Page 1
LE CONTRÔLE DE LA VALIDITÉ DE LA CONVENTION DARBITRAGE
PAR LE JUGE ÉTATIQUE :
ÉTUDE DES SOLUTIONS TUNISIENNES
WALID BEN HAMIDA
Maître de conférences en Droit à l’Université d’Evry Val d’Essonne
La Tunisie était l’un des premiers Etats africains et arabes à réglementer
l’arbitrage. En 1967, elle a adhéré à la Convention de New York sur la
reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales
1. Le 26 avril 1993,
elle s’est dotée d’un code d’arbitrage
2. Le législateur tunisien ne s’est pas
contenté de modifier les dispositions du code des procédures civiles et
commerciales mais a adopté un code spécialement dédié à la matière.
Ce choix témoigne d’une volonté de simplifier, rendre accessible et
moderniser le droit de l’arbitrage aussi bien interne qu’international. Le code
consacre une réglementation dualiste. Après un chapitre consacré aux
dispositions communes, les chapitres deux et trois sont respectivement
consacrés à l’arbitrage interne et à l’arbitrage international.
Il convient de souligner que le texte français du code tunisien de l’arbitrage
ne correspond pas parfois au texte arabe. Ces divergences entre les deux
versions risquent de rendre difficile le travail de l’interprète. Ainsi, la version
française de l’article 17 du code prévoit que la « convention d’arbitrage »
doit à peine de nullité indiquer l’objet du litige et les noms des arbitres. Le
texte arabe du même article ne vise cependant que le compromis d’arbitrage
3.
Certes, la version arabe doit l’emporter mais ces divergences risquent de
créer les confusions chez les lecteurs étrangers. Il ne faut pas oublier que la
1 Loi n° 67-12 du 10 avril 1967, portant adhésion de la Tunisie à la Convention pour la
reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères. Cette convention a été publiée au
Journal officiel de la République Tunisienne en vertu du décret n° 326 du 14 octobre 1968.
2 Pour ce code, Voir W. BEN HAMIDA, « Arbitration in Tunisia », in Arbitration in Africa :
A Practitioner’s Guide
, L. BOSMAN ed., Wolters Kluwer 2013, pp. 309-314, L. CHEDLY,
« L’arbitrage international en droit tunisien », Quatorze ans après le Code,
Journal du Droit
International
2008, p. 389, K. MEZIOU et A. MEZGHANI, « Le Code tunisien de l’arbitrage », Revue
de l’arbitrage
1993, p. 521, M. L. HACHEM, « L’arbitrage international dans le nouveau Code de
l’arbitrage »,
Revue tunisienne de droit (RTD) 1993, p. 33.
لاإو ةللاد وأ ةحارص نيمكحملا ﺀامسأ نايب عم
ميكحتلا ىلع قافتلاا يف عازنلا عوضوم نييعت بجي
3
لاطاب قافتلاا ناك
. صفلا
ل17
Extrait de l'ouvrage : Le juge et l'arbitrage Sous la dir. de S. Bostanji, F. Horchani et S. Manciaux
EAN : 978-2-233-00722-3 éditions A.Pedone 2014
Cet ouvrage est en vente chez votre libraire et auprès des éditions A.Pedone 13 rue Soufflot 75005 Paris France tel : + 39 (0) 1 43 54 05 97 - Email : librairie@apedone.net - site : www.pedone.info




Page 2
LE CONTRÔLE DE LA VALIDITÉ DE LA CONVENTION DARBITRAGE
réforme du droit de l’arbitrage vise à attirer les investissements étrangers et
promouvoir la Tunisie en tant que place d’arbitrage dans le monde
4.
Quelle que soit la version retenue, la distinction entre compromis et clauses
compromissoire n’a pas toujours été très nette dans certaines décisions rendues
par les juridictions tunisiennes. Ainsi, dans l’arrêt
société GET c/ société
Hedia
5, la Cour de Cassation a bien distingué la clause compromissoire du
compromis. Elle a rappelé que le code n’imposait d’indiquer l’objet du litige
que pour le compromis et que cette exigence ne s’appliquait pas à la clause
compromissoire. Cependant, dans l’arrêt
société Tanit international c/ Soget,
la Cour d’appel de Tunis a confondu les deux notions et déclaré une clause
compromissoire nulle car celle-ci ne désignait pas le nom des arbitres
6.
La Cour de Cassation a aussi commis la même erreur dans un arrêt rendu le
7 janvier 2008, en considérant nulle une clause compromissoire qui ne
n’indiquait pas le nom des arbitres7. Cette jurisprudence est regrettable
d’autant plus que l’intérêt de la distinction entre clause compromissoire et
compromis est de plus en plus limité en droit comparé. Bien plus, logiquement,
l’exigence de la détermination du litige est impossible à remplir lorsque les
parties concluent une clause compromissoire. Celle-ci est conclue avant tout
litige. Il est difficile aussi de garantir que les arbitres désignés dans une clause
compromissoire seraient vivants au moment du litige sauf
peut être si les
parties choisissent de jeunes arbitres !
Cette jurisprudence n’a d’incidence que sur la validité des clauses
compromissoires en arbitrage interne. L’article 17 du Code de l’arbitrage qui
exige la détermination du litige et la désignation des arbitres figue dans le
chapitre II dédié à l’arbitrage interne. Il s’agit là de l’une des rares conditions
de validité qui ne concerne que les clauses d’arbitrage interne. Pour le reste,
les conditions de validité sont communes aux deux types d’arbitrage. Il s’agit
d’abord de la forme écrite de la convention d’arbitrage (Article 6), de
l’arbitrabilité (Article 7) et de la capacité (art. 8).
Il n’est point ici d’examiner dans cette communication toutes les conditions
de validité de la clause d’arbitrage en matière interne et en matière
la
internationale, mais d’évoquer certaines évolutions
récentes de
4 Compte rendu des débats de la Chambre des Députés sur le projet du code de l’arbitrage, 21 avril
1993, p. 3.
5 Cour de cassation, Première chambre civile, arrêt n°55998 rendu en mai 1999, Revue de la
Jurisprudence et de la Législation
, Numéro spécial arbitrage, Mai 1999, p 147. Voir aussi dans le
même sens, Cour de cassation, Arrêt du 28 novembre 2002, n°21337,
Bulletin de la Cour de
cassation
, Partie civil n°1, 2002, p. 145.
Voir aussi
l’affaire Ammar c/ Star, Cour d’appel de Tunis, 1ère chambre civil, 2 juin 1998, inédit et
Cour de cassation, 6 novembre 1998, arrêt n° 68287,
Revue de Jurisprudence et de Législation,
publié dans le Numéro spécial arbitrage.
6 Cour d’appel de Tunis, 1ère chambre, n° 45618 du 5 décembre 1997, inédit.
7 Arrêt n°12925, Revue de l’arbitrage international (Liban, en arabe), 2011 n°9, p. 355.
186
Extrait de l'ouvrage : Le juge et l'arbitrage Sous la dir. de S. Bostanji, F. Horchani et S. Manciaux
EAN : 978-2-233-00722-3 éditions A.Pedone 2014
Cet ouvrage est en vente chez votre libraire et auprès des éditions A.Pedone 13 rue Soufflot 75005 Paris France tel : + 39 (0) 1 43 54 05 97 - Email : librairie@apedone.net - site : www.pedone.info

Page 3
WALID BEN HAMIDA
jurisprudence tunisienne liées au contrôle post-arbitral de la convention
d’arbitrage. Comme il a été dit par Mme Meziou,
« l’essentiel n’est pas
seulement dans l’énumération abstraite des règles, il est aussi dans la
pratique, dans son acceptation par les parties et dans l’attitude des juges
»8.
Deux questions méritent aujourd’hui d’être revues : la question de la loi
applicable à la validité de la clause d’arbitrage en matière internationale (
I) et
la question de la validité de la clause d’arbitrage prévue dans un contrat
d’Etat (
II).
I. LA LOI APPLICABLE À LA VALIDITÉ
DE LA CLAUSE DARBITRAGE EN MATIÈRE INTERNATIONALE
Laissant à côté le contrôle de la convention d’arbitrage par le juge étatique
qui peut intervenir lorsqu’il est saisi en dépit de la présence d’une clause
d’arbitrage
9 ou éventuellement lorsqu’il est appelé à résoudre les difficultés
de la constitution du tribunal arbitral, le control de la convention d’arbitrage
a eu lieu essentiellement après le prononcé de la sentence arbitral.
Ce contrôle post-arbitral est exercé lors d’une demande en annulation ou à
l’occasion d’une procédure en vue de la reconnaissance et de l’exécution des
sentences arbitrales. Dans l’un et l’autre cas, en matière internationale,
la Cour d’appel de Tunis a compétence exclusive en la matière. Le législateur
tunisien a voulu concentrer le contentieux relatif à l’arbitrage international
devant une même juridiction, dans la capitale. Après une analyse comparative
des textes applicables au contrôle post-arbitral de la validité de la convention
d’arbitrage en droit tunisien (
A), nous nous interrogerons sur la méthode de
détermination de la loi applicable à la validité de celle-ci (
B).
A. Analyse comparative des textes applicables
l’annulation et
l’article 81 sur
l’article 78 sur
la
L’examen de
reconnaissance et
l’exécution des sentences arbitrales nous donne
l’impression que les motifs d’annulation et les cas de refus de l’
exequatur
sont identiques. En effet, pour élaborer ces dispositions, le législateur
tunisien s’est inspiré de la loi-type de la CNUDCI qui reproduit elle-même
les dispositions de la Convention de New York. Cependant à y observer de
prés, s’agissant du grief relatif à la convention d’arbitrage, on remarque une
différence de formulation.
8 K. MEZIOU, Le droit de l’arbitrage international en Tunisie, Colloque de la Cour de cassation à
Paris, 13 juin 2007, disponible sur http://www.cour decassation.fr/colloques_activites_formation_
4/2007_2254/international_droit_1 0314.html
9 Article 52 du code tunisien de l’arbitrage.
187
Extrait de l'ouvrage : Le juge et l'arbitrage Sous la dir. de S. Bostanji, F. Horchani et S. Manciaux
EAN : 978-2-233-00722-3 éditions A.Pedone 2014
Cet ouvrage est en vente chez votre libraire et auprès des éditions A.Pedone 13 rue Soufflot 75005 Paris France tel : + 39 (0) 1 43 54 05 97 - Email : librairie@apedone.net - site : www.pedone.info

Page: 1, 2, 3