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TUNISIE BULLETIN DE
CONJONCTURE
ÉCONOMIQUE
Migration dans un contexte
économique complexe
Automne 2023
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Tunisie Bulletin de
Conjoncture Économique
Migration dans un contexte
économique complexe
Automne 2023
Région Moyen-Orient et Afrique du Nord
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© 2023 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque mondiale
1818 H Street NW
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TABLE DES MATIÈRES
Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii
Liste des Abréviations et Acronymes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ix
Résumé Analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xi
Executive Summary . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xv
يذيفنت صخلم . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xix
Partie A : Développements économiques récents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1. La modeste reprise économique est encore ralentie en raison de la sécheresse, des conditions
de financement incertaines et de la lenteur des réformes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1
2. Des prix mondiaux plus modérés et une performance des à exportations ont réduit le déficit
du compte courant au premier semestre 2023.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
3. Malgré la baisse du déficit courant, la mobilisation d’un financement extérieur suffisant
demeure difficile.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
4. Les pénuries de produits de base se sont poursuivies, en partie alimentées par le système
de subventions et la baisse de la production agricole, allant de pair avec l’endettement croissant
des entreprises publiques commercialisant les produits importés et subventionnés.. . . . . . . . . . . . . . . . . .8
5. L’inflation a quelque peu ralenti par rapport aux niveaux records enregistrés au début de 2023,
mais elle demeure élevée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11
6. Le budget reste sous pression car la faible croissance affecte négativement les recettes fiscales . . . . .12
7. La dette publique élevée continue de mettre la pression sur le système bancaire national. . . . . . . . . . . .14
8. Les perspectives de croissance se détériorent alors que les conditions de financement
extérieur restent difficiles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
Partie B : Faire de la migration un moteur de croissance et de développement pour la Tunisie . . . .19
Liste des figures
Figure 1
Figure 2
Figure 3
Le PIB a chuté au deuxième trimestre 2023 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2
La reprise économique de la Tunisie a été lente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2
La valeur ajoutée dans le secteur agricole a fortement diminué au premier semestre 2023. . . . . .4
iii
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Figure 4
Figure 5
L’agriculture a été à l’origine du ralentissement de la croissance en 2023. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4
Le chômage est revenu à son niveau (élevé) d’avant la crise, mais davantage
de travailleurs ont quitté le marché du travail. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4
Les résultats sur le marché du travail sont particulièrement défavorables aux femmes . . . . . . . . . .4
Les industries mécaniques ont contribué à modérer le déficit commercial en 2023 . . . . . . . . . . . .6
Les principales exportations tunisiennes ont bénéficié de la hausse des prix en 2023. . . . . . . . . .6
L’énergie représente une part de plus en plus prépondérante du déficit commercial . . . . . . . . . . .7
Figure 6
Figure 7
Figure 8
Figure 9
Figure 10 Le déficit commercial ainsi que les recettes du tourisme ont contribué à réduire
le déficit du compte courant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
Figure 11 Vu la faiblesse des flux d’IDE et des investissements de portefeuille, la Tunisie s’appuie
sur les emprunts souverains pour couvrir ses besoins extérieurs
(données par semestre, millions de DT courants). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
Figure 12 Malgré les pressions sur les besoins de financement extérieur, le dinar
est resté relativement stable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
Figure 13 Les crédits BNA à l’Office des Céréales ont presque quadruplé depuis 2019 . . . . . . . . . . . . . . . . .9
Figure 14 Les importations de blé dur sont restées stables malgré une baisse significative
de la production nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
Figure 15 Sans tenir compte des coûts de transformation, le prix d’achat du blé est inférieur
au prix à la consommation de la baguette depuis 2022 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10
Figure 16 L’inflation a commencé à baisser en 2023 mais reste élevée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12
Figure 17 Contrairement à d’autres pays, l’inflation des produits alimentaires a augmenté
durant la dernière année. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12
Figure 18 La hausse des prix à la consommation au cours de la période 2021–2023
n’est corrélée ni à la croissance monétaire ni à la croissance du crédit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12
Figure 19 Les recettes fiscales ont sous-performé au premier semestre 2023 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13
Figure 20 L’histoire de deux dépenses : subventions versus dépenses en capital . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13
Figure 21 La part des créances nettes de l’État dans le total des crédits continue d’augmenter
à mesure que la croissance du crédit faiblit. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
Figure 22 Les Tunisiens vivant à l’étranger sont historiquement bien plus nombreux que
les étrangers résidant en Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
Figure 23 La migration irrégulière de la Tunisie vers l’Europe est en augmentation depuis 2019 . . . . . . . . .21
Figure 24 Les envois de fonds ont toujours été l’afflux financier étranger le plus important
pour la Tunisie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
Figure 25 Le stock d’immigrés en Tunisie reste relativement faible en pourcentage
de la population résidente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23
Figure 26 La population tunisienne vieillit rapidement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23
Figure 27 La Tunisie a accordé moins d’autorisations de travail alors que l’immigration est croissante
24
Figure 28 En 2023, la Tunisie est devenue le point de départ le plus important pour
les migrants irréguliers vers l’Italie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25
Figure 29 Les Tunisiens représentent une minorité des arrivées en provenance de Tunisie
depuis le dernier trimestre 2022 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25
Liste des encadrés
Encadré 1 S’adapter à des pénuries d’eau plus fréquentes et plus graves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3
Encadré 2 Le rebond du tourisme international en Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
iv
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
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Encadré 3 L’activité déficitaire de la vente de baguettes en Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10
Encadré 4 L’exposition croissante de la BNA à l’Office des Céréales pourrait nuire
à l’activité de la banque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
Encadré 5 Le cadre juridique tunisien de la migration et du travail. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24
Liste des tables
Tableau 1 Principaux indicateurs macroéconomiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17
TABLE DES MATIÈRES
v

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REMERCIEMENTS
L e bulletin de conjoncture économique rend
compte des principales évolutions et politiques
économiques récentes en Tunisie à la lumière
des défis plus larges du développement du pays.
Le rapport s’adresse à un large public, notamment
aux décideurs politiques, aux chefs d’entreprise, aux
acteurs des marchés financiers et à la communauté
des analystes et professionnels travaillant en/sur la
Tunisie. Le Bulletin de conjoncture pour la Tunisie
est le fruit du travail de la section Afrique du Nord
et Moyen-Orient du pôle d’expertise en Macroécono-
mie, commerce et investissement (MTI) du Groupe de
la Banque mondiale.
Chaque numéro comprend une section sur les
développements économique récents et une discus-
sion sur les perspectives économiques, suivie d’une
section spéciale s’appuyant sur les analyses récentes
de la Banque mondiale sur la Tunisie. Le rapport a
été initialement publié en anglais sous le titre « Migra-
tion amid challenging economic conditions» et a été
publié pour la première fois en 2023. En cas de diver-
gence, la version originale en langue anglaise prévaut.
Ce numéro a été préparé par une équipe diri-
gée par Massimiliano Cali (Economiste Senior, MTI) et
Mohamed Habib Zitouna (Consultant, MTI). L’équipe
comprend également: Riadh Ammari (Spécialiste en
communications, External Affairs) et Fatma Marrakchi
Charfi (Consultante, MTI); et pour la partie B, Fede-
rica Alfani (Economiste, Pauvreté) et and Gabriele
Restelli (Consultant, Pauvreté). Ce numéro a été pré-
paré sous la direction de Jesko Hentschel (Directeur
pays, MNC01), Eric Le Borgne (Responsable de pôle,
MTI) et Alexandre Arrobbio (Représentant résident,
Tunisie). Le rapport a également bénéficié des contri-
butions de Paola Barsanti, Aude Galli, Ahmed Mes-
saoudi et Quy Toan-Do.
Les constatations, interprétations et conclu-
sions exprimées dans ce rapport sont celles du per-
sonnel de la Banque mondiale et ne reflètent pas
nécessairement les points de vue des membres du
Conseil d’administration de la Banque Mondiale ou
des pays qu’ils représentent. Pour des informations
sur la Banque mondiale et ses activités en Tunisie,
veuillez visiter le site :
https://www.worldbank.org/
en/country/tunisia (anglais) ou https://www.albankal-
dawli.org/ar/country/tunisia (Arabe).

Pour toute question ou observation sur le
contenu de cette publication, veuillez contacter Mas-
similiano Cali (mcali@worldbank.org) ou Eric Le
Borgne (eleborgne@worldbank.org). La date limite
pour la prise en compte des données et la prépara-
tion des prévisions est le 9 octobre 2023.
vii
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LISTE DES ABRÉVIATIONS
ET ACRONYMES
DCC
DT
EIMM
Banque Centrale de Tunisie
BCT
Banque Nationale Agricole
BNA
CNP
Crédits Non Performants
DAES-ONU Département des affaires économiques
et sociales des Nations Unies
Déficit du Compte Courant
Dinar Tunisien
Enquêtes Internationales sur la
Migration des Ménages
Entreprises Publiques Nationales
Euro
Facilité Élargie de Financement
Fonds Monétaire International
Haut Commissariat des Nations Unies
pour les Réfugiés
Investissement Direct Étranger
Institut National des Statistiques
Indice des Prix à la Consommation
EPN
EUR
FEF
FMI
HCR
IDE
INS
IPC
MET
MFPE
MOAN
OCDE
OdC
OIM
OIT
ONU
OTE
PIB
PMD
TVA
UGTT
USD
Monitor Économique Tunisien
Ministère de la Formation
Professionnelle et de l’Emploi
Moyen-Orient et Afrique du Nord
Organisation de Coopération et de
Développement Économiques
Office des Céréales
Organisation Internationale pour les
Migrations
Organisation Internationale du Travail
Organisation des Nations Unies
Office pour les Tunisiens à l’Étranger
Produit Intérieur Brut
Projet Migrants Disparus
Taxe sur la Valeur Ajoutée
Union Générale Tunisienne du Travail
Dollar des États-Unis
ix
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RÉSUMÉ ANALYTIQUE
La sécheresse a ralenti une reprise
économique déjà limitée au premier
semestre 2023
Pour la sixième année consécutive, le taux de pré-
cipitations est inférieur à la moyenne. Ce qui a com-
promis la production agricole tunisienne et a ralenti
encore une fois une reprise économique déjà limitée.
L’économie tunisienne a connu une croissance en
termes réels de 1,2 pour cent au premier semestre
2023, soit la moitié du taux de 2022 et près d’un
quart du taux de 2021. La sécheresse a aggravé une
reprise difficile, marquée par un financement exté-
rieur incertain et des obstacles réglementaires à la
croissance persistants. Ces obstacles n’ont pas été
surmontés par les réformes économiques. La Tuni-
sie enregistre une reprise économique modeste en
comparaison avec les pays de la région du Moyen-
Orient et de l’Afrique du Nord, avec un PIB par habi
-
tant toujours inférieur de 4,7 pour cent par rapport
à son niveau d’avant la pandémie. Avec une crois-
sance économique limitée, le taux de chômage a
légèrement augmenté au deuxième trimestre 2023,
se stabilisant au niveau d’avant Covid. Tandis que
le taux d’activité est resté inférieur à celui d’avant
Covid.
Les termes de l’échange favorables
et la reprise du tourisme ont
amélioré le déficit du compte
courant, mais les besoins de
financement extérieur restent
importants tandis que le financement
extérieur a diminué
Le déficit commercial de la Tunisie a diminué de 39
pour cents au cours des 8 premiers mois de 2023
pour atteindre 12,2 milliards de DT (7,5 pour cent du
PIB de 2023), grâce à des prix internationaux plus
favorables de l’énergie et des produits alimentaires.
Le déficit énergétique s’est creusé en raison d’une
baisse de la production intérieure et malgré des prix
internationaux plus favorables, continuant ainsi, de
représenter la majeure partie du déficit commercial.
La réduction du déficit commercial conjuguée au
rebond des recettes touristiques (+47 pour cent sur
un an à fin août 2023) et à la stabilité des envois de
fonds (voir partie B), ont réduit le déficit des opéra-
tions courantes (DOC) au premier semestre 2023. La
baisse du DOC a atténué la pression sur les besoins
de financement extérieur, qui restent cependant
importants au vu du lourd échéancier à venir de rem-
boursement de la dette extérieure : 4,8 milliards de
xi
Page 14
DT, soit 3pour cent du PIB au cours des deux der-
niers trimestres de 2023. En l’absence de sources
privées de capitaux, la Tunisie continue de dépendre
des prêts souverains pour financer ses besoins exté-
rieurs dans un contexte de conditions de financement
incertaines. La diminution du déficit courant ainsi que
les récents financements extérieurs supplémentaires,
notamment de la part de l’Arabie Saoudite, ont contri-
bué à atténuer la pression sur les réserves de change
et sur le dinar, fournissant ainsi une certaine marge de
manœuvre pour préserver les équilibres extérieurs.
Les pénuries de produits de base se
sont poursuivies, en partie générées
par le système de subventions
et la baisse de la production
agricole, qui ont également accru
la dette des entreprises publiques
commercialisant les biens importés
subventionnés
Comme les conditions de financement extérieur
restent strictes, les importations ont continué à se
contracter. C’est particulièrement le cas des produits
commercialisés par des entreprises publiques très
endettées, qui détiennent le monopole de l’importa-
tion et de la distribution de produits spécifiques. Par
exemple, comme la sécheresse a réduit de deux tiers
la récolte de blé dur de la Tunisie début 2023 par rap-
port à l’année précédente, l’Office des Céréales a eu
des difficultés à augmenter ses importations pour
compenser le déficit. La quantité de blé dur fournie au
marché a chuté de 18 pour cent au premier semestre
2023 par rapport à l’année précédente, contribuant
ainsi aux pénuries de certains produits céréaliers. Le
système de contrôle des prix qui régule les marchés
du blé et d’autres produits de base tels que le sucre,
le lait et l’huile végétale est un facteur clé de l’endet-
tement croissant des entreprises publiques qui ont
le monopole d’importation et de commercialisation
des produits importés, ainsi que des pénuries qui en
découlent.
L’inflation a diminué mais elle
reste élevée — notamment pour les
produits alimentaires
L’inflation a commencé à diminuer depuis le pic de
février 2023 (10,4 pour cent). Elle a atteint 9 pour cent
en septembre grâce à la baisse des prix mondiaux et la
faiblesse de la demande intérieure. Cependant, l’infla-
tion reste élevée, en particulier dans le secteur alimen-
taire (13,9 pour cent), car la sécheresse et la compres-
sion des importations ont réduit l’offre sur les marchés
alimentaires intérieurs. L’inflation demeure également
bien supérieure au taux d’intérêt, même si ce dernier
a été maintenu constant en 2023. Le maintien d’une
banque centrale forte et indépendante constituera un
pilier principal dans la quête de la stabilité des prix.
La croissance modérée de la masse
salariale publique a contenu le
déficit budgétaire au cours du
premier semestre 2023, alors que
son financement créer un effet
d’éviction du crédit au secteur privé
Le ralentissement de la croissance a réduit les per-
formances des impôts indirects, notamment la TVA et
les droits de douanes. En conséquence, l’augmenta-
tion des recettes fiscales au premier semestre 2023 a
été plus modeste (+8,3 pour cent) que les prévisions
de la loi de finances 2023 (+15,3 pour cent) et infé-
rieure au taux d’inflation (les recettes fiscales se sont
donc contractées en termes réels). Toutefois, la crois-
sance plus contenue de la masse salariale publique
et la faiblesse des investissements publics ont per
-
mis d’équilibrer le budget au premier semestre 2023,
comme l’année précédente. Maintenir une croissance
modérée de la masse salariale et inverser la tendance
à la baisse des investissements publics en réorientant
les subventions demeurent essentiels à la croissance
économique. La dette publique s’élevait à 79,8 pour
cent du PIB en 2022 et le service de la dette a atteint 3
pour cent du PIB au premier semestre 2023. Compte
xii
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
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tenu de l’accès limité au financement international, le
gouvernement s’est de plus en plus appuyé sur l’em-
prunt intérieur, ce qui évince le crédit au secteur privé.
Les perspectives de croissance
dépendent fortement de l’évolution
de la sécheresse et des conditions de
financement extérieur
La Banque Mondiale prévoit une croissance du PIB
de 1,2 pour cent en 2023 — un ralentissement signi-
ficatif par rapport à 2021–2022 — avec une légère
hausse à 3,0 pour cent en 2024. Les prévisions de
croissance pour 2024 sont soumises à d’importants
risques à la baisse liés à l’évolution de la séche-
resse ainsi qu’au rythme des réformes structurelles
planifiées par le gouvernement et aux conditions
de financement. Les déficits jumeaux de la Tuni-
sie devraient se modérer grâce à des prix plus favo-
rables des matières premières et à une certaine com-
pression des dépenses. Cependant, le financement
des déficits nécessitera une augmentation significa-
tive du financement extérieur face au lourd calen-
drier de remboursement de la dette. Si le rythme des
réformes et le niveau de financement restent suffi-
sants, nous prévoyons que la croissance du PIB se
maintiendra à 3 pour cent en 2025–2026, accompa-
gnée d’une certaine stabilisation des déséquilibres
macroéconomiques et budgétaires. Cela implique-
rait une lente convergence vers le milieu des années
2030s vers la trajectoire de croissance à long terme,
dont l’économie s’est écartée depuis la crise du
Covid-19.
L’émigration — y compris irrégulière
— est une stratégie de plus en plus
importante pour les Tunisiens face
à la situation économique et sociale
difficile du pays
L’émigration devient une stratégie de plus en plus
importante pour les Tunisiens pour faire face à la
situation économique et sociale délicate du pays. Les
flux d’émigration de la Tunisie ont considérablement
augmenté au cours des deux dernières décennies et
ont suivi des voies plus irrégulières depuis 2019. Avec
plus de 54 000 arrivées (19 pour cent), les Tunisiens
représentent la principale nationalité des migrants
irréguliers ayant atteint l’Italie via la route de la Médi-
terranée centrale entre janvier 2019 et juin 2023. Pour
beaucoup de tunisiens l’émigration est très attrayante
en raison des possibilités de revenus plus élevés
en Europe. Toutefois, ces gains de revenus poten-
tiels sont considérablement plus faibles lorsque les
migrants sont sans papiers. Plus de 200 000 migrants
sont également revenus en Tunisie avec des compé-
tences et des capitaux à investir, ayant résidé à l’étran-
ger en moyenne 11 années. Néanmoins, ils sont
moins nombreux à revenir que les travailleurs émi-
grants hautement qualifiés..
Tout comme les Tunisiens émigrent à la
recherche de meilleures conditions de vie, la Tuni-
sie est également un pays de destination pour envi-
ron 60 000 migrants venant de l’étranger en 2020,
selon les estimations de l’UNDESA et l’enquête Tuni-
sie-HIMS. Leur nombre a augmenté à un rythme plus
lent que celui de l’émigration ces dernières années.
Aujourd’hui, ils représentent environ 0,5 pour cent de
la population – un chiffre très faible, entre 20 et 25 fois
inférieur à celui des pays européens voisins, notam-
ment l’Italie, la France et la Libye voisine. Cependant,
pour les migrants, il est difficile de conserver leur sta-
tut légal en Tunisie, car les procédures d’obtention
d’un permis de séjour ou de travail sont lourdes, ce
qui les rend plus vulnérables et moins capables de
contribuer à l’économie tunisienne.
Depuis fin 2022, la Tunisie est également deve-
nue un important pays de transit pour la migration irré-
gulière vers l’Europe. Au cours des huit premiers mois
de 2023, 73 829 personnes sont arrivées en Italie
par voie maritime depuis la Tunisie. Cela représente
environ 44 pour cent de tous les migrants irréguliers
vers l’Europe et deux tiers des migrants irréguliers
vers l’Italie via la route de la Méditerranée centrale
au cours de la période. Parmi eux, la grande majorité
venait d’Afrique subsaharienne. La multiplication des
départs irréguliers a entraîné une recrudescence des
incidents et une augmentation du nombre des vic-
times au large des côtes tunisiennes.
RéSuMé ANALyTIquE
xiii
Page 16
La Tunisie peut travailler —
également avec les pays partenaires
— pour maximiser les bénéfices de la
migration
La migration deviendra probablement de plus en plus
importante pour la Tunisie, tant en termes d’entrées
que de sorties, compte tenu de la transition démogra-
phique en Tunisie et en Europe. Ainsi, la Tunisie peut
travailler (également avec les pays partenaires) pour
maximiser les bénéfices de la migration. En tant que
pays principalement d’émigrant, la Tunisie pourrait
contribuer à renforcer l’adéquation de ses émigrés à
la demande étrangère, notamment par une coopéra-
tion renforcée avec les pays de destination. Une telle
coopération devrait inclure la concentration de l’aide
internationale sur les objectifs de développement en
Tunisie. D’après les données disponibles, l’augmenta-
tion des revenus des ménages contribuera à réduire
la propension à envisager d’émigrer par des voies
irrégulières. Comme son importance en tant que pays
de destination (et donc de migrants souhaitant s’ins-
taller en Tunisie) est susceptible de croître, la Tuni-
sie peut également accroître les avantages écono-
miques des immigrants en facilitant le statut régulier
des migrants et en rationalisant la reconnaissance de
leurs qualifications, ce qui a été identifié comme l’un
des aspects clés de la mise en œuvre réussie d’ac-
cords de mobilité bilatéraux impliquant des partena-
riats de compétences.
xiv
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
Page 17
EXECUTIVE SUMMARY
The drought slowed down an already
limited economic recovery in the
first half of 2023
The sixth consecutive year of below-average rainfall
compromised Tunisia’s agricultural production and
slowed down further an already limited economic recov-
ery. The Tunisian economy expanded in real terms by
1.2 percent in the first half of 2023, half the rate of 2022,
and almost a quarter of the 2021 rate. The drought has
compounded a difficult recovery, marred by uncertain
external financing and continued regulatory barriers to
growth, which have not been addressed by economic
reforms. Tunisia exhibits a very modest economic
recovery in comparison with other countries from the
Middle East and North African region, with its GDP per
capita still 4.7 percent below the pre-pandemic level.
With limited economic growth, the unemployment rate
increased slightly by the second quarter of 2023, stabi
-
lizing at the pre-Covid level, while the labor force partic-
ipation rate remained below pre-Covid.
Favorable terms of trade and the
tourism recovery improved the
current account deficit but external
financing needs remain significant
while external financing has declined
international energy and food prices. The energy def-
icit widened due to a drop in domestic production in
spite of more favorable prices, continuing to account for
the majority of the merchandise trade deficit. The nar-
rowing trade deficit along with the rebounding of tour-
ism receipts (+47 percent year-on-year as of the end of
August 2023) and the stable performance of remittances
(see part B) brought down the current account deficit
(CAD) in the first half of the year. The lower CAD eases
the pressure on the external financing needs, which
however remain significant in light of the forthcoming
heavy external debt repayment schedule: TD 4.8 billion,
or 3 percent of GDP in the last two quarters of 2023. In
the absence of private sources of capital, Tunisia con-
tinues to depend on sovereign lending to finance its
external needs amidst uncertain financing conditions.
The narrowing of the CAD along with recent additional
external financing, notably from Saudi Arabia, helped
to ease the pressure on foreign exchange reserves and
the Dinar, providing some buffer on the external side.
Shortages of basic products have
continued, partly fueled by the
system of subsidies and the drop in
agricultural production, which have
also increased the debt of state-
owned marketing boards
Tunisia’s merchandise trade deficit declined by 39 per-
cent in the first 8 months of 2023 to TD 12.2 billion
(7.5 percent of 2023 GDP), boosted by more favorable
As external financing conditions remain tight, imports
have continued to be compressed. That is particularly
the case for highly indebted state-owned trade boards,
xv
Page 18
which hold the monopoly over the import and distribu-
tion of specific products. For example, as the drought
reduced Tunisia’s hard wheat harvest by two-third in
early 2023 compared to previous year, the Office des
Céréales had difficulties to step up its imports to com-
pensate for the shortfall. The quantity of hard wheat
supplied to the market dropped by 18 percent in the
first half of 2023 compared to previous year, contribut-
ing to the shortages of cereal products. The system of
price control that regulates the markets of wheat and
other basic products such as sugar, milk and vegeta-
ble oil is a key driver of the increasing indebtedness
of the state-owned marketing boards and shortages.
Inflation moderated slightly but it
remains high—especially for food
Inflation started to moderate since the peak of Feb-
ruary 2023 (10.4 percent). It declined to 9.0 percent
in September on the back of lower global prices and
weak domestic demand. However, inflation is still high,
particularly for food (13.9 percent), as the drought
and the import compression have reduced the sup-
ply in domestic food markets. Inflation also remains
well above the interest rate, even though the latter has
remained stable in 2023. Maintaining a strong and
independent Central Bank will be a central pillar in
the pursuit of price stability.
The moderate public wage bill
growth contained the budget deficit
during the first half of 2023, as its
financing continues to crowd out
private sector credit
tained wage bill growth and reversing the declining
trend of public investment by re-orienting subsidies
continue to be key for economic growth. Public debt
stood at 79.8 percent of GDP in 2022 and the debt
servicing cost reached 3 percent of GDP in the first
half of 2023. Given the limited access to international
financing, the government has increasingly relied on
domestic borrowing which is crowding out credit to
the private sector.
Growth prospects are highly
dependent on the evolution of the
drought and on external financing
conditions
The World Bank forecasts a 1.2 percent GDP growth
in 2023—a significant slowdown compared to 2021–
22—with a slight uptick to 3.0 percent in 2024. The
2024 growth forecast is subject to significant down-
side risks related to the evolution of the drought, and
the pace of structural reforms planned by the govern-
ment, and financing conditions. Tunisia’s twin deficit is
expected to moderate on the back of more favorable
commodity prices and some compression of expen-
ditures. However, the financing of the deficits will
require a significant scale-up of the external financing
in the face of the heavy debt reimbursement sched-
ule. If the pace of reforms and the level of financing
remain sufficient, we project GDP growth to remain at
3 percent in 2025–26 along with some stabilization of
the macro and fiscal imbalances. That would entail a
slow convergence towards the long-run growth path,
from which the economy deviated during the Covid-19
crisis, by mid-2030s.
The slowdown in growth dragged the performance
of indirect taxes, particularly VAT and customs. As
a result, the increase in tax revenues in the first half
of 2023 has been more modest (+8.3 percent) than
expected in the 2023 Budget Law (+15.3 percent),
and lower than the inflation rate (so tax revenues con-
tracted in real terms). However, the more contained
public wage bill growth and weak public investment
allowed the balancing of the budget in the first half of
2023, in line with the year before. Maintaining a con-
Emigration—including through
irregular channels—has become an
increasingly important strategy to
cope with the difficult economic and
social situation in the country
Emigration is becoming an increasingly important
strategy for Tunisians to cope with the challenging
economic and social situation in the country. Tunisia’s
emigration flows increased significantly over the last
xvi
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
Page 19
two decades, and have followed more irregular path-
ways since 2019. With more than 54,000 arrivals (19
percent), Tunisians represent the main nationality of
irregular migrants having reached Italy via the Cen-
tral Mediterranean Route between January 2019 and
June 2023. For many Tunisians, emigration harbors a
high attractiveness given the higher income possibili-
ties in Europe. However, such potential income gains
are considerably lower when migrants are undocu-
mented. More than 200,000 Tunisian emigrants have
also come back to Tunisia bringing back skills and
capital to invest having resided abroad on average for
about 11 years. Nonetheless, fewer return than those
who emigrate, particularly among the high-skilled.
Just like Tunisians emigrate in search of better
living conditions, Tunisia is also a destination country
for about 60,000 migrants coming from abroad as of
2020, based on UNDESA estimates and the Tunisia-
HIMS survey. Their number increased at a slower
pace than emigration in recent years. Today, they
make up around 0.5 percent of the population—a very
low number indeed between 20 and 25 times lower
than in close European countries including Italy and
France and neighboring Libya. However, for migrants,
it is challenging to maintain their legal status in Tuni-
sia, as obtaining a residence or work permit is cum-
bersome, making them more vulnerable and less able
to contribute to the Tunisian economy.
Since the end of 2022, Tunisia has also become
an important transit country for irregular migration to
Europe. In the first eight months of 2023, 73,829 peo-
ple arrived in Italy by sea from Tunisia. That is around
44 percent of all irregular migrants to Europe and two
third of irregular migrants to Italy via the Central Med-
iterranean route over the period. Of these, the large
majority were coming from sub-Saharan Africa. The
rise in irregular departures has led to an uptick in inci-
dents and casualties off the Tunisian coasts.
Tunisia can work (also with partner
countries) to maximize the benefits
of migration
Migration will likely become increasingly important
for Tunisia in terms of both inflows and outflows,
given the demographic transition in both Tunisia and
Europe. As such Tunisia can work (also with part-
ner countries) to maximize the benefits of migra-
tion. As a country of mainly emigration, Tunisia could
help strengthen the match of its emigrants with the
demand abroad, including through enhanced coop-
eration with destination countries. Such coopera-
tion should include focusing international assistance
towards development objectives in Tunisia. Based on
available evidence, increasing household incomes
will contribute to reducing the propensity to consider
emigrating through irregular channels. As its impor-
tance as a destination country (hence migrants who
want to settle in Tunisia) is likely to increase, Tunisia
can also enhance the economic benefits from immi-
grants by facilitating migrants’ regular status and
streamlining the recognition of their qualifications,
which has been identified as one of the key aspects
for the successful implementation of bilateral mobility
agreements involving skill partnerships.
EXECuTIVE SuMMARy
xvii
Page 20
Page 21
يذيفنت صخلم
سطسغأ ةياهن ىتح يونس ساسأ لىع ةئالماب +47( ةحايسلا تادئاع
يراجلا باسحلا زجع ضفخ لىإ ةيلالما تلايوحتلل رقتسلما ءادلأاو )2023
لىإ يراجلا باسحلا زجع ضافخنا ىدأ دقو .ماعلا نم لولأا فصنلا في
ةيربك لظت يتلاو ،يجراخلا ليومتلا تاجايتحا لىع طغضلا نم فيفختلا
رايلم 4.8 :ةلبقلما ةليقثلا ةيجراخلا نويدلا دادس لودج ءوض في كلذ عم
يرخلأا فصنلا للاخ ماخلا ليخادلا جتانلا نم ةئالما في 3 وأ ،سينوت رانيد
لصاوت ، ةيلالما قاوسلأا نم ليومتلا رداصم بايغ في .2023 ماع نم
طسو ةيجراخلا اهتاجايتحا ليومتل يدايسلا ضاترقلإا لىع دماتعلاا سنوت
بناج لىإ يراجلا باسحلا زجع صيلقت دعاسو .ةدكؤم يرغ ليوتم فورظ
،ةيدوعسلا ةيبرعلا ةكلملما نم مايس لا ،يرخلأا فياضلإا يجراخلا ليومتلا
لياتلابو ،رانيدلاو ةيبنجلأا ةلمعلا تايطايتحا لىع طغضلا فيفخت لىع
.ةيجراخلا تانزاوتلا لىع ظافحلل ةحاسلما ضعب يرفوت
شاعتناو ةيتاولما يراجتلا لدابتلا راعسأ تدأو
نكل ،يراجلا باسحلا زجع ينسحت لىإ ةحايسلا
لظ في ةيربك لازت لا يجراخلا ليومتلا تاجايتحا
يجراخلا ليومتلا ىوتسم ضافخنا
في دودحلما يداصتقلاا فياعتلا ؤطابت لىإ فافجلا ىدأ
2023 ماع نم لولأا فصنلا في لصلأا
طسوتلما نود ىوتسم لىا تضفخنا يتلا راطملأا لوزن ةردن تضرأ
ؤطابت لىإ تدأو سنوت في يحلافلا جاتنلإاب لياوتلا لىع ةسداسلا ةنسلل
اونم سينوتلا داصتقلاا ققح .لصلأا في دودحلما يداصتقلاا شاعتنلاا
عبرو ،2022 ونم فصن يأ ،2023 نم لولأا فصنلا في ةئلماب 1.2 ةبسنب
،ةبعصلا فياعتلا ةيلمع مقافت لىإ فافجلا ىدأ دقو .ابيرقت 2021 ونم
زجاوحلا رارمتساو يجراخلا ليومتلا ىوتسم لىع ينقيلا مدع اهباش يتلا
ةيداصتقلاا تاحلاصلإا اهجلاعت لم يتلاو ،ومنلا مامأ ةينوناقلا و ةيميظنتلا
ىرخلأا لودلاب ةنراقم اًعضاوتم اًيداصتقا ا ًشاعتنا سنوت رهظت .نلآا ىتح
نم درفلا بيصن لازي لا ثيح ،ايقيرفإ لماشو طسولأا قشرلا ةقطنم في
.ءابولا لبق ام ىوتسم نم ةئالما في 4.7 ةبسنب لقأ ماخلا ليخادلا جتانلا
فيفط لكشب ةلاطبلا لدعم عفترا ،دودحلما يداصتقلاا ومنلا عمو
،ديفوك لبق ام ىوتسم دنع رقتساو ،2023 ماع نم نياثلا عبرلا لولحب
لبق هاوتسم نم لقأ ةلماعلا ىوقلا في ةكراشلما لدعم لظ ينح في
.ديفوك ةحئاج
لىع طوغضلا ترمتسا ،يجراخلا ليومتلا طوشر قيض رارمتسا عمو
ةيمومعلا تاسسؤملل ةبسنلاب صاخ لكشب لاحلا وه اذهو .تادراولا
لىع .ةنيعم تاجتنم عيزوتو دايرتسا ركتحت يتلاو ،نويدلاب ةلقثلماو
بلصلا حمقلا لوصحم ضافخنا لىإ ىدأ فافجلا نلأ اًرظن ،لاثلما ليبس
هجاو ،قباسلا ماعلاب ةنراقم 2023 ماع لئاوأ في ينثلثلا رادقبم سنوت في
تضفخناو .صقنلا ضيوعتل هتادراو ةدايز في تابوعص بوبحلا ناويد
لولأا فصنلا في ةئالماب 18 ةبسنب قوسلا في ةرفوتلما بلصلا حمقلا ةيمك
تاجتنم ضعب صقن في مهاس مام ،قباسلا ماعلاب ةنراقم 2023 ماع نم
تاجتنلماو حمقلا قاوسأ مظني يذلا راعسلأا ةبقارم ماظن دعي .بوبحلا
ايساسأ لاماع تيابنلا تيزلاو بيلحلاو ركسلا لثم ىرخلأا ةيساسلأا
.ةيمومعلا تاسسؤلما ةينويدم ديازتلو اهصقنل
شاعتناو ةيتاولما يراجتلا لدابتلا راعسأ تدأو
نكل ،يراجلا باسحلا زجع ينسحت لىإ ةحايسلا
لظ في ةيربك لازت لا يجراخلا ليومتلا تاجايتحا
يجراخلا ليومتلا ىوتسم ضافخنا
لىولأا ةينماثلا رهشلأا في ةئالماب 39 ةبسنب سنوتل يراجتلا زجعلا ضفخنا
ليخادلا جتانلا نم ةئالما في 7.5( سينوت رانيد رايلم 12.2 لىإ 2023 ماع نم
تذخأ يتلا ةيلودلا ءاذغلاو ةقاطلا راعسأب اموعدم ،)2023 ماعل ماخلا
ةقاطلا في زجعلا عستاو . سينوتلا داصتقلال ةمءلام ثركأ وهو ليزانت ىحنم
لظ لياتلابو ،راعسلأا نسحت نم مغرلا لىع ليحلما جاتنلإا ضافخنا ببسب
شاعتنا بناج لىإ يراجتلا زجعلا صيلقت ىدأ .يراجتلا زجعلا ةيبلاغ لثيم
xix
Page 22
راسم وحن يطب براقت لىإ يدؤي نأ هنأش نم اذه .ةماعلا ةيلالماو ةيلكلا
،19 - ديفوك ةمزأ للاخ داصتقلاا هنع فرحنا يذلا ،دملأا ليوط ومنلا
.لياحلا نرقلا تاينيثلاث فصتنم لولحب
- ةيماظنلا يرغ تاونقلا برع كلذ في ابم - ةرجهلا تحبصأ
لماعتلل ينيسنوتلا ىدل ةديازتم ةيمهأ تاذ ةيجيتاترسا
دلابلا في بعصلا يعماتجلااو يداصتقلاا عضولا عم
لماعتلل ينيسنوتلا ىدل ةديازتم ةيمهأ تاذ ةيجيتاترسا ةرجهلا تحبصأ
ةرجهلا تاقفدت تداز .دلابلا في بعصلا يعماتجلااو يداصتقلاا عضولا عم
تاراسلما نم ديزلما تعبتاو ،ينيضالما نيدقعلا للاخ يربك لكشب ةيسنوتلا
19( صخش 54000 نم ثركأ لوصو عمو .2019 ماع ذنم ةيماظنلا يرغ
نيذلا ينيماظن يرغ نيرجاهملل ةيسيئرلا ةيسنجلا نويسنوتلا لثيم ،)ةئالماب
2019 رياني ينب طسوتلما ضيبلأا رحبلا طسو قيرط برع ايلاطيإ لىإ اولصو
ةيلاع ةيبذاجب ةرجهلا عتمتت ،ينيسنوتلا نم ديدعلل ةبسنلاب .2023 وينويو
لخدلا بساكم نإف ،كلذ عمو .ابوروأ في ةعفترلما لخدلا تلاماتحلا ارظن
تاقاطب نودب نورجاهلما نوكي امدنع يرثكب لقأ نوكت هذه ةلمتحلما
تاراهلما مهعم ينلماح سنوت لىإ وداع سينوت 200.000 نم ثركأ . ةيوه
.طسوتلما في اًماع 11 ةدلم جراخلا في اوماقأ نأ دعب رماثتسلال لالما سأرو
يوذ ينب ةصاخو ،نورجاهي نيذلا كئلوأ نم لقأ نيدئاعلا نإف ،كلذ عمو
.ةيلاعلا تاراهلما
دعت ،لضفأ ةيشيعم فورظ نع اًثحب نويسنوتلا رجاهي مالثم
اًرابتعا جراخلا نم مداق رجاهم فلأ 60 لياوحل دصقم دلب ا ًضيأ سنوت
ةيعماتجلااو ةيداصتقلاا نوؤشلا ةرادإ تاريدقت لىع ًءانب ،2020 ماع نم
لىإ ةرجهلا نم أطبأ ةيرتوب مهدادعأ تداز دقو .HIMS-سنوت حسمو
وهو ،ناكسلا نم 0.5% لياوح نولكشي ،مويلاو .ةيرخلأا تاونسلا في سنوت
لودلا في هيلع وه مام لقأ ةرم 25 لىإ 20 ينب ام - ةياغلل ضفخنم مقر
نا ملعلا عم .ةرواجلما ايبيلو - اسنرفو ايلاطيإ كلذ في ابم -ةبيرقلا ةيبورولأا
،سنوت في نيوناقلا مهعضو لىع ظافحلا بعصلا نم ،نيرجاهملل ةبسنلاب ،
ثركأ مهلعجي مام ،بعصو قهرم لمع وأ ةماقإ حيصرت لىع لوصحلا نلأ
.سينوتلا داصتقلاا في ةمهاسلما لىع ةردق لقأو رطخلل ةضرع
ةمهم روبع ةلود ا ًضيأ سنوت تحبصأ ،2022 ماع ةياهن ذنمو
،2023 ماع نم لىولأا ةينماثلا رهشلأا في .ابوروأ لىإ ةيعشرلا يرغ ةرجهلل
اذه لثيمو .سنوت نم رحبلا قيرط نع ايلاطيإ لىإ ا ًصخش 73829 لصو
يثلثو ابوروأ لىإ ينيماظن يرغ نيرجاهلما عيمج نم ةئالماب 44 لياوح
طسوتلما ضيبلأا رحبلا طسو قيرط برع ايلاطيإ لىإ ينيماظن يرغ نيرجاهلما
ايقيرفأ نم ينمداق ءلاؤه نم ىمظعلا ةيبلاغلا تناكو .ةترفلا هذه للاخ
لىإ ةيماظنلا يرغ ةرداغلما تلااح عافترا ىدأو .ىبركلا ءارحصلا بونج
.ةيسنوتلا لحاوسلا ةلابق تاباصلإاو ثداوحلا ةيرتو عافترا
لىع )ةكيشرلا لودلا عم ا ًضيأ( لمعت نأ سنوتل نكيم
ةرجهلا دئاوف نم ردق صىقأ قيقحت
ثيح نم سنوتل ةبسنلاب ةديازتم ةيمهأ تاذ ةرجهلا حبصت نأ حجرلما نم
سنوت نم لك في فيارغويمدلا لوحتلل ارظن ،ةجراخلاو ةلخادلا تاقفدتلا
لظ هنكلو مخضتلا ةبسن في فيفط عجارت لجس دقو
ةيئاذغلا داوملل ةبسنلاب ةصاخو - ًاعفترم
.)10.4%( 2023 ريابرف في اهغلب يتلا ةورذلا ذنم ضافخنلاا في مخضتلا أدب
راعسلأا ضافخنا ةيفلخ لىع لوليأ/برمتبس في ةئالماب 9.0 لىإ ضفخناو
ةصاخ ،اعفترم مخضتلا لازي لا ،كلذ عمو .ليحلما بلطلا فعضو ةيلماعلا
لىإ تادراولا طغضو فافجلا ىدأ ثيح ،)ةئالما في 13.9( ةيذغلأل ةبسنلاب
اضيأ مخضتلا لازي لاو .ةيلحلما ةيئاذغلا داولما قاوسأ في ضرعلا ضافخنا
في ارقتسم لظ يرخلأا اذه نأ نم مغرلا لىع ،ةدئافلا رعس نم يرثكب لىعأ
ةيساسأ ةزيكر لقتسمو يوق يزكرم كنب لىع ظافحلا نوكيسو .2023 ماع
.راعسلأا رارقتسا قيقحتل يعسلا في
عاطقلا في روجلأا عافترا قسن في لدتعلما روطتلا ىدأ
فصنلا للاخ ةلودلا ةينازيم زجع ءاوتحا لىإ ماعلا
ةسفانم اهليوتم لصاوي ثيح ،2023 ماع نم لولأا
صاخلا عاطقلا ليوتم
ةصاخو ،ةشرابلما يرغ بئاضرلا ءادأ ضافخنا لىإ ومنلا ؤطابت ىدأو
ةدايزلا تناك ،كلذل و .ةيكرمجلا موسرلا و ةفاضلما ةميقلا لىع ةبيضرلا
)ةئالماب +8.3( لقأ 2023 ماع نم لولأا فصنلا في ةيبيضرلا تاداريلإا في
نم لقأو ،)ةئالما في +15.3( 2023 ماعل ةيلالما نوناق في اعقوتم ناك مام
.)ةيقيقحلا ةميقلاب بئاضرلا تادئاع تصلقت لياتلابو( مخضتلا لدعم
فعضو ماعلا عاطقلا في روجلأا عافترا قسن ءاوتحا ةدايز نإف ،كلذ عمو
لولأا فصنلا في ةلودلا ةينازيم في نزاوتلا قيقحتب احمس ماعلا رماثتسلاا
ونم لىع ظافحلا لظيو .ضيالما ماعلا في لاحلا ناك ماك ،2023 ماع نم
نم يمومعلا رماثتسلاا في ردحنلما هاجتلاا سكعو روجلأا ةلتك في لدتعم
يمومعلا نيدلا غلب .يداصتقلاا ومنلل ايروضر معدلا هيجوت ةداعإ للاخ
ةمدخ ةفلكت تلصوو ،2022 ماع في ماخلا ليخادلا جتانلا نم 79.8%
.2023 ماع نم لولأا فصنلا في ماخلا ليخادلا جتانلا نم 3% لىإ نيدلا
لكشب ةموكحلا تدمتعا ،ليودلا ليومتلا لىإ لصوتلا ةيدودحلم اًرظنو
.صاخلا عاطقلا ليوتم سفاني يذلا ليحلما ضاترقلاا لىع ديازتم
لماوعلا روطت لىع يربك لكشب ومنلا قافآ دمتعت
يجراخلا ليومتلا فورظ لىعو ةيخانلما
2023 ماع في 1.2% ةبسنب ماخلا ليخادلا جتانلا ونم ليودلا كنبلا عقوتيو
لىإ فيفط عافترا عم - 2022-2021 ةترفلاب ةنراقم يربك ؤطابت وهو -
قلعتت رطاخلم 2024 ماعل ومنلا تاعقوت عضختو .2024 ماع في 3.0%
ططخت يتلا ةيلكيهلا تاحلاصلإا ةيرتو ،(فافجلا) ةيخانلما لماوعلا روطتب
في جودزلما زجعلا عجاتري نأ عقوتلما نمو. ليومتلا طوشرو ،ةموكحلا اهل
.تاقفنلا لىع طغضلا ضعبو ةيساسلأا داولما راعسأ نسحت لضفب سنوت
يجراخلا ليومتلا في ةيربك ةدايز بلطتيس زجعلا ليوتم نإف ،كلذ عمو
تاحلاصلإا ةيرتو تلظ ةلاح فيو. ليقثلا نويدلا دادس لودج ةهجاولم
ليماجلإا ليحلما جتانلا ونم لظي نأ عقوتن اننإف ،ينيفاك ليومتلا ىوتسمو
تلالاتخلاا في رارقتسلاا ضعب بناج لىإ 2026-2025 ةترفلا في 3% دنع
xx
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
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لماتحا عمو.ةيماظنلا يرغ تاونقلا برع ةرجهلا في يركفتلا لىإ ليلما نم دحلا
رارقتسلاا في نوبغري نيذلا نيرجاهلما لياتلابو( دصقم دلبك اهتيمهأ ةدايز
نم نيرجاهملل ةيداصتقلاا دئاوفلا زيزعت ا ًضيأ سنوتل نكيم ،)سنوت في
،مهتلاهؤبم فاترعلاا طيسبتو نيرجاهملل يماظنلا عضولا ليهست للاخ
حجانلا ذيفنتلل ةيسيئرلا بناوجلا دحأ هنأ لىع هديدحت مت ام وهو
.تاراهلما في تاكاشر لىع يوطنت يتلا ةيئانثلا لقنتلا تايقافتلا
)ةكيشرلا لودلا عم ا ًضيأ( لمعت نأ سنوتل نكيم ،وحنلا اذه لىعو .ابوروأو
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DÉVELOPPEMENTS
ÉCONOMIQUES
RÉCENTS
1. La reprise économique modeste
est encore ralentie en raison de
la sécheresse, des conditions de
financement incertaines et de la
lenteur des réformes
La reprise économique modeste de la Tunisie s’est
encore ralentie au premier semestre 2023, alour-
die par une grave sécheresse, des conditions de
financement incertaines et par un lent rythme
des réformes planifiées par le gouvernement.
Une
sixième année consécutive de précipitations inférieures
à la moyenne a compromis la production agricole du
pays, avec une valeur ajoutée sectorielle en baisse
de 9 pour cent en termes réels au premier semestre
2023 par rapport à la même période en 2022. Ce choc
négatif est aggravé par une reprise difficile, marquée
par un financement extérieur incertain et des obsta-
cles réglementaires persistants à la croissance, tels
que les autorisations d’accès à de nombreux secteurs,
des contrôles stricts et discrétionnaires sur les changes
et la capture réglementaire des opérateurs historiques
déjà établis dans le secteur, qui n’ont pas été résolus
par les réformes (voir le numéro d’hiver 2022 du Bul-
letin de Conjoncture Economique pour la Tunisie). Par
conséquent, l’économie n’a progressé en termes réels
que de 1,2 pour cent au premier semestre 2023, soit la
moitié du taux enregistré en 2022 et près du quart du
taux réalisé en 2021 (4,4 pour cent).
Le PIB réel de la Tunisie reste inférieur au
niveau d’avant la pandémie, avec une reprise éco-
nomique très modérée en comparaison avec les
autres pays de la région du Moyen-Orient et de
l’Afrique du Nord (MENA).
Le ralentissement écono-
mique a été particulièrement important au deuxième
trimestre 2023, alors que l’impact de la sécheresse
s’est aggravé. Le PIB réel a chuté de 1,3 pour cent par
rapport au premier trimestre, soit la plus forte baisse
trimestrielle depuis la pandémie (figure 1). Il était tou-
jours inférieur à celui du deuxième trimestre 2019 (de
2,3 pour cent) et même du deuxième trimestre 2018
(de 0,6 pour cent). Cette performance a été relative-
ment modeste par rapport aux pairs de la Tunisie, qui
ont enregistré des baisses plus faibles pendant la
pandémie et des reprises plus soutenues (figure 2).
En effet, au premier trimestre 2023, tous les pays
comparables de la Tunisie avaient un PIB réel supé-
rieur au niveau d’avant la pandémie.
L’agriculture a été le principal moteur du
ralentissement économique de 2023, car les pré-
cipitations faibles et variables ont mis en évidence
les carences d’un secteur qui a besoin de réformes
1
Page 26
FIGuRE 1 • Le PIB a chuté au deuxième trimestre
FIGuRE 2 • La reprise économique de la Tunisie a
2023
(PIB trimestriel aux prix 2015)
été lente
(PIB, prix constants ; 2019=100)
25 000
24 000
23 000
22 000
21 000
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120
115
110
105
100
95
90
2019
2020
2021
2022
2023 (Q1)
Egypte
Jordanie
Maroc
Algérie
Tunisie
Source : Institut National de la Statistique (INS).
Source : Macro Poverty Outlook - Banque Mondiale.
pour s’adapter au changement climatique. Le
manque de précipitations au cours des 5 premiers
mois de 2023 a aggravé les effets des conditions clima-
tiques difficiles qui prévalaient en Tunisie au cours des
6 dernières années, obligeant le gouvernement à intro-
duire des restrictions d’irrigation en mars 2023. Ceci
a entraîné une récolte réduite et une perte importante
de production. Le secteur céréalier — qui représente
une part importante de l’alimentation nationale — en est
un cas d’école. Comme discuté dans le numéro d’au-
tomne 2022 du Bulletin de Conjoncture Economique
pour la Tunisie, les superficies cultivées en blé ont dimi-
nué régulièrement ces dernières années (de 1,5 million
d’hectares en 2011 à 1,1 million en 2021). Cela s’ex-
plique principalement par la baisse de productivité
due à des précipitations plus variables et à l’appauvris-
sement des sols, ainsi qu’à des prix de vente défavo-
rables, fixés par l’Office tunisien des céréales (Office
des Céréales — OdC). Les conditions de sècheresse
exceptionnelle de cette année ont précipité les pertes
de production, la majeure partie de la production céré-
alière étant pluviale. Ainsi, la production céréalière
nationale a chuté de presque deux tiers par rapport
à l’année dernière.
1 Cela représente un peu plus d’un
quart du niveau de la même période en 2020. Cette
trajectoire illustre l’évolution d’une tendance plus glo-
bale du secteur agricole, dont la valeur ajoutée au pre-
mier semestre a chuté de 11,2 pour cent entre 2019 et
2023 (figure 3). Comme les conditions pluviométriques
devraient encore se détériorer à l’avenir en raison du
changement climatique, la Tunisie doit agir rapidement
pour renforcer la résilience de l’agriculture ainsi que du
secteur de l’eau dans son ensemble (encadré 1).
Les hôtels, restaurants et industries manu-
facturières — tirés par la demande extérieure —
ont été les principaux contributeurs positifs à la
croissance économique en 2023, compensant la
contraction des secteurs primaires
. La poursuite de
la reprise post-Covid du tourisme au cours des 6 pre-
miers mois de 2023 a permis une croissance robuste
du secteur des Hôtels et Restaurants (+ 17 pour cent
sur un an) ainsi que des services de transport (+ 5 pour
cent). Ensemble, ces secteurs de services ont contri-
bué à hauteur de 0,8 point de pourcentage à la crois-
sance, soit les trois quarts de la croissance globale du
PIB en 2023, contribuant ainsi àl’essentiel de la crois-
sance (figure 4). Les flux touristiques ont rebondi aux
niveaux de 2019 avec plus de cinq millions de visiteurs
en Tunisie entre janvier et juillet 2023. La plupart des
arrivées proviennent des pays voisins, mais le nombre
de touristes européens a également augmenté. Le sec-
teur manufacturier a affiché des taux de croissance
plus faibles, le textile et l’habillement (+6 pour centen
glissement annuel ) et les industries mécaniques et
électriques (+5 pour cent) ayant enregistré des perfor-
mances relativement meilleures que le reste du secteur.
1 Basé sur les données de ventes du l’OdC.
2
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
Page 27
ENCADRé 1 : S’ADAPTER À DES PéNuRIES D’EAu PLuS FRéquENTES ET PLuS GRAVES
Sa situation géographique fait de la Tunisie l’un des pays les plus exposés au changement climatique dans la région méditerranéenne. Les
augmentations de température devraient s’accompagner de précipitations réduites et plus variables.
D’ici 2050, les ressources globales en eau par personne et par an pourraient diminuer jusqu’à 66 pour cent (de 366 m³ à 122 m³).a Compte
tenu des tendances actuelles de la demande en eau, les réductions de l’approvisionnement en eau devraient avoir pour conséquence que
28 pour cent de la demande ne sera pas satisfaite d’ici 2050 dans le scénario du statu quo.
b La diminution de la quantité s’accompagnerait
d’une baisse de la qualité de l’eau et d’une incidence croissante des maladies liées à l’eau, avec des conséquences négatives plus
prononcées pour les populations les plus défavorisées.
Une analyse récente de la Banque mondiale explore les relations entre les objectifs de développement en Tunisie et le changement
climatique, tant en termes de risques que d’opportunités.
c L’analyse révèle que les principaux systèmes agricoles en Tunisie (arboriculture,
oasis, céréales et élevage) sont parmi les plus vulnérables au changement climatique et que la disponibilité de l’eau constitue une
préoccupation majeure. Les impacts économiques et sociaux des futures pénuries d’eau seront très importants. La Banque mondiale
prévoit que la production d’olives, qui représentaient 40 pour cent du total des exportations agricoles en 2019, pourrait diminuer par 69
pour cent d’ici 2050. La production agricole devrait chuter entre 29,1 et 33,1 pour cent par rapport aux projections dans un scénario sans
stress climatique. Cela aura des conséquences négatives plus prononcées sur les ruraux pauvres, qui disposent de moins de ressources
pour faire face aux impacts climatiques. Ces pertes se traduiraient par une réduction du PIB réel comprise entre 4,1 et 4,6 pour cent. Une
grande partie de ces pertes pourraient se matérialiser d’ici 2030, lorsque la taille de l’économie serait entre 2,0 et 2,7 pour cent plus petite
que ce qu’elle serait sans les conditions de sécheresse induites par le changement climatique. Ce qui équivaut à une perte estimée entre
2,7 et 3,8 milliards de DT (0,9 et 1,3 milliard de dollars) par an.
Sur la base de cette analyse, un certain nombre de réformes et d’investissements ciblés peuvent être suggérés pour garantir qu’une
quantité suffisante d’eau soit disponible pour répondre aux besoins du pays :
• Gérer la demande en eau (y compris par des mesures telles que la tarification, les quotas et le comptage). L’amélioration de l’efficacité
et l’emploi de techniques alternatives de stockage des eaux souterraines peuvent maximiser les ressources en eau conventionnelles
existantes en Tunisie.
• Promouvoir l’utilisation de solutions naturelles — en particulier celles qui soutiennent la recharge des réservoirs d’eau souterraine en
restaurant les forêts, les zones humides et les oasis — peuvent contribuer à atténuer le déclin prévu des eaux de surface.
• L’expansion des sources d’eau non conventionnelles (par exemple en investissant dans la réutilisation des eaux usées traitées et le
dessalement) peut compléter les sources d’eau conventionnelles.
• Améliorer l’efficacité de l’irrigation, la productivité de l’utilisation de l’eau et accroître l’adoption de pratiques agricoles intelligentes face
au climat peuvent contribuer à réduire la demande en eau du secteur agricole, qui consomme environ les trois quarts de l’eau en Tunisie.
• Accompagner les réformes institutionnelles sous la responsabilité de l’autorité de tutelle , également pour améliorer la performance
financière. Des incitations souples pour réduire le gaspillage alimentaire et d’eau tout au long des chaines de valeur et la mise en place
d’un système de surveillance de l’eau et d’alerte précoce amélioreraient encore la gestion de l’eau.
• Le développement d’options de financement et d’assurance contre les risques de catastrophe, telles que l’assurance indicielle ou
l’assurance basée sur des relevés, peut garantir les pertes de rendement en période d’événements extrêmes, notamment la sécheresse.
a Agence Française de Développement (2020). « Impacts des effets du changement climatique sur la sécurité alimentaire ».
b Agence Française de Développement (ibid.)
c Cette analyse est incluse dans le prochain Rapport National sur le Climat et le Développement en Tunisie (CCDR) de la Banque Mondiale.
Ce qui est cohérent avec la solide croissance de ces
exportations (voir ci-dessous). En revanche, les autres
secteurs primaires, notamment les mines, le pétrole et
le gaz, ont connu un déclin dans un contexte de réduc-
tion de la production d’hydrocarbures. De même, la
valeur ajoutée de l’agro-industrie a également diminué
(–6 pour cent) en raison du lien étroit avec l’agriculture.
Avec une croissance économique limitée,
le taux de chômage a légèrement augmenté au
deuxième trimestre 2023, se stabilisant au niveau
d’avant Covid, tandis que le taux d’activité est resté
inférieur à celui d’avant Covid
. Le taux de chômage
a atteint 15,6 pour cent au deuxième trimestre 2023,
contre 15,3 pour cent il y a un an (figure 5). Il s’agit de
l’un des taux les plus élevés de la région — et il est par-
ticulièrement élevé chez les femmes (21,1 pour cent).
Il est associé à un léger accroissement annuel du
taux d’activité (de 46 pour cent au deuxième trimestre
DéVELOPPEMENTS éCONOMIquES RéCENTS
3
Page 28
FIGuRE 3 • La valeur ajoutée dans le secteur
agricole a fortement diminué au
premier semestre 2023
(valeur ajoutée agricole, prix
constants en TND et part dans le PIB)
FIGuRE 4 • L’agriculture a été à l’origine du
ralentissement de la croissance en 2023
(croissance semestrielle du PIB
décomposée par secteur)
2 400
2 300
2 200
2 100
2 000
1 900
1 800
1 700
1 600
1 500
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Valeur ajoutée (gauche)
Poucentage PIB (droite)
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–2
–4
–6
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–10
–12
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2
1
S
-
Agriculture
Prestations de service
Exploitation minière
Impôts nets
Fabrication
PIB
Source : INS et estimations de la Banque Mondiale.
Source : INS et estimations de la Banque Mondiale.
FIGuRE 5 • Le chômage est revenu à son niveau
FIGuRE 6 • Les résultats sur le marché du travail
(élevé) d’avant la crise, mais
davantage de travailleurs ont quitté
le marché du travail
(taux de chômage et de participation
au marché du travail, en
pourcentage)
19
18
17
16
15
14
13
12
T1-2019
T1-2020
T1-2021
T1-2022
T1-2023
48.5
48.0
47.5
47.0
46.5
46.0
45.5
45.0
31
29
27
25
23
21
19
sont particulièrement défavorables
aux femmes
(taux de participation et de chômage
des femmes, en pourcentage)
T1-2019
T1-2020
T1-2021
T1-2022
T1-2023
Chômage (gauche)
Participation (droite)
Chômage
Participation
Source : Institut National de la Statistique.
Source : Institut National de la Statistique.
2022 à 46,3 pour cent au deuxième trimestre 2023).
Par conséquent, la création nette d’emplois au cours
de cette période a été faible, avec un total de seule-
ment 3 500 emplois créés, avec une perte nette de
15 500 emplois pour les femmes . Cela s’ajoute au
préjudice déjà important qu’elles subissent sur le mar-
ché du travail, avec un chômage plus élevé et un taux
de participation plus faible (figure 6). Même si le taux
de chômage est comparable à celui de 2019, le taux
d’activité reste inférieur d’environ 2 points de pourcen-
tage par rapport au taux d’avant Covid, ce qui sug-
gère que la faible reprise n’a pas réussi à réintégrer
sur le marché du travail un nombre important de per-
sonnes en âge de travailler et découragées par la pan-
4
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
Page 29
ENCADRé 2 : LE REBOND Du TOuRISME INTERNATIONAL EN TuNISIE
En plus de contribuer aux entrées de devises, le tourisme représente également un contributeur important à l’activité économique et
à l’emploi en Tunisie. Selon le Compte satellite du tourisme de l’Organisation Mondiale du Tourisme, le tourisme représentait environ
4,5 pour cent du PIB de la Tunisie en 2019. Il représentait 267 000 emplois, soit 7,6 pour cent de l’emploi total en 2018 selon l’INS.
Les revenus du tourisme sont volatiles depuis 2010 à la suite de la révolution tunisienne de 2011, de la guerre en Libye dans les années
2010, des attentats terroristes de 2015 et de la pandémie de Covid en 2020–21. Cette évolution a affaibli la viabilité financière du secteur
avec un niveau d’endettement élevé et une faible capacité d’investissement des entreprises du secteur. Le tourisme est l’un des secteurs
avec le plus haut niveau de prêts non performants (NPL) en Tunisie, qui présente déjà un niveau élevé de NPL.
a En 2021, 5,5 pour cent des
hôtels ont fermé leurs portes en raison de difficultés financières.
b
La capacité d’investissement limitée a également limité les efforts visant à améliorer l’offre touristique en Tunisie, qui ne collecte
que 0,2 pour cent des revenus touristiques mondiaux alors qu’elle accueille 0,6 pour cent des touristes mondiaux.
c En outre, de
nombreuses barrières réglementaires restreignent la concurrence et nuisent à la compétitivité du secteur. Dans une évaluation
récente, l’OCDE identifie des centaines de ces obstacles, notamment des procédures d’octroi de licences complexes et lourdes,
des exigences opérationnelles onéreuses et trop détaillées et l’influence des opérateurs historiques dans les organes de décision.
d
Malgré ces défis, le secteur du tourisme a poursuivi en 2023 son rebond au second semestre 2022, permettant au secteur de
revenir aux niveaux d’arrivées d’avant Covid. Stimulée par une forte demande internationale de voyages, la Tunisie a attiré une part
croissante des touristes internationaux. Elle a accueilli 6,2 millions de non-résidents en 2023 jusqu’à fin août, soit une augmentation
de 62,4 pour cent par rapport à la même période en 2022 et seulement 1 pour cent de moins qu’en 2019.
Les recettes ont augmenté de 47,2 pour cent, s’élevant à 5,2 milliards DT (3,2 pour cent du PIB contre 2,4 pour cent en 2022, ce qui
représente environ le même taux que celui d’avant covid (3,3 en 2019). Les arrivées des principales nationalités ont augmenté même par
rapport à 2019, y compris les pays voisins et européens. Les arrivées des touristes algériens (46,6 pour cent du total des arrivées) ont
enregistré une augmentation de 4,5 pour cent et celles des touristes libyens (31,1 pour cent du total des arrivées) une augmentation de
20,8 pour cent par rapport à 2019. De même, le nombre de visiteurs français (14,1 pour cent du total des arrivées) a augmenté de 11,7
pour cent et celui des Allemands (4,4 pour cent du total des arrivées) de 3 pour cent par rapport à la période pré-Covid. En revanche, les
arrivées russes (représentant 6,7 pour cent du total des arrivées en 2019) se sont effondrées depuis la guerre en Ukraine.
a Alnabulsi et coll. (2023). Non-Performing Loans and Net Interest Margin in the MENA Region: Linear and Non-Linear Analyses, International Journal of
Financial Studies, 11(2).
b Office National du Tourisme Tunisien, Rapport annuel 2021.
c Galtier, M. (2019), « Tunisie — Tourisme : les enjeux derrière la bataille des chiffres », Jeune Afrique,http://www.jeuneafrique.com/790526/economie
/tunisie-tourisme-les-enjeux-derriere-la-bataille-des-chiffre
d OCDE (2023). Examens d’évaluation de la concurrence : Tunisie 2023.
démie. Les conditions difficiles du marché du travail
renforcent les incitations à émigrer hors de Tunisie
pour les travailleurs tunisiens et étrangers, y compris
par les voies irrégulières (voir partie B).
2. Des prix mondiaux plus modérés
et la performance positive des
exportations ont réduit le déficit
du compte courant au premier
semestre 2023
Le déficit commercial de la Tunisie s’est amélioré
en 2023, stimulé par l’évolution favorable des
prix internationaux
. Après le choc défavorable des
termes de l’échange provoqué par la guerre contre
l’Ukraine en 2022, des prix mondiaux plus modé-
rés ont contribué à réduire le déficit commercial à
12,2 milliards de dinars au cours des huit premiers
mois de 2023 (7,5 pour cent du PIB de 2023), contre
16,9 milliards de dinars (11,8 pour cent du PIB) au
cours de la même période en 2022 (figure 7). Cette
réduction est due à la diminution du déficit commer-
cial des industries mécaniques et à l’excédent crois-
sant du textile et de l’habillement, qui ont tous les
deux profité d’augmentations significatives des prix.
Par exemple, la valeur unitaire des équipements élec-
triques exportés, qui représentaient la moitié de la
croissance des exportations de marchandises, a aug-
menté — en glissement annuel de 5,5 pour cent et
DéVELOPPEMENTS éCONOMIquES RéCENTS
5
Page 30
FIGuRE 7 • Les industries mécaniques ont
contribué à modérer le déficit
commercial en 2023
(balance commerciale par secteur
janvier–août 2023, millions TND)
2 000
–3 000
–8 000
–13 000
–18 000
2021
2022
2023
Textiles et vêtements
Industries mécaniques
Exploitation minière
Autre fabricant.
Agricole
Énergie
Balance commerciale
FIGuRE 8 • Les principales exportations
tunisiennes ont bénéficié de la
hausse des prix en 2023
(2022–23 pour cent de variation
de la valeur unitaire et de la part
dans les exportations totales de
marchandises, janvier-août)
50%
40%
30%
20%
10%
0%
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Changement de valeur unitaire
Contribution à l'exportation
Source : Élaboration des services de la Banque mondiale à partir des données INS.
Source : Élaboration des services de la Banque mondiale à partir des données INS.
celle des vêtements tricotés (représentant 9 pour cent
de la croissance des exportations) de 20,3 pour cent
(figure 8). La hausse des prix a été encore plus impor-
tante pour les huiles et graisses (+52,5 pour cent),
qui ont bénéficié du resserrement de l’offre mondiale
d’huile d’olive. Malgré une réduction des quantités
de 8 pour cent, les exportations tunisiennes d’huiles
et de graisses ont augmenté de 41 pour cent, contri-
buant à une réduction significative du déficit commer-
cial agricole et agro-industriel.
Le déficit énergétique s’est creusé malgré
des prix plus favorables, continuant de représen-
ter l’essentiel du déficit commercial. En tant que
grand importateur d’énergie, la Tunisie a bénéficié
d’une réduction des prix mondiaux de l’énergie début
2023, à mesure que l’impact mondial de l’invasion
russe de l’Ukraine s’est dissipé. Le prix moyen des
hydrocarbures importées par la Tunisie a diminué de
18,8 pour cent au cours des huit premiers mois de
2023 par rapport à la même période en 2022.Même
si, les quantités importées ont augmenté de 19,3 pour
cent à mesure que la production tunisienne de pétrole
et de gaz a diminué,
2 les importations d’énergie n’ont
diminué que de 3,1 pour cent en valeur. En revanche,
les exportations d’énergie ont diminué de plus d’un
quart, tout comme la production. En conséquence, la
balance commerciale énergétique s’est encore dété-
riorée, représentant 53,4 pour cent du déficit du com-
mercial au cours des huit premiers mois de 2023. Le
poids du déficit énergétique dans le déficit commer-
cial a progressivement augmenté au fil du temps, pour
plus que doubler depuis 2017 (figure 9). Ce qui reflète
le retard du pays à développer des sources d’éner-
gie alternatives, en particulier les énergies renouve-
lables (voir l’édition du printemps 2023 du Bulletin
de Conjoncture Economique pour la Tunisie pour les
causes de cet échec).
La réduction du déficit commercial ainsi
que le rebond des exportations touristiques ont
permis de réduire le déficit du compte courant
au premier semestre.
La réduction significative du
déficit commercial s’est accompagnée par la reprise
du tourisme, qui a bénéficié d’une saison estivale
robuste. Les recettes ont augmenté de 47 pour cent
en glissement annuel à fin août 2023, pour atteindre
2 Au cours des six premiers mois, la production de pétrole a
diminué de 8 pour cent tandis que celle de gaz naturel de
11 pour cent (source : Ministère de l’Industrie, des Mines
et de l’Énergie (2023) Conjoncture Energétique, juin).
6
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
























Page 31
FIGuRE 9 • L’énergie représente une part de plus
en plus prépondérante du déficit
commercial
(balance énergétique en proportion
du déficit commercial total,
moyenne mobile semestrielle)
FIGuRE 10 • Le déficit commercial ainsi que les
recettes du tourisme ont contribué
à réduire le déficit du compte
courant
(données trimestrielles, millions de
dinars courants)
60
50
40
30
20
10
4 000
3 000
2 000
1 000
0
–1 000
–2 000
–3 000
–4 000
–5 000
–6 000
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2
1
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Jan
2017
Jan
2018
Jan
2019
Jan
2020
Jan
2021
Jan
2022
Jan
2023
Services
Marchandises
Revenu des facteurs de production
Transferts
Compte courant
Source : Banque Centrale de Tunisie.
Source : Banque Centrale de Tunisie.
5,2 milliards de dinars (3,4 pour cent du PIB contre
2,4 pour cent du PIB en 2022). Les recettes touris-
tiques ont dépassé les envois de fonds des émigrés
(5,1 milliards de dinars) qui ont enregistré une hausse
plus modeste (+5,1 pour cent) mais qui restent une
source essentielle de devises pour la Tunisie (voir
partie B). En conséquence, le déficit du compte cou-
rant est passé de 7,0 milliards de dinars au premier
semestre 2022 (4,1 pour cent du PIB) à 2,7 milliards
de dinars (1,5 pour cent du PIB) sur la même période
en 2023 (figure 10).
3. Malgré la baisse du déficit
courant, la mobilisation d’un
financement extérieur suffisant
demeure difficile
La baisse du déficit courant atténue la pression
sur les besoins de financements extérieurs, qui
restent toutefois importants, compte tenu du
calendrier de remboursement de la dette sur l’an-
née à venir.
Le déficit courant plus faible que prévu
devrait alléger quelque peu les besoins de finance-
ment extérieur de la Tunisie, que la loi de finances
estime à 14,9 milliards de dinars pour 2023 (9,2 pour
cent du PIB). Toutefois, les besoins demeurent impor-
tants, compte tenu de l’importance du service de la
dette extérieure, avec 6,8 milliards de dinars de rem-
boursement du principal en 2023, dont plus de
70 pour cent sont dus durant les deux derniers tri-
mestres de l’année.
3
En l’absence de sources privées de capi-
taux, la Tunisie continue de dépendre des prêts
souverains pour financer ses besoins extérieurs
dans un contexte de conditions de financement
incertaines
. Pour couvrir ses besoins de finance-
ment extérieur, la Tunisie ne peut plus compter sur
les financements privés internationaux : le pays a
perdu l’accès aux marchés financiers internatio
-
naux et les spreads obligataires restent élevés.4 En
même temps, les investissements directs étrangers
et les investissements de portefeuille continuent de
couvrir seulement une petite partie des besoins de
3 Les chiffres sont basés sur la loi de finances 2023.
4 Depuis 2020, la notation de crédit souverain de la
Tunisie est largement évaluée comme non-investment
grade (notamment par Moody’s, Fitch Ratings et Rating
and Investment Information) et le gouvernement tunisien
n’a pas été en mesure d’émettre des obligations libellées
en devises.
DéVELOPPEMENTS éCONOMIquES RéCENTS
7
Page 32
FIGuRE 11 • Vu la faiblesse des flux d’IDE et des
investissements de portefeuille, la
Tunisie s’appuie sur les emprunts
souverains pour couvrir ses besoins
extérieurs
(données par semestre, millions de
DT courants)
14 000
12 000
10 000
8 000
6 000
4 000
2 000
0
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2
2
S
-
3
2
0
2
1
S
-
FIGuRE 12 • Malgré les pressions sur les besoins
de financement extérieur, le dinar
est resté relativement stable
(TND par 1 EUR et par 1 USD)
3,5
3,4
3,3
3,2
3,1
3,0
2,9
2,8
2,7
2,6
2
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IDE+portefeuille
Emprunt
Besoins de financement externe
USD/TND
EUR/TND
Source : Estimation des services de la Banque mondiale sur la base des données de la
Banque centrale de Tunisie.
Source : Estimation des services de la Banque mondiale sur la base des données de la
Banque centrale de Tunisie.
financement extérieur (figure 11). De ce fait, la Tunisie
dépend principalement des financements souverains
(concessionnels ou non) pour financer ses besoins
extérieurs. Ce dernier financement en diminution au
cours des deux dernières années, a fait que la Tuni-
sie a du mal à couvrir ses besoins de financement.
Le
remboursement à venir de la dette extérieure néces-
siterait des efforts supplémentaires de la part de la
Tunisie pour lever des financements souverains sup-
plémentaires. Au premier semestre, les emprunts
publics extérieurs couvraient 18 pour cent du finan-
cement extérieur estimé par le gouvernement pour
2023.
Les réserves de change et le dinar sont
restés stables malgré les conditions de finan-
cement extérieur incertaines.
La diminution du
déficit courant ainsi que les récents financements
extérieurs supplémentaires, notamment de la part de
l’Arabie Saoudite, ont contribué à atténuer la pres-
sion sur les réserves de change. Ce qui fournit un
certain matelas de réserve de change, du côté du
secteur externe. En effet, au 30 septembre 2023,
les réserves couvraient 118 jours d’importations
(26,7 milliards de dinars), soit 6 jours de plus que
la couverture du même jour en 2022 (23,7 milliards
de dinars) et 18 jours de plus qu’au début de l’an-
née (22,9 milliards de dinars). Dans le même ordre
d’idées, le dinar est également resté relativement
stable tout au long de l’année 2023 par rapport aux
principales devises (figure 12).
4. Les pénuries de produits de
base se sont poursuivies, en
partie générées par le système
de subventions et la baisse de
la production agricole, allant de
pair avec l’endettement croissant
des entreprises publiques
commercialisant les produits
importés et subventionnés
Alors que les conditions de financement extérieur
restent serrées, les importations continuent d’être
comprimées, en particulier pour les produits
importés par des entreprises publiques (EP) de
plus en plus endettées. Alors que la Tunisie continue
de faire face à des difficultés pour obtenir le finance-
ment extérieur nécessaire, la compression des impor-
tations reste une stratégie importante pour atteindre
8
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE

















Page 33
FIGuRE 13 • Les crédits BNA à l’Office des
Céréales ont presque quadruplé
depuis 2019
(millions de dinars et part de l’OdC
dans le crédit total accordé par la
BNA, fin juin de chaque année)
FIGuRE 14 • Les importations de blé dur sont
restées stables malgré une baisse
significative de la production
nationale
(en milliers de tonnes vendues
par l’OdC en Tunisie par source,
janvier-juin)
7 000
6 000
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
2019
2020
2021
2022
2023
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
700
600
500
400
300
200
100
0
2021
2022
Blé tendre
2023
2021
2022
Blé dur
2023
Importer
Production locale
Action
Vente
Office des céréales
Entreprises publiques
pourcentage %
Source: Banque Nationale Agricole.
Source: Office des céréales, cité dans Observatoire Raqabah (2023) “Crise du pain et
de la semoule ... Crise réelle ou complot ?”.
l’équilibre extérieur.5 C’est particulièrement le cas des
entreprises publiques très endettées, qui détiennent
le monopole de l’importation et de la distribution de
produits spécifiques. L’Office des Céréales (OdC), qui
détient le monopole de l’importation et de la distribu-
tion du blé, en est un bon exemple. Sa dette envers
la Banque Nationale Agricole (BNA), principal créan-
cier de l’OdC, a presque quadruplé depuis 2019, pour
atteindre 5 milliards de dinars en juin 2023, soit 30
pour cent de l’encours des crédits de la BNA (figure
13). Cette surexposition limite l’accès d’OdC à des cré-
dits supplémentaires, et donc sa capacité à importer
la quantité de blé nécessaire en temps opportun.
Cette compression des importations s’est
traduite par des pénuries de certains produits de
base, exacerbées par la baisse de la production
agricole nationale
. Les contraintes croissantes aux
importations auxquelles sont confrontées les entre-
prises publiques ont affecté plusieurs produits de base,
dont le café, le thé, les huiles végétales, le blé (tendre
et dur), les médicaments, provoquant des pénuries
répétées sur les marchés clés depuis 2022.
6 Pour les
céréales, vu que la sécheresse a décimé la récolte de
blé dur de la Tunisie début 2023, l’OdC n’a pas été en
mesure d’augmenter ses importations pour compen-
ser le déficit (figure 14). En l’absence de stocks de blé
suffisants, la quantité de blé dur fournie au marché a
chuté de 18 pour cent au premier semestre 2023 par
rapport à 2022. Ce qui a contribué aux pénuries de
produits à base de blé dur, notamment la semoule.
Compte tenu de la substituabilité entre blé dur et blé
tendre, le déficit semble avoir également touché les
produits habituellement fabriqués à base de blé tendre,
notamment la farine et ses dérivés, dont le pain.
Le système de contrôle des prix qui régule
les marchés de ces produits de base est la
principale cause de l’endettement croissant des
entreprises publiques et par conséquent des pénu-
ries actuelles. De nombreux produits de base, peu
5 Voir le numéro du printemps 2023 du Bulletin de
Conjoncture économique de la Tunisie.
6 Différentes entreprises publiques qui
fonctionnent
comme des offices de commerce détiennent
le
monopole d’importation de ces produits. Le blé est
importé par l’OdC ; café et thé par l’Office du Commerce
(OCT) ; huile végétale par l’Office Nationale de l’Huile
(ONH) ; médicaments par la Pharmacie Centrale. Toutes
ces entreprises publiques ont accumulé des dettes
croissantes au cours des dernières années, largement
financées par les banques nationales.
DéVELOPPEMENTS éCONOMIquES RéCENTS
9
Page 34
ENCADRé 3 : L’ACTIVITé DéFICITAIRE DE LA VENTE DE BAGuETTES EN TuNISIE
Le cas de la baguette illustre à quel point le système de contrôle
des prix est responsable de l’endettement croissant des entreprises
publiques. La baguette est l’un des principaux aliments de base
de l’alimentation des ménages tunisiens. Environ 2,7 milliards
de baguettes sont produites chaque année (environ 1 baguette
par adulte et par jour), avec des estimations suggérant qu’environ
15 à 20 pour cent d’entre elles sont soit gaspillées, soit utilisées à
d’autres fins que la consommation humaine en Tunisie (par exemple,
alimentation animale, exportations illégales).
a
FIGuRE 15 • Sans tenir compte des coûts de
transformation, le prix d’achat
du blé est supérieure au prix à
la consommation de la baguette
depuis 2022
(prix et coûts en dinars de blé
pour 1000 baguettes)
1 400
600
800
1 000
1 200
Le prix de la baguette est maintenu fixe par décret depuis 2011 à 0,19
dinars. Ainsi, le prix de 17 baguettes est d’environ 1 dollar au taux de
change actuel, l’un des prix les plus bas au monde selon le programme
de comparaison internationale de la Banque mondiale. Si le prix est
resté fixe, les coûts de production ne l’ont pas été. En particulier, le
prix international du blé tendre, principal ingrédient de la baguette, a
considérablement évolué au cours de la dernière décennie (figure 15).
La Tunisie produisant très peu de blé tendre, le prix à l’importation
du blé est une indication précise du coût de l’ingrédient. L’OdC a
le monopole de l’importation du blé dans le pays et distribue aux
meuniers le blé tendre importé à un prix inférieur au coût d’importation
(voir le Bulletin de Conjoncture Economique, numéro de l’été 2022).
Comme le prix en dinars a considérablement augmenté au fil du temps,
le seul coût d’achat du blé nécessaire à la production d’une baguette
était plus élevé que le prix de la baguette. Ces coûts n›incluent pas les
autres coûts de transformation et de distribution, ils donnent donc une
idée de la mesure dans laquelle le contrôle des prix génère des pertes
de ventes. En principe, ces pertes sont entièrement absorbées par
l’État via les subventions et les transferts budgétaires aux entreprises
publiques. Cependant, comme le budget a été particulièrement serré
ces dernières années, une partie des pertes est de plus en plus absorbée par les entreprises publiques.
2
1
0
2
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0
2
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2
0
2
Prix à la
consommation
Prix d'achat
(dinars)
Source : Estimation des services de la Banque mondiale sur la base des données
de l’Office de Céréales
a Une étude de l’Institut National de la Consommation de Tunisie publiée en 2019 estime que le pain présente le taux de gaspillage le plus élevé (16 pour
cent du pain total acheté) parmi les produits de consommation en Tunisie.
disponibles sur le marché, sont soumis à un contrôle
strict des prix par la loi.
7 Ces contrôles maintiennent les
prix stables pour les consommateurs, souvent durant
des années, indépendamment de l’évolution des coûts
sous-jacents de production et/ou de distribution de ces
produits (voir l’encadré 3 pour une illustration utilisant
le cas de la baguette). Les pertes qui en résultent sont
généralement absorbées par les entreprises publiques
en charge de l’importation et de la commercialisation
de ces produits. Le gouvernement étant de moins en
moins en mesure de couvrir ces pertes, ces dernières
se traduisent par un endettement accru des entreprises
publiques. Dans les conditions actuelles, il sera diffi-
cile d’assurer durablement un approvisionnement suf-
fisant en produits de base sans réformer le système de
contrôle des prix et les monopoles d’importation/distri-
bution associés pour ces produits.
5. L’inflation a quelque peu ralenti
par rapport aux niveaux records
enregistrés au début de 2023,
mais elle demeure élevée
L’inflation a commencé à décroitre depuis les
sommets atteints en février 2023 grâce à la
7 Voir le numéro d’été 2022 du Bulletin de Conjoncture
économique tunisien pour une analyse plus détaillée de
la question.
10
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
Page 35
baisse des prix mondiaux et à la faiblesse de la
demande intérieure.
Après dix-huit mois consécutifs
de hausse, l’inflation calculée sur la base de l’évolu-
tion des prix a la consommation en glissement annuel
a légèrement diminué, passant des niveaux records
de février 2023 (10,4 pour cent) à 9 pour cent en sep-
tembre 2023 (figure 16). Cette légère diminution de
l’inflation est la conséquence de la réduction de l’in-
flation sous-jacente (de 8,1 pour cent en janvier 2023
à 7,4 pour cent en septembre), due en partie à la fai-
blesse de la demande intérieure compte tenu du ralen-
tissement de la croissance économique.
8 La baisse
des prix internationaux a accentué cet effet, contri-
buant ainsi à réduire la pression sur les prix intérieurs.
Entrainés par la baisse des prix internationaux de
l’énergie, des céréales et du fer et de l’acier, les prix
des importations tunisiennes de marchandises ont
baissé en moyenne de 1,1 pour cent au cours des sept
premiers mois.
9 Ce qui a permis à la Tunisie de geler
les prix des produits énergétiques, l’augmentation des
prix de l’électricité et du gaz étant passée de 14,9 pour
cent en février 2023 à 1,2 pour cent en septembre.
Toutefois, l’inflation reste élevée, en parti-
culier dans le secteur alimentaire, car la séche-
resse et la compression des importations ont
réduit l’offre sur les marchés alimentaires inté-
rieurs.
Malgré cette baisse, l’inflation reste bien
supérieure à la moyenne 2021–2022 (7 pour cent)
et l’inflation alimentaire est particulièrement élevée
(13,9 pour cent). Alors que le taux de croissance des
prix des produits alimentaires a été historiquement
supérieur à l’inflation moyenne, l’écart s’est encore
creusé cette année à mesure que la sécheresse et la
compression des importations ont réduit l’offre inté-
rieure de produits agricoles. Cela représente un défi
important, en particulier pour les ménages à faible
revenu, pour lesquels l’alimentation représente une
part relativement plus importante de leurs dépenses.
Dans la mesure où l’inflation réduit les revenus réels,
les résultats d’enquêtes suggèrent que cela pourrait
renforcer les intentions des Tunisiens de migrer en uti-
lisant des voies irrégulières et plus risquées (voir par-
tie B de cette publication). En fait, la Tunisie est le seul
pays de la région où l’inflation — notamment alimen-
taire — était plus élevée en août 2023 qu’une année
auparavant. (figure 17).
Les récentes mesures gouvernementales
visant à contenir les prix des produits alimen-
taires se sont concentrées sur la répression des
comportements de stockage illicite et sur le ren-
forcement du contrôle des prix, mais l’inflation
alimentaire reste élevée.
Le gouvernement a pris
plusieurs mesures depuis 2022 pour réduire l’in-
flation alimentaire, notamment par une nouvelle loi
sanctionnant la spéculation sur ces produits et par de
nouvelles réglementations contrôlant les prix des den-
rées alimentaires et les circuits de distribution. Toute-
fois, ces mesures ne semblent pas avoir produit l’effet
escompté, car d’autres facteurs, notamment le défi-
cit de l’offre et des importations lié à la sécheresse
et le monopole des entreprises publiques très endet-
tées, semblent être des facteurs générateurs d’infla-
tion plus importants.
L’inflation demeure bien supérieure au taux
d’intérêt nominal, même si ce dernier a été main-
tenu constant en 2023.
La baisse de l’inflation a
atténué la pression sur la Banque centrale (BCT), qui
a maintenu son taux directeur inchangé à 8 pour cent
depuis le début de 2023. En conséquence, les taux
d’intérêt réels demeurent négatifs. On ne sait toujours
pas dans quelle mesure le taux directeur pourrait
affecter cet épisode d’inflation en Tunisie. Le déclin
de la croissance totale du crédit et de la masse moné-
taire en 2020–22 ainsi que la hausse du taux directeur
ont coïncidé avec la flambée de l’inflation (graphique
18), ce qui n’est pas cohérent avec la nature moné-
taire de l’inflation. L’hypothèse la plus plausible est
plutôt que l’augmentation de l’inflation a été motivée
par la hausse des prix internationaux suite au gou-
lot d’étranglement de l’approvisionnement post-Co-
vid ainsi qu’une certaine dépréciation du dinar (voir
le numéro de l’été 2022 du Bulletin de Conjoncture
économique pour la Tunisie). Le défi pour les autori-
tés reste d’éviter les pressions inflationnistes alimen-
9
8 L’inflation sous-jacente est calculée en excluant les
produits énergétiques et alimentaires de l’Ince des Prix
à la Consommation.
Il s’agit d’une moyenne obtenue en pondérant chaque
variation de prix au niveau sectoriel à 2 chiffres par la
part correspondante dans les importations totales de
marchandises tunisiennes au cours des 7 premiers mois.
DéVELOPPEMENTS éCONOMIquES RéCENTS
11
Page 36
FIGuRE 16 • L’inflation a commencé à baisser en
2023 mais reste élevée
(pourcentage d’accroissement en
glissement annuel)
FIGuRE 17 • Contrairement à d’autres pays,
l’inflation des produits alimentaires a
augmenté durant la dernière année
(points d’accroissement en glissement
annuel, août 2022-août 2023)
15%
10%
5%
0%
8
1
8
1
8
1
8
1
9
1
9
1
9
1
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l
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J
Inflation alimentaire
Inflation
Inflation sous-jacente
4
2
0
–2
–4
–6
–8
–10
a
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J
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a
b
a
r
A
i
d
u
a
S
Inflation globale
Inflation alimentaire
Source : Banque Centrale de Tunisie.
Source : Banques centrales, estimations de la Banque Mondiale.
tées par une spirale prix-salaires. L’efficacité de cette
politique dépendra des mesures d’accompagnement
visant à poursuivre la stabilisation macroéconomique
et à adopter les réformes structurelles nécessaires
pour reprendre une trajectoire de croissance durable.
Maintenir une banque centrale forte et indépendante
sera un pilier important dans la quête de la stabilité
des prix.
6. Le budget reste sous pression car
la modeste croissance affecte
négativement les recettes fiscales
La hausse des recettes fiscales au premier
semestre 2023 a été plus modeste que prévu,
freinée par le ralentissement de la croissance
.
Le rapport sur l’exécution du budget montre que les
recettes fiscales ont augmenté de 8,3 pour cent au
cours des six premiers mois de 2023 par rapport à la
même période en 2022. Ce chiffre est nettement infé-
rieur aux prévisions de la loi de finances pour 2023
(15,3 pour cent), au taux de croissance pour 2022
(16,6 pour cent) et le taux d’inflation, de sorte que
la collecte des recettes fiscales s’est effectivement
FIGuRE 18 • La hausse des prix à la
consommation au cours de la
période 2021–2023 n’est corrélée
ni à la croissance monétaire ni à la
croissance du crédit
(pourcentage d’augmentation en
Glissement annuel)
0,16
0,14
0,12
0,10
0,08
0,06
0,04
0,02
0,00
5
1
0
2
n
a
J
-
5
1
0
2
v
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N
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6
1
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7
1
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2
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2
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9
1
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2
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2
0
2
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1
2
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2
2
0
2
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J
3
2
0
2
y
a
M
-
Croissance totale
du crédit
Croissance
de l'IPC
Croissance
du M3
Source : Banque Centrale de Tunisie.
contractée (graphique 19). Les performances rela-
tivement modestes des impôts indirects, en particu-
lier de la TVA (croissance de 2,1 pour cent) et des
droits de douane (–1,1 pour cent), ont pesé sur les
12
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
























Page 37
FIGuRE 19 • Les recettes fiscales ont sous-
FIGuRE 20 • L’histoire de deux dépenses :
performé au premier semestre 2023
(pourcentage de croissance en
glissement annuel)
subventions versus dépenses en
capital
(pourcentage du PIB)
23
18
13
8
3
–2
Total
Direct
T.V.A.
Douane
Accises
10%
8%
6%
4%
2%
0%
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2022
Budget 2023
2023 (S1)
Subventions
Dépenses en capital public
Source : Élaboration des services de la Banque mondiale à partir des données du
ministère tunisien des Finances.
Source : Élaboration des services de la Banque mondiale à partir des données du
ministère tunisien des Finances.
recettes fiscales globales. Ce qui est cohérent avec
l’effet du ralentissement de la croissance, avec une
baisse de la demande de consommation et d’inves-
tissements, y compris les importations. En revanche,
les impôts directs ont fait preuve d’une plus grande
résilience (+12 pour cent), car leur composante la
plus importante — les impôts sur le revenu du travail
— est moins sensible aux variations à court terme de
la croissance.
La compression de la croissance de la
masse salariale publique a permis d’équilibrer
la trésorerie budgétaire au premier semestre mal-
gré une performance fiscale modeste.
La masse
salariale publique n’a augmenté que de 2,8 pour cent
au cours des six premiers mois de 2023 par rapport
à la même période en 2022. Bien que la Tunisie ait
toujours eu l’une des masses salariales publiques les
plus élevées au monde par rapport à la taille de son
économie, cette dernière a diminué de 15,1 pour cent
du PIB au premier semestre 2022 à 13,7 pour cent en
2023 et de 55 à 53 pour cent des dépenses publiques
totales. La relative compression de la masse salariale
fait suite à l’accord entre le gouvernement et le syn-
dicat (UGTT) en octobre 2022 et au maintien du gel
des recrutements dans le secteur public. Cela a per-
mis de contenir la croissance globale des dépenses à
6,9 pour cent malgré l’expansion significative des sub-
ventions et des transferts (+25,6 pour cent, passant de
4,3 pour cent à 4,8 pour cent du PIB). Les dépenses
en capital ont continué de croître en dessous du taux
des dépenses globales (+5,9 pour cent) et leur part
dans le PIB a encore diminué pour atteindre 2,3 pour
cent (contre 2,5 pour cent au premier semestre 2022).
La croissance modérée des dépenses a permis de
maintenir le budget équilibré au premier semestre
2023, en ligne avec le résultat de 2022.
Inverser la baisse des dépenses publiques
d’investissement en réorientant les dépenses
récurrentes moins productives reste essentiel
pour relancer la croissance économique
. Face
au ralentissement de la croissance économique et
de la création d’emplois, les gouvernements succes-
sifs au cours de la dernière décennie ont augmenté
les dépenses publiques récurrentes pour créer des
emplois publics et maintenir les prix du marché des
biens et services de base en dessous du recouvre-
ment des coûts. Les dépenses en subventions (pour
l’énergie et les produits alimentaires) ont quadruplé,
passant de 2 pour cent à 8 pour cent du PIB entre
2016 et 2022 (figure 20). Ces mesures ont évincé les
investissements publics, qui ont diminué de 6 pour
cent à 3 pour cent du PIB sur la même période. Inver-
ser cette baisse des dépenses en capital est crucial
pour relancer la trajectoire de croissance de la Tunisie.
DéVELOPPEMENTS éCONOMIquES RéCENTS
13
Page 38
7. La dette publique élevée
continue de mettre la pression
sur le système bancaire national
Les déficits budgétaires persistants des der-
nières années ont maintenu la dette publique
à un niveau parmi les plus élevés depuis des
décennies, augmentant également le service
de la dette
. La dette publique est passée de 66,9 à
79,4 pour cent du PIB entre 2017 et 2022, reflétant
la hausse des dépenses publiques et la décélération
de l’économie pendant la crise du Covid-19. La majo-
rité de la dette (58 pour cent) est libellée en devises,
bien que la Tunisie ait de plus en plus recours aux
marchés locaux pour financer sa dette, puisque
l’accès aux marchés internationaux est devenu res-
treint.
10 Les statistiques de la dette couvrent unique-
ment la dette du gouvernement central, mais pas
celle des entreprises publiques, dont une grande
partie est garantie par l’État. Au premier semestre
2023, la dette a augmenté modérément par rapport
à fin 2022 (4,3 pour cent), bénéficiant de l’équilibre
budgétaire, enregistré pendant cette période. Cepen-
dant, dans la mesure où la trésorerie peut cacher
une accumulation d’arriérés (par exemple envers les
entreprises publiques), la situation de la dette pour-
rait en fait être plus lourde que ce que suggèrent les
chiffres. La croissance de la dette publique s’est tra-
duite par une augmentation des paiements d’inté-
rêts, augmentant ainsi les besoins de financement
de la Tunisie. Les paiements des intérêts ont plus
que doublé, passant de 2,3 à 4,7 milliards de dinars
entre 2017 et 2022, et ont encore augmenté de 10
pour cent au premier semestre 2023 par rapport à
la même période en 2022 (bien qu’ils soient restés
stables à environ 3 pour cent du PIB et 8 pour cent
pour cent des exportations).
Compte tenu de l’accès limité au finance-
ment international, la Banque Centrale (BCT)
continue de refinancer le secteur bancaire natio-
nal pour l’achat de bons du Trésor.
Certains par-
tenaires financiers, dont Afreximbank et l’Arabie
Saoudite, ont promis et — dans certains cas —
déboursé de nouveaux fonds au cours du premier
semestre 2023, bien qu’à des taux d’intérêt relative-
ment élevés (autour de 10 pour cent). Toutefois, l’ac-
cès de la Tunisie aux financements étrangers est
resté limité, comme indiqué ci-dessus. Le gouver-
nement a donc continué à recourir au financement
intérieur par l’intermédiaire des banques locales. En
conséquence, la composante intérieure de la dette
publique a représenté 78 pour cent de l’augmentation
de la dette entre 2018 et le premier semestre 2023. Le
financement intérieur a entraîné une augmentation du
taux de refinancement de la Banque centrale auprès
des banques locales.
11
Le recours soutenu au marché local pour
financer la dette publique continue de créer un
effet d’éviction du crédit à l’économie.
En effet,
l’injection de liquidités par le biais d’opérations de
refinancement oriente les liquidités bancaires vers
les prêts publics, ce qui risque de créer un effet
d’éviction du crédit vers le reste de l’économie. L’ex-
position du secteur bancaire par rapport au finan-
cement du budget de l’État continue de croître à un
taux annuel de plus de 12 pour cent, tandis que la
part des prêts à l’économie diminue avec un taux
de croissance de 8 pour cent. En conséquence, la
part de l’administration centrale dans les créances
totales du secteur bancaire est passée d’une
moyenne de 14,4 pour cent à 31,1 pour cent entre
2015 et le premier semestre 2023 (graphique 20).
Dans un contexte de croissance limitée du crédit,
cette tendance a orienté le crédit vers le reste de
l’économie. Et cette tendance ne tient pas compte
de l’éviction du crédit croissant accordé aux entre-
prises publiques par rapport au crédit privé, comme
l’illustre le cas de l’Office des céréales avec la BNA
(voir encadré 4).
10 La part intérieure de la dette est passée de 27 à 42 pour
cent entre 2018 et 2022.
11 Le refinancement consiste en un prêt de la banque
centrale aux banques ayant des besoins de liquidité,
généralement à court terme. Elles sont réalisées à
l’initiative des banques centrales (par le biais d’appels
d’offres) ou des banques (facilités de prêt). Si le
refinancement est associé à la création monétaire,
la relation n’est pas directe puisqu’elle dépend des
modalités de remboursement et des échéances du
prêt.
14
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
Page 39
FIGuRE 21 • La part des créances nettes de
l’état dans le total des crédits
continue d’augmenter à mesure que
la croissance du crédit faiblit
(pourcentage d’accroissement
annuel)
34
32
30
28
26
24
22
20
12/31/2020
9/30/2021
30/06/2022
3/31/2023
Part des crédits au gouvernement (gauche)
Croissance totale des crédits, a-a (droite)
16
14
12
10
8
6
4
2
0
Source: Central Bank of Tunisia.
8. Les perspectives de croissance
se détériorent alors que les
conditions de financement
extérieur restent difficiles
La Banque mondiale prévoit une croissance du
PIB de 1,2 pour cent en 2023 — un ralentisse-
ment significatif par rapport à 2021–22 — avec
une légère hausse à 3,0 pour cent en 2024, sous
réserve d’une atténuation de la sécheresse. Les
prévisions reflètent les performances de l’économie
au premier semestre 2023 ainsi que les conditions
difficiles liées à la sécheresse, en particulier pour
l’agriculture, le manque de visibilité sur le finance-
ment de la dette et le rythme des réformes structu-
relles planifiées par le gouvernement. Avec ce taux
de croissance, le PIB réel en 2023 serait encore infé-
rieur de 1,3 pour cent à son niveau d’avant Covid
19. Sous l’hypothèse de conditions de financement
plus stables et d’une atténuation de la sécheresse,
la croissance devrait éventuellement gagner du ter-
rain, pour atteindre 3,0 pour cent en 2024 et 2025.
Ce léger rebond permettrait à l’économie d’atteindre
une croissance annuelle de 2,4 pour cent au cours
de la période post-Covid. Il s’agit apparemment du
taux de croissance à moyen terme modeste d’une
économie freinée par des faiblesses structurelles
préexistantes et par l’incertitude entourant les condi-
tions de financement.
Les prévisions de croissance pour 2024
sont soumises à d’importants risques à la baisse
liés à l’évolution de la sécheresse, au rythme des
réformes structurelles prévues par le gouverne-
ment ainsi que les conditions de financement.
Les
projections de croissance pour 2024 seraient nette-
ment inférieures si la Tunisie ne mettait pas en œuvre
les réformes budgétaires décisives et favorables à la
concurrence et/ou si le financement disponible n’était
ENCADRé 4 : L’EXPOSITION CROISSANTE DE LA BNA À L’OFFICE DES CéRéALES POuRRAIT NuIRE À
L’ACTIVITé DE LA BANquE
La dette de l’Office des Céréales (OdC) vis-à-vis de la Banque Nationale Agricole (BNA) a atteint un niveau record de 5,0 milliards
de DT (3,8 pour cent du PIB) au 30 juin 2023, soit environ 30 pour cent du total des engagements du bilan de la BNA. Les
engagements ont augmenté de 3,9 pour cent par rapport à fin 2022 et de 12,3 pour cent par rapport à une année auparavant.
Par ailleurs, l’État garantit l’intégralité des engagements d’OdC contre le risque de contrepartie (comprenant le principal, les intérêts
et commissions).Au même moment, le gouvernement est confronté à des difficultés croissantes pour garantir à l’OdC le financement
nécessaire pour compenser les pertes qu’il subit du fait des subventions céréalières.
Le financement de l’OdC a eu un impact significatif sur la position de trésorerie de la BNA, avec un solde négatif de 5,1 milliards
de dinars à fin juin 2023, contre 4,5 milliards de dinars à fin décembre 2022. Parallèlement à l’exposition croissante aux prêts aux
entreprises publiques, cela a probablement contribué à réduire d’autres prêts de la BNA à d’autres parties. Alors que le crédit de
la BNA à l’OdC a presque quadruplé entre 2019 et juin 2023, le crédit aux clients privés n’a augmenté que de 12 pour cent sur la
même période (voir le graphique 13 ci-dessus).
Source : États financiers intermédiaires de la BNA, août 2023 et états financiers de la BNA 2022 et 2021.
DéVELOPPEMENTS éCONOMIquES RéCENTS
15
Page 40
pas suffisant pour couvrir les besoins extérieurs. Ces
conditions pourraient générer une baisse du niveau de
devises dans l’économie, un rationnement des impor-
tations, et potentiellement conduire à une dépréciation
du dinar, aggravant ainsi les pressions inflationnistes
existantes alors que des remboursements importants
d’endettement externe arrivent à échéance entre fin
2023 et début 2024. En conséquence, l’activité écono-
mique et l’emploi pourraient être affectés. En outre, si
la sécheresse persistaient au-delà de cette année, les
projections pour 2024 pourraient également être révi-
sées à la baisse compte tenu de l’impact négatif sur
l’agriculture et la balance commerciale.
Les déficits jumeaux de la Tunisie devraient
être plus modérés grâce à des prix plus favorables
des matières premières et à une certaine com-
pression des dépenses
. Le déficit budgétaire devrait
diminuer quelque peu pour atteindre 5,6 pour cent du
PIB en 2023 (contre 6,6 pour cent du PIB en 2022).
Cela s’explique principalement par la compression
des dépenses, en particulier la masse salariale et,
dans une certaine mesure, les subventions aux pro-
duits de base, qui devraient bénéficier de la baisse des
prix internationaux. Le déficit courant devrait se réduire
considérablement pour s’établir à 4,0 pour cent du PIB
en 2023 (contre 8,6 pour cent en 2022) en raison de
la vigueur des exportations de voyages, de l’amélio-
ration des termes de l’échange mais également de la
compression continue des importations. Cependant, la
hausse des prix du pétrole depuis juillet 2023 présente
un risque évident d’aggravation tant pour la balance
budgétaire que pour la balance extérieure.
Le financement des déficits nécessitera
toutefois, une augmentation significative du
financement extérieur face au calendrier de rem-
boursement de la dette
. Malgré la diminution des
déficits, les besoins bruts de financement devraient
encore augmenter pour atteindre 16,0 pour cent du
PIB en 2023 (contre 12,6 pour cent en 2022), principa-
lement en raison de l’augmentation de l’amortissement
de la dette. En fait, près des deux tiers du financement
devraient être consacrés à l’amortissement, puisqu’un
montant important de la dette arrive à échéance à la fin
de l’année. Si cela contribue à réduire quelque peu le
niveau de la dette publique (de 79,8 pour cent en 2022
à 76,9 pour cent du PIB en 2023), cela accroît égale-
ment la dépendance de la Tunisie à l’égard des sources
de financement extérieures, qui devraient représenter
environ 57 pour cent du financement total. Les IDE res-
teraient stables et les investissements de portefeuille
minimes, les prêts souverains devraient encore cou-
vrir les besoins de financement extérieur alors que la
Tunisie continue d’être privée d’accès aux marchés de
capitaux internationaux. Un accord au niveau des ser-
vices du FMI sur un FEP avec les autorités tunisiennes
a été conclu en octobre 2022 en vue d’être soumis au
Conseil d’administration du FMI pour examen peu de
temps après. Cependant, le programme n’a jamais été
soumis au conseil d’administration du FMI depuis lors.
On ne sait pas encore à ce stade comment l’absence
d’un programme du FMI retardera le financement exté-
rieur, car cela aurait également pu débloquer d’autres
financements externes.
Si le rythme des réformes s’accélère et le
niveau de financement reste suffisant, nous pré-
voyons une légère reprise de la croissance à
moyen terme ainsi qu’une certaine stabilisation
des déséquilibres macroéconomiques et bud-
gétaires.
Nous nous attendons à ce que l’écono-
mie accélère légèrement son rythme de croissance
pour atteindre 3 pour cent en 2025–2026. Cela
impliquerait une lente convergence vers le milieu
des années 2030 vers la trajectoire de croissance à
long terme, dont l’économie s’est écartée pendant la
crise du Covid-19. Nous prévoyons une légère dimi-
nution de l’inflation en raison de l’écart de produc-
tion relativement important post-Covid et des légères
augmentations des salaires publics suite à l’accord
gouvernement-UGTT de l’année dernière. Ces condi-
tions ainsi que les réformes économiques devraient
aider la Tunisie à réduire ses déficits courants et
budgétaires, assouplissant ainsi les conditions de
financement. En outre, la légère augmentation de la
croissance économique réelle devrait conduire à une
baisse du taux de pauvreté en dessous des niveaux
d’avant Covid d’ici 2025.
12 Ces perspectives à moyen
12 Les résultats s’appliquent que l’on utilise le seuil de
pauvreté d’un pays à revenu intermédiaire inférieur ou
intermédiaire supérieur (équivalent respectivement à
3,65 $ US/personne/jour et 6,85 $ US/personne/jour
en termes de parité de pouvoir d’achat de 2017).
16
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
Page 41
TABLEAu 1 • Principaux indicateurs macroéconomiques
2020
2021
2022
2023
Croissance du PIB réel, aux prix du marché constants
Consommation privée
Consommation publique
Formation brute de capital fixe
Exportations, biens et services
Importations, biens et services
Croissance du PIB réel, à prix constants des facteurs
Agriculture
Industrie
Services
Inflation (indice des prix à la consommation)
Solde du compte courant (pour cent du PIB)
Réserves de change (milliards de dollars)
Réserves de change (mois d’importations)
Solde budgétaire global (pour cent du PIB)
Solde budgétaire primaire (pour cent du PIB)
Recettes fiscales (pour cent du PIB)
Dépenses budgétaires (pour cent du PIB)
Besoins bruts de financement du gouvernement (pour
cent PIB)
Dette publique (pour cent du PIB)a
Paiements d’intérêts (sur la dette publique ; pour cent du PIB)
–8,8
–2,1
–1,0
–19,9
–20,0
–16,6
–8,7
0,4
–10,1
–9,6
5,6
–6,0
8,2
4,1
–8,7
–5,6
25,5
34,2
13,3
77,8
3,1
4,4
2,4
1,5
3,3
11,8
10,9
4,5
–2,7
8,7
4,1
5,7
–6,0
8,3
3,1
–7,6
–4,7
25,7
33,3
10,9
79,9
2,8
2,4
2,2
–1,2
1,3
15,2
9,3
2,6
0,7
–0,3
4,0
8,3
–8,6
7,4
3,0
–6,6
–3,4
28,5
35,1
12,6
79,8
3,2
1,2
2,7
–2,9
–7,3
9,4
8,6
1,2
–8,0
0,7
2,8
9,2
–4,0
9,4
3,5
–5,6
–2,3
27,7
33,3
16,0
76,9
3,3
2024
3,0
3,8
–0,5
2,9
5,1
4,8
3,0
3,0
2,1
3,3
8,0
–4,6
10,0
3,4
–3,6
–0,2
28,3
31,9
14,9
74,9
3,3
2025
3,0
4,5
–0,5
5,0
3,3
5,1
3,0
2,1
2,5
3,3
7,0
–5,5
11,2
3,4
–3,1
0,3
28,2
31,3
13,5
72,6
3,3
a Les chiffres pour 2022–2023 sont basés sur les données gouvernementales ; 2024–25 sont basés sur les estimations de la Banque mondiale basées sur les projections du FMI et
du gouvernement.
terme sont toutefois conditionnées par la poursuite
d’un rythme de réformes ambitieux, à des conditions
de financement suffisantes et à la stabilité des prix
internationaux de l’énergie, en particulier du pétrole.
DéVELOPPEMENTS éCONOMIquES RéCENTS
17
Page 42
Page 43
I
E
T
R
A
BP
FAIRE DE LA
MIGRATION UN MOTEUR
DE CROISSANCE ET
DE DÉVELOPPEMENT
POUR LA TUNISIE
C ompte tenu de l’importance de la migration
dans le débat public actuel en Tunisie et à
l’étranger, et, également, de l’importance
del’émigration et l’immigration pour le développe-
ment dans une perspective historique et future à plus
long terme, cette section du Bulletin économique de
la Tunisie vise à fournir des données, tendances his-
toriques et analyse comparative des différents flux
migratoires entrant et sortant de la Tunisie.
L’émigration est une stratégie de plus en plus
importante pour les Tunisiens pour faire face à une
situation économique et sociale difficile. Les flux
migratoires de la Tunisie ont augmenté au cours des
deux dernières décennies et ont suivi des parcours
plus irréguliers depuis 2019. L’émigration génère des
avantages économiques, car les revenus à l’étran-
ger sont souvent bien supérieurs à ceux perçus en
Tunisie. Certains de ces émigrants rentrent égale-
ment chez eux, ramenant des compétences et des
capitaux à investir. Ces gains sont toutefois moindres
lorsque les migrants sont sans papiers.
Tout comme les Tunisiens émigrent à la
recherche de meilleures conditions de vie, plus de
60 000 étrangers ont immigré en Tunisie en 2020.
Aujourd’hui, ils représentent environ 0,5 pour cent
de la population. Ces dernières années, leur nombre
a augmenté à un rythme plus lent que l’émigration
(6 contre 17 pour cent). Maintenir un statut régu-
lier de migrant est un défi car l’obtention d’un per-
mis de séjour et d’un permis de travail peut s’avérer
fastidieuse, ce qui les rend plus vulnérables et moins
capables de contribuer à l’économie tunisienne.
Depuis la fin de l’année 2022, la Tunisie est
également devenue un important pays de tran
-
sit pour la migration irrégulière vers l’Europe. Au
cours des huit premiers mois de 2023, deux tiers
des migrants irréguliers vers l’Italie par la route de
la Méditerranée centrale — soit plus de soixante-
dix mille personnes — sont partis de Tunisie. Seuls
11 pour cent d’entre eux étaient des Tunisiens, les
autres étant pour la plupart originaires d’Afrique sub-
saharienne. L’augmentation des départs irréguliers
a entraîné une hausse du nombre d’incidents et de
victimes au large des côtes tunisiennes. Plus de 765
migrants sont morts et 1 008 ont été portés dispa-
rus alors qu’ils tentaient de traverser la Méditerranée
19
Page 44
centrale au cours du premier semestre 2023, soit
trois fois le nombre de victimes au cours de la même
période en 2021–22.
À l’avenir, la migration deviendra probablement
de plus en plus importante pour la Tunisie (à la fois
les entrées et les sorties), compte tenu de la transition
démographique à la fois en Tunisie (dont la pyramide
des âges en 2050 ressemblera à celle de l’Italie actuel-
lement) et en Europe. La Tunisie pourrait contribuer à
renforcer l’adéquation des émigrants à la demande
étrangère grâce à une coopération renforcée avec les
pays de destination, augmentant ainsi les avantages
à long terme de la migration pour la Tunisie, notam-
ment par une augmentation des envois de fonds et
des flux entrants, une circulation des connaissances,
une augmentation des échanges commerciaux et
des flux de capitaux. Les avantages économiques de
l’immigration en Tunisie peuvent être accrus en facili-
tant le statut régulier des migrants et en renforçant la
reconnaissance des qualifications.
Émigration : l’importance de la
Tunisie en tant que pays d’origine
s’est accrue au cours des trois
dernières décennies
L’émigration devient une stratégie de plus en
plus importante pour les Tunisiens face à la
situation économique et sociale difficile du pays.

L’émigration des Tunisiens a augmenté au cours des
dernières années, à mesure que les conditions éco-
nomiques et sociales se sont détériorées. Ces diffi-
cultés, se traduisent également par une forte aug-
mentation des intentions d’émigrer, qui (selon les
données du baromètre arabe) ont doublé entre 2017
et 2021. Le lien entre la situation socio-économique
et l’émigration est également cohérent avec les résul-
tats de l’enquête nationale de l’INS sur les migrations
internationales en 2021 (Tunisia HIMS). Celles-ci sug-
gèrent que le chômage est un facteur clé des inten-
tions d’émigration des Tunisiens — le chômage est
également associé à la volonté d’émigrer par des
voies irrégulières.
13
Cette tendance consolide la Tunisie en
tant que pays à forte émigration, le nombre
20
de Tunisiens vivant à l’étranger étant au moins
15 fois supérieur au nombre d’étrangers vivant
en Tunisie.
L’Organisation des Nations Unies (ONU)
estime à environ 900 000 le nombre total de Tuni-
siens émigrés à l’horizon 2020,
14 alors que le nombre
de personnes nées à l’étranger et résidant en Tunisie
s’élève à environ 60 000 pour la même année. Selon
l’Office des Tunisiens à l’étranger (OTE), le nombre
estimé de Tunisiens résidant à l’étranger en 2022
est le double de celui de l’ONU (1,8 million). La diffé-
rence est due aux différentes approches d’enregistre-
ment entre les données des Nations Unies et celles
de l’OTE.
15 Le stock d’émigrants tunisiens a augmenté
au fil des ans, le nombre de Tunisiens vivant à l’étran-
ger étant au moins 15 fois plus élevé que le nombre
d’étrangers résidant en Tunisie depuis les années
1990 (figure 22).16
L’émigration des Tunisiens a augmenté de
manière significative au cours des deux dernières
irrégulière depuis
décennies, devenant plus
2019
. Le flux de migrants réguliers de la Tunisie
vers l’Europe, mesuré à la fois par le nombre de per-
mis d’entrée et de permis de séjour de 12 mois déli-
vrés chaque année, a augmenté entre 2009 et 2019
(figure 23). D’autre part, selon l’Agence européenne
de garde-frontières et de garde-côtes, les franchisse-
ments irréguliers des frontières de l’Europe par des
13 Restelli, 2023. Development and International Migration:
The Effect of Income on Regular and Irregular Migration
Intentions to Europe.
Population and Development
Review
, 49(1), pp.135–174.
14 UNDESA, Population Division, 2020.
International
Migrant Stock 2020.
15 Les estimations de
l’UNDESA
reposent sur
les
recensements de la population dans les pays de
destination et classent les migrants sur la base du pays
de naissance. Les statistiques que l’OTE sont basées
sur les tunisiens qui s’enregistrent aux ambassades et
considère ainsi la migration sur la base de la nationalité.
Dans les deux cas, les migrants irréguliers peuvent être
largemeent sous-estimés.
16 Ces ordres de magnitude sont comparables statistiques
qui sortent de l’enquête 2021 Tunisia-HIMS, qui estime
un stock total de 566000 tunisiens émigrés ages de
15 ans et plus, et un total de 58990 immigrés en Tunisie
(INS, 2021).
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
Page 45
FIGuRE 22 • Les Tunisiens vivant à l’étranger
sont historiquement bien plus
nombreux que les étrangers résidant
en Tunisie
(stock de migrants vers et depuis la
Tunisie)
1 000 000
900 000
800 000
700 000
600 000
500 000
400 000
300 000
200 000
100 000
0
6
7
3
4
7
7
8
6
2
2
0
9
2
3
7
5
1
6
9
0
0
9
7
5
9
4
5
5
6
4
3
3
9
6
7
4
4
6
9
6
8
4
4
8
9
7
3
7
6
8
7
3
9
1
7
6
3
0
4
0
5
3
2
7
1
3
4
2
3
5
6
5
5
4
1
0
6
1990
1995
2000
2005
2010
2015
2020
Émigrants
Immigrés
Source : UNDESA.
l’Italie via la route de la Méditerranée centrale entre
janvier 2019 et juin 2023.
17
L’émigration a apporté des avantages
significatifs à la Tunisie et à la
population tunisienne par le biais de
plusieurs canaux clés
L’émigration apporte des avantages écono-
miques significatifs aux Tunisiens, en particu-
lier lorsqu’elle est régulière.
L’émigration vers des
pays à revenu élevé entraîne généralement une aug-
mentation significative des revenus du migrant, car
les salaires pour une même profession sont beau-
coup plus élevés dans le pays de destination que
dans le pays d’origine.
18 Par exemple, les infirmières
tunisiennes peuvent recevoir des salaires jusqu’à dix
ressortissants tunisiens ont augmenté de manière
remarquable depuis 2019, atteignant plus de 25 000
pour la seule année 2022. Avec plus de 54 000 arri-
vées (19 pour cent), les Tunisiens représentent la prin-
cipale nationalité de migrants irréguliers ayant atteint
17 Basé sur les données Frontex sur les détections des
migrants irréguliers.
18 Par exemple, si l’on tient compte des caractéristiques
des travailleurs et des différences de coût de la vie,
le salaire d’un travailleur immigré aux États-Unis est
en moyenne 6,8 fois plus élevé (en termes réels) que
celui d’un travailleur équivalent exerçant la même
FIGuRE 23 • La migration irrégulière de la
FIGuRE 24 • Les envois de fonds ont toujours été
Tunisie vers l’Europe est en
augmentation depuis 2019
(nombre d’émigrants tunisiens vers
l’Europe par type, 2009–2022)
l’afflux financier étranger le plus
important pour la Tunisie
(en pourcentage du PIB)
35 000
30 000
25 000
20 000
15 000
10 000
5 000
0
9
0
0
2
0
1
0
2
1
1
0
2
2
1
0
2
3
1
0
2
4
1
0
2
5
1
0
2
6
1
0
2
7
1
0
2
8
1
0
2
9
1
0
2
0
2
0
2
1
2
0
2
2
2
0
2
Migrants irréguliers (Europe)
Migrants réguliers (Europe)
Résidence (12 mois - UE27)
7%
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
0
1
0
2
1
1
0
2
2
1
0
2
3
1
0
2
4
1
0
2
5
1
0
2
6
1
0
2
7
1
0
2
8
1
0
2
9
1
0
2
0
2
0
2
1
2
0
2
2
2
0
2
Transferts de
fonds
Aide Publique au
Développement nette
IDE
Source : Frontex pour les migrants irréguliers, OCDE pour les migrants réguliers (tous
permis), Eurostat pour les titres de séjour de 12 mois.
Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque centrale de Tunisie et
Institut tunisien de statistique.
FAIRE DE LA MIGRATION uN MOTEuR DE CROISSANCE ET DE DéVELOPPEMENT POuR LA TuNISIE
21














Page 46
fois plus élevés en Allemagne et en France.19 Toute-
fois, ces gains sont considérablement réduits lorsque
les migrants sont sans papiers, car ils ne peuvent
pas accéder aux emplois formels par crainte d’être
repérés et/ou parce qu’ils n’ont pas les licences et
les diplômes requis. Les émigrés tunisiens ont par-
tagé une partie de ces gains avec leurs familles et
leurs communautés en Tunisie par le biais de trans-
ferts de fonds. Au cours des dernières décennies, les
envois de fonds ont constitué le principal flux finan-
cier vers la Tunisie, atteignant 6,6 pour cent du PIB
en 2021–22, soit plusieurs fois plus que les investis-
sements directs étrangers (IDE) et l’aide publique au
développement (Figure 24). Ces flux sont également
plus stables que les autres, y compris en période de
crise. Pour de nombreux migrants et leurs familles, les
gains de revenus signifient de meilleures conditions
de vie et une plus grande capacité à épargner et à
investir dans les entreprises, le logement, l’éducation
ou les soins de santé.
Certains des migrants en partance pour
l’étranger sont revenus en Tunisie, ramenant
des compétences et des capitaux à investir,
bien qu’ils soient moins nombreux à revenir que
ceux qui émigrent, en particulier parmi les per-
sonnes hautement qualifiées.
En 2021, l’enquête
Tunisia-HIMS estime à près de 211 000 le nombre
de Tunisiens ayant vécu à l’étranger, pendant trois
mois ou plus, et qui sont revenus résider en Tuni-
sie, pour un minimum de six mois. Près d’un migrant
de retour sur cinq a déclaré avoir réalisé des inves-
tissements en Tunisie. Cette proportion augmente à
27pour cent parmi ceux qui ont émigré pendant 25
ans ou plus, car l’épargne augmente généralement
avec la durée de la migration. Cependant, on estime
que le nombre de migrants de retour est resté stable
au cours de la dernière décennie, oscillant autour
de 7–8 000 par an, un nombre entre 2 et 6 fois infé-
rieur à celui des nouveaux émigrants. Le taux de
retour est particulièrement faible parmi les Tunisiens
ayant un niveau d’éducation supérieur.
20 Au même
moment, certains éléments suggèrent que l’émigra-
tion augmente parmi les personnes ayant un niveau
d’éducation élevé. Le secrétaire de l’Association
médicale tunisienne a indiqué que plus de 970 (7
pour cent) médecins tunisiens ont quitté le pays en
2021 sur les 14 000 médecins travaillant en Tuni-
sie, contre 570 (4 pour cent) en 2018, soit une aug-
mentation de 70 pour cent.
21 Ces tendances sont
cohérentes avec la faible performance de l’écono-
mie tunisienne et la faiblesse des salaires qui en
découle, y compris dans le secteur public (voir la
partie A du rapport).
Immigration : Relativement peu
d’étrangers choisissent la Tunisie
comme pays de destination, alors
que beaucoup sont confrontés à des
défis importants
Tout comme les Tunisiens émigrent à la recherche
de meilleures conditions de vie, certains étran-
gers immigrent en Tunisie
. Les immigrés en Tuni-
sie représentent une petite fraction de la population
par rapport aux normes internationales. Aujourd’hui,
ils représentent environ 0,5 pour cent de la popula-
tion (figure 25). La part des immigrés dans la popula-
tion est entre 20 et 25 fois inférieure à celle des pays
européens proches, notamment l’Italie et la France,
et à celle de la Libye voisine. La part de la Tunisie est
conforme à celle d’autres pays de la région, notam-
ment le Maroc et l’Algérie. Toutefois, ces chiffres sont
sous-estimés car ils n’incluent pas les immigrants
en situation irrégulière. Les données de l’UNDESA
montrent que le stock d’immigrants a augmenté d’en-
viron 6 pour cent entre 2015 et 2020, soit près de trois
fois moins que la croissance du stock d’émigrants
profession dans son pays d’origine en développement.
(see Clemens, Michael A., Claudio E. Montenegro, and
Lant H. Pritchett. 2019. “The Place Premium: Bounding
the Price Equivalent of Migration Barriers.” Review of
Economics and Statistics 101 (2): 201–13.
19 Clemens, 2015. Global skill partnerships: a proposal
for technical training in a mobile world.
IZA Journal of
Labour Policy
20 Selon le Tunisia-HIMS survey, l amajorité des migrants
qui reviennent ont un niveau d’éducation primaire (37
percent) ou moins (17 percent), alors que seulement 16
percent ont un diplôme universitaire.
21 Khdimallah, M. (2022). “975 médecins ont préparé
un dossier de départ en 2021: De l’impossibilité de
reformer”, La Presse.
22
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
Page 47
FIGuRE 25 • Le stock d’immigrés en Tunisie reste
relativement faible en pourcentage
de la population résidente
(immigrants réguliers en
pourcentage de la population
résidente totale, pays sélectionnés)
15%
14%
13%
12%
11%
10%
9%
8%
7%
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
12,6%
12,4%
10,7%
0,6%
0,5%
0.3%
1990
1995
2000
2005
2010
2015
2020
Libye
Tunisie
France
Maroc
Italie
Algérie
Source : UNDESA pour le stock d’immigrés et Indicateurs du développement mondial
pour les données démographiques.
tunisiens (17 pour cent) au cours de la même période.
Les Nord-Africains et les Européens représentent la
majeure partie de l’augmentation de l’immigration en
2010–20 (72 pour cent) et du stock d’immigrants en
2020 (74 pour cent). L’EMIH-Tunisie estime des ten-
dances similaires.
22
À moyen et long terme, il sera de plus en
plus important d›attirer des migrants en Tunisie,
compte tenu de la transition démographique en
cours.
À l›instar de nombreux pays à revenu moyen
et élevé, le taux de fécondité de la Tunisie a chuté
de manière significative : de près de 7 enfants en
1960 à seulement 2,06 en 2022 (en dessous du
seuil de remplacement). Compte tenu de ces ten-
les perspectives démographiques des
dances,
Nations unies estiment que la pyramide des âges de
la Tunisie ressemblera de plus en plus à celle de l›I-
talie actuellement, et qu’elle aura besoin d’un afflux
de travailleurs (figure 26). L’immigration sera de plus
en plus importante pour faire face à cette transition
démographique.
Il est difficile de maintenir un statut régu-
lier en tant que travailleur migrant en Tunisie, ce
qui les rend plus vulnérables et les empêche de
contribuer pleinement à l’économie tunisienne
.
Les entretiens avec les migrants menés par l’Orga-
nisation internationale pour les migrations (OIM) en
2018 ont montré que le principal obstacle à l’accès
22 Selon
l’enquête,
le nombre d’émigrants
tunisiens
a augmenté de 32 % depuis 2014, et le nombre
d’immigrants a augmenté d’environ 11 % au cours de la
même période.
FIGuRE 26 • La population tunisienne vieillit rapidement
Tunisie : Population en 1950
Tunisie : Population en 2022
Tunisie : Population en 2050
100+
90–94
80–84
70–74
60–64
50–54
40–44
30–34
20–24
10–14
0–4
)
s
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n
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(
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Â
0.6
0.4
100+
90–94
80–84
70–74
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50–54
40–44
30–34
20–24
10–14
0–4
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0.4
0.6
0.6
0.4
100+
90–94
80–84
70–74
60–64
50–54
40–44
30–34
20–24
10–14
0–4
)
s
e
é
n
n
a
(
e
g
Â
0.4
0.6
0.6
0.4
0.2
0
Population (millions)
0.2
0.4
0.6
0.2
0
Population (millions)
0.2
0.2
0
Population (millions)
0.2
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
Source : Perspectives démographiques mondiales des Nations Unies (2022).
FAIRE DE LA MIGRATION uN MOTEuR DE CROISSANCE ET DE DéVELOPPEMENT POuR LA TuNISIE
23



Page 48
ENCADRé 5 : LE CADRE JuRIDIquE TuNISIEN DE LA MIGRATION ET Du TRAVAIL
Les conditions d’accès des migrants au travail en Tunisie sont régies par deux lois principales : La loi n° 68-7 du 8 mars 1968 relative au
régime des étrangers en Tunisie et le code du travail (articles 258 à 269). La procédure d’obtention d’un permis de travail est complexe
et peut prendre plusieurs mois. Le cadre juridique ne fournit pas de lignes directrices claires pour l’obtention d’une autorisation de travail,
laissant une grande marge de manœuvre à l’administration tunisienne.
a Cela peut entraîner des incertitudes et des retards dans le processus.
La loi tunisienne établit un lien étroit entre la résidence légale et l’autorisation de travail. Pour travailler en Tunisie, les migrants doivent avoir
une résidence régulière dans le pays et leur carte de séjour doit mentionner explicitement qu’ils sont autorisés à travailler. Même lorsque
les migrants sont en mesure d’obtenir un tel permis de travail, celui-ci n’est valable qu’un an et doit être renouvelé chaque année. Il est donc
difficile pour les migrants de conserver un emploi à long terme. Par conséquent, de nombreux migrants finissent par travailler de manière
informelle, sans contrat ni autorisation de travail, sans protection sociale et deviennent plus vulnérables.
b
La loi tunisienne et le code du travail prévoient des sanctions en cas de non-respect des règles relatives à l’emploi des migrants. Ces sanctions
s’appliquent aussi bien aux employés qu’aux employeurs fautifs. En effet, un travailleur migrant qui travaille sans contrat ou sans autorisation
de travail encourt les sanctions suivantes : licenciement, sanction financière et/ou peine d’emprisonnement (Code du travail, articles n° 258-2
et 266). En cas de non-respect des articles précédents, les travailleurs migrants risquent l’expulsion (Code du travail, article n° 267).
Le système juridique tunisien a intégré les normes de l’OIT pour renforcer la protection des droits des migrants, notamment par le biais de la
loi de 2016 sur la prévention contre toutes les formes de traite des êtres humains et de la loi de 2018 sur la protection contre toutes les formes
de discrimination raciale.c Cependant, la Tunisie n’a pas encore ratifié les instruments pertinents de l’OIT relatifs aux travailleurs : Convention
n°97 sur les travailleurs migrants (révisée) de 1949 et n°143 sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) de 1975.
a ILO, ONM and OHCHR, 2017. L’emploi formel et informel des travailleurs immigres en Tunisie.
b Terre d’Asile Tunisie, 2020. L’accès au travail des migrants en Tunisie: du cadre juridique à la pratique
c ILO, 2023. Évaluation du fonctionnement réel des accords bilatéraux de sécurité sociale entre la Tunisie et la France, l’Allemagne, le Maroc et l’Égypte.
à l’emploi formel en Tunisie est l’obtention d’un per-
mis de séjour, qui est à son tour nécessaire pour
obtenir un permis de travail.
23 Le gouvernement tuni-
sien a réduit le nombre de ces permis de travail entre
2009 et 2017 (figure 27) malgré l’augmentation du
nombre d’immigrants en Tunisie. Le cadre juridique
et son application rendent le processus d’obtention
d’un permis de travail fastidieux (voir encadré 5). Il en
résulte un accès légal limité au marché du travail
pour les migrants dans le pays.
24 En conséquence,
la majorité des travailleurs migrants sont employés
de manière informelle en Tunisie.
25 La plupart des tra-
vailleurs irréguliers arrivent régulièrement en Tunisie
pour d’autres raisons et travaillent de manière irrégu-
lière ou finissent par dépasser la durée de leur visa,
en particulier dans le cas des étudiants étrangers qui
23 Les entretiens ont été menés auprès d’un échantillon de
450 migrants originaires du Moyen-Orient, d’Afrique du
Nord et d’Afrique subsaharienne.. IOM, 2019. Evaluation
des besoins des communautes migrantes & des
comminautes hotes en Tunisie.
ILO, 2019. Diagnostic sur les processus de recrutement
des travailleurs en Tunisie.
24
24
FIGuRE 27 • La Tunisie a accordé moins
d’autorisations de travail alors que
l’immigration est croissante
(nombre d’autorisations de
travail délivrées par le MFPE par
principales nationalités, 2009–2017)
9 000
8 000
7 000
6 000
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
9
0
0
2
0
1
0
2
1
1
0
2
2
1
0
2
3
1
0
2
4
1
0
2
5
1
0
2
6
1
0
2
7
1
0
2
Europe (principaux pays)
Afrique du Nord
Chine et Inde
Autres
Source : Ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi, 2016 et 2018.
25 Selon une enquête réalisée en 2016 par Terre d’Asile
Tunisie, environ quatre cinquièmes des travailleurs
migrants étaient employés de manière informelle en
2016 (Terre d’Asile Tunisie, 2016. Portrait de migrants).
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
Page 49
FIGuRE 28 • En 2023, la Tunisie est devenue le
point de départ le plus important
pour les migrants irréguliers vers
l’Italie
(nombre d’arrivées maritimes
irrégulières en Italie par point de
départ)
FIGuRE 29 • Les Tunisiens représentent une
minorité des arrivées en provenance
de Tunisie depuis le dernier
trimestre 2022
(nationalité des migrants arrivant
par la mer en Italie et embarqués
en Tunisie)
20 000
15 000
10 000
5 000
0
8
1
8
1
l
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3
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J
18 000
16 000
14 000
12 000
10 000
8 000
6 000
4 000
2 000
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Tunisiens
Non tunisiens
Turquie
Tunisie
Libye
Source : HCR, 2023. Tableau de bord des arrivées par voie maritime en Italie.
Source : HCR, 2023. Tableau de bord des arrivées par voie maritime en Italie
et données de détection Frontex.
ne sont pas autorisés à travailler en Tunisie.26 Le statut
irrégulier réduit la contribution des migrants à l’écono-
mie.
27 En outre, il les expose à des violations et à l’ex-
ploitation, notamment à des violations des droits des
travailleurs, à des expulsions forcées, à la violence, à
l’intimidation et à l’exploitation.
28
La Tunisie est devenue un pays de
transit majeur pour la migration
irrégulière vers l’Europe
En 2023, la Tunisie est devenue le principal pays
de transit pour la migration irrégulière en Médi-
terranée centrale et a augmenté le recours aux
mesures de dissuasion
. Au cours des huit premiers
mois de 2023, 73 829 personnes sont arrivées irrégu-
lièrement en Italie par la mer depuis la Tunisie. Cela
représente environ 44 pour cent de tous les migrants
irréguliers vers l’Europe et deux tiers des migrants irré-
guliers vers l’Italie via la route de la Méditerranée cen-
trale au cours de cette période. En conséquence, la
Tunisie a dépassé la Libye en tant que principal port de
départ (figure 28). Environ 62 500 des personnes ayant
quitté la Tunisie n’étaient pas tunisiennes (figure 29).
L’écrasante majorité d’entre eux étaient des Africains
subsahariens, en particulier des Ivoiriens et des Gui-
néens, ce qui constitue un net changement par rapport
aux années précédentes où les Tunisiens constituaient
la majorité des départs. La plupart des ressortissants
ivoiriens, guinéens et camerounais arrivant en Italie ont
déclaré avoir résidé en Tunisie pendant de longues
périodes avant de décider de partir en raison de dif-
ficultés économiques croissantes. Toutefois, des rap-
ports font également état d’un nombre croissant de
Ce chiffre est confirmé par des données d’enquête plus
récentes recueillies par le Centre de migration mixte en
2021. (Mixed Migration Centre (MMC), 2021.
Hidden
hardship of an unnoticed workforce: the economic lives
of refugees and migrants in Tunisia)
, qui révèle que 88
pour cent des répondants travaillaient sur la base d’un
accord verbal.
26 Terre d’Asile Tunisie (ibid.).
27 World Bank
(2023). World Development Report.
Migrants, Refugees, and Societies: World Development
Report 2023.
28 OMCT (2023). “Mapping of responses to human rights
violations People in mixed migration flows in Tunisia”.
FAIRE DE LA MIGRATION uN MOTEuR DE CROISSANCE ET DE DéVELOPPEMENT POuR LA TuNISIE
25























Page 50
Subsahariens transitant uniquement par la Tunisie.29
Au cours des derniers mois, la Tunisie a fortement ren-
forcé les contrôles aux frontières et les patrouilles, ainsi
que les mesures de dissuasion telles que la relocalisa-
tion des migrants loin de la région de Sfax, la principale
plaque tournante des départs en Tunisie.
L’augmentation des départs irréguliers a
entraîné une hausse des incidents et des victimes au
large des côtes tunisiennes
. Le Missing Migrants Pro-
ject (MMP) de l’OIM estime que 765 migrants sont morts
et que 1 008 autres sont portés disparus alors qu’ils ten-
taient de traverser la Méditerranée centrale au cours du
premier semestre 2023. Cela représente plus du triple
du nombre de victimes au cours de la même période
en 2022 et 2021. Il s’agit d’une estimation du même
ordre de grandeur que les années de la «crise migra-
toire» de 2015–16. La route de la Méditerranée centrale
reste la route migratoire connue la plus meurtrière au
monde, avec plus de 17 000 décès et disparitions enre-
gistrés depuis 2014. Le HCR rapporte que les incidents
sont beaucoup plus probables pour les Subsahariens
voyageant depuis la Tunisie sur des bateaux en métal.
30
Quelles politiques les gouvernements
peuvent-ils mettre en œuvre pour
maximiser les effets positifs des
migrations sur le développement et
en atténuer les conséquences les
plus négatives?
Le Rapport sur le développement dans le monde
2023 propose un cadre politique visant à maximiser
les gains nets de la migration pour les pays d’origine,
d’accueil et de transit. Ce cadre repose sur l’adé-
quation entre les compétences des migrants et les
besoins des pays de destination, ainsi que sur les
motivations qui poussent les individus à émigrer.
31
Lorsque l’adéquation des migrants est forte, les gains
sont importants pour eux-mêmes et pour les pays
d’origine et de destination. C’est le cas pour la plu-
part des migrants, qu’ils soient hautement ou faible-
ment qualifiés, réguliers ou irréguliers. Dans ce cas,
l’objectif politique devrait être de maximiser les gains
pour tous. Pour les réfugiés, lorsque l’adéquation est
faible, les coûts doivent être partagés — et réduits —
de manière multilatérale. Les situations de réfugiés
pouvant durer des années, l’objectif politique doit
être de réduire les coûts d’accueil tout en maintenant
des normes adéquates de protection internationale.
Lorsque l’appariement est faible et que les personnes
ne sont pas des réfugiés, des défis politiques difficiles
se posent, en particulier lorsque les migrants sont en
situation irrégulière et en détresse. Si les pays de des-
tination peuvent réglementer l’entrée de ces migrants,
l’expulsion et le refus d’entrée peuvent conduire à des
traitements inhumains. Les politiques restrictives des
pays de destination peuvent également imposer des
coûts à certains pays de transit. La politique devrait
réduire le besoin de migration en détresse, tandis que
le développement peut jouer un rôle essentiel.
En tant que pays d’émigration, la Tunisie pour-
rait étendre les programmes de mobilité bilatéraux et
régionaux afin de faciliter l’émigration régulière et de
maximiser les gains dans le pays d’origine et dans le
pays de destination. À l’heure où un grand nombre de
Tunisiens envisagent d’émigrer, il semble nécessaire
d’étendre et de renforcer ces programmes de mobilité
afin de permettre aux candidats à l’émigration d’ac-
céder à des voies de migration légales.
32 Cet accès
est crucial pour assurer des garanties juridiques et
une protection contre les abus, l’accès à une gamme
de services dans les pays de destination et des gains
accrus pour les pays d’origine comme pour les pays
d’accueil (Banque mondiale, 2023). Bien que l’appli-
cation de ces accords nécessite des efforts continus
de la part des pays d’origine et des pays d’accueil, les
Philippines, qui ont conclu 54 accords bilatéraux sur
le travail depuis les années 1970, ont réussi à offrir de
meilleures conditions aux émigrants, notamment en
supprimant les frais de placement dans les pays du
Golfe et en établissant un salaire minimum, en pro-
cédant à des réformes plus larges pour mieux doter
les travailleurs de compétences et de connaissances
29 UNHCR, 2023. Italy – Sea arrivals dashboard, June 2023.
https://data.unhcr.org/en/documents/deta ils/102839.
30 UNHCR, 2023. Italy – Sea arrivals dashboard, March 2023.
https://data.unhcr.org/en/documen ts/details/100615.
31 See World Bank (2023). Migrants, Refugees, and
Societies: World Development Report 2023.
32 Selon l’enquête du Baromètre arabe, près de 45 % des
Tunisiens (environ 5 millions d’individus) envisagent
d’émigrer en 2021.
26
TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – MIGRATION DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE COMPLEXE
Page 51
techniques, en réduisant les coûts d’envoi des fonds,
en proposant des formations commerciales et en
accordant des prêts aux migrants de retour.
33
Bien que la Tunisie ait signé un certain
nombre d’accords bilatéraux sur la mobilité de la
main-d’œuvre, ces programmes pourraient être
élargis pour mieux s’adapter à la taille du bassin
de migrants et aux besoins des pays de destina-
tion
. Selon l’enquête du Baromètre arabe, près de 45
pour cent des Tunisiens (environ 5 millions de per-
sonnes) envisagent d’émigrer en 2021. Le programme
bilatéral le plus important et le plus ancien en Tunisie
— l’accord tuniso-français signé en 2008 — comprend
environ 9 000 places chaque année pour les travail-
leurs ayant des compétences et des qualifications qui
ne sont pas satisfaites sur le marché du travail fran-
çais.
35 Dans le même temps, près de 90 pour cent
des entreprises françaises éprouvent des difficultés
à pourvoir les postes vacants, et un tiers d’entre elles
ont des postes vacants non pourvus depuis plus d’un
an.
35 L’accord récemment signé de Partenariat pour les
talents entre l’UE et pourrait contribuer à élargir et ren-
forcer de tels programmes bilatéraux.
Pour renforcer leur efficacité, la Tunisie
pourrait envisager d’adapter les accords de tra-
vail avec les pays d’accueil confrontés à des pénu-
ries de main-d’œuvre ou à une augmentation de
la demande de main-d’œuvre
. La Tunisie et les pays
de destination partenaires peuvent s’appuyer sur les
leçons tirées des expériences précédentes, y compris
le partenariat de compétences pour la mobilité des
infirmières qui a été mis en place entre l’Allemagne et
la Tunisie depuis 2013.
36 Les aspects clés à prendre
en compte pour l’efficacité de ces programmes sont
(a) la disponibilité et la capacité technique des instal-
lations de formation à l’origine ; (b) l’accessibilité des
coûts de scolarité et de subsistance ; (c) l’accessibi-
lité des visas par le pays de destination à la fin de la
formation ; (d) l’accessibilité de la certification à la fin
de la formation ; (e) l’implication opportune du sec-
teur privé (employeur) et la formation conjointe (à la
fois à l’origine et à la destination).
37
Puisque son importance en tant que pays
d’accueil est susceptible d’augmenter, la Tunisie
peut également accroître les avantages écono-
miques des immigrés tout en préservant leur bien-
être et leurs droits. Il serait important d’établir des voies
légales pour les travailleurs en demande d’immigration,
y compris les travailleurs peu qualifiés, afin de maximi-
ser les avantages de l’immigration pour la Tunisie. La
meilleure façon d’y parvenir est d’impliquer de multiples
parties prenantes, y compris le secteur privé et les pays
d’origine. L’expérience des pays de destination qui ont
adopté des politiques visant à attirer les migrants néces-
saires peut être utile à cet égard, notamment en ce qui
concerne les droits à l’emploi et les privilèges de rési-
dence comparables à ceux des ressortissants natio-
naux. Par exemple, l’Autriche, l’Allemagne, le Portugal,
la Suède et les Émirats arabes unis ont mis en place
des visas de recherche d’emploi en vertu desquels les
travailleurs étrangers qui répondent à des critères spé-
cifiques sont autorisés à entrer dans le pays pour y trou-
ver un emploi. Parallèlement, la plupart des pays de l’UE
adoptent également des programmes temporaires pour
répondre à la demande de main-d’œuvre dans tous les
domaines de compétences. Par exemple, l’Espagne et
le Maroc ont signé en 2001 un accord bilatéral permet-
tant aux Marocains de travailler dans le secteur agri-
cole espagnol jusqu’à neuf mois par an. Ce visa peut
servir de «période d’essai» avant que les migrants ne
demandent un statut permanent. Ces régimes prévoient
des droits en matière d’emploi et des privilèges de rési-
dence comparables à ceux des ressortissants natio-
naux. La Tunisie peut prendre exemple et adopter des
politiques similaires pour faciliter la tâche des travail-
leurs étrangers qui sont en demande, par exemple dans
le secteur de la construction.
33 World Bank. 2023. World Development Report 2023:
Migrants, Refugees, and Societies. Washington, DC:
World Bank.
34 Ces travailleurs bénéficient de visas de circulation
et d’un accès au marché du travail français. Source:
Direction Général du Placement à l’Etranger et de la
Main d’Oeuvre Etrangère. Ministère de l’Emploi et de la
Formation Professionnelle Ministère de l’Emploi et de la
Formation Professionnelle.
35 Ladepeche (2023) « DOSSIER. Emploi : la France
confrontée à la pénurie de main-d’œuvre », 30 May 2023
.
36 Details du programme : https://www.arbeitsagentur.de /vor-
ort/datei/triple-win-factsheet-englisch_ba066707 .pdf.
37 Triandafyllidou, A., Bartolini, L. and C.F. Guidi (2019)
Exploring the Links Between Enhancing Regular Pathways
and Discouraging Irregular Migration, IOM: Geneva.
FAIRE DE LA MIGRATION uN MOTEuR DE CROISSANCE ET DE DéVELOPPEMENT POuR LA TuNISIE
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Washington, DC 20433
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