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ACTUALITES DU DROIT INTERNATIONAL DE LA FAMILLE
ETATS GENERAUX DU DROIT DE LA FAMILLE ET DU PATRIMOINE 2021
Par :
Alexandre BOICHÉ,
Docteur en droit,
Avocat au barreau de Paris
Delphine ESKENAZI
Avocate aux barreaux de Paris et de New-York
Michel FARGE,
Professeur à l’Université de Grenoble Alpes
Marie BERGER
Avocate au Barreau de Genève
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TABLE DES MATIERES
PARTIE 1. JURISPRUDENCE ........................................................................................................... 3
I. LE COUPLE .................................................................................................................................. 3
A. LE MARIAGE ................................................................................................................................ 3
1. Le calcul des droits à la pension de réversion de la seconde épouse d’un assuré décédé ........ 3
2. Question de bigamie ...................................................................................................................... 4
B. LE DIVORCE ................................................................................................................................ 4
1. Compétence pour le divorce et résidence habituelle ................................................................... 4
3 Questions de compétence et recevabilité d’une action ............................................................... 7
4
La reconnaissance des décisions et l’ordre international public ................................................ 9
5 Nationalité et règles de compétence en matière de divorce ..................................................... 12
C. LES REGIMES MATRIMONIAUX ......................................................................................... 13
II.
L’ENFANT .............................................................................................................................. 13
A. LA FILIATION ........................................................................................................................... 13
1. La loi applicable à une action en contestation de paternité ..................................................... 13
2. Exequatur d’une décision prononçant l’adoption plénière d’un enfant .................................. 14
B. LES REGLES DE COMPETENCE EN MATIERE D’AUTORITE PARENTALE .......... 16
C. LES DEMANDES DE RETOUR SUITE A UN DEPLACEMENT ILLICITE D’UN
ENFANT.............................................................................................................................................. 17
III.
LES SUCCESSIONS ............................................................................................................... 20
A. LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS CONCERNANT LES SUCCESSIONS
INTERNATIONALES
....................................................................................................................... 20
B. LA NOTION DE PACTE SUCCESSORAL ............................................................................. 23
C. LE DECLINATOIRE DE COMPETENCE OFFERT AUX JURIDICTIONS DES ETATS
PAR LE REGLEMENT SUCCESSIONS
......................................................................................... 24
PARTIE 2. PRESENTATION DE L’ARTICLE 913 NOUVEAU DU CODE CIVIL ................. 27
I. LES CONDITIONS D’APPLICATION ................................................................................... 27
A. Conditions de nationalité ou de résidence ................................................................................. 27
B. Exclusion de la réserve par la loi étrangère applicable à la succession ................................... 27
C. Biens situés en France ................................................................................................................. 28
II.
LES BENEFICIAIRES DU DROIT DE PRELEVEMENT .............................................. 28
III.
APPLICATION DU DROIT DE PRELEVEMENT .......................................................... 28
PARTIE 3. BRUXELLES II TER...................................................................................................... 28
PARTIE 3. BRUXELLES II TER ..................................................................................... 27
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PARTIE 1. JURISPRUDENCE
I.
LE COUPLE
A. LE MARIAGE
1. Le calcul des droits à la pension de réversion de la seconde épouse d’un assuré
décédé
MF
1. Cour de cassation, 2ème chambre civile, 21 octobre 2021, n°20-17.462
Les droits des conjoints survivants à la pension de réversion d’un époux décédé ayant été marié
deux fois mais dont le second mariage a été annulé pour cause de bigamie et reconnu putatif à
l’égard de sa seconde femme, doivent être déterminés en fonction de la durée totale des mariages,
peu important que les mariages se chevauchent.
Faits et procédure :
Le mariage de deux époux, célébré le 14 octobre 2002, a ensuite été annulé pour cause de bigamie
de l’époux mais reconnu putatif à l’égard de la seconde épouse. L’époux est décédé le 21 décembre
2013 et l’épouse a donc demandé le bénéfice de la pension de réversion que la Caisse nationale
d’assurance vieillesse
lui a refusé. Elle a donc formé un recours devant une juridiction de sécurité
sociale. Cette dernière ainsi que la Cour d’appel de Versailles ont ordonné à la caisse de lui payer
des droits à la retraite de réversion selon la répartition de 68 mois sur 669 mois et de réviser les
droits à la retraite de réversion de Madame BEN LAHCEN, première épouse de l’assuré. La
seconde épouse forme ainsi un pourvoi en cassation. Elle considère que la Cour d’appel a violé les
articles L353-1 et L353-3 du Code de la sécurité sociale en ce qu’elle a retenu qu’en l’absence de
texte légal ou convention internationale proposant une clé de répartition entre les deux épouses
partageant concomitamment une même période de mariage, chacune pouvait prétendre, au titre du
principe d
’égalité, au versement d’une pension de réversion sur la moitié de cette période.
Question de droit :
Ainsi, une pension de réversion d’un époux décédé doit-elle être partagée par moitié entre les deux
conjoints survivants ?
Réponse de la Cour :
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel en ce qu’elle a retenue qu’un partage par moitié
de la pension de réversion devait être réalisé entre les deux conjoints survivants de la durée
commune du mariage. En effet, la Cour d’appel devait déterminer les droits des conjoints
survivants à la pension de réversion en fonction de la durée totale des mariages, et peu important
que leurs durées se chevauchent. Ils devaient être partagés au prorata de la durée respective de
chaque mariage. La requérante avait ainsi droit de bénéficier de 37,26 % du montant de la pension
de réversion ouverte du chef de son époux décédé.
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2. Question de bigamie
2. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 17 novembre 2021, n°20-19.420
Une requête en divorce formée par la seconde épouse de nationalité libyenne dans une union
bigame n’est pas irrecevable.
MF
Faits et procédure :
Deux époux, de nationalité libyenne, se sont mariés le 22 septembre 2000 en Lybie. Le 23 novembre
2017, l’épouse dépose une requête en divorce. Cette dernière sera déclarée irrecevable par la Cour
d’appel d’Orléans au motif que la loi française ne reconnai
ssant pas le mariage bigame, le second
mariage n’avait donc pas d’exigence légale et ne pouvait être dissout par une juridiction française.
Question de droit :
La Cour d’appel d’Orléans devait-elle rechercher si la loi personnelle des époux autorisait le mariage
bigame, de sorte qu’un tel mariage célébré à l’étranger pouvait produire des effets en France ?
Réponse de la Cour :
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en considérant qu’il incombe au juge français de mettre
en œuvre les règles de co
nflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle. Elle rappelle
également que les conditions de fond du mariage sont régies par la loi personnelle de chacun des
époux. Dans les faits, la loi personnelle des époux était la loi libyenne qui autorise la bigamie,
élément que la Cour d’appel d’Orléans aurait dû rechercher et sans quoi, elle prive sa décision de
base légale.
B. LE DIVORCE
1. Compétence pour le divorce et résidence habituelle
3. Cour de Justice de l’Union Européenne, 25 novembre 2021, n°C289/20
D. ESKENAZI, L’absence d’ubiquité de la notion de « résidence habituelle » pour l’époux : une
résidence habituelle et une seule ! AJ Famille 2021 p.47
DE/ AB
Faits et procédure :
L’époux, de nationalité française, et son épouse de nationalité irlandaise, divorcent. L’époux a
déposé une requête en divorce devant le tribunal judiciaire de Paris, cependant le juge aux affaires
familiales s’est déclaré territorialement incompétent. Il considère que la fixation du lieu de travail
de l’époux en France ne constitue pas un critère suffisant permettant de caractériser la volonté d’y
établir sa résidence habituelle. L’époux interjette appel de cette décision soutenant qu’en plus de
son activité professionnelle pérenne, seul le refus de déménager en France de son épouse, les
conduit à mener un quotidien parallèle. L’épouse soutenait, a contrario, que la résidence habituelle
de la famille est située en Irlande comme en témoigne les visites hebdo
madaires de l’époux à sa
famille. En l’espèce, le demandeur aurait potentiellement deux résidences
: une familiale en Irlande,
l’autre professionnelle en France.
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La cour d’appel de Paris sursoit à statuer et introduit une question préjudicielle auprès de la Cour
de justice de l’Union européenne afin qu’elle clarifie la situation des demandeurs disposant de deux
résidences potentielles.
Problème de droit
La question était de savoir l’on peut considérer qu’aux termes de l’article 3 du règlement
n°2201/2003 une même personne puisse avoir deux résidences habituelles, ce qui impliquerait que
les juridictions des deux Etats soient compétentes pour statuer en matière de divorce ?
Solution de la Cour
Au visa de l’article 3§1, sous aliéna, du Règlement (CE) n°2201/2003 du 27 novembre 2003, la
CJUE détermine «
qu’un époux qui partage sa vie entre deux Etats membres ne peut avoir sa résidence habituelle
que dans un seul de ces Etats membres,
de sorte que seules les juridictions de l’Etat membre sur le territoire duquel
se situe cette résidence habituelle sont compétentes pour statuer sur la demande de dissolution du lien matrimonial
».
Il s’agit d’une première définition fournie par la Cour en matière de divorce. La CJUE refuse donc
l’éventualité d’une résidence habituelle multiple de l’époux et précise que cette interprétation va
dans le sens du rapport explicatif réalisé par Me Borras. En outre, la reconnaissance d’une résidence
multiple pourrait nuire à la sécurité juridique notamment en matière de prédictibilité des juridictions
compétentes et rendant la vérification de sa propre compétence plus complexe pour la juridiction
saisie.
4. Cour de cassation,1er chambre civile, 26 janvier 2022, n° D 20-21.542
MF
Faits et procédure :
Des époux se sont mariés à Moscou (Russie) sans contrat de mariage préalable. L’époux est de
nationalités russe et mexicaine et
l’épouse est de nationalité russe. Ils ont fixé leur première
résidence habituelle en Russie. Par acte authentique, devant notaire, ils ont adopté le régime français
de la séparation de biens concernant leurs biens sur le territoire français. En outre, ils ont opté pour
la loi française en cas de divorce. En 2017,
l’épouse demande le divorce. La cour d’appel d’Aix en
Provence confirme
l’applicabilité de la loi française au divorce faisant échec aux prétentions du
demandeur considérant la convention illicite à raison de
l’article 5 du règlement UE n°1289/2010
(dit Rome III) et plus particulièrement des dispositions contenues, aux points (a) à (c), relatives à
la résidence habituelle ou la nationalité des époux. Le demandeur forme un pourvoi contre
l’arrêt
de la cour
d’appel considérant la loi choisie comme inapplicable au titre de la loi du for.
Problème de droit :
Peut-on appliquer, en cas de divorce d’époux dont la situation présente un élément d’extranéité, la
loi choisie dans le cadre
d’une convention conclue par ces derniers, en tant que loi de la juridiction
saisie de la demande en divorce, aux dépens de la résidence habituelle, de la dernière résidence
habituelle ou de la nationalité des époux ?
Solution de la Cour :
Au visa de l’article 5 du règlement (UE) n°1289 /2010 du Conseil du 20 décembre 2010 (dit Rome
III), la Cour énonce que lorsque des époux dont la situation présente un élément d’extranéité et
qui décident de la loi applicable au divorce, au sein d’une convention, qui n’est pas celle de la
résidence habituelle des époux (a), ni celle de la dernière résidence habituelle des époux (b), ni celle
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de la nationalité de l’un des époux (c), le choix en question est valide, au titre de la loi du for (d),
lorsqu’il s’agit de la loi applicable du juge qui a été ultérieurement saisi à la demande en divorce. En
l’espèce, l’épouse pouvait valablement se prévaloir d
e la loi française comme loi applicable en
matière de divorce.
2 Les obligations alimentaires
5. Cour de Justice de l’Union Européenne, 15 avril 2021, n° C-729/19
V. ANENA-ROBARDET, Règlement « Aliments » : seules les décisions des Etats membres de
l’UE au jour de leur prononcé peuvent être reconnues exécutées, AJ Famille 2021 p.363
DE
Faits et procédure :
De l’union de deux ressortissants polonais, dont le mariage a été célébré en Pologne en 1991,
naissent deux enfants. En 1999,
une juridiction polonaise rend une décision en matière d’aliments
en faveur de la mère contre le père. En 2004, les époux divorcent. En 2006, le père s’installe en
Irlande du Nord. Le 24 octobre 2013, le tribunal d’instance de Belfast a déclaré exécutoires les
jugements de 2003 et 2004 en application du règlement dit « aliments ». Le père a formé un recours
devant la Haute C
our de Justice de l’Irlande du Nord, pour contester le caractère exécutoire des
décisions en considérant
que ledit règlement n’était pas applicable en l’espèce car à l’époque où les
jugements litigieux avaient été rendus, la Pologne n’était pas encore un Etat membre de l’Union
Européenne. La Haute Cour de Justice a rejeté le recours au visa de l’article 75.3 du Règlement
« Aliments » qui soutient que le chapitre VII est applicable «
aux requêtes et demandes reçues par l’autorité
centrale à compter de la date d’application du présent règlement
». Néanmoins, la juridiction de renvoi a
souhaité s’assurer de l’application du Règlement « Aliments » et a donc posé plusieurs questions
préjudicielles
à la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Problème de droit :
Premièrement, l’article 75 paragraphe 2 du Règlement doit-il être interprété en ce sens qu’il ne
s’applique qu’aux décisions rendues dans les Etats qui étaient membres de l’Union au moment où
ces décisions ont été prises ?
Deuxièmement, étant donné que la République de Pologne est à présent un Etat membre de
l’Union lié par le protocole de la Haye, les décisions en matière d’aliments rendues par une
juridiction polonaise en 1999 et en 2003 (avant l’entrée de la République de Pologne dans l’Union
européenne), peuvent-elles être enregistrées et exécutées dans un autre Etat membre de l’Union en
application du Règlement « Aliments
» et notamment de l’article 75 de ce dernier ?
Solution de la Cour :
La Cour de Justice indique à la Cour d’Appel d’Irlande du Nord dans cet arrêt que l’article 75 du
Règlement « Aliments » doit être interprété en ce sens qu’il s’applique seulement aux décisions
rendues par les juridictions nationales dans des Etats qui étaient déjà membres de l’Union
européenne à la date de leur adoption. En outre, aucune des dispositions du règlement ne permet
que des décisions rendues par un Etat avant son entrée dans l’Union soient reconnues et exécutées
dans un autre Etat membre après l
’entrée de l’Etat du tribunal d’origine.
6. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 12 mai 2021, n°19-19.531
6












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A. BOICHE, Compétence pour statuer sur la prestation compensatoire alors que le divorce a
déjà été prononcé à l’étranger, AJ Famille p.367
AB
Rappel des faits et de la procédure :
Un couple binationaux, de nationalité hongroise et française, a divorcé en Hongrie le 4 mai 2004
suite à une requête formée par l’époux le 23 février 2002. En 2013, l’ex-épouse a assigné son ex-
époux et a saisi le ju
ge aux affaires familiales d’une demande de prestation compensatoire. Elle
n’avait pas pu faire cette demande devant le juge hongrois dès lors qu’il n’était pas compétent en
matière alimentaire. La Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 16 avril 2019 dit
la demande de
prestation compensatoire recevable et condamne l’ex époux au paiement de 90 000€. Elle a déclaré
la demande recevable au motif que l’ex
-épouse n’avait pas pu demander de prestation
compensatoire devant le juge hongrois saisi. En effet, la Cour d’appel a retenu que le Règlement
(CE) n°44/2001, qui régissait les obligations alimentaires à l’époque du divorce, ne prévoyait pas
la compétence de la juridiction de la nationalité des deux époux.
L’ex époux a formé un pourvoi en cassation en invoquant notamment le fait que le Règlement
n°44/2001 du 22 décembre 2000 est seulement applicable aux actions judiciaires intentées après
son entrée en vigueur, soit pour la Hongrie, après le 1
er mai 2004, date à laquelle la Hongrie a adhéré
à l’Union européenne. Dès lors, la demande de prestation compensatoire de son ex-épouse ne
pouvait pas se fonder sur les dispositions du Règlement.
Question de droit :
Ainsi, la question était de savoir si, a posteriori, dans la procédure hongroise, le juge hongrois était
compétent pour statuer sur une éventuelle demande de prestation compensatoire ?
Réponse de la Cour :
La Cour de cassation rappelle d’abord l’article 66, alinéa 1 du Règlement (CE) n°44/2001 du
Conseil du 22 décembre 2000 selon lequel les dispositions du Règlement ne sont applicables qu’aux
actions intentées et aux actes authentiques reçus postérieurement à son entrée en vigueur. La Cour
de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel au motif qu’elle a violé l’article 66 alinéa 1er du
Règlement (
CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000. En effet, la Hongrie n’ayant pas
adhéré à l’Union européenne à effet du 1
er mars 2004, ce Règlement n’était pas applicable à une
action en justice engagée devant les juridictions hongroises avant cette date. Avec cet arrêt, la Cour
de cassation établit la date à laquelle le règlement est applicable à une action judiciaire : à compter
de son entrée en vigueur si l’Etat est membre de l’Union européenne ou à défaut, à compter de
l’adhésion de cet Etat à l’Union eur
opéenne.
3 Questions de compétence et recevabilité d’une action
7. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 13 octobre 2021, n°20-16.248
Un pourvoi en cassation formé contre une décision de Cour d’appel portant sur une ordonnance
de non-conciliation qui ne met pas fin à l’instance est irrecevable.
DE
Faits et procédure :
7











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Une ordonnance de non-conciliation a été rendue entre la requérante et le défendeur de ce pourvoi
en cassation. Celle-ci prévoit les mesures provisoires applicables
pour la durée de l’instance. Un
appel avait été formé contre cette ordonnance. La Cour d’ap
pel prescrit des mesures provisoires et
complète le dispositif de l’ordonnance déférée en indiquant que le régime matrimonial des époux
était gouverné par la loi de l’Etat de New York du 6 mars 1998
(date du mariage) au 15 juin 2018
et par la loi française
à compter du 16 juin 2008 jusqu’à la date de l’ordonnance de non-conciliation.
Question de droit :
Un pourvoi en cassation formé contre une décision d’appel portant sur une ordonnance de non-
conciliation est-il recevable ?
Réponse de la Cour :
Le pourvoi est irrecevable. La décision d’appel qui ne procède pas d’un excès de pouvoir et est
dépourvue de l’autorité de la chose jugée, n’a pas mis fin à l’instance. Ainsi, le pourvoi en cassation
formé, indépendamment de la décision sur le fond est irrecevable, en l’absence de dispositions
spéciales de la loi.
8. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 3 novembre 2021, n°20-12.006
Indépendance des règles de compétence en matière de désunion et de responsabilité parentale.
MF
Faits et procédure :
Un couple franco-belge s’est marié le 2 septembre 1995 en France. Après avoir fixé leur résidence
en Belgique où sont nés leurs trois enfants, ils se sont installés en Inde le 27 juillet 2012.
C’est
lorsque la famille se trouvait en France le 14 juin 2013 que l’épouse a saisi le juge aux affaires
familiales d’une requête en divorce. Ce dernier s’est déclaré incompétent
dans un arrêt du 11
décembre 2018, rendu sur renvoi après cassation. Quant à
son époux, il l’a assigné le 21 novembre
2014 en la forme des référés devant le juge aux affaires familiales afin de voir ordonner une
expertise psychiatrique des membres de la famille et de voir fixer les modalités de son droit de visite
et d’hébergement. Son épouse avait alors sollicité reconventionnellement l’exercice exclusif de
l’autorité parentale et la condamnation du père à payer une contribution à l’entretien et à l’éducation
des enfants. Par un arrêt rendu le 13 novembre 2019, la Cour d’appel d’Orléans a déclaré le juge
français incompétent pour statuer en la forme des référés tant sur la responsabilité parentale que
sur l’obligation alimentaire.
Question de droit :
Ainsi, dans les faits, la résidence des enfants devait-elle s’apprécier à partir de la requête en divorce
ou au moment du référé relatif au droit de visite ?
Réponse de la Cour :
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel puisque la Cour d’appel avait apprécié la
résidence des enfants, critère déterminant la compétence du juge français pour une action en
matière de responsabilité parentale, au moment de la requête en divorce. Or, selon la Cour de
cassation, la résidence des enfants devait s’apprécier à la date de l’assignation en la forme des référés
relative à l’exercice du droit de visite et d’hébergement et non pas au moment de la requête en
divorce. La Cour d’appel aurait dû rechercher si, à la date de la saisine de la juridiction de la demande
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relative à la question de la responsabilité parentale, les enfants résidaient en France afin de
déterminer la compétence des juridictions françaises.
4 La reconnaissance des décisions et l’ordre international public
DE
9. Cour d’appel de Paris, 23 février 2021 n°19/09125
V.AVENA-ROBARDET, Refus d’exequatur pour défaut de motivation d’une décision
tchadienne, AJ Famille p.370
Faits et procédure :
De l’union de deux ressortissants franco-tchadiens sont nés deux enfants, l’un en France en 2006
et l’autre en
Suisse en 2010. La famille a vécu à partir de la naissance des enfants entre le Tchad et
la Suisse. Le 10 janvier 2016, la mère retourne à Genève avec ses enfants et le 21 juin de cette même
année le tribunal de première instance de N’Djamena au Tchad a prononcé le divorce aux torts
exclusifs de la mère et confié la garde des enfants au père. Cette décision a été confirmée par la
Cour d’appel de N’Djamena le 24 mars 2017 en accordant un droit de visite à la mère. Le pourvoi
en cassation formé par cette dernière a été rejeté par la Cour suprême du Tchad par un arrêt du 19
avril 2018. Le père a fait assigner la mère en août 2018 pour rendre exécutoires en France ces arrêts
ce qui a été accordé par le tribunal de grande instance de Paris le 9 janvier 2019. Parallèlement, à la
suite d’un pourvoi rendu dans l’intérêt de la loi, la Cour Suprême du Tchad a cassé son arrêt de
2018, l’arrêt d’appel de 2017 et le jugement de 2016.

La mère interjette appel suite à l’ordonnance du tribunal de grande instance de Paris. Elle considère
que les décisions tchadiennes sont contraires à l’ordre public international français en ce qu’elles
nient le principe d’égalité entre époux
puisque l’autorité parentale est dévolue au père sans statuer
sur les modalités du droit de visite de la mère. De plus, les juridictions tchadiennes seraient
incompétentes en raison de la résidence habituelle des enfants en Suisse. Enfin, le père aurait
commis une fraude. Le père conteste quant à lui dans la procédure la contrariété des décisions à
l’ordre public international français en avançant que les décisions étaient motivées. D’autre part, il
considère que les juridictions tchadiennes étaient compétentes car les enfants résidaient au Tchad.
Problème de droit :
Ainsi, l’exequatur des décisions tchadiennes pouvait-il être ordonné ?
Solution de la Cour :
Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris énonce que la mère ne peut pas se prévaloir de la
seconde décision de la Cour Suprême du Tchad car celle-ci ne respectait pas les droits de la défense.
Elle considère ensuite que le jugement de première instance rendu le 21 juin 2016 et l’arrêt d’appel
du 24 mars 2017 sont contraires à l’ordre public international français en ce qu’ils font application
d’une règle juridique étrangère contraire au principe d’égalité entre les époux
. D’autre part, l’arrêt
d’appel qui élargit le droit de visite de la mère est également contraire à l’ordre public international
en ce qu’il est dépourvu de motivation. Elle considère enfin que l’arrêt de cassatio
n est indissociable
de l’arrêt d’appel en ce qu’il se borne à établir que le jugement de première instance n’a pas violé le
code civil et en déduit que les arrêts d’appel
de 2017 et de cassation de 2019 ne peuvent être
exéquaturés.
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10. Cour de cassation, Première chambre civile, 15 septembre 2021, n°20-
19.640
La compétence du Juge aux affaires familiales français, acquise par ordonnance de non
conciliation passée en force de chose jugée, ne peut être remise en cause par une exception de
litispendance invoquée au cours
de l’instance au fond du divorce.
AB
Faits et procédure :
Madame [I] et Monsieur [G] sont tous deux de nationalités française et tunisienne et ils se sont
mariés en Tunisie le 4 août 1988. Le 14 décembre 2010,
l’époux a saisi les juridictions tunisiennes
d’une demande de divorce, qui a été prononcé
e par un arrêt devenu irrévocable du 19 novembre
2012. Le 11 avril 2011, l’épouse à son tour, a saisi les juridictions françaises d’une requête en
divorce. Le juge aux affaires familiales français a alors rejeté, par une ordonnance de non-
conciliation du 20 juin 2011, l’exception de litispendance soulevée par son mari. Ce dernier n’a pas
relevé appel de l’ordonnance de non
-conciliation. Enfin, par la suite, la Cour d’appel statuant au
fond, l’époux a opposé à la demande en divorce de la requérante, l’autorité de chose jugée attachée
au jugement de divorce tunisien. La Cour d’appel a fait droit à sa demande en considérant que le
juge aux affaires familiales n’avait statué
quant à la compétente et à la loi applicable que pour la
conciliation.
Problème de droit :
Ainsi, une exception de litispendance, invoquée par un requérant au cours de l’instance au fond du
divorce, peut-elle remettre en cause la compétence du Juge aux affaires familiales ?
Réponse de la Cour :
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. En effet, elle rappelle que les décisions rendues par les
juridictions françaises ou tunisiennes sont reconnues de plein droit sur le territoire de l’autre Etat
sous réserve de l’absence de contrariété de cette d
écision à une décision ayant force de chose jugée
rendue par l’autre Etat. Elle rappelle également, qu’en vertu de l’article 1110 du Code de procédure
civile ancien, « l’exception de litispendance ne peut être invoquée que devant le juge aux affaires familiales avant
toute tentative de conciliation. La décision rendue de ce chef est revêtue de l’autorité de chose jugée et l’appel est
immédiatement recevable, même si l’ordonnance ne met pas fin à l’instance
». Selon ces dispositions, la Cour
précise ainsi que, dès lors que le juge français a reconnu sa compétence en matière de divorce par
une décision passée en force de chose jugée, sa compétence ne peut être remise en cause
postérieurement et cela même si la décision a été rendue dans le cadre de la tentative de conciliation.
11. Cour de cassation, Première chambre civile, 17 novembre 2021, n°20-
20.746
La caducité d’une ordonnance de non-conciliation affecte les mesures provisoires fixées par cette
ordonnance, ainsi que l’autorisation d’introduire l’instance, mais ne s’étend pas aux dispositions
sur la compétence internationale du juge français.
AB
Faits et procédure :
Un couple s’est marié au Maroc le 7 janvier 1989 à Meknès (Maroc). Le juge marocain, par un arrêt
du 17 juin 2010 confirmé par un arrêt du 17 mai 2011 devenu irrévocable, a prononcé le divorce
des époux.
L’épouse saisi en second le juge aux affaires familiales mais par une ordonnance du 22
octobre 2009 ayant force de chose jugée, il rejet
te l’exception de litispendance. Cette dernière
10









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ordonnance est devenue caduque en raison de l’absence d’assignation dans les délais impartis de
l’article 1113 du Code de procédure civile. Enfin, l’époux a sollicité l’exequatur de la décision
marocaine qui fut rejetée. Ainsi, il forme un pourvoi en cassation.
Problème de droit :
La caducité d’une ordonnance de non-conciliation s’étend-elle aux dispositions sur la compétence
internationale du juge français ?
Réponse de la Cour :
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle considère que la caducité d’une ordonnance de non-
conciliation, si elle affecte les mesures provisoires fixées par cette ordonnance, ainsi que
l’autorisation d’introduire l’instance, elle ne s’étend pas aux dispositions sur la compétence
internationale du juge français puisqu’elles présentent un caractère autonome étant édictées
préalablement à la tentative de conciliation
et sont revêtues de l’autorité de chose jugée. Ainsi, c’est
à bon droit que la Cour d’appel a déduit de l’ordonnance du 22 octobre 2009 passée en force de
chose jugée et
rejetant l’exception de litispendance au motif que seule la juridiction française
pouvait être compétence,
que la demande d’exequatur de la décision des juridictions marocaines
prononçant le divorce était irrecevable.
12. Cour de cassation, première chambre civile, 17 mars 2021, n°20-14.506
Lorsqu’une décision de divorce a été prononcée à l’étranger en application d’une loi qui
n’
accorde pas à l’un des époux, en raison de son appartenance à l’un ou l’autre sexe, une égalité
d’accès au divorce, sa reconnaissance ne heurte pas l’ordre public international, dès lors qu’elle
est invoquée par celui des époux à l’égard
duquel sont prévues les règles les moins favorables.
MF
Faits et procédure :
Un mariage a été célébré en Algérie entre un algérien et une franco-algérienne. Le divorce a été
prononcé par le juge algérien le 4 juillet 2017. Cette dernière a entre-temps acquis seule une maison
en France. En se fondant sur le jugement de divorce et sur le caractère séparatiste du régime légal
algérien, elle a ensuite entrepris une procédure d’expulsion de son ancien époux de cette maison.
Dans un arrêt du 18 juillet 2019 la Cour d’appel de Lyon a déclaré le jugement algérien de divorce
régulier et opposable en France. Elle a donc fait procéder à l’expulsion de ce dernier et l’a également
condamné au paiement d’une indemnité d’occupation. Il s’est donc pourvu en cassat
ion en
considérant
que le jugement de divorce prit en application de l’article 54 du code de la famille
algérien et qui permet à l’épouse de dissoudre le mariage unilatéralement sans rendre possible
l’opposition du mari
est contraire au principe d’égalité des époux. La Cour d’appel aurait ainsi violé
l'article 1
er d), de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 et l'article 5 du Protocole du 22
novembre 1984, n° 7, additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales.
Problème de droit :
Un jugement de divorce rendu en Algérie sur le fondement du droit algérien permettant à l’épouse
de pouvoir dissoudre le mariage unilatéralement est-il conforme à l’ordre public au sens du droit
international privé français ?
Réponse de la Cour :
11











Page 12
La Cour rejette le pourvoi en cassation et considère que : « Lorsqu'une décision de divorce a été prononcée
à l'étranger en application d'une loi qui n'accorde pas à l'un des époux, en raison de son appartenance à l'un ou
l'autre sexe, une égalité d'accès au divorce, sa reconnaissance ne heurte pas l'ordre public international, dès lors qu'elle
est invoquée par celui des époux à l'égard duquel sont prévues les règles les moins favorables ».

5 Nationalité et règles de compétence en matière de divorce
Cour de Justice de l’Union Européenne, 10 février 2022, aff. C-522/20
La CJUE analyse la portée de l’article 3 du règlement Bruxelles II bis et l’interprétation à donner
en matière de nationalité, principe de non-discrimination et règles de compétence en matière de
divorce.
DE
Faits et procédure :
Un couple de ressortissants respectivement italien et allemand se marient à Dublin. Ils se séparent,
et l’époux établit son domicile en Autriche. Il saisit le juge autrichien d’une demande de divorce
après avoir résidé plus de six mois en Autriche, mais moins d’un an.

Problème de droit :
L’article 3 du règlement Bruxelles II bis n°2201/2003, parmi les critères de compétences des
juridictions amenées à statuer sur le divorce, énonce:


la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année
immédiatement avant l’introduction
de la demande, ou (tiret 5)
la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement
avant l’introduction de la demande et s’il est soit ressortissant de l’État membre en question,
soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, s’il y a son “domicile ; (tiret 6)
Ces critères intègrent la localisation de la résidence habituelle du demandeur si ce dernier a résidé
au moins une année avant la demande. Le sixième tiret fait état du critère de nationalité du
demandeur.
L’époux demandeur soutenait que cet article était discriminant, au visa de l’article 18 du TFUE, car
fondé sur la nationalité car selon le cinquième tiret le demandeur résident doit justifier d’une
résidence d’au moins un an alors que sel
on le sixième tiret le demandeur résident et ressortissant
de l’Etat peut n’avoir été résident que pendant six mois pour voir la compétence reconnue.
Solution de la Cour :
La Cour énonce que « le principe de non-discrimination en raison de la nationalité » consacré par l’article 18
du TFUE, ne permet pas que les conditions prévues à l’article 3 du règlement Bruxelles II bis –

sixième tiret, soient discriminatoires bien que raccourcissant le délai de résidence de 6 mois par
rapport aux dispositions du cinquième tiret. En effet, le principe de non-discrimination prohibe
que des situations comparables soient traitées de manières différenciées. Or, la Cour enjoint à
considérer qu’un demandeur qui revient dans son pays d’origine après avoir quitté la résidence
habituelle du couple, ne se trouve pas dans une situation comparable avec un demandeur qui réside
au sein d’un Etat-membre sans en avoir la nationalité notamment au regard des rattachements
éventuels (juridiques, culturels ou encore linguistiques).
12











Page 13
C. LES REGIMES MATRIMONIAUX
2. Cour de cassation, première chambre civile, 10 février 2021, n°19-17.028
A. BOICHE, Accord procédural et loi applicable au régime matrimonial, AJ Famille 2021 p.246
DE
Faits et procédure :
Un couple de ressortissants portugais s’est marié en France en 1970. Le divorce a été prononcé par
un jugement du 15 mars 2002 qui a également ordonné la liquidation de la communauté ayant existé
entre les époux. La composition de cette communauté a été établie par un jugement irrévocable du
21 décembre 2012, les parties ont donc été envoyées devant un Notaire pour qu’il soit procédé à
l’élaboration de l’acte de partage. Néanmoins, le 27 novembre 2013, Monsieur K. a assigné son ex-
épouse en vue de faire reconnaitre la loi portugaise applicable à leur régime matrimonial ce qui
aurait pour conséquence de caractériser un régime de séparation de biens entre les époux. Dans un
arrêt du 20 février 2019, la cour d’Appel de Paris a considéré que cette demande était irrecevable
car elle se heurtait à la force de chose jugée dont été assortie le jugement irrévocable ordonnant le
partage de la communauté qui existait entre les époux. De plus, elle considère que les parties
s’étaient accordées sur l’application de la loi française au régime matrimonial par la concordance
des conclusions des parties qui reposaient toutes les deux sur les codes civil et de procédure civile
français. Par ailleurs, considérant que la demande était abusive, elle a condamné l’ex-époux au
paiement de dommages et intérêts. Celui-ci se pourvoit en cassation en considérant que
l’autorité
de chose jugée s’attache aux dispo
sitifs des décisions et non à leurs motifs, que sa demande tendant
à rendre applicable la loi portugaise au régime matrimonial qui existait entre lui et son épouse n’avait
pas le même objet que les demandes tendant à déterminer la composition dudit régime matrimonial,
et qu’enfin le fait qu’une demande se heurte à l’autorité de chose jugée d’une décision n’était pas
de nature à caractériser un abus de droit et justifiait donc le paiement de dommages et intérêts.
Problème de droit :
La première chambre civile a dû déterminer en l’espèce s’il ressortait de la procédure qu’un accord
procédural avait tacitement était conclu entre les parties et que de ce fait il n’était pas justifié de
contester l’applicabilité de la loi sur laquelle les parties ont fond
é leurs conclusions au cours d’une
procédure de liquidation de régime matrimonial.
Solution de la Cour :
La Cour de cassation rejette le 10 février 2021 le recours formé par l’ex-époux en confirmant la
décision de la cour d’appel de Paris en ce que, pour les droits dont elles ont la libre disposition, les
parties peuvent implicitement procéder à un accord procédural, qui peut notamment découler de
la coïncidence des conclusion
s en ce qu’elles se fondent sur le même droit national. D’autre part,
elle considère que par son fait, le demandeur au pourvoi avait délibérément retardé une procédure
de
partage et qu’en retenant son intention dilatoire la Cour d’appel avait bien caractérisé un abus,
de sorte que le moyen tendant à contester le paiement de dommages
et intérêts n’est pas fondé.
II.
L’ENFANT
A. LA FILIATION
1. La loi applicable à une action en contestation de paternité
13









Page 14
3. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 15 septembre 2021, n°19-22.588
Cassation de l’arrêt qui ordonne l’expertise génétique sur le fondement du droit français dans
une action en contestation de paternité impliquant une mère de nationalité slovaque.
DE plus commentaire MF
Faits et procédure :
Une femme de nationalité slovaque s’est mariée avec un français et de leur union est issue une
enfant née en Suisse en 2013. Un tiers conteste néanmoins ce lien de filiation et a, à cette fin, assigné
les époux en contestation de la paternité de l’époux et demandé que sa paternité soit établi à l’égard
de l’enfant. Dans deux arrêts du 9 janvier 2018 et
du 2 juillet 2019 la Cour d’appel de Lyon a
ordonné, par le premier arrêt, une expertise génétique sur le fondement du droit français puis, par
le deuxième a
rrêt, dit que l’époux n’était pas le père de l’enfant. Les époux se pourvoient en
cassation au moyen que la Cour d’appel a violé les articles 3 et 311
-14 du code civil en ordonnant
une expertise génétique sur le fondement du droit français, alors qu’il incombe au juge français de
mettre en œuvre les règles de conflit de lois concernant les droits indisponibles, afin de rechercher
le droit étranger applicable. Le pourvoi soutient
qu’en la matière, c’est l’article 311-14 du code civil
qui désigne la loi applicable aux questions de filiation à savoir la loi nationale de la mère.
D’autre
part, les époux considèrent que le premier arrêt de la Cour d’appel de Lyon devant être cassé, le
second arrêt qui précise
que l’époux n’est pas le père de l’enfant doit également l’être, en ce qu’il
est la suite par voie de conséquence du premier qui a ordonné l’expertise génétique.

Problème de droit :
Ainsi, la Cour de cassation pouvait-elle ordonner une expertise génétique en application du droit
français
alors que la mère de l’enfant est de nationalité slovaque ?
Solution de la Cour :
La première chambre civile a cassé les arrêts rendus par la Cour d’appel de Lyon en ce qu’en
ordonnant une expertise génétique en se fondant sur le droit français, la Cour d’appel avait violé
les articles 3 et 311-14 du code civil qui désignaient comme loi applicable à cette action la loi
slovaque en tant que loi nationale de la mère. Elle a également cassé le deuxième arrêt établissant
que l’époux n’était pas le père puisque par voie de conséquence, cet arrêt était la suite du premier
qui avait exigé l’expertise
. En effet, il ressort de l’article 625 du code de procédure civile que la
cassation entraine sur les points qu’elle atteint l’annulation par voie de conséquence de toute
décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé.

2. Exequatur d’une décision prononçant l’adoption plénière d’un enfant
4. Cour de cassation, première chambre civile, 9 juin 2021, n°20-14.205
Adoption par démarche individuelle : conformité à l’ordre public et prohibition de la révision au
fond
AB
Faits et procédure :
Des époux ont demandé l’exequatur d’une décision rendue le 27 juin 2014 par le tribunal de
première instance d'Abidjan-Plateau (Côte d'Ivoire) devant le Tribunal judiciaire de Lorient. Ce
jugement avait prononcé l'adoption plénière
par les époux d’une enfant née en 2009 à Port-Bouët
(Abidjan). Le tribunal judiciaire de Lorient
s’est dessaisi au profit du Tribunal judiciaire de Nantes,
14










Page 15
qui a rendu une ordonnance le 9 janvier 2020, par laquelle il refuse la demande d’exéquatur au motif
que les requérants avaient pris directement attache avec une famille en Côte d'Ivoire sans passer
par l'intermédiaire d'une structure locale officielle, ce qui heurtait l'ordre public international
français et justifiait le refus d’exequatur. Les époux se pourvoient en cassation en considérant que
l'ordre public international français ne s'oppose pas à l'exequatur d'un jugement étranger d'adoption
résultant de la démarche entreprise individuellement par des adoptants domiciliés en France qui
ont identifié par leurs propres moyens un enfant établi à l'étranger en vue de son adoption, laquelle
a été régulièrement prononcée par la juridiction étrangère.
Problème de droit :
L’ordre public international est-il de nature à sanctionner une démarche individuelle entreprise par
des adoptants sans que le juge ne méconnaisse son office en procédant à un jugement au fond ?
Solution de la Cour :
La première chambre civile a cassé le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Nantes refusant
l’exéquatur de la décision d’adoption ivoirienne au motif qu’une démarche individuelle d’adoptant
de ne pas recourir à un organisme n’est pas une violation à une obligation découlant de la
convention de New York de 1990. Le juge avait méconnu son office en procédant à une évaluation
au fond et avait ainsi violé l'article 36 de l'accord de coopération en matière de justice entre la
République Française et la République de Côte d'Ivoire.
5. Cour de cassation, première chambre civile, 9 juin 2021, n°19-25.950
L’adoption régulièrement prononcée à l’étranger produit en France les effets de l’adoption
plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant.
MF
Faits et procédure :
Des époux ont sollicité du tribunal de grande instance de Nantes qu’il ordonne l’exéquatur du
jugement du tribunal de Tunis qui a prononcé en dernier ressort l’adoption de leur enfant le 24 mai
2012. Dans un arrêt du 23 septembre 2019, la Cour d’appel de Rennes a jugé que l'adoption
tunisienne ne rompt pas de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant. Elle se
fonde sur des jurisprudences tunisiennes ayant interprété la loi comme permettant la révocation de
l'adoption. Les époux se pourvoient en cassation en considérant que
l’adoption de leur enfant est
adoption plénière.
Problème de droit :
Est-ce qu’une adoption régulièrement prononcée à l'étranger produit-elle en France les effets d’une
adoption plénière, si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant ?
Solution de la Cour :
La première chambre civile a rejeté le pourvoi formé par les époux et a retenu que la Cour d'appel
n'était pas saisie d'une demande de conversion de l'adoption simple en adoption plénière, mais
d'une demande d'exequatur. Elle n’avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée.
Partant, elle en a exactement déduit que la décision tunisienne produirait en France les effets d'une
adoption simple parce que l'adoption régulièrement prononcée à l'étranger produit en France les
15












Page 16
effets de l'adoption plénière uniquement si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de
filiation préexistant. A défaut, elle produit les effets d'une adoption simple.
B. LES REGLES DE COMPETENCE EN MATIERE D’AUTORITE
PARENTALE
6. Cour de Justice de l’Union Européenne, 24 mars 2021, C-603/20
A. BOICHE, Les dispositions de l’article 10 du Règlement « Bruxelles II bis » ne s’appliquent
qu’entre Etats membres, AJ Famille p.376

DE
Faits et procédure :
Deux ressortissants indiens, disposant d’une autorisation de séjour, résidaient au Royaume-Uni où
leur fille, ressortissante britannique,
est née en 2017. Selon l’acte de naissance, le père est titulaire
de l’autorité parentale
. L’enfant a été emmené en Inde par sa mère où elle a toujours habité avec sa
grand-mère maternelle, comportement qui pouvait s’apparenter à un déplacement international
d’enfant. Néanmoins, le père souhaitait que sa fille séjourne avec lui au Royaume-Uni, ou, à titre
subsidiaire, souhaitait avoir un droit de visite. Il a en ce sens introduit une demande le 26 aout 2020
devant la Haute Cour de justice division de la famille (Angleterre et pays de Galles), au Royaume-
Uni. Cette juridiction a estimé qu’elle n’était pas compétente car l’enfant résidait en Inde, où elle
est intégrée
dans un environnement social et familial et qu’elle n’avait pour lien avec le Royaume-
Uni que la nationalité.
Problème de droit :
La juridiction de renvoi a formé une question préjudicielle concernant l’article 10 du Règlement
« Bruxelles II bis » afin de savoir si un Etat membre conserve sa compétence sans limite dans le
temps
lorsqu’un enfant, dont la résidence habituelle était établie dans cet Etat membre, est
illicitement déplacé vers un Etat tiers où il réside par la suite habituellement.
Solution de la Cour :
Par un arrêt du 24 mars 2021, la Cour de justice a estimé que le règlement « Bruxelles II bis »
n
’établissait pas la compétence des juridictions d’un Etat membre pour statuer sur un droit de garde
lorsque la
résidence habituelle d’un enfant a été fixée dans un Etat tiers conséquemment à un
déplacement international. La détermination de la compétence internationale d’une juridiction pour
statuer sur la demande de responsabilité parentale dans un tel cas de figure doit être déterminée par
les conventions internationales applicables, en l’occurrence les Conventions de La Haye de 1980 et
1996.
7. Cour de cassation, première chambre civile, 15 septembre 2021, n°19-
24.779
Compétence du juge français en application de l’article 14 du code civil pour les demandes
relatives à l’autorité parentale
dans une affaire de divorce.
DE
Faits et procédure :
16












Page 17
Un franco-libanais et une femme de nationalité française, libanaise et mexicaine se sont mariés en
2012 à C
hypre. De leur union est né un enfant en 2013 au Liban. L’épouse a déposé une requête
en divorce en France en 2017. La Cour d’appel de Paris a
considéré dans un arrêt du 16 mai 2019
que le juge français n’était pas compétent pour statuer sur les demandes relatives à l’autorité
parentale au motif que le règlement « Bruxelles II bis » retient que lorsqu’aucune juridiction d’un
Etat membre n’est compétente au sens de ses articles 8 et 13, la compétence est réglée
conformément à la loi de cet Etat. En revanche, l’arrêt retient que l’article 14 du code civil ne
pouvait être de nature à fonder la compétence du juge français en l’espèce, puisque ce chef de
compétence intervient lorsqu’aucun critère ordinaire de compétence n’est
rempli en France. La
mère se pourvoit en cassation en considérant
que la Cour a violé l’article 1170 du Code de
procédure civile et
l’article 14 du Code civil. En effet, elle a retenu qu’aucune juridiction au sein des
Etats membres était compétente et a considéré que la compétence du juge français ne pouvait être
fondée sur l’article 14 du Code civil. Elle n’aurait donc pas tiré les conséquences légales de ses
propres constatations.
Problème de droit :
La cour de cassation a dû se prononcer sur l’effectivité de la règle prévue par l’article 14 du code
civil lorsqu’aucune juridiction d’un Etat membre de l’Union européenne n’est compétente au sens
du Règlement « Bruxelles II bis ».
Solution de la Cour :
La première chambre civile a par un arrêt de cassation infirmé le raisonnement de la Cour d’appel
de Paris en établissant qu’elle avait violé les articles 1170 du
Code de procédure civile et 14 du Code
civil en ce que la juridiction française était valablement saisie en application du privilège de
juridiction de l’article 14 du Code civil.
C. LES DEMANDES DE RETOUR SUITE A UN DEPLACEMENT ILLICITE
D’UN ENFANT
8. Cour de cassation, première chambre civile, 28 janvier 2021, n°20-12.213
C. LATIL, Enfant déplacé de manière illicite et risque de privation des droits parentaux, AJ
Famille 2021 p.243
AB
Faits et procédure :
En l’espèce, il s’agissait d’un couple franco-japonais installé au Japon. Une enfant est née de leur
union dans ce pays. En avril 2018, la mère est revenue en France avec sa fille et le père est resté au
Japon. Ce séjour ayant initialement un but précis et une durée limitée, la mère a, cependant, par la
suite refusé de rentrer au Japon avec sa fille
. Près d’un an après leur départ, le père, qui considère
que sa fille lui a été enlevée, exige le retour
de l’enfant au Japon.
A cette fin, il assigne Madame G. devant le Juge aux affaires familiales le 27 mars 2019 pour voir
ordonner le retour de sa fille au Japon en application de la Convention de La Haye du 25 octobre
1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.
La Cour d’appel de Versailles
énonce, dans un arrêt du 28 mars 2019, que le non-retour de l’enfant est illicite, qu’il n’existe pas
en l’occurrence d’exception au non-retour de l’enfant, puis, ordonne son retour immédiat. En effet,
la Cour considère qu’elle ne peut préjuger ni des difficultés administratives ni des pratiques
judiciaires japonaises alléguées par la mère pour justifier le
fait qu’elle ne rentre pas avec sa fille au
17









Page 18
Japon. Madame G. se pourvoit en cassation en considérant que, au titre de l’article 13b de la
Convention de La Haye de 1980, il peut être fait exception au retour immédiat si celui-ci fait courir
un risque de grave danger physique ou psychologique
à l’enfant ou qu’il crée une situation
intolérable. En effet, elle rapporte que puisqu’elle est divorcée du père de sa fille, elle perdra au
Japon la garde de sa fille ce qui exposerait cette dernière à un grave danger psychologique du fait
de la perte de contact avec sa mère alors qu’elle est âgée de 7 ans.
Problème de droit :
La mise en œuvre de la clause d’exception au retour immédiat d’un enfant après un déplacement
était-elle justifiée par un risque de danger psychologique pour l’enfant ?
Solution de la Cour :
Dans son arrêt du 28 janvier 2021, la Cour de cassation a affirmé la décision de la Cour d’appel de
Versailles en considérant que la mère ne démontrait pas l’existence du risque grave psychologique
qu’encourait l’enfant parce qu’il n’était pas certain, après examen du droit étranger, que la garde lui
serait retirée. De plus, il ne ressortait pas des pièces du dossier que l’intention du père était de
rompre le lien entre la mère et leur fille. Elle considère que la Cour a tranché en considération de
l’intérêt supérieur de l’enfant et que, ce faisant, elle avait légalement justifié sa décision.
9. Cour de cassation, première chambre civile, 8 juillet 2021, n°21-13.556
Décision de retour en dépit d’une décision de l’Etat d’origine validant la situation créée par la
voir de fait
Cour de cassation, 1ère civ. 8 juillet 2021 AJ Famille 2021 p.498
AB
Faits et procédure :
Une enfant est née en Allemagne en août 2018 où elle a vécu avec ses parents avant que la mère ne
parte s’installer en France avec elle le 8 août 2019. Le 2 septembre 2019, le père a présenté une
demande de retour auprès de l’autorité centrale allemande. L
e Procureur de la République a assigné
la mère devant le Juge aux affaires familiales le 27 février 2020. Le tribunal de Königstein-am-
Taunus qui a été saisi en parallèle, a transféré provisoirement, par une décision du 6 mars 2020, la
résidence de l’enfant à la mère en France.
Le père a fait appel de cette décision. Dans un arrêt du 17 novembre 2020, la Cour d’appel de
Toulouse a ordonné le retour de l’enfant en Allemagne. La mère se pourvoit en cassation au moyen
que la décision de non-retour de l'enfant rendue dans l'État membre de sa résidence habituelle est
reconnue de plein droit et a force exécutoire dans l'État membre saisi. Elle avance également que
la décision allemande du 6 mars 2020 autorisait provisoirement l’enfant à rester avec elle en France,
et que, de ce fait,
la Cour d’appel de Toulouse en ordonnant le retour de l’enfant en Allemagne
avait violé les articles 21, 41 et 42 du Règlement « Bruxelles II bis ».
D’autre part, la mère considère que le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré
comme illicite lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde attribué par le droit de l'Etat dans
lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-
retour. Ce
faisant, la Cour d’appel de Toulouse, en ordonnant le retour immédiat de l’enfant et en
ne vérifiant pas si l’ordonnance rendue par la juridiction allemande avait transféré provisoirement
le droit de la résidence de l’enfant à la mère de sorte que le père avait perdu sa qualité de gardien et
ne pouvait en conséquence plus réclamer le retour immédiat de l’enf
ant, aurait privé sa décision de
18










Page 19
base légale au regard des articles 3 et 5 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les
aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.
Problème de droit :
La Cour d’appel pouvait-elle ordonner le retour d’un enfant déplacé dans un autre Etat et le père
était-
il fondé à solliciter le retour de l’enfant ?
Solution de la Cour :
Par un arrêt de rejet, la Cour de cassation affirme la solution apportée par la Cour d’appel de
Toulouse en ce que, premièrement, la décision allemande se prononce sur une demande du père
en attribution d'une autorisation de séjour pour l'enfant et non pas sur une demande de retour, et
que d’autre part, la Cour d’appel avait exactement déduit que le non-retour était illicite puisque elle
a déterminé que la résidence habituelle de l’enfant était située en Allemagne et que l’exercice de
l’autorité parentale était conjoint
. Elle n’était donc pas tenue de procéder à une recherche
inopérante concernant une décision relative aux modalités de la garde rendue ultérieurement.
10. Cour de cassation, Première chambre civile, 30 septembre 2021, n°21-
16.050
L’intérêt supérieur de l’enfant est apprécié lorsqu’une demande de retour d’enfants est formulée
en application de la Convention de la Haye du 25 octobre 1985 sur les aspects civils de
l’enlèvement international d’enfants et c’est uniquement en cas d’existence d’un danger grave ou
d’une situ
ation intolérable que celle-ci pourra être refusée.
DE
Rappels des faits et de la procédure :
A la suite du mariage célébré entre un époux argentin et une épouse française, deux enfants sont
nés. Le couple résidait en Argentine. Le 7 février 2020, la mère des enfants a quitté le domicile
familial situé en Argentine et s’est rendue en France, accompagnée des deux enfants. Le 12 août
2020, le Procureur de la République l’a assigné devant le Juge aux affaires familiales afin de voir
ordonner le retour des enfants en Argentine et cela en application de la Convention de la Haye du
25 octobre 1980 sur les
aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.
La Cour d’appel a ordonné le retour des enfants en Argentine, au motif que la mère de ces derniers
ne démontraient pas l’existence d’un danger grave ou l’existence d’une situation intolérable au se
ns
de la Convention, de telle sorte qu’en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant, leur retour en
Argentine devait être ordonné. La mère invoquait, pour justifier son départ avec ses deux enfants
d’Argentine, que le père des enfants commettait des abus sexuels sur ces derniers en produisant
notamment le témoignage de la maîtresse d’école française des enfants, l’attestation d’un docteur
qui a émis un diagnostic à partir de vidéos et l’attestation d’une psychologue ayant rencontré une
fois les enfants.
Question de droit :
Ainsi, existait-il un danger ou une situation intolérable de nature pour la Cour d’Appel à refuser le
prononcé du retour des enfants en Argentine et cela au regard de l’intérêt supérieur des enfants ?
Réponse de la Cour :
19












Page 20
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel. En effet, c’est uniquement en présence
de la preuve de l’existence d’un danger grave ou de la création d’une situation intolérable pour les
enfants, que le retour des enfants devra être refusé. C’est à
bon droit que la Cour d’appel a rejeté
la demande de la mère des enfants, en prenant en considération l’intérêt supérieur des enfants et
en considérant que la mère ne rapportait pas la preuve de l’existence d’un danger ou d’une situation
intolérable.
11. Cour de cassation, première chambre civile, 14 octobre 2021, n°21-15.811
L’autorité judiciaire ou administrative de l’Etat requis n’est pas tenue d’ordonner le retour des
enfants lorsque le père n’a pris aucune disposition adéquate pour assurer leur sécurité en cas de
retour et qu’il existe un risque grave que le retour les expose à un danger physique ou psychique.
MF
Faits et procédure :
Trois enfants sont nés d’une union maritale. En 2019, la famille s’était installé au Portugal. Le 3
janvier 2000, la mère des enfants est venue s’installer en France avec les enfants. Le 9 avril 2020, à
la demande de l’autorité centrale portugaise, le procureur de la République a assigné la mère des
enfants devant le juge aux affaires familiales pour voir ordonner le retour des enfants au Portugal
sur le fondement des dispositions de la Convention de la Haye. Le demande de retour des enfants
au Portugal a été refusée
au père des enfants de telle sorte qu’il forme un pourvoi en cassation en
invoquant qu’il a pris des mesures adéquates pour assurer la protection des enfants à leur retour.
Question de droit :
Le juge aux affaires familiales français devait-il ordonner le retour des trois enfants en France ?
Réponse de la Cour :
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Il est rappelé premièrement que l’autorité judiciaire a qui
est demandé le retour de l’enfant n’est pas tenue de l’ordonner s’il est établi qu’il existe un risque
grave que le retour de l’enfant l’expose à un danger physique ou psychique
ou le place dans une
situation intolérable. Néanmoins, le retour ne peut pas être refusé si des dispositions adéquates ont
été pris
es pour assurer la protection de l’enfant après son retour. Ainsi, en application de ces
principes, le retour des enfants doit être refusé puisqu’il est établi que la mère et les enfants avaient
été victimes de comportements violents de la part du père. De plus, le père vivait en France depuis
mars 2020, ne présentait pas s
es conditions de vie au Portugal s’il y retournait et n’était pas en
contact avec aucun service portugais depuis un an. Ainsi, aucune disposition adéquate n’avait été
prise pour assurer la protection des enfants en cas de retour, de telle sorte que le refus de la Cour
d’appel de prononcer le retour des enfants était justifié par le risque grave auquel les enfants
pouvaient être exposés en cas de retour.
III.
LES SUCCESSIONS
A. LA COMPETENCE DES
JURIDICTIONS CONCERNANT
LES
SUCCESSIONS INTERNATIONALES
12. Cour de cassation, première chambre civile, 17 mars 2021, n°20-14.360
G. KESSLER, Application du principe « compétence-compétence » et arbitrabilité du litige en
matière successorale, AJ Famille 2021 p. 315
20










Page 21
DE
Faits et procédure :
Les projets immobiliers aient été entamés en Israël par les associés d’une société mais l’un d’entre
eux décède, le 1er juillet 2017, et laisse pour lui succéder son épouse et son fils qui résident en
France. Un des associés a assigné son coassocié ainsi que la veuve du
de cujus et leur fils afin de voir
déclarer les juridictions françaises compétentes pour statuer sur la succession qui doit supporter les
déficits de la société existant entre les parties dont le fils du
de cujus est le gérant de fait. L’assignation
avait également pour but de condamner les défendeurs à le payer au titre des actions qu’il détient
dans la société.
Les héritiers ont saisi le juge de la mise en état de leur domicile signalant un incident pour faire dire
que le tribunal arbitral rabbinique et les juridictions israéliennes étaient compétents car saisis en
premier. Cependant, la Cour d’appel de Versailles a rejeté l’exception de litispendance soulevée par
les héritiers par un arrêt du 28 janvier 2020 au motif que l’instance introduite notamment devant le
tribunal arbitral en
Israël et l’instance introduite en France n’étaient identiques ni dans leur objet ni
dans leurs parties.
Problème de droit :
Les juridictions françaises pouvaient être compétentes pour statuer sur la présente succession alors
qu’un tribunal arbitral avait été saisi en premier.
Solution de la Cour :
Le 17 mars 2021 la première chambre civile de la Cour de cassation a établi la compétence du
tribunal arbitral saisi en premier. Il était compétent prioritairement pour apprécier si un litige entrait
dans le champ d’application d’une convention d’arbitrage. La Cour d’appel a ainsi violé l’article
1448 du Code de procédure civile en ne vérifiant pas sa compétence au regard de cet article.
13. Cour de cassation, première chambre civile, 14 avril 2021, n°19-24.773
La détermination de la juridiction compétente en matière de successions internationales ne
dépend pas de la loi applicable au litige mais de la nature de l’action successorale
AB
Faits et procédure :
Madame J. est décédée en 2013 en laissant trois enfants pour héritiers, issus de son union avec
Monsieur V. Elle avait réalisé en 1961 la donation d’un immeuble situé en France à une association
française. Le dernier domicile du de cujus était sis en Suède. Monsieur V. a assigné l’association en
réduction de la libéralité en 2014. Dans un arrêt du 15 octobre 2015, la Cour d’appel de Versailles
a dit la loi française applicable et en a déduit la compétence des juridictions françaises. De plus, elle
a déterminé que l’association avait bénéficié d’une donation entre vifs excédant la quotité
disponible et qu’elle était donc redevable d’une indemnité de réduction. En effet, pour parvenir à
ce résultat, la Cour a estimé que le montant de la réserve héréditaire était déterminé par la loi
successorale, qui en
l’espèce, pour la succession mobilière était la loi suédoise. En revanche, elle a
considéré que la loi applicable à la succession immobilière était la loi de la situation de l’immeuble
au sens du droit français, par une interprétation lege fori. Par application de l’article 922 du code
civil,
elle a déterminé que l’immeuble était fictivement réuni à la masse successorale et que par
conséquent, l’action en réduction était soumise à la loi française ce qui emportait la compétence du
21











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juge français. L’association se pourvoit en cassation au moyen que la détermination de la
compétence juridictionnelle est préalable à la détermination de la loi applicable, que l’action en
réduction est de nature mobilière et qu’elle relève donc de la loi successorale mobilière
. Il s’agissait
en l’occurrence de la loi suédoise
correspondant au dernier domicile du de cujus.
Problème de droit :
Était-il possible de déterminer quelle juridiction est compétente à partir de la loi applicable au
litige ?
Réponse de la Cour :
Dans un arrêt du 14 avril 2021, la première chambre civile répond en disant que « la détermination
de la juridiction compétente ne dépendait pas de la loi applicable au litige mais de la nature de
l’action successorale ». Elle casse donc l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles en se fondant sur les
principes régissant les successions internationales avant 2015. Selon ces principes, les tribunaux
français sont compétents pour une succession mobilière lorsque le défunt avait son dernier
domicile en France, et pour une succession
immobilière, lorsque l’immeuble est situé en France.
De plus, elle précise
que la nature de l’action est déterminée par la loi du for. En l’espèce, le domicile
du défunt était en Suède de telle sorte que la loi suédoise était applicable
en l’espèce. L’action était
donc une action mobilière selon ce droit et la juridiction suédoise était compétente.
14. Cour de cassation, Première chambre civile, 9 juin 2021, n°19-25.534
Un jugement français sur le fond fait obstacle à la reconnaissance et à l’exécution en France
d’une décision étrangère incompatible avec lui.

DE
Rappel des faits et de la procédure :
Une succession est ouverte entre l’épouse du défunt et neuf héritiers. Le 30 janvier 2004, deux
sociétés américaines avaient été cédées par trois vendeurs à trois des héritiers du défunt, vente
moyennant néanmoins le transfert de parts d’une société civile immobilière de droit français,
intervenu le 18 juin 2004. Par un jugement du 5 juin 2009 qui fut rectifié le 9 octobre 2009, le
tribunal de grande instance de Bonneville a rejeté la demande principale des acheteurs en annulation
de l’acte de cession des parts sociales et sursis à statuer sur leur autre demande en résolution du
même contrat, dans l’attente de la décision du juge américain qui était saisi parallèlement. Ainsi, le
Tribunal de Broward (Floride, Etats-Unis) a annulé, par une décision du 12 juillet 2010, les contrats
des 30 et 18 juin 2004. Ce même juge a ensuite, par un décision du 10 novembre 2010, décision qui
fut confirmée en appel, refusé d’annuler sa première décision. En réaction à cela, l’ensemble des
héritiers ont alors sollicité l’exéquatur des décisions américaines. La Cour d’appel a rejeté la
demande de reconnaissance de la décision floridienne.
Question de droit :
Ainsi, un jugement français sur le fond fait-il obstacle à la reconnaissance et à l’exécution en France
d’une décision judiciaire rendue à l’étranger incompatible avec ce dernier
?
Réponse de la Cour :
La Cour de cassation a rappelé qu’en droit commun, un jugement français sur le fond fait obstacle
à la reconnaissance et à l’exécution en France d’une décision judiciaire rendue à l’étranger
22












Page 23
incompatible avec lui, dès lors qu’il est doté de l’autorité de la chose jugée à la date de l’introduction
de l’instance en exéquatur
et peu important qu’il ne soit pas encore passé en force de chose jugée.
Ainsi, la Cour d’Appel avait relevé que les décisions américaines de première instance et d’appel,
postérieures à la décision française rejetant la demande de nullité des cessions de parts de la société
civile immobilière, avaient annulé à la fois l’acquisition des sociétés américaines et des parts sociales.
La décision française et les décisions américaines étaient donc incompatibles. La Cour d’appel a
ainsi pu caractériser la contrariété à l’ordre public international des décisions américaines,
contrariété qui s’opposait à leur exéquatur.

B. LA NOTION DE PACTE SUCCESSORAL
15. Cour de justice de l’Union européenne, 9 septembre 2021, Affaire C-
277/20
La Cour de justice de l’Union européenne affine la notion de pacte successoral et précise l’article
83 paragraphe 2, disposition transitoire.
AB
Rappel des faits et de la procédure :
Le 22 juillet 1975, un contrat rédigé par le père du requérant prévoit le transfert à son décès, à son
fils et à sa belle-
fille de l’époque, pour moitié chacun, de la propriété d’un terrain situé en Autriche,
y compris tout ce qui, au moment de son décès, y aurait été construit, sous certaines conditions.
Ce contrat prévoyait également que la loi autrichienne était applicable. L’ensemble des parties
vivaient à l’époque de la rédaction du contrat, en Allemagne. Le cont
rat prévoyait plusieurs
conditions et notamment, que dans les 10 ans de la conclusion du contrat, le père devait construire
une maison sur le terrain. Également, son fils devait être toujours marié à sa belle-fille et que celle-
ci soit toujours en vie, sinon son fils serait le seul bénéficiaire de ce terrain. Enfin, le père autorisait
par ce contrat, l’inscription du transfert de propriété dans le livre foncier autrichien, sur
présentation d’un acte officiel et de la preuve que les conditions requises du co
ntrat étaient
remplies.
Le décès du père est survenu le 13 mai 2018. A cette date, son fils était divorcé et sa belle-fille est
ensuite décédée. Par la suite, la procédure de succession a été ouverte en Allemagne. Néanmoins,
le fils, en tant qu’unique bénéficiaire du contrat, a demandé l’inscription sur le livre foncier de son
droit de propriété mais l’auxiliaire de justice autrichien lui a refusé au motif que la loi autrichienne
était applicable et qu’il n’établissait pas que les conditions du contrat ét
aient réunies.
Le tribunal allemand a confirmé cette position en considérant que le Règlement succession n’était
pas applicable en présence du choix du droit autrichien et que la remise du bien immobilier sur le
fondement de la donation à cause de mort ne pouvait intervenir sans preuve de la construction de
la maison, telle que prévue dans le contrat. Le fils a ainsi introduit un recours en révision devant la
juridiction autrichienne. Elle considère qu’elle doit répondre préalablement à la question de
compétence de l’auxiliaire de justice autrichien, à la question de la validité du choix du droit
autrichien comme loi applicable dans un contrat translatif à cause de mort et de l’application du
Règlement successions à celui-ci. C’est pour cela que la juridiction autrichienne a sursis à statuer et
a posé
deux questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union européenne.
Questions de droit :
1) L’article 3, paragraphe 1, sous b) du Règlement successions doit-il être interprété en ce sens
que constitue un pacte successoral, au sens de cette disposition, un acte de donation à cause
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de mort portant sur un bien immobilier situé en Autriche, conclu entre deux ressortissants
allemands ayant leur lieu de résidence habituelle en Allemagne et en vertu duquel le
donataire devrait avoir à l’égard de la succession, après le décès du donateur, un droit
personnel à l’inscription de son droit de propriété dans l
e livre foncier sur la base de cet
acte de donation et de l’acte de décès du donateur, et donc sans intervention de
l’administration compétente en matière successorale
?
2) En cas de réponse affirmative à cette première question : l’article 83 paragraphe 2 du
Règlement successions doit-il
être interprété en ce sens qu’il règle également la validité du
choix de la loi applicable, effectué avant le 17 août 2015, pour un acte de donation à cause
de mort à qualifier de « pacte successoral
» au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du
Règlement successions ?
Réponse de la Cour :
L’article 3 paragraphe 1 du Règlement européen relatif aux successions doit être interprété en ce
sens qu’un contrat en vertu duquel une personne prévoit le transfert futur, lors
de son décès, de la
propriété d’un bien immobilier lui appartenant à d’autres parties contractantes constitue un pacte
successoral, au sens de cette disposition. La Cour précise que cette disposition vise de manière
générale, un accord qui notamment confère des droits dans la succession future. De plus, le terme
« successions » de cet article doit être interprété comme
« une succession à cause de mort » et ce terme
recouvre
« toute forme de transfert de biens … qu’il s’agisse d’un acte volontaire de transfert en vertu d’une
disposition à cause de mort ou d’un transfert dans le cadre d’une succession ab intestat
».
Dans un second temps, l’article 83 paragraphe 2 du Règlement successions doit être interprété en
ce sens qu’il n’est pas applicable à l’examen de la validité du choix de la loi applicable, effectué
avant le 17 août 2015, pour régir uniquement un pacte successoral, au sens de l’article 3 paragraphe
1, sous b) de ce règlement, portant sur un bien particulier du de cujus, et non la succession de ce
dernier dans son ensemble. En effet, la Cour considère, qu’il ressort du dossier, que le choix du
droit autrichien n’a concerné que le pacte successoral conclu par le de cujus au principal à l’égard
de l’un de ses biens et non de l’ensemble de sa succession, de sorte que la condition d’application
de l’article 83, paragraphe 2, dudit règlement ne saurait être regardé
e comme étant remplie dans de
telles circonstances.
C. LE DECLINATOIRE DE COMPETENCE OFFERT AUX JURIDICTIONS
DES ETATS PAR LE REGLEMENT SUCCESSIONS
16. Cour de justice de l’Union européenne, 9 septembre 2021, Affaire C-
422/20
La Cour de justice de l’Union européenne apporte plusieurs précisions sur la possibilité offerte
par le Règlement successions pour les juridictions de l’Etat membre de résidence habituelle du
défunt de décliner leur compétence en faveur des juridictions de l’Etat membre de nationalité du
défunt.
AB
Rappel des faits et de la procédure :
En l'espèce, un homme de nationalité allemande est décédé le 9 mars 2017. Il avait, préalablement
le 14 juin 1990, rédigé un testament en langue allemande désignant son épouse comme unique
héritière. L'épouse a alors saisi une juridiction allemande en délivrance d'un certificat d'hérédité
national et d'un certificat successoral européen. Pour la compréhension de la procédure, il faut ici
24








Page 25
rappeler qu'à la différence de la France, ce sont en Allemagne les juridictions qui sont compétentes
pour délivrer un certificat d'hérédité ou un certificat successoral européen.
Le frère du défunt a contesté la compétence des juridictions allemandes pour trancher le litige
successoral au motif que, au moment du décès, le défunt avait sa résidence en Espagne et que le
testament ne contenait pas un choix exprès en faveur de la loi allemande. Parallèlement à la
procédure allemande, le tribunal de première instance espagnol, saisi par l'épouse, a décidé de «
renoncer à rendre une décision » jugeant les juridictions allemandes mieux placées pour statuer sur
la succession au regard de la résidence habituelle de l'épouse et « du lieu de situation de la partie
substantielle de la succession ». L'épouse a alors formé une nouvelle demande de certificat
d'hérédité national et de certificat successoral européen devant les juridictions allemandes en se
prévalant de la décision de la juridiction espagnole. C'est dans ces conditions que la juridiction
allemande saisie a posé trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne.
Questions de droit :
La première question posée à la Cour était de savoir si, pour qu’il y ait un déclinatoire de
compétence de la juridiction préalablement saisie, en vertu de l’article 7, sous a) du Règlement
successions, il est nécessaire que cette juridiction ait expressément décliné sa compétence ou est-
ce qu’une déclaration implicite peut suffire lorsqu’il peut en être déduit en l’interprétant que cette
juridiction a décliné sa compétence ?
La seconde question posée à la Cour était de savoir si la juridiction de l’Etat membre dont la
compétence est censée résulter d’un déclinatoire de compétence de la juridiction préalablement
saisie d’un autre état membre est habilitée à vérifier si les conditions pour que la juridiction
préalablement saisie statue étaient réunies en vertu de l’article 6, sous a) et de l’article 7 sous a), du
Règlement successions ? Dans quelle mesure la décision de la juridiction préalablement saisie est-
elle contraignante ?
Enfin, la troisième question qui était posée à la Cour était de savoir si l’article 6, sous a) et l’article
7, sous a) du règlement Successions, qui présupposeront un choix de la loi applicable « en vertu de
l’article 22 », s’appliquent-ils également lorsque, dans un testament établi avant le 17 août 2015, le
défunt n’a pas explicitement ou tacitement choisi la loi applicable et que la loi applicable à la
succession ne peut résulter que de l’article 83, paragraphe 4, du Règlement successions
?
Réponse de la Cour :
A la première question, la Cour de justice a répondu qu’il n’est pas nécessaire que le déclinatoire
soit exprès. Il suffit que l’intention de décliner la compétence ressorte sans équivoque de la décision
rendue par les juridictions de la résidence habituelle du défunt. Le texte du Règlement n’impose en
effet, aucune forme particulière. La cour de justice en déduit donc naturellement qu’un déclinatoire
exprès n’est pas nécessaire, dès lors qu’il ressort sans équivoque de la décision que la juridiction
saisie entend bien se dessaisir en faveur des juridictions nationales.
A la seconde question, la Cour de justice estime que la juridiction saisie à la suite d’un déclinatoire
de compétence n’est pas habilitée à contrôler si les conditions du déclinatoire sont réunies. Le seul
fait que les juridictions de résidence habituelle déclinent leur compétence suffit à rendre
compétentes les juridictions nationales du défunt. Cette solution permet d’éviter un conflit négatif
de compétence pouvant conduire à un déni de justice. De plus, le principe de reconnaissance de
plein droit des décisions rendues dans un autre Etat membre, posé par le règlement, interdit, en
dehors des motifs limitatifs de non reconnaissance, tout réexamen du bienfondé
d’une décision
25









Page 26
d’un autre Etat membre. Or, c’est bien ce qu’il adviendrait en cas de vérification du bien-fondé du
déclinatoire.
La troisième question était liée au fait que dans les faits aucun choix de loi n’avait été opéré par le
défunt. Le choix de loi était présumé par le jeu d’une disposition transitoire. En effet, selon l'article
83 paragraphe 4, dès lors que le défunt a, avant l'entrée en application du règlement le 17 août 2015,
pris un acte de planification successorale conformément à sa loi nationale, cette loi est réputée avoir
été choisie comme loi applicable à la succession. L'article 83, § 4, pose donc une présomption de
professio juris dès lors que le défunt a pris une « disposition à cause de mort » en contemplation de
sa loi nationale, c'est-à-dire au regard des dispositions substantielles de sa loi nationale. La finalité
de l'article 83, § 4, est de ne pas déjouer les légitimes prévisions, par exemple d'un testateur, en
remettant en cause son testament par l'application d'une autre loi que sa loi nationale, sachant qu'il
ne pouvait pas, avant le règlement successions, savoir qu'il lui était possible de désigner sa loi. La
Cour de Justice
considère ainsi que l'article 6 a) ou 7 a) trouvent à s'appliquer aussi bien en cas de
choix de loi par le défunt qu'en cas de présomption de choix de loi résultant de l'existence d'une
disposition d'anticipation successorale antérieure au 17 août 2015.
26





Page 27
PARTIE 2. PRESENTATION DE L’ARTICLE 913 NOUVEAU DU CODE
CIVIL
La loi 2021-1109 du 24 août 2021 prévoit à son article 24 que :
« Le chapitre III du titre II du livre III du code civil est ainsi modifié :
1° L’article 913 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«
Lorsque le défunt ou au moins l’un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d’un Etat membre de
l’Union européenne ou y réside habituellement et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun
mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un
prélèvement compensatoire sur les biens existants situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les
droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci » ;
2° L’article 921 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«
Lorsque le notaire constaté, lors du règlement de la succession, que les droits réservataires d’un héritier sont
susceptibles d’être atteints par les libéralités effectuées par le défunt, il inf
orme chaque héritier concerné et connu,
individuellement et, le cas échéant, avant tout partage, de son droit de demander la réduction des libéralités qui
excèdent la quotité disponible ».
II. Le présent article entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi et
s’applique aux successions ouvertes à compter de son entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties
par le défunt avant cette entrée en vigueur ».
Cet article rentrera donc en vigueur le 1er novembre 2021.
L’application de l’article 913 est subordonnée à une condition préalable. En effet, il est nécessaire
qu’une succession soit ouverte et elle soit soumise, en application des règles de conflit de lois, à
une loi étrangère qui ignore tout mécanisme réservataire au bénéfice des enfants. Ainsi, afin
d’invoquer son droit à un prélèvement compensatoire, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants-
cause devra se trouver héritier
d’une succession soumise à une loi étrangère.
I. LES CONDITIONS D’APPLICATION
Trois conditions sont présentes pour permettre l’application du droit de prélèvement.
A. Conditions de nationalité ou de résidence
Le défunt ou l’un de ses enfants doit être résident ou ressortissant d’un pays membre de l’Union
européenne au moment du décès.
Ainsi, le prélèvement compensatoire n’est pas ouvert uniquement aux français (l’ancien droit de
prélèvement était inconstitutionnel pour cette raison). Néanmoins, la conformité de cette loi avec
la Constitution ne semble pas établie pour de nombreux auteurs.
B. Exclusion de la réserve par la loi étrangère applicable à la succession
La deuxième condition est que la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun
mécanisme réservataire protecteur des enfants.
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Une critique de la doctrine de cette seconde condition est de connaître cette nouvelle disposition
devait permettre d
e faire échec aux lois du droit musulman parce qu’elles ne permettent pas une
répartition égalitaire entre les filles et les garçons. Néanmoins, le droit musulman connait le principe
de la réserve héréditaire de telle sorte que ces lois seront applicables,
ce qui n’est pas le cas du droit
de common law qui lui ignore le principe de la réserve héréditaire.
Une autre critique de la doctrine sur cette seconde condition est de savoir la nature de ce droit de
prélèvement compensatoire. Certains semblent consid
érer qu’il s’agit d’une exception d’ordre
public qui ferait ainsi échec à la jurisprudence de la Cour de cassation sur cette question tandis que
d’autres considèrent qu’il s’agit d’une règle matérielle de droit international privé voire une clause
spéciale d’ordre public.
Cela soulève également une question sur la Conventionnalité de la loi notamment vis-à-vis de
l’article 35 du Règlement successions puisque celui-ci n’autorise normalement l’éviction partielle de
la loi applicable à la succession que si la loi est contraire à l’ordre public du for.
C. Biens situés en France
L’exercice du droit de prélèvement compensatoire est subordonné à l’existence de biens situés en
France.
Il n’y a aucune précision sur la nature des biens (immeubles ou meuble voire biens immatériels).
II.
LES BENEFICIAIRES DU DROIT DE PRELEVEMENT
D’après la nouvelle disposition, les bénéficiaires sont les enfants du défunt, ou leurs héritiers ou
leurs ayants cause.
Le conjoint survivant ne pourrait se prévaloir de cette disposition.
III. APPLICATION DU DROIT DE PRELEVEMENT
Le prélèvement se fera en application de la loi française. Dès lors, dès que le prélèvement
compensatoire pourra jouer, la loi française s’appliquera aux biens situés en France pour permettre
à l’enfant n’ayant pas
bénéficié d’une part suffisante de la succession de faire jouer son droit au
prélèvement compensatoire.
Cela mènera à un morcellement de la succession puisque plusieurs lois seront donc applicables à
une même succession. D’après plusieurs auteurs, ce serait contraire aux principes de prévisibilité et
de sécurité juridique voulue par le Règlement successions.
PARTIE 3. BRUXELLES II TER
Le Règlement n° 2019/1111 « Bruxelles II ter » remplace le Règlement n° 2201/2003 « Bruxelles
II bis » à compter du 1er août 2022.
Divorce par consentement mutuel. Bruxelles II bis. La difficulté majeure de ce divorce tient
au fait que la convention de divorce n'est ni une décision judiciaire, ni un acte authentique.
28











Page 29
V. la circulaire du 26 janvier 2017 qui indique que : « la convention de divorce par consentement mutuel, bien
que déposée au rang des minutes du notaire, n'acquiert pas pour autant la qualité d'un acte authentique
».
Partant, cette convention hybride n'entre dans aucune des catégories mentionnées dans Bruxelles
II bis, à savoir les décisions de justice et les actes authentiques. La décision
Sahyouni de la CJUE du
20 décembre 2017 confirme que seul un divorce prononcé par une juridiction ou une autorité
publique relève du domaine d'application du règlement Bruxelles II bis et de Rome III, étant précisé
que le notaire n’est pas une autorité publique.
Exclusion du DCM du champ d'application des Règlements Bruxelles II bis et Rome III
Par effet corrélatif, la circulation et la reconnaissance des conséquences du divorce liées aux enfants
formulées dans la convention de DCM posent également difficultés. Quant aux obligations
alimentaires, les difficultés d'exécution proviennent du fait que le règlement n° 4/2009 du 18
décembre 2008 sur les obligations alimentaires exige une décision judiciaire, une transaction
judiciaire ou un acte authentique exécutoire.
Divorce par consentement mutuel. Bruxelles II ter. Face aux difficultés de reconnaissance à
l’étranger de ce type de divorce, Bruxelles II ter a entendu apporter une solution. Le considérant
70 du règlement indique ainsi que « Les actes authentiques et les accords entre parties relatifs
à la séparation de corps et au divorce qui ont un effet juridique contraignant dans un État
membre devraient
être assimilés à des «décisions» aux fins de l’application des règles de
reconnaissance. Les actes authentiques et les accords entre parties en matière de responsabilité parentale qui sont
exécutoires dans un État membre devraient être assimilés à des «dé
cisions» aux fins de l’application des règles de
reconnaissance et d’exécution
. »
L’article 2. 2. 3) du règlement contient ainsi une définition de l'accord en matière de divorce, de
séparation de corps et de responsabilité parentale : il s’agit d’un acte enregistré par une autorité
publique notifiée à cet effet par les États membres à la Commission :
« aux fins du chapitre IV, un acte qui n’est pas un acte authentique, qui a été conclu par les
parties dans les matières relevant du champ d’application du pr
ésent règlement et qui a
été enregistré par une autorité publique
notifiée à cet effet à la Commission par un État membre
conformément à l’article 103; ». (Chapitre IV = RECONNAISSANCE ET EXÉCUTION).
Il semble donc que les notaires puissent être considérés comme des autorités compétentes pour
enregistrer des accords au sens de Bruxelles II ter et que le Règlement Rome III devienne applicable
au DCM.
Bruxelles II ter contient en outre plusieurs dispositions concernant la reconnaissance et l’exécution
des accords et actes authentiques (art. 64 à 68).
Le principe est posé par l’article 65 aux termes duquel « Les actes authentiques et les accords
relatifs à la séparation de corps et au divorce
qui ont un effet juridique contraignant dans l’État membre
d’origine
sont reconnus dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir
à aucune procédure. ».
S’agissant des questions de responsabilité parentale, le point 2 de cet article dispose que : « Les actes
authentiques et les accords en matière de responsabilité parentale qui ont un effet juridique contraignant et qui sont
exécutoires dans l’État membre d’origine sont reconnus et exécutés dans les autres États membres sans qu’une
déclaration constatant leur force exécutoire ne soit nécessaire. ».
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Ce principe de reconnaissance et d’exécution repose sur la production d’un certificat, qui sera
délivré à la demande d’une des parties sous réserve du respect de deux conditions
(art. 66) :
-
-
l’État membre qui a habilité l’autorité publique ou une autre autorité à dresser ou enregistrer
l’acte authentique ou l’accord doit être celui dont les juridictions sont compétentes au titre
du règlement ; et
l’acte authentique ou l’accord doit avoir un effet juridique contraignant dans cet État
membre.
Les motifs de refus de reconnaissance ou d’exécution sont énoncés à l’article 68 du règlement:
S’agissant de la séparation de corps ou du divorce :



la contrariété à l’ordre public de l’État membre requis ;
l’acte authentique ou l’accord est inconciliable avec une décision, un acte authentique
ou un accord concernant les mêmes parties dans l’État membre requis
;
l’acte authentique ou l’accord est inconciliable avec une décision, un acte authentique
ou un accord antérieur établi dans un autre État membre ou dans un État tiers et
concernant les mêmes parties, dès lors que cette première décision, ce premier acte
authentique ou ce premier accord réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance
dans l’État membre requis.
S’agissant de la responsabilité parentale :





la contrariété à l’ordre public de l’État membre requis, eu égard à l’intérêt supérieur de
l’enfant ;

toute personne fait valoir que l’acte authentique ou l’accord fait obstacle à l’exercice de
sa responsabilité parentale, si l’acte authentique a été dressé ou enregistré ou si l’accord
a été conclu et enregistré sans intervention de cette personne ;
l’acte authentique ou l’accord est inconciliable avec une décision, un acte authentique
ou un accord ultérieur en matière de responsabilité parentale établi dans l’État membre
requis ;
l’acte authentique ou l’accord est inconciliable avec une décision, un acte authentique
ou un accord ultérieur en matière de responsabilité parentale établi dans un autre État
membre ou dans l’État tiers où l’enfant réside habituellement, dès lors que la décision,
l’acte authentique ou l’accord ultérieur réunit les conditions nécessaires à sa
reconnaissance dans l’État requis
;
l’acte authentique a été dressé ou enregistré formellement ou l’accord a été enregistré
sans que l’enfant qui est capable de discernement n’ait eu la possibilité d’exprimer son
opinion.
Pour autant, la solution apportée par Bruxelles II ter à la circulation du DCM ne constitue qu’un
remède partiel aux difficultés dans la mesure où la reconnaissance ne concerne pas les conséquences
du divorce. Bruxelles II ter exclue en effet
ratione materia les obligations alimentaire (Art. 1. 4. e)),
de sorte que la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ainsi que la prestation
compensatoire demeurent sous l’empire du Règlement Obligations alimentaires du 18 décembre
2008 (n°4/2009) qui n’admet pas la circulation des accords. Le règlement exige en effet une
décision judiciaire, une transaction judiciaire ou un acte authentique exécutoire.
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Autres modifications apportées par le règlement Bruxelles II ter. Responsabilité
parentale
.
Définition de l'enfant. Ajout d’une définition matérielle qui retient que l'enfant est une personne
âgée de moins de 18 ans (art. 2).
Droit de l'enfant à exprimer son opinion. Obligation de donner à l'enfant doué de discernement
une possibilité réelle et effective d'exprimer son opinion (art. 21).
Questions incidentes. Introduction d'une disposition permettant de proroger la compétence d'un
juge saisi d'une demande dont l'issue dépend de la solution relative à la responsabilité parentale (par
exemple une demande alimentaire qui dépend de la réponse à la question de responsabilité
parentale). Le Règlement autorise ainsi le juge compétent en matière alimentaire à statuer sur la
responsabilité parentale mais uniquement aux fins de la procédure alimentaire. La décision relative
à la responsabilité parentale ne produira par ailleurs d'effets que dans le cadre de la procédure
alimentaire (art. 16).
Généralisation de la possibilité pour les parents de choisir le juge qui sera compétent pour
statuer sur la responsabilité parentale.
Le Règlement leur offre la possibilité de convenir, par
anticipation ou au moment du litige, du juge qui statuera sur la responsabilité parentale. Le choix
est donc amplifié puisqu'il est possible par anticipation, et non plus uniquement au moment du
litige, et il est en outre déconnecté de la compétence du juge du divorce (art. 10).
Suppression de l'exequatur pour l'ensemble des décisions relatives à la responsabilité
parentale
(art. 34. 1). Le Règlement maintient toutefois un régime différencié entre les décisions
ordinaires de responsabilité parentale et les décisions qualifiées de « privilégiées » portant sur le
droit de visite et le retour de l’enfant (art. 42). La différence réside dans le régime de contestation
de la décision dans l'État requis. Le régime applicable aux décisions privilégiées est reconduit
puisque, une fois la décision certifiée, son exécution ne pourra pas être refusée dans l'État requis,
excepté pour des raisons d'inconciliabilité avec une autre décision (art. 43 et 50). En revanche, la
décision ordinaire pourra faire l'objet d'une demande de refus d'exécution sur le fondement des
différents motifs de non-reconnaissance classiquement reconnus (art. 39 et 41).
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