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Partie
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Droit civil
par David Bonnet
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Introduction
Chapitre 1 Le concept de Droit objectif
Section 1. Les sources du Droit
Section 2. Les branches du Droit
Chapitre 2 La preuve des droits subjectifs
Section 1. Qui et quoi ?
Section 2. Comment ?
Leçon 1
Les personnes et leur union
Chapitre 1 L’individualité de la personne physique
Section 1. L’aptitude juridique de la personne physique
Section 2. L’identifi cation de la personne physique
Chapitre 2 L’union des personnes physiques
Section 1. Les formes d’union de personnes physiques
Section 2. Le fruit de l’union des personnes physiques
Leçon 2
Les personnes et leurs obligations
Chapitre 1 L’acte juridique
Section 1. La notion d’acte juridique
Section 2. Le régime du contrat
Sous-section 1. La naissance du contrat
Sous-section 2. La vie du contrat
Sous-section 3. La mort du contrat
Chapitre 2 Le fait juridique
Section 1. Les délits : sources d’obligation
de réparation d’un dommage
Section 2. Les quasi-contrats : sources d’obligation
de compensation d’un profi t illégitime
Leçon 3
Les personnes et leurs biens
Chapitre 1 La notion de bien
Section 1. La défi nition du droit subjectif patrimonial
Section 2. Les classifi cations des droits et des choses
Chapitre 2 Le régime des biens
Section 1. Les biens comme outils : la propriété
Section 2. Les biens comme garantie : les sûretés
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Introduction
« Droit civil »… cela fait penser à « Code civil ».
Un seul mot change et pourtant cela change tout ! Parler de l’un pour expliquer
l’autre ne suffi t pas. En droit, la rigueur exige de défi nir sans délai les termes
de l’étude : « Droit » et « civil
1 ».
Instinctivement, dès qu’on entend « Droit », on entend « juge, avocat,
police »…, bref, on pense à
un ensemble de règles destinées à solutionner les litiges
entre les hommes lorsque tout va mal,
mais on se trompe : le Droit est un ensemble
de règles destinées à régir les relations entre les hommes
pour que tout aille
bien
. Il est bien sûr naturel qu’il prévoie aussi ce qui doit se passer lorsque
cela va mal…
Le terme « Droit » est polysémique. Tantôt il est l’abréviation de « droits
subjectifs », tantôt celle de « Droit objectif ».
D’un côté,
les droits subjectifs constituent les prérogatives (ex. : droit au
nom, droit au respect de la vie privée, droit de créance, droit de propriété,
droit d’option, droit d’auteur…) dont peuvent se prévaloir les sujets de droit
(c’est-à-dire les « personnes »). Ces prérogatives fi gurent un « intérêt légitime
juridiquement protégé » (Ihering ) par le Droit objectif et sont « nécessairement
transmissibles » (Roubier ).
De l’autre côté,
le Droit objectif est l’ensemble des règles juridiques qui ont
vocation à régir les relations entre les sujets de droit. Une règle est un modèle
auquel tous les individus d’un groupe doivent se conformer. Par exemple,
l’article 1382 C. civ. dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui
cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le
réparer ». Dans cet article, deux règles sont présentes. L’une est
une obligation
explicite
: vous devrez réparer le préjudice que vous causez. L’autre est une interdiction
implicite
: vous ne devez pas causer de préjudice à autrui.
Le Droit objectif entretient donc un lien étroit avec les droits subjectifs. Tantôt
en effet le Droit objectif
- Plus de références et documents sur Legaly Docsprévoit l’existence de droits subjectifs au profi t de personnes
placées dans une situation de fait, tantôt le Droit objectif se borne à protéger
les droits subjectifs dont une personne est déjà titulaire.
1. Ce terme sera défini plus loin (infra, p. 19).
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Ce qui importe ici est que, dans l’expression « droit civil », ce ne sont pas les droits
subjectifs qui sont visés mais le Droit objectif, c’est-à-dire un ensemble de règles (en
l’occurrence consacrées aux relations de nature civile
1).
L’étude du concept de Droit objectif révèlera la nécessité de la preuve (de l’exis-
tence) des droits subjectifs.
CHAPITRE 1
Le concept de Droit objectif
Comprendre le concept de « Droit objectif » suppose d’examiner succes-
sivement ses sources (d’où il vient) puis ses branches (jusqu’où il s’étend).
Section .
Les sources du Droit
Au-delà des sources trompeuses, les sources véritables se dévoilent.
§1 Les sources trompeuses
Le Droit ne trouve sa source ni exclusivement dans la Loi , ni automatiquement
dans la morale .
Le Droit n’est pas la Loi . Si la Loi crée effectivement des règles, elle n’est
pas la seule… Ainsi, par exemple, lorsqu’il doit trancher un litige et que le
Code civil ne donne pas de réponse, le juge est pourtant contraint de rendre
une décision
2… Ce faisant, il crée du Droit (la jurisprudence ). Retenez donc
bien ceci :
le Droit est plus grand que la Loi.
Le Droit n’est pas la morale. La morale est une dimension étrangère au
Droit, à la fois plus grande et plus petite que lui. Pour le comprendre, il faut
ici utiliser les enseignements de la philosophie du Droit…
deux courants de
pensée s’affrontent
: la doctrine du droit naturel (Grotius , Aristote et saint Thomas
d’Aquin) , selon laquelle il existe un droit universel et immuable fondé sur
des valeurs supérieures : équité, justice, liberté…) et la
doctrine du positivisme
(Comte , Kelsen ou Ihering) , selon laquelle le droit est un ensemble de règles
obligatoires dès lors qu’elles sont — arbitrairement — créées et sanctionnées
par l’État.
1. Sur cette notion, V. infra, p. 19.
2. Sous peine de se rendre coupable de déni de justice (art. 4 C. civ.).
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Aucune de ces deux doctrines n’est meilleure que l’autre.
D’une part,
le juge est en même temps positiviste (puisqu’il ne peut écarter la règle qu’il
doit appliquer) et
jus naturaliste (car il juge en équité lorsque le texte qu’il doit appliquer
est obscur ou incomplet).
D’autre part,
le législateur (c’est-à-dire celui qui produit la Loi) est à la fois positiviste
lorsqu’il enjoint de « faire ce qu’il dit », sans se préoccuper de savoir si c’est juste ou
pas, et
jus naturaliste puisque nombre des règles qu’il édicte sont justes (ex. : 1382
C. civ., prohibition du meurtre…).
Souvenez-vous donc que morale et droit ne peuvent être confondus : certaines règles
sont purement morales (ex. : s’abstenir d’une pensée), et d’autres purement
juridiques (ex. : rouler à droite).
Peut-être commencez-vous de discerner que le Droit constitue une grille de
lecture de la réalité…
, un fi ltre par lequel le juriste observe la même réalité que
l’homme de la rue, mais en y voyant les choses et les êtres de façon toute
différente. Quand un chien court sur le bord de la route, le
quidam se dit :
« Oh… le pauvre chien abandonné ! » tandis que le juriste se demande si ce
n’est pas là une
res derelictae , c’est-à-dire une « chose abandonnée susceptible
d’appropriation par simple occupation
1 ».
§2 Les sources véritables
L’étude des sources du Droit — fût-il civil — constitue plutôt un terri-
toire réservé au Droit public
2, car elle concerne l’ordonnancement des règles
édictées par les autorités détentrices de la puissance publique. Il reste qu’une
introduction au Droit civil ne peut en faire l’économie.
D’où provient le Droit civil… Où le trouve-t-on ?
La première réponse qui vient à l’esprit est : dans le Code civil … c’est exact mais
insuffi sant car
d’autres normes sont porteuses de règles de Droit civil.
En fait, les normes de droit sont hiérarchisées… Elles sont classées par ordre
d’importance afi n qu’on sache, lorsqu’elles se contredisent, laquelle on doit
appliquer. C’est ce que l’on nomme
la hiérarchie des normes .
La plupart des normes sont écrites et incontestées.
Tout en haut de cette hiérarchie est la Constitution du 4 octobre 1958. On lui
assimile notamment
3 la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du
26 août 1789.
1. Sur cette notion V. infra, p. 130.
2. V.
infra, p. 225 et s.
3. V.
infra, p. 275.
Partie 1. Droit civil Introduction
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En dessous de la Constitution, l’article 55 C° prévoit que viennent immédia-
tement
les normes internationales1 ou communautaires (traités , règlements
communautaires et directives communautaires )… Celles-ci traitent parfois
de questions civiles (ex. : la directive communautaire de 1985 sur les produits
défectueux ).
Sous les normes communautaires viennent
les Lois. C’est l’article 34 C° qui
énumère toutes les questions qui ne peuvent être régies que par une loi (un
« règlement » ne suffi rait donc pas). Ressortissent au domaine législatif, non
seulement les lois qui sont votées tous les jours par le Parlement , mais aussi
tous les Codes dans lesquels elles viennent s’insérer (ex. : le Code civil ).
Le Code civil, successivement appelé Code des Français puis Code Napoléon , date du
21 mars 1804. Il résulte de l’initiative de Napoléon Bonaparte et du travail de rédaction de
quatre éminents jurisconsultes : Bigot de Préameneu , Portalis , Tronchet et Maleville .
Dans la forme, le Code civil prétend abroger toutes les normes antérieures. Sur le fond, il
reprend pourtant substantiellement certaines solutions du droit romain, des anciennes
coutumes de France , des ordonnances des rois et des lois formulées par les grandes
assemblées de la Révolution . Depuis sa rédaction initiale, beaucoup de lois sont
venues soit modifi er la formulation de certains de ses articles, soit ajouter certains
articles (ex. : l’art. 1386-1 C. civ. sur la responsabilité du fait des produits défectueux
résulte d’une loi du 19 mai 1998, dont le but était de transposer en droit interne la
directive communautaire de 1985 ), soit — ce qui est assez maladroit — les déplacer
(ex. : la règle « en fait de meuble la possession vaut titre », que chacun s’était habitué
à trouver à l’art. 2279 C. civ. depuis 204 ans, a été déportée à l’art. 2276 C. civ. à la
faveur de la réforme de la prescription intervenue en 2008…).
Sous la Loi se trouve le règlement dont le domaine de compétence est prévu
(par défaut) à l’article 37 C°, et émane du pouvoir exécutif. Il en existe deux
sortes : le
décret (décret en Conseil d’État , décret simple) et l’arrêté (arrêté
ministériel, arrêté préfectoral).
Certaines normes sont non-écrites et leur valeur variable (ex. : coutume ),
ou bien écrites et leur valeur contestée (ex. : la jurisprudence , la doctrine ).
La coutume est une règle constituée par les habitudes prises par les collec-
tivités des sujets de droits avec la convistion qu’elles sont juridiquement
obligatoires.
La jurisprudence désigne l’ensemble des décisions rendues par les juridictions
à propos d’une question de droit. Elle est donc l’application du Droit par les
juges , notamment la Cour de cassation
2. Par conséquent, la jurisprudence
fait partie intégrante du Droit… d’autant qu’on y trouve parfois des solutions
à des questions à propos desquelles la Loi reste muette.
1. Pourvu que la France y soit partie, c’est-à-dire les ait ratifiées…
2. V. T2, « Procédure civile et procédures civiles d’exécution », p. 298 et s.
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La doctrine est le nom donné à l’ensemble des écrits publiés et des ensei-
gnements professés à propos des lois, de la jurisprudence ou des concepts
juridiques. L’ignorer serait regrettable car, d’une part, elle est bien souvent
à l’initiative de réformes et, d’autre part,
le Droit n’est pas le Droit mais ce qu’on
enseigne qu’il est
.
On l’aura compris : connaître le Droit, ce n’est pas seulement connaître la Loi.
Comme autant de racines, les sources que nous venons de recenser
s’avèrent extrêmement fertiles et nourrissent des branches du Droit qui ne
cessent de s’étendre et se multiplier.
Section .
Les branches du Droit
Par commodité pédagogique1, le Droit objectif est divisé en deux branches.
La première est appelée Droit public 2, la seconde est appelée Droit privé .
Or, les présents développements n’ont pas pour objet l’étude de l’ensemble
du droit
privé mais seulement celle du Droit civil. Qu’est-ce que cela change ?
Le Droit privé régit tous les rapports des particuliers entre eux, qu’ils soient
dans une relation
civile (Droit civil) ou bien spéciale (Droit commercial 3, Droit
du travail
4…).
Le Droit civil — ou « droit commun » — est donc le droit applicable par défaut à
toutes les personnes privées,
à moins qu’un droit « plus spécifi que » (droit spécial
ou «
droit d’exception ») d’une part revendique son application (ex. : parce que
telle partie agissait en sa qualité de commerçant, de salarié,
etc.) et, d’autre
part, ait estimé utile de prévoir une règle dérogatoire
5 au droit commun.
Ainsi, le Droit civil n’est qu’une branche du Droit privé, mais il s’agit de sa branche
fondamentale.
Droit des personnes (personnalité, état civil, nom, domicile ,
Le Droit civil suppose l’étude :
du
incapacités) ;
du
du



Droit de la famille (mariage, divorce, pacs, concubinage, fi liation) ;
Droit des biens (patrimoine en général, propriété et autres droits réels) ;
1. Classer le Droit fiscal ou le Droit pénal en l’une ou l’autre branche reste assez arbitraire en effet…
2. V.
infra, p. 225 et s.
3. V.
infra, p. 137 et s.
4. V. T2, « Droit social », p. 241 et s.
5. C’est-à-dire qui écarte la règle qui aurait été applicable en principe.
Partie 1. Droit civil Introduction
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Droit des obligations (contrats, responsabilité délictuelle et quasi-
Droit patrimonial de la famille1 (régimes matrimoniaux, successions,
du
contrats) ;
du
libéralités).
Le Droit objectif reconnaît des droits subjectifs et les protège
2. Mais ce
n’est pas suffi sant car, en Droit, un droit (subjectif) non prouvé est assimilé
à un droit (subjectif) inexistant (
idem est non esse et non probari). La preuve des
droits subjectifs s’avère donc essentielle.
CHAPITRE 2
La preuve des droits subjectifs
Selon le Dictionnaire Littré, la preuve est « ce qui montre la vérité d’une
proposition, la réalité d’un fait3 ».
La preuve pose trois questions :
qui doit prouver ? que doit-on prouver ? et
comment ?
Section . Qui et quoi ?
La charge de la preuve répond à la question « qui ? ». L’objet de la preuve répond
à la question « quoi ? ».
§1 La charge de la preuve
La charge de la preuve désigne la personne à laquelle incombe l’établissement
de l’existence d’un fait ou d’un acte juridique .
Ces personnes sont les parties (6 CPC) et non le juge (car bien qu’actif il doit
rester neutre).
La charge de la preuve détermine l’ordre de la preuve (qui doit prouver le
premier) et le risque de la preuve (qui est débouté s’il n’arrive pas à prouver).
Quant à l’ordre de la preuve , le « chargé de preuve » est celui qui allègue (9 CPC).
Ainsi, le créancier qui veut être payé doit prouver l’existence de sa créance.
À l’inverse, le débiteur qui ne veut pas payer doit prouver l’extinction de sa
dette (1315 C. civ.).
1. V. T2, « Droit privé notarial », p. 125 et s.
2. V.
supra, p. 15.
3. Littré, V. « preuve », sens 1.
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