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Le Droit Patrimonial de la Famille au Maghreb et en Europe
TUNISIE
DROIT PATRIMONIAL DE LA FAMILLE.
MARIAGE. REGIMES MATRIMONIAUX.
SUCCESSIONS ET LIBERALITES
Rachida JELASSI
Maître de conférences, Université de Tunis El Manar,
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis.
En droit tunisien, un mariage doit être valide pour
pouvoir engendrer des droits patrimoniaux. Aussi, nous
allons rendre compte très succinctement des règles de
formation du mariage pour aborder ensuite ses effets
matrimoniaux à l’égard des époux et des enfants.
I- LA FORMATION DU MARIAGE
Le mariage nécessite, pour sa validité, des conditions de
fonds et des conditions de forme.
A- Les conditions de fond
L’existence d’un consentement libre des deux époux, un
âge minimum, l’absence des empêchements perpétuels ou
temporaires et la fixation d’une dot, sont les conditions de
fond exigées par le législateur tunisien pour la validité du
mariage.
a) Consentement
« Le mariage n'est formé que par le consentement des
deux époux », dispose l’article 3 du CSP. Ce consentement
suffit sans nécessité de recueillir celui des parents si les
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deux époux sont majeurs. Par contre, le mariage du mineur
est subordonné au consentement de son tuteur et de sa
mère. En cas de refus du tuteur ou de la mère et de
persistance du mineur, le juge est saisi. L'ordonnance
autorisant le mariage n'est susceptible d'aucun recours. Le
mariage du prodigue n'est valable qu'après consentement
du curateur. Ce dernier peut, avant la consommation du
mariage, en demander l'annulation au juge.
Le droit tunisien permet qu’un des futurs époux donne
mandat à une tierce personne pour le représenter dans la
cérémonie du mariage (Art. 9 CSP). La procuration doit, à
peine de nullité, être établie par acte authentique et doit
comporter expressément la désignation des deux futurs
conjoints (Art. 10 CSP).
Il est à remarquer que le consentement au mariage se
compose de l’offre et de l’acceptation. Pour être valable, il
faut que le consentement soit prononcé en vue de la
conclusion immédiate du mariage. Ainsi, les fiançailles ne
constituent pas mariage et chacun des fiancés peut, sans
donner des raisons, refuser de conclure le mariage : « La
promesse de mariage et l'échange de promesses ne
constituent pas mariage et le juge ne pourra pas en
imposer l'exécution aux parties » (Art. 1
er CSP).
b) L’Age minimum
Depuis la loi n° 2007-32 du 14 mai 2007, l’âge
minimum du mariage est le même que celui de la
majorité : 18 ans. Au-dessous de cet âge, le mariage ne
peut être contracté qu'en vertu d'une autorisation spéciale
du juge qui ne l'accordera que pour des motifs graves et
dans l'intérêt bien compris des deux futurs époux.
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c) L’absence d’empêchement
Certains empêchement sont perpétuels, d’autres sont
provisoires.
(i) Les empêchements perpétuels : Ils ont pour objectif de
prohiber le mariage entre un homme et une femme liés par
un degré de parenté très proche. Trois genres de parenté
constituent des empêchements perpétuels au mariage. Il
s’agit en 1
er lieu de la parenté par le sang qui interdit à
l’homme de se marier avec sa mère et ses ascendantes, sa
fille et ses ascendantes directes, les descendantes des
grands-parents au premier degré, c’est-à-dire, les tantes
maternelles et paternelles, mais les filles de la tante
maternelle ou paternelle ne sont pas interdites à l’homme.
De même, les filles de l’oncle maternel ou paternel ne sont
pas interdites.

Il importe de signaler qu’en vertu de la loi n° 58-27 du 4
mars 1958 relative à l’adoption, et du fait que « l’adopté a
les mêmes droits et les mêmes obligations que les enfants
légitimes », il est tenu des mêmes empêchements dues à la
consanguinité et à l’alliance envers ses parents adoptifs.
En outre, si les parents naturels de l’adopté sont connus,
les mêmes empêchements au mariage subsistent envers les
parents naturels.
Il s’agit en 2
ème lieu de la parenté par alliance. Ainsi,
les personnes suivantes sont interdites à l’homme : les
épouses des ascendants à
les épouses des
descendants, les ascendantes de sa femme s’il y a eu
consommation du mariage avec sa femme.
l’infini,
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le
tunisien
législateur
Il s’agit enfin de la parenté de lait. Consécutive à
l’allaitement, elle est propre au droit musulman.
Aux termes de l’article 17 du CSP, l'allaitement entraîne
les mêmes empêchements que la parenté et l'alliance.
Néanmoins, seul l'enfant allaité, à l'exclusion de ses frères
et sœurs, est considéré comme l'enfant delà nourrice et de
son époux. L’article 17 CSP ajoute que L'allaitement ne
prohibe le mariage que lorsqu'il a lieu au cours des deux
premières années de la vie du nourrisson.
A ces empêchements perpétuels classiques s’ajoute un
autre : celui du triple divorce. Empêchement temporaire
en doit musulman en cas de divorces intervenus trois fois
l’a érigé en un
successives,
empêchement temporaire, que les divorces aient été
successifs ou pas (Art. 19 CSP).

empêchements provisoires, il s’agit
(ii) Quant aux
essentiellement de
la non-dissolution d’un mariage
précédent. Cette condition est la même qu’il s’agisse de
l’homme ou de la femme et ce, en raison de l’interdiction
de la polygamie depuis 1956. En effet, il faut que l’ancien
lien du mariage avec soit dissout pour que l’on puisse se
marier à nouveau.
Le législateur tunisien a utilisé toute une gamme de
sanctions pour rendre la prohibition de la polygamie
effective. Une peine d’emprisonnement d’un an et une
amende sont prévues pour celui qui s’étant engagé dans les
liens d’un mariage, aurait contracté un autre avant la
dissolution du précédent, « et cela même si le nouveau
mariage n’a pas été contracté conformément à la loi ». La
même peine est prévue pour le conjoint qui sciemment
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contracte un mariage avec une personne tombant sous les
coups des dispositions relatives à l’interdiction de la
polygamie.
En plus de la sanction pénale, le mariage conclu
contrairement à la prohibition de la polygamie est frappé
de nullité. Le juge pénal statuera « par un seul et même
jugement sur l’infraction et la nullité du mariage ».
Quant à l’empêchement temporaire consistant en la
diversité de culte, il ne figure pas dans le code du statut
personnel. Toutefois, par une interprétation abusive de
l’article 5 CSP, la jurisprudence tunisienne est arrivée à la
même conclusion que le droit musulman classique : s’il est
loisible à l’homme musulman d’épouser une chrétienne ou
une juive, il est interdit à la femme musulmane d’épouser
un non-musulman. En plus, le ministre de la justice a ,
depuis 1973, interdit, par circulaire aux notaires et aux
officiers de l’Etat civil, de célébrer le mariage d’une
musulmane avec un non-musulman.
Le dernier empêchement temporaire au mariage consiste
en un délai, celui de la viduité. En effet, la femme
divorcée ou veuve ne peut, avant l'expiration d’un certain
délai, contracter mariage qu'avec son ancien époux. Tirant
sa source du Coran, l’article 35 CSP dispose que
« la
femme divorcée non enceinte observera un délai de viduité
de trois mois accomplis.
Pour la veuve, il 'est de quatre
mois et dix jours accomplis. Le délai de viduité de la
femme
enceinte prend fin avec l'accouchement ».
d) La constitution de la dot
Il s’agit du mahr qui est une somme d’argent à payer à
l’épouse avant le mariage. Conforme en cela au rite
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la
femme aura
malékite, le législateur tunisien considère que le paiement
du
mahr ou de la dot de la femme est une condition de
validité du mariage. En conséquence, « n’est pas permis
l’accord qui la supprimerait ». Toutefois, et même si les
époux doivent déclarer le montant de la dot, il s’est
instaurée une coutume qui se contente d’un montant
dérisoire (un dinar, ensuite 20 ou 50 dinars) en tant que
dot et ce pour éviter les abus et les exagérations
susceptibles de ruiner les prétendants au mariage. Il est à
remarquer que si la doctrine malékite rend le mariage sans
dot nul, cette nullité est couverte par la consommation du
mariage, et
le droit à une dot
d’équivalence :« Le mari ne peut, s'il n'a pas acquitté la
dot, contraindre la femme à la consommation du mariage.
Après la consommation du mariage, la femme, créancière
de sa dot, ne peut qu'en réclamer le paiement. Le défaut de
paiement par
le mari ne constitue pas un cas de
divorce »(Art. 13 CSP) .
B- Les conditions de forme
Le mariage est un contrat solennel qui nécessite des
formalités assez précises. La première, classique, consiste

en la présence de deux témoins dits « honorables ». La
seconde est l’exigence, sous peine de nullité, d’un acte
authentique dans les conditions fixées par une loi du 1er
aout 1957 relative à l’état civil. Ainsi, l’acte de mariage
est-il nécessairement conclu par devant deux notaires ou
devant l’officier de l’état civil. En ce qui concerne le
mariage des Tunisiens à l’étranger, il est célébré devant les
agents diplomatiques ou consulaires de Tunisie ou selon la
loi locale.
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A cela s’ajoute
la nécessité d’un examen médical
prénuptial. En effet, en vertu de la loi 3 novembre 1964
portant
institution d’un certificat médical prénuptial,
l’officier de l’état civil, ou les notaires, ne peuvent
procéder à la célébration du mariage qu’après la remise,
par chacun des futurs époux d’un certificat médical
attestant, à l’exclusion de toute indication, que l’intéressé
à été examiné en vue du mariage.
Il importe de noter qu’aux termes de l’article 7 de la loi
n° 98-94 du 9 novembre 1998 « l’officier public chargé
de la rédaction du contrat de mariage doit rappeler aux
deux parties les dispositions des articles 1 et 2 de cette loi
Ces
et mentionner leur réponse dans le contrat».
dispositions sont relatives au choix du régime des biens
entre les époux.
(Voir infra).
Pièces à fournir pour la conclusion du mariage
(cid:0) Extrait de naissance de chacun des deux conjoints
(cid:0) Certificat médical prénuptial.
(cid:0) Photocopie de la carte d'identité nationale ou du passeport des deux conjoints.
(cid:0) Autorisation du tribunal pour ceux qui n'ont pas atteint l'âge légal.
(cid:0) Accord écrit du tuteur par acte authentique s'il n'assiste pas à la conclusion du
mariage, et ce aussi bien pour l'homme que pour la femme qui n'a pas atteint la
majorité.
(cid:0) Extrait de l'acte de décès du mari ou de la femme pour les veufs et les veuves,
expédition du jugement de divorce pour les divorces.
(cid:0) Autorisation administrative pour ceux qui sont des forces de sécurité
intérieure, soumis à une autorisation préalable de mariage tels que les agents
actifs, de la douane et de l'armée nationale.
(cid:0) Attestation du consulat ou de l'ambassade attestant la possibilité de contracter
le mariage pour les étrangers.
(cid:0) Attestation de conversion à l'Islam pour les non musulmans qui souhaitent se
marier avec une tunisienne musulmane.
(cid:0) Présentation de la carte d'identité pour chacun des deux témoins qui doivent
répondre aux conditions légales requises.
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II- LE DROIT PATRIMONIAL DE LA FAMILLE
Parmi les effets patrimoniaux du mariage, figurent
essentiellement le droit à la pension alimentaire et la
vocation successorale. Néanmoins, ces deux dernières
décennies ont vu la promulgation de règles spéciale au
régime facultatif de la communauté des biens entre époux
ainsi que certaines règles fiscales particulières au régime
des libéralités.
A- L’obligation d’entretien
Le législateur impose au mari, en tant que chef de famille,
le devoir d’entretenir son épouse même si elle est fortunée
ainsi que ses enfants jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de la
majorité ou, au-delà de cette majorité, jusqu'à la fin de
leurs études, à condition qu'ils ne dépassent pas l'âge de 25
ans. La fille continue à avoir droit aux aliments tant qu'elle
ne dispose pas de ressources ou qu'elle n'est pas à la
charge du mari. Les aliments continuent également à être
servis aux enfants handicapés incapables de gagner leur
vie, sans égard à leur âge (Art. 46 CSP). L’entretien légal
consiste dans la fourniture de la nourriture, l’habillement
et le logement, et cela dans la mesure de la fortune du mari
et des besoins de la femme. Le délit pénal d’abandon de
famille sanctionne ce devoir.
La législation tunisienne se singularise toutefois par
l’obligation faite à la femme de contribuer aux charges
du ménage si elle a des biens (Art. 23 CSP).
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B- La vocation successorale
Le mariage crée une vocation successorale entre le mari
et son épouse. Le conjoint survivant aura une part dans la
succession du prémourant en pleine propriété. Ainsi le
mari survivant aura le quart dans la succession de sa
femme si elle a laissé des descendants. Dans le cas où la
femme n’a pas de descendant, le mari aura droit à la
moitié de la succession. L’épouse a le quart de la
succession de son mari s’il ne laisse pas de descendant.
Elle aura uniquement le huitième de la succession en
présence des descendants du mari.
S’agissant de l’empêchement successoral en raison de la
diversité du culte entre les époux, il a fait couler beaucoup
d’encre. En effet, passé sous silence par le législateur, il
fait l’objet de deux courants jurisprudentiels qui coexistent
depuis presque soixante ans. Pour l’un si la femme n’est
pas de la même confession que le mari, il n’y a pas de
vocation successorale. Pour l’autre, la disparité du culte
n’est pas un cas d’empêchement successoral. Pour cette
raison, certains époux prévoyants opèrent un legs ou une
donation en faveur de leur épouse non-musulmane et ce
dans la limite du tiers de la succession. Il est à remarquer
que si la femme est musulmane, le mari ne pourrait faire
un pareil testament parce que la règle malékite prorogée
par le CSP interdit de disposer par testament en faveur
d’un héritier aux dépens des autres.
Le code du statut personnel n’a pas trop innové en
matière des successions, par rapport au droit musulman.
Ainsi, la fille continue à hériter la moitié de la part de son
frère …. Néanmoins, le législateur a introduit deux
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modifications de taille par rapport au droit malékite
classique
En vertu de l’article 143 bis ajouté par la loi n° 59-77 du
19 juin1959, « en l'absence d'héritiers agnats (Aceb), et
chaque fois que la succession n'est pas entièrement
absorbée par les héritiers réservataires (Fardh), le reste
fait retour à ces derniers et est réparti entre eux
proportionnellement à leurs quotes-parts. La fille ou les
filles, la petite-fille de la lignée paternelle à l'infini
bénéficient du retour du surplus, même en présence
d'héritiers "Acebs" par eux-mêmes, de la catégorie des
frères, des oncles paternels et leurs descendants, ainsi
que du trésor ». En d’autres termes, au cas où le père ou
la mère meurent en laissant uniquement des filles, les
oncles et les cousins n’entrent pas en concurrence avec
elles et elles peuvent hériter la totalité des biens laissés
en héritage alors qu’elles n’ont droit, selon le droit
musulman, qu’à la moitié.
Selon la majorité des rites de droit musulman, les petits
enfants n’héritent pas si leur père ou leur mère meurent
avant leurs aïeuls. Injuste envers les petits enfants, cette
interdiction a été contournée par la loi du 19 juin1959 aux
termes de laquelle « les enfants, garçons ou filles, d'une
personne qui décède avant ou en même temps que leur
aïeul, bénéficient d'un legs obligatoire équivalent à la part
successorale qu'aurait recueillie leur père ou leur mère s'ils
étaient restés vivants, sans que cette part puisse dépasser le
tiers de l'actif successoral... ».
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S’agissant de la dévolution de la succession, la règle est
que la succession s'ouvre par la mort de l'auteur, même si
celle- ci est constatée judiciairement et par l'existence
réelle de l'héritier après la mort dudit auteur.
Il n’en va pas de même de la liquidation de la succession
puisque les charges la grevant seront payées par ordre de
priorité ainsi qu'il suit :
a) les charges supportées par les biens réels composant la
succession;
b) les frais de funérailles et d'inhumation;
c) les créances certaines à la charge du défunt;
d) les legs valables et exécutoires;
e) l'hérédité
En cas d'absence d'héritier, la succession ou ce qu'il en
reste est recueillie par le trésor. (Art. 85 et 87 CSP).
C – Les libéralités entre époux
a- La donation :
Il n’existe pas d’incompatibilité en droit tunisien entre
la qualité d’héritier et celle de donataire. En effet, si la
délivrance de l’objet du don s’effectue avant le décès des
deux parties, ils sont réputés sortis du patrimoine du
donateur : il n’ya pas de report des libéralités.
les
Nonobstant
donations faites au conjoint, pendant le mariage, ne sont
pas menacées par le risque de révocabilité. En effet,
l’article 210 CSP ne prévoit que trois cas où le donateur
peut demander au juge de prononcer la révocation. Le
premier cas consiste dans l’hypothèse où le donateur se
la consommation du mariage,
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trouve réduit à un état de pauvreté tel qu'il ne peut plus
subvenir à son propre entretien selon sa condition
le
sociale.
A cette hypothèse est assimilé celle où
donateur se trouve tenu de faire face aux obligations
alimentaires dont il est légalement tenu. La révocation est
également possible s'il nait un enfant au donateur après
la donation. L'enfant doit être toujours en vie au moment
de la révocation. Enfin, le donateur peut demander la
révocation en cas d’ingratitude de la part du donataire.

Hormis ces cas, l’article 209
CSP frappe de nullité toute
faculté de révoquer sa libéralité que le donateur s’est
réservé dans l’acte de donation.
Il importe également de noter que le droit tunisien ne
limite pas la faculté de donner au conjoint par une quote-
les ayants cause
part disponible. Par conséquent,
universels n’ont aucun droit sur les biens donnés au
conjoint par leur auteur quel qu’en soit l’étendue.
les règles de dévolution de
b- Le testament :
En droit tunisien,
la
succession sont impératives et la volonté du de cujus ne
peut y déroger ou en modifier le régime. En effet, aux
termes de l’article 179 CSP, on ne peut disposer par voie
testamentaire de plus du tiers de la succession. En outre,
il est interdit d’avantager un héritier au détriment des
autres.
Le livre XI du Code du statut personnel relatif au
testament est dominé par l’article 171 qui définit le
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testament comme « l'acte par lequel une personne
transfère à titre gratuit pour le temps où elle n'existera
plus tout ou partie de ses biens en pleine propriété ou en
usufruit ». La validité du testament ainsi défini est
soumise à quatre conditions : Pour respecter le principe
d’immutabilité des règles successorales, issu du droit
musulman, le légataire ne doit ni venir en tant qu'héritier
à la succession du testateur, ni se trouver dans un cas
d'indignité. La prohibition n'est toutefois pas absolue,
puisque le legs fait au profit d'un héritier peut s'exécuter
lorsque les cohéritiers y consentent après le décès du de
cujus.

Par ailleurs, et contrairement aux successions,
la
disparité du culte n'est pas en matière de testament, une
cause d'incapacité. Pour être valable, le testament doit
prendre soit la forme d’un acte authentique soit celle
d’un acte écrit, daté et signé du testateur.
Le refus du legs par le bénéficiaire doit intervenir après
le décès du testateur et au plus tard deux mois après la
dénonciation du testament au légataire. Son silence
pendant ce délai vaut acceptation. Le testament n'est
valable que dans la limite du tiers du patrimoine du de
cujus ; il s'agit en réalité du tiers de l'actif successoral.
Cette proportion ne varie pas en fonction des héritiers du
de cujus. Le principe que le testament n'est valable que
dans la limite du tiers du patrimoine ne joue pas si le
testateur ne laisse aucun héritier. Il peut, dans ce cas,
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Le Droit Patrimonial de la Famille au Maghreb et en Europe
léguer la totalité de son patrimoine nonobstant les droits
successoraux du trésor.
Il importe de noter que le legs fait en faveur d'une autre
personne qu'un héritier et qui n'excède pas le tiers de
l'actif successoral s'exécute sans le consentement des
héritiers.
D- Les régimes matrimoniaux
S’agissant des règles destinées à organiser les rapports
des époux entre eux et avec les tiers sur le plan
patrimonial, le droit tunisien est articulé autour de deux
régimes: un régime légal de principe et un régime légal
facultatif.
a- Le régime légal de principe
Antérieurement à la loi n° 98-91 du 9 novembre 1998, le
droit tunisien consacrait exclusivement le régime de la
séparation des biens entre les époux. D’ailleurs, l’article
24 CSP selon lequel «le mari ne dispose d'aucun pouvoir
d'administration sur les biens propres de sa femme » fait
partie des articles qui doivent être lus aux deux époux par
l’officier de l’état civil lors de la célébration du mariage.
Dans ce régime, les époux sont libres de gérer leurs
biens comme ils l’entendent. Il existe donc deux masses
de biens distinctes : le patrimoine propre à la femme et le
patrimoine propre au mari. Il n’existe pas de patrimoine
commun au couple. La règle étant «à chacun ses biens »,
il n’y a pas de communauté ni d’actif commun mais deux
indépendants correspondant aux biens
patrimoines
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personnels de chaque époux, sauf en cas d’indivision. En
conséquence, chaque conjoint est propriétaire exclusif
des salaires et gains de son travail et des revenus de ses
biens.
Quant aux biens achetés ensemble, ils ne seront pas
communs au couple mais plutôt soumis aux règles de
l’indivision. Chaque conjoint est donc copropriétaire du
bien en fonction de sa quote-part, proportionnellement à
son apport. De plus, les sommes figurant sur un compte
bancaire joint sont présumées appartenir pour moitié aux
deux époux, même s’il est alimenté par l’un d’entre eux
seulement.
b- Le régime facultatif de la communauté des biens
Au régime historique de la séparation des biens a été
ajouté, par la loi
n° 98-94 du 9 novembre 1998, un «
régime
facultatif pour lequel les époux peuvent opter au
moment de la conclusion du contrat de mariage
ou à une
date ultérieure. » Il a pour but « de rendre un immeuble
ou un ensemble d’immeubles propriété indivise entre les
époux lorsqu’ils sont propres à
l’usage familial ».
De façon pratique, l’ « officier public » doit poser aux
futurs époux au moment du mariage la question du choix
entre le régime de la séparation des biens et celui de la
communauté et mentionner leur réponse dans le contrat.
Si
la date du
intervient postérieurement à
mariage (sont concernés essentiellement les personnes
l’accord
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Le Droit Patrimonial de la Famille au Maghreb et en Europe
la conclusion de
mariées avant la loi de 1998), il doit être conclu devant un
notaire et enregistré ensuite à l’état civil.
Toutefois, il importe de souligner que le régime de la
communauté instauré par la loi du 9 novembre 1998 a
une étendue assez réduite. En effet, ne sont considérés
comme
biens communs que « les immeubles acquis après
le mariage ou après
l’acte de
communauté », et à condition qu’ils soient destinés
à «
l’usage familial ». En conséquence, ne sont pas
considérés comme tels
« les immeubles affectés à un
usage purement professionnel». En outre, les biens, même
la
immeubles et même à usage familial mais dont
propriété a été transférée à l’un des époux par voie
de
succession, donation, ou de legs
, ne font pas faire partie
des biens communs.

convenir
Toutefois,
les
de l’élargissement du domaine de
la communauté à
condition d’en faire mention expresse dans l’acte
». Dans
le cas d’un accord sur la communauté des biens conclu
postérieurement à l’acte de mariage, « les époux peuvent,
par stipulation expresse dans l’acte, englober dans la
communauté les immeubles acquis
à partir de la date de
la conclusion du mariage
». Dans tous les cas, l’accord
peut porter
« sur tous leurs immeubles y compris ceux
acquis avant
le mariage et ceux provenant d’une
donation, d’une succession ou d’un legs».
Echaudé par la jurisprudence passée, le législateur est
clair : la
nationalité étrangère de l’un des conjoints n’est
peuvent «
époux
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pas un empêchement à l’application du régime de la
communauté. Ainsi, la loi permet d’enregistrer à la
indivises
des
conservation
d’immeubles servant à l’usage familial sans qu’il soit
besoin de l’autorisation du gouverneur
.
propriétés
foncière
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