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Santé et assurance maladie en Tunisie : les enjeux de la réforme
de 2004
Safa Ismaïl1 et Nejia Zaouali2
1Département des Méthodes quantitatives, Faculté des Sciences économiques et de gestion, Sousse (Tunisie). 2Faculté des Sciences économiques et de
gestion, Sidi Messaoud, Mahdia (Tunisie) (Correspondance à adresser à : safa_ismail@yahoo.fr).
Résumé
Contexte : En 2004, la Tunisie a instauré une réforme de l'assurance maladie pour remédier à plusieurs problèmes
liés à l'iniquité frappante, à l'insuffisance de la couverture maladie et à la croissance exponentielle des coûts de santé
et des dépenses directes des ménages.
Objectifs : Le présent article visait à fournir une vision critique et une évaluation qualitative de la réforme de
l'assurance maladie mise en œuvre en Tunisie depuis 2004.
Méthodes : À l'aide de plusieurs sources d'information telles que la CNAM et l'INS, nous avons identifié les
problèmes importants du système de l'assurance maladie, les objectifs tracés par la réforme en relation avec ces
problèmes, la concrétisation des mesures prises et le niveau de réalisation desdits objectifs.
Résultats : Dix-sept pour cent (17 %) de la population reste sans couverture sanitaire. En 2015, les dépenses directes
des ménages tunisiens étaient de 39,8 % ce qui ne permettait pas d'éviter les dépenses catastrophiques. Presque toutes
ces dépenses directes (91 %) étaient dédiées aux services de soins de santé au secteur privé. La couverture pour la
lutte contre les maladies chroniques reste insuffisante. La contribution des régimes complémentaires aux dépenses
de santé est estimée à 3,3 %. Les inégalités dans l'accès aux soins persistent en raison de la fragmentation de la
couverture sanitaire.
Conclusion : En général, les mesures prises par la réforme de l'assurance maladie ne semblent pas être efficaces pour
atteindre ses objectifs. Les dépenses directes des ménages restent élevées. Pour une meilleure protection sociale de
santé, les responsables de l'élaboration des politiques devraient reconcevoir la couverture sanitaire, promouvoir le
secteur de santé public et garantir l'accès aux médicaments notamment pour les maladies chroniques.
Mots clés : Tunisie, santé, assurance maladie, réforme, soins.
Citation : Safa Ismaïl ; Nejia Zaouali. Santé et assurance en Tunisie : les enjeux de la réforme de 2004. East Mediterr Health J. 2022;28(6):444–453.
https://doi.org/10.26719/emhj.22.040
Reçu : 18/01/21 ; accepté : 01/03/22
© Organisation mondiale de la Santé (OMS) 2022. Accès libre. Certains droits réservés. Ce document est disponible sous la licence CC BY-NC-SA 3.0
IGO. (https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/igo)
Introduction
La mise en place d'une assurance maladie bien conçue
est fondamentale pour l'accès aux soins et donc pour
le bien-être de la population. Dans la plupart des pays
occidentaux, l'assurance maladie est pour une large
part prise en charge ou organisée par l'État, ce qui
constitue un devoir de ce dernier selon la Déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948.
La Tunisie à cet égard occupe une place avancée
par rapport à ses voisins du Maghreb tels que l'Algérie
et à plusieurs pays de la Région de la Méditerranée
orientale de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS)
tels que l'Égypte, la République islamique d'Iran, la
Jordanie, et le Maroc (
1-5). Depuis 1951, tous les
fonctionnaires du secteur public tunisien sont couverts
par une assurance maladie. Cette avancée est liée
notamment aux différents plans de développement
réalisés par la Tunisie depuis l'indépendance et qui ont
touché l'offre et la couverture de soins. Cette dernière
a connu, grâce au sixième Plan de développement
économique et social 1982-1986, une extension à
d'autres catégories socioprofessionnelles ainsi que
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l'instauration d'un système de sécurité sociale et de
retraite et plusieurs programmes d'aide sanitaire.
Ces programmes ont offert une assistance médicale
gratuite ou partielle pour les plus pauvres et pour
d'autres catégories socio-économiques et ont contribué
ainsi à une meilleure couverture sanitaire qui a atteint
près de 83 % de la population tunisienne en 2015 (6).
et
socio-économiques
Néanmoins, ce système de santé souffre encore
de plusieurs problèmes, notamment une
inégalité
remarquable en matière d'accès aux soins liée à des
disparités
géographiques
croissantes. Ainsi, une réforme du système d'assurance
maladie a été instituée par la loi n° 2004-71 du
2 août 2004, entrée en vigueur en juillet 2007. Même
si d'énormes efforts, financiers et organisationnels,
ont été déployés pour la réalisation de cette réforme
ambitieuse,
jusqu'à présent aucun travail n'a été
effectué pour étudier le niveau de réussite de la
réforme par rapport à la réalisation de l'essentiel de ses
objectifs qui se résument dans la baisse des dépenses
directes,
l'unification des régimes obligatoires et
l'amélioration de la qualité des services publics.
Report EMHJ – Vol. 28 No. 6 – 2022
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Le présent article expose les motivations de la
réforme de 2004 en mettant l'accent sur ses objectifs.
Il essaie dans ce contexte d'évaluer le degré de leur
réalisation à l'aide des mesures mises en œuvre.
Financement de la santé en Tunisie et
motivations de la réforme
La Tunisie a opté depuis son indépendance pour une
politique de santé pour tous. La Constitution de 2014
comporte aussi des engagements en faveur de la santé
et de la couverture sanitaire universelle en tant que
droits des citoyens. Afin d'améliorer la performance
de son système de santé, la Tunisie a réalisé plusieurs
programmes en matière de santé. Elle a occupé en
conséquence la 52e place selon un rapport de l'OMS
publié en 2000.
Au début des années 2000, le système d'assurance
maladie tunisien se caractérisait par une multitude
de programmes de couverture santé qui différaient
selon
la catégorie
socioprofessionnelle de l'affilié. On peut distinguer
principalement trois régimes :
la caisse d'affiliation et selon


les régimes de sécurité sociale : ce sont des régimes
gérés par les deux caisses de sécurité sociale,
la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS)
qui couvre les travailleurs dans le secteur privé,
les travailleurs indépendants, les Tunisiens qui
travaillent à l'étranger, etc., et la
Caisse Nationale
de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS) qui
prend en charge l'ensemble des travailleurs dans le
secteur public ;
l'assistance médicale gratuite (AMG) qui couvre
les groupes pauvres et pro-pauvres et comporte
deux formules : la gratuité des soins destinée aux
ménages les plus pauvres et les tarifs réduits (avec
ticket modérateur) destinés aux familles aux
revenus annuels particulièrement limités sur la
base du taux de salaire minimum ;

infime partie de
l'assurance maladie privée qui offre une couverture
complémentaire à une
la
population.
La multiplicité et l'hétérogénéité des régimes gérés
par des caisses différentes ont créé un accroissement
de l'inégalité au niveau de l'accès aux soins. De plus,
l'absence de coordination et d'harmonisation entre
ces caisses a engendré des coûts excessifs, mettant ce
système dans une impasse financière. Le financement
de la santé basé sur les dépenses directes des ménages
est alarmant (42,9 % en 2005) (
7). Quand elles sont
élevées, ces dépenses directes peuvent constituer
pour certaines catégories socio-économiques une
barrière à l'accès à la consommation de soins ; donc
les dépenses directes élevées viennent accentuer
l'inégalité d'accès (
8). L'une des raisons principales
de ce taux élevé de dépenses directes des ménages
est leur recours au secteur privé de la santé qui est
devenu plus attrayant que le secteur public, bien qu'il
soit plus cher et non couvert, en raison de la meilleure
qualité des services fournis. Cependant, l'efficacité et
la qualité des services publics ont beaucoup baissé à
cause de la congestion et du manque de personnel,
de médicaments et d'équipements. Ce problème a
touché surtout les ménages qui souffrent de maladies
chroniques et qui nécessitent une forte consommation
de soins dont la couverture est partielle. Ces dépenses
directes peuvent faire supporter à tous ces ménages
une charge financière qui peut les conduire au risque
de dépenses catastrophiques, voire d'appauvrissement.
L'amélioration de la couverture assurantielle était
alors l'un des objectifs principaux de la réforme de
2004 qui a souhaité réduire les dépenses directes des
ménages et permettre à ces derniers de recourir aux
soins sans contrainte financière. Cette réforme vise
à faire baisser les dépenses directes des ménages à
travers l'extension de l'assurance aux prestataires de
soins privés d'une part, et à travers l'amélioration de
la couverture pour les maladies chroniques d'autre
part. Elle vise aussi à unifier les régimes obligatoires
et garantir une couverture suffisante dans un but
d'équité ainsi qu'à améliorer la qualité des soins tout
en maîtrisant les dépenses de santé galopantes.
les
les tarifs réduits
Aujourd'hui, il existe deux principaux dispositifs
la caisse nationale d'assurance
:
de mutualisation
les salariés
maladie (CNAM) obligatoire couvrant
régimes d'assistance
du secteur
formel, et
médicale gratuite (AMG) couvrant
les populations
vulnérables (
9). La couverture CNAM a trois options :
la filière publique (54 % des assurés sociaux de la
CNAM en 2015), la filière privée (18,5 % des assurés en
2015) et le système de remboursement de frais (21 %
des assurés en 2015) (
10). L'AMG garde sa même
structure : la gratuité des soins (2,1 % de la population
(
6).
totale en 2015) et
L'assurance maladie privée couvre une faible part de la
population (
8). Environ 17 % des ménages ne sont pas
couverts et sont poussés à des dépenses directes pour
acheter des services de santé auprès de prestataires
publics et privés. Un système de rémunération à
l'acte est appliqué dans les établissements publics
et les paiements dans les établissements privés se
font selon
l'option choisie. La rémunération des
médecins du secteur privé est basée sur un système
de rémunération à l'acte et un paiement forfaitaire
pour 24 maladies chroniques. Afin de simplifier la
présentation du système tunisien d'assurance maladie
récapitulative
post-réforme,
a été conçue. Elle montre
les modes d'accès et
les trois filières du régime
de financement pour
obligatoire (Figure 1).
représentation
(3,6 %)
une
Méthodologie
Au début des années 2000, le système d'assurance
maladie souffrait de plusieurs problèmes. La situation a
nécessité une réforme qui a été instituée en 2004 et qui a
tracé des objectifs bien définis, dont la finalité principale
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Report EMHJ – Vol. 28 No. 6 – 2022
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Figure 1 Structure actuelle du système d'assurance maladie de base
Offre de soins
Maladies ordinaires
Structures publiques
Structures privées
Ticket modérateur
plafonné
Avance de frais
+ plafond
Tiers payant
+ plafond
Filière publique
Système de
remboursement
Filière privée
Filières d'assurance
Maladies chroniques
Prise en charge intégrale (hors plafond)
était de réduire les inégalités socio-économiques et
régionales d'accès aux soins. Pour atteindre ces objectifs,
différentes mesures ont été mises en œuvre.
Le présent article vise à évaluer le niveau de réussite
de la réforme par rapport à la réalisation de ses objectifs
principaux résumés par la baisse des dépenses directes,
l'unification des régimes obligatoires et l'amélioration de
la qualité des services publics.
On a identifié cinq problèmes du système antérieur à
la réforme : la multiplicité et l'hétérogénéité des régimes
d'assurance maladie, et l'iniquité accrue au niveau de
l'accès aux soins ; l'exclusion de l'offre de soins privée du
champ de couverture de l'assurance maladie alors que la
demande pour ce secteur est croissante ; l'insuffisance
au niveau de la prise en charge et de la couverture des
maladies chroniques et/ou graves ; l'évolution rapide
des coûts de santé supportée en grande partie par les
ménages (dépenses directes élevées) et l'engagement
insuffisant des caisses de sécurité sociale et des assurances
privées ; et l'inefficience de l'offre de prestations de soins
de qualité insuffisante. Ensuite, on a présenté et défini
les solutions tracées par la réforme de 2004. Enfin, on
a évalué le niveau de réalisation des objectifs tracés
par cette réforme. Cette évaluation s'est basée sur une
comparaison traçant l'évolution et le changement acquis
chez les ménages et au sein du système de santé lui-
même entre les périodes pré-réforme et post-réforme. Les
résultats atteints après la réforme sont analysés à l'aide
de chiffres clés issus des bases de données et de rapports
officiels, tels que ceux de l'OMS (2019), de la Banque
446
mondiale (2020), de la CNAM (2015), de l'Institut National
de la Statistique (2015), et des comptes nationaux de la
santé (2012-2013). Tout a été récapitulé dans un tableau
structuré afin de faciliter la compréhension et l'analyse
des effets et des limites de chaque mesure prise. Le
jugement sur le niveau d'efficacité de ces mesures dépend
des attentes de la réforme et des indicateurs de référence
internationaux.
Évaluation de l'application concrète de la
réforme de 2004
réforme a essayé de
Cette
résoudre plusieurs
problèmes et insuffisances qu'a connus le système
de santé tunisien, et particulièrement ceux liés à
l'assurance maladie. Dans le tableau 1, on essaie
d'évaluer le niveau de réalisation des objectifs tracés
par la réforme et d'analyser l'efficacité des décisions
prises par rapport à la garantie d'un bon accès aux
soins pour tous.
Discussion
La réforme tunisienne de 2004 a été réalisée pour
réduire les inégalités socio-économiques et régionales
d'accès aux soins. Ces inégalités avaient trois sources
principales : les dépenses directes élevées des ménages,
les régimes d'assurance santé multiples et hétérogènes
et les services publics de santé dégradés.
Afin de
les dépenses directes des
ménages, trois mesures ont été engagées : extension
réduire
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de
l'assurance aux prestataires de soins privés,
les maladies
amélioration de
la couverture pour
chroniques et augmentation de la contribution des
caisses de sécurité sociale et des assurances privées
dans les dépenses de santé. Malgré toutes ces mesures,
les dépenses directes des ménages tunisiens n'ont pas
significativement baissé après une dizaine d'années
de réforme, passant de 42,9 % en 2005 à 39,8 % en
2015 (
7). La Tunisie n'arrive pas à assurer une part
de dépenses directes inférieure à 20 % lui permettant
d'éviter considérablement les dépenses catastrophiques
et de réaliser ainsi la couverture universelle de santé
comme recommandé par l'OMS (
29). C'est aussi le cas
des pays en développement en général. En particulier,
certains pays de la Région de la Méditerranée orientale,
tels que la République islamique d'Iran, la Lybie,
le Liban et le Territoire palestinien occupé, ont des
taux similaires à celui de la Tunisie (respectivement,
36 % en 2012, 34 %, 42 % et 41 % en 2015). D'autres
pays,
syrienne,
la République
l'Égypte, l'Iraq et le Maroc, ont des taux encore plus
élevés (respectivement, 53 % en 2013, 50 %, 62 % et
52 % en 2015) (30). Mais la Tunisie présente un retard
manifeste si on la compare à la France, pays ayant l'un
des meilleurs systèmes de santé dans le monde (6,8 %
de dépenses directes) (
7). La persistance des dépenses
directes élevées est due en partie à une proportion
encore élevée de
la population sans couverture
sanitaire (17 % de la population) (
6). Cette catégorie
est formée de chômeurs (5,6 % de la population),
informel (2,6 %) et
de travailleurs dans
de catégories relevant des familles pauvres qui ne
bénéficient pas de l'assistance médicale.
le secteur
tels que
arabe
Plusieurs études en Chine, en Zambie, en Inde,
en Moldavie et au Brésil (
31-35) ont montré que
les ménages sans couverture sanitaire sont les plus
exposés aux dépenses catastrophiques de santé et
à l'appauvrissement en raison de leurs paiements
tunisien devrait
directs élevés. Le gouvernement
alors renforcer
les mécanismes d'avancement vers
la couverture sociale universelle en intégrant ces
catégories dans l'assurance santé.
L'extension des maladies chroniques et lourdes
représente également l'un des plus gros problèmes liés
aux dépenses directes des ménages. Elle est accentuée
par l'absence de stratégie claire face aux changements
démographiques et épidémiologiques qu'a connus la
Tunisie dans les deux dernières décennies ainsi que
par l'adoption de nouveaux modes de vie malsains :
tabagisme, alcool, drogue, manque d'activité physique,
stress, fast-food, etc. En Tunisie, plus d'un adulte
sur quatre est obèse et six adultes sur dix sont en
(
21). Les maladies chroniques constituent
surpoids
la principale cause de mortalité et de morbidité en
Tunisie (
36). Elles nécessitent une forte consommation
de médicaments et font peser une lourde charge
financière non seulement sur l'État mais aussi sur
les ménages. L'impact de la prise en charge intégrale
des maladies chroniques appliquée après la réforme
450
a été entravé par deux problèmes majeurs
: tout
d'abord, près de la moitié des personnes qui souffrent
de maladies chroniques ne bénéficient pas de
la
prise en charge intégrale (
6) ; puis il y a une pénurie
habituelle de médicaments dans les établissements
publics, poussant les ménages à acheter directement
leurs médicaments dans les officines privées. Ceci
est dû à la mauvaise gestion des stocks et à la faible
part des dépenses de santé consacrée aux maladies
chroniques (2 % en 2013 contre 12 % dans les pays
de l'OCDE) (
22). Les décideurs politiques devraient
reconcevoir la couverture et allouer davantage de fonds
particulièrement aux maladies chroniques. Favoriser
l'agriculture biologique ou encore taxer suffisamment
certains produits nocifs
(tabac, alcool, boissons
sucrées, etc.) sont des moyens qui peuvent entraîner
à la fois une prévention des maladies lourdes et un
accroissement des recettes. Les décideurs politiques
devraient aussi réviser et mettre à jour régulièrement
la liste des médicaments essentiels et les montants de
référence utilisés pour le remboursement des soins
dans le secteur privé. Ils devraient aussi garantir la
disponibilité et
les
structures de santé publiques pour une meilleure
protection sociale de santé.
l'accès aux médicaments dans
l'automédication,
Par ailleurs, l'ouverture de l'assurance maladie au
secteur privé de la santé n'a pas réussi à faire baisser
significativement les dépenses directes des ménages :
91 % de ces dépenses directes se font dans le privé,
dont 56 % sont des produits pharmaceutiques (
22).
Dans ce contexte,
l'insuffisance
de la couverture pour les médicaments fixée entre
40 et 70 % et basée sur le prix du générique le moins
les plafonds de remboursement,
cher ainsi que
la croissance de ces
fixés
trop bas, accentuent
dépenses. Plusieurs études ont
fait valoir aussi
que dans les pays en développement, il existe une
rationalisée des médicaments et
utilisation non
des prescriptions excessives générant des dépenses
directes élevées. Les décideurs politiques devraient
alors surveiller la commercialisation des médicaments
et les prescriptions abusives pour réduire les dépenses
directes de soins. Ils devraient aussi revoir les plafonds
des tickets modérateurs et de remboursement d'une
façon plus efficace et réaliste.
touchent pas uniquement
En Tunisie, les dépenses directes et les dépenses
catastrophiques ne
les
pauvres ; elles affectent également les plus riches (
8).
Dans ce contexte, appuyer
le rôle des régimes
complémentaires est primordial car jusqu'à présent,
leur contribution aux dépenses totales de santé reste
très faible (3,3 % en 2015), comme c'est le cas dans la
majorité des pays comparables tels que l'Égypte (1,1 %)
et le Maroc (1,2 %) alors qu'en France, la contribution
des régimes complémentaires est de 13,6 % (
7). Ces
régimes pourraient constituer une solution pour
répondre aux besoins des classes moyennes et
supérieures qui sont capables d'augmenter légèrement
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cotisations pour garantir de meilleures
leurs
prestations.
différentes
les trois options de
(COVID-19) a dévoilé
L'un des objectifs principaux de
la réforme
de 2004 était d'unifier
les régimes d'assurance
maladie pour réduire les inégalités en santé entre
socio-économiques
catégories
les
des ménages. Néanmoins,
la
couverture obligatoire ont généré une fragmentation
supplémentaire de la couverture sanitaire qui accroît
ces inégalités. Celles-ci sont encore aggravées par
la régression continue des services de soins dans le
secteur public. La pandémie de maladie à coronavirus
2019
les défaillances du
système de santé tunisien et a montré les sacrifices des
ménages. Pour survivre, ces ménages ont été poussés
à acheter des services de santé dans le secteur privé
et à assumer des dépenses très importantes, affectant
leur bien-être économique. Les décideurs politiques
devraient sauver et entretenir en urgence le secteur
public de la santé afin de garantir des services de
qualité à l'ensemble de la population. Le gouvernement
tunisien devrait aussi inciter les prestataires de soins
à travailler dans les zones défavorisées à travers le
développement d'infrastructures convenables et
la
création de conditions de
travail encourageantes.
Cela permettra de créer une vraie concurrence entre
le secteur privé et le secteur public, améliorant ainsi
l'efficacité du système de santé.
Conclusion
La nouvelle
réforme de
l'assurance maladie
représente une initiative ambitieuse pour résoudre
certains problèmes et
insuffisances du système
antérieur à la réforme d'assurance maladie en Tunisie.
De gros efforts ont été fournis afin de réduire les
dépenses directes des ménages et réaliser plus
d'équité au niveau de l'accès aux soins. Néanmoins,
l'évaluation du niveau de réalisation des objectifs de
la réforme de l'assurance maladie tunisienne, traitée
dans cet article, montre que les mesures prises par la
réforme ne semblent pas être efficaces pour alléger le
poids des dépenses directes de santé. Plusieurs autres
mesures doivent être mises en œuvre, notamment le
développement du secteur public de la santé, l'adoption
d'une stratégie de rationalisation de
l'achat des
médicaments, l'actualisation régulière de la liste des
médicaments essentiels et des montants de référence
utilisés pour le remboursement des soins et l'extension
des régimes complémentaires. Dans ce contexte, l'État
ne doit pas se retirer du financement de la santé car,
avec des dépenses de santé très limitées – 6,7 % du PIB
en 2015 (
7) –, il n'arrivera pas à renforcer son système
de santé et améliorer ainsi sa performance sanitaire.
En Tunisie, une vision stratégique est nécessaire
pour
le
la prévention des maladies chroniques,
renforcement des mécanismes de prépaiement et la
rationalisation de la consommation et des dépenses
de médicaments. Cela pourrait contribuer à réduire
le fardeau des dépenses directes et à améliorer la
protection financière de l'ensemble de la population.
C'est un outil d'aide au suivi de la progression vers
la couverture sanitaire universelle. Par conséquent, il
est recommandé de réaliser une évaluation fiable de
la réforme basée sur une étude empirique rigoureuse
qui montre l'impact des mesures prises par la réforme
le
les dépenses directes des ménages et sur
sur
risque d'exposition à des dépenses catastrophiques.
Ces résultats seront importants pour les décideurs
politiques afin de pouvoir combler les lacunes et
renforcer efficacement la règlementation.

Financements : aucun
Conflits d'intérêt : aucun
Health and health insurance in Tunisia: the challenges of the 2004 reform
Abstract
Background: In 2004, Tunisia has implemented health insurance reform in order to remedy several problems related to
alarming inequity, insufficient health coverage, and exponential growth in health costs and out of pocket spending.
Aims: This paper aimed at sharing a critical vision and qualitative assessment of health insurance reform implemented
during 2004 in Tunisia.
Methods: Using several sources of information such as the national health insurance fund and the national institute of
statistics, we identified the major problems of the health insurance system, the objectives outlined by the reform in rela-
tion to these problems, the implementation of measures taken and the level of achievement of these objectives.
Results : 17% of the population remains without health coverage. In 2015, the out-of-pocket health expenditures was 39.8%,
which does not avoid the risk of catastrophic expenditure. Almost all (91%) of out-of-pocket health expenditures are spent
for private sector related healthcare services. Coverage for chronic disease control remains insufficient. The health ex-
penditure contribution of supplementary schemes is estimated at 3.3%. The fragmentation of the health coverage accen-
tuates the inequalities in access to healthcare.
Conclusion : In general, the measures taken by the health insurance reform were not found to be sufficiently efficient to
achieve its objectives. Out-of-pocket health expenditures remain high. For better social health protection, policy makers
have to restructure health coverage, promote the public health sector and guarantee access to medicines, particularly for
chronic diseases.
451
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2004 ماع في حلاصلإا تايدتح :سنوت في يحصلا ينمأتلاو ةحصلا
لياوزلا ةيجان ،ليعماسإ ءافص
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،رطلخاب رذنم فاحجإ دوجوب تطبترا يتلا تلاكشلما نم ديدعلا ةهجاولم يحصلا ينمأتلا لامج في ا ًحلاصإ سنوت تذَّفن ،2004 ماع في :ةيفللخا
.يننطاولما بويج نم شرابلما قافنلإا فيو ةيحصلا فيلاكتلا في درطلما ومنلاو ،ةيحصلا ةيطغتلا ةيافك مدعو
.حلاصلإا اذله اًّيعون ًماييقتو ةيدقن ةيؤر
ميدقت لىا ةساردلا هذه تفده :فادهلأا
ةيسيئرلا تلاكشلما انددح ،تاءاصحلإل ينطولا دهعلماو يحصلا ينمأتلل ينطولا قودنصلا لثم ،تامولعملل رداصم ةدع مادختساب :ثحبلا قرط
،ةددحلما يربادتلا ذيفنتو ،تلاكشلما كلتب قلعتي مايف حلاصلإا اهددح يتلا فادهلأا ينب ةنراقم اندقعو ،يحصلا ينمأتلا ماظن اههجاوي يتلا
.فادهلأا كلت قيقتح ىوتسمو
.هنم ةدوشنلما فادهلأا قيقحتل ةيافكلا هيف ماب ةلاعف تسيل حلاصلإا اهذتخا يتلا يربادتلا نأ
َّينبت ،ماع هجوب :جئاتنلا
.بركأ ةيلاعفب حلاصلإا فادهأ قيقتح لىع دعاست نأ انهأش نم يتلا تايصوتلا ضعب انمدق :تاجاتنتسلاا
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Report EMHJ – Vol. 28 No. 6 – 2022
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