désengagement de l’État1147 et des autres
mesures qui s’inscrivent dans un fort courant néolibéral anti-étatiste prônant ainsi, la
dénationalisation et la privatisation. Selon ce plan « le désengagement définitif de l’État des
secteurs concurrentiels et non stratégiques (…) constitue une nécessité absolue qui
conditionne le redémarrage de l’économie du pays sur des bases solides »1148.
D’emblée, les différents plans de développement économique lui accordent une place
prioritaire en tant que vecteur du développement. Elle est censée occuper les secteurs cédés
par l’Etat, soutenir l’effort de ce dernier en matière de création d’emplois, promouvoir
l’exportation pour constituer des réserves en devises dans une perspective d’équilibre de la
balance des paiements.
1145Gouia (R), « Techniques de la privatisation des entreprises publiques. Cas des pays arabes », Actes de
colloque
Le droit des entreprises publiques, 2005, op, cit, p. 175.
1146Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 20.
1147« Le désengagement définitif mais progressif de l’État des secteurs concurrentiels et non stratégiques (…)
constitue une nécessité absolue qui conditionne le redémarrage de l’économie du pays sur des bases solides ».
Extraits du septième plan de développement économique et social, 1987-1991, p. 179.
1148Gouia (R), « Techniques de la privatisation des entreprises publiques. Cas des pays arabes », Actes de
colloque
Le droit des entreprises publiques, 2005, op, cit, p. 177.
300

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Les années quatre-vingts ont été marquées par l’éclatement de la crise de la dette. Les
paiements sont devenus de plus en plus lourds pour l’État car le contexte économique a
totalement changé depuis la hausse des taux d’intérêt sur les marchés internationaux et la forte
valorisation du taux de change du dollar1149. C’est dans ce contexte de crise générale et de
risque d’effondrement du système financier international que la Tunisie va définir la stratégie
de gestion de la crise de la dette et les institutions qui la prendront en charge. Ce mouvement
ramène au centre de l’actualité économique les deux institutions de Bretton Woods : la
Banque mondiale et le Fonds monétaire international.
Le diagnostic effectué par les institutions financières internationales met l’accent sur les
fluctuations du secteur public qui se caractérise par des choix irraisonnables au niveau de
l’investissement, des schémas de financement souvent inadaptés aux besoins réels du pays et
aux besoins d’autofinancement et d’endettement et aussi une mauvaise gestion se
caractérisant par la bureaucratie, l’inefficacité, l’inefficience, la rigidité et la lourdeur
routinière1150. C’est pour ces différentes raisons que dès le début des années quatre-vingts, le
FMI et la Banque mondiale multiplient les pressions sur la Tunisie dans l’objectif d’imposer
un désengagement de l’État et une privatisation des entreprises publiques. Face à une situation
insupportable, l’État tunisien se trouve obligé d’accepter les conditions du FMI pour obtenir
des aides financières.
La Banque mondiale après s’être assurée de l’adhésion de la Tunisie à la thérapie libérale
proposée lui accorda trois prêts d’un montant de 150 millions de dollars chacun. Le premier
destiné à l’agriculture, sera déboursé à la Tunisie en contrepartie de son engagement de ne pas
subventionner les intrants agricoles1151. Les deuxièmes et troisièmes ont été accordés
notamment en contrepartie de l’engagement de la Tunisie de privatiser plus de la moitié des
entreprises publiques tunisiennes1152.
1149Ben Hammouda (H), Tunisie, Paris, De Boeck, 2012, p. 76.
1150Ben Letaief (M), « La signification de la restructuration des entreprises publiques », Actes de colloque La
restructuration des entreprises publique,
FDSPT, 1990, p. 13.
1151Sur cette question, voir, loi n°86-90 du 18 octobre 1990 portant ratification de l’accord de prêt conclu à
Washington le 3 octobre 1990 entre la république tunisienne et la BIRD relatif au prêt sectoriel d’ajustement
agricole,
JORT, 1990, p. 1162.
1152Sur cette question, voir, VIIe plan précité et la loi n°87-22 du 23 mai 1987 portant ratification de l’accord de
prêt conclu à Washington entre la république tunisienne et la BIRD et relatif au prêt à l’ajustement de la
politique industrielle et commerciale, ainsi que la loi n°88-129 du 4 novembre 1988 portant ratification de
l’accord de prêt conclu à Berlin le 26 septembre entre la république tunisienne et la BIRD et relatif au
financement du programme d’ajustement structurel de l’économie tunisienne.
301



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
L’impact de la privatisation sur la vie économique, sociale voire politique se révèle d’une
extrême importance dans la mesure où il met en jeu le patrimoine de l’État. Dans ce cadre, les
pouvoirs publics ont pris la précaution de prévoir le cadre juridique de ces opérations. À cet
effet, le législateur a adopté la loi du 1er février 1989 relative aux participations, entreprises et
établissements publics1153.
Contrairement à son homologue français, la Constitution n’a prévu aucune disposition
spécifique à la privatisation. La Constitution n’a prévu que la création du secteur public dans
son article 34 en ignorant totalement la question de la privatisation. Cette absence de
référence au concept d’entreprise publique est doublée de l’absence de référence à la place et
à l’importance accordée au secteur privé1154.
Les entreprises publiques pouvant être touchée par la privatisation sont des entreprises à
participations publiques. Ces entreprises sont uniquement constituées pour le moment de
sociétés d’économie mixte. Seraient donc théoriquement exclus du champ de la privatisation
les établissements publics non administratifs et les sociétés à capital entièrement public
comme la Société Nationale Immobilière de Tunisie ou la Société Tunisienne des Industries
de Raffinage devenues établissements publics à caractère non administratif ou encore les
entreprises publiques dans lesquelles les participations publiques sont indirectes comme c’est
le cas pour les banques ou les sociétés d’assurance1155.
Les opérations de privatisation en Tunisie ont été menées selon un rythme modéré durant
la période 1987-1996 et se sont accélérées à partir de 1997. Au début, elle a touché le secteur
du tourisme, des matériaux de construction, du textile, de l’agro-alimentaire et les entreprises
déficitaires. Ensuite, on a assisté à l’ouverture des capitaux des grandes entreprises comme
Tunisair et la STAR de l’assurance. Ces dernières années, le processus de privatisation est
appelé à se développer pour toucher d’autres secteurs comme l’environnement, la promotion
immobilière et d’autres activités et services non financiers.
1153Principales dispositions de la loi 89-9 : Définition du concept « entreprises publique », Critère d’éligibilité
des entreprises publiques à la restructuration, Autorisation à l’État de céder ses parts dans le capital des
entreprises publiques, Création de la commission d'assainissement et de restructuration des entreprises,
Possibilité de vente en blocs d'actions par appel d'offres sur cahier des charges à une personne physique ou
morale ou à un groupe de personnes physiques ou morales. Cette loi a été modifiée et complétée par la loi n° 94-
102 du 01/08/1994, la loi n° 96-74 du 29/07/1996, la loi n°99-38 du 03/05/1999, la loi n° 2001-33 du 29/03/2001
et la loi n°2006-36 du 12/06/2006. Aussi, la loi n° 85-109 du 31 décembre 1985 portant création d’un fonds
spécial de trésor telle que modifiée par la loi n°89-115 de la 30/12/1989 portant loi des finances pour l’année
1990.
1154Larguet (L), « Fondement et cadre juridique de la restructuration des entreprises publiques », op, cit, p. 34.
1155Aouij Mrad (A), Droit des entreprises publiques, op, cit, p. 117.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Dans sa mise en œuvre pratique, le programme de privatisation a connu une lenteur
indéniable. Cette lenteur s’explique par l’inexpérience des pouvoirs publics dans ce domaine
et la complexité du processus décisionnel. La lenteur n’est malheureusement pas la seule
faiblesse, puisque ce processus décisionnel a souffert d’une grande confidentialité et a été
dénué de tout contrôle, offrant aux autorités concernées une grande liberté de manœuvre1156.
La mise en œuvre d’un programme de privatisation doit être exécutée dans un contexte
juridique et règlementaire clair et préalablement défini. Or, en Tunisie, ce contexte est quasi
inexistant. La mauvaise application des lois en raison de la corruption et de la bureaucratie ne
permet pas l’élimination des pratiques de monopole, la protection des créanciers, la création et
la liquidation des entreprises et la fluidité du commerce1157.
Les privatisations ont correspondu à une stratégie plus ancienne de fragmentation et de
division des rivaux potentiels dans le cadre d’un raidissement du régime politique. Désormais,
elles semblent s’intégrer dans la stratégie de gestion de la dépendance et d’alliance avec les
acteurs étrangers dans un contexte de contrôle indirect qui reste fort. Ainsi en est-il, par
exemple, dans le secteur du ciment, où le contrôle de l’État va se perpétuer au moyen de deux
instruments. D’une part, à travers les partenaires tunisiens des repreneurs étrangers et des
cahiers des charges assez contraignants (notamment en ce qui concerne le social). D’autre
part, à travers l’intrusion directe de l’État sur le marché national du ciment (prix,
règlementation). En effet, toutes les cimenteries ont vocation à être cédées sauf une usine, qui
restera dans le giron étatique et qui servira en quelque sorte de cheval de Troie du
gouvernement1158.
En Tunisie, pays où la corruption, le clientélisme, le détournement des derniers publics et
la mauvaise gouvernance étaient permanents, la première grande victime de la rapacité des
proches de l’ancien Président déchu est l’État lui-même, puisque le Président ainsi que ses
proches étaient persuadés que la Tunisie et ses richesses leur appartenaient, ce qui affaiblit
sévèrement
le
jeu économique. Le verrouillage de
l’économie met un frein aux
investissements et aux évolutions dans les secteurs clés. En d’autres termes, la gestion opaque
de l’économie et l’accaparement des instruments économiques ont entrainé le pays vers un
désastre sans précédent dans l’histoire de l’économie tunisienne. Par ailleurs, la dénonciation
1156Noomane-Bejaoui (D), op, cit, p. 328.
1157Ibid, p. 277.
1158Hibou (B), « Retrait ou redéploiement de l'État ? », op, cit, p. 160.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
de cet état de fait était impossible à cause du contrôle des moyens de communication et
d’information1159.
En définitive, l’échec du programme de privatisation tunisien est essentiellement dû au
transfert de la propriété d’un monopole public bureaucratique et corrompu à un monopole
privé détenu par un clan mafieux, et non à l’émergence d’un secteur privé performant et
compétitif, à l’image des pays développés. Dorénavant, afin de réussir la privatisation d’une
entreprise, c’est-à-dire, assurer le passage d’une entreprise publique mal gérée et budgétivore
en une entreprise privée efficace et compétitive, il est important d’inscrire le programme de
privatisation dans le cadre d’une réforme institutionnelle plus globale1160.
Après la Révolution, la privatisation s’est présentée comme une solution pour le
financement. En décembre 2012, le gouvernement de Hammadi JEBALI a lancé un appel
d’offres pour 114 entreprises détenus par l’État et dont elle cesse sa participation tel que 66 %
de la société KIA, Tunisiana, 60 % de la société Ennakel avec un revenu de 231, 3% MDT,
15% de l’entreprise Tunisie Telecom et a ouvert le capital pour d’autres comme les banques
et les assurances tel que 13 % de la banque de Tunisie à la banque française pour alimenter
le budget de l’État 2012 avec une estimation d’environ 1200 millions de dinars qui seront
compensés pour le développement régional 1161. Les résultats de la privatisation n’étaient pas
trop éloignés de l’estimation avec une recette de 1105 million de dinars qui a diminué pour
atteindre 1070 millions de dinars en 2013 avec la cession de la part de 10 % de la société
Tunisiana, 37 % de la société de Carthage Cément et quelques autres entreprises. Mais par la
suite la privatisation a totalement disparu durant les années 2014 et 20151162.
Comme la privatisation constitue un moyen pour faire face à l’inefficacité économique et
une solution pour développer l’économie, le contrat de partenariat public-privé constitue un
autre moyen de développement économique.
1159Noomane-Bejaoui (D), op, cit, p. 228.
1160Ibid, p. 228.
1161Tunisie Numérique, « Privatisation de 114 entreprises détenus par l’État », mise en ligne le 5 novembre 2014,
consulté le 5 mai 2018, URL : https://www.tunisienumerique.com/tunisie-actualite/privatisation/
1162Tunisie, Portail du ministère de finance.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Section 2. Le dépassement des limites inhérentes aux deux formes classiques
des contrats administratifs : vers le recours au contrat de partenariat
public-privé
L’avènement des contrats de partenariat public-privé s’inscrit tout d’abord dans une
dynamique de crise de la commande publique et de son mode de régulation1163. Les rigidités
et les limites qui caractérisent le paiement différé dans le cadre du marché public et l’absence
de financement public dans le cadre de la concession sont à l’origine de la création de cette
nouvelle catégorie de contrat public.
Cette crise se manifeste différemment en France et en Tunisie. Le point commun entre les
deux pays est qu’elle se manifeste avec force au début des années quatre-vingts et s’analyse à
la fois comme une crise du financement public, une crise d’efficacité de l’organisation de
projet classique face à la transformation de la demande et aux changements de marché et une
crise des modes de régulation du secteur mis en place au cours de la longue période de
croissance.
Aujourd’hui, l’État n’est plus capable à lui seul de surmonter la charge de développement
économique. Une collaboration entre l’État « une personne publique » et le privé « le
partenaire privé » s’impose. Les contrats de partenariat public-privé seraient donc la réponse
attendue aux besoins de l’économie nationale, permettant la réalisation d’investissements
privés dans de multiples secteurs économiques et du développement régional intérieur, ainsi
que la création d’emplois1164. Ce nouveau mécanisme contractuel a pour vocation d’offrir des
solutions adéquates à des besoins auxquels les instruments traditionnels de la commande
publique ne peuvent apporter les réponses.
Selon la Commission européenne, le recours aux contrats de partenariat public-privé
s’explique de différentes manières : « au regard des contraintes budgétaires auxquelles
doivent faire face les États membres, le contrat de partenariat public-privé répond à un
besoin d'apport de financement privé pour le secteur public. Il s'explique également par la
volonté de bénéficier davantage du savoir-faire et des méthodes de fonctionnement du secteur
privé dans le cadre de la vie publique. Le développement du partenariat public-privé s'inscrit
1163Campagnac (E), « Contribution à l'analyse des contrats de partenariat publicprivé en France et au Royaume-
Uni », Revue française d'administration publique, 2009, p. 367.
1164Les contrats de partenariats public-privé portent le plus souvent sur des projets de construction
d’infrastructures de base, distribution de l’eau, distribution de l’électricité assainissement et épuration des eaux
usées, gestion des déchets solides, transport urbain, parking, stations, équipements sanitaires, éducatifs et
équipements de jeunesse et de sport.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
par ailleurs dans l'évolution plus générale du rôle de l'État dans la sphère économique,
passant d'un rôle d'opérateur direct à un rôle d'organisateur, de régulateur et de
contrôleur»1165.
Le contrat de partenariat public-privé se définit comme un contrat administratif de longue
durée à travers lequel une personne publique (État, collectivité territoriale, établissement
public) confie à un partenaire privé la responsabilité de réaliser une mission globale
comprenant au moins trois composantes parmi les fonctions suivantes : conception,
construction, financement, maintenance, exploitation, appropriation ou transfert d’un ouvrage
ou infrastructure nécessaire à la fourniture d’un service public1166. Il se caractérise par la
durée relativement longue du contrat (10, 30, 50 ans) et le rôle majeur de l’acteur privé dans
le financement du projet. Le partenaire public se concentre sur la définition des objectifs à
atteindre (intérêt public, qualités de services, politique de prix), alors que l’acteur privé
fournit des infrastructures et des services qui traditionnellement relèvent de la responsabilité
de l’acteur public et le partage des risques.
En France, le contrat de partenariat public-privé a connu une évolution importante et a
participé à l’accélération de l’investissement public (Paragraphe1). En revanche, en Tunisie,
ce type de contrat souffre de plusieurs insuffisances, au point que malgré la volonté de
réforme, il présente toujours des imperfections. (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Le contrat de partenariat public-privé en France : du
« contrat » au « marché » de partenariat
Les contrats de partenariat public-privé sont au cœur de la vie quotidienne des Français :
routes, stades, lignes à grande vitesse, aéroports (etc.). Grâce à ces contrats, la Coupe du
Monde en 1998 et l’UEFA Euro en 2016 ont pu avoir lieu en France et Paris a trouvé son
emblème « la tour Eiffel ».
1165Commission des Communautés Européennes, Livre vert sur les partenariats public-privé et le droit
communautaires des marchés et des concessions
, 2004, p. 34.
1166Ben Cheikh (R.), « La Gouvernance Locale et le PPP. La mise en cohérence des différents acteurs publics et
privés, la clé de voute d’une gouvernance locale réussie », mise en ligne le 22 octobre 2015, consulté le 10 avril
2018, URL : http://www.tunisieindustrie.nat.tn/fr/download/news/Jedile/08.pdf. Le guide de la Banque Mondiale
définit quant à lui les PPP comme un contrat à long terme entre une entité privée et une agence gouvernementale
dans lequel l’entité privée porte une part importante du risque ainsi qu’une responsabilité managériale. Pour la
Commission Européenne, le PPP est un partenariat entre le secteur public et le secteur privé dans le but de
fournir un service ou un projet traditionnellement fourni par le secteur public. La Commission précise que
chacun des acteurs (public et privé) dispose d’avantages comparatifs et qu’en permettant à chacun de faire ce
qu’il fait de mieux, les services publics ainsi que les infrastructures peuvent être fournis de manière plus
efficace ». OCDE, « Les partenariats public-privé en Tunisie », 2015, p. 13.
306

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Le contrat de partenariat public-privé est né dans le contexte des difficultés budgétaires
que connaissent les personnes publiques depuis les années soixante-dix et de la perte de
légitimité accordée aux gestionnaires publics en matière de gestion efficace des ressources. Ce
contrat semble constituer pour le législateur la meilleure solution pour le financement de
l’investissement public.
Pour la France, le contrat de partenariat public-privé présente des avantages multiples.
D’abord, la réduction des coûts pendant la phase de conception et de construction. Pour cette
phase, le contrat de partenariat comme le marché public font appel à une ou plusieurs
entreprises privées. Cependant, il apparaît souvent que les coûts de réalisation en maîtrise
d’ouvrage privé dans le contrat de partenariat sont moins onéreux que les coûts en maîtrise
d’ouvrage publique dans le marché public. L’avantage suivant est la construction
d'infrastructures solides. En effet, dans le contrat de partenariat, la responsabilité du partenaire
s'étend de la conception à la maintenance ce qui l’incite dès le départ à choisir des matériaux
de bonne qualité et des techniques solides afin que l'exploitation et la maintenance soient
ensuite facilitées. L’autre avantage est le dialogue compétitif. Il s’agit d’un mode de passation
de contrat où s'opère un réel dialogue entre personne publique et candidats appelés à
concourir. Cela permet d'affiner et d'optimiser les offres. Le quatrième avantage est le
financement privé. Dans ce type de contrat, la collectivité ne s'endette pas directement auprès
d'établissements financiers. C'est bien le prestataire privé qui contracte l'endettement. La
collectivité est seulement indirectement endettée puisqu’elle reverse annuellement des loyers
au prestataire. Le dernier avantage est le recours à la gestion privée et le partage des
risques1167.
En France, le droit des contrats publics a connu une évolution importante, notamment en
raison de la transformation du contrat de partenariat (A) en marché de partenariat (B).
A. Le contrat de partenariat public-privé : un levier important pour la
conduite des investissements publics
Dans un premier temps, les partenariat public-privé furent envisagés sous forme de
dérogation sectorielle au Code des marchés publics, pour finalement faire l’objet de
l’ordonnance du 17 juin 2004. D’après l’article 1er de cette cordonnance, le contrat de
partenariat public-privé est « un contrat administratif par lequel l'État ou un établissement
1167Ma PPP, « Les contrats de partenariats, guide méthodologique » ?, Ministère de l’économie et de finance,
2011, p. 12.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
public de l'État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée
d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission
globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance,
l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au
service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l'exception de toute
participation au capital. Il peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de
ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services
concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle
est chargée »1168.
Dans l'ordonnance de 2004, le recours au contrat de partenariat public-privé reste un
mode dérogatoire de la commande publique. Il est limité aux cas de complexité du projet1169
ou cas d’urgence1170.
On est en présence d’un projet complexe lorsque la personne publique n’est pas
objectivement en mesure de définir elle-même les moyens techniques pouvant répondre à ses
besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet. Par contre, on est en présence
d’un cas d’urgence quand le besoin en construction ou rénovation d’équipements ou
d’ouvrages résulterait d’une cause extérieure à l’administration (par exemple, l’implantation
d’un grand centre industriel qui nécessite la construction d’équipements publics, écoles,
logements, rénovation après la survenance d’une catastrophe naturelle)1171 ou lorsqu’il s’agit
1168Article 1er de l’ordonnance du 17 juin 2004, sur les contrats de partenariat. Notamment, le ministère des
finances a écrit que « le contrat de partenariat permet à une collectivité publique de confier à une entreprise la
mission globale de financer, concevoir tout ou partie, construire, maintenir et gérer des ouvrages ou des
équipements publics et services nationaux concourant aux missions de service public de l’administration, dans
un cadre de longue durée et contre un paiement effectué par la personne publique et étalé dans le temps. Il a pour
but d’optimiser les performances respectives des secteurs publics et privé pour réaliser dans les meilleurs délais
et conditions les projets qui présentent sur un caractère d’urgence ou de complexité pour la collectivité :
hôpitaux, écoles, systèmes informatiques, infrastructures. Les avantages de cette forme nouvelle de contrats sont
multiples : l’accélération par le préfinancement, de la réalisation des projets : une innovation qui bénéficie à la
collectivité par le dynamisme et la créativité du privé, une approche en cout global, une garantie de performance
dans le temps, une répartition du risque optimale entre secteur public et privé, chacun supportant les risques qu’il
maitrise le mieux ». Saussier (S), Tra Tran (PH), « L’efficacité des contrats de partenariat en France : une
première évaluation quantitative »,
Revus économie industrielle, 2012, p. 10.
1169Ce critère est d'avantage utilisé pour les contrats de performance énergétique ou la construction d'école aux
normes Haute qualité environnementale (HQE). Il est rarement invoqué pour des constructions classiques
d'établissements.
1170Cela a été un des critères invoqués pour le choix du contrat de partenariat du collège de Villemandeur par le
département du Loiret, qui avait estimé gagner 1 à 2 ans en ayant recours à ce type de contrat. Le Conseil d’État
admettra que l’urgence soit le fait de la personne publique (CE, 23 juillet 2010, M. A et Syndicat national des
entreprises de second oeuvre du bâtiment
, n° 326544). C’est également un des arguments avancés par le Conseil
général de Seine-Saint-Denis dans son choix du recours au contrat de partenariat.
1171Ma PPP, « Les contrats de partenariats, guide méthodologique » ?, ministère de l’économie et de finance,
2011, p. 12.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

de faire face à une situation imprévisible ou de rattraper un retard préjudiciable à l’intérêt
général affectant la réalisation d’équipements collectifs ou l’exercice d’une mission de service
public1172.
La France a longtemps été un pays très centralisé, mais le pays a entrepris un mouvement
de décentralisation dès les années quatre-vingts. Le financement des collectivités territoriales
se faisait par dotation et non par financement de projet. Il y a donc peu de moyens pour le
gouvernement central de forcer le recours aux contrats de partenariat pour les collectivités.
Nicolas SARKOZY, arrivé au pouvoir en 2007, a décidé de promouvoir les partenariats
public-privé par la réforme de la législation.
Le 1er octobre 2007, le Président Nicolas SARKOZY, demandait au Premier ministre de
soumettre au Parlement avant la fin de l'année un projet de loi pour libérer les partenariats
public-privé d'une règlementation trop restrictive. La loi du 28 juillet 2008 relative aux
contrats de partenariat1173 a répondu à cette demande, tout en ajoutant un troisième critère de
recours aux contrats de partenariat : « l’efficience économique ». Dans ce sens, l’article 2
alinéa 2 dispose que : « les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que si, au regard
de l'évaluation, il s'avère : Que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique
n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques
répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet ; Ou bien que
le projet présente un caractère d'urgence, lorsqu'il s'agit de rattraper un retard préjudiciable
à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission
de service public, quelles que soient les causes de ce retard, ou de faire face à une situation
imprévisible ; Ou bien encore que, compte tenu soit des caractéristiques du projet, soit des
exigences du service public dont la personne publique est chargée, soit des insuffisances et
difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat
présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres
contrats de la commande publique. Le critère du paiement différé ne saurait à lui seul
constituer un avantage ». Il s’agit pour la personne publique de démontrer que le recours au
contrat de partenariat public-privé présente un bilan entre les avantages et les inconvénients
plus favorable que ceux d’autres contrats de la commande publique. Ce critère est de nature
différente des deux premiers puisque l’éligibilité n’est vérifiée dans ce cas qu’à l’issue de
l’analyse comparative. C’est l’occasion pour les décideurs de justifier leur choix par une
1172Eckert (G), Droit public des affaires, Paris, LGDJ, 2013, p. 67.
1173Loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat (1), JORF, 2008, p. 12144
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
motivation économique et financière plutôt que par une motivation principalement juridique
comme dans le cas de la complexité ou de l’urgence1174.
Dans ce sens, le Conseil constitutionnel a prévu : « compte tenu soit des caractéristiques
du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée, soit des
insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à
un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que
ceux d'autres contrats de la commande publique. Le critère de paiement différé ne saurait à
lui seul constituer un avantage »1175. Cette analyse est multicritère, elle tend à montrer un
moindre coût du contrat de partenariat, une plus grande performance, une meilleure
gouvernance et une meilleure qualité des services fournis.
La loi du 17 février 20091176 a prévu de nombreux assouplissements au contrat de
partenariat, parmi lesquels non seulement la possibilité de conclure un partenariat public-privé
sur un bien immobilier appartenant à l’État ou à l’un de ses établissements publics, mais
également la faculté pour le titulaire du contrat de partenariat de ne financer qu’une partie du
projet.
Les ¾ des contrats de partenariat publics-privés sont réalisés par les collectivités
locales1177. En Seine-Saint-Denis, Claude BARTOLONE1178 souligne que « ce recours résulte
d’une absence de moyens financiers pour construire les collèges indispensables à l’accueil
des 4 000 futurs élèves supplémentaires du département »1179.
Malgré l’importance de ce nouveau type de contrat dans le développement de
l’économie, il a été beaucoup critiqué ces dernières années. Quelles sont alors les critiques
adressées aux contrats de partenariat public-privé ?
1174Ma PPP, « Les contrats de partenariats, guide méthodologique » ?, op, cit, p. 13.
1175CC, décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008.
1176Loi n° 2009-179, 17 févr. 2009, pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement
publics et privés,
JORF, 2009, p. 2841
1177L’expérience internationale montre que les collectivités territoriales font généralement recours aux acteurs
privés pour satisfaire aux besoins accrus des citoyens en infrastructures et services publics de base, obtenir des
meilleures performances, offrir des services publics locaux de meilleure qualité et une meilleure durabilité
économique, sociale et environnementale.
1178Un homme d’État français. Président de l’Assemblée nationale de 2012 à 2017.
1179Doneddu (J), « Quelles missions et quelle organisation de l’État dans les territoires ? », op, cit, p. 106.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

B. Les critiques adressées aux contrats de partenariat public-privé : vers un
nouveau type de contrat susceptible d’accélérer les investissements « le
marché de partenariat »
Si le contrat de partenariat public-privé constitue un levier important pour la conduite des
investissements publics, la multiplication des outils contractuels était une source d’insécurité
juridique et financière pour les différents acteurs (1). C’est pourquoi la réforme consacre le
marché de partenariat comme formule contractuelle unique de partenariat public-privé (2).
1. Les critiques adressées au contrat du partenariat public-privé : un leurre
économique
Le contrat de partenariat public-privé se présente sur le plan financier comme un
instrument dont dispose la personne publique pour réaliser efficacement des services publics.
Il peut intéresser les gouvernements et les personnes publiques pour des raisons d’efficience,
mais également parce qu’ils constituent un moyen d’investir dans de nouveaux projets sans
augmentation immédiate du déficit public ou de la dette. À ce moment précis de difficultés
budgétaires, de complexité de projets et de modifications de la commande publique où l’État
doit raviver l’investissement, le contrat de partenariat demeure d’une grande utilité.
Cependant, ce mode contractuel a été beaucoup critiqué. La première critique est relative à
la procédure de conclusion de ce contrat. Elle est trop complexe et mal adaptée aux besoins
des collectivités publiques qui peuvent rendre difficile
la compréhension de son
fonctionnement. Cette complexité serait la cause d’un certain désintérêt de plusieurs
collectivités territoriales qui lui préféreraient des formules contractuelles plus traditionnelles
telles que celle du marché public ou celle des délégations de services publics. Les opérateurs
privés doivent probablement communiquer davantage et faire plus d’efforts de pédagogie
pour mieux expliquer le modèle et son fonctionnement juridique et financier. Ainsi, seuls 42
% des Français déclarent connaître la différence entre un mode de gestion publique ou une
gestion confiée à un partenaire privé1180.
La deuxième critique est liée au surcoût engendré par le recours au contrat de partenariat.
Ce dernier serait un facteur de renchérissement du prix d’acquisition des équipements publics
pour la personne publique. Pour apprécier l’existence d’un surcout lié au contrat de
1180Caylet (S), Sourzat (L), Du contrat de partenariat au marché de partenariat, Actes de colloque, Des
territoires, de la culture et de la communication
, Université Toulouse 1 capitole, 2016, p. 21.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
partenariat, encore faut-il rappeler les difficultés et la spécificité du financement des grands
projets d’infrastructure publique. D’une manière générale, le constat est généralement lié au
niveau d’endettement atteint ou de taux de pression fiscale qui interdisent l’accès au crédit
bancaire ou même au marché obligatoire1181.
Le contrat de partenariat rigidifie la dépense publique car les loyers sont des dépenses
obligatoires pour la personne publique, ce qui provoque un effet d’éviction sur les autres
dépenses de fonctionnement. Ainsi, les collectivités territoriales, en particulier les plus
modestes d’entre elles ne disposent pas des ressources internes suffisantes pour négocier avec
de grands groupes disposant de l’appui de plusieurs conseillers. La situation est
asymétrique1182. Les contrats de partenariats sont conclus surtout avec les grands groupes
comme Bouygues, Eiffagen et Vinci. En outre, les PME et TPE ont un accès très difficile aux
contrats de partenariat même de taille réduite. Elles sont alors reléguées à la sous-traitance du
contrat de partenariat, sans bénéficier cependant des mêmes garanties que dans le cas d’un
marché public à tendance classique1183.
La troisième critique est liée à l’endettement indirect des personnes publiques qu’il
favoriserait. En d’autres termes, il serait un facteur d’opacité des comptes publics, en créant
les conditions d’un risque financier sur la gestion des finances publiques nationales ou
locales, d’autant plus pernicieux qu’il serait dissimulé à la seule analyse des documents
comptables des collectivités publiques.
La quatrième critique a trait au fait que le contrat de partenariat priverait la collectivité
cocontractante de tout pouvoir de contrôle. Cette critique est surprenante dans le contexte de
l’expérience du contrat de partenariat, tel qu’il a été utilisé au cours des dix dernières années,
depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 juin 20041184.
La dernière critique adressée au contrat de partenariat tient au fait que la crise issue de
l’épisode américain des subprimes aurait sensiblement réduit l’intérêt du contrat de
partenariat depuis 2008. Ce contexte a favorisé le développement des taux d’intérêt qui
rendrait désormais plus attractif l’endettement public que l’endettement privé. Ce phénomène
a été renforcé par un resserrement des conditions du crédit, notamment lié à l’évolution de la
1181Caylet (S), Sourzat (L), op, cit, p. 22.
1182Auby (J-F), op, cit, p. 166.
1183Ibid, p. 166.
1184Ibid, p. 167.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

règlementation bancaire et financière internationale, particulièrement significative dans le
domaine des contrats de partenariats avec un durcissement des conditions de financements1185.
D’une façon très favorable, les critiques adressées aux contrats de partenariat public-privé
étaient un catalyseur de l’émergence d’un nouveau type du contrat « le marché du
partenariat », un contrat qui permet de diminuer l’endettement de l’État et de bénéficier des
innovations de plusieurs ordres.
2. Le marché du partenariat : un contrat permettant la diminution de l’endettement
de l’État et bénéficiant des innovations développées par les entreprises privées
Aux anciens contrats de partenariat public-privé, dont le régime juridique était brisé et
qui n’étaient pas absorbés des marchés publics en droit français alors qu’ils l’étaient en droit
de l’Union européenne relèvent les nouveaux marchés de partenariat, dont les pouvoirs
publics ont cherché à unifier les règles en les adaptant. L'ordonnance du 23 juillet 20151186,
le décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics1187 et le décret du 25 mars 2016 relatif
aux marchés publics de défense ou de sécurité1188 ont eu pour objet d'unifier les différentes
formules de partenariat public-privé existantes au profit d'une forme unique : le marché de
partenariat.
La réforme de 2015, en remplaçant le contrat de partenariat par le marché de partenariat
vise à simplifier et à renforcer le cadre juridique du contrat de partenariat, à sécuriser et
rationaliser les conditions de recours à ce type de contrat et à les soumettre aux règles
générales du Code des marchés publics.
L’article 67 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 défini le marché de partenariat comme
« un marché public qui permet de confier à un opérateur économique ou à un groupement
d’opérateurs économiques une mission globale ayant pour objet : la construction, la
transformation,
la rénovation,
le démantèlement ou de
la destruction d’ouvrages,
d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ou à l’exercice d’une
mission d’intérêt général. Tout ou partie de leur financement. Le titulaire du marché de
partenariat assure la maitrise d’ouvrage de l’opération à réaliser. Cette mission globale peut
également avoir pour objet : Tout ou partie de la conception des ouvrages, équipements ou
1185Caylet (S), Sourzat (L), op, cit, p. 24.
1186Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, JORF, 2015, p. 12602
1187Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, JORF, 2016, p. 12000.
1188Décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité, JORF, 2016, p.
1220.

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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
biens immatériels, l’aménagement, l’entretien, la maintenance, la gestion ou l’exploitation
d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels ou une combinaison de ces éléments, la
gestion d’une mission de service public ou des prestations de services concourant à
l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée.
L’acheteur peut donner mandat au titulaire pour encaisser, en son nom et pour son compte, le
paiement par l’usager de prestations exécutées en vertu du contrat ».
Nous constatons ainsi que le marché de partenariat peut ne porter que sur la construction,
la
transformation,
la rénovation,
le démantèlement ou
la destruction d'ouvrages,
d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ou à l'exercice d'une
mission d'intérêt général, tout ou partie de leur financement. Il peut aussi s'étendre de manière
optionnelle à tout ou partie de la conception des ouvrages, équipements ou biens immatériels,
l'aménagement,
l'entretien,
la maintenance,
la gestion ou
l'exploitation d'ouvrages,
d'équipements ou de biens immatériels et la gestion d'une mission de service public.
L’ordonnance du 23 juillet 2015 repose sur trois objectifs. En premier lieu, mettre fin à la
dichotomie du droit des marchés publics. Il s’agit ici non seulement d’unifier le droit des
marchés mais de lui donner un statut législatif, gage de tout à la fois de son autorité vis-à-vis
des acheteurs publics et d’une certaine stabilité. En deuxième lieu, consacrer le contrat de
partenariat comme une forme de marché public. Au sens du droit européen, le contrat de
partenariat est en réalité que des marchés publics. Cette qualification doit être obtenue aussi
dans l’ordre interne des États. En troisième lieu, faire du contrat de partenariat la formule
unique de partenariat public-privé, ce qui implique une redéfinition à la frontière entre les
titres d’occupation privative du domaine publique constitutifs de droits réels et les contrats de
la commande publique1189.
L’ordonnance élargit expressément l’application des règles des marchés publics aux
pouvoirs adjudicateurs constitués non seulement des entités de droit public, mais de toutes les
structures à personnalité juridique de droit public ou privé (SEM, certaines entreprises et
associations, personnes de droit privé titulaires d’un contrat dont l’objet serait subventionné à
plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur, etc.) qui œuvrent à la satisfaction d’un intérêt
général et qui sont soit financées majoritairement par un pouvoir adjudicateur, soit soumises à
un contrôle exercé par un pouvoir adjudicateur ou qui disposent d’un organe de direction ou
de surveillance composé de membres désignés pour plus de la moitié par un pouvoir
1189Caylet (S), Sourzat (L), op, cit, p. 30.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

adjudicateur. L’adjudicateur peut réserver des marchés à certains opérateurs économiques
poursuivant des missions sociales significatives (par exemple, certains établissements et
services d’aide par le travail et structures d’insertion ou entreprises de l’économie sociale ou
solidaire)1190. Donc, les marchés de partenariat sont ouverts à tout acheteur, à l'exception des
organismes, autres que l'État, relevant de la catégorie des administrations publiques centrales,
ainsi que des établissements publics de santé et des structures de coopération sanitaire dotées
de la personnalité morale publique, par exemple : l'État central, les collectivités territoriales,
les établissements publics : le Pôle emploi, La Poste, SNCF, (etc.).
Le principal avantage d'un marché de partenariat est de ne pas accroître l'endettement de
l'État. La construction et la gestion des bâtiments publics sont ainsi financées par le secteur
privé. De plus, ce système de financement permet à l'État et donc aux usagers de bénéficier
des innovations développées par les entreprises privées. Toutefois, l’ordonnance du 23 juillet
2015 prévoit une possibilité de financement public qui peut émaner de l’acheteur public et
d’autres personnes publiques. Ce financement peut notamment prendre la forme d’une
participation minoritaire de la personne publique au capital de la société titulaire,
spécialement constituée pour la réalisation du projet1191.
Aussi, l’autre innovation de l’ordonnance repose dans la possibilité de déléguer au profit
du partenaire la gestion d’une mission de service public1192. Cette disposition donne au
titulaire du contrat le pouvoir de gérer la mission pour laquelle l’ouvrage a été construit.
La réforme a en particulier modifié les conditions de recours au marché de partenariat. Les
critères de l'urgence et de la complexité sont supprimés, et seul reste le critère de l'efficacité
économique transformé pour devenir le critère du bilan favorable. En effet, le critère
budgétaire et de l’efficience est très importants. Il faut rappeler qu’au titre de cette condition,
il convient aujourd’hui de démontrer que compte tenu de la complexité du projet, la personne
publique n’est pas objectivement en mesure de définir seule et à l’avance les moyens
techniques répondant à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du
projet1193. Or, seuls les projets de très grande envergure ont pu emporter la conviction de leur
complexité. C’est ainsi qu’a été jugé complexe le stade de Bordeaux1194 ou bien le nouveau
Palais de justice de Paris, notamment à raison des dimensions exceptionnelles, de l’ouvrage à
1190Bauby (P), Service Public, Services Publics, op, cit, p. 68.
1191Article 80 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.
1192Article 67 alinéa 3 de l’ordonnance de 2015 relative aux marchés publics.
1193Article L1414-2, II. 1, CGCT.
1194Cour administrative d’appel de Bordeaux, 17 juin 2014.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
réaliser1195. En revanche, des projets d’ampleur plus modeste n’ont pas été validés tels un
projet de réalisation d’un musée de la mer et d’une cité du surf1196, la construction d’une
piscine municipale1197, un centre aquatique1198, un hôtel de ville1199 et une opération
immobilière portant sur une soixantaine de bâtiments techniques1200. Et une même opération a
pu susciter d’une instance à l’autre des décisions différentes : le Tribunal administratif de
Bordeaux a jugé que le projet de cité administrative de Bordeaux n’était pas complexe1201
mais son raisonnement a été sanctionné en appel1202.
L’article 75 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 procède clairement à une simplification
des conditions de recours au marché de partenariat à tout le moins en apparence. Sa rédaction
est refondue de la manière suivante : « la procédure de passation d’un marché de partenariat
ne peut être engagée que si l’acheteur démontre que, compte tenu des caractéristiques du
projet envisagé, des exigences de service public ou de la mission d’intérêt général dont
l’acheteur est chargé, ou des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de
projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan plus favorable, notamment
sur le plan financier, que celui des autres modes de réalisation du projet ». Le texte ne
consacre donc maintenant qu’une seule des trois anciennes conditions d’éligibilité :
« l’efficience du marché de partenariat ».
En définitive, le nouveau marché de partenariat du droit français ne doit pas être aperçu
comme un contrat unique. Il constitue un dispositif multivoque accordant une modulation des
fonctions principales du contrat par rapport au besoin de l’administration. Ainsi, l’ordonnance
du 23 juillet 2015 a nettement simplifié et rationalisé le droit de la commande publique en
général et le droit des partenariats public-privé en particulier.
Nous constatons ainsi, que le droit français de la commande publique est un droit riche,
un droit qui trouve très vite des solutions pour faire face à l’endettement public et pour
relancer l’économie. Le passage d’un contrat de partenariat à un marché de partenariat est le
meilleur exemple. Est-ce que le contrat de partenariat public-privé en Tunisie serait t-il une
1195Cour administrative d’appel de Paris, 3 avril 2014, Association la justice dans la cité.
1196Cour administrative d’appel de Bordeaux, 26 juillet 2012, Ville de Biarritz. CE 30 juillet 2014, Commune de
Biarritz.
1197Tribunal administrative de Lille, 17 décembre 2013, Préfet du Nord.
1198Cour administrative d’appel de Lyon, 2 janvier 2014, Conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne.
1199Tribunal administrative de Bordeaux, 18 mars 2015, Commune de la Teste-de-Buch.
1200Tribunal administrative de Cergy-Pontoise, 4 novembre 2014, Conseil national de l’ordre des architectes et
autres.
1201Tribunal administrative de Bordeaux, 11 février 2015, Syndicat national des entreprises du second œuvre.
1202Cour administrative d’appel de Bordeaux, 15 septembre 2015, Commune de Bordeaux.
316



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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

solution pour le financement et pour accélérer les investissements surtout dans les régions
marginalisées ?
Paragraphe 2. Le contrat de partenariat public-privé en Tunisie : des
imperfections malgré la volonté de réforme
Nous assistons ces dernières années, en Tunisie comme dans le reste du monde à un
mouvement ambiant vivement encouragé, à savoir le partenariat public-privé qui constitue
l’un des thèmes que l’on dit « à la mode »1203. Il constitue le terme clef qui exprime le mieux
les transformations de l’action publique que le degré de pénétration des concepts et des
institutions de la Common Law dans les systèmes juridiques traditionnellement élaborée sous
l’influence du droit français1204.
L’expérience tunisienne témoigne que le contrat de partenariat public-privé a été appliqué
depuis longtemps à travers des formes contractuelles en dehors de tout cadre normatif et avant
que des textes de loi ne consacrent cette orientation. Ainsi, le développement de ces
partenariats ne s’est accompagné systématiquement d’une législation spécifique, la pratique
l’emportait sur tout encadrement juridique.
Selon la Banque européenne d’investissement, « se doter d’une loi suivie d’une
règlementation appropriée sur les partenariats public-privé peut contribuer à rendre un pays
attrayant pour les investisseurs en ce qu’elle enrichit ou clarifie le cadre législatif. Cela
permet également d’éviter d’avoir à s’appuyer sur des lois générales qui n’ont rien de
spécifique et d’adapter aux partenariats public-privé. Investisseurs et bailleurs de fonds
chercheront à être rassurés par l’existence d’une loi applicable à leurs contrats qui leur
procure une protection adaptée et par la possibilité de régler les litiges de façon impartiale et
efficace »1205.
Aujourd’hui, la Tunisie a besoin d’un contrat de partenariat public-privé pour trois
raisons. D’abord,
l’infrastructure constitue un obstacle aux affaires. Ensuite,
les
revendications du développement et de l’équilibre régional. Enfin, les contraintes sur les
finances publiques (les salaires, les dettes et la compensation).
1203Muller (E), Les instruments juridiques des partenariats public-privé, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 5.
1204Bouhamed (A), Chaabouni (J), « Partenariat public-privé en Tunisie, les conditions de succès et d’échec »,
International journal of technologie management and sustainable development, 2008, p. 5.
1205Banque européenne d’investissement, op, cit, p. 40
317


Page 320
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En comparaison avec la France, la Tunisie a introduit plus tardivement les partenariats
public-privé, puisqu’elle a d’abord lancé une vague de privatisation. La première expérience
tunisienne en matière de partenariat date de 2008 et ne concernait que les concessions. Dans
une Tunisie post-révolution, tout le monde s’accorde sur l’importance de recourir aux contrats
de partenariats public-privé pour le relancement de l’économie, surtout dans les régions
marginalisées. Le 27 novembre 2015, la Tunisie a promulgué une loi relative aux contrats de
partenariats public-privé (A), mais malgré l’innovation, plusieurs risques ont apparu qui
peuvent entraver le développement économique du pays (B).
A. Le contrat de partenariat public-privé : une alternative sérieuse pour
accélérer les investissements
Le cadre juridique et institutionnel tunisien n’était pas approprié aux partenariats public-
privé. Les projets de ce type de partenariat étaient auparavant principalement encadrés par des
lois sectorielles et gouvernés par des décrets visant à faciliter et à détailler les procédures de
passation de certains grands projets. Les premières lois tunisiennes d’association publique
privée étaient spécifiques à des secteurs ou à des organismes bien déterminés. Par exemple,
une loi remontant à l’année 1996, modifiant l’organisation de la société tunisienne de
l’électricité et du GAZ (STEG) avait prévu que l’État pourrait octroyer à des personnes
privées des concessions de production d’électricité1206. Une autre loi datant de 20041207
relatifs à l’office national de l’assainissement avait prévu la possibilité d’octroyer par l’État à
des personnes privées des concessions pour le financement, la réalisation et l’exploitation des
ouvrages d’assainissement. La loi d’orientation du 19 février 2007 relative à l’établissement
de l’économie numérique1208 a favorisé de sa part la formule partenariale en vue de
développer ce secteur stratégique1209. Le cadre juridique et institutionnel tunisien n’était pas
approprié aux partenariats public-privé jusqu’à l’adoption de la loi relative aux concessions en
20081210
.
1206Maazoun (M), op, cit, p. 6.
1207Loi n°2004-70 du 2 août 2004 complètent la loi 93-41 du 19 avril 1993 relative à l’office national de
l’assainissement.
1208Loi d’orientation n° 2007-13 du 19 février 2007 relative à l’établissement de l’économie numérique, JORT,
2007, pp. 563-564.
1209Dans ce cadre, l’article 2 dispose que « l’État et les collectivités locales à la promotion de ce secteur par la
consolidation du partenariat entre les entreprises tunisiennes afin d’attirer d’avantage d’investissements étrangers
en ce domaine ». En outre, l’article 3 dispose que : « l’État, les collectivités locales, les établissements public et
les entreprises publiques peuvent dans le domaine de l’économie numérique confié à une ou des entreprises
économiques l’accomplissement de la totalité ou d’une partie de leur activité ou la participation à la réalisation
des projets économiquement importants ».
1210Loi n°2008-23 du 1er avril 2008 relative au régime de concessions, JORT, 2008, pp. 1124-1127.
318

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

La Tunisie s’est engagée depuis la Révolution, dans un processus de transition
économique et sociale qui a pour but de créer une croissance inclusive et durable générant de
meilleures opportunités pour ses citoyens. Dans ce but, le secteur privé représente un relai de
croissance essentiel qu’il faut soutenir par la mise en place d’un climat des affaires
susceptible d’attirer l’investissement national et étranger1211. C’est dans ce cadre que le
contrat de partenariat public-privé pourrait jouer un rôle crucial dans la croissance et le
développement économique.
Le contrat de partenariat public-privé pourrait être utilisé pour répondre à un très fort
besoin sur le plan d’infrastructure et d’investissement public. Il aurait ainsi, de multiples
avantages tels que l’allègement des contraintes budgétaires pour l’État et la création de
nouvelles ressources par un partage de bénéfices entre l’opérateur et l’autorité publique. Au
lieu d’emprunter sur le marché extérieur, l’État tunisien fera construire ses grands projets
d’équipements publics (infrastructures, grands projets) par ses partenaires privés. Aussi ce
nouveau contrat a pour avantage l’allocation équilibrée des risques, la réalisation rapide des
projets, la modernisation de l’économie, la concentration de l’État sur ses missions
régaliennes et la création d’emplois durables1212.
La clarté et l’efficacité du cadre juridique régissant la participation privée sont d’une
importance majeure pour attirer les investisseurs. Il est indispensable de présenter aux
investisseurs intéressés un régime juridique cohérent, assurant de façon satisfaisante la
protection de l’investissement et le règlement des litiges éventuels1213. C’est dans ces
perspectives que les gouvernements qui se sont remplacés après la Révolution se sont fixé
leurs objectifs sur la révision du cadre juridique des contrats de partenariats public-privé pour
pouvoir réaliser de nouveaux projets particulièrement des projets à caractère innovant. Ce
contrat semble constituer pour le législateur la meilleure solution pour le financement de
l’investissement public.
C’est dans toutes ces perspectives, que le législateur a adopté une nouvelle loi sur le
contrat de partenariat public-privé. C’est la loi du 27 novembre 20151214. Selon l’article 3 de
cette loi « le contrat de partenariat public-privé est un contrat écrit à durée déterminée par
1211OCDE, « Les partenariats public-privé en Tunisie », août, 2015, p. 19.
1212Kefi (CH), « Tunisie, partenariat public-privé pour alléger la charge de l’État », mise en ligne le 12 mars
2014, consulté le 16 mai 2018, URL : http://www.gnet.tn/temps-fort/tunisie-le-partenariat-public-prive-pour-
alleger-la-charge-de-l-etat/id-menu-325.html
1213Beaussé (N), Gonnet (M), op, cit, p. 39.
1214Loi n°2015-49 du 27 novembre 2015 relative aux contrats de partenariat public-privé, JORT, 2015, p. 2855.
319


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
lequel une personne publique confie à partenaire privé une mission globale portant
totalement ou par élément sur la conception et la réalisation d’ouvrages, d’équipement ou
d’infrastructures matérielles ou immatérielles nécessaires pour assurer un service public. Le
contrat de partenariat comporte le financement, la réalisation ou la transformation et la
maintenance moyennant une rémunération versée par la personne publique ou partenaire
privé pendant la durée du contrat et conformément aux conditions qui y sont prévues et
désignés ci-après contrat de partenariat ».
L’apparition de cette loi s’est inscrite dans le cadre d’un processus de transition politique,
économique et social engagée depuis 2011. Les pouvoirs publics veulent que le partenariat
public-privé contribue à améliorer le fonctionnement des services publics surtout dans les
régions marginales. Dans ce cadre, le ministre de l’économie a déclaré que « les régions
seront celles qui bénéficieront le plus du partenariat public-privé car nous y verrons une
accélération du développement des infrastructures, nous stimulerons la levée des fonds privés
à leur profit. Quant aux particuliers, ils auront plus d’opportunités d’affaires et pourront
développer leur savoir-faire à travers des projets structurants et porteurs »1215.
L’article 5 de la présente loi fixe les principes de passation et d’exécution des contrats de
partenariats public-privé : bonne gouvernance, transparence des procédures, égalité des
candidats et équivalence des chances sur la base d’une libre concurrence et neutralité de
l’administration. Il dispose que : « l’élaboration et la conclusion des contrats de partenariat
sont régies par les règles de bonne gouvernance et les principes de transparence des
procédures, d’égalité et d’équivalence des chances moyennant le recours à la concurrence,
l’impartialité et la non-discrimination entre les candidats conformément aux dispositions de
la présente loi ».
La loi prévoit davantage la transparence lors de l’octroi et de l’exécution des projets de
partenariat public-privé dans le but de favoriser la concurrence et de réduire au minimum les
risques de conflit d’intérêts, de capture de la règlementation, de corruption et de
comportements contraires à l’éthique1216. Elle prévoit également la publication de la décision
d’octroi du contrat de partenariat par la personne publique sur son site web et dans les lieux
réservés aux affiches administratives et ce dans un délai de 8 jours de sa publication au
1215Belhaj Ali (A), « Nous sommes dans le concret et non dans les belles lettres », Tunisie, le 10-12-2013.
1216OCDE, « Opérationnaliser les partenariats public-privé en Tunisie. Analyse des cadres juridique et
institutionnel », 2016, p. 43.
320

Page 323
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Journal Officiel de la République Tunisienne1217 et la publication des rapports de contrôle et
d’audit1218. Aussi, la publication par l’instance générale des partenariats public-privé, d’un
extrait du contrat de partenariat signé sur son site internet1219.
La nouvelle loi adopte une manifestation qui pourrait être une solution pour
l’investissement et la relance de l’économie, c’est « l’offre spontanée ». Cette dernière se
situe au niveau de l’encouragement de l’initiative du partenaire privé à proposer des projets à
la personne publique. L’offre spontanée consiste à saisir la personne publique d’un projet de
contrat de partenariat en vue de réaliser un investissement qui doit être le support de
l’exercice de sa mission de service public. Il s’agit pour la personne privée de présenter une
offre spontanée à l’administration pour la réalisation d’un projet dans le cadre d’un contrat de
partenariat et présenter une étude d’opportunité préliminaire y afférant. L’article 11 de la
présente loi dispose que : « La personne privée peut présenter une offre spontanée à la
personne publique pour la réalisation d'un projet dans le cadre d'un contrat de partenariat et
présenter une étude d’opportunité préliminaire du projet. L’offre spontanée ne doit pas porter
sur un projet en cours d’élaboration ou d’exécution par la personne publique. La personne
publique peut accepter l’offre, la rejeter ou la modifier sans encourir aucune responsabilité
vis-à-vis son auteur, mais elle doit lui notifier sa décision dans un délai ne dépassant pas
quatre-vingt-dix jours renouvelable une fois, sur notification écrite de la part de la personne
publique à partir de la date de la réception de l’offre. Le silence de la personne publique dans
les délais prévus à l’alinéa précédent est considéré comme refus implicite. Dans le cas où
l’offre spontanée est retenue, la personne publique entame les modalités et les procédures de
l’attribution prévues dans le présent chapitre tout en informant l’auteur de l’offre spontanée
du lancement des procédures de l’attribution. Une marge de préférence est accordée à
l’auteur de l’offre spontanée dans la phase de l’appel à la concurrence ».
Sur le plan financier, les contrats de partenariat peuvent intéresser les gouvernements et
les personnes publiques pour des raisons d’efficience, mais également parce qu’ils constituent
un moyen d’investir dans de nouveaux projets sans augmentation immédiate du déficit public
notifié ou de la dette. À ce moment précis de difficultés budgétaires, de complexité de projets
1217Article 16
1218Article 33.
1219Article 39.
321


Page 324
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
et de modifications de la commande publique où l’État doit raviver l’investissement, le
contrat de partenariat demeure d’une grande utilité1220.
Une réforme institutionnelle est engagée aussi. La direction générale du partenariat public-
privé1221 a été créée en octobre 2011 dans le cadre de la nouvelle organisation du ministère
des Finances1222. Cette nouvelle direction a pour mission de moderniser, adapter la
règlementation nationale et superviser la mise en œuvre des réformes en la matière, planifier à
long terme les besoins et développer des modèles de partenariats public-privé en particulier
dans le cadre de la coopération internationale et assurer l’organisation des relations entre les
opérateurs et les collectivités publique sur la base de règles claires et rigoureuses tout en
veillant au respect des exigences de la concurrence.
D’emblée, l’exposé des motifs de la nouvelle loi présente le contrat de partenariats
public-privé comme une solution juridique et économique à des besoins d’infrastructure et
d’amélioration de la qualité de service public et un vecteur de création d’emploi1223. On y
relève le constat que le pays a besoin du secteur privé pour redynamiser son économie et
réaliser des projets d’investissement à impact social et économique important. Mais malgré
les réformes, ce type de contrat présente plusieurs lacunes.
B. Les risques liés aux contrats de partenariat public-privé
L’intérêt du contrat de partenariats public-privé est certain pour le gouvernement tunisien.
Les partenariats public-privé permettent de ne pas comptabiliser la dette des investissements
dans son bilan. C’est aussi l’occasion de partager les risques avec des investisseurs privés.
Sauf que dans un État où la corruption est toujours largement présente, le partenariat public-
privé reste un système risqué comme l’indique l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE). En termes d’appels d’offres, si la transparence n’est
pas de mise, les risques d’abus augmentent et il est possible que l’autorité contractante
1220Lissari (M), op, cit, p. 89.
1221« La direction générale de partenariat public- privé (DGPPP) est chargée notamment du développement d'une
législation fiscale, comptable, financière, et en matière de mise en concurrence appropriée pour le partenariat
entre les secteurs public et privé. Du renforcement de la coopération internationale et régionale dans le domaine
du partenariat entre les secteurs public et privé pour bénéficier des mécanismes de financement dans ce domaine.
Du suivi et du pilotage de la préparation et de l'attribution des projets programmés entre les secteurs public et
privé. De la création d'une banque de données et d'élaboration des statistiques pour des projets de partenariat
entre
URL
Portail
http://www.finances.gov.tn/index.php?option=com_content&view=article&id=188&Itemid=572&lang=fr
1222Décret n°2011-2856 du 7 octobre 2011, JORT, 2011, p. 1234.
1223Allocution du secrétaire général du gouvernement dans le cadre des travaux de la deuxième session ordinaire,
3éme séance de l’ARP, date du 11 novembre 2016, pp. 118-120.
du ministère
finances.
secteurs
public
privé.
des
les
et
322

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

n’obtienne pas une contrepartie adéquate en échange des fonds publics dépensés. Autrement
dit, il faudra que la Commission supérieure de contrôle et d’audit des marchés publics de
la Haute Instance de la commande publique créée en 2013 prenne ses responsabilités et soit
irréprochable si la Tunisie ne veut pas que ces partenariats public-privé se transforment en
opération d’enrichissement personnel pour certains grands patrons1224.
Les partenariats public-privé représentent, comme l’indique l’Observatoire tunisien de
l’économie un manque de vision stratégique pour les politiques d’investissement et de
développement. L’État perd l’initiative vis-à-vis des investisseurs privés, gaspillage de fonds
publics, projets pharamineux, frénésie dans les investissements (etc.). Avec un État aussi
faible que l’est actuellement la Tunisie, ce type de contrat représente un véritable risque de
disparition totale de l’État1225.
Le manque de profondeur du système financier tunisien constitue un obstacle important
pour le développement de ce type de projets. En effet, le pays souffre d’un manque de
financements au long terme qui pourraient être alloués à des projets d’infrastructures et des
partenariats public-privé. Cette situation est principalement due à la haute fragmentation du
système bancaire tunisien, un niveau élevé de créances douteuses qui est encore plus lourd
pour les banques publiques (en cours de restructuration) et un marché financier de taille
relativement modeste1226.
D’autant que la Tunisie est un pays loin d’être économiquement développé. Or, si les
contrats de partenariats public-privé sont légion dans les pays industrialisés malgré leurs
conséquences financières, ils sont bien trop coûteux dans les pays en développement comme
l’indique David HALL « le recours au secteur privé n’est ni plus efficace, ni moins coûteux ».
Pire, les surcoûts induits par l’organisation d’appels d’offres et le suivi des partenariats
public-privé s’élèveraient à 10, voire 20 %. Les contrats de partenariats public-privé, selon
lui, « constituent un mécanisme de financement de l’infrastructure et des services onéreux et
inefficace », dissimulant l’emprunt public « tout en fournissant aux entreprises privées des
garanties de profit à long terme accordées par l’État ». Les exemples de contrats de
1224Abdallah (A), « Tunisia 2020 : des partenariats public-privé (PPP) qui vont fragiliser le pays », mise en ligne
le 28 novembre 2016, consulté le 31 avril 2018, URL : http://maghreb-info.com/tunisia-2020-partenariats-
public-prive-ppp/
1225Observatoire Tunisien de l’économie, Riahi (L), Bezneiguia (A), « Avantages et inconvénients des PPP »,
le 31 avril 2018, URL : http://www.economie-
mise en
tunisie.org/fr/observatoire/visualeconomics/avantages-inconv%C3%A9nients-ppp

1226OCDE, « Les partenariats public-privé en Tunisie : Analyse des cadres juridique et institutionnel », août
2015, p. 67.
le 16 octobre 2014, consulté
ligne
323


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
partenariats public-privé décriés ne sont d’ailleurs pas rares. En France, la municipalité de
Biarritz tente par exemple de résilier son contrat de partenariat public-privé signé avec Vinci,
qui a construit la Cité de l’Océan. Le stade de Nice a également été largement critiqué. Quant
au Centre hospitalier de Corbeil Essonne, il a rompu son contrat avec Eiffage en mars 2014.
Les partenariats sont très complexes à négocier, mais également à mettre en œuvre. Trop
souvent, ils impliquent des coûts de construction et de transaction plus élevés que prévus.
Avec le manque de transparence et de contrôle public qui caractérisent la Tunisie, la
renégociation des partenariats public-privé risque bien d’être encore plus complexe1227.
Le contrat de partenariat public-privé s’est présenté comme la solution au « manque à
gagner » de l’État, endettés et n’étant pas capable d’investir dans le développement
d’infrastructures dans les secteurs aussi vitaux que l’eau, la santé, habitat, l’éducation, le
transport et l’énergie. Or, ces contrats sont loin d’être une solution, bien au contraire. Les
arguments en faveur du contrat de partenariat public-privé ne tiennent pas et sont remis en
cause par nombre de rapports parlementaires du Royaume Uni, la Cour des comptes française,
le FMI et aussi la Banque européenne d’investissement. Selon eux, ces contrats coûtent plus
cher que la méthode conventionnelle des marchés. Le secteur privé n’assume pas tous les
risques et ne garantit pas une meilleure rentabilité ni qualité du service. De plus, ils ont été
conçus pour dissimuler la dette publique. Il s’agit d’une dette envers le partenaire privé et
entraine un fardeau pour le budget de l’État sur plusieurs décennies. Les devis et contrat
s’avèrent être d’une lourdeur qui ne permet pas de les renégocier ou les modifier facilement et
sont frappés de la clause de confidentialité qui est contraire à la nécessaire transparence des
affaires publiques1228.
Pour Ahmed BOUZGUENDA1229, « l’acheteur public aujourd’hui n’est pas bien outillé
pour mettre en œuvre ce contrat de partenariat parce qu’on n’est pas encore habitué à ce
mode de financement. Cependant, avec cette loi, l’acheteur public doit avoir, avant de lancer
des projets en PPP, des capacités de building. Il faut être bien outillé pour signer des contrats
PPP. La bonne préparation de l’acheteur public à ce mode de commande publique est
cruciale. Il faudrait que l’administration se prépare à mieux professionnaliser ses agents
pour que l’acheteur puisse utiliser ce mode d’achat public. Et d’ajouter que beaucoup
1227Abdallah (A), op, cit. p. 45.
1228Observatoire Tunisien de l’économie, « Les partenariats public-privé, une bombe à retardement ? », mise en
ligne
http://www.economie-
tunisie.org/fr/observatoire/analysiseconomics/bombe-a-retardement-rapport-partenariats-publics-prives
1229Président de l’Institut arabe des chefs d’entreprises.
2018, URL :
décembre
5 mai
consulté
2012,
01
le
le
324

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

d’expériences pour certains pays ont essuyé un échec dû à un manque de préparation des
parties contractantes »1230.
Wided BOUCHAMAOUI1231, a affirmé que le nouveau contrat de partenariat public-privé
comporte de plusieurs lacunes « cette loi excepte de nombreux domaines de son champ
comme l’économie, de l’énergie, le développement de produits innovants pour l’exportation,
l’animation culturelle et les services de soutien à l’entreprise. Cette loi limite également le
rôle de partenaire privé à la maintenance laissant la gestion du projet au secteur public, ce
qui peut causer l'émergence de conflits ou entrainer des coûts élevés »1232.
Il est paradoxal de constater que les pouvoirs publics se prévalent de ce nouvel outil de la
commande publique pour accélérer la cadence de la mise en œuvre de grands projets
d’investissement public. Force est de constater qu’après la promulgation de la loi relative aux
contrats de partenariat, aucun projet à ce jour en mode partenarial n’a été engagé. Les décrets
d’application de la loi de 2015 et de mise en place des institutions d’appui au partenariat
public-privé ne sont intervenus qu’en juillet 2016 soit huit mois après la publication de la loi.
Ce retard est de nature à renforcer la méfiance des acteurs publics et privés à l’égard de ce
nouveau mode contractuel.
En définitive, le développement reste toujours l’ambition de l’État. Privatisation,
partenariat public-privé et la diminution de l’intervention des pouvoirs publics sont des
solutions pour le développement de l’économie et l’ouverture à la concurrence et à
l’économie de marché. Ces dernières années, l’État a eu recours aussi à d’autres moyens pour
réguler l’économie à l’échelle nationale et locale.
1230Dejoui (N), « Tunisie, Autage : Le partenariat public-privé, moteur de développement », mise en ligne 12
décembre 2015, consulté le 6 avril 2018, URL : https://www.leconomistemaghrebin.com/2015/12/12/tunisie-
atuge-partenariat-public-prive-developpement/
1231Présidente de l’Union tunisienne de l’industrie et du commerce et de l’artisanat.
1232Utica, « Des lacunes dans la loi sur partenariat public-privé », mise en ligne le 26 septembre 2017, consulté le
31 avril 2018, URL : http://kapitalis.com/tunisie/2017/09/26/utica-des-lacunes-dans-la-loi-sur-partenariat-public-
prive/
325







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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Conclusion du chapitre II
La relative inefficacité des actions de l’État dans la gestion des services publics, la
contestation de l’étatisme, qui se traduit par la montée des institutions internationales ou
encore la perte d’autonomie des États face à la mondialisation sont autant de phénomènes qui
conduisent à s’interroger sur la remise en cause de l’État interventionniste et de ses
instruments.
La tutelle de l’État exercée sur l’entreprise publique a fait l’objet de nombreuses critiques
désapprouvant la réduction du rôle de l’État et la diminution du secteur public. Ces mutations
ont conduit l’État français et l’État Tunisien à la privatisation. Néanmoins, ce passage vers la
privatisation a été différent dans les deux pays. En France, la privatisation de l’entreprise
publique était justifiée par des raisons économiques et financières, alors qu’en Tunisie, elle
était surtout pour des raisons politiques. Mais, le point commun entre les deux pays est le
besoin de faire face à l’inefficacité et à la mauvaise qualité des biens et des services, de
réduire les dépenses de l’État, d’accélérer le développement économique et de diminuer le
chômage.
Nous relevons ainsi, pour ce qui concerne le phénomène de retrait de l’État, un
encouragement sans précédent de l’initiative privée. En ce sens, les contrats de partenariats
public-privé sont vivement encouragés. Cette forme de contrat a été conçue comme une
solution pour dépasser les limites inhérentes aux deux formes classiques des contrats
administratifs et comme voie permettant l’ancrage de la performance dans la réalisation des
investissements publics. Si en France, le contrat de partenariat public-privé a connu des
évolutions pendant des années et a été une source de développement économique, en Tunisie,
malgré la volonté de réformes et l’adoption d’une nouvelle loi après la Révolution, il présente
encore des imperfections.
326








Page 329
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Conclusion du titre I
L’État chargé d’orienter l’économie dans le cadre de l’intérêt général va s’appuyer sur
différents moyens. Il va intervenir de plusieurs façons. D’une part, par les entreprises
publiques pour orienter l’économie et pour développer son activité. D’autre part, par les
contrats publics. Néanmoins, à la fin des années soixante-dix, nous constatons que cette
stratégie de développement n’a pas pu donner de bons résultats ce qui a conduit à un recul de
l’État. Les entreprises publiques sont caractérisées par l’inefficience et l’inefficacité
principalement à cause de l’intervention excessive de l’État et aussi parce qu’elles conduisent
des stratégies destinées à satisfaire des objectifs politiques. Les entreprises publiques
constituent aussi une charge de plus en plus lourde pour le budget de l’État. Pour faire face à
ces problèmes, l’État a eu recours à la privatisation comme solution pour redresser les
déséquilibres économiques et financiers et pour plus d’efficacité. Cependant, le rythme de
réformes dans les deux pays était différent. En France, la privatisation était un choix spontané,
et décidé par le gouvernement, par contre en Tunisie, c’était un choix imposé par les
institutions financières internationales.
Pour dépasser les rigidités et les limites qui caractérisent le paiement différé dans le cadre
du marché public et l’absence de financement public dans le cadre de la concession, l’État a
eu recours à un nouveau contrat. C’est le contrat de partenariat public-privé qui est utilisé
dans le cadre du désengagement de l'État de l’économie. Il peut être considéré comme un
instrument de la réforme de l'État ou comme un véhicule du développement économique.
C’est un contrat permettant le désengagement financier direct de l’État et la relance de
l’investissement public et privé.
Pour réguler l’économie, l’État a changé ses modes d’interventions. Quels sont donc les
nouvelles réformes adoptées par l’État français et l’État tunisien ? Quelles sont les nouvelles
autorités qui vont intervenir pour relancer l’économie ?
327








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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Titre 2. Le redéploiement des modalités de l’interventionnisme
économique à l’échelle nationale et locale : une collaboration avec
des acteurs publics et privés
« Un nouveau monde a besoin d’une politique nouvelle », disait TOCQUEVILLE1233. La
complexification croissante de la vie économique à l’âge de l’interventionnisme étatique
amène nécessairement une réflexion nouvelle sur les modalités de l’action publique. L’État
doit réformer ses anciennes modalités. Les réformes concernent tant les structures
administratives de l’intervention que ses instruments techniques et juridiques de mise en
œuvre.
Parler de réforme de l’État manifeste une double rupture par rapport à la logique de l’État
interventionniste. D’une part, elle marque la fin du protectorat exercé par l’État sur la vie
socio-économique, ayant perdu la maitrise d’une série de moyens d’action. L’État se trouve
placé dans un contexte de collaboration avec d’autres entités publiques et privées. D’autre
part, l’État indique une profonde transformation de son rôle et de ses modes d’action
publique. Il invite à privilégier les responsabilités d’ordre conceptuel. Sa fonction primordiale
consiste à anticiper le changement et à tenter de concilier des impératifs contradictoires1234.
L’objectif de ce deuxième titre est d’aborder le second genre de relations que l’État est
susceptible d’entretenir dans la vie économique. Il laisse à d’autres acteurs le soin d’assurer la
production de biens et de services de masse1235. L’État se trouve dans une position de
collaboration avec des entités publiques et privées. Il consiste à remettre des pouvoirs de
décisions à des organes autres que de simples agents du pouvoir central, non soumis au devoir
d’obéissance hiérarchique et qui sont souvent élus par les membres de la collectivité
concernée1236. Toutefois, ce passage vers le néolibéralisme ne signifie en rien un retrait de
l’État et la fin de l’interventionnisme, mais un redéploiement des modalités d’exercice du
pouvoir. La véritable question réside dans l’originalité des formes, des techniques et des
1233Cité par Courtine-Denamy (S), Préface au livre de Arendt (H), Qu’est-ce que la politique ?, Paris, Seuil,
1995, p. 37.
1234Chevalier (J), « L’État stratège », (dir), Badie (B), Déloye (Y), Mélanges, Le temps de l’État, Paris, Fayard,
2007, p. 374.
1235Les collectivités locales, agences, partenaires sociaux, autorités de régulation.
1236Poirmeur (Y), op, cit, p. 7.
328



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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

significations politiques de ces nouveaux interventionnismes dans des situations et trajectoires
données1237.
Dans la même ligne de raisonnement, nous analyserons dans un premier chapitre les
actions de l’État susceptibles d’orienter l’économie au niveau national (Chapitre 1) et dans un
second chapitre, celles susceptibles d’orienter l’économie au niveau local (Chapitre 2).
1237Hibou (B), « Le libéralisme réformiste, ou comment perpétuer l'étatisme tunisien », L'Économie politique,
2006, p. 9.
329

























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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Chapitre 1. Les actions de l’État susceptibles d’orienter l’économie à
l’échelle nationale : le renforcement de la concurrence et de la
gouvernance d’entreprise
La globalisation, en tant que tendance au rapprochement des systèmes juridiques est un
phénomène complexe qui conduit dans le champ juridique à un recul de l’emprise des organes
étatiques dans
la production des normes accompagné par un mouvement général
d’harmonisation des règles sous la pression des institutions internationales et du droit des
pays avancés. Elle se caractérise par le développement de standards, de règles de conduite ou
de modèles proposés aux pays ainsi que par l’adoption de normes extra-territoriales1238.
Le phénomène de « désétatisation »1239 se traduit par le double mouvement de réduction
de l’espace de l’État au profit de celui du marché et de réduction de l’espace de l’État au
profit des citoyens. Ce nouveau libéralisme a exigé une réforme de l’État1240, de celui de
l’État providence, on est passé à l’État arbitre ou l’État régulateur1241. C’est de cet État que
viennent les politiques structurelles de compétitivité de l’espace national. C’est lui qui pour
l’essentiel assure la régulation économique et sociale et la gestion des risques dans les
économies ouvertes comme l’est désormais l’économie française et tunisienne.
C’est dans un contexte de restructuration, de privatisation et d’ouverture des marchés à la
concurrence que de nouveaux organismes ont été créés au niveau national par les pouvoirs
publics au début des années quatre-vingts. Les acteurs investissent dans des valeurs telles que
la concurrence, la transparence, l’indépendance et le partenariat. Si en France, ces valeurs sont
pertinentes et permettent aux acteurs de se positionner dans des projets de développement
national, en Tunisie, leur apparition est souvent le résultat de directives d’organisations
internationales ou de bailleurs de fonds. Toutefois, malgré la réforme et la volonté de
développer l’environnement économique, l’économie ne s’est pas développée et est restée le
plus souvent sous l’autorité de l’État.
1238Auby (J.-B.), La globalisation, le droit et l’État, Paris, LGDJ, 2010, p. 66.
1239Auby (J-B), « La bataille de San Ramano, réflexion sur les évolutions récentes du droit administratif »,
AJDA, 2001, p. 914.
1240La réforme de l’État est une préoccupation récurrente en France. Déjà dans les années 1930, le Président du
Conseil Tardieu déclarait : «
Lorsqu’un Président du Conseil veut se faire applaudir, il lui suffit d’annoncer la
réforme administrative, car personne ne sait ce que cela veut dire ».
Brouillet (J), « RGPP : Vers un État
régulateur ? »,
Revue Projet, 2010, p. 23.
1241Chevallier (J), « L’État régulateur », RFDA, 2004, p. 475.
330



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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Aujourd’hui, l’État intervient en tant que régulateur pour réguler l’économie (Section 1)
et en tant qu’actionnaire pour règlementer et réguler les secteurs d'activité de ces différentes
entreprises à l'intérieur desquelles il est à la fois l'actionnaire mais également et très souvent le
client (Section 2).
Section 1. L’intervention de l’État en tant que régulateur : la délégation de
la mise en œuvre de la politique économique à des autorités indépendantes
La nouvelle conception du rôle de l’État a entrainé une modification de l’architecture
étatique. Le principe de l’universalité étatique sur lequel reposait traditionnellement l’État a
été changé. Il a perdu le monopole de la régulation. Aujourd’hui, l’État intervient en tant que
régulateur par les autorités de régulation1242. Ces dernières constituent une nouvelle forme de
gestion publique qui bénéficiait d’importantes prérogatives en matière de décisions, de
contrôles et de sanctions.
Le recours à des autorités de régulation correspond à un type d’intervention public que
l’on peut rapprocher de la doctrine du New public management et basé sur la théorie
économique de l’agence. Leur principale spécificité est d’être placées en dehors des structures
administratives traditionnelles et de ne pas être soumises au pouvoir hiérarchique des
ministres. Elles constituent donc de nouveaux centres indépendants d’exercice du pouvoir
qualifiés par la doctrine de blocs de puissance qui traduisent une certaines désagrégations de
l’État1243 ou de manifestation « d’une diffraction du pouvoir étatique »1244.
L’indépendance des autorités de régulation1245 a été considérée comme une condition
indispensable au bon équilibre des secteurs concernés. L’autorité devait servir aux citoyens de
double rempart à la fois contre les pressions des groupes d’intérêt et contre celle du pouvoir
1242La plupart des pays développés ont confié à des autorités de régulation le soin de régler les problèmes de la
concurrence : Bundeskartellamt en Allemagne, Federal Trade commission aux États-Unis, Monopol and Merger
commission en Grande-Bretagne, Japanese, Fair Trade commission au Japon (etc.).
« Trois justifications essentielles ont pu étre avancées pour la création des autorités de régulation : offrir à
l’opinion une garantie renforcée d’impartialité des interventions de l’État, permettre une participation élargie de
personnes d’origines et de compétences diverses, et notamment de professionnels, à la régulation d’un domaine
d’activité ou au traitement d’un problème sensible, assurer l’efficacité de l’intervention de l’État en termes de
rapidité, d’adaptation à l’évolution des besoins et des marchés et de continuité dans l’action ». Rapport du
Conseil d’État,
Les autorités administratives indépendantes, Paris, La documentation française, 2001, p. 67.
1243Prada (M), « Les nouveaux acteurs de régulation : démembrement ou renouvellement de l’Etat ? », Petites
affiches,
2000, p. 13.
1244Teitgen-Colly (C), « Les instances de la régulation et la constitution », RDP, 1990, p. 194.
1245« L’indépendance constitue pour les autorités de régulation un élément qui relève de l’essence même de ces
dernières », Conseil d’État
, Les autorités administratives indépendantes, Paris, EDCE, 2001, p. 290.
331


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
politique1246. D’une manière générale, l’indépendance vis-à-vis de l’exécutif que des
différents intervenants dans les secteurs économiques constitue une condition essentielle, voir
indispensable pour la réussite de la mission de régulation.
En France, les autorités de régulation se sont multipliées notamment sous l’influence du
droit de l’Union européenne, alors qu’en Tunisie, la création de ses autorités demeure en
réalité un choix imposé plutôt qu’une véritable volonté de consacrer une politique
économique axée sur la régulation. Cette création n’est en effet, que la conséquence de
l’ouverture de l’économie tunisienne à la concurrence. Ouverture ne l’oublions pas imposée
par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international en contrepartie des prêts
demandés par la Tunisie.
Contrairement à la Tunisie, les autorités de régulation en France constituent un mode de
régulation économique novateur et pertinent et elles prennent souvent la forme d’autorités
administratives indépendantes. (Paragraphe 1). Cette qualité en droit tunisien plutôt
potentielle que réelle. Le rôle des autorités de régulation reste toujours limité à cause de
l’intervention excessive de l’État (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Les autorités de régulation en France : un mode de
régulation économique novateur et pertinent
Le droit français distingue entre les autorités administratives indépendantes et les
autorités publiques
indépendantes. Les autorités administratives
indépendantes sont
considérées comme étant des organismes publics dépourvus de la personnalité publique
(partie intégrante de l’État car crées par l’initiative publique et alimentée par des fonds
publics) qui sont conçus comme n’étant ni subordonnés au pouvoir exécutif, ni des
prolongements du pouvoir législatif ou judiciaire et qui sont dotés de pouvoirs leur permettant
d’exercer de façon autonome une mission de régulation sectorielle1247.Quant aux autorités
publiques indépendantes. Elles sont une innovation du droit français. Elles diffèrent des AAI
au niveau de la personnalité morale1248.
1246Chevallier (J), « Réflexions sur l’institution des autorités administratives indépendantes », La Semaine
Juridique
, 1986, p. 9.
1247Teitgen-Colly (C.), « Les autorités administratives indépendantes : Histoire d’une institution », op, cit, p. 34.
1248Degoffe (M), « Les autorités publiques indépendantes », AJDA, 2008, p. 622.
332



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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Les principales autorités administratives indépendantes sont l’Autorité de contrôle
prudentiel et de résolution (ACPR),
l’Autorité de régulation des communications
électroniques et des postes (ARCEP), l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’Autorité de
régulation des activités ferroviaires, la Commission de régulation de l’énergie (CRE),
l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) et l’Autorité de la concurrence. Ces
autorités sont des institutions de l’État, chargées en son nom d’assurer la régulation de
secteurs considérés comme essentiels et pour lesquels le gouvernement veut éviter
d’intervenir directement. Jacques CHEVALLIER écrivait dans ce sens que les autorités
administratives indépendantes sont des autorités dans deux sens du terme « d’abord, parce
que leur fonction n’est pas de gestion mais de régulation, elle ne consiste pas à prendre des
activités, à fournir des prestations au public mais à encadrer le développement d’un secteur
de la vie sociale, en s’efforçant d’assurer le respect de certains équilibres. Ensuite, parce
qu’elles disposent pour remplir la fonction qui leur est assignée de pouvoir de décision qui
leur donnent la possibilité de modifier l’ordonnancement juridique et les situations
individuelles, même si les autorités administratives indépendantes sont fréquemment appelées
à jouer un rôle de conseil et d’avis en direction des pouvoirs publics »1249.
Par ailleurs, l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de contrôle des
assurances et des mutuelles (ACAM) et l’Autorité de régulation des activités ferroviaires
(ARAF) sont qualifiées des autorités publiques indépendantes dotées d’une personnalité
juridique propre. L’octroi de la personnalité morale à ces autorités au nom de l’indépendance
du régulateur à l’égard du pouvoir politique repose sur des justifications d’ordre symbolique
et technique. Comme le souligne Marie-Anne FRISON-ROCHE, « en donnant aux autorités
administratives indépendantes la personnalité morale, le législateur fait signe qu’il veut
fortement l’indépendance de celles-ci »1250. En effet, même s’il « n’est pas techniquement
acquis qu’il faille cette personnalité pour que les autorités administratives indépendantes
soient effectivement indépendantes […], il peut y avoir urgence symbolique si le législateur
veut expliciter sa volonté politique de soutenir l’indépendance la plus grande possible »1251.
L’octroi de la personnalité morale à ces autorités traduit ainsi la volonté du législateur de
créer une distance symbolique entre l’État et le régulateur.
1249Chevallier (J), « Réflexions sur l’institution des autorités administratives indépendantes », op, cit, p. 6.
1250Frison-Roche (M-A), « Étude dressant un bilan des autorités administratives indépendantes », in, Rapport sur
les autorités administratives indépendantes
, 15 juin 2006, p. 15.
1251Ibid, p. 15.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En France, les autorités de régulation sont indépendantes car l’État ne peut exercer à leur
encontre un pouvoir de tutelle ni un pouvoir hiérarchique (A). Pour effectuer leurs missions,
elles disposent d’un certain nombre de pouvoirs tels que le pouvoir de recommandation, de
décision, de règlementation et de sanction (B). Néanmoins, ces autorités sont profondément
critiquées (C).
A. L’indépendance des autorités de régulation : l’absence de tutelle ou de pouvoir
hiérarchique de la part du gouvernement
Les autorités de régulation sont indépendantes c'est-à-dire qu’elles sont soustraites du
pouvoir hiérarchique et de la tutelle administrative dans l’exercice de leurs fonctions. Cette
qualification s’explique par le principe de la souveraineté nationale énoncé dans l’article 20
de la Constitution de 1958, selon lequel l’administration est subordonnée au pouvoir exécutif
qui est responsable devant le Parlement. Cette indépendance à l’égard des autorités
gouvernementales est la mesure du recul de l’intervention de l’État central dans la vie
économique.
L’indépendance repose en premier lieu sur les conditions de désignation des membres des
autorités administratives indépendantes. Comme le soulignait le Conseil d’État dans son
rapport public de 2001 sur les autorités administratives indépendantes, « la collégialité a très
généralement paru être un élément fort de l’indépendance. Elle est en effet de nature à
satisfaire une double exigence : équilibrer l’influence des différentes instances de désignation
des membres du collège et assurer une délibération collective sur des sujets sensibles ou des
questions complexes, ce qui représente une garantie d’objectivité et de sérieux »1252. La
collégialité est ainsi devenue une caractéristique commune à
toutes
les autorités
administratives indépendantes exerçant des fonctions de régulation. Chaque autorité est
constituée d’un collège unique, parfois d’une formation chargée de prononcer des
sanctions1253.
L’indépendance organique des autorités de régulation tient ainsi, au caractère hétérogène
de leur composition rendue possible par la diversification des sources de désignation de leurs
membres. Très souvent, ceux-ci sont nommés par décret pris au Conseil des ministres. Aussi
des membres étaient nommés en partie par le Président de la république et en partie par les
1252Rapport du Conseil d’État, Les autorités administratives indépendantes, op, cit, p. 303.
1253Marcou (G), « Les autorités administratives dépendantes et indépendantes dans le domaine de l’intervention
économique de la puissance publique. Une analyse sur des secteurs sélectionnés »,
in, Le modèle des autorités de
régulation indépendantes en France et en Allemagne
, op, cit. p. 85.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Présidents des deux Assemblées parlementaires et le gouvernement. Ceci est complété par des
membres issus de la haute fonction publique, en provenance notamment des juridictions
financières. La nomination de ces membres fait appel à un panachage1254. On peut distinguer à
la suite de Martine LOMBARDE1255 entre les autorités sectorielles et les autorités de marché.
D’une part, les membres des autorités sectorielles sont nommés sur le modèle du Conseil
constitutionnel, c'est-à-dire par le Président de la République, le Président de l’Assemblée
nationale et le Président du Sénat1256. D’autre part, les membres des autorités de marché sont
désignés sur un modèle plus ouvert que
le précédent. Si
le modèle du Conseil
constitutionnel y joue, ce n’est que pour compléter un collège composé pour l’essentiel de
praticiens et de membres des hautes juridictions. Donnons l’exemple des modalités de
désignation des membres des autorités de régulation notamment du Conseil supérieur de
l’audiovisuel (CSA), qui ont suscité un débat en France. Après avoir insisté sur le rôle très
important du CSA qui a pour mission d’assurer le pluralisme, la transparence et la
cohésion du système audiovisuel français, le Président François MITTERRAND avait précisé
dans sa lettre à tous les Français que « l’important est que la composition de ce Conseil
échappe aux influences politiques directes ou indirectes »1257. Le premier souci du Président
était donc de garantir l’indépendance des membres du CSA. Après un long débat, le choix a
été fait en prenant pour modèle du Conseil constitutionnel français. Ainsi, les membres du
CSA sont désignés par le Président de la république, le Président du Sénat et le Président de
l’Assemblée nationale. Le modèle du Conseil constitutionnel étant « une référence avouable
en matière d’indépendance »1258.
La durée du mandat comme son caractère non renouvelable et non révocable sont
également des éléments d’indépendance. Une durée suffisante de 5 ou 6 ans est nécessaire
surtout si elle s’accompagne d’une interdiction de renouvèlement.
1254Par exemple, « le pouvoir de désignation des membres de l’Autorité de contrôle prudentiel et de l’Autorité
des marchés financiers est partagé entre les plus hautes autorités de l’État : le Président de la République nomme
le Président de l’Autorité des marchés financiers et le gouverneur de la Banque de France qui préside l’Autorité
de contrôle prudentiel, le vice-président du Conseil d’État, le premier Président de la Cour de cassation et le
premier Président de la Cour des comptes désignent respectivement, en qualité de chefs de corps, un membre du
collège de l’Autorité des marchés financiers et de l’Autorité de contrôle prudentiel, les Présidents du Sénat et
de l’Assemblée nationale choisissent chacun un membre du collège de l’Autorité des marchés financiers et deux
membres du collège de l’Autorité de contrôle prudentiel ».
Kovar (J-PH) « L'indépendance des autorités de
régulation financière à l'égard du pouvoir politique »,
Revue française d'administration publique, 2012, p. 7.
1255Lombard (M), « Collèges des autorités de régulation : des modes de nomination perfectibles », Revue
juridique de l’économie publique
, 2012, p. 1.
1256Il en va ainsi pour l’Autorité des communications électroniques et des postes (trois membres sur 7 désignés
par le PDR), la Commission de régulation de l’énergie CRE), l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ou l’Autorité
de régulation des jeux en ligne (ARJEL), pour ces trois autorités, 3 membres sur 5 nommés par le PDR.
1257Passage cité par Morgange (J), « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel », RFDA, 1989, pp. 237-238.
1258Morgange (J), op, cit, p. 241.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Le plus souvent,
l’inamovibilité est considérée comme
la principale garantie
d’indépendance pour les autorités de régulation. Contrairement à la Tunisie, le Conseil d’État
en France considère que cette règle « s’impose sans exception »1259. Il l’a même retenue sans
texte et a même jugé que le gouvernement ne peut légalement mettre fin avant terme aux
fonctions du Président d’une autorité administrative indépendante en raison de son accession
à la limite d’âge dans son corps d’origine1260. En effet, « dire d’un juge qu’il est inamovible
signifie qu’il ne peut faire l’objet d’une mesure individuelle quelconque prise à son encontre
par le gouvernement (révocation, suspension, déplacement, mis à la retraite prématurée), en
dehors des cas et conditions prévus par la loi. On mesure aisément toute l’importance d’un
tel principe qui est une garantie de bonne justice […]. Le juge perdrait en effet sa sérénité si,
en butte aux pressions du pouvoir, il devait constamment redouter une mesure de
déplacement, de suspension ou de révocation »1261.
On peut citer l’exemple de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
(CNIL) dont l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978 précise que sauf démission « il ne peut être
mis fin aux fonctions de membre qu’en cas d’empêchement constaté par la Commission dans
les conditions qu’elle définit ». Cette formule prive de tout pouvoir d’appréciation les
pouvoirs publics sur la nature des éventuels empêchements de l’autorité.1262
L’inamovibilité des membres des autorités de régulation pendant la durée de leur mandat
suppose qu’ils ne soient pas librement révocables par les autorités de nomination. Les
conditions de révocation doivent éviter la capture de l’autorité de régulation par le pouvoir
politique en conférant à ses membres une certaine sérénité et la garantie qu’ils pourront
travailler en toute indépendance sans craindre de la part du politique de quelconques
représailles1263.
D’autres règles liées à la notion d’indépendance sont le plus souvent retenues : durée fixe
et assez longue du mandat et le caractère non renouvelable1264. Ces règles constituent un gage
d’indépendance et d’efficience des autorités de régulation. La loi du 17 janvier 1989 instituant
1259Rapport du Conseil d’État, « Les autorités administratives indépendantes », op, cit, p. 291.
1260Ibid, p. 293.
1261Perrot (R.), Institutions judiciaires, Paris, Montchrestien 2000, p. 293.
1262Gentot (M), op, cit, p. 59.
1263Delzangles (H), L’indépendance des autorités de régulation sectorielle, communications électroniques,
énergie, postes
, Thèse, Université de Bordeaux IV, 2008, p. 310.
1264Rapport du Conseil d’État, « Les autorités administratives indépendantes », op, cit, p. 270.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) dispose clairement que le mandat des membres
n’est « ni révocable, ni renouvelable »1265.
D’emblée, l’indépendance des autorités de régulation lui y permet d’exercer leurs
pouvoirs en toute liberté. Étant chargées de veiller au bon fonctionnement de la vie
économique, de garantir l’équilibre des intérêts en présence, ces autorités ont une
connaissance précise des exigences à satisfaire des problèmes à résoudre. Elles apportent ainsi
les éléments utiles à la réflexion sur l’élaboration de normes nouvelles ou la réforme d’une
règlementation mal adoptée ou lacunaire1266. Ainsi, leur participation à la régulation de
l’économie se manifeste à travers l’exercice d’une diversité des fonctions.
B. Les pouvoirs des autorités de régulation : des pouvoirs forts étendus
permettant la régulation de l’économie
L’absence de contrôle administratif sur les autorités de régulation constitue un élément
indispensable de leur indépendance fonctionnelle.
Les autorités de régulation recourent à trois outils principaux pour assurer leur mission.
Elles peuvent tout d’abord édicter des actes règlementaires qui détermineront la structure et
les conditions de fonctionnement du marché régulé. Ces actes règlementaires ne présentent
pas de spécificités matérielles par rapport aux actes adoptés dans le cadre des missions de
police administrative ou de service public. Les mesures règlementaires sont le plus souvent
adoptées par les autorités de régulation de droit commun, tandis que les autorités collégiales
indépendantes recourent davantage aux mesures individuelles. Ensuite, les autorités de
régulation peuvent également recourir à des autorisations. L’accès à un marché régulé n’est en
effet pas
totalement
libre,
l’opérateur économique devant satisfaire
les conditions
règlementaires. Le régime de l’autorisation varie selon que le marché est contingenté ou non.
S’il ne l’est pas, l’autorité de régulation a une compétence liée1267, tandis que si le marché est
contingenté, l’autorité jouit d’une compétence discrétionnaire dans le choix des opérateurs
accédant au marché1268. Les autorités de régulation peuvent enfin sanctionner les opérateurs
économiques qui ne respecteraient pas la règlementation. La procédure de sanction est
1265Loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication,
JORF, 1989, p. 728.
1266Guedon (M-J), op, cit, p. 99.
1267Elle ne peut pas choisir les opérateurs économiques et doit autoriser l’activité de tout candidat satisfaisant les
critères qui en fait la demande.
1268Par exemple, la compétence discrétionnaire du CSA dans l’octroi des six nouvelles fréquences de la TNT au
printemps 2012.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
partiellement soumise au respect des exigences issues de l’article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme1269. La procédure de sanction doit tout de même respecter
les droits de la défense1270, le principe d’impartialité1271 et la présomption d’innocence1272,
autant de conditions de son caractère équitable.
Conseil de la concurrence, Autorité des marchés financiers (AMF), Commission de
régulation de l’énergie (CRE), Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des
institutions de prévoyance et autorité de régulation des communications électroniques et des
postes (ARCEP)1273 (etc.). Certaines de ces autorités détiennent des pouvoirs de décision
variés, qui vont du règlement à la sanction ou au règlement des litiges entre opérateur. Le
pouvoir de décision comporte parfois la possibilité d’édicter de véritables règlements,
compétence dont la constitutionnalité au regard de l’article 21 de la Constitution de 1958 a été
reconnue à la condition expresse de procéder d’une habilitation législative limitée1274 et qui
s’exerce sous le contrôle du juge sans compter que ces actes font souvent l’objet d’une
homologation ministérielle qui conditionne alors leur entrée en vigueur1275. Donnons
l’exemple de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), elle est investie d’un
pouvoir de décision individuelle concernant l’accès aux professions bancaires, d’organisme
de crédit et d’assurer ainsi d’un pouvoir de surveillance permanent de leur situation financière
et de leurs conditions d’exploitation, du pouvoir de veiller au respect par ces personnes de
leurs obligations. Elle est susceptible de prendre des mesures de police ainsi que des
1269L’article 6 prévoit : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et
dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des
contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière
pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut
être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de
l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la
protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le
tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la
justice. 2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie. 3. Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue
qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; b)
disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; se défendre lui-même ou avoir
l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être
assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; d) interroger ou faire
interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les
mêmes conditions que les témoins à charge de se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne
comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience ».
1270CC, déc. n° 93-325 DC du 13 août 1993, Rec. p. 224.
1271CE 3 déc. 1999, Didier*, R. p. 399, à propos du Conseil des marchés siégeant en formation disciplinaire.
1272CE, 20 oct. 2000, Sté Habib Bank Limited, R. p. 433, à propos de la faculté d’auto-saisine et de la procédure
suivie devant la Commission bancaire.
1273Doneddu (J), op, cit, p. 87.
1274CC, décision n°88-248 DC du 17 janvier 1989, Rec, p. 18.
1275Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 593.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

sanctions. En outre, l’ARCEP détient des pouvoirs d’avis, de proposition, de sanction et de
règlementation. Ses attributions ont été élargies avec l’ouverture à la concurrence du secteur
postal. Elle possède des attributions consultatives étendues qui leur permettent d’être
consultés sur les projets de lois et de règlements relatifs aux services postaux. Elle possède
aussi un pouvoir règlementaire dans le secteur des communications électroniques1276 et un
pouvoir de délivrance des autorisations requises pour certaines activités postales1277 ou des
ressources rares nécessaires à certaines activités de communications électroniques1278.
Les attributions de la Commission de régulation de l’énergie (CRE)1279 sont surtout
consultatives et décisionnelles. Elle est consultée sur les textes officiels en préparation
concernant son secteur d’activités et le cas échéant à la demande du ministre chargé de
l’énergie au niveau supranational. Elle investit ensuite d’un pouvoir règlementaire pour
préciser certaines règles et missions. Elle dispose enfin d’un pouvoir de règlement des litiges
entre les opérateurs et de sanction1280.
En matière d’économie de marché, l’Autorité de la concurrence et l’Autorité des marchés
financiers sont dotées de larges attributions.
L’Autorité de la concurrence, a vu son rôle d’autorité de régulations accrues au fil du
temps et notamment par la loi de 2008 dite de modernisation de l’économie1281 qui lui a donné
son nom actuel1282. L’apport essentiel de la réforme de 2008 réside dans l’enrichissement de
la palette de moyens d’intervention de l’Autorité de la concurrence. Elle est dotée d’un
pouvoir d’avis et de recommandation dans un domaine très large, mais aussi d’un pouvoir de
décision individuelle, de sanction ou de traitement négociés des pratiques anticoncurrentielles
et du pouvoir de prendre des mesures conservatoires1283. La loi de modernisation de
l’économie accroit les responsabilités de cette nouvelle autorité. Elle est chargée de veiller au
libre jeu de la concurrence et d’apporter son concours au fonctionnement concurrentiel des
marchés aux échelons européen et international. L’Autorité donne des avis, procède à des
1276Article L. 36-6.
1277Article L. 5-1.
1278Article L. 36-7.
1279Elle est le résultat de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité en 2000.
1280Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 604.
1281 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (1), JORF, 2008, p.12471.
1282Il était un simple Commission technique des ententes (1953), elle est devenue la Commission de la
concurrence (1977), puis le Conseil de la concurrence (1986).
1283Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 608.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
investigations, inflige des sanctions et peut adresser aux entreprises des injonctions. Elle
intervient également en matière de concentration.
L’Autorité des marchés financiers (AMF) est le résultat de la fusion de la Commission des
opérations de Bourse en 1967 et du Conseil des marchés financiers en 1996. Il s’agit d’une
autorité publique indépendante parce qu’elle détient la personnalité morale. Elle dispose
d’attributions étendues de protection de l’épargne et de régulation des marchés financiers. Ses
pouvoirs sont à la fois de contrôle et de régulation. Sa Commission des sanctions dispose
d’attributions disciplinaires et peut infliger de lourdes pénalités aux entreprises financières ou
à leurs dirigeants.
Selon l’article L. 621-1 du Code monétaire et financier, « l’Autorité des marchés
financiers, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, veille à la
protection de l’épargne investie dans les instruments financiers donnant lieu à une offre au
public ou à une admission aux offerts au public. Elle veille également à l’information des
investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d’instruments financiers. Elle apporte
son concours à la régulation de ces marchés aux échelons européen et international. ».
L’AMF possède des prérogatives variées liées à la surveillance et à la garantie, en amont
et en aval, du bon déroulement des opérations sur les marchés financiers dans l’intérêt des
clients et de l’intégrité du marché. En dehors de la détermination de règles professionnelles,
ses attributions se traduisent essentiellement par deux types de décisions. L’autorisation et la
suspension ou l’interdiction de certaines opérations portant sur des instruments financiers et la
sanction des agissements incriminés par l’article L. 621-15-II du Code monétaire et
financier1284 lorsqu’ils sont commis en principe depuis moins de trois ans1285.
Une autorité ne peut être indépendante que si elle dispose de moyens suffisants pour
exercer ses missions. Les moyens financiers alloués à l'autorité déterminent en effet son
indépendance fonctionnelle qui lui permet de mettre en œuvre efficacement ses prérogatives,
en se fondant sur son expertise propre. L’indépendance budgétaire regroupe trois paramètres,
comme le rappelle l'étude réalisée par Marie-Anne FRISON-ROCHE « l’indépendance
financière qui vise les ressources de l'autorité, l'indépendance d'exécution budgétaire qui
1284Voir Article L. 621-15-II du Code monétaire et financier.
1285Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 739.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

permet à l'autorité de décider de l'utilisation de son budget et l'autonomie de gestion
budgétaire, qui désigne la capacité de l'autorité à effectuer ses dépenses »1286.
Les autorités de régulation bénéficient d’une large autonomie de gestion budgétaire1287. En
effet, le Président de chaque Autorité est l’ordonnateur principal de ses dépenses. Il dispose
ainsi d’un budget globalisé qu’il peut utiliser en fonction des besoins de l’instance qu’il
dirige. D’après la loi du 10 août 1992 relative à l’organisation du contrôle des dépenses
engagées1288, leurs dépenses ne sont pas soumises au contrôle a priori d'un contrôleur
financier du ministère des finances. Les comptes des autorités de régulation sont en revanche
soumis au contrôle a posteriori de la Cour des comptes1289 ainsi qu'à celui du Parlement
exercé par les Commissions des finances des deux Assemblées à l'occasion de la discussion
des projets de loi de finances et dans le cadre des travaux de contrôle des rapporteurs
spéciaux1290.
Les ressources financières des autorités de régulation sont majoritairement budgétaires.
Ces autorités sont financées exclusivement sur des crédits budgétaires1291. Dépourvues de
budget propre à l’exception de l’Autorité des marchés financiers qui dispose de l’autonomie
financière, elles sont dépendantes financièrement du Premier ministre ou d’un ministère selon
leur domaine de compétence. Selon Marie-Anne FRISON-ROCHE, les autorités de régulation
sont souvent « traitées plus généreusement dans le budget de l'État que des administrations
traditionnelles aux missions équivalentes »1292.
Plusieurs voix se sont élevées en France dont le Conseil économique et social dans son
rapport public de 2003 pour que les autorités de régulation soient dotées de la personnalité
morale et de ressources propres pour renforcer leur indépendance. Néanmoins, il n’est pas
obligatoire que les ressources soient propres pour être indépendantes. Le rapport GELARD
estime par contre que « l’autonomie financière de coulant de l’affection de ressources
propres n’est pas une condition incontournable à la réalisation de cette autonomie
fonctionnelle, en outre, l’affectation de ressources propres n’est pas une condition
1286SENAT « les autorités administratives indépendantes : évaluation d’un objet juridique non identifié », URL :
https://www.senat.fr/rap/r05-404-1/r05-404-18.html
1287D’un point de vue financier, on ne peut parler d’indépendance, mais seulement d’autonomie étant donné
l’absence de personnalité juridique des autorités administratives indépendantes.
1288Loi du 10 août 1922 relative à à l'organisation du contrôle des dépenses engagées, JORF, 1922, p. 8558.
1289La Cour des comptes a ainsi procédé au contrôle des comptes du CSA pour les exercices 1994 à 1999.
1290Voir notamment le rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat par M. François
Marc sur le Conseil supérieur de l'audiovisuel, n° 371 (2003-2004).
1291Rapport Conseil d’État, Les autorités administratives indépendantes, op, cit, p. 353.
1292SENAT « les autorités administratives indépendantes : évaluation d’un objet juridique non identifié », op, cit.
341



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
véritablement nécessaire à l’indépendance »1293. Malgré l’indépendance et la multiplicité des
pouvoirs exercés par les autorités de régulation, elles ont été beaucoup critiquées.
C. Les critiques adressées aux autorités de régulation
Confronté à la mondialisation, à la globalisation des marchés et à l’intensification des
échanges, les autorités de régulation seraient incapables de règlementer efficacement
l’économie. S’agissant de la régulation économique et financière, ses insuffisances
institutionnelles sont évidentes. Même si des regroupements ont été effectués, le pouvoir
régulateur est considérablement affaibli face à des institutions bancaires et des fonds
spéculatifs investissant dans le développement d’instruments financiers de plus en plus
sophistiqués et opérant à l’échelle mondiale.
Moyens d’investigation limités, insuffisance des techniques d’enquête, manque de
systémicité des contrôles, absence de protocoles précis et parfaitement objectivés pour
analyser les opérations, moyennes en personnels réduits et dont le recrutement peut engendrer
des conflits d’intérêts, tel est le triste bilan du fonctionnement des autorités de régulation des
marchés financières français dressé par la Cour des comptes au début de la crise
financière1294. La fragmentation de leurs champs de compétence ne couvrant pas toutes les
opérations financières, a permis la réalisation des montages les plus nocifs, titrisation,
dispersion des risques dont la chaine de production faisait intervenir des acteurs non
supervisés, fonds spéculatifs et échappait ainsi à tout contrôle1295. En outre, ces autorités
étaient composées que d’experts et de hauts fonctionnaires sans aucun accès pour la
population notamment les consommateurs alors que les autorités sectorielles par exemple
celle de la santé doivent leur faire place et que cela rendrait leur fonctionnement plus
démocratique1296.
Le Rapport parlementaire du 29 octobre 2010 martèle que les autorités de régulation ne
sont pas légitimes et ne doivent pas opérer des choix à la place du politique puisque ses
membres ne sont pas élus et que l’autorité ne peut pas emprunter la légitimité du
1293Rapport Gélard, op, cit, p. 45.
1294Autorité des marchés financiers, Commission bancaire, Autorité des assurances et des mutuelles.
1295Poirmeur (Y), « L’État régulateur en France », op, cit, p. 25.
1296Frison-Roche (M-A), « Les autorités administratives indépendantes : distorsion ou réforme de l’État ? », in.
Quelles réformes pour sauver l'État ?, Paris, PUF, 2011, p. 118.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

gouvernement. Le lien hiérarchique entre les deux ayant été rompu par le principe
d’indépendance1297.
Particulièrement problématique pour l’efficacité de la régulation économique, la
multiplication des régulateurs indépendants touche tous les secteurs de l’action publique.
Trois reproches à certains égards contradictoires lui sont faits. Le premier, est que la
prolifération des autorités administratives indépendantes spécialisées les affaiblit, les rend peu
visibles, limite leurs moyens et réduit leur efficacité, d’où la volonté de les regrouper
thématiquement pour leur donner une taille critique suffisante. Le second, est que certaines au
contraire ont acquis trop d’indépendance et prennent des décisions qui sortent de la ligne
politique gouvernementale, d’où la volonté de les supprimer ou de les affaiblir en les fondant
dans une autorité généraliste. Le
troisième, est que ce morcèlement complexifie
excessivement l’action publique et contribue à lui faire perdre sa cohérence1298.
Certains pouvoirs ne sont pas attribués à l’ensemble des autorités de régulation intervenant
dans le domaine économique et financier, comme le pouvoir règlementaire. Cette attribution a
été conférée uniquement à cinq d’entre elles : le Comité de la règlementation bancaire et
financière, la Commission des opérations de Bourse, le Conseil supérieur de l’audiovisuel,
l’Autorité de régulation des télécommunications et la Commission de régulation de
l’électricité.
L’octroi d’un pouvoir règlementaire à une autorité administrative indépendante a suscité
les controverses dans la mesure où la Constitution attribue cette compétence au Premier
ministre. L’article 21 de la Constitution dispose que : « le Premier ministre dirige l'action du
Gouvernement. Il est responsable de la Défense nationale. Il assure l'exécution des lois. Sous
réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir règlementaire et nomme aux
emplois civils et militaires. Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres. Il supplée,
le cas échéant, le Président de la République dans la présidence des conseils et comités
prévus à l'article 15. Il peut, à titre exceptionnel, le suppléer pour la présidence d'un Conseil
des ministres en vertu d'une délégation expresse et pour un ordre du jour déterminé ».
1297Frison-Roche (M-A), « Les autorités administratives indépendantes : distorsion ou réforme de l’État ? »,
op, cit, p. 118.
1298Les actes de ces autorités sont soumis au contrôle du juge.
343




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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Le Conseil constitutionnel a été conduit à préciser les limites dans lesquelles ce pouvoir
pouvait être attribué à une autorité administrative indépendante ou à une autorité
professionnelle1299. À propos du pouvoir règlementaire conféré à la Commission des
opérations de Bourse (COB), le Conseil a considéré que « si ces dispositions ne font pas
obstacle à ce que le législateur confie à une autorité publique autre que le Premier ministre
le soin de fixer des normes permettant de mettre en œuvre une loi, c’est à la condition que
cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ
d’application que par leur contenu »1300.
La même formule a été reprise dans la décision relative à l’Autorité de régulation des
télécommunications (ART)1301 tandis que dans la décision concernant le Conseil supérieur de
l’audiovisuel (CSA)1302, le Conseil constitutionnel a déclaré comme contraire à la
Constitution en raison de leur portée trop étendue les dispositions législatives habilitant le
CSA à fixer seul par voie règlementaire non seulement les règles déontologiques concernant
la publicité mais également
l’ensemble des règles relatives à
la communication
institutionnelle, au parrainage et aux pratiques analogues à celui-ci. Cette jurisprudence très
ferme du Conseil constitutionnel conduit le législateur à ne déléguer qu’un pouvoir
règlementaire résiduel aux autorités administratives indépendantes1303.
Le pouvoir règlementaire attribué aux autorités de régulation est un pouvoir règlementaire
spécial. Elles peuvent seulement édicter des règlements. Le Conseil constitutionnel a admis
l’intervention règlementaire des autorités de régulation mais uniquement subordonnée. Seul le
législateur peut conférer une compétence règlementaire à une autorité de régulation à
condition qu’il ne s’agisse pas d’un pouvoir autonome mais simplement d’application de la
loi1304.
La seconde limitation des compétences des autorités de régulation est une limitation
processuelle tenant à leur personnalité contentieuse1305. Lorsqu’elles ne sont pas dotées de la
1299Decoopman (N), op, cit, p. 34.
1300Déc. 89-260 DC, 28 juill. 1989, JO, 1 aout 1989.
1301Déc. 96-378 DC, 23.07.1996, JO, 27 juillet 1996.
1302Déc. 88-248 DC, 17 janvier 1989, JO, 18 janvier1989.
1303Decoopman (N), op, cit, p. 22.
1304CC, 27 juillet 1982, Haute autorité de la communication audiovisuelle.
1305Chauvet (C-L), « La personnalité contentieuse des autorités administratives indépendantes », RDP, 2007,
p. 379.
344


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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

personnalité morale, leur personnalité contentieuse n’est pas totale. Le juge judiciaire n’admet
cette compétence qu’à raison d’un texte spécial en l’absence de personnalité juridique1306.
L’indépendance des autorités de régulation n’est cependant jamais allée jusqu’à les
soustraire à tout mécanisme de contrôle démocratique. Si elles échappent bien au contrôle du
pouvoir exécutif (absence de tutelle et de contrôle hiérarchique, large autonomie de gestion
budgétaire), elles restent soumises aux contrôles juridictionnels du juge administratif (tribunal
administratif et Conseil d’État) ou dans certains cas (Conseil de la concurrence et pour partie,
AMF, ARCEP et CRE) du juge judiciaire ainsi que de celui de la Cour des comptes. Aussi,
les autorités de régulation restent soumises au contrôle du Parlement.
Reste une question fondamentale, loin d’être parfaitement résolue en France, celle du
contrôle démocratique du fonctionnement de ces instances de régulation. Il est en effet
indispensable que le Parlement puisse évaluer régulièrement leur activité. Si les autorités de
régulation en se sont inspirées du modèle des agences américaines force sont de reconnaitre
que contrairement aux États-Unis ou conscients des risques d’un « quatrième pouvoir », le
Congrès et le Président ont renforcé sur elles leur contrôle. Le système retenu en France
confère une quasi-immunité aux membres des Commissions de régulation1307.
Malgré les critiques, les autorités de régulation en France ont participé à la régulation de
l’économie et à la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. Malheureusement, en
Tunisie, l’intervention de ces autorités demeure lacunaire pour plusieurs considérations. Ces
handicaps ont influencé certainement sur l’efficacité de la protection des libertés par les
autorités de régulation dans les secteurs de leur intervention.
Paragraphe 2. Le rôle inachevé des autorités de régulation dans la
régulation de l’économie en Tunisie
Les premières autorités de régulation tunisiennes sont apparues dans un contexte de
libéralisation économique et de transition démocratique annoncée dans le discours politique
depuis la fin des années quatre-vingts. La priorité a été donnée aux exigences de l’ouverture
du pays à l’économie libérale. Il s’agit du Comité de concurrence devenu le Conseil de la
1306Fardet (CH), « Le juge, ou comment concilier l’État et les autorités indépendantes » (dir), Charles Zarka (Y),
Repenser la démocratie, Paris, Armand Colin, 2010, p. 489.
1307Du Marais (B), Droit public de la régulation économique, op, cit, p.495.
345




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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
concurrence1308, la Commission bancaire1309, le Conseil du marché financier1310, l’Instance
nationale des télécommunications1311 et le Comité général des assurances1312. Néanmoins, ces
autorités ne sont pas indépendantes. Même s’il est indéniable que l’État a modifié son
comportement concernant de multiples aspects relatifs à sa gestion, sa politique de
désengagement poursuivie ces dernières années et sa neutralité ne sont qu’apparentes.
Ces autorités ne peuvent être de véritables autorités administratives indépendantes. Cela
est dû surtout à la reconnaissance de la personnalité morale à la majorité d’entre elles. Le
Conseil du marché financier est un Conseil doté de la personnalité civile1313 aussi bien
l’Instance nationale des télécommunications1314, le Conseil de la concurrence1315 et le Comité
générale des assurances. C’est pour cela qu’on ne peut pas parler de véritables autorités
administratives indépendantes.
C’est après la Révolution que de nouvelles autorités de régulation sont apparues pour
mettre en œuvre les enjeux de la transition démocratique. Certaines avaient un caractère
transitoire alors que d’autres ont un caractère permanent.
Les premières ayant un caractère provisoire visaient à assurer le passage de la première
phase transitoire basée sur une légitimité consensuelle vers la deuxième phase transitoire qui
bénéficie d’une assise électorale. Ce sont l’Instance supérieure indépendante des élections
(ISI)1316, la Haute autorité indépendante de la Communication audiovisuelle (HAICA)1317 et
l’Instance nationale de lutte contre la corruption1318. Ce sont des autorités publiques
indépendantes
1308Loi n°91-64 du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix, modifié et complété par la loi n°1993-83
du 26 juillet 1993, la loi n01995-42 du 24 avril 1995, la loi n°1999-41 du 10 mai 1999, la loi n°2003-47 du 11
novembre 2003, la loi n°2005-06 du 18 juillet 2005 et Dernièrement la loi du 15 septembre 2015 relative à la
réorganisation de la concurrence et des prix.

1309Loi n°94-25 du 7 février 1994 modifiant la loi n°67-51 du 7 décembre 1967 réglementant la profession
bancaire.
1310Loi n°94-117 du 14 novembre 1994 portant réorganisation du marché financier, JORT, 1994, p. 1850.
1311Loi n°2001-01 du 15 janvier 2001 portant promulgation du code des télécommunications telle que modifiée
et complétée par la loi n°2002-46 du 7 mai 2002.
1312Loi n°2008-8 du 13 février 2008 modifiant et complétant le Code des assurances.
1313Article 23 de la loi du 14 novembre 1994 portant réorganisation du marché financier.
1314Loi n°2002-46 du 7 mai 2002 complétant le code des télécommunications promulguées par la loi n° 2001-1
du 15 janvier 2001
1315Loi n°2005-60 du 18 juillet 2005 modifiant et complétant la loi n°91-64 du 29 juillet 1991 relative à la
concurrence et aux prix.

1316Décret-loi n°2011-27 du 18 avril 2011 relatif à la création d’une instance supérieure indépendante des
élections, l’ISIE a un caractère provisoire, elle a pris fin dès l’annonce des résultats des élections de l’ANC du 23
octobre 2011.
1317Décret-loi n°2011-116 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et à la
création de la haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle.
1318Décret-loi n°2011-120 du 14 novembre 2011 relatif à la lutte contre la corruption.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Durant la deuxième phase transitoire, d’autres autorités de régulation sont créées par la
Constitution de 2014. Elles ont un caractère permanent. C’est le cas de l’Instance des
élections1319, l’Instance des médias1320, l’Instance des droits de l’homme1321, l’Instance du
développement durable et des droits des générations futures1322 et l’Instance de la bonne
gouvernance et de la lutte contre la corruption1323. Ce sont des instances constitutionnelles
indépendantes.
En principe, la régulation doit être indépendante. Cette indépendance est la caractéristique
essentielle des autorités de régulation. Mais cette qualité est dans le cas tunisien plutôt
potentiel que réelle (A). Contrairement au droit français, les pouvoirs des autorités de
régulation sont limités à cause de la tutelle de l’État et l’absence de financement (B). Après la
Révolution, le législateur a renforcé l’indépendance et les fonctions de quelques autorités de
régulation dont l’objectif est la lutte contre la corruption, les pratiques anticoncurrentielles et
la diminution du chômage (C).
A. Une régulation économique affaiblie face à la tutelle de l’État
Contrairement à la France, la législation tunisienne n’est pas allée jusqu’au bout de son
mimétisme puisqu’il n’a pas accordé à ces instances la qualité d’autorité administrative
indépendant qui est reconnue aux différentes instances de régulation françaises. « La
législation tunisienne préfère le mutisme quant à la nature de ces autorités »1324. Les autorités
de régulation sont soumises à une tutelle administrative « inavouée »1325. Au point que
certains vont jusqu'à les considérer comme des établissements publics1326.
La présence des magistrats et de professionnels au sein des collèges des autorités de
régulations constitue un gage d’indépendance et d’efficacité. Ceci explique la volonté des
pouvoirs publics de créer des autorités indépendantes à l’égard de l’exécutif et aux différents
opérateurs économiques. Dans la majorité des autorités de régulation tunisienne, nous
1319Article 123.
1320Article 124.
1321Article 125.
1322Article 126.
1323Article 127.
1324Tahar (N), Ben Romdhane (D), « Les autorités de régulation tunisiennes. Leur statut et leur rôle dans la
conduite de la politique publique », (dir), Sedjari (A),
Administration, gouvernance et décision publique, Paris,
L’Harmattan, 2004, p. 455.
1325Tarchouna (L), « Les autorités de régulation en Tunisie », in, Les mutations de l’action publique au Maghreb,
Actes du colloque organisé la FDSPT, 2007, p. 205.
1326Gherairi (GH), « Réflexion sur la nature juridique du conseil du marché financier », in, Mélanges Habib
Ayadi, Tunis, CPU, 2000, p. 55.

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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
trouverons ces organes. Mais cette composition collégiale qui constitue un élément fort de
l’indépendance organique est sérieusement limitée quant aux modalités de désignation des
membres et à l’insuffisance des garanties statutaires. Les dispositions législatives relatives
aux modes de désignations des membres vont à l’encontre de la volonté des pouvoirs publics
de créer des autorités indépendantes. La formule utilisée par le législateur est presque la
même dans toutes les autorités de régulation : « le Président et les membres de l’autorité de
régulation sont nommés par décret ». On constate la mainmise de Président de la république
au niveau de la désignation des membres des autorités de régulation, ce qui amène a priori le
problème des risques de politisation et peut porter atteinte à l’impartialité, surtout en
comparant la composition des autorités tunisiennes avec leurs homologues françaises. Par
exemple, l’article 183 du Code des assurances précise bien que « la nomination de tous les
membres se fait par décret sur proposition du ministre des finances ». Quant aux membres de
l’Instance nationale des Télécommunications, l’article 64 du Code des télécommunications
dans son dernier paragraphe dispose que « le Président, le vice-Président et les membres de
l’instance sont nommés par décret ». Il ne s’agit là, comme on peut le constater, même pas de
nominations sur la base de propositions. C’est donc un choix exclusif du chef de l’exécutif.
La désignation des membres des autorités de régulation doit refléter leur neutralité. En
principe, le mode de désignation le plus fidèle à cette règle est la désignation par les trois
pouvoirs exécutif, législatif et juridictionnel. Mais les membres des instances régulatrices sont
nommés par décret et désignés par le Président de la république tout seul. Ceci a limité la
neutralité de ces membres. Toutefois, dans la composition de ces autorités, les représentants
du pouvoir législatif sont absents. Ce qui est de nature à exclure le contrôle parlementaire sur
ces instances.
Le plus souvent,
l’inamovibilité est considérée comme
la principale garantie
d’indépendance. Transposé aux membres des autorités de régulation, ce principe se traduit par
l’impossibilité de révocation ou suspension des membres sauf dans les cas et conditions
prévus expressément par la loi. Une telle garantie ne fait que renforcer d’une manière
effective l’indépendance des autorités de régulation notamment à l’égard de l’exécutif.
Malheureusement, il n’est pas ainsi en droit tunisien. Ce principe fait défaut. Il n’est pas
consacré ni dans la Constitution comme c’est le cas en France1327, ni par la loi du 14 juillet
1967 relative à l’organisation judiciaire au Conseil supérieur de la magistrature et au statut de
1327Article 64 de la Constitution française du 4 octobre 1958.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

la magistrature1328. Cette loi prévoit au contraire dans son article 14 la possibilité pour le
ministre de la justice de muter un magistrat au cours de l’année judiciaire pour nécessité de
service, pour ensuite soumettre la question au Conseil supérieur de la magistrature1329.
Les durées fixes, assez longues et non renouvelables du mandat sont en principe une
caractéristique de ces autorités. Cependant, ces garanties sont faibles pour les membres des
autorités de régulation. La durée des mandats est généralement courte. Il est trois ans pour
l’Instance nationale des télécommunications, 5 ans pour le Conseil de la concurrence et
aucune durée prévue pour le Conseil des marchés financiers.
L’étude des différents textes constitutifs des régulateurs tunisiens nous montre que ni le
caractère révocable, ni non renouvelable ne sont prévus par le législateur a une seule
exception, limitée au Conseil de la concurrence. Ainsi, tous les membres professionnels du
Conseil sont nommés pour une durée certes variable pour assurer la continuité dans le travail
du Conseil, mais non renouvelable1330. S’agissant des autres autorités de régulation, le
législateur ne prévoit pas le caractère non renouvelable ni révocable du mandat. Aussi, il ne
fixe pas la durée du mandat. En effet, et exception fait de la Commission bancaire qui est une
autorité ad hoc, les membres du CMF et de l’INT sont nommés pour une durée indéterminée
pendant laquelle ils peuvent être révoqués à tout instant.
L’absence d’un régime d’inamovibilité et le caractère non renouvelable du mandat
risquent d’affecter l’indépendance des régulateurs, ce qui n’est pas sans conséquence sur la
réussite de la mission de régulation.
Il est nécessaire de prévoir un régime d’incompatibilité entre les fonctions des membres
des autorités de régulation et les fonctions gouvernemental et parlementaire1331. Nous
pouvons ainsi lire dans le rapport Gélard que « l’application d’un régime d’incompatibilités
est nécessaire pour toutes les autorités de régulation, qui ont des relations de contrôle, de
médiation ou de conseil avec des administrations ou des entreprises »1332. Marie-Anne
FRISON-ROCHE y développe cela en déclarant que « l’idée est qu’il n’est pas possible
d’être indépendant si l’on est en conflit d’intérêts. Quand bien même les membres de
l’autorité auraient la force morale de se détacher d’un intérêt qui les attire d’un côté,
1328Loi n° 67-29 du 14 juillet 1967 relative à l’organisation judiciaire, au Conseil supérieur de la magistrature et
au statut de la magistrature, JORT, 1967, p. 566.
1329Ben Achour (Y), « Pouvoir gouvernemental et pouvoir administratif », RTD, 1977, p. 49.
1330Article 10 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et prix.
1331Rapport du Conseil d’État, « Les autorités administratives indépendantes » op, cit, p. 350.
1332Rapport du Gélard, op, cit, p. 108.
349


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
l’impartialité et l’indépendance doivent se donner à voir, l’apparence d’un conflit d’intérêts
suffisant pour compromettre le crédit de l’autorité »1333. Ainsi, ce principe ne s’applique
normalement que dans les cas où les membres des collèges des autorités de régulation sont
permanents. Ce régime est prévu pour les membres permanents du CMF, dont le Président qui
doit exercer leurs mandats sans cumul avec d’autres fonctions. En plus, le Président du CMF
par application de l’article 25 ne peut exercer d’autres fonctions incompatibles avec les
emplois publics et ne peut occuper le poste de Directeur Général ou d’administrateur dans une
société anonyme. Par ailleurs, un tel régime n’est pas prévu pour les membres permanents
des autres régulateurs, ce qui laisse la possibilité d’adhérer à d’autres fonctions qui seraient de
nature à les empêcher d’exercer pleinement leur mission de régulation.
Pour conclure, les autorités de régulation en Tunisie dépendent en général des pouvoirs
publics. Il ne s’agit pas de structures réellement indépendantes. Même si elles échappent à la
hiérarchie classique, elles ne disposent pas d’une liberté d’action garantie. L’ombre de l’État
est toujours présente notamment dans les procédures de nomination1334.Ces autorités auraient
besoin d’être
régulées.
Il
faut plutôt
faire un grand effort d’harmonisation et
d’assouplissement. L’indépendance de
l’organe chargé de protéger
les
libertés est
indispensable. Cet organe doit être indépendant à la fois des intérêts privés et du pouvoir
politique. La faiblesse de l’indépendance des autorités de régulation vis-à-vis du pouvoir
exécutif est nuisible à la protection des libertés.
B. La faiblesse des pouvoirs des autorités de régulation dans la conduite de la
politique publique
Sur le plan fonctionnel, la faiblesse de l’autonomie des autorités de régulation se
manifeste à travers leur autonomie fonctionnelle et leur autonomie financière.
L’autonomie fonctionnelle des autorités de régulation signifie l’absence de l’exercice de
toute tutelle ou contrôle hiérarchique sur ces autorités, c'est-à-dire que celles-ci ne reçoivent
ni ordre, ni instruction à leur égard. Elles sont hors de la hiérarchie administrative1335.
Malheureusement, cette règle fait défaut en droit tunisien. Les autorités de régulation sont
soumises à la tutelle du pouvoir exécutif.
1333Frison-Roche (M-A), op, cit, p. 67.
1334Dabbou Ben Ayed (S), « L’État régulateur : la spécificité du droit tunisien », Actes de colloque La
régulation
, op, cit, p. 49.
1335Voir à titre d’exemple, Teintgen-Colly (C), « Les AAI. Histoire d’une institution », in, Les AAI, (dir),
Colliard (C), Timsit (G), Paris, Les voies du droit, 1998.
350

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Pour effectuer leurs missions, les autorités de régulation disposent des pouvoirs varient
entre le pouvoir d’édicter des normes à portée générale et impersonnelle, le pouvoir de
prendre des décisions à portée individuelle, le contrôle, l’investigation et enfin le pouvoir de
coercition. Le maintien de tous ces pouvoirs entre les mains d’une seule autorité se fonde sur
l’objectif de régulation. Cependant, il est rare de voir tous ces pouvoirs réunis en une seule
autorité. L’exemple concret en Tunisie est celui du CMF qui jouit entre autres d’un pouvoir
règlementaire important.
Les autorités de régulation, à l’exception du CMF, ne sont pas dotées d’un pouvoir
règlementaire qui est inhérent à la protection des libertés et qui représente une prérogative des
autorités de régulation par rapport aux juridictions dans le domaine de la protection des
libertés fondamentales. À cet effet, il a reçu le pouvoir d’édicter deux types de normes
générales. Des règlements et des décisions générales. Selon l’article 28 de la loi de 1994
portant réorganisation du marché financier « le Conseil du marché financier prend dans le
domaine de sa compétence des règlements dont les mesures d’application sont précisées par
des décisions générales ». Mais ce pouvoir de CMF est un pouvoir règlementaire spécial
fondé selon Ghazi GHERAIRI « sur un texte juridique de valeur législative »1336, parce que le
pouvoir règlementaire selon l’article 81 de la Constitution de 20141337 seul le Président de la
république peut l’exercer.
Même si une partie de la doctrine en Tunisie a méconnu le pouvoir règlementaire aux
autorités de régulation, la Constitution n’ayant attribué un tel pouvoir qu’au chef de l’État et
éventuellement au Premier ministre par délégation. Il semble que rien ne s’oppose réellement
à la reconnaissance du pouvoir règlementaire à ces autorités1338. La question semble être
tranchée puisque la jurisprudence administrative tunisienne « admet depuis longue date la
détention d’un pouvoir règlementaire spécial pour tout chef de service »1339. C’est un pouvoir
règlementaire spécial différent par son objet et ses détenteurs du pouvoir règlementaire
général du Président de la république.
1336Ghrairi (GH), op, cit, p. 508.
1337L’article 81 dispose que « Le Président de la République promulgue les lois et ordonne leur publication au
Journal officiel de la République tunisienne… ».
1338Nciri (N), op, cit, p. 103.
1339Tarchouna (L), « Les autorités de régulation en Tunisie », Actes de colloque, Les instruments de l’action
publique au Maghreb
, Tunis, FDSPT, 2007, p. 225.
351



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
S’agissant des règlements, la loi leur a fixé un domaine propre et limité mais pas de la
moindre importance.Ces règlements concernent l’organisation et les règles de fonctionnement
des marchés placés sous son autorité, ainsi que les règles de pratiques professionnelles qui
s’imposent aux personnes faisant appel public à l’épargne, intermédiaires en bourse,
personnes assurant la gestion individuelle ou collective de portefeuilles de titres ou de produit
financier ou encore à la société de dépôt de compensation et de règlement de titres1340. Quant
aux décisions générales, elles constituent des actes règlementaires d’exécution qui
interviennent après l’adoption d’un règlement pour en fixer les mesures d’application1341.
Avant leur publication, ces deux types d’actes règlementaires sont obligatoirement visés
par le ministre des finances1342 c’est-à-dire qu’il doit exercer un contrôle sur les actes. On
trouve ce contrôle aussi en France ou les décisions règlementaires sont subordonnées à
l’homologation du ministre de rattachement. Ainsi, le contrôle exercé est un contrôle d’égalité
et les décisions à caractère règlementaire du CMF peuvent faire l’objet d’un recours en excès
de pouvoir devant le Tribunal administratif.
Dans le cadre de sa fonction règlementaire, le CMF a édicté deux règlements. Le premier
est le règlement général de la bourse adopté en 1997 et le second est le règlement relatif à
l’appel public à l’épargne adopté en 2000 et entré en vigueur en 2001.
Contrairement à la fonction règlementaire, toutes les autorités de régulation tunisiennes
participent à l’élaboration des normes générales grâce à la fonction consultative. Ainsi, la
consultation des autorités de régulation normalement devrait être obligatoire sur toutes les
questions qui touchent de très près les secteurs de leur compétence, notamment les projets de
textes législatifs et règlementaires et les avis émis dans ce cadre devraient s’imposer aux
autorités de saisine. Or, par la loi, les avis des autorités de régulation varient entre l’avis
obligatoire et l’avis facultatif. Ils ne sont jamais conformes. De plus, pour les sujets les plus
sensibles, l’avis est souvent facultatif. Par exemple, la consultation du Conseil de la
concurrence sur les projets de textes législatifs ou règlementaires constitue une simple faculté
pour le ministre du commerce ou le gouvernement. En droit français, le Conseil de la
concurrence « est obligatoirement consulté par le gouvernement sur tout projet de texte
règlementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet de soumettre
l’exercice d’une profession ou l’accès à un marché à des restrictions quantitatives, d’établir
1340Article 29.
1341Tahar (N), Ben Romdhane (D), « Les autorités de régulation tunisienne », in, Administration et gouvernance
et décision publique
, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 474.
1342Article 31 de la loi du 14 novembre 1994 portant réorganisation du marché financier.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

des droits exclusifs dans certaines zones, d’imposer des pratiques uniformes en matière de
prix ou de conditions de vente »1343.
Pour réussir la mission de régulation, il est nécessaire d’établir des avis conformes, au
moins des avis obligatoires sur des sujets aussi importants que les projets de textes, les
concessions, les autorisations (etc.).
Les textes régissant les différentes autorités de régulation sont silencieux quant à la
possibilité de se consulter entre elles, notamment entre le Conseil de la concurrence et l’INT,
sur des questions de concurrence. Par exemple, dans la relation autorité de régulation des
télécommunication-Conseil de
la concurrence, aucune disposition du Code des
télécommunications n’a prévu une possibilité de saisine dudit Conseil par ladite Instance,
réduisant fortement ainsi toute possibilité de dialogue, de concertation et de coordination
entre les deux organismes et favorisant l’émergence de conflits de compétence et de retard
dans le traitement des requêtes, portant en totalité où en partie sur des questions de
concurrence1344. Ce n’est pas le cas par exemple en France ou le Président de l’ART peut
aviser le Conseil de la concurrence sur toute question relevant de sa compétence.
Réciproquement, le Conseil de la concurrence recueille l’avis de l’ART sur les pratiques dont
il est saisi dans le secteur des télécommunications.
Pour réussir la régulation, il est nécessaire que le législateur tunisien adopte un
mécanisme de consultation mutuelle entre le Conseil de la concurrence et le reste des autorités
de régulation. Ayant une compétence générale en matière de concurrence, le Conseil de la
concurrence devrait être consulté par toutes les autorités de régulation qui ont d’ailleurs pour
mission de rétablir l’équilibre dans des secteurs économiques concurrentiels tels que le
secteur financier, le secteur bancaire et le secteur des télécommunications. Aussi, le retraçage
des contours des attributions des autorités de régulation semble indispensable pour remédier
aux problèmes relatifs à l’inter-régulation et qui ne sont pas d’ailleurs une caractéristique de
l’expérience tunisienne mais s’étendent à tous les pays qui ont opté pour la logique des
autorités de régulation1345.
1343Article 6 de l’ordonnance du 1 décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
1344Abdeljouad (A), op, cit, p. 58.
1345Ibid, p. 58.
353



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En fait, il y a très peu de secteurs régulés qui relèvent à l’heure actuelle d’un seul niveau
de décision. Même lorsqu’un secteur régulé est clairement défini et soumis à une autre
autorité de régulation bien indépendante, le secteur en question relève néanmoins également
d’autres autorités1346.
La dotation des autorités de régulation de ressources financières nécessaires à
l’accomplissement de leur mission. La jouissance d’une réelle autonomie de gestion de ces
ressources constitue sans doute un gage d’autonomie fonctionnelle desdites autorités.
En droit tunisien, on constate la différence de régime entre les autorités de régulation. Par
exemple, les ressources du CMF proviennent des redevances perçues sur la bourse des valeurs
mobilières de Tunis, la société de dépôt de compensation et de règlement de titres, les
organismes de placement collectif en valeurs mobilières, des Commissions sur les émissions
nouvelles de valeurs mobilières et produits financiers réalisées par appel public à l’épargne et
sur le visa des publications, des revenus de ses biens ainsi que ceux provenant des prestations
de service qui ne rentrent pas dans l’exercice de ses missions habituelles, des produits de
réalisation d’élément d’actif, des aides et dons d’organismes nationaux ou étrangers après
approbation de l’autorité compétente et enfin des dotations budgétaires 1347.
Quant aux ressources de l’INT. Elles proviennent selon l’article 41 bis du Code des
télécommunications de la redevance payée en contrepartie de l’attribution des numéros et des
adresses : « La redevance prévue à l'article 41 du présent code est payée à l'instance
nationale des télécommunications. Les reliquats du budget de l'instance nationale des
télécommunications sont transférés, à la clôture de l'année budgétaire, au fonds de
développement des communications, conformément à la règlementation en vigueur ». Ces
ressources proviennent aussi des subventions et des dotations que l’État accorde, le cas
échéant, à l’Instance et des divers dons obtenus par celle-ci de la part d’organismes nationaux
ou internationaux1348.
L’autonomie financière dont bénéficie l’INT fait défaut en ce qui concerne le Conseil de
la concurrence. L’article 7 du décret du septembre 1996 fixant les modalités d’organisation
administrative et financière et de fonctionnement du Conseil de la concurrence dispose que :
« les dépenses relatives au fonctionnement du Conseil de la concurrence sont engagées et
1346Ziller (J), « L’inter-régulation dans le contexte de l’intégration européenne et de la mondialisation », op, cit
p. 17.
1347Article 26 de la loi du 14 novembre 1994 portant réorganisation du marché financier.
1348Article 13 du décret du 21 avril 2003 fixant l’organisation administrative et financière et les modalités de
fonctionnement de l’instance nationale des télécommunications.

354

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

ordonnées par le ministre chargé du commerce sur proposition du Président du Conseil ».
Aux termes de cet article, le Conseil de la concurrence n’a ni des ressources propres à l’instar
du CMF et de l’INT, ni l’autonomie de gestion des ressources qui lui sont attribuées. Mais
avec la loi du 18 juillet 2005, le Conseil de la concurrence jouit davantage d’indépendance
financière.
Quant à la Commission bancaire. Elle est dépourvue de l’indépendance financière et liée
au budget du pouvoir de tutelle, ce qui constitue une insuffisance et un handicap pour son bon
fonctionnement et porte atteinte à son indépendance.
D’une façon générale, les dotations budgétaires dont bénéficient les autorités de
régulation sont généralement insuffisantes et ne leur permettent pas de bien mener leur
mission de régulation.
Aujourd’hui, il est primordial de penser à une réforme du contrôle exercé par l’exécutif
sur ces autorités de régulation. Il est indéniable d’alléger ce lourd contrôle qui les accable et
limite leur indépendance sur les deux plans organique et fonctionnelle. Il serait plus logique
qu’elles disposent des mêmes prérogatives que les instances constitutionnelles.
C. La réforme des autorités de régulation : une réforme pertinente permettant la
diminution de la pauvreté et les pratiques anticoncurrentielles
L’exclusion économique et sociale d’une grande partie de la population, surtout les
classes les plus jeunes a amplement contribué aux troubles politiques et sociaux de 2011. Les
causes de cette situation n’ont pas été éliminées. En effet, la lutte contre le chômage et la
pauvreté sont un double défi pour l’actuel gouvernement. Dans cette perspective,
l’encouragement de la libre initiative par le financement ne devrait pas se limiter aux titulaires
de diplômes supérieures, mais plutôt cibler les couches sociales défavorisées à travers la
microfinance qui cible les exclus du système bancaire classique en leur proposant des services
financiers adaptés.
En ce sens, la microfinance s’impose comme un instrument de lutte contre la pauvreté à
travers la création d'emploi et la génération de revenus permanents, en fixant les populations
dans leurs localités autour de micro-projets et de microentreprises1349, c’est ce qui permet de
1349« À l’origine, les ancêtres de la microfinance étaient des établissements de microcrédits fondés au XVème
siècle en Europe avec l’assentiment de l’Eglise Catholique pour combattre l’appauvrissement de la population
suite aux pratiques extravagantes de l’usure et des prêts à gage. Il s’agissait d’octroyer aux emprunteurs
nécessiteux des prêts avec un taux d’intérêt très faible, voire nul. A partir de la seconde moitié du XIXème
siècle, des systèmes de crédits mutuels/de coopératives d’épargne et de crédit ont vu le jour en Allemagne, en
355


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
réduire en premier lieu l'exode rural, tout en contribuant ainsi au développement économique
national et local.
La promotion de la microfinance s’impose aussi comme un moyen de lutte contre la non-
participation et l’exclusion. L’accès aux services de microfinance élargit la marge d’action
économique des personnes qui ont de faibles revenus ou qui se trouvent dans des situations de
détresse familiale1350. La création de micro-entreprises est souvent la seule possibilité pour les
jeunes tunisiens bien formés d’entrer sur le marché du travail et d’y exercer une première
activité professionnelle.
En améliorant l’accès aux services de microfinance, on peut mieux protéger une partie de
la population active contre les fluctuations de revenus et les situations d’urgence financière ou
créer des possibilités d’emploi1351. L’article 7 du décret-loi du 5 novembre 2011 portant
organisation de l’activité des institutions de microfinance1352 dispose que : « est considéré
microcrédit tout crédit visant l'aide à l'intégration économique et sociale. Les microcrédits
sont accordés pour financer une activité génératrice de revenus et créatrice d’emplois. Ces
crédits peuvent être accordés également pour financer des besoins visant l'amélioration des
conditions de vie. Le montant maximum du microcrédit et les conditions de son octroi sont
fixés par arrêté du ministre des finances ».
La microfinance est une autorité dotée de la personnalité morale et de l'autonomie
financière. Elle est indépendante dans l'exercice de ses fonctions et bénéficie de toutes les
prérogatives nécessaires pour mener les missions qui lui sont attribuées en vertu des lois et
règlementations en vigueur, ainsi que des prérogatives nécessaires à l'administration des
services qu'elle crée à cet effet.
France et au Québec. Ces réseaux mutualistes visaient principalement la paysannerie et réussissaient à mobiliser
l’épargne populaire pour financer les prêts agricoles. Au cours des années 1970, et devant la recrudescence de la
pauvreté, de la misère populaire et de l’exploitation des masses par les usuriers, de nouveaux systèmes de
microcrédits ont été créés pour lutter contre ces fléaux, initialement au Bangladesh et en Bolivie, puis dans
divers pays en voie de développement d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique Subsaharienne. A ce propos, il est
primordial d’évoquer l’œuvre grandiose de Muhammad YUNUS, Docteur en économie qui lança en 1976 au
Bangladesh le premier programme du microcrédit tel que conçu de nos jours sous l’appellation de «
Grameen »,
lequel programme donne naissance à la «
Grameen Bank » en 1983 ». Derbel (N), « état des lieux et
perspectives », mise
2018, URL :
http://www.leaders.com.tn/article/22682-microfinance-etat-des-lieux-et-perspectives
1350Seibi (Y), « La microfinance, une arme de lutte contre la pauvreté », mise en ligne le 9 janvier 2017, consulté
le 5 mars 2018, URL : https://www.espacemanager.com/la-micro-finance-une-arme-de-lutte-contre-la-pauvrete-
en-tunisie.html
1351« Promotion du secteur de la microfinance », mise en ligne 5 janvier 2016, consulté le 4 mars 2018, URL :
https://www.giz.de/en/worldwide/26971.html
1352 Décret-loi n° 2011-117 du 5 novembre 2011 portant organisation de l’activité des institutions de micro
finance,
JORT, 2011, p. 2454.
5 mars
consulté
juillet
2017,
ligne
13
en
le
le
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

L’introduction légale et institutionnelle de la microfinance en Tunisie a été tardive
puisque la première loi sur le microcrédit n’est intervenue qu’en 19991353. Cette loi a permis
de créer et de définir le statut d’une Association de microcrédit (AMC) et de consacrer la BTS
(Banque Tunisienne de Solidarité) comme organisme de financement exclusif. Ces AMC
restent de taille très réduite (850 clients en moyenne en 2010) en comparaison avec celles de
la région et du monde (une moyenne respective en 2013 de 21.000 clients et de 13.500
clients). Outre ce handicap de taille, les AMC étaient confrontées à un problème de ressources
du fait qu’elles étaient « inféodées » totalement à la BTS en termes de financement et de
supervision. Quantitativement, et au bout de quelques années, la BTS n’était plus en mesure
de satisfaire qu’une proportion des besoins de financement exprimé par les AMC1354.
L’autorité de microfinance a été réformée par le décret-loi du 5 novembre 2011 portant sur
l’organisation de l’activité des institutions de microfinance. Ce décret permet à des sociétés
anonymes d’accorder des microcrédits sous la forme d’une aide à l’intégration économique et
sociale pour financer une activité génératrice de revenus et créatrice d’emplois, ainsi que le
financement des besoins visant à améliorer des conditions de vie.
Les institutions de microfinance se développent depuis quelques années à une vitesse
folle, au point qu’elles sont au nombre de cinq à savoir Tayssir crée en mars 2014, Microcred
en octobre 2014, Advans en janvier 2015, le Centre Financier aux Entrepreneurs en avril
2015 et enfin Zitouna Tamkeen en mai 2016. Cette dernière prenant pour cible les citoyens
qui seraient plus portés sur le financement islamique. En effet, 40% des personnes à la
recherche d'un micro-crédit refuseraient les crédits habituels et ont besoin d'un financement
islamique. Pour ce faire, Zitouna Tamkeen intervient sur la base de deux modes de
financement islamique à savoir la mourabaha et le quard hassan, en accordant des prêts
pouvant atteindre 20 000 dinars pour les activités génératrices de revenus et 3 000 dinars pour
l’amélioration des conditions de vie avec une durée maximum de 5 ans et un délai de grâce
qui diffère selon la nature de l’activité1355. Ces institutions mettent à la disposition de leur
clientèle une large gamme de services financiers dans un objectif d’aide aux pauvres à
surmonter les crises et à gérer leurs besoins financiers qui sont souvent d'une grande
complexité.
1353Loi organique n° 99-67 du 15 Juillet 1999 relative aux micro-crédits accordés par les associations, JORT,
1999, p. 456.
1354Derbel (N), op, cit.
1355Seibi (Y), op, cit.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Après la Révolution, le législateur a réformé l’ancienne loi du 29 juillet 1991 relative à la
concurrence et aux prix par la loi du 15 septembre 20151356. Cette loi a pour objectif de fixer
les dispositions régissant la liberté des prix, d'établir les règles présidant à la libre concurrence
afin de garantir l'équilibre général du marché, l'efficience économique et le bien-être du
consommateur. Cette loi révise et améliore certaines de ses dispositions pour consacrer la
liberté des prix,
la prohibition des pratiques anticoncurrentielles, des pratiques
discriminatoires et la protection des consommateurs. Au moyen de cette loi, le cadre juridique
a été enrichi par la mise en place d’une autorité indépendante, le Conseil de la concurrence,
auparavant simple Commission spéciale relevant du ministère du commerce. Le Conseil de la
concurrence est chargé de la mise en œuvre de la politique de la concurrence à travers des
missions de surveillance du marché, de contrôle des concentrations, de promotion de la
concurrence et de contrôle des pratiques anticoncurrentielles. Il a aussi des compétences
juridictionnelles puisqu’il connait des actions intentées devant lui en cas de pratiques
anticoncurrentielles1357.
La nouvelle loi a considérablement renforcé l’indépendance du Conseil de la concurrence.
Le ministre chargé du commerce étant dorénavant tenu de consulter le Conseil de la
concurrence pour toute exemption de pratiques anticoncurrentielles. Un autre changement
important concerne le fait que désormais le Conseil est obligatoirement consulté sur les
projets de textes législatifs et règlementaires tendant de manière directe à imposer des
conditions particulières pour l’exercice d’une activité économique ou d’une profession ou à
établir des restrictions pouvant entraver l’accès à un marché donné1358.
Avec la nouvelle loi, les autorités de la concurrence et les autorités de régulation
sectorielles peuvent coexister de différentes manières. L’article 15 dispose que : « les
autorités de régulation peuvent déposer des requêtes pour avis auprès du Conseil de la
concurrence. En retour, le Président du Conseil de la concurrence informe le cas échéant, les
autorités de régulation concernées par une auto-saisine les concernant. Le Conseil de la
Concurrence doit également demander l’avis technique des autorités de régulation lors de
1356Loi n° 2015-36 du 15 septembre 2015 relative à la réorganisation de la concurrence et des prix (1), JORT,
2015, p. 2320.
1357Rapport « Le travail législatif à l’épreuve de la Constitution tunisienne et des conventions internationales »,
préparé par Chaker (H), Ferchichi (W), 2015, p. 45.
1358L'obligation de demander l'avis du Conseil de la concurrence pour ce qu'est des projets de textes législatifs
n'affecte plus l'autonomie de décision mais elle agrandi les compétences consultatives du Conseil et favorise la
démarche de bonne gouvernance des décisions administratives et incarne l'harmonisation des textes législatifs.
Voir article 8, 10 et 11.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

l’examen des requêtes dont il est saisi lorsqu’elles sont afférentes aux secteurs relevant de
leur ressort ».
La nouvelle loi augmente aussi considérablement la transparence, en prévoyant que le
Conseil de la concurrence publie ses décisions et avis rendus sur son site web officiel, sans
avoir à attendre leur publication dans son rapport annuel d’activité. Par ailleurs, le ministre
chargé du commerce doit désormais demander l’avis du Conseil avant de décider d’une
exemption de la loi de la concurrence et publier sa décision en en expliquant les motifs au
Journal Officiel de la République Tunisienne. En ce qui concerne les concentrations, la
décision du ministre d’autoriser, rejeter ou accepter une fusion sous conditions doit être
rendue publique et motivée après avis du Conseil de la concurrence1359.
D’emblée, l’environnement concurrentiel en Tunisie s’est nettement amélioré après la
Révolution, étant donné que plusieurs hommes d’affaires se sont débarrassés de la peur qui
les accablait sous l’Ancien Régime et ont fait recours au Conseil de la concurrence pour
trancher dans plusieurs affaires ayant trait aux pratiques anticoncurrentielles exercées par
certains acteurs dans l’ensemble des secteurs économiques du pays. Ces dossiers concernent
notamment les secteurs de l’agriculture, la distribution d’hydrocarbures, le pèlerinage et la
Omra1360.
D’une manière générale, l’intervention de l’État en tant que régulateur pour la régulation
de l’économie et pour faire face à la tutelle administrative est un changement que l’on pourrait
dire « réussi ». L’intervention de l’État en tant qu’actionnaire serait-t-il une solution pour le
renforcement de la gouvernance d’entreprise ?
1359Brusick (PH), « lignes directrices de la bonne gouvernance : indépendance et transparence », mise en ligne
mai 2017, consulté le 5 janvier 2018, URL http://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/ditcclp2016d2_fr.pdf
1360« La Révolution a permis l’amélioration de l’environnement concurrentiel en Tunisie », mise en ligne le 24
novembre 2012, consulté le 24 janvier 2017, URL : https://www.webmanagercenter.com/2012/11/24/127828/la-
revolution-a-permis-l-amelioration-de-l-environnement-concurrentiel-en-tunisie/
359






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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Section 2. L’intervention de l’État en tant qu’actionnaire : le renforcement
de la gouvernance d’entreprise
La notion d’État actionnaire n’est pas encore explicitement reconnue de nos jours en
Tunisie. En France, le terme « État actionnaire » a été pour la première fois utilisé en 2001
dans le rapport annuel sur le secteur public économique du ministère de l’Économie et des
Finances remis au Parlement. Aujourd’hui, cette expression bénéficie d’une légitimité
certaine1361 car l’État a réellement un rôle d’actionnaire distinct de sa mission de puissance
publique et parce qu’il est de plus en plus amené à être actionnaire et à se comporter comme
tel. Enfin, l’État utilise les mécanismes de l’actionnariat afin de prendre ou de garder le
contrôle d’une société, voire même pour la diriger, dès lors que sa participation le lui
permet1362.
En France, l’État actionnaire1363 a connu un essor important avec une évolution
importante. Les déconvenues du secteur public ont contraint les États à rechercher une plus
grande efficacité du contrôle des entreprises publiques. Si l’État devait gérer ses actifs
économiques sans considération d’efficience, la logique économique voudrait qu’il s’en
décharge en les privatisant ce qui n’est pas le cas. La défense des intérêts patrimoniaux de
l’État actionnaire doit donc s’accompagner du développement des entreprises du périmètre de
l’Agence des participations de l’État (Paragraphe 1). En Tunisie, l’État actionnaire s’est
caractérisé par un système de gouvernance mal construit à l’origine qui se traduit par une
mauvaise gestion des ressources publiques qui amène les autorités à renforcer ses contrôles.
Au vu des changements politiques, économiques et sociaux après la Révolution, l’action de
l’État est appelé à évoluer vers plus d’efficacité, de transparence et de responsabilité
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1. L’État actionnaire en France : un levier essentiel pour mener
à bien la politique économique de l’État
Le rôle de l’État dans l’économie a connu une première évolution dans l’après Seconde
Guerre mondiale, l’État exerce une tutelle sur les entreprises publiques. Rapidement, celle-ci a
posée des problèmes. Ses limites quant à l’efficacité économique se sont révélées. Il a donc
1361G. Delion (A), « De l’État tuteur à l’État actionnaire », RFAP, 2007, p. 537.
1362Noomane-Bejaoui (D), op, cit, p. 270.
1363La notion État actionnaire s’applique directement au cas des entreprises publiques qui ont le statut de S.A.
(dont l’État détient tout ou partie des actions) mais peut s’appliquer par extension aux établissements publics
(EPNA) même si ces entreprises n’ont pas de capital en actions.

360

Page 363
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

fallu adapter le contrôle de l’État sur l’économie par une nouvelle action envers les
entreprises publiques. Pour remédier à cette difficulté de gestion, le Premier ministre de
l’époque, Jacques CHABAN-DELMAS, affirmait qu’il fallait « faire des entreprises
publiques du vrai entreprises, en leur restituant la maîtrise de leurs décisions » et qu’à cet
effet « la contractualisation des rapports entre l’État et les entreprises publiques serait
progressivement généralisée »1364. Ce changement de rapport entre l’État et les entreprises
publiques fut le premier point de départ de l’évolution qui aujourd’hui a mené à l’État
actionnaire. Des contrats de programme négociés entre les ministres de tutelle et les
Présidents de certaines entreprises publiques ont ainsi été mis en place. En 1981, la gauche
arrivée au pouvoir a entériné le choix de cette tutelle contractualisée à travers les contrats de
plans dans un objectif assumé de planification. Si cette tutelle contractualisée a permis de
remédier au caractère distant de la tutelle administrative, la pratique contractuelle comportait
elle-même des faiblesses intrinsèques. Les objectifs n’étaient pas souvent réalistes, les
contrats souffraient d’une absence de permanence de leur suivi et de moyens pour le faire, et
la complexité et la mutabilité croissante des contextes économiques appelaient un changement
de méthode et de moyens de gouvernance1365.
Deux grands rapports ont été rédigés contribuant à la clarification du rôle de l’État
actionnaire et de ses relations avec les entreprises publiques. Le premier est le rapport Barbier
de la Serre1366. Il préconise une clarification des différentes fonctions de l’État qui doit se
traduire par une organisation et des procédures propres à chaque fonction, afin de fixer les
responsabilités de chacun et de prémunir l’État comme ses entreprises contre la tentation
d’une confusion des rôles1367. En d’autres termes, il propose une séparation des procédures de
l’actionnariat et de la tutelle. Il recommande également la disparition des contrôleurs d’État et
des Commissaires du gouvernement1368. Le second est le rapport Douste-Blazy1369.
Ces principales réformes annoncées sont proches de celles que formulait déjà le rapport
Barbier de la Serre. Parmi elles, l’évolution de l’organisation administrative à travers la
réduction de l’ancienne tutelle et l’autonomisation de la fonction d’actionnaire au sein de la
direction du Trésor. Le rapport préconise également l’amélioration de la gouvernance des
1364Jousserand (M), L’invetissement de l’État au capital des entreprises, Mémoire (M1), Université Lumiére
Lyon 2, 2014, p. 7.
1365Ibid, p. 11.
1366Rapport du Conseil d’État, « L’État actionnaire et le gouvernement des entreprises publiques », 2003, p. 67.
1367Rapport Barbier de la Serre, RFAP, 2002, p. 2.
1368Jousserand (M), op, cit, p. 7.
1369Rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la gestion des entreprises publiques, 2003,
p. 90.

361


Page 364
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
entreprises du secteur économique public et l’évolution du rôle de la Cour des comptes. Ces
deux rapports ont permis une réelle prise de conscience sur la nécessité de moderniser les
rapports entre l’État et les entreprises. Ils ont permis de comprendre que l’État actionnaire
pouvait être un outil stratégique de l’économie. Il a donc fallu repenser l’action étatique de
manière différente. Le point de départ de ce changement est le rapport annuel remis au
Parlement par le ministère de l’économie et des finances de 2001 : « l’État actionnaire et
gouvernance des entreprises publiques ».
L’État actionnaire a principalement deux bras d’actions. Le premier correspond en une
prise de participation directe au capital des entreprises se faisant par l’intermédiaire de
l’Agence des Participations de l’État (APE) qui est directement rattachée au ministère de
l’économie et des finances et le second correspond à la Banque Publique d’Investissement
(BPI)1370 récemment créée. Elle est une institution distincte de l’État (A). Ces dernières
années, il ressort que la difficulté principale de l’État actionnaire tient à ce qu’il doit en
permanence concilier des objectifs nombreux et souvent contradictoires qui dépassent
largement ses préoccupations patrimoniales. C’est dans cette logique que l’ordonnance du 20
août 2014 vient pour clarifier son rôle (B).
A. L’institutionnalisation de
interventions de l’État
l’État actionnaire : une clarification des
Les moyens d’action de l’État actionnaire se résument en deux. Le premier correspond à
une prise de participation directe au capital des entreprises par l’intermédiaire de l’Agence des
participations de l’État (1) et le second correspond à la Banque Publique d’Investissement
(BPI) (2). L’Agence des participations de l’État s’est concentrée sur les participations
majoritaires, alors que Bpifrance est un investisseur minoritaire. Elle n’intervient pas dans le
financement de projets d’infrastructures, dans le secteur immobilier, dans le secteur financier
et dans les sociétés d’économie mixte.
1370« La communication du Conseil des ministres du 15 janvier 2014 revient sur la répartition des rôles : « l’État
interviendra ainsi directement par l’intermédiaire de l’Agence des participations de l’État (APE) et indirectement
via Bpifrance, dont les doctrines d’investissement sont complémentaires. Bpifrance privilégie des prises de
participations minoritaires dans des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire,
avec une perspective de sortie au terme de la dynamique de développement, de croissance internationale ou de
consolidation qu’il est venu soutenir. L’APE peut, et doit dans certains secteurs, avoir aussi bien une
participation majoritaire qu’une participation avec un horizon de détention plus long » Elysée, Présidence de la
République, compte rendu du Conseil des ministres du 15 janvier 2014, URL : http://www.elysee.fr/conseils-
des-ministres/article/compte-rendu-du-conseil-des-ministres-du-15-janvier-201, point 3.
362

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

1. L’agence des participations de l’État : une prise de participation directe au capital
des entreprises
L’Agence des participations de l’État a été créée par le décret du 9 septembre 20041371.
Elle est directement rattachée au ministre chargé de l’économie et suit environ 80 entreprises
de premier rang ou participations majeures1372. Elle a résulté d’un choix fort, celui d’incarner
l’État actionnaire en le distinguant des autres interventions de l'État par la création d’une
structure spécifique, créatrice et référente. Comme on peut le lire sur son site « l’Agence des
participations de l’État incarne l’État actionnaire, investisseur en fonds propres dans des
entreprises jugées stratégiques par l’État, pour stabiliser leur capital ou les accompagner
dans leur développement ou leur transformation »1373. De façon encore plus précise,
l’article 2 du décret portant la création de l’APE dispose que : « l’agence examine, en liaison
avec les ministères intéressés, les principaux programmes d’investissement et de financement
des entreprises ainsi que les projets d’acquisition ou de cession, d’accord commerciale ou de
coopération et de recherche et développement. Elle propose au ministre chargé de l’économie
la position de l’État actionnaire sur ces sujets et la met en œuvre ».
La création de l’Agence des participations de l’État a été motivée par la volonté
d’améliorer
l’efficacité de
la fonction d’actionnaire de
l’État en renforçant son
individualisation1374. La mission essentielle de l’Agence est de défendre les intérêts
patrimoniaux de l’État ce qui correspond à la notion d’État actionnaire distingué de l’État
puissance publique qui peut au nom d’une stratégie prendre des décisions que ne prendrait pas
un actionnaire privé ou soumettre certaines activités à une régulation. L’introduction du
rapport de la Cour des comptes de 2008 précise qu’il « (…) présente un bilan d’activité de
l’APE dans l’exercice de sa mission de défense des intérêts patrimoniaux de l’État et souligne
qu’au cours de l’année écoulée, celle-ci a poursuivi sa mission première, à laquelle elle
consacre la majeure partie de ses ressources, qui est d’assurer la meilleure valorisation du
portefeuille de sociétés relevant de son périmètre et de rechercher la création de valeur »1375.
1371Décret n°2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des
participations de l'État,
JORF, 2004, p. 15929.
1372« Par exemple, France Télécom, France télévision, Areva, EDF, GDF, Aéroports de Paris, Autoroutes de
France, la RATP, SNCM, SNCF, La Poste, Dexia, la Francaise des jeux », Colin (F),
Droit public économique,
op, cit, p. 237.
1373Voir ainsi le site de l’APE : https://www.economie.gouv.fr/agence-participations-etat/Les-participations-
publiques
1374Rapport d’activité, « L’agence des participations de l’État », 2015-2016, p. 9.
1375Rapport Cour des comptes, « L’État actionnaire. Apports et limites de l’agence des participations de l’Etat »,
op, cit, p. 22.
363


Page 366
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
D’après l’article 1 du décret du 9 septembre 2004, l’Agence des participations de l’État
« exerce, en veillant aux intérêts patrimoniaux de l’État, la mission de l’État actionnaire dans
les entreprises et organismes contrôlés ou détenus, majoritairement ou non, directement ou
indirectement par l’État, qui figurent sur la liste annexée au présent décret », et pour ce faire,
« elle met en œuvre les décisions et orientations de l’État actionnaire. Le commissaire aux
participations de l’État, qui assure la direction générale de l’APE est sous l’autorité du
ministre chargé de l’économie ».
L’Agence des participations de l’État représente l’État aux Assemblées d’actionnaires et
elle s’assure le cas échéant avec le Commissaire du gouvernement la cohérence des positions
des représentants de l’État participant aux organes délibérants des entreprises qui relèvent de
sa compétence. Elle évalue régulièrement la gestion mise en œuvre par les dirigeants de ces
entreprises en liaison avec les autres administrations concernées. Elle met en œuvre pour le
compte du directeur du trésor les opérations en capital concernant ces entreprises1376.
Aujourd’hui, l’Agence des participations de l’État doit assumer trois missions principales.
D’abord, incarner et exercer l’intégralité de la fonction d’actionnaire. Il doit distinguer le rôle
d’actionnaire de l’État de ces autres fonctions économiques et mener les opérations en capital
décidé. Ensuite, veiller aux intérêts patrimoniaux de l’État. Sans réduire cette attention portée
aux intérêts patrimoniaux à une logique courte, elle doit au-delà des effets de la conjoncture
économique veiller à ce que le patrimoine actionnarial de l’État s’accroisse pour les
générations futures. Enfin, animer la politique actionnariale de l’État sous ses aspects
économiques, industriels et sociaux. L’État actionnaire sans pour autant abandonner ses
objectifs traditionnels s’attache désormais à promouvoir une stratégie industrielle globale
anticipant les enjeux stratégiques des entreprises et menant une réflexion sectorielle au sein
des filières1377. Pour ce faire, l’Agence s’engage à participer activement à la gouvernance des
entreprises. La participation des représentants de l’État aux organes sociaux des entités de son
périmètre est un élément fondamental de la mission de l’État actionnaire1378.
Pour l’exercice de ses missions, l’Agence des participations de l’État dispose d’une
équipe resserrée avec un effectif de 29 cadres dirigeants et chargés d’affaires, fonctionnaires
pour l’essentiel et d’agents contractuels notamment au sein des pôles d’expertise (financier,
de
1376Cartier-Bresson (A), op, cit, p. 299.
1377Ministère
et
http://www.economie.gouv.fr/agence-participations-etat/ressources-documentaires-1, 2013, p 17.
1378Rapport Cour des comptes, « L’État actionnaire. Apports et limites de l’agence des participations de l’Etat »,
op, cit, p. 31.
actionnaire, URL :
l’Economie
Finances,
Rapport
l’État
des
de
364

Page 367
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

ressources humaines, juridique, audit et comptabilité). S’ajoutent par ailleurs une vingtaine
d’agents dans les fonctions support et les secrétariats, soit un total de 51 personnes1379.
Depuis sa mise en place, l’Agence des participations de l’État a incité avec succès à la
transposition aux entreprises publiques des meilleures pratiques de gouvernance du secteur
privé. Positif pour la bonne gestion du secteur public, ce mouvement a également favorisé
l’insertion du secteur public productif dans l’environnement concurrentiel. Elle est le nouvel
outil de la gouvernance des entreprises publiques dont le rôle est de généraliser au secteur
public les règles de bonne gouvernance1380.
En 2010, une deuxième étape a consisté à rendre l’Agence des participations de l’État
autonome vis-à-vis de la Direction Générale du trésor, direction ayant une influence majeure
dans la conduite des politiques structurelles. En effet, au sein de cette direction, l’autonomie
de décision de l’Agence en tant que gestionnaire du patrimoine des entreprises publiques ou
des participations publiques était insuffisante. À partir de 2010, l’Agence rend compte
directement au ministère de l’économie et de l’industrie ce qui renforce son autonomie et son
influence non seulement au sein du ministère de l’économie et des finances, mais également
au niveau interministériel.
Avec une soixantaine d’entreprises relevant de son périmètre, l’Agence des participations
de l’État est présente dans des secteurs relativement différents. Elle investit dans trois
entreprises du secteur énergétique (EDF, GDF Suez, Areva), dans dix secteurs de la défense
(dont EADS, Safran, et Sogepa) , trois du secteur des services (Orange, La Poste, Française
des Jeux), trois du secteur des transports (SNCF, Air France – KLM), quatre de secteurs
industriels diverses (dont Renault, La Monnaie de Paris, et Imprimerie Nationale), vingt-neuf
du secteur des infrastructures de transport (dont RFF, de nombreux aéroports, et de nombreux
port maritime), quatre du secteur des médias (France Télévisions, Radio France, France
Média Monde et Arte France), deux du secteur des services financiers (Dexia, SPPE), deux du
secteur immobilier (Semmaris, Sovafim) et enfin, quatre entités en fin d’activité,
Charbonnages de France, Entreprise minière et chimique, Établissement Public de
Financement et de Restructuration et SGGP. En outre l’État est co-investisseur à hauteur de
50% de la Banque public d’investissement1381.
1379Jousserand (M), op, cit, p. 25.
1380Malecki (C), « L’État actionnaire et la gouvernance des entreprises publiques », D, 2005, p. 1028.
1381Jousserand (M), op, cit, p. 25.
365


Page 368
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Si l’État intervient directement par l’agence des participations de l’État, il pourrait
intervenir indirectement par la Banque Publique d’Investissement qui offrirait de nouvelles
perspectives quant à l’évolution de l’État actionnaire.
2. La Banque Publique d’Investissement : une institution distincte de l’État
La Banque publique d’investissement (BPI) était un engagement de campagne du
Président de la République François HOLLANDE : « Je créerai une Banque publique
d'investissement. À travers ses fonds régionaux, je favoriserai le développement des PME et je
permettrai aux régions, pivots de l'animation économique, de prendre des participations dans
les entreprises stratégiques pour le développement local et la compétitivité de la France. Une
partie des financements sera orientée vers l'économie sociale et solidaire »1382. Selon le
Premier ministre, Jean-Marc AYRAULT « la mission de la BPI sera double : elle devra à la
fois accorder des prêts aux PME et aux entreprises innovantes de secteurs stratégiques
d'avenir (transition énergétique, numérique ou économie sociale), ainsi qu'investir en capital
dans ces mêmes sociétés pour les accompagner tout au long leur développement et les aider à
soutenir l'innovation »1383.
La Banque publique d’investissement est un outil permettant de dynamiser l'économie
française, de la rendre plus compétitive, notamment parce qu'elle accompagne les entreprises
dans leurs projets d’internationalisation et d'innovation, en offrant des solutions de
financement pour soutenir leurs projets (création, développement par l'innovation, conquête
de nouveaux marchés en France ou à l'international, investissement en fonds propres, reprise
ou croissance externe, etc.). Son activité a fortement crû en 2014 avec 14 milliards d’euros de
financements au total contre 13 milliards en 2013. Elle a accompagné 86 000 entreprises. Elle
est un soutien incontournable des TPE : 15% des entreprises créées en 2014 ont bénéficié
d’un soutien. De plus, un tiers des ETI ont été accompagnées par Bpifrance. Une bonne
nouvelle pour la lutte contre le chômage : les entreprises financées créent plus d’emplois que
la moyenne nationale (1,70% de croissance des effectifs contre 0,10% en 2014).1384.
le
en
ligne
1382Le Monde, Lemarié (A), « A quoi sert la Banque publique d'investissement, promesse du candidat Hollande
? », mise
2018, URL :
https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/10/18/a-quoi-sert-la-banque-publique-d-
investissement_1777465_3234.html
1383Ibid.
1384« Bpifrance, la Banque publique d’investissement », mise en ligne le 11 février 2016, consulté le 5 mai 2018,
URL : https://www.gouvernement.fr/du-concret-pour-vous-bpifrance

consulté
octobre
2018,
avril
18
le
5
366

Page 369
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

La Bpifrance a été créée par regroupement de plusieurs organismes publics de
financement préexistants : CDC Investissement1385, le Fonds spécial d’investissement
(FSI)1386 et OSEO1387.
La
loi du 31 décembre 2012 relative à
la création de
la Banque publique
d'investissement1388 permet de préciser notamment son objet et sa gouvernance. Selon son
article 1er « la Banque publique d'investissement est un groupe public au service du
financement et du développement des entreprises, agissant en appui des politiques publiques
conduites par l'État et conduites par les régions. En vue de soutenir la croissance durable,
l'emploi et la compétitivité de l'économie, elle favorise l'innovation, l'amorçage, le
développement, l'internationalisation, la mutation et la transmission des entreprises, en
contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres ».
Cette loi lui assigne un large champ d’intervention puisqu’elle favorise l’innovation,
l’amorçage, le développement, l’internationalisation, la mutation et la transmission des
entreprises investit de manière avisée pour financer des projets de long terme et peut stabiliser
l’actionnariat de grands entreprises porteuses de croissance et de compétitivité1389.
D’une manière générale, les tâches principales de la Bpifrance sont d’accompagner la
croissance des entreprises : très petite entreprise (TPE), petite et moyenne entreprise (PME),
entreprise de taille intermédiaire (ETI), préparer la compétitivité de demain en investissant
dans des secteurs d'avenir : conversion numérique, écologique et énergétique de l'industrie,
biotechnologies, économie sociale et solidaire (etc.), contribuer au développement d’un
écosystème favorable à l’entrepreneuriat, en étant notamment au plus près de leurs
préoccupations. C'est pourquoi la BPI dispose de 48 implantations régionales et 90% des
décisions sont prises dans les régions1390.
1385CDC : Entreprises était une société de gestion, agréée par l'Autorité des marchés financiers, contrôlée à 100
% par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Elle est principalement en charge des missions d’intérêt
public du groupe CDC dans le domaine du capital investissement ».
1386Le FSI est un fonds d’investissement souverain créé en 2009 sous forme de société anonyme, dont l’activité
principale consistait en la prise de participation au capital d’entreprises cotées et non cotées jugées stratégique
pour l’intérêt national.
1387OSEO était une société anonyme créée en 2005, spécialisée dans le financement des investissements.
1388Loi du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement, JORF, 2013, p. 44.
1389Cour des comptes, L’Etat actionnaires : entités et politiques publiques, Paris, La documentation française,
2017, p.81.
1390« La Banque Publique d'Investissement accompagne le développement des entreprises », mise en ligne le 30
janvier 2013, consulté le 5 mai 2018, URL : https://www.economie.gouv.fr/entreprises/banque-publique
investissement-BPI-développement-entreprises
367


Page 370
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Grâce à des dispositifs leur permettant d’entreprendre des investissements importants, les
entreprises à potentiel de croissance soutenues par Bpifrance se développent plus vite que les
entreprises similaires. De plus, les entreprises financées par Bpifrance créent plus d’emplois
que la moyenne nationale (1,70% de croissance des effectifs contre 0,10% en 2014).
L’intervention de Bpifrance vise également à limiter le risque de défaillance très élevé lié au
démarrage d’une activité ou lorsqu’il est nécessaire d’impulser une nouvelle dynamique dans
l’activité suite à une transmission. Bpifrance s’adresse aussi aux entreprises ayant un niveau
de solvabilité faible et leur permet de continuer leur activité pendant les périodes de tensions
sur leur trésorerie1391.
Bpifrance intervient en partenariat avec les acteurs privés en financement comme en
investissement. Ses partenaires sont principalement les pôles de compétitivité, les Banques et
les investisseurs en capital-risque, les régions et les partenaires à l’international (accords de
coopération avec des homologues de Bpifrance dans les pays étrangers, les réseaux
d’accompagnement à
l’innovation,
les
fédérations professionnelles,
les
réseaux
d’accompagnement à la création consulaires, associatifs, professionnels etc.)1392.
Toutes les opérations effectuées par Bpifrance sont guidées par des principes directeurs
qu’il convient d’exposer. Premièrement, elle intervient en vue de créer via des prises de
participations minoritaires un effet d’entrainement de
l’investissement privé par
l’investissement public. Elle recherche des Co-investisseurs privés auxquels elle laisse la
majorité des parts afin de stimuler le marché de l’investissement. Deuxièmement, la Bpifrance
est un investisseur avisé opérant aux conditions de marché. Ce principe assure la compatibilité
de l’investissement aux règles européennes. Troisièmement, la Bpifrance est un investisseur
patient1393. Autrement dit, elle accepte que la rentabilité de ses investissements se matérialise
sur un horizon de temps plus long que la plupart des investisseurs privés. Enfin, elle est au
service de l’intérêt collectif. Les décisions d’investissements doivent être prises en plus de
l’appréciation de la performance financière des entreprises, au regard de l’impact des projets
sur la compétitivité de l’économie française1394.
1391« Bpifrance, la Banque publique d’investissement », mise en ligne le 11 février 2016, consulté le 5 mai 2018,
URL : https://www.gouvernement.fr/du-concret-pour-vous-bpifrance
1392« Bpifrance », mise en ligne 20-6-2014, consulté le 10 décembre 2017, URL : www.bpifrance.fr.
1393Banque Publique d’Investissement, Doctrine d’intervention de bpifrance, 2014, p 7.
1394« Bpifrance », op, cit.
1394Banque Publique d’Investissement, Doctrine d’intervention de bpifrance, op, cit. p 7.
368

Page 371
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Bpifrance a mis en œuvre une stratégie renouvelée d’intervention en fonds propres dans
les entreprises. La stratégie poursuivie par le métier « fonds de fonds », visant à favoriser la
consolidation du marché du capital investissement par la croissance de la taille des fonds,
semble particulièrement positive dans la mesure où elle incite à la création de fonds plus gros,
dont la taille doit permettre d’attirer les investisseurs institutionnels et de soutenir
financièrement les entreprises dans la durée1395. Bpifrance a réussi à occuper une place
majeure dans le champ de l’innovation et de l’entreprenariat.
Malgré le développement de l’État actionnaire en France, plusieurs critiquent ont y été
adressées. Aujourd’hui, il cherche un nouvel équilibre entre la multiplicité de ses fonctions.
B. Les contradictions de l’État actionnaire : vers la recherche d’un équilibre
entre les différentes fonctions de l’État
La difficulté principale de l’État actionnaire tient à ce qu’il doit en permanence concilier
des objectifs nombreux et souvent contradictoires qui dépassent largement ses préoccupations
patrimoniales. L’exercice par l’État de son rôle d’actionnaire reste très compliqué par la
pluralité des missions qu’il exerce (1). L’action de l’État dans les entreprises publiques
manque depuis longtemps de clarification. C’est dans cette logique que l’ordonnance du 20
août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation
publique vient pour clarifier ce rôle (2).
1. L’État : un actionnaire multicéphale
Contrairement à un gestionnaire d’actifs privé dont l’objectif principal sinon unique est la
valorisation de son patrimoine, l’État est un actionnaire atypique soumis à une pluralité
d’exigences. L’État actionnaire coexiste avec l’État porteur de politiques publiques et
prescripteur de missions de service public, l’État gestionnaire des finances publiques, l’État
régulateur et l’État client1396.
1395Rapport public, « L’État actionnaire, l’Agence de participation de l’État », op, cit, p. 23.
1396« Tutelle, actionnariat public et régulation publique ne doivent pas être confondus. La régulation, qu’elle
émane d’un service de l’État ou d’une autorité de régulation indépendante, concerne tous les secteurs d’un
marché, avec pour but principal l’équilibre de leurs relations en vue de promouvoir la concurrence et les autres
finalités d’intérêt général. La tutelle concerne les seuls opérateurs publics et a pour objectif de permettre à l’Etat
de conduire une politique dans les secteurs ou sa présence est jugée nécessaire pour des raisons touchant aux
finalités du secteur public. Ainsi, la tendance au développement des nouvelles formes de régulation du marché,
orientées vers la mise en concurrence des opérateurs et l’égalisation de leur statut, impose-t-il moins de tutelle.
L’entreprenariat public, même s’il comporte des frontières plus restreintes qu’autrefois et emprunte, pour son
efficacité, les méthodes managériales du secteur privé et plus généralement celles du gouvernement d’entreprise,
369


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
La politique conduite par l’État actionnaire a connu un grand changement auquel la crise
financière de 2008 a largement contribué. Il a donc dû conduire une stratégie de redressement
et de reconquête industrielle associée à une action de rééquilibrage par rapport aux
défaillances du marché dans le domaine économique et financier1397. Comme l’a souligné la
Cour des comptes dans son rapport de 2017 « après plusieurs vagues de privatisations, l’État
conserve, en tant qu’actionnaire, des spécificités irréductibles. Sa place dans l’économie, ses
motivations particulières et ses mécanismes décisionnels font de lui un acteur à part du
secteur productif national »1398. Cette nouvelle fonction d’actionnaire constitue un instrument
fondamental de la politique d’assainissement budgétaire. En effet, l’État a choisi de mettre en
avant la vision industrielle du pilotage de ses participations tout en proposant pour les
entreprises concernées une stratégie de développement industriel et économique de long terme
dans le respect des intérêts patrimoniaux de la nation et de l’objet social de chaque société. Si
besoin, l’État actionnaire accompagne financièrement les entreprises dans leurs projets de
développement.
L’État en tant que gestionnaire des finances publiques entretient quant à lui un lien de
dépendance important notamment dans le secteur de l’audiovisuel public dont les recettes
proviennent à 80% de la contribution à l’audiovisuel public. Les décisions et la ligne
éditoriale du groupe France Télévisions peuvent être affectées par ce lien de dépendance.
Aussi, la Poste qui a pu investir et se développer grâce à un changement bienvenu de statut et
à une augmentation de capital. Également, Areva, dont le développement capitaliste a été
rendu possible par une contribution publique. Cette nouvelle méthode de gestion proactive de
l’État actionnaire permet l’émergence d’entreprises de référence et encourage par ailleurs le
développement de filières d’excellence au service de l’économie française1399.
Avec l’ouverture des marchés à la concurrence et en application de dispositions
européennes, l’État régulateur délègue à des autorités indépendantes cette responsabilité de
régulation naguère exercée par les administrations centrales. Donc, en tant que régulateur, il
est reproché à l’État actionnaire d’agir en défaveur d’entreprises concurrentes aux entreprises
dans lesquelles il détient des participations. Des lois ou des règlements peuvent défavoriser
certaines entreprises. Dans le secteur de l’électricité par exemple, certaines entreprises à
doit conserver sa raison d’être, à savoir la possibilité pour l’État d’utiliser les entreprises publiques dans le cadre
de sa mission générale de régulation de l’économie ». Colson (J-PH), Idoux (P), op, cit, p. 750.
1397Louvaris (A), op, cit, p. 45.
1398Cour des comptes, L’Etat actionnaires : entités et politiques publiques, op, cit, p. 4.
1399Vie publique, « L’État actionnaire, son adaptation à la libéralisation de l’économie », op, cit. Voir aussi,
Rapport du Conseil d’État « l’État actionnaire »,
op, cit, p. 60.
370

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

capitaux privés ont récemment dénoncé la fixation de tarifs réglementés, favorables à
l’opérateur historique (EDF)1400.
L’État client joue un rôle clé dans les secteurs qui dépendent de la commande publique,
essentiellement la défense même si la part des commandes militaires dans les activités des
groupes concernés a eu tendance à décroitre au profit des activités civiles. Par ailleurs, le rôle
de client que joue l’État surtout dans le secteur de la défense peut influer en faveur des
entreprises françaises. Selon le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013,
l’autonomie stratégique de la France repose sur l’existence d’une industrie de la défense1401.
Nous relevons ainsi, que l’État actionnaire a plusieurs rôles à jouer1402. Il est chargé de
gérer les participations détenues dans les entreprises. Il est garant de la valeur des actifs
publics et doit défendre par ses décisions et par ses représentants dans les organes de
gouvernance l’intérêt social des entreprises qu’il détient. Il est porteur de politiques publiques
et prescripteur de missions de service public et doit mettre en œuvre des politiques d’intérêt
général : protection des intérêts essentiels de la nation, protection de la santé et de
l’environnement, politique de l’emploi, action sociale, aménagement du territoire, politique
des transports, gestion du domaine public, (etc.).
Au regard des différents secteurs dans lesquels l’État intervient, on peut estimer qu’il se
concentre surtout sur des secteurs stratégiques. L’énergie est à la fois un enjeu économique
fondamental et un enjeu de souveraineté nationale afin de ne pas être dépendant de la
géopolitique mondiale. L’industrie de défense concerne les mêmes enjeux à la fois
économiques et de souveraineté nationale. Le secteur des transports et le secteur des médias
relèvent aussi de considération d’intérêt général. Pour le premier, l’État français a décidé très
tôt de prendre en charge les activités de transport avec la création le 1er janvier 1938 de la
Société National des Chemins De Fer suite au protocole d’accord signé le 31 août 1937 entre
l’État et les compagnies de chemin de fer. Concernant le secteur des médias, l’État investit
dans des entreprises assurant le service public audiovisuel. À côté de ces secteurs que l’on
peut qualifier de « stratégiques », l’État intervient dans des entreprises dans lesquelles il est
1400Vie publique, « L’État actionnaire, son adaptation à la libéralisation de l’économie », op, cit.
1401Ibid.
1402Contrairement en France, plusieurs pays étrangers séparent les activités des entreprises publiques de la sphère
gouvernementale. Elles consistent à clarifier le cadre d’exercice des actionnaires publics et à distinguer les
différentes missions de la puissance publique. Par exemple la politique de l’État actionnaire en Norvège qui
repose sur une séparation stricte des rôles entre l’État, Conseil d’administration et la direction de l’entreprise et
une autonomie de gestion de l’entreprise.
371



Page 374
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
plus difficile de saisir l’enjeu d’intérêt général qui a motivé l’investissement. Tel est le cas par
exemple de la Française des Jeux.
La puissance publique exerce tous ces rôles simultanément, en donnant à chacun une
pondération différente, souvent la défense de ses intérêts patrimoniaux et de l’intérêt social
des entreprises qu’il détient passe après les autres objectifs. La variété des objectifs a aussi
pour effet de multiplier les interlocuteurs. Une même entreprise peut avoir plusieurs dizaines
de correspondants. Cette polyphonie administrative et politique affaiblit l’État face aux
dirigeants des entreprises et entrave sa capacité d’anticipation1403. Aussi des conflits d’intérêts
peuvent apparaître lorsque l’État tient plusieurs rôles au sein d’un même secteur. Donnons
l’exemple du secteur aérien, l’État est à la fois actionnaire majoritaire d’Aéroports de Paris,
actionnaire de référence d’Air France-KLM, actionnaire minoritaire d’Airbus, régulateur du
trafic aérien et responsable de la tarification des droits aéroportuaires. Les pouvoirs publics
sont ainsi confrontés à la difficulté de choisir entre des objectifs parfois contradictoires.
En raison de l’identification insuffisante de sa fonction d’actionnaire, l’État n’exerçait pas
son rôle de propriétaire capitaliste de manière satisfaisante. Pour y faire face, le législateur a
créé l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital
des sociétés à participation publique1404 qui va clarifier l’action de l’État actionnaire.
2. La clarification de l’action de l’État dans les entreprises publiques : l’ordonnance
de 2014
L’ordonnance du 20 août 2014 ratifiée et partiellement modifiée par la loi du 6 août 2015
dit « loi Macron »1405 a rénové les règles de gouvernance des sociétés à participation publique
et le régime des opérations sur leur capital. Cette ordonnance vise à clarifier le cadre
d’intervention de l’État actionnaire dans les entreprises publiques1406. Elle a pour objectif de
permettre à l’État d’influencer avec autant de poids et d’autorité qu’un actionnaire de
référence de droit commun. Elle permet également à
l’État d’élargir son vivier
1403Cour des comptes, L’État actionnaire. Entités et politiques publiques, op, cit, p. 16.
1404Ordonnance n°2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des
sociétés à participation publique, JORF, 2014, p.14009.
1405Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, JORF,
2015, p.13537.
1406L’ordonnance a abrogé la plupart des anciens textes, la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du
secteur public (DSP) restant en vigueur avec un champ d’application réduit aux établissements publics.
372

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

d’administrateur afin que les entreprises publiques bénéficient de l’expérience des personnes
issues tant du secteur public que du secteur privé1407.
L’ordonnance a en effet mis fin aux règles spéciales relatives aux opérations sur le
capital des entreprises publiques à la taille de leur Conseil d’administration, ainsi, les
conditions de nomination des membres désignés ou proposés par l’État ont été clarifiées, en
recherchant un équilibre entre la souplesse des règles de droit commun et les spécificités
découlant de leur contrôle public comme la « règle du tiers » pour la représentation des
salariés. La même réforme a permis de sécuriser et d’assouplir dans le respect des principes
constitutionnels les opérations de cession, de participations publiques selon le rang des
sociétés et les procédures de cession1408.
Le champ de l'ordonnance est vaste. Elle porte à la fois sur le fonctionnement des
Conseils d'administration, la nomination des administrateurs, la gouvernance et la désignation
des dirigeants, ainsi que les opérations d'acquisition et de cession que l'État peut mener1409.
Autre changement de taille, l'État en tant que personne morale n'aura plus qu'un seul
représentant dans les Conseils d'administration. Dans les entreprises publiques (plus de 50 %
de détention), il aura obligatoirement un administrateur (issu de l'APE), les autres membres
étant désignés en Assemblée générale. En deçà de 50 %, il a la possibilité d'avoir un
représentant, mais pas l'obligation contrairement au cadre actuel. Une façon pour l'État de se
délier les mains afin de réduire plus facilement sa participation s'il le souhaite. À l'inverse, un
certain nombre de sièges sont réservés à des personnalités qu'il pourra proposer et qui
pourront être issues du privé1410.
L'ordonnance a créé enfin une fonction de Commissaire du gouvernement au sein des
entreprises. Elle existe déjà chez EDF pour dissocier le rôle de l'actionnaire de celui de l'État
client ou régulateur. Dernier volet de l'ordonnance est les cessions ou acquisitions de
participations, en particulier cotées. La Commission des participations et des transferts (CPT)
devra désormais être consultée pour les opérations de cession, même si celles-ci n'entrainent
1407Lignières (P), « L’État actionnaire, Une boîte à outils juridique enrichie pour compenser une capacité
financière réduite »,
La semaine juridique, 2014, p. 2294.
1408Sauvé (J-M), « Introduction », Actes de colloque Les entreprises publiques, Paris, La documentation
française, 2016, p. 7.
1409Conesa (E), « L'État actionnaire modernise ses règles de gouvernance », mise en ligne le 20 août 2014,
consulté
URL :
https://www.lesechos.fr/20/08/2014/LesEchos/21753-008-ECH_l-etat-actionnaire-modernise-ses-regles-de
gouvernance.htm#fyBTTWCe7y4rh8Jc.99https://www.lesechos.fr/20/08/2014/LesEchos/21753-008-ECH_l-
etat-actionnaire-modernise-ses-regles-de-gouvernance.htm
1410Ibid.
2018,
mars
le
5
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
pas de privatisation. Elle pourra également être saisie pour les opérations d'acquisition, ce qui
n'est pas le cas aujourd'hui1411.
Actuellement, l’État actionnaire dispose de leviers plus puissants pour une intervention
clarifiée au regard des différents rôles qu’il exerce. Par exemple, dans les Conseils
d’administrations, les ministères de tutelle ne sont plus membres-administrateurs, mais
peuvent être désignés Commissaires du gouvernement. Cela met fin à la confusion des rôles
au sein de la gouvernance des entreprises publiques.
D’emblée, l’ordonnance de 2014 constitue un progrès mais la clarification des motifs
d’intervention reste cependant partielle. L’ordonnance ne s'applique en revanche qu'aux
sociétés et non aux établissements publics ce qui exclut notamment la SNCF et la RATP1412.
L’ordonnance a utilement clarifié le cadre d’intervention de l’État actionnaire, mais elle n’a
toutefois pas supprimé les redondances et les complexités existantes comme le recours
fréquent à des seuils de détention à portée parfois symbolique qui s’ajoutent à des protections
règlementaires fortes comme dans le cas d’Engie1413 ou du groupe ADP1414.
Paragraphe 2. L’État actionnaire en Tunisie : de l’absence d’une stratégie
claire à une volonté de réforme
L’État a un rôle ambivalent auprès des entreprises publiques puisqu’il est actionnaire et à
ce
titre soucieux des performances économiques et
financières des entreprises.
Malheureusement, en Tunisie, le rôle de l’État comme actionnaire est faible (A). Aujourd’hui,
une réforme de la gouvernance des entreprises publiques devrait être entamée sans plus tarder.
Le renforcement de la fonction actionnaire, le retour à la responsabilisation des dirigeants et
l’allègement des contrôles de conformité apparaissent comme les clés d’une amélioration de
l’efficacité des entreprises publiques (B).
5
le
mars
1411Conesa (E), « L'État actionnaire modernise ses règles de gouvernance », mise en ligne le 20 août 2014,
consulté
URL :
https://www.lesechos.fr/20/08/2014/LesEchos/21753-008-ECH_l-etat-actionnaire-modernise-ses-regles-de
gouvernance.htm#fyBTTWCe7y4rh8Jc.99https://www.lesechos.fr/20/08/2014/LesEchos/21753-008-ECH_l-
etat-actionnaire-modernise-ses-regles-de-gouvernance.htm
1412Cour des comptes, L’État actionnaire, entités et politiques publiques, op, cit, p. 16.
1413Engie, anciennement GDF Suez, est un groupe industriel énergétique français. C'est le troisième plus grand
groupe mondial dans le secteur de l'énergie en 2015. Son principal actionnaire est l'État français qui détient un
quart du capital.
1414Groupe ADP, anciennement Aéroports de Paris, est une entreprise française qui construit, aménage et
exploite des plates-formes aéroportuaires.
2018,
374

Page 377
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

A. Les principaux facteurs expliquant la contre-performance de la fonction
actionnaire de l’État
En Tunisie, la fonction actionnaire de l’État reste faible. C’est le résultat notamment de
l’émiettement institutionnel mais aussi du manque de ressources et de la supériorité du rôle du
ministre de tutelle. L’État actionnaire se caractérise par un système de gouvernance mal
construit à l’origine et qui se traduit par une mauvaise gestion des ressources publiques qui
amène les autorités à renforcer ses contrôles qui dans le même temps déresponsabilisent
davantage les dirigeants de ces entreprises. Il ne semble pas qu’il y ait eu de grandes réformes
des entreprises publiques depuis les années quatre-vingt-dix à la différence de la France1415.
Le diagnostic largement partagé de la situation des entreprises publiques en Tunisie remet
en cause leur gouvernance et souligne de nombreux dysfonctionnements tels que les trop
nombreux contrôles qui ont affecté le fonctionnement et la performance des entreprises
publiques, alors que le rôle d’État actionnaire s’avère peu assuré. Dans le même sens, la
diversité des structures en charge de la supervision, la complexité du paysage administratif
ainsi que l’implication de plus en plus déterminante de nouvelles parties prenantes notamment
à travers les mouvements sociaux et les revendications de la société civile nuisent à la
performance des établissements publics.
Pour chaque entreprise, il existe trois institutions différentes. Le ministère de tutelle, le
Premier ministère qui dispose de deux unités indépendantes : l’Unité de suivi de l'organisation
des entreprises publiques et l'Unité de suivi des systèmes de productivité dans les entreprises
publiques et enfin, la Direction Générale de participations du ministère des Finances.
Les ministères de tutelle ont pour responsabilité principale de surveiller les entreprises
publiques de leur secteur. Ils sont responsables de l'approbation des contrats-programmes, des
budgets provisionnels, des états financiers, des délibérations du Conseil d'administration, des
grilles des salaires et des augmentations de salaire1416. En outre, ils examinent pratiquement
toutes les questions relatives aux ressources humaines et à l'organisation1417. Conformément
à la loi de 1989 et les décrets d’application, les ministères de tutelle ont les responsabilités
suivantes « nomination des membres du Conseil d'administration, en général, le ministre de
1415Rapport « Pour une meilleure gouvernance des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 8.
1416Rapport de synthése sur la réforme des entreprises publiques en Tunisie, Mars 2018, p. 16.
1417Par exemple, organigrammes, statuts spéciaux, titres de classement des emplois, plans de compensation,
conditions de nomination, programmes de recrutement, augmentations de salaires, voyages à l'étranger, et
systèmes de suivi des performances.
375



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
tutelle nomme deux ou trois représentants et les autres ministères nomment d’autres
représentants, nomination des dirigeants. Un ministre nomme le président-directeur général
(PDG) et l'équipe de direction, approbation des décisions du conseil d’administration. Les
décisions des Conseils d’administration des entreprises publiques sont soumises à
l’approbation du ministre de tutelle. Les décisions ne deviennent applicables qu’après accord
explicite de ce dernier. Il s'agit notamment des décisions qui sont normalement considérées
comme la responsabilité des actionnaires (contrats de performance, états financiers,
approbation du budget et de son exécution et rémunération de la direction), la loi donne le
pouvoir au ministre d'approuver ou non les décisions relatives aux rémunérations,
organigrammes et recrutements. Aussi, toute modification des entreprises publiques
entrainant des changements dans l’organigramme ou l’ouverture de postes de direction est
soumise à autorisation préalable du ministère de tutelle. Ces modifications font l’objet de la
publication d’un décret du chef du Gouvernement »1418.
L’Unité de suivi de l’organisation créée en 2002 a pour objectif de fournir des avis sur les
projets de lois et règlements relatifs aux entreprises publiques, participer à l'élaboration des
politiques de rémunération dans les entreprises publiques et approuver les propositions des
entreprises publiques dans les domaines des changements juridiques, des plans de
rémunération et des organigrammes. Alors que l’Unité de suivi de la productivité des
entreprises publiques créée en 2002 est chargée de surveiller la performance des entreprises et
de participer au développement des contrats de performance passés avec leurs dirigeants.
L'Unité est également responsable de l'élaboration des rapports sur les entreprises publiques,
de l’actualisation de la base de données sur les entreprises publiques et des procédures
relatives à la nomination des représentants spéciaux de l'État. Enfin, la Direction Générale des
participations du ministère des Finances qui est responsable de la gestion du portefeuille de
l'État. Elle met en œuvre la politique du gouvernement sur les opérations capitalistiques
(achat, cession fusion, restructuration, (etc.)) des entreprises publiques et sur les intérêts de
l'État1419.
L’organisation institutionnelle telle que définie ne constitue pas un ensemble structuré et
cohérent. Elle présente ainsi de nombreuses limites. L’absence de séparation claire entre les
missions de contrôle et de gestion conduit à des interférences directes des ministères dans les
1418Loi n°89-9 du 1er février 1989 relative aux participations, entreprises et établissements publics telle que
modifiée et complétée par la loi n°94-102 du 1
er Aout 1994, la loi nn°96-74 du 29 juillet 1996, la loi n°99-38 du
3 Mai 1999 et la loi n°2001-33 du 29 mars 2001.
1419Rapport « Pour une meilleure gouvernance des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 8.
376


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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

opérations qui viennent ralentir la prise de décision et in fine, déresponsabilise les Conseils
d’administration. Par ailleurs, la multiplicité des fonctions assumées par l’État sans distinction
claire (actionnaire, contrôleur, décideur politique, régulateur, etc.) risque d’entrainer des
dysfonctionnements et des pratiques anticoncurrentielles sur le marché. Les différents
ministères de tutelle, bien qu’ayant une connaissance certains des secteurs manquent de
compétences opérationnelles, notamment financières et commerciales. Enfin, la fragmentation
de la fonction rend les contrôles complexes et parfois inefficaces et la redevabilité diffuse,
voire inexistante1420.
Dans un modèle efficace, la Direction Générale est responsable pour définir la vision, la
mission, les objectifs, la stratégie et les valeurs de l’entreprise. L’encadrement est la courroie
de transmission de toutes les décisions stratégiques de la Direction Générale vers l’ensemble
des collaborateurs de l’entreprise. De sa capacité à intégrer, supporter et communiquer la
vision, la mission, les objectifs et les valeurs de l’entreprise et à donner l’exemple dépendent
les degrés de motivation, d’engagement et de satisfaction des collaborateurs. Si, ni la
Direction Générale ni le reste de l’encadrement ne sont préparés, ni formés, ni même chargés
d’effectuer ce travail, il n’y aura pas de rôle moteur de l’encadrement. C’est malheureusement
le cas dans la plupart des entreprises publiques tunisiennes. Ceux qui persistent parmi les
dirigeants de ces grandes entreprises et qui s’aventurent à vouloir changer des choses se
heurtent systématiquement à la sacro-sainte approbation préalable du ministère de tutelle,
même lorsque cela relève profondément de leurs fonctions de dirigeants d’entreprises1421.
La fonction actionnaire souffre de plusieurs insuffisances reconnues dans leur ensemble
par toutes les institutions de la chaîne. On constate une confusion généralisée dans la
conception même des différents rôles de l’État. Elle se matérialise dans l’utilisation extensive
du terme de « tutelle » qui englobe souvent la fonction « actionnaire », mais aussi celle de
contrôle des deniers publics ou encore de développement économique et social du pays. En
outre, cette fonction « actionnaire » n’est ni clairement identifiée au sein du dispositif
étatique ni appliquée avec toute la vigueur requise1422.
1420Rapport « La réforme des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 17.
1421Abaab (H), « Le désastre Managérial des Entreprises Publiques Tunisiennes : Un modèle de management
2018. URL:
insensé », mise
http://www.leaders.com.tn/article/20529-le-desastre-managerial-des-entreprises-publiques-tunisiennes-un-
model-de-management-insense

1422Rapport « La réforme des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 17.
septembre
7 mars
consulté
2016,
ligne
en
le
le
7
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
La fonction actionnaire dans le dispositif tunisien est en théorie remplie par les contrats-
programmes qui lient les entreprises publiques aux objectifs de l’État et les représentants de
l’État aux Conseils d’administration des entreprises publiques. Sur le principe, les contrats-
programmes correspondent à une bonne pratique dans la mesure où ils fixent clairement aux
entreprises publiques les orientations et buts à atteindre. Ces contrats-programmes existent
dans de nombreux pays comme en France. En analysant les conditions d’élaboration et de
suivi des contrats-programmes en Tunisie, on peut estimer qu’ils comportent de nombreuses
faiblesses. D’abord, ils ne sont pas systématiques, c'est-à-dire qu’ils ne sont pas mis en place
dans toutes les entreprises publiques, 80% des entreprises en disposent, parmi les 20%
restants. Ensuite, ils ne sont pas contraignants. Bien qu’ils revêtent une apparence
contractuelle il arrive très fréquemment que les engagements réciproques ne soient pas
respectés. Par exemple, une entreprise publique s’engage à faire un investissement dont le
financement pourra être assuré par le relèvement d’un prix administré. Si, l’État ne donne pas
suite en vertu d’un choix politique ultérieur différent, l’entreprise publique est alors déliée de
ses obligations et le contrat tombe de fait en désuétude. Même si l’État respecte ses
engagements dans l’hypothèse où l’entreprise publique ne réaliserait pas ses objectifs, le
dispositif n’étant pas assorti de sanction, il n’y aurait pas de conséquences pour le PDG de
l’entreprise. Il convient également de signaler que les contrats-programmes ne sont pas rendus
publics. Enfin, ils sont de facture très inégale. La qualité de ces contrats est parfois médiocre
et témoigne du peu d’attention que portent certaines entreprises publiques dans l’élaboration
d’un document qu’elles jugent d’une importance mineure1423.
Pour faire face à ces défis, une réforme de la gouvernance des entreprises publiques
devrait être entamée sans plus tarder. Aujourd’hui, la réforme de la fonction actionnaire de
l’État et la gouvernance des entreprises publiques est une question cruciale pour le
développement économique et social de la Tunisie pour trois raisons principales.
Premièrement, la Révolution tunisienne a lancé un débat sur la gouvernance des
établissements et sociétés publics dans la mesure où plusieurs affaires liant le clan BEN ALI à
des établissements publics ont vu le jour. Deuxièmement, à l’heure où la marge de manœuvre
fiscale est de plus en plus limitée, il est important d’identifier les risques budgétaires
potentiels liés aux établissements et sociétés publics. Enfin, ces derniers jouent un rôle
essentiel dans des secteurs clés de l’économie tunisienne comme le secteur bancaire, les
1423Rapport, Tunisie, « Pour une meilleure gouvernance des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 8.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

transports ou l’industrie et ont donc un impact économique et social très important
aujourd’hui.
B. La nécessité de repenser la fonction actionnariale de l’État
Après la Révolution, le gouvernement de Youssef CHAHED a proposé une série de
mesures pour une restructuration des entreprises publiques et pour une meilleure stratégie de
l’État actionnaire (1). En outre, l’intervention des organisations internationales et des
institutions financières internationales a été une bonne initiative pour améliorer la fonction
actionnaire de l’État (2).
1. Les mesures prises par le gouvernement pour améliorer la fonction actionnaire de
l’État
Selon un rapport gouvernemental en date du 15 mai 2017, les entreprises publiques en
Tunisie étaient au nombre de 104 en 2014, travaillant dans 21 secteurs de production et de
services. Elles dégageaient en 2010 des bénéfices d’un total d’un peu plus de 1,176 Milliard
DT. Six années plus tard, en 2015, elles affichaient un déficit de presque 1,1 Milliard DT. À
la fin de la même année et on suppose que cela a beaucoup augmenté depuis le cumul des
pertes des entreprises publiques de 2012 à 2015 a dépassé les 2,5 Milliards DT1424. Ledit
rapport a identifié ces causes. D’abord, la multiplicité des problèmes au niveau de la
gouvernance. Ensuite, le manque de vision stratégique claire. Enfin, la faible productivité. 41
entreprises publiques ont enregistré une perte de 1,881 Milliard DT depuis leur création et
jusqu’à 2010.1425.
Le gouvernement de Youssef CHAHED a proposé une panoplie de mesures pour une
restructuration sociale, financière et de gouvernance des entreprises publiques. Il a proposé la
création d’une agence comme en France pour la gestion des participations de l’État, une
gouvernance qui sépare la gestion du contrôle et la nomination de gestionnaires sur appel à
manifestation d’intérêt et choix sur dossier. Mais aussi un cadre législatif qui permet d’attirer
les compétences à l’instar du secteur privé. Plus important, le gouvernement CHAHED a
proposé un certain nombre de mesures financières. Il a proposé la création de ce qu’il appelle
un Fond de restitution de 1.000 Milliard DT. Selon le gouvernement, ce fond devra être
1424Boumiza (K), « Le livre noir, des entreprises publiques. Un gouffre financier de 2,5 milliards DT », mise en
ligne le 11 octobre 2017, consulté le 6 mars 2018, URL : https://africanmanager.com/17_tunisie-le-livre-noir-
des-entreprises-publiques-un-gouffre-financier-de-25-milliards-dt/
1425Ibid.
379


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
financé en partenariat avec le secteur privé qui devra y injecter 500 Milliard DT. Le reste sera
injecté par la Caisse des dépôts et consignation ou autres sociétés d’investissement1426.
L’État a créé une Caisse des dépôts et consignation (CDC), Elle est un acteur
incontournable de l’investissement de long terme au service de l’intérêt général et ce en appui
aux politiques publiques de développement et de soutien aux PME génératrices d’emplois. La
Caisse ferait levier pour financer les grands projets d’infrastructure générateurs d’emplois et
de développement1427.
La Caisse des dépôts et consignations a été créée par un décret du 13 septembre
20111428. D’après l’article 1er de ce décret : « il est créé un établissement public doté de la
personnalité morale et de l’autonomie financière, nommé Caisse des dépôts et consignations,
son siège social est à Tunis. Il peut ouvrir des bureaux à l’intérieur du pays ». Elle est
caractérisée par son mode de gouvernance, sa doctrine d’investissement et sa culture de
gestion des risques. Son statut lui confère le rôle d’acteur incontournable dans le
développement économique et social de la Tunisie pour servir l’intérêt général. Étant le bras
financier de l’État, la Caisse est à la fois initiateur et partenaire au niveau de ses
investissements, elle intervient aussi bien dans les grands projets structurants à caractère
stratégique qu’au niveau des PME porteuses de compétitivité et génératrices d’emplois. La
Caisse contribue également à la dynamisation du marché financier. L’objectif à terme étant de
permettre de résorber le chômage à travers l’optimisation des ressources existantes pour la
promotion de l’investissement, notamment dans les régions de l’intérieur1429.
1426Boumiza (K), « Le livre noir, des entreprises publiques. Un gouffre financier de 2,5 milliards DT », mise en
ligne le 11 octobre 2017, consulté le 6 mars 2018, URL : https://africanmanager.com/17_tunisie-le-livre-noir-
des-entreprises-publiques-un-gouffre-financier-de-25-milliards-dt/
1427Jouini (E), Dhafer (S), « La situation post-révolution en Tunisie : l’État, le financement de l’économie et le
système bancaire »,
Techniques Financières et Développement, 2014, pp. 17-25.
1428Décret- loi n° 2011-85 du 13 septembre 2011, portant création de la « caisse des dépôts et consignations »,
JORT, 2011, p. 1846.
1429Tallal, « Tunisie. La Caisse des dépôts et des consignations verra le jour avant fin 2011 », mise en ligne 1
aȏut 2011, consulté le 20 février 2018. URL : https://www.webmanagercenter.com/2011/08/01/108625/tunisie-
la-caisse-des-depots-et-des-consignations-verra-le-jour-avant-fin-2011/
380






Page 383
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

La Caisse réalisera des investissements stratégiques à long terme dans les secteurs des
nouvelles technologies (TIC), l’infrastructure de base et les grands projets et ce d’une manière
individuelle ou dans le cadre d’un partenariat avec le secteur privé dans le respect des règles
de la concurrence et de la rentabilité1430.
Les projets présentés à la Caisse touchent à plusieurs secteurs notamment l’agriculture,
l’industrie et les services. Ils se répartissent en trois catégories dont certains sont entrés en
production et font face à des difficultés. D’autres sont en cours de réalisation mais manquent
de moyens financiers. Alors que les autres projets sont à la recherche de financement1431.
Cependant, cette institution n’a pas encore les moyens de s’acquitter des objectifs ambitieux
qui lui ont été fixés en termes de développement de grands projets stratégiques et de
renforcement des infrastructures1432.
La Caisse de dépôts et consignations française et la Caisse de dépôts et consignations
tunisienne ont accepté de coopérer pour l’innovation et l’émergence de start-up en Tunisie.
Le 6 octobre 2017, Youssef CHAHED, Chef du gouvernement tunisien et Edouard
PHILIPPE, Premier ministre de la République française, ont signé une lettre d’intention
marquant la volonté des partenaires de soutenir l’innovation et les start-up tunisiennes. Anava
Tunisia sera le premier projet à bénéficier de l’accord signé ce jour et concrétise l’engagement
des trois partenaires à soutenir l’innovation dans le pays. Son objectif est d’impulser une
dynamique forte de soutien aux entreprises innovantes en Tunisie, en développant un
instrument de financement en capital, un mécanisme de garantie et une dotation de prêts
d’honneur. Ainsi, Anava Tunisia devrait permettre l’émergence d’un écosystème tunisien
propice à l’éclosion et au développement de startups à forts potentiels. La Caisse des dépôts et
1430Tunisie : La Caisse des dépôts… pour relever le défi de l’investissement et de l’emploi, mise en ligne 4 Aout
2011, consulté le 20 février 2018. URL :https://www.webmanagercenter.com/2011/08/04/108788/tunisie-la-
caisse-des-depots-pour-relever-le-defi-de-l-investissement-et-de-l-emploi/
2014,
1431Tunisie, Siliana : Présentation de 17 projets à la Caisse des dépôts et des consignations, mise en ligne le 12
décembre
URL :
https://www.webmanagercenter.com/2014/12/12/158063/tunisie-siliana-presentation-de-17-projets-a-la-caisse-
des-depots-et-des-consignations/

1432OCDE, « Les partenariats public-privé en Tunisie : Analyse des cadres juridique et institutionnel », Aout
2015, p. 41.
consulté
février
2018,
20
le
381


Page 384
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
consignations de Tunisie, principal opérateur de ce projet pour le compte de l’État Tunisien
participera directement à sa mise en œuvre1433.
Cet accord permet à la Caisse, en bénéficiant de l’appui de ses partenaires de participer à
un environnement prometteur au renforcement des start-up, secteur important pour le
développement de l’économie tunisienne.
Parmi les mesures prises aussi par le gouvernement de Youssef CHAHED est la refonte
du système de gouvernance globale des entreprises publiques afin de repenser totalement le
rôle de l’État, notamment son rôle d’État actionnaire à travers la création d’une structure
centrale et unique de gestion des entreprises publiques. Cet axe se compose de cinq
objectifs1434 :
Premièrement, préparer l'élaboration de la stratégie actionnariale de l'État par un certain
nombre d’actions préliminaires nécessaires en amont de l’élaboration de la stratégie en tant
que telle. Il s’agit notamment de mieux connaitre et partager l’état des lieux de l’existant,
aussi bien en ce qui concerne les structures intervenant actuellement dans la stratégie
actionnariale de l’État, que les entreprises publiques.
Deuxièmement, élaborer la stratégie actionnariale de l'État, aussi bien dans sa vision
stratégique à long terme et son positionnement, que dans les priorités de l’État à un temps
donné en fonction de la politique à moyen terme du gouvernement.
Troisièmement, mettre en œuvre la stratégie actionnariale de l'État. Une fois la stratégie
actionnariale de l’État élaborée, la création d’une structure centrale de gestion des entreprises
publiques constituera une étape fondamentale. En parallèle, l’harmonisation éventuelle de
l’ensemble des entreprises publiques sous un même statut contribuera la réalisation des
objectifs du secteur. Une bonne communication est incontournable pour accompagner ces
changements importants.
Quatrièmement, développer le rôle des ministères techniques de tutelle dans la définition
des politiques sectorielles, des contrats objectifs, des contrats programmes et des contrats de
performance et leur suivi. Cet objectif doit permettre de réviser le rôle des ministères
techniques et leur relation avec les entreprises publiques de leur secteur en les inscrivant dans
1433Groupe Caisse des dépots, « L’AFD, les Caisses des Dépôts française et tunisienne partenaires pour
l’innovation et l’émergence de start-up en Tunisie », mise en ligne 6 octobre 2017, consulté le 5 avril 2018 :
URL :

http://www.caissedesdepots.fr/lafd-les-caisses-des-depots-francaise-et-tunisienne-partenaires-pour-
linnovation-et-lemergence-de
1434Rapport « La réforme des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 17.
382

Page 385
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

le cadre de politiques sectorielles globales et efficaces. La contractualisation de cette relation
favorisera la performance des entreprises publiques ainsi que leur suivi. Toutefois, les
différents types de contrats existants ont montré leurs limites, ils devront donc être repensés
dans une logique plus équilibrée.
Enfin, renforcer la lutte contre la corruption. Cette exigence est au cœur des aspirations
populaires depuis la Révolution. Les entreprises publiques sont un secteur particulièrement
sensible à la corruption, justifiant d’y consacrer un objectif entier afin de renforcer les
mécanismes pour prévenir la fraude interne et dénoncer la corruption. Ce travail qui doit être
fait en étroite collaboration avec l'Instance nationale de lutte contre la corruption, doit
démarrer dès que possible.
En définitive, le gouvernement de Youssef CHEHED a pris plusieurs mesures que l’on
pourrait dire efficace pour le renforcement de la fonction actionnaire de l’État. Les
organisations internationales ont aussi apporté plusieurs solutions pour améliorer la
gouvernance des entreprises publiques en Tunisie.
2. L’intervention des organisations internationales pour améliorer la gouvernance
des entreprises publiques en Tunisie
La Tunisie post-révolution est amenée à repenser la fonction actionnariale de l’État. À
cette fin, une récente étude de la Banque mondiale suggère d’approfondir deux axes majeurs.
D’une part, un meilleur contrôle de la rentabilité des entreprises publiques et d’autre part, le
renforcement du rôle des Conseils d’administrations dans leur gestion1435.
L’étude de la Banque mondiale révèle une mauvaise qualité de l’information financière
publiée par les entreprises publiques, voire même son inexistence pour certaines sociétés. Les
experts recommandent en conséquence de mettre en œuvre une meilleure transmission des
informations financières ainsi qu’une estimation régulière des risques budgétaires. Pour
Laurent GONNET1436, l’information financière manque de visibilité, les entreprises publiques
ont l’obligation de publier leurs résultats financiers au Journal officiel des annonces
légales1437.
1435Rapport, Tunisie, « Pour une meilleure gouvernance des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 13.
1436Spécialiste en chef du secteur financier à la Banque mondiale.
1437Benghir (F), « Tunisie, Entreprises publiques : La bonne gouvernance n’est pas toujours de mise ! », mise en
ligne
URL :
consulté
https://www.webmanagercenter.com/2013/05/20/134974/tunisie-entreprises-publiques-la-bonne-gouvernance-n-
est-pas-toujours-de-mise/

2013,
2018,
mars
mai
20
le
le
3
383


Page 386
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Aussi pour GONNET,
la nomination des administrateurs dans
les Conseils
d’administration n’est pas toujours bien engagée et ne répond pas au souci de compétence.
Une compétence qui doit obéir à des critères en matière de connaissance des métiers, de
l’audit et de l’informatique. Tout comme elle relève aussi l’inefficacité du système de
contrôle des entreprises publiques. Un système de contrôle tatillon qui demeure inefficace et
en dessous des standards. Plus on crée de couches de contrôle, plus le rôle du Conseil
d’administration en matière de gestion des entreprises publiques (désignation des dirigeants,
contrôle interne…) s’affaiblit1438. Il est important qu’une structure de suivi et de contrôle des
entreprises soit renforcée en personnels et compétences. Elle pourrait alors exercer pleinement
son mandat. L’effectif total de l’Agence des participations de l’État en France est d’une
soixantaine de personnes dont plus des deux tiers sont des cadres. L’Agence est organisée en
trois pôles d’expertise (audit, comptabilité, finances et juridique) et en entités chargées des
relations avec les entreprises regroupées par grands secteurs d’activité (transports, énergie,
services, audiovisuel et défense). La mixité des cursus dans l’APE est intéressante. Ainsi plus
d’une dizaine de collaborateurs contractuels sont issus de banques d’affaires ou des cabinets
d’audit, dont certains ont eu préalablement une vie professionnelle dans la fonction publique
et collaborent avec des fonctionnaires. De même, au Maroc, la direction des entreprises
publiques et de la privatisation (DEPP) comptait, fin octobre 2012, 335 cadres et agents dont
134 agents chargés du contrôle financier. Elle prévoyait de recruter 30 cadres supérieurs en
20131439.
La Banque mondiale insiste aussi sur la suppression de la tutelle a priori et de codifier les
décisions qui supposent une information préalable ou une approbation de l’actionnaire.
S’agissant du Conseil d’administration, il est préconisé de le restaurer dans sa fonction
principale de gestion de l’entreprise. Concernant sa composition, la nomination de ses
membres doit relever de procédures méthodiques et transparentes. Le Conseil doit avoir un
mandat clair pour assurer sa fonction de pilotage stratégique et être responsable des décisions
prises. Il faut le laisser jouer son rôle de pivot de la relation entre l’entreprise et l’actionnaire
et supprimer l’emprise de l’État à tous les niveaux. En outre, les structures de suivi des
2014,
février
consulté
1438Tunisie, « Revoir la fonction actionnaire de l’État dans la gestion des entreprises publiques » mise en ligne le
5
URL :
le
https://www.google.fr/search?q=Tunisie%2C+%C2%AB+Revoir+la+fonction+actionnaire+de+l%E2%80%99Et
at+dans+la+gestion+des+entreprises+publiques+%C2%BB+Banque+mondial%2C+mise+en+ligne+le+5+f%C3
%A9vrier+2014&oq=Tunisie%2C+%C2%AB+Revoir+la+fonction+actionnaire+de+l%E2%80%99Etat+dans+l
a+gestion+des+entreprises+publiques+%C2%BB+Banque+mondial%2C+mise+en+ligne+le+5+f%C3%A9vrier
+2014&aqs=chrome..69i57.867j0j1&sourceid=chrome&ie=UTF-8
1439Rapport, Tunisie, « Pour une meilleure gouvernance des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 20.
décembre
2017,
10
384

Page 387
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

entreprises publiques devraient améliorer la fiabilité des états financiers et s’interroger sur les
questions soulevées par les auditeurs dans leurs rapports de certification, compte tenu du
risque financier et des réserves soulevées par les réviseurs légaux1440.
Le FMI de sa part, insiste sur le fait qu’améliorer la gouvernance et la surveillance des
entreprises publiques déficitaires1441. Aussi, des organisations internationales, telles que
l’OCDE ont résumé dans plusieurs documents les principes les plus à même d’améliorer les
performances des entreprises publiques. D’abord, elles doivent bénéficier d’une autonomie de
gestion. À cet égard, il faut que les Conseils d'administration puissent définir les stratégies de
l’entreprise et prendre la plupart des décisions. Seules les décisions clés sont réservées au
gouvernement. Ensuite, les principaux objectifs des entreprises publiques doivent être
clarifiés, liés à la stratégie d'entreprise et surveillés régulièrement afin d’estimer si ces
objectifs sont atteints. Dans ce cadre, il incombe aux Conseils d’administration la
responsabilité d’atteindre ces objectifs. Enfin, le gouvernement doit être en mesure d'exercer
de manière professionnelle ses droits de propriété sur les entreprises. Les entreprises doivent
être régies autant que possible, comme une entreprise privée grâce à un Conseil
d'administration composé de personnalités compétentes. Ces dernières veillent à la gestion
rigoureuse de l’entreprise et à la défense des intérêts de la société et de tous ses
actionnaires1442.
En Tunisie, ces grands principes ne sont pas mis en œuvre dans leur ensemble. Le
système de gestion des entreprises publiques reste marqué par un manque de transparence.
Une fonction actionnaire reste encore faible, ainsi que par une forte possibilité d’interférence
politique. Il est nécessaire donc d’aborder une réforme de la fonction actionnaire de l’État
sans tarder.
En définitive, les mesures prises par le gouvernement tunisien et français à l’échelle
nationale font l’objet de relancer le développement économique et social du pays. Si la France
a connu plusieurs réformes pour améliorer la régulation de l’économie, la Tunisie a besoin
encore de réformes dont l’État laisse la liberté aux différents acteurs de décider et de prendre
la décision. L’État a pris non seulement des mesures à l’échelle nationale, il a aussi développé
ses actions à l’échelle locale pour relancer le développement économique local.
1440Rapport, Tunisie, « Pour une meilleure gouvernance des entreprises publiques en Tunisie », op, cit, p. 22.
1441Boumiza (K), op, cit.
1442OCDE, « Un programme de réformes à l’appui de la compétitivité et de la croissance inclusive », Mars, 2015,
p. 43.
385


Page 388
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Conclusion du chapitre I
Ce chapitre a souligné le caractère extrêmement progressif de l’ouverture à la
concurrence et à l’économie de marché qui se traduit davantage par un changement des
modalités et des moyens d’action de l’État. Ces modifications conduisent à la diminution de
l’intervention de l’État comme acteur principal dans divers secteurs économiques.
Aujourd’hui, l’État intervient en tant que régulateur sur le marché. Il intervient par des
autorités de régulation. Contrairement en France, la création de ces autorités en Tunisie
demeure en réalité un choix imposé plutôt qu’une véritable volonté de consacrer une politique
économique axée sur la régulation. Les autorités de régulation en France prennent
généralement la forme d’autorités administratives indépendantes. L’indépendance implique
une absence de tutelle ou de pouvoir hiérarchique de la part du gouvernement, alors qu’en
Tunisie, cette qualité est plutôt potentielle que réelle.
L’incapacité de l’État tuteur à relancer l’économie a conduit à la remise en cause de
l’entreprise publique. Face à cette situation, l’État a changé ses modes d’intervention, il est
devenu actionnaire. Dès lors, il va règlementer et réguler les secteurs d'activité de ces
différentes entreprises à l'intérieur desquelles, il est à la fois actionnaire mais également et,
très souvent, le client. En France, l’État actionnaire a connu un essor important avec une
évolution importante. Alors qu’en Tunisie, l’État actionnaire se caractérise par un système de
gouvernance mal construit dont l’origine se traduit par une mauvaise gestion des ressources
publiques ce qui amène les autorités à renforcer ses contrôles.
Aujourd’hui,
les collectivités
territoriales peuvent participer au développement
économique local par différents moyens. Quels sont alors, ses moyens de développement ?
386









Page 389
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Chapitre 2. Les actions des collectivités territoriales susceptibles
d’orienter l’économie à l’échelle locale : le renforcement de la
coopération interne et internationale
À partir du moment où le développement est devenu local, voire territorial, le partage du
pouvoir entre les acteurs locaux est devenu principal. Pour cela, de nouvelles actions ont fait
leur apparition. Ils ont été véhiculés par les organisations internationales et introduits
progressivement dans les pays en développement. Ces actions sont essentiellement la
participation,
le partenariat,
la gouvernance,
l’intercommunalité et
la coopération
décentralisée. Si en France, ces actions sont appropriées et permettent aux acteurs de se
positionner dans des projets de développement territorial. En Tunisie, leur évocation est
souvent le résultat de directives d’organisations internationales ou de bailleurs de fonds.
Toutes ces actions pour le développement local trouvent leurs fondements dans la bonne
gouvernance locale. Dans le cadre d’une absence d’une définition juridique claire qui
rassemble les deux notions : la bonne gouvernance1443 et le local1444, en se référant aux
définitions données par les institutions financières internationales. On peut définir la bonne
gouvernance locale comme étant l’ensemble des institutions, des mécanismes et des processus
de gestion qui permettent aux citoyens et aux groupements des citoyens d’exprimer leurs
intérêts et leurs besoins, de régler leurs différends et d’exercer leurs droits et obligations à
l’échelon local.
L’action menée par l’État au niveau local se différencie d’un État à un autre. En France,
les collectivités territoriales ont un rôle important dans le développement économique local en
raison de la multiplicité de ses actions et la liberté d’exercer ses fonctions : autonomie
financière et administrative (Section 2), alors qu’en Tunisie, les actions des collectivités
territoriales durant ces années ont démontré leurs limites. Elles ne disposent ni de l’autonomie
administrative ni des moyens financiers pour intervenir dans le développement économique
local (Section 2).
1443L’organisation de coopération de développement économique (OCDE) identifie la bonne gouvernance à
travers la fixation de leurs principes relatifs à la bonne gouvernance tel que la primauté de droit, la transparence,
l’obligation de rendre compte aux institutions démocratiques, l’équité , la consultation et la participation des
citoyens, l’efficience et l’efficacité des services publics, des lois et des règlementations claires et transparentes ,
la cohérence de la formulation de la politique et l’éthique de la bonne gouvernance.
1444Le local est un lieu spécifique et particulier par rapport au globale c'est-à-dire l’échelle nationale ou
internationale qui constitue la Communauté internationale en tant qu’un ensemble très universel incluant en son
sein les États, les organismes internationaux à vocation universelle, les particuliers et même les opinions
publiques internationales. Par conséquent, la notion est identifiée par collectivités locales qui constituent une
institution administrative à base territoriale, terme couramment employé dans l’expression collectivités
territoriales ou locales.
387


Page 390
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Section 1. Les actions visant le développement économique local en France :
des actions diversifiées
Les relations entre les collectivités territoriales et l’économie n’ont longtemps été
appréciées qu’à travers ce qu’il est convenu d’appeler l’« interventionnisme économique »
c’est-à-dire le moment où une collectivité intervient dans un domaine réservé à l’initiative
privée1445. Ces interventions sont demeurées soumises à des conditions très restrictives sinon
à une interdiction totale et très largement définie par la jurisprudence administrative.
Néanmoins, dans le contexte de crise économique des années soixante-dix, la question du
développement économique local et les modalités de l'action publique pour l'encourager prend
un relief particulier.
Depuis les années quatre-vingts, les collectivités territoriales peuvent intervenir par les
aides publiques ou par la création des sociétés d’économie mixte locales. C’est la forme
traditionnelle d’intervention des collectivités territoriales en France (Paragraphe 1). Au cours
de ces dernières années, les collectivités territoriales peuvent intervenir par des sociétés
publiques locales. Elles peuvent aussi faire des relations au niveau international « la
coopération décentralisée », ou au niveau local entre elles-mêmes « l’intercommunalité ».
C’est la forme moderne d’intervention des collectivités territoriales (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Les procédés traditionnels de l’action publique locale
Dans les années quatre-vingts, l’État a transféré des compétences importantes aux
collectivités territoriales lors des vagues de décentralisation successives. Les premières lois en
1982 ont constitué les collectivités en organes politiques autonomes en supprimant la tutelle
de l’État. Elles leur ont ensuite transféré de nombreuses compétences : le développement
économique, la formation professionnelle et les lycées pour les régions, les compétences
sociales, la voirie et les collèges pour les départements, l’entretien des écoles maternelles et
primaires pour les communes. Ces transferts ont été confirmés et élargis en 2004, même si
certaines compétences restent partagées (comme le développement économique)1446.
1445La jurisprudence s’est toujours préoccupée de limiter les interventions économiques des collectivités
territoriales à des situations de carence de l’entreprise privée et aux nécessités de satisfaire aux exigences de
l’intérêt public local. Il découlait de cette jurisprudence que l’interventionnisme local devait rester l’exception, la
règle étant celle de
l’intervention des opérateurs privés. Sur cette question voir, Biscaino (C),
L’interventionnisme économique local : d’une politique structurelle à une politique conjoncturelle, Thèse,
Université de Lille, 2007, Jean-Claude (N), « L'interventionnisme économique des collectivités locales »,
Pouvoirs locaux, 1985.
1446Brouillet (J), « RGPP : Vers un État régulateur ? », op, cit, p. 24.
388


Page 391
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Les collectivités territoriales ont vocation à intervenir dans le domaine des affaires locales
pour aider les entreprises en difficultés et pour protéger les intérêts économiques et sociaux de
la population. Ces aides ont essentiellement pour objectif de favoriser le développement des
entreprises et la création d’emplois (A). Ainsi, les premières lois de décentralisation en
confiant les secteurs d’activité de prédilection des sociétés d’économie mixte aux collectivités
territoriales en font leurs instruments d’action privilégiés (B).
A. Les aides aux entreprises en difficultés et les aides pour protéger les intérêts
de la population
Jusqu’à 1982, les interventions directes en faveur d’entreprises en difficultés et pour
satisfaire les besoins de la population en milieu rural1447 restaient une affaire d’État. La loi du
2 mars 1982 a octroyé une certaine liberté aux collectivités territoriales pour intervenir en
faveur des entreprises en difficultés et pour satisfaire les besoins de la population en milieu
rural. Il s’agissait de permettre à ces collectivités de lutter contre les dispositions d’entreprises
afin de préserver l’emploi local1448.
La loi du 2 mars 1982 dans ses articles 5, 48 et 66 autorise les communes, départements et
régions à accorder des aides1449 lorsque cette intervention a pour but d’assurer le maintien des
services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural et lorsque
l’initiative privée est absente ou défaillante. La commune peut même confier la responsabilité
de créer ou de gérer ces services à une association ou à toute autre personne1450. Au sens de
l’article 5 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des
départements et des régions, « les collectivités locales concourent à la protection des intérêts
économiques et sociaux de la population ». Pour ce type d’intervention, il y a en principe
égalité juridique entre les collectivités territoriales puisqu’elles sont en mesure d’intervenir
sans être subsidiaires ou complémentaires des régions à partir du moment où elles fondent
leur intervention par la signature d’une convention.
1447« On peut entendre par service nécessaires à la satisfaction des besoins de la population, les équipements et
activités répondant à un intérêt public local, indispensables à la vie économique et sociale de la population
souvent isolées (petit magasin de commerce de détail, station-service, cinéma, cafés-restaurants…) », Linotte
(D), Graboy-Grobesco (A),
Droit public économique, Paris, Dalloz, 2001, p. 268.
1448Thaury (M), op, cit, p.93.
1449Ces aides résultent des dispositions combinées de la loi no 2004-809 du 13 août 2004 modifiée relative aux
libertés et responsabilités locales
et de la loi no 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des
territoires ruraux codifiées à l’article L. 2251-3 du CGCT.
1450Dantonel-Cor (N), Droit des collectivités territoriales, Paris, Bréal, 2011, p. 167.
389


Page 392
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Trois conditions doivent être satisfaites pour les aides en milieu rural. D’abord, le critère
rural doit obligatoirement être satisfait1451. Ensuite, la carence de l’initiative privée doit être
démontrée1452. Enfin, l’aide doit être bénéficié à un service1453. Cette intervention des
collectivités territoriales pour la protection des intérêts économiques et sociaux de la
population a pour objet de consolider et de protéger les activités économiques existantes ou
d’enrayer le déclin du tissu économique local.
Les collectivités territoriales peuvent intervenir en faveur des entreprises en difficultés.
L’attribution de ce type d’aide est subordonnée à deux conditions de fond. D’une part, la
protection des intérêts économiques et sociaux de la population départementale ou régionale
doit l’exiger1454. D’autre part, l’entreprise doit être en difficulté pour la mise en œuvre de
mesures de redressement prévues auparavant par une convention passée entre la collectivité et
l’entreprise1455.
La circulaire du 24 juin 19821456 a précisé les critères permettant d’identifier l’état de
difficulté. Ces critères sont juridiques, tels l’état de cessation de paiements et le dépôt de
bilan, le règlement judiciaire, le concordat, la liquidation de bien ou économiques tels la
diminution des commandes, les incidents de paiement des charges sociales, le chômage
technique et les licenciements économiques. Les critères économiques sont des signes
annonciateurs de graves difficultés alors que les critères juridiques traduisent une situation
déjà délicate. Les aides ainsi accordées doivent permettre la mise en œuvre de mesures de
redressement prévues par une convention1457.
Depuis 1988, l’intervention en faveur des entreprises en difficultés est une compétence des
départements et des régions. Ces derniers peuvent lorsque la protection des intérêts
économiques et sociaux de la population locale l’exige, décider de soutenir des entreprises en
difficulté1458. Le régime actuel de ces aides se caractérise selon l'origine de celles-ci :
interdites lorsqu'elles proviennent des communes et elles sont autorisées lorsqu'elles émanent
des départements ou des régions.
1451CE, 1994, Commune de Lagord.
1452Kouevi (A-G), Le droit des interventions économiques des collectivités locales, Décentralisation et
développement local
, Paris, LGDJ, 2003, p.136.
1453Thaury (M), op, cit, p. 94.
1454Eckert (G), Droit public des affaires, Paris, LGDJ, 2013, p.26.
1455Colson (J-Ph), Idoux (P), op, cit, p. 328.
1456Circulaire n°82-102 du 24 juin 1982 relative aux interventions des collectivités locales et des régions en
faveur des entreprises en difficultés.
1457Article L. 3231-3 du CGCT.
1458Linotte (D), Graboy-Grobesco (A), Droit public économique, op, cit, p. 268.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

La loi NOTRe du 7 août 2015 renforce le rôle des régions en matière de développement
économique en limitant la capacité des départements à intervenir et en imposant un transfert
quasi intégral aux communautés des compétences économiques du bloc local. Ainsi, le
législateur a souhaité que le développement économique repose à l’avenir sur deux niveaux.
Les régions et les intercommunalités.
Cette loi a accordé une compétence exclusive aux régions en matière d’aides financières
directes aux entreprises. Les régions pourront déléguer leurs aides ou voir celles-ci
complétées par d’autres, mais elles seront intégralement responsables des règles du jeu. Elles
voient également leurs responsabilités renforcées en matière d’internationalisation des
entreprises et de pilotage de l’innovation, elles ont vocation à copiloter avec l’État ou piloter
seules les pôles de compétitivité, elles peuvent entrer au capital des sociétés d’accélération du
transfert de technologies (SATT). Enfin, elles seront surtout responsables de la réalisation
d’un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation
(SRDEII) qui aura une valeur prescriptive1459.
Selon l’article L. 4251-13 du CGCT : « Ce schéma définit les orientations en matière
d’aides aux entreprises, de soutien à l’internationalisation et d’aides à l’investissement
immobilier et à l’innovation des entreprises, ainsi que les orientations relatives à
l’attractivité du territoire régional. Il définit les orientations en matière de développement de
l’économie sociale et solidaire, en s’appuyant notamment sur les propositions formulées au
cours des conférences régionales de l’économie sociale et solidaire. Le schéma organise sur
le territoire régional la complémentarité des actions menées par la région en matière d’aides
aux entreprises avec les actions menées par les collectivités territoriales et leurs
groupements, en application des articles L. 1511-3, L. 1511-7 et L. 1511-8 du titre V du livre
II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie. Les orientations du
schéma favorisent un développement économique innovant, durable et équilibré du territoire
de la région ainsi que le maintien des activités économiques exercées en son sein. Le schéma
fixe les actions menées par la région en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et
les hommes. Le schéma peut contenir un volet transfrontalier élaboré en concertation avec les
collectivités territoriales des États limitrophes. Le schéma peut contenir un volet sur les
orientations en matière d’aides au développement des activités agricoles, artisanales,
industrielles, pastorales et forestières ».
1459Portier (N), « Développement économique, ce que change ? », Dossier, intercommunalité, 2016, pp. 1-2.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En principe, c’est à la région seule que revient de définir le régime et de décider de
l’octroi des aides au développement autres que les aides à l’immobilier d’entreprise et des
aides aux entreprises en difficultés1460. Ces aides revêtent la forme de prestations de services,
de subventions, de bonifications d'intérêts, de prêts et d'avances remboursables, à taux nul ou
à des conditions plus favorables que les conditions du marché.
Par convention, la région peut déléguer ou partager sa compétence d’octroi des aides
directes aux entreprises avec les communes et leurs groupements1461. Ces dernières ne
peuvent participer au financement de ces aides que dans le cadre d’une telle convention et
selon les modalités fixées par la région.
Les communes, les EPCI à fiscalité propre et la métropole de Lyon disposent de la
compétence exclusive en matière d’aides à l’immobilier d’entreprise pour la création ou
l'extension d'activités économiques1462.
En définitive, l’intervention des collectivités territoriales en matière d’aides publiques a
contribué au développement économique local. Ces collectivités peuvent aussi intervenir par
des sociétés d’économie mixte locales.
B. Les sociétés d’économie mixte locales : l’absence de la théorie « in house »
limite la volonté des collectivités territoriales de travailler librement
Les sociétés d’économie mixte locales (SEML)1463 sont un outil de politique économique
locale dans tout ce que cette démarche peut compter de stratégique et pérenne. Concrètement,
cela implique deux clarifications. D’une part, les SEML sont une véritable entité économique
pouvant servir une politique économique publique locale. D’autre part, elles se distinguent
des aides économiques classiques pour assurer leurs interventions tant pour le compte des
collectivités actionnaires que pour celui des collectivités et organismes tiers non-actionnaires.
Les SEML peuvent comme toute entreprise privée et dans un souci d’égalité de concurrence
bénéficier des aides financières de la part des collectivités locales, actionnaires ou non. Ces
1460Article 1511-2.
1461Article L. 1511-2.
1462Article L. 1511-3.
1463Elles sont dites locales (SEML) parce que les collectivités locales sont prépondérantes parmi les actionnaires
publics, par distinction avec les SEM d'État, telles que l'étaient les SEM d'autoroutes, constituées entre l'État et
des actionnaires privées et au capital desquelles les collectivités locales, si elles sont présentes sont minoritaires.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

aides sont soumises à la règlementation spécifique applicable aux interventions économiques
locales1464.
Les sociétés d'économie mixte locales sont définies par l'article L.1521-1 du Code général
des collectivités territoriales comme des sociétés anonymes, dont le capital appartient
majoritairement à des collectivités territoriales ou à leurs groupements (dans une limite de
85 %), le restant appartenant à des actionnaires minoritaires autres que de telles personnes
publiques. L'économie mixte locale permet d'institutionnaliser une collaboration entre des
partenaires publics et des partenaires privés dans une personne morale relativement autonome
mais pas réellement indépendante de ses actionnaires majoritaires. La société d'économie
mixte locale n'est pas la seule forme de partenariat institutionnalisé, mais elle en constitue l'un
des exemples les plus aboutis.
L’existence juridique des sociétés d’économie mixte locales résulte d’une succession de
circonstances historiques poussant les collectivités territoriales à intervenir dans le domaine
économique pour satisfaire les besoins de la population, dont l’origine remonte au début du
XXe siècle1465. Après la Seconde Guerre mondiale, l'insuffisance de l'initiative privée
susceptible de répondre à la pénurie de logements et aux nécessités de l'aménagement du
territoire a favorisé un accroissement de l'intervention économique des collectivités locales.
Dans ce contexte, le décret du 20 mai 1955 a élargi le champ d'intervention des sociétés
d'économie mixte à la mise au point de projets présentant un intérêt public et a porté la
participation maximale des collectivités locales à 65%. Toute participation majoritaire des
collectivités locales reste cependant soumise à autorisation ministérielle et rend obligatoire la
présence d'un Commissaire du gouvernement au sein de la société. Les règles applicables aux
communes sont étendues aux départements par les décrets du 5 octobre 1957 et des 11 mai et
19 octobre 1959. La période 1955-1970 a été marquée par un remarquable essor des sociétés
d'économie mixte de construction et d'aménagement. Au nombre de 350, elles ont joué un
rôle essentiel dans les régions parisienne et lyonnaise. Mais si le financement de ces sociétés
est majoritairement assuré par les collectivités locales, le poids de l'État reste prédominant
puisqu'il autorise leur constitution et contrôle leur fonctionnement1466.
1464Kouevi (A-G), op, cit, p. 186.
1465Ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, Le guide des sociétés d’économie mixte locales,
Paris, La documentation française, 2007, p. 7.

1466« Proposition de
https://www.senat.fr/rap/l00-077/l00-0771.html
loi relative au statut des sociétés d’économie mixte
locales », Sénat, URL
393


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
À la fin des années soixante-dix, les SEM subissent une grave crise, surévaluation des
besoins, négligences, engagements des collectivités à la légère et insuffisances du contrôle.
Les premières lois de la décentralisation, en confiant les secteurs d’activité de prédilection des
SEM aux collectivités territoriales en font néanmoins leurs instruments d’action privilégiés, le
législateur les dote d’un statut et en encadre le fonctionnement par la loi du 7 juillet 1983
relative aux sociétés d’économie mixte locales1467. Ces sociétés vont connaitre une période de
grand essor. Leur objet étant étendu aux principales compétences des collectivités locales1468.
Leurs secteurs d'intervention sont très diversifiés puisqu'ils concernent tout à la fois le
logement social et intermédiaire, l'aménagement urbain et rural, les transports collectifs, les
équipements touristiques ou encore l'accueil des entreprises. Les sociétés d'économie mixte
locales ont, par ailleurs, su investir de nouveaux domaines de l'action publique locale, tels que
la protection du cadre de vie, la valorisation du patrimoine historique et culturel, le
développement économique et les nouvelles technologies de l'information1469.
Toutes les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent créer des sociétés
d’économie mixte locales pour réaliser des opérations d’aménagement, de construction, pour
exploiter des services publics à caractère industriel et commercial ou pour toute autre activité
d’intérêt général. L’article 1 la loi du 7 juillet 1983 précise le principe d’économie mixte
locale : « les communes, les départements , les régions et leurs groupements peuvent dans le
cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi, créer des sociétés d’économie
mixtes locales qui les associent à une ou plusieurs personnes privées et, éventuellement, à
d’autres personnes publiques pour réaliser des opérations d’aménagement, de construction,
pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou pour toute
activité d’intérêt général ».
Les sociétés d’économie mixte locales sont en outre habilitées à réaliser des missions
globales de « construction, réalisation, entretien ou maintenance ainsi, que le cas échéant, de
financement d’équipements hospitaliers ou médico-sociaux pour
les besoins d’un
établissement de santé, d’un établissement social ou d’un groupement de coopération
sanitaire »1470.
1467Les SEML bénéficie d’un statut unifié par la loi n°83-597 du 7 juillet 1983, puis modernisé par celle n°2002-
1 du 2 janvier 2002.
1468Nicinski (S), Droit public économique, op, cit, p. 415.
1469« Proposition de loi relative au statut des sociétés d’économie mixte locales », op, cit.
1470Article L. 1521-1.
394

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

À mesure qu’augmentait le nombre des SEML, des dysfonctionnements sont apparus qui
ont rendu nécessaires de nouvelles modifications de leur cadre juridique. La loi du 5 janvier
1988 d’amélioration de la décentralisation1471 étend aux Chambres régionales des comptes la
vérification des comptes et le contrôle de la gestion des SEML. La loi d’orientation du
6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République1472 clarifie le régime de
responsabilité des élus administrateurs de SEML en les soustrayant au risque d’inéligibilité,
détermine les conditions dans lesquelles ils peuvent se voir verser des rémunérations et
renforce le contrôle des juridictions financières. La loi du 29 janvier 1993 relative à la
prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures
publiques1473 comporte également plusieurs dispositions destinées à améliorer la transparence
des activités des SEML. La loi du 21 février 1996 relative à la partie législative du Code
général des collectivités territoriales1474 a codifié le corpus normatif applicable aux SEML en
créant les articles L. 1521-1 à L. 1525-3. Ces articles regroupent désormais l’ensemble des
dispositions relatives à l’objet des SEML, la composition de leur capital, les modalités
d’intervention des SEML, l’administration des SEML, ainsi que les contrôles auxquels elles
peuvent être soumises1475. La loi du 2 janvier 2002 modernise le statut des sociétés
d’économie mixte locales pour garantir leur indépendance et la transparence de leur action1476.
Ce texte vise en premier lieu à faire évoluer l’organisation des relations financières entre les
SEML et les collectivités territoriales. Un deuxième ensemble de dispositions précise et
clarifie le statut des représentants élus des collectivités territoriales et de leurs groupements au
sein du Conseil d’administration ou de surveillance de ces sociétés, notamment en vue de leur
assurer une meilleure sécurité juridique. En outre, plusieurs mesures tendent à favoriser les
obligations de transparence et de communication attachées aux SEML1477.
1471Loi n°88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation, JORF, 1988, p.208.
1472Loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, JORF, 1992, p.2064.
1473Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie
économique et des procédures publiques
JORF, 1993, p.1588.
1474Loi n° 96-142 du 21 février 1996 relative à la partie Législative du code général des collectivités territoriales
(1
) JORF, 1996, p. 2992.
1475Ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, Le guide des sociétés d’économies mixte locales,
op, cit, p. 23.
1476Loi n° 2002-1 du 2 janvier 2002 tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales (1),
JORF, 2002, p.121.
1477« Le régime juridique des sociétés d’économie mixte locales », mise en ligne 27 décembre 2002, consulté le
5mars 2018, URL : https://www.lemoniteur.fr/articles/le-regime-juridique-des-societes-d-economie-mixte-
locales-seml-235145
395



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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
En outre, plusieurs lois ont intervenu pour renforcer les missions des collectivités
territoriales. En vertu de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie
numérique1478, les collectivités territoriales auront vocation sous certaines conditions à
exercer des compétences d’opérateur de réseaux de télécommunication, voire de services de
télécommunication et à en confier la gestion à des SEML. De même, la loi du 9 juillet 2004
relative aux communications électroniques et aux
services de communication
audiovisuelle1479 élargit les capacités d’intervention des SEML en matière de télévision
locale. Les SEML peuvent également intervenir dans le domaine de l’investissement
hospitalier depuis l’adoption de l’ordonnance du 4 septembre 2003 portant simplification de
l’organisation et du fonctionnement du système de santé1480. En décentralisant de nouvelles
compétences aux collectivités territoriales, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et
responsabilités locales1481 a étendu les possibilités d’intervention des SEML dans le domaine
des infrastructures, de transport, l’entretien et la gestion d’aérodromes et de ports1482.
Une société d’économie mixte locale doit respecter la liberté du commerce et de
l’industrie. Il résulte de l'article L. 1521-1 CGCT que « les SEML peuvent légalement exercer
outre des activités d'aménagement, de construction ou de gestion de services publics, toute
activité économique sur un marché concurrentiel pourvu qu'elle réponde à un intérêt général,
que si un tel intérêt général peut résulter de la carence ou de l'insuffisance de l'initiative des
entreprises (privées), une telle carence ou une telle insuffisance ne saurait être regardée
comme une condition nécessaire de l'intervention d'une SEM sur un marché ». À titre
illustratif, Amavi Gustave KOUEVI rappelle que « lorsque les conditions requises ne sont pas
remplies, les collectivités locales peuvent néanmoins participer au capital des SEML n’ayant
pas pour objet l’exercice d’activités d’intérêt général, à condition d’y être autorisées par
décret en Conseil d’État, dès lors qu’il s’agit d’une intervention en faveur du développement
économique »1483.
1478Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (1), JORF, 2004, p.11168.
1479Loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de
communication audiovisuelle (1)
, JORF, 2004, p. 12483.
1480Ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 portant simplification de l'organisation et du fonctionnement
du système de santé ainsi que des procédures de création d'établissements ou de services sociaux ou médico-
sociaux soumis à autorisation, JORF, 2003, p.15391.
1481Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, JORF, 2004, p. 14545.
1482Ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, Le guide des sociétés d’économie mixte locales,
Paris, La documentation française, 2007, p. 34.
1483Kouevi (A-G), op, cit, p. 174.
396


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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

L’intervention des collectivités territoriales par les sociétés d’économie mixte locales dans
le domaine économique a été remise en question depuis que le juge européen leur a refusé le
bénéfice de la théorie des prestations intégrées en 2005, les assimilant à des sociétés de droit
commun. Elles ont désormais l'obligation de respecter les règles de mise en concurrence dans
leurs relations contractuelles avec les collectivités territoriales, limitant fortement leur
attrait1484.
La Cour de justice de l’Union européenne a exclu les sociétés d’économie mixte locales
(SEML) de la théorie dite du « in house » au motif de la présence obligatoire d’une personne
privée à leur capital. Cette position a été en France unanimement perçue par les élus locaux
comme un obstacle à leur volonté de travailler librement avec les entités que les collectivités
maîtrisent et contrôlent par la détention de la majorité du capital1485.
En France, les réformes sont toujours innovantes. Au cours de ces dernières années, les
collectivités territoriales ont reconnu un renouvèlement de leurs actions, elles peuvent
intervenir par des sociétés publiques locales, peuvent coopérer avec elles-mêmes, ou avec
d’autres collectivités étrangères.
Paragraphe 2. La modernisation des procédés traditionnels de l’action
publique locale
Dans le domaine économique, la mutation d’instruments traditionnels ne suffit pas, il
convient de créer et d’inventer de nouveaux outils inscrits dans une perspective d’efficacité.
Au cours de ces dernières années, la gestion locale a connu une grande innovation. Cette
évolution qui repose sur l'énergie créative des acteurs locaux est souvent présentée comme
une voie nouvelle propre à accélérer le développement économique.
Pour mener à bien la réalisation de leurs projets, les collectivités territoriales disposent de
plusieurs moyens. Entre gestion directe et délégation à un opérateur privé, elles peuvent
choisir une voie médiane en recourant à une des catégories d’entreprises publiques locales.
1484CJCE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, affaire C-26/03 « Par son jugement rendu le 11 janvier 2005 dans
l’affaire Stadt Halle, la Cour de justice des Communautés européennes délimite l’application de la notion de
contrôle analogue afin d’identifier ou non les contrats «
in house ». En l’espèce, l’affaire est relative à
l’attribution d’un marché de traitement de déchets entre une commune et une société d’économie mixte. Pour la
Cour, le fait qu’il existe dans le capital de l’entité distincte juridiquement de l’autorité publique des capitaux
privés même minoritaires, conduit à l’inexistence de la condition du « contrôle analogue ». La présence de
capitaux privés au sein du capital d’un prestataire exclut l’application de la notion de «
in house ».
Jurisprudence, « Service d’intérêt économique général », mise en ligne 11 janvier 2005, consulté le 5 mars 2018,
URL : http://sieg.unblog.fr/jurisprudences/11-janvier-2005-cjce-arret-stadt-halle/
1485Ibid.
397


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Focus sur la dernière-née, la société publique locale (A). Aussi, les collectivités territoriales
peuvent coopérer être elles-mêmes (B) ou avec des collectivités étrangères (C) pour participer
au développement local.
A. La société publique locale : un instrument de modernisation souple et efficace
des services publics locaux, l’existence de la théorie « in house »
L’absence en droit français d’entité entièrement publique1486 a été spécialement ressentie
dans le secteur de l’aménagement où les relations d’une collectivité avec son opérateur
d’aménagement, au regard de la longueur des opérations concédées ne paraissent pouvoir
s’envisager en dehors d’un lien de confiance et de transparence. Ce fut la raison de la création
à titre expérimental par la loi de 2006 portant engagement national pour le logement, des
sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA)1487 inscrites à l’article L. 327-1 du Code
de l’urbanisme. Toutefois, la restriction de l’activité légale des SPLA au seul secteur des
opérations d’aménagement telles que définies à l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme a
vite constitué un obstacle au développement de ce type de société locale, tentée de sortir des
concessions d’aménagement pour conclure notamment, en toute insécurité juridique malgré
l’approbation de l’administration, des conventions de mandat de maitrise d’ouvrage pour la
réalisation de bâtiments publics. C’est pourquoi la loi du 28 mai 2010 pour le développement
des sociétés publiques locales1488 a créé l’article L.1531-1 du Code général des collectivités
territoriales (CGCT) instituant la société publique locale (SPL) dont la caractéristique
principale est la possibilité d’élargir leur champ d’intervention au-delà de l’aménagement ce
qui n’est pas le cas de la SPLA.
Les sociétés publiques locales ont avant tout été créées pour offrir uniquement aux
collectivités territoriales ou leurs groupements actionnaires un outil de droit privé pouvant
intervenir sans avoir été mis en concurrence dans tout le champ de leurs compétences. Ces
sociétés ont un champ d’intervention plus large que celui des SPLA. Il recouvre globalement
celui des sociétés d’économie mixte locales (SEML) : opérations d’aménagement au sens de
1486Les sociétés publiques locales sont des entités privées (société anonyme) à capital 100 % public qui doivent
permettre aux collectivités territoriales d’externaliser certaines opérations économiques sans passer par les
procédures de mise en concurrence. Le capital de ses sociétés est détenu par au moins deux collectivités locales,
ce qui les distingue des SEM qui comptent au minimum 7 actionnaires, dont un privé au moins et dans les
lesquelles les collectivités locales détiennent plus de 50 à 85% des parts.
1487Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (1), JORF, 2006, p. 10662.
1488Loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales (1), JORF, 2010,
p. 9697.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

l’art L. 300-1 du Code de l’urbanisme, opérations de construction, ou exploitation de services
publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d’intérêt général.
Cependant, si les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer des SPL
dans des secteurs variés, elles ne peuvent le faire que dans le cadre des compétences qui leur
sont attribuées par la loi. Les SPL n’ont, en outre, pas vocation à exercer des fonctions
support comme la gestion des ressources humaines, la gestion budgétaire ou encore des
expertises juridiques ou d’assistance technique pour le compte des collectivités qui les
contrôlent1489.
L’alinéa 1er de l’article L. 1531-1 du CGCT dispose que « les collectivités territoriales et
leurs groupements peuvent créer des sociétés publiques locales dans le cadre des
compétences qui leur sont attribuées par la loi ». Ainsi, la création des sociétés publiques
locales répond non seulement aux attentes des collectivités territoriales mais également, elle a
pour objectif d’offrir à celles-ci un instrument leur permettant d’exercer leurs compétences
avec plus d’efficacité et de rapidité grâce à la souplesse dans la gestion inhérente au statut de
société mais aussi et surtout grâce à l’exemption de mise en concurrence dont bénéficient les
structures intégrées1490.
L’arrivée de ces sociétés a provoqué un large regain d’intérêt des élus locaux en faveur du
moyen d’action particulier que représente l’agence sous forme de société et dont les
potentialités diversifient celles permises par les instruments classiques de gestion que sont la
régie ou de la délégation de service public1491. Depuis le vote de la loi, elles rencontrent un
fort succès auprès des élus locaux1492, 22 sociétés publiques locales ont été créées. La moitié
de ces sociétés créées agit dans les secteurs de l’aménagement et du développement
économique1493.
Les sociétés publiques
locales sont compétentes pour réaliser des opérations
d'aménagement ou des opérations de construction. Elles peuvent également exploiter des
services publics ou toute autre activité d'intérêt général relevant des compétences des
locales.gouv.fr, « Les sociétés publiques
1489Collectivités
locales
d'aménagement », mise en ligne le 24 janvier 2017, consulté le 15 juin 2017, URL : https://www.collectivites-
locales.gouv.fr/societes-publiques-locales-et-societes-publiques-locales-damenagement
1490Llorens (F), Soler-Couteaux (P), « Les sociétés publiques locales ou la naissance du, in house à la française »,
Contrats et marchés publics, juillet 2010, p. 7.
1491Rapport Conseil d’État, « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », op, cit, p. 110.
1492Auby (J-F), Les contrats de gestion de service public, Paris, LGDJ, p. 43.
1493Ibid, p. 44.
les sociétés publiques
locales et
399


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
collectivités locales1494. Dans ce sens, l’alinéa 2 de l’article L. 1531-1 du CGCT dispose que
« les sociétés publiques
locales sont compétentes pour réaliser des opérations
d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, des opérations de
construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou
toutes autres activités d’intérêt général ».
L’enjeu majeur de la création des sociétés publiques locales est de permettre à leurs
collectivités territoriales actionnaires de leur confier rapidement des prestations sans mise en
concurrence, en se fondant sur les derniers développements de la jurisprudence in house1495.
Les opérateurs « in house » correspondent à une catégorie d’opérateurs économiques
privilégiés avec lesquels des personnes publiques peuvent contracter sans mise en
concurrence préalable. Les sociétés publiques locales ont été créées spécialement afin d’en
faire partie1496. Cette absence de publicité représente un gain de temps, estimé entre trois et
six mois par projet. C’est aussi un gain d’argent dans la conduite des projets. Les missions
attribuées demeurent néanmoins encadrées juridiquement. Elles font l’objet d’un contrat
limité dans le temps, dont le but est de sécuriser les rapports entre collectivités actionnaires.
Autre atout, les personnes publiques ont le contrôle total de la gestion de la société créée,
alors que dans le cadre d’une SEM, elles ne font qu’en maîtriser les orientations. La SPL est
une structure très dynamique, prenant à sa charge la gestion d’un service public à la manière
d’une entreprise avec sa performance et sa souplesse et permet ainsi de mener à bien le
développement du territoire1497.
Les collectivités territoriales et leurs groupements vont pouvoir contracter librement avec
ces sociétés publiques sans méconnaitre les règles du droit de l’Union européenne. En
principe, dès lors qu’une collectivité publique souhaite conclure un contrat avec une tierce
entité, elle doit le faire dans le respect des règles de transparence et de mise en concurrence
posées par le droit de l’Union européenne, afin d’assurer une égalité de traitement entre les
différents candidats potentiels. Toutefois, le droit de l’Union européenne admet que soit
écartée l’application des règles de mise en concurrence lorsque la collectivité publique entend
1494« La société publique locale avait pour objet aussi la réalisation de prestations liées aux services publics d’eau
et d’assainissement collectif. En matière d’eau potable, la production, le traitement, le transport et la distribution
d’eau potable ainsi que la protection de la ressource en eau. En matière d’assainissement collectif, le contrôle et
la mise en conformité des branchements, la collecte, le transport, l’épuration des eaux usées et l’élimination des
eaux produites », Nicinski (S),
Droit public des affaires, op, cit, p. 441
1495Nicinski (S), « La loi du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales », AJDA, 2010,
p. 1760
1496Allart (L), « Les entreprises publiques locales », Mooc Sorbonne Droit : Droit Des entreprises, 2014,
p. 2.
1497Passi (M), « Les sociétés publiques locales, un nouvel outil de gestion », Maires et élus locaux, 2010, p. 5.
400

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

confier la réalisation de prestations à un tiers qui ne serait, en réalité, qu’un simple
prolongement d’elle-même. En d’autres termes, l’administration contracte avec un de ses
satellites, c’est-à-dire une entité, dotée de la personnalité morale, mais qui lui est étroitement
liée. D’où l’expression du « in house » : l’activité reste gérée à l’intérieur de la « maison »
publique. En ce sens, les prestations restent en dehors marché au sens économique du
terme1498.
L’identification d’un opérateur « in house » appelle la réunion de deux conditions. Le
premier est le contrôle exercé par une personne publique sur son co-contractant doit être
analogue à celui exercé sur ses propres services. Le deuxième est le co-contractant doit
réaliser l’essentiel de son activité pour les collectivités qui le détiennent.
En définitive, ce type de société permet aux collectivités locales d’avoir sous la main de
véritables opérateurs dont elles sont actionnaires et auxquels elles peuvent confier des
missions, sans concurrence ni publicité. Malgré le reproche de concurrence déloyale pour
l’instant écarté par les instances communautaires, on compte actuellement 40 sociétés de ce
type et plus de 120 en projet. Récemment a ainsi été créée la société publique locale
Bordeaux-Aeroparc, dont l’objet est de faciliter l’implantation d’entreprises du secteur
aéronautique et spatial1499.
Ces dernières années, les sociétés publiques locales ont été critiquées. Pour Martial
PASSI, « la gamme des outils à disposition des collectivités et des élus locaux pour valoriser
les territoires ne cesse de s’enrichir. Les collectivités territoriales ont besoin d’outils
innovants, simples, capables de s’adapter en permanence aux réalités. Des débats sont
engagés pour faire évoluer encore la réalité capitalistique des EPL et continuer de mieux
tirer parti des possibilités et des opportunités existantes, mais tout en réaffirmant la
gouvernance des élus locaux »1500.
Pour renforcer le développement local, l’intercommunalité apparait comme le moyen le
plus approprié puisqu’elle s’est considérée comme une modalité d'organisation des
collectivités territoriales qui permet aux communes et à leurs partenaires naturels de se
regrouper ou de mettre en commun des ressources pour exécuter certaines activités, pour
1498Allart (L), op, cit, p. 2.
1499G. Delion (A), Durupty (M), « Chronique du secteur public économique », Revue française d'administration
publique,
2012, p. 282.
1500Passi (M), op, cit, p. 5.
401






Page 404
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
assurer certains services publics ou encore pour réaliser certains projets favorisant le
développement économique local et contribuant à la politique nationale, régionale ou locale
d’aménagement et d’équipement du territoire.
B. La coopération intercommunale : une forme de solidarité communale
favorisant le développement économique local
Après la Seconde Guerre mondiale, le nombre et la taille des communes françaises fixées
sous la Révolution apparaissent comme des handicaps. Du fait de l’exode rural, beaucoup se
dépeuplent et sont incapables d’assurer à leurs habitants le minimum de services publics
nécessaires. Parallèlement, le phénomène d’agglomération se développe autour des villes. Le
découpage administratif entre communes, liées entre elles par des solidarités de travail et de
transport ne permet plus de résoudre des problèmes que seule une structure supra communale
pourrait prendre en compte1501.
L’émiettement communal1502 fait par ailleurs de la commune un échelon souvent trop petit
pour la mise en œuvre de politiques économiques publiques locales efficaces. Le législateur a
donc décidé après plusieurs échecs de politiques de fusions de communes de développer
l’intercommunalité1503.
L’intercommunalité est pensée comme un remède à l’émiettement communal1504,
caractéristique de la carte administrative française dans le cadre d’une recomposition
territoriale au sein de laquelle la faiblesse des budgets communaux était un motif
d’association des communes1505. Mais progressivement, elle fut appréhendée comme une clé
dans l’élaboration de projets de développement économique, d’aménagement du territoire ou
d’urbanisme1506.
L’intercommunalité a été encouragée par la loi d’orientation du 6 février 1992 relative à
l’administration territoriale de la république1507 puis par la loi du 12 juillet 1999 relative au
1501Verpeaux (M), Les collectivités territoriales, Paris, Dalloz, 2015, p. 100.
1502La France compte environ 35 800 communes.
1503Colin (F), Droit public économique, op, cit, p. 75.
1504Voir Guy (G), « L’intercommunalité, enjeu de développement local », in, Intercommunalité. Bilan et
perspectives
, Paris, PUF, 1997.
1505Benchendikh (F), Droit de l’intercommunalité, les régles qui régissent la création, le fonctionnement et les
compétences des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI),
Paris, Gualino Lextenso
éditionss, 2016, p. 18.
1506Jan (P), Institutions administratives, Paris, LexisNexis, SA, 2015, p. 237.
1507Loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, JORF, 1992, p. 2064.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale1508. Le renforcement de
la coopération intercommunal s’est traduit quelques années plus tard par la loi du 13 août
2004 relative aux libertés et aux responsabilités1509 locales dont l’objectif était d’assouplir les
règles applicables et de renforcer le mouvement d’intégration des communes au sein des
groupements en s’inscrivant dans la continuité de la loi de 19991510. L’évolution est poursuite
par la loi du 16 décembre 20101511 relative à la réforme des collectivités territoriales qui a fixé
l’objectif de simplifier et d’achever la carte de l’intercommunalité, en rendant obligatoire
l’appartenance à un EPIC à compter du 1er juillet 2013.Ce texte procède à la création du pôle
métropolitain et de la métropole. La loi MAPTAM du 27 janvier 20141512 a ensuite modifié le
paysage de l’intercommunalité, notamment s’agissant des métropoles. La loi NOTRe du 7
août 20151513 a prolongé ce mouvement en faveur de l’intercommunalité à fiscalité propre, en
élargissant les seuils et les compétences obligatoires de ces intercommunalités1514.
La coopération des collectivités territoriales est rassemblée dans le CGCT. L’article L.
5111-1 pose le principe de la coopération à la française : « les collectivités territoriales
peuvent s'associer pour l'exercice de leurs compétences en créant des organismes publics de
coopération dans les formes et conditions prévues par la législation en vigueur. Forment la
catégorie des groupements de collectivités territoriales les établissements publics de
coopération intercommunale et les syndicats mixtes, mentionnés aux articles L. 5711-1 et L.
5721-8, les pôles métropolitains, les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux, les agences
départementales, les institutions ou organismes interdépartementaux et les ententes
interrégionales. Des conventions qui ont pour objet la réalisation de prestations de services
peuvent être conclues entre les départements, les régions, leurs établissements publics, leurs
groupements et les syndicats mixtes. Des conventions ayant le même objet peuvent également
être conclues entre des établissements publics de coopération intercommunale ou entre des
communes membres d'un même établissement public de coopération intercommunale à
fiscalité propre lorsque le rapport relatif aux mutualisations de services, défini à l'article L.
5211-39-1, le prévoit. Lorsque les prestations qu'elles réalisent portent sur des services non
1508Loi no 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale (1),
JORF, 1999, p.10361.
1509Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (1), JORF, 2004, p.14545
1510Benchendikh (F), op, cit, p. 19.
1511Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, JORF, 2010, p.22146
1512Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des
métropoles (1)
, JORF, 2014, p.1562
1513Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (1), JORF, 2015,
p.13705
1514Vital-Durand (E), Les collectivités territoriales en France, Paris, Hachette, 2017, p. 102.
403


Page 406
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
économiques d'intérêt général au sens du droit de l'Union européenne ou lorsque, portant sur
d'autres missions d'intérêt public, les prestations sont appelées à s'effectuer dans les
conditions prévues aux I et III de l'article L. 5111-1-1, ces conventions ne sont pas soumises
aux règles prévues par le code des marchés publics ou par l'ordonnance n° 2005-649 du 6
juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non
soumises au code des marchés publics. La participation au financement d'une prestation ne
saurait, à elle seule, être assimilée à une coopération au sens du présent alinéa ».
Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) constituent la forme
institutionnelle de l’intercommunalité. Ils disposent de l’autonomie financière et bénéficient
de prérogatives de puissance publique1515.
Nous trouverons Sept établissements de coopération intercommunale : les syndicats de
communes, les syndicats mixtes, les syndicats d’agglomération nouvelle, les communautés de
communes, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les métropoles.
Certains de ces établissements sont constitués sous la forme d’établissements publics de
coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre c'est-à-dire qui perçoivent directement
les impôts nécessaires à leur fonctionnement1516, tandis que d’autres sont des établissements
publics sans fiscalité propre1517.
Le législateur prévoit que ces établissements publics (métropole, la communauté des
communes, la communauté d’agglomération, la communauté urbaine) aient des compétences
optionnelles et obligatoires. Parmi ces dernières, le développement économique est
prépondérant1518.
Les communautés de communes ont été créées par la loi du 6 février 1992 d’orientation
relative à l’administration territoriale de la république dite « loi ATR »1519, est une
intercommunalité de projets de développement économique et d’aménagement de l’espace.
1515Dantonel-Cor (N), Droit des collectivités territoriales, Paris, Bréal, 2011, pp. 78-79.
1516Les EPIC à fiscalité propre sont : la communauté de communes, la communauté d’agglomération, la
communauté urbaine et la métropole.
1517Les EPCI sans fiscalité propre sont : les syndicats de communes, les syndicats mixtes, les syndicats
d’agglomération nouvelle.

1518Par exemple création, aménagement, entretien et gestion de zones d’activité industrielle, commerciale,
tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire répondant à un intérêt communautaire ou toutes autres
actions de développement économique d’intérêt communautaire. S’ajoutent à cela les compétences en matière
d’aménagement de l’espace (schémas directeur et de secteur, création et réalisation de ZAC d’intérêt
communautaire, transports urbains), de politique de la ville plus directement à vocation économique (dispositifs
contractuels d’intérêt communautaire : développement urbain, local, insertion).

1519Loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, JORF,
1992, p. 2064.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

De façon obligatoire, les communautés de communes exercent les compétences
d’aménagement de l’espace et du développement économique. Elles doivent également
exercer des compétences dans au moins un des six groupes prévus par l’article L. 167-3 de la
loi du 6 février 1992 (environnement, logement, voirie, équipements culturels et sportifs,
action sociale et tout ou partie de l’assainissement).
La loi NOTRe enrichit par ailleurs le libellé des compétences économiques des
communautés de communes de la promotion du tourisme et de la politique locale du
commerce. Sur ces deux points, les communes pourront cependant continuer à agir. La
promotion du tourisme emporte le transfert au 1er janvier 2017 de la gestion des offices du
tourisme, mais non de l’ensemble des activités touristiques. En matière de commerce, la loi
préserve la possibilité de définir les actions d’intérêt communautaire, ce qui signifie que
certaines ne le seront pas et pourront toujours relever des communes1520.
Les communautés d’agglomération sont régies par les articles L. 5216-1 à L. 5216-10 du
CGCT. Elles ont été instituées par la loi du 12 juillet 19991521qui remplace la communauté des
villes. Elles regroupent plusieurs communes formant un ensemble de plus de 50 000
habitants, en principe d’un seul tenant et sans enclave, autour d’une commune centre de 15
000 habitants ou d’un chef-lieu1522.
Les communautés d’agglomération sont obligatoirement chargées du développement
économique, de l’aménagement de l’espace communautaire, de l’habitat, de la politique de la
ville et du transport urbain. Elles doivent en plus exercer trois compétences parmi les six
suivantes : voirie, assainissement, eau, environnement, action sociale d’intérêt communautaire
et équipements culturels et sportifs1523.
La communauté urbaine est régie par les articles L. 5215-1 à L. 5215-42 du CGCT. C’est
une structure de coopération à l’usage des grandes agglomérations qui regroupe plusieurs
communes d’un seul tenant et sans enclave qui forment à la date de sa création un ensemble
de plus de 250 000 habitants1524. Elles exercent des compétences diverses essentielles pour le
développement local et la vie quotidienne des habitants des communes concernées :
développement et aménagement économique, social et culturel de l’espace communautaire.
1520Portier (N), « Développement économique, ce que change », Dossier intercommunalité, 2016, pp. 10-11.
1521Loi no 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale (1), JORF, 1999, p. 10361
1522Meunier (B), op, cit, p. 185.
1523Ibid, p. 186.
1524Roux (A), op, cit, p. 80.
405


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Actuellement, deux types de régimes coexistent. Le premier est les communautés urbaines
de la loi de 1966 qui sont soumises au régime des EPCI à fiscalité additionnelle. Elles
exercent obligatoirement un certain nombre de compétences
: urbanisme, habitat,
développement économique, zones d’activités (etc.). Elles peuvent sous certaines conditions
élargir leurs compétences pour rejoindre le régime de la loi de 1999. Le deuxième est les
communautés urbaines de la loi de 1999 qui sont soumises au régime des EPCI à taxe
professionnelle unique. Elles
exercent
les
compétences obligatoires
suivantes :
développement et aménagement économique, social et culturel, aménagement de l’espace,
habitat, politique de la ville, gestion des services d’intérêts collectif et protection de
l’environnement1525.
Une métropole est un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité
propre créé par la loi de réforme des collectivités territoriales de 20101526 et dont le statut est
remanié par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des
métropoles « loi MAPTAM » de 20141527 et la loi portant nouvelle organisation territoriale de
la République de 20151528. Selon l’article L5217-1 du Code général des collectivités
territoriales, une métropole est un « EPCI à fiscalité propre regroupant plusieurs communes
d’un seul tenant et sans enclave au sein d’un espace de solidarité pour élaborer et conduire
ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif,
culturel et social de leur territoire afin d’en améliorer la cohésion et la compétitivité et de
concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional. Elle valorise les
fonctions économiques métropolitaines, ses réseaux de transport et ses ressources
universitaires, de recherche et d’innovation, dans un esprit de coopération régionale et
interrégionale et avec le souci d’un développement territoire équilibré »1529.
La métropole regroupe plus de 400 000 habitants, elle dispose de compétences élargies
(incluant des compétences des communes, des départements, de la région et de l’État). Les
métropoles1530 exercent des compétences plus développées que les autres EPCI et elles
1525Meunier (B), Les règles relatives aux transferts de compétences entre collectivités publiques. Thèse,
Université d'Auvergne - Clermont-Ferrand I, 2006, p. 180.
1526Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, JORF, 2010, p. 22146.
1527Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des
métropoles (1)
, JORF, 2014, p. 1562.
1528Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, 2015, JORF,
p. 13705.
1529Jan (P), op, cit, p. 241.
1530« Certaines métropoles sont soumises à un régime juridique spécifique, telle la métropole de Lyon qui créée
au 1
er janvier 2015, n’est pas un EPCI mais une collectivité territoriale à statut particulier », Gardére (A),
Comprendre le nouveau paysage intercommunal après la loi NOTRe, Paris, Territorial éditions, p. 15.
406

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

peuvent également exercer par convention des compétences qui relèvent en principe du
département et la même possibilité est prévue pour certaines compétences relevant des
régions1531.
D’emblée, ces établissements publics de coopération intercommunale ont aujourd’hui une
influence considérable sur l’économie locale. Les dernières lois de réforme des collectivités
territoriales renforcent encore le pouvoir des intercommunalités et tendent à rendre plus
effectives les compétences économiques de l’ensemble des collectivités territoriales, en
mutualisant leurs ressources1532.
Aujourd’hui, les collectivités territoriales peuvent aussi assumer une action internationale.
Elles sont devenues avec leurs coopérations des acteurs à part entière des relations
internationales. Le principe de la libre administration leur permet d’organiser la coopération
décentralisée en fonction de leurs souhaits, besoins et capacités.
C. La coopération décentralisée : une action
d’instaurer une solidarité entre les collectivités territoriales
internationale permettant
La coopération permet d’instaurer une solidarité entre les collectivités territoriales, et à
travers elles, entre les populations1533.
À côté de l’État perçu comme « un monstre froid »1534, les collectivités territoriales sont
plus proches des citoyens, apparaissent plus aptes à créer des solidarités transnationales1535.
Selon une étude du Conseil d’État, la coopération décentralisée renvoie pour l’essentiel à
deux sujets fort différents et revêt des formes diverses1536.
La coopération transfrontalière concerne les relations que les collectivités françaises
nouent avec leurs voisines européennes1537. En d’autres termes, elle correspond aux relations
1531Roux (A), La décentralisation. Droit des collectivités territoriales, Paris, LGDJ, 2016, p. 54.
1532Colin (F), Droit public économique, op, cit, p. 76.
1533Bardoul (C), Les collectivités territoriales et le développement durable, Thèse, Orléans, 2010, p. 70.
1534En 2001, Clos (J), alors maire de Barcelone et Président de l’Assemblé mondiale des villes et des autorités
locales dressait un constat similaire : « Trop éloignés de la vie locale au quotidien, de la base de la société
humaine, les gouvernements nationaux […] sont incapables de refléter fidèlement les besoins des régions
urbanisées ». Il lui paraissait, donc nécessaire de renforcer le rôle des collectivités territoriales », Clos (J), « La
décentralisation encourage la coopération »,
Chronique ONU, 2001, pp. 22-23.
1535Jos (E.), « Collectivités territoriales non étatique et système juridique international dans le contexte de la
mondialisation », in, Journée d’études SFDI
, les collectivités territoriales non étatiques dans le système
juridique international, Paris, Pédone, 2002, p. 12.
1536Étude du Conseil d’État, Le cadre juridique de l’action extérieure des collectivités locales, Paris, La
documentation française, 2006, p. 10.
1537Nanchi (V-A), « Les relations transfrontalières », in, Caudal (S), Robbe (F), dir, Les relations entre
collectivités territoriales,
Paris, L’Harmattan, 2005, p. 113.
407


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
de voisinage qui s’instaurent avec des partenaires aux frontières de la France1538.
L’interdépendance est un fait. En effet, la proximité géographique, la nécessité économique et
les intérêts politiques imposent souvent de dépasser les découpages, parfois artificiels des
frontières étatiques1539. Les outils de coopération transfrontalière permettent la mise en place
d’une solidarité qui répond à ces interdépendances.
La coopération transfrontière constitue une autre forme de coopération décentralisée. Elle
concerne les actions menées dans les pays en voie de développement, notamment avec des
collectivités d’Europe centrale et orientale ou des collectivités d’Afrique, d’Asie ou
d’Amérique latine1540. Comme l’explique Emmanuel JOS, « l’efficacité exigeant parfois
d’aller au-delà du simple voisinage, ceci appelle une coopération qui ne soit pas simplement
« transfrontalière », mais « transfrontière » autrement dit sans contiguïté géographique
obligatoire »1541.
Les collectivités
territoriales établissent des conventions avec des collectivités
territoriales de pays étrangers pour diverses raisons. Il peut s'agir aussi bien de nouer des
relations d'amitié ou de jumelage, de contribuer à promouvoir à l'extérieur l'activité
économique ou culturelle des acteurs de leur territoire, de gérer des services publics d'intérêt
commun, d'échanger des savoir-faire en matière de gestion publique locale, etc. Mais cela
peut également consister, dans un esprit de solidarité, à apporter une aide technique ou à
intervenir dans un but humanitaire auprès de collectivités territoriales, établies ou en
émergence, dans certains pays1542.
La coopération décentralisée est le terme juridique adopté en France pour désigner cette
nouvelle forme d’action internationale conduite par les villes et les autres collectivités,
inaugurée avec les jumelages. Aujourd’hui ce phénomène qui a débuté en Europe et
particulièrement dans la France de l’après-guerre, connaît une évolution rapide à la fois
quantitative
et qualitative,
évolution
liée
essentiellement
aux progrès de
la
décentralisation1543.
1538Étude du Conseil d’État, Le cadre juridique de l’action extérieure des collectivités locales, op, cit, p. 10.
1539Jos (E), op, cit, p. 12.
1540Ibid, p. 37.
1541Jos (E), op, cit, p. 13.
1542La circulaire du ministère de l’intérieur, direction générale des collectivités territoriales, « La coopération
décentralisée des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements avec des collectivités territoriales
étrangères et leurs groupements
», 20 avril 2001, p. 2.
1543Gallet (B) « La coopération décentralisée. L'esprit de Barcelone ? », Confluences Méditerranée 2007,
pp. 85-91.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

La loi du 2 mars 1982 ne faisait mention dans son article 65 que de la coopération
transfrontalière. La notion d’action extérieure des collectivités territoriales est reconnue un an
plus tard par la circulaire du Premier ministre du 26 mai 1983 qui a créé le délégué pour
l’action extérieure des collectivités locales. Cependant, il faut attendre la loi d’orientation du 6
février 1992 relative à l’administration territoriale de la République pour que la coopération
décentralisée obtienne sa consécration législative1544. Cette loi l’a défini de la façon suivante :
« il y a coopération décentralisée lorsqu’une (ou plusieurs) collectivité(s) locale(s)
française(s) développe(nt) des relations avec une (ou plusieurs) collectivité(s) locale(s)
étrangère (s) : il peut s’agir aussi bien de l’établissement de relations d’amitié ou de
jumelage avec des collectivités territoriales étrangères, d’actions de promotion à l’étranger,
d’aide au développement de collectivités dans certains pays, d’assistance technique, d’action
humanitaire, de gestion commune de biens de services, mais aussi de coopération
transfrontalière et de coopération interrégionale. Elle ajoute que « les collectivités
territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités
locales étrangères et leurs groupements dans les limites de leurs compétences et dans le
respect des engagements internationaux de la France »1545.
Au sens français, la coopération décentralisée désigne donc l’établissement de relations de
long terme entre collectivités territoriales françaises (régions, départements, communes et
leurs groupements) et étrangères formalisées par des conventions. Celles-ci définissent les
actions de coopération prévues et leurs modalités techniques et financières1546.
La circulaire du 20 avril 2001 définit la convention comme : « tout contrat ou acte signé
entre les collectivités territoriales, françaises et étrangères, comportant des déclarations, des
intentions, des obligations ou des droits opposables à l’une ou l’autre partie. Sont visées par
la loi aussi bien les conventions ayant un caractère déclaratif que celles pouvant avoir des
conséquences matérielles, financières ou règlementaires pour ces collectivités »1547.
La loi ATR de 1992 prévoyait deux types de structures pour la coopération décentralisée.
Le Groupement d’intérêt public (GIP) et la Société d’économie mixte locale (SEML).
Jusqu’en 2008, les collectivités territoriales pouvaient créer des groupements d'intérêt public
1544Gallet (B), « Les enjeux de la coopération décentralisée », Revue internationale et stratégique, 2005,
p. 67.
1545Article 131 de la loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République.
1546Holman (C), La coopération décentralisée : réflexion sur les enjeux, les limites et perspectives à venir,
Mémoire (M2), 2003, p. 16.
1547La circulaire du ministère de l’intérieur, direction générale des collectivités territoriales, « La coopération
décentralisée des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements avec des collectivités territoriales
étrangères et leurs groupements
», op, cit, p. 7.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
avec la participation des collectivités locales appartenant à des États membres de l'Union
européenne, soit pour gérer et exécuter ensemble les projets et programmes de coopération
interrégionale et transfrontalière, soit pour élaborer et mettre en œuvre des politiques
concertées de développement social urbain. En alternative au Groupement d’intérêt public,
l’article L. 1522-1 du CGCT autorisait les collectivités territoriales et leurs groupements à
créer des Sociétés d’économie mixtes locales, en vue d’exercer une mission d’intérêt
général1548.
Initialement, les dispositions de l'article 132 de la loi d'orientation du 6 février 1992
relative à l'administration territoriale de la République, codifiées à l'article L. 1522-1 du
CGCT subordonnaient cette participation à quatre conditions essentielles. Premièrement, la
conclusion d'un accord préalable entre les États concernés (y compris avec les pays membres
de l'Union européenne). Deuxièmement, la présence de règles de réciprocité dans cet accord.
Troisièmement, la limitation de l'objet social de la SEML à une activité d'exploitation de
services publics d'intérêt commun. Enfin, la comptabilisation de la participation des
collectivités territoriales étrangères dans la fraction minoritaire du capital non détenue par les
collectivités françaises et leurs groupements1549.
Le cadre juridique de la coopération décentralisée a été assoupli. D’abord, par la loi du 2
février 2007
relative à
l’action extérieure des collectivités
territoriales et
leurs
groupements1550 qui a supprimé la réserve liée au respect des compétences des collectivités
territoriales. Elle donne un fondement légal et autonome à l’action extérieure des collectivités
territoriales, même si celle-ci ne répond pas nécessairement aux besoins de la population
locale. Ensuite, par la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la
politique de développement et de solidarité internationale1551. Cette loi a annoncé d’une part,
l’urgence n’est plus une condition de la mise en œuvre des actions de coopération, d’aide au
développement ou à caractère humanitaire et que d’autre part la coopération décentralisée ne
se concrétise plus nécessairement par la conclusion de conventions. Enfin la loi du 7
décembre 20061552 a permis la coopération décentralisée spécifique ainsi que des aides
1548Maré (C), La coopération décentralisée, Paris, Studyrama, 2012, p. 56.
1549La circulaire du ministère de l’intérieur, direction générale des collectivités territoriales, « La coopération
décentralisée des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements avec des collectivités territoriales
étrangères et leurs groupements »,
op, cit, p. 13.
1550Loi n° 2007-147 du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs
groupements (1),
JORF, 2007, p. 2160.
1551Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement
et de solidarité internationale (1)
, JORF, 2014, p.11242.
1552Loi n°2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie (1), JORF, 2006, p.18531.
410

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

d’urgences ou des actions de solidarité internationale dans les domaines de la distribution
d’eau potable et d’assainissement, de la distribution d’électricité ou de gaz.
La coopération décentralisée française a connu des succès. Toutes les régions, 73
départements, toutes les grandes villes et 80 % des communes de plus de 5 000 habitants
entretiennent plus de 6 000 coopérations dans 115 pays. Les estimations de la Commission
nationale de la coopération décentralisée nous indiquent que 230 millions d’euros sont
dépensés chaque année dans les actions extérieures des collectivités locales, dont la moitié en
direction des pays en voie de développement1553.
Les collectivités territoriales sont actives en coopération décentralisée, elles se réunissent
dans des associations comme Cités unies France, l’Association Française du Conseil des
Communes et Régions d’Europe (AFCCRE) ou aussi l’Association des Agences de la
Démocratie Locale (AADL) et forment le cadre où se développent leurs programmes de
coopération décentralisée qui constitue en fait une nouvelle vision de la gouvernance dans une
Europe de région. L’État n’a cependant pas le monopole de la coordination. Les collectivités
s’organisent entre elles et à divers niveaux pour assurer une meilleure cohérence à leurs
relations extérieures1554.
En mars 2011, 4 789 collectivités territoriales françaises (régions, départements,
communes et structures intercommunales) menaient des projets de coopération internationale
totalisant près de 12 000 projets avec près de 10 000 collectivités partenaires dans 141
pays1555. En Rhône-Alpes, ce sont plus de 300 collectivités territoriales qui ont noué un ou
plusieurs partenariats de coopération décentralisée, hors pays de l’OCDE. Les actions ont lieu
principalement avec la Roumanie, le Burkina Faso, le Sénégal et le Mali.
La Région Rhône-Alpes, à elle seule, consacre plus de 10 millions d’euros à la
coopération décentralisée avec une quinzaine de régions dans le monde. Son engagement
correspond à la forte implication des citoyens rhônalpins. On recense près de 1500 structures
impliquées dans la coopération internationale. En terme économique, le secteur de la
solidarité internationale génère près de 1300 emplois dans la région1556.
1553Gallet (B), « Les enjeux de la coopération décentralisée », Revue internationale et stratégique 2005,
pp. 61-70
1554Maré (C), op, cit, p. 73.
1555Pasquier (R), « Quand le local rencontre le global : contours et enjeux de l'action internationale des
collectivités territoriales »,
Revue française d'administration publique 2012, pp. 167-182.
1556« La définition française de la coopération décentralisée », mise en ligne le 5 janvier 2012, consulté le 12
avril 2018, URL : http://www.resacoop.org/la-definition-francaise-de-la-cooperation-decentralisee
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
La coopération décentralisée a été critiquée de fait que la majorité des coopérations des
villes françaises avec l’étranger se situent dans la Zone de solidarité prioritaire (ZSP)1557 et à
l’intérieur de celle-ci dans les pays francophones. Pour ce qui est de l’Europe, l’Allemagne et
le Royaume-Uni représentent, à eux seuls, les deux tiers des jumelages français. Ces
tropismes qui montrent à quel point géographie, histoire et politique sont liées ne font pas les
affaires du Quai d’Orsay qui aimerait voir mieux diffusée dans le monde la politique de
solidarité et d’influence de la France. Les collectivités françaises sont quasiment absentes de
l’Inde, du Mexique, de la Thaïlande ou de l’Indonésie. Elles investissent timidement les
grands États d’Amérique du Sud et ne sont finalement bien présentes qu’en Chine et en
Russie. Cette situation est moins due à un manque d’intérêts qu’a un éloignement
géographique et culturel, ainsi qu’à la difficulté de conquérir de nouveaux territoires alors que
la plupart des ressources sont déjà affectées à d’anciennes collaborations. En outre, les
puissances émergentes sont peu familiarisées avec la coopération décentralisée, obligeant
l’État à négocier avec chacune d’entre elles pour élaborer une stratégie bilatérale1558. Le
ministère des Affaires étrangères souhaiterait notamment un renforcement de la présence
française dans les pays dits émergents comme le Mexique, le Brésil, l’Inde, la Turquie ou
l’Afrique du Sud ou dans des pays de l’élargissement européen comme les pays baltes1559.
Également, la coopération décentralisée a été critiquée au niveau de financement. Les
élus locaux considèrent le manque de moyens financiers comme le premier obstacle à leurs
actions extérieures, car les collectivités doivent essentiellement compter sur leurs fonds
propres. Leurs capacités sont en effet, limitées et surtout très variables d’une collectivité à une
autre. Rares sont celles qui profitant d’un budget relativement confortable pour leur
programme international, peuvent laisser aux collectivités moins riches le bénéfice des
cofinancements et préserver ainsi leur autonomie. Pour réaliser leurs actions de coopération
et d’aide au développement, elles peuvent solliciter différents bailleurs. Les principaux
instruments de cofinancement sont mis en place par les institutions publiques, par le
gouvernement français tout d’abord et par l’Union européenne ensuite1560.
1557La Zone de solidarité prioritaire (ZSP), définie par le gouvernement français en 1998, comprend les pays
auxquels la France propose une aide au développement et où son effort de solidarité internationale a vocation à
se concentrer
1558Maré (C.), op, cit, p. 133.
1559Gallet (B), « Les enjeux de la coopération décentralisée », Revue internationale et stratégique, 2005,
pp. 61-70
1560Maré (C.), op, cit, p.96.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Section 2. Les actions visant le développement économique local en
Tunisie : des
l’intervention des
collectivités territoriales
financières entravant
insuffisances
En matière de développement local, le faible niveau des équipements et des services a
limité le rôle attractif et polarisateur des villes. Les différents instruments de l’urbanisme et de
l’aménagement du territoire n’ont pas réussi à permettre aux collectivités territoriales de
planifier l’évolution effective de leurs territoires, de maitriser le foncier et de promouvoir les
projets urbains1561. Avant les années quatre-vingt-dix, de nouveaux organismes sont nés
comme les Conseils ruraux, les Comités de quartiers1562 et les Conseils locaux de
développement1563 qui devaient permettre de rapprocher l’administration de ses administrés,
souvent défavorisés dans ses régions, en les consultant sur les décisions économiques et
administratives concernant sa région1564. Nous trouvons aussi le Conseil de quartier ainsi que
des organismes spécialisés (Conseil des enfants et des jeunes)1565. L’action la plus
significative a porté sur la création par la loi du 4 février 1989 du Conseil régional1566, celui-ci
se présente comme la collectivité de base de développement régional et local.
Il existe aussi des organismes représentatifs comme le Conseil local de développement
prévu par la loi du 26 juillet 19941567 qui constitue un Conseil consultatif, crée dans la
circonscription de chaque délégué et qui examine en fait toutes les questions relatives au
développement économique, social, culturel et éducatif. Mais ce Conseil reste faible puisqu’il
se caractérise par l’absence des citoyens.
1561Verdeil (E), Turki (S-Y), « La décentralisation en Tunisie », op, cit, p. 15.
1562Décret n°92-967 du 22 mai 1992 portant création des comités de quartiers au sein de l’administration de
chaque gouvernorat relevant du premier délégué. « Les comités des quartiers sont un organe généralisé presque
dans tous les quartiers du territoire local. Ce sont des comités d’intérêt local à but non lucratif, qui servent
d’interlocuteur entre les habitants d’un quartier et leurs représentants locaux. Leurs champs d’activité concernent
les questions d’intérêt général de leur cité. Leurs organisations ainsi que leurs rôles d’activités peuvent être
différents d’un quartier à un autre. Ils contribuent à la question de la démocratie participative et peuvent tenir un
rôle politique de proposition. C’est ce qui justifie l’annulation de la loi qui les organisent, après la Révolution
tunisienne, et d’être remplacé par le décret du 24 septembre 2011 relatif aux associations. Les comités de
quartier existent en Tunisie depuis 1991. Ils sont soumis à la loi du 7 novembre 1959 relative aux associations,
En Tunisie, le nombre des comités de quartier jusqu’à 2009 est de 5345, chaque comité se compose des habitants
leur nombre varient de 6à9 membres », publié sur www.turess.com.
1563Loi n°94-87 du 26 juillet 1994, JORT, 1994, p. 1254.
1564Dabbou Ben Ayed (S), « L’État régulateur, les spécificités du cas tunisien », op, cit, p. 41.
1565Le Conseil d’enfant est apparu pour la première fois en Tunisie en 1992 dans la commune de Carthage puis
développé dans toutes les communes, ils sont créés par le Conseil municipal selon l’article 48 de la loi organique
des communes, et composés de 22 membres choisies parmi les élèves des deux sexes de la municipalité selon
des conditions fixées par décision du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de l’éducation.

1566Loi n°89-11 du 4-2 1989 relative aux Conseils régionaux modifiée par la loi n°93-119 du 27 décembre 1993.
1567Loi n°94-87 du 26 juillet 1994 portant création de Conseils locaux du développement, JORT, 1994, p. 1254.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Toutefois, toutes ces actions menées par l’État ont démontré leurs limites : l’absence
d’une politique d’aménagement du territoire concertée et efficiente, la mauvaise gouvernance
régionale et locale et l’inefficacité des moyens attribués aux collectivités territoriales. Ces
dernières ne disposent ni de la liberté ni des moyens financiers pour intervenir dans le
développement économique local.
Parallèlement à cette période et suite à la crise des années soixante-dix, la question du
développement local a commencé à se poser durant lesquelles l’État a ouvert la porte aux
organisations non gouvernementales (ONG), aux acteurs locaux avec la création des
associations du développement local, les groupements du développement agricole pour
remédier aux désengagements de l’État et à la mondialisation montante. L’adoption de la loi
organique de 1975 constitue un départ pour assurer un développement au niveau territorial1568
et permet aux communes de se doter de leur plan d’aménagement. Mais la logique verticale et
centralisatrice a été prépondérante dans la pratique tunisienne.
Par conséquent, la Révolution de 14 janvier 2011 a projeté au premier plan la question
des écarts du développement entre
les régions1569
traduites dans
les dispositions
constitutionnelles. La nécessité du développement se trouve consacrée dans la Constitution de
2014 qui ne se limite pas à la disposition économique, mais il la dépasse pour avoir d’autres
préoccupations telles que politique, sociale et administrative. D’ailleurs, les articles 81570,
141571 et 1321572 mentionnent l’approche politique et sociale du développement d’où on trouve
que l’État est chargé d’assurer les perspectives du développement.
La nouvelle Constitution a consacré les principaux moyens d’action des collectivités
territoriales et de ses modes d’intervention (Paragraphe 1). Néanmoins, l’insuffisance des
moyens financiers constitue un obstacle devant l’exercice de leurs actions (Paragraphe 2).
1568Belhedi (A), La question du développement régional et local, quelques éléments de réflexion et d’action,
publié sur : www.belhadi.wadpress.com
1569Zouari (A), Ministre de développement régional, « Livre blanc », p.12, publié sur www.eeas.europa.en.PDF.
1570« L’État assure les conditions propices au développement des capacités de la jeunesse et à la mise en œuvre
de ses potentialités. Il encourage les jeunes à assurer leurs responsabilités et à élargir leur contribution au
développement social, économique, culturel et politique ».
1571« L’État s’engage à renforcer la décentralisation et à la mettre en œuvre sur l’ensemble du territoire national,
dans le cadre de l’unité de l’État ».
1572« Les collectivités locales sont dotées de la personnalité juridique, de l’autonomie administrative et
financière. Elles gèrent les intérêts locaux conformément au principe de la libre administration ».
414

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

renforcement des
Paragraphe
territoriales après la Révolution : des actions à valeur constitutionnelle
actions des
1. Le
collectivités
Aujourd’hui, la Tunisie se trouve à la croisée des chemins et a besoin d’un nouveau
modèle de développement. Elle doit revoir ses politiques économiques pour que le décollage
économique devienne possible. Le nouveau modèle devrait éliminer les privilèges, ouvrir les
opportunités économiques à tous les Tunisiens et augmenter la prospérité à travers le pays.
Ceci nécessite d’abandonner l’idée d’un État providence qui a permis de donner naissance au
clientélisme et aux privilèges au profit des élites pour passer à un système dans lequel l’État
œuvre à établir et à faire respecter des règles de jeu équitable1573. Sur cette base, la nouvelle
stratégie de réforme a été élaborée. Tout d’abord en touchant la bonne gouvernance et la
participation citoyenne (A). Puis, le renforcement de la coopération décentralisée (B) et le
partenariat entre les collectivités territoriales (C).
A. La société civile, un nouvel acteur influent : exemple du budget participatif
L’absence d’une vision claire sur les investissements à réaliser, les secteurs à privilégier,
ainsi qu’une réflexion spécifique sur le rôle de l’État dans le développement des régions
défavorisées sont autant de paramètres qui ont fait de la société civile un acteur
incontournable dans les réformes institutionnelles en cours1574.
Le contexte Révolutionnaire et l’affaiblissement de l’État ont favorisé l’émergence d’une
nouvelle société civile composée de plusieurs associations qui s’est donné pour mission de
s’approprier la vie publique locale. Contrairement aux associations historiques qui ont existé
d’abord pour résister contre la mainmise du Parti et État et ont milité pour refonder un État
démocratique, la nouvelle société civile tunisienne se donne pour nouvelle mission de créer
des espaces d’autonomie en marge de l’État voire de remplacer l’État dans certains projets1575.
La vie associative a un rôle déterminant à jouer dans la démocratie naissante de la
Tunisie. Elle peut avoir un rôle de vigilance et de contrôle de l’action publique. Aujourd’hui
l’implication de la société civile dans la bonne gouvernance et le développement des
territoires est davantage institutionnalisée à travers de nouvelles dispositions dont la
promulgation de la loi du 24 septembre 2011 sur les droits des associations1576. Cette loi
1573Youssfi (H), « Redessiner les relations État/collectivités locales en Tunisie : enjeux socio-culturels et
institutionnels du projet de décentralisation », Papiers de Recherche AFD, 2017, p. 14.
1574Ibid, p. 15.
1575Ibid, p. 16.
1576Décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011, portant organisation des associations, JORT, 2011, p. 1977.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
apporte un ensemble d’assouplissements légaux qui facilitent en particulier la procédure de
création des associations et abolissent toutes sortes de sanctions privatives de liberté. Selon
une étude réalisée par une mission de l’Union européenne, deux mille nouvelles associations
ont vu le jour après le 14 janvier 2011. Cette éclosion vient dans un contexte de liberté de la
parole et de multiplication d’initiatives citoyennes, favorisé par la phase de transition
institutionnelle qui promet une plus grande implication de la société civile dans l’affaire de
développement1577.
L’article 139 de la Constitution de 2014 demande aux collectivités territoriales de mettre
en œuvre une démocratie participative. Selon cet article, « les collectivités locales adoptent
les mécanismes de la démocratie participative et les principes de la gouvernance ouverte afin
de garantir la plus large participation des citoyens et de la société civile à la préparation de
projets de développement et d’aménagement du territoire et le suivi de leur exécution,
conformément à la loi »1578. Il est prévu par ailleurs, avec l’article 133 que « la loi électorale
garantit la représentativité des jeunes au sein des Conseils des collectivités locales ».
Les autorités locales peinent souvent à satisfaire les besoins des citoyens et à allouer leurs
ressources restreintes d’une manière efficace et efficiente. Le budget participatif aide à
surmonter ces difficultés.
Le Budget participatif1579 peut être décrit comme un ensemble de mécanismes
participatifs qui visent à inclure les habitants dans le processus décisionnel définissant
l’orientation de tout ou partie des ressources de la collectivité. La participation à ces
mécanismes reproduits de manière cyclique sur la base du budget annuel de la commune,
permet aux participants de peser sur les équilibres économiques et sociaux1580.
1577Labiadh (I), La Tunisie à l’épreuve de la territorialisation : réalités et perspectives du modèle de
développement territorial
, Thése, Université de Grenoble Alpes, 2017, p. 243.
1578La Constitution marocainne a consacrée aussi la démocratie participative dans l’article « le régime
constitutionnel du royaume est fondé sur la séparation l’équilibre et la collaboration des pouvoirs ainsi que sur
la démocratie citoyenne et participative et les principes de la bonne gouvernance et de la corrélation entre la
responsabilité et la reddition des comptes
».
1579Le budget participatif est apparu en Brésil depuis 1989 dans la ville de Porto Allègre pour être développé
dans les pluparts des pays du monde tel que la France.
1580Labiadh (I), op, cit, p. 225.
416




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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Comme mécanisme de codécision, il permet à intégrer les citoyens dans les décisions sur
des affaires locales pour une meilleure gouvernance urbaine et une démocratie locale,
améliorer la relation de confiance entre les citoyens et les autorités pour un rendement fiscal
efficace et une démocratie locale vivante, améliorer les investissements, les infrastructures et
les équipements locaux en fonction des besoins des citoyens et améliorer la transparence et la
redevabilité des communes.
Les Budgets participatifs se mettent en place après la Révolution dans plusieurs
municipalités tunisiennes consistent à soumettre au choix des administrés une partie de
l’argent public dédié aux investissements1581. Ils répondent directement aux besoins
prioritaires formulés par les citoyens et améliorent de manière ciblée et ordonnée les
infrastructures et les équipements de la commune.
Dans le cadre des nouvelles orientations en matière de décentralisation et en cohérence
avec les dispositions du chapitre 7 de la Constitution tunisienne de 2014 et plus précisément
l’article 139, plusieurs communes se sont engagées dans l’expérience du budget participatif
comme l’expérience de la commune de Gabes 2014, Sbeïtla 2016 et de Sfax en 20151582.
Dans la municipalité de Gabès plus de 300 citoyens ont décidé des projets portant sur la
1581« En 2106, tous les projets de développement en Tunisie ont été participatifs et je le dis parce que le ministère
de l'intérieur a envoyé aux municipalités un guide de participation. Il n'y a pas de procédure pour contrôler la
mise en place de l’approche participative, la seule consigne reçue par les municipalités était qu’ils doivent tenir
au moins deux réunions sans aucun indicateur concernant la représentativité des citoyens, pas de pourcentage, et
je le dis parce que j'ai assisté à l'ensemble du processus dans une municipalité (...). Les municipalités ont juste
besoin de tenir au moins deux réunions et elles doivent juste documenter ça avec des photos et les envoyer en
tant que rapport. On précise également le montant à dépenser et les rubriques qui peuvent être soumises à la
discussion (routes, entretien, etc). Donc, les autorités ont limité le processus à quelques rubriques. Et même si
vous suivez une démarche participative telle que précisée dans le document, vous devez passer par la session du
conseil municipal ordinaire pour voter les décisions prises. Donc, même si les citoyens décident de manière
participative ce qu’ils veulent faire, vous devez passer décisions au vote du conseil municipal, et même lorsque
vous valider ces décisions en tant que conseil municipal, vous avez besoin de les soumettre au Ministère de
l'intérieur pour les approuver et cela s'appelle approche participative pour le budget du développement ». Yousfi
(H),
op, cit, p. 14.
1582« Exemple de Paris : le budget participatif correspond à 100 M € par an soit 5 % du budget total
d’investissement. Des projets présentés par les citoyens seuls ou par des associations, soit pour l’ensemble de la
ville, soit par arrondissement, et des projets spécifiques pour les écoles avec participation des enfants. Les projets
retenus doivent être de la compétence de la ville, relever de l’intérêt général et entrainer peu de dépenses de
fonctionnement. Projets éligibles pour être soumis au vote, après validation technique, par des commissions
tripartites : élus municipaux dont au moins un représentant de l’opposition, représentants des porteurs de projets,
citoyens et associations, municipalité. Les projets retenus sont soumis au vote de tous les Parisiens quelle que
soit leur nationalité avec un vote spécifique pour les enfants des écoles primaires. En 2016, 219 projets retenus
au final. Certains projets retenus définitivement sont de plusieurs M €, comme un hébergement des SDF, des
jardins sur les murs, plus de toilettes publiques. D’autres sont simplement de quelques centaines ou milliers
d’euros (installation d’un banc, arceaux à vélos, etc.) ». Ben Salem (K),
op, cit, p. 56.
417


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
thématique «embellissement de la ville »1583 et ont élu leur délégué du quartier. Ce projet a été
voté par les citoyens et adopté par le Conseil municipal qui a inclus les propositions dans son
budget annuel. Il a enfin été approuvé par le gouverneur et sa réalisation a débuté en 20151584.
Donnons aussi l’exemple de la commune de Sfax qui s’est engagée pour l’année 2015 dans
une expérience de budgétisation participative pour inclure les projets choisis par les citoyens
dans le projet du budget de 2016. Le Conseil municipal a approuvé la décision d’affectation
d’une enveloppe budgétaire de 3 millions de dinars du budget d’investissement dans les
rubriques de la voirie, l’éclairage public et la construction de trottoirs et leur pavage. La
dynamique crée par cette expérience a incité la commune à continuer dans ce projet et de la
reproduire l’année suivante pour une enveloppe plus importante et pour d’autres champs
d’interventions1585.
En définitive, le budget participatif a contribué à la construction d’un rapport de
confiance avec les citoyens, l’amélioration de la transparence financière et administrative,
l’amélioration de la communication entre la municipalité et les citoyens et l’augmentation des
budgets d’infrastructures et les budgets de développement économique. Après la Révolution,
nous remarquons aussi un renforcement du partenariat entre les collectivités territoriales. Mais
malgré ce renforcement, le partenariat reste très limité au niveau local pour plusieurs raisons.
1583En mai 2014, le forum de délègues a en lieu, les 24 délégués de tous les quartiers ont défini les priorités
budgétaires dans le domaine de « l’embellissement de la ville » pour un total de 200000 DTN portent sur des
priorités diverses tel que la création d’un jardin public, l’éclairage, le nettoyage de plusieurs rues du quartier.
1584 Pour plus de détails : « Dans la municipalité de Gabès, 8 fora citoyens ont été organisés dans les quartiers de
la ville de mars à avril 2014.
Plus que 300 citoyens ont décidés sur des projets portant sur le thématique
« embellissement de la ville » et ont
élu leurs délégués de quartier. En mai 2014, le forum des délégués a eu lieu.
Les 24 délégués, de tous les quartiers,
ont défini les priorités budgétaires dans le domaine de « l’embellissement
de la ville », pour un total de 200'000
DTN. Les priorités ont porté sur le nettoyage de plusieurs rues du quartier
de « Boulbeba », 25.000 DTN
, la création d’un jardin public avec des espaces et jeux pour enfants du quartier de
« Chatt Salam »,
25.000 DTN, l’éclairage, l’embellissement et l’implantation d’arbres dans les différents espaces
publics du quartier de
« El Manara » (l’école primaire, l’hôpital, la poste, le marché hebdomadaire), 25.000
DTN
, la création d’un parcours de santé du quartier de « El Menzel » pour les habitants, 25.000 DTN. Ces
projets ont été votés par les citoyens et adoptés par le conseil municipal qui a inclut les propositions dans son

budget annuel et les a faites approuver par le gouverneur. Les travaux vont débuter en 2015. Ben Yakhlef (A),
« La démocratie locale et la participation des citoyens à l’action municipale », 1juin 2014, p. 55.
1585Expérience décrite par Ahmed Guidra « Le Budget Participatif : Un pas vers la démocratie locale en Tunisie
l’expérience de la commune de Sfax, 2015 »,
mise en ligne 30 octobre 2010, consulté le 12 mai 2018, URL :
http://www.leaders.com.tn/article/18292-le-budget-participatif-un-pas-vers-la-democratie-locale-en-tunisie-l-
experience-de-la-commune-de-sfax
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

B. Le partenariat entre les collectivités territoriales : peu de progrés au niveau
local
En Tunisie comme en France, le partenariat apparait comme le maitre mot qui exprime
une mutation des modes de gestion du territoire dans la création d’une logique de partenaire
aux relations moins verticales plus équilibrées et un style d’actions moins directif et plus
participatif1586.
Le vocabulaire du partenariat ne relève pas de la logique juridique conçue comme un état
d’esprit. Il apparait comme une condition de réussite de l’action conjointe dans la gestion
collective des activités d’insertion1587. D’après cette identification, la technique de partenariat
constitue une modalité pour garantir l’efficacité de gestion.
Le principe de partenariat entre les collectivités territoriales offre en quelque sorte une
protection contre la centralisation. Il donne à ces collectivités respectivement régionales la
possibilité de s'associer sous une forme juridique à déterminer et de collaborer pour la
fourniture de services décentralisés, délégués ou dévolus. Si des collectivités territoriales sont
trop petites ou dans l'incapacité de fournir une tâche, elles peuvent envisager une
collaboration dite horizontale entre elles pour fournir la prestation plutôt que de transférer
cette dernière à la région. De même, deux ou plusieurs régions peuvent collaborer pour
fournir une tâche régionale qui dépasserait leur capacité plutôt que de la transférer au
centre1588.
Le partenariat décentralisé sous forme de coopération locale a pour objectif d’améliorer
leurs capacités mutuelles à créer, assurer et gérer efficacement des services publics locaux,
développer des zones communes d’activités ou mettre en place des technopoles avec des
pépinières d’entreprises de nature à attirer les investissements et renforcer la compétitivité des
territoires locaux et régionaux1589. Ce mode de partenariat rend les communes plus solidaires
en exécutant en commun un projet de développement destiné à améliorer l’aménagement du
territoire.
1586Ben Leaief (M), op cit, Tunis, 2005, p.237.
1587Hemeuy(V), « Le partenariat : une notion juridique en formation », RFD, 1998, p. 348.
1588Rapport, Gilbert (G), Dafflon (B), « L'économie politique et institutionnelle de la décentralisation en
Tunisie : état des lieux », 24 juin 2013, p. 13.

1589Rapport, « Évaluation et développement des instruments de l’aménagement du territoire en Tunisie », juillet
2012, p. 74, URL http://www.jumelage-transport.tn/dgpe/images/docpdf/rap%20final%202012.pdf
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Le législateur tunisien explique les objectifs de partenariat entre les communes en
déclarant que : « les communes peuvent coopérer entre elles et mettre en commun une partie
de leurs ressources pour des objets d’utilité commune. La coopération entre communes
permet de faire face à des insuffisances en ressources financières qui empêchent souvent
l’exécution de la politique urbaine. En effet, la maîtrise de l’espace se trouve parfois
conditionnée par la suppression ou l’allègement de ces moyens qui pèsent lourdement quant à
la gestion de leur espace, tant sur le plan financier que sur le plan humain et technique. La
coopération des communes permet d’atteindre la performance administrative de la gestion.
La coopération permet également de faire face à la juxtaposition de documents d’urbanisme
en dehors d’une politique homogène qui viserait un ensemble urbain cohérent, un territoire
qui groupe un certain nombre d’agglomérations interdépendantes. De même, les communes,
peuvent exploiter un ou plusieurs services publics à caractère économique ou commercial
d’intérêt commun à plusieurs communes par l’une d’elles faisant office de concessionnaire à
l’égard des autres communes ou par un syndicat de communes ou par une agence regroupant
les différentes communes concernées »1590.
La loi organique des communes du 14 mai 19751591 ne prévoit que deux formes de
coopération communale. La convention1592 et la concession1593. Deux autres formes indirectes
de coopération intercommunale sont possibles mais exigent une externalisation du service a
une entité juridique distincte des communes coopérantes : la régie1594 et la société
commerciale1595. Comme dans la convention et la concession, il s'agit d'exploiter un ou
plusieurs services publics à caractère économique ou commercial d'intérêt commun à elles.
1590Article 101 de la loi organique n°95-68 du 24 juillet 1995 modifiant et complétant la loi organique des
communes,
JORT, 1995, p. 1220.
1591Loi organique 75-‐33 des Communes, modifiée et complétée par la loi organique du 17 juillet 2006.
1592Article 134 nouveau, modifié par la loi organique du 17 juillet 2006, deux conseils municipaux ou plus
peuvent conclure des conventions touchant à des questions d’intérêt commun aux communes intéressées, en vue
de réaliser des projets, rendre des services ou d’exploiter des équipements. Lesdites conventions sont approuvées
par le gouverneur de la région, lorsque les communes appartiennent au même gouvernorat, et par le ministre de
l’intérieur lorsque les communes relèvent de deux ou de plusieurs gouvernorats.
1593Ajouté par la loi organique du 17 juillet 2006. Les communes peuvent, en vertu d’une délibération, exploiter
un ou plusieurs services publics à caractère économique ou commercial et d’un intérêt commun à elles, par
l'intermédiaire d’une seule commune tenant lieu de concessionnaire pour les autres, suivant une convention
approuvée par arrêté du ministre de l’intérieur après avis du ministre des finances.
1594Article136 ajouté par la loi organique n° 2006-48 du 17 juillet 2006, Les communes peuvent exploiter un ou
plusieurs services publics à caractère économique ou commercial et d’un intérêt commun à elles, sous forme de
régie relevant des communes concernées. La régie entre communes est un établissement public à caractère non
administratif, dont la création, l’organisation et le mode de fonctionnement sont fixés par décret pris sur
proposition du ministre de l’intérieur, après avis des conseils municipaux concernés ou sur leur demande.
1595Article 137 ajouté par la loi organique du 17 Juillet 2006. Des sociétés commerciales peuvent être créées à
l'initiative de deux ou plusieurs communes, en vue de gérer les services publics communs à elles, à caractère
économique ou commercial.
420

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Une convention est établie lorsque deux ou plusieurs communes veulent coopérer sur des
questions d'intérêt commun en vue de réaliser des projets, rendre des services ou exploiter des
équipements. Elle doit être approuvée par le gouverneur si les communes appartiennent au
même gouvernorat et par le ministre de l'intérieur si elles appartiennent à des gouvernorats
différents. Avec la concession, une commune concessionnaire peut exploiter pour elle et pour
d'autres communes un ou plusieurs services publics à caractère économique ou commercial et
d'un intérêt commun à elle1596.
La régie est un établissement public à caractère non administratif dont la création,
l'organisation et le mode de fonctionnement sont fixés par décret pris sur proposition du
ministre de l'intérieur après avis ou sur la demande des Conseils communaux. La définition de
la société commerciale n'est pas donnée1597.
L’article 140 de la Constitution de 2014 prévoit ce genre de relation en déclarant que : «
les collectivités locales peuvent coopérer et créer des partenariats entre elles, en vue de
réaliser des programmes ou accomplir des actions d’intérêt commun ».
Après la Révolution, le partenariat entre les collectivités territoriales a été renforcé. Par
exemple la convention conclue entre la commune de Sousse et la commune M’Saken en Mars
2014 qui a pour objet l’achat des matériels d’équipement peut aussi concerner la matière
d’assainissement.
Contrairement à la France, en Tunisie, peu de progrès ont été accomplis pour concrétiser
les possibilités d’une collectivité territoriale en matière de coopération intercommunale1598.
Nous constaterons ainsi, que l'évolution assez lente de cette coopération le justifie par le
manque de financement, l’absence de textes d’application notamment concernant les aspects
touchant à la gouvernance des groupements (la répartition des sièges, le choix du Président, la
sécurisation des recettes…), la lourdeur de procédure de création et de gestion des structures
intercommunales et enfin le manque de sensibilisation des élus sur les enjeux de
l’intercommunalité1599.
1596Rapport, Gilbert (G), Dafflon (B), op, cit, p. 13.
1597Ibid, p. 13.
1598Cette expérience a été tentée une seule fois avec le District de Tunis, établissement public d'étude et
d'aménagement du Grand Tunis revêtant à la fois le caractère d’une association de communes et d’une
délégation interministérielle, qui a été transformé en agence urbaine du Grand Tunis (AUGT) en 1994. Cet
organisme a joué un rôle très important dans la planification, la programmation et le suivi du développement de
la région métropolitaine de Tunis entre 1975 et 1990.
1599Belghith (A), La maitrise urbaine, Thèse, Université de Toulouse, 2017, p. 240.
421


Page 424
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Les expériences de partenariat entre les communes en Tunisie présentent leur insuffisance
justifie par leur apparition sauf entre les grandes communes telle que Sfax, Monastir, Sousse,
qui est aussi difficile d’être réalisé à cause de l’absence des ressources financières pour
l’exécution des projets de partenariat. Ce qui nécessite l’existence d’un cadre législative qui
organise la coopération entre les communes à tous les niveaux et qui permet la création des
ressources matérielles financières nécessaires pour leur financement. Il faut aussi faciliter
l’exécution des projets et généraliser la dynamique de partenariat à toutes les catégories des
communes locales comme l’est déjà prévu par la Constitution de 2014 qui crée des rapports
de partenariat entre région et commune et district ou entre chaque catégorie dans le but
d’assurer l’attitude de participation de partenariat dans le but d’assurer un intérêt commun qui
réponde aux besoins des populations locales et d’assurer les valeurs de la démocratie locale.
Aujourd’hui, le partenariat entre les collectivités territoriales reste encore un objectif à
atteindre concernant la réalisation de différentes actions d’intérêt commun telles que la
réflexion de voirie, l’aménagement des trottoirs, l’éclairage public ou la gestion des déchets.
Comme en France, les collectivités territoriales tunisiennes peuvent aussi coopérer avec
d’autres collectivités territoriales étrangères. Toutefois, le manque de financement et de
l’autonomie administrative risque le développement de la coopération avec les collectivités
étrangères.
C- La coopération décentralisée : le manque de l’autonomie financière et
administrative restreint la coopération avec les collectivités étrangères
La coopération décentralisée peut s’analyser de façon générale comme l’ensemble des
actions de coopération internationale menées dans un but d’intérêt commun par une ou
plusieurs collectivités territoriales et une ou plusieurs autorités étrangères et leurs
groupements dans le cadre de leurs compétences mutuelles1600. Elle a pour objectif de
promouvoir le développement durable dans ses trois dimensions : économique, sociale et
environnementale au niveau des territoires qu’il s’agisse de communes, de départements ou
de gouvernorats1601.
En Tunisie, la coopération décentralisée n’est pas un fait nouveau même si depuis
plusieurs années elle avait fini par être freinée voire bloquée par les autorités centrales. Mais
les liens existent et ne demandent souvent qu’à être réveillés. Ceux qui ont perduré le doivent
1600Sayah (J), L’acte II de la révolution tunisienne : La constitution, op, cit, p.218.
1601Kratou (L), Le rôle de la coopération publique dans la protection de l’environnement en Tunisie : Efficacité
et limites
, Thèse, Université de Lorraine, 2016, p. 220.
422

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

au choix de cette approche territoriale et participative impliquant une société civile qui a
donné de la chair à la coopération pour reprendre le mot de l’ancien Ministre Charles
JOSSELIN qui fut l’un des principaux initiateurs et pratiquants de la coopération
décentralisée notamment avec la région de Gabes1602.
La coopération décentralisée en Tunisie concerne toutes les coopérations au niveau des
gouvernorats ou des municipalités avec des collectivités territoriales étrangères1603. Les
projets de coopération décentralisée au-delà des simples jumelages peuvent avoir pour
objectif de contribuer à promouvoir le développement économique dans ses trois dimensions :
en favorisant le développement économique au niveau de l’agriculture, de l’industrie ou des
services, en apportant un soutien aux actions sociales et en participant à la protection de
l’environnement.
Au niveau des gouvernorats, les partenariats se nouent principalement avec les régions de
pays étrangers. 12 sur les 24 gouvernorats de Tunisie sont impliqués dans 18 partenariats.
Trois gouvernorats tunisiens, ceux de Gafsa, Mahdia et Médenine coopèrent en effet avec
plusieurs entités régionales. Les régions et les départements français apparaissent comme les
principaux partenaires des gouvernorats tunisiens avec 6 régions et 7 départements impliqués
dans ces partenariats. La moitié des gouvernorats tunisiens rassemblant 58% de la population
tunisienne ont développé des actions de coopération décentralisée. Il y a sans doute de
nombreuses possibilités pour la création de nouveaux partenariats entre des gouvernorats
tunisiens et leurs homologues d’autres pays. En effet, 43 municipalités tunisiennes ont établi
171 partenariats avec des communes étrangères. En nombre de partenariats, l’Europe domine
les actions de coopération décentralisée avec la Tunisie, soit 116 partenariats représentant
68% de l’ensemble des partenariats au niveau des communes tunisiennes, 22% des
1602« Plusieurs États européens ont reconnu la coopération décentralisée par la loi, dont la France avec la loi de
1992, complétée en 2014, mais aussi l’Espagne, le Portugal, la Suède, l’Italie (etc.). D’autres, les plus nombreux,
ont considéré que l’action extérieure et internationale faisait naturellement partie du rôle et du libre choix des
collectivités, dans le cadre de leurs compétences. Certaines collectivités jouissent d’une large autonomie
octroyée par la Constitution, d’autres investissent l‘international dans l’intérêt de leurs populations. Dans
quelques pays, la coopération décentralisée est régie par une loi générale sur la coopération avec des pays dits en
développement. Beaucoup d’autres s’appuient essentiellement sur les jumelages municipaux, lesquels prennent
progressivement, et depuis quelques années, un contenu plus « stratégique » dans le cadre d’une vraie politique
d’ouverture internationale, voire d’une para-diplomatie ». Hamon (P), « Coopération et Partenariat », Colloque
international
, L’État et le pouvoir local, Tunis 29 - 30 avril 2016, p. 5.
1603Tarchouna (L), « L’encadrement constitutionnel de la décentralisation », Conférence à Université de Sienne,
Italie. URL :
uploads/sites/5/2013/11/L%E2%80%99encadrement-
http://www.tunisia.unisi.it/wpcontent/
constitutionnel-dela-d%C3%A9centralisation-Prof.-Lotfi-Tarchouna.pdf
423


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
partenariats ont été instaurés avec des communes des pays arabes. Les autres pays du monde
n’occupent qu’une place modeste avec 10% des partenariats1604.
Après la Révolution, la coopération décentralisée a été consacrée dans la Constitution.
L’article 140 dispose que « les collectivités locales peuvent établir aussi des relations
extérieures de partenariat et de coopération décentralisée… ». Selon cet article, la
coopération décentralisée constitue une nouvelle démarche de développement qui place les
collectivités territoriales au centre de la mise en œuvre d’un nouveau genre de partenariat.
La coopération décentralisée en Tunisie s’est fortement développée avec l’Italie vu la
proximité géographique et avec la France vu la proximité linguistique1605, aussi avec le Maroc
et l’Algérie. Donnons l’exemple de la coopération décentralisée entre l’Italie et la Tunisie
(Région Toscane et région Kasserine) de 2014. Le partenariat de coopération décentralisée
entre ces deux régions a permis à un hôpital Italien partenaire de réaliser une formation en
Tunisie afin de développer et renforcer les capacités du système socio-sanitaire de la région
de Kasserine1606 et d’informer sur les maladies nosocomiales, oncologiques et celles plus
généralement liées à la santé de la mère et l’enfant. Les infrastructures de santé ont également
été réhabilitées et ont reçu de nouveaux équipements, permettant ainsi d’améliorer
sensiblement la qualité du service délivré à la population kasserinoise. Ce travail conjoint
entre les deux régions a ainsi permis de renforcer le partenariat, en favorisant le travail
collaboratif des acteurs des deux régions1607.
Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a lancé un appel à projets en 2017 en
soutien à la coopération décentralisée pour les collectivités territoriales françaises et les
collectivités territoriales tunisiennes. Cette coopération a pour objectif la gestion des services
techniques des collectivités territoriales, le renforcement des capacités permettant d’améliorer
l’efficacité et la qualité des services publics concernés telle la police municipale pour la
protection de l’environnement et la sécurité touristique. Dans le domaine de partenariat
public-privé notamment dans la gestion des parcs de stationnement, des parcs et jardins, aussi
1604Kratou (L), Poirot (J), « Les perspectives de la coopération économique décentralisée en Tunisie dans le
cadre du développement durable »,
Mondes en développement 2016, p. 43.
1605« Rencontres de la coopération décentralisée tuniso-françaises à Monastir », 2012, mise en ligne 13 novembre
2012, consulté
le 5 mars 2018, URL : http://www.cites-unies-france.org/Rencontres-de-la-cooperation-
decentralisee-Monastir
1606Le gouvernorat de Kasserine est une région essentiellement rurale (60% de la population), où les conditions
de santé de ses habitants demeurent extrêmement précaires. En effet, d’après la carte sanitaire du ministère de la
santé de 2011, la région de Kasserine compte seulement 1 médecin pour 3.226 habitants, 1,25 lit médicalisé pour
1000 habitants et ne dispose que d'un très faible nombre de gynécologues obstétriciens.
1607Etude de cas, intégration du phénomène de la mobilité dans les relations de coopération décentralisée.
424

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

dans le cadre de la communalisation du territoire national tunisien, de nouvelles communes
vont être créées.
À cause de la faiblesse de leurs fonds propres, les collectivités territoriales ne peuvent
contribuer au financement à hauteur de leurs partenaires françaises. Les causes sont
multiples : redistribution des ressources nationales inadaptées, faiblesse des recettes issues des
impôts, corruption, refus des banques à répondre à une demande peu solvable (etc.). Ces
défaillances placent parfois les collectivités territoriales dans la posture de receveur quasi
parfait, rendant indispensable le concours des agents de l’État au point que le terme de
coopération déconcentrée est préféré à celui de coopération décentralisée1608.
Selon les collectivités territoriales françaises, les principales difficultés rencontrées lors
de leur coopération avec les collectivités territoriales tunisiennes sont liées essentiellement
directement ou indirectement à des problèmes administratifs ou politiques. Les collectivités
françaises regrettent le manque d’autonomie et la lenteur dans les prises de décisions de leurs
partenaires. Elles déplorent également les rigidités de l’administration centrale tunisienne et le
défaut d’un véritable soutien politique de la part des autorités en Tunisie. Pour les régions qui
ont mené des actions de coopération décentralisée plus coûteuses que les autres collectivités
territoriales, la première difficulté est celle d’obtenir des financements satisfaisants. Quant à
la seconde, elle est liée à la lenteur des prises de décision au niveau du gouvernorat avec
lequel s’était établie la coopération. La cause essentielle selon les responsables résulte de la
forte centralisation du système administratif tunisien au profit des ministères1609, spécialement
le ministère de l’intérieur. Par contre, les points forts de la coopération décentralisée résident
essentiellement dans les bonnes relations avec les partenaires tunisiens et la volonté de
coopérer de ces derniers. Aussi la volonté évidente des deux collectivités de poursuivre et de
développer les relations existantes, ainsi que la forte volonté des partenaires de la société
civile (en Tunisie comme en France) d’y prendre part. L’autre point fort de la coopération
décentralisée réside dans la diversité des actions et la pluralité d’acteurs concernés et un
pilotage des projets considéré comme satisfaisant par le partenaire institutionnel1610.
Mais avec quelles ressources les collectivités territoriales pourront-elles agir pour
opérationnaliser ces nouvelles compétences et promouvoir le développement économique à
l’échelon local ?
1608Maré (C.), op, cit, p. 99.
1609Kratou (L), Poirot (J), op, cit, p. 47.
1610Ibid, p. 49.
425


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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Paragraphe 2. L’insuffisance des moyens financiers des collectivités
territoriales : un obstacle devant l’exercice de leurs actions
Les collectivités territoriales sont de plus en plus impliquées dans la gestion des affaires
publiques. Elles sont en charge de la fourniture de services et équipements publics à leurs
populations respectives et elles participent au développement économique de leurs territoires.
L’exercice de telles fonctions d’une manière efficace et responsable est tributaire entre autres
de la disponibilité d’un financement approprié et adéquat quant à son volume et aux
conditions de sa mobilisation. Il s’agit des ressources propres fiscales et non fiscales que les
collectivités territoriales peuvent mobiliser par elles-mêmes en vertu des prérogatives que la
loi leur confère. Toutefois, il est rare que de telles ressources suffisent à satisfaire les besoins
de financement des compétences décentralisées.
Depuis l’indépendance, les collectivités territoriales n’ont eu pas les moyens financiers
possibles pour participer au développement économique local (A). Aujourd’hui, avec la
nécessité de leurs interventions, le gouvernement a entrepris plusieurs solutions pour le
développement de ses moyens financiers (B).
A. L'insuffisance des moyens financiers des collectivités territoriales
La structure des finances locales permet de constater que l’État a habitué les communes
en particulier à des formes multiples d’assistance : subventions, prêts, personnel rémunéré sur
le budget de l’État, (etc.). Si cette assistance maintient une dépendance des collectivités
locales vis-à-vis de l’État, elle ne décourage pas la carence de ces collectivités. Se cantonnant
dans le cadre d’une rigide législation, les collectivités semblent s’interdire toute imagination
pour concevoir des ressources propres ou des moyens adéquats pour améliorer la qualité de la
vie au sein de la commune1611. On peut constater ainsi, que pour financer les projets et les
réponses aux besoins locaux, les collectivités recourent toujours à l’État notamment à travers
le fonds commun des collectivités territoriales créées par la loi du 14 mai 19751612.
Les collectivités territoriales disposent de moyens financiers très limités. La faiblesse de
ces moyens est une vérité qui prend racine dans l’histoire et cela pour deux raisons
essentielles. D’abord, tant par les nécessités de construction d’un État national fort que
l’existence d’un parti unique intégré aux structures administratives à tous les niveaux
1611Baccouche (N), « Décentralisation et démocratie locale en Tunisie », in, Administration et changement :
mutations structurelles et pénétration territoriale en Tunisie
, (dir), Ben Salah (H), Roussillon (H), Publication de
FDSPT, p. 145.
1612Loi n°75-33 du 14 mai 1975, portant promulgation de la loi organique des communes, JORT, 1957, p. 99.
426

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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

émoussèrent les revendications locales1613. Ensuite, parce que ces mêmes collectivités ont
depuis toujours et plus particulièrement depuis l’indépendance des limites imposées à leurs
moyens financiers en raison des impératifs de gestion rationnelle1614.
Les collectivités territoriales dépensent de l’argent pour rémunérer leurs fonctionnaires,
subventionner les associations et surtout réaliser des investissements ainsi que des dépenses
d’équipements qui servent à construire des centres de loisirs, des maisons de jeunesses ou
bien des espaces publics communs. L’État soutien ces collectivités afin de réaliser des actions
d’intérêt général, tel que la collecte des déchets qui nuit à la santé publique en cas de
négligence. Ainsi, la réalité est trop loin de cette hypothèse, les collectivités territoriales en
Tunisie souffrent du manque de financement auprès de l’État et auprès des taxes foncières
suite à l’évasion fiscale de plusieurs citoyens. La limite de financement se voit également
dans la situation environnementale grave dont souffre le pays à cause des salaires faibles des
agents chargés de la propriété qui ne couvrent pas leurs besoins et qui surtout ne protègent pas
leur santé en cas de maladies et en dernier lieu à cause de la situation de travail très
difficile1615.
Afin de supporter les collectivités territoriales, l’État a créé une Caisse des prêts et de
soutien en 1992 qui vise à financer les projets d’investissements, rationaliser les dépenses de
fonctionnements et instaurer des moyens modernes de gestions comme la comptabilité
analytique et l’informatique par le soutien financier et technique qui permet à suivre les
projets à réaliser et l’assistance de gestion des ressources1616. Néanmoins, les ressources de
cette Caisse sont réduites et limitées. Elles ne peuvent pas répondre aux initiatives de réaliser
des projets d’investissements ou d’améliorer les infrastructures sans oublier les faibles
subventions accordées par l’État afin d’instaurer la justice entre les communes1617.
Contrairement à la France, les collectivités territoriales tunisiennes ne disposent pas de
l’autonomie financière. L’examen des budgets communaux révèle l’importance des aides de
l’État à travers le fonds commun pour le budget de fonctionnement qui représente à peu près
40% du titre I et les subventions et les prêts pour le titre II. Ces derniers s’articulent autour de
1613Lakhdhar (M), « L’institution des conseils régionaux ou le recyclage de la décentralisation », AJT, 1990,
p. 79.
1614Aouij Mrad (A), « Les finances des collectivités territoriales », op, cit, p. 100.
1615Sellami (S), Politique économique postrévolutionnaire, Mémoire (M2), FDSPT, 2014, p. 67.
1616Caisses des prêts et de soutien des collectivités locales.
1617Lahmar (R), « Tunisie, la réforme ambitieuse des municipalités aura-t-elle lieu ? », mise en ligne le 31 aout
2014, consulté le 20 mars 2017, URL : https://www.realites.com.tn/2014/08/tunisie-la-reforme-ambitieuse-des-
municipalites-aura-t-elle-lieu/
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
60% du budget d’équipement et sont des subventions spécifiques dans le sens où elles servent
à financer des projets arrêtés par l’État dans le périmètre communal1618. Ainsi, le budget
communal est fortement dépendant des aides de l’État ce qui ne favorise aucunement
l’autonomie financière de ces entités et les place dans une situation de subordination à l’égard
du pouvoir central lequel décide dans de nombreux domaines ayant des implications
financières. Il décide tout d’abord du type de recettes allouées aux collectivités territoriales et
il signe en outre des conventions de prêts internationaux dont bénéficieront les collectivités
publiques. Il octroie par ailleurs divers avantages fiscaux afin d’encourager certaines activités
ce qui est un autre moyen d’orienter les activités de ces collectivités1619. D’emblée, la capacité
des communes de conduire le développement local demeure limité. Leurs budgets
représentent seulement 3,6 % du budget de l’État1620.
Le législateur tunisien n’a pas permis à ces collectivités locales d’avoir les moyens
nécessaires pour pouvoir décider et pour devenir un pôle de développement1621. En France,
l’autonomie financière est le corolaire du principe constitutionnel de libre administration,
lequel ne peut exister en dehors d’un minimum d’autonomie financière. C’est la loi de 1982
sur la décentralisation qui a réellement consacré le principe de l’autonomie financière des
collectivités territoriales. La loi organique du 29 juillet 2004 a considérablement élargi la
notion de ressources propres de ces collectivités1622.
L’autonomie financière des collectivités territoriales risque d’être entravée sur le plan
pratique pour deux considérations. La première tient à l’insaisissabilité de la notion
d’autonomie financière, notion à contenu variable, obscure, vague et envahissante.
L’autonomie financière des collectivités territoriales risque de devenir sans consistance réelle.
D’ailleurs, la notion d’autonomie financière a été consacrée au niveau des lois organiques de
1975 et 1989 relatives aux communes et aux Conseils régionaux, sans pour autant que les
1618Baccouche (N), « Décentralisation et démocratie locale en Tunisie », in, Administration et changement :
mutations structurelles et pénétration territoriale en Tunisie
, (dir), Ben Salah (H), Roussillon (H), Publication de
FDSPT, 2010, p. 139.
1619Canesse (A-A), « Les politiques de développement en Tunisie, de la participation et de la gouvernance sous
l’ère Ben Ali »,
in, Archives contemporaines, 14 mai 2014, p. 72.
1620Banque mondiale, Aperçu du soutien de la Banque mondiale aux programmes du développement urbain et
de la gouvernance locale du gouvernement tunisien, mise en ligne juillet 2015, consulté le 20 décembre 2017,
URL :
http://documents.worldbank.org/curated/en/977541467992498655/pdf/100147-REVISED-10-14-
FRENCH-BRI-PUBLIC-Box393225B-Overview-Apercu.pdf

1621Baccouche (N), « décentralisation et démocratie locale en Tunisie », in, Administration et changement,
mutations structurelles et pénétration territoriales en Tunisie
, (dir), Ben Salah (H), Roussillion (H), Presses de
l’institut d’études politiques de Toulouse, pp. 146-147.
1622Mokni (H-B), op, cit, p. 139.
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

collectivités territoriales disposent réellement d’un pouvoir de décision en matière financière.
La seconde considération tient au mutisme de la Constitution de 2014 sur la question du
pouvoir fiscal local. En dépit des voix autorisées revendiquant la reconnaissance d’un pouvoir
fiscal local encadré et rationalisé, l’Assemblée nationale constituante n’a pas habilité les élus
locaux à déterminer souverainement les sources de financement de leurs choix financiers. La
liberté dont ils disposent conformément au chapitre VII de la nouvelle Constitution se limite à
la gestion des ressources qui leur sont affectées par les autorités centrales. Le budget des
collectivités locales demeure toujours arrêté par le pouvoir central1623.
Après la Révolution, la fragilité des collectivités territoriales a été dévoilée tel que les
problèmes de financement. Cette situation a exigé une présence politique réelle pour renforcer
l’autonomie financière de ces collectivités.
B. Les solutions prises par le gouvernement aux problèmes financiers
La Constitution de 2014 prévoit des solutions aux problèmes financiers des collectivités
territoriales en stipulant que « les collectivités locales disposent de ressources propres et de
ressources qui leur sont transférées par l’autorité centrale, ces ressources étant adaptées aux
prérogatives qui leur sont attribuées par la loi »1624. De même, elle dispose que « toute
création ou transfert de compétences de l’autorité centrale aux collectivités locales doit
s’accompagner d’un transfert de ressources correspondant »1625. Elle ajoute que l’autorité
centrale doit fournir « des ressources complémentaires aux collectivités locales, en
application du principe de solidarité et suivant les modalités de la régulation et de
l’adéquation1626 et doit « œuvrer à la création d’un équilibre entre les revenus et les charges
locales ». Enfin, elle a prévu qu’«une part des revenus provenant de l’exploitation des
ressources naturelles peut être consacrée à la promotion du développement régional sur
l’ensemble du territoire national »1627.
Tout principe énoncé dans la Constitution doit être suivi de textes d’applications. Dans ce
sens, un ministère des affaires locales et de l’environnement a été créé1628. Il doit assurer
l’élaboration et
le suivi de
la politique gouvernementale générale en matière de
1623Baccouche (N), Dubout (E), op, cit, p.51.
1624Article 135 alinéa 1.
1625Article 135 alinéa 2.
1626Article 136 alinéa 1.
1627Article 136 alinéa 2.
1628Décret n°365 du 18 mars 2016 portant création d’un ministère des affaires locales et de l’environnement,
JORT
, 2016, p. 1450.
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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
décentralisation et de veiller à la promotion du développement local sur tout le territoire de la
République en application de la Constitution et particulièrement le titre 7 relatif au pouvoir
local. Le ministère des affaires locales et de l’environnement doit veiller au renforcement des
capacités des collectivités territoriales et à leur accompagnement. Pour arriver à ce résultat il
doit élaborer une démarche pragmatique et progressive d’adhésion des collectivités locales au
processus de la décentralisation sur la base d’une analyse de la situation de ces
collectivités1629, prévoir des études stratégiques prospectives de la décentralisation ainsi que la
formulation, la planification, la mise en œuvre et le suivi évaluation d’une vision de
l’opérationnalisation du processus de la décentralisation sur tout le territoire national1630. Le
ministère doit aussi préparer un programme de transfert des compétences et des ressources
humaines et financières nécessaires en faveur des collectivités locales en collaboration avec
les instances et services publics des différents secteurs1631, et enfin, la mobilisation des
ressources financières nécessaires et adéquates pour la mise en œuvre du processus de la
décentralisation et l’étude des meilleurs moyens pour optimiser l’utilisation du financement
public d’appui aux collectivités locales1632.
La réforme des subventions à l'investissement constitue une bonne action entreprise par le
gouvernement. Elle vise à améliorer l'efficacité du soutien de l'État aux investissements
locaux, accroitre la transparence du processus d'octroi et introduire progressivement un
système de subventions basées sur la performance. Ce système est fondé sur une formule de
répartition, au moyen de critères objectifs et mesurables (population et potentiel fiscal)
comportant un critère de discrimination positive (indice de développement régional). L'accès
aux subventions à l'investissement est conditionné à la satisfaction des collectivités locales
aux conditions minimales obligatoires. Des financements additionnels pourront ensuite être
versés aux collectivités ayant atteint un certain niveau de performance, déterminé par des
évaluations annuelles indépendantes en fonction de critères prédéfinis1633.
1629Article 3 du décret du 18 mars 2016 portant création d’un ministère des affaires locales et de
l’environnement.
1630Décret n°365 du 18 mars 2016 portant création d’un ministère des affaires locales et de l’environnement,
op, cit.

1631Article 3 alinéa 1 du décret du 18 mars 2016 portant création d’un ministère des affaires locales et de
l’environnement.
1632Article 3 alinéa 2 du décret du 18 mars 2016 portant création d’un ministère des affaires locales et de
l’environnement.
1633« La mise en place de structures de gouvernance participatives en Tunisie : un entretien avec le Ministre des
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http://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2016/09/09/the-implementation-of-participatory-governance-
structures-in-tunisia.print
430


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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Le nouveau décret du 30 septembre 2014 fixant les conditions d’attribution des prêts et
d’octroi des subventions par la Caisse des prêts et de soutien des collectivités locales
(CPSCL)1634 modifie en profondeur le dispositif de 1992 révisé en 1997. Il se traduit
notamment par une plus grande autonomie des communes en matière de programmation de
leurs investissements par le découplage des prêts et des subventions proposées par la CPSCL
et par un nouveau système de répartition des dotations de subventions d’investissements
mettant en avant les performances des collectivités locales. Dans l’ancien système centralisé,
les communes étaient sous la tutelle du pouvoir central, est ainsi transformé en un système
dans lequel les communes sont plus autonomes et responsables devant leurs citoyens de la
fourniture des services publics locaux. Ces changements majeurs entrainent une plus grande
liberté pour les communes du choix de leurs investissements décidés après consultation des
citoyens. Ils nécessitent aussi la mise en place de moyens financiers transparents et prévisibles
permettant aux communes de programmer le financement de ces investissements dans le
temps.
En définitive, l’aspect financier reste toujours une entrave devant le développement
économique local. Aujourd’hui, l’adoption d’un budget séparé du budget de l’État pour les
collectivités territoriales est une nécessité. Ces collectivités peuvent jouer un rôle important
dans le développement local et la relance de l’investissement surtout dans les régions
marginalisées.
1634Décret n° 2014-3505 du 30 septembre 2014, fixant les conditions d'attribution des prêts et d'octroi des
subventions par la caisse des prêts et de soutien des collectivités locales,
JORT, 2014, p. 2576.
431











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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Conclusion du chapitre II
Au cours de ces dernières années, la gestion locale a connu une grande innovation. Les
collectivités territoriales ont eu vocation à intervenir dans le domaine des affaires locales pour
relancer l’économie et accélérer les investissements. En effet, l’action menée par l’État au
niveau local se différencie d’un État à un autre.
En France, les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer dans le
développement économique local en raison de la multiplicité de ses actions et la liberté
d’exercer ses fonctions. Elles peuvent intervenir par des aides publiques et peuvent créer des
sociétés d’économie mixtes locales et des sociétés publiques locales. Pour renforcer le
développement local, le partenariat entre les communes apparait comme le moyen le plus
approprié qui permet aux communes de se regrouper pour assurer certains services publics ou
encore pour réaliser certains projets favorisant le développement économique local.
Aujourd’hui, ces collectivités peuvent aussi assumer une action internationale.
En Tunisie, les actions des collectivités territoriales durant ces années ont démontré leurs
limites. Elles ne disposent ni de la liberté ni des moyens financiers pour intervenir dans le
développement économique local. En effet, après la Révolution, la nouveauté réside dans la
consécration dans la nouvelle Constitution de 2014 des actions que les collectivités
territoriales peuvent exercer comme le partenariat et la coopération décentralisée. Toutes ces
actions trouvent leurs fondements dans la bonne gouvernance locale qui est l’une des clés du
développement.
432













Page 435
Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

Conclusion du titre II
Avec la mondialisation et l’apparition des institutions internationales, les actions de l’État
ont été changées, tant au niveau national que local.
Au niveau national, l’État a eu recours aux autorités de régulation pour réguler
l’économie. Ces autorités de régulation sont considérées comme des instruments privilégiés
pour faire face aux défis lancés à l’intervention publique par les évolutions profondes de
l’économie contemporaine sous l’influence de la mondialisation et l’intervention des
institutions internationales. Contrairement à la France, la législation tunisienne n’est pas allée
jusqu’au bout de son mimétisme puisqu’elle n’a pas accordé à ces instances la qualité
d’autorité administrative indépendante qui est reconnue aux différentes instances de
régulation françaises.
L’actionnariat est ainsi apparu au cours de ces dernières décennies comme une
composante essentielle de l’interventionnisme étatique économique. En effet,
l’État
actionnaire est intervenu pour réguler les secteurs d’activité de ses différentes entreprises à
l'intérieur desquelles il est actionnaire. En France, l’État actionnaire a connu une évolution
importante. Il est apparu comme un levier essentiel pour mener à bien la politique
économique de l’État dans son ensemble. L’État peut intervenir directement par l’Agence des
Participations de l’État qui est directement rattachée au ministère de l’économie et des
finances ou indirectement par la Banque Publique d’Investissement qui est une institution
distincte de l’État. En Tunisie, l’État actionnaire se caractérise par un système de
gouvernance mal construit à l’origine et qui se traduit par une mauvaise gestion des
ressources publiques, ce qui amène les autorités à renforcer ses contrôles. Après la
Révolution, il est demandé aux pouvoirs publics de réaménager les différentes institutions
existantes pour repenser la fonction actionnariale de l’État.
Au niveau local, de nouveaux moyens exercés par les collectivités territoriales ont fait leur
apparition en France comme en Tunisie, telle que l’intervention par les aides publiques, par
les sociétés d’économie mixte locales ou par les sociétés publiques locales. Les collectivités
territoriales peuvent aussi faire recours à l’intercommunalité et à la coopération décentralisée.
En France, ces moyens sont appropriés et permettent aux collectivités de se positionner dans
des projets de développement territorial. En Tunisie, les collectivités territoriales n’ont pas les
moyens financiers possibles pour participer au développement économique local et pour
exercer ses actions.
433


Page 436
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
Conclusion de la partie II
La deuxième partie de notre thèse aborde une étape cruciale de l’évolution des moyens
d’intervention de l’État en France et en Tunisie. L’ensemble des évolutions juridiques
analysées nous conduit à identifier un nouveau paradigme de l’action économique publique et
plus largement un nouveau modèle d’interventionnisme.
Le premier titre a été consacré à l’étude de la mise en œuvre de l’interventionnisme
étatique. L’État a mis en place un puissant système d’action économique public. L’entreprise
publique et les contrats publics constituent les principaux moyens d’intervention de l’État
pour développer l’économie. Néanmoins, à la fin des années soixante-dix, le mode
d’intervention étatique a été considéré comme un obstacle devant le développement et la
modernisation économique de l’État. Le rôle dominant des personnes publiques est largement
remis en cause. Ces bouleversements ont constitué pour l’État non seulement des entraves et
des oppressions, mais aussi une occasion pour moderniser ses modes d’intervention et
améliorer l’efficacité de ses structures.
Le deuxième titre a été consacré à l’analyse du redéploiement des modalités
d’intervention publique. Elle nous montre la nécessité de réformer les moyens d’intervention
de l’État. Nous relevons ainsi, un encouragement de l’initiative privée sous toutes ses formes :
privatisation et partenariat public-privé. L’État a eu recours aussi aux autorités de régulation
pour réguler l’économie. Contrairement à la Tunisie, les autorités de régulation en France
constituent un mode de régulation économique novateur et pertinent, alors qu’en Tunisie, ces
autorités ne jouaient pas un rôle important dans la régulation de l’économie à cause de
l’intervention exagérée de l’État dans leurs fonctions.
Les actions des collectivités territoriales ont participé aussi à la relance de l’économie à
l’échelle locale. En France, ces collectivités disposaient de l’autonomie administrative et
financière nécessaire qui leurs ont permis d’exercer un rôle important dans le développement
économique local. En Tunisie, les actions des collectivités territoriales durant ces années ont
démontré leurs limites. Elles ne disposaient ni de l’autonomie administrative ni des moyens
financiers pour intervenir dans le développement économique local. D’une manière générale,
la régulation en Tunisie reste très limitée. Ce choix de redéploiement des modalités
d’intervention publique de la part des pouvoirs publics n’a été ni bien réfléchi quant à son
adoption, ni bien mesuré quant à ses implications. L’étude des textes juridiques encadrant les
contrats de partenariat public-privé, les marchés publics, les concessions, la privatisation des
434
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Deuxiéme partie : la mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une configuration
monopolistique à une logique concurrentielle

entreprises publiques notamment dévoile des lacunes, des ambigüités, voire même des
incohérences.
435

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Page 439
Conclusion générale
Conclusion générale
Contrairement au droit français, qui se caractérise par la performance du pouvoir législatif
qui a pu réaliser beaucoup de réformes dans plusieurs domaines et dans un laps de temps
raisonnable, le droit tunisien comme nous l’avons démontré tout au long de ce travail a des
insuffisances multiples, tant au niveau de l’organisation que du fonctionnement et des
résultats. Pour y remédier, il faudrait une série de réformes pour une économie plus libérale et
plus loyale. Mais, la réforme de l’État et de ses modes d’interventions appelle non seulement
la réforme de ses outils et de ses structures, mais aussi de la logique de fonctionnement et de
gestion de l’État.
La Tunisie engagée dans un processus démocratique depuis la Révolution de 2011, oscille
entre une situation économique difficile et une volonté de réussir une transition démocratique,
économique et sociale durable. Les mesures se multiplient même si les améliorations sont
encore modestes. La Tunisie a encore des défis à relever notamment en termes de réduction
du chômage et des inégalités, de réformes du secteur public et de relance de l’économie.
Les contraintes du système juridique tunisien et ses conséquences sur l’économie du pays
nous permettent de formuler des propositions de réforme visant à améliorer les pratiques et les
structures de l’organisation de la vie économique :
L’ouverture à la concurrence et à l’économie du marché constitue une étape importante
dans son histoire, mais non suffisante à elle seule. Le plus important, mais aussi le plus
difficile, consiste à mettre en application cette nouvelle politique économique de manière
efficace et transparente. En ce sens, l’étude de droit comparé européen comme la France peut
être un instrument important pour le renouvèlement et la réforme de son droit dans cette
période. Ainsi, la manière d’agencer une administration puissante et d’adopter une forme
atténuée de libéralisme en France est une source d’inspiration pour les réformes en Tunisie.
Les références du modèle de service public français peuvent ouvrir une nouvelle piste pour
une approche qui consiste à concevoir les services publics et le secteur public comme un
levier pour transformer l’ensemble de la société vers plus de justice, de solidarité et
d’efficacité1635. Mais il faut toujours faire l’attention dans l’adaptation du droit tunisien car
l’environnement dans lequel seront appliquées les normes est différent de celui de l’Union
européenne. Par exemple, appliquer automatiquement les règles européennes à des entreprises
1635Dauba (M), op, cit, p. 31.
437

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L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
tunisiennes pourrait provoquer leur destruction pure et simple. Les grandes entreprises
tunisiennes ne peuvent être comparées qu’à des petites et moyennes entreprises en Europe.
Pour réformer efficacement l’interventionnisme économique public et le finaliser
réellement au service de l’intérêt commun des citoyens, il faudrait que les structures
gouvernementales exercent un contrôle sur les activités économiques, notamment par des
rapports à un Parlement authentiquement représentatif et pluraliste. Une réforme efficace est
certes nécessairement tributaire d’une politique d’ensemble clairement établie de structures
adaptées et de moyens suffisants.
Renforcer le partenariat entre l’État et la société civile. L’État doit discuter de ses
prérogatives avec les citoyens et garantir sa légitimité dans le projet national. La Révolution
tunisienne est une Révolution de la société civile. Celle-ci est complémentaire des pouvoirs
publics. Elle peut notamment avoir un rôle de vigilance. Ce partenariat est devenu primordial
pour l’efficacité et l’efficience du fonctionnement des structures étatiques et le bien-être des
individus qui se nourrit et s’enrichit de la participation, du dialogue, de la transparence et de
la prise en compte de la diversité ethnique et culturelle.
Lutter contre la corruption à tous les niveaux, en obligeant les représentants officiels à
déclarer leur patrimoine, en créant des modalités de suivi et de reddition de comptes
transparents et clairs dans les domaines de l’investissement, du développement et du
commerce. Les partenaires internationaux de la Tunisie : Union européenne et les institutions
financières internationales peuvent contribuer à la diminution de la corruption de différentes
manières. Par exemple, ils pourraient effectuer le suivi des financements du développement et
publier les budgets à chaque phase du cycle des projets et de l’équipement aux salaires.
Impulser le développement régional avec l’adoption d’une stratégie de développement
régional fondée sur une nouvelle vision. Par exemple la création d’un fonds national pour le
développement régional qui finance les projets dans les régions marginalisées. Aussi, l’État
doit coopérer avec les acteurs locaux et les organisations non gouvernementales dans la
formulation de politiques de développement pour faire face à la pauvreté et aux chômages et
augmenter les chances de succès des réformes. Il est à déterminer que le développement
régional ne peut être l’œuvre du secteur privé, puisque celui-ci n’est dans la plupart des cas
concerné que par les projets les plus productifs et les moins coûteux, projets qui ne sont pas
souvent disponibles dans les régions intérieures du pays. Il est, donc, clair que le
développement régional est, d’abord, la responsabilité du secteur public dans le cadre d’une
438
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Conclusion générale
vision de développement claire, d’une bonne gouvernance, d’une allocation optimale des
ressources humaines et financières et d’une décentralisation efficace.
L’instauration d’une bonne gouvernance locale. Cette exigence nécessite l’existence de
trois conditions. La première est juridique et est liée à l’entrée en vigueur des textes législatifs
qui complètent les dispositions constitutionnelles, ce qui est déjà mentionné dans l’article 148
de la Constitution de 27 janvier 2014 relatif au pouvoir local. La deuxième condition est
relative à la volonté politique de l’État Tunisien qui doit conduire la direction politique vers la
décentralisation, assurer la participation, la transparence et la responsabilisation des actions
locales vers la création de la richesse des régions défavorisées. Enfin, l’instauration d’une
bonne gouvernance locale nécessite comme condition essentielle l’existence de Cours
administratives locales et décentralisées et des Cours des comptes régionales qui permettent
d’assurer le respect de l’État de droit et de protéger les droits des citoyens à l’échelle locale.
Dans le nouveau modèle de développement, une refondation du rôle de l’État s’impose
afin de réguler le marché à travers un certain nombre de règles que l’État doit définir et
mettre en application : mettre à la disposition du secteur public tous les moyens pour
préserver le développement dans les régions intérieures, offrir toutes les incitations au capital
national pour investir dans les régions marginalisées, encourager les investissements directs
étrangers, financer les infrastructures de base, renforcer la recherche scientifique et
technologique. C’est de cette manière que l’État cesse d’être un problème pour devenir une
solution.
En définitive, le recours à l’intervention de l’État est-il encore envisageable dans le cadre
de l’intégration économique et du désengagement de l’État ?
La réponse à cette question est affirmative. Nous considérons que malgré son déclin,
l’État est appelé à modifier ses structures. « Il doit concilier ses activités commerciales et
concurrentielles avec sa mission de service public afin d’assurer sa mutation »1636. L’État
doit être organisé différemment de façon à mieux faire face à l’intégration économique et à
continuer d’assurer sa mission de service public. Autrement dit, les interventions de l’État
sont possibles mais doivent s’inscrire dans le modèle de la libre concurrence. Elles doivent
respecter la libre concurrence et les principes libéraux. Il est intéressant de rappeler qu’en
2005, nous affirmions que « l’entreprise publique peut demeurer un modèle intéressant à la
1636Pelletier (M-L), op, cit, p. 363.
439


Page 442
L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien
condition de s’adapter aux enjeux de l’intégration économique. Au même titre que les
entreprises privées, elle est en mesure de faire face à la nouvelle donne mondiale »1637.
Nous croyons à un retour en faveur de « plus d’État ». Suite aux évènements survenus le
11 septembre 2001 à New York, la cohésion sociale a obtenu de l’importance. Au Venezuela,
L’État a renationalisé les entreprises qui ont été privatisées dans les domaines de l’électricité
et de la téléphonie. En Angleterre, l’État a dû reprendre en mains les entreprises qui avaient
été privatisées. Au Brésil aussi, l’État a créé une compagnie pétrolière totalement publique.
Contrairement à la propagande libérale, les pays en voie de développement telle que la
Tunisie n'ont pu réaliser leur développement que grâce au rôle actif de l’État et à ses
politiques interventionnistes. Le développement par l’État a commencé dans tout contexte à
être un développement centralisé. Il se faisait très largement par les instances de la
planification nationale sous l’égide des différentes structures ministérielles.
Également en France, l’État est soumis à un régime supra-national, certes d’inspiration
libérale, mais en réalité dominé par une énorme
technostructure
interventionniste.
L’intervention publique n’a donc pas disparu. Malgré les privatisations, l’État demeure
présent dans la plupart des grandes entreprises publiques. C’est le retour de l’État aménageur
au sens de Gérard MARCOU1638. En effet, la loi du 8 décembre 2009 préserve le monopole de
la RATP jusqu’en 2025 pour les bus, 2030 pour les tramways, et 2040 pour le métro et le
RER, sans concurrence préalable des mandats de maîtrise d’ouvrage pour le prolongement
des lignes existantes ainsi que des marchés de maîtrise d’œuvre1639. Avec la crise de 2008,
l’État a joué un rôle de sauveur et d’investisseur selon les dires de Sébastien BERNARD1640.
Cette crise est venue secouer ce dogme et suggérer que peut-être ce n'est pas de « moins
d’État » dont nous avons besoin, mais de « l’État autrement », d'un État intelligent qui
préserve et améliore la flexibilité qu'engendrent les marchés tout en orientant ces qualités vers
des objectifs à long terme socialement souhaitables.
D’une manière générale, il faut s’attacher à redéfinir la place de l’État dans la société, ses
finalités, ses objectifs et ses priorités. Il faut donc veiller à créer au sein de la société des
dynamiques entre les différents acteurs publics et privés. Repenser l’État nécessite également
1637Pelletier (M-L), op, cit, p. 363.
1638Marcou (G), « La loi sur le grand Paris, le retour de l’État aménageur ? », AJDA, 2010, p. 1868.
1639Jlanneney (P-A), « Transports publics », AJDA, 2010, p. 598.
1640Bernard (S), « Le droit public économique face à la crise économique », RFDA, 2010, p. 756.
440

Page 443
Conclusion générale
sans aucun doute de réformer l’administration. À la suite de l’élection de François
HOLLANDE, une nouvelle politique de réforme de l’État, la « modernisation de l’action
publique »1641 a été engagée, visant à obtenir « une véritable adhésion des personnels et de
l’opinion publique et un redressement des finances publiques à échéance de 2017 »1642.
Encore, aujourd’hui, une nouvelle politique de réformes s’impose. Le programme « Action
publique 2022 » présenté par le Président Emmanuel MACRON et le Premier ministre
Edouard PHILIPPE en est un exemple. Ce programme de transformation de l’action publique
poursuit trois objectifs : améliorer la qualité des services publics, offrir aux agents publics un
environnement de travail modernisé et accompagner la baisse des dépenses publiques.
Notre thèse se termine donc sur une vision positive quant à l’évolution juridique de l’État.
Pour nous, la mutation de l’État va de pair avec la modification de son rôle. L’évolution
juridique de l’État illustre la transformation de ses organismes. Autrefois seulement investi de
missions régaliennes, l’État est devenu providence pour ensuite devenir interventionniste.
Nous entendons parler aujourd’hui d’État régulateur.
En définitive, nous ne pensons pas que l’interventionnisme public soit à jamais condamné.
Au contraire, il est en phase d’ajustement.
1641 Sauvé (J-M), op, cit.
1642Ibid.
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Table des matieres
Introduction générale ............................................................................................................................ 9
Première partie : Les fondements de l’interventionnisme économique public : d’une économie
administrée à une économie concurrentielle ..................................................................................... 39

Titre 1. L’État interventionniste : du renforcement au déclin de l’intervention de pouvoirs publics
dans la direction de l’économie ......................................................................................................... 43

Chapitre 1. L’État interventionniste et la négation de la concurrence : une volonté d’encadrement
direct de l’économie ...................................................................................................................... 45

Section 1. La consécration constitutionnelle des principes fondant l’interventionnisme
économique de l’État ................................................................................................................. 46

Paragraphe 1. L’inscription constitutionnelle de droits économiques et sociaux justifiant
l’intervention de l’État en France : de la multiplicité à la conservation ................................ 47

A. La multiplicité des dispositions à caractère économique et social dans le Préambule de
la Constitution de 1946 ...................................................................................................... 47

B. Le texte constitutionnel de 1958 : un contenu fort peu de droits économiques et sociaux
........................................................................................................................................... 50
Paragraphe 2. L’inscription constitutionnelle de droits économiques et sociaux justifiant
l’intervention de l’État en Tunisie : de la rareté à la diversité ............................................... 52

A. L'évanescence de l’aspect économique et social dans la Constitution de 1959 ............ 53
B. Un rôle économique accru de l'État consacré dans la Constitution de 2014 ................. 56
Section 2. L’intervention de l’État pour la reconstruction et le développement économique ... 61
Paragraphe 1. L’État, acteur principal de la reconstruction et de développement économique
............................................................................................................................................... 62

A. La reconstruction de l’État et la centralisation du pouvoir public ................................ 63
1. Les nationalisations : un outil pour la reconstruction de l’État en France ................. 64
2. La conquête de la souveraineté économique et la tunisification de l’économie : une
priorité pour la construction de l’État en Tunisie .......................................................... 67

B. La planification, clé du développement économique ? ................................................. 69
1. La planification en France, une entrave à l’expansion économique .......................... 70
2. La planification en Tunisie, un outil privilégié pour le développement économique.
....................................................................................................................................... 74
Paragraphe 2. L'Etat, perpétuel dominateur dans la réglementation de l'économie…...78
A. Le maintien de monopoles publics : une limitation de l’accès au marché ................... 79
1. Les monopoles publics en droit français : une exigence attachée au service public. 79
2. Les monopoles publics en droit tunisien : une exigence attachée à l’absence de
l’intervention privée ...................................................................................................... 82

B. L’étendue de l’intervention publique dans la règlementation des prix ......................... 85
1. La règlementation des prix en France : une volonté de libérer les prix ..................... 86
2. La règlementation des prix en Tunisie : un régime rigide et contraignant ................ 88
Chapitre 2. Le recul de l’État interventionniste : une centralisation excessive entravant le
développement économique de l’État ........................................................................................... 93
Section 1. Le déclin de l’intervention publique face aux défis de la crise et les mutations
économiques. ............................................................................................................................. 94

485

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Paragraphe 1. La crise et l’Union européenne : des facteurs imposant la remise en cause de
l’interventionnisme étatique France ...................................................................................... 95

A. La crise : une cause de réduction de poids de l’État dans l’économie .......................... 95
B. La diminution de l’interventionnisme étatique : une exigence européenne .................. 97
Paragraphe 2. La crise et la pression des institutions financières internationales : des facteurs
imposant la remise en cause de l’interventionnisme étatique en Tunisie ............................ 101

A. La crise : une cause de réduction de poids de l’État dans l’économie ........................ 102
B. La diminution de l’interventionnisme étatique : une pression internationale, FMI et
Banque mondiale ............................................................................................................. 104

Section 2. La déstabilisation de l’autorité de l’État par la reconnaissance de l’interventionnisme
économique local ..................................................................................................................... 109

Paragraphe 1. Les collectivités territoriales en France, acteurs importants du développement
économique local ................................................................................................................. 110

A. L’intervention des collectivités territoriales dans le développement local : une
importance liée à la décentralisation ............................................................................... 111

B. La région : collectivité chef de file du développement économique local .................. 116
Paragraphe 2. Le rôle des collectivités territoriales dans le développement économique local
en Tunisie : d’une importance limitée à une importance étendue consacrée dans la
Constitution ......................................................................................................................... 122

A. Un développement économique local affaibli face à la prééminence de l’État central et
l’absence d’un cadre juridique adéquat ........................................................................... 123

B. L’insertion des principes facilitant l’intervention des collectivités territoriales dans le
développement économique local dans la nouvelle Constitution de 2014. ..................... 129

Titre II. Vers la redéfinition du rôle de l’État dans l’économie : l’État régulateur ......................... 135
Chapitre 1. L’État régulateur et l’ouverture à la concurrence et à l’économie du marché : une
réduction du périmètre de l’économie administrée ..................................................................... 137

Section 1. La consécration constitutionnelle des principes limitant l’intervention de l’État dans
l’économie ............................................................................................................................... 138

Paragraphe 1. La protection constitutionnelle de droits et de libertés économique en France :
des formes diversifiées ........................................................................................................ 139

A. La première consécration de droits et de libertés économiques : DDHC, le décret
d’Allarde et la loi Le Chapelier ....................................................................................... 140

B. Le rôle du Conseil constitutionnel dans la reconnaissance constitutionnelle de droits et
de libertés économiques .................................................................................................. 143

Paragraphe 2. Une consécration constitutionnelle de droits et de libertés économiques de
façade en Tunisie ................................................................................................................. 149
A. Les premières manifestations de droits et de libertés économiques : le Pacte
fondamental de 1857 et la Constitution de 1861 ............................................................. 150

B. Le faible encadrement constitutionnel de droits et de libertés économique dans la
Constitution de 1959 ....................................................................................................... 152

C. La constance de la faiblesse de l’encadrement constitutionnel de droits et de libertés
économiques dans la nouvelle Constitution de 2014....................................................... 156

Section 2. La libéralisation de l’économie : la clef d’un nouvel ordre économique ............... 158
Paragraphe 1. La libéralisation de l’économie en France : des limites malgré des réformes
progressives ......................................................................................................................... 159
A. Une libéralisation relative des prix : des exceptions autorisant l’intervention de l’État
dans la régulation de l’économie ..................................................................................... 160

486

Page 489
B. L’ouverture à la concurrence : une ouverture limitée par la présence de l’État dans la
régulation de l’économie ................................................................................................. 162

Paragraphe 2. Une libéralisation limitée en Tunisie : un monopole d’État empêchant une
véritable liberté économique ............................................................................................... 166

A. La relativité du principe de la liberté des prix ............................................................ 167
B. Le maintien d’une pratique libérale incompatible avec les principes libéraux ........... 171
Chapitre 2. Les insuffisances de la régulation et la nécessité de transformer le rôle économique de
l’État ............................................................................................................................................ 179

Section 1 : Le renouveau du rôle de l’État dans l’économie en France : entre libéralisme et
interventionnisme .................................................................................................................... 180

Paragraphe 1. Le rôle de l’État dans la répression économique et financière lors de la crise
des
Subprimes : une intervention excessive des pouvoirs publics ....................................... 181
A. L’intervention de l’État dans le domaine financier : d’un État sauveur à un État
investisseur ...................................................................................................................... 182

B. L’intervention de l’État dans le domaine économique : l’annonce d’un plan de relance
de l’économie .................................................................................................................. 185

Paragraphe 2. Le rôle économique de l’État en période actuelle : une combinaison de
libéralisme et d’interventionnisme ...................................................................................... 187

A. La primauté du droit européen : une primauté relative obligeant le respect de la
Constitution ..................................................................................................................... 188

B. La combinaison de libéralisme et d’interventionnisme : une caractéristique de la
période actuelle ................................................................................................................ 193

Section 2. La redéfinition du rôle de l’État en Tunisie, une nouvelle génération de réformes
économiques ............................................................................................................................ 197

Paragraphe 1. Le nouveau rôle de l’État après la politique d’ajustement structurel :
l’ouverture à la mondialisation et à la bonne gouvernance ................................................. 197

A. L’accord d’association avec l’Union européenne : de l’euphorie à la crise ............... 198
1. L’impact positif de l’ouverture à la mondialisation sur la croissance économique. 199
2. Les effets pervers de l’ouverture à l’Union européenne .......................................... 202
B. La bonne gouvernance : une gouvernance gérée et contrôlée par les pouvoirs publics
......................................................................................................................................... 206

Paragraphe 2. Le rôle de l’État dans l’économie après la Révolution : d’une intervention
excessive pour faire face à la crise à une nécessité du secteur privé capable de relancer
l’économie ........................................................................................................................... 209

A. L’intervention excessive des pouvoirs publics face au mouvement social : des solutions
peu efficaces .................................................................................................................... 209
B. Le recours au secteur privé : une solution pour le relancement de l’économie et la lutte
contre le chômage ............................................................................................................ 214

Deuxième partie : La mise en œuvre de l’interventionnisme économique public : d’une
configuration monopolistique à une logique concurrentielle ........................................................ 223

Titre 1. Le rôle affirmé de l’État dans la mise œuvre d’une politique économique dirigiste : de la
prépondérance à la limitation de l’action économique publique ..................................................... 227

Chapitre 1. La prépondérance de l’action économique des pouvoirs publics dans la mise en œuvre
de la politique économique de l’État. .......................................................................................... 228

Section 1. L’entreprise publique, un moyen privilégié d’intervention de l’État dans l’économie
................................................................................................................................................. 228

487


Page 490
Paragraphe 1. L’entreprise publique, un vecteur de développement ................................... 229
A. La nécessité de reconstruire et de promouvoir la croissance économique : les raisons
du recours à l’entreprise publique en France ................................................................... 230

B. La faiblesse du secteur public et l’absence des investisseurs privés : les motifs
principaux du recours à l’entreprise publique en Tunisie ................................................ 234

Paragraphe 2. L’orientation des activités de l’entreprise publique par le contrôle
étatique « La tutelle administrative » .................................................................................. 237

A. L’expérience française dans le contrôle des entreprises publiques : une diversité de
contrôles dont le Parlement a un rôle considérable ......................................................... 237

1. Le contrôle a priori .................................................................................................. 238
2. Le contrôle a posteriori ............................................................................................ 239
B. L’expérience tunisienne dans le contrôle des entreprises publiques : un contrôle tatillon
dont le Parlement a un rôle mineur .................................................................................. 244

1. Le contrôle a priori .................................................................................................. 245
2. Le contrôle a posteriori ............................................................................................ 248
Section 2. La commande publique : un second moyen d’intervention de l’État dans l’économie
................................................................................................................................................. 252

Paragraphe 1. Le contrat de concession : un mode de gestion privée de service public
susceptible de relancer l’économie ...................................................................................... 253

A. L’expérience française : un droit des concessions permettant le développement
économique ..................................................................................................................... 254

B. L’expérience tunisienne : la tutelle de l’État et la rigidité du cadre juridique des
contrats de concessions, entravant le développement économique ................................. 260

Paragraphe 2. Le marché public : un mode de gestion privée de service public capable de
développer l’économie ........................................................................................................ 266

A. Le marché public en France : un moyen de satisfaction des besoins économiques et
sociaux de la population .................................................................................................. 267

B. Le marché public en Tunisie : la corruption et l’absence d’un cadre juridique adéquat,
freinent la réalisation des objectifs de développement .................................................... 274

Chapitre 2. Les limites de l’action économique des pouvoirs publics dans la mise en œuvre de la
politique économique de l’État. ................................................................................................... 282

Section 1. La défaillance de l’entreprise publique : vers le recours à la privatisation ............ 283
Paragraphe 1. Le rôle inachevé de l’entreprise publique dans la relance de l’économie…….287
A. Le déclin de l’entreprise publique en France : inefficacité économique, tutelle de l’État
et déficit financier ............................................................................................................ 284
B. Le déclin de l’entreprise publique en Tunisie : inefficacité économique, tutelle de l’État
et accroissement continu du déficit financier .................................................................. 289

Paragraphe 2. La privatisation de l’entreprise publique : une solution pour redresser les
déséquilibres économiques et financiers de
le développement
économique ......................................................................................................................... 293

l’État et d’accélérer
A. Les raisons économiques et financières de la privatisation de l’entreprise publique en
France : une réduction du déficit financier et une amélioration de l’efficacité ............... 294

B. Les raisons politiques de la privatisation de l’entreprise publique en Tunisie : une
pression des institutions financières internationales ........................................................ 300
Section 2. Le dépassement des limites inhérentes aux deux formes classiques des contrats
administratifs : vers le recours au contrat de partenariat public-privé..................................... 305

488

Page 491
Paragraphe 1. Le contrat de partenariat public-privé en France : du « contrat » au « marché »
de partenariat ....................................................................................................................... 306

A. Le contrat de partenariat public-privé : un levier important pour la conduite des
investissements publics ................................................................................................... 307

B. Les critiques adressées aux contrats de partenariats public-privé : vers un nouveau type
de contrat susceptible d’accélérer les investissements « le marché de partenariat » ....... 311

1. Les critiques adressées au contrat du partenariat public-privé : un leurre économique
..................................................................................................................................... 311

2. Le marché du partenariat : un contrat permettant la diminution de l’endettement de
l’État et bénéficiant des innovations développées par les entreprises privées ............. 313

Paragraphe 2. Le contrat de partenariat public-privé en Tunisie : des imperfections malgré la
volonté de réforme ............................................................................................................... 317

A. Le contrat de partenariat public-privé : une alternative sérieuse pour accélérer les
investissements ................................................................................................................ 318

B. Les risques liés aux contrats de partenariats public-privé .......................................... 322
Titre 2. Le redéploiement des modalités de l’interventionnisme économique à l’échelle nationale et
locale : une collaboration avec des acteurs publics et privés .......................................................... 328

Chapitre 1. Les actions de l’État susceptibles d’orienter l’économie à l’échelle nationale : le
renforcement de la concurrence et de la gouvernance d’entreprise ............................................. 330

Section 1. L’intervention de l’État en tant que régulateur : la délégation de la mise en œuvre de
la politique économique à des autorités indépendantes ........................................................... 331

Paragraphe 1. Les autorités de régulation en France : un mode de régulation économique
novateur et pertinent ............................................................................................................ 332

A. L’indépendance des autorités de régulation : l’absence de tutelle ou de pouvoir
hiérarchique de la part du gouvernement ........................................................................ 334

B. Les pouvoirs des autorités de régulation : des pouvoirs forts étendus permettant la
régulation de l’économie ................................................................................................. 337

C. Les critiques adressées aux autorités de régulation .................................................... 342
Paragraphe 2. Le rôle inachevé des autorités de régulation dans la régulation de l’économie
en Tunisie ............................................................................................................................ 345

A. Une régulation économique affaiblie face à la tutelle de l’État .................................. 347
B. La faiblesse des pouvoirs des autorités de régulation dans la conduite de la politique
publique ........................................................................................................................... 350

C. La réforme des autorités de régulation : une réforme pertinente permettant la
diminution de la pauvreté et les pratiques anticoncurrentielles ....................................... 355

Section 2. L’intervention de l’État en tant qu’actionnaire : le renforcement de la gouvernance
d’entreprise .............................................................................................................................. 360

Paragraphe 1. L’État actionnaire en France : un levier essentiel pour mener à bien la
politique économique de l’État ............................................................................................ 360

A. L’institutionnalisation de l’État actionnaire : une clarification des interventions de
l’État ................................................................................................................................ 362

1. L’agence des participations de l’État : une prise de participation directe au capital
des entreprises ............................................................................................................. 363

2. La Banque Publique d’Investissement : une institution distincte de l’État ............. 366
B. Les contradictions de l’État actionnaire : vers la recherche d’un équilibre entre les
différentes fonctions de l’État ......................................................................................... 369

1. L’État : un actionnaire multicéphale ....................................................................... 369
489


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2. La clarification de l’action de l’État dans les entreprises publiques : l’ordonnance de
2014 ............................................................................................................................. 372

Paragraphe 2. L’État actionnaire en Tunisie : de l’absence d’une stratégie claire à une
volonté de réforme ............................................................................................................... 374

A. Les principaux facteurs expliquant la contre-performance de la fonction actionnaire de
l’État ................................................................................................................................ 375

B. La nécessité de repenser la fonction actionnariale de l’État ....................................... 379
1. Les mesures prises par le gouvernement pour améliorer la fonction actionnaire de
l’État ............................................................................................................................ 379

2. L’intervention des organisations internationales pour améliorer la gouvernance des
entreprises publiques en Tunisie ................................................................................. 383

Chapitre 2. Les actions des collectivités territoriales susceptibles d’orienter l’économie à l’échelle
locale : le renforcement de la coopération interne et internationale ............................................ 387

Section 1. Les actions visant le développement économique local en France : des actions
diversifiées .............................................................................................................................. 388

Paragraphe 1. Les procédés traditionnels de l’action publique locale ................................. 388
A. Les aides aux entreprises en difficultés et les aides pour protéger les intérêts de la
population. ....................................................................................................................... 389

B. Les sociétés d’économie mixte locales : l’absence de la théorie « in house » limite la
volonté des collectivités territoriales de travailler librement ........................................... 392

Paragraphe 2. La modernisation des procédés traditionnels de l’action publique locale .... 397
A. La société publique locale : un instrument de modernisation souple et efficace des
services publics locaux, l’existence de la théorie
« in house » ........................................ 398
B. La coopération intercommunale : une forme de solidarité communale favorisant le
développement économique local ................................................................................... 402

C. La coopération décentralisée : une action internationale permettant d’instaurer une
solidarité entre les collectivités territoriales .................................................................... 407

Section 2. Les actions visant le développement économique local en Tunisie : des insuffisances
financières entravant l’intervention des collectivités territoriales ........................................... 413

Paragraphe 1. Le renforcement des actions des collectivités territoriales après la Révolution :
des actions à valeur constitutionnelle .................................................................................. 415

A. La société civile, un nouvel acteur influent : exemple du budget participatif ............ 415
B. Le partenariat entre les collectivités territoriales : peu de progrés au niveau local .... 419
C. La coopération décentralisée : le manque de l'autonomie financiére et administrative
collectivités
restreint
étrangéres………………………………………………………………………………..426
coopération
avec
les
la
Paragraphe 2. L’insuffisance des moyens financiers des collectivités territoriales : un
obstacle devant l’exercice de leurs actions .......................................................................... 426

A. L'insuffisance des moyens financiers des collectivités territoriales ........................... 426
B. Les solutions prises par le gouvernement aux problèmes financiers .......................... 429
Conclusion générale .......................................................................................................................... 437
Bibliographie ...................................................................................................................................... 443
490




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