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Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique
Une meilleure performance pour une
meilleure gouvernance publique en Tunisie
LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS
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PRÉFACE – 3
Préface
Plus de cinq ans après le déclanchement du Printemps arabe, la trajectoire de
transition et de transformation de la Tunisie demeure la plus prometteuse dans la région
du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). Les résultats de cette transformation
sur le volet politique sont impressionnants. De même, la gestion de la transition qui a été
exemplaire, comme l’illustre le Prix Nobel de la Paix attribué aux quatre principales
organisations de la société civile tunisienne ayant parrainé le dialogue national. À présent,
la Tunisie est engagée dans une nouvelle voie, celle d’un développement politique,
économique et social plus inclusif et équitable, basé sur l’état de droit, la bonne
gouvernance et la transparence.
L’OCDE a agi aux côtés des autorités tunisiennes au lendemain de la Révolution pour
élargir les domaines d’actions et assurer la mise en place d’une dynamique de réforme
durable et efficace pour la croissance inclusive et l’emploi décent au bénéfice de tous les
Tunisiens.
Désormais, nous entretenons d’étroites relations de coopération dans des domaines
d’une importance économique primordiale tels que : la réforme de la fiscalité, l’emploi, le
développement régionale, l’investissement et les infrastructures, les partenariats publics-
privés, l’intégration dans les chaînes de valeurs mondiales, le renforcement de l’intégrité
et la gouvernance publique.
Dans ce contexte, l’OCDE soutient la Tunisie dans le renforcement de la gouvernance
budgétaire avec une vision qui promeut la transparence et la responsabilité, pour restaurer
la confiance des citoyens dans le gouvernement, et promouvoir un développement
économique inclusif.
Avec le soutien du Partenariat de Transformation allemand avec la Tunisie, conforme
aux objectifs du Pacte pour la gouvernance économique du Partenariat de Deauville, le
projet «Une gouvernance efficace au service de la transition politique et de la prospérité
économique en Tunisie» vise à renforcer la gestion des finances publiques et la
gouvernance locale et à soutenir le développement régional.
La présente revue du système budgétaire tunisien est le fruit de cette coopération. Elle
évalue l’état d’avancement de la mise en œuvre de la gestion budgétaire par objectifs
(GBO) qui vise à instaurer la recherche de la performance au cœur de la gestion du
budget afin d’optimiser la dépense publique et accroître l’efficacité de l’action du
gouvernement.
Cette étude a conduit l’OCDE à examiner les politiques publiques ainsi que les
institutions et administrations particulièrement concernées par ce mode de gestion. Elle a
aussi porté sur le cadre réglementaire et les pratiques relatives à la dépense publique, en
partant de la préparation de la loi des finances et allant jusqu’au contrôle de son
exécution. Elle a intégré les aspects législatifs, fonctionnels et organisationnels.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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4 – PRÉFACE
Cet examen a montré des résultats positifs importants et a identifié des domaines
d’action prioritaires pour renforcer la transparence et la performance de la gestion des
finances publiques. Plus important encore, l’examen insiste sur la nécessité que la
réforme de la GBO aille au-delà des finances publiques et devienne un levier de
modernisation de l’administration et de l’État tunisien. Ceci part d’un constat tiré de
l’expérience de plusieurs pays membres de l’OCDE qui confirme que la budgétisation par
la performance seule ne peut pas transformer un pays. C’est une réforme nécessaire, mais
elle est loin d’être suffisante. Les pays ayant réussi le pari de la budgétisation par la
performance ont mené conjointement des réformes institutionnelles et budgétaires.
L’OCDE est fière de continuer à soutenir l’action des autorités tunisiennes pour
relever ce défi et se tient à leurs côtés dans le processus de renaissance pour une Tunisie
nouvelle et prospère.
Secrétaire Général de l’OCDE
Angel Gurría
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016









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PRÉFACE – 5
Préface
La Tunisie a toujours été pionnière en matière de réformes et d’innovations. Ainsi,
elle fut le premier pays arabe à abolir l’esclavage en 1848, à promulguer une Constitution
en 1861, à donner le droit de vote aux femmes en 1957 et enfin à s’intégrer depuis 2011,
dans un processus de transition démocratique.
Malgré la dégradation de la situation économique et sociale du pays et le déséquilibre
des finances publiques depuis 2011, la Tunisie constitue une exception et elle demeurera
une source d’espoir pour les pays du voisinage et de la zone MENA, parce qu’elle a
réussi à mettre en place une démocratie moderne fondée sur le respect des droits de
l’homme et des libertés fondamentales.
Ainsi, et avec la détermination de toutes les composantes de la société et l’appui de
ses partenaires, la Tunisie s’est lancé depuis 2011, dans un vaste programme de réformes
touchant tous les domaines notamment l’investissement, le secteur financier, l’emploi, la
bonne gouvernance et la réforme de l’administration publique.
Le système de gestion budgétaire par objectifs s'insère dans le cadre du programme de
réforme des finances publiques afin de consolider la bonne gouvernance et d’améliorer
l'efficacité et l’efficience des politiques publiques. Ce système se base sur un ensemble de
principes dont notamment la discipline budgétaire, la transparence et la redevabilité.
La « GBO » est, certes, une réforme des finances publiques puisqu’elle permet de
placer la gestion budgétaire dans une perspective pluriannuelle et de faire évoluer le rôle
des acteurs de la dépense publique et de responsabiliser les futurs responsables de
programmes. Mais c’est également une réforme qui a des répercussions sur la
gouvernance publique. À ce titre, elle permet de procurer aux orientations stratégiques de
l’Etat une meilleure lisibilité et d’asseoir les fondements d’un nouveau management
public.
La présente revue du système de gestion des finances publiques tunisien par des
experts de l’OCDE a confirmé que la gestion budgétaire par objectifs est passée du
"virtuel" au "réel", et que l’adoption prochaine du projet de la loi organique du budget
permettra d’enraciner davantage cette nouvelle approche.
Ce projet de loi concrétise d’une manière effective la mise en place de cette réforme
budgétaire d’envergure qui vise trois objectifs fondamentaux:
- Assurer le passage du processus de gestion administrative d’une culture de moyens
et de procédures à une culture d’objectifs et de responsabilité.
- Améliorer l’efficacité des dépenses publiques et la performance des services de
l’État.
- Renforcer le rôle du parlement dans le contrôle de tous les processus de gestion des
finances publiques.
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6 – PRÉFACE
L’enjeu aujourd’hui est la consolidation des acquis, la poursuite dans l’élan de
réformes et la mise en application des différentes recommandations du présent rapport
avec l’appui continu de nos partenaires afin de doter notre pays des moyens de ses
ambitions.
Ministre des Finances
Lamia Zribi
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016































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AVANT-PROPOS – 7
Avant-propos
La Tunisie et l’Organisation de coopération et de développement économique
(OCDE) entretiennent des relations de longue date. Leur collaboration s’étend à de
multiples domaines : la lutte contre la corruption, le renforcement de l’intégrité, la
transparence et le gouvernement ouvert, la réforme du système bancaire, la fiscalité,
l’emploi, le développement régional, l’investissement, les partenariats publics-privés, et
l’intégration dans les chaînes de valeurs mondiale.
Plus particulièrement dans le domaine des finances publiques, entre 2012 et 2013,
l’OCDE a accompagné la Tunisie, à travers le Programme MENA-OCDE pour la
Gouvernance, dans un projet sur la transparence de la gouvernance publique budgétaire,
financé par le ministère fédéral allemand des affaires étrangères, qui a donné lieu, entre
autres, à la rédaction d’un rapport intitulé
Consolider la transparence budgétaire pour
une meilleure gouvernance publique en Tunisie
qui a contribué à la mise en place de la
réforme de la gestion budgétaire par objectifs (GBO).
S’inscrivant dans la continuité de ce soutien, une nouvelle coopération a été entreprise
en 2015 et 2016 afin d’accompagner les efforts de généralisation et pour rendre plus
opérationnelle cette réforme de grande envergure. Une série de missions sur le terrain a
été organisée, permettant à des experts internationaux de rencontrer les représentants des
différentes structures en lien avec la gestion budgétaire en Tunisie, et d’identifier les
principaux défis de la mise en œuvre de cette réforme. Ceux-ci concernent notamment la
modernisation de la comptabilité publique et des systèmes d’information soutenant la
procédure budgétaire et comptable, l’implication de tous les acteurs du processus
budgétaire, et la réorganisation de la chaine de dépense.
Des activités de renforcement des capacités des agents publics ainsi que des
rencontres de dialogue politique avec les différentes parties prenantes ont été l’occasion
de discuter en profondeur de différents volets liés à la réforme, et d’avancer certaines
propositions d’amélioration.
Le présent rapport constitue le fruit de cette évaluation par les pairs et propose des
recommandations à même de contribuer à la mise en œuvre effective et généralisée de la
réforme conformément aux principes de l’OCDE et en tirant profit des bonnes pratiques
de ses pays membres.
Il souligne l’importance de renforcer le lien entre le volet relatif à la performance et
celui portant sur le budget pour améliorer le système d’exécution et de contrôle de
l’exécution de la dépense publique, et rappelle la nécessité de continuer la réforme du
système comptable et faire évoluer le système d’information soutenant la gestion
budgétaire.
Il met aussi l’accent sur l’importance de réformer les contrôles externes, et suggère au
Parlement de faire sien cette réforme qui renforcerait son contrôle sur l’action
gouvernementale.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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8 – AVANT-PROPOS
Ce rapport fait partie d’une série de trois rapports réalisés par le secrétariat de
l’OCDE à la demande des autorités tunisiennes dans le cadre du projet « une gouvernance
efficace au service de la transition politique et de la prospérité économique en Tunisie »,
financé par le ministère fédéral allemand des affaires étrangères.
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REMERCIEMENTS – 9
Remerciements
Le Secrétariat de l’OCDE tient à exprimer sa profonde gratitude à tous les partenaires
qui ont rendu possible la publication de cette étude. En premier lieu, l’OCDE souhaite
remercier les membres de l’Unité de GBO auprès du ministre des Finances, chargée de la
coordination de la réforme au niveau national, et de la coordination de la mise en œuvre
de la coopération avec l’OCDE dans le domaine de la gouvernance des finances
publiques. Il remercie aussi les responsables de l’administration tunisienne qui ont
répondu au questionnaire qui leur a été envoyé, et qui ont activement pris part aux
réunions de l’évaluation par les pairs. Ses remerciements s’adressent aussi aux membres
de l’Assemblée des Représentants du Peuple et aux représentants de la société civile qui
ont participé aux réunions d’échange d’information et partagé leurs points de vue et leurs
propositions.
Le Secrétariat de l’OCDE tient aussi à remercier vivement tous les responsables et
agents du ministère des Finances pour la coordination de toutes les activités inscrites dans
le projet « Une gouvernance efficace au service de la transition politique et de la
prospérité économique en Tunisie ». Sa reconnaissance s’adresse particulièrement aux
membres :
du Cabinet du ministre des finances
de l’Unité de la GBO, chargée de la coordination de la réforme
du Comité Général d’Administration du Budget de l’État
de la Direction Générale des Ressources et des Équilibres
de la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Recouvrement.
Il est aussi particulièrement reconnaissant aux différentes structures publiques dont la
contribution à ce rapport a été essentielle ; à ce titre, il convient de citer spécialement les
représentants :
des différents groupes de travail et commissions chargées de la mise en œuvre de
la réforme
de la banque centrale de Tunisie
des unités de la GBO des ministères des Finances, de l’Agriculture, de l’Emploi,
des Affaires Sociales, de l’Équipement
de la Cour des Comptes
du Comité Général de Contrôle des Dépenses Publiques
du Centre Informatique du Ministère des Finances
de
la direction générale du plan, au Ministère du développement, de
l’investissement et de la coopération internationale
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10 – REMERCIEMENTS
de la Direction Générale des Affaires Régionales et la Direction Générale des
Finances Locales, au ministère de l’Intérieur
de la Caisse des Prêts et de Soutien des Collectivités Locales
de la Commission des Finances, de la Planification et du Développement, à
l’Assemblée des Représentants du Peuple.
L’OCDE étend ses remerciements aux responsables publics qui ont agi en tant que
pairs évaluateurs : Philip Mariscal (Belgique), Raymond Bausch (Luxembourg), et Gis
De Vries (Pays Bas).
Cette évaluation a été préparée par la Direction de la Gouvernance Publique et du
Développement Territorial de l’OCDE, dirigée par Rolf Alter. Elle s’inscrit dans le projet
« une gouvernance efficace au service de la transition politique et de la prospérité
économique en Tunisie », géré par la Division des Examens de la Gouvernance et des
Partenariats, sous la responsabilité de Martin Forst. Le rapport intitulé
Une meilleure
performance pour une meilleure gouvernance publique en Tunisie : la Gestion
Budgétaire par Objectifs
a été élaboré sous la direction stratégique de Miriam Allam,
Chef du Programme MENA-OCDE pour la Gouvernance. Le processus d’évaluation par
les pairs et de rédaction a été dirigé par Amira Tlili, coordinatrice du projet « une
gouvernance efficace au service de la transition politique et de la prospérité économique
en Tunisie », avec l’appui de Ronnie Downes, Lisa Van Trapp et Scherie Nicol. Le
rapport a été rédigé par Amira Tlili et Richard Martinez. Il a aussi reçu les contributions
des pairs participants aux activités de renforcement de capacité : Gijs De Vries,
Danielle Lajoumard, Raymond Bausch, Philip Mariscal, ainsi que celles de
Delphine Moretti, Roula Sylla, Moritz Ader et Jean-Jacques Hible. Le soutien
administratif a été assuré par Katarzyna Weil, Delphine Mergier, Najat Lachal et
Michelle Ortiz. Ciara Muller a apporté un appui éditorial et a préparé le manuscrit en vue
de sa publication.
L’évaluation et les recommandations proposées par cette étude ont été présentée au
réseau des Hauts Responsables du Budget de la région MENA lors de leur 8
ème réunion en
décembre 2015 à Doha, sous la présidence de Martin Kelleners (Allemagne) et Bader Al-
Qayed (Qatar). Elles sont en harmonie avec les recommandations et engagements liés au
Partenariat du Gouvernement Ouvert, dont la Tunisie fait partie depuis 2014.
L’étude Une meilleure performance pour une meilleure gouvernance publique en
Tunisie : la Gestion Budgétaire par Objectifs
a été établie conformément au mandat du
projet « une gouvernance efficace au service de la transition politique et de la prospérité
économique en Tunisie », confié à l’OCDE par le Partenariat de Transformation allemand
avec la Tunisie. L’OCDE souhaite exprimer sa profonde gratitude au ministère fédéral
allemand des affaires étrangères, et notamment Michael Reuss et Stefan Aus Dem Siepen,
dont le soutien financier et les encouragements ont été déterminants dans la réalisation de
cette étude, ainsi qu’à l’ambassade d’Allemagne en Tunisie, et notamment S.E.
l’ambassadeur Reinicke, S.E. l’ambassadeur Heimsoeth et S.E. l’ambassadeur Hoffman
pour leur soutien et leurs encouragements.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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TABLE DES MATIÈRES – 11
Table des matières
Acronymes et abréviations ............................................................................................................... 15
Résumé ............................................................................................................................................ 17
Évaluation et recommandations .................................................................................................... 19
Introduction .................................................................................................................................... 27
Chapitre 1. Le nouveau contexte constitutionnel et la gestion budgétaire par objectifs........... 43
Le cadre constitutionnel et législatif actuel des finances publiques en Tunisie .......................... 44
La performance et la vision programmatique du projet de LOB ................................................ 49
Notes ........................................................................................................................................... 60
Références ................................................................................................................................... 61
Chapitre 2. La procédure budgétaire ............................................................................................ 63
Le calendrier et les acteurs de la préparation du PLF ................................................................. 64
L’examen et le vote par le parlement du PLF ............................................................................. 70
Les moyens du travail budgétaire et la transparence de l’ARP et de ses membres ..................... 75
Notes ........................................................................................................................................... 79
Références ................................................................................................................................... 80
Chapitre 3. Les outils de suivi et d’évaluation de la performance .............................................. 81
Les documents de la performance ............................................................................................... 82
Résultats de l’expérimentation et l’évaluation de la performance .............................................. 88
Notes ........................................................................................................................................... 92
Références ................................................................................................................................... 93
Chapitre 4. L’exécution complexe de la dépense publique .......................................................... 95
L’exécution traditionnelle de la dépense publique ...................................................................... 96
Les évolutions récentes de la procédure de contrôle ................................................................... 98
La poursuite de la modernisation du contrôle de la dépense avec la GBO ............................... 100
Notes ......................................................................................................................................... 105
Références ................................................................................................................................. 106
Chapitre 5. Le responsable de programme et le comptable public ........................................... 107
Le statut de l’ordonnateur et l’apparition du responsable de programme ................................. 108
L’affirmation attendue du responsable de programme .............................................................. 111
Le renforcement du comptable public ....................................................................................... 112
Notes ......................................................................................................................................... 117
Références ................................................................................................................................. 118
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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12 – TABLE DES MATIÈRES
Chapitre 6. Le renouveau du contrôle de la performance ......................................................... 119
Le contrôle de la performance dans certains pays membres de l’OCDE .................................. 120
Le contrôle de la performance en Tunisie ................................................................................. 126
Notes ......................................................................................................................................... 132
Références ................................................................................................................................. 133
Chapitre 7. Le changement de la comptabilité publique ........................................................... 135
Le réseau comptable et son système d’information .................................................................. 136
Les techniques comptables en Tunisie ...................................................................................... 139
Le changement de la comptabilité publique .............................................................................. 143
Notes ......................................................................................................................................... 155
Références ................................................................................................................................. 156
Chapitre 8. L’évolution du système d’information .................................................................... 157
La pluralité du SI budgétaire et comptable tunisien .................................................................. 160
Le système d’information et la GBO ........................................................................................ 163
Choix stratégiques et solutions d’attente ................................................................................... 166
Notes ......................................................................................................................................... 172
Références ................................................................................................................................. 172
Chapitre 9. Les contrôles administratifs externes et la Cour des Comptes ............................. 173
Les contrôles administratifs externes au service contrôlé ......................................................... 174
La Cour des Comptes ................................................................................................................ 178
Notes ......................................................................................................................................... 189
Références ................................................................................................................................. 189
Chapitre 10. Les conditions institutionnelles de la réussite ....................................................... 191
Consolider les succès de la GBO .............................................................................................. 192
Une gouvernance forte, structurée et participative .................................................................... 194
Le changement des structures de l’administration .................................................................... 198
L’évolution de la fonction publique .......................................................................................... 200
Notes ......................................................................................................................................... 204
Références ................................................................................................................................. 205
Tableaux
0.1. Tunisie : croissance réelle du PIB et solde des comptes courants ............................................. 30
0.2. Dette brute consolidée des administrations publiques ............................................................... 32
0.3. Inflation selon l’indice des prix à la consommation .................................................................. 32
1.1. Présentation classique de la loi de finances (partie relative aux dépenses) ............................... 52
1.2. Exemple du projet en cours de discussion de présentation programmatique
du budget du MEHAT ...................................................................................................................... 52

1.3. Comparatif du contenu et des annexes du projet de loi de finances .......................................... 57
2.1. Crédits pour dépenses imprévues (titres 1 et 2 de la loi de finances) ........................................ 74
3.1. PAP 2014 du ministère de l’enseignement supérieur : répartition par programmes ................. 84
4.1. Les contrôles actuels de la dépense publique ............................................................................ 98
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TABLE DES MATIÈRES – 13
Graphiques
0.1. Évolution des dépenses en Tunisie (en pourcentage du PIB) .................................................... 31
0.2. Part de l'encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les
exportations ...................................................................................................................................... 31

0.3. Index de la budgétisation axée sur la performance dans les pays de l’OCDE .......................... 35
0.4. Chronogramme du projet de la GBO en Tunisie ....................................................................... 39
3.1. Exemple de mission : enseignement supérieur et recherche scientifique, présentation
des programmes et sous-programmes .............................................................................................. 84

3.2. Chaîne des résultats ................................................................................................................... 88
7.1. Le décret n 99-529 fixant la nomenclature des dépenses du budget de l’État ......................... 140
8.1. Les différentes ressources d’organisation d’un système d’information .................................. 159
8.2. Cartographie du SI tunisien et flux associés............................................................................ 163
8.3. Le système d’information budgétaire et comptable français et la dématérialisation
des pièces de la dépense ................................................................................................................. 165

Encadrés
0.1. Indice de la performance budgétaire ......................................................................................... 34
1.1. La transformation de la présentation et de la structure du budget pour mieux faire
apparaître les performances .............................................................................................................. 51

1.2. Le principe de transparence dans loi organique de stabilisation budgétaire et financière
en Espagne........................................................................................................................................ 56

1.3. La transparence de l’information et le contrôle du Parlement français ..................................... 58
1.4. France : une documentation enrichie dans la loi organique relative aux lois de
finances (LOLF) ............................................................................................................................... 58

2.1. L’établissement du budget en Allemagne ................................................................................. 67
2.2. Les acteurs de la préparation du budget au Canada .................................................................. 68
2.3. Le rôle du parlement dans la gestion budgétaire axée sur la performance dans certains
pays de l’OCDE ............................................................................................................................... 69

2.4. Les principales dispositions financières contenues dans l’article 134 de la
constitution espagnole ...................................................................................................................... 78

3.1. Le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) en France .................................... 90
4.1. Les procédures particulières de l’exécution du budget au Luxembourg ................................. 104
5.1. Le nouveau régime de responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable
public en droit français ................................................................................................................... 116

6.1. La procédure de contrôle interne au Luxembourg .................................................................. 122
6.2. Les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels en France.......................................... 123
6.3. L’exemple de l’organisation du service de contrôle budgétaire et comptable
ministériel du ministère de la justice français ................................................................................ 124

6.4. Référentiel intégré de contrôle interne du COSO, inspirant ceux des secteurs privés
et public .......................................................................................................................................... 127

6.5. Exemples de contrôles de gestion en France ........................................................................... 131
7.1. La Direction générale des finances publiques française .......................................................... 138
7.2. L’impact de la LOLF française sur la comptabilité de l’État .................................................. 142
7.3. Normes d’information financière et de certification – Canada : Que sont
les normes comptables ? ................................................................................................................. 152

7.4. Les autorités des normes comptables françaises ..................................................................... 153
8.1. La Commission de gouvernance des systèmes d’information et de communication
du Canton de Genève ..................................................................................................................... 169
8.2. CHORUS – Le système d’information budgétaire et comptable français ............................... 170
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14 – TABLE DES MATIÈRES
Encadrés (suite)
9.1. La Cour des Comptes espagnole ............................................................................................. 186
9.2. Enquête par le Bureau Australien d’Audit National des membres du comité
parlementaire et des secrétaires du comité ..................................................................................... 186

10.1. La budgétisation par la performance, un instrument de modernisation de
la gestion publique ......................................................................................................................... 199

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ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS – 15
Acronymes et abréviations
AE
ANC
ARP
BAAN
BAD
BCT
BOP
CBCM
CCP
CDMT
CDP
CGABE
CGDEAF
CGF
CGSP
CHD
CIAP
CIMF
CNC
CNI
CNOCP
COSO
CP
DAF
DCF
DGCPR
DGFiP
DGRE
EPA
FMI
FONDAFIP
GAO
GBO
GPEEC
GRH
HCCAF
IGAE
IGF
INS
INTOSAI
Autorisations d’engagement
Autorité des normes comptables
Assemblée des représentants du peuple
Bureau australien d’audit national
Banque africaine de développement
Banque centrale de Tunisie
Budgets opérationnels de programme
Contrôleur budgétaire et comptable ministériel
Compte courant postal
Cadre des dépenses à moyen terme
Contrôleur des dépenses publiques
Comité général de l’administration du budget de l’État
Contrôle général des domaines de l’État et des affaires foncières
Contrôle général des finances
Contrôle général des services publics
Contrôle hiérarchisé de la dépense
Comité interministériel d'audit des programmes
Centre informatique du ministère des Finances
Conseil national de la comptabilité
Centre national de l’informatique
Conseil de normalisation des comptes publics
Committee Of Sponsoring Organizations of the Treadway
Commission
Crédits de paiement
Directeur administratif et financier
Direction du contrôle financier
Direction générale de la comptabilité publique et du recouvrement
Direction générale des finances publiques
Direction générale des ressources et des équilibres
Établissements publics administratifs
Fonds monétaire international
Association pour la fondation internationale de finances publiques
Government Accountability Office
Gestion Budgétaire par Objectifs
Gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences
Gestion des ressources humaines
Haut comité de contrôle administratif et financier
Contrôleur général de l'administration d'État
Inspection générale des finances française
l’Institut national de la statistique
Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle
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16 – ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS
IP
ISC
ISO
ITCEQ
JPE
LF
LFR
LOB
LOLF
LRB
MDICI
MEHAT
MENA
NAO
NGP
OCDE
PAC
PAP
PCGR
PGI
PGT
PLF
PLR
RAP
SI
TGT
TIC
TND
TOFE
UE
USD
Indicateurs de performance
Institution supérieure de contrôles
Organisation internationale de normalisation
Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives
Justification des crédits au premier euro
Loi de finances
Lois de finances rectificatives
Loi organique du budget
Loi organique relative aux lois de finances
Loi de règlement du budget
Ministère du développement, de l’investissement et de la coopération
internationale
Ministère de l’équipement, de l'habitat et de l'aménagement du
territoire
Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord
National Audit Office
Nouvelle gestion publique
Organisation de coopération et de développement économiques
Public Accounts Committee
Projets annuels de performance
Principes comptables généralement reconnus
Progiciel de gestion intégré
Paierie générale de Tunis
Projets de loi de finances
Projet de loi de règlement
Rapports annuels de performance
Système d’information
Trésorerie générale de Tunisie
Technologies de l'information et de la communication
Dinar tunisien
Tableau des opérations financières de l'État
Union européenne
Dollars américains
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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RÉSUMÉ – 17
Résumé
La gestion budgétaire par objectifs (GBO) tend à réformer en profondeur le budget et
la gestion de l’État tunisien et y à instaurer la recherche de la performance, afin
d’optimiser la dépense publique et accroître l’efficacité de l’action publique pour le
bénéfice de tous. Entamée en 2004, sa mise en œuvre a connu une accélération
importante en 2012, à la suite de
la Révolution pour la dignité, et de la décision politique
d’entreprendre une expérimentation de grande ampleur.
Le rapport intitulé Une meilleure performance pour une meilleure gouvernance
publique en Tunisie : la Gestion Budgétaire par Objectifs
examine le droit budgétaire à la
lumière des dispositions de la Constitution du 27 janvier 2014, qui instaure un régime
parlementaire rationnalisé au sein duquel l’Assemblée des représentants du peuple (ARP)
joue le premier rôle. Il montre le fonctionnement parallèle du droit budgétaire classique et
de l’expérimentation de la GBO, conduisant à la transmission à cette assemblée, pour
information, de projets de loi de finances programmatiques (PLF). Il expose que cette
technique budgétaire serait susceptible d’aider le parlement à remplir pleinement sa
mission mais qu’elle requiert l’adoption rapide, d’une part, de la nouvelle loi organique
du budget (LOB), d’autre part, la poursuite de l’approche programmatique, et, enfin, la
préparation et l’adoption méthodiques de la législation financière subséquente.
Le document analyse de manière détaillée la préparation, l’examen et le vote de la loi
de finances. Il constate que la préparation du projet relatif à cette loi reste de la
responsabilité exclusive du gouvernement et repose de manière implicite sur la distinction
entre les dépenses de fonctionnement et celles de développement. De même, le pouvoir
budgétaire de l’ARP demeure très encadré et son exercice apparaît difficile en raison de
ses moyens matériels et humains réduits.
L’étude relève, ensuite, qu’un travail considérable de conception des outils de suivi et
d’évaluation de la performance dans la GBO, notamment des projets et rapports annuels
de performance, et des indicateurs de performance, a été accompli. Ces efforts de
renforcement de la transparence au niveau de la gestion budgétaire ont permis à la
Tunisie de devenir membre du Partenariat du Gouvernement ouvert en 2014. Par ailleurs,
les expérimentations actuelles concernant ces outils dans les ministères tunisiens
s’avèrent prometteuses. L’étude observe, toutefois, que leur mise en œuvre dans les
différents ministères reste hétérogène, et que le parlement n’utilise pas suffisamment ces
outils.
Le rapport considère la procédure actuelle d’exécution de la dépense publique et les
opérations accomplies par l’ordonnateur, le contrôleur des dépenses publiques (CDP) et
le comptable public et leurs interactions. Il rappelle les difficultés ayant conduit
dernièrement à l’introduction du contrôle hiérarchisé de la dépense publique et à la
programmation des dépenses. Il note que ces évolutions n’ont résolu qu’une partie des
difficultés de la chaîne de la dépense publique qui tend à devenir moins efficiente.
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La place complexe de l’ordonnateur et la nécessité de créer un statut juridique pour le
responsable de programme, lui accordant les moyens de diriger véritablement son
programme se trouvent, par ailleurs, examinées. Il en ressort que la GBO fera évoluer de
manière cruciale le rôle, le statut et le régime de responsabilité du comptable public.
Des exemples en matière de contrôle interne, de gestion et de la performance
montrent que le contrôle préalable de la dépense publique dans certains pays membres de
l’OCDE se révèle exceptionnel. L’étude rappelle que le contrôle de la performance se
rattache à la notion de contrôle de gestion. Elle expose les particularités du CDP en
Tunisie et des options susceptibles de guider les autorités tunisiennes dans le choix de
leur propre système de contrôle de la performance.
Après avoir présenté l’organisation nationale du réseau comptable et son système
d’information, il apparaît que la technique de comptabilité de caisse et en partie simple
employée dans le pays ne répond qu’imparfaitement aux besoins actuels de la gestion
publique. En contrepoint, l’examen attentif du projet de passage à une comptabilité en
partie double et droits constatés, établi par les autorités tunisiennes, montre sa pleine
intégration dans la logique de la GBO.
Il se trouve, par ailleurs, observé que la GBO requiert un système d’information (SI)
budgétaire et comptable effectuant un nombre considérable d’opérations complexes. Il
n’a, toutefois, pas été possible de déterminer si le SI tunisien actuel, même modifié, serait
en mesure de supporter le fonctionnement de la GBO. Il ressort, en revanche, qu’un
système efficace de la gouvernance du SI serait à instaurer très rapidement.
Les contrôles administratifs externes et le contrôle juridictionnel de la Cour des
Comptes se trouvent aussi analysés. Il en résulte que les contrôles généraux pourraient
être regroupés en un seul corps, afin d’améliorer leur gestion et leur efficacité. Il est
observé également que la Constitution de 2014 attribue de nouvelles missions à la Cour
des Comptes, en particulier, au profit de l’ARP. Dès lors, cette institution devrait
bénéficier très rapidement d’une nouvelle loi organique fixant son statut et ses fonctions.
Il semble, par ailleurs, que la Cour éprouve de difficultés importantes pour remplir ses
missions juridictionnelles et que la situation des comptes de l’État rend problématique la
déclaration de conformité et leur certification. Le rapport insiste, enfin, sur la nécessité
que la réforme de la GBO aille au-delà des finances publiques et constitue un levier de
modernisation de l’administration et de l’État tunisiens.
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ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS – 19
Évaluation et recommandations
L’évaluation de la mise en œuvre de la gestion budgétaire par objectifs (la GBO) en
Tunisie a conduit l’OCDE à examiner les politiques publiques ainsi que les institutions et
administrations particulièrement concernées par cette technique de gestion. Elle a porté
sur le cadre réglementaire et les pratiques relatives à la dépense publique, en partant de la
préparation de la loi des finances et allant jusqu’aux contrôles de son exécution. Elle a
intégré les aspects législatifs, fonctionnels et organisationnels. Elle a aussi porté sur des
aspects techniques, rarement étudiés, tenant à la gestion comptable et aux systèmes
d’information nécessaires à la GBO. A la lumière de ses travaux, notamment la
Recommandation du Conseil de l’OCDE sur la gouvernance budgétaire (OCDE, 2015),
et de l’expérience de ses pays membres, l’OCDE a formulé des propositions
d’amélioration et a invité à une réflexion pour que la GBO devienne un levier de
modernisation de l’administration et de l’État tunisiens.
L’évaluation de l’application de la GBO, conduite par l’OCDE en Tunisie a montré
des résultats positifs importants mais qui restent encore d’une portée limitée.
Une application limitée jusqu’au renouveau de 2012…
D’un point de vue législatif, la réforme de la loi organique du budget (LOB), en 2004,
a constitué une étape importante. Cependant, les craintes provoquées par l’ampleur des
changements induits par la GBO ont retardé son application qui n’a réellement débuté
qu’avec le renouveau consécutif à la Révolution de 2011.
En juin 2012, à la suite d’une décision politique forte des autorités tunisiennes, une
expérimentation de grande ampleur de la GBO a été lancée. Ce programme de réforme
cherchait à garantir l’adaptation des finances publiques à la GBO, l’instauration d’un
système d’audit des programmes et la proposition d’une approche de pilotage des
programmes par la performance. Il comptait initialement cinq thèmes : la refonte de la
nomenclature budgétaire ; la modernisation du système de comptabilité publique ; la
l’instauration d’un système
modernisation du système de contrôle budgétaire ;
d'information financière globale ; la révision du cadre législatif et règlementaire ; et la
mise en place des modes efficaces d’exécution des programmes en accord avec la gestion
axée sur la performance.
Le programme a
intégré ultérieurement
l’évolution des normes comptables
tunisiennes vers les standards internationaux ; l’accompagnement organisé des ministères
préfigurateurs de la GBO ; l’établissement d’outils pour le dialogue de gestion entre les
acteurs de la chaîne de la dépense publique ; et, la dématérialisation des procédures
budgétaires et comptables. Naturellement, ces éléments ont nécessité d’intégrer la
réforme du système d’information, fondé sur l’informatique, et les dispositifs d’échange
et d’emploi de l’information comptable et financière. La mise en place de la GBO a
toutefois aussi eu des incidences sur l’ensemble des mécanismes de contrôle externes,
auxquels participe notamment la Cour des Comptes.
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Des objectifs ambitieux et des succès indéniables dans tous les domaines…
Les objectifs assignés à l’expérience de la mise en œuvre de la GBO en Tunisie ont
été ambitieux, tant sur le plan institutionnel (ex. révision du cadre législatif et
réglementaire, instauration d’un système global d’information budgétaire et financière),
que sur le plan technique (ex. réforme de la nomenclature budgétaire et comptable,
révision du règlement général de la comptabilité publique). Ces objectifs forment des
défis considérables pour tous les pays, et en particulier, pour la Tunisie qui subit une
situation postrévolutionnaire dans un contexte régional dégradé. Malgré ces contraintes,
la Tunisie a atteint des résultats importants. Le premier succès a été l’élaboration d’un
projet de loi organique du budget qui a été établi et est aujourd’hui à l’examen au
parlement. De même, les expérimentations « départementales » (ministérielles) ont
autorisé une modernisation partielle de la présentation budgétaire, à législation constante.
Le projet de loi de finances a ainsi été présenté pour information du parlement, sous un
format programmatique (projets annuels de performance -PAP-), selon des modèles
homogènes pour l’ensemble des ministères et une méthode d’évaluation de la
performance et des indicateurs de performance ont aussi été établis.
Par ailleurs, dans les ministères dans lesquels la cartographie des programmes
ministériels paraît la plus en avance, la responsabilisation des responsables de
programmes a provoqué des réflexions fructueuses sur la structuration et l’organigramme
des ministères concernés.
Une plus grande souplesse d’exécution de la dépense publique a aussi été
expérimentée avec la réforme du système de contrôle des dépenses publiques, la
réduction progressive du contrôle
a priori au profit d’un contrôle a posteriori, et la
création d’un contrôle hiérarchisé de la dépense publique.
Un travail remarquable a aussi été entrepris concernant le système de la comptabilité
publique. Celui-ci tend à doter la Tunisie d’une comptabilité publique en partie double et
retraçant la situation patrimoniale de la collectivité publique. Ainsi un début de nouvelle
nomenclature comptable a été expérimenté et une disposition de la loi des finances de
2014 a créé le comité des normes comptables, sans que cette instance ait pour l’instant
débuté son activité.
Une expérimentation de portée limitée du système d’information « modernisé » a,
enfin, été lancée dans la Paierie Générale de Tunisie et devrait être étendue à d’autres
postes comptables.
Il s’agit, en conséquence, de progrès considérables sur la voie de l’instauration
complète de la GBO. Ces progrès se heurtent, pourtant, à des nœuds gordiens de nature à
bloquer la poursuite de la réforme.
La persistance d’éléments défavorables…
De manière générale et logiquement, la situation postrévolutionnaire et les
changements institutionnels et administratifs, qui en ont résulté, n’ont pas permis la
progression toujours régulière de l’instauration de la GBO. Concernant précisément la loi
de finances, bien que la réforme budgétaire ait été envisagée dès 2004, annoncée en 2008
et relancée en 2010-2011, elle est restée préparée, présentée et votée par le parlement
suivant les règles classiques. Cette institution a continué à, d’abord, être mal informée et,
ensuite, peu sensible à la logique de la performance de la dépense publique, et toujours
privée des moyens suffisants pour évaluer les projets qui lui sont présentés et contrôler
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l’exécution des lois de finances. Le budget donc continue d’être approuvé et contrôlé
selon les mécanismes classiques.
L’homogénéité de la conception et de l’action de l’État souffre, de son côté, de la
dichotomie entre le ministère des Finances et le ministère du Développement, de
l’investissement et de la coopération internationale, qui affecte la capacité pour le comité
les dépenses
l’administration du budget de peser réellement sur
général de
d’investissement, d’autant plus que dans la situation postrévolutionnaire, ce comité a été
tenu à l’écart des choix fondamentaux en matière de recrutement d’agents publics et
d’évolution de la masse salariale.
Dans la réalité, les liaisons entre le tableau des opérations financières de l'État
(TOFE), le cadre des dépenses à moyen terme (CDMT), le plan de développement et la
loi des finances de l’année n’ont pas été établies. Si bien que pour l’instant, la préparation
des PAP et des RAP demeure assez largement un exercice académique, sans impact réel
sur les choix publics et la gestion ; les indicateurs de la performance nécessitent aussi de
faire l’objet d’une nouvelle évaluation.
Il est également apparu au cours de l’évaluation par les pairs que les ministères
demeurent à des stades très différents dans la détermination et, encore plus, la mise en
œuvre de leur « cadre de performance ». Cet écart forme indiscutablement une difficulté
et un effort reste à accomplir pour mettre à niveau l’ensemble des ministères.
Suivre pleinement la nouvelle constitution…
Afin d’assurer le plein succès de cette réforme, une des principales recommandations
découlerait du nouvel ordre constitutionnel et de ses effets sur la gestion budgétaire par
objectifs. Ainsi, l’Assemblée des représentants du peuple manifeste la volonté populaire,
il lui revient donc d’assurer un rôle de premier plan dans les orientations, l’examen et le
contrôle des questions budgétaires. Pour ces motifs, elle pourrait :

faire pleinement sien le projet de loi organique du budget. Pour ce faire, elle
nécessiterait de renforcer ses moyens matériels et humains, lui permettant
d’approfondir l’examen de ce texte ;
adopter dans les meilleurs délais le projet de loi organique du budget ;
compléter la législation budgétaire, afin de bénéficier, comme les citoyens, d’une
meilleure information sur les comptes publics. Par exemple, cette législation
prévoirait une annexe au projet de loi de finances sur les comptes des collectivités
locales et les entreprises publiques ;


recourir davantage aux PAP et aux RAP dans son travail ;
tirer pleinement profit des dispositions de la Constitution de sorte à mieux
contrôler l’action du gouvernement, par exemple, en demandant à la Cour des
Comptes des études précises sur des questions d’un intérêt particulier. Il se
révèlerait aussi opportun qu’elle soit plus étroitement associée à la préparation du
projet de loi de finances en instaurant un débat d’orientation budgétaire. La
législation pourrait aussi renforcer les moyens de la commission des finances de
l’ARP, par exemple, en lui accordant le droit d’accéder à tout document
administratif et comptable utile.
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Améliorer le système complexe d’exécution de la dépense publique…
L’exécution du budget n’accorde encore que très peu de souplesse à des gestionnaires
dont la responsabilité n’a pas été fixée par référence à un cadre de performances établi.
Les systèmes de contrôle de la gestion, des dépenses engagées et des paiements n’ont
encore été que partiellement modernisés et leur évolution se trouve loin d’avoir atteint le
degré de cohérence et d’harmonisation souhaitable. Le système d’exécution de la dépense
publique demeure encore, malgré les réformes récentes qu’il a connues, complexe et peu
efficient.
Un certain nombre de recommandations s’avèrent destinées à améliorer ce système.
Dans cet ordre d’idée, le rapport suggèrerait de :
améliorer la définition des objectifs des valeurs cibles des indicateurs de mesure
de la performance ;

renforcer le lien entre le volet relatif à la performance et celui portant sur le
budget ;
adopter le décret fixant les attributions des responsables de programmes ;
créer un comité d’audit des programmes ;
et concevoir et rendre des comptes sur les missions interministérielles.
Transformer le dialogue de gestion…
Le dialogue de gestion n’a pas assez évolué dans le sens de la performance. En effet,
d’une part, l’ordonnateur et le contrôleur des dépenses publiques n’ont pas vu leurs
positions évoluer suffisamment et, d’autre part, le responsable de programme n’a pas
encore acquis un véritable statut juridique et n’est pas devenu le véritable chef de son
programme. De même, le comptable ne forme pas encore l’axe central des finances
publiques. Le modèle de dialogue de gestion en place ne permet pas des échanges
efficaces entre l’ordonnateur, le contrôleur des dépenses publiques et le comptable. Il
conduit à des traitements redondants et lents et ne crée pas les conditions pour que chaque
intervenant remplisse pleinement ses fonctions.
Le rapport formule des recommandations importantes dans ce sens. Dès lors, il
semblerait nécessaire de modifier réellement ce modèle. Pour cela, il serait souhaitable
de :


faire évoluer le régime de la dépense publique, par exemple, en fusionnant en une
seule opération la liquidation et l’ordonnancement de la dépense publique, ou en
étendant le contrôle hiérarchisé de la dépense publique aux marchés publiques ;
faire du responsable de programme le véritable chef (pilote) de son programme.
Pour ce faire, il conviendrait de lui donner les moyens de remplir pleinement sa
mission. D’où le besoin de faire du directeur administratif et financier du
ministère (DAF) un véritable spécialiste, assistant le responsable de programme
dans la préparation et l’exécution de l’ensemble de la dépense. Il serait aussi
opportun de conforter le responsable de programme face à son ministre de tutelle,
par exemple, en prévoyant l’établissement d’une lettre de mission, déterminant
ses objectifs, ses moyens et les résultats attendus. Il faudrait aussi renforcer sa
situation juridique par l’adoption du décret portant sur son statut, (préparé et
transféré à la Présidence du gouvernement) ;
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clarifier le régime financier et de responsabilité des ordonnateurs. Pour cela, il
serait bon de soumettre les ministres et les élus politiques à la Cour de discipline
financière ;

rattacher le service du contrôle général des dépenses publiques au ministre des
finances, en vue de mieux garantir la soutenabilité de la dépense publique. Il
conviendrait aussi de renforcer le contrôle partenarial du CDP et du comptable
public de sorte à réduire les doubles contrôles inutiles ;
mettre en place un système de contrôle de la performance de la dépense et de la
gestion publiques. Pour instaurer le système le plus adéquat, la Tunisie pourrait
s’inspirer des expériences des pays membres de l’OCDE décrites dans ce rapport
ainsi que dans le rapport de l’OCDE sur
Le contrôle interne et la gestion des
risques pour renforcer la gouvernance en Tunisie
(OCDE, 2016), qui avance des
recommandations sur la mise en place d’un système de contrôle interne et de
gestion des risques en Tunisie ;

réaffirmer le rôle du comptable public en faisant de lui l’expert des comptes
publics et le fournisseur de référence des informations financières au responsable
de programme. En même temps, il conviendrait d’engager une réflexion
approfondie sur l’évolution de son régime de responsabilité en se fondant sur la
réalité du dommage financier subi par la collectivité publique.
Achever la réforme du système comptable…
Le système de comptabilité en partie simple ne fournit qu’une image sommaire de la
situation budgétaire et ne permet pas de réaliser un inventaire du patrimoine, ni de
déterminer le bilan des administrations publiques. Il n’échappe, en particulier, pas à toute
critique, comme le montre l’existence d’un certain nombre de comptes d’attente,
d’opérations injustifiées et de restes à recouvrer. Ce système ne facilite donc pas la
clôture annuelle des comptes, faisant que la « période complémentaire » d’exécution dure
plusieurs mois.
A fortiori, ces comptes ne permettent pas, sauf apurement décisif,
l’établissement d’un inventaire des biens et d’un bilan d’entrée de l’État et des
collectivités territoriales (sans évoquer les entreprises publiques qui n’ont pas été
abordées dans ce rapport, en raison de leurs spécificités).
Or, le système comptable s’avère un enjeu considérable pour le succès de la GBO en
Tunisie. En effet, il constitue le langage commun de l’administration et son adéquation à
la GBO se révèle donc déterminante. Pour ce motif, le rapport d’évaluation de
l’évaluation par les pairs a formulé des propositions importantes tendant à :
étendre et finir l’expérimentation comptable en cours. En particulier, il
conviendrait d’achever la préparation de la nouvelle nomenclature comptable et la
déployer de façon progressive à l’ensemble des principaux postes comptables du
pays ;
adopter les nouvelles règles comptables conformes aux standards internationaux
et prévoir un calendrier de la réforme comptable de l’État ;

instaurer un nouveau plan comptable de l’État demeure une nécessité. De même,
il serait opportun de mettre en marche le conseil national des normes des comptes
publics qui établira la règlementation permettant le fonctionnement de la
comptabilité publique.
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Faire évoluer le système d’information d’application de la GBO…
Le système d’information des finances publiques (SI), techniquement centralisé,
demeure institutionnellement éclaté et apparaît aujourd’hui dans l’ensemble ancien, tout
en répondant aux besoins limités ressortant de normes budgétaires dépassées. Aucune
véritable évaluation sur la capacité du système d’information budgétaire et comptable n’a
été effectuée, en vue de déterminer sa capacité à supporter la mise en place complète de la
GBO.
L’évolution du système d’information afin d’appliquer la GBO demeure un défi
majeur. En effet, sans un système d’information en mesure de porter le très grand nombre
d’opérations nécessaires à la pleine application de la GBO, cette réforme ne pourra pas
aboutir. Or, aujourd’hui, il ne paraît pas possible d’affirmer de façon définitive si le
système actuel se trouve en mesure d’évoluer ou si un nouveau système serait requis.
Afin de mettre le SI en état de porter la GBO, des choix rapides s’imposent. Aussi serait-
il proposé de :
mettre en place une gouvernance appropriée. Celle-ci garantirait la cohérence
fonctionnelle du SI cible de la GBO, complémentaire des gouvernances existantes
pour les sous-ensembles du SI. Cette gouvernance passerait par la constitution
d’un comité directeur des systèmes d’information, qui serait le maître d’ouvrage
stratégique, responsable opérationnel du nouveau SI d’application de la GBO et
en mesure d’adopter les mesures nécessaires pour l’établissement d’un schéma
directeur informatique, dans les meilleurs délais ;
poursuivre la dématérialisation des actes de procédure et mettre en place un
système de centralisation en mesure de gérer les états financiers ;
améliorer les procédures d’interfaçage entre les systèmes d’information (ADEB,
RAFIC, SIADE, SADEC, SINDA, INSAF, etc.).
Réformer les contrôles administratifs externes et la Cour des Comptes…
La mise en place de la GBO impliquerait aussi de réformer les contrôles
administratifs externes au service contrôlé et la Cour des Comptes. Pour cela, les
propositions suivantes pourraient être étudiées :
A. Concernant les contrôles administratifs externes

regrouper les contrôles généraux dans un seul corps, disposant des garanties
statutaires permettant à ses membres de remplir de la façon la plus autonome
possible leur mission, tout en restant subordonnés au gouvernement. Il serait aussi
opportun de fusionner certaines inspections ministérielles jusqu’à réduire leur
nombre à environ 10 ;
examiner les différentes options de rattachement du nouveau contrôle général :
soit à la Présidence du gouvernement, ou au ministre des finances, soit sous leur
double tutelle. Dans tous les cas, garantir que tous les ministres aient la possibilité
de demander des travaux au nouveau contrôle général, selon un ordre arrêté par le
Chef du gouvernement.
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B. Concernant la Cour des Comptes
établir une collaboration forte entre l’ARP et la Cour des Comptes donnant sa
pleine portée à l’article 117 de la Constitution ; instaurer rapidement un protocole
de travail permettant à l’assemblée de recourir à la Cour des Comptes sans
l’empêcher pratiquement de conduire ses travaux selon ses propres priorités ;
prévoir que le rapport annuel de la Cour des Comptes est présenté et débattu en
séance plénière de l’ARP ;
continuer à mettre à niveau l’ensemble de la fonction juridictionnelle et
financière, qu’elle porte sur les comptes des comptables ou les fautes de gestion
des ordonnateurs en y incluant les élus politiques et ministres ;
confier à la Cour des Comptes le suivi de ses observations et recommandations ;
procéder à la mise en état des comptes par l’administration, d’abord, en
améliorant le fonctionnement des postes comptables, ensuite, en lançant une
campagne d’apurement des comptes de sorte à résoudre les causes systémiques
des défaillances qui aboutissant finalement à la Cour des Comptes.

Créer les conditions institutionnelles de la poursuite de la réforme…
Pour réussir la reforme portant sur la GBO, il se révèle nécessaire de réunir un certain
nombre de conditions institutionnelles. Par ailleurs, pour contribuer à une croissance
inclusive, la GBO devrait produire des évolutions dépassant largement le seul cadre
budgétaire, comptable et financier. La poursuite vers une pleine instauration de la GBO
en Tunisie requerrait donc de :
construire une gouvernance forte, capable, en premier, de concevoir la réforme
des finances publiques et de l’État, et en second, de la prendre à bras-le-corps ;
développer une stratégie claire et fondée sur un calendrier réaliste, établie à
travers un consensus politique porteur de la réforme, à laquelle la large majorité
de l’ARP participerait ;

renforcer l’unité centrale de la GBO, tant en effectifs qu’institutionnellement,
pour la doter des compétences nécessaires au pilotage de la réforme au niveau
interministériel ;
associer, sous la direction du Chef du gouvernement, tout le gouvernement à
l’exécution du projet de la GBO, et créer un secrétariat général de réforme de
l'administration publique, placé auprès du Chef du gouvernement ou du ministre
des finances. Celui-ci assurerait la réussite de la réforme en dictant son ordre du
jour et en proposant l’affectation des ressources nécessaires au changement ;
associer
toutes
les parties prenantes (société civile, syndicats,
instances
constitutionnelles indépendantes) dans un dialogue sur la mise en place et les
conséquences de la GBO. Cet échange nécessiterait de se dérouler de manière
ouverte et transparente, selon un calendrier connu à l’avance ;

faire évoluer les structures administratives : examiner l’opportunité de réunir
certains ministères et directions d’administration centrale, ainsi que des services
déconcentrés ou autonomes. En particulier, il conviendrait de réunir le ministère
des Finances et le MDICI. Il serait aussi opportun de renforcer le CGABE en lui
attribuant un plus grand contrôle vis-à-vis des crédits de développement.
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Références
OCDE (2015), Recommandation du Conseil sur la gouvernance budgétaire, Editions
OCDE, Paris www.oecd.org/mena/governance/Recommandation-du-Conseil-sur-la-
gouvernance-budg%C3%A9taire.pdf.
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INTRODUCTION – 27
Introduction
Depuis la Révolution pour la dignité de 2011, la Tunisie a engagé une transformation
considérable de son État et de son organisation administrative qui a porté aussi sur sa
gestion financière. Ce mouvement de mutation des finances publiques apparaît comme la
concrétisation de la volonté exposée en 1996 d’introduire la gestion par objectifs dans le
pays (GBO), renouvelée en 2004 par une modification de la loi organique du budget
(LOB). En effet, malgré ces annonces, les actions conséquentes d’introduction de la GBO
ont tardé, en raison des efforts considérables qu’elle exige et des conséquences lourdes
qu’elle produit.
De manière générale, les règles de gestion des finances publiques prennent place dans
l’ordonnancement constitutionnel des États. La nature de leurs régimes politiques et les
conditions d’exercice du pouvoir politique et administratif interagissent dans ce cadre. La
Tunisie n’a pas échappé à ces principes. Dès lors, il semble nécessaire d’exposer, dans un
premier temps, la nature politique du régime du pays. Mais, tout changement dans le
domaine des
fortement associé au contexte
macroéconomique du pays. Enfin, la GBO tunisienne participe largement au mouvement
de renouveau des finances publiques mondiales, intervenu en particulier dans les pays
membres de l’OCDE et que cette organisation a finement analysé.
finances publiques
trouve
se
La primauté de la démocratie parlementaire et de l’État de droit
La gestion financière prend sa source dans l’ordonnancement politique de l’État.
Depuis quatre ans, la Tunisie a subi de bouleversements inouïs de son organisation
politique et institutionnelle qui ont grandement affecté son droit public financier et sa
pratique. En effet, un profond changement politique et institutionnel a eu lieu en Tunisie
durant les quatre dernières années et une période de transition politique et institutionnelle
a été ouverte en 2011. Le décret-loi nº 14-201 du 23 mars 2011, portant organisation
provisoire des pouvoirs publics, a mis fin à l’ordre institutionnel antérieur, remplacé par
un autre, notamment par la loi constitutionnelle du 16 décembre 2011. Le 26 janvier
2014, une nouvelle constitution a été adoptée par l’Assemblée nationale constituante. Le
26 octobre 2014, des élections parlementaires pour la désignation des membres de
l’Assemblée des représentants du peuple ont eu lieu. Le 21 décembre 2014, le président
de la République a été élu. Le 5 février 2015, un nouveau gouvernement de coalition a été
formé.
La Constitution de 2014 instaure un « régime républicain, démocratique et
participatif ». Manifestant le désir de rompre avec le système de confusion de pouvoirs
existant de fait entre les mains de l’ancien président de la République et son clan, elle
réaffirme avec force que la règle de droit érige le plus sûr rempart contre les abus du
pouvoir. Elle procure, en conséquence, de solides garanties démocratiques tenant au
fonctionnement des pouvoirs publics, de la justice et de la protection des libertés et droits
humains. Elle manifeste, en particulier, la volonté d’aller vers l’égalité sociale et
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28 – INTRODUCTION
régionale. Elle énonce aussi de manière réitérée l’égalité entre les citoyens et les droits
des femmes, les droits et libertés individuelles, collectifs, économiques, sociaux, culturels
et environnementaux. Elle soutient, enfin, la protection des droits de l’enfant et des
personnes handicapées. Si elle prévoit la possibilité du référendum, la nouvelle
constitution a érigé un régime parlementaire, avec la volonté de partager les pouvoirs et
garantir la protection des libertés publiques et la bonne gestion publique. Comme il sera
démontré par la suite, ces principes se reflètent dans le nouveau droit budgétaire du pays.
Un régime parlementaire rationnalisé
En rupture avec le régime précédent, la nouvelle constitution se montre clairement
parlementaire. Ainsi son article 95 énonce que : « Le gouvernement est responsable
devant l’Assemblée des représentants du peuple » (ARP). Parallèlement, la disparation de
la « chambre des Conseillers » de l’ancienne constitution renforce l’ARP, désormais
détentrice de tout le pouvoir législatif.
Le Premier ministre, dénommé maintenant Chef du gouvernement, dispose du
pouvoir exécutif de droit commun. Certes, le président de la République est élu au
suffrage universel direct pour cinq ans (et pour deux mandats consécutifs au maximum).
Le constituant lui a donc accordé une légitimité aussi forte que celle des députés, et
supérieure à celle du Chef du gouvernement. Mais en même temps, il ne bénéficie que de
pouvoirs limités, y compris dans le domaine financier
1. Hormis la politique étrangère, la
défense et la sûreté nationale, ainsi que les prérogatives protocolaires et symboliques
2, il
n’assume pas la politique générale de l’État. Il détient le droit de dissolution de
l’Assemblée. Irresponsable politiquement, il est tenu également d’abandonner toute
responsabilité partisane dès sa prise de fonction (devenant de la sorte, un homme au-
dessus des partis).
La suprématie de l’ARP se manifeste dans son droit d’entreprendre, dans des
conditions assez compliquées
3, une procédure de destitution à l’encontre du président de
la République en raison d'une violation manifeste de la constitution. En contrepartie, le
texte constitutionnel instaure un Premier ministre, nommé par le président et responsable
devant lui et l’Assemblée, autrement dit, explicitement au service de ces deux instances,
mais, dans le même temps, véritable « cerveau » de l’exécutif. Choisi par le président de
la République dans le parti ou la coalition majoritaire à l’assemblée, il ne se trouve pas,
comme les membres du gouvernement, autorisé à cumuler son mandat avec celui de
député. Il peut aussi faire individuellement l’objet -comme ses ministres- d’une motion de
censure, dans des conditions difficiles à mettre en œuvre
4.
Ainsi, la Constitution instaure un parlementarisme rationalisé, soucieux d’éviter
l’omnipotence parlementaire et le régime présidentiel. Elle prévoit la suprématie du
pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif, mais celle-ci se trouve tempérée à la fois par le
rôle du président de la République et celui du Premier ministre, par les attributions
accordées au pouvoir judiciaire et aux collectivités locales, et enfin, par cinq Instances
constitutionnelles indépendantes. Ce nouvel équilibre des pouvoirs transparaît dans
l’organisation du travail budgétaire et dans les procédures d’exécution et de contrôle des
dépenses publiques.
Des pouvoirs législatifs et exécutifs soumis à des contrôles forts
À côté des pouvoirs législatif et exécutif, la nouvelle constitution érige et organise
d’autres pouvoirs qui les tempèrent et contrôlent. La Constitution fait de la sorte des
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INTRODUCTION – 29
collectivités territoriales de véritables pouvoirs. Élues dans le cadre d’une décentralisation
dont les contours restent à préciser et qui se révèle un défi majeur
5, elles auront un rôle
considérable dans le développement économique et social de la nation, mais sans menacer
« l’unité de l’État». Bien entendu, le développement de la déconcentration imposera de
réexaminer les rôles respectifs de l’État et des collectivités locales ainsi que leurs
ressources et dépenses.
Le pouvoir judiciaire, déclaré indépendant par l’article 102 de la Constitution, auquel
appartient la justice financière (article 117), fait l’objet d’un titre, ce qui constitue une
nouveauté. Aux côtés des tribunaux judiciaires, administratifs et financiers, un tribunal
constitutionnel prend place (article 118), dont les membres sont choisis à parts égales, par
le président de la République, le Conseil supérieur de la magistrature et l’Assemblée des
représentants du peuple. Son rôle consiste à contrôler la constitutionnalité des projets et
des propositions de loi. De manière globale, avec la nouvelle constitution la justice se
trouve appelée à exercer un rôle nouveau de contrôle de la loi des finances et de ses
procédures d’exécution.
La dernière innovation réside dans l’apparition de cinq Instances constitutionnelles
indépendantes. Ces institutions limitent les pouvoirs du législatif et de l’exécutif et
participent à l’apparition d’une nouvelle gouvernance publique, dont les finances
publiques s’avèrent un des éléments fondamentaux.
La situation macroéconomique
La Révolution tunisienne a fait clairement apparaître la crise du modèle de
développement et la fragilité de la situation des finances publiques du pays.
La crise du modèle de développement tunisien
Le contexte macro-économique détermine de façon prépondérante les finances
publiques nationales et les possibilités d’entreprendre des changements dans l’État. La
Révolution de la dignité a mis en exergue la fragilité du modèle de développement suivi
par la Tunisie depuis son indépendance. Ce modèle reposait sur i) une forte stabilité
assurée par l'État, mais à un coût élevé en termes de libertés civiles et politiques et de
corruption ; ii) un contrat social implicite comprenant une politique sociale et éducative
active, la promotion du rôle de la femme dans la société et le développement des
infrastructures ; et iii) une gestion économique fondée sur une large ouverture au
commerce et aux investissements étrangers dans certains secteurs, où néanmoins l’État
gardait la main sur les décisions stratégiques des entreprises.
Ce modèle a conduit la Tunisie à une croissance économique relativement forte et à
une ouverture au commerce extérieur et aux investissements directs étrangers dans le
secteur « offshore ». Il lui a donné une meilleure situation par rapport à ses voisins dans
les domaines de la santé, de l'éducation, de la réduction de la pauvreté et de l'égalité des
sexes. Ses bonnes performances macroéconomiques ont évité au pays des crises majeures
provenant de déséquilibres budgétaires et extérieurs et lui ont permis de contenir
l'inflation. La croissance soutenue a contribué, d’une part, à réduire l'écart avec les pays
les plus avancés en termes de PIB par habitant, et, d’autre part, à réduire le taux de
pauvreté.
Le modèle de développement tunisien a, cependant, conduit à d'importantes disparités
régionales, un taux de chômage élevé, une intervention significative de l'État dans
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30 – INTRODUCTION
l'économie et a limité la productivité. Il a aussi induit l'accumulation de défis importants,
la hausse du chômage des travailleurs hautement qualifiés, le creusement du déficit de la
balance des paiements courants, l’augmentation de la dette du secteur public, l'octroi de
prêts de mauvaise qualité par le secteur bancaire et l’utilisation fréquente des contrôles de
prix (OCDE, 2015b). De manière conjoncturelle, la situation postrévolutionnaire reste
marquée par des tensions prononcées sur le plan social et sécuritaire, la croissance faible
parmi les partenaires commerciaux étrangers et les conséquences des conflits régionaux.
Il en résulte que des réformes structurelles s’avèrent nécessaires pour créer les
conditions d’une croissance inclusive et tirée par le secteur privé, ainsi que pour protéger
les couches les plus vulnérables de la population. Il revient à la Tunisie d’assainir, dans
les meilleurs délais, son secteur financier et de renforcer ses cadres budgétaires et
monétaires, ainsi que d’élaborer un programme global de réformes structurelles destiné à
accroître la productivité et rendre la croissance plus durable et inclusive. Des politiques
budgétaire et monétaire prudentes comme une composition améliorée du budget et une
plus grande souplesse du taux de change, doivent viser la maîtrise des déséquilibres
élevés et l’ancrage des anticipations inflationnistes (FMI, 2014). Cependant, l’application
de plusieurs lois votés récemment et tellement nécessaires à une croissance plus solidaire
et à la réduction des facteurs de vulnérabilité demeure en suspens dans de nombreux
domaines, tels le secteur bancaire, la concurrence et les procédures collectives (FMI,
2015).
La situation des finances publiques nationales
La faiblesse persistante des prix du pétrole, l’escalade des conflits régionaux et
l’éclatement des guerres civiles dans le contexte de ralentissement de l’économie
mondiale laissent la croissance économique dans la région du Moyen-Orient et de
l’Afrique du Nord (MENA) atone. Selon les estimations de la Banque mondiale, la
croissance du PIB régional n’a pas dépassé les 3 % depuis trois ans et se maintiendrait
autour de 2,8 % en 2015. Il en est résulté la dégradation de la situation budgétaire des
pays de la région. Ainsi l’excédent budgétaire d’environ 5,4 % du PIB des pays
exportateurs de pétrole de 2013 ferait place à un déficit d’environ 9,8 % en 2015 dans les
pays du conseil de coopération du golfe, voire plus en Algérie (Banque mondiale, 2015).
La conjonction de la crise nationale, régionale et internationale a conduit à la
dégradation de la situation des finances publiques tunisiennes. En 2010, la croissance
dans le pays a atteint 3,7 % (2,6 % en croissance réelle). Le pays semblait alors avoir
surmonté la crise des années 2008 et 2009 (OCDE, 2013). Mais en 2011, l’activité a subi
un fort infléchissement (1,9 % en croissance réelle). Depuis 2012, l’économie tunisienne
a connu un rebond technique, dû à l’effet de base, et atteint des croissances de 2,3 % en
2013 et 2014, mais un nouvel affaissement sensible a réduit la croissance à 0,8 % en 2015
(INS, 2016).
Tableau 0.1. Tunisie : croissance réelle du PIB et solde des comptes courants
1997-
2006
4,9
Croissance réelle
du PIB
Solde des comptes
courants
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
Moyenne
Projections
6,3
-2,4
4,5
3,1
2,6
-1,9
3,7
2,3
2,3
0,8
-3,8
-2,8
-4,8
-7,5
-8,2
-8,3
-8,8
-8,5
3,0
-7,0
Source : Banque Mondiale
default/WDSContentServer/WDSP/IB/2015/10/20/090224b08315ad58/1_0/Rendered/PDF/In0galit0s00so00dans0le0monde0arabe.pdf.
suivi économique de
(2015), Rapport de
région MENA, Washington D.C, www-wds.worldbank.org/external/
la
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INTRODUCTION – 31
Cette faible activité et l’augmentation des dépenses publiques, passées de 24,8 % du
PIB en 2007 à 31,2 % du PIB en 2013, ont entraîné la dégradation des indicateurs des
finances publiques. Le déficit budgétaire a atteint 6,8 % en 2013 et 4,9 % en 2014 et la
dette brute consolidée des administrations publiques est passé de 40,7 % à 54 %
(OCDE/BAD, 2016).
Figure 0.1. Évolution des dépenses en Tunisie (en pourcentage du PIB)
35.0
30.0
25.0
20.0
15.0
10.0
5.0
0.0
2007
2012
2013
2014
2015(e)
2016(p)
2017(p)
Total dépenses et prêts nets (a)
Dépenses courantes
Dépenses d’investissement
Source : OCDE/BAD (2016), Perspectives économiques en Afrique, www.africaneconomicoutlook.org/fr/
notes-pays/tunisie.
Figure 0.2. Part de l'encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les
exportations
Dette extérieure (publique et privée) /PIB
Service de la dette /Exportations
80
70
60
50
40
30
20
10
0
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
Source : OCDE/BAD (2016), Perspectives économiques en Afrique, www.africaneconomicoutlook.org/fr/
notes-pays/tunisie.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016




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32 – INTRODUCTION
Tableau 0.2. Dette brute consolidée des administrations publiques
Date
Taux/PIB
Variation
2006
48,8
-7,03 %
2007
45,9
-5,84 %
2008
43,3
-5,77 %
2009
42,8
-1,20 %
2010
40,7
-4,95 %
2011
44,5
-9,41 %
2012
44,5
-0,03 %
2013
44,3
-0,51 %
2014
50,0
13,01 %
2015
54,0
7,86 %
Source:
2015/02/pdf/text.pdf
IMF
(2015), World Economic Outlook
(WEO), Washington D.C, www.imf.org/external/pubs/ft/weo/
Tableau 0.3. Inflation selon l’indice des prix à la consommation
Date
Taux/PIB
Variation
2009
3,7
2010
3,3
-8,89 %
2011
3,5
6,26 %
2012
5,1
44,84 %
2013
5,8
12,96 %
2014
4,9
-15,18 %
2015
5,0
0,57 %
2016
4,0
-18,82 %
Source:
2015/02/pdf/text.pdf.
IMF
(2015), World Economic Outlook
(WEO), Washington, DC, www.imf.org/external/pubs/ft/weo/
Le projet de la loi des finances pour l'exercice 2016 contribue, avec les réformes
structurelles actuellement en cours de mise en œuvre en Tunisie, au rétablissement de la
croissance du PIB, à la lutte contre l'évasion fiscale, la contrebande et l'économie
parallèle. Les hypothèses ayant présidé à sa préparation semblent réalistes. Ainsi, le prix
du baril du pétrole a été prévu à USD 55 et le taux de change à 1,970 dinar tunisien
(TND) pour un USD
6. Le taux de croissance fixé à 2,5 % paraît, toutefois, volontariste. Il
devrait favoriser la création de 50 000 emplois, tout en permettant l’augmentation
maîtrisée de 3,9 % des importations et de 3 % des exportations.
Le budget de l'État pour l'exercice 2016 s’élèvera à 29 250 millions de TND, en
augmentation de 7,1 % par rapport à 2015. 35 % de ses dépenses sont sociales (éducation,
formation professionnelle, affaires sociales, famille, santé, enfance, etc.) et 17 %
destinées à la défense et à la sécurité publique. Le déficit budgétaire apparaîtra en
réduction, passant de 4,4 % en 2015 à 3,9 % du PIB en 2016 (6 594 MTND). Il sera
financé par l’émission de 1 000 MTND de Sukuks
7, 2 000 MTND de bons de trésor et
3 594 MTND d’emprunts internationaux. L'endettement passera de 52,7 % à 53,4 % du
PIB entre 2015 et 2016 et les services de la dette de 4 700 MTND à 5 130 MTND entre
2015 et 2016.
Les investissements se situeront à 5 400 MTND, dont 47 % (2 480 MTND) se
trouvent réservés, jusqu'à la fin 2015, à l'achèvement des projets en cours et 53 % à des
nouveaux investissements. Les subventions baisseront de 3 232 MTND en 2015 à
2 612 MTND en 2016. Elles s’élèveront à 1 600 MTND pour les produits de base (contre
1 350 MTND en 2015), 580 MTND pour les carburants (contre 820 MTND en 2015) et
433 MTND pour le secteur du transport (contre 416 MTND en 2015). Le recrutement de
15 800 nouveaux fonctionnaires est prévu dans les secteurs prioritaires : 5 200 au
ministère de l’intérieur, 6 500 dans celui de la défense, 1 100 dans celui de la justice,
2 700 dans le secteur de la santé et 190 dans le domaine des affaires sociales. Des
augmentations salariales devraient intervenir au titre, d’abord, du nouveau programme
2015-2016 à compter du 1
er janvier 2016, et, ensuite, du nouveau programme spécial à
partir du 1
er juillet 2016. Dans l’immédiat, la réforme fiscale provoquerait une perte de
recettes publiques de 31 MTND
8.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016



Page 32
Naturellement, pour produire des effets à long terme, l’ensemble des mesures figurant
dans la loi de finances devraient être accompagnées de réformes structurelles comme
celles préconisées par l’OCDE dans ces travaux sur la Tunisie (OCDE, 2015b).
INTRODUCTION – 33
La gestion axée sur la performance
La GBO s’inspire d’un mouvement ayant depuis trois décennies atteint les pays
membres de l’OCDE sous des formes diverses.
Le mouvement dans les pays membres de l’OCDE
Depuis trois décennies, la gestion publique évolue de manière considérable dans les
pays membres de l’OCDE. Elle met davantage l’accent sur l’atteinte de résultats et la
bonne utilisation des moyens en relation avec les objectifs poursuivis. Elle cherche à
substituer au fonctionnement juridique de l’État, dans lequel le respect de la norme prime,
le fonctionnement managérial mettant en avant les hommes responsables de l’exécution
des projets. Cette orientation managériale émane de la nécessite de garantir une
croissance inclusive améliorant les conditions de vie matérielles de l’ensemble des
citoyens, produisant des ressources pour atteindre les objectifs sociaux et garantir une
croissance pérenne (OCDE, 2014b). Elle conduit également les agents à se concentrer sur
leurs missions prioritaires (proposer des politiques publiques, les conduire, en rendre
compte) plutôt que sur le respect des textes et des procédures relatives à la manière de
dépenser.
Elle se décline, d’une part, dans l’amélioration de la gestion publique et
consécutivement l’accroissement de l’efficacité de la dépense publique, et, d’autre part,
dans la transparence, afin d’améliorer le débat démocratique sur les prélèvements publics
et leur utilisation.
Dans le domaine des finances publiques, cette tendance prend le nom de la
budgétisation axée sur la performance, mais se réfère en réalité à diverses notions : la
budgétisation tournée vers les résultats, la budgétisation par la performance et le
financement en fonction des performances. Selon l’OCDE, la budgétisation axée sur la
performance constitue un mode d’établissement du budget où les crédits alloués à un
projet se fondent sur des résultats mesurables. Cette organisation a distingué trois types
de budgétisation axée sur la performance en considérant les emplois envisagés dans la
procédure budgétaire d’information sur les performances (OCDE, 2007).
« La budgétisation présentationnelle » : les informations sur les performances
figurent seulement dans les documents budgétaires ou dans d’autres documents
officiels. Elles servent à établir les responsabilités et permettre le dialogue entre le
législateur et le citoyen. Mais, elles ne jouent aucun rôle dans l’affection des
crédits.
« La budgétisation axée sur la performance » : dans cette tendance, les ressources
se trouvent allouées aux projets eu égard aux performances attendues ou résultant
indirectement de celles atteintes. Les décisions budgétaires s’appuient
systématiquement sur des indicateurs de performance associés à d’autres critères.
Toutefois, l’importance des indicateurs de performance dans l’attribution des
ressources ne s’avère pas préétablie et varie en fonction des politiques publiques
considérées.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


Page 33
34 – INTRODUCTION
« La budgétisation axée sur les performances ou obéissant à une formule » : dans
cette dernière tendance, les crédits sont alloués sur la base d’une formule de type
contractuelle, intégrant des indicateurs spécifiques de performance ou d’activité.
Ils dépendent directement des résultats atteints. Ce type de budget axé sur la
performance n’est cependant employé que pour des secteurs particuliers, et dans
quelques pays membres de l’OCDE.
La diversité de types de budgétisation axée sur la performance montre l’absence de
modèle unique. Les États adoptent, en effet des modèles divers et les combinent selon
leurs moyens, culture et options politiques ou administratives. Trois motifs principaux
président aux choix des États dans ce domaine : les crises financières, la nécessité de
réduire les dépenses publiques et les changements politiques. Souvent, les réformes ont
pris place dans une réorganisation profonde des finances publiques, destinée à maîtriser
les engagements de l’État, ou ont participé au renouvellement de la gestion du secteur
public, partiellement en réponse aux critiques des citoyens contre la mauvaise
administration.
Encadré 0.1. Indice de la performance budgétaire
Les approches développant et utilisant des informations sur la performance dans la procédure budgétaire
varient selon les pays de l’OCDE et il n’y a pas de modèle unique. Par exemple, dans la plupart des pays ayant
recours à ces informations, il y a un lien indirect entre les informations sur la performance et le financement.
Ces pays utilisent des mesures et des évaluations de performance ainsi que des informations sur les
politiques fiscales et les priorités stratégiques afin de renseigner les allocations budgétaires, et non de les
déterminer. Depuis 2007, il semblerait que dans les négociations entre ministères compétents et les CBA, les
informations sur la performance sont en général moins utilisées pour la planification stratégique, voire plus du
tout utilisées dans de plus en plus de cas. Au cours de la même période, les ministères compétents et les agences
ont acquis un rôle de plus en plus important en tant qu’institutions en charge de fixer des objectifs de
performance. La budgétisation axée sur la performance est généralement une pratique décentralisée au sein d’un
gouvernement central ou fédéral. Il existe des exceptions pour les examens des dépenses au cours desquels les
CBA et les directeurs généraux jouent un rôle central.
L’index examine aussi bien l’existence d’un système de budgétisation axée sur la performance, l’utilisation
d’informations sur la performance, que les conséquences d’une performance non-alignée aux objectifs. Alors que
la plupart des pays de l’OCDE ont adopté l’un ou l’autre système fournissant des informations sur la
performance, il n’y a néanmoins toujours pas de consensus international concernant la manière d’utiliser ces
informations et quelles conséquences le non-respect des objectifs de performance peut entrainer. Par conséquent,
les pondérations utilisées mettent l’accent sur certains aspects de l’existence d’un cadre plus que sur l’utilisation
spécifique de celui-ci. Les pays qui obtiennent un score élevé ont créé un cadre général et gouvernemental afin
de développer des informations sur la performance (évaluations et des mesures de performance), en intégrant ces
informations au budget et aux procédures de comptabilité, en y ayant recours dans les prises de décisions, ainsi
qu’en observant et présentant les résultats. Cependant, cet index ne mesure pas la réussite d’un système donné
dans la pratique. Une telle réussite est mieux évaluée en examinant si l’exécution d’une décision atteint les
objectifs fixés. Cela ne peut être indiqué dans cet index.
Cet index composite contient dix variables couvrant des informations sur les points suivants concernant les
informations sur la performance (les pondérations sont entre parenthèses) : si les pays ont mis en place un cadre
de budgétisation axée sur la performance (21.7 %), le type d’objectif fixé (10.9 %), les acteurs en charge de
présenter les résultats (10.9 %), le type d’information sur la performance utilisée (10.9 %), la présentation
d’informations sur la performance au pouvoir législatif (10.9 %), si (et comment) les informations sur la
performance sont utilisées dans les négociations budgétaires entre l’autorité budgétaire centrale et les ministères
compétents (2 %) et entre les ministères compétents et les agences (5 %), comment les informations sur la
performance sont utilisées dans les négociations budgétaires (13%) et à quel niveau le non-respect des objectifs
fixés entraine des conséquences (15 %).
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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INTRODUCTION – 35
Encadré 0.1. Indice de la performance budgétaire (suite)
L’indice va de 0 (pas de système de budgétisation axée sur la performance) à 1 (un système de budgétisation
axée sur la performance complet). Les variables comprises dans les indices et leur relative importance sont
fondées sur des avis d’experts. Elles sont présentées avec pour objectif d’approfondir les discussions, et peuvent
par conséquent évoluer avec le temps.
L’indice de budgétisation axée sur la performance accorde les meilleurs scores à la Corée, au Mexique, au
Canada et à la Suisse. (Figure ci-après).
Source: Traduit de OCDE
ilibrary.org/governance/budgeting-practices-and-procedures-in-oecd-countries_9789264059696-en.

(2014a), Budgeting practices and procedures
in OECD countries, www.oecd-
Figure 0.3. Indice de la budgétisation axée sur la performance dans les pays de l’OCDE1
1. Cet indice examine à quel degré chaque pays de l’OCDE a mis en place un système de budgétisation
axée sur la performance. Cependant, il ne mesure pas la réussite de ces systèmes dans la pratique. La
moyenne de l’OCDE est basée sur 31 pays membres. Le Chili, l’Islande et les États-Unis n’ont pas
répondu.
Source: OCDE (2014a), Budgeting practices and procedures
ilibrary.org/governance/budgeting-practices-and-procedures-in-oecd-countries_9789264059696-en.
in OECD countries, www.oecd-
L’ambition de moderniser les finances publiques en Tunisie
La volonté de la Tunisie de moderniser son système budgétaire et comptable apparaît
ancienne, mais a été approfondie dans la deuxième moitié des années 1990. Dès
l’indépendance du pays, la constitution du 1
er juin 1959 a instauré les mécanismes
classiques du droit budgétaire, et confié au parlement l’examen et l’approbation des lois
budgétaires et le contrôle de leur exécution. Le pays a aussi adopté une législation
budgétaire et comptable importante, notamment le code de la comptabilité publique9 et la
loi n° 67-53 du 8 décembre 1967 relative à loi organique du budget, modifiée notamment
par les lois organiques n° 96-103 du 25 novembre 1996 et n° 2004-42 du 13 mai 2009. Il
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Page 35
36 – INTRODUCTION
a aussi, par la loi n° 68-8 du 8 mars 1968, prévu l’existence d’une Cour des Comptes,
chargée de contrôler les comptes publics.
La volonté de mettre en place une gestion par objectif s’est manifestée dans le décret
du 6 juillet 1996
10 qui, a autorisé les ministres à instituer des unités chargées de cette
fonction pour des projets déterminés. Ce décret a conduit à l’instauration de plusieurs
unités destinées à l’exécution de projets précis, tels que la construction d’un hôpital, d’un
établissement universitaire, d’un barrage ou encore d’une autoroute. Au total, 199 décrets
ont porté sur l’instauration ou la modification d’unités de gestion par objectifs dans le
pays.
Montrant une avancée dans la concrétisation de ce nouveau mode de gestion, le décret
du 24 novembre 2003 a établi, dans le ministère des Finances, une unité chargée de
préparer, en cinq ans, la gestion budgétaire par objectifs
11. De son côté, le législateur a
consacré, en 2004, dans la loi organique du budget (LOB) les fondements de la gestion
budgétaire par objectifs. L’article 11 de ce texte prévoit que la loi de finances peut
autoriser l’affection des crédits selon des programmes et des missions. Dans l’esprit du
législateur, les programmes comprennent les crédits affectés à une action ou un ensemble
d’actions homogènes mises à la charge de chaque chef d’administration, en vue
d’atteindre des objectifs déterminés et des résultats pouvant être évalués
12. Quant aux
missions, elles comprennent un ensemble de programmes concourant à concrétiser une
stratégie d’intérêt national
13. Cependant, face à son ampleur, la mise en œuvre effective
de la réforme a tardé. Si bien qu’un décret du 30 décembre 2008 a créé, une nouvelle fois,
une unité assumant le projet de réforme et de la gestion du budget de l’État qui, dans le
délai de cinq ans, devait accomplir cette tâche
14.
Il ressort donc que l’adoption d’une législation prévoyant la GBO n’a pas empêché la
mise en œuvre de cette dernière de manière très lente. En effet, l’application de la GBO
n’est pas obligatoire. L’article 11 de la LOB énonce seulement la possibilité d’affecter les
crédits en application du programme et des missions. Par ailleurs, la GBO n’apparaît pas
exclusive du mode de gestion classique. Les réformes des années 2009 à 2011 n’ont
qu’instauré la possibilité de combiner le mode de gestion classique, fondé sur une
nomenclature budgétaire organique (sections, chapitres, articles…) et une gestion
nouvelle établie sur une nomenclature fonctionnelle (missions et programmes). Si bien
que, juridiquement, le vote du budget par le parlement continue à intervenir
exclusivement selon la nomenclature organique, c’est-à-dire par section et chapitre pour
les dépenses de l’État, et par section, la partie et article pour les dépenses des collectivités
locales.
De manière générale, la mise en œuvre de la législation relative à la GBO a rencontré
des difficultés considérables. Le projet semblait de nature technocratique et avec un
intérêt pratique limité. En effet, les gouvernements prérévolutionnaires l’avaient surtout
repris en réponse aux demandes des bailleurs internationaux et pour afficher leurs
volontés modernisatrices. Le parlement, essentiellement une chambre d’enregistrement
du pouvoir exécutif, n’éprouvait pas le besoin de se doter de moyens lui permettant
d’adopter des choix éclairés de politique publique et de contrôle de l’action du
gouvernement et de l’administration. Cette dernière, enfin, était consciente des très
grands défis soulevés par le passage véritable à la GBO, des profondes évolutions qu’elle
requiert et des moyens considérables qu’elle impliquerait. D’un point de vue technique, la
détermination des objectifs, et la répartition de la capacité budgétaire auraient impliqué
des choix forts, que seul un pouvoir politique réellement désireux de s’engager dans la
GBO aurait assumé. Enfin, la GBO requiert de considérer des variations économiques
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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INTRODUCTION – 37
conjoncturelles. Or, dès le milieu des années 2000, la situation économique tunisienne a
connu une dégradation importante et réduit la marge ou souplesse budgétaire utile pour
conduire le projet.
Le renouveau de la GBO à partir de 2012
Malgré les écueils précités, en juin 2012, à la suite d’une décision politique forte des
autorités tunisiennes, une expérimentation de la GBO a été lancée. Ce programme a été
accompagné d’un jumelage, sous l’égide de l’Union européenne, entre le ministère des
finances tunisien et le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie français
(UE, 2013). Il a suivi les réformes en matière budgétaire déjà entreprises par la Tunisie,
avec notamment la modification de la loi organique en 2004 et l’appui des organisations
internationales, telles, d’une part, la Banque mondiale qui a contribué, en septembre
2008, à la rédaction du schéma directeur pour le développement d’une gestion budgétaire
par objectifs en Tunisie
15 et, d’autre part, la coopération avec l’OCDE sur la transparence
financière
16.
Ce programme de réforme cherchait à garantir l’adaptation des finances publiques à la
gestion en mode GBO, l’instauration d’un système d’audit des programmes et la
proposition d’une approche de pilotage des programmes par la performance. Il comptait
initialement cinq thèmes
: la refonte de la nomenclature budgétaire ; la modernisation du
système de comptabilité publique ; la modernisation du système de contrôle budgétaire ;
l’instauration d’un système d'information financière globale ; la révision du cadre
législatif et règlementaire ; et, la mise en place des modes efficaces d’exécution des
programmes en accord avec la gestion axée sur la performance. Au fur et à mesure de
l’avancement de la mise en place de la réforme, le programme a inclus l’évolution des
normes comptables tunisiennes vers les standards internationaux ; l’accompagnement
organisé des ministères préfigurateurs ; des outils pour le dialogue de gestion entre les
acteurs de la chaîne de la dépense publique ; et, la dématérialisation des procédures
budgétaires et comptables.
Il convient, spécialement d’observer, qu’un système de pilotage de la réforme a été
construit autour de :
un comité interministériel de la GBO, qui a constitué une structure d’appui au
gouvernement tunisien, qui arrêtait les orientations du projet et lui assurait
l’impulsion nécessaire à son démarrage et à son bon déroulement ;
une commission de suivi et d’évaluation, créée dans le ministère des Finances et
présidée par le ministre des Finances, ou son représentant, et chargée du suivi et
l’évaluation des missions attribuées à l’unité centrale de la GBO ;
une unité centrale de la GBO, responsable du suivi d’ensemble du projet et
traitant des questions concernant plusieurs ministères ; elle a assuré au projet et
aux expériences pilotes leur indispensable cohérence ;

les unités départementales de la GBO ont été instaurées dans chaque ministère
pilote. Elles ont été chargées – dans le respect du cadre défini par la mission de la
GBO – de l’application du projet de la GBO à l’intérieur du département
ministériel auquel elles ont été rattachées. Elles ont veillé à la cohérence du projet
pilote développé dans ce département avec celui du projet de la GBO global. Ces
unités, rattachées directement au ministre technique, ont garanti l’articulation
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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38 – INTRODUCTION
entre le pilotage opérationnel de la performance et le pilotage budgétaire et
financier ;
des groupes de travail thématiques, ont été institués pour l’adaptation des
systèmes et méthodes de gestion budgétaire, y compris la nomenclature
budgétaire, la comptabilité publique, les plans de formation et les systèmes de
contrôles.
Le cadre institutionnel s’est appuyé sur un schéma directeur indicatif, couvrant
l’ensemble des sous-éléments de la réforme (préfiguration du budget par ministère et
programmes, expériences pilotes, nomenclature budgétaire, systèmes comptables et de
contrôles, modules informatiques, cadre des dépenses à moyen terme – CDMT – macro
détaillé, formation.) et qui a été adopté au cours de la première phase du programme. Ce
schéma a été actualisé durant la deuxième phase à la lumière des enseignements
provenant des expériences pilotes. Il a aussi été complété par un programme de
déploiement de la GBO dans l'ensemble des ministères.
Cette phase de mise en œuvre de la réforme est intervenue durant la période
postrévolutionnaire, marquée par une certaine instabilité politique, et une certaine
discontinuité dans l’intérêt porté à la GBO par les différents gouvernements. Cela a,
paradoxalement, permis au projet de la GBO de continuer dans la discrétion, porté par les
efforts de l’administration, et notamment du ministère des Finances.
Malgré ces difficultés, avec la constitution de groupes de travail thématiques,
l’administration tunisienne a participé de façon généralement efficace au projet qui s’est
déroulé favorablement et a abouti à des résultats importants qui seront examinés
attentivement dans ce rapport. Les motifs de ce succès tiennent, à l’engagement fort des
deux parties : ainsi 45 experts ont été mobilisés en 4 ans, 870 jours de missions et
8 visites d’études pour 80 personnes ont eu lieu, 85 % du budget a été globalement
consommé. Par-delà de ces chiffres, il convient de relever l’implication très active, de
l’ensemble des partenaires européens et des fonctionnaires tunisiens, tant de l’unité
centrale de la GBO que des unités GBO de plusieurs ministères et de nombreux directeurs
d’administration centrale.
Il apparaît aujourd’hui clairement que la GBO constitue un projet ambitieux et de
grande importance pour la Tunisie, et ce malgré une volonté politique hésitante à son
lancement et des difficultés importantes durant le déroulement du projet. Pour ces motifs,
la Tunisie a sollicité le soutien de l’OCDE pour une mise en œuvre effective et
généralisée de la GBO au niveau central.
Pour soutenir les efforts de la Tunisie dans la mise en place de structures et de
processus de gouvernance démocratiques efficaces, l’OCDE a répondu à cette demande et
entrepris une revue par les pairs, faisant le point sur la situation actuelle de la GBO et
formulant des propositions, en ligne avec ses travaux, tels que les recommandations de
son Conseil sur la gouvernance budgétaire, ainsi que les expériences de ses pays
membres.
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Figure 0.4. Chronogramme du projet de la GBO en Tunisie
INTRODUCTION – 39
Source : Ministère des Finances (2014) Le cadre législatif et réglementaire de la GBO (complété par l’OCDE).
Ce rapport procède à l’analyse du cadre politique, institutionnel, et légal de la
budgétisation en Tunisie, ainsi que les pratiques relatives à la dépense publique, en allant
de la préparation de la loi des finances jusqu’à contrôle après l’exécution de la loi des
finances. Cette analyse
fonctionnels, organisationnels et
les aspects
réglementaires. Elle porte sur les techniques de la dépense publique et les acteurs qui les
appliquent, et se penche sur des aspects tenant à la gestion comptable et aux systèmes
d’information nécessaires à l’application de la GBO. Le rapport invite, enfin, à une
réflexion de sorte que la GBO devienne un levier de modernisation de l’administration et
de l’État tunisiens.
intègre
La programmation à moyen terme des dépenses publiques et le contrôle de l’action
financière des collectivités locales tunisiennes se trouvent, de leur côté, étudiés dans deux
rapports établis parallèlement à celui-ci, intitulées
Une meilleure planification pour une
meilleure gouvernance budgétaire en Tunisie : le cadre de dépenses à moyen terme
et Un
meilleur contrôle pour une meilleure gouvernance locale en Tunisie : le contrôle des
finances publiques au niveau local
.
En raison de leurs particularités, par ailleurs, la situation des entreprises publiques
n’est pas traitée par cette étude.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016



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40 – INTRODUCTION
Les comparaisons internationales éclairant l’expérience tunisienne proviennent
essentiellement des travaux de l’OCDE. Les recommandations du rapport se fondent,
d’une part, sur
les principes de la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur la
gouvernance budgétaire
(OCDE, 2015a), et, d’autre part, sur l’expérience de ses pays
membres.
Pour répondre à tous ces enjeux, cette étude traite de divers aspects liés à la GBO en
Tunisie, selon le plan suivant :
Chapitre 1 : le nouveau contexte constitutionnel et la gestion budgétaire par
objectifs ;
Chapitre 2 : la procédure budgétaire ;
Chapitre 3 : Les outils de suivi et d’évaluation de la performance ;
Chapitre 4 : L’exécution complexe de la dépense publique ;
Chapitre 5 : Le responsable de programme et le comptable public ;
Chapitre 6 : Le renouveau du contrôle de la performance ;
Chapitre 7 : Le changement de la comptabilité publique ;
Chapitre 8 : L’évolution du système d’information ;
Chapitre 9 : Les contrôles administratifs externes et la Cour des Comptes ;
Chapitre 10 : Les conditions institutionnelles de réussite.
Notes
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Le président de la République préside le Conseil des ministres pour les seules
questions liées à ses prérogatives, promulgue les lois, procède au referendum pour
l’adoption des traités, des lois relatives aux droits de l’homme, aux libertés
fondamentales et au statut personnel, nomme le gouverneur de la Banque centrale, le
mufti de la République et les hauts fonctionnaires de la Présidence et de la diplomatie.
Le président de la République est le garant de l’unité nationale et veille au respect de
la constitution.
Article 88.
Un tiers des députés doit en faire la demande, la majorité absolue de l’Assemblée est
requise pour l’accepter.
Article 13.
Au moment de la finalisation du rapport, le taux de change du dinar tunisien a connu
une évolution rapide pour atteindre 2,1936 dinar tunisien (TND) pour un dollar USD.
Il a été annoncé qu’une loi des finances complémentaire serait adoptée. Voir site de la
BCT : www.bct.gov.tn/bct/siteprod/index.jsp.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016



Page 40
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
INTRODUCTION – 41
Le mot sukuk se rapporte communément à l’équivalent islamique des obligations.
Cependant, contrairement aux obligations conventionnelles, qui confèrent simplement
la propriété d’une dette, le sukuk accorde à l’investisseur une part d’un actif, ainsi que
des flux de trésorerie et des risques proportionnés. En tant que tels, les sukuks
respectent les lois islamiques, qui interdisent la facturation ou le paiement d’intérêts.
Islamique de Développement, http://thatswhy.isdb.org/irj/
Source
go/km/docs/documents/IDBDevelopments/Internet/thatswhy/fr/sukuk/what-is-
sukuk.html.
: Banque
Sources : le site internet du ministère de l’économie de Tunisie, présentation du projet
loi de finances pour 2016 (en arabe) : www.finances.gov.tn/index.php?
de
option=com_jdownloads&Itemid=721&view=finish&cid=973&catid=9&lang=fr ;
projet
www.finances.gov.tn/index.php?option=com_jdownloads&Itemid=721&view=finish
&cid=975&catid=9&lang=fr ; équilibre du budget de l'Etat pour l'année 2016 (en
arabe)
www.finances.gov.tn/index.php?option=com_jdownloads&Itemid=721
&view=finish&cid=974&catid=9&lang=fr.
finances
arabe) :
l'année
2016
pour
des
(en
loi
de
la
:
Loi nº 73-81 du 31 décembre 1973.
Décret nº 96 - 1236 du 6 juillet 1996 portant création des unités de gestion par
objectifs, JORT, nº 58/1996, p. 1562.
Décret nº 2003 - 2424 du 24 novembre 2003 portant création d’une unité de gestion
par objectifs pour la réalisation du projet de réforme de la gestion du budget de l’État
et fixant son organisation et les modalités de son fonctionnement, JORT, nº 97/2003,
p. 3527.
Délibération de la chambre des députés du 11 mai 2004, p. 1085.
Délibération de la chambre des députés du 11 mai 2004, p. 1086 et 1087.
Décret nº 2008 - 4112 du 30 décembre 2008, portant création d’une unité de gestion
par objectifs pour la réalisation du projet de réforme du budget de l’État et fixant son
organisation et les modalités de son fonctionnement, JORT, nº 4/2009, p. 153.
La Banque mondiale a notamment contribué à l’affinement du diagnostic du système
de gestion financière de l’État en vue de le faire évoluer vers un système de
budgétisation par objectifs. Elle a soutenu l'administration tunisienne dans la
conception du cadre budgétaire par objectifs. Durant la période 2006-2007, elle a
aussi contribué au lancement d’expériences pilotes de portée limitée. De même, elle a
conclu un contrat portant sur un cadre de coopération programmatique pluriannuel,
destiné à apporter un appui analytique et méthodologique au programme de réforme
de l'administration publique, notamment, par le partage avec les équipes tunisiennes
impliquées dans la réforme des connaissances et expériences d’autres États. Ministère
des Finances de Tunisie et Banque mondiale, Schéma directeur pour
le
développement d’une gestion budgétaire par objectifs en Tunisie, mars 2009.
16.
2013 et 2014, la Tunisie et l’OCDE ont collaboré dans un programme destiné à
améliorer la transparence des finances publiques. Ce travail a donné lieu à une série
d’activités de renforcement de capacités des agents publics et à la rédaction d’un
transparence budgétaire pour une meilleure
la
rapport
gouvernance publique en Tunisie.
intitulé Consolider
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016



Page 41
42 – INTRODUCTION
Références
Banque Mondiale (2015), Rapport de suivi économique de la région MENA, Washington
D.C, www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/WDSP/IB/2015/
10/20/090224b08315ad58/1_0/Rendered/PDF/In0galit0s00so00dans0le0monde0arabe
.pdf.
FMI (2015), Rapport n ° 15/135, Tunisie, demande d’extension de l’accord de
confirmation
, Washington D.C, www.imf.org/external/french/pubs/ft/scr/2015/
cr15135f.pdf.
FMI (2014), Rapport n° 14/362, Tunisie, cinquième revue de l’accord de confirmation et
demande de modification de critères de réalisation et de rééchelonnement des
décaissements, Washington D.C, www.imf.org/external/french/pubs/ft/scr/2014/
cr14362f.pdf.
INS (2016), Compte de la nation, site internet : www.ins.tn/fr/themes/compte-de-la-
nation (consulté le 23 août 2016).
OCDE/BAD (2016), Perspectives économiques en Afrique, Editions OCDE, Paris,
www.africaneconomicoutlook.org/fr/notes-pays/tunisie.
OCDE (2015a), Recommandation du Conseil sur la gouvernance budgétaire, Editions
OCDE, Paris, www.oecd.org/mena/governance/Recommandation-du-Conseil-sur-la-
gouvernance-budg%C3%A9taire.pdf.
OCDE (2015b), Un programme de réformes à l’appui de la compétitivité et de la
croissance inclusive, Série « Politiques meilleures » : Tunisie, Editions OCDE, Paris,
www.oecd.org/fr/apropos/editionsocde/Tunisie-un-programme-de-reformes-a-l-appui-
de-la-competitivite-et-de-la-croissance-inclusive.pdf.
OCDE (2014a), Budgeting practices and procedures in OECD countries, Editions
OCDE, Paris, www.oecd-ilibrary.org/governance/budgeting-practices-and-procedures-
in-oecd-countries_9789264059696-en
.
OCDE (2014b), Rapport sur le cadre de l’OCDE pour une croissance inclusive, Paris,
www.oecd.org/fr/rcm/IG_MCM_FRENCH.pdf.
OCDE (2013), Consolider la transparence budgétaire pour une meilleure gouvernance
publique, Editions OCDE, Paris.
Union européenne (2013), Rapport de coopération Union européenne-Tunisie, p. 20,
www.aleca.tn/wp-content/uploads/2016/04/rapport-cooperation-2013-fr.pdf.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS – 43
Chapitre 1
Le nouveau contexte constitutionnel et la gestion budgétaire par objectifs
Le chapitre examine le rôle fondamental de l’Assemblée des représentants du peuple
dans l’adoption du budget et le droit budgétaire tunisien à la lumière des dispositions de
la Constitution de 2014 qui instaure un régime parlementaire rationnalisé. Il montre le
fonctionnement parallèle du droit budgétaire et de l’expérimentation de la GBO qui s’est
manifestée par la transmission pour information du parlement d’un projet de loi de
finances programmatique. Ce chapitre insiste également sur la nécessité d’adopter
rapidement, d’une part, une nouvelle loi organique du budget, en accord avec la gestion
budgétaire par objectifs, d’autre part, de poursuivre l’approche programmatique, et,
enfin, d’avancer méthodiquement dans la préparation et l’adoption de la législation
financière subséquente.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016




Page 43
44 – 1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS
Depuis son indépendance en 1956, l’ordonnancement juridique régissant les finances
publiques en Tunisie se fonde sur la constitution politique du pays. Les différents textes
constitutionnels déterminent les grands fondamentaux en la matière et renvoient pour leur
application à une loi organique, adoptée à une majorité qualifiée par le parlement
national. Cette loi fixe les règles procédurales majeures et sert de base, à son tour, à la
législation et à la règlementation subséquentes. Bien qu’ayant établi un régime
parlementaire rationnalisé, au sommet duquel se trouve l’Assemblée des représentants du
peuple (ARP), les changements constitutionnels consécutifs à la Révolution pour la
dignité n’ont pas bouleversé cet ordonnancement traditionnel, tout en permettant le
développement progressif de la GBO, fondée sur la performance et la vision
programmatique. Pour passer de la phase d’expérimentation à sa pleine consécration, la
GBO requiert encore des modifications importantes de la législation, notamment, celle de
la loi organique du budget (LOB).
Le cadre constitutionnel et législatif actuel des finances publiques en Tunisie
À la suite de la Révolution de 2011, la loi constitutionnelle n° 6-2011 du 16 décembre
2011 relative à l’organisation provisoire des pouvoirs publics a constaté la suspension de
la Constitution de 1959
1. Son article 27 a disposé que « Est mis fin à toutes les lois
incompatibles avec cet acte constitutif et avec le décret-loi n° 14-2011 du 23 mars 2011
relatif à l’organisation provisoire des pouvoirs publics
2. Restent en vigueur les textes
juridiques qui ne sont pas en conflit avec le présent acte constitutif ». Ces dispositions
finales ont donc assuré la continuité de l’État et le maintien de l’essentiel de la législation
antérieure, notamment, concernant les finances publiques et la législation financière et
comptable
3. La situation constitutionnellement provisoire a pris fin avec la promulgation,
le 26 janvier 2014, d’une nouvelle loi fondamentale pour la Tunisie. Celle-ci a instauré un
régime politique de type parlementaire monocaméral, où l’Assemblée des représentants
du peuple exerce le pouvoir législatif. Elle a aussi introduit de nouvelles dispositions
budgétaires qui, pour l’instant, concernent essentiellement la procédure budgétaire devant
le parlement. Le régime juridique actuel autorise la mise en œuvre de certains éléments de
la GBO. Pour rendre applicable pleinement cette dernière, cependant, des évolutions
importantes de la législation des finances publiques demeurent nécessaires.
Le parlementarisme rationnalisé et le droit budgétaire en Tunisie
La Révolution de 2011 a provoqué la naissance d’un régime parlementaire rationalisé,
inscrit dans la nouvelle constitution politique du pays. Il en résulte que désormais la LOB
et les grands principes budgétaires, énoncés sous un régime antérieur, doivent se concilier
avec des dispositions dont l’esprit et la lettre diffèrent en partie de ceux qui avaient
présidé à leur naissance. Par ailleurs, cette nouvelle constitution a érigé de nouvelles
procédures de renvoi devant l’ARP et de contrôle de constitutionalité du projet de loi. Si
bien qu’une transformation profonde de la loi organique du budget de 1967 s’impose.
Les dispositions budgétaires de la Constitution de 2014
Les dispositions budgétaires de la nouvelle constitution tunisienne s’inscrivent dans
un parlementarisme rationnalisé. Dans celui-ci, le gouvernement reçoit la confiance de
l’Assemblée des représentants du peuple (articles 89, 95, 97, 98 et 99) et le Chef du
gouvernement détermine la politique générale de l’État, veille à sa mise en œuvre
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS – 45
(article 91) et gère l’administration (article 92). Le gouvernement et son chef constituent
les autorités responsables de préparer et d’exécuter le budget de l’État sans, pour autant
empêcher, dès aujourd’hui, l’Assemblée des représentants du peuple d’assumer un rôle
fondamental en matière budgétaire. Naturellement, le plein avènement de la GBO a
vocation à accroître considérablement ce rôle.
Dans sa recherche d’efficacité et de respect de la volonté populaire, la Constitution de
2014 fixe précisément le cadre des règles des finances publiques et de bonne gouvernance
financière. Au moins quatre de ses articles déclinent les principes, le contenu des lois de
finances et la procédure budgétaire. Son article 10 prévoit que : « L’État veille à la bonne
gestion des deniers publics, prend les mesures nécessaires afin que leur dépense
s’effectue selon les priorités de l’économie nationale et œuvre à contrecarrer la corruption
et tout ce qui est de nature à porter atteinte à la souveraineté nationale. » L’article 63 fixe
le droit de proposition des lois et d’amendement des membres de l’Assemblée des
représentants du peuple. Il détermine que celles-ci ne sont pas recevables si elles portent
atteinte aux équilibres financiers arrêtés dans la loi de finances.
La Constitution comporte, également, une séparation entre, d’une part, le domaine de
la loi organique et celui de la loi ordinaire, et, d’autre part, les domaines législatif et
réglementaire. Au sujet des questions financières, son article 65 énonce que sont adoptés
sous forme de lois ordinaires, les textes relatifs à : « […] La délimitation de l’assiette de
l’impôt, de ses taux et de ses procédures de recouvrement, sauf délégation accordée au
Chef du gouvernement en vertu des lois de finances ou des lois à caractère fiscal : […]
Les crédits et les engagements financiers de l’État ; […] Les lois de finances, la clôture
du budget et la ratification des plans de développement […]. Les textes qui prennent la
forme de lois organiques sont ceux relatifs à : […] la loi organique de budget. »
En accord avec les principes du régime parlementaire, la Constitution arrête de
manière générale le contenu de la loi de finances. L’article 66 prévoit que la loi fixe les
recettes et dépenses de l’État. Il détermine aussi la procédure et le calendrier budgétaire
de préparation, examen et vote du budget par le parlement. Il convient d’ajouter à ces
dispositions celles de l’article 67 qui énoncent que « les traités relatifs […] aux
engagements financiers de l’État, […] ou aux dispositions à caractère législatif sont
soumis à l’approbation de l’Assemblée des représentants du peuple. »
La réaffirmation des principes classiques du droit budgétaire
Le changement de constitution n’a pas bouleversé les principes antérieurs du droit
budgétaire tunisien. La loi organique du budget de 1967, encore en vigueur, contient les
notions de budget et de loi de finances. Il convient d’observer qu’elle a remplacé le terme
« budget », précédemment employé, par l’expression « loi de finances », reprise dans la
Constitution de 2014. Ce dernier concept recouvre, d’abord, les données chiffrées
relatives aux recettes et aux dépenses de l’État, et, ensuite, les différentes dispositions
juridiques portant sur les recettes et les charges de l’État, les modalités de leur application
et de leur contrôle. Constituent de plus des lois de finances, la loi de finances de l’année
(LF), les lois de finances rectificatives (LFR) et la loi de règlement du budget (LRB)
(Chikhaoui, 2007). Le budget intègre également les budgets annexes et les comptes
spéciaux. Le budget de l’État regroupe, en conséquence, les recettes et les dépenses de
gestion, les recettes et dépenses de développement, les fonds du Trésor qui se composent
des fonds de concours et des fonds spéciaux du Trésor, les recettes et les dépenses sur
ressources extérieures affectées. Les budgets des établissements publics lui restent aussi
rattachés (Chikaoui, 2004).
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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46 – 1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS
La législation tunisienne suit, enfin, les grands principes classiques des finances
publiques en la matière : l’annualité, l’unité, l’universalité, la spécialité et l’équilibre
budgétaire des comptes (Essousi, 2013).
Les procédures de renvoi devant l’ARP et de contrôle de constitutionalité
L’article 66 de la Constitution de 2014 établit une procédure renouvelée de renvoi du
texte devant l’Assemblée des représentants du peuple par le président de la République et
de contrôle de constitutionnalité du projet de loi avant sa promulgation. Ces dispositions
s’appliquent, d’une part, concernant les lois organiques, et d’autre part, en matière
budgétaire et financière. En effet, dans les deux jours succédant à l’adoption du projet de
loi de finances, le président de la République a le droit de le renvoyer à l’ARP pour une
seconde lecture. Il sera observé que les motifs du renvoi ne figurent précisément pas dans
le texte constitutionnel. Si bien que ceux-ci sont susceptibles de relever de la
constitutionnalité
latu sensu du texte, de l’opportunité financière, économique, sociale ou
politique ou autre. En cas de renvoi devant elle du texte, l’Assemblée se réunit pour un
deuxième examen du projet durant les trois jours suivant l’exercice du droit de renvoi.
L’article 66 instaure aussi un mécanisme fort et nouveau dans son esprit de contrôle
de constitutionnalité du projet de loi de finances. Il dispose que « Au cours des trois jours
suivant l’adoption du projet en seconde lecture après renvoi ou après l’expiration des
délais d’exercice du droit de renvoi, le président de la République, le Chef du
gouvernement ou trente membres de l’Assemblée des représentants du peuple peuvent
soulever l’inconstitutionnalité des dispositions du projet de loi de finances devant la Cour
constitutionnelle. Celle-ci rend sa décision dans un délai de cinq jours à compter de la
date du recours. Si la Cour constitutionnelle décide de l’inconstitutionnalité du projet, elle
transmet sa décision au président de la République qui la transmet à son tour au Président
de l’Assemblée des représentants du peuple. Cette procédure ne dépasse pas deux jours à
compter de la date de la décision de la Cour. L’Assemblée adopte le projet au cours des
trois jours à compter de la réception de la décision de la Cour constitutionnelle. Si la
constitutionnalité du projet est confirmée ou si le projet est adopté en seconde lecture
après renvoi, en cas d’expiration des délais de recours pour inconstitutionnalité et des
délais de l’exercice du droit de renvoi, le président de la République promulgue le projet
de loi de finances dans un délai de deux jours. »
A la lumière de l’expérience des pays membres de l’OCDE, il convient d’insister sur
la portée considérable du nouveau contrôle de constitutionnalité, d’abord, relativement à
une nouvelle loi organique du budget, et, ensuite, en matière budgétaire et financière.
Pour ces motifs, il importe que le souci du respect de la constitution imprègne toutes les
étapes de production et d’application du nouveau droit budgétaire et financier tunisien, au
risque d’encourir la censure des juridictions chargées de le faire prévaloir. Cette
préoccupation justifie le contrôle préalable de constitutionnalité des projets des lois
organiques et de finances qui pourra intervenir en application de l’article 120 de la
Constitution de 2014. Celui-ci prévoit que « La Cour constitutionnelle est exclusivement
compétente pour contrôler la constitutionnalité : des projets de loi sur demande du
président de la République, du Chef du gouvernement ou de trente membres de
l'Assemblée des représentants du peuple. La Cour est saisie, à cet effet, dans un délai de 7
jours à compter de la date de l'adoption d'un projet de loi ou de la date de l'adoption d'un
projet de loi amendé après renvoi par le président de la République […] ».
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1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS – 47
La Constitution de 2014 et la loi organique du budget de 1967
L’article 66 de la Constitution affirme aussi la primauté de la loi organique sur les lois
de finances (de l’année, rectificative et de règlement) à laquelle il soumet l’adoption des
projets de loi de finances et la clôture du budget par l’Assemblée des représentants du
peuple. Dans cette mesure, l’ordonnancement tunisien s’inspire de la tradition de certains
pays de l’OCDE dans lesquels la constitution impose l’adoption d’une loi organique,
ayant un statut supérieur aux lois ordinaires, de nature plutôt procédurale, limitant les
compétences de chaque pouvoir public et arrêtant les principes budgétaires, tels celui de
l’annualité ou la spécialité, le contenu du budget et le régime calendaire de préparation et
d’adoption de celui-ci (OCDE, 2004).
Cependant, le nouvel ordre constitutionnel n’a pas mis fin à l’application de la LOB
de 1967
4, telle que modifiée le 8 décembre 2004. En effet, la LOB n’a été abrogée, ni par
les dispositions constitutionnelles provisoires, ni par la nouvelle Constitution de 2014. Il
résulte donc des dispositions constitutionnelles précitées, d’un côté, qu’une loi organique
des finances s’avère nécessaire, et, de l’autre, que jusqu’à son abrogation, la LOB de
1967 continue à régir le droit budgétaire d’application de la constitution tunisienne.
Cette continuité légale n’évite, cependant, pas qu’il faille procéder dans des délais
courts à des transformations importantes du droit budgétaire et financier tunisien. En
effet, certaines dispositions importantes de la LOB de 1967 se trouvent désormais en
décalage avec la nouvelle constitution, par exemple, celles relatives au calendrier
d’adoption de la loi de finances de l’année ou à l’organisation du travail budgétaire entre
les deux chambres du parlement, alors que le nouveau régime est devenu monocaméral.
Mais plus fondamentalement, l’esprit de la LOB de 1967 demeure celui des finances
publiques classiques, fort éloigné de l’ambition de la pleine application de la GBO.
L’ensemble des dispositions constitutionnelles précitées induit deux conséquences. La
première implique que tout projet de modification de la LOB doit apparaître clairement
conforme à la constitution, et pour ce faire, il s’avèrerait souhaitable de le soumettre au
contrôle de constitutionnalité préalablement à sa promulgation. La seconde réside dans la
nécessité du caractère incontestable de l’organe chargé d’opérer le contrôle de
constitutionnalité. Or, actuellement seule une instance provisoire remplit ce rôle en
attendant la nomination des membres de la Cour constitutionnelle, dont la loi organique
portant statut et missions vient d’être adoptée par l’Assemblée des représentants du
peuple. Dès lors, il s’avère de la majeure importance que le régime provisoire de contrôle
de constitutionnalité par une instance provisoire s’achève et que la Cour constitutionnelle
soit érigée dans les meilleurs délais.
L’application progressive de la GBO dans les ministères pilotes
Des éléments de la GBO ont été mis en place en Tunisie, la plupart du temps sans
modifier la législation en vigueur et à titre expérimental. Mais pour aller plus loin dans le
renouveau de la gestion budgétaire, une évolution importante de la législation des
finances publiques doit intervenir.
La compatibilité partielle de la GBO avec la législation en vigueur
Comme il vient d’être indiqué, la formulation générale des dispositions de nature
budgétaire et financière de la Constitution de 2014 se révèle compatible avec
l’instauration pleine de la GBO. De plus, l’article 11 de la LOB de 1967, dans sa version
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48 – 1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS
de 2004, admet la présentation du budget sous la forme de programmes. En revanche,
l’examen et l’adoption de la loi de finances par le parlement demeurent soumis à la
procédure classique. De surcroît, l’application du principe de spécialité budgétaire
consistant à détailler l'autorisation parlementaire de sorte que chaque crédit ait une
destination indiquée par la loi de finances, induit une nomenclature budgétaire détaillée et
la limitation du droit de mouvements de crédits par les gestionnaires, rendant difficile la
pleine application de la GBO.
Il revenait alors à l’administration tunisienne, d’une part, de respecter le droit en
vigueur, et, d’autre part, de poursuivre le projet de mise en œuvre complète de la GBO.
Elle a donc eu recours aux souplesses offertes par le texte de la LOB de 1967 et engagé
des expérimentations, qui sans nécessiter des modifications de la LOB, ou de grande
envergure de la législation en vigueur, permettent d’essayer des évolutions procédurales
et juridiques, préparant l’instauration pleine et entière de la GBO, et qui seront exposées
dans la suite de ce rapport.
Toutefois, pour dépasser ses expérimentations et aller plus loin dans l’établissement
de la GBO, l’adoption d’une nouvelle loi organique de finances s’avère indispensable. En
attendant cette nouvelle législation, il importe que l’administration accomplisse un effort
de clarification auprès de l’Assemblée des représentants du peuple, de sorte à expliquer
ce qui relève du droit positif, de ses souplesses, de l’expérimentation et de la législation
qui devrait être modifiée.
La poursuite de l’évolution de la législation des finances publiques
La mise en place la GBO implique, d’abord, de préparer et adopter rapidement une
nouvelle LOB, conçue pour l’appliquer pleinement, puis, de modifier sa législation
subséquente.
Vers une nouvelle LOB
Le ministère des Finances a achevé la rédaction d’un projet de loi organique du
budget qui a été adopté par le Conseil des ministres en novembre 2015, et est fondé par
les principes de la GBO et conçu pour leur application. Ce texte édicte la mise en place
d’un cadre programmatique pour la présentation du budget et l’instauration de
mécanismes d’évaluation de la performance des finances publiques. Il prévoit que la loi
de finances comprend les données chiffrées concernant les recettes et les dépenses de
l’État, les dispositions juridiques relatives aux recettes et aux charges de l’État, et les
modalités de leur application et de leur contrôle. Son article 6 dispose que sont
considérées comme loi de finances, la loi de finances de l’année, la loi de finances
rectificative et la loi de règlement. L’article 28 énonce que les budgets des établissements
publics restent rattachés pour ordre au budget de l’État, et l’article 30, que les recettes des
comptes spéciaux sont utilisées selon les mêmes normes et règles que celles relatives aux
dépenses du budget de l’État.
Ce texte contient les dispositions essentielles relatives à l’élaboration, la présentation
et l’exécution du budget. Ainsi, son titre premier détermine le cadre général des lois de
finances. Son titre 2 porte sur les ressources, charges et comptes de l’État, son titre 3 sur
la préparation, la présentation et le vote de la loi de finances, de la loi de finances
rectificative et de la loi de règlement, et son titre 4 sur l’exécution du budget de l’État. Le
titre 5 se réfère à l’évaluation et au contrôle, et son titre 6 au règlement du budget de
l’État. Ce texte prévoit dans l’établissement et l’exécution de la loi de finances, le respect
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1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS – 49
des cinq principes de l’annualité, l’unité, l’universalité, la spécialité et l’équilibre, tout en
autorisant des exceptions de portée limitée. L’article 5 dispose que les prévisions
budgétaires, ainsi que les informations y afférentes, respectent les principes de la
sincérité, de l'universalité et de la transparence. En vertu de la tradition parlementaire, ces
règles cherchent à garantir aux représentants du peuple le droit d’approbation des
dispositions budgétaires fondamentales et la connaissance régulièrement (annualité) de
l’ensemble brut des ressources et des dépenses de l’État (universalité), dont les montants
respectifs doivent être équivalents (équilibre), représentés de manière détaillée
(spécialité) dans un document unique (unité) (Chikhaoui, 2004).
Selon les informations reçues au moment de la rédaction de cette revue, le projet de
loi organique du budget a été transmis à l’ARP le 23 décembre 2015.
L’évolution de la législation subséquente
Sans méconnaître les dispositions de la LOB de 1967, au cours des trois dernières
années, certains éléments de la législation subséquente en matière budgétaire et
comptable, par exemple tenant au contrôle de la dépense, ont été amendés en vue de
mettre en œuvre l’expérimentation de la GBO. Ainsi, le décret du 8 mai 1999 sur la
nomenclature des dépenses du budget de l’État a été modifié par le décret du
31 décembre 2012
5. En
la comptabilité publique du
31 décembre 1973
6 n’a pas subi, pour l’instant, de modifications d’envergure afin de
préparer la LOB. Sa réforme sera entamée après que l’ARP aura adopté la nouvelle LOB.
le code de
revanche,
En tout état de cause, un nombre considérable de textes, de nature légale,
règlementaire ou administrative, relatifs à la présentation, à l’examen et au vote de la loi
de finances, ainsi qu’à l’exécution et au contrôle du budget et à l’instauration d’une
logique de performance seront à modifier ou à totalement rédiger pour mettre en place la
GBO. Il s’agit donc d’un travail normatif et explicatif considérable qui, dans les pays
membres de l’OCDE ayant mis en place des budgets par objectifs, a été souvent
longuement préparé.
Cette
tâche a commencé par
l’établissement d’un programme de réforme,
accompagné d’un inventaire général des textes à modifier et d’un calendrier de
réalisation. Elle a mobilisé des compétences de différentes sortes, notamment en matière
budgétaire, comptable et juridiques. Elle a parfois été confiée à une structure spécialisée
qui a réuni des agents provenant d’origines différentes, sous la direction d’un chef de
projet ayant la pleine confiance du gouvernement. Cependant, si un groupe thématique
sur le cadre législatif et
réglementaire existait dans le contexte du jumelage européen sur
la GBO, pour l’instant, les autorités tunisiennes n’ont pas procédé à l’inventaire général
des textes à modifier. Il ne semble pas plus qu’elles aient envisagé une procédure et un
calendrier destinés à le faire.
La performance et la vision programmatique du projet de LOB
Les pays membres de l’OCDE estiment que la budgétisation par la performance
nécessite d’aller au-delà de la classification budgétaire traditionnelle, fondée sur les
unités de l’organisation administrative, tels les ministères, et de considérer le budget sous
l’angle des résultats et des objectifs recouvrant généralement plusieurs unités (OCDE,
2008). Cette vision se reflète dans les buts et la nature du budget des institutions
publiques, et en particulier de l’État. Les autorités tunisiennes souhaitent aussi engager le
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50 – 1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS
droit des finances publiques de leur pays dans cette voie, en faisant évoluer la législation
classique actuelle. Pour ce faire, elles désirent inscrire la performance et la vision
programmatique dans le projet de la future LOB et les concrétiser dans la structuration
programmatique de la loi des finances, la spécialisation des crédits par programme et le
contenu du projet de loi de finances et des documents joints.
La structuration programmatique de la loi des finances
En parallèle du projet de loi de finances, soumis à l’examen et au vote de l’ARP, et en
vue de préparer la mise en œuvre de la GBO, l’administration tunisienne a établi un projet
de loi de finances fondé sur une nouvelle structuration programmatique. Ce projet
programmatique a été transmis pour information à l’ARP. Afin de poursuivre la mise en
place de la GBO, le gouvernement doit, cependant, proposer au parlement l’adoption
d’une nouvelle LOB reprenant, d’une part, les acquis de l’expérimentation, et
caractérisée, d’autre part, par son organisation programmatique et sa double présentation
des crédits.
L’expérience d’une nouvelle structuration
Comme il a été exposé plus haut, grâce aux souplesses de la LOB de 1967,
notamment celles introduites en 2004, la Tunisie a établi, à titre expérimental, et pour
information du parlement et sans le soumettre au vote, depuis quelques années déjà, un
budget structuré en missions et programmes, accompagnés d’objectifs et d’indicateurs.
Ce travail s’enracine dans le développement des guides méthodologiques de la GBO
entrepris à partir de 2007 avec le soutien de la Banque mondiale et de l’Union
européenne. Depuis 2009, cette expérimentation a connu deux étapes. Jusqu’en 2011, elle
a porté sur la présentation du budget sur le fondement du travail accompli avec la Banque
mondiale et l’assistance technique de l’Union européenne dans le cadre d’un appui
budgétaire sectoriel. La deuxième phase a commencé en 2012. Elle comporte l’adaptation
du système d’information pour permettre une prévision et une exécution des dépenses par
programme.
Cette instauration d’un budget axé sur la performance en Tunisie s’avère plus avancée
que dans certains pays membres de l’OCDE où les premiers essais informels viennent de
démarrer dans quelques ministères sur la base d’un budget structuré en missions,
programmes, actions et articles budgétaires.
Dans l’expérience en cours en Tunisie, le projet de loi de finances programmatique,
communiqué à titre informatif à l’ARP, ne se trouve plus uniquement présenté par
« nature des dépenses » (par exemple, personnel, investissement…) et par « ministère »,
mais aussi par « politiques publiques » (telles que « enseignement supérieur » ;
« recherche scientifique » ; « eaux » ; « habitat » …), dénommées « programmes ». Ce
changement vise à améliorer la gestion publique, la compréhension par les citoyens et
l’ARP de tous les moyens mis en œuvre pour chaque politique de l’État. Pour plus de
clarté encore, le budget de l’État apparaît divisé en missions, programmes et sous-
programmes.
Les missions correspondent aux départements ministériels de l’État. Une mission
regroupe un ensemble de programmes concourant à une politique publique. La mission
constitue l’unité de vote des crédits par le parlement.
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1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS – 51
Encadré 1.1. La transformation de la présentation et de la structure du budget pour mieux faire
apparaître les performances
Quelques pays ont changé la composition du budget pour mettre l’accent sur les produits et/ou les résultats.
L’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni l’ont fait dans le cadre des mesures
d’introduction de la budgétisation basée sur les engagements. À partir de 2000, l’Australie a remanié son budget
pour se concentrer sur les résultats (Scheers, Sterck et Bouckaert, 2005). En 2001, les Pays-Bas ont modifié la
forme du budget pour l’ordonner en fonction des orientations de politique du gouvernement ou des résultats qu’il
recherche. Depuis les années 1980s, le budget de la Nouvelle-Zélande est structuré sur la base des produits. Au
milieu des années 1990s, on avait privilégié les réalisations, en adoptant les « domaines de résultats essentiels »
(KRA) et en définissant pour le moyen terme des « domaines de résultats stratégiques » (SRA), qui fixaient aux
ministères des objectifs détaillés. Malgré l’intérêt porté aux réalisations en Nouvelle-Zélande, les crédits
budgétaires restent alloués à des produits. Au Royaume-Uni, les crédits votés par le Parlement sont désormais
des demandes de ressources (RFR), qui correspondent aux réalisations que le gouvernement cherche à obtenir.
En revanche, des pays comme le Canada et les États-Unis n’ont pas touché à la structure du budget ; ils ont
plutôt tenté d’inclure les IP dans des documents supplémentaires, tels que les projets stratégiques et les plans de
performances, qui sont communiqués au législateur. Dans le cas du Canada, un ensemble de réalisations
stratégiques et d’activités des programmes, approuvé au niveau central, vient à l’appui de tous les documents
relatifs aux dotations. En outre, on met actuellement au point des cadres de mesure des performances dans le but
d’améliorer la qualité des informations sur les résultats communiquées au Parlement.
1. Les Pays-Bas ont ensuite renoncé à appliquer cette technique.
Source : OCDE (2008), La budgétisation axée sur
ilibrary.org/fr/governance/la-budgetisation-axee-sur-la-performance-dans-les-pays-de-l-ocde_9789264034075-fr.
la performance dans
les pays de
l’OCDE, www.oecd-
Le programme est formé de l'ensemble d'actions homogènes relevant d’une même
mission. Des objectifs précis, définis en fonction de finalités d’intérêt général, ainsi que
des résultats attendus et faisant l’objet d’une évaluation Le programme se trouve confié à
un responsable, désigné par le ministre concerné.
Le sous-programme constitue une catégorie à l’intérieur du programme. Il peut dans
certains cas, correspondre à la déclinaison fonctionnelle ou opérationnelle du programme
(principales fonctions du programmes, services déconcentrés chargés de la mise en œuvre
du programme). Il comprend l’ensemble des crédits destinés à couvrir, soit une
intervention déterminée, soit au profit d’une catégorie spécifique de bénéficiaires.
Éventuellement, l’adoption de la LOB et d’un nouveau système d’information,
conduira à intégrer dans les programmes et sous-programmes des « actions ». Dans
l’expérience originale conduite actuellement au ministère de l’équipement, de l'habitat et
de l'aménagement du territoire (MEHAT), l’action rassemble des crédits destinés à un
public désigné d’usagers ou de bénéficiaires, ou à un mode particulier d’intervention de
l’administration. Dans ce ministère, la répartition des crédits entre les actions s’avère
indicative à l’intérieur d’un programme. Elle fait l’objet d’une restitution précise, en
exécution budgétaire. Si une action recouvre une finalité identifiée, elle peut être assortie
d’objectifs et d’indicateurs qui lui sont spécifiques parmi ceux associés au programme.
L’expérience du MEHAT devrait être suivie et évaluée avec attention de sorte à
considérer l’intérêt de son extension par étapes à l’ensemble de l’administration.

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52 – 1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS
Tableau 1.1. Présentation classique de la loi de finances (partie relative aux dépenses)
TITRE I
La section une (1) : dépenses de gestion
La section deux (2) : intérêts et de la dette publique
La section trois (3) : dépenses de développement
TITRE II
La section quatre (4) : dépenses
de remboursement du principal de la dette publique
La section cinq (5) : dépenses
Des fonds du trésor
1ère partie : rémunérations publiques (01.100 et 01.199)
2ème partie : moyens des services (02.200 et 02.299)
3éme partie : interventions publiques (03.300 et 03.399)
4éme partie : dépenses de gestion imprévues (04.400 et 04.499)
5éme partie : intérêts de la dette publique (05.500 et 05.599)
6éme partie : investissements directs (06.600 et 06.799)
7éme partie : financement public (07.800 et 07.899)
8éme partie : dépenses de développement imprévues (08.900 et
08.949)

9éme partie : dépenses de développement sur ressources extérieures
affectées (09.600 et 09.899)

10éme partie : remboursement du principal de la dette publique (10.950
et 10.999).

11ème partie : Les dépenses des fonds spéciaux du trésor (11.100 et
11.999)

12éme partie : dépenses des
fonds de concours (12.100 et 12.999)
Source : Ministère des Finances (2014), Le cadre législatif et réglementaire de la GBO.
Tableau 1.2. Exemple du projet en cours de discussion de présentation programmatique du budget du
MEHAT
Programmatique
S-prog
Prog.
Action
Activités
Service
Projet
Titre
Section
Région
Chapitre
16
9
2
01
02
02
01
02
03
04
05
08
01
16 9201 0204 2..11
2
..
11
Ministère de l’équipement
Pilotage et appui
Appui
Développement des méthodes
de gestion administrative et
financière et le bon
fonctionnement des services.
Rémunération Publiques
Fonctionnement des services
Interventions publiques
Gestion du parc auto
Equipement administratifs
Organisation des cycles et des
sessions de formation au profit
des agents
Formation
Administration déconcentré
….
Tunis
Code programmatique
Source : Unité GBO du ministère de l’Équipement, de l’habitat et de l’aménagement du territoire (2014), Schéma adapté de la
documentation fournie par l’unité GBO centrale.
L’approfondissement programmatique dans le projet de nouvelle LOB
Les expérimentations de GBO ont été conduites sans modifier la LOB. Mais ce mode
d’action paraît sur nombre de points avoir atteint la limite de ses possibilités. Dès lors,
une nouvelle LOB s’avère indispensable. En effet, l’article 1er de la LOB tunisienne de
1967 expose les buts et la nature de la loi de finances : elle « prévoit et autorise, pour
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016














































































































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1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS – 53
chaque année, l’ensemble des charges et des ressources de l’État dans le cadre des
objectifs des plans de développement et compte tenu de l’équilibre économique et
financier défini par le budget économique
. » Ces buts et cette nature s’inscrivent donc
dans la vision classique des finances. Il convient, par ailleurs, de rappeler que pour
l’heure, seules les dispositions de la LOB de 1967 demeurent contraignantes, tant pour
l’Assemblée des représentants du peuple que pour le gouvernement et l’administration du
pays.
En rupture avec cette conception, le projet de LOB élaboré met la performance et la
vision programmatique au premier plan de la loi de finances. Son article 3 dispose de la
sorte que : « La loi de finances prévoit et autorise, pour chaque année, l’ensemble des
ressources et des charges de l’État ainsi que l’équilibre financier qui en résulte. Elle
détermine la nature et la répartition des ressources et des charges de l’État dans le cadre
des plans de développement et des prévisions budgétaires à moyen terme fixé par trois (3)
ans, et mises à jour annuellement compte tenu des objectifs et des résultats attendus des
programmes prévus par ladite loi ainsi que des équilibres généraux. »
Une double présentation des crédits
Afin d’identifier clairement l’utilisation des fonds publics, le projet de LOB préparé
comporte une double présentation des crédits de chaque programme, par destination et
par nature de dépenses (personnel, fonctionnement, investissement, intervention, etc.).
Dans chaque programme, les dépenses de différentes natures se trouvent classées par titre
et, à l’intérieur des titres, par catégories. Cette ventilation des crédits restera indicative,
autorisant ainsi les mouvements de crédits entre les parties budgétaires au sein d’un
même programme. Le virement de crédits entre programmes d’un seul ministère
demeurera limité à 2 %. En revanche, en vertu du principe de la fongibilité asymétrique,
certains crédits, par exemple ceux de personnel, ne pourront pas être majorés
7, comme il
sera exposé par la suite.
La spécialisation des crédits par programme
La GBO tend à octroyer davantage de latitude d’action aux gestionnaires des crédits.
Pour éviter que la spécialisation des crédits amenuise de manière excessive leurs marges
de manœuvre, dans le projet de LOB, les crédits sont inscrits dans la loi des finances dans
un programme qui contiendra un plafond limitatif des engagements et des paiements des
dépenses. Les « crédits évaluatifs » demeureront une exception. La globalisation des
crédits donnera au responsable de programme une bien plus grande liberté.
La fongibilité asymétrique des crédits
Dans le droit budgétaire classique tunisien, en vertu du principe de spécialité, la loi de
finances autorise limitativement les dépenses publiques de deux manières. D’abord, elle
apparaît très détaillée relativement au service auquel se trouve affecté le crédit. Ensuite,
concernant les montants votés, par nature fixes, elle détermine une limite maximale à
respecter pour chaque poste de dépenses (Chikhaoui, 2004). Certes, la règle de spécialité
des crédits connaît déjà certains aménagements comme les autorisations d’engagement
pour l’exécution des dépenses d’investissement participant au plan de développement
national, ou durant la phase d’exécution du budget, les autorisations de transfert ou les
virements.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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54 – 1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS
Dans la future LOB, l’atténuation de la règle de spécialité des crédits ira bien plus
loin. En effet, la destination des crédits (le programme selon la terminologie de la GBO)
ou de leur nature (parties dans le langage de la GBO) ne figurent qu’à titre indicatif dans
la programmation. Les crédits sont susceptibles de recevoir une nouvelle affectation, afin
d’améliorer leur utilisation et d’octroyer plus de liberté au gestionnaire.
En revanche, les crédits de personnel, d’investissement et d’opérations financières ne
bénéficieront que d’une fongibilité asymétrique. Les dépenses de personnels seront
susceptibles de contribuer à des dépenses d’autres natures, mais sans recevoir des crédits
de celles-ci. Si bien qu’ils resteront limitatifs. À l’inverse, les dépenses d’investissement
et d’opérations financières ne pourront pas être réduites.
Ces trois types de dépenses font, en effet, l’objet d’une attention particulière. Les
dépenses de personnel représentent une part importante du budget de l’État et de ses
engagements à long terme. Aussi le projet de LOB :

intègre-t-il dans le plafond global des effectifs de l’État et des établissements
publics celui des ministères y compris celui des services centraux, régionaux et
des établissements publics ;
prévoit-il que les dispositions du projet de la loi de finances sont relatives à la
fixation du plafond de l’effectif autorisé de l’État et des établissements publics ;
dispose-t-il que le nombre global de l’effectif de l’État et des établissements
publics est autorisé par mission, et enfin, que ;

le nombre global de l’effectif de l’État et des établissements publics autorisé fait-
il l’objet d’un vote global.
Dans la GBO tunisienne, la fongibilité asymétrique des crédits d’investissements et
d’opérations financières évitera, de son côté, que sous la pression des événements, les
dépenses courantes en viennent à s’imposer systématiquement. Sans cette limite, deux
écueils surgiraient : d’abord, la menace sur le développement futur du pays ; ensuite, la
perte de confiance des bailleurs internationaux ayant mis à la disposition de l’État
tunisien des crédits employés pour d’autres usages que ceux pour lesquels ils étaient
accordés et verraient ainsi croître le risque de défaut de remboursement des sommes
prêtées. De surcroît, les ponctions sur les recettes prévues, ajoutées aux retards usuels de
déboursement des crédits par les prêteurs, mettraient en danger la réalisation des
investissements entravant le développement du pays.
Les autorisations d’engagement et de paiement
Avec la GBO, les dépenses de l’État feront l’objet d’une double autorisation, à
travers, d’une part, les autorisations d’engagement (AE), et, d’autre, les crédits de
paiement (CP).
Les autorisations d’engagement forment
limite supérieure des dépenses
susceptibles d’être engagées et ne restent valables que pendant une durée limitée, et les
crédits de paiement (CP) constituent la limite supérieure des dépenses susceptibles d’être
ordonnancées ou payées durant l’année en vue de couvrir des engagements contractés
dans le cadre des autorisations d’engagement.
la
La logique de répartition entre AE et CP se révèle la conséquence de la fongibilité des
crédits à l’intérieur des programmes. De la sorte, l’autorisation parlementaire bornera les
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1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS – 55
deux extrémités de la chaîne de la dépense que constituent l’engagement juridique (la
dépense - les AE) et son dénouement (le paiement - les CP).
La sincérité, la transparence et le contenu du PLF et des annexes
La GBO met l’accent sur la sincérité et la transparence budgétaire qui ressortent dans
le contenu du projet de loi de finance et ses documents joints.
L’affirmation des principes de sincérité et de transparence
Il a été relevé à des multiples reprises que la législation budgétaire tunisienne prévue
par la LOB de 1967 ne garantit pas suffisamment la transparence et la sincérité de la loi
de finances (OCDE, 2013). Or, comme les quatrième et sixième recommandations du
Conseil de l’OCDE sur la gouvernance budgétaire l’observent, il convient que les États,
d’une part, veillent à l’ouverture, à la transparence et à l’accessibilité des documents et
données budgétaires, et, d’autre part, qu’ils rendent compte des finances publiques de
manière exhaustive, précise et fiable. Ces principes rejoignent les dispositions générales
de l’article 10 de la Constitution tunisienne de 2014 prévoyant que l’État veille à la bonne
gestion des deniers publics et celles de l’article 32 disposant qu’il garantit le droit à
l'information et à son accès.
Il s’avère donc légitime de souhaiter que la LOB assure mieux la qualité de
l’information budgétaire. Conscient de cet impératif, le gouvernement tunisien a prévu
dans l’article 6 de son projet portant réforme de la LOB que : « Les prévisions
budgétaires ainsi que les informations afférentes à ladite loi doivent respecter les
principes de la sincérité et de la transparence. Le principe de la sincérité
interdit de sous-
estimer les prévisions des charges ou de surestimer les prévisions de recettes prévues par
la loi des finances et fait obligation de ne pas dissimuler les éléments des actifs financiers
et du patrimoine de l’État en tenant compte des informations disponibles à cette date. Le
principe de la transparence
impose de clarifier le rôle de chaque structure de l’État,
fournir et publier les informations budgétaires pour l’accès du public et de la société
civile dans les délais appropriées par les méthodes et les voies connues par eux, et fournir
les rapports sur l’exécution du budget de l’État et sur la performance. »

Il convient d’observer que la présentation des principes de sincérité et de
transparence, telle que figurant dans le projet de LOB, paraît conforme à celle figurant
dans la Recommandation de l’OCDE et retenue dans les pays membres de cette
organisation. Toutefois, la concrétisation de ces principes réside dans le contenu de la loi
de finances et des documents qui l’accompagnent.
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56 – 1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS
Encadré 1.2. Le principe de transparence dans loi organique de stabilisation budgétaire et
financière en Espagne
Le chapitre 5 de loi organique 2/2012 du 27 avril 2012 énonce le principe de transparence budgétaire. Il
insiste sur la nécessité pour chaque administration publique d’établir la correspondance entre les données du
budget et de la comptabilité nationale, puisque l’Union européenne privilégie cette information dans le contrôle
du respect par les États de leurs engagements en matière de stabilité budgétaire. Cette loi de 2012 prévoit
également une procédure de présentation par les administrations de leurs orientations budgétaires préalablement
au dépôt du projet de la loi de finances de l’année de sorte à respecter la réglementation européenne,
spécialement les dispositions de la directive du Conseil 2011/85/UE du 8 novembre 2011 sur les exigences
applicables aux cadres budgétaires des États membres. La loi améliore, enfin, la coordination dans la gestion
économique et financière de toutes les administrations publiques.
Source : IGAE (2012) Ley orgánica 2/2012, de 27 de abril, de estabilidad presupuestaria y sostenibilidad financiera
www.igae.pap.minhap.gob.es/sitios/igae/es-ES/ClnNormativa/ClnLeyes/Documents/LEY%20ORGANICA%202-2012.pdf
(consulté le 20 avril 2016).
Le contenu de la loi de finances et ses documents joints
La loi organique du budget de 1967, même amendée, reste fondée sur une conception
classique des finances publiques. Le contenu du projet de loi de finances et des
documents qui l’accompagnent s’inscrivent dans cette conception et accordent une place
limitée à l’information du parlement et des citoyens. Naturellement, la place de
l’information sur la performance demeure particulièrement réduite.
Le contenu de la loi de finances ressort de la fonction que l’article 1er de la LOB de
1967 attribue à cette loi. Comme il a été exposé plus haut, elle prévoit et autorise, pour
chaque année, l’ensemble des charges et des ressources de l’État dans le cadre des
objectifs des plans de développement et compte tenu de l’équilibre économique et
financier défini par le budget économique. Les dispositions du début de l’article 3 du
projet de LOB
8 demeurent assez proches de celles-ci. Mais en conformité avec l’esprit de
la GBO, d’autres dispositions de cet article intègrent des dimensions prévisionnelles et
programmatiques qui conduisent à enrichir considérablement
la documentation
accompagnant le projet de loi de finances. De même, le projet de LOB propose que la
documentation budgétaire ne se limite pas au projet de loi de finances. Elle intègrerait
huit annexes qui fournissent, entre autres, un aperçu clair sur la situation économique,
financière et sociale du pays.
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1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS – 57
Tableau 1.3. Comparatif du contenu et des annexes du projet de loi de finances
Texte de la LOB de 1967, en vigueur
Texte du projet de LOB
Le contenu du projet de loi de finances
Article 26 : « Le projet de la loi de finances comprend des dispositions
relatives à :
-
-
L’autorisation de perception des ressources publiques et en
détermine le montant global.
La fixation des voies et moyens applicables aux dépenses de gestion
et aux dépenses de développement.
Il arrête le plafond des crédits ouverts au profit du budget de l’État et des
budgets des établissements publics en tenant compte des dispositions
relatives aux crédits à caractère évaluatif.
-
-
-
-
La mobilisation des ressources fiscales et non fiscales ainsi que la
détermination des procédures financières.
La création de fonds spéciaux du trésor et des fonds spéciaux ainsi
que leur modification ou leur suppression.
La fixation du plafond des garanties consenties par l’État et du
plafond des prêts du trésor.
L’autorisation afférente aux emprunts et obligations à contracter au
profit de l’État.
Le projet de la loi de finances comprend également des tableaux détaillés
relatifs à la répartition :
-
-
-
Des ressources du budget de l’État par catégorie en article.
Des dépenses du budget de l’État par chapitre et par partie en fixant
les crédits de programme, les crédits d’engagement et les crédits de
paiement pour les dépenses de développement.
Des ressources et des dépenses des établissements publics et des
ressources et des dépenses des fonds spéciaux du trésor.
L’article 43 : « Le projet de la loi de finances comprend des dispositions et
des tableaux détaillés. Les dispositions du projet de la loi de finances sont
relatives à :
-
-
-
-
-
-
-
-
l’autorisation de perception des recettes de l’État et la prévision de
leur montant global.
la fixation du plafond des dépenses budgétaires en tenant compte
des dispositions relatives aux crédits à caractère évaluatif.
la fixation du plafond des garanties consenties par l’État et du plafond
des prêts du trésor.
l’autorisation afférente aux emprunts, aux Sukuks et obligations à
contracter au profit de l’État.
la
fixation du plafond de
établissements publics autorisé.
l’effectif autorisé de
l’État et des
la création des comptes spéciaux du Trésor et des fonds spéciaux
ainsi que leur amendement ou leur suppression.
la mobilisation des recettes budgétaires et la fixation des modalités
financières et fiscales.
l’exécution des dépenses du budget de l’État et la fixation des
modalités qui y sont rattachées
Les tableaux détaillés du projet de la loi de finances sont relatifs à la
répartition :
-
-
des crédits d’engagement et de paiement par mission, dotations et
programmes.
des recettes du budget de l’État par partie.
-
-
des ressources et des dépenses des établissements publics et des
comptes spéciaux du trésor.
du nombre global de l’effectif de l’État et des établissements publics
autorisé par mission. »
Annexes au projet de loi de finances
L’article 25 : « Sont joints au projet de loi de finances :
1.

Un rapport sur le budget de l’État dans le cadre de l’équilibre global
économique et financier. Il comprend, notamment, une analyse de
l’évolution des recettes et des dépenses selon leur nature.
Des notes explicatives relatives aux dépenses de chaque chapitre
selon leur nature et selon les programmes et les missions arrêtés.
Tout autre document jugé utile pour l’examen du projet de loi de
finances par la chambre des députés et la chambre des conseillers. »
2.
3.
L’article 40 : « Sont joints au projet de la loi de finances :
1.

Un rapport sur le budget de l’État dans le cadre des équilibres
globaux. Il comprend notamment :
-
-
-
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
une analyse de l’évolution des recettes et des dépenses.
une analyse de la situation économique de l’État pour l’année en
cours ainsi que l’année concernée par la loi de finances.
une analyse des différentes hypothèses utilisées pour la préparation
des prévisions du projet de la loi des finances.
Le cadre du budget à moyen terme.
Le tableau des équilibres globaux du budget de l’État.
Le tableau des opérations de financement.
Des notes explicatives relatives aux dépenses de chaque mission
selon leur nature et selon les programmes et les sous programmes.
Les projets annuels de la performance par mission pour l’année
budgétaire concernée par la préparation de loi de finances à
l’exception des missions spéciales.
Un rapport contenant le tableau des différents transferts entre l’État et
les entreprises publiques et les établissements publics à caractère
non administratif et une analyse des garanties de l’État.
Un rapport sur l’activité des fonds spéciaux pour l’année concernée
par la préparation de la loi de finances.
Les documents susmentionnés à l’exception des documents numéro 2, 5, 6
et 8 sont joints au projet de la loi de finances rectificative.
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58 – 1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS
Le projet de LOB enrichit, par conséquence, grandement le contenu de la loi de
finances et le nombre et la nature des documents joints au projet de loi de finances.
Il
convient, néanmoins, de constater qu’il n’apporte pas une information sur l’ensemble du
secteur public (collectivités locales, entreprises publiques, opérateurs publics) comme le
recommande le point c du principe n° 6 de la Recommandation du Conseil sur la
gouvernance budgétaire. De plus, le projet de LOB n’envisage pas l’information de
l’ARP sur le niveau des prélèvements obligatoires, ni sur les finances de la sécurité
sociale
9, ni des régimes privés de retraite. Or, l’ensemble de ces informations portent sur
des phénomènes susceptibles d’avoir des conséquences considérables sur la situation
économique et financière du pays, et à terme, sur le budget de l’État, à travers, par
exemple, le besoin pour la puissance publique de combler les déficits des régimes privés
de retraite, afin d’éviter la réduction des prestations servies aux cotisants.
Encadré 1.3. La transparence de l’information et le contrôle du Parlement français
L’article 50 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit que le gouvernement présente
lors du dépôt de la loi de finances de l’année, un rapport sur les perspectives économiques, sociales et
financières. Ce document précise les hypothèses du gouvernement pour les quatre années suivantes. L’article 52
de la LOLF dispose que le gouvernement présente au Parlement un rapport sur le niveau des prélèvements
obligatoires pour les deux années suivantes. L’article 48 instaure légalement un débat d’orientation budgétaire
destiné à examiner les orientations du gouvernement avant la rédaction du projet de loi de finances.
L’article 40 de la LOLF autorise, par ailleurs, le Parlement à amender la répartition des crédits entre
programmes. De son côté, le pouvoir du gouvernement de procéder à des virements, reports et annulations de
crédits est limité à respectivement 2 %, 3 % et 1,5 % des crédits ouverts.
(2016) Loi organique n 2001-692 du 1 août 2001 relative aux
Source
: Legifrance
www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000394028 (consulté le 22 avril 2016).
lois de
finances
Encadré 1.4. France : une documentation enrichie dans la loi organique relative aux lois de
finances (LOLF)
Lors du débat d’orientation budgétaire (juin de l’année n-1) : le rapport sur l’évolution de l’économie
nationale et sur les orientations des finances publiques expose la stratégie pluriannuelle des finances publiques et
la liste des missions, programmes, objectifs et indicateurs de performance envisagés pour le PLF de l’année
suivante.
Avec le projet de loi de finances (PLF) (octobre de l’année n-1) : le PLF prévoit pour chaque année civile
l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Avec lui, le gouvernement informe les parlementaires sur les
mesures de maîtrise de la dépense qu’il a prévues, afin de respecter le plafond voté par le Parlement. Il énonce
aussi le pourcentage des crédits qui constitueront la réserve de précaution.
Les évaluations préalables (des articles du projet de loi) estiment les conséquences économiques, sociales,
budgétaires et environnementales des différents articles du PLF.
L’évaluation des voies et moyens figure dans 2 tomes : le premier détaille l’évolution des recettes et le
deuxième tome, les dépenses fiscales.
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1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS – 59
Encadré 1.4. France : une documentation enrichie dans la loi organique relative aux lois de
finances (LOLF)
(suite)
Le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution décrit l’ensemble des prélèvements obligatoires
et leur évolution. Il peut donner l’occasion d’un débat approfondi à l’ouverture de la session parlementaire, avant
l’examen du PLF et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le rapport économique social et financier fournit les perspectives d’évolution pour quatre ans des recettes,
des dépenses et du solde des administrations publiques en considérant les engagements européens.
Le rapport sur la dépense publique et son évolution présente toutes les composantes de la dépense publique,
en détaille les déterminants économiques et démographiques, et expose les leviers d’actions. Il contient en
annexe une « charte de budgétisation » qui énonce la méthode de raisonnement pour raisonner chaque année à
périmètre constant et expose de quelle manière comment le respect de la norme de dépense se trouve apprécié.
Les projets annuels de performances (PAP), rattachés à chaque programme, comportent, en plus de la
présentation des crédits par action, des volets relatifs à la performance, à l’analyse des coûts et aux opérateurs
dépendant du programme.
Les annexes informatives : les documents de politique transversale et les jaunes budgétaires figurent en
annexes informatives exposant une vision transversale des politiques publiques, susceptibles de concerner
plusieurs missions ou programmes ou mettre en lumière un aspect particulier des finances publiques.
la LOLF, www.performance-
Source : Ministère de
publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/ressources_documentaires/publications/guide_prati
que_lolf/2012/guidelolf2012.pdf.

l’économie et des finances (2012) Guide pratique de
Recommandations
Il serait conseillé de :
1. Poursuivre la coopération internationale dans le domaine de la GBO, sous les formes appropriées, et en
garantissant la cohérence des interventions grâce à la centralisation de la coopération dans ce domaine
auprès du ministère des Finances.
2. Clarifier auprès de l’ARP les enjeux de la GBO et de la situation juridique actuelle, à travers des
échanges périodiques et suivis entre cette assemblée et le ministre des Finances, accompagné de ses
services, en particulier, l’unité centrale de la GBO et le CGABE. L’ARP pourrait aussi solliciter le
concours d’organisations internationales, afin de bénéficier de leur expérience dans le domaine et de
celle de leurs États membres ayant déjà entrepris de telles réformes.
3. Maintenir le soutien politique fort de la réforme. Il conviendrait partant que le gouvernement s’approprie
pleinement la GBO. Le projet de LOB étant transmis à l’ARP, il serait souhaitable que le gouvernement
s’assure de l’inscription de ce projet à l’ordre du jour de celle-ci de sorte à ce que son caractère
technique ne laisse pas oublier sa portée politique considérable.
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60 – 1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS
Recommandations (suite)
4. Étudier dans les meilleurs délais le projet de LOB. À ce titre, il serait souhaitable de : a) Faire que l’ARP
entreprenne dans les meilleurs délais l’étude du projet de la LOB et qu’elle s’adjoigne à plein temps des
experts nationaux, tout en bénéficiant du conseil occasionnel d’experts internationaux, en mesure
d’évaluer pleinement la portée des dispositions contenues dans le texte et de sauvegarder les droits du
parlement en la matière. b) Naturellement, la commission des finances de l’ARP devrait assumer un rôle
essentiel dans ce travail. Elle pourrait également se doter des moyens humains et matériels pour remplir
cette tâche, mettre en place des formations spécialisées pour ses membres sur ces questions et solliciter
le soutien de parlements étrangers. c) L’importance du sujet justifierait que son adoption par l’ARP soit
envisagée dans les délais les plus proches. Pour ce faire, il serait utile que le bureau de l’ARP, réunissant
les présidents des groupes parlementaires, examine aussi les grands principes de la LOB, afin que le
consensus politique le plus grand large possible se dessine et facilite l’adoption du projet de LOB.
5. Rendre la constitutionnalité de la future LOB irréprochable : a) Une fois le texte voté par l’ARP, il serait
bon de le soumettre de façon préventive au contrôle de constitutionnalité, prévu par l’article 66 de la
Constitution, et effectué actuellement par l’instance constitutionnelle provisoire, et ultérieurement par la
Cour constitutionnelle ; b) Afin que ce contrôle remplisse toute les conditions attendues, il serait
conseillé que la Cour constitutionnelle l’accomplisse et, par conséquence, que la loi organique la créant
soit pleinement appliquée et que ses membres aient été nommés.
6. Procéder à la modification de la législation subséquente de la GBO. Partant, il importe, d’abord, de
dresser la liste de la législation à faire évoluer pour appliquer pleinement la GBO, et, ensuite, d’établir
une organisation et un calendrier pour atteindre cet objectif.
7. Compléter la documentation budgétaire pour donner la meilleure information sur les comptes publics à
l’ARP et aux citoyens : a) Établir une annexe sur les comptes des collectivités locales, les entreprises
publiques et les opérateurs publics. b) Établir des annexes sur le niveau des prélèvements obligatoires,
les finances de la sécurité sociale, et les régimes privés de retraite. c) Comme le prévoit le système
comptable de l’Union européenne (SEC 2010), les budgets des sous-secteurs administratifs sont à
publier, accompagnés des montants de la dette brute et des garanties accordées.
Notes
1.
2.
3.
4.
5.
Loi constituante 2011-6, relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics,
http://mjp.univ-perp.fr/constit/tn2011.htm.
Journal officiel de la République tunisienne, n° 020, p. 363, 25 mars 2011.
Cependant, durant la période de transition, les règles de préparation, d’examen et de
vote du budget par le Parlement ont été légèrement modifiées dans le sens d’une
majeure responsabilité de l’Assemblée constitutionnelle provisoire. Voir : OCDE
(2013),
Consolider la transparence budgétaire pour une meilleure gouvernance
publique en Tunisie
.
Loi n° 67-53 du 8 décembre 1967 portant loi organique du budget.
JORT du 1er janvier 2013, pp. 137-139.
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Page 60
1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS – 61
6.
7.
8.
9.
Loi n° 73-81 du 31 décembre 1973, portant promulgation du code de la comptabilité
publique, JORT n° 51 du 31 décembre 1973, p. 2263.
Article 56 du projet de LOB : Les redéploiements des crédits à l’intérieur d’un
programme sont permis par arrêté du chef de l’administration. Toutefois, il n’est pas
permis d’augmenter les dépenses de rémunération et de diminuer les dépenses
d’investissements et les dépenses des opérations financières.
« La loi de finances prévoit et autorise, pour chaque année, l’ensemble des ressources
et des charges de l’État ainsi que l’équilibre financier qui en résulte. Elle détermine la
nature et la répartition des ressources et des charges de l’État dans le cadre des plans
de développement et des prévisions budgétaires à moyen terme fixé par trois (3) ans,
et mises à jour annuellement compte tenu des objectifs et des résultats attendus des
programmes prévus par ladite loi ainsi que des équilibres généraux. »
Il convient d’observer que le régime de la sécurité sociale et les régimes privés de
retraite ne font pas partie du périmètre du budget de l’État. Toutefois, il existe un
programme dénommé « Sécurité sociale » dans la mission (ministère) « affaires
sociales ». Aussi tout transfert de l’État au profit de ces caisses apparaît-il dans ce
programme.
Références
Chikhaoui, L. (2007), École Nationale d’Administration, concours d’entrée au cycle
supérieur, supports destinés à la préparation de l’épreuve écrite de spécialité par les
titulaires du diplôme national d’ingénieur, droit axe 3 : finances publiques
, Tunisie.
Chikhaoui, L. (2004), Précis de finances publiques, Tome 1 : droit budgétaire, Centre de
publication universitaire, Tunis, ISBN: 9973-372-20-4, p. 173.
Essoui, A. (2013), Finances publiques, Éditions Latrach, Tunis, ISBN 9938-858-33-3.
IGAE (2012), Ley orgánica 2/2012, de 27 de abril, de estabilidad presupuestaria y
sostenibilidad
www.igae.pap.minhap.gob.es/sitios/igae/es-ES/Cln
Normativa/ClnLeyes/Documents/LEY%20ORGANICA%202-2012.pdf (consulté le
20 avril 2016).
financiera,
Legifrance (2016), Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de
www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000
finances,
394028 (consulté le 22 avril 2016).
Ministère de l’économie et des finances (2012), Guide pratique de la LOLF,
www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/
documents/ressources_documentaires/publications/guide_pratique_lolf/2012/guidelolf
2012.pdf.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016



Page 61
62 – 1. LE NOUVEAU CONTEXTE CONSTITUTIONNEL ET LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS
OCDE (2013), Consolider la transparence budgétaire pour une meilleure gouvernance
publique en Tunisie
, Editions OCDE, Paris, www.oecd.org/mena/governance/
Consolider-la-transparence-budgetaire-pour-une-meilleure-gouvernance-publique-en-
Tunisie.pdf.
OCDE (2008), La budgétisation axée sur la performance dans les pays de l’OCDE, p. 40,
www.oecd-ilibrary.org/governance/la-budgetisation-axee-sur-la-performance-dans-
les-pays-de-l-ocde_9789264034075-fr;jsessionid=600fe3lihum6.x-oecd-live-02.
OCDE (2004), Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire, numéro spécial, Le cadre
juridique des systèmes budgétaires
, volume 4, n° 3, p. 29, Editions OCDE, Paris,
www.oecd.org/fr/gov/budgetisation/40960926.pdf.
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Page 62
2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE – 63
Chapitre 2
La procédure budgétaire
Le chapitre examine la préparation, l’examen et le vote de la loi de finances. Il expose
que la préparation du projet de loi de finances reste de la responsabilité exclusive du
gouvernement et repose encore de manière implicite sur la distinction entre les dépenses
de fonctionnement et celles de développement. L’exercice du pouvoir budgétaire de
l’Assemblée des représentants du peuple demeure très encadré et est rendu plus difficile
par ses moyens matériels et humains réduits. Ce chapitre propose donc, dans l’esprit de
la GBO, d’une part, de renforcer le comité général de l’administration du budget de
l’État, et, d’autre part, d’associer davantage le parlement à la préparation du projet de
loi de finances, de lui accorder plus de latitude pour faire évoluer le projet de loi de
finances et d’accroître ses moyens.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016




Page 63
64 – 2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE
Dans certains pays membres de l’OCDE, la mise en place de la gestion par la
performance a conforté le rôle et les attributions du parlement dans la procédure
budgétaire. Sans avoir explicitement adopté ce mode de gestion, la Constitution
tunisienne de 2014 s’avère compatible avec lui, tout en fixant les grandes lignes de la
procédure budgétaire. Elle détermine le calendrier de préparation du projet de loi de
finances et les acteurs y participant, ainsi que les principes de l’examen et du vote
parlementaires. Naturellement, elle prévaut sur la LOB de 1967 qui dans sa version
amendée de 2004, autorise déjà la mise en place de certains éléments de la GBO. Il en
résulte que dans la préparation des projets des lois de finances (PLF), le gouvernement,
secondé par l’administration, a la possibilité d’introduire des éléments de GBO, pour
autant que ceux-ci restent, d’une part, conformes à la LOB en vigueur, et, cohérents,
d’autre part, pour des raisons pratiques, avec la législation budgétaire en vigueur. Le plein
passage à la GBO requiert aussi de donner les moyens suffisants de travail à l’ARP, tout
en garantissant le respect du principe de transparence.
Le calendrier et les acteurs de la préparation du PLF
La constitution tunisienne détermine la date de présentation du projet de loi de
finances PLF à l’ARP et la date limite du vote de ce texte par celle-ci. À partir de ces
dates, la procédure budgétaire se trouve organisée. Par ailleurs, la préparation du PLF
reste de la responsabilité du gouvernement et l’ARP s’avère peu associée dans cette
démarche.
Le calendrier
La date de présentation du projet de loi de finances à l’ARP détermine
majoritairement le calendrier de la préparation de ce texte. L’article 66 de la Constitution
dispose que le projet de loi de finances est soumis à l’Assemblée des représentants du
peuple au plus tard le 15 octobre
1, et adopté au plus tard le 10 décembre. Dans toutes les
hypothèses, la date limite de promulgation de la loi de finances reste le 31 décembre.
L’article 2 de la LOB, encore en vigueur, prévoit, quant à lui, que l’année budgétaire
commence le 1
er janvier et s’achève le 31 décembre de chaque année. Il ressort donc de
l’ensemble de ces dispositions, la soumission du budget au principe de l’annualité qui
détermine, également, le calendrier de préparation de la loi de finances.
L’article 23 de la LOB de 1967 distingue deux étapes dans l’élaboration du budget :
Au cours de la première étape : « Les chefs d’administration établissent les
prévisions annuelles de dépenses des services qui leur sont rattachés et les
adressent au ministère des Finances avant la fin du mois de mai de chaque
année. » ;
Pendant la deuxième étape : « Le ministre des Finances examine ces propositions,
y ajoute les prévisions de recettes et élabore le projet de loi de finances, etc. ».
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La législation instaure donc un cadre souple, qui permet au gouvernement de définir
par arrêté, le détail la procédure de préparation du budget. Cette souplesse a facilité
l’intégration de la GBO dans la préparation de la loi de finances pour 2016 qui intervient
selon le calendrier suivant :
2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE – 65
Fin avril 2015
Des réunions au ministère des Finances avec les responsables de projets et les
la participation de
représentants du programme « Pilotage et appui », avec
représentants du Comité général de la fonction publique, du Contrôle général des
services publics, et du Comité des contrôleurs d’État, et ce pour :
-
évaluer les réalisations de 2014 et mettre à jour les articles du budget 2015
dans la limite des crédits alloués et envisager les dispositions à mettre en
œuvre si besoin pour remédier à certaines lacunes ;
fixer les résultats et la valeur réellement atteinte pour les indicateurs de
performance de chaque programme (réalisations jusqu’à fin juin 2014) sur la
base des dépenses de 2014 ;
mettre à jour les objectifs et indicateurs de performance de 2015 sur la base
des crédits réellement alloués au programme dans le cadre de la loi de
finances pour 2015, et fixer les mesures et activités à entreprendre pour
remédier aux lacunes.

-
-
2 mai 2015
31 mai 2015
Fin juin 2015
Juin - juillet 2015
Fin juillet 2015
1
ère semaine d’août
3
ème semaine d’août
1
ère semaine d’octobre
15 octobre 2015
10 décembre 2015
Dernier délai pour les ministères des 1ère et 2ème vagues d’envoyer les Rapports
annuels de performance (RAP) de 2014 au ministère des Finances.
Dernier délai d’envoi :
-
-
des propositions finales à intégrer au PLF au ministère des Finances ;
du dossier synthétique de performance (sur lequel se fondent les discussions
du budget et de la performance).

Dernier délai de présentation des propositions de mesures à insérer au PLF pour 2016.
Discussion des projets de budgets et des PAP, entre les représentants des chefs des
structures concernées,
responsables de projets, unités GBO des ministères
techniques, représentants du programme « Pilotage et appui » et les services du
Budget.
Dernier délai de présentation des mesures à insérer au PLF 2016, le cas échéant.
Conseil des ministres pour fixer les équilibres généraux du projet de budget.
Dernier délai de présentation des PAP au ministère des Finances.
Présentation du PLF, des projets annuels de performance et du budget de l’État au
Conseil des ministres.
Dernier délai de soumission à l’ARP du PLF, des PAP et du budget de l’État de l’année
2016.
Dernier délai d’adoption de la LF par l'ARP.
Source : Présidence du gouvernement (2016), Circulaire du Chef du gouvernement portant préparation du
budget de l’État pour l’année 2016 (parue le 28 avril 2015).
Les acteurs de la préparation du PLF
En application de l’article 91 de la Constitution, le Chef du gouvernement détermine
la politique générale de l’État. À ce titre, il lui revient de fixer les orientations du projet
de loi de finances et d’arbitrer les décisions sur son contenu
2. En contrepartie, l’ARP ne
se trouve pas associée à ce travail.
L’élaboration du PLF par le gouvernement
Sous la LOB en vigueur, le gouvernement établit et propose seul la loi de finances ; le
Parlement l’autorise ou la refuse. La même division des tâches apparaît dans le projet de
LOB. En effet, l’article 37 de ce dernier texte énonce que : « Le ministre chargé des
Finances, sous l’autorité du Chef du gouvernement, prépare le projet de loi de finances de
l’année, conformément au calendrier fixé par décret gouvernemental. » L’article 38 du
projet de LOB édicte qu’il revient au Chef du gouvernement d’arrêter le projet de loi de
finances après l’approbation du Conseil des ministres. Mais, dans la pratique, le rôle du
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66 – 2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE
ministre des Finances apparaît limité par l’existence du ministère du Développement, de
l’investissement et de la coopération internationale (MDICI).
Les acteurs de la préparation du PLF dans le ministère des Finances
Comme dans la plupart des États membres de l’OCDE, en Tunisie les différents
départements et services dépensiers préparent des projets de budget manifestant leurs
priorités et demandes de crédits, puis les adressent au ministère des finances qui, assume
le rôle central dans l’élaboration du projet de loi de finances (OCDE, 2013). Au sein de
ce dernier ministère, il convient de relever le rôle joué par cinq services.
La Direction générale des ressources et des équilibres (DGRE) participe à la
définition de la politique économique et financière de l’État. Elle élabore les prévisions
de recettes du budget de l’État du projet de loi de finances, du budget économique et du
plan de développement économique et social (article 24 de la LOB). Elle suit également
l’évolution des recettes et des dépenses du budget de l’État, de la conjoncture
économique et propose les mesures adéquates pour la maîtrise du déficit budgétaire
3. La
Direction générale de la comptabilité publique et la Direction générale des impôts et la
Direction générale des douanes fournissent des données sur les ressources fiscales et
douanières, ainsi que sur l’exécution des dépenses.
Mais le rôle central dans l’élaboration du budget revient au Comité général de
l'administration du budget de l'État (CGABE). Celui-ci prépare, en particulier, en
collaboration avec les départements ministériels et les organismes concernés, le budget de
l’État et les budgets des établissements publics. Il établit aussi le projet de loi des finances
et le projet de loi de règlement du budget. Il suit, enfin, l’exécution des dépenses
publiques et de toutes les autorisations et mesures en rapport avec les dépenses de l'État.
Concernant spécialement le projet de loi de finances, le CGABE met en place ses
procédures et son calendrier d’élaboration, reçoit et examine les demandes budgétaires
des ministères techniques, prépare les arbitrages du Chef gouvernement et rédige le texte
et les documents annexes, approuvés par le gouvernement et adressés à l’ARP.
Les dépenses de fonctionnement et de développement dans la préparation du PLF
À l’indépendance de la Tunisie, deux budgets étaient adoptés par le parlement. L’un
pour le fonctionnement courant, l’autre pour les dépenses et investissements permettant le
développement économique et social du pays. Aujourd’hui, une seule loi de finances est
adoptée pour l’ensemble des dépenses. Le budget tunisien reste, cependant, marqué par la
distinction entre, d’une part, les dépenses destinées au développement économique et
social du pays, auxquelles se sont ajoutées aujourd’hui celles à dimension régionale, et,
d’autre part, les dépenses de fonctionnement courant de l’État. Les secondes sont
pleinement de la responsabilité du ministre des Finances ; les premières relèvent du
ministère du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale.
Ce dernier ministère se trouve chargé de la conception et de l’application de la
politique de développement national. Il assure, avec le concours des départements et
organismes concernés, l'élaboration et la coordination des stratégies et politiques
globales, sectorielles et régionales de développement et l’élaboration des plans de
développement et les budgets économiques. Il suit l'exécution des plans et des budgets
économiques. Ces missions le conduisent à participer à l'élaboration du budget de l'État,
définir les besoins en matière de financement et veiller à évaluation des projets dans ce
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2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE – 67
domaine4. Le ministère du Développement, de l’investissement et de la coopération
internationale bénéficie de l’appui de l’Institut national de la statistique (INS) et de
l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (ITCEQ) qui, recueillent
les données et procèdent aux études économiques et sociales, nécessaires à la conception
et l’exécution de la politique de développement nationale.
Les missions du ministère du Développement le font entretenir des relations
importantes avec les bailleurs internationaux, tels le Fonds monétaire international, la
Banque mondiale, la Banque africaine de développement ou les institutions de l’Union
européenne, concernant des financements de projets ou des opérations de soutien
budgétaire. Responsable des investissements de développement et prenant une part active
à leurs financements, ce ministère se trouve, dès lors, bien placé pour obtenir leur
inscription dans le projet de loi de finances et des arbitrages en sa faveur du Chef du
gouvernement.
Il en résulte que, même si le ministre des Finances assure la préparation générale du
projet de loi de finances, très largement les dépenses d’investissement formant une part
importante du budget national tunisien, lui échappent. De surcroît, la présence du MDICI
a pour effet d’amenuiser particulièrement le rôle du CGABE dans l’élaboration du projet
de loi de finances. Or, dans la plupart des pays de l’OCDE, l’essentiel des fonctions
budgétaires demeure attribué à un seul ministère, généralement celui des finances, afin
d’assurer la cohérence de l’action publique dans tous les domaines. Dans ceux-ci aussi
une autorité budgétaire centrale unique, chargée du cadrage des finances publiques et de
préparer le budget de l’État, en recherchant les marges de manœuvre indispensables au
financement des politiques gouvernementales, se révèle essentielle. Cette autorité unique
propose des réformes et des économies structurelles pour maîtriser la dépense publique,
participe à l’élaboration de la politique économique et financière et incite à l’amélioration
de la gestion publique. En Tunisie, à l’opposé, le CGABE ne paraît pas toujours
suffisamment fort pour assurer le pilotage des dépenses publiques, comme le montre les
recrutements massifs d’agents publics intervenus depuis trois ans et qui grèvent le budget
national.
Encadré 2.1. L’établissement du budget en Allemagne
La préparation du budget fédéral commence dans les divisions budgétaires du ministère fédéral des Finances
et auprès des autorités fédérales suprêmes, celles-là et celles-ci ayant à réunir les propositions relatives à leur
budget, les évaluer, les tempérer, les compléter et les transmettre au ministère des Finances sous forme de
prévisions budgétaires. Parvenues au ministère des Finances, les prévisions budgétaires sont examinées et
regroupées. Les dépenses prévues sont alors rapportées aux recettes fiscales estimées par des experts.
Une fois que le ministre des Finances a collecté et regroupé tous les budgets particuliers, le gouvernement
fédéral adopte le projet de budget global. Ce document est publié dans ses grandes lignes au cours de l’été
précédant l’exercice budgétaire à planifier.
Le budget contient approximativement 2 500 pages. Il se décompose en un budget d’ensemble et en
plusieurs budgets particuliers. Les budgets particuliers présentent dans le détail le montant et la nature des
recettes et des dépenses prévues dans chaque ministère et de chaque autorité fédérale suprême.
Source : Bundestag (s.d.), www.bundestag.de/htdocs_f/bundestag/fonctions/budget/adoption/246000 (consulté le 2 avril
2016).
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68 – 2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE
Encadré 2.2. Les acteurs de la préparation du budget au Canada
Le Cabinet du gouvernement, composé d’élus du parti au pouvoir, affecte les ressources aux priorités,
figurant dans le budget annuel et reflétées dans le cadre financier (la base des dépenses du
gouvernement). Le Cabinet est divisé en plusieurs comités, dont le comité sur les priorités et la
planification qui, se trouve présidé par le Premier Ministre, et occupe une place considérable dans
l’établissement du budget.
Le ministère des Finances fixe les politiques fiscales et prépare le budget. Traditionnellement, le projet
de budget est adressé au parlement en février. Il comprend le plan financier (les recettes projetées et les
dépenses prévues) pour l’exercice financier commençant le 1
er avril. Après les discussions du Comité
des priorités et de la planification de l’automne et de l’hiver (y compris des séances d’information sur
les examens stratégiques, coordonnées par le Conseil du Trésor), le ministre des Finances et le Premier
ministre arrêtent les décisions définitives sur le projet de budget annuel.
Le conseil du Trésor, un comité du Cabinet, appuyé par un secrétariat et d’autres organismes, surveille
l’exécution de l’autorisation annuelle de dépense donnée par le Parlement et agit comme le « conseil de
gestion » du gouvernement. Le conseil du Trésor établit les normes des rapports de performance
ministériels, et produit les plans et les rapports de performance concernant l’ensemble du gouvernement.
Il évalue aussi la capacité de gestion des ministères et met en place les politiques administratives de
l’État fédéral. Enfin, le Secrétariat gère la procédure d’examen stratégique – un exercice annuel destiné à
déterminer les possibilités de réaffectation des ressources depuis les programmes à faible priorité
jusqu’aux programmes à priorité plus élevée. Chaque hiver, les résultats de ces examens sont exposés au
Comité du Cabinet sur les priorités et la planification, et ces mêmes résultats servent à la préparation du
budget de février.
Le Bureau du conseil privé (BCP) gère le programme du Cabinet, communique les décisions de celui-ci,
et examine propositions ministérielles au Cabinet tendant à introduire des changements dans la structure
des programmes. Les ministères doivent situer leurs propositions dans le cadre d’un débat sur la
performance des programmes existants. Parce que le BCP agit comme « garde-barrière » envers les
nouvelles politiques ou les nouveaux programmes présentés au Cabinet, une relation étroite existe entre
le BCP, le Conseil du Trésor et les hauts fonctionnaires des Finances avant et après la tenue des réunions
du Cabinet.
Les ministères élaborent les options de politiques et les propositions de programmes et gèrent leur
exécution. Ils rendent compte au Parlement au cours de la procédure budgétaire des dépenses et sont
responsables d’évaluer le rendement et l’efficacité des programmes.
Source : McCormack (2008) Les fondements institutionnels favorisant le budget éclairé par la performance, le cas du
gouvernement du Canada
, CCAF-FCVI, www.ccaf-fcvi.com/attachments/258_PerformanceBudgeting-FR.pdf.
La faible association de l’ARP à la préparation du PLF
Comme il a été indiqué plus haut, dans certains États membres de l’OCDE, tels les
Pays-Bas, la budgétisation axée sur la performance a été une initiative des parlements
nationaux qui, ont également souhaité se trouver davantage associés à l’élaboration du
projet de budget et à son exécution. Or, en Tunisie, l’ARP demeure très peu associée à la
préparation du PLF.
Dans la législation actuelle, l’ARP ne participe pas à la préparation du PLF. Ni la
Constitution de 2014, et a fortiori la LOB de 1967 ne l’envisagent. Par ailleurs, le projet
de LOB n’envisage pas plus une telle participation. Or, la GBO fournit l’occasion
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2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE – 69
d’impliquer le parlement dans les choix budgétaires, tout en respectant l’initiative
gouvernementale. Par exemple, en France, la loi organique de finances (LOLF) instaure
un débat d’orientation budgétaire au mois de juin, facilité par un rapport sur l’évolution
de l’économie nationale, sur les orientations des finances publiques qui comprend la liste
des missions, programmes et des indicateurs de performance associés à chacun de ces
programmes, envisagés par la loi de finances de l’année suivante. Lors de l’ouverture de
la session parlementaire du mois d’octobre, le gouvernement présente un rapport retraçant
l’ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que leur évolution, en vue de l’examen du
PLF et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, « le rapport sur la
situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation », joint au
PLF de l’année, complète l’ancien rapport économique, social et financier, en le plaçant
dans une perspective pluriannuelle.
Au Royaume-Uni, la date de présentation et l'appellation des états budgétaires ont
évolué avec le temps. Actuellement, il existe une déclaration pré-budgétaire en novembre,
une déclaration budgétaire en mars et un état de révisions des dépenses dont la périodicité
semble devenir biannuelle. Ces échanges, dont la portée demeure souvent limitée, offrent
toutefois l’occasion aux représentants du peuple de connaître la situation des finances
publiques, leur évolution et d’interroger le gouvernement sur sa politique, tout en
préparant leurs positions sur le prochain projet de loi de finances.
Encadré 2.3. Le rôle du parlement dans la gestion budgétaire axée sur la performance dans
certains pays de l’OCDE
Canada : le Parlement joue un rôle capital. Conformément à la convention de gouvernement responsable
(ou Convention de Westminster), le gouvernement rend compte de ses actions au Parlement et doit conserver la
confiance du Parlement pour gouverner. Les initiatives essentielles, telles que le
Discours du Trône et le Budget,
sont des « motions de confiance » (ce qui signifie que si elles ne reçoivent pas le soutien d’une majorité simple
des membres du Parlement, le gouvernement tombe). En outre, le gouvernement ne peut engager de dépenses
sans l’approbation du Parlement. Ces fonctions de surveillance et de responsabilisation interviennent lorsque le
Parlement et ses comités examinent les politiques et les demandes de crédits dans le cadre des projets de loi de
finances, et les documents justificatifs du
Budget de dépenses dans le cadre des activités liées à l’allocation des
crédits.
Australie : le cadre de résultats et d’extrants est conçu pour être dynamique et flexible. Il fonctionne sous
forme de hiérarchie décisionnelle :
Le gouvernement (par l’intermédiaire de ses ministres et avec l’assistance des administrations
compétentes) spécifie les résultats qu’il cherche à obtenir dans un domaine particulier.
Ces résultats sont définis en termes des retombées escomptées sur certains aspects de la société (comme
l’éducation), de l’économie (les exportations) ou de l’intérêt national (la défense).
Le Parlement alloue les crédits qui permettront au gouvernement d’obtenir ces résultats au moyen des
ressources administrées et des extrants ministériels.
Les éléments tels que les dons, les transferts et les paiements au titre des prestations sociales sont gérés
pour le compte du gouvernement par les administrations, dans l’objectif de maximiser leur contribution
aux résultats spécifiés.
Les administrations définissent et gèrent leurs extrants de manière à optimiser leur apport à la réalisation
des résultats souhaités par le gouvernement.
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70 – 2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE
Encadré 2.3. Le rôle du parlement dans la gestion budgétaire axée sur la performance dans
certains pays de l’OCDE
(suite)
Des indicateurs de performance sont élaborés pour évaluer l’efficacité (autrement dit l’effet des
ressources administrées et des extrants sur les résultats) et l’efficience (notamment au regard de
l’application des ressources administrées et du prix, de la qualité et du nombre d’extrants) et
perfectionner le système en vue de rehausser la performance et la responsabilisation à l’égard des
résultats. »
Pays-Bas : la reconfiguration du budget (réforme VBTB) avait pour but de présenter au Parlement une
documentation budgétaire axée davantage sur les politiques et plus transparente, c’est-à-dire des informations
explicites sur les résultats de l’action publique. Comme la nouvelle formule budgétaire permet au gouvernement
de se concentrer sur les objectifs (les résultats des programmes), plutôt que sur les instruments, la réforme joue
aussi en faveur de l’efficacité. Elle résulte d’une initiative prise par la chambre basse du Parlement néerlandais.
Le ministère des Finances a joué un rôle de coordination et de suivi. Après une phase de préparation intensive,
tous les ministères ont adopté la nouvelle structure budgétaire pendant la préparation de la loi de finances pour
2002 (le « big boom »).
Dans sa nouvelle forme, le budget ne se base pas sur des fonds à dépenser, mais sur des politiques et ce que
l’on attend d’elles en termes d’objectifs concrets. L’aspect décisif est de faire clairement apparaître les objectifs
politiques de l’accord de coalition dans les différents projets et dans les rapports (rétrospectifs). Et cela en posant
des questions clés comme : que voulons-nous faire ? Par quels moyens ? À quel coût ? La nouvelle formule
budgétaire s’est accompagnée d’un nouveau mode de compte rendu – le rapport annuel – qui est une réplique du
budget : avons-nous atteint nos objectifs ? L’avons-nous fait par les moyens envisagés ? Le coût a-t-il été
conforme à nos attentes ?
Source : OCDE (2008) La budgétisation axée sur
ilibrary.org/fr/governance/la-budgetisation-axee-sur-la-performance-dans-les-pays-de-l-ocde_9789264034075-fr.
la performance dans
les pays de
l’OCDE, www.oecd-
L’examen et le vote par le parlement du PLF
Il revient à l’ARP d’examiner et de voter le PLF. Cependant, les pouvoirs de cette
assemblée restent limités en la matière.
L’examen du PLF
Examen et le vote par le parlement du projet de loi de finances constitue un gage
essentiel du fonctionnement démocratique de l’État et de bonne gouvernance financière.
Aussi le parlement doit-il bénéficier d’un temps suffisant pour étudier le budget, sans que
cet examen perdure de manière indéterminée et paralyse le fonctionnement de l’État.
Le dépôt et le vote
Sous l’empire de la Constitution du 1er juin 1959, le délai de dépôt du projet de loi de
finances (PLF) devant le Parlement figurait dans l’article 23 de la LOB. Il commençait le
25 octobre et s’achevait le 31 décembre. La Chambre des députés et celle des conseillers
disposaient donc de 67 jours pour examiner le texte. Dans la réalité, le PLF a souvent été
déposé en retard et son examen par le parlement s’avérait très sommaire, amoindrissant
de manière considérable la portée démocratique du vote des élus de la nation.
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2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE – 71
Durant le régime transitoire, la loi constitutionnelle n° 2011-6 du 16 décembre 2011,
portant organisation provisoire des pouvoirs publics, reprenait le 31 décembre pour le
vote, mais ne fixait pas de date limite de dépôt. En application du principe du maintien de
la législation antérieure compatible avec la législation révolutionnaire, les dispositions de
la LOB se trouvaient valides. La date de dépôt était donc le 25 octobre. Mais en raison
des circonstances postrévolutionnaires, le PLF pour 2013 a été déposé seulement le 26
novembre 2012.
La Constitution de 2014 prévoit le dépôt de PLF le 15 octobre, soit 10 jours plus tôt
que prévu dans la LOB. L’ARP dispose jusqu’au 10 décembre pour se prononcer sur le
PLF, soit en tout 56 jours pour examiner le texte. Ce délai est bien inférieur à celui
d’environ trois mois laissé dans la majorité des pays membres de l’OCDE au parlement
pour examiner et débattre du PLF de l’année.
Il convient, toutefois, d’observer que la date du 15 octobre constitue une limite ;
l’exécutif conserve, dès lors, le loisir de soumettre plus tôt le PLF à l’ARP. Aussi
pourrait-il décider d’avancer la date de dépôt, d’abord, au 1
er octobre, et après quelques
années d’essai, au 15 septembre.
L’absence d’adoption du PLF par l’ARP
La Constitution de 2014 se montre sévère vis-à-vis de l’ARP lorsqu’elle ne parvient
pas à adopter la loi de finances de l’année. Son article 66 prévoit que si la loi de finances
n’a pas été adoptée le 10 décembre, le gouvernement se trouve autorisé à mettre en œuvre
le budget de l’année antérieure par quarts provisoires relativement aux dépenses et à
percevoir les recettes selon les lois en vigueur. Or, dans la majorité des pays membres de
l’OCDE, si le budget n’est pas adopté à l’échéance constitutionnelle, les conséquences
pour le gouvernement et le parlement sont soit neutres, soit favorables pour le parlement
(OCDE, 2014). A l’opposé, en Tunisie, ne pas adopter le budget redonne la main au
gouvernement. Si bien que le gouvernement pourrait ainsi
de facto ignorer le parlement.
Naturellement, ces mesures revêtiraient un caractère exceptionnel et manifesteraient des
désaccords profonds entre les deux branches fondamentales des pouvoirs publics.
Le droit de vote et d’amendement de l’ARP
Le projet de loi de finances constitue une proposition formulée par le gouvernement
au parlement. Il traduit une vision politique, accompagnée de moyens d’actions. Il
importe donc qu’il garde sa cohérence. Cependant, la logique parlementaire conduit les
élus de la nation à participer à l’élaboration de ces choix par l’intermédiaire de leur droit
de modifier les dispositions qui leurs sont proposées. De la combinaison de ces deux
impératifs naissent la reconnaissance et les limites du droit d’amendement concernant le
montant des dépenses et la nature des dispositions figurant dans la loi des finances.
Parallèlement, l’introduction de la logique programmatique devrait aussi produire des
conséquences sur le droit d’amendement parlementaire. Les modalités du vote de la loi de
finances, enfin, déterminent de manière considérable le rôle du parlement dans la
définition des choix budgétaires.
Le droit d’amendement parlementaire
Dans nombre de pays de l’OCDE (52 %), le parlement bénéficie de la compétence
illimitée d’amender le budget (OCDE, 2014). En Tunisie, il a paru, à l’opposé, nécessaire
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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72 – 2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE
d’encadrer sérieusement le pouvoir d’amendement du parlement, en général, et ayant des
effets financiers pour l’État, en particulier. En effet, l’article 62 de la Constitution dispose
que l’initiative parlementaire des lois est exercée au moyen de propositions présentées par
au moins 10 députés. L’article 63 ajoute que : « Les propositions de loi et d’amendements
présentées par les députés ne sont recevables que si elles ne portent pas atteinte aux
équilibres financiers arrêtés dans la loi de finances. » En complément de cette disposition,
l’article 30 de la LOB actuellement en vigueur énonce que « Aucun article additionnel et
aucun amendement à un projet de loi de finances ne peuvent être présentés, s’ils ne
tendent à supprimer ou à réduire une dépense, à créer ou à augmenter une recette. /
Toute proposition de dépenses nouvelles doit être assortie d’une proposition de
recettes correspondantes ou d’une proposition d’économie, d’égal montant, sur
l’ensemble des dépenses. »
Le projet de LOB reprend ces termes. Il résulte donc de l’ensemble des dispositions
précitées que le droit d’amendement des membres de l’ARP en matière financière s’avère
réduit de deux points de vue : pour s’exercer, il nécessite la réunion de 10 membres de
l’ARP et son domaine se trouve limité. Dès lors, il serait utile d’inviter le gouvernement
tunisien, tout en respectant le texte de la Constitution, à réduire le caractère limitatif du
droit d’amendement budgétaire des parlementaires et à modifier dans ce sens le projet de
LOB.
L’interdiction des cavaliers budgétaires
Il est de plus grande importance que les lois de finances restent conformes à leur
objet, et que les débats parlementaires portant sur les lois de finances ne s'éternisent pas.
Or, la tentation paraît grande, tant pour le gouvernement que pour les parlementaires, de
profiter de la procédure budgétaire pour insérer dans le projet de loi de finances des
dispositions étrangères à celui-ci. Dans la tradition des finances publiques tunisiennes, ces
mesures prennent le nom de cavaliers budgétaires et sont anticonstitutionnelles. La
jurisprudence en la matière se révèle sévère. Si bien que le droit d’amendement
parlementaire se trouve fortement contraint.
L’article 9 du projet de LOB reprend cette interdiction en énonçant que « La loi de
finances doit se limiter aux dispositions relatives aux ressources et aux charges de
l’État. » Elle interdit donc les cavaliers budgétaires, au risque de voir la mesure concernée
déclarée institutionnelle au titre, soit de l’article 120 de la Constitution, soit par la voie de
l’exception d’illégalité.
Cependant, s’il importe de limiter les cavaliers budgétaires, il demeure essentiel aussi
qu’une latitude d’amendement soit laissée aux parlementaires grâce à l’interprétation
mesurée de la constitution en la matière.
Le droit d’amendement et le caractère programmatique du PLF
Bien entendu, le droit positif tunisien s’appliquant au projet de loi de finances ne
comporte aucune disposition concernant l’instauration de programmes à l’initiative de
l’ARP. À l’opposé de la législation de certains États membres de l’OCDE, le projet de
LOB, quant à lui, n’a pas abordé ce point et n’a donc pas limité le droit d’amendement
parlementaire concernant l’instauration des programmes
5. L’article 47 du projet de LOB
s’en tient à envisager qu’il est possible d’introduire des modifications entre les
programmes à la condition qu’elles soient « accompagnées par les modifications
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2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE – 73
nécessaires des objectifs et des indicateurs ». Ces mesures très raisonnables sont à
encourager.
Il semblerait, dès lors, envisageable de faire évoluer le projet de LOB en vue de
donner pleinement compétence aux membres de l’ARP pour proposer la création de
programmes.
Les modalités du vote
Les modalités, le contenu du vote du projet de loi de finances et la spécialité des
crédits, déterminent grandement le sens de l’autorisation parlementaire qui, dans la GBO
revêt une valeur forte.
Le contenu du vote
La réforme de 2004 de la LOB6, afin de tenir compte de l’affectation des crédits selon
des programmes et des missions, avait fait disparaître la distinction entre, d’un côté, les
services votés
7, et, de l’autre côté, les mesures nouvelles (Chikhaoui, 2004)8 qui,
formaient une part faible du budget de l’État. Cette distinction conduisait le parlement à
se prononcer, d’abord, et en une seule fois sur les premiers, puis, sur les secondes. En
conséquence, les articles 29 et 30 de la LOB en vigueur subdivisent le vote PLF en
plusieurs votes partiels. De la sorte, le parlement ne s’avère pas obligé d’accepter ou de
refuser en bloc tout le PLF par une seule décision, et vote par tranche, selon le degré de
spécialité déterminé par la LOB. Les prévisions de dépenses font l’objet d’un vote par
section et par chapitre pour le budget de l’État. Les prévisions de recettes font l’objet
d’un vote par titre pour le budget de l’État. Les fonds spéciaux du Trésor font chacun
l’objet d’un vote pour la totalité de leurs recettes. En ce qui concerne les établissements
publics, la totalité des recettes et la totalité des dépenses proposées font l’objet d’un vote
pour chaque chapitre, c’est-à-dire par référence au ministère de rattachement. À la fin de
la procédure, « l’ensemble des dispositions de la loi de finances fait l’objet d’un vote
global et final ».
L’article 65 de la Constitution de 2014 énonce également que le vote des lois de
finances, de clôture du budget et de ratification des plans de développement, intervient
dans les mêmes conditions que les lois ordinaires. Mais l’article 43 du projet de LOB
enrichit la portée du vote parlementaire. Il édicte, en effet, que : « La loi de finances est
votée dans les mêmes conditions que les lois ordinaires, sous réserve des dispositions
suivantes :
Les prévisions des dépenses du budget de l’État font l’objet d’un vote par
mission. Le vote pour la mission des instances constitutionnelles indépendantes se
fait par programme spécifique.
Les autorisations de recettes du budget de l’État font l’objet d’un vote par partie.
La totalité des recettes des comptes spécieux de trésor fait l’objet d’un vote
global.
Le nombre global d’effectif de l’État et des établissements publics autorisés fait
l’objet d’un vote global.
L’ensemble des dispositions de la loi de finances fait l’objet d’un vote global et
final ».
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74 – 2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE
Ces mesures améliorent donc les conditions d’exercice du droit de vote de l’ARP qui
sont un but de la GBO et participent pleinement à sa logique programmatique.
Le principe de spécialité des crédits
Le principe de spécialité des crédits reste un des plus sûrs garants de la préservation
de la volonté parlementaire. Il signifie que les crédits autorisés par la loi de finances
doivent être affectés à une dépense déterminée, soit par la nature de la dépense (les
moyens à mettre en œuvre, par exemple, une dépense de personnel), soit par la
destination de la dépense (l'objectif à atteindre, par exemple, l’aménagement du
territoire). Mais, une application trop rigide de ce principe empêcherait de couvrir des
dépenses dont la nature, par exemple une catastrophe naturelle, ou le montant, demeurent
malaisés à déterminer à l’avance. Aussi, le droit financier admet-il des crédits globaux
destinés à des dépenses imprévues.
En particulier, l’article 41 de la LOB permet, par décret, l’ouverture de crédits
complémentaires par prélèvement sur le chapitre des dépenses imprévues au profit
d’autres chapitres pour faire face à des dépenses urgentes et imprévues. Ce prélèvement
ne modifie pas le montant global des dépenses autorisé par le parlement dans la loi de
finances, car le chapitre des dépenses imprévues figure dans le texte approuvé par lui.
Cependant, un montant excessif de crédits pour dépenses imprévues porterait atteinte à la
connaissance complète du parlement sur l’utilisation des crédits votés et serait de nature à
laisser transparaître une préparation insuffisante du LPF concernant les dépenses à
financer en cours d’exercice. Depuis 2012, le montant des crédits globaux destinés à des
dépenses imprévues demeure élevé, comme le montre le tableau ci-après :
Tableau 2.1. Crédits pour dépenses imprévues (titres 1 et 2 de la loi de finances)
Année
2012
2012
2013
2013
2014
2014
2015
Source : Ministère des Finances (2016).
Type de loi
LFI
LFR
LFI
LFR
LFI
LFR
LFI
Montant en millions TND
319
1403
829
191
712
399
735
Pourcentage du budget global
1,4 %
5,5 %
3,1 %
0,7 %
2,5 %
1,4 %
2,5 %
De manière générale, l’importance de la réserve globale et des réserves ministérielles
de crédits non affectées reste aujourd’hui significative en Tunisie, celles-ci servant de
manière excessive aux dépenses imprévues par choix politique ou difficulté de gestion
(OCDE, 2013). Or, dans les pays de l’OCDE, il est considéré que dans l’intérêt de la
transparence financière et de la redevabilité démocratique, le volume des crédits
discrétionnaires doit rester limité. Pour ces motifs, il serait bienvenu qu’avec la nouvelle
logique programmatique prévue par la future LOB et dans laquelle les crédits se trouvent
affectés par programme, le respect du principe de spécialité s’avère mieux garanti.
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Les moyens du travail budgétaire et la transparence de l’ARP et de ses membres
2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE – 75
Les commissions parlementaires jouent un rôle considérable dans la préparation du
travail de l’assemblée plénière. Dans certaines circonstances, elles assument aussi
certaines fonctions sans avoir à attendre la décision de cette dernière. De plus, pour que le
parlement remplisse complétement ses missions budgétaires, il importe que ses membres
disposent des moyens matériels et humaines pour le faire. La GBO crée, enfin, l’occasion
d’améliorer la transparence de l’ARP.
Les commissions parlementaires
Les commissions parlementaires occupent une place considérable dans la préparation
du travail des assemblées plénières des chambres et le suivi de l’action du gouvernement
et de l’administration. L’article 52 de la Constitution de 2014 énonce que : “L’ARP fixe
son règlement intérieur (…) ». En application de cette disposition, le parlement tunisien a
instauré une commission des finances, ainsi qu'une commission de la réforme
administrative, de la bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption et du contrôle de
gestion des deniers publics. Chaque commission compte vingt-deux membres, les sièges
étant attribués proportionnellement au nombre d’élus dans l’ARP de chaque parti
politique. La présence de deux commissions chargées du suivi de l’activité financière se
rapproche de la pratique de nombreux parlements des pays membres de l’OCDE qui ont
instauré un comité pour l'examen de la législation budgétaire et un autre pour la
surveillance des finances publiques (par exemple, le Danemark, le Parlement européen,
les Pays-Bas)
9. En Allemagne, la Commission du budget suit exclusivement les
demandes et l’emploi des fonds publics, tels que prévus dans le projet de loi de finances
présenté par le gouvernement. De plus, elle contrôle en permanence la gestion du budget
par le gouvernement, ainsi que les aides financières approuvées dans le cadre de la
stabilisation de l’euro.
Il convient également d’observer qu’en Tunisie, de façon très démocratique, comme
dans certains pays membres de l’OCDE, à l’instar de l’Allemagne où l’usage veut que la
présidence de la commission du budget aille à un membre du plus grand groupe de
l’opposition, cette présidence a été attribuée à l’opposition parlementaire.
Les commissions de l'ARP jouissent du droit d'obtenir tous les documents qui leurs
paraissent nécessaires (art. 63 du règlement intérieur). Elles sont aussi habilitées à
solliciter les contributions d'experts extérieurs et des représentants de la société civile
(art. 80) et à organiser des missions d'enquête (art. 84). En règle générale, leurs réunions
sont publiques (art. 75). Bien que ces dispositions reflètent les bonnes pratiques
internationales, des améliorations pourraient renforcer les attributions de l’ARP par
rapport à la GBO. Dans cet ordre d’idées, l’article 63 du projet de LOB prévoit que :
« L’Assemblée des représentants du peuple assure le suivi et le contrôle de l'exécution
des lois de finances et procède à l'évaluation des rapports annuels de performances et de
toute question relative aux finances publiques. ». Ce texte n’attribue pas des pouvoirs
particuliers à la commission des finances de l’ARP.
Il serait, cependant, possible d’aller plus loin dans le rôle dévolu à la commission de
finances de l’ARP. Par exemple, en France, la commission de finances bénéficie du
pouvoir de suivre et de contrôler l’exécution des lois de finances, ainsi que de procéder à
l’analyse de toute question relative aux finances publiques. Les présidents et les
rapporteurs généraux et spéciaux bénéficient aussi de prérogatives et de droits étendus :
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76 – 2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE
auditionner toute personne jugée utile ; accéder à tout document d’ordre financier et
administratif ; demander à la Cour des Comptes des enquêtes dont les conclusions doivent
lui parvenir dans les huit mois. En Allemagne, l’entrée en vigueur de la loi de finances ne
met pas un terme à la mission du Bundestag. En effet, celui-ci, par le truchement de sa
commission du budget, contrôle en permanence l’utilisation des fonds publics. Il revient
surtout à la commission de vérification des comptes, une sous-commission de la
commission du budget, de surveiller le gouvernement « avec des yeux d’Argus » et de
travailler en étroite coopération avec la Cour fédérale des comptes.
Le soutien aux fonctions budgétaires des membres de l’ARP
L’exercice de la fonction parlementaire requiert des compétences et des moyens
importants, dépassant souvent les compétences individuelles et techniques des élus
politiques et de l’institution parlementaire. La prise de conscience de ces nécessités a été
relativement longue et a suivi des chemins différents dans les États membres de l'OCDE.
Ces derniers tendent, toutefois, aujourd’hui à accorder un soutien croissant à leurs
parlementaires au cours de la procédure budgétaire. Ainsi certains parlements nationaux
ont mis en place un bureau parlementaire du budget, fournissant des analyses aux
membres des chambres et les aidant à surmonter le caractère souvent très technique des
documents budgétaires.
D'autres parlements ont affecté du personnel aux comités des finances et du contrôle
budgétaire à cet effet. Par exemple, en Corée du Sud, il existe un bureau parlementaire de
la politique budgétaire, spécialisé et composé de 40 personnes. Ensuite, la Commission
spéciale du budget bénéficie du soutien d'analystes budgétaires et de conseillers
juridiques. Chaque membre du Parlement dispose de ses propres assesseurs en matière
politique, dont la rémunération est versée par le Parlement. Enfin, les partis politiques
reçoivent des fonds, en vue de faire appel à des analystes des questions financières et
budgétaires. Aux États-Unis,
the Government Accountability Office (GAO) appartient au
pouvoir législatif fédéral. Il est l'organisme non-partisan, d'audit, d'évaluation et
d'investigation du Congrès, chargé du contrôle des comptes publics du budget fédéral du
pays. En 2010, il employait 3 350 agents et son budget s’élevait à 571,1 millions USD
10.
L'article 52 de la Constitution tunisienne de 2014 énonce, quant à lui, que « L'État
met à la disposition de l'Assemblée des représentants du peuple les ressources humaines
et matérielles nécessaires au député pour la bonne exécution de ses fonctions ». Dès lors,
il est clairement prévu que les membres de l’ARP doivent jouir de tous les moyens de
leur mission. Sans aller jusqu’à la création d’une instance budgétaire directement rattaché
à l’ARP, largement redondante avec la Cour des Comptes à laquelle cette dernière peut
recourir en vertu des dispositions constitutionnelles, et dont le coût serait très élevé, il
s’avèrerait souhaitable que le parlement tunisien mette en œuvre des réformes lui
accordant des outils de contrôle budgétaire. Dans cet esprit, il devrait allouer des crédits
suffisants et instaurer des formations internes et externes, en vue de familiariser les
parlementaires avec leurs droits budgétaires et les moyens pour peser dans les discussions
budgétaires. Il apparaîtrait également bon qu’il offre à ses membres un plus grand nombre
de collaborateurs qualifiés, et renforce sa coopération avec la Cour des Comptes et la
société civile.
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La transparence parlementaire
La clarté de la gestion financière s’applique au budget de l’ARP et au patrimoine et
2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE – 77
aux intérêts de ses membres.
Le budget de l’ARP
Les parlements constituent les gardiens de l'intérêt public du point de vue budgétaire.
Leurs modalités de fonctionnement requièrent, partant, de se révéler exemplaires,
transparentes et responsables sur le bon usage des deniers publics. Le budget du
Parlement doit ainsi être soumis au contrôle externe et indépendant de l’instance
nationale d'audit. En Tunisie, il est prévu que le budget de l’ARP soit soumis à la Cour
des Comptes qui en contrôle la régularité.
Dans cet ordre d’idées, l’ARP pourrait adopter d’autres pratiques de transparence,
comme :



la publication de son budget (ainsi que les résultats des audits pertinents de la
Cour des Comptes) sur son site internet ;
l’introduction d'un registre public où ses membres déclarent leurs dons et
contributions reçus ;
l’établissement d'un registre public des lobbyistes.
Le patrimoine et les intérêts des parlementaires
Actuellement, les membres de l’ARP ne se trouvent pas légalement tenus de déclarer
leurs biens lors de leurs prise et fin de fonctions
11. Or, comme l’a indiqué le G 20 en 2012
dans ses « principes de haut niveau sur la déclaration de leur patrimoine par les agents
publics »
12, l’obligation déclarative constitue un moyen très efficace de lutter contre la
corruption et les conflits d’intérêts. Les « lignes directrices de l’OCDE sur la gestion des
conflits d’intérêts dans le service public » abondent dans le même sens (OCDE, 2005).
De plus, la confiance des citoyens dans la démocratie et leurs élus a tout à gagner, d’une
part, à soumettre les parlementaires à la déclaration de patrimoine et de leurs intérêts
détenus, et, d’autre part, à ce que cette obligation soit efficacement respectée. Pour ces
motifs, nombre d’États membres de l’OCDE soumettent leurs parlementaires à des
déclarations de patrimoine et d’intérêts détenus et ont instauré des systèmes efficaces de
contrôle. Ces obligations s’avèrent en conformité avec l’engagement des pouvoirs publics
tunisiens en faveur de la transparence de la gestion publique et de la participation de leur
pays au partenariat pour un gouvernement ouvert (OCDE, 2016).
Pour ces raisons, il paraîtrait opportun que la législation tunisienne aille plus loin que
l’instauration de la déclaration de patrimoine, prévue à l’article 25 de la Constitution, et
étende la déclaration aux intérêts détenus, tout en assortissant ces dispositions de
sanctions suffisantes dans les cas de violations de la législation. Naturellement, les
membres de l’ARP seraient assujettis aux deux déclarations.
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78 – 2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE
Encadré 2.4. Les principales dispositions financières contenues dans l’article 134 de la
constitution espagnole
1. Il incombe au Gouvernement d’élaborer le budget général de l’État et aux Cortès générales de
l’examiner, de l’amender et de l’adopter.
2. Le budget général de l’État aura un caractère annuel et comprendra la totalité des dépenses et des
recettes du secteur public de l’État. On y consignera le montant des avantages fiscaux qui intéressent les
impôts de l’État.
3. Le Gouvernement devra présenter au Congrès des députés le budget général de l’État au moins trois
mois avant l’expiration de celui de l’année précédente.
4. Si la loi de finances n’est pas adoptée avant le premier jour de l’exercice budgétaire correspondant, on
considérera que le budget de l’année précédente est automatiquement prorogé jusqu’à l’adoption du
nouveau budget.
5. Après l’adoption du budget général de l’État, le Gouvernement pourra présenter des projets de loi
comportant une augmentation des dépenses publiques ou une réduction des recettes correspondant au
même exercice budgétaire.
6. Toute proposition ou tout amendement qui entraînerait une augmentation des crédits ou une réduction
des recettes budgétaires devra recevoir l’accord du Gouvernement pour suivre son cours.
7. La loi de finances ne peut pas créer d’impôts. Elle pourra les modifier lorsqu’une loi fiscale matérielle
le déterminera.
Source : Constitution espagnole (s.d.) www.boe.es/legislacion/documentos/ConstitucionFRANCES.pdf (consulté le 2 avril
2016).
Recommandations
Il serait suggéré de :
1. Renforcer la coordination entre le ministère des Finances et celui du Développement, et de réduire
sensiblement les chevauchements dans les compétences nuisant à la clarté du partage des missions entre
ces deux ministères lors de la préparation du PLF.
2. Renforcer le CGABE, en vue de donner une plus grande cohérence aux finances publiques : a) en lui
donnant une plus grande latitude vis-à-vis des crédits de développement ; b) en évitant de procéder à des
augmentations des charges de personnel sans inclure dans cette décision l’analyse sur la situation
générale des finances publiques, dont le CGABE s’avère le gardien.
3. Associer l’ARP à la préparation de la loi des finances, et ce en : a) instaurant en mai ou juin un débat
d’orientation budgétaire, b) accompagnant ce débat d’un rapport du gouvernement sur l’évolution de
l’économie nationale, sur les orientations des finances publiques et présentant la liste des missions,
programmes et des indicateurs de performance associés à chacun de ces programmes, envisagés par la
loi de finances de l’année suivante.
4. Avancer le dépôt du PLF. En effet, le 15 octobre constitue la date limite de ce dépôt ; l’exécutif
conserve, dès lors, le loisir de soumettre plus tôt le PLF à l’ARP. Aussi, pourrait-il décider d’avancer la
date de dépôt, d’abord, au 1er octobre, et après quelques années d’essai, au 15 septembre.
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2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE – 79
Recommandations (suite)
5. Réviser le projet de LOB en vue : a) d’accroître le droit d’amendement en matière budgétaire des
membres de l’ARP, et b) de leur donner pleinement compétence pour proposer la création de
programmes.
6. Réduire le montant des crédits inscrits en réserves globale et ministérielles grâce à une meilleure
prévision des dépenses de l’exercice suivant.
7. Accroître les moyens matériels et humains de l’ARP et de la commission des finances, en recrutant
suffisamment d’agents spécialistes des questions budgétaires en nombre suffisant, donc un nombre
important serait affecté à la commission des finances.
8. Améliorer la formation des élus et du personnel administratif de l’ARP sur les questions budgétaires.
9. Renforcer les attributions de la commission des finances : a) les présidents et les rapporteurs généraux et
spéciaux pourraient bénéficier de prérogatives et de droits étendus : auditionner toute personne jugée
utile ; accéder à tout document d’ordre financier et administratif ; demander à la Cour des Comptes des
enquêtes dont les conclusions devraient leur parvenir dans un délai imparti. b) la commission pourrait
coopérer directement avec la Cour des Comptes, en mettant en place des rencontres périodiques avec
elle sur des sujets déterminés.
10. Améliorer la transparence du parlement par : a) la publication de son budget (ainsi que les résultats des
audits pertinents de la Cour des Comptes) sur son site internet ; b) l’introduction d'un registre public où
ses membres déclarent leurs dons et contributions reçus ; c) l’établissement d'un registre public des
lobbyistes.
11. Instaurer la déclaration de patrimoine et d’intérêts détenus des membres de l’ARP, afin d’améliorer la
transparence de la gestion publique, et de renforcer l’engagement de la Tunisie dans le cadre du
Partenariat du Gouvernement Ouvert, en matière de transparence et d’intégrité.
Notes
1.
2.
3.
4.
La date du 15 octobre, prévue par la Constitution, prévaut donc sur celle du 25 octobre
contenue dans la LOB. Le projet de nouvelle LOB intègre la première date.
Il convient de noter que l’instauration d’un régime parlementaire en 2014 a eu pour
conséquence de rendre inopérantes les dispositions de l’article 23 de la LOB de 1967
établissant que le président de la République arrête sous sa forme définitive le projet de loi
de finances de l’année.
La DGRE a été créée par le décret n° 2005-492 du 1 mars 2005, modifiant et complétant
le décret n° 91-556 du 23 avril 1991, portant organisation du ministère des Finances, et
qui a été modifié et complété aussi par le décret n° 2011-2856 du 7 octobre 2011.
Décret n° 96-270 du 14 février 1996 fixant les attributions du ministère du
développement économique ; décret n° 96-271 du 14 février 1996 portant organisation du
ministère du développement économique ; décret n° 2011-457 du 30 avril 2011 portant
création et fixant les attributions du ministère du développement régional.
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Page 79
80 – 2. LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
Dans la LOLF française, seule une disposition de loi de finances d’initiative
gouvernementale peut créer une mission. Le Parlement se trouve habilité à modifier la
répartition des dépenses entre programmes au sein d’une même mission.
Loi organique n° 2004-42 du 13 mai 2004.
Le minimum de dotations que le gouvernement estimait indispensable pour poursuivre
l’exécution des services publics dans les conditions qui avaient été approuvées l’année
précédente par le parlement.
En France, ce n’est qu’avec l’adoption de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001
relative aux lois de finances que la distinction entre mesures nouvelles et services votés a
disparu.
D’autres parlements n’ont qu’une Comité des finances (par exemple : France, États-Unis)
ou une commission du contrôle budgétaire (Royaume-Uni).
Site internet du GAO, www.gao.gov/about/index.html (consulté le 15 avril 2016).
La loi n° 87-17 du 10 avril 1967, relative à la déclaration sur l’honneur des biens des
membres du gouvernement et de certaines catégories d’agents publics ne concerne pas les
parlementaires. Voir : OCDE (2013),
Renforcer l’intégrité en Tunisie : l’élaboration de
normes pour les agents publics et le renforcement du système de déclaration de
patrimoine
.
12.
Site internet du G20 : www.g20.org/load/7809986631 (consulté le 24 mars 2016).
Références
Chikhaoui, L. (2004), Précis de finances publiques, tome 1 : droit budgétaire, centre de
publication universitaire, Tunis, 2004, ISBN: 9973-372-20-4, pp. 75-76.
McCormack, L. (2008), Les fondements institutionnels favorisant le budget éclairé par la
le cas du gouvernement du Canada
, CCAF-FCVI, www.ccaf-
performance,
fcvi.com/attachments/258_PerformanceBudgeting-FR.pdf.
OCDE (2016), Le gouvernement ouvert en Tunisie, Examens de l’OCDE sur la gouvernance
publique
, Editions OCDE, Paris, www.oecd.org/fr/publications/gouvernement-ouvert-en-
tunisie-9789264227170-fr.htm.
OCDE (2014), Budgeting practices and procedures in OECD countries, Editions OCDE,
Paris, pp. 93-94, www.oecd-ilibrary.org/governance/budgeting-practices-and-procedures-
in-oecd-countries_9789264059696-en.
OCDE (2013), Consolider la transparence budgétaire pour une meilleure gouvernance
publique en Tunisie
, Editions OCDE, Paris, www.oecd.org/mena/governance/
Consolider-la-transparence-budgetaire-pour-une-meilleure-gouvernance-publique-en-
Tunisie.pdf, pp. 50 à 56.
OCDE (2005), Lignes directrices de l’OCDE sur la gestion des conflits d’intérêts dans le
service public, Éditions OCDE, Paris, www.oecd.org/gov/ethics/49106150.pdf.
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016



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3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE – 81
Chapitre 3
Les outils de suivi et d’évaluation de la performance
Le chapitre traite des outils de suivi et d’évaluation de la performance dans la GBO,
notamment des projets annuels de performance, des rapports annuels de performance et
des indicateurs de la performance. Il démontre que les expérimentations conduites
actuellement dans
travail
considérable de constructions des outils a été accompli. Cependant, la mise en œuvre des
outils de la performance par les différents ministères reste hétérogène, et le parlement ne
les utilise pas suffisamment. Dès lors, il conviendrait de poursuivre la généralisation des
outils, améliorer la définition les indicateurs, accroître la relation entre les volets de la
performance et budgétaire et créer un comité d’audit des programmes.
tunisiens sont prometteuses et qu’un
les ministères
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016




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82 – 3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE
Le suivi et l’évaluation de la performance du secteur public forment une question
cruciale. En effet, ils constituent la condition de l’efficacité de l’action publique, d’autant
plus que les régulations publiques s’exerçant toujours en situation d’asymétrie
d’information et le plus souvent hors de toute référence marchande (Bureau et Mougeot,
2007). Le suivi et l’évaluation de la performance requiert de confronter les objectifs, les
moyens mis en œuvre et les résultats obtenus. Ils ne se limitent pas à constater le respect
d’une norme. Ils cherchent à apprécier les effets directs et indirects d’une politique, d’une
réforme, d’une action, d’une mission par rapport aux objectifs fixés ou implicites. Ils
imposent la clarification des objectifs des services publics - donc des missions. En même
temps, ils organisent le retour d’expérience permettant l’amélioration du service et son
adaptation aux évolutions des besoins. Le suivi et l’évaluation de la performance
s’inscrivent pleinement dans la nécessité de « s’assurer que la performance, l’évaluation
et l’optimisation des ressources font partie intégrante du processus budgétaire. », énoncée
dans le principe 8 de la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur la gouvernance
budgétaire.
Naturellement, le besoin de suivre et évaluer efficacement la performance de l’action
publique constitue un des éléments essentiels de la GBO pour les mêmes motifs que ceux
immédiatement précités. Mais la particularité de la GBO consiste dans la conception
d’instruments spécialement destinée au suivi et à l’évaluation de la performance, qui ont
été partiellement employés en Tunisie et que ce chapitre du rapport examine.
Les documents de la performance
Le suivi et l’évaluation de la performance requièrent, pour revêtir une valeur
informatisation suffisante structurée permettant valablement
opérationnelle, une
l’établissement de projets, la prise de décisions et les échanges et comparaisons entre les
différents intervenants des politiques publiques. Dans le cadre de la GBO celle-ci passe
par les projets annuels de performance (PAP) et les rapports annuels de performance
(RAP). Les PAP doivent être déposés au Parlement. Ils donnent lieu, l’année suivante,
aux rapports annuels de performances (RAP) qui sont annexés au projet de loi de
règlement (PLR).
Le Projet Annuel de Performance
L’élaboration du PAP répond à des principes qui garantissent son efficacité. Parmi les
éléments qu’il contient, il faut relever les indicateurs de la performance ainsi que sa
démarche d’élaboration.
À partir de l’exemple du PAP de la mission éducation, il deviendra possible de
constater que l’administration tunisienne suit assez fermement ces principes.
Description générale des PAP
Le projet annuel de performances (PAP) constitue un des éléments du dispositif de
suivi de la performance. Il est conçu pour mieux rendre compte des résultats de l’action
publique, sur la base d’une maquette établie par l’unité GBO et le groupe de travail sur le
pilotage des programmes selon la performance. Cette maquette figure dans la Circulaire
sur la performance de 2012, actualisée en 2015. Elle est insérée chaque année dans la
circulaire du Chef du gouvernement relative à la préparation du budget et à la
performance. Le PAP décline la stratégie, les objectifs, les indicateurs et les cibles de
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016


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3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE – 83
résultats des missions attachées aux programmes qui composent le budget de l’État. Il
expose les différentes projections financières par programme. L’ensemble des PAP
figurent en annexe explicative au projet de loi de finances de l’année n + 1.
Les instructions du gouvernement tunisien prévoient que les PAP sont établis par les
ministres compétents et les responsables de programmes avec l’appui de l’unité GBO
ministérielle
1. Ils sont ensuite adressés au Comité général de l'administration du budget
de l'État (CGABE) qui les joint au projet de loi de finances de l’année.
Chaque PAP contient :






les axes stratégiques de la mission ;
la stratégie de chaque programme ;
la présentation du programme, des sous-programmes et des activités ;
les objectifs et des indicateurs de performances qui lui sont assignés ;
la justification au premier dinar des crédits demandés à l’ARP ;
les principaux opérateurs et leurs emplois.
Les PAP sont bâtis à partir de la structure du budget programmatique, issue des
politiques sectorielles mises en cohérence avec les grands axes de la politique nationale
qui, prend dans certains pays la forme d’une stratégie nationale de développement. La
contribution des programmes à l’accomplissement des objectifs prédéfinis, ou leur
déclinaison, sera mesurée grâce à des indicateurs de performance.
En application de ces principes ont été élaborés, suivant la même maquette, les PAP
ministériels, désormais disponibles sur le site internet de la GBO. Il convient d’observer
que comme les missions, les PAP et les RAP restent ministériels, alors que certaines
politiques publiques, telle celle de la -recherche scientifique, ou du développement
culturel-, mobilisent par nature des crédits et des services rattachés à différents
ministères. Sans avoir été en mesure d’examiner la totalité des PAP et des RAP, il a
cependant paru utile de présenter le PAP de la mission de l’éducation. En effet, celle-ci
concerne un des enjeux fondamentaux du pays et utilise des ressources humaines et
matérielles considérables.
L’exemple du PAP de la mission de l’éducation
Le PAP de la mission de l’éducation indique que celle-ci constitue l’une des
principales composantes du système national de préparation des ressources humaines et
l’un des principaux vecteurs du développement du pays. Ses finalités principales
apparaissent les suivantes : construire et développer la personnalité des individus dans des
différents niveaux ; enraciner le sentiment de patriotisme chez les élèves et assurer leur
intégration dans la civilisation humaine ; assurer une bonne éducation pour tous et
acquérir un ensemble de compétences et de savoirs permettant à l’élève d’améliorer son
niveau intellectuel et de pratiquer une profession ou un métier. L’enseignement constitue
une obligation de 6 à 16 ans. Il est gratuit et garanti à tous les Tunisiens, sans
discrimination de sexe, d’origine sociale, de couleur ou de religion.
Ce PAP expose également la politique sectorielle et les orientations de la période. Il
constate qu’à la suite des changements intervenus depuis la Révolution de 2011, la
mission de l’éducation a adapté ses objectifs et a réajusté ses priorités en accord avec les
tendances générales dans le pays. En attendant l'élaboration de réformes stratégiques du
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84 – 3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE
secteur, les orientations actuelles se résument comme suit : améliorer les acquis des
élèves ; optimiser l’emploi des technologies de l'information et de la communication dans
les programmes d'enseignement ; favoriser l’orientation des élèves au cycle technique et
vers les branches scientifiques et technologiques ; diversifier les activités sportives,
culturelles et de loisir pour l’élève ; réhabiliter les établissements scolaires ; développer
les approches de gestion et de bonne gouvernance ; développer les mécanismes de
communication et d'information ; renforcer le rôle de la région ; promouvoir les études et
développer une culture de planification stratégique et de prospection.
Le PAP contient aussi les principales valeurs chiffrées, en vue de comprendre la place
de la politique publique de l’éducation dans l’ensemble des politiques publiques
tunisiennes, les priorités établies et les évolutions sur une période de trois ans.

Tableau 3.1. PAP 2014 du ministère de l’enseignement supérieur : répartition par programmes
Unité 1 000 TND
Programme 1 : enseignement supérieur
Programme 2 : recherche scientifique
Programme 3 : œuvres universitaires
Programme 4 : pilotage et appui
Total
Réalisations
2012
Crédits de
paiement
808 057
81 011
247 991
44 305
1 181 364
LF actualisé2013
Propositions 2014
Crédits
d'engagement
1 011 554
119 042
336 947
64 558
1 532 101
Crédits de
paiement
894 469
105 530
278 747
60 328
1 339 074
Crédits
d'engagement
1 009 887
70 527
273 857
52 971
1 407 242
Crédits de
paiement
974 090
97 932
275 927
57 331
1 405 280
Évolution des crédits de
paiement 2013-14
Montant
%
79 621
-7 598
-2 820
-2 997
66 206
8,90 %
-7,20 %
-1,01 %
-4,97 %
4,94 %
Puis, le PAP procède à une ventilation entre les programmes et sous-programmes.
Figure 3.1. Exemple de mission : enseignement supérieur et recherche scientifique, présentation des
programmes et sous-programmes
Source : Unité GBO (2013) PAP du ministère du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ;
www.gbo.tn/index.php?option=com_docman&task=cat_view&gid=89&Itemid=124&lang=fr.
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3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE – 85
Les indicateurs de la performance
La présentation générale des indicateurs de la performance et leur comparaison avec
ceux du PAP de la mission éducation montre également que la logique programmatique
se trouve bien respectée dans la mise en œuvre de la GBO.
Les PAP contiennent des indicateurs visant à suivre les trois dimensions de la
performance d’un programme relatives à :



l’efficience de la gestion signifiant que pour un même niveau de ressources, la
gestion publique parvient à faire croître les résultats de son action à un moindre
coût, justifiant ainsi l’emploi des ressources publiques auprès des citoyens ;
la qualité des services rendus à l’usager ;
l’efficacité constituant la capacité à atteindre des objectifs socioéconomiques
préalablement définis, destinés à améliorer la réalité économique, sociale,
environnementale et sanitaire des citoyens.
Les indicateurs de performance se divisent en :



indicateurs de qualité qui évaluent la qualité attendue de la prestation rendue à
l’usager ;
indicateurs de résultats socioéconomiques qui mesurent le niveau de réalisation
des objectifs socioéconomique du programme ;
indicateurs de produits (ou services rendus) relatifs à la production d’une
administration ou d’un service (par exemple, nombre de textes règlementaires
la
adoptés, de contrôles réalisés, d’études conduites), afin de mesurer
performance. Les indicateurs de produits sont souvent employés lorsque la
définition d’indicateurs d’effet s’avère difficile ;
Les indicateurs de moyens décrivent le volume (unités physiques), ou la valeur des
moyens employés, la disponibilité du personnel, des locaux, les quantités ou les valeurs
des intrants (nombre de vaccins distribués).
Le PAP présente un échéancier des crédits de paiement associés aux autorisations
d’engagement et la répartition prévisionnelle des emplois par l’État, par catégorie
d’emploi, et la justification des variations par rapport à la situation existante.
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86 – 3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE
Exemple des objectifs et indicateurs du programme enseignement supérieur
Objectif
Indicateur
Réalisations
2011
2012
2010
L.F
2013
2014
Prévisions
2015
2016
Appui à l’employabilité
des diplômés de
l’enseignement supérieur.
Amélioration de la qualité
d’enseignement et du
taux d’encadrement dans
les établissements
d’enseignement et de
recherche.
Développement de
l’enseignement à distance
et non présentiel.
La capacité d'accueil des
spécialités à forte
employabilité par rapport à la
capacité d'accueil totale
Nombre des filières co-
construites créées
Nombre d’étudiants effectuant
un plan d’affaires dans le
cadre du PFE
Le taux d'encadrement des
étudiants.
Taux des enseignants
permanents par rapport au
total des enseignants-
chercheurs
Taux d’enseignants du
collège A par rapport aux
enseignants collège A+B
Nombre des filières à distance
créées
Nombre d’étudiants inscrits à
des filières de formation à
distance et non présentielle.
44,2 %
44,6 %
44,3 %
44,5 %
44,2 %
43,9 %
43,5 %
10
10
13
15
20
25
25
1316
2078
1320
783
1000
1200
1200
25,6 %
23,2 %
19,5 %
19,5 %
19,9 %
19,3 %
19,2 %
77,6 %
79,3 %
83,3 %
83,6 %
83,9 %
84,7 %
85,0 %
13,1 %
13,4 %
14,4 %
14,8 %
15,3 %
15,9 %
16,4 %
10
11
11
12
15
17
18
53 636
63 895
50 517
46 510
55 000
55 000
55 000
Source : Ministère de l’éducation nationale (2014) PAP du ministère de l’éducation.
L’élaboration du PAP
Il résulte des entretiens avec les responsables locaux effectués lors de l’évaluation par
les pairs que l’élaboration d’un PAP en Tunisie passe par les sept étapes suivantes :
1. L’établissement d’une cartographie administrative de chaque programme s’avère
nécessaire, en vue de respecter le principe de spécialité budgétaire, et requiert de
préciser le nom et le grade du responsable de programme, les services et projets.
La cartographie administrative conduit à regrouper toutes les dépenses d’une
mission par programme, y compris les dépenses de personnel et de ventiler les
dépenses de projets d’investissement. Au cours de cette étape, il convient de
veiller à la cohérence entre les programmes, les structures administratives, les
différents intervenants et les projets dans un seul programme.
2. La présentation de la stratégie du programme met en valeur :
La contribution de la stratégie du programme aux résultats de la stratégie
nationale ou sectorielle accompagnée d’objectifs destinés à améliorer la
qualité du service rendu et de l’efficience dans la gestion des ressources
publiques et de l’efficacité de l’action publique ;
La définition d’objectifs globaux du programme en nombre limité et
représentatif du programme et de sa participation à la stratégie nationale ;
La définition d’indicateurs de performance mesurables sur la période retenue
(minimum 3 ans), accompagnés de valeurs cibles annuelles, en restant attentif
à fixer une année de référence pour la mesure de la performance ;
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3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE – 87
3. La description du programme et des actions (périmètre et présentation du
programme en se fondant sur la cartographie administrative) ;
4. La présentation détaillée des objectifs du programme et des indicateurs associés,
en justifiant les choix des indicateurs et des moyens retenus en vue d’atteindre les
objectifs. Cette présentation nécessite d’établir une fiche signalétique pour chaque
moyen ;
5. La présentation des dépenses du programme par sous-programmes ;
6. L’établissement d’un échéancier des crédits de paiement (CP) liés aux
autorisations d’engagement (AE) facilite la compréhension des demandes
budgétaires relatives aux projets d’investissement ;
7. La prévision des emplois rémunérés par budget de l’État pour le programme.
Le Rapport Annuel de Performance
Le Rapport annuel de performance est établi à la fin de la gestion par les ministères
(et les responsables de mission lorsque leur institution ne se rattache à aucun ministère). Il
accompagne la loi de règlement de l’année n - 1. Il est destiné à assurer une meilleure
information du Parlement et renforce son contrôle sur l’exécution de la loi de finances. Il
assure aussi deux autres fonctions : d’une part, informer le gouvernement de l’exécution
du budget et lui donner l’occasion d’en faire l’évaluation, d’autre part, annexé au PLR, il
permet à l’exécutif de rendre compte des résultats obtenus en matière de performance.
Les PAP et les RAP se trouvent présentés selon une structure identique afin de
faciliter le rapprochement des documents. Aussi importante que l’exposé des résultats,
apparaissent l’analyse et l’interprétation de ceux-ci : explication des écarts entre objectifs
(ou cibles) et réalisations, poids du contexte, nouveaux leviers d’action à mobiliser. Dans
la procédure d’élaboration du RAP, il importe de mettre en place une méthode de suivi et
évaluation des PAP dans les ministères.
Traditionnellement, dans les pays membres de l’OCDE au cours de la procédure
d’élaboration du RAP, participent un comité de suivi et d’évaluation, une cellule
opérationnelle de suivi et d’évaluation, des points focaux au niveau des structures
opérationnelles, et interviennent la production de rapports trimestriels ou
semestriels, et enfin, bien sûr, la production du RAP.
Dans cette procédure figurent aussi :
un plan de travail annuel qui forme un ensemble systématique d’activités
effectuées pour concrétiser une action. Ce plan constitue un instrument de
mise en ordre et systématisation de l’information significative pour
l’application du programme. Il s’applique à une période donnée. Il contient le
plans de travail déclinés ensuite en sous-niveaux, le tout restant cohérent avec
le budget alloué au ministre ou à l’institution ;
un tableau de bord s’avère un outil de pilotage synthétique, global et fort utile.
Il aide les responsables à arrêter leurs décisions. Ce tableau présente les
indicateurs
l’état
d’avancement de l’accomplissement des activités que le responsable assume
dans le cadre des objectifs qu’il a acceptés.
financiers et non-financiers.
Il montre également
Les RAP des programmes sont réunis de façon cohérente dans un RAP ministériel.
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88 – 3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE
Figure 3.2. Chaîne des résultats
Source : Ministère des
www.portail.finances.gov.tn/publications/indicateurs-de-performance.pdf
.
(2009) Suivi de
finances
la Performance
et Choix des
Indicateurs
Résultats de l’expérimentation et l’évaluation de la performance
L’action de l’administration tunisienne a cherché à enraciner la démarche de
performance dans ses différents aspects : fixation de la stratégie, définition des objectifs,
mise en place d’indicateurs de résultats, rédaction des projets annuels de performance et
comptes rendus dans les rapports annuels de performance. Pour ce faire, elle a accompli
un travail d’organisation administrative considérable, qui a garanti la production de PAP
et des RAP de qualité généralement suffisante, mais dont l’amélioration doit se
poursuivre.
Un travail d’organisation administrative considérable
Depuis janvier 2012, l’élaboration du cadre de la performance a fait l’objet d’un
travail important tant à l’intérieur de l’administration tunisienne qu’avec des experts
internationaux. De manière globale, cette démarche a permis de rester aussi près que
possible de la réalité opérationnelle.
Cette démarche, si elle a donné lieu à quelques décisions gouvernementales, a aussi
bénéficié de l’engagement actif des responsables des programmes, directeurs des affaires
financières des ministères, différentes structures ministérielles centrales et régionales, et
opérateurs. En particulier, les Unités GBO ministérielles ont formulé des propositions
importantes, en vue d’améliorer la prise en compte de la performance. Elles ont aussi
accompagné
la
travail, assuré
documentation nécessaire pour les différentes étapes du projet. Il n’en reste pas moins
que la complexité des taches relatives à la mise en œuvre de la GBO nécessite de
renforcer les équipes qui en sont chargées pour répondre aux dispositions de la nouvelle
LOB.
la coordination, et préparé
le déroulement du
UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016



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3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE – 89
En même temps, la préparation des PAP et des RAP nécessite des engagements
politiques forts. Ainsi, la circulaire du Premier ministre n° 42 du 23 juin 2012, relative à
la préparation du cadre de performance des politiques publiques, spécialement conçue
pour les ministères expérimentateurs, a été adressée à l’ensemble des ministères. Elle était
destinée à la préparation du budget 2013 et à la présentation du système de la GBO. Elle a
défini les concepts de performance, PAP, et RAP et les fonctions et les attributions des
acteurs, tels les responsables de programme. Elle a, enfin, présenté le nouveau calendrier
de préparation et de discussion budgétaire de la performance.
Le comité interministériel de la GBO du 7 juin 2012 a adopté un protocole
d’expérimentation, comprenant la circulaire n° 42, qui ouvre la voie au premier essai de
la GBO par les ministères pilotes de la première vague, dès le 1
er janvier 2013.
Ultérieurement, le comité interministériel de la GBO du 23 décembre 2014 a approuvé
l’actualisation de la circulaire sur la performance et du protocole d’expérimentation par
l’unité GBO. Ce comité a également accepté la préparation d’un projet de décret
organisant les responsabilités managériales des responsables des programmes. Ce texte
devrait être adopté prochainement.
Un guide pratique, à destination des gestionnaires, a aussi été élaboré. Ce document
vise à faciliter l’entrée dans l’expérimentation, tant dans une approche stratégique
qu’opérationnelle et déconcentrée. En vue d’instaurer un système d’information destiné
au suivi des indicateurs de performance, une analyse fonctionnelle a été entreprise et un
projet de logiciel éducatif de suivi des indicateurs de performance pour le ministère de
l’agriculture a été rédigé. Ce logiciel a été préparé de façon progressive et pragmatique, à
partir du cadre de performance du ministère qui détermine les objectifs et les indicateurs
et de la déclinaison opérationnelle de la GBO dans les services (dialogue de gestion et
cartographie opérationnelle). Une version préliminaire du logiciel, répondant aux
fonctionnalités demandées, se trouve actuellement testée. Le transfert des fichiers et
l’appropriation des programmes sources par les informaticiens du ministère de
l’agriculture ont débuté. La validation de la charte de gestion leur permettra, à la fin 2015,
d’intégrer des nouvelles fonctionnalités.
Enfin, l’administration tunisienne a eu l’occasion d’évaluer positivement aux mois de
septembre de 2013 et de 2014 la démarche d’élaboration des PAP. De même,
l’actualisation des dispositions concernant la performance dans de la GBO ont été
acceptées par le comité interministériel de la GBO du 23 décembre 2014.
Toutefois, il demeure généralement admis que tous les ministères ne dominent pas de
la même manière la procédure de la performance. Ainsi le ministère de l’agriculture, des
ressources hydrauliques et de la pêche, le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche scientifique, comme le ministère de l'équipement, de l'habitat et de
l'aménagement du territoire, se révèlent les plus en avance dans l’établissement d’un
système de suivi de la performance.
L’évaluation du contenu des PAP et RAP
L’ensemble des PAP et RAP ont été établis selon la même maquette, qui a
partiellement évolué pour répondre plus efficacement aux différents objectifs. La
production d’une maquette unique a entraîné un effort considérable destiné à rendre
cohérent et plus facilement accessible l’ensemble des documents, mais obligeant à
surmonter les particularités des différents missions et programmes.
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90 – 3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE
Il ressort des entretiens réalisés au cours de l’évaluation par les pairs et de l’étude des
PAP et des RAP que :
Selon les ministères concernés, les PAP ont été annexés aux PLF des années 2012
à 2015 et les PAP 2014 ont été établis. Mais il ne semble pas que l’ARP ait fait
référence à ces documents au cours de ses travaux. De surcroît, la dernière loi de
règlement qu’elle a adopté porte sur l’année 2010 si bien qu’il apparaît
vraisemblable qu’elle n’ait pas examiné les RAP qui lui ont été adressés.
Les PAP ont été bien structurés et la cartographie des programmes a rendu plus
compréhensible les politiques publiques conduites par les ministères, notamment
des 2 premières vagues d’expérimentation. Il n’en reste pas moins que la
coordination à
l’ensemble des structures
ministérielles devrait être mieux assurée.
l’intérieur des ministères avec
Le nombre des objectifs (279 objectifs pour 73 programmes, 4 objectifs en
moyenne par programme) paraît raisonnable.
Le nombre d’indicateurs le semble aussi : 681 indicateurs (en moyenne 2
indicateurs par objectif). Dans ce cadre, il faut saluer l’amélioration au cours de la
période de trois ans du nombre et de la qualité d’indicateurs de résultats.
Cependant, il convient de noter que, d’une part, la qualité des indicateurs des
ministères de la première vague est supérieure à celle des ministères des vagues
suivantes et, d’autre part, que le nombre d’indicateurs d’activité, de nature
quantitative, se référent par exemple à la consommation des ressources davantage
qu’aux résultats atteints, se révèle trop important. Aussi, conviendrait-il
d’accomplir un effort et d’en réduire le nombre au profit des indicateurs
qualitatifs et de résultat.

Il ressort également de cette évaluation la nécessité de définir plus clairement les
responsabilités des acteurs de la GBO (responsables de programme ; directeurs
des affaires financières). Ce qui rappelle le besoin d’adopter rapidement le décret
fixant les attributions des responsables de programme qui a été préparé par
l’administration.
Les systèmes d’information existant ont permis l’expérimentation de la
performance. Mais ils sont aussi montrés leurs limites. Il en résulte donc la
nécessite d’un système d’information en mesure de porter pleinement la gestion
de la performance.
Un comité de suivi et d’évaluation de la performance n’est pas instauré. Des
cellules opérationnelles de suivi et d’évaluation ont été mises en place dans
certains ministères, mais des points focaux au niveau des structures
opérationnelles n’ont pas été identifiés.
Encadré 3.1. Le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) en France
Le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) était destiné à auditer la qualité des programmes du
budget de l’État au regard des prescriptions et principes de la loi organique des finances (LOLF), sans se prononcer sur
l’opportunité de la stratégie ou de l’affectation des moyens choisis. L’audit de la qualité des programmes a porté, d’une
part, sur leur traduction dans les documents budgétaires (les projets annuels de performances -PAP-, et les rapports
annuels de performances -RAP-), et d’autre part, sur leur application opérationnelle dans la gestion des services.
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3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE – 91
Encadré 3.1. Le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) en France (suite)
Le CIAP a organisé, dès 2003, des « cycles d’audits ». Ses six premiers cycles ont porté sur des audits de
l’ensemble de la mise en œuvre d’un programme : périmètre et structuration en actions, gouvernance et relations avec
les autres programmes de la mission ou du ministère ; dispositif de performance (objectifs et indicateurs) ; déclinaison
opérationnelle en budgets opérationnels de programme (BOP) et en unités opérationnelles (UO) ; justification des
crédits au premier euro (JPE), comptabilité d’analyse des coûts.
À la suite de la montée en puissance de la LOLF et pour approfondir ses travaux, le CIAP a décidé, à partir de son
7ème cycle (2009/2010), de passer des audits généralistes à des audits consacrés à une thématique particulière. Ces
audits concernaient le dispositif de performance, c'est-à-dire les objectifs et indicateurs de performance, figurant dans
les PAP et les RAP.
Les audits ont été ainsi organisés autour de questions correspondant aux trois dimensions de la qualité d’un
dispositif de performance. :



le dispositif est-il pertinent ? La pertinence marque l’aptitude des objectifs et indicateurs choisis à traduire la
performance de manière significative et fidèle (les objectifs reflètent-ils bien la stratégie, les indicateurs
mesurent-il bien la performance ?) ;
le dispositif est-il fiable dans les informations qu’il produit ? La fiabilité concerne, non la définition de
l’indicateur, mais la qualité des données de base et des traitements utilisés. Il s’agit de savoir si la chaîne de
production des indicateurs et les dispositifs de contrôle interne présentent une fiabilité suffisante. ;
le dispositif est-il utilisé ? Il s'agit de "sortir des PAP et des RAP" pour voir si, au-delà de la confection des
documents budgétaires, le dispositif de performance est effectivement utilisé dans la gestion des services et
dans la conduite des politiques. Les dispositions de la LOLF sont en effet destinées à améliorer, non
seulement la qualité de l’information du Parlement, mais aussi le pilotage et la gestion des administrations.
Comment le CIAP fonctionnait-t-il ?
La dimension interministérielle lui permettait de porter une appréciation homogène sur les programmes audités,
quels que fussent les missions et ministères concernés. Composé de 18 membres, le Comité comprenait un représentant
de chacun des « ministères budgétaires », désigné parmi les membres du ou des corps de contrôle concernés. Il était
présidé par un inspecteur général des Finances nommé par le ministre chargé du Budget.
Le CIAP n’avait pas de moyens d’audits propres. Ses auditeurs étaient mis à disposition par les corps de contrôle
pour la durée des missions (en général trois mois). Chaque mission était réalisée par une équipe interministérielle,
composée de trois auditeurs : un membre du corps de contrôle du ministère dont relève le programme audité (qui est le
coordonnateur de la mission), ainsi que deux coéquipiers venant de corps de contrôle d’autres ministères, et apportant
ainsi un regard extérieur et complémentaire.
Pour assurer la rigueur et l’homogénéité de ses interventions, le CIAP avait élaboré collégialement des guides
d’audit (guide général, guide pratique pour l’audit du dispositif de performance), qui ont été mis à disposition des
auditeurs. Dans un souci de transparence à l’égard des services audités, ces outils étaient accessibles en ligne.
Chaque équipe établissait un rapport présentant les constatations effectuées et formulant des recommandations
d’amélioration de la mise en œuvre de la LOLF. Au cours de la procédure contradictoire, le rapport était adressé au
ministère concerné, qui y répondait. Sur la base de cet échange, le Comité émettait un avis qui exprimait son point de
vue propre.
Les documents établis à la suite de chaque audit (rapport des auditeurs, réponse du ministère, avis du Comité)
n’étaient diffusés qu’aux acteurs ministériels concernés, ainsi qu’aux institutions bénéficiant d’un droit de
communication vis-à-vis des travaux du CIAP (Cour des Comptes, commissions des Finances de l’Assemblée
nationale et du Sénat). La seule publication du CIAP était son rapport annuel d’activité qui présentait les
enseignements tirés du cycle d’audits écoulé.
Source : Ministère de l’économie et des finances (2016), Le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP), www.performance-
publique.budget.gouv.fr/performance-gestion-publiques/acteurs/essentiel/ministere-economie-finances/comite-interministeriel-d-audit-
programmes-ciap#.V31JjPl96Uk.

UNE MEILLEURE PERFORMANCE POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE PUBLIQUE EN TUNISIE : LA GESTION BUDGÉTAIRE PAR OBJECTIFS © OCDE 2016



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92 – 3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE
Recommandations
Il serait opportun de :
1. Améliorer la définition des objectifs et les valeurs cibles des indicateurs de mesure.
2. Rendre plus sûr le système de collecte des informations relatives à la performance.
3. Tirer davantage profit dans la gestion de la technique des crédits globalisés, par programme et grande
nature de dépenses.
4. Renforcer le lien entre le volet relatif à la performance et le volet budgétaire.
5. Adopter, dans les meilleurs délais, le décret organisant les responsabilités managériales des responsables
des programmes.
6. Examiner la création d’un comité interministériel d’audit des programmes.
7. S’assurer que le futur système d’information répondra aux besoins de suivi de la performance.
8. Veiller à ce que le cadre de la performance ne soit pas perturbé par les échéances électorales.
9. Créer des missions interministérielles, afin d’accroître la coopération entre les ministères.
10. Conclure des contrats de performance dans l’administration.
11. Tirer pleinement profit des PAP et des RAP dans toutes les étapes du travail budgétaire et législatif.
Pour cela, il appartiendrait à l’Assemblée des représentants du peuple de prendre les mesures
d’organisation interne requises.
Notes
1.
Pour les premiers exercices, les PAP n’ont pas toujours été élaborés par les
responsables de programmes mais parfois par les unités GBO des ministères. En effet,
les responsables de programme récemment nommés n’avaient pas l’expérience
nécessaire concernant la démarche programmatique et se trouvaient absorbés par leurs
nouvelles fonctions.
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3. LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE – 93
Références
Bureau, D. et Mougeot, M. (2007), Performance, incitations et gestion publique, La
Documentation française. Paris, 2007 - ISBN : 978-2-11-006636-7.
Ministère de l’Economie et des finances (2016), Le Comité interministériel d'audit des
www.performance-publique.budget.gouv.fr/performance-
programmes
gestion-publiques/acteurs/essentiel/ministere-economie-finances/comite-
interministeriel-d-audit-programmes-ciap#.V31JjPl96Uk.
(CIAP),
Ministère des Finances (2009), Suivi de la Performance et Choix des Indicateurs
www.portail.finances.gov.tn/publications/indicateurs-de-performance.pdf.
Unité GBO (2013), PAP du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
scientifique
, www.gbo.tn/index.php?option=com_docman&task=cat_view&gid=89&
Itemid=124&lang=fr.
Unité GBO
(2013),
nationale,
du ministère
www.gbo.tn/index.php?option=com_docman&task=cat_view&gid=89&Itemid=124&
lang=fr.
l’éducation
PAP
de
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4. L’EXÉCUTION COMPLEXE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE – 95
Chapitre 4
L’exécution complexe de la dépense publique
Le chapitre examine la procédure actuelle d’exécution de la dépense publique et les
opérations accomplies par l’ordonnateur, le contrôleur des dépenses publiques et le
comptable public et leurs interactions. Il rappelle les difficultés de cette dernière ayant
conduit dernièrement à l’introduction du contrôle hiérarchisé de la dépense publique. Il
relève que ces évolutions n’ont résolu qu’une partie des difficultés de la chaîne de la
dépense publique.
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96 – 4. L’EXÉCUTION COMPLEXE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE
Le vote de la loi de finances resterait vain sans l’exécution de ses dispositions. En
Tunisie comme dans les pays membres de l’OCDE, cette mise en œuvre donne lieu à un
nombre considérable d’actes, effectués par des acteurs différents. Dans le pays, ces
opérations se trouvent assurées par l’ordonnateur, le contrôleur des dépenses publiques et
le comptable public et forment un système complexe, dont l’efficience décroît. La prise
de conscience de ce phénomène date d’il y a un quart de siècle. Certaines réformes ont été
entreprises pour y remédier, sans, toutefois trouver de véritables solutions aux problèmes.
Dans le contexte de la GBO, de nouvelles réformes, plus ambitieuses, ont été tentées
dernièrement, sans apporter de réponse suffisante aux difficultés systémiques. Or, comme
l’indique l’article 7 de la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur la gouvernance
financière, « gérer et surveiller activement l’exécution du budget »
1 revêt une importance
de premier ordre et induit de chercher en permanence l’efficience et l’efficacité de la
dépense publique.
L’exécution traditionnelle de la dépense publique
La gestion traditionnelle des dépenses publiques en Tunisie se caractérise par la
division en quatre étapes des opérations de dépense : l’engagement, la liquidation,
l’ordonnancement et le paiement. Elle reste également fondée sur la séparation des tâches
et responsabilités entre l’ordonnateur et le comptable, la centralisation des fonds dans une
trésorerie unique et la tenue d’une comptabilité particulière retraçant l’exécution du
budget. Elle s’avère, enfin, assujettie au contrôle budgétaire, administratif, juridictionnel
et politique, intervenant sur les actes d’exécution des ordonnateurs et de comptables, tant
a priori qu’a posteriori. Ce contrôle demeure essentiellement de régularité et de
disponibilité des crédits et se révèle peu efficient.
Les trois acteurs de la procédure
La séparation des fonctions d’ordonnateur et comptable résulte de deux
préoccupations essentielles. D’une part, celle de garantir la sécurité dans la gestion des
fonds publics, grâce à l'intervention obligatoire de deux acteurs forcément distincts, en
vue d’accomplir toute opération de recette et de dépense ; d’autre part, celle de la division
rationnelle du travail des services, en fonction des différents stades d'exécution des
opérations. En Tunisie, aux deux acteurs précités, s’ajoute le contrôleur des dépenses
publiques, intervenant préalablement à l’engagement de la dépense.
L’ordonnateur est un administrateur de rang élevé qui, assume également des
fonctions financières. Il détient l’autorité juridique pour, d’une part, engager la
collectivité à effectuer les dépenses, et, d’autre, décider de recouvrer les recettes. Mais, il
lui reste défendu de manier les fonds publics. Il tient le compte administratif. À côté de
l’ordonnateur principal, figure l’ordonnateur secondaire. Le premier, le ministre, par
exemple, tient sa fonction de la loi ou du règlement. Il octroie à l’ordonnateur secondaire
une délégation partielle de pouvoir.
Le contrôleur des dépenses publiques2 (CDP) est un fonctionnaire appartenant au
comité général de contrôle des dépenses publiques, relevant désormais du ministère de la
fonction publique, de la gouvernance et de la lutte contre la corruption. Il siège dans le
service dépensier. Il lui revient de :
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4. L’EXÉCUTION COMPLEXE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE – 97
vérifier la régularité des dépenses de l'État, des établissements publics à caractère
administratif et des collectivités locales soumises au contrôle et viser les
propositions d'engagement y afférentes ;
viser les arrêtés instituant et modificatifs des régies d'avances, les arrêtés de
nomination des régisseurs ainsi que les demandes d'avances de fonds consenties à
ces derniers, les demandes de virement de crédit et les situations trimestrielles et
annuelles des dépenses engagées et ordonnancées, que les ordonnateurs sont tenus
de transmettre à la Cour des Comptes.
Ainsi, le contrôleur des dépenses publiques vérifie obligatoirement la régularité
juridique et la disponibilité des crédits avant que l’ordonnateur procède à l’engagement
de la dépense
3. Son contrôle porte, en particulier sur l’existence des crédits et la
conformité du dossier d’engagement : l’année budgétaire, l’article d’imputation, la
disponibilité des crédits, l’objet, l’exactitude d’évaluation de la dépense. Il garantit
l’application des dispositions financières de la législation et la conformité de la dépense
avec les travaux préparatoires du budget
4. Sans son visa, aucune dépense soumise
légalement à son contrôle n’est susceptible d’engagement ou d’exécution. Le délai du
visa reste de six jours francs ; celui-ci écoulé, et en absence de réponse de sa part, la
dépense devient exécutoire. Auparavant, le CDP exerçait ses missions de façon
systématique, et aujourd’hui, il le fait selon une procédure de contrôle hiérarchisé, comme
il sera exposé par la suite.