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TUNISIE
COMMUNICATION À
L’ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUANTE AU SUJET
DES DISPOSITIONS DE LA
NOUVELLE CONSTITUTION
GARANTISSANT LE RESPECT
DES DROITS CIVILS,
POLITIQUES, ÉCONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS


























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Index : MDE 30/004/2012
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SOMMAIRE
INTRODUCTION ........................................................................................................... 5
TRANSPOSITION EN DROIT INTERNE DES OBLIGATIONS INTERNATIONALES EN
MATIÈRE DE DROITS HUMAINS ................................................................................... 7

LE RESPECT POUR L’ÉTAT DE DROIT ........................................................................... 9
NON-DISCRIMINATION .............................................................................................. 10
LIBERTÉ D’EXPRESSION, DE RÉUNION ET D’ASSOCIATION ........................................ 12
LIBERTÉ DE MOUVEMENT ......................................................................................... 13
INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE ................................................................................ 14
DROIT À LA LIBERTÉ ................................................................................................. 16
DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE ............................................................................... 18
EXIGENCE DE LÉGALITÉ DANS LA DÉFINITION DES INFRACTIONS PÉNALES ............... 20
IMPUNITÉ ................................................................................................................. 21
TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU
DÉGRADANTS ............................................................................................................ 22

ÉTAT D’URGENCE/DROITS AUXQUELS IL NE PEUT ÊTRE DÉROGÉ ............................... 24
LIBERTÉ DE RELIGION .............................................................................................. 26
DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ....................................................................... 27
RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS D’ASILE ........................................................................ 28
PEINE DE MORT ET DROIT À LA VIE ........................................................................... 29
DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ..................................................... 31
INSTITUTIONS NATIONALES DE DÉFENSE DES DROITS HUMAINS .............................. 34
notes de fin ................................................................................................................ 35
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Tunisie. Communication à l’Assemblée nationale constituante au sujet des dispositions de la nouvelle constitution
garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
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INTRODUCTION
Les membres de l’Assemblée nationale constituante récemment élue ont une occasion
historique de rédiger une nouvelle constitution pour leur pays. Afin d’éviter de reproduire
l’oppression du passé, la nouvelle constitution doit énoncer des garanties en matière de
droits humains qui protègent tous les Tunisiens. Ce document guidera toutes les institutions
tunisiennes et, en tant que tel, il doit définir la vision de la nouvelle Tunisie basée sur les
droits humains et l’état de droit ainsi que les aspirations des Tunisiens à la liberté, la dignité,
l’égalité et la justice sociale pour eux-mêmes et pour les générations futures. La constitution
doit garantir les droits de tous les Tunisiens et pas uniquement ceux de la majorité, celle
d’aujourd’hui pouvant d’ailleurs devenir la minorité de demain. Il s’agit d’un document que
tous les Tunisiens peuvent considérer comme le garant ultime au niveau national de leur
protection contre les atteintes aux droits humains.
Amnesty International est parfaitement consciente qu’il faudra plus qu’une nouvelle
constitution pour empêcher les violations des droits fondamentaux. Une constitution qui
énonce les droits humains et les libertés fondamentales est toutefois un outil puissant et un
document de référence pour empêcher les violations de ces droits. La rédaction de la
constitution doit être une première étape en vue de marquer le respect par la Tunisie de
l’état de droit et des droits humains. Elle doit être suivie d’un processus de réforme
législative visant à garantir que toutes les lois sont conformes à la constitution et aux
obligations de la Tunisie au regard du droit international.
La nouvelle constitution doit reposer sur l’universalité, l’indivisibilité, l’interdépendance et
l’imbrication des droits humains.
En particulier, l’Assemblée nationale constituante doit veiller à ce que les lacunes de la
Constitution précédente soient corrigées et que le nouveau texte énonce toute une série de
garanties fondamentales en matière de droits humains, de manière à protéger véritablement
les Tunisiens contre les atteintes à ces droits.
Bien que des dispositions relatives aux droits humains aient figuré dans la Constitution de
1959, elles étaient régulièrement bafouées et se sont donc révélées inefficaces pour
empêcher des décennies de violations des droits fondamentaux. La Constitution a également
été amendée à plusieurs reprises sous le régime de Zine El Abidine Ben Ali en vue d’étendre
le pouvoir du président et de permettre des changements superficiels. Loin d’être des
institutions protégeant les droits des citoyens, les services de sécurité et le système judiciaire
faisaient partie de l’appareil répressif des autorités. Des lois étaient adoptées pour réprimer
les Tunisiens plutôt que pour les protéger. Les défenseurs des droits humains et les
détracteurs du gouvernement étaient constamment harcelés et les voix critiques étaient
passibles de censure et d’emprisonnement. Le recours à la torture, entre autres formes de
mauvais traitements, tout particulièrement contre les prisonniers politiques, était
systématique. Les conditions carcérales étaient éprouvantes et le traitement des prisonniers
était notoirement mauvais. Des auteurs d’atteintes graves aux droits humains bénéficiaient
d’une impunité totale. Le discours sur la sécurité et le contreterrorisme servait à justifier de
tels agissements. Tandis que les autorités annonçaient à grand bruit à la communauté
internationale leur bilan en matière de droits des femmes, en fait la discrimination restait
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bien ancrée dans la loi et dans la pratique. Le « miracle économique » tunisien était célébré
alors que des syndicalistes risquaient l’emprisonnement et que de larges couches de la
population se voyaient refuser l’égalité des droits économiques et sociaux, et notamment
l’accès aux infrastructures de base et à un logement convenable ainsi qu’aux services sociaux
et à l’emploi. Alors que la diversité des Tunisiens était célébrée officiellement, les droits
culturels des minorités, dont les Berbères, n’étaient pas officiellement reconnus.
Pour garantir le non-renouvellement de telles pratiques, assurer une protection efficace et
durable contre les violations des droits humains et faire en sorte que le développement
économique de la Tunisie profite à tous, l’Assemblée nationale constituante doit veiller à ce
que la nouvelle constitution respecte les obligations de la Tunisie découlant du droit
international relatif aux droits humains et englobe des garanties efficaces de protection de
ces droits tant dans la législation que dans la pratique.
La Tunisie doit respecter les obligations qui lui incombent en vertu des traités internationaux
relatifs aux droits humains auxquels elle est partie, à savoir :

le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ;
le Premier protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits

civils et politiques ;

le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) ;
la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou

dégradants ;
le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou

traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les

disparitions forcées ;

le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) ;
la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination

raciale ;
la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des

femmes (CEDAW) ;

la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) ;

la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967 ;

la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ;

la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant ; et
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la Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique.
La Tunisie qui a également signé la version révisée en 2004 de la Charte arabe des droits de
l’homme est tenue, aux termes de l’article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités de « s’abstenir d’actes qui priveraient un traité [la Charte arabe] de son objet et de
son but ». La ratification future de la charte par la Tunisie sera aussi facilitée en veillant à ce
que la constitution respecte intégralement dès maintenant les obligations découlant de cet
instrument.
Outre le respect des obligations au regard du droit international, l’Assemblée nationale
constituante doit également faire en sorte que la nouvelle constitution prévoie des moyens de
faire respecter les droits et de remédier aux violations. Pour maintenir l’état de droit, la
nouvelle constitution doit garantir la séparation des pouvoirs, l’égalité de tous devant la loi et
l’indépendance du pouvoir judiciaire. Les droits garantis par la constitution doivent être
inscrits dans le texte de façon à ce que les pouvoirs législatif ou exécutif ne puissent en
aucune manière leur porter atteinte.
C’est dans cet esprit qu’Amnesty International formule un certain nombre de
recommandations qui devront être examinées par l’Assemblée nationale constituante et qui
sont basées sur les obligations de la Tunisie au regard du droit international et sur le cadre
international des droits humains dans l’espoir qu’elles contribueront aux débats d’une grande
richesse qui ont lieu non seulement au sein de l’assemblée mais aussi dans la société
tunisienne. L’une des premières décisions de la nouvelle Tunisie a été de ratifier un certain
nombre de traités relatifs aux droits humains. L’Assemblée nationale constituante a
maintenant l’occasion de faire en sorte que ces traités soient intégrés dans la constitution.
L’organisation a publié en janvier 2011 un document intitulé Tunisie. Programme pour le
changement en matière de droits humains (index AI : MDE 30/008/2011) dans lequel elle
énumérait les réformes essentielles qui étaient nécessaires pour rompre avec les violations
des droits humains commises par le passé. Les recommandations émises plus bas portent
principalement sur la relation entre le droit interne et international ; le respect de l’état de
droit ; le principe de non-discrimination ; la protection des droits à la liberté d’expression,
d’association, de réunion, de religion et de mouvement ; le droit à la vie privée ; le droit à la
liberté et à un procès équitable ; la protection du droit à la vie et de celui de ne pas être
soumis à la torture, entre autres formes de mauvais traitements ; la fin de l’impunité ; et le
respect ainsi que la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.
TRANSPOSITION EN DROIT INTERNE DES
OBLIGATIONS INTERNATIONALES EN
MATIÈRE DE DROITS HUMAINS
L’article 32 de la Constitution précédente prévoyait une procédure de ratification des traités
et disposait :
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« Les traités ratifiés par le Président de la République et approuvés par la Chambre des
députés ont une autorité supérieure à celle des lois. »

L’introduction dans la nouvelle constitution d’une disposition donnant directement au droit
international relatif aux droits humains, au droit international humanitaire et au droit pénal
international – y compris les traités ratifiés tels ceux cités plus haut – force de loi dans
l’ordre juridique interne de la Tunisie, tout particulièrement si elle prévoit que ces traités ont
une autorité supérieure à celle de toute loi nationale, contribuerait à garantir le respect par la
Tunisie de ses obligations en matière de droits humains. Cette disposition reflèterait aussi la
règle plus générale énoncée à l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités
qui dispose : « Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme
justifiant la non-exécution d’un traité. »
Elle devrait être complétée en veillant aussi à ce que tous les droits énoncés dans les traités
relatifs aux droits humains auxquels la Tunisie est partie soient expressément reconnus par la
constitution et que celle-ci permette à tous les individus de faire valoir chacun de ces droits
directement en droit interne. Par exemple, l’article 2(2) du PIDCP dispose : « Les États
parties au présent Pacte s’engagent à prendre, en accord avec leurs procédures
constitutionnelles et avec les dispositions du présent Pacte, les arrangements devant
permettre l’adoption de telles mesures d’ordre législatif ou autre, propres à donner effet aux
droits reconnus dans le présent Pacte qui ne seraient pas déjà en vigueur ».
Le Comité des droits de l’homme a indiqué qu’il considère que « les droits garantis par le
Pacte sont susceptibles d’être mieux protégés dans les États où le Pacte fait partie de l’ordre
juridique interne automatiquement ou par voie d’incorporation expresse ». Il a invité « les
États parties où le Pacte ne fait pas partie de l’ordre juridique interne à envisager
l’incorporation du Pacte pour en faire une partie intégrante du droit interne de façon à
faciliter la pleine réalisation des droits reconnus dans le Pacte conformément aux
dispositions de l’article 2 ».
1 De même, l’article 2(1) du PIDESC prévoit que « [c]hacun des
États parties au présent Pacte s’engage à agir, […] au maximum de ses ressources
disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le
présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures
législatives ». Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a déclaré que
l’incorporation formelle des dispositions du PIDESC dans la loi interne permet « d’éviter les
problèmes que peut poser la transformation des obligations conventionnelles en dispositions
du droit interne, et donne la possibilité aux personnes d’invoquer directement les droits
reconnus dans le Pacte devant les tribunaux nationaux » et que, pour ces raisons, il
« encourage vivement l’adoption officielle ou l’incorporation du Pacte dans le droit
national ».
2
La constitution doit comporter :
une disposition qui prévoit expressément que le droit international, ou au minimum les

règles du droit international relatives aux droits humains (par exemple le droit international
humanitaire et relatif aux droits humains et le droit pénal international), y compris les traités
ratifiés par la Tunisie ainsi que les règles applicables du droit international coutumier, ont
force de loi dans l’ordre interne tunisien et qu’en cas de contradiction entre une disposition
du droit interne tunisien et les dispositions d’un tel instrument international, les dispositions
du droit international l’emportent ; et
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des dispositions reconnaissant spécifiquement chacun des droits énoncés dans les

traités relatifs aux droits humains auxquels la Tunisie est partie et permettant à tous les
individus de les invoquer directement en droit interne.
LE RESPECT POUR L’ÉTAT DE DROIT
L’article 5 de l’ancienne Constitution disposait :
« La République tunisienne a pour fondement les principes de l’État de droit. »
Pourtant le mépris total du pouvoir exécutif pour l’état de droit a favorisé les violations
généralisées des droits humains commises par le passé. Le Parlement a été forcé d’adopter
des lois contraires aux normes relatives à ces droits qui ont imposé des restrictions arbitraires
à l’exercice de la liberté d’expression, d’association et de réunion, entre autres droits
fondamentaux. L’ingérence indue du pouvoir exécutif dans toutes les institutions étatiques
bafouait les principes de séparation des pouvoirs, de suprématie de la loi, d’égalité devant la
loi, de sécurité juridique et de transparence ainsi que d’équité dans leur application. Les
forces de sécurité agissaient en dehors de tout véritable contrôle ou supervision du pouvoir
judiciaire. Ce dernier largement mis à mal par l’ingérence du pouvoir exécutif était devenu un
instrument de répression de la dissidence tout en contribuant à garantir l’impunité totale
pour les violations graves des droits humains perpétrées par les forces de sécurité.
Le respect de l’état de droit est essentiel pour que tous puissent jouir des droits
fondamentaux. Ceci suppose un système dans lequel toutes les institutions et les personnes
ont à répondre de l’observation de lois conformes aux règles et normes internationales qui
sont promulguées publiquement, appliquées à tous de manière égale et dont la transgression
est jugée par un appareil judiciaire indépendant.
Il est donc primordial en vue d’empêcher le renouvellement des violations des droits humains
de garantir dans la constitution tunisienne le respect de l’état de droit comme principe
fondamental et central des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Les actions de l’État qui
ont une incidence sur les droits humains doivent être susceptibles de recours juridictionnel.
Tous les services de police et de sécurité doivent faire l’objet d’un contrôle et d’un suivi
indépendants.
Il est essentiel pour garantir le respect des droits humains que ceux-ci aient force de loi et
que les individus aient un accès effectif à des voies de recours légales pour obtenir une
véritable réparation dans le cas où leurs droits ont été violés. C’est ainsi que le Comité des
droits de l’homme a fait observer que l’article 2(3) du PIDCP prévoit que les États parties
« doivent veiller à ce que toute personne dispose de recours accessibles et utiles pour faire
valoir ces droits » et il a ajouté qu’il attachait une importance particulière « à la mise en
place, par les États parties, de mécanismes juridictionnels et administratifs appropriés pour
examiner les plaintes faisant état de violations des droits en droit interne ».
3 Outre le fait
qu’elles doivent garantir des enquêtes sérieuses sur toutes ces plaintes, de telles procédures
doivent, pour être utiles, pouvoir garantir que les victimes reçoivent une réparation complète
pour toute violation qu’elles ont subie. La réparation peut, selon le cas, prendre la forme de
compensation, restitution, réhabilitation, et mesures pouvant donner satisfaction (excuses
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publiques, témoignages officiels), garanties de non-répétition et modification des lois et
pratiques en cause aussi bien que la traduction en justice des responsables de violations.
4
La constitution doit comporter au minimum les garanties suivantes :
le pouvoir législatif doit respecter la constitution en tant que loi fondamentale de la

Tunisie et être lié par ses dispositions dans la mesure où ce texte est conforme au droit
international coutumier et conventionnel relatif aux droits humains et au droit pénal
international ;
les pouvoirs législatif et exécutif, ainsi que judiciaire, doivent être liés par les obligations

de la Tunisie découlant du droit international relatif aux droits humains ainsi que par les
droits fondamentaux qui doivent être garantis dans des dispositions de la constitution
exécutoires par voie judiciaire ;
nul ne doit être au-dessus des lois. Les pouvoirs exécutif et judiciaire sont tout

particulièrement tenus de respecter la loi ;
la constitution doit prévoir que toute autre loi nationale ou toute autre source du droit

interne qui n’est pas conforme à l’un quelconque des droits énoncés dans la constitution est
frappée de nullité à l’égard de cette incompatibilité ;
quiconque affirme que ses droits fondamentaux ont été violés aura accès à une voie de

recours utile, c’est-à-dire la possibilité de solliciter une enquête indépendante et impartiale
ainsi que les cinq formes de réparation : la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la
satisfaction et les garanties de non-répétition. Dans le cas où de telles allégations sont
établies, la constitution doit prévoir que la personne a un droit juridiquement exécutoire de
recevoir une réparation complète selon une proportion appropriée de ces différentes formes.
NON-DISCRIMINATION
L’article 6 de la Constitution précédente disposait :
« Tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi. »
Bien que cet article ait prévu l’égalité pour tous, il ne mentionnait pas les motifs de
discrimination prohibés. Cette disposition constitutionnelle n’a pas empêché la promulgation
de lois contraires au principe de non-discrimination. Les dispositions discriminatoires
existant dans la législation nationale ont continué d’être appliquées malgré cette disposition
constitutionnelle.
Le principe général de non-discrimination est l’un des fondements du droit international
relatif aux droits humains. Il est énoncé dans les principaux traités relatifs aux droits
humains auxquels la Tunisie est partie, à savoir le PIDCP et le PIDESC, le Statut de Rome de
la CPI, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Convention sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Ce principe est
également abordé plus en détail dans des dispositions spécifiques de ces traités, par
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exemple celle garantissant l’égalité devant les tribunaux et l’égalité des époux au regard du
mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution ainsi que l’égalité devant la loi.
Plusieurs organes de suivi des traités relatifs aux droits humains [ONU] ont expliqué la
relation entre les droits à l’égalité et la non-discrimination ainsi que le besoin essentiel d’être
explicite à propos des deux. C’est ainsi que le Comité des droits économiques, sociaux et
culturels indique dans son Observation générale n° 16 sur le droit égal de l’homme et de la
femme au bénéfice de tous les droits humains que le droit à l’égalité et le principe de non-
discrimination sont « intimement liés et se renforcent mutuellement ». Le comité ajoute que
« la jouissance, dans des conditions d’égalité, des droits [humains] exige l’élimination de la
discrimination ».
5
Le PIDCP et le PIDESC contiennent tous deux une clause qui protège le droit égal de
l’homme et de la femme au bénéfice des droits humains ainsi qu’une disposition plus large
qui prohibe la discrimination dans le bénéfice des droits humains reconnus par les traités
pour quelque motif que ce soit, notamment, mais sans limitation, sans distinction « de race,
de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion,
d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
6 Le
PIDCP comporte une disposition encore plus générale selon laquelle : « [t]outes les
personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de
la loi » et « la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une
protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de
sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale
ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
7 Le Comité des droits
humains et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels ont régulièrement affirmé
que ces dispositions prohibaient la discrimination liée à l’orientation sexuelle.
8
La nouvelle constitution tunisienne doit s’appuyer sur la précédente en garantissant que la
prohibition générale de la discrimination est non seulement énoncée mais également
complétée par une liste non exhaustive de raisons spécifiquement prohibées, reflétant la
formulation du PIDCP et du PIDESC tels qu’ils sont interprétés par le Comité des droits de
l’homme et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.
Par ailleurs, il convient de veiller à ce que la constitution garantisse l’égalité complète entre
les hommes et les femmes. Les déclarations d’un certain nombre de responsables
gouvernementaux tunisiens, ainsi que de certaines personnalités, sont source de
préoccupation quant à l’engagement des autorités de garantir l’égalité entre les hommes et
les femmes. Le gouvernement de transition a levé les réserves de la Tunisie à la CEDAW et il
a adopté le principe de la parité entre les hommes et les femmes pour l’élection de
l’Assemblée nationale constituante en octobre 2011. Toutefois, l’intimidation et les menaces
persistantes visant des femmes, et qui seraient dans certains cas imputables à des groupes
salafistes, ont renforcé la crainte d’une détérioration de la situation de leurs droits. Les
autorités ont l’occasion de démontrer leur engagement en faveur de l’égalité entre les
hommes et les femmes et de veiller à ce que ce principe ne soit pas entamé.
La législation tunisienne protège relativement mieux le droit des femmes à la non-
discrimination que celle de certains pays voisins, mais elle contient des dispositions
discriminatoires, tout particulièrement en matière d’héritage et de garde des enfants et dans
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les articles 227 et 239 du Code pénal. Avec la levée des réserves de la Tunisie à la CEDAW,
il incombe aux autorités d’amender en conséquence la législation nationale et d’inscrire dans
la constitution l’égalité entre les hommes et les femmes. En établissant dans la constitution
le principe de non-discrimination et l’égalité, l’Assemblée nationale constituante contribuera
à faire savoir que la Tunisie ne tolèrera aucune régression en matière de droits des femmes.
La constitution doit comporter les dispositions suivantes :
tous les individus sont égaux devant la loi et ils ont droit sans discrimination à la

protection égale de la loi ;
la discrimination pour quelque raison que ce soit, notamment de race, de couleur, de

sexe, de langue, de religion, d’opinions politiques ou autres, d’origine nationale ou sociale,
de fortune, de naissance ou de toute autre situation, est prohibée ;
tous les individus ont droit à une protection égale et effective contre la discrimination, y

compris, mais sans limitation, s’agissant du plein exercice de leurs droits fondamentaux
conformément à la constitution et au droit international ; et
les hommes et les femmes sont égaux et ils ont droit à la pleine égalité dans la

législation et en pratique ainsi qu’à l’égalité des chances dans tous les domaines de la vie, y
compris, sans limitation, dans les domaines civil, culturel, économique, politique et social.
LIBERTÉ D’EXPRESSION, DE RÉUNION
ET D’ASSOCIATION
L’article 8 de la Constitution précédente disposait :
« Les libertés d’opinion, d’expression, de presse, de publication, de réunion et d’association
sont garanties et exercées dans les conditions définies par la loi. Le droit syndical est garanti
[…] ».
La formulation de cet article donnait toutefois pratiquement toute latitude pour limiter ces
libertés « dans les conditions définies par la loi ». Ceci permettait à la législation tunisienne
de contrevenir au droit international en imposant des restrictions sévères et non autorisées à
ces droits dont les autorités se servaient pour tenter de réduire au silence les voix
dissidentes. Les individus, les ONG et les organisations professionnelles qui exprimaient des
opinions critiques étaient étouffés sans pitié. Les associations qui abordaient des sujets de
préoccupation liés aux droits humains ou faisaient preuve d’indépendance se voyaient
souvent refuser leur enregistrement et leurs membres étaient harcelés ; dans certains cas,
ces associations ont été cooptées par des partisans du gouvernement.
Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion sont garantis par l’article 19
du PIDCP qui dispose : « Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend
la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute
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espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou
artistique, ou par tout autre moyen de son choix », par l’article 21 qui reconnaît le droit de
réunion pacifique
9 et par l’article 22 qui dispose : « Toute personne a le droit de s’associer
librement avec d’autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour la
protection de ses intérêts ». Ces droits sont également reconnus par les articles 9, 10 et 11
de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
10
Le PIDCP dispose clairement que les restrictions aux droits ne peuvent être imposées que si
elles sont prévues par la loi et nécessaires (dans une société démocratique) dans l’un ou
l’autre des buts précisés dans chaque article : respect des droits et de la réputation d’autrui,
sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité
publiques, et, pour les articles 21 et 22, sûreté publique. Le Comité des droits de l’homme a
précisé que ceci signifie que, dans une affaire donnée, la restriction spécifique doit être
limitée à ce qui est nécessaire pour atteindre un objectif légitime et que le gouvernement est
tenu d’appliquer la mesure la moins restrictive parmi une série de restrictions possibles et
efficaces. Les restrictions doivent également être proportionnées à l’intérêt à protéger et elles
ne doivent pas avoir une portée trop large au point de porter atteinte au droit lui-même.
11
La nouvelle constitution tunisienne doit reconnaître les droits garantis par les articles 19, 21
et 22 du PIDCP dans des termes entièrement compatibles avec ces articles, y compris en
précisant que les seules restrictions à ces droits autorisées par la constitution sont celles
prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique, appliquées pour un ou
plusieurs des objectifs énoncés à l’article concerné du PIDCP et proportionnées à ces
objectifs.
LIBERTÉ DE MOUVEMENT
L’article 10 de la Constitution précédente disposait :
« Tout citoyen a le droit de circuler librement à l’intérieur du territoire, d’en sortir et de fixer
son domicile dans les limites prévues par la loi. »
L’article 11 disposait en outre :
« Aucun citoyen ne peut être banni du territoire national ni empêché d’y retourner. »
À l’instar d’autres droits, les restrictions à la liberté de mouvement « prévues par la loi » ont
été souvent utilisées de manière abusive pour empêcher des personnes de circuler librement
à l’intérieur du pays ou de le quitter. La loi 75/40 relative aux passeports conférait au
ministère de l’Intérieur le pouvoir de refuser la délivrance d’un passeport. Ce texte a été
amendé en 1998 afin de rendre les juges seuls compétents en matière d’interdiction de
voyager et de délivrance des passeports. L’article 13(d) permettait aux autorités de refuser de
délivrer, ou de renouveler, un passeport pour des raisons « d’ordre public et de sécurité, ou
de nature à nuire à la bonne réputation de la Tunisie ». Les pouvoirs conférés aux autorités
par cette loi étaient souvent utilisés de manière abusive contre des personnalités de
l’opposition et des anciens prisonniers politiques qui étaient empêchés de quitter le pays, le
plus souvent sans justification.
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Tunisie. Communication à l’Assemblée nationale constituante au sujet des dispositions de la nouvelle constitution
garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
L’article 12(1) du PIDCP dispose : « Quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un
État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence ». L’article 12(2)
prévoit : « Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien ».
L’article 12(3) dispose que ces droits « ne peuvent être l’objet de restrictions que si celles-ci
sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé
ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres
droits reconnus par le présent Pacte ». Des dispositions similaires figurent à l’article 12 de la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
12
Le Comité des droits de l’homme a souligné que les restrictions ne sont autorisées que dans
des circonstances exceptionnelles, qu’elles doivent être conformes à l’article 12(3) et ne
doivent pas porter atteinte à l’essence même du droit. Il a ajouté que les restrictions doivent
être conformes aux principes fondamentaux de l’égalité et de la non-discrimination et il a
également affirmé que le droit de quitter un pays doit comporter le droit d’obtenir les
documents de voyage nécessaires, y compris un passeport. À l’instar d’autres restrictions à la
liberté de mouvement, les procédures d’obtention de documents de voyage doivent respecter
le droit international, ce qui signifie qu’elles ne doivent pas être arbitraires, indûment
restrictives, discriminatoires ou disproportionnées par rapport à leur objectif.
13
La nouvelle constitution doit :
reconnaître que toute personne se trouvant légalement en Tunisie a droit à la liberté de

mouvement et est libre de choisir sa résidence et de quitter tout pays, y compris le sien ;
prévoir que ces droits ne peuvent faire l’objet d’aucune restriction hormis celles

autorisées par l’article 12(3) du PIDCP et qui sont compatibles avec d’autres droits
fondamentaux, notamment le droit à l’égalité et à la non-discrimination ;
disposer que toute personne visée par la restriction de ces droits a le droit d’être

informée des motifs de cette mesure et d’exercer une voie de recours ; et

disposer que nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays.
INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE
L’article 65 de la Constitution précédente disposait :
« L’autorité judiciaire est indépendante. Les magistrats ne sont soumis, dans l’exercice de
leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. »
L’article 66 disposait en outre :
« Les magistrats sont nommés par décret du Président de la République […] Les modalités
de leur recrutement sont fixées par la loi. »
L’article 67 prévoyait :
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
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« Le Conseil supérieur de la magistrature, dont la composition et les attributions sont fixées
par la loi, veille au respect des garanties accordées aux magistrats en matière de nomination,
d’avancement, de mutation et de discipline. »
Dans la pratique, sous le régime de Zine el Abidine Ben Ali l’appareil judiciaire était soumis
au pouvoir exécutif et manquait d’indépendance. Le Conseil supérieur de la magistrature,
responsable de la nomination, de l’avancement, de la mutation et de la discipline – y
compris de la révocation – des juges, était dirigé par le président ; la nomination et
l’avancement des juges étaient largement politisés. La garantie fondamentale d’inamovibilité
des magistrats ne figurait pas dans l’ancienne Constitution, ce qui privait les juges de
protection contre l’ingérence du pouvoir exécutif et les rendait vulnérables aux pressions
politiques.
L’indépendance du pouvoir judiciaire est une condition préalable au plein respect des droits
humains, à la fois parce qu’elle est expressément requise comme aspect du droit à un procès
équitable (par exemple à l’article 14 du PIDCP), que le pouvoir judiciaire doit, plus
généralement, jouer un rôle fondamental pour garantir le respect des droits humains et que
son indépendance doit être garantie pour qu’il puisse véritablement jouer ce rôle.
14
L’article 14 du PIDCP dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement et publiquement par un tribunal compétent,
indépendant et impartial, établi
par la loi, qui décidera […] du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée
contre elle » (c’est Amnesty International qui souligne). Le Comité des droits de l’homme a
fait observer :
« La garantie de compétence, d’indépendance et d’impartialité du tribunal au sens du
paragraphe 1 de l’article 14 est un droit absolu qui ne souffre aucune exception. La garantie
d’indépendance porte, en particulier, sur la procédure de nomination des juges, les
qualifications qui leur sont demandées et leur inamovibilité jusqu’à l’âge obligatoire du
départ à la retraite ou l’expiration de leur mandat pour autant que des dispositions existent à
cet égard ; les conditions régissant l’avancement, les mutations, les suspensions et la
cessation de fonctions ; et l’indépendance effective des juridictions de toute intervention
politique de l’exécutif et du législatif. Les États doivent prendre des mesures garantissant
expressément l’indépendance du pouvoir judiciaire et protégeant les juges de toute forme
d’ingérence politique dans leurs décisions par le biais de la Constitution ou par l’adoption de
lois qui fixent des procédures claires et des critères objectifs en ce qui concerne la
nomination, la rémunération, la durée du mandat, l’avancement, la suspension et la
révocation des magistrats, ainsi que les mesures disciplinaires dont ils peuvent faire
l’objet. »
15
Le comité a ajouté :
« Une situation dans laquelle les fonctions et les attributions du pouvoir judiciaire et du
pouvoir exécutif ne peuvent pas être clairement distinguées et dans laquelle le second est en
mesure de contrôler ou de diriger le premier est incompatible avec le principe de tribunal
indépendant. Il est nécessaire de protéger les magistrats contre les conflits d’intérêts et les
actes d’intimidation. Afin de préserver l’indépendance des juges, leur statut, y compris la
durée de leur mandat, leur indépendance, leur sécurité, leur rémunération appropriée, leurs
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conditions de service, leurs pensions et l’âge de leur retraite sont garantis par la loi. […] Les
juges ne peuvent être révoqués que pour des motifs graves, pour faute ou incompétence,
conformément à des procédures équitables assurant l’objectivité et l’impartialité, fixées dans
la Constitution ou par la loi. »
16
Un pouvoir judiciaire indépendant et impartial constitue également une garantie importante
contre la torture et les mauvais traitements infligés aux détenus conformément à la
Convention contre la torture [ONU].
17
L’article 26 de la convention énonce le devoir des États de garantir l’indépendance des
tribunaux et les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance
judiciaire en Afrique précisent les exigences liées au principe d’indépendance du pouvoir
judiciaire et au droit à un procès équitable.
18
La confiance du public dans le pouvoir judiciaire et l’autorité de la loi est essentielle. Elle ne
pourra être établie que lorsque le pouvoir judiciaire tunisien qui a régulièrement fait défaut,
sera en mesure de rendre la justice en tant qu’institution indépendante et impartiale et d’une
manière qui protège véritablement les droits humains.
La constitution doit :

préciser que le pouvoir judiciaire est totalement indépendant du pouvoir exécutif ;
prévoir des procédures claires et équitables et des critères objectifs pour la nomination,

la rémunération, l’inamovibilité, l’avancement, la suspension et la révocation des membres
de l’appareil judiciaire ainsi que les sanctions disciplinaires prises à l’encontre des
magistrats, qui soient conformes aux exigences formulées par le PIDCP telles qu’elles ont été
interprétées par le Comité des droits de l’homme ;


préciser la durée du mandat des juges, leur indépendance et leur inamovibilité ;
prévoir une procédure selon laquelle la rémunération appropriée des magistrats, leurs

conditions d’emploi, leurs pensions et l’âge de la retraite sont déterminés par un organisme
et une procédure indépendants du pouvoir exécutif ;

prévoir des dispositions selon lesquelles les juges sont nommés en fonction de leur

compétence, de leur formation et de leurs qualifications sans aucune discrimination,
notamment pour des raisons de race, de couleur, de sexe, de religion, d’opinions politiques
ou autres, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
DROIT À LA LIBERTÉ
L’article 12 de la Constitution précédente disposait :
« La garde à vue est soumise au contrôle judiciaire, et il ne peut être procédé à la détention
préventive que sur ordre juridictionnel. Il est interdit de soumettre quiconque à une garde à
vue ou à une détention arbitraire. »
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Malgré cette disposition, les autorités tunisiennes ont utilisé des infractions liées à la
sécurité et formulées de manière vague pour réprimer la dissidence. Les personnes arrêtées
étaient souvent maintenues en détention prolongée au secret en violation du Code tunisien
de procédure pénale. Dans d’autres cas, les autorités niaient détenir des personnes ou
falsifiaient la date de leur placement en détention. Les prisonniers étaient privés d’accès à
des voies de recours efficaces pour contester le bien-fondé de leur détention, ce qui
entraînait leur détention arbitraire.
L’article 9(1) du PIDCP garantit le droit à la liberté et à la sécurité de la personne et prévoit
une protection contre l’arrestation et la détention arbitraires, y compris en prohibant toute
privation de liberté si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la
loi. Dans cet article le terme « arbitraire » « n’est pas synonyme de “contraire à la loi” mais
doit être interprété de façon plus large, incorporant le caractère inapproprié, l’injustice,
l’absence de prévisibilité et les garanties judiciaires ».
19L’article 9(2) prévoit que tout
individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation
et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui.
L’article 9(3) dispose que tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera
traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à
exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable, ou libéré. Il
prévoit également que la détention des personnes qui attendent d’être jugées ne doit pas être
de règle.
Une garantie fondamentale contre la détention arbitraire est le droit de toute personne privée
de sa liberté pour quelque raison que ce soit d’avoir accès à une voie de recours utile pour
contester le bien-fondé de sa détention devant un tribunal, lequel doit statuer sans délai et
ordonner la libération de l’intéressé si la détention est illégale. Ce droit expressément
reconnu à l’article 9(4) du PIDCP est considéré comme comprenant, entre autres, le droit de
s’entretenir en privé avec un avocat indépendant immédiatement après l’arrestation ou le
placement en détention afin de préparer la contestation de la légalité de la détention et de
déposer une requête en ce sens.
20 Enfin, comme le prévoit l’article 9(5) du PIDCP, les
victimes d’arrestation ou de détention arbitraires ont également droit à réparation.
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a considéré que des droits
similaires étaient applicables aux termes des articles 6 et 7 de la Charte africaine.
21
Pour garantir que la législation soit conforme aux obligations internationales de la Tunisie en
matière de droit à la liberté, la nouvelle constitution doit :
reconnaître le droit à la liberté et à la sécurité de la personne et inclure la prohibition de

l’arrestation et de la détention arbitraires ;
prohiber toute privation de liberté infondée et non conforme aux procédures prévues par

la loi ;
prévoir le droit de toute personne arrêtée ou détenue car elle est soupçonnée d’avoir

commis une infraction pénale de comparaître sans délai devant un tribunal et d’être jugée
dans un délai raisonnable ou, à défaut, d’être remise en liberté ;
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
prévoir le droit d’accéder à des voies de recours utiles pour contester devant un tribunal

le bien-fondé de la détention et d’être remis en liberté si elle est jugée illégale ;
prévoir le droit de toutes les personnes de s’entretenir en privé avec un avocat

indépendant immédiatement après leur privation de liberté de manière à ce qu’elles puissent
exercer en pratique de manière efficace leur droit de contester le bien-fondé de la détention ;
et

reconnaître expressément le droit de toute personne privée arbitrairement de liberté.
DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE
L’article 12 de la Constitution précédente disposait :
« […] Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité à la suite
d’une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense ».
Une fois de plus, dans la pratique malgré cette disposition les personnes accusées
d’infractions, tout particulièrement dans le cas où des infractions à la formulation vague
étaient utilisées pour réprimer la dissidence, étaient souvent l’objet de violations de leur droit
à un procès équitable. Des détenus étaient souvent empêchés de consulter sans délai un
avocat en privé ; les avocats se voyaient refuser le droit de citer des témoins et/ou de
procéder à un contre-interrogatoire des témoins à charge, ils avaient un accès restreint aux
pièces de la procédure et ne disposaient pas du temps nécessaire à la préparation de la
défense de leurs clients. Les juges s’abstenaient le plus souvent d’ordonner une enquête sur
les allégations de torture formulées par les prévenus ou leurs avocats même dans le cas où
des traces de torture étaient visibles et ils acceptaient à titre de preuve à charge des
« aveux » obtenus sous la torture.
L’article 14 du PIDCP comporte à la fois le droit général à un procès équitable et une liste
non exhaustive d’un certain nombre de droits spécifiques relatifs à l’équité des procès. Le
droit général est celui que « sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un
tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi », la presse et le public ne
pouvant être exclus que dans des circonstances strictement limitées. Toutes les décisions
prononcées en matière pénale ou civile doivent être rendues publiques, hormis le cas où
l’intérêt de mineurs exige qu’il en soit autrement ou lorsque la procédure concerne des
différends matrimoniaux ou la tutelle d’enfants. Un certain nombre de droits concernant la
détermination des infractions pénales et qui doivent être respectés « en pleine égalité » sont
énumérés à l’article 14(2) et (3) ; citons notamment la présomption d’innocence,
l’information dans le plus court délai et de façon détaillée de l’accusation portée contre la
personne, le temps et les facilités nécessaires à la préparation de sa défense, le droit de
s’entretenir et de communiquer en privé
22 avec l’avocat de son choix, le droit d’être jugée
sans retard excessif, le droit d’être présente au procès et pendant toute la durée des débats,
l’assistance d’un défenseur de son choix et le droit de se voir attribuer d’office un défenseur,
sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer, l’égalité des armes, y compris le droit
de citer des témoins à comparaître et de les interroger sous serment, l’assistance gratuite
d’un interprète si elle ne comprend ou ne parle pas la langue employée à l’audience, et le
droit de ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable.
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L’article 14(4) exige une procédure spéciale pour les mineurs qui tienne compte de leur âge
et de l’intérêt que présente leur rééducation. D’autres alinéas de l’article 14 garantissent le
droit d’interjeter appel de la déclaration de culpabilité et de la condamnation, le droit à
indemnisation en cas de déni de justice et le droit de toute personne de ne pas être
poursuivie ou punie en raison d’une infraction pour laquelle elle a déjà été acquittée ou
condamnée par un jugement définitif. Le Comité des droits de l’homme a également souligné
que le jugement de civils par des tribunaux militaires ou d’exception est généralement
prohibé.
24
L’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples a été interprété
comme énonçant des droits identiques, pour l’essentiel, à ceux énumérés à l’article 14 du
PIDCP.
25
Pour garantir la compatibilité de la législation avec les obligations internationales de la
Tunisie en matière de droit à un procès équitable, la nouvelle constitution doit,
conformément au PIDCP et aux autres normes relatives aux droits humains, reconnaître le
droit général à un procès équitable et public en matière pénale et civile et prévoir un certain
nombre de garanties spécifiques en pleine égalité, y compris les droits suivants :
le droit de toute personne d’être présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été

établie, conformément à la loi ;
le droit d’être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend,

des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ;
le droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et

à communiquer en toute confidentialité avec le conseil de son choix ;

le droit d’être jugée sans retard excessif ;
le droit d’être présente à son procès et de se défendre elle-même, d’être assistée par le

défenseur de son choix ou, si elle n’en a pas, d’être informée de son droit d’en avoir un, de
se voir attribuer un défenseur commis d’office chaque fois que les intérêts de la justice
l’exigent, sans avoir dans ce cas à verser de rémunération si elle n’en a pas les moyens ;
l’égalité des armes entre l’accusation et la défense, y compris, entre autres, le droit de

l’accusé d’interroger, ou de faire interroger, les témoins à charge et d’obtenir la comparution
et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à
charge ;
le droit de se faire assister gratuitement d’un interprète si la personne ne comprend ou

ne parle pas la langue employée à l’audience ; et

le droit de ne pas être obligée de témoigner contre elle-même ni de s’avouer coupable.
La constitution doit également prévoir expressément :

le droit de toute personne d’être jugée par un tribunal civil (hormis, tout au plus, les
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
membres de l’armée jugés pour des affaires concernant exclusivement la discipline militaire
interne) ;
le droit des mineurs d’être jugés selon une procédure spéciale tenant compte de leur âge

et de l’intérêt que présente leur rééducation ;
le droit d’interjeter appel de la déclaration de culpabilité et de la condamnation sur la

base d’éléments probants suffisants et de la loi ;26

le droit à indemnisation en cas de déni de justice ; et
le droit de toute personne de ne pas être poursuivie ou punie en raison d’une infraction

pour laquelle elle a déjà été acquittée ou condamnée par un jugement définitif.
EXIGENCE DE LÉGALITÉ DANS LA
DÉFINITION DES INFRACTIONS PÉNALES
L’article 13 de la Constitution précédente disposait :
« La peine est personnelle et ne peut être prononcée qu’en vertu d’une loi antérieure au fait
punissable, sauf en cas de texte plus doux. »
Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’article 12 prohibait la détention arbitraire, toutefois
sans préciser le concept d’arbitraire à cet égard.
L’article 15(1) du PIDCP dispose : « Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions
qui ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international au
moment où elles ont été commises. »
27 L’article 15(2) explique que rien ne s’oppose au
jugement de tout individu pour des crimes au regard du droit international). L’exigence de
« légalité » est similaire à celle requise pour toute privation de liberté - article 9(1) « si ce
n’est pour des motifs, et conformément à la procédure prévus par la loi » -, ou pour toutes
mesures (y compris les infractions pénales) restreignant d’autres droits, par exemple la
liberté d’expression, (article 19 (3) « qui doivent […] être expressément fixées par la loi »).
Le Comité des droits de l’homme a précisé que l’exigence de « légalité » signifie que la
disposition législative en question « doit être libellée avec suffisamment de précision pour
permettre à un individu d’adapter son comportement en fonction de la règle » ; elle doit être
accessible pour le public et ne peut conférer aucun pouvoir illimité.
28 Ces textes « doivent
également être eux-mêmes compatibles avec les dispositions, les buts et les objectifs du
Pacte ».
29
L’article 15(1) prévoit aussi qu’il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était
applicable au moment où l’infraction a été commise, mais, si postérieurement à cette
infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en
bénéficier.
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
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La constitution doit également comporter des dispositions précisant ce qui suit :
nul ne sera reconnu coupable d’une infraction pénale pour des actions ou omissions qui

ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international au moment
où elles ont été commises. Pour plus de clarté, ceci n’empêche pas le jugement et la
condamnation de tout individu en raison d’actes ou omissions qui, au moment où ils ont été
commis, étaient tenus pour criminels au regard du droit international ;
il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où

l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l’application
d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier.
IMPUNITÉ
La nouvelle constitution devrait prohiber les crimes au regard du droit international,
notamment le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les actes de
torture (voir le chapitre suivant), les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées, et
elle devrait également prévoir des garanties efficaces contre l’impunité. Les Principes
fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de
violations flagrantes du droit international relatif aux droits humains et de violations graves
du droit international humanitaire [ONU] disposent en leur article 17 :
« S’agissant des plaintes des victimes, l’État assure l’exécution des décisions de réparation
prononcées par ses juridictions internes à l’égard des particuliers ou des entités responsables
du préjudice subi et s’applique à assurer l’exécution des décisions de réparation ayant force
de chose jugée prononcées par des juridictions étrangères, conformément à son droit interne
et à ses obligations juridiques internationales. À cette fin, les États devraient prévoir, dans
leur législation interne, des mécanismes efficaces pour assurer l’exécution des décisions de
réparation. »
Zine el Abidine Ben Ali avait amendé la Constitution en 2002 pour s’accorder à lui-même
l’immunité pour tous les actes liés à ses fonctions. Les agents de l’État ne sont généralement
pas tenus pour responsables des violations des droits humains qu’ils commettent, y compris
l’arrestation arbitraire et les actes de torture. Les Tunisiens ont le droit de voir la justice
rendue pour les violations des droits humains tant celles commises par le passé que celles
qui sont persistantes. Ainsi que le prévoit l’article 19 de l’Ensemble de principes actualisé
pour la protection et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité, il
incombe aux États de veiller à ce que la vérité soit établie et la justice rendue et que les
responsables de violations aient à rendre compte de leurs actes.
30 L’incorporation dans la
nouvelle constitution de dispositions sur la vérité, la justice et des réparations complètes
contribuera à mettre un terme à l’impunité et à protéger et promouvoir les droits humains.
Les familles des victimes du soulèvement et ceux qui ont été blessés attendent toujours la
vérité, la justice et des réparations complètes. L’incorporation d’une disposition en vue de
lutter contre l’impunité fera savoir clairement que la Tunisie va en finir avec le climat
d’impunité hérité du passé.
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
La constitution doit garantir que l’immunité judiciaire ou civile en matière de réparation dont
jouissent les fonctionnaires et anciens fonctionnaires tunisiens ou les agents publics
étrangers ne s’applique pas aux crimes au regard du droit international.
TORTURE ET AUTRES PEINES OU
TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU
DÉGRADANTS
Bien que l’ancienne Constitution tunisienne mentionne la promotion de la dignité humaine et
l’inviolabilité de la personne, elle ne contient aucune disposition prohibant la torture.
L’article 5 de la Constitution précédente disposait :
« La République tunisienne […] œuvre pour la dignité de l’homme et le développement de sa
personnalité. […] La République tunisienne garantit l’inviolabilité de la personne humaine
[…] ».
L’article 13 prévoyait, entre autres :
« Tout individu ayant perdu sa liberté est traité humainement, dans le respect de sa dignité,
conformément aux conditions fixées par la loi. »
Au fil des ans, Amnesty International a recueilli des informations sur le recours généralisé à
la torture et aux autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par les forces
de sécurité et les membres de l’administration pénitentiaire. Des détenus, y compris des
prisonniers politiques et des personnes accusées aux termes des lois antiterroristes, ont été
soumis à ces traitements. Le risque était plus élevé pour ceux qui étaient maintenus au
secret ainsi que durant la période précédant l’enregistrement officiel de leur placement en
détention. Les méthodes de torture le plus souvent décrites étaient les coups – en particulier
sur la plante des pieds –, la suspension par les chevilles ou dans des postures contorsionnées
pendant de longues périodes, les décharges électriques et les brûlures de cigarette. Des
allégations de simulacres d’exécution, de sévices sexuels et de menaces d’agressions
sexuelles sur des parentes des détenus ont également été formulées.
Le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants énoncé à l’article 7 du PIDCP est absolu. L’article 10 du PIDCP dispose en
outre que quiconque est privé de liberté doit être traité avec humanité et avec le respect de
la dignité inhérente à la personne humaine.
31
La Tunisie est également partie à la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants qui demande aux États de prendre toute une
série de mesures pour empêcher que des actes de torture soient commis et pour mener des
enquêtes débouchant sur des poursuites contre les auteurs de tels agissements, notamment
en éliminant certaines justifications comme une « circonstance exceptionnelle » ou « l’ordre
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
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d’un supérieur », en prohibant le transfert de personnes vers un pays où elles risquent d’être
torturées, en érigeant la torture en infraction pénale avec compétence extraterritoriale, en
menant des enquêtes et en accordant réparation aux victimes. L’obligation que toute
information obtenue sous la torture ne puisse être invoquée comme élément de preuve dans
une procédure est expressément énoncée à l’article 15 de la Convention contre la torture, et
le Comité des droits de l’homme interprète l’article 7 du PIDCP comme exigeant de déclarer
irrecevables des informations obtenues à la suite d’actes de torture ou d’autres traitements
cruels, inhumains ou dégradants.
32
La Tunisie a également ratifié récemment le protocole facultatif se rapportant à la Convention
contre la torture qui vise à mettre en place un système pour la prévention de la torture, entre
autres formes de mauvais traitements, par le biais d’un système national et international de
visites par des organismes indépendants composés d’experts de tous les lieux où se trouvent
des personnes privées de liberté. La Tunisie doit maintenant respecter ses obligations aux
termes du Protocole facultatif à la Convention contre la torture en instaurant dans la
constitution un mécanisme national de prévention avec des dispositions spécifiques
concernant son indépendance, l’expertise nécessaire, les ressources et les garanties requises
par le protocole facultatif, y compris l’accès à tous les lieux de détention pour des visites
régulières et inopinées comprenant la possibilité de s’entretenir en privé avec toutes les
personnes privées de liberté, et la publication des rapports rédigés par ce mécanisme.
33
La constitution doit également comporter des dispositions précisant ce qui suit :
nul ne doit être soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains

ou dégradants. En particulier, nul ne peut être soumis sans son libre consentement à une
expérience médicale ou scientifique ;

une définition de la torture conforme à l’article 1 de la Convention contre la torture ;
aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre

ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, et
aucun ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique, ne peuvent justifier de tels
agissements ;
toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité et avec le respect de

la dignité inhérente à la personne humaine ;
aucune information obtenue à la suite d’actes de torture ou d’autres traitements cruels,

inhumains ou dégradants ne peut être retenue à titre de preuve dans une procédure, si ce
n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite ;
un mécanisme national de prévention est instauré et la constitution prévoit des garanties

institutionnelles et opérationnelles conformes aux exigences du protocole facultatif s’agissant
de l’indépendance, de l’expertise et de la représentativité, des ressources et des besoins
opérationnels, y compris en précisant qu’aux termes de la constitution ce mécanisme est
habilité à :

avoir accès à toutes les informations concernant le nombre de personnes privées de
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Tunisie. Communication à l’Assemblée nationale constituante au sujet des dispositions de la nouvelle constitution
garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
liberté ainsi que le nombre de lieux susceptibles d’accueillir des personnes privées de
liberté et leur localisation,
avoir accès à toutes les informations concernant le traitement de ces personnes

ainsi que leurs conditions de détention,
avoir un accès immédiat, avec ou sans préavis, à tous les lieux susceptibles

d’accueillir des personnes privées de liberté et à toute partie de ces lieux,
avoir la possibilité de s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté,

sans témoins, soit en personne soit si nécessaire par le truchement d’un interprète, ainsi
qu’avec toute autre personne dont le mécanisme national de prévention estime qu’elle
est susceptible de fournir des informations pertinentes,
avoir la liberté de choisir les lieux qu’il souhaite visiter et les personnes avec

lesquelles il souhaite s’entretenir,
avoir le droit d’entrer en contact avec le Sous-comité international de la prévention,

de lui envoyer des informations et de le rencontrer.
ÉTAT D’URGENCE/DROITS AUXQUELS IL
NE PEUT ÊTRE DÉROGÉ
L’article 46 de la Constitution précédente disposait :
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« En cas de péril imminent menaçant les institutions de la République, la sécurité et
l’indépendance du pays, et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le
Président de la République peut prendre les mesures exceptionnelles nécessitées par les
circonstances, après consultation du Premier ministre, du président de la Chambre des
députés et du président de la Chambre des conseillers. […] Ces mesures cessent d’avoir effet
dès qu’auront pris fin les circonstances qui les ont engendrées. »
L’état d’urgence est en vigueur en Tunisie depuis sa proclamation par Zine el Abidine Ben Ali
le 14 janvier 2011. Contrairement à ce que prévoit la législation tunisienne, il a été prorogé
quatre fois. Outre l’article 46 de la Constitution précédente qui ne précise pas les droits
auxquels il peut être dérogé sous l’état d’urgence, le décret 50 de 1978 règlementant l’état
d’urgence énumère ces droits et y inclut les restrictions à la liberté d’expression, de réunion,
d’association, de respect de la vie privée et de mouvement.
Des dérogations à ces droits humains sont autorisées aux termes de l’article 4 du PIDCP dans
un cadre défini de circonstances extrêmes (« dans le cas où un danger public exceptionnel
menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel ») et soumises à des
limites strictes.
34 L’article 4 du PIDCP énumère un certain nombre de dispositions
auxquelles il ne peut en aucun cas être dérogé, à savoir : le droit à la vie, le droit de ne pas
être soumis à la torture ni à d’autres formes de mauvais traitements, le droit de ne pas être
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
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tenu en esclavage, le droit pour une personne de ne pas être emprisonnée au motif qu’elle
n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle, le principe de légalité en
matière pénale, la reconnaissance de la personnalité juridique de chacun, et la liberté de
pensée, de conscience et de religion.
35 Le Comité des droits de l’homme explique dans son
Observation générale n° 29 qu’il ne peut pas être dérogé à un certain nombre d’autres
dispositions du PIDCP par voie de conséquence. Par exemple, « [l]es États parties ne
peuvent en aucune circonstance invoquer l’article 4 du Pacte pour justifier des actes
attentatoires au droit humanitaire ou aux normes impératives du droit international, par
exemple une prise d’otages, des châtiments collectifs, des privations arbitraires de liberté ou
l’inobservation de principes fondamentaux garantissant un procès équitable comme la
présomption d’innocence. »
36
Aucune dérogation n’est autorisée au droit d’être traité avec humanité et avec le respect
inhérent à la personne humaine énoncé à l’article 10, à la prohibition de la prise d’otages,
des enlèvements ou de la détention non reconnue, aux éléments de la protection des droits
des membres des minorités, à la prohibition de la déportation ou du transfert forcé de
population, sans motifs admis en droit international, entendus comme le fait de déplacer des
personnes, en les expulsant, entre autres moyens coercitifs, à la prohibition de la propagande
des États en faveur de la guerre ou des appels à la haine nationale, raciale ou religieuse qui
constitueraient une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, à l’obligation
de garantir un recours utile pour les violations des droits humains, aux garanties de
procédure nécessaires à la protection d’autres droits auxquels il ne peut être dérogé (par
exemple les obligations énumérées à l’article 14 dans le cadre d’un procès pouvant
déboucher sur la peine de mort), aux garanties fondamentales d’un procès équitable, y
compris la présomption d’innocence, ou au droit d’introduire un recours devant un tribunal
dans le but de lui permettre de statuer sans retard sur la légalité d’une détention
(conformément à l’article 9(4) du PIDCP).
37
Même dans les cas où le PIDCP autorise une dérogation, l’article 4(1) prohibe expressément
toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine
sociale résultant des mesures prises. Qui plus est, seules des mesures spécifiques peuvent
être prises « dans la stricte mesure où la situation l’exige ». Le Comité des droits de l’homme
a expliqué que cette condition visait « la durée, l’étendue géographique et la portée
matérielle de l’état d’urgence et de toute dérogation appliquée par l’État du fait de l’état
d’urgence ». Chaque mesure dérogatoire doit être justifiée par l’État comme répondant à ces
critères qui comprennent une exigence de proportionnalité.
38
La Charte africaine ne contient aucune disposition autorisant les dérogations et la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a interprété cela comme
signifiant que « l’existence de guerre, qu’elle soit internationale ou civile, ou autre situation
d’urgence au sein du territoire d’un État partie, ne peut être utilisée pour justifier la violation
de n’importe quel droit énoncé dans la Charte » et que toutes les actions des États doivent
toujours « être jugées selon les normes de la Charte sans tenir compte de n’importe quelle
crise se déroulant dans l’État en ce moment ».
39
Amnesty International recommande que, conformément aux obligations de la Tunisie
découlant de la Charte africaine telles qu’elles sont énoncées par la Commission africaine
des droits de l’homme et des peuples, la constitution prévoie expressément qu’aucune
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
dérogation à l’un quelconque des droits fondamentaux garantis par la constitution ne soit
autorisée en aucune circonstance.
40 Si toutefois la Tunisie décide de prévoir dans la
constitution une possibilité de dérogation aux droits qu’elle garantit, les circonstances de
cette dérogation telles qu’elles sont définies à l’article 4 du PIDCP, les droits énumérés par
le PIDCP et le Comité des droits de l’homme comme non susceptibles de dérogation, ainsi
que les limites aux mesures dérogatoires prévues à l’article 4 du PIDCP et précisées par le
Comité des droits de l’homme, doivent être explicitement intégrés dans la constitution.
LIBERTÉ DE RELIGION
La Constitution précédente ne prévoyait pas la protection de la liberté de religion ni de
croyance.
Le droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion et de conviction est énoncé à
l’article 18 du PIDCP et à l’article 8 de la Charte africaine.
41
La constitution doit garantir expressément le droit à la liberté de pensée, de conscience, de
religion et de conviction. Cette garantie constitutionnelle doit couvrir la liberté de chacun
d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix. Elle doit également
englober la liberté de manifester sa religion ou sa conviction par le culte, l’accomplissement
des rites, les pratiques et l’enseignement, tant en public qu’en privé. La liberté de manifester
sa religion ou sa conviction comprend la possibilité de le faire en commun avec d’autres.
La garantie constitutionnelle doit préciser que nul ne peut faire l’objet de contrainte pouvant
porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter la religion ou la conviction de son choix. Le
Comité des droits de l’homme a fait observer que cette contrainte englobait « le recours ou la
menace de recours à la force physique ou à des sanctions pénales pour obliger des croyants
ou des non-croyants à adhérer à des convictions et à des congrégations religieuses, à abjurer
leur conviction ou leur religion ou à se convertir. Les politiques ou les pratiques ayant le
même but ou le même effet, telles que, par exemple, celles restreignant l’accès à
l’éducation, aux soins médicaux et à l’emploi ou les droits garantis par l’article 25 [droits
politiques] et par d’autres dispositions du Pacte [PIDCP] sont également incompatibles »
avec la prohibition de la contrainte ; « [l]es tenants de toutes les convictions de nature non
religieuse bénéficient d’une protection identique ».
42
La garantie constitutionnelle doit veiller :
au respect des droits et devoirs des parents et tuteurs légaux de donner à leurs enfants,

d’une manière qui corresponde au développement de leurs capacités, l’orientation appropriée
à l’exercice du droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion et de conviction ; et
à ce que la protection constitutionnelle du droit à la liberté de pensée, de conscience,

de religion et de conviction indique clairement que ce droit ne peut être restreint par la
législation nationale, sauf dans la mesure strictement nécessaire pour protéger les droits
fondamentaux et les libertés d’autrui ou pour les autres motifs limités énoncés à
l’article 18(3) du PIDCP.
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DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE
La Constitution précédente protégeait en partie, en son article 9, le droit au respect de la vie
privée :
« L’inviolabilité du domicile, le secret de la correspondance et la protection des données
personnelles sont garantis, sauf dans les cas exceptionnels prévus par la loi. »
Sous le régime de Zine el Abidine Ben Ali, le droit au respect de la vie privée de bon nombre
des détracteurs des autorités tunisiennes était souvent violé. Eux-mêmes et leurs proches, y
compris les enfants, étaient interrogés et harcelés. Certains ont perdu leur emploi. Leur
bureau et leur domicile étaient perquisitionnés et saccagés par des membres des forces de
sécurité. Ils étaient souvent suivis et soumis à une surveillance oppressante. Leurs
téléphones étaient sur écoute et leurs connexions Internet ainsi que leurs courriers
électroniques étaient interceptés ou bloqués. Des militants étaient la cible de violentes
campagnes de diffamation et hommes et femmes étaient accusés de violer la notion
traditionnelle de comportement sexuel acceptable ou de servir les intérêts de gouvernements
étrangers.
Pour respecter les obligations internationales de la Tunisie en matière de droits humains, la
protection constitutionnelle du droit au respect de la vie privée doit indiquer clairement que
la législation nationale ne peut restreindre ce droit d’une manière non compatible avec son
contenu essentiel et avec d’autres droits fondamentaux tels l’égalité et la non-discrimination.
Le droit au respect de la vie privée est garanti par l’article 17 du PIDCP qui établit le droit de
toute personne d’être protégée contre les immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie
privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ainsi que contre les atteintes illégales
à son honneur et à sa réputation.
43 Le pacte exige des États parties qu’ils prennent toutes les
mesures nécessaires pour garantir la protection effective de ce droit. Amnesty International
estime que le droit au respect de la vie privée nécessite une garantie constitutionnelle pour
être véritablement protégé.
Dans son Observation générale n° 16, le Comité des droits de l’homme a fait observer que les
restrictions au droit au respect de la vie privée doivent être prévisibles et prévues par la loi et
que « même une immixtion prévue par la loi [doit être] conforme aux dispositions, aux buts
et aux objectifs du Pacte et [être], dans tous les cas, raisonnable eu égard aux circonstances
particulières ». Le comité a par ailleurs indiqué que la surveillance doit être interdite et que
« [l]es perquisitions domiciliaires doivent être limitées à la recherche des éléments de preuve
nécessaires, et ne doivent pas pouvoir donner lieu à des vexations ».
44 Ces principes doivent
être pris en compte de manière appropriée dans la constitution tunisienne.
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RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS D’ASILE
L’article 17 de la Constitution précédente disposait :
« Il est interdit d’extrader les réfugiés politiques ».
PRATIQUE RÉCENTE
L’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose : « Devant la
persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres
pays ». La protection des réfugiés et demandeurs d’asile a été définie plus précisément en
droit international par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (Convention de
l’ONU relative aux réfugiés) et son protocole de 1967 auxquels la Tunisie est partie. La
Convention de l’ONU relative aux réfugiés prohibe en son article 33(1) l’expulsion ou le
refoulement d’un réfugié « de quelque manière que ce soit, […] sur les frontières des
territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa
nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».
Cette disposition connue sous le nom de principe de non-refoulement prohibe les actions qui
obligent, directement ou indirectement, une personne à retourner dans un pays où elle sera
de nouveau persécutée. Des aspects de ce principe sont évoqués, entre autres, dans la
Convention contre la torture et la Convention pour la protection de toutes les personnes
contre les disparitions forcées qui prohibe absolument le transfert d’une personne vers un
autre État où il y a "des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture »
(article 3(1) de la Convention contre la torture) ou d’être victime d’une « disparition forcée »
(article 16 de la Convention sur les disparitions forcées). L’article 7 du PIDCP a été
interprété d’une manière similaire par le Comité des droits de l’homme comme prohibant le
transfert d’une personne l’exposant à un risque de « torture ou de peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants » (article 7).
45 Ceci s’applique également lorsque le risque
n’existe pas dans le premier pays de transfert, mais dans un pays tiers où la personne
pourrait être transférée par la suite.
46
La Tunisie est aussi partie à la Convention de l’Organisation de l’Union africaine régissant les
aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique adoptée en 1969 (Convention de
l’OUA relative aux réfugiés). Cet instrument contient une définition du réfugié similaire à
celle de la Convention de l’ONU relative aux réfugiés et elle protège de la même manière les
réfugiés contre le refoulement (articles 1(1) et 2(3)). Toutefois, cette convention élargit la
définition du réfugié en son article 1(2) qui dispose que le terme « réfugié » s’applique à
« toute personne qui, du fait d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une

domination étrangère ou d’événements troublant gravement l’ordre public dans une partie ou
dans la totalité de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée de
quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l’extérieur de son
pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité ».
La nouvelle constitution tunisienne doit protéger tout individu contre un transfert sous toutes
ses formes, directement ou indirectement, vers un pays où il risque d’être persécuté.
Conformément aux obligations de la Tunisie en matière de droits humains, cette protection
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doit également s’étendre aux personnes qui ne remplissent pas les conditions d’obtention du
statut de réfugié selon la définition de la Convention de l’ONU relative aux réfugiés mais qui
ont besoin d’une protection internationale car elles risquent d’être victimes de violations de
leurs droits humains, notamment d’actes de torture ou de mauvais traitements ou encore de
disparition forcée, tant dans le pays de transfert que dans un pays tiers vers lequel elles
risquent d’être transférées par la suite.
47 La disposition qui figurait dans la Constitution
précédente a une portée beaucoup plus étroite que les obligations internationales de la
Tunisie et elle n’est pas suffisante pour inscrire le principe de non-refoulement dans la
Constitution. Qui plus est, la définition élargie de la Convention de l’OUA relative aux
réfugiés doit également figurer dans la nouvelle constitution.
PEINE DE MORT ET DROIT À LA VIE
La Constitution précédente ne contenait aucune disposition garantissant le droit à la vie.
Bien qu’aucune exécution n’ait eu lieu en Tunisie depuis 1991 et qu’un décret présidentiel
ait commué, en janvier 2012, 122 condamnations à mort en peines de réclusion à
perpétuité, la première condamnation à la peine capitale depuis le soulèvement a été
prononcée le mois suivant. Aucun moratoire officiel sur les exécutions n’a été proclamé.
Le droit à la vie est garanti à l’article 6 du PIDCP auquel la Tunisie est partie. Selon le
Comité des droits de l’homme, « [d]’une manière générale, l’abolition [de la peine de mort]
est évoquée dans cet article [l’article 6(2) et 6(6)
48] en des termes qui suggèrent sans
ambiguïté […] que l’abolition est souhaitable. Le Comité en conclut que toutes les mesures
prises pour abolir la peine de mort doivent être considérées comme un progrès vers la
jouissance du droit à la vie […] ».
49 Le droit à la vie est également garanti à l’article 4 de la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. La Commission africaine des droits de
l’homme et des peuples a adopté en 2008 une résolution appelant les États africains à
observer un moratoire sur la peine de mort.
50 En 2011, le Gabonais Jean Ping, président de
la commission de l’Union africaine, et la Rwandaise Zainabou Sylvie Kayitesi, membre de la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et présidente du Groupe de
travail de la commission sur la peine de mort en Afrique
51, ont déclaré publiquement que ce
châtiment constituait une violation de la Charte africaine. La Tunisie est également partie au
Statut de Rome de la CPI qui exclut la peine de mort même pour « les crimes les plus graves
qui touchent l’ensemble de la communauté internationale », à savoir les crimes de guerre,
les crimes contre l’humanité, le crime de génocide et le crime d’agression.
Amnesty International estime que la peine de mort doit être abolie, car elle bafoue le droit à
la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Il est
impossible pour un pays de respecter pleinement les droits humains tout en condamnant des
citoyens à la peine capitale. La nouvelle constitution donne l’occasion à la Tunisie d’intégrer
dans sa législation le consensus international grandissant selon lequel la peine de mort est
incompatible avec les droits humains. Elle suivrait ainsi l’exemple d’un nombre croissant de
pays africains
52, entre autres, qui ont inscrit l’abolition de la peine de mort dans le droit
constitutionnel.
L’organisation prie instamment l’Assemblée nationale constituante de veiller à ce que la
nouvelle constitution garantisse le droit à la vie dans tous les cas et abolisse expressément la
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
peine capitale pour tous les crimes. Certaines constitutions prévoient un droit absolu à la vie
sans prévoir une exception pour la peine de mort. La disposition relative au « droit à la vie »
figurant dans la Constitution marocaine de juillet 2011
53 peut être interprétée comme
impliquant que la peine de mort constitue une atteinte injustifiée au droit à la vie et, selon
Abdelatif Mennouni, président de la commission de révision de la Constitution, elle visait à
mettre un terme aux exécutions.
54 Toutefois, une disposition supplémentaire explicite
prohibant la peine capitale apporterait la clarté requise pour atteindre cet objectif avec
certitude. Il faudrait par ailleurs préciser que ces règles s’appliquent également en temps de
guerre ou d’autres états d’exception ; l’article 4(2) du PIDCP indique clairement que le droit
à la vie ne peut faire l’objet d’aucune dérogation. Enfin, il faut adopter une disposition
prévoyant qu’aucun individu ne peut être extradé ou transféré vers un État où il y a des
motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la peine capitale. Ceci est conforme à la
pratique commune entre les États abolitionnistes et non abolitionnistes
55 et la jurisprudence
du Comité des droits de l’homme considère qu’il s’agit d’une obligation juridique.
56 Un bon
exemple de cette approche globale couvrant tous ces aspects bien que dans différentes
parties du document est la Constitution de l’Angola telle qu’elle a été amendée en 2010.
57
Le droit à la vie impose également des limites au champ d’application possible de la force
meurtrière ou potentiellement meurtrière par les responsables de l’application des lois, entre
autres agents de l’État. Par exemple, en dehors des situations de conflit armé, la force
meurtrière ne peut être utilisée que lorsque cela est strictement nécessaire pour protéger des
vies humaines.
58 En cas de conflit armé, l’utilisation de la force meurtrière qui ne respecte
pas les règles du droit international humanitaire constitue également une violation du droit à
la vie.
Amnesty International recommande à l’Assemblée nationale constituante d’introduire dans la
nouvelle constitution une disposition sur le droit à la vie englobant les aspects suivants :

tout être humain a un droit inhérent à la vie ;

l’abolition de la peine de mort ;
aucune personne ne peut être extradée ou transférée vers un pays s’il existe un risque

réel que la peine de mort lui soit infligée (ou qu’elle soit victime d’exécution extrajudiciaire)
dans le pays demandeur ou dans un pays tiers vers lequel elle pourrait être transférée par la
suite ; et
toute privation de la vie résultant de l’utilisation de la force meurtrière ou

potentiellement meurtrière d’une manière non conforme aux normes internationales relatives
aux droits humains, ou, le cas échéant, du droit international humanitaire est absolument
interdite.
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
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DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET
CULTURELS
L’ancienne Constitution tunisienne ne mentionnait pas les droits économiques, sociaux et
culturels. Toutefois, la communauté internationale met de plus en plus l’accent sur le fait
que les droits économiques, sociaux et culturels doivent avoir le même statut que les droits
civils et politiques. La Tunisie a ratifié le PIDESC et il est désormais reconnu, tant au niveau
international que régional ainsi que par de nombreux tribunaux nationaux, que les droits
économiques, sociaux et culturels sont justiciables. Le processus de révision
constitutionnelle offre une occasion importante de consacrer les droits économiques, sociaux
et culturels en Tunisie. Tout particulièrement en incorporant un ensemble de droits
économiques, sociaux et culturels dans la nouvelle constitution, l’Assemblée nationale
constituante peut veiller à ce que tous les droits énoncés par le PIDESC sont pleinement
intégrés dans le droit interne ainsi que cela est requis après la ratification de ce pacte, qu’ils
sont pleinement justiciables, peuvent être directement invoqués devant les tribunaux et que
les victimes de violations ont accès à des voies de recours utiles.
Ainsi l’Assemblée nationale constituante peut donner aux victimes de violations des droits
économiques et sociaux un moyen essentiel de faire valoir leurs droits et à l’État d’évaluer
ses progrès dans l’amélioration du niveau de vie de tous les Tunisiens. Bien que le pays ait
accompli des progrès importants ces dernières décennies dans l’amélioration de la qualité de
la vie de nombreuses personnes, par exemple en matière de réduction de la pauvreté,
d’éducation primaire universelle et de mortalité infantile, ces succès sont loin d’être répartis
de manière équitable. Le centre, le sud et l’ouest du pays ont pris un retard considérable
notamment en matière d’accès aux infrastructures de base et aux services essentiels, à savoir
l’eau et les installations sanitaires, l’électricité et un logement convenable. Ces régions ont
également un taux d’analphabétisme et de chômage plus élevé que le reste du pays.
Les disparités économiques et sociales considérables ont entraîné une série de mouvements
de protestation populaire menés par les syndicats et qui ont été brutalement réprimés par
l’ancien régime en 2008. La pauvreté et le chômage étaient parmi les causes principales du
soulèvement de 2011. Si les droits économiques, sociaux et culturels ne sont pas incorporés
dans la nouvelle constitution, les Tunisiens, et plus particulièrement les plus pauvres et
marginalisés, seront privés de la possibilité de demander des comptes au gouvernement pour
leur exclusion persistante du développement du pays.
Aux termes du droit international relatif aux droits humains que la Tunisie est tenue de
respecter, le gouvernement doit progressivement garantir les droits économiques, sociaux et
culturels de tous les citoyens sans discrimination au maximum de ses ressources disponibles.
Les droits économiques, sociaux et culturels sont énoncés par le PIDESC auquel la Tunisie a
adhéré en 1969. Ce pacte reconnaît et garantit, entre autres, les droits suivants :
le droit de toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail

librement choisi ou accepté, et de jouir de conditions de travail justes et favorables
(articles 6 et 7) ;
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Tunisie. Communication à l’Assemblée nationale constituante au sujet des dispositions de la nouvelle constitution
garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
le droit de toute personne de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au

syndicat de son choix, y compris le droit qu’ont les syndicats d’exercer librement leurs
activités et le droit de grève (article 8) ;

le droit à la sécurité sociale (article 9) ;

le droit à la nourriture (article 11) ;59

le droit à un logement suffisant (article 11) ;

les droits à l’eau et à des installations sanitaires (article 11) ;60

le droit de jouir du meilleur état de santé susceptible d’être atteint (article 12) ;

le droit à l’éducation (articles 13 et 14) ; et
le droit de participer à la vie culturelle et de bénéficier du progrès scientifique

(article 15).
En 2008, l’Assemblée générale de l’ONU où la Tunisie était représentée a adopté à
l’unanimité le Protocole facultatif au PIDESC qui établit un mécanisme de plaintes
individuelles et une procédure d’enquête pour les violations de ces droits. Ce faisant,
l’Assemblée générale a confirmé que ces droits peuvent être invoqués devant les tribunaux.
Par ailleurs, la Tunisie a adhéré en 1983 à la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples. Certains des droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans cet instrument
sont les suivants :
le droit de travailler dans des conditions équitables et satisfaisantes et de percevoir un

salaire égal pour un travail égal (article 15) ;
le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle

soit capable d’atteindre (article 16) ;

le droit à l’éducation (article 17) ;

le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté (article 17) ;

le droit à la protection de la famille (article 18) ;
le droit des personnes âgées ou handicapées à des mesures spécifiques de protection

(article 18) ;


le droit à l’hébergement et au logement (articles 14, 16 et 18) ;61
le droit à la nourriture (articles 4, 16 et 22) ; et62
le droit à un environnement satisfaisant et global, propice au développement de tous les

peuples (article 24).
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
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Amnesty International prie instamment l’Assemblée nationale constituante de veiller à ce que
les droits économiques, sociaux et culturels soient incorporés dans la nouvelle constitution
comme droits humains juridiquement contraignants pour les raisons suivantes :
1. La protection des droits économiques, sociaux et culturels dans la constitution
contribuera à garantir que la Tunisie s’acquitte de ses obligations de respecter, promouvoir et
réaliser les droits économiques, sociaux et culturels. Cette mesure fournira un moyen de
garantir que la législation et les mesures politiques donnent plein effet aux droits
économiques, sociaux et culturels. La constitution sera un outil important de protection des
droits humains et de réduction de la pauvreté dans le pays.
Une garantie constitutionnelle des droits économiques, sociaux et culturels nécessitera le
respect de ces droits. Par exemple, l’État ne pourra pas expulser de force des personnes de
leur logement sans se conformer aux normes internationales, qui comprennent le respect de
la procédure légale et l’attribution d’un logement de remplacement ou le versement d’une
indemnité. Des mesures devront être prises pour garantir que les tiers respectent les droits
économiques, sociaux et culturels, par exemple en réglementant les entreprises privées de
manière à s’assurer que les employeurs garantissent des conditions de travail justes à leurs
employés. Des mesures devront être prises progressivement – au maximum des ressources
disponibles - pour garantir que toute personne a accès aux droits à l’éducation, à la
nourriture, à l’eau, au logement et à la santé, en mettant l’accent sur la réalisation du niveau
minimum essentiel de chacun de ces droits pour tous les citoyens.
2. L’incorporation des droits économiques, sociaux et culturels dans la constitution
contribuera à garantir les aspirations qui sous-tendaient le soulèvement de 2011 de manière
concrète et visible. La constitution contribuera alors à garantir un meilleur niveau d’égalité et
de justice sociale pour les générations présentes et futures.
3. L’incorporation des droits économiques, sociaux et culturels dans la constitution
démontrera l’engagement de la Tunisie en faveur de l’universalité et de l’indivisibilité de tous
les droits humains et de la réalisation de tous ces droits, y compris ceux qui ont une
importance capitale pour les personnes vivant dans la pauvreté. Cette initiative rendre plus
concret l’engagement pris par 170 États, dont la Tunisie, lors de la Conférence mondiale sur
les droits de l’homme qui s’est tenue à Vienne en 1993 et qui affirmait : « Tous les droits de
l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés. La communauté
internationale doit traiter des droits de l’homme globalement, de manière équitable et
équilibrée, sur un pied d’égalité et en leur accordant la même importance. » La nouvelle
constitution tunisienne pourrait envoyer le signal important à d’autres États, tant en Afrique
qu’au Moyen-Orient, qu’il est temps de protéger les droits humains sous toutes leurs formes à
la fois comme objectif en soi et comme outil d’éradication de la pauvreté.
4. L’incorporation de ces droits dans la constitution renforcerait le rôle des institutions
tunisiennes pour garantir les droits économiques, sociaux et culturels et rendrait la justice
plus accessible pour les Tunisiens.
5. L’incorporation de ces droits mettrait la constitution tunisienne en conformité avec la
tendance grandissante dans de nombreux pays qui ont récemment révisé leur constitution et
reconnaîtrait que les droits économiques, sociaux et culturels peuvent être invoqués. Des
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Tunisie. Communication à l’Assemblée nationale constituante au sujet des dispositions de la nouvelle constitution
garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
pays de toutes les régions – Asie, Amériques, Afrique et Europe – et à tous les niveaux de
développement garantissent la protection des droits économiques, sociaux et culturels dans
leur constitution.
INSTITUTIONS NATIONALES DE DÉFENSE
DES DROITS HUMAINS
La Constitution précédente ne prévoyait pas la création d’une institution nationale de défense
des droits humains.
Le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales créé en 1991 par
décret présidentiel et qui avait pour rôle « d’assister le Président de la République, en vue de
consolider et de promouvoir les droits de l’Homme et les libertés fondamentales », avait pour
mandat de recevoir les plaintes à propos de violations des droits humains. Malgré des
amendements en 2008 à la loi d’organisation du comité en vue d’élargir sa représentation et
de renforcer la communication entre l’État et la société civile, le comité supérieur ne
comprenait pas d’organisations indépendantes de défense des droits humains et il manquait
toujours d’indépendance. Cet organe avait pour objet manifeste d’améliorer l’image de la
Tunisie au niveau international en matière de droits humains alors que le gouvernement
réprimait les organisations indépendantes de défense de ces droits, soit en les harcelant soit
en leur refusant un enregistrement officiel.
L’Assemblée générale de l’ONU a adopté en 1993 un ensemble de principes concernant le
statut des institutions nationales de défense et de promotion des droits de l’Homme (appelés
Principes de Paris).
63 Ces principes énoncent un nombre minimal de critères pour que ces
institutions soient efficaces, notamment en termes de composition, d’indépendance et de
pouvoirs. Les principes indiquent à cet effet que l’institution nationale sera « dotée d’un
mandat aussi étendu que possible, et clairement énoncé dans un texte
constitutionnel ou
législatif, déterminant sa composition et son champ de compétence » (c’est Amnesty
International qui souligne).
Amnesty International préconise de donner à l’institution nationale un statut constitutionnel
et les protections nécessaires pour lui permettre de fonctionner sérieusement et de manière
indépendante, sans pressions ni actes d’intimidation. La constitution doit conférer à
l’institution nationale de défense des droits humains les pouvoirs nécessaires pour qu’elle
soit en mesure de protéger pleinement ces droits. Ceci peut être réalisé en lui donnant le
pouvoir de mener des enquêtes, de remédier aux atteintes aux droits humains et d’engager
des procédures devant les tribunaux nationaux ainsi que le mandat d’examiner les lois
existantes et de veiller à ce qu’elles soient conformes aux obligations de la Tunisie au regard
du droit international relatif aux droits humains. Pour être efficace, cet organisme doit
disposer de moyens humains et financiers suffisants. Il doit lui-même rendre compte au
Parlement et au public de la manière dont il remplit son mandat.

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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
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NOTES DE FIN
1 Observation générale n° 31 du Comité des droits de l’homme. La Nature de l’obligation juridique
générale imposée aux États parties au Pacte, doc. ONU CCPR/C/21/Rev.1/Add.13, 29 mars 2004, § 13.
2 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 9 : Application du Pacte
au niveau national, doc. ONU E/C.12/1998/24, 3 décembre 1998, § 8.
3 Observation générale n° 31 du Comité des droits de l’homme. La Nature de l’obligation juridique
générale imposée aux États parties au Pacte, doc. ONU CCPR/C/21/Rev.1/Add
.13, 29 mars 2004, § 15.
4 Observation générale n° 31 du Comité des droits de l’homme, § 16. Voir aussi les Principes
fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations
flagrantes du droit international relatif aux droits de l’homme et de violations graves du droit
international humanitaire, adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa
résolution 60/147 du 16 décembre 2005.
5 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 16. Droit égal de
l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels (art. 3 du
PIDESC), doc. ONU12/2005/4, 11 août 2005, § 3.
6 PIDCP, articles 2(1) et 3, PIDESC article 2(2). Voir également les articles 2, 3 et 18(3) et les
articles 3 et 11 de la Charte arabe révisée.
7 PIDCP, art. 26.
8 Par exemple Comité des droits de l’homme, Toonen c. Australie, doc. ONU CCPR/C/50/D/488/1992,
31 mars 1994, § 8.7 ; Young c. Australie, doc.ONU CCPR/C/78/D/941/2000, 6 août 2003, § 10.4 ;
Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 20. La non-discrimination
dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, § 2 du Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels. Doc.ONU : E/C.12/GC/20, 2 juillet 2009, § 11.
9 Article 21 du PIDCP : « Le droit de réunion pacifique est reconnu. L’exercice de ce droit ne peut faire
l’objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une
société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou
pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui. »
10 Voir également les articles 24 et 32 de la Charte arabe révisée.
11 Par exemple Observation générale n° 34 du Comité des droits de l’homme. Article 19 : Liberté
d’opinion et liberté d’expression, doc ONU. CCPR/C/GC/34, 12 septembre 2011, en particulier § 21-36.
12 Voir également les articles 26 et 27 de la Charte arabe révisée.
13 Observation générale n° 27 du Comité des droits de l’homme. Article 12 : Liberté de circulation. Doc.
ONU CCPR/C/21/Rev.1/Add.9, 2 novembre 1999, § 17-18.
14 Voir par exemple les articles 2(3)(b), 9(3) et (4) du PIDCP ; Commission africaine des droits de
l’homme et des peuples, Résolution sur la procédure relative au droit de recours et à un procès équitable
(Res 4(XI)92), 1992 ; et Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance
judiciaire en Afrique (DOC/OS(XXX)247), 2001, Principe C [Droit à un recours effectif]. Voir également
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les articles 12, 13 et 14 (5) et (6) de la Charte arabe révisée.
15 Observation générale n° 32 du Comité des droits de l’homme. Article 14 : Droit à l’égalité devant les
tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable (doc. ONU CCPR/C/GC/32, 23 août 2007, § 19
(c’est Amnesty International qui souligne).
16 Observation générale n° 32 du Comité des droits de l’homme. Article 14 : Droit à l’égalité devant les
tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable (doc. ONU CCPR/C/GC/32, 23 août 2007,
§ 19-20 (c’est Amnesty International qui souligne).
17 Observation générale n° 2 du Comité contre la torture. Application de l’article 2 par les États parties.
Doc. ONU CAT/C/GC/2, 24 janvier 2008, § 13.
18 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, Directives et principes sur le droit à un
procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique, (DOC/OS(XXX)247), 2001, Principe A(4)
[Instance juridictionnelle indépendante]. Voir également l’article 12 de la Charte arabe révisée.
19 Comité des droits de l’homme. Gorji-Dinka c. Cameroun. Doc. ONU CCPR/C/83/D/1134/2002,
17 mars 2005, § 5(1).
20 Par exemple Observations finales du Comité des droits de l’homme : Israël.
Doc. ONU CCPR/CO/78/ISR, 21 août 2003, § 12-13 ; Observations finales : Royaume-Uni,
doc. ONU CCPR/CO/73/UK, 6 décembre 2001, § 19 ; Paul Kelly c. Jamaïque.
Doc. ONU CCPR/C/41/D/253/1987, 8 avril 1991, § 5(6) ; Berry c. Jamaïque.
Doc. ONU CCPR/C/50/D/330/1988, 7 avril 1994, § 11(1) ;
Rafael Marques de Morais c. Angola.
Doc. ONU CCPR/C/83/D/1128/2002, 29 mars 2005, § 6.3 et 6.5.
21 Par exemple Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Directives et principes sur le
droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, principes M(2), M(4) et M(5) ;
Sir
Dawda K. Jawara c. Gambie
, n° 147/95 et 149/96, 13e rapport d’activités, 11 mai 2000, § 5 et 59 ;
Liesbeth Zegveld et Messie Ephrem c. Érythrée, n° 250/2002, 17e rapport d’activités, novembre 2003,
§ 49-57 et premier paragraphe du dispositif ;
Article 19 c. Érythrée, n° 275/2003, 22e rapport
d’activités, mai 2007, § 81, 82, 90-94, 102 et premier paragraphe du dispositif ;
Institut pour les droits
humains et le développement en Afrique c. République d’Angola
, n° 292/2004, 24e rapport d’activités,
mai 2008, § 57-60. Voir également l’article 14 de la Charte arabe révisée.
22 Observation générale n° 32 du Comité des droits de l’homme, § 34 Commission africaine des droits de
l’homme et des peuples, Civil Liberties Organisation,
Legal Defence Centre, Legal Defence and
Assistance Project c. Nigéria
, n° 218/98, 14e rapport d’activités, avril-mai 2001 § 29; Centre for Free
Speech c. Nigéria
, n° 206/97, 13e rapport d’activités, 15 novembre 1999, § 14 Media Rights Agenda
and Constitutional Rights Project c Nigeria,
n° 105/93 et autres, 12e rapport d’activités, 31 octobre
1998,
§ 56 ; Résolution sur la procédure relative au droit de recours et à un procès équitable,
Res 4(XI)92, 1992, § 2(e)(i).
23 Voir l’élaboration de ces droits telle qu’elle est décrite dans l’Observation générale n° 32 du Comité
des droits de l’homme.
24 Observation générale n° 32 du Comité des droits de l’homme, § 22 : « Le jugement de civils par des
tribunaux militaires ou d’exception devrait être exceptionnel, c’est-à-dire limité aux cas où l’État partie
peut démontrer que le recours à de tels tribunaux est nécessaire et justifié par des raisons objectives et
sérieuses et où, relativement à la catégorie spécifique des personnes et des infractions en question, les
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
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tribunaux civils ordinaires ne sont pas en mesure d’entreprendre ces procès. »
25 Par exemple Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Résolution sur la procédure
relative au droit de recours et à un procès équitable (Res 4(XI)92), 1992 ; et Directives et principes sur
le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique. Voir également les articles 11, 12,
13, 16, 17, 19 de la Charte arabe révisée.
26 Observation générale n° 32 du Comité des droits de l’homme, § 48.
27 L’article 7(2) de la Charte africaine contient une disposition similaire de même que l’article 15 de la
Charte arabe révisée.
28 Observation générale n° 34 du Comité des droits de l’homme. Article 19 : Liberté d’opinion et liberté
d’expression, doc. ONU CCPR/C/GC/34, 12
septembre 2011, § 25.
29 Observation générale n° 34 du Comité des droits de l’homme, § 26.
30 Voir doc. ONU E/CN.4/2005/102/Add.1, 8 février 2005, et résolution 2005/81 de la Commission des
droits de l’homme de l’ONU sur l’impunité, 21 avril 2005, § 20-22.
31 Voir également l’article 5 de la Charte africaine et les articles 8 et 20 de la Charte arabe révisée.
32 Observation générale n° 20 du Comité des droits de l’homme. Article 7 : Interdiction de la torture et
des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 mars 1992, § 12 ; Observation générale
n° 34, § 6.
33 Voir le Sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants, Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention, doc. ONU CAT/OP/12/5,
9 décembre 2010.
34 Voir également l’article 4(1) de la Charte arabe révisée.
35 Voir également l’article 4(2) de la Charte arabe révisée.
36 Observation générale n° 29, § 11.
37 Observation générale n° 29, § 13-16. Voir également les articles 4(2), 13, 14(6) et 20(1) de la Charte
arabe révisée.
38 Observation générale n° 29, § 4-5.
39 Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Article 19 c. Érythrée, n° 275/2003,
22
e rapport d’activités, mai 2007, § 87. Voir également Commission nationale des droits de l’homme et
des libertés c. Tchad
, n° 74/92, Neuvième rapport d’activités, octobre 1995, § 21 ; Media Rights
Agenda and Constitutional Rights Project c. Nigéria
, n° 105/93 et autres, 12e rapport d’activités,
31 octobre 1998, § 67-70 ;
Amnesty International, Comité Lossli Bachelard et autres c. Soudan,
n° 48/90 et autres, 13
e rapport d’activités, 1-15 novembre 1999, § 42.
40 Ceci n’empêche pas une restriction de certains droits dans la mesure où cela est généralement
autorisé, voir Observation générale n° 29, § 4et par exemple l’article 12 du PIDCP qui prévoit que le
droit de circuler librement et de choisir sa résidence dans un pays ne peut être l’objet de restrictions que
« si celles-ci sont prévues par la loi » et « nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public,
la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres droits
reconnus par le présent Pacte ». Voir aussi les articles 18(3), 19(3), 21, 22(2).
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
41 Voir également l’article 30 de la Charte arabe révisée.
42 Observation générale n° 22 du Comité des droits de l’homme. Le droit à la liberté de pensée, de
conscience et de religion (Article 18). Doc. ONU CCPR/C/21/Rev.1/Add.4, 30 juillet 1993, § 5.
43 Voir également l’article 21 de la Charte arabe révisée.
44 Observation générale n° 16 du Comité des droits de l’homme. Droit au respect de la vie privée, de la
famille, du domicile et de la correspondance et protection de l’honneur et de la réputation (Article 17),
8 avril 1988, § 4 et 8.
45 Observation générale n° 20 du Comité des droits de l’homme. Interdiction de la torture et des peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 mars 1992, § 12 ; Observation générale n° 34, § 9.
46 Par exemple Observation générale n° 31 du Comité des droits de l’homme. La nature de l’obligation
juridique générale imposée aux États parties au Pacte, doc. ONU CCPR/C/21/Rev.1/Add.13, 29 mars
2004, § 12.
47 Voir également la recommandation citée plus loin et concernant l’abolition de la peine de mort en
Tunisie ainsi qu’une interdiction constitutionnelle de l’extradition vers un pays où la peine de mort peut
être prononcée.
48 L’article 6(6) dispose : « Aucune disposition du présent article ne peut être invoquée pour retarder ou
empêcher l’abolition de la peine capitale par un Etat partie au présent Pacte ».
49 Observation générale n° 6 du Comité des droits de l’homme. Le droit à la vie, 27 juillet 1982,
§ 6.
50 44e session de la Commission africaine. Résolution appelant les États parties à respecter le moratoire
sur la peine de mort. (ACHPR/Res.136(XXXXIIII).08), novembre 2008.
51 Report of the Chairperson of the African Commission’s Working Group on the Death Penalty in Africa
during the 49th Ordinary session of the Commission in Banjul, Gambia
, 28 avril au 12 mai 2011 :
http://www.achpr.org/english/Commissioner%27s%20Activity/49th%20OS/Commissioner/Kayitesi.pdf.
52 Voir les constitutions de l’Angola, du Cap Vert, de la Côte d’Ivoire, de Djibouti, de la Guinée-Bissau,
du Mozambique, de la Namibie, de Sao Tomé et Principe, du Sénégal et des Seychelles.
53 Article 20 : « Le droit à la vie est le droit premier de tout être humain. La loi protège ce droit. »
54 « Maroc : la voie à l'abolition de la peine de mort est ouverte », Le Figaro, 30 juin 2011,
http://www.lefigaro.fr/international/2011/06/29/01003-20110629ARTFIG00730-maroc-la-voie-a-l-
abolition-de-la-peine-de-mortest-ouverte.php (consulté le 28 février 2012).
55 Les constitutions de l’Angola, de la Finlande et du Portugal énoncent explicitement cette règle.
56 Judge c. Canada, Communication n° 829/1998, Opinions du 5 août 2002.
Doc. ONU CCPR/C/78/D/829/1998, 2004, 11 IHRR 122. Il convient de noter que la règle a été
constatée « indépendamment du fait que [l’État partie] n’a pas encore ratifié le deuxième Protocole
facultatif » (§ 10.6).
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
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57 Article 30 : « L’État respecte et protège la vie humaine qui est inviolable. » L’article 58(5) dispose :
« La déclaration de l’état de guerre, de l’état de siège ou de l’état d’urgence ne peut en aucun cas porter
atteinte […] c) au droit à la vie, à l’intégrité personnelle et à l’identité personnelle ». Article 59 : « Est
interdite la peine de mort ». Article 70(2) : « L’extradition de citoyens étrangers n’est pas accordée pour
des motifs politiques ou pour des actes passibles de condamnation à mort et lorsqu’il y a raison fondée
de croire que l’individu réclamé est susceptible d’être soumis à la torture, traitements inhumains, cruels
ou causant des blessures irréversibles à son intégrité physique, en vertu de la loi de l’État requérant ».
58 Voir, par exemple, les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les
responsables de l’application des lois adoptés par le huitième Congrès des Nations unies pour la
prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane, Cuba du 27 août au
7 septembre 1990, principes 9 à 14 ; Code de conduite pour les responsables de l’application des lois
adopté par l’Assemblée générale dans sa résolution 34/169 du 17 décembre 1979, article 3 et
commentaire.
59 L’article 11(1) du PIDESC reconnaît « […] le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour
elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants […] ». Le
Conseil des droits de l’homme de l’ONU adopte régulièrement des résolutions qui mentionnent les
termes « droit à la nourriture » et « droit à un logement convenable ». Le Comité des droits économiques,
sociaux et culturels [ONU] a adopté des observations générales sur les droits suivants : Observation
générale n° 12. Le droit à une nourriture suffisante (art. 11 du Pacte). Doc.ONU E/C.12/1999/5, 12 mai
1999, et Observation générale n° 4. Le droit à un logement suffisant (art. 11, § 1, du Pacte),
13 décembre 1991.
60 La Tunisie a été l’un des 122 pays qui ont voté, en juillet 2010, pour la résolution 64/292 de
l’Assemblée générale des Nations unies, qui « reconnaît que le droit à l’eau potable et à l’assainissement
est un droit de l’homme, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de
l’homme ». La Tunisie a également signé la Déclaration d’Abuja adoptée lors du premier Sommet Afrique
– Amérique du Sud à Abuja (Nigeria), en novembre 2006, par laquelle 65 États africains et sud-
américains ont pris l’engagement suivant : « Nous défendrons le droit de nos citoyens à l’accès à l’eau
propre et saine et à l’assainissement dans nos juridictions respectives. »
Bien que le PIDESC ne mentionne pas expressément l’eau et l’assainissement, l’organe officiel de suivi
du traité, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a affirmé que le droit à l’eau et à
l’assainissement était implicitement inclus dans l’article 11 du PIDESC qui reconnaît le droit de tout
individu à un niveau de vie suffisant. Ceci est lié au fait que le droit à l’eau et à l’assainissement est
essentiel à la survie et à la dignité. Voir l’Observation générale n° 15 du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels, Le droit à l’eau. Doc.ONU E/C.12/2002/11, 20 janvier 2003, et Déclaration sur le
droit à l’assainissement. Doc.ONU E/C.12/45/CRP.1, 19 novembre 2010. Le Conseil des droits de
l’homme s’est rangé à cette opinion. Le 30 septembre 2010, il a adopté par consensus la
résolution 15/9 qui « [a]ffirme que le droit fondamental à l’eau potable et à l’assainissement découle du
droit à un niveau de vie suffisant et qu’il est indissociable du droit au meilleur état de santé physique et
mentale susceptible d’être atteint, ainsi que du droit à la vie et à la dignité ».
61 La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a déclaré que l’effet combiné des
articles 14 (droit de propriété), 16 (droit à la santé) et 18 (droit à la protection de la famille) inclut dans
la Charte le droit à un abri ou un logement. The Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and
the Center for Economic and Social Rights c. Nigéria
, Communication (155/96 ACHPR/COMM/A044/1),
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garantissant le respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
décision rendue lors de la 30e session ordinaire qui s’est tenue à Banjul, Gambie, du 13 au 27 octobre
2001, § 60.
62 Dans l’affaire SERAC et CESR c. Nigéria, ibid., § 63-5, la Commission a fait observer que le droit à la
nourriture était implicite dans la Charte africaine sur la base de l’argument avancé par l’auteur de la
communication selon lequel ce droit était contenu dans le droit à la vie (art. 4), le droit à la santé
(art. 16) et le droit au développement économique, social et culturel (art. 22).
63 Adopté par l’Assemblée générale en sa résolution 48/134 du 20 décembre 1993. Voir également Le
document publié par Amnesty International le 1
er octobre 2001 et intitulé Garantir l’efficacité des
institutions nationales de défense des droits humains : Recommandations d’Amnesty International
(index
AI : IOR 40/007/2001) ; Haut-Commissariat aux droits de l’homme, National Human Rights Institutions:
History, Principles, Roles and Responsibilities, Série sur la formation professionnelle n° 4 (Rev. 1),
2010.
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Index : MDE 30/004/2012


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