Page 1
Page 2
Guide de droit international privé
des successions
DAN ANDREI POPESCU
Maître de conférences
With financial support from the "CIVIL JUSTICE"
Programme of the European Union

























Page 3
© Ministère de la Justice, 2014
Le Guide a été élaboré dans le cadre du projet « Améliorer la coopération entre les juges et les
notaires en matière civile à caractère transfrontalier », mis en œuvre par le Ministère de la
Justice en partenariat avec l’Union nationale des notaires de Roumanie, la Fondation allemande
pour la coopération juridique internationale, le Conseil des Notariats de l’Union européenne et
le Conseil national du notariat italien.
Auteur: Dan Andrei Popescu, Maître de conférences, Université ''Babeş-Bolyai'', Cluj-Napoca;
Editions Magic Print Onești
Maison d’édition reconnue par le Conseil national de la recherche scientifique dans
l’enseignement supérieur (CNCSIS) – Code 345, organe consultatif du Ministère de l’Education
nationale
Description CIP de la Bibliothèque nationale de Roumanie
POPESCU, DAN ANDREI
Guide de droit international privé des successions
/ Dan Andrei Popescu, Maître de
conférences; trad.: Loredana Vlăsceanu - Oneşti: Magic Print, 2014
ISBN 978-606-622-151-1
I. Vlăsceanu, Loredana (trad.)
347.65
Toute reproduction intégrale ou partielle, quels qu’en soient la forme et les moyens techniques,
est strictement interdite et sera punie selon la loi.
La responsabilité pour le contenu et l’originalité du texte incombe exclusivement à l’auteur / aux
auteurs.




























Page 4
TABLE DES MATIERES
JURIDICTIONNELLES EN DROIT
THEMATIQUE
INTERNATIONAL PRIVE ET LES NORMES REGISSANT LES CONFLITS DE LOIS
EN MATIERE DE SUCCESSION
....................................................................................... 5
– COMPETENCES
1
Chapitre I. Introduction ..................................................................................................... 5
§ 1. Notions préliminaires ............................................................................................... 5
§ 2. Diversité des systèmes successoraux européens ....................................................... 6
§ 3. Unification des normes de conflit en matière successorale au niveau européen ...... 8
§ 4. Champ d'application du Règlement ......................................................................... 9
Chapitre II. Aspects théoriques portant sur la compétence juridictionnelle de droit
international privé en matière de succession
.................................................................... 31
§ 1. Compétence générale des juridictions des États membres ....................................... 31
§ 2. Compétences subsidiaires ........................................................................................ 37
§ 3. Forum necessitatis .................................................................................................. 39
Chapitre III. Aspects théoriques portant sur les normes régissant les conflits de lois en
matière de succession. Les principes du Règlement
......................................................... 41
§ 1. Principe de l'unité de la succession ......................................................................... 41
§ 2. Principe de proximité ............................................................................................... 44
§ 3. Principe de la prédictibilité
...................................................................................... 47
§ 4. Principe de la volonté du testateur
........................................................................... 48
§ 5. Principe de la solennité et des formes
...................................................................... 49
§ 6. Principe de la compétition entre les systèmes successoraux européens
................... 51
Chapitre IV. Aspects théoriques portant sur les renseignements en droit étranger à
obtenir du Réseau notarial européen et du Réseau judiciaire européen en matière civile
et commerciale
.................................................................................................................. 53
§1. Un réseau notarial pour la pratique juridique européenne ...................................... 53
§2. Missions et activités .................................................................................................. 53
§3. Liens entre le Réseau notarial européen et le Réseau judiciaire européen .............. 55
§4. Le Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale ............................. 55
Chapitre V. Cas pratiques de détermination de la compétence internationale . ............. 57
§ 1. Cas pratiques pour les magistrats ........................................................................... 57
§ 2. Cas pratiques pour les notaires . .............................................................................. 74
Chapitre VI. Cas pratiques portant sur la détermination de la loi applicable ............... 76
3

















Page 5
THEMATIQUE 2 - LA PROCEDURE D’EXEQUATUR EN MATIERE
SUCCESSORALE
.............................................................................................................. 101
Chapitre I. Aspects théoriques portant sur la procédure d’exequatur en matière
successorale
..................................................................................................................... 101
§1. Effets des décisions étrangères en matière successorale ......................................... 101
§2. Décisions successorales prononcées dans d’autres États membres ........................ 101
§3. Reconnaissance (constatation de la capacité de la décision étrangère de produire un
effet normatif dans l’ordre juridique du for) ................................................................. 102
§4. Raisons du refus de reconnaissance ...................................................................... 103
§5. Exécution . ............................................................................................................... 104
Chapitre II. Aspects théoriques portant sur la procédure de délivrance du certificat
européen (uniforme) d’héritier
...................................................................................... 108
§1. Caractère optionnel ................................................................................................. 108
§2. Autorités compétentes ............................................................................................. 108
§3. Procédure . ............................................................................................................... 109
§4. Délivrance. Modification. Révocation ..................................................................... 109
§5. Contenu . ................................................................................................................. 110
§6. Effets . ...................................................................................................................... 111
Chapitre III. Cas pratiques portant sur la reconnaissance et l’exécution des décisions et
des actes authentiques étrangers
.................................................................................... 114
Chapitre IV. Cas pratiques portant sur le Certificat européen d’héritier ................... 133
4










Page 6
THEMATIQUE 1 – COMPETENCES JURIDICTIONNELLES EN
DROIT INTERNATIONAL PRIVE ET LES NORMES REGISSANT
LES CONFLITS DE LOIS EN MATIERE DE SUCCESSION.
I. Chapitre I. Introduction
§ 1. Notions préliminaires
Parler du droit des successions revient à l'envisager, dès le premier abord, en tant que
domaine juridique ancien, par conséquent profondément traditionnel. Il s'agit, de plus, d'une
permanente référence à la mort et à ses conséquences … Le droit des successions constitue la
partie la plus conservatrice du droit civil aussi bien qu'une section qui reflète à fond et rassemble
les traditions et les coutumes du pays dont elle sert le système juridique, voire le caractère et la
''façon d'être'' de sa nation d'origine … Peut-être en est-il ainsi en vertu du fait qu'il présente la
famille de la manière la plus profonde possible. C'est le droit des successions qui nous indique
comment doit être la famille … Quoique le défunt (le testateur) soit la figure de premier plan,
ceux que vise en fait le droit successoral sont, en règle générale, les successeurs du défunt, sa
propre famille. Il n'existe probablement pas un meilleur moment pour découvrir la famille du
défunt que l'ouverture de la succession qui fait place non seulement au regret et à la souffrance
mais aussi bien à la solidarité familiale et à la compassion. C'est précisément cet instant que
révèle la manière dont le défunt a vécu sa vie, la nature et l'intensité des liens unissant tous les
membres de sa famille. Le moment sacré du décès recouvre des significations particulières – il
marque la fin en même temps qu'un nouveau début pour le testateur, également pour ceux
demeurés (encore)
in hac lacrimarum valle/dans cette vallée de larmes, dans cet univers ''du
brouillard, des ombres et des ténèbres'' (
Sainte Thérèse de Lisieux).
Le droit successoral ne se réduit donc pas à une série de dispositions techniques,
''comptables'', visant à partager un patrimoine qui risque de demeurer non revendiqué. Par
contre, ses principes, destinés à fixer les règles des procédures de dévolution, de transfert et de
partage de l'héritage, légitiment la descendance du défunt. Sa préoccupation visible pour la
sauvegarde et le caractère harmonieux de sa succession le conduit à une définition des notions
de discernement et d'éthique s'appliquant au cadre familial. Le droit successoral, ainsi que nous
le constatons, est étroitement lié à l'idée de raisonnement et de conscience, ces notions
s'appliquant à la fois au testateur et aux membres de sa famille. Il faut remarquer, cependant,
que le raisonnement et la conscience constituent des principes qui connaissent une évolution
temporelle et ne peuvent être dissociés de l'esprit de l'époque où l’ouverture de la succession
survient.

L'Europe ne connaît pas un régime successoral unique. Chaque État membre se sert de sa
propre codification en matière successorale,
qui reflète le spécifique des traditions et les
particularités des évolutions historiques nationales.
5













Page 7
§ 2. Diversité des systèmes successoraux européens
La succession suppose un équilibre entre la volonté de celui qui planifie, à l'avance, le
transfert du patrimoine (
der sich sein Erbschaft geplant) et celui qui ''l'attend''/ceux qui
''l'attendent'' (
der ein Erbschaft erwarten). Le transfert successoral concerne également les
créanciers de la succession (
die Erbschaftsgläubiger der gegen die Erbe Ansprüche aufrufen).
Les liens unissant ces trois catégories de parties concernées sont réglementés de manière
différente dans les législations successorales des États, qui favorisent soit l'intérêt de la partie
qui planifie sa succession soit ''un certain équilibre'', en soumettant la liberté de disposer du
testateur à certaines restrictions afin de protéger les membres proches de sa famille (les
réservataires). Du point de vue de la position des créanciers de la succession, qui connaît, à son
tour, des variations, les systèmes juridiques d'influence anglo-saxonne favorisent la liquidation
préalable du passif successoral et le recouvrement des dettes successorales détenues par les
créanciers, en évitant ainsi leur "dispersion" par le transfert aux héritiers.
La matière des successions se soumet par conséquent à des réglementations des plus
variées dans les législations des États
1. Les principales différences constatées portent sur la
modalité de constituer les ordres d'héritiers, la détermination de l'étendue des parts successorales
revenant aux héritiers légaux, la position du conjoint survivant, l'existence, la nature et l'étendue
de la réserve, les personnes figurant comme des héritiers réservataires, respectivement l'étendue
de l'obligation des héritiers de supporter le passif successoral. D'autre part, ces différences
peuvent aussi bien se retrouver au niveau de la modalité et du moment du transfert du
patrimoine successoral
2, des conditions, des formes et des effets des dispositions à cause de
International Encyclopedia of Laws, 1997
1 Pour une présentation des principales différences de réglementations, voir Alain Verbeke, Yves-Henri Leleu,
Harmonization of the Law of Succession in Europe, dans Towards a European Civil Code, second revised and
expanded edition
(coord. A. Hartkamp, M. Hesselink, E. Hondius, C. Joustra, E. du Perron), Ars Aequi Libri –
Nijmegen, Kluwer Law International – La Haye/Londres/Boston, 1998, p. 173-188 (chap.11); Y.-H. Leleu,
La
transmission de la succession en droit comparé,
Anvers/Bruxelles, Maklu/Bruylant, 1996, nº 154, p. 491, nº 864,
p. 500; Louis Garb,
International Succession, Union internationale de notariat latin, 1998; Family and Succession
(en deux volumes);
Law édité par Walter Pintens,
Ferid/Firsching/Lichtenberger,
Internationales Erbrecht, 4ème édition, C. H. Beck, 1993; Flick/Piltz, Der
Internationale Erbfall. (Erbrecht. InternationalesPrivatrecht. Erbschaftsteuerrecht),
C. H. Beck, Munich, 1999;
Zillmann,
Die Haftung der Erben im internationalen Erbrecht, 1998; M. Goré, L’administration des successions
en droit international privé français,
Economica, Paris, 1994; F. Boulanger, Les successions internationales,
Problèmes contemporains,
Paris, 1981; Héron, Le morcellement des successions internationales, Paris, 1986.
Voir aussi C. Toader,
Armonizarea dreptului succesoral în Europa, dans “Juridica” nr. 4/2000, p. 136 et la suite,
article inspiré en grande mesure d’Alain Verbeke, Yves-Henri Leleu,
Harmonization of the Law of Succession in
Europe,
în Towards a European Civil Code, second revised and expanded edition (coord. A. Hartkamp, M.
Hesselink, E. Hondius, C. Joustra, E. du Perron), Ars Aequi Libri – Nijmegen, Kluwer Law International – La
Haye/Londres/Boston, 1998, p. 173-188 (chap. 11).
2 Sans entrer en détails, nous mentionnons que, de ce point de vue, dans la littérature de spécialité, les systèmes
successoraux ont été divisés en trois catégories: a)
le système de la transmission directe et immédiate, par effet de la
loi, du patrimoine successoral.
Ce système est consacré dans notre pays, mais aussi dans des pays tels que la
France, la Belgique, l’Allemagne, la Grèce, les Pays Bas, la Suisse. Le patrimoine successoral est transmis aux
héritiers dès le moment du décès du
de cujus, sans qu’une initiative de leur part soit nécessaire. Comme on l’a dit,
“Le mort saisit le vif son hoir le plus proche habile à lui succéder” (A. Verbeke, Y.-H. Leleu, op. cit., p.177).
L’acceptation de l’héritage a seulement le rôle de confirmer la transmission successorale qui a déjà eu lieu. Le
système se caractérise principalement par la responsabilité illimitée des héritiers qui répondent
ultra vires
hereditatis. La responsabilité est rencontrée normalement dans le cas des successeurs incapables ou dans le cas de
l’acceptation de l’héritage sous bénéfice d’inventaire.
Par exception, le système successoral allemand consacre la
responsabilité limitée des héritiers (
intra vires hereditatis), en poursuivant leur protection; b) le système de la
transmission directe mais ajournée du patrimoine successoral.
Ce système - spécifique à l’Autriche - se caractérise
par le fait que, même si la transmission du patrimoine successoral opère directement chez les héritiers, le moment
de la transmission ne coïncide pas avec celui de l’ouverture de la succession (la date de la mort du
de cujus), mais il
est ultérieur, à l’initiative de l’héritier, ayant la signification de l’acceptation de l’héritage (
aditio hereditatis). En
plus, pour que la transmission de la succession opère, une ordonnance du tribunal est nécessaire (Einantwortung), la
date de la décision du tribunal étant la date de la transmission de la masse successorale. Bien évidemment, dans ce
6



Page 8
mort, de la détermination de la nature du droit de l'État sur la succession vacante et ainsi de
suite.
Contrairement à d'autres institutions de droit privé, la matière des successions a été
abandonnée aux soins du législateur national. Les différences du point de vue des approches
relatives aux normes conflictuelles destinées à la localisation des successions internationales ne
sont point à négliger. Nous rencontrons par la suite des systèmes juridiques qui, vu la nature de
la succession, favorisent son uniformité, en la soumettant à une loi unique, que ce soit la loi
nationale du testateur au moment du décès (§28 de la loi fédérale autrichienne relative au droit
international privé du 15 juin 1978, IPR-Gesetz; article 25 de la Loi introductive au Code civil
allemand/EGBGB; article 46 de la loi italienne nº 218 du 31 mai 1995 relative à la réforme du
système italien de droit international privé; article 64 (2) de la nouvelle loi polonaise relative au
droit international privé du 4 février 2011; article 28 du Code civil grec du 15 mars 1940; article
9, considérant 8 du titre préliminaire du Code civil espagnol de 1889 et ainsi de suite) ou la loi
de son dernier domicile
3 ou de sa dernière résidence habituelle4. D'autre part, l'existence de
systèmes scissionnistes, influencés notamment par l'ancienne théorie statutaire, est indéniable.
Ceux-ci divisent la succession en fonction de la nature des biens (mobiliers ou immobiliers)
composant la masse successorale, ce qui rend visibles les distinctions entre la loi applicable à la
succession dans le cas de la masse mobilière, régie par une loi unique et les biens immobiliers se
système la saisine ne joue aucun rôle. Même s’il présente l’avantage du caractère contrôlé et ordonné de la
transmission, ce système ne peut quand même pas expliquer le vide créé entre le moment de l’ouverture de la
succession et celui de sa transmission en tant qu’effet de l’ordonnance du tribunal (
hereditas jacens); le système de
la transmission indirecte et ajournée
est le troisième système, spécifique aux pays qui „ne se retrouvent pas dans la
classification de Gaius”, soit aux pays de la
common law. Dans ce système, le patrimoine successoral est transmis
temporairement à un „représentant personnel” (
personal representative); les héritiers et les légataires doivent
attendre jusqu’au moment de la liquidation du passif successoral, qui est une étape préalable et pas intégrée dans la
procédure successorale proprement dite, mais qui y sert. Par conséquent, à la date de l’ouverture de la succession
opère le premier transfert, vers le
personal representative, par l’intermédiaire d’une procédure judiciaire (probate
procedure
). La fonction de représentant personnel peut être remplie par l’exécuteur testamentaire établi ou, en
absence, par l’un des héritiers; dans les deux cas, c’est l’instance qui fait la désignation. Le représentant personnel
est un mandataire, un administrateur temporaire et ses prérogatives sont limitées dans le temps (la liquidation du
passif successoral) et du point de vue de la nature des opérations qui rentrent dans sa compétence (le règlement des
dettes de la succession).
Pendant cette période les héritiers et les légataires ont seulement la qualité de créditeurs de l’actif successoral net et,
dans cette qualité, ils peuvent introduire des actions contre l’exécuteur testamentaire ou contre l’administrateur de
la succession. Après avoir liquidé les dettes et établi l’actif net de l’héritage, opère le deuxième transfert successoral
- vers les héritiers légaux et vers les légataires. Il faut remarquer le fait que, dans ce système, l’objet de la
transmission successorale vers les héritiers est limité à l’actif successoral net et les dettes sont liquidées au cours de
l’étape antérieure. C’est la raison pour laquelle la responsabilité des héritiers ne peut être imaginée qu’en étant une
responsabilité strictement limitée (
Ibidem, p. 178).
3 Les articles 90 et 91 de la Loi fédérale suisse de droit international privé du 18 décembre 1987 différencient,
concernant la loi applicable à l’héritage, selon si le dernier domicile du défunt était ou non en Suisse. Dans le
premier cas, la succession sera gouvernée par le droit suisse, en permettant néanmoins à l’étranger à choisir la loi de
l’État dont il possède la nationalité, à condition qu’il possède cette nationalité au moment du décès aussi et qu’il
n’obtienne pas la nationalité suisse. Dans le deuxième cas, lorsque le dernier domicile du défunt est à l’étranger, la
succession sera gouvernée par le droit désigné par la norme de conflit appartenant à l’État où se trouvait le dernier
domicile du défunt. Pour plus de détails voir Honsell/Vogt/Schnyder/Berti (Hrsg.),
Internationales Privatrecht.
Basler Kommentar, 3ème édition, Helbing Lichtenhahn, 2013, p. 749-768; B. Dutoit, Droit international privé
suisse. Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987
, 4ème édition, Helbing Lichtenhahn, 2005, p. 299-307;
A. Bucher, A. Bonomi,
Droit international privé, 2ème édition, Helbing Lichtenhahn, 2004, p. 219-224.
4 Nous retrouvons dans cette catégorie généralement des législations plus nouvelles, influencées par la tendance
européenne dans la matière, telles que § 76 de la Loi tchèque de droit international privé, nº 91/2012 qui statue que
„les rapports successoraux sont gouvernés par la loi de l’état où le défunt avait la résidence habituelle au moment
du décès”. Pourtant, si le défunt possède la nationalité tchèque et au moins l’un de ses héritiers a la résidence
habituelle dans la République tchèque, sa succession sera gouvernée par le droit tchèque. Voir aussi l’art. 2633 du
nouveau Code civile roumain.
7


Page 9
soumettant, chacun, à la loi successorale en vigueur dans l'État membre sur le territoire duquel
ils se trouvent (
lex rei sitae)5.
§ 3. Unification des normes de conflit en matière successorale au niveau européen
Il aurait été impossible d’ignorer, en matière successorale, les difficultés liées aux
éléments d'extranéité dans les conditions de la création et du développement d'un espace de
liberté, de sécurité et de justice s'appuyant sur la libre circulation des personnes. Une plus
grande prédictibilité concernant, d'une part, le choix de la juridiction ou de l'autorité compétente
qui réglemente la succession et, d'autre part, la détermination de la loi applicable à la succession
de manière à fournir des instruments efficaces en vue de la planification de la succession s'avéra
tout à fait nécessaire.
Dans ce sens, le Conseil européen réuni à Bruxelles dès 4 et 5 novembre 2004 a adopté le
''Programme de La Haye'' relatif à la consolidation de la liberté, de la sécurité et de la justice au
sein de l'Union européenne, qui souligne la nécessité de l'adoption, au niveau européen, d'un
instrument unifiant les normes de conflits de lois en matière successorale, y compris les règles
de compétence internationale applicables, permettant ainsi la reconnaissance mutuelle et
l'exécution des décisions en matière successorale et la création d'un certificat successoral
européen. D'autre part, le Conseil européen réuni à Bruxelles le 10 et le 11 décembre 2009 a
adopté un nouveau programme multi-annuel dénommé le "
Programme de Stockholm – une
Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens
" qui constate la nécessité d'élargir la
portée du principe de la reconnaissance mutuelle à de nouveaux domaines,
inséparables de la vie
quotidienne, tels les testaments et les successions. Cela a permis de tracer la direction d'action
pour une réglementation future déjà planifiée, dans le dessein de sauver, d'une part, les traditions
et les coutumes nationales spécifiques et, d'autre part, d’offrir une plus grande prédictibilité aux
personnes souhaitant de planifier, bien à l'avance, le transfert successoral tout en éliminant les
distorsions dues à la méthode conflictuelle classique.
La Commission européenne a publié, à son tour, le 1er mars 2005, le Livre vert sur
les successions et les testaments
, qui inclut un questionnaire portant sur les principes et les
normes conflictuelles en matière successorale, y compris les règles de compétence applicables
en la matière à prendre en considération lors de l'adoption d'un futur instrument européen
dans ce domaine. Les réponses au questionnaire du Livre vert ont été publiées sur le site
de la Direction générale/DG Justice, Liberté et Sécurité de la Commission européenne
(http://ec.europa.eu/justice/index_en.htm#newsroom-tab).
En outre, à la demande de la Commission européenne – la Direction générale/DG Justice
et Affaires intérieures, l'Institut notarial allemand (
Deutsches Notarinstitut – DnotI), en
collaboration avec les Professeurs Heinrich Dörner (Université de Münster) et Paul Lagarde
(Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), a élaboré une ample analyse de droit comparé et de
droit international privé en matière successorale -
„Étude de droit comparé sur les règles de
conflits de juridictions et de conflits de lois relatives aux testaments et successions dans les
5 Édificateur dans ce sens est l’art. 3 du Code Napoléon; dans le droit français la succession mobilière est soumise à
la loi du dernier domicile du défunt et la dévolution et la transmission de biens immobiles à la loi de chacun des
États où ceux-ci se trouvent. Dans cette catégorie des systèmes scissionnistes s’intègrent aussi les pays qui
appartiennent à la common law (lex domicilii pour la masse mobilière, lex rei sitae pour les immobiliers). L’art. 78
du Code belge de droit international privé, adopté par la Loi du16 juillet 2004, prévoit: „§1
er. La succession est
régie par le droit de
l'Etat sur le territoire duquel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. § 2.
La succession immobilière est régie par le droit de l'Etat sur le territoire duquel l'immeuble est situé. Toutefois, si le
droit étranger conduit à l'application du droit de l'Etat sur le territoire duquel le défunt avait sa résidence habituelle
au moment de son décès, le droit de cet Etat est applicable.’’

8






Page 10
États membres de l’Union européenne.”6 Sous la coordination des Professeurs Heinrich Dörner
et Paul Lagarde, l'étude s'appuie sur 15 rapports nationaux, y compris le rapport final de
synthèse et les conclusions.
En octobre 2009, le Parlement européen et le Conseil lancèrent la Proposition de
Règlement relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des
décisions et des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat
successoral européen
. Un commentaire détaillé, article par article, du projet - „Comments on the
European Commission’s Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the
Council on jurisdiction, applicable law, recognition and enforcement of decisions and authentic
instruments in matters of succession and the creation of a European Certificate of Succession”,
accompagné par des propositions d'amendement ou d'autres modifications, fut présenté par
l'
Institut Max Planck de Hamburg – Institut für Ausländisches und Internationales Privatrecht et
publié dans
“Rabels Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatrecht”, vol. 74
(2010), nº 3 (juillet), p. 522-720.
Le 4 juillet 2012, le Règlement (UE) nº 650/2012 élaboré par le Parlement européen et le
Conseil
relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions
et des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral
européen
7 a été adopté.
Le Règlement s'applique aux personnes qui décèdent le 17 août 2015 ou après le 17 août
2015 mais permet, toutefois, le choix de la loi applicable à la succession, en vertu de ses
dispositions, même avant cette date (article 83 –
Dispositions transitoires)8.
§ 4. Champ d'application matériel
4.1 D'un point de vue matériel, le Règlement ''s'applique aux successions à cause de
mort''
9 (article premier, premier alinéa). À l'article 3, premier alinéa, lettre a), la succession est
définie comme notion qui ''[recouvre] toute forme de transfert de biens, de droits et d'obligations
à cause de mort, qu'il s'agisse d'un acte volontaire de transfert en vertu d'une disposition à cause
de mort ou d'un transfert dans le cadre d'une succession ab intestat''. Le législateur européen
élargit la portée de la notion de succession, tout en précisant au considérant 9 que son champ
d'application devrait s'étendre à ''
tous les aspects de droit civil d'une succession à cause de
mort'', c'est-à-dire à ''tout mode de transfert de biens, de droits et d'obligations à cause de mort,
qu'il s'agisse d'un acte volontaire de transfert en vertu d'une disposition à cause de mort ou d'un
transfert dans le cadre d'une succession ab intestat
.'' Le champ d'application du Règlement
6 Deutsches Notarinstitut – DnotI, Les Successions Internationales dans l’UE. Perspectives pour une
Harmonisation / Conflict of Law of Succession in the European Union. Perspectives for a Harmonisation /
Internationales Erbrecht in der EU. Perspektiven einer Harmonisierung
, Bruxelles, 11.05.2004.
7 Publié dans le Journal officiel de l’Union européenne/JOUE L 201, du 27 juillet 2012.
8 Pour une analyse des stipulations à caractère intertemporel du Règlement voir A. Bonomi, P. Wautelet, Le droit
européen des successions. Commentaire du règlement n 650/2012 du 4 juillet 2012
, Bruylant, 2013, p. 334 et la
suite; von Christoph Schoppe, Die Übergandsbestimmungen zur Rechtswahl im internationalen Erbrecht:
Anwendungsprobleme und Gestaltungspotential
, în IPRax, nº 1/2014, p. 27-33.
9 La matière des successions a été explicitement exclue du domaine d’application du Règlement (CE) nº 593/2008
sur la loi applicable aux obligations contractuelles – article premier, alinéa 2, lettre c): ,,sont exclu(e)s du champ
d'application du présent règlement: (...) c) les obligations découlant des régimes matrimoniaux, des régimes
patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, ont des effets comparables au mariage et
aux successions’’ (soulignement ajouté par l’auteur Dan Andrei Popescu). Voir aussi A. Rodríguez Benot, «La
exclusión de las obligaciones derivadas del derecho de familia y de sucesiones del ámbito material de aplicación
del Reglamento Roma I», dans Cuadernos der transnacional, 2009, I, p. 124 et la suite.
9





Page 11
englobe ainsi tous les aspects qui, traditionnellement, visent, dans le droit interne des États, le
domaine successoral, à l'exception de quelques questions ponctuelles
10.
Le Règlement exclut, par la suite, de son champ d'application, les sujets traditionnellement
liés au droit public, par exemple les questions fiscales
11, douanières ou administratives,
restrictions formulées dans d'autres instruments de réglementation – l’article premier du
Règlement (UE) nº 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et
l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (
Bruxelles I)12, l’article premier du
Règlement (UE) nº 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et
l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (refonte)
13, l’article premier du
Règlement (CE) nº 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I),
l’article premier du Règlement (CE) nº 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non-
contractuelles (
Rome II). Il en résulte, par conséquent, que seuls les "aspects de droit civil" de la
succession sont envisagés.
Nous constatons donc l'exclusion des implications fiscales du transfert successoral, fait
confirmé d'ailleurs au considérant 10 du Règlement: ''
Il appartient dès lors au droit national de
déterminer, par exemple, comment sont calculés et payés les impôts et autres taxes, qu'il
s'agisse d'impôts dus par la personne décédée au moment de son décès ou de tout type d'impôt
lié à la succession dont doivent s'acquitter la succession ou les bénéficiaires. Il appartient
également au droit national de déterminer si le transfert d'un bien successoral aux bénéficiaires
en vertu du présent règlement ou l'inscription d'un bien successoral dans un registre peut, ou
non, faire l'objet de paiement d'impôts
.'' L'impôt lié au transfert de la succession, y compris le
mode de calcul, les impôts dus pour les biens composant la masse successorale, les taxes et les
frais notariés, les timbres judiciaires pour les actions en justice introduites, les taxes cadastrales
et ainsi de suite seront déterminés conformément à la législation roumaine, quelle que soit la loi
régissant la succession. Nous considérons, toutefois, que, dans la mesure où la masse
successorale comprend des biens localisés à l'étranger (biens mobiliers ou immobiliers régis par
un régime fiscal spécifique et faisant l'objet d'une procédure d'inscription), le calcul des taxes se
fera exclusivement pour les biens situés en Roumanie, en notifiant aux héritiers l'obligation de
payer les charges fiscales relevant du transfert successoral des biens à l'étranger en conformité
avec la législation de chaque État sur le territoire duquel se trouvent des biens faisant partie de la
masse successorale.
Même si la Roumanie a conclu plusieurs conventions d'évitement de la double imposition,
leurs dispositions ne visent point l'impôt sur les successions14.
10 Ainsi, bien qu’elles appartiennent au domaine successoral, sont exclues de la sphère d’application du Règlement
les questions liées à la forme des stipulations à cause de mort formulées oralement (article premier, alinéa 2, lettre
f). L’article 27, dédié aux conditions de forme des stipulations à cause de mort, a explicitement en vue uniquement
celles „dressées par écrit”.
11 Pour ces aspects voir S. G. Cretti, Successions internationales. Aspects de droit fiscal, Helbing Lichtenhahn,
Bâle, 2014.
12 Pour un ample commentaire sur les articles de ce Règlement, voir European Commentaries on Private
International Law.
Brussels I Regulation, éd. U. Magnus, P. Mankowski, 2ème édition révisée, Sellier, 2012. Voir
aussi H. Gaudemet-Tallon,
Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlement 44/2001, Convention
de Bruxelles (1968) et de Lugano (1988 et 2007),
L.G.D.J, 4ème édition, 2010.
13 Ce Règlement sera appliqué à partir du 10 janvier 2015, à l’exception des articles 75 et 76, qui s’appliquent à
partir du 10 janvier 2014 (art. 81), en abrogeant le Règlement (CE) nº 44/2001 (art. 80). Concernant le Règlement
(UE) nº 1215/2012, voir, en tant qu’ouvrages significatifs, T. Hartley, Choice-of-Court Agreements under the
European and International Instruments,
Oxford University Press, 2013; A. Dickinson, E. Lein, The Brussels I
Regulation Recast
, Oxford (en cours de parution).
14 Par exemple, la Convention signée par le Gouvernement de la Roumanie et le Gouvernement de la République
Bulgarie pour éviter la double imposition et la prévention de l’évasion fiscale concernant les impôts sur le revenu et
sur le capital à Bucarest le 1
er juin 1994, ratifiée par la Loi nº 5/1995 (publiée dans le Journal officiel nº 7 du 17
janvier 1995) établit à l’article premier que celle-ci s’applique aux revenus réalisés par les personnes „résidant dans
l’un ou les deux États signataires.” L’article 4 prévoit que „l’expression résident d’un État signataire signifie toute
personne qui, conformément à la loi de cet État signataire, est soumise à l’imposition suite à son domicile ou à sa
10


Page 12
Nous tenons à souligner, à ce point, que, même si exclue du champ d'application du
Règlement, la fiscalité successorale a pourtant fait l'objet, en relation avec la libre circulation
des capitaux, de plusieurs arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne siégeant à
Luxembourg. Ainsi, dans l'arrêt du 11 septembre 2008, C-11/07-
Eckelkamp, la Cour a statué
que les dispositions combinées des anciens articles 56 CE et 58 CE (à présent les articles 63 et
65 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne/TFUE) ''doivent être interprétées en
ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale'', voire celle de ladite affaire
principale, ''relative au calcul des droits de succession et de mutation dus sur un bien immeuble
sis dans un État membre, qui ne prévoit pas la déductibilité de dettes grevant ce bien immeuble
lorsque la personne dont la succession est ouverte était, au moment de son décès, résidente non
pas de cet État, mais d’un autre État membre, alors que cette déductibilité est prévue lorsque
cette personne était, à ce même moment, résidente de l’État dans lequel est situé le bien
immeuble faisant l’objet de la succession
''. Dans l'arrêt du 15 octobre 2009, C-35/08 Busley et
Fernandez
, la Cour a statué que l'ancien article 56 CE (à présent l'article 63 du Traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne/TFUE) ''s’oppose à la législation d’un État membre
relative à l’impôt sur le revenu qui subordonne le droit des personnes physiques résidentes et
intégralement assujetties à l’impôt de bénéficier tant de la déduction de la base imposable des
pertes provenant de la location et de l’affermage d’un bien immeuble dans l’année de la
survenance de celles-ci que de l’application d’un amortissement dégressif dans le cadre de la
détermination des recettes provenant d’un tel bien à la condition que ce dernier soit situé sur le
territoire de cet État membre''. Nous retenons, en guise de conclusion à l'exclusion de la fiscalité
des successions, les détails suivants:
a) les aspects fiscaux du transfert successoral sont entièrement régis par le droit national
de chaque État membre;
b) selon le droit européen, la matière des successions ne peut être séparée du principe de
la libre circulation des capitaux; ainsi,
''la Cour, en rappelant notamment que les
successions, qui consistent en une transmission à une ou plusieurs personnes du
patrimoine laissé par une personne décédée, relèvent de la rubrique XI de l’annexe I
de la directive 88/361, intitulée «Mouvements de capitaux à caractère personnel», a
jugé que les successions, y compris celles portant sur des biens immeubles,
constituent des mouvements de capitaux au sens de l’article 56 CE, à l’exception des
résidence, à l’endroit de la gestion effective ou à tout autre critère de nature similaire”. Cette expression n’inclut pas
une personne qui est soumise à l’imposition dans cet État uniquement parce qu’elle réalise des revenus des sources
trouvées dans cet État-là ou parce que son capital se trouve là-bas” (premier alinéa). Ainsi, si „une personne
physique est résidente des deux États signataires, sont statut sera déterminé de la manière suivante: a) celle-ci sera
considérée résidente de l’État signataire où elle a un logement permanent à sa disposition; si elle dispose d’un
logement permanent dans les deux États signataires, elle sera considérée comme résidente dans l’État signataire
avec lequel ses liens personnels et économiques sont plus étroits (le centre de ses intérêts vitaux); b) si l’État
signataire où se trouve le centre des intérêts vitaux de cette personne ne peut pas être déterminé ou si elle ne dispose
d’un logement permanent à sa disposition dans aucun des États signataires, alors elle sera considérée comme
résidente dans l’État où elle habite habituellement; c) si cette personne habite habituellement dans les deux États
signataires où si elle n’habite dans aucun de ces États elle sera considérée résidente de l’État signataire dont elle a la
nationalité; d) si cette personne a la nationalité des deux États signataires ou si elle n’a la nationalité d’aucun des
deux, les autorités compétentes des États signataires résoudront le problème sur consentement mutuel” (alinéa 2).
Par conséquent, la convention mentionnée a en vue les revenus réalisés par les personnes résidentes. Or, l’impôt sur
les héritages est dû indépendamment de cette qualité des héritiers ou de l’auteur de l’héritage. Des conventions
similaires ont été signées avec d’autres États: par exemple, avec l’Estonie (2003, ratifiée par la Loi nº 449/2004,
publiée dans le Journal officiel nº 1126/2004), avec l’Allemagne (1973, ratifiée par le Décret nº. 625/1973, publiée
dans le Journal officiel nº 197/1973 et une nouvelle convention en 2001, ratifiée par la Loi nº 29/2002, publiée dans
le Journal officiel nº 73/2002), la Grèce (1991, ratifiée par la Loi nº 25/1992, publiée dans le Journal officiel nº
46/1992); la France (1974, ratifiée par le Décret nº 240/1974, publiée dans le Journal officiel nº 171/1974), la
Pologne (1994, ratifiée par la Loi nº 6/1995, publiée dans le Journal officiel nº 7/1995), le Portugal (1997, ratifiée
par la Loi nº 63/1999, publiée dans le Journal officiel nº 194/1999) etc. D’ailleurs, les conventions signées ont un
contenu très similaire.
11


Page 13
cas où leurs éléments constitutifs se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre
(voir, notamment, arrêts du 23 février 2006, van Hilten-van der Heijden, C-513/03,
Rec. p. I-1957, points 40 à 42; du 11 septembre 2008, Arens- Sikken, C-43/07, Rec. p.
I-6887, point 30; du 27 janvier 2009, Persche, C- 318/07, non encore publié au
Recueil, points 26 et 27, ainsi que Block, précité, point 20).''
15;
c) au sujet des restrictions portant sur la libre circulation des capitaux, la Cour a statué
que les mesures interdites par le droit européen ''comprennent celles qui sont de nature
à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à
dissuader les résidents dudit État membre d’en faire dans d’autres États''
16. Dans ce
sens, ''peuvent être considérées comme constituant de telles restrictions non seulement
des mesures nationales susceptibles d’empêcher ou de limiter l’acquisition d’un bien
immeuble situé dans un autre État membre, mais également celles qui sont
susceptibles de dissuader de conserver un tel bien''
17;
d) le fait que la fiscalité successorale est régie par la législation spécifique applicable
dans l'État membre sur le territoire duquel sont localisés les biens composant la masse
successorale n'exclut point, en vertu du principe de la libre circulation des capitaux, la
prise en considération, dans la détermination de l'actif net de la succession, des
dépenses effectuées au sujet des biens composant la masse successorale situés sur le
territoire d'un autre État membre;
e) compte tenu de l'absence, au niveau des États membres, d'une politique unitaire
concernant la taxation successorale, sans pour autant écarter ou négliger l'impact
négatif du manque de coordination en cette matière sur la prédictibilité pour les
personnes concernées, suite à l'impossibilité de trouver les modalités appropriées
d'éviter la double imposition, la Commission européenne a émis, le 15 décembre
2011
18, une Recommandation relative aux mesures permettant d'éviter la double
imposition des successions
, la Recoomandation se proposant ''de résoudre les cas de
double imposition de façon à ce que le niveau global des taxes perçues sur une
succession donnée ne soit pas plus élevé que le niveau qui serait applicable si seul
l’État membre affichant le taux d’imposition le plus élevé parmi les États membres
concernés avait une compétence fiscale sur la totalité de la succession
'' (considérant 3
– Objectif général de la Recommandation)
19. La Recommandation, toutefois,
n'impose point une obligation légale aux États membres mais suggère uniquement une
direction possible notamment au moyen de l'harmonisation des droits nationaux en
cette matière.
En plus des exclusions du champ d'application fondées sur l'appartenance des matières
visées au domaine du droit public, le Règlement avance une série de restrictions dues à l'absence
15 La Décision du 15 octobre 2009, dans la cause C35/08, Busley et Fernandez, considérant 18.
16 Ibidem, considérant 20. Voir aussi la Décision du 25 janvier 2007, Festersen, C370/05, Rep., p. I1129,
considérant 24, la Décision du 18 décembre 2007, A, C
101/05, Rep., p. I11531, considérant 40, ainsi que la
Décision du 22 janvier 2009, STEKO Industriemontage, C
377/07, considérant 23.
17 Ibidem, considérant 21. Voir aussi la Décision du 22 janvier 2009, STEKO Industriemontage, C377/07,
considérant 24.
18 La Commission européenne, Bruxelles, 15.12.2011, C(2011) 8819 final.
19 Le texte du document recommande aux États membres de permettre l’exemption du paiement de l’impôt sur la
succession en prenant en compte l’impôt appliqué par un autre État membre sur les biens suivants: a) les biens
immobiliers se trouvant sur le territoire de l’autre État membre; b) les biens mobiles qui sont des locaux
professionnels d’un siège permanent se trouvant sur le territoire de l’autre État membre. En outre, en ce qui
concerne les biens mobiles, autres que les „locaux professionnels”, „un État membre avec lequel ni le défunt ni
l’héritier n’ont de lien personnel devrait s’abstenir d’appliquer des droits de succession dès lors que de tels droits
sont prélevés par un autre État membre en raison du lien personnel du défunt et/ou de l’héritier avec cet autre État
membre.” (point 4.2).
12


Page 14
de la qualification successorale. Se trouvent, ainsi, exclus du champ d'application du Règlement,
aux fins de l’alinéa 2 de l’article premier:
a) l'état des personnes physiques ainsi que les relations de famille et les relations réputées
avoir des effets comparables en vertu de la loi applicable
. L'état civil et les relations de
famille excèdent donc le champ d'application du Règlement, même si les principes de
la dévolution légale s'appuient sur les liens familiaux unissant héritiers légaux et
testateur. L'établissement de ces liens familiaux constitue, par conséquent, une
question
préalable se soumettant, au niveau du droit international privé, aux normes
conflictuelles prévues par la loi du for (
lex fori). En guise d'exemple, la conclusion du
mariage est régie par l'article 2586 du nouveau Code civil (du point de vue matériel) et
par l'article 2587 du nouveau Code civil (du point de vue formel)20, la nullité du
mariage par l'article 2588 du nouveau Code civil, les effets du mariage par l'article
2589 et les suivants du nouveau Code civil, la filiation par les articles 2603 à 2606 du
nouveau Code civil, l'adoption par les articles 2607 à 2610 du nouveau Code civil.
L'exclusion stipulée par le Règlement vise également les relations ''
réputées avoir des
effets comparables en vertu de la loi applicable''.
Il s'agit de formes variées d'unions et
de partenariats enregistrés (civils) entre personnes du même sexe ou de sexe différent,
reconnus dans plusieurs États membres
21;
20 Nous précisons pourtant que la dissolution du mariage est réglementée par des lois uniformes au niveau
européen: le Règlement (CE) n° 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions
en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 -
relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité
parentale des enfants communs, respectivement le Règlement (UE) nº 1259/2010 mettant en œuvre une coopération
renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps (
Rome III) – concernant la loi
applicable au divorce et à la séparation de corps. Voir, en tant qu’ouvrages de référence: Ch. Althammer,
Brüssel
IIa. Rom III. Kommentar,
C. H. Beck, Munich, 2014; U. Magnus, P. Mankowski, Brussels IIbis Regulation
(European Commentaries on Private International Law), Sellier, 2012; M. Ni Shuilleabhain, Cross-Border
Divorce Law: Brussels II Bis
(Oxford Private International Law Series), Oxford Universitz Press, 2010; Th.
Rauscher (éd.),
Europäisches Zivilprozeß- und Kollisionsrecht 2: Bearbeitung 2010, Sellier, 2010.
21 Notre code civile interdit, étonnamment, de tels unions ou partenariats, en refusant leur reconnaissance en
Roumanie même s’ils sont construits de façon valide à l’étranger et même entre ressortissants étrangers,
indépendamment du fait que leur loi nationale les permettent ou pas. L’article 277, alinéa 3 du NCC est catégorique
à cet égard: “
les partenariats civiles entre les personnes de sexe opposé ou de même sexe signés ou contractés à
l’étranger soit par des citoyens roumains, soit par des citoyens étrangers ne sont pas reconnus en Roumanie.”
Nous nous trouvons devant une norme d’ordre public de droit international privé roumain. Et, conformément à
l’article 2564 du NCC, „l’application de la loi étrangère est enlevée si elle n’obéit pas à l’ordre public de droit
international privé roumain (...). Dans le cas de l’enlèvement de l’application de la loi étrangère, on applique la loi
roumaine. „Nous estimons pourtant que la vie de cet article de code (art. 277) ne sera pas trop longue, surtout dans
le contexte où, au niveau européen, l’on a déjà lancé la
Proposition de Règlement du Conseil relatif à la
compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière d'effets patrimoniaux des
partenariats enregistrés
- Bruxelles, 16.3.2011 (COM(2011) 127 final). En visant la facilitation de la
reconnaissance transfrontalière des partenariats civils, l’on a adopté, sous l’égide de la Commission internationale
d’état civil (CIEC), la Convention de Munich du 5 septembre 2007 concernant la reconnaissance des partenariats
enregistrés. L’article premier de la Convention définit le partenariat comme étant "un engagement de vie commune
entre deux personnes de même sexe ou de sexe différent, donnant lieu à un enregistrement par une autorité
publique, à l'exclusion d'un mariage.’’ Pour un commentaire sur cette convention, voir G. Goldstein, H. M. Watt,
“La méthode de la reconnaissance à la lueur de la Convention de Munich du 5 septembre 2007 sur la
reconnaissance des partenariats enregistrés”,
dans le Journal du droit international (Clunet) - octobre 2010 - n° 4,
p. 1085-1125. Les auteurs comprennent par partenariat enregistré „une relation de nature patrimoniale ou
extrapatrimoniale entre deux personnes, indépendamment de leur orientation sexuelle, qui forment un couple non
marié, mais qui vivent comme un couple marié ou habitent ensemble comme une famille, relation qui donne lieu à
un enregistrement et à laquelle la loi confère des effets similaires au mariage”
(traduction par l’auteur Dan Andrei
Popescu
). Voir K. Boele-Woelki, A. Fuchs (éds.), Legal Recognition of Same-sex Relationships in Europe.
National, Cross-Border and European Perspectives,
2ème édition, Intersentia, 2012; M. Revillard, « Le PACS, les
partenaires enregistrés et les mariages homosexuels dans la pratique du droit international privé », Defrénois,
juin
2005, p. 461; M. Schmitt, « L'incidence en France des lois belge et néerlandaise introduisant le mariage
homosexuel », JCP n°1, janvier 2004, 1006; Bureau permanent de la Conférence de La Haye de droit international
13


Page 15
b) la capacité juridique des personnes physiques. Est visée ici la capacité générale de la
personne physique, capacité se soumettant traditionnellement aux normes conflictuelles
nationales. En vertu de l'article 2572 du nouveau Code civil, ''l'état civil et la capacité
de la personne physique sont régis par la loi nationale applicable, en absence de
dispositions contraires'' (premier alinéa). La loi nationale à laquelle se soumet la
personne physique est la loi de l'État dont celle-ci possède la nationalité (article 2568,
premier alinéa du nouveau Code civil). Au cas où la personne physique concernée
possède la nationalité de plusieurs États, la loi qui prévaut est celle de la "nationalité
effective", respectivement ''la loi de celui des États dont elle possède la nationalité et
dont elle est le plus étroitement liée par son résidence habituelle'' (article 2568, alinéa 2
du nouveau Code civil). La loi de la résidence habituelle s'applique également aux
apatrides ainsi qu'aux réfugiés (article 2568, alinéas 3 et 4 du nouveau Code civil).
Ainsi, la capacité d'accepter un héritage ou d'y renoncer22 sera gouvernée par la loi
nationale de la personne qui entreprend de telles démarches. Les mesures pour la
privé, Aspects de droit international privé de la cohabitation hors mariage et des partenariats enregistrés:
Document préliminaire no. 9, La Haye, mai 2000;
A. Oprea, „Despre recunoașterea statutului matrimonial
dobândit în străinătate și protecția europeană a dreptului la viață familială”,
dans Studia UBB Iurisprudentia, nº
4/2012, disponible sur http://studia.law.ubbcluj.ro/articol.php?articolId=522; voir aussi, à cet égard, les décisions
CEDH, 24 juillet 2003,
Karner c. Austria, Affaire 40016/98; CEDH, 24 juin 2010, Affaire 30141/04, Schalk &
Kopf c. Autriche;
CEDH, la Décision du 15 mars 2012, Gas et Dubois c. France, n° 25951/07, CEDH, 19 février
2013,
X et autres c. Autriche CEDH, 7 novembre 2013, Vallianatos et autres c. Grèce.
Voir aussi, à cet égard, la Décision CJCE du 1
er avril 2008, dans la cause C267/06, Tadao Maruko
c.Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen
, par laquelle on a établi qu’une pension de survie dans le cadre d’un
système d’assurance professionnelle rentre dans le domaine d’application de la Directive 2000/78 du Conseil du 27
novembre 2000 et les dispositions corroborées des articles 1 et 2 de cette directive „
s’opposent à une
réglementation telle que celle en cause au principal en vertu de laquelle, après le décès de son partenaire de vie, le
partenaire survivant ne perçoit pas une prestation de survie équivalente à celle octroyée à un époux survivant,
alors que, en droit national, le partenariat de vie placerait les personnes de même sexe dans une situation
comparable à celle des époux pour ce qui concerne ladite prestation de survie.”
(considérant 73). En ce qui
concerne le mariage entre les personnes de même sexe, voir H. Fulchiron,
“Le mariage entre personnes de même
sexe en droit international privé au lendemain de la reconnaissance du « mariage pour tous ”,
dans le Journal du
droit international (Clunet), nº 4/2013, p. 1055-1113, écrit de la perspective française, ayant en vue la nouvelle loi
française du 17 mai 2013 (Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même
sexe) qui établit une nouvelle règle de conflit de lois, selon laquelle
“deux personnes de même sexe peuvent
contracter mariage lorsque, pour au moins l'une d'entre elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l'État sur le
territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet.”
La loi introduit deux nouveaux articles dans le
Code civil français - les articles 202-1 et 202-2 du Code civil, le premier soumettant les conditions de fond du
mariage, concernant chaque conjoint, à la loi personnelle du moment de la célébration du mariage (premier alinéa),
mais consacrant toutefois une exception à l’alinéa 2:
“Toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter
mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’Etat sur le territoire duquel elle
a son domicile ou sa résidence le permet.”
Le rôle de cette disposition est celui de permettre la célébration du
mariage entre les personnes de même sexe si l’un des deux futurs conjoints est Français ou a le domicile ou la
résidence en France. L’art. 202-2 considère valable le mariage, du point de vue formel si celui-ci respecte les
formalités imposées par la loi de l’État sur le territoire duquel celui-ci a été célébré:
“le mariage est valablement
célébré s'il l'a été conformément aux formalités prévues par la loi de l'Etat sur le territoire duquel la célébration a
eu lieu.” La loi modifie également l’art. 143 du Code civil français, en stipulant que le mariage est contracté par
deux personnes de sexe différent ou de même sexe.” Voir aussi la Circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la
loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (dispositions du Code civil)
, publiée dans le Bulletin
officiel du Ministère de la Justice (BOMJ), n° 2013-05 du 31 mai 2013 – JUSC1312445C.

22 Pour certaines discussions voir Fr. Sauvage, “L’option et la transmission du passif dans les successions
internationales au regard du règlement européen du 4 juillet 2012”
dans G. Khairallah et M. Revillard (éd.), Droit
européen des successions internationales. Le Règlement du 4 juillet 2012,
Defrénois, 2013, p. 109-112. En
échange, les conditions et les effets de l’acceptation ou du renoncement à la succession ou à l’héritage seront, au
contraire, soumis à la loi de la succession- lex successionis (art. 23, alinéa 2, lettre e).
14



Page 16
protection des incapables majeurs23, de même que la représentation de ceux-ci dans les
procédures successorales, seront régies par la loi dont relève cette protection. En ce qui
concerne les mineurs, seront incidentes, du point de vue de la compétence
internationale et de la reconnaissance des décisions portant sur la représentation légale
de ceux-ci, les dispositions du Règlement Bruxelles II bis et, du point de vue de la loi
applicable, les dispositions de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996
concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la
coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des
enfants
24.
Toutefois, le champ d'application du Règlement n'exclut point les éléments
spécifiques (''spéciaux'') de la capacité25 ayant une incidence successorale, telles: la
capacité successorale
26 (article 23, alinéa 2, lettre c) du Règlement), la capacité de
conclure des actes de disposition à cause de mort
27 (article 26, premier alinéa, lettre a)
du Règlement), l'incapacité spéciale (les circonstances spéciales d'empêchement) de
disposer, par des actes
mortis causa, en faveur de certaines personnes ou de recevoir
des biens successoraux de la part du testateur (article 26, premier alinéa, lettre b).
Autrement dit, conformément au Règlement, le concept de validité au fond de la
disposition à cause de mort inclut également les clauses spéciales d'incapacité qui
23 Par exemple, l’incapacité des mineurs et des interdits judiciaires de disposer par des libéralités (art. 988, premier
alinéa du NCC), en rentrant ainsi dans la sphère des incapacités d’usage, suite à la restreinte de la possibilité de
signer de tels documents et en ayant un but de protection (
incapacités absolues de disposer à titre gratuit), sera
soumise à la loi personnelle et non pas à la loi successorale. En échange,
les incapacités relatives de disposer par de
libéralités (art. 988, alinéa 2, art. 990 et art. 991 du NCC), puisqu’elles font référence à des personnes qui possèdent
la pleine capacité d’exercice, ayant, normalement, la capacité de disposer à titre gratuit, sauf en faveur de certaines
catégories de personnes, seront soumises à la loi qui gouverne les conditions de validité du document de libéralité,
soit, selon le cas, à la loi applicable à la donation -
lex contractus, déterminée conformément à l’article 3 ou 4 du
Règlement (CE) nº 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (
Rome I)- ou à la loi qui aurait été
applicable à la succession de la personne en cause si celle-ci était décédée le jour de l’établissement de la
disposition (art. 26, premier alinéa, lettre b du Règlement 650/2012).

24 Ratifiée par la Loi nº 361/2007, publiée dans le Journal officiel, première partie, nº 895 du 28 décembre 2007 et
en vigueur depuis le 1
er janvier 2011. Voir aussi la Décision du Conseil 2003/93/CE du 12 décembre 2002
autorisant les États membres, dans l’intérêt de la Communauté, à signer la Convention de La Haye de 1996
concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de
responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, publiée dans le Journal officiel des Communautés
européennes (JOCE) nº L 48 du 21 février 2003.
25 D’ailleurs, traditionnellement, dans le droit des États membres les incapacités particulières sont soumises à la loi
applicable au document respectif. C’est aussi la manière d’agir du législateur roumain: „les incapacités particulières
concernant un certain rapport juridique sont soumises à la loi applicable à ce rapport juridique” (art. 2572, alinéa 2
du NCC).
26 La capacité successorale est soumise à la loi applicable à la succession, déterminée selon les critères du
Règlement (dernière résidence habituelle de l’auteur de l’héritage (art. 21), respectivement la loi choisie selon l’art.
22).
27 La capacité de la personne de signer des documents de disposition à cause de mort est soumise à la loi qui
gouverne les conditions de fond du document (art. 26 premier alinéa, lettre a). La même loi sera appliquée, entre
autres, également à la représentation conventionnelle lors de rédiger un document de disposition à cause de mort
(art. 26 premier alinéa, lettre c), mais aussi aux vices du consentement (art. 26 premier alinéa, lettre e). Autrement
dit, il s’agit de la loi qui, en vertu du règlement, aurait été applicable à la succession de la personne ayant consenti à
la signature du document si elle était décédée le jour de sa rédaction (art. 24- le statut successoral hypothétique/
hypothetisches Erbstatut). Nous tenons pourtant à distinguer entre „la capacité” de signer un document mortis
causa,
entendue comme l’admissibilité ou la permissivité (Zulässigkeit)- soumise au statut successoral hypothétique
et la capacité de l’incapable mineur
(Rechtsfähigkeit) de signer un tel document, y inclus sa représentation légale,
entendue comme mesure de tutelle (
Vormundschaftsrecht), cette dernière étant néanmoins soumise à la loi de la
tutelle, normalement à la loi de résidence habituelle du mineur (art. 15 de la Convention de La Haye du 19 octobre
1996 concernant la protection des mineurs).
Au regard des incapables majeurs, puisque la Roumanie ne fait pas
partie de la Convention de La Haye du 13 janvier 2000 concernant la protection internationale des adultes, sera
appliquée leur loi nationale (lex patriae), conformément à l’article 2572 du NCC.
15


Page 17
empêchent le testateur de consentir une libéralité en faveur de certaines personnes ou
qui restreignent la capacité de certains bénéficiaires de recevoir des libéralités de la part
de certains testateurs
28; cette solution consistant à soumettre ces incapacités à la loi
successorale anticipée
(hypothetisches Erbstatut / legge successoria ipotetica) est
largement acceptée dans le droit international privé des États membres
29. L'option de
faire régir la ''capacité'' de conclure des actes de disposition
mortis causa par la loi
successorale anticipée est un choix raisonnable qui prend en considération, d'une part,
la finalité successorale de l'acte de disposition, ses effets se produisant seulement à
partir du moment de l'ouverture de la succession et en relation avec celle-ci et, d'autre
part, la nécessité de la prédictibilité pour le testateur, ce dernier ne pouvant se
soumettre, à ce moment-là, à des exigences matérielles et formelles dépassant celles
imposées par une loi successorale connue au fond – la loi successorale qui régirait la
succession si le testateur décédait le jour même de la conclusion de l'acte concerné. La
notion de ''capacité'' n'est donc pas liée uniquement aux ''habiletés'' personnelles de
celui qui conclut l'acte, à son discernement mais aussi bien à l'admissibilité de la
conclusion de l'acte conformément aux dispositions de la loi successorale applicable.
Ainsi, un testament commun, rédigé en vertu de la loi successorale allemande,
ne pourra advenir qu'entre les époux (§ 2265 du Code civil allemand/BGB)
30
ou entre les membres d'un partenariat enregistré (§10 [sous-]paragraphe 4 du
Lebenspartnerschaftsgesetz – LparG)31. Comme nous venons de le constater, la
capacité de tester se soumet (en plus des autres conditions de validité au fond) à la loi
successorale
32 déterminée conformément au Règlement, vu sa finalité successorale
(article 26, premier alinéa, lettre a);
28 Selon A. Bonomi, P. Wautelet, Le droit européen des successions. Commentaire du Règlement n° 650/2012 du
4 juillet 2012
, Bruylant, 2013, p. 421.
29 Dans ce sens, l’art. 26 de la Loi introductive au Code civil allemand (EGBGB), alinéa 1 prévoit: “(e)ine
letztwillige Verfügung ist, auch wenn sie von mehreren Personen in derselben Urkunde errichtet wird, hinsichtlich
ihrer Form gültig, wenn diese den Formerfordernissen entspricht (…) des Rechts, das auf die Rechtsnachfolge von
Todes wegen anzuwenden ist oder im Zeitpunkt der Verfügung anzuwenden wäre
(point 5). Conformément à
l’alinéa 2 de l’article 26 de l’EGBGB, les normes qui limitent les formes des dispositions à cause de mort par
référence à l’âge, à la nationalité ou à d’autres qualités personnelles du testateur seront qualifiées comme
appartenant à la forme. La même règle sera aussi appliquée par rapport aux conditions exigées aux témoins
concernant la validité d’une disposition à cause de mort: “
(d)ie Vorschriften, welche die für letztwillige
Verfügungen zugelassenen Formen mit Beziehung auf das Alter, die Staatsangehörigkeit oder andere persönliche
Eigenschaften des Erblassers beschränken, werden als zur Form gehörend angesehen. Das gleiche gilt für
Eigenschaften, welche die für die Gültigkeit einer letztwilligen Verfügung erforderlichen Zeugen besitzen müssen.”
Voir aussi, dans le même sens, § 30 de la loi fédérale autrichienne IPRG; l’article 9, point 8 du Code civil espagnol;
l’article 47 de la loi italienne concernant la réforme du système italien de droit international privé, nº 218 du 31 mai
1995 (
“La capacità di disporre per testamento, di modificarlo o di revocarlo è regolata dalla legge nazionale del
disponente al momento del testamento, della modifica o della revoca”
, soit la même loi qui dans le droit italien
gouverne la succession, conformément à l’article 46; dans d’autres mots, la capacité de tester, de modifier ou de
révoquer le testament est soumise à la loi successorale hypothétique, c’est-à-dire à la loi nationale du testateur du
moment de la rédaction de la disposition testamentaire); l’article 94 de la Loi fédérale suisse de droit international
privé du 18 décembre 1987:
“(a) person may make a disposition by reason of death if, at the time of disposition, he
had testamentary capacity under the law of the State of his domicile or habitual residence or under the law of one
of the States of which he was citizen”
; l’article 20, alinéa 5 de la loi turque de droit international privé nº 5718, du
27 novembre 2007 (MÖHUK) – sur cette loi voir G. Güngör,
The New Turkish Act on Private International Law
and International Civil Procedure, dans La Spécificité et la complémentarité dans le droit privé européen. Les
conflits de lois et de juridictions et l’intégration juridique européenne
(éd. Dan A. Popescu), Ed. Hamangiu, 2012,
p. 528 et les suivantes, etc.
30 § 2265 du Code civil allemand (BGB) a le contenu suivant: “Ein gemeinschaftliches Testament kann nur von
Ehegatten errichtet werden.”

31 §10 Abs. 4 de Lebenspartnerschaftsgesetz – LParG prévoit: “Lebenspartner können ein gemeinschaftliches
Testament errichten. Die §§ 2266 bis 2272 des Bürgerlichen Gesetzbuchs gelten entsprechend.”

32 Selon M. Revillard, dans G. Khairallah et M. Revillard (ed.), Droit européen des successions internationales. Le
Règlement du 4 juillet 2012, Defrénois, 2013, p. 82 (nº 184).
16


Page 18
c) les questions relatives à la disparition, à l'absence ou à la mort présumée d'une
personne physique
. Quoique la loi applicable, en vertu du Règlement, à la succession
régisse, parmi d'autres, "les causes, le moment et le lieu d'ouverture de la succession"
(article 23, alinéa 2, lettre a), la détermination du moment du décès ou, selon le cas, de
la date présumée du décès, vu les circonstances où le décès est survenu, se fera par
l'application de la norme conflictuelle roumaine. D'ailleurs, l'article 2573 du nouveau
Code civil établit, à titre général, que "le commencement et la fin de la personnalité
sont déterminés par la loi nationale applicable à chaque personne". Dans le même sens,
en vertu de l'article 2574 du nouveau Code civil, la loi nationale de la personne
disparue, déterminée conformément à l'article 2568 du nouveau Code civil, régit la
déclaration judiciaire de la mort, la détermination de la date du décès, y compris de la
date présumée du décès, ainsi que la présomption que le disparu est encore en vie ou
bien, au cas où cette loi ne peut pas être identifiée, la loi roumaine sera appliquée;
d) les questions liées aux régimes matrimoniaux et aux régimes patrimoniaux relatifs aux
relations qui, selon la loi qui leur est applicable, sont réputées avoir des effets
comparables au mariage
. Au cas où le testateur était marié au moment de son décès, la
composition du patrimoine successoral
33 ne peut faire abstraction des règles de
liquidation spécifiques au régime matrimonial qui régissait les effets patrimoniaux de la
relation avec le conjoint survivant. Autrement dit, le régime matrimonial influence
d'une manière directe le régime de la propriété des biens acquis par le testateur. La
détermination du patrimoine successoral ne peut survenir qu'après la liquidation
préalable du régime matrimonial, en fonction du type de régime matrimonial. En vertu
du considérant 12 du Règlement, "le présent règlement ne devrait pas s'appliquer aux
questions ayant
les conventions
trait aux régimes matrimoniaux, y compris
matrimoniales que connaissent certains systèmes juridiques, dès lors que celles-ci ne
traitent pas de questions successorales, ni aux régimes patrimoniaux applicables aux
relations réputées avoir des effets comparables à ceux du mariage. Les autorités
chargées d'une succession donnée en vertu du présent règlement devraient néanmoins,
en fonction de la situation, prendre en compte la liquidation du régime matrimonial ou
d'un régime patrimonial similaire du défunt lors du calcul de la masse successorale et
des parts respectives des différents bénéficiaires." Seront exclus, par la suite, du champ
d'application du Règlement, les aspects ayant trait à la liquidation des régimes
matrimoniaux ou patrimoniaux réputés avoir des effets comparables au mariage. La loi
applicable au régime matrimonial sera déterminée en vertu des normes conflictuelles de
chaque État membre
34. Ainsi, en vertu de l'article 2590 du nouveau Code civil, la loi
33 Le patrimoine successoral comprend les biens que l’auteur de la succession a laissés dans son patrimoine lors du
moment de son décès. Ce patrimoine peut être établi seulement en tenant compte des règles de liquidation du
régime matrimonial existant. D’un autre côté, le patrimoine successoral se différencie de la
masse de calcul de la
réserve et de la quotité disponible, cette dernière étant une notion plus large qui inclut „
le patrimoine que de cujus
aurait laissé s’il n’avait pas fait de donations
, soit un patrimoine reconstitué de façon fictive (de manière
comptable, en calculant sur le papier)” - D. Chirică,
Traité de droit civil. Les successions et les libéralités, C. H.
Beck, Bucarest, 2014, p. 410. Selon l’article 1091, premier alinéa du NCC, on établit la masse de calcul, en
fonction de laquelle on détermine la réserve successorale et la quotité disponible en prenant en compte les
opérations suivantes: a) déterminer l’actif brut de l’héritage, „par la somme des valeurs des biens existants dans le
patrimoine successoral à la date de l’ouverture de l’héritage (art. 1091, premier alinéa, lettre a); b) déterminer l’actif
net de l’héritage, par la soustraction du passif successoral (art. 1091, premier alinéa, lettre b); c) la réunion fictive
(„pour le calcul”) de la valeur des donations faites par l’auteur de l’héritage (art. 1091, premier alinéa, lettre c). A
son tour,
la masse de calcul se différencie de la masse partageable, cette dernière comprenant uniquement les biens
successoraux soumis, en vertu de la loi ou du testament, à la transmission universelle ou à titre universel, étant,
donc, exclues celles déférées à titre particulier (
Ibidem).
34 Au niveau européen, la Commission européenne a présenté, le 16 mars 2011, un projet de règlement destiné a
standardiser les normes de droit international privé concernant les régimes matrimoniaux - Proposition de
17



Page 19
applicable au régime matrimonial est la loi choisie par les époux, ceux-ci pouvant
choisir entre les options suivantes: a) la loi de l'État sur le territoire duquel se trouve, au
moment du choix, la résidence habituelle de l'un d'eux; b) la loi de l'État dont l’un des
époux est un ressortissant, au moment du choix; c) la loi de l'État sur le territoire
duquel les époux ont établi leur première résidence habituelle commune après la
conclusion du mariage. En absence d'un choix fait par les époux, le régime matrimonial
est régi, en vertu de l'article 2589, premier alinéa du nouveau Code civil, par la loi
applicable aux effets généraux du mariage – notamment
la loi de l’État de la résidence
habituelle commune des époux ou bien, en absence d'une telle résidence, la loi de l'État
dont les époux détiennent la nationalité ou bien, en absence d'une même nationalité, la
loi de l'État sur le territoire duquel a été célébré le mariage. Cette loi (régissant les
effets généraux du mariage) s'appliquera, à la fois, au régime matrimonial primaire, par
rapport auquel aucune dérogation n'est permise, quel que soit le régime matrimonial
choisi (article 2589, alinéa 2 du nouveau Code civil)
35.
Règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en
matière de régimes matrimoniaux
, COM (2011)126 final. La proposition de règlement définit le régime
matrimonial comme étant ,,(l’)ensemble des règles relatives aux rapports patrimoniaux des époux entre eux et à
l'égard des tiers” (art. 2, lettre a) et la convention matrimoniale est définie comme étant „tout accord par lequel les
époux organisent leurs rapports patrimoniaux entre eux et à l'égard des tiers” (art. 2, lettre b). La proposition vise à
réglementer tous les aspects civils concernant les régimes matrimoniaux, en s’adressant aussi bien aux aspects
légaux de l’administration courante des biens des conjoints qu’aux aspects liés à la liquidation du régime
matrimonial, suite à la séparation des conjoints ou au décès de l’un d’entre eux, étant néanmoins exclus de son
sphère d’application, entre autres, les aspects liés à la validité et les effets des libéralités [soumis au Règlement
Rome I - Règlement (CE) nº 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable
aux obligations contractuelles
(Rome I) (le Journal officiel nº L 177 du 4.07.2008, p. 6) et, concernant les effets
successoraux, ceux liés à leur impact sur la réserve successorale, au Règlement nº 650/2012], la publicité de ces
droits, les droits successoraux du conjoint qui survit, les contrats de société signés entre les conjoints, la nature des
droits réels sur les biens et la publicité de ces droits.
En ce qui concerne la compétence internationale, en
poursuivant que les différentes procédures connexes soient attribuées à la compétence des instances du même état
membre, la Proposition assure la concordance entre les règles qui établissent la compétence des instances
concernant la liquidation du régime matrimonial avec celles qui existent déjà dans d’autres instruments européens.
Ainsi, la juridiction saisie en matière successorale, conformément à l’article 4 et la suite du Règlement (UE) nº
650/2012, aura la compétence aussi bien sur la succession du conjoint décédé que sur la liquidation de son régime
matrimonial (art. 3 de la Proposition de règlement). De la même manière, les juridictions saisies avec une demande
en divorce, de séparation de corps ou d’annulation du mariage, selon l’article 3 du Règlement (CE) nº 2201/2003
(
Bruxelles II bis) „sont également compétentes, en cas d'un tel accord des époux, pour statuer sur les questions de
régime matrimonial en relation avec la demande” (art. 4 de la Proposition de règlement).
En ce qui concerne la loi
applicable
, l’article 16 de la Proposition permet aux conjoints de choisir l’une des lois suivantes: a) la loi de l’État
où les conjoints ou les futurs conjoints ont la résidence habituelle commune ou b) la loi de l’État où l‘un des
conjoints ou l’un des futurs conjoints a la résidence habituelle au moment de ce choix-là ou c) la loi de l’État dont
la nationalité est détenue par l’un des conjoints ou l’un des futurs conjoints au moment de ce choix-là.
Au niveau international, nous avons, concernant les régimes matrimoniaux, deux instruments principaux, adoptés
sous l’égide de la Conférence de La Haye de Droit International Privé: la Convention de La Haye, du 17 juillet
1905, concernant les conflits de lois relatifs aux effets du mariage sur les droits et les devoirs des époux dans leurs
rapports personnels et sur les biens des époux (signée par la Roumanie le 17 juillet 1905 et entrée en vigueur le 22
août 1912) et la Convention de La Haye du 14 mars 1978, sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux. La
Convention est en vigueur depuis le 1er septembre 1992 en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Les deux
conventions visent uniquement les couples mariés.
35 Il est intéressant à remarquer que, selon l’art. 2589, alinéa 3 du NCC, les droits des conjoints sur le logement de
la famille, y compris le régime juridique des documents sur ce logement, sont soumis à la loi de l’endroit où celui-ci
est situé (
lex rei sitae). La solution est critiquable, vu que la finalité de cette institution est celle de protéger le
conjoint non propriétaire, n’ayant rien à voir avec l’emplacement de l’immeuble, mais tenant à la loi qui gouverne
les effets généraux du mariage. Bien évidemment, pour la protection des tiers de l’État de l’emplacement de
l’immeuble on aurait pu imposer l’obligation de remplir les demandes de publicité dans le registre de publicité
immobilière du pays d’emplacement de l’immeuble en cause.
18



Page 20
La loi applicable à la liquidation du régime matrimonial peut donc coïncider ou non
avec celle applicable à la succession du conjoint décédé. Par exemple, si les conjoints ont
choisi, pour leur régime matrimonial, la loi de l'État sur le territoire duquel se trouvait, au
moment du choix, la résidence habituelle du testateur (article 2590, alinéa 2, lettre a),
résidence habituelle que celui-ci garda jusqu'à sa mort, écartant ainsi la possibilité de
choisir, pour sa succession, la loi de l'État dont il détenait la nationalité ou bien si les
conjoints avaient favorisé la loi de l'État dont le défunt avait été le ressortissant (article
2590, alinéa 2, lettre b), loi que celui-ci avait choisie à cette fin en vertu de l'article 22 du
Règlement (UE) nº 650/2012, la même loi s'appliquera au régime matrimonial et à la
succession. Mais si, par exemple, la loi choisie par les conjoints pour leur régime
matrimonial est celle de la résidence habituelle du conjoint survivant ou bien celle de la
résidence habituelle, au moment du choix, du conjoint décédé, mais qui n'est cependant
pas la dernière résidence habituelle de celui-ci, ou bien si le défunt avait choisi la loi de
l'État dont il était le ressortissant, le régime matrimonial sera régi par une loi autre que
celle s'appliquant à la succession.
Au cas où la loi applicable à la liquidation du régime matrimonial diffère de celle
applicable à la succession, des problèmes de qualification pourraient survenir. Prenons
l'exemple du Code civil allemand (BGB, § 1371) qui précise que, dans le cas d'une
liquidation du régime légal de participation à des acquisitions (
Zugewinngemeinschaft) à
la suite du décès de l'un des conjoints, l'égalisation des acquisitions cumulées (
Ausgleich
des Zugewinns
) se fera par l'augmentation avec un quart de la quote-part successorale
légale (
ab intestat) revenant au conjoint survivant36. Selon l'opinion majoritaire présente
dans la doctrine allemande, cette règle est applicable si le régime matrimonial des
conjoints est régi par la loi allemande, même si la loi applicable à la succession du
conjoint décédé est une loi étrangère (une loi autre que celle allemande)
37. Une autre
question qui pourrait soulever des problèmes de qualification est celle de la révocation
des testaments suite à la conclusion d'un mariage ultérieur par le testateur (
revocation by
subsequent marriage
), cas de révocation présent dans le système juridique des pays
anglo-saxons. En droit anglais, en partant de la finalité de cette règle spéciale portant sur
la révocation des testaments, respectivement de protéger le conjoint survivant, la
jurisprudence a soumis ce cas de révocation au régime des relations patrimoniales des
conjoints
38 et non point au droit successoral. En échange, en droit américain, ce cas de
révocation reçoit une qualification successorale.
36 §1371 BGB, premier alinéa, a le contenu suivant: “(w)ird der Güterstand durch den Tod eines Ehegatten beendet,
so wird der Ausgleich des Zugewinns dadurch verwirklicht, dass sich der gesetzliche Erbteil des überlebenden
Ehegatten um ein Viertel der Erbschaft erhöht; hierbei ist unerheblich, ob die Ehegatten im einzelnen Falle einen
Zugewinn erzielt haben.”
37 Selon H. Dörner, Internationales Erbrecht, Art. 25 EGBGB, dans J. von Staudingers Kommentar zum
Bürgerlichen Gesetzbuch, Einführungsgesetz zum BGB
, Sellier – de Gruyer, Berlin, 2007, nº 34. Voir aussi A.
Bonomi dans A. Bonomi, P. Wautelet,
op. cit., p. 84, nº 28.
38 Selon Dicey, Morris and Collins on The Conflict of Laws, 15ème édition, vol. 2, Sweet & Maxwell, Thomson
Reuters, 2012, Rule 159, nº 27-089, p. 1443: “a marriage
ipso facto revokes any will made before marriage by
either party to the marriage”. Pour établir si un testament a été révoqué suite à un mariage célébré ultérieurement, il
faudra avoir en vue la loi de son domicile du moment de la célébration du mariage et non pas la loi de son dernier
domicile, cette raison de révocation ne tenant pas du statut successoral: “the question whether a marriage revokes a
will as regards movables is determined by the law of the domicile, and that the relevant time is that of the marriage,
not the death, of the testator. Thus, if a man makes a will and marries while domiciled in Scotland (
pays où le
mariage du testateur n’a aucune influence sur les effets des testaments antérieurs
note de l’auteur), his will is not
revoked by the marriage, even if he subsequently becomes domiciled in England and remains domiciled there until
his death” (
Ibidem). La même qualification sera appliquée, selon le droit anglais, dans l’hypothèse où le testament a
comme objet des biens immobiles: “If the rule as to revocation of a will by the marriage is part of the matrimonial
law and not of the testamentary law, it is difficult to see why or how there can be any distinction in this respect
between movables and immovables” (Davies v. Davies (1915) apud Dicey, Morris and Collins on The Conflict of
Laws, 15ème édition, vol. 2, Sweet & Maxwell, Thomson Reuters, 2012, Rule 159, nº 27-091, p. 1444-1445).
19


Page 21
e) les obligations alimentaires autres que celles résultant du décès. Le fondement de cette
exclusion est évident, vu le fait que les dispositions du droit international privé portant
sur les obligations alimentaires font l'objet d'une réglementation distincte – le
Règlement (CE) nº 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la
loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en
matière d’obligations alimentaires
39. Il est vrai, toutefois, que certains systèmes
successoraux attribuent à des parents proches du défunt se trouvant en relation de
dépendance économique par rapport à celui-ci lorsque le défunt était encore en vie
certains droits représentant des charges de la succession, sous la forme de prestations
patrimoniales périodiques (pensions, sommes forfaitaires). Dans quelques pays de
common law, par exemple, en absence de l'institution de la réserve successorale, la
protection de certains parents du défunt est assurée au moyen de la soi-disant ''
family
provision
''. La loi accorde aux juges, à la requête de la personne concernée, la
possibilité de disposer, de manière discrétionnaire, que quelques-uns des biens
successoraux reviennent à certaines personnes ne recevant pas, par testament,
(suffisamment de) biens, au cas où le dernier domicile du testateur s'est trouvé en
Angleterre ou au Pays de Galles. En vertu de la première section de
The Inheritance
(Provision for Family and Dependants) Act
de 1975, les personnes pouvant bénéficiant
d'une telle disposition sont: a) le conjoint survivant; b) l'ancien conjoint du
de cujus à
condition qu'il ne se soit pas remarié; ba) toute personne ayant vécu dans la même
résidence avec le testateur au cours des 2 années précédant le décès; c) un enfant du
de
cujus
, né ou bien seulement conçu à la date du décès du testateur; d) toute personne qui,
sans être un enfant naturel du
de cujus, a été acceptée ou reconnue par de cujus au
cours de son mariage au même titre que tout enfant issu de son mariage; e) toute
personne qui, juste avant le décès du
de cujus, a reçu des aides financières partielles ou
complètes de la part du
de cujus.40
En vertu de l'article 23, alinéa 2, lettre h du Règlement (UE) nº 650/2012, la loi
successorale applicable régira également le régime de la réserve successorale, d'autres
contraintes relatives à la liberté de tester ainsi que ''les droits que les personnes proches
du défunt peuvent faire valoir à l'égard de la succession ou des héritiers'', ces droits
revêtant une fonction similaire à la réserve successorale. Ainsi que nous venons de le
montrer
41, le critère opérant la distinction entre les obligations alimentaires du testateur
et celles suivant son décès est celui temporel. Au cas où
de cujus a été chargé, au cours
de sa vie, d'une obligation alimentaire, la loi régissant cette obligation avant le décès
pourra décider au sujet de son maintien. Quant à la naissance d'une obligation
alimentaire à la charge de la succession ou des héritiers, elle dépendra de la loi
39 Publié dans le Journal officiel de l’Union européenne/JOUE L7 du 10.1.2009. Concernant ce règlement voir I.
Burduf, V. Onaca,
“Le Règlement (CE) nº 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi
applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires
,
le Protocole de La Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires et la Convention
du 23 novembre 2007 sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de
la famille”
, Ière partie, dans la Revue roumaine de jurisprudence (RRDJ), nº. 3/2011, p. 291-344; idem, IIème partie,
dans RRDJ, nº 4/2011, p. 301-325;
idem, IIIème partie, dans RRDJ, nº 5/2011, p. 268-296; idem, IVème partie, dans
RRDJ, nº 6/2011, p. 223-240.
40 Pour des détails voir Parry & Clark, The Law of Succession, 11th edition, Sweet & Maxwell, London, 2002, p.
154 et les suivantes; J. Denker, dans
European Succession Laws (éd. Hayton), Jordans, 2002, p. 92: “There is no
fixed definition as to what is ‘reasonable financial provision’ (which is measured either by the surviving spouse
standard or alternatively by the lesser maintenance standard) because this will always depend on all the
circumstances of the case: the size of the estate, the needs and assets of the person making a claim (taking account
of provision made for him by the deceased in his lifetime, e.g. under trusts), the needs and assets of the persons who
would be prejudiced by the claim, the earning power of the claimant, etc.”
41 A. Bonomi dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 88, nº 34.
20


Page 22
successorale applicable42. Nous constatons que les personnes pouvant bénéficier de ce
droit sont bien plus nombreuses que les héritiers réservataires du système juridique
continental. Le tribunal des successions et des tutelles (
probate court) peut autoriser, en
faveur de ceux-ci, soit des paiements périodiques, soit une somme globale, soit le
transfert de la propriété des biens successoraux. Une requête en vue de l'attribution de
tels droits doit être présentée personnellement, dans un délai de 6 mois depuis
l'ouverture de la procédure
Grant of Probate.
f) la validité quant à la forme des dispositions à cause de mort formulées oralement. Le
Règlement stipule les exigences formelles des dispositions à cause de mort à l'article
27, en se limitant à celles formulées par écrit tandis que celles "formulées oralement"
(article premier, alinéa 2, lettre f) du Règlement) sont explicitement exclues. Les
testaments formulés oralement sont interdits dans certains pays
43 – dans d'autres, ils
sont admis dans des circonstances exceptionnelles
44. À son tour, la Convention de La
Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions
testamentaires – applicable, en vertu de l'article 75, premier alinéa, sous-alinéa 2 du
Règlement, aux rapports entre les États membres qui sont parties à cette convention, en
lieu et place de l'article 27 – stipule, à l'article 10, la possibilité d'une réserve, permise à
chaque État contractant, de ne pas reconnaître les dispositions testamentaires orales,
sauf dans des circonstances exceptionnelles, établies par l'un de ses ressortissants qui
ne possède pas une autre nationalité. Toutefois, comme une telle réserve n'aurait pas été
possible au sujet du Règlement, le législateur européen a considéré opportun d'exclure
du champ d'application de celui-ci la validité formelle des dispositions testamentaires
orales.
l'application de
Par conséquent, les États ayant ratifié la Convention de La Haye du 5 octobre 1961
sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires, sans
réserver
l'article 10, soumettront ces testaments aux normes
conflictuelles alternatives prévues à l'article premier, en les considérant valides dans la
mesure où au moins l'une des lois nationales indiquées à cet article les reconnaît. En
échange, les États membres contractants s'étant prévalu du droit de réserver
l'application de l'article 10 (la Belgique, l'Estonie, la France, le Luxembourg, les Pays-
Bas)
45 refuseront la reconnaissance des dispositions testamentaires orales établies par
un défunt qui possédait la nationalité de l'État concerné. Quant aux États membres qui
42 Ibidem: “En effet, il paraît impossible de se baser sur un critère de type fonctionnel, car toute obligation
alimentaire (avant et après le décès) vise à garantir l’entretien du créancier; le fait qu’elle remplace ou s’ajoute à
d’autres droits successoraux de celui-ci ne paraît pas déterminant.”
43 Concernant la prohibition des testaments verbaux voir D. Chirică, Traité de droit civil. Les successions et les
libéralités
, C. H. Beck, Bucarest, 2014, p. 244-245.
44 Il y a des pays qui admettent les testaments verbaux (nuncupatif)1, mais la possibilité de recourir à ces testaments
est d’habitude conditionnée par l’existence des circonstances qui empêchent le disposant à recourir à une autre
forme de testament. Ainsi, l’article 506 du Code civil suisse - adopté le 10.12.1907, en vigueur depuis le
01.01.1912- permet au testateur se trouvant dans des situations particulières qui l’empêchent de tester d’une autre
manière (danger imminent de mort, épidémie, arrêt de la circulation, guerre), de recourir à une disposition de
dernière volonté orale (
műndliche letztwillige Verfűgung). Dans ce but, le testateur doit déclarer sa dernière volonté
en présence de deux témoins qui doivent être présents simultanément. Les témoins sont tenus à rédiger un
document où ils mentionnent avec précision la dernière volonté du testateur, ainsi que l’endroit, l’année, le mois et
le jour de la disposition, en signant le document. En outre, les témoins assistants spécifieront le fait que le testateur
dispose de capacité juridique et ils confieront le document à l’autorité judiciaire compétente (art. 507 du Code
civil). Il faut mentionner que le testament verbal devient invalide au bout de 14 jours de la cessation des
circonstances qui ont justifié cette forme de testament (art. 508 du Code civil). Les testaments verbaux sont aussi
reconnus dans d’autres pays (l’Autriche - §§ 584-586 ABGB; l’Allemagne - § 2250 BGB; la Suède - § 3 du
Chapitre 10 de la Loi successorale suédoise nº 637 de 1958).
45 Pour le statut complet de cette convention, voir le site officiel de la Conférence de La Haye à l’adresse suivante:
http://www.hcch.net/index_en.php?act=conventions.status&cid=40
21


Page 23
ne sont pas parties à cette convention – c'est, d'ailleurs, le cas de la Roumanie –
s'appliqueront les dispositions des normes conflictuelles nationales.
Quel sera le sort d'un testament oral d'un citoyen roumain dans un pays étranger?
Évidemment, ce testament devra, en première instance - afin de permettre la
reconnaissance – être autorisé par la loi du lieu de l'enregistrement et respecter toutes
les exigences imposées par celle-ci, à la fois celles portant sur les circonstances où il est
permis de tester ''oralement'' et celles dont l'accomplissement est conditionné par son
efficacité dans le pays concerné. Dans la littérature roumaine de spécialité
46, il fut
apprécié que ''le testament oral fait par un citoyen roumain dans un pays où ce type de
testament est permis: l'Autriche, la Suisse, l'Allemagne, la Turquie, le Brésil et ainsi de
suite, ne présente aucune validité en Roumanie. Il serait inutile d'invoquer la règle
locus regit actum car celle-ci ne se soumet pas au principe de la solennité lorsqu'il
s'agit, en l'espèce, d'un acte solennel. Cette règle ne peut pas être invoquée au sujet des
donations, des conventions matrimoniales et des hypothèques mais elle ne peut non
plus être invoquée au sujet des testaments et de tous les actes solennels, en règle
générale. En vertu de ces mêmes raisons, le testament oral fait par un étranger en
Roumanie, conformément à sa loi personnelle, sera considéré comme invalide. Un tel
testament pourra être vu comme valide par les juges étrangers mais non par ceux
roumains; car, selon notre loi, le testament représente un acte solennel. Néanmoins, la
question est controversée – ce que l'illustre auteur admet -, et la Cour de Bucarest a
validé le testament oral fait par un sujet ottoman dans notre pays, selon la loi qui lui
était applicable, parce que la règle
locus regit actum serait optionnelle et non
obligatoire''. Une autre opinion fut exprimée, favorable à la validité des testaments
oraux faits par des ressortissants roumains sur le territoire des États les autorisant
47.
Nous nous rallions à cette dernière opinion, tout en considérant que les testaments
oraux ne portent point atteinte au principe de la solennité testamentaire. En vérité, le
fait d'exprimer, même oralement, la volonté d'octroyer des libéralités doit se soumettre
à certaines formalités. La présence simultanée des témoins qui respectent les exigences
imposées conformément à la loi étrangère compétente (exigences portant sur l'âge, sur
l'absence de la qualité de légataires et ainsi de suite), la confirmation du discernement
du testateur et des circonstances l'ayant empêché de tester par écrit, l'établissement
d'une attestation par les témoins assistant à l'enregistrement de la volonté du testateur,
attestation qui inclut les dispositions obligatoires imposées par la loi étrangère (mention
du lieu et de la date de l'établissement, l'attestation de la capacité juridique du testateur,
mention des circonstances parmi d'autres) suivie par la soumission de l'attestation de la
volonté du testateur aux autorités judiciaires compétentes et ainsi de suite, tous ces
aspects constituent des formalités conférant solennité au document (
negotium)
testamentaire. Il peut être même avancé que la solennité du testament oral est plus
''prononcée'' que celle du testament olographe. Le fait que, dans notre système
juridique, la solennité du testament se réduit à l'obligation de respecter certaines
exigences (''formalités'') portant sur l'attestation de la volonté du testateur ne signifie
pas que la solennité ne peut s'étendre à d'autres questions en plus de la rédaction du
testament.
46 D. Alexandresco, L’explication théorique et pratique du droit civil roumain, tome IV2 (livre III, titre II), p. 25-
26.
47 R. Meitani, La nationalité et le conflit des lois (cours), Bucarest, 1942, p. 389-390: „la même solution de la
validité doit être admise, même si la forme de laquelle on teste est méconnue par la loi roumaine, tel que l’a montré
très bien Professeur Alfred Juvara dans le commentaire qu’il a fait sur une décision de la Cour de cassation par
laquelle on annulait le testament verbal fait par un Roumain en Autriche dans la forme admise par ce pays-là”
(soulignement ajouté par l’auteur).
22



Page 24
Dans ces circonstances, nous considérons que le caractère oral des dernières
volontés regarde la forme du testament, s'agissant d'une modalité d'expression de la
volonté du testateur. Ce qui compte réellement est que la juridiction roumaine vérifie
tout d'abord si une telle modalité d'expression des dernières volontés est reconnue par
la loi étrangère compétente et, si c'est le cas, qu'elle censure le respect strict des
exigences imposées par la loi étrangère (aussi bien pour les cas où le testateur peut
recourir à une telle forme de testament que pour les exigences formelles à respecter).
L'expression orale des dernières volontés ayant trait à la forme, elle sera régie par la
loi qui régit la forme, plus précisément n'importe laquelle des lois indiquées par les
normes conflictuelles alternatives stipulées à l'article 2635 du nouveau Code civil. En
vertu de cet article, ''la rédaction, la modification ou la révocation du testament sont
valables si l'acte respecte les exigences formelles applicables, soit à la date quand il a
été rédigé, modifié ou révoqué, soit à la date du décès du testateur, conformément à
n'importe laquelle des lois suivantes: a) la loi nationale du testateur; b) la loi de la
résidence habituelle de celui-ci; c) la loi de l'endroit où l'acte a été rédigé, modifié ou
révoqué; d) la loi du statut de l'immeuble faisant l'objet du testament; e) la loi de
l'instance ou de l'autorité qui accomplit la procédure de transfert des biens hérités.''
''compétent'' – aux formalités concernant
Par conséquent, un testament oral fait par un ressortissant étranger en Roumanie
pourra être reconnu si, en vertu de sa loi nationale ou de la loi de la résidence habituelle
de celui-ci, de la loi du lieu où le testament a été établi, de la loi du lieu où se trouve
l'immeuble faisant l'objet du testament ou de la loi du for, un tel testament est reconnu
et si, certes, le document testamentaire respecte toutes les exigences imposées à cette
fin par la loi étrangère compétente. La reconnaissance des testaments oraux faits par
des ressortissants roumains à l'étranger ou par des ressortissants étrangers en Roumanie
– dans les conditions et avec les restrictions prévues par la loi étrangère compétente –
confirme le fait que le testament est un acte solennel et non un titre au sens littéral du
terme
48. D'autre part, la solennité ne peut être réduite – que par la volonté expresse du
législateur
l'attestation testamentaire.
Finalement, nous ne sommes pas d'avis qu'il soit possible de soutenir - de manière
justifiée - que le testament oral fait à l'étranger (avec le respect des exigences imposées
par la loi étrangère) porte atteinte à notre ordre public de droit international privé.
Compte tenu de la forme d'expression de la volonté du testateur (et non de l'aspect
matériel), le testament oral ne peut porter atteinte à aucun des principes fondamentaux
de notre système juridique car, généralement parlant, les questions formelles ne portent
point atteinte à l'ordre public international. Nous rappelons, à ce sujet, l'exemple du
droit international privé argentin (l'un des plus nationalistes) qui reconnaît de tels
testaments dans la mesure où ceux-ci sont permis par la loi étrangère compétente,
même si interdits dans le droit interne. L'article 515 (3) du Code civil argentin définit
les obligations nées des testaments oraux en tant que des obligations naturelles. “
El
derecho civil argentino – précise l'illustre professeur argentin Antonio Boggiano
49 –,
que repudia la forma testamentaria verbal, califica, no obstante, como obligación
natural la de pagar dichos legados. Ahora bien: una obligación que el derecho civil
argentino califica de natural no puede contrariar el orden público argentino. Parece
que podríamos afirmar genéricamente que las cuestiones formales no ofenden nuestro
orden público” (soulignement ajouté par l’auteur Dan Andrei Popescu)

48 C’est la raison pour laquelle l’interprétation du testament peut se faire non seulement par des éléments
intrinsèques, mais aussi par des éléments extrinsèques au document testamentaire, „dans la mesure où ils s’appuient
sur les éléments intrinsèques” (art. 1039, alinéa 2 du NCC).
49 A. Boggiano, Curso de derecho internacional privado. Derecho de las relaciones privadas internacionales,
Cuarta edición, Lexis Nexis, Abeledo-Perrot, Buenos Aires, 2004, p. 248-249.
23



Page 25
g) les droits et biens créés ou transférés autrement que par succession. En vertu de
l'article premier, alinéa 2, lettre g) du Règlement, sont exclus de son champ
d'application ''les droits et biens créés ou transférés autrement que par succession, par
exemple au moyen de libéralités, de la propriété conjointe avec réversibilité au profit
du survivant, de plans de retraite, de contrats d'assurance et d'arrangements analogues,
sans préjudice de l'article 23, paragraphe 2, point i).'' Quant aux donations entre vifs,
nous remarquons le fait que leur validité et effets sont, vu leur nature contractuelle,
régis par les dispositions du Règlement
Rome I, les parties au contrat de donation
pouvant convenir librement au sujet de la loi applicable audit contrat, conformément à
l'article 3 du Règlement. Il s'agit donc d'une autonomie de volonté plus étendue, point
limitée, comme c'est le cas en matière successorale, à la loi de l'État dont le testateur
(donateur) possède la nationalité. La seule restriction en cette matière provient de
l'ordre public de droit international privé et des lois de police (articles 16 et 9 du
Règlement
Rome I). En absence du choix de la loi applicable au contrat de donation,
celui-ci sera régi par la loi de la résidence habituelle du donateur (dans le cas des
donations mobilières) – donc par ''la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la
prestation caractéristique a sa résidence habituelle.'' (article 4, alinéa 2), respectivement
par la loi de l'État sur le territoire duquel se trouve le bien immobilier (dans le cas des
donations immobilières, article 4, premier alinéa, lettre c). Toutefois, les effets
successoraux de la donation seront régis par la loi successorale applicable, déterminée
en vertu du Règlement (UE) nº 650/2012. Dans ce sens,
''le rapport et la réduction des
libéralités lors du calcul des parts des différents bénéficiaires''
(article 23, alinéa 2,
lettre i) seront régis par la loi successorale;
h) les questions régies par le droit des sociétés, associations et personnes morales telles
que les clauses contenues dans les actes constitutifs et dans les statuts de sociétés,
d'associations et de personnes morales qui fixent le sort des parts à la mort de leurs
membres
. Les titres de participation au capital social des sociétés ou des autres entités
similaires font partie de l'actif de la succession. Néanmoins, le Règlement n'est point
applicable au transfert du droit de propriété sur ces titres, résulté du décès de l'un des
associés, leur régime continuant de se soumettre, en principe, à la loi qui régit le statut
organique de ces entités (
lex societatis), qu'elles disposent ou non de personnalité
juridique. D'autre part, l'acquisition, par les héritiers ou les légataires de l'associé
décédé, de la qualité d'associé pourrait affecter le caractère
intuitu personae de
certaines formes de sociétés, portant ainsi atteinte aux principes stipulés par lex
societatis
. Le Règlement détermine la loi applicable à la succession de l'associé décédé,
sans se prononcer toutefois sur le transfert des titres de participation au capital social,
sur la manière dont les héritiers ou les légataires exerceront leurs droits sur ces titres ou
bien sur l'opposabilité par rapport aux héritiers ou aux légataires des dispositions
relatives aux sociétés restreignant le transfert par voie successorale desdits titres;
i) la dissolution, l'extinction et la fusion de sociétés, d'associations et de personnes
morales
. Cette exclusion est naturelle, les aspects visés ayant trait, selon l'avis du
législateur européen, au droit des sociétés. Par la suite, les effets du décès d'un associé
sur la dissolution d'une société seront, en guise d'exemple, régis par la loi du statut
organique de celle-ci (
lex societatis) et non par lex successionis;
j) la constitution, le fonctionnement et la dissolution des trusts. Quoique les trusts servent
fréquemment, surtout dans le droit anglo-saxon, d'instruments de planification
successorale, le Règlement exclut l'application des dispositions à la constitution, au
fonctionnement et à la dissolution des trusts
50. Toutefois, en vertu du considérant 13 du
50 Conformément à l’article 6 de la Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa
reconnaissance, du 1er juillet 1985, la constitution du trust est gouvernée par la loi choisie par le constituant. Faute
de choix, on appliquera la loi de l’état avec lequel le trust a les liens les plus étroits, en tenant compte
24


Page 26
Règlement, ''Cela ne devrait pas s'entendre comme une exclusion générale des trusts.
Dans le cas où un trust est constitué en vertu d'un testament ou de la loi en lien avec
une succession ab intestat, la loi applicable à la succession en vertu du présent
Règlement devrait s'appliquer s'agissant de la dévolution des biens et de la vocation
successorale des bénéficiaires.'' Il s'ensuit que les dispositions du Règlement peuvent
devenir applicables en cette matière mais au sujet d'autres questions que celles portant
sur la constitution, le fonctionnement et la dissolution des trusts, comme celles
concernant la validité et l'interprétation des dispositions à cause de mort ayant comme
objet la constitution, la modification ou la révocation d'un trust ou bien les dispositions
à cause de mort relatives à l'institution d'héritiers ou à la nomination de légataires. Les
libéralités faites par l'intermédiaire d'un trust ne pourront pas affecter les dispositions
impératives de la loi successorale portant sur la réserve successorale
51, déterminée
conformément aux dispositions du Règlement.
k) la nature des droits réels. Au sujet des droits réels, surtout lorsque ceux-ci concernent
des immeubles, les choses paraissent évidentes, au moins à première vue. Les
immeubles sont situés sur un territoire sur lequel l'État exerce son souveraineté. Leur
circulation implique le changement des titulaires des droits réels et non
leur
''déplacement'' d'un territoire national à un autre, comme il arrive souvent dans le cas
des biens mobiliers. C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle les immeubles ne peuvent
pas, en principe, se soustraire au contrôle du législateur national de l'État sur le
territoire duquel ils se trouvent. Toutes les questions concernant leur statut et leur
circulation sont donc perçues comme se soumettant entièrement à la volonté du
législateur national, aucune interférence n'étant autorisée en cette matière. Autrement
dit, ils seraient régis par le même régime juridique que le territoire même, soumis à
l'assimilation (''absorbés'' par celui-ci), faisant l'objet de l'autorité et du pouvoir
discrétionnaire de l'État concerné. Par conséquent, les aspects portant sur les modalités
d'acquérir des droits réels sur les immeubles, la matérialité de ces droits, les contraintes
et les limitations, y compris la modalité de les exercer et surtout les exigences imposées
au sujet de leur constitution, leur transfert et leur extinction, demeurent régis par
lex rei
sitae
. D'autant plus, la règle d'application de lex rei sitae est complétée, en ce qui
particulièrement du lieu d’administration désigné par le constituant (settlor), du lieu de l’emplacement des biens
apportés dans le trust, de la résidence ou du lieu d’établissement du
trustee, respectivement des objets et des
endroits où ceux-ci seront accomplis (art. 7). Notre législateur a repris la solution de la Convention- sans prendre en
compte pourtant la nature contractuelle qu’elle a conférée à la fiducie (art. 773 du NCC), contrairement à la nature
unilatérale du trust anglo-saxon, en soumettant la fiducie à la loi choisie par le constituant (art. 2659, premier alinéa
du NCC). Faute du choix de la loi applicable ou lorsque la loi choisie ne connaît pas l’institution de la fiducie „on
applique la loi de l’état avec lequel la fiducie présente les liens les plus étroits. Dans ce but, on prend en compte
particulièrement: a) le lieu d’administration de la masse patrimoniale fiduciaire, désigné par le constituteur; b) le
lieu d’emplacement des biens fiduciaires; c) le lieu où le fiduciaire a la résidence habituelle ou, selon le cas, le siège
social; d) le but de la fiducie et le lieu où celle-ci se réalisera” (art. 2660 du NCC).
51 Voir, à cet égard, la disposition de l’article 15, premier alinéa de la Convention de La Haye relative à la loi
applicable aux trusts et à leur reconnaissance, du 1
er juillet 1985, qui prévoit: “The Convention does not prevent the
application of provisions of the law designated by the conflicts rules of the forum, in so far as those provisions
cannot be derogated from by voluntary act, relating in particular to the following matters -

a) the protection of minors and incapable parties;
b) the personal and proprietary effects of marriage;
c) succession rights, testate and intestate, especially the indefeasible shares of spouses and relatives;
d) the transfer of title to property and security interests in property;
e) the protection of creditors in matters of insolvency;
f) the protection, in other respects, of third parties acting in good faith”
(soulignement ajouté par l’auteur Dan
Andrei Popescu). La
Roumanie ne fait pas partie de cette convention. Pour un ouvrage de référence sur cette
convention, v. J. Harris,
The Hague Trusts Convention: Scope, Application and Preliminary Issues: The Private
International Law of Trusts, Hart Publishing, 2002.
25



Page 27
concerne les litiges au sujet des droits réels immobiliers, par celle portant sur la
compétence exclusive dont disposent les autorités de l'État sur le territoire duquel
lesdits droits se trouvent. De cette manière, le cercle est clos, s'agissant en fin de
compte d'une double exclusivité: celle de la loi applicable et celle des autorités
habilitées à ''recueillir'' les requêtes et à se prononcer du point de vue juridique (
juris
dicta
) sur de tels litiges. Il n'y a pas eu, pendant longtemps, la moindre tentative de
démolir les murs de la double exclusivité. La loi étrangère, quelle qu'elle soit et quel
que soit le lien l'unissant aux parties entre lesquelles le rapport juridique est établi, se
voyait refuser
de plano le potentiel d'application, même lorsqu'elle régissait le rapport
contraignant à la base du transfert réel (lex contractus, par exemple) ou une autre
institution juridique sur laquelle s'appuyait le transfert, régie par la loi étrangère (lex
successionis
dans les systèmes juridiques ne distinguant point, au sujet de la loi
applicable, entre les biens mobiliers et ceux immobiliers). L'application de
lex rei sitae
dans ce domaine conduit, parmi d'autres, à:
- l'application de la loi de l'autorité habilitée aux fins de l'enregistrement (cadastral) du
droit concerné, respectivement, selon le cas, de la loi de l’autorité saisie aux fins du
règlement du litige;
- l'harmonisation du droit réel constitué ou transféré avec le système de publicité
réglementé par la loi de la localisation du bien;
- la requalification du droit acquis en vertu de la loi étrangère, à condition que ce droit
ne soit pas stipulé dans le système juridique de l'État sur le territoire duquel se trouve
l'immeuble. Ainsi, en vertu de l'article 31 du Règlement (UE) nº 650/2012, au cas où
''une personne fait valoir un droit réel auquel elle peut prétendre en vertu de la loi
applicable à la succession et que la loi de l'État membre dans lequel le droit est invoqué
ne connaît pas le droit réel en question, ce droit est, si nécessaire et dans la mesure du
possible, adapté au droit réel équivalent le plus proche en vertu de la loi de cet État en
tenant compte des objectifs et des intérêts poursuivis par le droit réel en question et des
effets qui y sont liés.'' L'adaptation des droits réels se rapporte au fonctionnalisme
comparé (au droit comparé) qui vise l'identification des équivalences entre ce qui, selon
une loi donnée, est considéré acquis et l'efficacité extraterritoriale des droits reconnus.
L'acquisition s'appuie sur
lex successionis tandis que la loi rei sitae est celle qui
détermine l'existence des droits, les aspects formels et matériels des droits portant sur
des biens. Certes, l'hypothèse envisagée est celle d'une séparation du champ
d'application des deux lois (la loi successorale et la loi de la localisation des biens). Si
tel n'est pas le cas, le problème de l'adaptation disparaît, bien évidemment. La
technique de l'adaptation n'est pas facile, en règle générale. La loi de l'État d'origine des
biens paraîtrait avoir le dernier mot. C'est elle qui exerce le contrôle sur le régime
juridique des biens situés sur son territoire, c'est elle qui marque l'officialisation en
formalisant les droits, en statuant même le moment de l'acquisition du droit de propriété
ou des autres droits réels. Le point de départ qui représente, à la fois, le critère
fondamental de l'adaptation doit être, néanmoins, la volonté de ''celui qui lègue'', de
''celui qui donne'', respectivement du testateur. Dans la mesure où le droit légué ne peut
point s'intégrer dans le ''
puzzle conceptuel'' du pays sur le territoire duquel se trouvent
les biens légués, l'adaptation se fera en prenant comme référence formelle le
numerus
clausus
consacré par le système juridique de l’État concerné. Autrement dit, l'objectif
sera d'équivaloir le droit que le testateur a voulu léguer, en s'appuyant sur
lex
successionis,
selon le formalisme conceptuel consacré par le système réel de l'État sur
le territoire duquel se trouvent les biens. Nous nous trouvons, par conséquent, en
présence d'une procédure de qualification sauf qu'il s'agit d'une procédure secondaire
qui n'influence point le règlement du conflit de lois. Cette ''approximation'' peut
s'avérer, parfois, relativement difficile. C'est, par exemple, le cas d'un droit résultant
26

Page 28
d'une convention de time sharing, droit qualifié par lex successionis comme ayant la
nature d'un droit réel (par exemple, par la loi roumaine choisie par le ressortissant
roumain décédé) mais que le système juridique de l'État d'origine de l'immeuble
(l'Autriche, la France, l'Allemagne, l'Italie) ne reconnaît pas en tant que tel. Dans ce
contexte, la question qui se poserait est la suivante: qui opère l'adaptation? L'autorité
habilitée, en vertu des règles de compétence du Règlement, en vue du règlement de la
succession ou bien celle de la localisation de l'immeuble? À notre avis, cette
responsabilité revient à l'autorité successorale car, d'une part, elle jouit de toute
compétence en cette matière, étant appelée à réglementer toutes les questions ayant trait
à la succession, qu'elles soient incidentes ou qu'elles surviennent ultérieurement, au
cours du règlement de la succession. D'autre part, en vertu du Règlement, une décision
prononcée par une juridiction compétente d'un État membre est reconnue dans tous les
autres États membres car elle est exécutoire. Une décision qui porterait atteinte aux
principes en la matière, en vigueur dans l'État où se trouvent les immeubles conduirait
donc à l'impossibilité de son exécution dans l'État concerné car contrevenant aux fins
du Règlement. De plus, les juridictions de l'État d'origine des immeubles se trouvent
dans l'impossibilité ''de refondre'' la décision étrangère;
l) toute inscription dans un registre de droits immobiliers ou mobiliers, y compris les
exigences légales applicables à une telle inscription, ainsi que les effets de l'inscription
ou de l'absence d'inscription de ces droits dans un registre
. Quoique le transfert
successoral constitue un fondement à part de la transmission du droit de propriété ou
d'autres droits réels ayant trait à des biens mobiliers ou immobiliers, l'inscription
desdits droits, en vertu de la succession, ne peut pas faire abstraction de la structure des
registres de publicité (mobilière ou immobilière) de l'État sur le territoire duquel se
trouvent des biens composant le patrimoine successoral. Les principes d'organisation de
ces registres de publicité, y compris le régime et les effets des inscriptions, sont régis
par la législation interne de chaque État visé, ce qui les exclut du champ d'application
du Règlement. Cette exclusion présente un caractère général et porte sur tous les
aspects ayant trait à la forme et au régime juridique des inscriptions
52. Cette situation
pourrait s'expliquer par le fait que le régime d'inscription dans ces registres de publicité
relève de ''l'organisation d'un service public''
53 spécifique à chaque État et fait l'objet
des attributions d'une certaine autorité. D'ailleurs, dans quelques États membres, les
autorités nationales assument une compétence exclusive au sujet de l'établissement des
actes ou des titres faisant l'objet de l'inscription. Dans ce sens, en vertu de l'article 29 de
la Loi nº 7/1996 relative au cadastre et à la publicité immobilière, l'inscription
cadastrale ou l'inscription provisoire dans le registre cadastral ne pourront s'appuyer
que sur un acte authentique ''établi par un notaire public de Roumanie, dans l'exercice
de ses fonctions'' (article 29, premier alinéa, lettre c)
54. Par conséquent, seuls les actes
respectant certaines conditions et établis ''conformément aux exigences formelles
prévues par la loi'' (article 29, premier alinéa, lettre a) se soumettent à l'obligation
d'inscription dans le registre cadastral, le législateur statuant une compétence exclusive
en cette matière en faveur du notaire public ''dans l'exercice de ses fonctions en
Roumanie''. La question qui se pose, dans ce contexte, est liée à la question si à
l'exclusivité formelle stipulée par le législateur au sujet des transferts réels peut (ou
52 Selon P. Wautelet, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 125, nº 122.
53 Pour des détails voir E. Jacoby, “Le certificat successoral européen et les registres fonciers”, JCP, éd. N, 2013,
act. 343, p. 5 et les suivantes.
54 On a une disposition pareille, par exemple, à l’article 710-1 du Code civil français, ayant le contenu suivant:
“Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d'un acte reçu en la forme
authentique par un notaire exerçant en France, d'une décision juridictionnelle ou d'un acte authentique émanant
d'une autorité administrative.”
27


Page 29
non) s’ajouter, en matière gracieuse, une compétence exclusive, officiellement
reconnue, du notaire de l'État d'origine de l'immeuble. Autrement dit, est-il possible
d'imposer et de justifier un ''nationalisme formel''? La forme – concept européen
autonome ou ''entité'' nationale, signification imposée par le législateur national en vue
du respect des exigences ayant trait à la circulation des biens à l'intérieur du système
juridique national? Pouvons-nous donc parler d'une ''nationalité'' de la forme et du
formalisme ou bien de raisons ''communautaires'' uniques (européennes par conséquent)
du formalisme, les mêmes sur tout le territoire européen? Si la réponse à cette dernière
question est affirmative, s'agit-il d'un ''exclusivisme européen'' s'appuyant sur une
distribution de compétence qui relève du principe d'équivalence ou y a-t-il un rôle à
envisager pour le législateur national? Permettrait cela au législateur d'être plus
exigeant au sujet des raisons et des effets du formalisme en matière de droit privé?
Pourrait le législateur national établir des exclusivités au sujet des autorités habilitées à
''donner'' forme? En quelle mesure cet ''enrichissement formel'' pourrait-il affecter ou
entraver les principes de libre circulation statués au niveau européen? Enfin, en quelle
mesure doit la logique du formalisme se rapporter à l'acte juridique ou, notamment, à la
crédibilité du registre public où celui-ci doit être inscrit?
Nous précisons, dès le début, que la solution adoptée par les États membres n'est
point unitaire. Dans quelques-uns des États membres, le notaire exerçant son métier
dans l'État sur le territoire duquel se trouve l'immeuble (la France, la Roumanie)
bénéficie d'une compétence exclusive tandis que cette exclusivité n'est pas à retrouver
dans d'autres États membres.
Le droit espagnol reconnaît les contrats authentiques dressés par les notaires
étrangers à condition que l'acte étranger respecte les exigences d'authenticité similaires
à celles existant dans le système juridique espagnol. Plus précisément, quoique les
notaires espagnols ne bénéficient plus, à présent, d'une compétence exclusive – la
question étant récemment réglée, dans ce sens, par la Cour suprême espagnole – la
condition que l'acte étranger soit similaire à celui espagnol subsista, en respectant ainsi
les critères prévus pour l'acte authentique, critères qui ont, d'ailleurs, été imposés au
niveau européen (l'affaire Unibank, le Règlement (UE) nº 805/2004 portant création
d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées et, récemment, le
Règlement nº 650/2012 relatif à la loi applicable en matière de successions. Équivaloir
donc un tel acte à l'acte dressé par un
notary public appartenant au système anglo-
saxon, qui ne fait qu'attester l'identité des parties et leur signature, tient donc du
domaine de l'impossible. D'ailleurs, ce
notary public n'est pas, dans la plupart des cas,
le possesseur de connaissances juridiques étant donné qu'il suffit qu'il soit reconnu
comme une personne honorable en société (
''honorable man''), sans antécédents
pénaux. Il ne peut donc point conseiller les parties au sujet de l'acte à dresser, cette
fonction étant effectivement absente de ses attributions, tout comme le contrôle de la
validité de l'acte. Il n'existe point, par conséquent, une similarité entre le statut du
notary public et celui du notaire des États européens d'origine latine, notaire dont le
statut spécial et les responsabilités correspondent à la position de ''magistrat en matière
gracieuse''. D'autre part, le notaire du système de droit latin remplit une fonction de
prévention ainsi que de sûreté publique, étant le garant du circuit juridique (du circuit
immobilier notamment), celui qui assure la crédibilité et la confiance en ce circuit,
surtout lorsque l'action en rectification du registre foncier peut aussi bien se diriger,
dans le délai de prescription de cette action (3 ans dans le cas de la Roumanie), contre
l'acquisiteur tiers de bonne foi et à titre onéreux. De plus, les attributions du notaire
incluent le calcul et la perception des impôts pour les propriétés léguées par l'acte qu'il
dresse, à côté de l'obligation de s'impliquer dans la prévention et la sanction du
blanchiment d'argent (
money laundering). La position espagnole est équilibrée: elle ne
28

Page 30
reconnaît point la compétence exclusive du notaire espagnol au sujet des immeubles
situés en Espagne mais, d'autre part, elle impose un acte qui soit considéré valide dans
l'État d'origine et qui respecte des exigences minimales de sûreté, la fonction d'un tel
acte étant similaire à celle d'un acte authentique dressé par un notaire espagnol
55. Une
décision récente prononcée par la Cour suprême espagnole le 19 juin 2012 confirme
cette position, en maintenant la solution avancée par une instance judiciaire antérieure
ayant disposé l'inscription dans le
''Registro de la Propriedad Puerto de la Cruz''
(
Santa Cruz de Tenerife) d'un contrat d'achat-vente légalisé par un notaire allemand et
conclu entre et par deux ressortissants allemands, l'objet du contrat étant une quote-part
indivise d'un appartement situé sur l'île de Tenerife56. Dans la motivation de cette
décision, la Cour est d'avis qu'une solution contraire à l'admission de la demande
d'inscription dans le registre espagnol des propriétés du contrat légalisé par un notaire
allemand (démarche soutenue et argumentée par la
Dirección General de los Registros
y el Notariado
) porterait atteinte au principe de la libre prestation des services dans
l'Union européenne. D'autre part, l'imposition de l'exclusivité d'intervention d'un
notaire espagnol porterait atteinte à la libre circulation des biens, ce qui ne serait pas
acceptable du point de vue des systèmes juridiques espagnol et européen:
“Tal
exigencia en relación con la escritura pública de compraventa de un bien inmueble
situado en Espana, que sostiene la Dirección General de los Registros y del Notariado,
no puede justificarse -como se ha dicho- en un adecuado entendimiento de las normas
de Derecho Internacional privado espanol sobre la forma de los contratos, las
obligaciones contractuales y la transmisión de los derechos reales. Por ello puede
afirmarse que la negativa de efecto jurídico ante el Registro de la Propiedad espanol
de la escritura otorgada ante un notario alemán carece de sentido cuando, además, la
misma puede producir plenos efectos probatorios en Espana en los términos previstos
en el artículo 323 de la Ley de Enjuiciamiento Civil y resulta evidente que el
documento notarial alemán y el espanol son equivalentes en cuanto la función de fe
pública ejercida por ambos es similar, sin que pueda resultar imprescindible la
identidad de forma ya que -como también se ha razonado anteriormente- por el
principio auctor regit actum cada notario aplica su propia legislación y por tanto la
estructura, menciones e identidades de la escritura nunca coincidirán exactamente, por
lo que tal requerimiento dejaría sin efecto y sin valor alguno en Espana a la mayor
parte de las escrituras públicas otorgadas en el extranjero. El control de la seriedad
formal en su otorgamiento-que no parece pueda ser discutido en el seno de la Unión
Europea y, concretamente en este caso, en relación con Alemania- se extendería de
modo improcedente a la práctica exigencia de que el notario extranjero aplicara los
requisitos de carácter administrativo vigentes en Espana, como parece exigir la
55 Voir, dans ce sens, Pedro Garrido, Real Property Law – Spain Report, p. 33-34:“But whenever the law
governing the contents of these acts and contracts requires a special form or formality in order to be valid (which
is in any case exceptional in Spanish law), it shall always be applied, even if they are executed abroad. (…)
According to the Ley Hipotecaria, in order for acts of transfer of ownership or encumbrances on properties to be
registered, these have to be included in a notarial act. This notarial act is usually executed before a Spanish notary,
but it may also be before a notary of another country of the European Union, provided that it is equivalent to the
Spanish notarial act with respect to formal and essential requirements (that is: that the notary not only verifies the
parties’ identity, but also their capacity, that the agreement contains their true will, and that it is in compliance
with the Law). (…) This is the case in almost all the notarial acts of European Notaries, but it is not the case of the
Notaries of London, where the real property is verified but not the validity or legality of the business contained in
the document. (…) In any case, the truth is that most Land Registries accept conveyances or power of attorneys
written up by London Notaries, even though they do not exactly fit the Spanish legal concept of a notarial act”
(soulignement ajouté par l’auteur Dan Andrei Popescu).
56 Voir, au sujet de cette décision: http://conflictoflaws.net/2012/foreign-notary-deed-in-spain
29


Page 31
Dirección General respecto de requerimientos que ni siquiera regían en Espana en el
momento del otorgamiento de la escritura de que se trata (24 de octubre de 1984).”

4.2. Champ d'application spatial. Le Règlement s'appliquera dans tous les États membres,
à l'exception du Danemark (articles 1 et 2 du Protocole numéro 22 sur la position du Danemark,
annexé au Traité sur l’Union européenne/TUE et au Traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne/TFUE – le Journal officiel de l'UE C 326 du 26 octobre 2012, p. 299), du Royaume-
Uni et de l'Irlande (en vertu des articles 1 et 2 du Protocole numéro 21 sur la position du
Royaume-Uni et de l'Irlande à l'égard de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au
Traité sur
l’Union
européenne/TFUE – le Journal officiel de l'UE C 326 du 26 octobre 2012, p. 295).
l’Union européenne/TUE et au Traité sur
le fonctionnement de
4.3. Champ d'application temporel. En vertu de l'article 83, premier alinéa du Règlement,
celui-ci s'applique aux successions ouvertes à partir du 17 août 2015 (y compris le 17 août
2015). Ainsi, le choix de la loi successorale applicable, en vertu de l'article 22, serait possible
uniquement si ce choix est fait à partir du 17 août 2015. Afin de stimuler la prédictibilité de la
loi successorale applicable, lorsque le choix est fait avant cette date mais la succession est
ouverte ultérieurement (ou bien le 17 août 2015), le Règlement vient, toutefois, à l'aide du
testateur, validant le choix fait avant la date de début de son application. Dans ce sens, en vertu
de l'article 83, alinéa 2, ''Lorsque le défunt avait, avant le 17 août 2015, choisi la loi applicable à
sa succession, ce choix est valable s'il remplit les conditions fixées au chapitre III ou s'il est
valable en application des règles de droit international privé qui étaient en vigueur, au moment
où le choix a été fait, dans l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle ou dans tout
État dont il possédait la nationalité.''
En échange, si la succession est ouverte avant le 17 août 2015, la validité du choix de la
loi applicable dépendra des normes conflictuelles internes de chaque État
57. Il est vrai que la
plupart des normes conflictuelles en matière successorale relevant des États membres ne
prévoient aucune possibilité de choisir la loi successorale applicable, ce qui conduit à
l'invalidation du choix fait par le testateur décédé avant le 17 août 2015.
L'alinéa 3 de l'article 83 valide les dispositions mortis causa faites avant la date de début
de l'application du Règlement (respectivement le 17 août 2015) si celles-ci respectent les
conditions prévues au Chapitre III du Règlement ou bien si elles sont perçues, du point de vue
matériel et formel, comme admissibles et valides, en vertu des normes de droit international
privé en vigueur au moment de leur établissement.
En dernier lieu, l'alinéa 4 de l'article 83 va plus loin encore en validant les dispositions à
cause de mort faites avant le 17 août 2015 si celles-ci sont considérées valides en vertu de la loi
que le défunt aurait pu choisir, estimant que la loi concernée a été choisie en tant que loi
successorale applicable
58.
57 A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 334, nº 84. La solution du Professeur Bonomi n’est pas, à
notre avis, hors de tout débat, surtout puisque le 2
ème alinéa de l’article 83 du Règlement demande, pour la validité
du choix, de remplir uniquement les exigences du III
ème Chapitre du Règlement, c’est-à-dire que le choix concerne
l’ensemble de la succession, que la loi choisie soit celle de la nationalité du testateur (ou d’une de ses nationalités),
soit de la date du choix, soit de celle de son décès, que le choix soit fait de façon explicite ou qu’il résulte de
manière claire et qu’il prenne la forme d’une disposition
mortis causa. Le texte n’impose pas, pour l’efficacité du
choix, la condition de l’ouverture de la succession après la date de 17 août 2015. De l’autre côté, la raison de la
reconnaissance de la possibilité du choix anticipé est celle de conférer de la prédictibilité et de la sécurité à l’auteur
du choix par rapport à la loi qui va gouverner sa succession, celui-ci étant dans l’impossibilité de connaître et de
„contrôler” le moment de son décès.
58 Pour une ample étude dédiée aux problèmes transitoires du Règlement, voir Ch. Schoppe, “Die
Übergangsbestimmungen
und
Gestaltungspotential”, dans Iprax nº 1/2014, p. 27-33.
internationalen Erbrecht: Anwendungsprobleme
zur Rechtswahl
im
30






Page 32
Chapitre II. Aspects théoriques portant sur la compétence juridictionnelle de
droit international privé en matière de succession.
§ 1. Compétence générale des juridictions des États membres.
1.1. La règle générale.
La règle générale en matière de compétence est formulée à l'article 4 du Règlement. En
vertu de cet article, ''
Sont compétentes pour statuer sur l'ensemble d'une succession les
juridictions de l'État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de
son décès
.''
La règle précitée visait la concentration de la compétence relative au règlement de la
succession au niveau d'une seule autorité
59, en évitant ainsi les procédures successorales
multiples devant des autorités appartenant à plusieurs États membres. Cette solution présente un
avantage qui résulte du rapport de proximité établi entre la succession et l'autorité habilitée à la
régler, étant connu que les biens successoraux (ou la plupart de ces biens) se trouvent, le plus
souvent, sur le territoire de l'État où le testateur a eu sa dernière résidence habituelle. D'autre
part, l'accès à la justice des créanciers de la succession ou des autres personnes intéressées liées
par des liens juridiques au testateur est facilité.
L'aspect le plus important, capable d'assurer l'unité de la succession, demeure,
néanmoins, la symétrie entre le critère de la détermination de la compétence internationale en
matière successorale et celui de la détermination de la loi successorale applicable – la dernière
résidence habituelle du défunt (articles 4 et 21, premier alinéa). Les dispositions du Règlement
visent en effet, en vertu du considérant 27, à garantir que ''
l'autorité chargée de la succession en
vienne, dans la plupart des cas, à appliquer son droit national. Le présent règlement prévoit dès
lors une série de mécanismes qui entreraient en action dans les cas où le défunt avait choisi
pour régir sa succession le droit d'un État membre dont il était un ressortissant.
''
La règle statuée à l'article 4 envisage la situation où la dernière résidence habituelle du
défunt se trouve sur le territoire d'un État membre
60, cas où les autorités dudit État membre
disposeront d'une compétence s'étendant à l'ensemble des biens composant le patrimoine
successoral, quelle que soit leur nature. Cette règle générale (comme toutes les autres normes de
compétence du Règlement) vise toutefois, il faut le mentionner, la compétence internationale
59 Il y a aussi, par exception, des compétences particulières, telles que celles liées à l’acceptation ou au renoncement
à la succession, à l’héritage ou à la réserve successorale, options qui peuvent être exprimées soit devant l’instance
compétente à débattre la succession en vertu des dispositions du règlement, soit devant l’instance appartenant à
l’État membre où le déclarant a la résidence habituelle (art. 13). En outre, si le patrimoine successoral contient des
biens situés sur le territoire d’un État tiers, la juridiction saisie „peut, [à la demande d'une des parties], décider de ne
pas statuer sur l'un ou plusieurs de ces biens si l'on peut s'attendre à ce que la décision qu'elle rendrait sur les biens
en question ne soit pas reconnue ou, le cas échéant, ne soit pas déclarée exécutoire dans ledit État tiers.” (art. 12).
Mais ces dérogations ont un caractère ponctuel, étant justifiées par des raisons d’ordre pratique, liées soit à la
proximité des personnes appelées à exprimer leur option successorale, soit au risque de l’impossibilité d’exécution
de la décision concernant les biens situés sur le territoire d’un État tiers, n’étant pas en mesure de mettre en doute
l’unité de compétence consacrée par l’article 4.
60 Par État membre on entend les États membres où le Règlement est applicable (les États membres „liés” au
Règlement). Le Règlement sera appliqué dans tous les États membres, à l’exception du Danemark (art. 1 et 2 du
Protocole nº 22 sur la position du Danemark, annexé aux TUE et TFUE- le Journal officiel C 326 du 26 novembre
2012, p.299), du Royaume-Uni et de l’Irlande (conformément à l’art. 1 et 2 du Protocole nº 21 sur la position du
Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé aux TUE et TFUE- le
Journal officiel C 326 du 26 octobre 2012, p. 295).
31







Page 33
des juridictions et non la compétence interne61. Autrement dit, une fois la dernière résidence
habituelle du testateur déterminée, la compétence ''interne'' des autorités judiciaires sera établie
en vertu de la législation interne. Plus précisément, dans le cas de la Roumanie, l'autorité
judiciaire compétente, du point de vue matériel et territorial, sera décidée conformément aux
dispositions du nouveau Code de procédure civile (articles 105
62 et 11863 du nouveau Code de
procédure civile)
64.
La nationalité du défunt n'influence pas l'application dudit article.
Nous précisons, à ce sujet, que les règles de compétence stipulées par le Règlement
s'appliquent aux juridictions et aux notaires des États membres où ceux-ci exercent des
attributions judiciaires en matière successorale (c'est le cas de l'Autriche, de la République
tchèque, de l'Allemagne, de la Hongrie). Ainsi, ''il convient dès lors de donner au terme
«juridiction» un sens large permettant de couvrir, non seulement les juridictions au sens strict
qui exercent des fonctions juridictionnelles, mais également les notaires ou les services de l'état
civil dans certains États membres qui, pour certaines questions successorales, exercent des
fonctions juridictionnelles au même titre que les juridictions, et les notaires et les professionnels
du droit qui, dans certains États membres, exercent des fonctions juridictionnelles dans le cadre
d'une succession donnée en vertu d'une délégation de pouvoirs accordée par une juridiction.
''
(considérant 20).
Les règles de compétence stipulées par le Règlement ne s'appliquent pas aux notaires
publics roumains
étant donné que ceux-ci n'exercent aucune attribution judiciaire, la procédure
successorale notariale se déroulant exclusivement devant le notaire public, en absence d'un
contrôle exercé par la juridiction. En vertu de l'article 3, alinéa 2, le terme ''juridiction'' indique
toutes les autorités ''
qui exercent des fonctions juridictionnelles ou agissent en vertu d'une
délégation de pouvoirs d'une autorité judiciaire
65 ou sous le contrôle d'une autorité judiciaire,
pour autant que ces autres autorités et professionnels du droit offrent des garanties en ce qui
concerne leur impartialité et le droit de toutes les parties à être entendues, et que les décisions
qu'ils rendent en vertu du droit de l'État membre dans lequel ils exercent leurs fonctions: a)
puissent faire l'objet d'un recours devant une autorité judiciaire ou d'un contrôle par une telle
61 Selon A. Bonomi, P. Wautelet, Le droit européen des successions. Commentaire du Règlement n° 650/2012 du
4 juillet 2012
, Bruylant, 2013, p. 173.
62 La compétence d’attribution (matérielle) reviendra, selon le cas, en fonction de la valeur de l’actif brut de
l’héritage, au tribunal de première ou de seconde instance, de même que l’actif successoral brut dépasse ou pas la
valeur de 200.000 lei, à l’exception du partage, qui rentre dans la compétence du tribunal de première instance,
indépendamment de la valeur. Selon l’article 105 du NCPC, en matière successorale, „la compétence selon la
valeur est déterminée sans soustraire les charges ou les dettes de l’héritage”. Pour le commentaire, voir Gh.-L.
Zidaru, dans V. M. Ciobanu, M. Nicolae (coord.),
Nouveau Code de procédure civile commenté et annoté, vol. I –
art. 1-526, Ed. Universul Juridic, Bucarest, 2013, p. 307-308; I. Leș,
Nouveau Code de procédure civile.
Commentaire sur les articles,
C. H. Beck, Bucarest, 2013, p. 181 et les suivantes; A. Constanda, dans G. Boroi
(coord.),
Nouveau Code de procédure civile. Commentaire sur les articles, Ed. Hamangiu, Bucarest, 2013, p. 299.
63 Du point de vue territorial, l’instance exclusivement compétente est celle du dernier domicile du défunt (art. 118
du NCPC).
64 Le nouveau Code de procédure civile consacre la compétence internationale exclusive des instances roumaines
en matière successorale, entre autres, pour „des biens laissés en Roumanie par le défunt avec le dernier domicile en
Roumanie” (art. 1079, point 2). Cette disposition sera appliquée seulement par rapport aux successions ouvertes
jusqu’à la date de 17 août 2015. Concernant les successions ouvertes à la date de 17 août 2015 ou après cette date,
seront appliquées les dispositions du Règlement (art. 83, premier alinéa du Règlement).
65 La distinction concernant l’exercice des règles de compétence du Règlement entre les procédures litigieuses et
celle gracieuses (où les notaires n’exercent pas d’attributions judiciaires ou ne déroulent pas leur activité sous le
contrôle d’une autorité judiciaire) constitue le principal facteur de distorsion, capable aussi bien d’influencer
négativement la solution au niveau du conflit des lois, même si, du point de vue de la technique de localisation des
successions et de la détermination de la loi qui leur est applicable il n’y a pas de distinction entre la nature litigieuse
ou non litigieuse de la procédure successorale. Le Règlement a été bâti sur le pivot du principe de l’unité de
l’héritage. Et pour que cette unité puisse se réaliser, le législateur européen a consacré une symétrie entre la règle
fondamentale de compétence internationale (art. 4) et celle du niveau du conflit des lois (art. 21).
32


Page 34
autorité; et b) aient une force et un effet équivalents à une décision rendue par une autorité
judiciaire dans la même matière.
''
Les notariats connaissent diverses formes d'organisation dans les États membres et
suivent, en règle générale, dans chaque État membre, les règles de compétence prévues à cette
fin par l'État membre concerné. Savoir si les notaires sont (ou non) liés par les règles de
compétence stipulées par le Règlement ''
devrait dépendre de la question de savoir s'ils relèvent
ou non de la définition du terme «juridiction»
'' (considérant 21), terme défini à l'article 3,
alinéa 2.
Par la suite, dans le cas des notaires publics roumains, compte tenu du fait que ceux-ci
exercent leurs compétences en matière successorale en nom propre et non en vertu d'une
délégation de pouvoirs d'une autorité judiciaire ou sous le contrôle d'une telle autorité66, leur
compétence, lorsque la succession présente des éléments d'extranéité, sera déterminée par la
législation interne. La situation est la même, par exemple, en France: les notaires français, ne
sont pas liés par les règles de compétence du règlement: “(p)our la France, le
notaire n’exerce
pas une « fonction juridictionnelle » et n’est donc pas une «juridiction » au sens du règlement;
sa compétence relève toujours du droit national.”
67
La compétence internationale du notaire public roumain est déterminée en fonction du
dernier domicile du défunt. Ainsi, si le dernier domicile du défunt ne se trouve pas en Roumanie
(ou s'il n'est pas connu), le notaire public compétent est le premier notaire saisi, s'il existe, dans
sa circonscription, au moins un bien immeuble (article 102, alinéa 4 de la Loi nº 36/1995
relative aux notaires publics et à l'activité notariale
68). Si le patrimoine successoral ne comporte
pas des biens immeubles situés en Roumanie, le dernier domicile du défunt ne se trouvant pas en
Roumanie, le notaire public compétent sera le premier notaire saisi, s'il existe, dans la
circonscription de celui-ci, des biens meubles (article 105, alinéa 5 de la Loi nº 36/1995). Au cas
où le dernier domicile du défunt ne se trouve pas en Roumanie et le patrimoine successoral ne
comporte aucun bien situé sur le territoire de la Roumanie, ''le notaire public compétent est le
premier notaire saisi'' (article 102, alinéa 6 de la Loi nº 36/1995)
69. Nous constatons que le
notaire public jouit d'une compétence générale, étant compétent au sujet des successions
présentant des éléments d'extranéité, où que le dernier domicile du testateur se trouve, où que les
biens composant le patrimoine successoral se trouvent. Les différentes possibilités énumérées
66 Du fait que les actes notariaux sont soumis, conformément à la loi, au contrôle judiciaire (art. 157 et 158 de la
Loi nº 36/1995, republiée) - contrôle général qui s’étend sur tous les actes notariaux, indépendamment de leur objet
- on ne peut absolument pas déduire que, sur le plan de la compétence internationale, le notaire public roumain
exerce des attributions judiciaires (tout comme les notaires de certains pays membres, par exemple l’Autriche, où la
compétence de l’émission du certificat d’héritier (
Erbschein) n’appartient pas au notaire, mais à l’instance
successorale (
Nachlassgericht). Dans le cadre de la procédure successorale, le notaire roumain dispose de liberté
d’appréciation, en ne travaillant pas sous le contrôle de l’instance judiciaire.
67 H. Gaudemet-Tallon, “Les règles de compétence judiciaire dans le règlement européen sur les successions”,
dans G. Khairallah et M. Revillard (éd.),
Droit européen des successions internationales. Le Règlement du 4
juillet 2012,
Defrénois, 2013, p. 129; J. Sagot-Duvauroux, “Les règles européennes de compétence directe en
matière de successions internationales”,
dans E. Fongaro (coord.), avant-propos de J. Foyer, Droit patrimonial
européen de la famille,
Lexis Nexis SA, Paris, 2013, p. 21.
68 Republiée dans le Journal officiel nº 72 du 4 février 2013 avec un numérotage différent des textes.
69 Nous considérons néanmoins que l’utilité de cette compétence reconnue du notaire public, prenant en compte le
fait que le dernier domicile du défunt n’est pas en Roumanie et les biens du patrimoine successoral ne se trouvent
pas en territoire roumain non plus, pourrait être imaginée, au niveau pratique, dans l’émission du certificat de la
qualité d’héritier. Un certificat d’héritier émis par le notaire roumain, ayant comme objet exclusivement les biens se
trouvant à l’étranger, ne sera pas reconnu dans ces pays-là. En plus, on refuse, en principe, au notaire public
roumain cette compétence si les biens de la masse successorale (surtout les immeubles) sont situés sur le territoire
des États membres où les notaires exercent des compétences déléguées par une autorité judiciaire ou sous son
contrôle, étant inclus de cette manière dans la sphère de compétence du Règlement. Dans les États membres où les
notaires ont une position similaire à celle des notaires roumains, il est possible que ceux-ci se réjouissent
d’exclusivité de compétence concernant les immeubles situés sur leur territoire.
33


Page 35
ci-dessus sont pratiquement valables uniquement aux fins de la détermination des compétences
des
notaires publics dans l'exercice de leur fonction en Roumanie.
La détermination du dernier domicile du testateur se fera en vertu du droit de l'État sur le
territoire duquel il est invoqué
70. En règle générale, le dernier domicile du défunt est mentionné
dans le certificat de décès.
1.2. Élection de for
Le Règlement autorise les parties concernées à choisir la juridiction de l'État membre dont
la loi a été choisie, en vertu de l'article 22, par le testateur. Ainsi, en vertu de l'article 5, ''Lorsque
la loi choisie par le défunt pour régir sa succession en vertu de l'article 22 est la loi d'un État
membre, les parties concernées peuvent convenir que la ou les juridictions de cet État membre
ont compétence exclusive pour statuer sur toute succession.
'' L'existence de cet accord octroie
compétence internationale exclusive à la juridiction de l'État membre dont la loi a été choisie
71.
Plusieurs remarques s'imposent à ce sujet:
a) en premier lieu, l'élection de for est possible uniquement si le défunt a choisi la loi
successorale applicable, dans les conditions et avec le respect des restrictions stipulées
par le Règlement. Autrement dit, l'efficacité de l'accord dépend, en même temps, de
l'acceptation par tous les héritiers et de la volonté exprimée antérieurement par le
testateur, par l’intermédiaire du choix fait au sujet de la loi applicable. Le caractère
international de la succession est déterminé en se rapportant à la personne du testateur.
Le testateur est celui qui détermine la loi successorale applicable, que ce soit la loi de
sa dernière résidence habituelle ou bien la loi choisie. En outre, le choix qu'il fait
permet la détermination d'une possible compétence internationale – la règle en matière
de compétence étant, en effet, celle de la dernière résidence habituelle du défunt (article
4). Néanmoins, si le défunt a choisi la loi de l'État membre dont il a possédé la
nationalité (ou bien l'une des lois des États membres dont il a possédé la nationalité),
les héritiers pourront convenir au sujet de la compétence de la juridiction de l'État
membre dont la loi a été choisie. Mais sans ce premier pas, sans ce ''secours'', les
héritiers (''les parties concernées'') ne pourront, ni même suite à un accord unanime,
s'opposer à la compétence générale en cette matière stipulée à l'article 4 du Règlement;
b) l'objectif poursuivi par le législateur européen en autorisant l'élection de for a été, d'une
part, celui de favoriser l'autonomie de la volonté en cette matière72 et, d'autre part,
d'assurer la compatibilité entre la compétence et la loi applicable (
Gleichlauf), en
évitant ainsi que la juridiction de la dernière résidence habituelle du défunt soit obligée
à appliquer, dans le cas de la succession concernée, une loi successorale étrangère (la
loi étrangère choisie). Dans ce sens, le considérant 27 du Règlement indique de manière
explicite que ses dispositions ''
sont conçues pour assurer que l'autorité chargée de la
succession en vienne, dans la plupart des cas, à appliquer son droit national. Le
présent règlement prévoit dès lors une série de mécanismes qui entreraient en action
70 Ainsi, „Pour déterminer si le testateur ou toute personne dont la succession est concernée par un pacte
successoral avait son domicile dans un État particulier, c'est la loi de cet État qui s'applique.” (art. 27, premier
alinéa du Règlement 650/2012).
71 H. Gaudemet-Tallon, “Les règles de compétence judiciaire dans le règlement européen sur les successions”,
dans G. Khairallah et M. Revillard (ed.),
Droit européen des successions internationales. Le Règlement du 4
juillet 2012,
Defrénois, 2013, p. 131.
72 La possibilité de choisir le for est aussi prévue dans d’autres règlements européens: les articles 23 et 25 du
Règlement (UE) nº 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions
en matière civile et commerciale (refonte) - Bruxelles I bis, l’article 12 du Règlement (CE) nº 2201/2003 sur la
compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité
parentale, d’abrogation du Règlement (CE) nº 1347/2000 - Bruxelles II bis.
34





Page 36
dans les cas où le défunt avait choisi pour régir sa succession le droit d'un État
membre dont il était un ressortissant.
'';
c) l'élection de for concernera uniquement la juridiction d'un État membre (à l'exception
du Danemark, du Royaume-Uni et de l'Irlande). Si le défunt a choisi en tant que loi
successorale applicable la loi d'un État tiers, l'élection de for par les héritiers ne sera pas
possible. Comme nous avons montré
73, la prorogation de compétence en faveur des
autorités d'un État tiers n'est point prévue par le Règlement. Le défunt pouvait,
évidemment, choisir la loi d'un État tiers au sujet de sa succession (article 22) mais un
tel choix n'aura aucune influence sur la compétence internationale des juridictions. Cela
s'explique par le fait que les règles de compétence stipulées par le Règlement ne visent
que les juridictions des États membres (où le Règlement est applicable) et non les États
tiers, à la différence des normes conflictuelles qui ont un caractère universel (article
20)
74. En outre, l'élection de for ne pourra pas s'appuyer sur les dispositions nationales
en cette matière, vu, d'une part, la prudence du législateur à ce sujet et, d'autre part, le
caractère exhaustif des règles de compétence stipulées par le Règlement
75;
d) du point de vue formel, l'accord d'élection doit se faire par écrit, devant être daté et
signé par les ''parties concernées''
76. La formulation par écrit conditionne par
conséquent la validité de l'accord. Si, d'un point de vue formel, la formulation par écrit
de ''l'accord'' suffit, le choix du testateur au sujet de la loi applicable doit, en échange,
emprunter la forme solennelle d'une disposition à cause de mort (article 22, alinéa 2);
e) en ce qui concerne le moment où le choix est fait, l'accord d'élection de for pourra être
conclu après l'ouverture de la succession (la situation représentative visée). Il ne faut
point exclure, d'autre part, le cas où l'accord est conclu avant l'ouverture de la
succession, dans la mesure où le testateur avait choisi la loi applicable (par exemple,
l'accord d'élection de for figure dans un pacte successoral conclu entre le défunt et ses
héritiers). Toutefois, dans ce dernier cas, l'accord d'élection de for devient caduc si
de
cujus
a révoqué par la suite le choix déjà fait, en vertu de l'article 22. L'accord
d'élection de for ne pourra pas être conclu
77, même si le testateur avait déjà choisi la loi
de sa nationalité en tant que loi successorale applicable, si le décès survient avant la
date de début de l'application du Règlement (respectivement le 17 août 2015).
L'élection de for pourra se faire même après la saisine de la juridiction, avec
l'acceptation de la compétence de la juridiction saisie (article 7, lettre c);
73 A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 184 (nº 4).
74 Voir P. Lagarde, “Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions”, dans la Revue
critique de droit international privé, 101 (4), 2012, p. 701 (nº 10).
75 Selon A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 185 (nº 4).
76 Conformément à l’article 5, alinéa 2, l’accord „( ... ) d'élection de for est conclu par écrit, daté et signé par les
parties concernées. Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention
est considérée comme revêtant une forme écrite.
” Pourtant, un simple échange d’e-mails n’est pas suffisant s’ils ne
contiennent pas la signature numérique des expéditeurs. Dans ce sens, voir A. Bonomi, dans A. Bonomi, P.
Wautelet,
op. cit., p. 188 (nº 12); H. Gaudemet-Tallon, “Les règles de compétence judiciaire dans le règlement
européen sur les successions”,
dans G. Khairallah et M. Revillard (éd.), op. cit., p. 131: “(o)n remarquera toutefois
que puisque l’écrit doit être signé, la version électronique devrait faire l’objet d’une signature numérique au sens
strict du terme, ce qui reste assez complexe.”
77 H. Gaudemet-Tallon, “Les règles de compétence judiciaire dans le règlement européen sur les successions”,
dans G. Khairallah et M. Revillard (éd.),
Droit européen des successions internationales. Le Règlement du 4
juillet 2012,
Defrénois, 2013, p. 131: “Si le défunt avait, avant le 17 août 2015, choisi la loi de sa nationalité pour
régir sa succession (possibilité qui lui est offerte par l’art. 83 § 2), il semble toutefois que les héritiers ne pourront
conclure un accord d’élection de for que si le de cujus est décédé après le 17 août 2015 (ou le 17 août 2015) car
cet accord ne paraît pas pouvoir relever de la qualification « disposition à cause de mort » de l’article 83 § 3 et §
4: il faut donc que le règlement soit applicable pour que l’élection de for soit possible.”
35



Page 37
f) selon la terminologie utilisée par le Règlement, l'accord d'élection de for est conclu
entre et par les ''parties concernées''. Ce terme vise les héritiers et les légataires ou les
''autres bénéficiaires'' d'une disposition à cause de mort ou entre vifs, les exécuteurs
testamentaires. Dans le cas d'une action ayant comme objet la remise de la possession
des legs, l'accord entre les légataires et les héritiers saisinaires suffit, tout comme
l'accord entre la personne gratifiée et les héritiers réservataires du défunt concerné
78
suffit dans le cas de la réduction d'une libéralité. Autrement dit, selon l'auteur cité,
l'accord d'élection de for ne peut pas être assimilé à une ''disposition à cause de mort'',
dans le sens de l'article 3, premier alinéa, lettre d), qui soit admissible et validement
établie, en vertu du Règlement, avant le 17 août 2015, en vertu de l'article 83, alinéas 3
et 4.
L'accord des créanciers, en échange, n'est pas requis car leurs actions contre les
héritiers ne sont pas régies, du point de vue de la compétence ou de la loi applicable,
par le Règlement mais par les règles applicables à la créance concernée; plus
précisément, un accord d'élection de for pourrait être conclu, dans ce cas, en vertu de
l'article 23 du Règlement
Bruxelles I (respectivement l'article 25 du Règlement
Bruxelles I bis).
1.3 Déclinatoire de compétence.
Si le défunt a choisi, en vertu de l’article 22, la loi successorale applicable et cette loi est
celle d'un État membre (soit en vertu de l'article 4 soit, selon le cas, en vertu de l'article 10 du
Règlement), l'article 6 prévoit deux cas où les juridictions saisies
peuvent ou doivent décliner
leur compétence:
a) dans le premier cas, à la demande de l'une des parties concernées, les juridictions
peuvent décliner leur compétence en faveur des juridictions de l'État membre dont la loi
a été choisie si elles considèrent que celles-ci ''sont mieux placées pour statuer sur la
succession compte tenu des circonstances pratiques de celle-ci, telles que la résidence
habituelle des parties et la localisation des biens'' (article 6, lettre a). Il s'agit donc d'un
cas de déclinatoire facultatif de compétence, fondé sur des raisons de proximité mais
aussi bien sur la coïncidence entre
forum et jus, entre la juridiction compétente et la loi
successorale applicable. Nous pourrions identifier sa source d'inspiration dans la
théorie forum non conveniens présente chez les États de common law, sauf que le
magistrat ne dispose pas de pouvoirs illimités mais plutôt définis et limités, compte
tenu des intérêts des parties et du lieu où se trouvent les biens composant la masse
successorale. Par conséquent, la simple volonté du testateur qui a choisi la loi
successorale applicable ne suffit pas, étant nécessaire la demande d'au moins l’une des
parties et l'avis de la juridiction saisie, selon les circonstances;
b) dans le deuxième cas, nous sommes en présence d'un déclinatoire obligatoire de
compétence en faveur des juridictions de l'État membre dont la loi a été choisie en tant
que loi successorale applicable, si les parties à la procédure ont convenu, en vertu d'un
accord d'élection de for, ''de conférer la compétence à la ou aux juridictions de l'État
membre dont la loi a été choisie.'' (article 6, lettre b). Ce cas de déclinatoire de
compétence implique un accord d'élection de for validement conclu du point de vue
matériel ainsi que formel. En cas de contestation de la validité dudit accord, la
juridiction saisie est habilitée à se prononcer en cette matière. La solution est indiquée à
l'article 7, lettre a), qui attribue la compétence aux juridictions de l'État membre dont la
loi a été choisie par le défunt, en vertu de l'article 22, au cas où ''une juridiction
78 Selon A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 187 (nº 9).
36





Page 38
préalablement saisie [a] décliné sa compétence dans la même affaire, en vertu de
l'article 6''. Autrement dit, la juridiction dont la compétence résulte du déclinatoire de
compétence prononcé par une juridiction d'un autre État membre ne pourra pas
réexaminer la validité de l'accord d'élection de for, considéré valide par la juridiction
ayant décliné, à ce sujet, sa compétence. L'option de la première juridiction saisie de
décliner sa compétence implique donc l'analyse de toutes les conditions requises pour
le déclinatoire de compétence (respectivement la validité de l'acte par lequel le défunt a
choisi la loi applicable, la loi choisie doit être celle d'un État membre où le Règlement
est en vigueur, y compris la validité de l'accord d'élection de for). En conséquence,
ainsi que nous l'avons montré79, afin d'éviter un conflit négatif de compétence, la
juridiction choisie en vertu de l'accord ne pourra pas refuser de reconnaître cette
compétence en invalidant l'accord d'élection de for
80.
§ 2. Compétences subsidiaires.
Si la dernière résidence habituelle du défunt ne se trouve pas sur le territoire d'un État
membre, l'article 10 du Règlement attribue la compétence aux juridictions de l'État membre sur
le territoire duquel se trouvent les biens composant le patrimoine successoral: ''
(1) Lorsque la
résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les
juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins
compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où: a) le défunt
possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès; ou, à défaut, b) le défunt avait
sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre, pour autant que, au moment de la
saisine de la juridiction, il ne se soit pas écoulé plus de cinq ans depuis le changement de cette
résidence habituelle. (2) Lorsque aucune juridiction d'un État membre n'est compétente en vertu
du paragraphe 1, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens
successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens.
''
La règle de la dernière résidence habituelle, stipulée à l'article 4, ne peut pas s'appliquer au
cas où le défunt n'a pas eu, au moment du décès, une résidence habituelle sur le territoire d'un
État membre où le Règlement est applicable. Dans cette situation, les juridictions des États
membres peuvent disposer d'une compétence subsidiaire s'il y a des liens avec l'État membre de
la juridiction saisie, soit par l'intermédiaire de la nationalité du testateur soit par l'intermédiaire
de sa résidence habituelle antérieure (à condition qu'il n'y ait, depuis le déménagement et jusqu'à
la saisine de la juridiction, plus de 5 ans), soit, en absence de ces éléments, en vertu de la
localisation de quelques biens composant le patrimoine successoral. Dans toutes les situations
mentionnées à l'article 10 du Règlement, la présence des biens (ou de quelques biens)
79 A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 199-200 (nº 17).
80 D’ailleurs, en ce qui concerne le Règlement (CE) nº 44/2001 (Bruxelles I), la Cour de Luxembourg a statué que
les articles 32 et 33 de ce règlement doivent être interprétés dans le sens que „( …) la juridiction devant laquelle est
invoquée la reconnaissance d’une décision par laquelle la juridiction d’un autre État membre a décliné sa
compétence sur le fondement d’une clause attributive de juridiction est liée par la constatation relative à la validité
de cette clause, qui figure dans les motifs d’un jugement devenu définitif déclarant l’action irrecevable.” (Cause C-
456/11, Samskip GmbH). Il faut remarquer néanmoins un changement d’optique dans le Règlement (UE) nº
1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et
commerciale (refonte)-
Bruxelles I bis, qui soumet la validité de la convention du choix du for à la juridiction
exclusive de l’instance choisie (art. 31, alinéa 2: „( …), lorsqu’une juridiction d’un État membre à laquelle une
convention visée à l’article 25 attribue une compétence exclusive est saisie, toute juridiction d’un autre État
membre sursoit à statuer jusqu’à ce que la juridiction saisie sur le fondement de la convention déclare qu’elle n’est
pas compétente en vertu de la convention.”). Pour des détails, voir T. Hartley,
Choice-of-Court Agreements under
the European and International Instruments. The revised Brussels I Regulation, the Lugano Convention, and
the Hague Convention, Oxford University Press, 2013, p. 135-140.
37





Page 39
composant le patrimoine successoral sur le territoire d'un État membre est une condition dont
dépend la reconnaissance de la compétence subsidiaire des juridictions de celui-ci.
Plusieurs remarques s'imposent à ce sujet:
a) en tout premier lieu, lorsque les critères de compétence mentionnés à l'article 10 ne sont
pas respectés, les juridictions ne peuvent pas appuyer leur compétence sur les
dispositions internes prévues dans le droit national;
b) les critères de compétence mentionnés à l'article 10 ont un caractère exhaustif, étant
donc impossible de déduire d'autres cas de compétence. Ainsi, en vertu du considérant
30, ''
le présent règlement devrait dresser la liste exhaustive, dans l'ordre hiérarchique,
des motifs pour lesquels cette compétence subsidiaire peut s'exercer.'';
c) en ce qui concerne la signification de la notion de ''compétence subsidiaire'', il faut
mentionner que la ''subsidiarité'' ''se rapporte, en ce cas, à d'autres compétences
stipulées par le Règlement, y compris à la compétence générale prévue à l'article 4. Les
compétences subsidiaires apparaissent lorsque la compétence générale ne peut pas être
exercée dans l'un des États membres, la dernière résidence habituelle du défunt se
trouvant dans un État qui n'est pas membre de l'Union européenne. D’autre part, ces
compétences ne sont point subsidiaires par rapport aux juridictions des États tiers''
81;
d) les critères de compétence stipulés à l'article 10 n'ont pas un caractère alternatif (à la
différence, par exemple, de ceux prévus à l'article 3 du Règlement
Bruxelles II bis)
mais sont des critères hiérarchiques, graduels; les juridictions de l'État membre dont le
défunt possédait la nationalité auront priorité, les juridictions de l'État membre de
l'ancienne résidence habituelle du défunt devenant compétentes en absence de la
nationalité d'un État membre;
e) dans les situations stipulées au premier alinéa de l'article 10, lorsque les juridictions de
l'État membre sur le territoire duquel se trouvent des biens composant le patrimoine
successoral deviennent compétentes, soit en vertu de la nationalité du défunt soit, en
absence d'une telle nationalité, en vertu de l'ancienne résidence habituelle de celui-ci,
leur compétence s'étend ''à la succession dans son ensemble''. Par la suite, les
juridictions de l'État membre où se trouvent les biens et dont le défunt possédait la
nationalité au moment de son décès ou, en absence de celle-ci, les juridictions de sa
résidence habituelle antérieure disposeront d'une compétence générale qui s'étend ''à
l'ensemble de la succession'' et ne comprend pas uniquement les biens situés sur le
territoire de l'État membre de la juridiction saisie mais également les biens ayant
appartenu au défunt étranger et situés sur le territoire d'un autre État membre ou sur le
territoire des États tiers. D’autre part, dans la situation mentionnée à l'alinéa 2, lorsque
le défunt ne possédait pas la nationalité d'un État membre et son ancienne résidence
habituelle ne se trouvait non plus sur le territoire d'un État membre mais des biens
composant le patrimoine successoral se trouvent néanmoins sur le territoire d'un État
membre, la compétence des juridictions de cet État membre vise exclusivement ces
biens-là;
f) il suffit que le défunt ait possédé, au moment de son décès, la nationalité d'un État
membre et que sur le territoire de cet État se trouvent des biens composant le
patrimoine successoral, il n'est pas nécessaire que le testateur ait choisi la loi de l'État
membre dont il possédait la nationalité. Par conséquent, à la différence de l'article 7, la
compétence ne se fonde pas sur le choix de la loi l'État dont le défunt possédait la
nationalité, mais sur la simple possession de cette nationalité au moment de l'ouverture
de la succession;
81 A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 212 (nº 3).
38



Page 40
g) dans ce cas, une nationalité antérieure du défunt n'est pas prise en considération si le
défunt ne la détient plus. L'article 10, premier alinéa, lettre a) oblige le testateur à
posséder ''la nationalité de cet État membre au moment du décès''. Par la suite, si, au
sujet du choix de la loi successorale applicable, l'article 22 permet le choix de la loi de
la nationalité qu'une personne possède ''au moment où elle fait ce choix ou au moment
de son décès'', ici la compétence s'appuie sur la possession de la nationalité de l'État
membre au moment du décès. Dans la situation mentionnée à l'article 22, le choix peut
également concerner la loi d'un État tiers tandis que la compétence subsidiaire régie par
l'article 10, premier alinéa, lettre a) regarde exclusivement la nationalité d'un État
membre au moment du décès;
leur compétence, n'importe
h) si le défunt possédait, au moment du décès, plusieurs nationalités octroyées par
plusieurs États membres, les juridictions peuvent évidemment, en vertu de la
jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne
82, prendre en considération,
aux fins de
laquelle des respectives nationalités
concurrentes
83. Autrement dit, la vérification de l’effectivité de la nationalité n'est pas
requise. Par conséquent, toute juridiction d'un État membre sur le territoire duquel se
trouvent des biens successoraux et dont le défunt possédait la nationalité au moment du
décès dispose de compétence en vertu de l'article 10, premier alinéa, lettre a). Dans ce
cas, est applicable la règle portant sur la litispendance (article 17), la juridiction de
l’État membre premièrement saisie disposant de compétence en cette matière;
i) la résidence habituelle antérieure (article 10, premier alinéa, lettre b) représente un
critère de compétence subsidiaire par rapport au critère de la nationalité de l'État
membre, s'appliquant uniquement lorsque, en vertu de l'article 10, premier alinéa, lettre
a), aucune juridiction d'un État membre ne dispose de compétence. Ainsi, au cas où, par
exemple, le défunt ne possédait pas, au moment du décès, la nationalité d'un État
membre ou s'il la possédait sans pourtant léguer des biens se trouvant sur le territoire
dudit État, la juridiction de l'État membre sur le territoire duquel se trouve la résidence
habituelle antérieure disposera de compétence à cette fin au cas où le défunt a légué des
biens se trouvant sur le territoire de cet État;
j) la possession de la nationalité d'un État membre au moment du décès ou la résidence
habituelle antérieure dans un État membre ne sont, en soi, des raisons suffisantes pour
attribuer des compétences aux juridictions de l'État membre concerné s'il n'y a pas de
biens successoraux sur le territoire dudit État;
k) enfin, l'article 10 ne fait pas de distinction du point de vue de la nature des biens qui
peuvent être mobiliers ou immobiliers, même immatériels (créances, droits de propriété
intellectuelle et ainsi de suite).
§ 3. Forum necessitatis.
Si aucune des juridictions des États membres n’est compétente en vertu des dispositions
du Règlement, ''
les juridictions d'un État membre peuvent, dans des cas exceptionnels, statuer
sur la succession si une procédure ne peut raisonnablement être introduite ou conduite, ou se
révèle impossible dans un État tiers avec lequel l'affaire a un lien étroit.
'' (article 11).
Afin de garantir le libre accès à la justice, l'article 11 du Règlement régit le for nécessaire
(forum necessitatis), en se proposant d'éviter les conflits négatifs de compétence et le déni de
justice. La mission et l'objectif poursuivis par le législateur par l'intermédiaire de ce for sont
82 Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes/CJCE du 16 juillet 2009, C-168/08, Hadadi, Rec.
2009, p. I-6871.
83 A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 218 (nº 17-18).
39





Page 41
formulés au considérant 31 du Règlement: ''Afin de remédier tout particulièrement à des
situations de déni de justice, il y a lieu de prévoir dans le présent règlement un forum
necessitatis permettant à une juridiction d'un État membre, dans des cas exceptionnels, de
statuer sur une succession qui présente un lien étroit avec un État tiers. Un tel cas exceptionnel
pourrait exister lorsqu'une procédure se révèle impossible dans l'État tiers concerné, par
exemple en raison d'une guerre civile, ou lorsqu'on ne peut raisonnablement attendre d'un
bénéficiaire qu'il introduise ou conduise une procédure dans cet État. La compétence fondée sur
le forum necessitatis ne pourrait cependant être exercée que si l'affaire présente un lien
suffisant avec l'État membre de la juridiction saisie.
''
Son champ d'application s'avère donc restreint, ''exceptionnel''. Il implique, d'une part, que
la dernière résidence habituelle du défunt se trouve dans un État tiers et, d'autre part, l'absence
de compétences subsidiaires au niveau des juridictions des autres États membres.
Le for nécessaire ne pourra pas être invoqué s'il y a des biens composant le patrimoine
successoral qui se trouvent sur le territoire des États membres car la compétence reviendra, en
vertu de l'article 10, alinéa 2, aux juridictions de l'État membre sur le territoire duquel se
trouvent les biens. Il est donc absolument nécessaire que la résidence habituelle et les biens
successoraux se trouvent sur le territoire des États tiers.
En outre, parmi les conditions imposées il faut aussi bien compter l'impossibilité absolue84
(l’absence de compétence des autorités étrangères ou l'existence de circonstances non-
juridiques: catastrophes naturelles, épidémies, guerres, zones de conflit armé) ou relative (''si
une procédure ne peut raisonnablement être introduite ou conduite'' - article 11) d'agir à
l'étranger. Ainsi, au cas où la dernière résidence habituelle du défunt se trouve sur le territoire
d'un État tiers et aucune juridiction d'un État membre ne dispose de compétence en vertu du
Règlement, cette compétence revient, en règle générale, aux juridictions de l'État tiers.
Enfin, le for nécessaire impose l'existence d'un lien suffisant entre le rapport juridique et
l'État membre de la juridiction saisie. Un tel lien pourrait être la nationalité du testateur ou sa
résidence habituelle antérieure au cas où ces circonstances ne génèrent pas des compétences en
vertu de l'article 10, par exemple lorsqu'il n'y a aucun bien situé sur le territoire de l'État membre
concerné. Une résidence habituelle antérieure du défunt, se trouvant sur le territoire de l'État
membre de la juridiction saisie pourrait également faire l'objet d'une discussion au cas où il y a,
au moment de la saisine de la juridiction, plus de 5 ans depuis le déménagement.
84 Ibidem, p. 227.
40




















Page 42
Chapitre III. Aspects théoriques portant sur les normes régissant les conflits de
lois en matière de succession. Les principes du Règlement
La matière des successions démontre que, en dépit des nombreuses tentatives d'unification
du droit privé, il n'existe pas encore un langage juridique commun (
a common European legal
language
). Il n'existe, non plus, un jus successionis europaeum mais plutôt un éventail de
systèmes successoraux –dépassant le nombre des États membres -, une multitude de
programmes ''software'' installés sur un ''hardware'' commun européen, qui sont activés par et
opèrent à la suite de l'application de la norme conflictuelle.
Le Règlement s'appuie sur certains principes – les uns communs, ayant trait à la
méthodique du droit international européen, les autres spécifiques à la matière successorale -,
pris en considération par le législateur européen afin de faciliter, de ce point de vue aussi bien, la
libre circulation et la reconnaissance mutuelle (''acceptation'') des décisions.
1. Principe de l'unité de la succession - vu sous un double angle: d'une part, l'application
d'une loi successorale unique, quelle que soit la nature des biens composant la masse
successorale et quelle que soit la localisation de ces biens et, d'autre part, la coïncidence de
principe entre la loi régissant la succession et la juridiction (ou l'autorité) disposant de
compétence aux fins du règlement de la succession. Cette unité est construite autour du critère
de la résidence habituelle du défunt au moment de son décès (la dernière résidence habituelle -
letzte gewöhnliche aufenthalt der verstorbenen – l'article 4 du Règlement relatif à la compétence
internationale, respectivement l'article 21, premier alinéa relatif à la loi successorale applicable).
Dans ce sens, le considérant 27 précise que ''
les dispositions du présent règlement sont conçues
pour assurer que l'autorité chargée de la succession en vienne, dans la plupart des cas, à
appliquer son droit national. Le présent règlement prévoit dès lors une série de mécanismes qui
entreraient en action dans les cas où le défunt avait choisi pour régir sa succession le droit d'un
État membre dont il était un ressortissant.
''85 Le principe de l'unité de la succession représente le
plus grand accomplissement du législateur européen, compte tenu du fait qu'il n'y a pas de
position unitaire à ce sujet dans le droit des conflits de lois des États membres. Même dans le
droit roumain, en vertu de la Loi nº 105/1992 portant sur la réglementation des rapports de droit
international privé
86, la localisation des successions internationales se faisait différemment, en
fonction de la nature des biens composant la masse successorale: la loi nationale du défunt (
lex
patriae) s'appliquait aux biens mobiliers tandis que la loi de l'État sur le territoire duquel se
trouvait chacun desdits biens s'appliquait aux biens immobiliers et au fond de commerce (
lex rei
sitae
). Ce dépeçage (spaltung87) au sujet de la détermination de la loi successorale applicable
85 Il s’agit soit de la possibilité conférée aux héritiers de signer un accord de choix du for par lequel ils attribuent la
compétence exclusive aux instances de l’État membre dont la loi a été choisie par l’auteur de la succession (art. 5)
soit, selon le cas, de solliciter à l’instance saisie, en vertu de l’article 6, de décliner sa compétence ou en vertu de
l’article 10 du Règlement, qui consacre la compétence subsidiaire en faveur des autorités de l’État membre dont le
défunt avait la nationalité à la date de son décès ou, faute de cela, de l’État membre de résidence habituelle
antérieure, si cette résidence n’as pas plus de 5 ans depuis son changement ou, selon le cas, de l’État membre où se
trouvent des biens qui font partie du patrimoine successoral.
86 À présent abrogée par la Loi nº 71/2011 pour la mise en application de la Loi nº 287/2009 concernant le Code
civil (art. 230 lettre q, qui a abrogé les articles 1-33 et les articles 36-147 de la loi), respectivement par la Loi nº
76/2012 pour la mise en application de la Loi nº 134/2010 concernant le Code de procédure civile (art. 83, lettre 3,
qui a abrogé la loi entière).
87 Concernant cette institution, voir A. Aubart, Die Behandlung der dépeçage im europäischen Internationalen
Privatrecht
, Mohr Siebeck Verlag, 2013; Symeon C. Symeonides, “Issue-by-Issue Analysis and Dépeçage in
Choice of Law: Cause and Effect”
, dans “The University of Toledo Law Review” (U.Tol.L.Rev.), 45
(2013):“(i)ssue-by-issue analysis means that, if a case (or, more precisely, a cause of action) comprises more than
one issue on which the substantive laws of the involved states conflict, each issue should be subjected to a separate
41





Page 43
représente une réminiscence de la théorie statutaire, héritée du Moyen Âge et qui, vu l'attraction
exercée par les biens immobiliers, s'est malheureusement maintenue jusqu'à nos jours.
Finalement, l'application d'une norme conflictuelle unique en matière successorale n'est que le
signe de la normalisation, vu sa nature: un patrimoine unique, un testateur unique, un transfert
unique, à caractère (ou à titre) universel et non un
sumuum de transferts particuliers, séparés du
point de vue de la nature mobilière ou immobilière des biens ayant appartenu au défunt. La
théorie de
Savigny, selon laquelle, aux fins de la détermination de la loi applicable à une
situation juridique, il faut toujours identifier son ''siège'' – ‘’le siège du rapport juridique'' pris en
considération (
“der Sitz der Rechtsverhältnisse” / “the seat of the legal relationship”) devient
ainsi visible88. D'après Savigny, tout rapport juridique se soumet, en fonction de sa nature, à une
certaine institution juridique à laquelle il appartient. Le rapport juridique (Rechtsverhältnis) n'est
en effet que la relation assujettie à une certaine norme:
“das Lebensverhältnis den zu
entscheidenden Rechtsfall”
. Par la suite, le siège du rapport juridique a la mission d'indiquer,
pour chaque relation réelle, compte tenu de la nature et des éléments de sa spécificité, le système
juridique auquel il appartient, disposant ainsi de la compétence d'application à ce sujet:
“daß der
Sitz (die Heimat) jedes Rechtsverhältnisses ermittelt werden müsse”
89. Savigny s'éloigne donc
de l'esprit de la théorie statutaire qui a subordonné la validité de chaque droit matériel
(
Sachrecht) à sa volonté (gemäß seinem “Geltungswillen”). Sa préoccupation ne vise point la
classification des normes juridiques en fonction du domaine réglementé mais la classification
''des situations réelles'' (
Lebenssachverhalte) selon la nature et le ''siège'' auquel elles
appartiennent, déterminant ainsi le droit applicable à chacune de ces situations. Il a donc changé
d'approche, en abandonnant la méthode déductive en faveur de celle inductive
90. Si, dans le cas
de la théorie statutaire, le point de départ est la loi et la question à poser concerne son champ
d'application,
Savigny change de perspective et part de la situation réelle, en s'interrogeant à
quelle loi ou système juridique celle-ci serait subordonnée. Ainsi que le Professeur
Gerhard
Kegel
le remarquait, la finalité de ces deux méthodes est, en fin de compte, la même du point de
vue de la logique - mais leur point de départ est, nous le constatons, différent. Cela nous conduit,
d'un point de vue psychologique, à des approches différentes: celui qui part, dans son analyse,
de la situation réelle (
Lebenssachverhalt) en s'interrogeant quel est le système auquel celle-ci
appartient est, généralement parlant, favorable à une certaine flexibilité, en admettant la
possibilité de l'application de sa loi nationale mais aussi bien de celle étrangère; en échange,
choice-of-law analysis. If such an analysis leads to the application of the substantive laws of different states to the
different issues, then the resulting phenomenon is called
dépeçage. Thus, dépeçage is the application of the
substantive laws of different states to different issues of the same cause of action.” Souvent qualifié dans la
jurisprudence comme „une théorie mystique”, „une théorie juridique”, „une approche”, „une procédure”, „une
technique”, „un principe”, „une règle” ou „un processus
”, le dépeçage, tel qu’on a l’montré “is not the goal of the
choice-of-law process, not even the goal of issue-by-issue analysis. Rather, dépeçage is the potential and
occasional result of issue-by-issue analysis”
(Ibidem). Voir aussi: Ch. G. Stevenson, Note, Dépeçage: Embracing
Complexity to Solve Choice-of-Law Issues
, 37 Ind. L. Rev. 303 (2003); H. Batiffol, P. Lagarde, Droit international
privé
, 8ème édition, 1983, p. 273;B. Audit et L. D’Avout, Droit international privé, 6ème édition, 2010, p. 125 et
288.
88 Fr. C. von Savigny, System des heutigen römischen Rechts, vol. VIII, Berlin, 1849, p. 28 et 108: “daß bei
jedem Rechtsverhältnis dasjenige Rechtsgebiet aufgesucht werde, welchem dieses Rechtsverhältnis seiner
Eigentümlicher Natur nach angehört oder unterworfen ist (worin dasselbe seinen Sitz hat)”
. On pourrait dire qu’en
général, tous les systèmes nationaux de droit international privé convergent à ce sujet.
89 Ibidem, p.120. Voir aussi Albert A. Ehrenzweig, Savigny and the Lex Fori, Story and Jurisdiction: A Reply to
Professor Briggs, dans California Law Review, vol. 53, issue 1, p. 535-539 et, particulièrement, R. Michaels,
Globalizing Savigny? The State in Savigny's Private International Law and the Challenge of Europeanization
and Globalization
, dans Duke Law School Legal Studies, paper nº 74; C. S. Ramirez, “Consideraciones históricas
acerca de la responsabilidad precontractual antes
de Rudolf von Jhering. Aproximación doctrinal”, dans Revista
de Derecho Privado, nº 22 Enero-Junio, 2012, p. 277-298; M. Lehmann,
“Auf der Suche nach dem Sitz des
Rechtsverhältnisses: Savigny und die Rome I-Verordnung”
, dans Festschrift für Ulrich Spellenberg: Zum 70.
Geburtstag, Sellier, 2010.
90 A. Junker, Internationales Arbeitsrecht im Konzern, Mohr, Tübingen, 1992, p. 48-49.
42


Page 44
celui qui part des normes, en s'interrogeant au sujet de leur champ d'application finira d'habitude
par favoriser la territorialité
91.
Au sujet de la loi successorale applicable, Savigny s'avéra l'adepte du principe de l'unité,
en vertu du principe romain de l'universalité de la succession, en considérant que la loi du
dernier domicile du défunt est celle compétente en cette matière (§376
System …). Quant aux
dispositions du Règlement, nous constatons que le principe de l'unité de la succession constitue
l'un des fondements dudit Règlement. Cette unité est assurée aussi bien en absence d'un choix
portant sur la loi applicable qu'au cas où le testateur a choisi la loi successorale applicable. Dans
la première situation mentionnée, l'unité se construit autour de la dernière résidence habituelle
tandis que, dans l'autre situation, l'unité est assurée par la restriction, imposée au testateur,
portant sur le choix d'une seule loi – celle de l'État ou, selon le cas, de l'un des États dont le
testateur possède la nationalité – qui s'applique à l'ensemble de la succession: ''
Une personne
peut choisir comme loi régissant l'ensemble de sa succession la loi de l'État dont elle possède la
nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès.

Une personne ayant plusieurs nationalités peut choisir la loi de tout État dont elle possède
la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès.
'' - article 22 (1). Nous
constatons, ainsi, que, à différence des dispositions de la Convention de La Haye du 1
er août
1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort, dispositions qui permettent aussi
bien un choix secondaire, au sujet de quelques-uns des biens composant la masse successorale,
sans préjudice des dispositions impératives de la loi applicable à titre principal, en vertu de
l'article 3 ou 5 (1) de la Convention (article 6)
92, le Règlement, afin de garder l'unité de la
succession, empêche la possibilité d'un tel choix partiel. En outre, l'unité de la loi applicable
résulte, à la fois, d'une conception extensive de son champ d'application,
lex successionis
régissant tous les aspects concernant la succession, depuis son ouverture (causes, moment et
lieu) jusqu'au partage. Autrement dit, en vertu de l'article 23, la loi successorale déterminée en
vertu des dispositions du Règlement ''[…]
régit l'ensemble d'une succession.'' Enfin, rappelons
le fait que le principe de l'unité de la succession ne pourra être enfreint, ni même au cas où, en
absence d'un choix de la loi applicable, la juridiction recourt à la clause d'exception stipulée à
l'article 21 (2) car, d'une part, le caractère exceptionnel se rapporte à ''
l'ensemble des
circonstances de la cause
'' (en absence d'exceptions partielles) et, d'autre part, le lien
91 “Das Rechtsverhältnis ist ein Eckpfeiler seines gesamten Rechtssystems. Indem er es hier in den Vordergrund
schiebt, ändert er die
Blickrichtung: Die Statutentheorie ging von den Rechtssätzen aus und fragte, über welche
Tatbestände sie herrschten. Savigny geht zwar noch nicht vom
Lebenssachverhalt aus, wie vielfach behauptet wird.
Das Rechtsverhältnis wird wohl als im Kern vorgegeben angesehen, so daß das anwendbare Recht nur die
Ausgestaltung übernimmt, weswegen Savigny auch der Meinung ist, daß diejenigen ‘Rechtsinstitute eines fremden
Staates’ von vornherein von der Anwendung ausgeschlossen seien, ‘deren Dasein in dem unsrigen überhaupt nicht
anerkannt ist.’ Die ‘Rechtsverhältnisse’ sind aber eng an die
Tatbestände gebunden, so daß Savigny in der Sache
von diesen ausgeht und fragt, welchen Rechtssätzen sie unterworfen sind.
Logisch ist dies dasselbe wie die Frage
nach dem Anwendungsbereich der Rechtsätze, was Savigny selbst hervorhebt. Aber
psychologisch besteht ein
Unterschied. Denn wer vom Rechtsverhältnis ausgeht, hat einen der Statutentheorie gleichwertigen Ausgangspunkt
und ist doch frei vom Denkzwang ihrer Dreiteilung. Er kann stets unbefangen das Rechtspolitisch richtige Ergebnis
suchen und bei der Darstellung dem System des materiellen Privatrechts folgen, das jedem Juristen vertraut und
bequem ist”
(Kegel/Schurig, Internationales Privatrecht, 9ème édition, éditeur C.H. Beck, 2004, §3 IX, p. 184).
92 La convention n’est pas entrée en vigueur jusqu’à présent, étant seulement signée par quatre pays (l’Argentine, la
Suisse, le Luxembourg et les Pays-Bas) et il y a très peu de chances dans ce sens, vu l’adoption du Règlement.
Pourtant, en dépit du système assez compliqué, elle a exercé une forte influence sur les codes nationaux qui lui ont
suivi, en reconnaissant l’autonomie de volonté en matière de successions par l’ouverture de la possibilité de choisir
la loi qui leur est applicable. Dans ce sens, l’article 5 (1) de la Convention est encore plus généreux que l’article 22
du Règlement, en offrant à l’auteur de la succession la possibilité de choisir aussi la loi de sa résidence habituelle
du moment de la désignation:
“(a) person may designate the law of a particular State to govern the succession to
the whole of his estate. The designation will be effective only if at the time of the designation or of his death such
person was a national of that State or had his habitual residence there” (soulignement ajouté par l’auteur Dan
Andrei Popescu).
43


Page 45
évidemment plus étroit doit être ''avec un État autre'' que celui dont la loi aurait été
normalement applicable, et non avec autres (ou plusieurs) États.
Il faut préciser, néanmoins, qu'il ne sera pas toujours possible de garder l'unité. Ainsi,
lorsque la loi successorale applicable, déterminée en vertu des règles du Règlement, est celle
d'un État tiers
93, l'unité peut être ‘morcelée’ dans la mesure où la norme conflictuelle de l'État
concerné renvoie partiellement au droit d'un autre État. Nous rencontrons une situation similaire
dans le cas d'un défunt ayant sa résidence habituelle sur le territoire d'un État membre où le
Règlement est applicable, qui n'a pas recouru à la
professio juris mais dont la masse
successorale est composée de biens immobiliers situés sur le territoire d'un État tiers dont la loi
se considère compétente pour régir le transfert successoral de ces immeubles en vertu de lex rei
sitae (par exemple, des biens immobiliers situés au Royaume-Uni où le Règlement n'est pas en
vigueur). Toujours à titre exceptionnel, dans la mesure où la loi du lieu où se trouvent certains
immeubles ou autres catégories de biens leur attribue un régime successoral distinctif, par
dérogation au régime de droit commun, ce régime distinctif s'appliquera sans plus concurrencer
d'autres lois successorales. Ainsi, en vertu de l'article 30 du Règlement, ''
Lorsque la loi de l'État
dans lequel sont situés certains biens immobiliers, certaines entreprises ou d'autres catégories
particulières de biens comporte des dispositions spéciales qui, en raison de la destination
économique, familiale ou sociale de ces biens, imposent des restrictions concernant la
succession portant sur ces biens ou ayant une incidence sur celle-ci, ces dispositions spéciales
sont applicables à la succession dans la mesure où, en vertu de la loi de cet État, elles sont
applicables quelle que soit la loi applicable à la succession.
''94
2. Principe de proximité – il s'agit d'un principe général du droit international privé qui
consiste à localiser la succession compte tenu des éléments effectivement pertinents en cette
matière. Bien que l'institution de la succession soit étroitement liée à la famille du défunt,
essayant souvent, par ses normes, d'atteindre un équilibre entre la dernière volonté du défunt et
les intérêts des parents proches (les réservataires –
Pflichtteilsberechtigter), c'est la personne du
testateur qui a priorité. Cette priorité serait à expliquer par la primauté de la volonté du testateur
mais aussi bien, en droit international privé, par l'unicité des connexions: il y a, d'une part, une
seule personne (''le défunt'') et, d'autre part, un certain nombre d'héritiers, ceux-ci pouvant être
(parfois étant) d'appartenance différente (nationalités différentes, domiciles ou résidences
habituelles situés dans divers États). C'est le défunt qui a ''créé'' (constitué) le patrimoine qui fait
maintenant l'objet du transfert successoral
95. Et cette proximité se construit, en absence d'un
93 Cela est possible en vertu du principe de l’application universelle (prévu aussi par d’autres règlements
européens), formulé à l’article 20:
Toute loi désignée par le présent règlement s'applique même si cette loi n'est
pas celle d'un État membre
”.
94 Nous nous trouvons dans ce cas devant une double exception. D’un côté, il s’agit de ces systèmes de droit qui
consacrent un régime successoral différent,
in rem, dérogatoire de celui de droit commun de leur droit interne et, de
l’autre côté, ce régime ne peut pas être élargi, ayant un caractère particulier et limitatif et s’appliquant seulement à
des catégories particulières de biens, en tenant compte de leur affectation particulière et des politiques promues par
le législateur dans certains domaines considérés d’intérêt national. Le considérant (54) est assez explicatif dans ce
sens:
„En raison de leur destination économique, familiale ou sociale, certains biens immobiliers, certaines
entreprises et d'autres catégories particulières de biens font l'objet, dans l'État membre de leur situation, de règles
spéciales imposant des restrictions concernant la succession portant sur ces biens ou ayant une incidence sur celle-
ci. Le présent règlement devrait assurer l'application de ces règles spéciales. Toutefois, cette exception à
l'application de la loi applicable à la succession requiert une interprétation stricte afin de rester compatible avec
l'objectif général du présent règlement. Dès lors, ne peuvent être considérées comme des dispositions spéciales
imposant des restrictions concernant la succession portant sur certains biens ou ayant une incidence sur celle-ci ni
les règles de conflits de lois soumettant les biens immobiliers à une loi différente de celle applicable aux biens
mobiliers, ni les dispositions prévoyant une réserve héréditaire plus importante que celle prévue par la loi
applicable à la succession en vertu du présent règlement.”

95 La nature de l’héritage se présente aujourd’hui comme ayant un caractère pour la plupart d’accumulation, l’actif
successoral étant le fruit de l’épargne („du travail”) du de cujus, en s’éloignant de cette manière de l’ancienne
réalité de la linéarité, lorsqu’une partie importante de l’actif successoral (souvent l’actif entier ou la plus grande
44



Page 46
choix de loi, autour de ''l'habitation'' (la dernière habitation) – la résidence habituelle du testateur
(
letzte gewöhnliche aufenthalt der verstorbenen)96. Ce concept d'une importance capitale pour le
partie de celui-ci) était le fruit du travail des générations antérieures, étant cueilli par l’auteur de l’héritage suite à
des transmissions successorales successives; de là le soin que ce patrimoine ne soit pas gaspillé, mais maintenu et
transmis de génération en génération, la réserve successorale, établie en nature et exprimant une partie consistante
de l’héritage, remplissant justement ce but. Aujourd’hui pourtant les choses ont changé. Si, d’habitude, l’actif
successoral représente surtout l’expression de l’effort de l’épargne du
de cujus, s’imposerait mutatis-mutandis aussi
bien le changement de la nature de la réserve (en simple droit de créance -
pars bonorum/valoris/Pflichtteilsrecht),
que, surtout, la réduction consistante de son étendue, offrant une bien plus grande autonomie à l’auteur de l’héritage
et stimulant ainsi
la planification successorale.
96 Il est quand même vrai que le Règlement opère aussi avec une clause d’exception (escape clause/ Ausnahme-,
Ausweich-
ou Berichtigungsklausel/clauses d'exception), en permettant, exceptionnellement et faute de choix de la
loi applicable à l’héritage, l’application d’une autre loi successorale que celle de la dernière résidence habituelle,
acquise récemment (peu de temps avant le décès), dans la mesure où l’on peut considérer, à partir de l’analyse des
circonstances de la cause, qu’il existe des liens évidemment plus étroits avec une autre loi que cette dernière. Ainsi,
conformément à l’article 21 (2), „
Lorsque, à titre exceptionnel, il résulte de l'ensemble des circonstances de la
cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que
celui dont la loi serait applicable en vertu du paragraphe 1, la loi applicable à la succession est celle de cet autre
État.”
(soulignement ajouté). Le texte cité n’offre aucun détail concernant ces circonstances qui pourraient
déclencher le mécanisme de la clause d’exception, mais il est évident que le législateur européen a eu en vue la
situation où tous les éléments liés à la succession sont situés dans un certain État (biens de la masse successorale,
domicile ou résidence habituelle des héritiers - la famille du défunt, éventuellement même sa nationalité), y compris
l’ancienne résidence habituelle du défunt, dans la mesure où la dernière résidence habituelle a été récemment
acquise (peu de temps avant le décès). Autrement dit, pour pouvoir activer la clause d’exception il ne suffit pas
d’avoir tous ces liens avec un autre État membre que celui de l’ancienne résidence habituelle, mais l’on exige en
plus que la dernière résidence habituelle soit „non-consistante”, c’est-à-dire acquise récemment, en laissant des fois
des doutes sur l’intention réelle du défunt, surtout au cas où celui-ci a aussi bien gardé le logement de son pays
d’origine. Dans ce sens, le considérant (25) du Règlement précise qu’en
„vue de déterminer la loi applicable à la
succession, l'autorité chargée de la succession peut, dans des cas exceptionnels où, par exemple, le défunt s'était
établi dans l'État de sa résidence habituelle relativement peu de temps avant son décès et que toutes les
circonstances de la cause indiquent qu'il entretenait manifestement des liens plus étroits avec un autre État,
parvenir à la conclusion que la loi applicable à la succession ne devrait pas être la loi de l'État de résidence
habituelle du défunt mais plutôt celle de l'État avec lequel le défunt entretenait manifestement des liens plus
étroits
. Une question qui pourrait être posée néanmoins est la suivante: est-ce que cela n’aurait pas été plus facile
qu’au lieu de justifier l’application de la clause d’exception, l’instance (ou le notaire) qualifie la dernière résidence
habituelle dans le pays avec les liens les plus étroits? Bien évidemment, la réponse ne peut être qu’affirmative.
C’est pour cela qu’on pense que l’activation de la clause d’exception (soit d’office, soit à la demande de l’une des
parties) intervient, pratiquement, devant l’autorité saisie en vertu de l’article 4, c’est-à-dire celle de la nouvelle (et
dernière) résidence habituelle. De plus, pour pouvoir faire intervenir la clause d’exception, il faut remplir la
condition que l’auteur de l’héritage n’ait pas opté pour choisir la loi applicable à l’héritage dans les conditions de
l’article 22. La vocation des clauses d’exception est celle de mener à une certaine flexibilisation lorsque la règle
abstraite de la norme de conflit produirait des résultats injustes concernant la localisation de la situation juridique en
vue. Autrement dit, elle représente une correction exceptionnelle apportée à la norme de conflit, en prenant en
compte la variabilité du concret quotidien. Sa finalité est celle de contribuer à l’accomplissement de la justice
conflictuelle, en étant une partie de celle-ci (
“conflicts justice” ou “kollisionsrechtliche Gerechtigkeit” /
“internationalprivatrechtliche Gerechtlichkeit” –
Kegel/Schurig, Internationales Privatrecht, 8ème édition, 2000, p.
114), en ayant la vocation d’équité par rapport à la proximité juridique. Cette
internationalprivatrechtliche
Gerechtlichkeit
se réjouit d’une âme et d’une méthode propres, spécifiques, en étant toujours à la recherche du
système juridique qui soit „le plus proche” des parties du rapport juridique (généralement parlant), pas
nécessairement du point de vue géographique mais du point de vue des éléments d’intégration juridique. La justice
conflictuelle a comme vocation l’identification du centre de vie (intérêt) de la personne, du „siège du rapport
juridique, en déterminant, selon les circonstances et la nature des institutions visées, la loi applicable à celui-ci. Elle
opère avec le concept de proximité juridique, en fixant les critères et les méthodes de l’établir, en étant un
rechtsanwendungsrecht qui doit agir sans „jeter un œil” au contenu substantiel des lois avec lesquelles la relation
présente des liens et qui pourrait devenir potentiellement applicable dans le cas d’espèce. C’est la seule manière de
découvrir la vérité, en donnant de la voix à cet
internationalprivatrechtliche Geist ancré dans l’expectative
raisonnable des parties, dans l’esprit de prédictibilité et, en tout cas, dans le souhait de sûreté sur la détermination
de l’autorité compétente et de la loi applicable dans la cause. En plus, raison et prédictibilité signifient ne faire
appel „presque jamais” aux clauses d’exception ... Les clauses d’exception font une radiographie de l’état de fait,
en évaluant du point de vue qualitatif chaque circonstance et après, en tenant compte de l’ensemble des
45


Page 47
droit international privé européen sera discuté séparément, dans l'un des numéros suivants de la
particularités (spécificités) du rapport, constatent et imposent la loi qui leur est applicable. De façon métaphorique,
on peut dire qu’elle se veut une sorte d’
equity des conflits de lois. Il y a quand même un risque. Utiliser
excessivement les clauses d’exception et, surtout, dans des situations non justifiées, mène au risque
d’imprédictibilité en ce qui concerne la loi applicable, en détournant ainsi le but et la vocation de la norme de
conflit. Pour cela, les instances (ou les notaires) doivent recourir à ces clauses „d’adaptation” avec beaucoup de
précaution, dans des situations tout à fait exceptionnelles, c’est-à-dire seulement lorsque de manière évidente et
indubitable tous les liens pertinents du rapport juridique l’imposent, en refusant de satisfaire toute demande
formulée dans ce sens, de manière spéculative, par les parties. D’ici leur nom: clauses d’exception!
Nous pensons
quand même qu’il aurait été plus sage de renoncer à cette „technique” en matière de successions internationales
puisque, d’un côté, dans ce domaine la localisation doit partir d’une seule „clé”- la personne du défunt, les
éléments „d’exception” étant plus rares et, en tout cas, moins pertinents (
l’emplacement dans un autre endroit des
biens ou de la plupart des biens de la masse successorale, la résidence habituelle des héritiers
) et, de l’autre côté, le
risque d’utilisation abusive des clauses d’exception ne peut pas être sous-estimé, surtout dans les pays qui sont
habitués à vivre dans l’état d’exception ...
Pour un ouvrage à caractère philosophique dédié à l’état d’exception,
nous recommandons G. Agamben,
L’état d’exception (Homo sacer II, 1), Idea Design & Print, Cluj, 2008. Alors, la
clause d’exception a été taillée pour circuler sur un couloir extrêmement étroit, elle ne doit pas inonder la pratique
des instances, en apportant l’exceptionnel dans notre vie quotidienne
. De l’autre côté, même le fait que le défunt ait
changé récemment (peu avant son décès) la résidence habituelle ne devrait pas constituer une raison pour appliquer
la clause d’exception en faveur du pays de la résidence habituelle antérieure, puisque le changement de la résidence
habituelle pourrait constituer un signe de l’intention d’intégration juridique dans le nouveau pays. En plus, dans la
mesure où le défunt possède aussi la nationalité de ce pays, le non choix explicite de la loi successorale appartenant
à ce dernier - pour enlever tout doute et, donc, l’application possible de la clause d’exception prévue à l’article 21
(2) aussi - peut être dû à sa croyance qu’un tel choix aurait été redondant („inutile”), vu qu’à cette loi (de nouvelle
résidence habituelle) reviendrait de toute façon la compétence d’application en vertu de l’article 21 (1), comme loi
de dernière résidence habituelle. Autrement dit, l’application de la clause d’exception pourrait déformer la dernière
croyance et volonté du défunt par une „surprise”
post mortem ... Concernant la clause d’exception dans le droit
international privé, voir A. Bucher,
“La clause d’exception dans le contexte de la partie générale de la LDIP”, 21e
Journée de droit international privé – 20 mars 2009; T. Hirse, Die Ausweichklausel im Internationalen Privatrecht,
Tübingen 2006; P. Rémy- Corlay,
Mise en œuvre et régime procédural de la clause d'exception dans les conflits de
lois
, la Revue critique 2003, p. 37-76; H. Gaudemet-Tallon, “Le pluralisme en droit international privé: richesses
et faiblesses (Le funambule et l’arc-en-ciel)”,RCADI
312 (2005), p. 9-488 (327-338); J. D. González Campos,
“Diversification, spécialisation, flexibilisation et matérialisation des règles de droit international privé”, RCADI
287 (2000), p. 9- 426 (253-262, 297-303); P. Lagarde, “Le principe de proximité dans le droit international privé
contemporain”, RCADI
196 (1986-I), p. 9-237 (97-126); U. Blaurock, Vermutungen und Ausweichklausel in Art. 4
EVÜ,
în Festschrift für Hans Stoll, Tübingen 2001, p. 463-480. La clause d’exception ne peut pas mener au
dépeçage, en attribuant des lois différentes à la succession,
selon la nature et le positionnement des biens.
Autrement dit, elle ne peut pas enfreindre le principe de l’unité de l’héritage, son action restant subordonnée à ce
principe. D’ailleurs, le législateur même parle de la possibilité de l’application de la clause d’exception (art. 21,
alinéa 2) lorsque „à titre exceptionnel, il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son
décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui dont la loi serait
applicable en vertu du paragraphe 1, la loi applicable à la succession est celle de cet autre État.” D’ailleurs, le
considérant (25) précise que dans les situations exceptionnelles, quand „le défunt s'était établi dans l'État de sa
résidence habituelle relativement peu de temps avant son décès et que toutes les circonstances de la cause indiquent
qu'il entretenait manifestement des liens plus étroits avec un autre État, ( ...)” on peut arriver à l’activation de la
clause d’exception. Toutefois, la clause d’exception ne représente pas une méthode de localisation subsidiaire à la
norme de conflit, en n’étant pas une alternative de celle-ci chaque fois que l’identification de son point de liaison
devient, à cause des circonstances du cas, une opération difficile: „Les liens manifestement les plus étroits ne
devraient toutefois pas être invoqués comme facteur de rattachement subsidiaire dès que la détermination de la
résidence habituelle du défunt au moment de son décès s'avère complexe.’’ (considérant 25). Autrement dit,
la
clause d’exception n’est pas subsidiaire à la norme de conflit, mais exceptionnelle par rapport à celle-ci
. En plus,
le principe de l’unité de l’héritage ne connaît que les exceptions consacrées de manière explicite par le législateur:
„Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à l'ensemble d'une succession est celle de l'État
dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.” (art. 21 (1)). Prenons comme exemple
la disposition dérogatoire prévue à l’article 30: „Lorsque la loi de l'État dans lequel sont situés certains biens
immobiliers, certaines entreprises ou d'autres catégories particulières de biens comporte des dispositions spéciales
qui, en raison de la destination économique, familiale ou sociale de ces biens, imposent des restrictions concernant
la succession portant sur ces biens ou ayant une incidence sur celle-ci, ces dispositions spéciales sont applicables à
la succession dans la mesure où, en vertu de la loi de cet État, elles sont applicables quelle que soit la loi applicable
à la succession.”
46


Page 48
Revue roumaine de droit privé/RRDP. La notion de proximité juridique est prise en
considération également dans les cas où il y a recours à la
clause d'exception sauf que la
détermination de la proximité se fait, cette fois-ci, différemment. Lorsque la localisation se fait
par l'application de la norme conflictuelle, la proximité est le résultat de l'application
''mécanique'' du rattachement déterminé de manière abstraite par la norme conflictuelle
compétente en la matière (dans notre cas, la dernière résidence habituelle du
de cujus) tandis
que, dans le cas de l'activation de la clause d'exception, il s'agit d'une opération casuelle
(exceptionnelle et casuelle) de détermination de la proximité juridique, s’agissant donc d'un
procès d'évaluation effective et subjective (
approach debate ou issue by issue debate).
3. Principe de la prédictibilité - qui facilite, du point de vue du testateur, la possibilité de
préparer à l'avance, de planifier ce transfert dans des conditions de sûreté et de certitude, en ce
qui concerne, à la fois, la loi successorale applicable et l'autorité qui disposera de la compétence
de le formaliser. La prédictibilité favorise la planification successorale (
succession planning) et
se trouve en rapport direct avec l'autonomie de volonté qui peut être exercée en cette matière. En
outre, le testateur a la possibilité, même avant la date de l'entrée en vigueur du Règlement (le 17
août 2015 – article 84 (2)), de choisir la loi qui régira sa succession, si l'acte comportant la
clause de
electio juris remplit les exigences matérielles et formelles stipulées au Chapitre III du
Règlement ou, selon le cas, si ''[ … ] elle est recevable et valable sur le fond et en la forme en
application des règles de droit international privé qui étaient en vigueur, au moment où la
disposition a été prise, dans l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle, dans tout
État dont il possédait la nationalité […].'' (article 83, alinéa 2). En outre, même si le testateur ne
s'est pas montré actif – car il n'a pas choisi la loi successorale applicable, l'alinéa 3 de l'article 83
valide la disposition à cause de mort établie avant le 17 août 2015 si celle-ci remplit soit les
conditions de fond et de forme stipulées au Chapitre III du Règlement soit celles imposées par la
loi déterminée suite à l'application des dispositions de droit international privé en vigueur, au
moment de l'établissement de la disposition, dans l'État sur le territoire duquel se trouvait la
dernière résidence habituelle du défunt ou, selon le cas, dans n'importe lequel des États dont il
possédait la nationalité, soit les conditions stipulées par l'État membre dont l'autorité a été saisie
au sujet de la succession (
lex fori).
Afin de faciliter la reconnaissance des décisions en matière successorale et la libre
circulation des certificats d'héritier, compte tenu du fait que les droits réels légués par
l'intermédiaire de la succession peuvent faire l'objet de réglementations différentes en fonction
de l'État membre concerné, le Règlement a résolu le problème de la qualification, en prévoyant
l'adaptation des droits réels en conformité avec les formes et critères de la législation de l'État
sur le territoire duquel se trouvent les biens transmis par l'intermédiaire de la succession
97.
L'adaptation des droits réels représente l'expression du fonctionnalisme comparé (du droit
comparé) visant l'identification des équivalences entre ce qui, en vertu d'une certaine loi, est vu
comme acquis et l'efficacité extraterritoriale des droits reconnus.
Lex successionis constitue le
fondement de l'acquisition tandis que la loi
rei sitae est celle qui détermine ‘’la matérialité'' des
droits, la forme et le contenu des droits sur les biens. L’hypothèse envisagée est, certes, celle où
les deux lois (la loi successorale et la loi de l’emplacement des biens) ne coïncident pas. Dans le
cas contraire, le problème de l'adaptation n'a, évidemment, pas de sens. La technique de
l'adaptation n'est, généralement, pas facile à appliquer. La loi de l'État d'origine des biens
paraîtrait avoir, en fin de compte, le dernier mot. C'est elle qui exerce le contrôle sur le régime
juridique des biens situés sur son territoire, c'est elle qui le ''consacre'' en formalisant les droits,
97 Conformément à l’article 31 du Règlement, „Lorsqu'une personne fait valoir un droit réel auquel elle peut
prétendre en vertu de la loi applicable à la succession et que la loi de l'État membre dans lequel le droit est invoqué
ne connaît pas le droit réel en question,
ce droit est, si nécessaire et dans la mesure du possible, adapté au droit réel
équivalent le plus proche en vertu de la loi de cet État en tenant compte des objectifs et des intérêts poursuivis par
le droit réel en question et des effets qui y sont liés. ” (soulignement ajouté par l’auteur Dan Andrei Popescu).
47



Page 49
le point de départ, qui représente également
en fixant même le moment de l'acquisition du droit de propriété ou des autres droits réels.
Toutefois,
le critère fondamental de
l'approximation, doit être la volonté ''de celui qui lègue'', ''de celui qui donne'', donc du testateur.
Dans la mesure où le droit légué ne peut pas s'intégrer dans le ''
puzzle conceptuel'' de l'État sur le
territoire duquel se trouvent les biens légués, l'adaptation se fait par rapport au repère formel du
numerus clausus consacré par le système juridique de cet État. Autrement dit, le droit que le
testateur a voulu léguer fera l'objet d'une tentative d'équivalence, en vertu de
lex successionis,
selon le formalisme conceptuel consacré par le droit réel de l'État sur le territoire duquel se
trouvent les biens. Nous nous trouvons donc en présence d'une opération de qualification,
seulement que cette qualification a un caractère secondaire et n'influence pas la solution du
conflit de lois. Cette ''approximation'' peut s'avérer parfois relativement difficile – prenons
l'exemple du transfert successoral d'un droit résultant d'une convention de
time sharing, que la
lex successionis définit comme ayant une nature réelle (par exemple, la loi roumaine choisie par
le défunt qui était ressortissant roumain) nature qui n'est, cependant, pas reconnue par le système
juridique de l'État d'origine de l'immeuble (l'Autriche, la France, l'Allemagne, l'Italie). La
question qui pourrait se poser, dans ces circonstances, est la suivante: qui opère cette
''adaptation''? La juridiction habilitée aux fins du règlement de la succession, en vertu des
normes de compétence du Règlement ou bien celle du lieu où se trouve l'immeuble? Nous
sommes d'avis que cette obligation doit relever de l'autorité compétente en matière de
succession car, d'une part, celle-ci dispose d'une compétence totale, étant habilitée à réglementer
toutes les questions ayant trait à la succession, questions incidentes ou qui surviennent
ultérieurement, au cours de la procédure successorale. D'autre part, en vertu du Règlement, une
décision prononcée par une autorité compétente d'un État membre fait l'objet de la
reconnaissance dans tous les autres États membres, étant exécutoire. Une décision qui porterait
atteinte aux principes en cette matière en vigueur dans l'État où se trouvent les immeubles
conduirait donc à l'impossibilité d'exécution de la décision dans cet État-là, par opposition à la
raison d'exister et à la finalité du Règlement. En outre, les autorités de l'État d'origine des
immeubles se trouvent dans l'impossibilité de ''reformer'' la décision étrangère.
4. Principe de la volonté du testateur – bien que non formulé de manière explicite, il
résulte indubitablement de l'extension de l'autonomie de volonté à une matière au sujet de
laquelle la majorité des codifications nationales ne reconnaissent pas, traditionnellement, la
possibilité d'une démarche initiée par le testateur ou bien dont le champ d'application est
drastiquement réduit par celles-ci, se trouvant, en fin de compte, pratiquement dépourvue de
sens. Ce principe part de l'idée selon laquelle le défunt n'est pas uniquement l'auteur du transfert
et le créateur du patrimoine successoral – il est, également, celui qui lie et unit tous les
''bénéficiaires'' de la succession, en leur octroyant une vocation successorale. C'est la raison pour
laquelle, en tant que principe, le caractère international de la succession est identifié en se
rapportant à la personne du testateur. Le testateur est celui qui détermine la loi successorale
applicable, soit en fonction de la dernière résidence habituelle soit par choix. Par l'intermédiaire
de son choix, il crée également les prémisses de la détermination de la compétence
internationale. Ainsi, la règle générale en matière de compétence s'appuie en effet sur le critère
de la dernière résidence habituelle du défunt (article 4). Néanmoins, si le défunt a choisi en tant
que loi successorale la loi de sa nationalité (ou bien la loi de l’une des nationalités qu’il a
possédées), ses héritiers seront en droit d’opter pour la compétence des autorités de l’État dont
la loi a été choisie. Cependant, en absence de ce premier ‘’pas’’, sans ce ‘’secours’’, les héritiers
ne pourront pas, ni même suite à un accord unanime, enfreindre la règle de compétence générale
en cette matière, déterminée en vertu de l’article 4 du Règlement
98.
98 Le choix de la loi applicable par l’auteur de la succession a un caractère définitif et irrévocable après son décès.
Personne et rien ne pourra priver la loi successorale choisie (dans les limites du Règlement) de la vocation
d’application. L’incidence de la clause d’exception est, également, exclue dans ce cas. Même pas l’accord de tous
48



Page 50
5. Principe de la solennité et des formes. Le droit des successions est, par excellence, un
droit de la solennité et des formes. Si, dans d’autres matières, telle celle des contrats, le
formalisme constitue l’exception, en matière successorale le formalisme s’avère la règle. Nous
le rencontrons sous deux formes: d’une part, le formalisme des actes de planification
successorale et, d’autre part, celui de la procédure successorale proprement dite. Dans le premier
cas, il s’agit du formalisme des actes sur lesquels s’appuie la planification successorale – la
distinction s’opérant à ce point entre l’exigence de la forme solennelle (
‘’la substantialité de la
forme’’
)99 et la procédure de l’attribution de la forme (‘’le formalisme de la forme’’)100. Si le
les héritiers ne pourra changer la situation. La solution s’explique par la prévalence de la volonté de „celui qui
laisse”. C’est son héritage ... Au bout du compte, la plupart des fois, chacun d’entre nous vit les deux positions:
celle d’héritier, en obéissant à la volonté du défunt et celle où l’on planifie sa postérité, en regardant vers ceux qui
restent ... Et si l’on devait choisir entre le pouvoir qu’on souhaiterait avoir dans chacun de ces deux moments - le
pouvoir d’immixtion dans le patrimoine et la volonté d’autrui (indépendamment de la liaison „émotionnelle” ou de
sang qu’on a avec l’autrui) ou, au contraire, le pouvoir de décider le sort de ce qui nous appartient, en évaluant
nous-mêmes l’intensité des liaisons familiales - nous pensons que la raison devrait nous mener vers cette dernière
variante. C’est comme ça qu’on explique et on consolide l’autonomie de volonté en matière de successions,
reconnue enfin, après bien des discussions et des hésitations. Il est pourtant vrai qu’on parle d’une autonomie de
volonté limitée, encadrée, qui n’offre pas une trop grande possibilité d’option à celui qui a l’intention de planifier sa
succession. La volonté d’une certaine modération, en prenant en compte, d’un côté, les intérêts de la famille de
l’auteur, mais de l’autre côté, de la nature (la plupart du temps) unilatérale de l’instrument de planification
successorale (le testament), qui laisse le chemin libre „à l’imagination de celui qui planifie” (à la différence de la
matière des contrats, où cette possible discrétion est atténuée par l’antagonisme des intérêts opposant normalement
les parties contractantes), a mené à cette liberté limitée. Sûrement trop limitée, si on a en vue le droit de choix des
autres lois aussi, telles que la loi du pays qui réglemente le régime matrimonial de l’auteur de la succession ou
même la loi du pays sur le territoire duquel se trouvent, par exemple, tous les biens immobiliers qui composent la
masse successorale ou la loi du pays de résidence habituelle de la famille du défunt, surtout vu que les héritiers qui
composent sa famille seraient plus familiarisés avec cette loi successorale, en évaluant leurs attentes par rapport à
ses dispositions. Certainement le législateur européen a été assez timide et craintif à cet égard, en ne souhaitant pas
courir trop de risques et en étant influencé aussi par les craintes des États (tels que la France), qui jusqu’à présent ne
reconnaissaient pas
professio juris en matière successorale. De l’autre côté, il a aussi bien craint la possible
intention spéculative de l’auteur de la succession par l’ouverture d’un horizon trop large, qui l’incite à étudier le
droit comparé en matière de successions et la géographie juridique. La politique du législateur européen a été celle
des petits pas, en souhaitant probablement premièrement „une adaptation” avec ce nouveau lieu d’exercice de
l’autonomie de volonté. Il serait quand même souhaitable que les choses changent à l’avenir, en élargissant la
sphère des options de planification successorale par l’inclusion d’autres lois, qui présentent des liaisons avec
l’héritage surtout vu que, même dans les conditions actuelles il existe une certaine marge de spéculation, non par
l’exercice du droit de choix, plutôt par l’établissement de la dernière résidence habituelle.
99 Le problème du formalisme dans le droit international privé européen (et non seulement) est un problème délicat
et l’approche n’est pas unitaire et uniforme. Si,
en droit interne, les solutions sont relativement simples, le
formalisme des actes étant imposé par des dispositions à caractère impératif, dont le non respect mène, presque
invariablement, à la nullité absolue de l’acte signé avec le défi des rigueurs de forme, en échange,
en droit
international privé
, les choses sont regardées de manière plus nuancée du point de vue de la forme. Il existe quand
même un paradoxe: si, en droit interne, la forme solennelle est parfois imposée justement pour protéger le
consentement de la personne (en matière testamentaire, par exemple), sa raison et sa vocation étant celles d’obtenir
un consentement avisé, en attirant l’attention du testateur sur la „gravité” de ses effets sur son patrimoine, en droit
internation privé, en revanche, c’est justement cette protection de la volonté du testateur qui renverse l’exigence de
ce genre de formalisme, en le sacrifiant sur l’autel du respect de la dernière volonté (
favor testamenti). Bien
évidemment, la forme en soi ne présente aucune valeur. Sa valeur et sa raison se réduisent à la mesure dans
laquelle, en enveloppant la volonté du disposant, la forme peut, en fait, lui servir ... L’enveloppe de la forme doit
servir l’intérêt de celui dont elle a la vocation de protéger la volonté. Elle ne doit pas l’asphyxier seulement pour ne
pas altérer la forme (c’est-à-dire soi-même), parce que celle-ci n’est pas un but en soi. En sacrifiant la volonté du
testateur, c’est-à-dire le fond de l’acte (protégé), on sacrifie à la fois la forme. Et tout devient néant ... Par la suite, si
le testament a été rédigé dans un pays étranger qui est plus flexible en ce qui concerne la forme, si le testateur est
citoyen étranger et qu’il ait testé en respectant les formes précises selon la tradition de son pays ou,
indépendamment de son appartenance nationale, il a respecté la loi du pays où se trouvait son domicile ou sa
résidence habituelle au moment de signer le document ou il a respecté les conditions formelles imposées par la loi
du lieu où est situé son immeuble ou, „par hasard”, le document correspond aux exigences de forme de l’instance
ou du notaire qui remplit la procédure successorale (lex fori), – la solution raisonnable ne peut pas être autre que
celle de sacrifier „l’enveloppe protectrice” pour donner de la vie à la substance que cette enveloppe (formelle) avait
49


Page 51
la mission de protéger. La forme est sacrifiée sur l’autel de sa propre vocation - la protection de la volonté du
testateur. De cette manière, par son propre sacrifice, la forme réussit à donner la vie à celle qu’elle avait la mission
d’envelopper et de protéger: la dernière volonté du défunt ... D’ici la solution de l’alternance des formes consacrée
dans presque toutes les législations nationales de droit international privé (art. 2635 du NCC), dans les conventions
internationales (article premier de la Convention de la Haye sur les conflits de loi en matière de forme des
dispositions testamentaires, du 5 octobre 1961) et, plus récemment, dans le Règlement européen dédié aux
successions. Ainsi, le Règlement (UE) nº 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à
la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des
actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen
- l’article 27, dédié
aux conditions de forme des dispositions à cause de mort: ,,
Une disposition à cause de mort établie par écrit est
valable quant à la forme si celle-ci est conforme à la loi: a) de l'État dans lequel la disposition a été prise ou le
pacte successoral a été conclu; b) d'un État dont le testateur ou au moins une des personnes dont la succession est
concernée par un pacte successoral possédait la nationalité, soit au moment où la disposition a été prise ou le
pacte conclu, soit au moment de son décès; c) d'un État dans lequel le testateur ou au moins une des personnes
dont la succession est concernée par un pacte successoral avait son domicile, soit au moment où la disposition a
été prise ou le pacte conclu, soit au moment de son décès; d) de l'État dans lequel le testateur ou au moins une des
personnes dont la succession est concernée par un pacte successoral avait sa résidence habituelle, soit au moment
de l'établissement de la disposition ou de la conclusion du pacte, soit au moment de son décès; ou e) pour les biens
immobiliers, de l'État dans lequel les biens immobiliers sont situés.
’’ On peut remarquer le fait que l’intention du
législateur européen de sauver et d’accomplir la dernière volonté du
de cujus est tellement grande qu’il a élargi
considérablement la sphère des lois aptes à valider formellement le document de la dernière volonté de l’auteur de
la succession, y compris des lois qui n’ont pratiquement aucun autre rôle dans l’économie du Règlement, comme
celle du domicile du testateur ou, selon le cas, d’au moins l’une des parties dont la succession est visée par les effets
d’un pacte sucessoral.
100 Par le syntagme „le formalisme de la forme” on entend „son côté procédural”, indissolublement lié à la nature
des attributions et des compétences reconnues à l’autorité qui les accomplit. Ce „formalisme procédural” est
réglementé, principalement, par la Loi des notaires publics et des activités notariales, nº 36/1995 (republiée dans le
Journal officiel nº 72 du 4 février 2013). Du point de vue du droit international privé, „le formalisme de la forme”
est soumis invariablement à la loi de l’État auquel „l’officier public” (le notaire) appartient, soit à
lex fori.
Autrement dit, concernant la „substantialité de la forme” la règle est l’application de la loi qui régit le fond du
document respectif (
lex causae), parfois le souhait de „sauver” le document (favor actus) consacrant l’alternance
des normes de conflit multiples et non pas la célèbre échelle de
Kegel (exempli gratia en matière testamentaire, art.
2635 du NCC
favor testamenti). En échange, tel qu’on l’a vu, „le formalisme de la forme” est soumis sans
exception à
lex fori.
La forme n’est qu’une enveloppe du document regardé comme negotium juris, une enveloppe qui lui
confère de la vigueur et de la crédibilité aux yeux des tiers, en devenant ainsi un instrument crédible, de
sécurisation du circuit civil. Et celui qui donne cette forme - le notaire public - ne se limite pas à regarder seulement
dans les yeux des parties mais, également, dans les yeux de celui qui en a reconnu l’importance et la raison d’être. Il
travaille donc en servant l’intérêt privé et public en même temps. Il est le garant de la volonté consciente et
librement exprimée des parties ainsi que, en égale mesure, de la sécurité du circuit privé dans son ensemble. Il est
également vrai, pourtant, que, dans d’autres situations, la forme est celle qui confère de la consistance et de la
sécurité au document. Même si elle ne peut pas exister en soi mais seulement attachée à son fond, la forme est celle
qui donne vie à la substantialité taillée. Lorsque, dans la considération de certaines raisons (des plus diverses), le
législateur impose la forme
ad validitatem, c’est elle qui assure l’efficience et la portance.
Les raisons du formalisme sont multiples et elles diffèrent souvent selon la nature du document dont la
solennité est imposée pour son existence et son efficience. En matière testamentaire prédomine la préoccupation
pour obtenir un consentement avisé. En échange, en matière de transfert du droit de propriété (ou des autres droits
réels) ayant comme objet des biens immobiliers, par l’intermédiaire de la forme l’on assure le contrôle public sur
l’acte mais aussi les rigueurs liées à la sécurité du circuit immobilier, aspect détaché de l’intérêt privé des parties à
la réalisation de ce type de documents. Pour cela, dans le plan du droit international privé, les conséquences du non
respect des conditions de forme sont différentes aussi: si, en matière testamentaire par exemple, l’on essaie de
sauver le document et, à la fois, la volonté de son auteur, puisqu’il suffit que le document testamentaire remplisse
n’importe quelle condition de forme imposée par n’importe quel système avec lequel le testament présente un lien
de proximité raisonnable
1 , les conséquences sont tout à fait différentes lorsque par la forme l’on vise un contrôle
sur la circulation de certaines catégories de biens, comme les immobiliers
. Et ce formalisme suppose un double
contrôle: 1.) celui sur le fonctionnaire (le notaire, l’agent public) qui est obligé à accomplir certaines „compétences
d’exercice”, ainsi que certaines „formalités d’exercice” (rapporter la transaction à l’autorité nationale compétente
pour la prévention et la sanction du blanchiment de capitaux, la vérification fiscale etc.); 2) celui sur le document
proprement dit, soit le contrôle pour remplir toutes les conditions de validité (le contrôle juridique d’efficacité). Il
est pourtant vrai qu’on ne reconnaît pas au notaire, au niveau européen, la fonction d’autorité publique dans le sens
50



Page 52
premier type de formalisme est dicté par lex successionis, l’autre se soumet à la loi de l’État
d’origine de l’acte concerné (
lex originis actus) et son lien avec la nature des attributions
conférées par la loi du lieu à ‘’l’officier public’’ compétent (le notaire public) est indestructible.
Il devra d’ailleurs toujours respecter la procédure de légalisation stipulée par sa propre loi
101.
En guise de conclusion, du point de vue de la matière successorale, le formalisme débute
dès le moment de la planification successorale, par l’intermédiaire de la forme
ad validitatem
imposée aux instruments de cette planification et suit le déroulement et la finalisation de la
procédure successorale (de nature notariale ou judiciaire), celle-ci conférant au formalisme une
puissante fonction de contrôle.

6. Principe de la compétition entre les systèmes successoraux européens, exercé par
l’intermédiaire de l’autonomie de volonté. L’autonomie de volonté n’est pas, il est vrai, très
étendue en cette matière et ne permet pas au testateur la liberté souhaitée. Personne ne
s’attendait, d’autre part, à ce qu’il dispose d’une une liberté totale ou de la liberté autorisée en
matière contractuelle. L’explication paraît assez simple: si, en matière contractuelle, l’autonomie
est, selon la nature de ses sources, tempérée par les intérêts opposés des parties contractuelles,
en matière successorale la situation est fondamentalement différente; ici, l’acteur unique de cette
autonomie est le testateur (
der Erblasser). Nous constatons donc qu’il est question d’une
autonomie limitée, ‘’encadrée’’. Nous remarquons, cependant, qu’il aurait été préférable de
bénéficier d’une plus grande permissivité, soit selon le modèle de la Convention de La Haye de
1989 soit en offrant au testateur la possibilité de choisir, en plus de la loi de l’État (ou des États)
dont il possède la nationalité, également la loi régissant son régime matrimonial. Surtout que ces
deux institutions sont étroitement liées du point de vue de leur finalité qui est de nature
familiale
102. La liberté octroyée au testateur conduit implicitement à une compétition entre les
codifications, entre les systèmes successoraux qui pourraient éventuellement devenir incidents:
celui ayant trait à la dernière résidence habituelle du testateur, celui de l’État dont le défunt
possédait la nationalité soit au moment du choix, soit au moment de son décès (article 22,
premier alinéa). Si le défunt détenait plusieurs nationalités, interviennent aussi les lois
successorales de ces États- là (article 22, alinéa 2). Par la suite, le testateur sera tenté de
comparer ‘’l’offre de réglementation’’ proposée par les lois de ces États, d’examiner
in concreto
la liberté que chaque codification interne autorise dans son cas, en mettant face à face les
de l’art. 51 du TFUE (ex-art. 45 TCE), ainsi qu’il résulte des Décisions de la Cour de Luxembourg (siégeant en
grande chambre) du 24 mai 2011, dans les causes C- 47/08, C-50/08
100, C-51/08, C-53/08, C-54/08 și C-61/08.
101 Dans ce contexte, des complications pourraient apparaître dans la situation où la législation et la tradition
notariale de certains pays consacrent une certaine „légèreté” dans cette matière, en estimant suffisante la
légalisation de signature pour un document destiné à l’usage dans un autre état membre, en vue de dresser un
document solennel (authentique) dans ce pays. Ici, nous pensons, l’interprétation systématique et fonctionnelle du
juriste du pays de destination du document (le cas des pouvoirs) partant du
principe de l’équivalence et de
l’équipollence des formes
. Voir dans ce sens l’étude qui accompagne La Résolution de Santiago de 2007 de
l’Institut de droit international, disponible sur le site officiel de l’Institut, à l’adresse: http://www.idi-
iil.org/idiF/resolutionsF/2007_san_01_fr.pdf
102 Ne serait-il pas naturel de permettre à l’auteur de la succession de choisir, par exemple, la loi qui régit les
relations patrimoniales avec le conjoint? Nous pensons que le législateur européen a été assez timide et circonspect
pour ne pas trop déranger les pays qui n’étaient pas favorables à la reconnaissance d’une autonomie de volonté dans
cette matière (tels que la France) et qui craignaient la possibilité d’éluder les dispositions internes concernant la
réserve successorale, surtout que, selon la jurisprudence et l’opinion majoritaire de la doctrine, cette institution n’est
même pas regardée comme appartenant à l’ordre public de droit international privé dans ces pays-là. On pourrait
quand même discuter si, de façon casuelle, on pourrait mettre en discussion l’effectivité d’une certaine protection
avec une finalité successorale - en recourant au mécanisme de l’ordre public de droit international privé - dans le
cas de l’existence des héritiers du défunt (auxquels le droit successoral du for reconnaissait la qualité de
réservataire) dépourvus totalement de revenus ou se trouvant dans un état de dépendance matérielle par rapport à
l’auteur de la succession (mineurs, enfants ou conjoint avec un handicap sévère, inapte pour le travail). Dans cette
situation on peut parler de l’obligation d’une solidarité familiale minimale.
51



Page 53
quotités disponibles reconnues par chacune de ces lois. Il sera tenté, en fin de compte,
d’apprendre le droit successoral comparé …

De cette manière, compte tenu du fait que les systèmes nationaux commencent à perdre
leur caractère territorial, comme leur application ne découle plus automatiquement du critère de
leur territorialité en présence d’un élément d’extranéité, fût-il de nature sensible – par exemple
la coexistence de deux nationalités d’États membres différents -, les droits nationaux finissent
par ’’implorer’’ leur application à ceux qui envisagent d’entamer des rapports juridiques. À
partir de ce moment, ils se trouveront en compétition l’un avec l’autre, ne s’appliquant plus en
vertu de leur propre autorité mais uniquement en vertu de la volonté des parties, seules en
mesure d’apprécier leur qualité et leur valeur, la mesure où ils répondent aux exigences des
parties; la tradition sera comparée à l’innovation, semper à novum, la pensée et la mentalité du
législateur national à la pensée et la volonté de ceux qu’il vise en fait. Un dialogue est initié
mais à ce dialogue participent, en plus de celui qui envisage de créer un rapport juridique, tous
les systèmes normatifs nationaux ayant trait au rapport en question, chacun avançant son
’’offre’’. Autrement dit, ces systèmes normatifs abandonnent leur territorialité traditionnelle,
s’en séparent et s’élèvent au-dessus de l’espace communautaire (de l’Union). Et il en résulte une
communauté des égaux … Chaque produit normatif s’appliquera dorénavant dans n’importe
quel territoire national, sur une partie du territoire européen, certainement pas de manière
automatique et répétitive mais uniquement lorsque cette application est voulue (‘’destinée’’ ou
‘’sollicitée’’) par les personnes liées par le rapport juridique.
52
































Page 54
Chapitre IV. Aspects théoriques portant sur les renseignements en droit étranger
à obtenir du Réseau notarial européen et du Réseau judiciaire européen en
matière civile et commerciale.
§1. Un réseau notarial pour la pratique juridique européenne
Le Conseil des notariats de l’Union européenne (CNUE), l’association officielle et
représentative au niveau continental de la profession de notaire de droit civil a décidé, à
Marseille, le 11 octobre 2006, la création du Réseau notarial européen (RNE). Le Réseau CNUE
était donc inauguré le 1
er novembre 2007, en tant que structure de dialogue entre des
interlocuteurs nationaux, sa mission principale étant celle de fournir des renseignements
juridiques aux notaires européens confrontés, dans leur activité quotidienne, à des dossiers
transfrontaliers.
Aujourd’hui, le Réseau assiste les notaires publics des suivants États membres de l’Union
européenne: l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie, la France, L’Allemagne,
la Grèce, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le
Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, l’Espagne et la
Hongrie.
Par l’activité du RNE, le notariat européen participe activement à l’approfondissement de
l’espace européen de la justice civile. Le nombre des citoyens entretenant, à travers l’Union
européenne, des liens avec les citoyens d’un autre État membre, que ce soit pour des raisons
professionnelles ou familiales, augmente continuellement. Cela est certainement visible dans le
cas de la Roumanie. Il existe, par la suite, du point de vue des notaires, une nécessité réelle et
urgente de conseil et d’assistance spécialisée adaptée aux rapports juridiques nés suite à la
mobilité européenne des personnes. L’application des instruments législatifs européens ayant
incidence dans l’activité notariale, qui impose souvent, pour les professionnels du droit,
l’application du droit d’un autre État membre de l’Union européenne conduit à une demande
accrue, de la part de ceux-ci, d’informations au sujet des dispositions du droit matériel des États
européens relatif au domaine de la compétence notariale.
La dimension européenne de la sécurité juridique et de l’égalité de l’accès à la justice pour
les citoyens et les familles devient un élément fondamental de la mission des notaires en société,
un objectif pour l’accomplissement duquel les notaires ont décidé de contribuer effectivement
par l’intermédiaire du Réseau notarial européen.
§2. Missions et activités:
2.1. La mission principale du RNE est de fournir une assistance technique directe aux
notaires recevant des dossiers pourvus d’éléments d’extranéité. RNE
n’offre pas aux notaires
une consultation juridique dans des cas individuels, mais un support théorique abstrait, en
général sous la forme de renseignements ayant trait au domaine de compétence des notaires et
portant sur le droit matériel et procédural en vigueur dans d’autres États membres, les critères de
validité formelle pour divers actes notariés et ainsi de suite. Cette activité principale implique la
transmission de réponses et de matériaux complets ou bien de fragments de textes législatifs,
jurisprudentiels, articles ou études.
Modus operandi: Chaque notaire peut adresser une demande par écrit à son interlocuteur
national. Celui-ci y répondra immédiatement au cas où il détient déjà l’information requise ou
décidera de contacter, en vue de formuler sa réponse, un interlocuteur homologue de l’un des 22
53








Page 55
États membres auquel est associé l’élément d’extranéité du dossier. Les demandes doivent être
formulées sous la forme de questions précises et ne sont pas à transmettre en tant que dossier.
Les interlocuteurs se servent, pour communiquer entre eux, d’une plateforme informatique
online disposant d’un système d’alerte, installée sur l’intranet du réseau. De plus, le fait que les
relations de coopération et d’interaction interpersonnelle sont excellentes entre les membres de
ce réseau, qui se réunissent deux fois par an, augmente son efficacité et la rapidité des réactions.
Dans ce contexte, les interlocuteurs RNE ont la mission de renseigner et de mettre en
contact les notaires avec leurs collègues des autres États, qui parlent d’autres langues nationales
afin de faciliter leur coopération transfrontalière directe dans divers dossiers dont ils s’occupent.
2.2. En plus des activités d’assistance et de coopération directe avec les professionnels du
droit, le Réseau notarial européen a contribué au déroulement et à la finalisation de projets
au niveau ‘’macro’’ qui répondent, au niveau européen, aux nécessités d’information des
notaires
au sujet des dispositions du droit étranger et de l’application du droit européen.
Il faut mentionner ici les portails «Successions en Europe» www.successions-europe.eu,
«Couples en Europe» www.coupleseneurope.eu où l’information, qui est accessible dans toutes
les langues européennes, porte sur la réglementation, dans les systèmes nationaux des États
membres de l’Union européenne, des successions et des régimes matrimoniaux. Un autre projet
disponible sur l’intranet RNE, en cours de transfert sur l’intranet des notariats nationaux est ‘’La
carte européenne de la certification conforme’’ qui fournit aux notaires de tous les États
membres, dans leurs langues, des renseignements détaillés sur les conditions de validité formelle
stipulées dans les législations nationales pour 110 des actes fréquemment rencontrés en matière
civile et commerciale, par conséquent usuels dans l’activité notariale, aussi bien que pour les
délégations de pouvoirs correspondant aux actes respectifs. En 2013 a été créé le portail
‘’Personnes vulnérables en Europe’’ http://www.vulnerable-adults-europe.eu, disponible pour
l’instant dans les langues officielles de l’Union européenne, qui propose une section dédiée aux
adultes vulnérables, à compléter, en 2014, par une section concernant la protection des mineurs.
Les interlocuteurs RNE informent les notaires et contribuent à l’application, par ceux-ci,
des
actes législatifs de l’Union européenne dans leurs États, dans le domaine notarial. En
2012 a été créé ‘’l’Observatoire législatif notarial européen’’ (présent sur l’intranet du RNE) et,
en 2013, RNE a mis à la disposition des notaires européens un ‘’Livret’’, traduit en 19 langues
européennes, présentant des cas pratiques de l’application du Règlement UE nº 650/2012 en
matière de succession internationale.
Tous ces projets ont été réalisés grâce au cofinancement de l’Union européenne sous la
forme de
le
fonctionnement), fonds octroyés au Réseau, au cours des années, par la Commission
européenne.
financements pour des actions ou
financements opérationnels
(pour
En plus de ces projets mettant à la disposition des professionnels du droit et des citoyens
des bases de données juridiques, RNE a aussi créé des
instruments pratiques pour l’activité
notariale, dans le cadre de ses programmes des dernières années, financés par l’Union
européenne. Le plus important peut-être est le
formulaire bilingue permettant la vérification
transfrontalière du contenu des délégations de pouvoirs
(et de leur révocation) par le notaire
se servant de la délégation de pouvoirs au sujet d’un acte faisant l’objet d’une procédure
notariale et le notaire l’ayant émis, à l’étranger (le formulaire peut être téléchargé dans
n’importe quelles deux langues des 19 langues européennes). En vertu du même principe, RNE
s’occupe de l’élaboration d’un
‘’Passeport notarial pour les entités juridiques’’ destiné à
pourvoir toute société ou entité se proposant d’initier des rapports juridiques et économiques sur
le territoire d’un autre État membre d’une fiche de renseignements portant sur la société en
général, son statut actuel ainsi que les titulaires et la portée des pouvoirs de représentation. Ces
renseignements sont synthétisés par le notaire de l’État d’origine au moyen d’un formulaire
bilingue – facilement lisible par le notaire de l’État de destination – après avoir consulté les
registres publics, les documents de la société et les délégations de pouvoirs émises par celle-ci.
54

Page 56
2.3. RNE dispose aussi d’une section de ‘’formation’’ des notaires, responsable de la
promotion de la formation initiale et continue des notaires en droit communautaire, section qui a
contribué à l’élaboration du projet CNUE ‘’Europe for Notaries - Notaries for Europe’’. C’est
dans le cadre de ce projet qu’ont été organisés les séminaires internationaux de Bucarest les 19-
20 septembre 2013 et 8-9 mai 2014, s’adressant à un public d’environ 500 notaires de la
Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie, la Grèce et du Portugal.
Cette structure collabore avec la Commission européenne au sujet des évaluations
annuelles portant sur les objectifs de formation des professions juridiques en droit européen
jusqu’en 2020.
§3. Liens entre le Réseau notarial européen et le Réseau judiciaire européen.
L’un des objectifs politiques envisagés lors de la création du Réseau notarial européen a
été celui de faciliter l’intégration des notariats européens dans le champ d’activité du Réseau
judiciaire européen en matière civile et commerciale, à terme moyen et long. Il faut mentionner
à ce point que le Réseau notarial européen du CNUE a été créé d’après le modèle du Réseau
judiciaire européen et qu’entre les deux il existe une étroite coopération.
Le Conseil des ministres de justice des États membres de l’UE a adopté, le 5 juin 2009, la
décision de modification du cadre législatif relatif au fonctionnement du réseau judiciaire
européen en matière civile et commerciale. Cette décision fut approuvée par le Parlement
européen le 18 juin 2009. L’aspect le plus important pour les professions juridiques est, sans
doute, le fait d’avoir statué dans la décision 568/2009/CE que ‘’
les ordres professionnels
représentant les professionnels du droit, notamment les avocats, les avoués, les notaires et les
huissiers de justice, qui concourent directement à l’application des actes communautaires et des
instruments internationaux relatifs à la justice civile peuvent devenir membres du réseau par le
biais de leurs organisations nationales afin de concourir, avec les points de contact, à certaines
missions et activités spécifiques du réseau.‘
’ (considérant 12 du Préambule).
Ainsi, l’article premier, qui porte sur la structure du Réseau judiciaire européen, stipule
l’inclusion des
„ordres professionnels représentant les professionnels du droit (...) qui
concourent directement à l’application des actes communautaires et des instruments
internationaux relatifs à la justice civile‘’ et que ’’les États membres déterminent les ordres
professionnels visés (...). À cette fin, ils recueillent l’accord des ordres professionnels
concernés sur leur participation au réseau.’’
La décision du Conseil et du Parlement européen nº 568/2009/CE laisse aux États
membres le droit de désigner les associations professionnelles nationales qui participent à la
structure nationale de contact du Réseau judiciaire européen, selon le spécifique du système
juridique de chaque État membre.
§4. Le Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale.
Le Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale a été établi par la Décision
du Conseil nº 470 du 28 mai 2001 (2001/470/CE)
103, modifiée par la Décision nº 568/2009/CE
du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009.
103 Publiée dans le Journal officiel L 174 du 27.6.2001, p. 25.
55











Page 57
En vertu de ladite Décision, le terme ‘’État membre’’ vise tous les États membre à
l’exception du Danemark (premier article, alinéa 2).
Le Réseau est composé de points de contact centraux, désignés par chaque État membre,
magistrats associés, autres autorités, ainsi que les associations professionnelles des experts
juridiques qui, dans leur activité, se heurtent à l’application des instruments européens et
internationaux en matière civile et commerciale.
Les objectifs du Réseau portent sur la facilitation de la coopération judiciaire entre les
États membres en matière civile et commerciale, par l’intermédiaire de la création d’un système
de renseignement disponible à ses membres, la facilitation de l’accès à la justice en fournissant
des
instruments européens et
internationaux en matière civile et commerciale, la facilitation des procédures à incidence
transfrontalière.
informations pertinentes au sujet de
l’application des
Le Réseau dispose de son propre site web qui fournit des renseignements actuels,
accessible à: http://ec.europa.eu/civiljustice/index_ro.htm ou sur le portail européen E-Justice:
https://e-justice.europa.eu/home.do?action=home&plang=ro
Les juridictions des États membres confrontées à l’application des lois étrangères dans les
litiges présentant des éléments d’extranéité peuvent obtenir des renseignements concernant les
dispositions des lois étrangères applicables en cas de litige en adressant des sollicitations de
coopération judiciaire au point central de contact de l’État d’origine de la juridiction saisie. Les
points de contact sont tenus d’y répondre dans un délai de 15 jours depuis la réception de la
demande, à l’exception des situations complexes.
En matière successorale, des détails à caractère général au sujet du droit des États
membres peuvent être obtenus sur le portail: http://www.successions-europe.eu
En outre, des renseignements au sujet des dispositions des lois étrangères, applicables en
cette matière, pourront être obtenus aussi bien en vertu de la Convention européenne dans le
domaine de l’information sur le droit étranger, adoptée le 7 juin 1968 à Londres
104. La
Roumanie a adhéré à cette convention en 1991 (Journal officiel, Première partie, nº 63 bis du
26.03.1991).
104 Pour des détails sur l’application de cette convention, voir le site du Ministère de la
Justice:http://www.just.ro/Sectiuni/Cooperarejudiciarăinternaţională/Ghiddecooperareînmateriecivilăşicomercială/t
abid/736/Default.aspx
56






















Page 58
Chapitre V. Cas pratiques de détermination de la compétence internationale.
§ 1. Cas pratiques pour les magistrats.
Nº 1. Convention d’élection de for. États tiers. Compétences subsidiaires. Litispendance.
A., ressortissant roumain dont la dernière résidence se trouve en Israël, décède en laissant des
biens situés sur le territoire de la Roumanie, de la République de Moldavie et d’Israël;
envisageant de contester le testament, son épouse et les enfants provenus du second mariage
concluent, 2 semaines avant le décès, une convention relative attributive de juridiction en faveur
des instances roumaines. Le fils du premier mariage, qui avait saisi, lui, les autorités
israéliennes avec une demande similaire, conteste la compétence des autorités roumaines. Que
doivent celles-ci décider?

Remarques et solution
1. Détermination de l’applicabilité internationale du Règlement nº 650/2012
Le Règlement nº 650/2012 ne comporte aucune règle portant sur son applicabilité dans
l’espace. La doctrine juridique agrée toutefois le caractère
erga omnes des règles instituées105,
qui se substituent aux normes de procédure civile nationale ayant un objet similaire, intervenant
même lorsque le cas d’espèce présente certains liens (prédominants parfois) avec des États tiers.
D’ailleurs, le législateur européen a prévu expressément des règles spéciales qui pourraient
s’appliquer afin de conférer compétence aux juridictions des divers États membres de l’Union
européenne lorsque la résidence habituelle du défunt se trouve dans un État tiers (articles 10 et
11).
La deuxième condition d’applicabilité du Règlement nº 650/2012 est la l’établissement,
par une clause attributive de juridiction, de la compétence des juridictions d’un État membre de
l’Union européenne; elle ne soulève aucun problème en l’espèce, la juridiction saisie étant celle
roumaine. Si l’option des personnes concernées avait visé les juridictions d’un État tiers, la
clause respective n’aurait pas été régie par le Règlement (s’appliquant exclusivement en ce qui
concerne la compétence des juridictions des États membres) mais par les règles de l’État de la
juridiction saisie.
2. Vérification des conditions de validité de la convention d’élection de for
La validité formelle.
En ce qui concerne la forme des conventions attributives de
juridiction, le Règlement stipule, à l’article 5§2, une série d’exigences expresses – document
établi par écrit (la forme électronique est admissible), daté et signé par les personnes concernées
-, qui doivent être vérifiées ponctuellement.
En l’espèce, le premier aspect à soulever des questions est le moment de la signature de
l’accord. La doctrine juridique estime toutefois que la date n’est pas importante: l’élection de for
peut intervenir aussi bien avant le décès (car elle n’influence pas les droits successoraux des
parties) qu’après le décès, même, d’ailleurs, après la saisine d’une juridiction
106.
Le second aspect problématique vise les personnes qui doivent signer la convention.
L’article 5§1 du Règlement mentionne ‘’les parties visées’’ (les parties concernées), ce qui
105 A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet (dir.), Le droit européen des successions, Commentaire du
Règlement n° 650/2012,
Bruylant, 2013, p. 33-34, n° 22, p. 165, n° 3. A. Davi, A. Zanobetti, „Il nuovo Diritto
internazionale privato delle successioni nell’ Unione Europea”,
Cuadernos de Derecho Transnacional, 10. 2013,
vol. 5, nº 2, pp. 5-139, n° 131, p. 112.
106 Voir A. Bonomi, op. cit., n° 15-18, p. 188-189; voir aussi l’article 7, lettre c) du Règlement.
57









Page 59
inclut, sans le moindre doute, les héritiers, les légataires, les bénéficiaires des dispositions à
cause de mort ou l’exécuteur testamentaire. En l’espèce, l’un des héritiers conteste la validité de
la convention (qu’il n’a probablement pas signée); quoique le considérant 28 du Préambule
107
laisse entrevoir que, parfois, les conventions attributives de juridiction acceptées uniquement par
quelques-unes de ces parties
108 seraient admissibles, vu que le litige concernant la validité du
testament concerne tous les héritiers, la prorogation de compétence ne sera pas efficace en
absence du consentement de l’un d’eux et, en vertu de l’article 9§2, la juridiction ’’élue’’ doit
décliner sa compétence.
La validité substantielle. Comme les justifications en faveur de l’admission des
conventions l’attributives de juridiction en matière successorale sont surtout d’ordre pratique –
aboutir à la coïncidence entre la compétence juridictionnelle et celle législative109 -, le
législateur européen a stipulé deux conditions cumulatives, indispensables à leur validité: a) les
conventions d’élection de for sont permises pour les litiges en matière successorale à condition
que le
de cujus ait opté, en vertu de l’article 22 du Règlement, pour sa loi nationale en tant que
loi successorale
110; b) les personnes concernées décident d’attribuer compétence aux juridictions
de l’État dont la loi a été choisie, par le testateur, afin de régir la succession. Au cas où la
première condition n’est pas remplie en l’espèce, les juridictions auront une raison
supplémentaire de décliner leur compétence, la vérification de la validité substantielle du
consentement des parties concernées (en vertu de la loi de la juridiction saisie) n’étant pas
nécessaire.
3. Vérification des critères subsidiaires de compétence
La résidence habituelle du défunt n’étant pas établie en Roumanie et la convention
d’élection de for n’étant pas conclue de manière valide, il faut, en outre, vérifier la possibilité
que la juridiction roumaine se déclare compétente en vertu d’autres textes du Règlement –
surtout l’article 10 (compétences subsidiaires). Deux des conditions de l’applicabilité du texte
sont, hypothétiquement parlant, remplies en l’espèce: (i) la dernière résidence habituelle du
défunt ne se trouve pas sur le territoire d’un État membre et (ii) une partie des biens
successoraux se trouvent sur le territoire de l’État de la juridiction saisie. Elles seront cumulées
avec l’une des exigences stipulées, de manière hiérarchique, à l’article 10§1 lettre a) ou b) du
Règlement (la nationalité de l’État de for ou la résidence habituelle antérieure sur le territoire de
l’État de for). Compte tenu, en l’espèce, de la nationalité roumaine du défunt, la juridiction
roumaine pourrait se déclarer compétente en l’espèce (en vertu de l’article 10§1, lettre a).
4. Détermination de l’applicabilité des règles relatives à la litispendance
Un autre aspect susceptible de soulever des problèmes – l’éventuelle saisine de la
juridiction israélienne au sujet d’un litige ayant le même objet et la même cause et le
surgissement, à ce sujet, d’une situation de litispendance. L’article 17 du Règlement nº
650/2012 sera impossible à appliquer car il vise exclusivement les litiges pendants devant les
juridictions d’États membres différents, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Pour assurer une
coordination entre les différentes juridictions et éviter les décisions irréconciliables, il serait
possible de prendre en considération
111 les règles de l’État de for relatives à la litispendance
107Il faudrait préciser au cas par cas, en fonction notamment de la question couverte par l'accord d'élection de
for, si l'accord devrait être conclu entre toutes les parties concernées par la succession ou si certaines d'entre elles
pourraient accepter de soumettre une question spécifique à la juridiction choisie au cas où la décision de ladite
juridiction sur ladite question n'affecterait pas les droits des autres parties à la succession.”
108 Comme dans le cas d’une action en revendication promue par un légataire contre l’héritier qui détient le bien,
lorsque l’accord des deux suffit.
109 Voir les considérants 27 et 28 du Préambule et l’article 6, alinéa 2; A. Bonomi, op. cit., n° 5, nº 6, p. 185.
110 La condition n’est pas accomplie si l’on est uniquement en présence d’un choix partiel, en conformité avec
l’article 24§2 ou avec l’article 25§3 du Règlement.
111 Voir dans ce sens A. Bonomi, op. cit., n° 6-10, p. 258-260. La possibilité de l’utilisation des règles internes
concernant la litispendance internationale pourrait faire sans aucun problème l’objet d’une question préliminaire
adressée à la Cour de justice.
58


Page 60
internationale (article 1075 du nouveau Code de procédure civile/NCPC); la juridiction
roumaine devrait vérifier si elle a été la première saisie (cas où le jugement de la cause se
poursuivra) ou la deuxième saisie (cas où elle pourra éventuellement envisager la suspension du
procès, en vertu des règles stipulées à l‘article mentionné ci-dessus).
Nº 2. Déclinatoire facultatif de compétence. État membre. X., ressortissant britannique
dont la dernière résidence habituelle était située en Roumanie, rédige un testament par lequel il
exprime son option en faveur de la loi successorale en vigueur au Royaume-Uni et, en même
temps, il déshérite sa fille. Après son décès, celle-ci conteste le testament devant la juridiction
roumaine; la veuve, d’autre part, demande un déclinatoire de compétence en faveur des juges
anglais. Comment devraient agir les juges roumains en l’espèce?
Remarques et solution
Vérification des conditions d’applicabilité de l’article 6 du Règlement nº 650/2012
Afin d’assurer la coïncidence entre la compétence juridictionnelle et celle législative, le
législateur européen a stipulé à l’article 6§1 du Règlement la possibilité d’un déclinatoire de
compétence en faveur d’une
juridiction mieux placée, en vertu d’une appréciation
discrétionnaire des éléments
de facto, par la juridiction saisie (compétente, d’ailleurs, pour
juger)
112; la marge d’appréciation dont celle-ci dispose est significative, parmi les aspects à
considérer figurant la facilité de connaître et d’appliquer la loi successorale étrangère, la facilité
de l’administration des preuves ou l’intérêt des parties (respectivement éviter les difficultés que
soulève leur déplacement transfrontalier ou la reconnaissance des décisions portant sur
l’administration ou la transmission des biens)
113.
L’incertitude et la subjectivité supplémentaires ainsi survenues au sujet de la décision en
matière de compétence sont minimisées par une délimitation rigoureuse des conditions dans
lesquelles le déclinatoire peut opérer: (i) la première juridiction saisie, juridiction d’un État
membre, est compétente pour juger sur le fond de l’affaire (la validité du testament); (ii) le
testateur a réalisé une
professio juris, en vertu de l’article 22 du Règlement, en faveur de la loi
d’un État membre; (iii) l’une des parties au litige a sollicité que la compétence soit déclinée en
faveur des juridictions de l’État membre dont la loi s’applique à la succession
114.
Si la première des conditions mentionnées ne soulève pas des difficultés particulières en
l’espèce (la Roumanie étant l’État où se trouvait la dernière résidence habituelle du défunt,
question indiscutée), les deux autres dissimulent une difficulté potentielle au sujet du sens de
l’expression ‘’État membre’’. En fait, afin de ne pas porter atteinte à l’interprétation
systématique et cohérente du Règlement, il est généralement accepté que, dans le contexte des
règles de compétence stipulées (aussi bien) au Chapitre II du Règlement, cette expression ne
désigne pas tout État membre de l’Union européenne mais, en fait, ‘’
l’État membre ayant
participé à l’adoption du présent règlement’’
115. Vu que, dans l’application des articles 1 et 2 du
protocole 21 sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard des actes adoptés afin de
112 Il s’agit d’une application particulière et isolée de la doctrine anglaise forum non conveniens, acceptée avec
réticence dans le droit international privé européen (voir, antérieurement, le refus ferme de son admission dans le
contexte du Règlement nº 44/2001 - CJUE, le 1
er mars 2005, Owusu, C-281/02 et la consécration timide par l’article
15 du Règlement nº 2201/2003, pour les litiges en matière de responsabilité parentale).
113 Le législateur européen mentionne, à titre d’exemple, la résidence habituelle des parties, respectivement la
localisation des biens successoraux (dans l’État où se trouvent les juridictions pour lesquelles on demande le
déclinatoire de compétence).
114 Décliner sa compétence n’est pas possible d’office (situation différente de celle rencontrée en matière de
responsabilité parentale - l’article 15 du Règlement nº 2201/2003 -, où l’intérêt public de sauvegarder l’intérêt
supérieur de l’enfant est extrêmement présent), de sorte que les parties se réjouissent d’un certain contrôle sur la
procédure.
115 A. Bonomi, op. cit., p. 166, n° 4.
59





Page 61
constituer l'espace de liberté, sécurité et justice, ces États ne sont pas liés par le Règlement nº
650/2012
116, la juridiction roumaine, en l’espèce, devra décliner sa compétence.
Nº 3. Déclinatoire de compétence. Compétence en cas de choix de loi. X., ressortissant
roumain détenant des biens en Roumanie et en Espagne, a établi un testament par lequel la loi
roumaine a été choisie en tant que loi applicable. Au cours de ses dernières années de vie, il
s’est installé, afin de bénéficier d’un traitement médical vu la maladie pulmonaire dont il
souffrait, en Espagne, pays où il est d’ailleurs décédé. L’un de ses fils a contesté le testament
devant la juridiction espagnole mais celle-ci a décidé, à la demande de l’autre fils, de décliner
sa compétence en faveur de la juridiction roumaine. Prononcez-vous au sujet de la compétence
de cette dernière.
Remarques et solution
L’article 7 du Règlement, qui établit deux conditions minimales d’application117, fournit,
en l’espèce, la base légale pour une éventuelle compétence de la juridiction roumaine. La
première condition, justifiée par des arguments d’ordre pratique – le souhait de maintenir la
coïncidence entre la compétence juridictionnelle et celle législative et la facilitation corrélative
de la mission des juridictions – vise la désignation, par le testateur, de la loi de l’État (dont les
juridictions ont été saisies) en tant que
lex successionis. L’autre condition concerne le
déclinatoire de compétence de la part de la première juridiction saisie, en vertu de l’article 6 du
Règlement. Si ces conditions sont remplies, la deuxième juridiction saisie n’a d’autre option que
de confirmer sa compétence en la matière
118 (ce que devrait faire, en l’espèce, la juridiction
roumaine). Afin de prévenir le déni de justice qui pourrait résulter d'un conflit négatif, elle n’est
pas autorisée à vérifier si la première juridiction saisie a appliqué, correctement ou non, l’article
6 en décidant de décliner sa compétence – elle ne vérifiera, en détail, ni la validité de la clause
d’
electio juris, ni la manière, adéquate ou non, dont la juridiction étrangère a évalué les
circonstances ayant justifié le déclinatoire
119.
Nº 4. Résidence habituelle dans un État tiers. Compétences subsidiaires. Mesures
provisoires et conservatoires.
A., ressortissant français, décède, sa dernière résidence
habituelle se trouvant en Israël; sa succession comporte des biens situés sur le territoire de la
France, de la Roumanie (pays où il a habité pour une courte période, il y a 20 ans) et d’Israël.
X., ressortissante roumaine qui soutient être sa fille, saisit la juridiction roumaine en engageant
une action en pétition d’hérédité et demande l’établissement d’un inventaire des biens
composant le patrimoine successoral. Prononcez-vous au sujet de la compétence de la
juridiction roumaine.
Remarques et solution
En l’espèce, il faut opérer une distinction entre les deux chefs de demande portant sur le
fond du litige, respectivement l’obtention d’une mesure conservatoire.
1. Compétence pour juger au fond.
116 Voir aussi le considérant 82 du Préambule du Règlement; une position similaire est consacrée, pour le
Danemark, par les articles 1 et 2 du Protocole 22 concernant la position de cet État par rapport à l’espace de liberté,
de sécurité et de justice.
117 La troisième condition – la saisine effective des juridictions roumaines par l’une des personnes intéressées - est
sous-entendue.
118 A. Davi, A. Zanobetti, op. cit., p. 118, n° 142.
119 Voir Bonomi, op. cit., n° 17, p. 200, n° 19, p. 201, n° 2, p. 203.
60








Page 62
La pétition d’hérédité est une action réelle qui porte sur le fond du litige, la compétence de
la juridiction roumaine devant être vérifiée conformément aux articles 4 à 11 du Règlement. En
l’espèce, vu le fait que la résidence habituelle du défunt est située sur le territoire d’un État tiers
(et que la question de l’applicabilité de l’article 4 ne peut pas réellement se poser), l’article 10§1
du Règlement revêt un intérêt spécial car il prend en considération, en tant que critères, le lieu
où se trouvent les biens, la nationalité, la résidence habituelle du défunt. Bien que l’un des
inconvénients du texte soit le fait de permettre les conflits positifs de compétence (notamment
entre des juridictions des États membres et des juridictions des États tiers), les critères
mentionnés sont, au sujet des rapports entre les États membres, organisés hiérarchiquement de
sorte que le problème devient insignifiant120: les juridictions de l’État sur le territoire duquel se
trouvent des biens et où le défunt a détenu, antérieurement, une résidence habituelle (article
10§1, lettre b)
121 peuvent se déclarer compétentes à condition qu’il n’y ait pas de tels biens sur
le territoire d’un autre État membre dont le défunt a possédé la nationalité (article 10§1, lettre a).
Compte tenu de la primauté indiquée ci-dessus et du fait que le défunt était, en l’espèce,
ressortissant français et qu’une partie des biens successoraux se trouvent en France, la
juridiction roumaine devrait décliner sa compétence au sujet de la solution de la pétition
d’hérédité. En vertu de l’article 15 du Règlement, l’exception d’incompétence doit être soulevée
d’office, même si elle n’est pas invoquée par le défendeur/les défendeurs; quoique le texte ne le
prévoie pas expressément, il n’est pas important si la juridiction, compétente en vertu du
Règlement, a été effectivement saisie ou non.
2. Compétence pour des mesures provisoires et conservatoires.
En ce qui concerne le deuxième chef de demande – l’inventaire des biens successoraux –
il faut vérifier, en l’espèce, la possibilité de recourir à l’article 19 du Règlement dont
l’applicabilité n’est conditionnée ni par la compétence de la juridiction saisie pour se prononcer
sur le fond
122, ni par le fait qu’une autre instance judiciaire aurait été ou aurait pu être saisie à ce
sujet
123. Le texte vise de manière ample ’’les mesures provisoires et conservatoires prévues par
la loi d’un État membre’’
(la loi du for) et la définition avancée par la Cour de justice, en vertu
de la Convention de Bruxelles, au sujet de la délimitation de ces mesures sera utile en ce sens:
ce sont des mesures destinées à maintenir une situation
de facto ou de jure afin de sauvegarder
les droits dont la reconnaissance est sollicitée au fond
124. La définition s’applique, par exemple,
à l’inventaire des biens, sollicité en l’espèce.
L’article 19 ne conditionne pas de manière particulière la compétence de la juridiction
saisie de l’urgence des mesures à prendre (la réfeérence à la loi de l’État membre impose,
120 Dans les rapports entre les États membres peuvent également opérer les règles concernant la litispendance et la
connexité (articles 17 et 18 du Règlement), le risque de multiplication des litiges devenant assez réduit.
121 D’ailleurs, les exigences prévues à l’article 10, premier alinéa, lettre b) du Règlement ne sont pas accomplies
dans le cas d’espèce, le texte faisant référence à une résidence habituelle qui n’a pas changé depuis plus de cinq ans
avant la saisine de la juridiction.
122 Bien évidemment, même si le Règlement ne prévoit cela de façon expresse, la juridiction compétente pour juger
le fond de la cause sera compétente aussi pour statuer des mesures provisoires et conservatoires - voir, concernant
les dispositions correspondantes de la Convention de Bruxelles/du Règlement nº 44/2001 (art. 24 de la Convention
de Bruxelles/art. 31 du Règlement), CJUE, le 17 novembre 1998, C-391/95,
Van Uden.
123 Voir, concernant l’article 24 de la Convention de Bruxelles, la décision Van Uden, CJUE, le 17 novembre 1998,
C-391/95, § 28 et 29: „ …
l'article 24 de la convention s'applique même si une juridiction d'un autre État
contractant est compétente pour connaître du fond pour autant que l'objet du litige relève du champ d'application
matériel de la convention […]. Le seul fait qu'une procédure au fond a été engagée ou peut l'être devant une
juridiction d'un État contractant ne prive donc pas la juridiction d'un autre État contractant de sa compétence en
vertu de l'article 24 de la convention
”.
124 CJCE, le 26 mars 1992, C-261/90, Reichert II, RCDIP, 1992, p. 714, obs. B. Ancel, § 34 („Il y a donc lieu
d'entendre par "mesures provisoires ou conservatoires" au sens de l' article 24 les mesures qui, dans les matières
relevant du champ d'application de la convention, sont destinées à maintenir une situation de fait ou de droit afin
de sauvegarder des droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond’’). Voir aussi Van
Uden, CJUE, le 17 novembre 1998, C-391/95, § 37.
61


Page 63
néanmoins, le respect des exigences stipulées par cette loi) ou d’un lien entre l’affaire et l’État
du for. Toutefois, en ce qui concerne la disposition correspondante de la Convention de
Bruxelles/du Règlement nº 44/2001 (article 24 Convention de Bruxelles/article 31 du
Règlement), rédigée aussi vaguement que l’article 19 du Règlement nº 650/2012, cette dernière
disposition a été imposée par la jurisprudence de la Cour de justice
125: ‘’l’octroi de mesures
provisoires ou conservatoires […] est subordonné notamment à la condition de l’existence d’un
lien réel entre l’objet des mesures sollicitées et la compétence territoriale de l’État contractant
dont les juridictions ont été saisies’’. Étant donné qu’une partie des biens successoraux se
trouvent en Roumanie, ce qui établit un lien suffisant et adéquat, la mesure de l’inventaire
(stipulée à l’article 1115, alinéas 2 et 3 du Code civil) pourrait être disposée par la juridiction
roumaine.
Un problème non résolu par l’article 19 du Règlement est celui de la portée territoriale de
cette mesure: si elle peut viser, certes, les biens situés sur le territoire de l’État du for, où sa mise
en exécution ne soulève aucun problème, la formulation ample du texte laisse croire qu’elle peut
viser même des biens situés à l’étranger
126. Son efficacité dans l’État membre dont les
juridictions sont compétentes pour se prononcer sur le fond sera estimée en vertu des règles
souples stipulées au Chapitre IV du Règlement
127 tandis que, dans les États tiers, elle se
soumettra aux règles procédurales spécifiques à ces États.
Nº 5. Résidence habituelle sur le territoire de l’État du for. Limitation des procédures.
X., ressortissant marocain, musulman, installé, il y a 10 ans, avec sa famille, en Roumanie, pays
où il crée une entreprise, décède. Ses biens, situés sur le territoire de la Roumanie et du Maroc,
sont légués à ses deux fils; A., ressortissante roumaine, de religion orthodoxe, sa fille née hors
mariage, s’adresse aux instances roumaines avec une action en réduction de succession.
Prononcez-vous sur la compétence de la juridiction roumaine.

Remarques et solution
1. La compétence des juridictions du pays de la résidence habituelle du défunt
En vertu de l’article 4 du Règlement nº 650/2012, le critère général de compétence
juridictionnelle en matière successorale est celui de la résidence habituelle du défunt au moment
de son décès. Justifié par la proximité entre les autorités compétentes et la succession, ce critère
est de nature à faciliter l’accès à la justice des personnes concernées.
Compte tenu des indications prévues au considérant 23 du Préambule du Règlement et de
la position de la Cour européenne de justice dans l’affaire
Mercredi (22 décembre 2010, C-
497/10), la dernière résidence habituelle doit être considérée celle située dans l’État où se trouve
le centre permanent des intérêts de la personne concernée, qui est déterminé/évalué en vertu
d’un ensemble de circonstances
de facto (la durée et la régularité du séjour, la vie familiale, les
rapports personnels, l’intégration sociale, l’activité professionnelle et les intérêts patrimoniaux).
En l’espèce, tous ces éléments conduisent vers la Roumanie, l’applicabilité de l’article 4 afin de
justifier la compétence de la juridiction roumaine ne se heurtant donc à aucun obstacle, d’autant
plus que le texte ne stipule pas d’autres conditions d’application: en principe, la nationalité du
défunt (qui peut être celle de l’État du for, d’un autre État membre de l’Union européenne ou
125 CJUE, le 17 novembre 1998, C-391/95, Van Uden, §41 : „l'octroi de mesures provisoires ou conservatoires en
vertu de l'article 24 est subordonné, notamment, à la condition de l'existence d'un lien de rattachement réel entre
l'objet des mesures sollicitées et la compétence territoriale de l'État contractant du juge saisi’’.

126 La doctrine a souligné pourtant la nécessité d’une limitation territoriale des mesures, en invoquant comme
argument minimal le fait que l’article 19 représente une dérogation aux règles habituelles de compétence
juridictionnelle – P. Wautelet, dans A. Bonomi, P. Wautelet (dir.),
op. cit, n° 5, p. 276.
127 Voir l’article 3, premier alinéa, lettre g) du Règlement pour la définition légale du terme „décision”, qui inclut
aussi les décisions prononcées sur la base des règles particulières de l’article 19 - P. Wautelet, op. cit. supra, n° 39,
p. 150.
62





Page 64
d’un État tiers), la nationalité ou la résidence des héritiers ou des autres personnes impliquées
dans la procédure, respectivement le lieu où se trouvent les biens composant la masse
successorale (dans l’État du for, dans un autre État membre ou dans un État tiers) n’ont aucune
importance; en outre, la juridiction saisie en vertu de l’article 4 ne pourrait pas décliner sa
compétence parce qu’une autre est mieux placée pour juger l’affaire que dans les conditions
hautement limitatives stipulées à l’article 6 (qui ne sont pas remplies en l’espèce).
limitée par
la préoccupation concernant
2. Limitation des procédures
Conditions.
La règle de la compétence des juridictions de l’État de la résidence habituelle
du défunt est significativement
l’efficacité
transfrontalière des décisions prononcées par les juges européens: en vertu de l’article 12§1 du
Règlement, bien qu’une juridiction d’un État membre soit compétente pour statuer sur
l’ensemble de la succession, lorsque la masse successorale comporte des biens situés dans des
États tiers
128 où sa décision risque de ne pas être reconnue ou exécutée, elle peut décider une
limitation de procédures. Que le risque d’un refus de reconnaissance ou d’exécution soit
identifié dès le début du procès (en Roumanie) ou à une étape plus avancée du procès, il doit
être réel, un éventuel doute restreignant la possibilité de recourir à l’article 12 du Règlement; sa
détermination se fera en vertu de la loi de l’État étranger concerné, ce qui complique la mission
des juges. Généralement parlant, un tel refus pourrait survenir, dans l’État tiers, suite à une
éventuelle compétence exclusive des juridictions de cet État-là au sujet des biens concernés, à
l’absence de la réciprocité, à l’incompatibilité avec une décision déjà prononcée dans l’État tiers
ou au fait que la décision respective porterait éventuellement atteinte à son ordre public.
En l’espèce, ce dernier aspect peut s’avérer important. Si la loi successorale est la loi
roumaine (la loi du pays de la dernière résidence du défunt, conformément à l’article 21), la fille
née hors mariage pourra invoquer les dispositions du Code civil relatives à la réserve et à la
réduction en sa faveur. Si la loi successorale est la loi marocaine (la loi nationale du testateur,
choisie en vertu de l’article 22), celle-ci pourrait être écartée par la juridiction roumaine en vertu
de l’article 35 du Règlement (l’exception d’ordre public) en raison de la discrimination que
celle-ci opère, d’une part, entre les enfants légitimes et les enfants illégitimes et, d’autre part,
entre les musulmans et les non- musulmans au sujet de la succession d’un musulman
129; les
droits de la fille pourraient continuer à être respectés en Roumanie. En même temps, l’État
marocain refuse l’établissement de la filiation paternelle des enfants illégitimes, donc les droits
successoraux correspondants; d’autre part, il applique rigoureusement la règle selon laquelle un
non-musulman ne peut pas hériter d’un musulman, le risque de se heurter à un refus de
reconnaissance de la décision de la juridiction roumaine devenant ainsi considérable.
Mise en application et effets. Même si les trois conditions imposées à l’article 12 du
Règlement sont remplies – la sollicitation, faite par l’une des parties, de limiter la procédure, le
fait que quelques-uns des biens successoraux se trouvent sur le territoire d’un État tiers, le risque
élevé d’un refus de reconnaissance ou d’exécution de la décision dans l’État tiers concerné -, la
juridiction roumaine n’est pas obligée de disposer dans le sens de la limitation des procédures
(le texte juridique parle simplement d’une possibilité). Parmi les éléments à envisager dans son
évaluation finale pourraient se retrouver aussi bien la proximité entre le litige et l’autorité
étrangère, la probabilité que la décision roumaine soit reconnue et exécutée volontairement par
les parties au litige, l’éventuelle saisine effective des juridictions étrangères, le contenu de la loi
applicable dans l’État tiers. Même si la juridiction dispose d’une liberté d’évaluation
discrétionnaire, elle ne sera pas dispensée de l’obligation de motiver la décision prononcée.
128 Le Règlement ne fait pas de distinction selon la nature des biens en cause; pourtant, l’article 12, premier alinéa
est susceptible d’intervenir dans la pratique, la plupart des fois, lorsqu’on parle des immeubles par rapport auxquels
beaucoup d’États statuent la compétence exclusive des autorités du lieu de leur emplacement et refuse,
corrélativement, la reconnaissance des décisions étrangères prononcées avec le non respect de ce critère.
129 Voir aussi A. Oprea, „ L’exception d’ordre public international dans DIP et la réserve successorale”, n° 13,
Studia UBB – Iurisprudentia, nº 2/2013 (http://studia.law.ubbcluj.ro/articol.php?articolId=582).
63


Page 65
Enfin, il y a un autre aspect à mentionner. Même au cas où la juridiction dispose la
limitation du procès, les deux masses successorales ainsi constituées (celle roumaine régie par la
loi roumaine, respectivement celle marocaine régie par la loi marocaine) ne doivent pas être
perçues comme étant complètement séparées et indépendantes. En invoquant l’esprit unitaire
ayant inspiré le Règlement nº 650/2012, ainsi que la nécessité d’éviter l’incohérence et
l’iniquité, la doctrine juridique la plus avisée affirme que, lorsqu’il faut déterminer, par exemple,
la quotité disponible et la réserve, les instances compétentes peuvent prendre en considération
les biens situés à l’étranger (qui ont été exclus de la procédure)
130. Étant donné que les autorités
marocaines appliqueraient, en l’espèce, la loi marocaine qui refuse fermement de conférer des
droits successoraux à l’enfant illégitime, non-musulman, il semble d’autant plus pertinent que la
juridiction roumaine prenne quand même en considération la valeur des biens se trouvant au
Maroc lorsqu’elle calcule les droits de la fille dans la masse successorale régie par la loi
roumaine.
Nº 6. Litispendance. A., ressortissant binational, roumain et français, détenant plusieurs
biens situés sur le territoire de la Roumanie, de la France et de la Suisse, décède, sa dernière
résidence habituelle étant située en Suisse. Peu après, l’un de ses deux enfants saisit la
juridiction française en engageant une action en partage tandis que l’autre sollicite à la
juridiction roumaine l’annulation du testament. Prononcez-vous au sujet de la compétence des
juridictions.
Remarques et solution
En vue de d’assurer une bonne administration de la justice dans l’espace judiciaire
européen, le Règlement nº 650/2012 a stipulé à l’article 17 une règle visant les cas de
litispendance qui, en instituant une priorité chronologique des actes introductifs d’instance,
permet d’éviter les litiges parallèles et d’éventuelles décisions irréconciliables. Comme la
Roumanie et la France sont des États membres ayant pris part à l’adoption du Règlement, la
prémisse de l’application de la règle en question, règle qui n’opère d’ailleurs que dans les
rapports entre les États membres, est remplie.
Conditions d’application de l’article 17
La question de savoir si, en vertu de l’article 17 du Règlement nº 650/2012, la
litispendance survient exclusivement lorsque les juridictions de deux États sont compétentes
pour juger l’affaire ou, également, lorsque l’une seulement des juridictions saisies est
compétente, demeure discutable
131 et pourrait faire l’objet d’une question préliminaire adressée
à la Cour de justice. Toutefois, en l’espèce, les deux juridictions saisies pourraient se déclarer
compétentes en vertu de l‘article 10§1 lettre a) du Règlement qui stipule que, en l’absence d’une
résidence habituelle du défunt située sur le territoire de l’Union européenne, sont compétentes
les juridictions de l’État membre où il a détenu des biens et dont il a possédé la nationalité
132, ce
qui permet d’aborder les aspects plus sensibles de la condition de l’identité de litige (’’actions
ayant le même objet entre les mêmes parties’’) stipulée à l’article 17 du Règlement. En vue de la
solution des difficultés soulevées par celle-ci, il serait utile de prendre en considération la
130 A. Bonomi, op. cit., n° 14-15, p. 236.
131 Pour une conception plus restrictive voir H. Gaudemet-Tallon, «Les règles de compétence judiciaire dans le
règlement européen sur les successions»,
dans (dir.) G. Khairallah, M. Revillard, Droit européen des successions
internationales
, Paris, 2013, p. 127, p. 138, n° 304; d’autre part, pour une conception plus large, voir A. Bonomi,
op. cit., p. 256-258, n° 3-5.
132 L’article 10, premier alinéa du Règlement ne vise pas de façon expresse le cas où le défunt a été binational mais,
dans la perspective de la jurisprudence Hadadi de CJUE (le 16 juillet 2009, C-168/08), chacune des deux
nationalités peut être utilisée pour justifier la compétence.
64






Page 66
jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) relative à l’article 21 de la
Convention de Bruxelles/l’article 27 du Règlement nº 44/2001 sur
la compétence
juridictionnelle en matière civile et commerciale, textes dont la formulation est presque
identique.
Selon l’avis de la Cour de justice, l’identité des parties peut être admise quelle que soit la
position procédurale effective de celles-ci dans les litiges en cours
133. En l’espèce, comme les
parties à l’action en partage et à celle relative à l’annulation du testament sont les deux héritiers,
la condition de l’identité subjective ne soulève aucune difficulté. Quant à l’identité objective des
demandes („acţiuni având acelaşi obiect” dans la version roumaine ou „domande aventi il
medesimo oggetto e il medesimo titolo” dans celle italienne134), la position de la Cour de justice
est complexe. Elle ne se limite pas à l’identité formelle des demandes mais préfère un critère de
nature substantielle: leur problème central, leur finalité
135. En l’espèce, à la base des deux litiges
se trouve le même état de fait, ils résultent de la même situation juridique (identité de cause) et
visent, les deux, l’efficacité du testament, la condition de l’identité d’objet et de cause pouvant
donc être considérée comme remplie.
Effets de la litispendance
En vertu de l’article 17§1 du Règlement, la juridiction roumaine saisie en second lieu –
condition qui devra être effectivement vérifiée conformément aux règles stipulées à l’article 14
– doit suspendre d’office le procès (même en absence d’une demande dans ce sens formulée par
l’une des parties ou bien par les deux parties) jusqu’au moment où la juridiction française, la
première saisie, se prononce au sujet de sa propre compétence
136. Une question que le
Règlement n’a pas solutionnée est celle du moment précis où la compétence de la juridiction
étrangère doit être considérée comme établie – le moment du rejet, par celle-ci, de l’exception
d’incompétence ou le moment où toutes les voies de recours à l’égard de la décision de rejet de
l’exception ont été épuisées (ce moment pouvant être relativement éloigné dans le temps, si le
droit procédural de l’État concerné permet que les aspects ayant trait à la compétence et au fond
133 CJCE, le 6 décembre 1994, Tatry, C-406/92, §31: „…l'identité des parties doit être entendue indépendamment
de la position de l'une et de l'autre dans les deux procédures, le demandeur à la première procédure pouvant être le
défendeur à la seconde
”.
134 Le fait que dans la version roumaine la référence à la cause de l’action manque ne devrait pas dispenser les
instances de l’obligation de la vérifier (voir par exemple la position de la Cour de justice dans la cause
Gubisch
Maschinenfabrik
du 8 décembre 1987, C-144/86, concernant l’article 21 de la Convention de Bruxelles: « Même si
la version allemande de l’article 21 ne distingue pas expressément entre les notions d' "objet" et de "cause", elle
doit être comprise dans le même sens que les autres versions linguistiques qui connaissent toutes cette distinction »
§14, final).
Pourtant, conformément à la doctrine, la conception plus large promue par la Cour de justice concernant
la condition de l’identité d’objet des actions en justice fait qu’une fois qu’elle soit accomplie, la condition de
l’identité de cause est accomplie aussi (Bonomi,
op. cit., p. 266, n° 26).
135 CJCE, le 8 décembre 1987, C-144/86, Gubisch Maschinenfabrik KG (§16-19), arrêt dans lequel la Cour
considère qu’il existe une identité d’objet entre deux demandes visant, l’une d’entre elles, l’annulation ou la
résolution du contrat et l’autre son exécution; CJCE, le 6 décembre 1994, 406/92,
Tatry, §37-45, arrêt dans lequel la
Cour considère qu’il existe une identité d’objet entre deux demandes visant, l’une d’entre elles, l’obtention des
dommages et intérêts de la part de l’accusé et l’autre l’absence de responsabilité du demandeur pour les faits
réprouvés (la contamination avec des hydrocarbures des marchandises transportées).
136 Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice afférente à l’article 21 de la Convention de Bruxelles
(l’article 27 du Règlement nº 44/2001), le premier juge saisi se réjouit de priorité dans l’appréciation de sa propre
compétence et même si celui-ci était clairement non compétent (parce qu’il existe une clause attributive de
juridiction valable, selon toutes les probabilités), la deuxième juridiction saisie ne peut pas refuser la suspension du
jugement (C-116/02, 9 mars 2003,
Gasser); vu les critiques auxquelles cette décision a été soumise, le législateur
européen a décidé de modifier la solution par voie législative, dans le Règlement nº 1215/2012 qui abroge et
remplace, à partir de 2015, le Règlement nº 44/2001 (art. 31, alinéa 2).
65




Page 67
de l’affaire soient résolus simultanément). La sécurité juridique penche pour cette deuxième
option
137.
Si la juridiction saisie en premier lieu se déclare compétente (situation plus que plausible
en l’espèce), la juridiction roumaine devra décliner sa compétence en faveur de celle-ci; si la
juridiction saisie en premier lieu se déclare, par contre, incompétente (en appliquant par exemple
de manière erronée l’article 6, lettre a) du Règlement), la juridiction roumaine continuera le
jugement de l’affaire.
Nº 7. Forum situs. Forum necessitatis. Madame X., l’épouse roumaine de Monsieur Y.,
ressortissant ukrainien, décédé, dont la dernière résidence habituelle se trouvait à Donetsk,
saisit la juridiction roumaine avec une action de constatation de la caducité des legs que le
testament comporte. Elle invoque dans ce sens le décès des légataires au cours des mêmes
révoltes sanglantes ayant conduit au décès de son époux et à son propre départ précipité du
pays en question (l’Ukraine), rentrant en Roumanie pour habiter l’appartement, un bien
commun, situé à Iassy. Prononcez-vous au sujet de la compétence de la juridiction roumaine.
Remarques et solution
En absence d’une dernière résidence habituelle du défunt sur le territoire d’un État
membre de l’Union européenne, la compétence de la juridiction roumaine pourrait être justifiée
exclusivement en vertu des dispositions limitatives des articles 10 et 11 du Règlement.
Application de l’article 10§2. Le législateur européen a introduit, en ce qui concerne la
réglementation du
forum situs prévu à l’article 10 du Règlement, une distinction relative à la
portée de la compétence des juridictions saisies sur la base du critère de la localisation de l’un
ou de plusieurs biens successoraux. Lorsque, dans des circonstances particulières (tout comme
en l’espèce), le défunt n’a pas possédé la nationalité d’un État membre ou son résidence
habituelle antérieure ne se trouvait pas sur le territoire d’un État membre (article 10§1), les
juridictions saisies ne sont pas habilitées à se prononcer au sujet de l’ensemble de la succession
mais uniquement au sujet des biens situés sur le territoire de l’État de la juridiction saisie (article
10§2). Dans une telle situation, la compétence de la juridiction roumaine dépend effectivement
de l’objet des legs: s’ils portent sur le quota (du bien commun) revenant au testateur, la
juridiction roumaine pourra retenir la cause. Si les legs portent, en échange, sur des biens situés
en Ukraine, les conditions de l’application de l’article 10§2 du Règlement ne sont pas remplies.
La juridiction ne se déclarera pas incompétente en l’espèce avant de vérifier quand même la
possibilité de faire intervenir les dispositions de l’article 11 du Règlement (
forum necessitatis).
Application de l’article 11. Inspiré par les efforts de prévenir le déni de justice (en vertu
du considérant 31 du Préambule), l’article 11 institue une compétence exceptionnelle, résiduelle,
destinée à opérer exclusivement lorsqu’aucun des critères stipulés par les autres dispositions du
Règlement ne légitime la compétence d’une juridiction européenne (la résidence habituelle du
défunt située sur le territoire d’un État membre, biens du défunt situés sur le territoire d’un État
membre, l’option des personnes concernées privilégiant les juridictions d’un État membre).
Le législateur européen a stipulé deux conditions positives relatives à l’applicabilité du
texte, qui laissent aux juridictions saisies une liberté point négligeable. En premier lieu, l’affaire
doit présenter un lien suffisamment étroit avec les organes juridictionnels de l’État du for
(article 11§2), ce qui ne soulève aucun inconvénient en l’espèce car la requérante est
ressortissante roumaine
138. En second lieu, le litige doit ne pas pouvoir, de manière raisonnable,
être initié ou déroulé dans l’État tiers que l’affaire implique en raison des liens étroits existants;
137 Voir aussi A. Bonomi, op. cit., p. 267, n° 29, in fine.
138 La condition aurait aussi pu être considérée comme accomplie si l’héritier avait eu la résidence habituelle en
Roumanie ou si le défunt avait eu la nationalité roumaine (mais ne possédait, ici, aucun bien) ou, dans le passé plus
lointain, une résidence habituelle en Roumanie – voir A. Davi, A. Zanobetti, op. cit., n° 145, p. 120.
66





Page 68
vu les manifestations terroristes survenues en Ukraine, qui mettent en péril la vie des personnes
et entravent le fonctionnement de l’appareil de l’État, cette condition pourrait être considérée
comme étant remplie en l’espèce
139, les juridictions pouvant donc retenir la cause. La loi
successorale applicable sera, le plus probablement, une loi étrangère déterminée en vertu de
l’article 21 et des articles suivants du Règlement).
Nº 8. Détermination de la résidence habituelle du défunt. Un ressortissant roumain crée
une entreprise en Allemagne, où il passe une partie de son temps, revenant toutefois
fréquemment en Roumanie où sa famille (épouse et enfants) habite. Ses déplacements en
Allemagne sont fréquents et périodiques, il y étant contraint aux fins de la promotion et du
développement de son entreprise. Au cours d’une année, il réside, en total, environ sept mois en
Allemagne. À la suite de son décès, ses héritiers saisissent la juridiction roumaine au sujet de la
succession, en vertu de l’article 4 du Règlement (UE) nº 650/2012. Prononcez-vous au sujet de
la compétence de la juridiction roumaine.
Remarques et solution
L’article 4 du Règlement détermine la règle générale de compétence internationale qui est
vue comme ‘’le fondement du Règlement’’
140, en attribuant cette compétence aux autorités
juridictionnelles de l’État membre sur le territoire duquel se trouvait la résidence habituelle du
défunt au moment du décès.
Le critère de la résidence habituelle ne constitue pas une nouveauté dans le paysage
juridique européen, étant d’ailleurs utilisé par d’autres règlements européens en vue de la
détermination de la compétence internationale (par exemple l’article 3, premier alinéa, lettre a),
l’article 8 du Règlement (CE) nº 2201/2003 (
Bruxelles II bis)) ainsi qu’en vue de la
détermination de la loi applicable (les articles 4-6, 8 et 19 du Règlement (CE) nº 593/2008
(
Rome I), l’article 4, alinéa 2, l’article 5, premier alinéa, lettre a), l’article 10, alinéa 2, l’article
12, alinéa 2, lettre b) du Règlement (CE) nº 864/2007 (
Rome II), l’article 5, premier alinéa,
lettres a) et b) du Règlement (UE) nº 1259/2010 (
Rome III).
La résidence habituelle représente un concept autonome, différent de celui auquel
recourent les législateurs nationaux, qui est interprété de manière unitaire. La Cour de justice a
défini, plusieurs fois, le cadre de la résidence habituelle, en statuant que celle-ci est ‘’l’endroit
où la personne concernée a établi, avec l’intention de lui conférer un caractère stable, le centre
permanent ou habituel de ses intérêts, étant sous-entendu que, dans la détermination de cette
résidence, il est important de prendre en considération tous les éléments constitutifs, de facto, de
celle-ci’’
141. La Cour a également statué, en vue de la détermination de la résidence habituelle
d’une personne, qu’il faudra tenir compte de la continuité du séjour avant le déménagement, de
la durée et de la raison de l’absence, de la nature de son occupation sur le territoire d’un autre
État membre mais également de l’intention de la personne concernée, ainsi qu’elle résulte de
l’ensemble des circonstances: „
and the intention of the person concerned as it appears from all
the circumstances”
142.
139 Voir aussi le considérant 31 du Préambule, qui mentionne expressément le cas de la guerre civile; en plus de
cette raison, la doctrine mentionne aussi la non compétence ou l’inactivité non justifiée des juridictions étrangères,
la corruption exagérée, les catastrophes naturelles, les épidémies graves, le génocide, la persécution ou la
discrimination des potentiels héritiers à l’étranger - A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet
op. cit., p. 227, n° 8-
9.
140 A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 169, nº 1.
141 CJCE, la Décision du 17 février 1977, dans la cause C-76/76, Di Paolo, CJCE, le 23 avril 1991, European Court
Reports 1977 -00315.
142 Ibidem.
67





Page 69
Dans une autre affaire, dans le contexte de l’application du Règlement Bruxelles II bis143
en matière de la responsabilité parentale (article 8, premier alinéa), la Cour a statué que ’’que la
notion de «résidence habituelle» […] doit être interprétée en ce sens que cette résidence
correspond au lieu qui traduit une certaine intégration de l’enfant dans un environnement social
et familial. À cette fin, doivent notamment être pris en considération la durée, la régularité, les
conditions et les raisons du séjour sur le territoire d’un État membre et du déménagement de la
famille dans cet État, la nationalité de l’enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les
connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par l’enfant
dans ledit État. Il appartient à la juridiction nationale d’établir la résidence habituelle de l’enfant
en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait particulières à chaque cas
d’espèce.’’144
Dans l’affaire Mercredi, la Cour de justice a statué, dans le contexte de l’application des
articles 8 et 10 du Règlement
Bruxelles II bis, que la résidence habituelle ’’correspond au lieu
qui traduit une certaine intégration de l’enfant dans un environnement social et familial. À cette
fin, et lorsque est en cause la situation d’un nourrisson qui séjourne avec sa mère depuis
quelques jours seulement dans un État membre autre que celui de sa résidence habituelle, vers
lequel il a été déplacé, doivent notamment être pris en considération, d’une part, la durée, la
régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire de cet État membre et du
déménagement de la mère dans ledit État, et, d’autre part, en raison notamment de l’âge de
l’enfant, les origines géographiques et familiales de la mère ainsi que les rapports familiaux et
sociaux entretenus par celle-ci et l’enfant dans le même État membre.’’
145
8.1. Résidence habituelle et nationalité.
La résidence habituelle et la nationalité se trouvent dans une situation de rivalité. Les deux
tentent d’offrir au ’’particulier’’ une option de localisation; chacune propose sa propre version
au sujet de la détermination de la proximité juridique de la personne: la première s’appuie sur la
primauté (la proximité) de l’effectivité de la résidence, l’autre sur le ’’sentimentalisme’’ ou
l’idéalité de la résidence. Une domiciliation idéale, affective, qui n’implique pas le contact
physique avec le territoire mais une connexion spirituelle et émotionnelle de la personne; en
choisissant la loi de la nationalité, la personne établit, dirait-on, la résidence habituelle de son
âme dans le pays dont elle possède la nationalité, dont elle veut suivre les traditions et qui lui est
cher, en évoquant ainsi son intention d’intégration culturelle et juridique dans cet espace qui lui
est familier et qu’elle contemple où qu’elle soit. À qui appartient, en fait, la personne, qui régit
le rapport juridique initié? À l’endroit où la personne a établi son centre d’intérêt ou bien à
l’endroit dont elle suit supposément le modèle spirituel même sans le ’’toucher’’, à l’endroit
qu’elle peut ’’toucher’’ ou bien à l’endroit dont elle chante les chansons? Si, dans le cas de la
résidence habituelle, nous parlons de la ’’matérialité’’ de la domiciliation, dans le cas du choix
de la loi de la nationalité, en échange, il est question de la ’’spiritualité’’ de la domiciliation.
Le critère de la nationalité présente l’avantage de la sûreté et de la simplicité de la
détermination, la nationalité d’une personne pouvant être aisément établie, sans tenir compte de
la mobilité de celle-ci. L’établissement du fait qu’une personne possède la nationalité d’un
certain État se soumet aux règles de l’État dont la nationalité est invoquée (article 2569 du
nouveau Code civil/NCC). Il est vrai, d’autre part, que ce critère peut soulever des difficultés
143 Concernant le concept de la résidence habituelle dans le contexte du Règlement Bruxelles II bis, voir R. Lamont,
“Habitual Residence and Brussels II-bis: Developing Concepts for EU Private International Family Law”, Journal
of Private International Law
, 2007, p 261-281, à 261.
144 CJCE, l’arrêt du 2 avril 2009, dans la cause C-523/07, le considérant 44, ECLI:EU:C:2009:225.
145 CJCE, l’arrêt du 22 décembre 2010, dans la cause C-497/10 PPU, le considérant 56.
68




Page 70
dans le cas des personnes à nationalité double ou multiple146. Dans l’affaire Micheletti147, une
personne à double nationalité, argentine et italienne, a sollicité le droit de résidence permanente
en Espagne en qualité de ressortissant communautaire. Les autorités espagnoles ont refusé sa
demande en vertu de la loi espagnole qui, en cas de double nationalité, confère primauté à la
nationalité de l’État où se trouve la résidence habituelle du demandeur, en l’espèce celle
argentine. Le tribunal de Cantabria (
Tribunal Superior de Justicia) a saisi la Cour de justice de
l’Union européenne avec une demande de décision préliminaire portant sur l’interprétation de
quelques dispositions du Traité CEE en vigueur à ce moment-là, ainsi que de la législation
secondaire en la matière
148, promue par l’Union. La Cour a statué que, même si, en vertu du
droit international, chaque État membre est compétent quant à la détermination des conditions
d’acquisition et de perte de sa propre nationalité, cette compétence doit être exercée
conformément au droit communautaire. Autrement dit, la législation d’un État membre ne peut
pas restreindre les effets de l’acquisition de la nationalité d’un autre État membre:
‘’Il
n'appartient pas, par contre, à la législation d'un État membre de restreindre les effets de
l'attribution de la nationalité d'un autre État membre, en exigeant une condition supplémentaire
pour la reconnaissance de cette nationalité en vue de l'exercice des libertés fondamentales
prévues par le traité.’’
149 Dans une autre affaire portée devant la Cour de justice, respectivement
l’affaire
Hadadi150, celle-ci a reconfirmé l’égalité des nationalités des États membres du point de
vue de l’exercice des règles de compétence internationale en matière de divorce.
La conclusion qui en résulte est que, même si le droit communautaire ne peut pas affecter
les conditions selon lesquelles les États membres attribuent une nationalité à une personne, une
fois la nationalité d’un État acquise, la personne peut bénéficier de tous les droits et garanties
dérivés du droit de l’Union européenne. L’acquisition de la nationalité d’un État membre suffit
donc pour permettre à une personne de figurer parmi les citoyens de l’Union européenne, même
si cette personne possède aussi bien la nationalité d’un État tiers et même si celle-ci entretient
des relations significatives avec un État non européen.
151
146 Pour certaines études concernant les effets de la nationalité double ou multiple, voir S. de Vido, „The Relevance
of Double Nationality to Conflict-of-Laws Issues Relating to Divorce and Legal Separation in Europe”
, dans
Cuadernos de Derecho Transnacional (mars 2012), vol. 4, nº 1, pp. 222-232, ISSN 1989-4570 - www.uc3m.es/cdt.
147 La Cour de justice, l’arrêt du 7 juillet 1992, Mario Vicente Micheletti et autres c. Delegacion del Gobierno en
Cantabria,
C-369/90, EC Reports, 2009, 1992, p. 4239 et suivantes.
148 La référence a été faite particulièrement concernant les articles 3 (lettre c), 7, 52, 53 et 56 de l’ancien Traité CEE
et concernant la Directive du Conseil nº 73/148/CEE du 21 mai 1973 relative à la suppression des restrictions au
déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l'intérieur de la Communauté en matière
d’établissement et de prestation de services (le Journal officiel L 172 du 28.6.1973, p. 14).
149 La Cour de justice, la cause Micheletti, l’arrêt du 7 juillet 1992, alinéa 10. Voir aussi, Jessurun D’Oliveira,
“Case C-369/90, M.V. Micheletti and others v. Delegation del Gobierno en Cantabria, Judgment of 7th July
1992”
, Common Market Law Review, 1993, pp. 623-637; D. Ruzié, ”Nationalité, effectivité et droit
communautaire”,
Revue générale de droit international public, 1993, pp. 107-120.
150 La Cour de justice, l’arrêt du 16 juillet 2009, Laszlo Hadadi (Hadady) c. Csilla Marta Mesko, épouse Hadadi
(Hadady
), la cause C-168/08, EC Reports, 2009, p. 6871 et suivantes. Voir aussi L. Tomasi, “Doppia cittadinanza
e giurisdizione in materia matrimoniale nel Reg. n. 2201/2003 (Bruxelles II bis)”
, Int.’l Lis, 2008, pp. 134-141; V.
Egea, «Compétence européenne: divorce d’époux ayant une double nationalité»,
Recueil Dalloz, 2009, pp. 2106-
2107.
151 S. de Vido, op. cit., p. 226. Voir aussi, dans ce sens, B. Nascimbene, Nationality Laws in the European Union,
Milano, Giuffrè, 1996, 4: „(l)a principale importance de la nationalité d’un état membre est, finalement, suffisante
pour exclure toute relevance de la nationalité d’un tiers état, sans aucune distinction au sujet de la nationalité
possédée et sans aucune condition future imposée dans ce sens, telle que la résidence habituelle du sujet”. Selon J.
Basedow,
”Le rattachement à la nationalité et les conflits de nationalité en droit de l’Union européenne”, dans
Revue critique de droit international privé, 2010, pp. 427-456 à 441; S. Corneloup, ”Réflexion sur l’émergence
d’un droit de l’Union européenne en matière de nationalité”
dans Journal de droit international, 2011, pp. 492-
516, à p. 499, où l’on estime que l’instance européenne (la Cour de justice de l'Union européenne) a adopté une
approche fonctionnelle en ce qui concerne le conflit portant sur les nationalités, en octroyant de la priorité à la
nationalité qui permet à un individu de bénéficier de ses droits fondamentaux garantis par les traités.
69


Page 71
D’autre part, lorsque la personne n’habite pas dans l’État dont elle possède la nationalité,
la valeur de ce critère de localisation diminue considérablement. Ainsi que nous venons de
montrer, dans le cas de la nationalité, ’’sa valeur de localisation est bien réduite lorsque le
défunt s’est installé dans un autre État membre que celui dont il possède la nationalité. La
fréquence de cette dernière hypothèse s’opposait à la confirmation de la nationalité comme
critère de compétence juridictionnelle, en cas contraire les juridictions des États membres ne
pouvant pas statuer au sujet de la succession des citoyens étrangers ayant leur résidence ou
possédant des biens sur leurs territoires. Il serait possible de retenir ce critère en vue de la
solution des conflits de lois dans les États membres disposant d’un système unitaire en matière
successorale (l’Allemagne, l’Italie, la Grèce, l’Espagne et ainsi de suite), mais cette option
n’aurait pas conduit à une coïncidence entre l’État du for et l’État dont la loi est applicable. En
outre, une telle option aurait donné naissance à une situation incohérente dans le droit
international privé, encore dans un stade de formation et attaché au critère de la dernière
résidence habituelle’’.
152
Le droit international privé européen offre cette option à l’individu, au citoyen européen
qui, même avant d’appartenir à l’État de la nationalité, appartient à l’Europe, autrement dit à
l’espace multiculturel dans lequel s’intègre, à son tour, l’État de la nationalité choisie. Il faudrait
remarquer, à ce point, qu’appartenir à l’Europe n’est possible que par ’’l’adhésion’’ aux valeurs
’’d’une partie’’ d’elle, en acquérant, au préalable, l’appartenance nationale à un État membre. Et
pourtant, une fois ce contexte créé, l’on devient en tout premier lieu européen. Les valeurs
nationales ne s’opposent plus à celles européennes, la partie ne peut pas remplacer l’image de
l’ensemble qui l’intègre, le spécifique national n’est plus en mesure de contredire ou d’entraver
ce qui appartient au statut européen. Nous devenons européen(ne)s avec la carte nationale
d’identité et, en tant qu’européen(ne)s (citoyens européens), nous établissons nous-mêmes la
proximité, notre centre d’intérêt sans être contraint(e)s, comme autrefois, de regarder à travers
notre ’’partie’’ qui nous a ramené(e)s en Europe. Y arriver n’est quand même possible qu’en
choisissant la tradition juridique et culturelle dans laquelle nous nous sommes formé(e)s, en
nous retrouvant dans son espace, dans son esprit.
8.2. Résidence habituelle et domicile.
En comparant les deux notions, résidence habituelle et domicile, nous constatons que, en
dépit des différences de conception et de perspective, elles présentent aussi bien des points de
convergence. Ainsi, les deux impliquent le ’’séjour’’ de la personne dans un certain lieu. Ce qui
les distingue est la durée et, surtout, la substance du séjour. À la différence du domicile, qui a un
caractère formel et déclaratif, la résidence habituelle suppose, chaque fois, une évaluation de la
durée et de la substance du séjour dans un certain lieu, arrivant, à un certain moment, à
représenter le centre d’intérêt de la personne concernée. Cette évaluation implique une analyse
détaillée de toutes les circonstances qui portent sur la vie de la personne et la lient à un certain
territoire. En fin de compte, il s’agit d’une évaluation multiple qui s’appuie sur la comparaison
de la substantialité des divers ’’séjours’’ tandis que le domicile est déterminé exclusivement en
vertu des règles du droit interne de l’État sur le territoire duquel aurait été établi le domicile de
la personne. Au sujet de la reconnaissance du domicile, le fait que la personne concernée
dispose d’un autre domicile en vertu de la loi d’un autre État n’est pas pris en considération, la
situation n’étant pas de nature à imposer ’’le choix d’un domicile’’ parmi les domiciles
formellement reconnus sur le territoire de plusieurs États. La notion de ’’domicile’’ présentant
un caractère national (et point autonome), elle est déterminée exclusivement en vertu de
lex fori.
Il y a, d’ailleurs, des États qui reconnaissent explicitement la possibilité, pour une personne,
152 P. Lagarde, “Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions”, dans la Revue critique
de droit international privé, 101 (4), 2012, p. 698-699.
70




Page 72
d’avoir, en même temps, deux ou plusieurs domiciles (Code civil allemand/BGB §7: “(1) Wer
sich an einem Ort ständig niederlässt, begründet an diesem Ort seinen Wohnsitz. (2) Der
Wohnsitz kann gleichzeitig an mehreren Orten bestehen. (3) Der Wohnsitz wird aufgehoben,
wenn die Niederlassung mit dem Willen aufgehoben wird, sie aufzugeben.’’)
.
Le domicile désigne par conséquent un séjour déclaré et formel. La résidence habituelle
exprimait, en échange, un séjour vivant, ’’intense’’ et déformalisé, se définissant non
in
abstracto
(par rapport ’’à elle-même’’, selon la volonté du ’’domicilié’’ et des règles formelles
de l’État concerné) mais, au contraire,
in concreto, par la comparaison des ’’séjours multiples’’,
du point de vue de leur durée et de la présence des éléments ’’subjectifs’’ qui permettent de
supposer, d’une manière raisonnable, que la personne concernée mène sa vie dans l’un de ces
lieux (dans un certain lieu).
À la différence du domicile, la résidence habituelle ne peut jamais avoir un caractère
occulte car elle présuppose la convergence entre ce qui s’affirme ou s’envisage et ce qui existe
de fait.
D’autre part, la résidence habituelle dispose d’un baromètre bien plus sensible et
pertinent que le domicile. La résidence est toujours établie en se rapportant à un certain
intervalle temporel et non de manière générale, en évaluant une période étendue. Tout
’’déplacement’’ de la personne pour une certaine durée peut la faire surgir … Par exemple, le
fait que le testateur a passé ses dernières années (parfois ses derniers mois) avant son décès dans
un autre État, où il a aussi subi un traitement médical, en achetant (ou bien en louant) à cette fin
un logement peut conduire à un nouveau ’’centre d’intérêt’’, à une nouvelle résidence habituelle
même si, selon les jalons du système juridique de l’État sur lequel il a établi, originairement, son
domicile, il n’a pas perdu son domicile dans cet État.
Lors de la détermination de la résidence habituelle, ce qui compte n’est pas ce que la
personne déclare mais ce qu’elle fait.
Certes, la détermination de la résidence habituelle peut parfois fournir des surprises à la
personne concernée ainsi que, de temps en temps, aux tiers. Si le domicile, une fois déterminé,
jouit de stabilité, les séjours alternatifs ne pouvant, en principe, y changer rien, étant donc connu
ab initio, la résidence habituelle est constatée a posteriori153, respectivement lorsque la
localisation de la personne est mise en discussion en vue de la détermination de la compétence
internationale ou de la loi applicable à la situation présentant des éléments d’extranéité. Il existe,
donc, un décalage temporel et une certaine imprédictibilité innée de ce concept sensible et
fluctuant. Elle peut néanmoins être écartée quand les sujets choisissent la loi applicable à leur
rapport. En fait, le critère objectif de la résidence habituelle sera avancé uniquement en absence
d’un choix de la loi applicable (dans le cas de la compétence internationale, le choix vise, il est
vrai, l’institution même de la résidence habituelle ou, selon le cas, la nationalité de l’un des
époux – voir l’article 3 du Règlement
Bruxelles II bis).
Nous pourrions même conclure, in extremis, en comparant les séjours alternatifs
(successifs?!), que nul ne peut l’emporter sur les autres. Nous ne sommes certes pas d’avis que
la conclusion de la ’’non-obligation de la résidence habituelle’’ puisse être déduite de telles
circonstances exceptionnelles. Toute personne dispose d’une résidence habituelle et a son propre
centre d’intérêt car l’individu est, par sa nature, un habitant. À chaque moment de sa vie, il
s’attache à un certain lieu, un lieu où il ’’habite’’, avec lequel il s’identifie et à partir duquel il
perçoit le monde.
La résidence habituelle, tout comme le domicile (ou peut-être en plus grande mesure que
le domicile), suppose le séjour continu dans un certain lieu, l’habitation … En règle générale,
l’habitation suggère une action initiée à un moment donné dans le passé et qui continue à
présent. La plupart du temps, ’’l’habitation’’ d’une personne est visible, perceptible pour ceux
153 On pourrait même dire que, souvent, la résidence habituelle est décidée par l’autorité investie avec la résolution
du conflit de lois et c’est à elle d’apprécier la consistance des périodes d’habitation et l’intensité des liens avec un
certain endroit.
71


Page 73
qui l’entourent: c’est le l’endroit que la personne quitte pour y retourner chaque jour. Et ce
’’rituel’’ (du départ et du retour) est pratiqué quotidiennement. La résidence habituelle est, par
conséquent, le lieu de ’’l’habitation’’, c’est-à-dire le lieu où peut être rencontrée (’’trouvée’’) la
personne, le lieu où sa présence peut être ’’sentie’’ et perçue. ’’L’habitation’’ implique un
certain espace, un endroit, bien délimité, en principe inaccessible aux autres – le lieu du
’’vivre’’, où le passé n’existe pas (le passé devenant ainsi une dimension valorisante du présent),
où il n’y a que le présent, un présent continu, le présent de la vie vécue – le lieu de notre fidélité
envers ceux avec lesquels nous le partageons et envers nous-mêmes -, le lieu d’où commence
l’épreuve de notre rédemption … Ce n’est donc point un lieu géographique quelconque, un lieu
qui s’ajoute à d’autres mais le lien avec le monde où nous vivons et à partir duquel nous
regardons le monde, le lieu de contact avec l’esprit éternel de ce monde fini.
La résidence habituelle n’est pas une notion quantitative car elle ne se réduit ni à une
opération arithmétique de calcul de l’étendue du séjour dans un certain lieu, ni à une comparison
entre cette durée et l’intervalle passé dans un autre lieu mais qualitative, s’appuyant sur la
volonté intime et supposément raisonnable de la personne. Elle n’est pas un ’’séjour’’ mais une
’’habitation’’. Autrement dit, la présence physique constante de la personne dans ce lieu-là est
importante mais aucunement décisive.
Nous remarquons, dans ces circonstances, l’inconsistance des dispositions du nouveau
Code civil qui, d’une part, permettent à une personne de disposer d’une seule résidence mais,
d’autre part, dans la section portant sur le droit international privé, définissent et réglementent la
résidence habituelle de la personne. Il est vrai que, parfois, les notions de domicile et de
résidence habituelle peuvent coïncider (dans le cas des personnes ’’sédentaires’’). Mais la
résidence habituelle de l’individu peut, des fois, ne pas se trouver au même endroit que le
domicile. Le domicile, lui, revêt souvent une connotation formelle, déclarative – en raison du
caractère légal du séjour dans un certain lieu, qui implique son conditionnement par
l’autorisation de séjourner et l’accomplissement de certaines formalités administratives, surtout
dans le cas des citoyens étrangers (des citoyens des États tiers) – tandis que la résidence
habituelle ne se soumet pas, en principe, à ces exigences. Celle-ci fait figure d’un véritable
domicile ’’simplifié’’, sans faire l’objet de quelque formalité administrative, dépourvu de
connotations formelles. D’autre part, face au domicile qui, dans la nouvelle réglementation, est
privé de l’attribut ’’d’habitation’’ en se faisant remarquer, en échange, par sa dimension
’’procédurale’’ destinée à l’exercice des droits civils (…), la résidence habituelle implique,
ad
esentiam
, l’habitation proprement dite. Mais comment devrions-nous comprendre l’habitation?
Le plus souvent, elle se définit par une présence physique stable et de durée dans un lieu de son
choix. Autrement dit, elle doit être actuelle (’’habituelle’’), constante et non passagère. La
plupart du temps, la présence, constante donc, d’une personne dans un lieu pendant plusieurs
années est édificatrice de ce point de vue. Le législateur ne précise pas la durée minimale de la
période de séjour dans un lieu qui serait nécessaire pour aboutir à la reconnaissance de la
résidence habituelle, en raison, justement, de la relative volatilité de cette notion. Sa présence
(celle de la résidence habituelle) est toujours constatée
in concreto, compte tenu de toutes les
particularités et circonstances qui individualisent une personne, et non
in abstracto. Parfois, un
séjour permanent d’un an (ou,
in extremis, de quelques mois) peut suffire à la reconnaissance de
l’établissement de la résidence habituelle à l’endroit respectif. Il faudra donc aussi prendre en
considération l’élément subjectif – respectivement l’intention de la personne dont il est question,
dépourvue de toutes les circonstances particulières. La notion ’’d’habitation’’ devient ainsi
qualitative (et non quantitative), ne pouvant pas être interprétée de manière rigide, inflexible,
mécanique. Autrement dit, elle ne sera pas réduite à une présence physique qui rende la
personne ’’indispensable’’. D’autres aspects seront évalués d’une perspective qualitative: les
’’absences’’, la durée et leur fréquence, de même que les raisons des déplacements, y compris le
fait de ’’séjourner’’ plus, et plus fréquemment, ailleurs, la localisation de la famille de la
personne concernée parmi d’autres. Il serait impossible de conclure, dans ces circonstances,
72

Page 74
qu’une présence physique de plusieurs mois est en soi édificatrice, quelles que soient les
conditions y associées, pour la qualification en tant que résidence habituelle.
Nous n’excluons pas la possibilité que l’interprétation que la juridiction roumaine donne à
ce concept soit partiellement différente de celle donnée, par le droit européen, au concept
similaire bien que, en fin de compte, le droit européen soit celui qui a contribué à la primauté du
concept en l’espace communautaire, en exerçant une forte influence sur les législations
nationales en cette matière. Dans une telle situation hypothétique, nous nous servirons de
l’interprétation fournie par la jurisprudence roumaine exclusivement au sujet de la détermination
du champ d’application des normes conflictuelles prévues par le nouveau Code civil/NCC. En
ce qui concerne l’application des règlements et des normes européens, la définition de la
résidence habituelle sera celle communautaire, s’agissant, en fin de compte, d’un concept
unitaire au niveau de tous les États membres, pourvu donc d’un sens identique, unique
(interprétation autonome de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE).
Nous remarquons, à ce point, que le législateur européen n’a pas considéré nécessaire de
définir la résidence habituelle. Nous pourrions même dire qu’il a visiblement évité une telle
démarche! Il a suivi le
pattern des juridictions de common law, en laissant aux juridictions la
liberté de déterminer la résidence habituelle, selon les particularités de chaque situation. Le
législateur roumain – tout comme celui belge en 2004 – a ’’osé’’ avancer une définition, en lui
assignant toutefois un certain degré de généralité afin de ne pas miner la flexibilité inhérente du
concept. Nous sommes d’avis que cette démarche n’était pas nécessaire, il aurait été préférable,
en échange, de renvoyer au concept européen de résidence habituelle (accompagné des
références jurisprudentielles correspondantes, en évolution perpétuelle). La solution du
législateur belge a probablement exercé une attraction irrésistible sur le législateur roumain,
désireux de transposer, dans la législation nationale, une question s’avérant souvent trop vaste et
complexe, à quoi s’ajoute, peut-être, la méfiance de laisser trop de liberté aux tribunaux.
8.3. La résidence habituelle dans la procédure notariale.
La détermination de la résidence habituelle se fait de la même manière quelle que soit la
nature de la procédure de localisation (judiciaire ou gracieuse). Par la suite, même en cas de
procédure non contentieuse (gracieuse), le notaire public ne se limitera pas aux déclarations des
parties, il vérifiera tous les éléments,
de facto et de jure, capables de conduire à la détermination
de la résidence habituelle, en sollicitant aux parties des actes supplémentaires portant sur, selon
le cas, l’emploi ou l’endroit de l’accomplissement des obligations professionnelles, la situation
de leurs propriétés, la localisation de la famille, l’école fréquentée par les enfants ou tout
élément pouvant identifier le centre d’intérêt de la personne concernée. Autrement dit,
le notaire
a l’obligation de déterminer la résidence habituelle
, en la certifiant après avoir corroboré toutes
les preuves à ce sujet, sans se résumer aux déclarations faites par les parties participant à la
procédure notariale.
Le notaire public assume donc un rôle créateur, en accomplissant la
mission de déterminer la proximité de la personne, son ‘’siège’’, compte tenu de l’ensemble de
toutes les circonstances de fait pouvant fournir des indices pertinents à l’égard de la résidence.
Il exerce donc une fonction de contrôle, de quantification qualitative de cet ensemble de
circonstances, en pesant chacune et en conférant primauté aux circonstances qui, en prêtant
attention à la situation concrète, expriment l’intention d’intégration juridique de la personne
(pas forcément son intention déclarée). Le notaire n’est donc pas un simple ’’examinateur
officiel’’ de l’emplacement de la résidence habituelle déclarée par les parties.
La résidence habituelle s’avère un concept flexible, concret, lié à la spécificité du ’’vivre’’
particulier de chaque personne, son caractère réel et la liberté dont il jouit justifiant la mobilité
de plus en plus élevée des personnes et les principes de la libre circulation sur lesquels s’appuie
le droit européen. Car le droit européen vise, en premier lieu, les personnes actives qui
’’bougent’’, se déplacent, celles souhaitant exploiter l’opportunité de trouver un meilleur
73



Page 75
emploi, accéder à un niveau supérieur d’instruction, bénéficier d’un lancement de leur carrière,
atteindre un niveau de vie plus élevé.
Pour conclure, en revenant aux données en l’espèce, nous pouvons affirmer que la
juridiction roumaine dispose de compétence internationale en vertu de l’article 4 du Règlement
car la dernière résidence habituelle du défunt peut être considérée, dans ce cas, celle située sur le
territoire roumain. Malgré le fait que le testateur a passé une période considérable en
Allemagne, le critère pertinent pour la détermination de la résidence habituelle est, à côté de
celui ’’quantitatif’’ portant sur la durée du séjour, l’analyse de toutes les circonstances ayant
trait à la vie de la personne concernée, y compris la prise en considération de la localisation de
sa famille qui peut être définie comme le centre d’intérêt (de l’existence) du testateur.
§ 2. Cas pratiques pour les notaires.
1. Un ressortissant roumain, dont le dernier domicile se trouve en Israël, décède en ce pays.
La masse successorale comprend deux immeubles situés à Bucarest. Ses héritiers (le
conjoint survivant et son enfant) saisissent, en vue du règlement de la succession, un
notaire public de Bucarest. Prononcez-vous sur la compétence du notaire saisi.
Réponse: Les règles de compétence du Règlement (article 4 et les suivants) ne
s’appliquent pas aux notaires publics de Roumanie, vu le fait qu’ils n’exercent pas leur activité
sous le contrôle ou en vertu d’une délégation par le tribunal. Par conséquent, leur compétence
internationale est déterminée par le droit interne.
En vertu de l’article 102, alinéa 4 de la Loi nº 36/1995154, au cas où le dernier domicile du
défunt n’est pas connu ou n’est pas situé en Roumanie, le notaire public saisi en premier lieu est
compétent, ’’à condition que dans sa circonscription il existe au moins un bien immobilier’’. Par
la suite, compte tenu du fait que les immeubles composant le patrimoine successoral se trouvent
à Bucarest, le notaire saisi est compétent en l’espèce.
2. Un ressortissant roumain, dont le dernier domicile se trouve en Allemagne, y décède. La
masse successorale comporte plusieurs biens mobiliers, dont une collection d’objets d’art
(tableaux et statues) exposée dans un immeuble loué à Cluj-Napoca et un appartement
situé à Berlin. Les héritiers du défunt saisissent, en vue du règlement de la succession, un
notaire public dans le ressort du tribunal d’arrondissement Cluj-Napoca. Prononcez-vous
sur la compétence du notaire saisi.
Réponse: En vertu de l‘article 102, alinéa 5 de la Loi nº 36/1995, au cas où le dernier
domicile du défunt n’est pas situé en Roumanie et le patrimoine successoral ne comporte aucun
immeuble situé en Roumanie, le notaire public saisi en premier lieu est compétent au sujet du
règlement de la succession s’il y a des biens mobiliers dans sa circonscription. Ainsi, vu que la
masse successorale dont il est question comporte une universalité de biens mobiliers se trouvant
à Cluj-Napoca, le notaire public saisi est compétent en l’espèce.
3. Un ressortissant roumain, décédé, dont le dernier domicile se trouvait à Lisbonne, lègue
un patrimoine successoral comportant plusieurs biens mobiliers situés à Lisbonne, ainsi
que des immeubles situés à Lisbonne et à Munich. Ses héritiers saisissent un notaire
public dans le ressort du tribunal d’arrondissement Deva en vue de la délivrance d’un
certificat d’héritier.
154 Republiée dans le Journal official nº 72 du 4.2.2013.
74










Page 76
Réponse: En vertu de l’article 102, alinéa 6 de la Loi nº 36/1995, au cas où le dernier
domicile du défunt ne se trouve pas en Roumanie et le patrimoine successoral ne comporte
aucun immeuble situé en Roumanie, ’’le notaire public saisi en premier lieu est compétent’’ en
l’espèce. Par conséquent, le notaire public concerné est, selon la loi, habilité à délivrer le
certificat d’héritier sollicité par les héritiers du défunt.
4. Un ressortissant de la République de Moldavie décède, son dernier domicile se trouvant
en Roumanie. La masse successorale inclut des biens mobiliers situés en Roumanie,
ainsi que deux immeubles, l’un à Iassy (Roumanie) et l’autre à Bălţi (République de
Moldavie). Ses héritiers (le conjoint survivant et ses deux fils) ouvrent la procédure
successorale en saisissant un notaire public dans le ressort du tribunal d’arrondissement
Iassy. Identifiez la solution en l’espèce du point de vue de la compétence internationale.
Réponse: La Roumanie a signé, le 6 juillet 1996, un traité relatif à l’assistance juridique
en matière civile et pénale avec la République de Moldavie
155. Le Chapitre III, Section II prévoit
des dispositions relatives à la succession.

Au sujet de la compétence, l’article 43, premier point confère des compétences
concernant l’ouverture de la succession, la procédure successorale et les litiges successoraux
ayant trait à des biens mobiliers ’’
aux autorités de la partie contractante dont le défunt avait été
le ressortissant au moment du décès
", à l’exception du cas où tous les biens mobiliers hérités du
défunt, ressortissant de l’une des parties contractantes, sont situés sur le territoire de l’autre
partie contractante et tous les successeurs expriment leur consentement au sujet de la
compétence des autorités de la partie contractante sur le territoire de laquelle se trouvent les
biens successoraux de nature mobilière (article 43, point 3). Quant aux immeubles, ’’
la partie
contractante sur le territoire de laquelle se trouvent ces biens’’
est compétente en l’espèce
(article 43, point 2).

Par la suite, vu le fait que tous les biens mobiliers en l’espèce sont situés en Roumanie,
que tous les héritiers ont saisi, en vue du règlement de la succession, un notaire public de
Roumanie (d’où résulte leur consentement), le notaire public roumain saisi est compétent au
sujet de la dévolution et du transfert successoraux de l’universalité mobilière, ainsi qu’au sujet
de l’immeuble situé à Iassy. La dévolution et le transfert successoraux de l’immeuble situé à
Bălţi (République de Moldavie) seront régis par les autorités de la République de Moldavie (en
l’espèce, par le notaire public de cet État, vu l’accord des héritiers).
5. Un ressortissant roumain dont le dernier domicile se trouve à Rome, lègue un patrimoine
successoral comportant trois biens immobiliers dont l’un à Bistriţa et deux à Rome. Ses
héritiers saisissent, en vue du règlement de la succession, un notaire public dans le
ressort du tribunal d’arrondissement Bistriţa. Prononcez-vous sur la compétence du
notaire saisi.
Réponse: Bien que le dernier domicile du défunt ne se trouve pas en Roumanie, le
notaire public saisi est compétent en l’espèce, vu que sa circonscription compte ’’au moins un
bien immobilier’’. En fait, en vertu de l’article 102, alinéa 4 de la Loi nº 36/1995, ’’
au cas où le
dernier domicile du défunt n’est pas connu ou ne se trouve pas en Roumanie, le premier notaire
public saisi est compétent, à condition que dans sa circonscription il existe au moins un bien
immobilier’’
. Par conséquent, le notaire public saisi est compétent en l’espèce.
155 Ratifié par la Loi nº 177/1997, publ. dans le Journal officiel nº 310 du 13 novembre 1997.
75











Page 77
Chapitre VI. Cas pratiques portant sur la détermination de la loi applicable.156
1. Un adolescent âgé de 16 ans, ressortissant roumain, dont la résidence habituelle se trouve
à Paris, rédige un testament olographe et laisse ½ de ses biens à son amie qui fréquente
la même école. Un an plus tard, à 17 ans, il retourne en Roumanie et s’y établit avec ses
parents. Il décède plus tard, dans un accident de la route. Ses parents contestent la
disposition testamentaire, en considérant le testament de leur enfant annulable en vertu
de l’article 988, premier alinéa du nouveau Code civil/NCC. Déterminez la loi applicable
en l’espèce, en vertu du Règlement (UE) nº 650/2012.
Solution:
Est soulevé, en l’espèce, le problème de la détermination de la loi applicable à la capacité
du testateur. La question présente une importance pratique car, en vertu de la loi roumaine, la
capacité testamentaire est acquise à l’âge de la majorité civile. En vertu de l’article 988 du
nouveau Code civil/NCC, ‘’
(1) La personne privée de sa capacité d’exercice ou dont la capacité
d’exercice est restreinte ne peut pas disposer de ses biens au moyen de libéralités, à l’exception
des cas prévus par la loi. (2) Sous la sanction de la nullité relative, la personne ne peut pas
disposer de ses biens au moyen de libéralités en faveur de celui ayant eu la qualité de
représentant ou de tuteur avant que l’autorité tutélaire relève celui-ci de ses responsabilités
légales, ni même après le moment où la personne dispose de sa pleine capacité d’exercice. Est
exceptée la situation où le représentant ou, selon le cas, le tuteur est l’ascendant du testateur’’.
Par conséquent, en droit roumain, les personnes incapables (les mineurs et les interdits de
justice) ne disposent pas de la capacité de jouissance pour faire des libéralités, quelle que soit
leur forme (donations ou legs), à la différence de la réglementation antérieure qui permettait aux
mineurs âgés de 16 ans de disposer, par testament, de la moitié de ce qu’ils auraient possédé si, à
la date de la conclusion de l’acte, ils étaient majeurs (article 806 du Code civil de 1864).
Évidemment, la condition de la capacité de disposer ’’doit être remplie à la date à laquelle le
testateur exprime son consentement’’ (article 987, alinéa 2 du nouveau Code civil/NCC) et le
droit d’engager une action en annulation en raison de l’absence de la capacité de jouissance
revient à ses héritiers universels ou à titre universel, étant prescriptible dans un délai de 3 ans
depuis la date de la conclusion de l’acte.
Ainsi que la doctrine juridique le montre, la raison de cette incapacité de jouissance des
mineurs ’’est fondée sur la nécessité de protéger ceux-ci et leurs héritiers à l’égard des actes
dont les conséquences ne peuvent pas être appréciées suite à leur développement mental
insuffisant et à l’influence facilement exercée sur eux par d’autres personnes. À cette fin, la
sanction pour la violation des dispositions légales relatives à cette incapacité est, en principe, la
nullité relative de la libéralité.’’
157
D’autre part, en vertu de l’article 904, premier alinéa du Code civil français, un mineur
peut disposer, par testament, de la moitié des biens:
“(l)e mineur, parvenu à l'âge de seize ans et
non émancipé, ne pourra disposer que par testament, et jusqu'à concurrence seulement de la
moitié des biens dont la loi permet au majeur de disposer.”

Dans ces circonstances, si nous appliquions, au sujet de la capacité de tester, la loi
roumaine, le testament serait annulable tandis que, en selon la loi française, il serait valide.
Quid juris?
156 Concernant la détermination de la loi applicable aux successions avec des éléments d’extranéité, il n’existe pas
de différences en fonction de la nature de la procédure successorale. La loi applicable sera établie en suivant les
mêmes règles, indépendamment si la procédure successorale est contentieuse ou, au contraire, gracieuse (non
contentieuse).
157 D. Chirică, Traité de droit civil. Les successions et les libéralités, C. H. Beck, Bucarest, 2014, p. 122.
76







Page 78
En vertu de l’article 24, premier alinéa du Règlement, "La recevabilité et la validité au
fond d'une disposition à cause de mort autre qu'un pacte successoral sont régies par la loi qui,
en vertu du présent règlement, aurait été applicable à la succession de la personne ayant pris la
disposition si elle était décédée le jour de l'établissement de la disposition.
’’ (soulignement
ajouté par l’auteur Dan Andrei Popescu
).
En outre, en vertu de l’article 26, premier alinéa, lettre a), ’’la capacité de la personne qui
dispose à cause de mort de prendre une telle disposition’’ est considérée une condition de fond,
régie dans ce cas par la loi successorale anticipée
(hypothetisches Erbstatut), donc par la loi qui
aurait régi la succession de la personne concernée si celle-ci décédait le jour où la disposition
testamentaire respective avait été rédigée.
Par la suite, vu que, au moment de la rédaction du testament, la résidence habituelle du
testateur se trouvait en France, sa capacité sera régie par le droit français et non par celui
roumain (l’État de sa dernière résidence habituelle), le testament étant parfaitement valide.
2. - Plus de références et documents sur Legaly DocsUn adolescent allemand âgé de 16 ans, dont la résidence habituelle se trouve en
Allemagne, rédige, au cours d’un séjour touristique en Roumanie, un testament
olographe. Lors de son retour en Allemagne, il décède, suite à un accident d’avion. Le
problème de la validité du testament est soulevé par la suite.

Solution:
En l’espèce, l’analyse en vue de la détermination de la loi applicable doit discuter deux
aspects: d’une part, si la condition de capacité (condition substantielle) est remplie et, d’autre
part, la validité formelle du testament rédigé (condition formelle).
Au sujet de la capacité de tester, le testament concerné serait annulable, selon la loi
roumaine, vu que le testateur n’avait pas, à la date de la rédaction du testament, pleine capacité
d’exercice (article 988, premier alinéa du nouveau Code civil/NCC). En échange, selon le droit
allemand, le testament serait, de ce point de vue, valide car, dans le système juridique allemand,
la capacité testamentaire est considérée acquise à l’âge de 16 ans
158. Ainsi, en vertu de l’article
2229, premier alinéa du Code civil allemand/BGB, un mineur peut rédiger son testament dès
l’âge de 16 ans:
“(e)in Minderjähriger kann ein Testament erst errichten, wenn er das 16.
Lebensjahr vollendet hat”
, même en absence du consentement de ses représentants légaux.159
Au sujet de la forme du testament, le testament en l’espèce respecte les exigences de la
loi roumaine, en remplissant les conditions formelles imposées au testament olographe, étant
rédigé entièrement par le testateur, daté et signé
manu propria (article 1041 du nouveau Code
civil), même s’il ne respecte pas les dispositions relatives à la capacité de tester. D’autre part, il
ne respecte pas la loi allemande qui impose au testateur mineur la condition de la forme
authentique, afin d’assurer sa protection. L’article 2233, premier alinéa du Code civil
allemand/BGB stipule en ce sens que si le testateur est mineur, il ne pourra rédiger son
testament que devant un notaire public, soit par une déclaration formulée oralement et
enregistrée par celui-ci, soit par la remise d’un document ouvert:
“(i)st der Erblasser
minderjährig, so kann er das Testament nur durch eine Erklärung gegenüber dem Notar oder
durch Übergabe einer offenen Schrift errichten.”
En l’espèce, vu que le testament n’a pas
158 En échange, le mineur (l’incapacité en général) ne pourrait pas signer des pactes successoraux, conformément à
§2275, premier alinéa du BGB: “
Einen Erbvertrag kann als Erblasser nur schließen, wer unbeschränkt
geschäftsfähig ist.”

159 “Der Minderjährige bedarf zur Errichtung eines Testaments nicht der Zustimmung seines gesetzlichen
Vertreters” (§ 2229, alinéa 2 du BGB).
77






Page 79
respecté les conditions formelles obligatoires, il est considéré nul (‘’nichtig’’) selon le droit
allemand (article 125 du Code civil allemand/BGB -
Nichtigkeit wegen Formmangels).160
Quelle sera, dans ce cas, la solution du point de vue de la validité testamentaire? Pourrait
le testament être invalidé vu que les systèmes juridiques qu’il vise – celui roumain (en raison de
l’endroit de sa rédaction) et celui allemand (en raison de la nationalité du testateur) – ne lui
reconnaissent pas des effets juridiques? Changerait l’application du droit international privé la
situation?
Afin de pouvoir répondre à ces questions, nous devrons, en première instance, identifier la
loi applicable au testament en question.
Quid juris?
Afin de d’identifier la solution du conflit de lois, il faudra opérer une distinction, quant à
la loi applicable au testament, entre la capacité du testateur (condition substantielle) et la forme
de l’acte testamentaire (condition formelle).
Au sujet de la capacité du testateur, en vertu de l’article 24, premier alinéa du Règlement
(UE) nº 650/2012, "
La recevabilité et la validité au fond d'une disposition à cause de mort autre
qu'un pacte successoral sont régies par la loi qui, en vertu du présent règlement, aurait été
applicable à la succession de la personne ayant pris la disposition si elle était décédée le jour
de l'établissement de la disposition."
(soulignement ajouté par l’auteur Dan Andrei Popescu).
La capacité testamentaire (la capacité générale de rédiger une disposition à cause de mort) est
considérée une condition substantielle (article 26, premier alinéa, lettre a).
Ainsi, vu que la résidence habituelle du testateur en question se trouvait, au moment de la
rédaction du testament, en Allemagne, sa présence en Roumanie revêtant donc un caractère
occasionnel (tourisme), sa capacité testamentaire sera régie par la loi allemande, qui lui
permettait de rédiger un testament.
Au sujet de la forme du testament, l’article 27 du Règlement est applicable aux
’’conditions formelles des dispositions à cause de mort rédigées par écrit’’, en vue de sauver le
testament (
favor testamenti) au cas où celui-ci respecte les exigences formelles de l’une, au
moins, des lois que le testateur pouvait raisonnablement envisager au moment de la rédaction du
testament. Ainsi, le testament est considéré ’’
valable quant à la forme si celle-ci est conforme à
la loi: a) de l'État dans lequel la disposition a été prise ou le pacte successoral a été conclu; b)
d'un État dont le testateur ou au moins une des personnes dont la succession est concernée par
un pacte successoral possédait la nationalité, soit au moment où la disposition a été prise ou le
pacte conclu, soit au moment de son décès; c) d'un État dans lequel le testateur ou au moins une
des personnes dont la succession est concernée par un pacte successoral avait son domicile
161,
soit au moment où la disposition a été prise ou le pacte conclu, soit au moment de son décès; d)
de l'État dans lequel le testateur ou au moins une des personnes dont la succession est
concernée par un pacte successoral avait sa résidence habituelle, soit au moment de
l'établissement de la disposition ou de la conclusion du pacte, soit au moment de son décès; ou
e) pour les biens immobiliers, de l'État dans lequel les biens immobiliers sont situés.
’’
160 Selon D. Leipold, Erbrecht, 19ème édition, Mohr Siebeck, 2012, p.151 et suivantes.
162 À la différence de la résidence habituelle, qui est un concept uniforme, le domicile représente un concept qui se
qualifie ayant comme repère le droit interne de l’État sur le territoire duquel celui-ci est invoqué. L’article 27,
premier alinéa, partie finale: „Pour déterminer si le testateur ou toute personne dont la succession est concernée par
un pacte successoral avait son domicile dans un État particulier, c'est la loi de cet État qui s'applique.” Pour le droit
roumain, voir la définition du domicile formulée à l’article 87 du NCC: „ Le domicile de la personne physique, en
vue de l’exercice de ses droits et de ses libertés civiques, est là ou celle-ci déclare avoir le logement principal.”
78




Page 80
Nous nous trouvons donc en présence de normes conflictuelles alternatives162, il suffit, par
conséquent, du point de vue formel, que le testament respecte les exigences de l’une des lois
indiquées par le législateur, quelle que soit celle-ci.
Le testament olographe dont il est question remplit les conditions formelles de la loi du
lieu où le testament a été rédigé (
locus regit actum – article 27, premier alinéa, lettre a), c'est-à-
dire de la loi roumaine, étant par la suite considéré valide quant à la forme.
En conclusion, en soumettant la capacité de tester à la loi de la résidence habituelle du
testateur au moment de la rédaction du testament et la forme à une pluralité de normes
conflictuelles alternatives, qui rendent l’invalidité formelle du testament presque impossible, le
testament en l’espèce sera considéré valide et sera reconnu en tant que tel en Roumanie aussi
bien qu’en Allemagne, bien qu’il ne soit pas, selon le droit interne de chacun de ces deux États,
vu comme valide (pour des raisons différentes – la capacité du point de vue du droit roumain et
la forme quant au droit allemand).
Nous remarquons, à ce sujet, qu’en vertu de l’article 27, alinéa 3 du Règlement, relatif aux
conditions formelles des dispositions à cause de mort ’’
toute disposition légale qui limite les
formes admises pour les dispositions à cause de mort en faisant référence à l'âge, à la
nationalité ou à d'autres qualités personnelles du testateur ou des personnes dont la succession
est concernée par un pacte successoral, est considérée comme relevant du domaine de la forme.
Il en est de même des qualités que doit posséder tout témoin requis pour la validité d'une
disposition à cause de mort.
’’ (alinéa 3 - soulignement ajouté par l’auteur Dan Andrei
Popescu
)163. Les restrictions formelles imposées au testament en raison de l’âge du testateur
relèvent donc de la forme et sont régies, par conséquent, par la disposition de l’article 27,
premier alinéa du Règlement. Il serait, donc, erroné de conclure que la limitation de la capacité
de tester, en raison de l’âge du testateur, relèverait de la forme. La capacité de tester est vue,
elle, comme une question substantielle, étant régie par l’article 24 du Règlement (article 26,
premier alinéa, lettre a). Autrement dit, selon la littérature de spécialité récente, l’application des
dispositions de l’article 27
aux conditions formelles ayant trait à l’âge du testateur vise la
validation d’un testament rédigé par un mineur sans respecter les exigences formelles imposées
par le droit applicable à la validité des conditions formelles auxquelles doit se soumettre le
testament
164. D’ailleurs, cette interprétation peut être aisément inférée à partir du considérant 53
du Règlement, selon lequel ’’
toute disposition légale limitant les formes admises pour les
162 Voir aussi l’article premier, premier alinéa de la Convention de La Haye, du 5 octobre 1961, sur les conflits de
lois en matière de forme des dispositions testamentaires: “A testamentary disposition shall be valid as regards form
if its form complies with the internal law: a) of the place where the testator made it, or
b) of a nationality possessed
by the testator, either at the time when he made the disposition, or at the time of his death, or
c) of a place in which
the testator had his domicile either at the time when he made the disposition, or at the time of his death, or
d) of the
place in which the testator had his habitual residence either at the time when he made the disposition, or at the time
of his death, or
e) so far as immovables are concerned, of the place where they are situated.” Même si la Roumanie
ne fait pas partie de cette convention, elle a servi d’inspiration au législateur roumain, aussi bien en 1992 (art. 68,
alinéa 3 de la Loi nº 105/1992 - à présent abrogée), qu’en 2009 (art. 2635 du NCC). Il est pourtant vrai que le
législateur roumain n’a pas été aussi généreux (en n’incluant pas entre les lois „de validation” de la forme du
testament celle du domicile du testateur du moment de son décès ou de la date de la rédaction du document
testamentaire).
163 La source d’inspiration de cet alinéa 3 de l’article 27 est l’article 5 de la Convention de La Haye, du 5 octobre
1961, sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires: “(f)or the purposes of the present
Convention, any provision of law which limits the permitted forms of testamentary dispositions by reference to the
age, nationality or other personal conditions of the testator, shall be deemed to pertain to matters of form. The same
rule shall apply to the qualifications that must be possessed by witnesses required for the validity of a testamentary
disposition.”
164 A. Bonomi dans A. Bonomi, P. Wautelet, Le droit européen des successions. Commentaire du Règlement n°
650/2012 du 4 juillet 2012
, Bruylant, 2013, p. 419: “L’application de l’article 27 aux conditions formelles liées á
l’âge peut avoir pour conséquence de valider un testament rédigé par un mineur sans respecter les formalités
exigées par le droit régissant la validité au fond.”
79


Page 81
dispositions à cause de mort en faisant référence à certaines qualités personnelles de la
personne qui dispose telles que son âge, par exemple, devrait être considérée comme relevant
du domaine de la forme. Cela ne devrait pas s'interpréter comme signifiant que la loi applicable
à la validité quant à la forme d'une disposition à cause de mort au titre du présent règlement
devrait déterminer si un mineur a ou non la capacité de disposer à cause de mort. Cette loi
devrait uniquement déterminer si une qualité personnelle telle que, par exemple, la minorité
devrait empêcher une personne d'effectuer une disposition à cause de mort sous une forme
donnée.
’’ (soulignement ajouté par l’auteur Dan Andrei Popescu).
Ainsi, en vertu du Règlement, la capacité de tester est régie par la loi qui aurait été
applicable à la succession du testateur si celui-ci était décédé le jour de la rédaction du
testament, que ce soit la loi choisie par le testateur (en vertu de l’article 22 du Règlement) ou la
loi applicable à la succession en absence du choix du testateur (la loi privilégiant la résidence
habituelle du testateur au moment de la rédaction du testament -
hypothetisches Erbstatut ou
Errichtungsstatut, article 21 corroboré avec l’article 24 et l’article 26, premier alinéa, lettre a).
Toutefois, lorsqu’une loi successorale applicable aux restrictions matérielles du testament
limite les modalités de tester en raison de l’âge (ou en raison d’autres ’’qualités personnelles de
la personne ayant rédigé la disposition’’), nous nous trouvons en présence de questions
formelles, régies par l’article 27 du Règlement qui prévoit les conditions formelles s’appliquant
aux dispositions à cause de mort.
Nous constatons que, de cette manière, le Règlement élargit significativement la
permissivité concernant la capacité de tester. Sans pouvoir écarter l’incapacité des mineurs si
celle-ci est stipulée par la loi successorale anticipée, elle peut, en échange, valider les
dispositions testamentaires rédigées par des mineurs (personnes incapables), quelle que soit la
forme testamentaire choisie, même si la loi successorale anticipée impose, dans le cas des
mineurs, le respect d’une certaine forme (la forme authentique). Il suffit, par la suite, que la loi
régissant les conditions substantielles permette aux mineurs de rédiger des dispositions
testamentaires.
Un certain ’’découpage’’ que l’application du Règlement opère dans la matière des
dispositions de la loi successorale compétente relative à la capacité de tester ne pouvait pas
passer inaperçu. La loi successorale nationale qui reconnaît aux mineurs d’un certain âge la
capacité de tester permet cela en raison de la protection du mineur par l’imposition de la forme
authentique du testament (à la différence des autres lois nationales qui, afin d’aboutir à cette
même protection, interdisent la capacité testamentaire des incapables). Il est à remarquer que le
Règlement, afin de protéger le testateur mais d’une autre perspective – le sauvetage de la
volonté de celui-ci, agit
favor testamenti. Le résultat est édificateur: ce qui doit primer, en fin de
compte, lorsqu’il s’agit du circuit juridique transfrontalier, est le sauvetage de la volonté
testamentaire du mineur si son testament respecte les conditions formelles de l’une, au moins,
des lois indiquées à l’article 27 (lois en rapport étroit avec le conditionnement formel) au
préjudice des ’’formes de protection’’ consacrées par le droit successoral interne potentiellement
applicable.
3. Un mineur âgé de 15 ans, ressortissant roumain dont la résidence habituelle se trouve
à Madrid, rédige, dans cette ville, un testament olographe qui institue deux légataires
à titre particulier. À l’âge de 16 ans, il s’établit avec ses parents en Roumanie, à
Hunedoara. Ici, il rédige un autre testament olographe par lequel il modifie le
testament antérieur rédigé à Madrid, en imposant une charge au premier légataire et
en révoquant le second legs à titre particulier. Il décède à l’âge de 17 ans, à
Hunedoara. Est soulevé, par la suite, le problème de la validité des testaments
olographes rédigés à Madrid et à Hunedoara.

80




Page 82
Quid juris?
Du point de vue de la capacité testamentaire, le mineur en question disposait, quant à son
premier testament, de cette capacité en vertu du droit successoral espagnol qui régit la validité
au fond des dispositions de ce (premier) testament, vu que la résidence habituelle du testateur se
trouvait, au moment de la rédaction du testament, à Madrid (article 24; article 26, premier
alinéa, lettre a). Ainsi, en vertu de l'article 662 du Code civil espagnol, disposent de la capacité
de tester toutes les personnes auxquelles la loi n’interdit pas explicitement ce droit:
“Pueden
testar todos aquellos a quienes la ley no lo prohibe expresamente”.
Les personnes privées de la
capacité de tester en vertu de l’article 663 du Code civil espagnol sont les suivantes: “Están
incapacitados para testar: 1. Los menores de catorce anos de uno y otro sexo; 2. El que
habitual o accidentalmente
no se hallare en su cabal juicio.” Par conséquent, le mineur dispose,
à partir de l’âge de 14 ans, de la capacité de tester en vertu du droit espagnol
165. D’autre part, il
est vrai que le droit espagnol réserve l’accès à la forme olographe exclusivement aux personnes
majeures (article 688, premier alinéa du Code civil espagnol:
“El testamento ológrafo sólo
podrá otorgarse por personas mayores de edad”
) mais, ainsi que nous avons déjà constaté, il
s’agit, selon le Règlement (UE) nº 650/2012, d’une question formelle, régie par les normes
conflictuelles alternatives relatives aux restrictions formelles auxquelles doivent se soumettre les
dispositions à cause de mort rédigées par écrit (article 27, alinéa 3).
Quant au second testament olographe, rédigé à Hunedoara, vu que le testateur abandonna
sa résidence habituelle espagnole (Madrid) et établit une nouvelle résidence habituelle à
Hunedoara (Roumanie), ce second testament devrait être annulable en vertu de la loi
successorale anticipée, c’est-à-dire en vertu de la loi roumaine (article 988, premier alinéa du
nouveau Code civil). Néanmoins, vu le fait que le testateur avait déjà acquis la capacité de tester
en vertu de la loi espagnole (la loi de son ancienne résidence habituelle) et qu’il a exercé ce droit
en rédigeant un testament,
la modification ultérieure de la loi applicable à la succession
n’affecte pas la capacité du testateur de modifier ou de révoquer le testament antérieur
même
si, en vertu de la nouvelle loi successorale applicable (la loi roumaine), le testateur concerné ne
dispose pas de la capacité de tester. L’article 26, alinéa 2 du Règlement stipule explicitement
que ’’
lorsqu'une personne a la capacité de disposer à cause de mort en vertu de la loi
applicable conformément à l'article 24 ou 25, une modification ultérieure de la loi applicable
n'affecte pas sa capacité de modifier ou de révoquer une telle disposition.
’’ Nous nous trouvons
donc
166 devant une dérogation à la disposition de principe de l’article 24, alinéa 3, alinéa
stipulant que la loi applicable à l’admissibilité et à la validité au fond du testament régira aussi
bien la modification ou la révocation du testament.
167
Par la suite, les deux testaments olographes sont valides du point de vue de la capacité de
disposer par testament.
Quant à la forme, bien que le droit successoral espagnol interdise au mineur la forme
olographe du testament (article 688, premier alinéa du Code civil espagnol), comme il s’agit
d’une limitation de la forme de tester en raison de l’âge, seront applicables les dispositions de
l’article 27, alinéa 3 du Règlement, qui assimilent à la forme toute limitation portant sur les
formes permises aux dispositions à cause de mort ’
’en faisant référence à l'âge, à la nationalité
ou à d'autres qualités personnelles du testateur.
’’ (soulignement ajouté par l’auteur Dan Andrei
165 Selon M. Albaladejo, Curso de derecho civil. V Derecho de sucesiones, nueva edition, Edisofer, 2008, p. 212-
213; H. P. Schömmer, D. Gebel,
Internationales Erbrecht. Spanien, C. H. Beck, Munich, 2003, p. 106-107.
166 A. Bonomi dans A. Bonomi, P. Wautelet, Le droit européen des successions. Commentaire du Règlement n°
650/2012 du 4 juillet 2012
, Bruylant, 2013, p. 420.
167 Selon l’article 24, alinéa 3 du Règlement, la loi successorale hypothétique, soit celle qui „aurait été applicable à
la succession de la personne ayant pris la disposition si elle était décédée le jour de l’établissement de la
disposition” (art. 24, premier alinéa), „
s’applique, selon le cas, à la modification ou à la révocation d’une
disposition à cause de mort autre qu’un pacte successoral. En cas de choix de loi effectué conformément au
paragraphe 2, la modification ou la révocation est régie par la loi choisie” (art. 24, alinéa 3).
81



Page 83
Popescu). Les testaments concernés seront donc considérés valides du point de vue formel car la
forme olographe du testament est reconnue par la loi roumaine, qui est la loi de l’État dont le
testateur possède la nationalité (article 27, premier alinéa, lettre b).
4. Un ressortissant de la République de Moldavie décède ab intestat, sa dernière résidence
habituelle étant située en Roumanie. La masse successorale comporte des biens
mobiliers situés en Roumanie (à Iassy) et deux immeubles, l’un situé à Iassy et l’autre à
Bălţi (République de Moldavie). La famille du défunt est formée de son épouse et de
leurs deux fils. Ceux-ci ouvrent la procédure successorale en saisissant un notaire
public dans le ressort du tribunal d’arrondissement Iassy. Identifiez la solution en
l’espèce du point de vue de la compétence internationale et de la loi successorale
applicable
.
En vertu de l’article 75 du Règlement, celui-ci ’’n'affecte pas l'application des
conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties lors de
l'adoption du présent règlement et qui portent sur des matières régies par le présent
règlement.
’’ Dans la mesure où, à la date de l’adoption du présent Règlement (le 4 juillet 2012),
il y a des conventions ou des traités internationaux signés par les États membres avec des États
tiers, qui prévoient des dispositions ayant trait aux successions, celles-ci s’appliqueront
également aux successions ouvertes après le début de l’application du Règlement (le 17 août
2015).
168
La Roumanie a signé, le 6 juillet 1996, un traité relatif à l’assistance juridique en matière
civile et pénale avec la République de Moldavie
169. Le Chapitre III, Section II prévoit des
dispositions relatives à la succession.

Au sujet de la compétence, l’article 43, premier point confère des compétences concernant
l’ouverture de la succession, la procédure successorale et les litiges successoraux ayant trait à
des biens mobiliers ’’
aux autorités de la partie contractante dont le défunt avait été le
ressortissant au moment du décès
", à l’exception du cas où tous les biens mobiliers hérités du
défunt, ressortissant de l’une des parties contractantes, sont situés sur le territoire de l’autre
partie contractante et tous les successeurs expriment leur consentement au sujet de la
compétence des autorités de la partie contractante sur le territoire de laquelle se trouvent les
biens successoraux de nature mobilière (article 43, point 3). Quant aux immeubles, ’’
la partie
contractante sur le territoire de laquelle se trouvent ces biens’’
est compétente en l’espèce
(article 43, point 2).
Par la suite, vu le fait que tous les biens mobiliers en l’espèce sont situés en Roumanie,
que tous les héritiers ont saisi, en vue du règlement de la succession, un notaire public de
Roumanie (d’où résulte leur consentement), le notaire public roumain saisi est compétent au
sujet de la dévolution et du transfert successoraux de l’universalité mobilière, ainsi qu’au sujet
de l’immeuble situé à Iassy. La dévolution et le transfert successoraux de l’immeuble situé à
Bălţi (République de Moldavie) seront régis par les autorités de la République de Moldavie (en
l’espèce, par le notaire public de cet État, vu l’accord des héritiers).
Au sujet de la loi applicable, l’article 40 du Traité indiqué ci-dessus prévoit: ’’1. Le droit
de succession mobilière est déterminé par la loi de la partie contractante dont le défunt avait été
le ressortissant au moment du décès. 2. Le droit de succession immobilière est déterminé par la
loi de la partie contractante sur le territoire de laquelle se trouvent lesdits biens. 3. Les biens
successoraux sont définis en tant que mobiliers ou immobiliers en vertu de la loi de la partie
contractante sur le territoire de laquelle se trouvent lesdits biens.
’’
168 Art. 83, premier alinéa.
169 Ratifié par la Loi nº 177/1997, publ. dans le Journal officiel nº 310 du 13 novembre 1997.
82




Page 84
Du point de vue de la loi applicable, le patrimoine successoral est, par conséquent, divisé
en deux parties (
dépeçage): la partie régie par le droit successoral roumain inclut l’immeuble
situé à Iassy et celle régie par le droit successoral de la République de Moldavie inclut
l’universalité successorale mobilière et l’immeuble situé à Bălţi.
Le notaire public roumain saisi au sujet de la succession appliquera le droit successoral de
la République de Moldavie à la masse mobilière et à l’immeuble situé à Bălţi et le droit
successoral roumain à l’immeuble situé à Iassy.
5. Un ressortissant roumain, médecin célibataire, est sélectionné, suite à un entretien
d’embauche, pour exercer sa profession à Munich. Il s’établit dans cette localité, où il
devra exercer sa profession pendant dix ans, conformément au contrat de travail signé.
Il décède une année après son établissement en Allemagne, sa succession comprend
plusieurs biens immobiliers situés en Roumanie et ses héritiers légaux sont ses parents
et un frère dont la résidence habituelle se trouve en Roumanie. Quelle loi régira la
succession?
En vertu de l’article 21, premier alinéa du Règlement, ’’la loi applicable à l'ensemble
d'une succession est celle de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment
de son décès.
’’ Le législateur européen ne définit pas la résidence habituelle, celle-ci étant
devant être déterminée compte tenu de toutes les circonstances ayant trait au testateur.
En l’espèce, il résulte, de manière raisonnable, que la résidence habituelle du défunt était
située à Munich, localité où il s’était établi en vue de l’exercice de la profession médicale, sur la
base d’un contrat de travail de 10 ans.
Toutefois, vu que le défunt avait assez récemment établi sa résidence habituelle en
Allemagne (un an avant son décès), maintenant des liens étroits avec son pays d’origine, ses
parents et son frère y habitant encore, compte tenu du fait que les immeubles composant le
patrimoine successoral se trouvent en Roumanie, nous pouvons considérer, en l’espèce, qu’en
dépit de la localisation de la dernière résidence habituelle du testateur, ses rapports avec la
Roumanie (l’État sur le territoire duquel se trouvait son ancienne résidence habituelle) sont
manifestement plus étroits que ceux avec l’Allemagne. Ainsi, l’article 21, alinéa 2 du Règlement
prévoit une
clause d’exception (escape clause/Ausnahme-, Ausweich- ou Berichtigungsklausel)
par dérogation à la règle formulée au premier alinéa (relative à la dernière résidence habituelle),
en permettant, de manière exceptionnelle et en absence d’un choix au sujet de la loi successorale
applicable, l’application d’une loi successorale autre que celle de la dernière résidence
habituelle, récemment acquise (peu de temps avant le décès), dans la mesure où il est possible
d’envisager, partant de l’analyse des circonstances particulières de la situation, qu’il existe des
liens manifestement plus étroits avec une loi autre que cette dernière. Dans ce sens, selon
l’article 21, (2), ’’
lorsque, à titre exceptionnel, il résulte de l'ensemble des circonstances de la
cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits
avec un État autre que celui dont la loi serait applicable en vertu du paragraphe 1, la loi
applicable à la succession est celle de cet autre État.
’’ (soulignement ajouté par l’auteur Dan
Andrei Popescu
). Le texte cité ne fournit, au sujet de ces circonstances, aucun détail capable de
conduire à l’intervention de la clause d’exception, il est toutefois évident que le législateur
européen a envisagé le cas où tous les éléments de nature successorale sont situés sur le
territoire d’un certain État (les biens composant la masse successorale, le domicile ou la
résidence habituelle des héritiers – la famille du défunt, éventuellement sa nationalité), y
compris l’ancienne résidence habituelle du défunt, dans la mesure où la dernière résidence
habituelle a été récemment acquise (peu de temps avant le décès). Autrement dit, l’existence de
ces liens avec un État autre que l’État où se trouvait l’ancienne résidence habituelle ne suffit pas
pour activer la clause d’exception, il est, en outre, requis, que la dernière résidence habituelle
soit ’’inconsistante’’, c’est-à-dire récemment acquise, ce qui permet parfois de douter de
83



Page 85
l’intention réelle du défunt, surtout au cas où celui-ci a également gardé son habitation dans
l’État d’origine. Le considérant 25 du Règlement précise, dans ce sens, que ’’
l'autorité chargée
de la succession peut, dans des cas exceptionnels où, par exemple, le défunt s'était établi dans
l'État de sa résidence habituelle relativement peu de temps avant son décès et que toutes les
circonstances de la cause indiquent qu'il entretenait manifestement des liens plus étroits avec un
autre État, parvenir à la conclusion que la loi applicable à la succession ne devrait pas être la
loi de l'État de résidence habituelle du défunt mais plutôt celle de l'État avec lequel le défunt
entretenait manifestement des liens plus étroits.
’’ Nous pourrions cependant nous demander s’il
n’était pas plus facile pour l’instance (ou pour le notaire) de qualifier la dernière résidence
habituelle située dans l’État avec lequel les liens sont plus étroits au lieu de devoir justifier
l’application de la clause d’exception. La réponse ne peut être, évidemment, qu’affirmative, en
principe. Nous croyons, par conséquent, que l’activation de la clause d’exception (soit d’office
soit à la demande de l’une des parties) intervient pratiquement devant l’autorité saisie en vertu
de l’article 4, c’est-à-dire devant l’autorité de la nouvelle (et dernière) résidence habituelle
170. Il
serait cependant possible d’affirmer que le champ d’application de la clause d’exception en
matière successorale se limite aux situations où la détermination de la résidence habituelle du
testateur est récente par rapport à la date de son ’’départ’’ et tous les autres éléments pertinents
(la résidence habituelle des membres de sa famille, la localisation des biens successoraux) se
rapportent à l’État où se trouvait l’ancienne résidence habituelle.
Il faut néanmoins souligner que l’application de la clause d’exception est formellement
exclue dans le domaine de la compétence internationale en matière successorale. Dans d’autres
mots, les autorités de la dernière résidence habituelle du testateur, compétentes en la matière,
décideront au sujet de la loi applicable, sans pouvoir décliner leur compétence en raison de la
clause d’exception.
171
170 À la différence de notre ancienne réglementation des rapports de droit international privé (la Loi nº 105/1992), le
nouveau Code civil consacre, à titre général, les clauses d’exception à l’article 2565. Selon cet article, premier
alinéa,
“exceptionnellement, l’application de la loi déterminée selon la présente carte peut être éliminée si, dû aux
circonstances de la cause, le rapport juridique a un lien très faible avec cette loi. Dans ce cas, on applique la loi
avec laquelle le rapport juridique présente les liens les plus étroits.”
L’application des clauses d’exception est
pourtant exclue „dans le cas des lois concernant l’état civil ou la capacité de la personne, ainsi que lorsque les
parties ont choisi la loi applicable” (alinéa 2). Les clauses générales d’exception peuvent être rencontrées dans
d’autres législations nationales de droit international privé. Par exemple, l’article 19 du Code belge de droit
international privé, adopté par la Loi du 16 juillet 2004, prévoit:
“§ 1. Le droit désigné par la présente loi n'est
exceptionnellement pas applicable lorsqu'il apparaît manifestement qu'en raison de l'ensemble des circonstances,
la situation n'a qu'un lien très faible avec l'Etat dont le droit est désigné, alors qu'elle présente des liens très étroits
avec un autre Etat. Dans ce cas, il est fait application du droit de cet autre Etat. Lors de l'application de l'alinéa
1
er, il est tenu compte notamment:
- du besoin de prévisibilité du droit applicable, et
- de la circonstance que la relation en cause a été établie régulièrement selon les règles de droit international
privé des Etats avec lesquels cette relation présentait des liens au moment de son établissement. § 2. Le § 1
er n'est
pas applicable en cas de choix du droit applicable par les parties conformément aux dispositions de la présente loi,
ou lorsque la désignation du droit applicable repose sur le contenu de celui-ci.“
En outre, l’article 15 de la Loi
fédérale suisse de droit international privé, du 18 décembre 1987, prévoit:
„1. Das Recht, auf das dieses Gesetz
verweist, ist ausnahmsweise nicht anwendbar, wenn nach den gesamten Umständen offensichtlich ist, dass der
Sachverhalt mit diesem Recht in nur geringem, mit einem anderen Recht jedoch in viel engerem Zusammenhang
steht. 2. Diese Bestimmung ist nicht anwendbar, wenn eine Rechtswahl vorliegt.” La traduction du texte: 1. Le droit
désigné par la présente loi n’est pas exceptionnellement applicable si, en raison de l’ensemble des circonstances, il
résulte de façon évidente que la situation n’a qu’un lien très faible avec ce droit, en présentant un lien beaucoup
plus étroit avec un autre droit. 2. Cette disposition n’est pas applicable en cas de choix du droit.
171 Selon H. Gaudemet-Tallon, “Les règles de compétence judiciaire dans le règlement européen sur les
successions”,
dans G. Khairallah et M. Revillard (éd.), Droit européen des successions internationales. Le
Règlement du 4 juillet 2012,
Defrénois, 2013, p. 129; A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 291. La
possibilité de décliner sa compétence, en vertu de l’article 6, premier alinéa, lettre (a), en faveur d’une instance d’un
autre État membre, „compte tenu des circonstances pratiques de celle-ci [la succession], telles que la résidence
84


Page 86
En outre, afin de permettre l’activation de la clause d’exception, le testateur doit ne pas
avoir opté pour la loi successorale applicable en vertu de l’article 22. Les clauses d’exception
ont la mission de permettre une certaine flexibilité lorsque la règle abstraite de la norme
conflictuelle produirait des résultats erronés quant à la localisation de la situation juridique
visée. Autrement dit, la clause d’exception s’avère être une correction, de nature exceptionnelle,
de la norme conflictuelle, vu l’imprédictibilité du quotidien. Elle contribue à l’accomplissement
de la justice conflictuelle dont elle fait partie (
“conflicts justice” ou “kollisionsrechtliche
Gerechtigkeit”/“internationalprivatrechtliche Gerechtlich-keit”
172), son but étant d’assurer
l’équité lors de la détermination de la proximité juridique. Cette
internationalprivatrechtliche
Gerechtlichkeit, douée d’esprit et de sa propre méthode spécifique, cherche toujours le système
juridique ’’le plus proche’’ des parties ayant établi le rapport juridique (généralement parlant),
pas forcément d’un point de vue géographique mais de la perspective des éléments d’intégration
juridique. La justice conflictuelle se propose d’identifier le centre de la vie (d’intérêts) de la
personne concernée, ’’le siège du rapport juridique’’ en statuant, en fonction des circonstances
et de la nature des institutions visées, la loi applicable. Elle se sert du concept de proximité
juridique, établit les critères et les méthodes la définissant, s’avérant un
rechtsanwendungsrecht
qui doit agir sans jeter le moindre coup d'œil au contenu des lois avec lesquelles le rapport
présente des liens et qui pourraient
théoriquement devenir applicables en l’espèce. Nous ne
pourrions apprendre
la parole à
l'
internationalprivatrechtliche Geist qui s’appuie sur les attentes raisonnables des parties, sur la
prédictibilité et, en tout cas, sur le désir de certitude quant à la détermination de l’autorité
compétente et de la loi applicable en l’espèce. En outre, la modération et la prédictibilité
présument ne recourir ’’presque jamais’’ aux clauses d’exception …
la vérité que de cette manière, en donnant
La clause d’exception constate la situation de fait, en évaluant la dimension qualitative de
chaque circonstance et puis, compte tenu de l’ensemble des particularités (spécificités) du
rapport, elle constate et impose la loi applicable audit rapport. Par conséquent, l’application de
la clause d’exception ne peut pas être dictée par un raisonnement abstrait mais seulement par
une constatation concrète, casuelle, sujette à la précaution pour ne pas affecter immodérément,
dans la mesure du possible, la prédictibilité de la loi successorale applicable, ce qui porterait
atteinte à l’objectif du Règlement
173. Son application est en soi, d’ailleurs, génératrice
d’incertitude. Elle aspire à devenir, au niveau métaphorique, une sorte d’
equity des conflits de
lois, ce qui n’est pas sans risques. Ainsi, le recours excessif aux clauses d’exception, notamment
dans des situations où il est impossible de justifier leur usage, conduit à un risque
d’imprédictibilité en ce qui concerne la loi applicable, aboutissant, en fin de compte, à la
dénaturation du sens et de la finalité de la norme conflictuelle. Les instances (ou les notaires)
doivent, par conséquent, doivent recourir à ces clauses ’’d’adaptation’’ avec modération, dans
des situations tout à fait exceptionnelles, c’est-à-dire exclusivement lorsque tous les éléments
pertinents du rapport juridique l’imposent de manière évidente et indubitable, sans donner cours
aisément à toute demande conjecturale formulée en ce sens par les parties. D’ici leur
dénomination: clauses d’exception!
Nous considérons, cependant, qu’il aurait été souhaitable
de renoncer à cette ’’technique’’ dans le domaine des successions internationales car, d’une
habituelle des parties et la localisation des biens”, peut se faire seulement si l’auteur de la succession a choisi
comme loi applicable à sa succession la loi de l’État membre respectif et non pas en vertu de la clause d’exception.
172 Voir Kegel/Schurig, Internationales Privatrecht, 8ème édition, 2000, p. 114.
173 Ainsi, conformément au considérant 37 du Règlement, „Afin de permettre aux citoyens de profiter, en toute
sécurité juridique, des avantages offerts par le marché intérieur, le présent règlement devrait leur permettre de
connaître à l'avance la loi applicable à leur succession. Des règles harmonisées de conflits de lois devraient être
introduites pour éviter des résultats contradictoires. La règle principale devrait assurer que la succession est régie
par une loi prévisible, avec laquelle elle présente des liens étroits. Pour des raisons de sécurité juridique et afin
d'éviter le morcellement de la succession, cette loi devrait régir l'ensemble de la succession, c'est-à-dire l'intégralité
du patrimoine composant la succession, quelle que soit la nature des biens et indépendamment du fait que ceux-ci
sont situés dans un autre État membre ou dans un État tiers.”
85


Page 87
part, la localisation doit partir, en cette matière, d’un seul ’’élément’’ – le défunt, les aspects
’’exceptionnels’’ étant moins fréquents et, de toute façon, moins pertinents
(une autre
localisation des biens ou de la plupart des biens composant la masse successorale, la résidence
habituelle des héritiers)
et, d’autre part, le risque d’abus en ce qui concerne les clauses
d’exception n’est pas à ignorer, surtout dans des États habitués à vivre dans un état
d’exception
174
La clause d’exception a donc été créée pour un circuit extrêmement restrictif; elle ne doit
pas surabonder dans la pratique des instances ou des notaires, en transférant l’exceptionnel
dans notre vie quotidienne
. D’autre part, le fait que le défunt a récemment (peu de temps avant
son décès) établi une nouvelle résidence habituelle n’aurait pas dû constituer, en soi, un
argument pour l’application de la clause d’exception en faveur de l’État où se trouvait
l’ancienne résidence habituelle car l’abandon de la résidence habituelle pourrait être lu comme
un signe de son intention d’intégration juridique dans son nouveau pays. En outre, au cas où le
défunt possédait également la nationalité de cet État, l’absence explicite du choix de la loi
successorale de cet État-là – afin d’écarter tous les doutes possibles ainsi que la possibilité de
l’application de la clause d’exception stipulée à l’article 21 (2) – peut résulter de sa conviction
qu’un tel choix aurait été redondant (donc inutile), vu que cette loi (de la nouvelle résidence
habituelle) aurait de toute façon disposé de compétence à cette fin en vertu de l’article 21 (1), en
tant que loi de la dernière résidence habituelle. Autrement dit, l’application de la clause
d’exception pourrait modifier la conviction et la dernière volonté du défunt, en le ’’surprenant’’
post mortem175
La clause d’exception ne peut pas conduire au dépeçage, en attribuant des lois
différentes à la succession
, en fonction de la nature et de la localisation des biens. Autrement
dit, elle ne peut pas enfreindre le principe de l’unité successorale, son action s'y soumettant.
D’ailleurs, le législateur même parle de la possibilité d’appliquer la clause d’exception (article
21, alinéa 2) ’’lorsque, à titre exceptionnel, il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause
que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un
État autre que celui dont la loi serait applicable en vertu du paragraphe 1’’. D’autre part, le
considérant 25 du Règlement précise que, dans des circonstances exceptionnelles, lorsque ’’le
défunt s'était établi dans l'État de sa résidence habituelle relativement peu de temps avant son
décès et que toutes les circonstances de la cause indiquent qu'il entretenait manifestement des
liens plus étroits avec un autre État’’, il est possible d’aboutir à l’activation de la clause
d’exception. En même temps, la clause d’exception ne représente ni une méthode de localisation
subsidiaire à la norme conflictuelle, ni une alternative chaque fois que l’identification de son
facteur de rattachement s’avère, vu les circonstances du cas, une opération difficile: ’’les liens
manifestement les plus étroits ne devraient toutefois pas être invoqués comme facteur de
rattachement subsidiaire dès que la détermination de la résidence habituelle du défunt au
moment de son décès s'avère complexe.’’ (considérant 25). Autrement dit,
la clause d’exception
n’est pas subsidiaire à la norme conflictuelle mais exceptionnelle par rapport à celle-ci
. De
plus, le principe de l’unité successorale ne connaît que les exceptions explicitement prévues par
174 Pour un ouvrage à caractère philosophique, dédié à l’état d’exception, nous recommandons G. Agamben, L’état
d’exception
(Homo sacer II, 1), Idea Design & Print, Cluj, 2008.
175 Concernant la clause d’exception dans le droit international privé, voir A. Bucher, “La clause d’exception dans
le contexte de la partie générale de la LDIP” dans 21ème Journée de droit international privé – 20 mars 2009; T.
Hirse,
Die Ausweichklausel im Internationalen Privatrecht, Tübingen 2006; P. Rémy- Corlay, Mise en œuvre et
régime procédural de la clause d'exception dans les conflits de lois
, la Revue critique 2003, p. 37-76; H. Gaudemet-
Tallon,
“Le pluralisme en droit international privé: richesses et faiblesses (Le funambule et l’arc-en-ciel)”,RCADI
312 (2005), p. 9-488 (327-338); J. D. González Campos, “Diversification, spécialisation, flexibilisation et
matérialisation des règles de droit international privé”, RCADI
287 (2000), p. 9-426 (253-262, 297-303); P.
Lagarde,
“Le principe de proximité dans le droit international privé contemporain”, RCADI 196 (1986-I), p. 9-237
(97-126); U. Blaurock, Vermutungen und Ausweichklausel in Art. 4 EVÜ, dans Festschrift für Hans Stoll, Tübingen
2001, p. 463-480.
86


Page 88
le législateur: ’’sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à l'ensemble
d'une succession est celle de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment
de son décès.’’ (article 21 (1)). Une disposition dérogatoire est indiquée, dans ce sens, à l’article
30: ’’lorsque la loi de l'État dans lequel sont situés certains biens immobiliers, certaines
entreprises ou d'autres catégories particulières de biens comporte des dispositions spéciales qui,
en raison de la destination économique, familiale ou sociale de ces biens, imposent des
restrictions concernant la succession portant sur ces biens ou ayant une incidence sur celle-ci,
ces dispositions spéciales sont applicables à la succession dans la mesure où, en vertu de la loi
de cet État, elles sont applicables quelle que soit la loi applicable à la succession.’’
En guise de conclusion, suite à l’application de la clause d’exception stipulée par le
Règlement à l’alinéa 2 de l’article 21, la loi applicable à la succession du défunt sera, en
l’espèce, la loi successorale roumaine.
6. Un ressortissant roumain, après avoir passé 25 ans à Malaga (Espagne) où se trouvaient
sa résidence habituelle et son emploi, pense à retourner en Roumanie, 3 mois le
séparant de sa retraite. À cette fin, il vend les propriétés immobilières qu’il détenait à
Malaga et achète une maison à Deva (Roumanie). Sa famille (son épouse et leurs deux
filles) retourne en Roumanie, s’y établissant. Il décède entre temps, sans avoir pu
s’établir effectivement en Roumanie. Quelle loi régira la succession?
Il résulte, en l’espèce, vu les particularités y présentes, que la dernière résidence habituelle
du défunt se trouvait, au moment du décès, à Malaga, localité où il avait habité, sans la moindre
interruption, avec sa famille, pendant 25 ans et où se trouvait son emploi.
Bien que l’intention du testateur de changer de résidence soit incontestable, le
déménagement n'a plus eu lieu en raison du décès impromptu; à la date de son décès, sa
résidence habituelle se trouvait donc en Espagne. En vertu de l’article 21, premier alinéa du
Règlement, sa succession devrait être régie par le droit espagnol – la loi de la dernière résidence
habituelle.
Toutefois, vu que tous les biens significatifs composant le patrimoine successoral sont
situés en Roumanie, que la résidence habituelle de sa famille se trouvait, au moment de
l’ouverture de la succession, en Roumanie, il serait raisonnable d’apprécier que les liens les plus
étroits du testateur, à la date de son décès, étaient avec la Roumanie, l’État où il allait s’établir si
le décès n’était pas survenu.
En conséquence, pourra être appliquée, d’office ou à la demande des héritiers, par
l’instance (ou bien par le notaire public), suite à une analyse des circonstances, la
clause
d’exception
stipulée à l’article 21, alinéa 2, qui prévoit que ’’lorsque, à titre exceptionnel, il
résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt
présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui dont la loi serait
applicable en vertu du paragraphe 1, la loi applicable à la succession est celle de cet autre
État.
’’
Il s’agit donc, ainsi que nous le constatons, d’une situation exceptionnelle consistant à
écarter la loi théoriquement compétente pour régir la dévolution et le transfert successoraux (la
loi de la dernière résidence habituelle du testateur), situation exceptionnelle justifiée en raison
de la proximité avec le droit d’un État autre que celui de la dernière résidence habituelle.
L’élimination de cette loi théoriquement compétente ne se produit pas en raison de son contenu
(ainsi qu’il arrive lorsque l’ordre public est invoqué en droit international privé – article 35 du
Règlement
176) mais en raison des liens ’’plus étroits’’ avec un État autre que celui sur le
176 Selon cet article, „L'application d'une disposition de la loi d'un État désignée par le présent règlement ne peut
être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l'ordre public du for.”
87




Page 89
territoire duquel se trouvait la dernière résidence habituelle du défunt, vu ’’toutes les
circonstances du cas’’.
Nous nous trouvons dans une situation contraire à celle antérieure (nº 5), où la résidence
habituelle était récemment établie, peu de temps avant le décès, le testateur ayant des liens
manifestement plus étroits avec l’État de son ancienne résidence habituelle. Ici, en échange, il
est question d’une résidence habituelle ’’incontestable’’, les liens plus étroits avec la loi d’un
autre État étant justifiés par l’intention explicite du testateur de s’établir dans l’État d’origine (la
Roumanie), lieu où se trouvent, à la date du décès, tous les biens composant le patrimoine
successoral.
Nous attirons cependant l’attention sur le fait que l’utilisation de cette clause, tout comme
il résulte de la signification de sa dénomination, ne doit pas devenir une habitude, surtout
lorsque, en raison des locations multiples du testateur, la détermination de sa résidence
habituelle devient difficile. Ainsi que la partie finale du considérant 25 l’indique, ’’
les liens
manifestement les plus étroits ne devraient toutefois pas être invoqués comme facteur de
rattachement subsidiaire dès que la détermination de la résidence habituelle du défunt au
moment de son décès s'avère complexe.
’’ Autrement dit, la clause d’exception n’est pas
subsidiaire à la norme conflictuelle, étant exceptionnelle par rapport à celle-ci
, compte tenu de
l’ensemble des circonstances du cas, qui identifient un plus fort lien de proximité avec un État
autre que celui de la dernière résidence habituelle.
La clause d’exception s’applique, certes, exclusivement à la détermination de la loi
applicable, son incidence au niveau de la détermination de la compétence internationale étant
formellement exclue.
177
L’application de la clause pourrait être envisagée, par exemple, ’’dans le cas d’un député
ou d’un consul décédé dans le pays où il était au poste depuis plusieurs années. Bien que la
résidence habituelle semble être celle du pays où il est décédé, la loi de l’État l’ayant envoyé
s’appliquera, étant raisonnablement concevable que la personne concernée maintînt des liens
plus étroits avec cet État. Mais ne pourrions-nous pas dire que, dans ce cas, le diplomate a gardé
sa résidence habituelle dans l’État d’origine? Si nous acceptions une telle supposition, la clause
d’exception s’avérerait inutile. En même temps, le problème de la ’’dislocation’’ de l’unité du
critère visant la détermination de la compétence et de la loi successorale applicable
demeurerait.’’
178
7. Un ressortissant roumain (d’origine hongroise), dont la résidence habituelle et tous les
biens se trouvent en Roumanie, choisit, par clause testamentaire, le droit hongrois pour
l’ensemble de sa succession même si, à la date de la rédaction du testament, il ne
possédait pas la nationalité hongroise. Il l’acquiert trois mois plus tard et décède peu
après. Quelle loi régira la succession?
Le Règlement consacre l’autonomie de volonté en matière successorale, en permettant le
choix de la loi successorale applicable. En vertu de l’article 22, la personne qui teste ’’
peut
choisir comme loi régissant l'ensemble de sa succession la loi de l'État dont elle possède la
nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès.
’’ Bien qu’il ne soit pas
question d’une autonomie de volonté étendue mais plutôt limitée, encadrée, la permission de
choisir la loi successorale applicable est en mesure de conférer plus de prédictibilité pour ce qui
est de la loi applicable en matière successorale, en évitant ainsi les incertitudes inhérentes
177 Selon P. Lagarde, “Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions”, dans la Revue
critique de droit international privé, 101 (4), 2012, p. 700; A. Bonomi, dans
op. cit., p. 291; H. Gaudemet-Tallon,
“Les règles de compétence judiciaire dans le règlement européen sur les successions”, dans G. Khairallah et M.
Revillard (éd.),
Droit européen des successions internationales. Le Règlement du 4 juillet 2012, Defrénois, 2013,
p. 129.
178 Ibidem, p. 701.
88




Page 90
concernant la détermination du lieu de la dernière résidence habituelle, surtout lorsque le
testateur résidait successivement, pour des périodes différentes, dans plusieurs États membres.
De plus, l’avantage du choix de la loi applicable (
professio juris) maintient la loi applicable (la
loi choisie) malgré les changements pouvant survenir au sujet du déménagement de celui qui
planifie, de manière anticipée, sa succession, du moment de la rédaction du testament (ou du
pacte successoral) jusqu’au au moment de son décès. Ainsi que nous venons de montrer, la
stabilité de la loi applicable, garantie suite au choix fait, est en mesure de favoriser la libre
circulation des personnes, les déménagements successifs n’affectant pas les règles successorales
applicables
179. De cette manière, l’exercice du choix facilite ’’le recours aux mécanismes
d’anticipation successorale’’180, en stimulant l’établissement de tels actes qui, en vertu des
dispositions applicables de la loi choisie, sont protégés face au risque de modification de la loi
applicable.
Si une personne possède plusieurs nationalités, elle pourra choisir comme loi successorale
applicable la loi ’’
de tout État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou
au moment de son décès.
’’ (article 22, premier alinéa, partie finale).
En conséquence, nous constatons, en l’espèce, que le testateur, qui ne possédait pas la
nationalité hongroise au moment du choix de la loi, la détenait en échange au moment de sa
mort. De plus, ce choix a été fait explicitement, revêtant la forme d’une disposition à cause de
mort (article 22, alinéa 2).
La succession sera donc régie par le droit successoral hongrois, en raison du choix fait
dans ce sens par le testateur.
La question qui pourrait se poser concerne la possible incidence de la fraude à la loi181,
dans la mesure où il serait considéré qui l’acquisition d’une deuxième (troisième) nationalité
aurait exclusivement visé le fait de soumettre la succession à la loi successorale de l’État en
question, vue comme plus favorable au testateur. Nous sommes d’avis, selon la doctrine
juridique de date récente
182 et
l’Union
jurisprudence de
la Cour de
justice de
la
179 A. Bonomi, dans op. cit., p. 302.
180 Ibidem.
181 Dans la célèbre affaire Bauffremont, qui a marqué la théorie de la fraude à la loi dans le droit français, la Cour de
cassation française a décidé, par la décision du 18 mars 1878, que l’obtention de la nationalité allemande par la
princesse de Bauffremont suite à sa naturalisation dans le duché de Saxe-Altenburg, en profitant de la séparation de
corps obtenue le 1er août 1874 par rapport à son mari, le prince de Bauffremont, a été faite exclusivement dans le
but d’éluder les dispositions de la loi française qui ne permettaient pas à cette époque le divorce:
“il a [… ] constaté
en fait que [… ] la demanderesse avait sollicité et obtenu cette nationalité nouvelle, non pas pour exercer les droits
et accomplir les devoirs qui en découlent, en établissant son domicile dans l’Etat de Saxe-Altenbourg, mais dans le
seul but d’échapper aux prohibitions de la loi française en contractant un second mariage, et d’aliéner sa nouvelle
nationalité aussitôt qu’elle l’aurait acquise; qu’en décidant, dans ces circonstances, que des actes ainsi faits en
fraude à la loi française et au mépris d’engagements antérieurement contractés en France n’étaient pas opposables
au prince de Bauffremont, l’arrêt attaqué a statué conformément au principe de la loi française sur l’indissolubilité
du mariage, et n’a violé aucune des dispositions de la loi invoquées par le pourvoi; Par ces motifs— Rejette”
(soulignement ajouté par l’auteur Dan Andrei Popescu). Sur cette décision, y compris le commentaire, voir B.
Ancel, Y. Lequette,
Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 5ème édition,
Dalloz, 2006, p. 47-59.
182 G. Khairallah, “La détermination de la loi applicable à la succession”, dans G. Khairallah et M. Revillard (éd.),
Droit européen des successions internationales. Le Règlement du 4 juillet 2012, Defrénois, 2013, p. 55; A
Bonomi, dans op. cit., p. 307-308; A. Davi, “Il nuovo diritto internazionale delle successioni nell’Uniune
Europea”
dans Cuadernos de Derecho Transnacional (Octobre 2013), vol. 5, nº 2, p. 40: “almeno nell’ipotesi in cui
una o più delle cittadinanze concorrentemente possedute fossero cittadinanze di paesi membri dell’Unione,
un’interpretazione tendente a restringere la possibilità di avvalersi a volontà di ciascuna di esse sarebbe stata
incompatibile con la consolidata giurisprudenza della Corte di giustizia, che nega l’ammisibilità sia del rifiuto di
riconoscere gli effetti del loro possesso nei rapporti tra paesi membri sia dell’ introduzione di qualsiasi ordine di
preferenza tra le stesse. E’ peraltro vero che la soluzione liberale adottata dal regolamento può consentire la
scelta della legge di uno Stato con cui l’interessato non abbia mantenuto che scarsi legami, come ad esempio è
avvenuto nel noto caso svizzero Hirsch c. Cohen.”
89


Page 91
européenne/CJUE183, que l’exercice frauduleux du choix n’est pas à prendre en considération
car la loi choisie ne présente pas des liens de rattachement à la succession.
La simple possession
d’une ou de plusieurs nationalités permet à la personne de choisir de manière discrétionnaire
entre ces nationalités, la loi successorale pouvant appartenir à n’importe lequel des États dont
elle possède la nationalité, soit au moment de l’exercice du choix soit au moment du décès
. Il
s’agit donc d’un
droit potestatif du testateur lui permettant de choisir n’importe laquelle des lois
successorales appartenant aux États dont il possède la nationalité. La possession de la nationalité
suffit, la démonstration de son ’’effectivité’’ n’étant pas requise
184. Par conséquent, la décision
de la Cour de cassation française dans l’affaire
Bauffremont est caduque et non applicable
aujourd’hui, étant contraire à l’esprit de l’égalité des nationalités promu par la Cour de justice de
l’Union européenne/CJUE. Il s’agit donc d’un changement radical de la perspective dans le
contexte des nouvelles évolutions et réalités européennes.
Que se passe-t-il si, suite à l’exercice du choix, les autorités de l’État dont la loi a été
choisie retirent cette nationalité en raison de son acquisition frauduleuse? Les conséquences de
cette situation affecteront-elles la validité du choix antérieur, se produiront-elles donc
ex tunc ou
seulement
ex nunc? En principe, le fait de retirer la nationalité acquise produit des effets futurs,
n’affectant pas l’application de la loi nationale choisie. Néanmoins, en cas d’acquisition
frauduleuse
185, la sanction étant l’annulation, nous sommes d’avis que les effets se produiront ex
tunc
, avec l’invalidation de la loi ainsi choisie pour conséquence.
183 CJCE, le 16 juillet 2009, cause C-168/08, Hadadi, dans laquelle, dans le contexte de l’application du Règlement
Bruxelles II bis, la Cour a décidé que, au cas où les conjoints qui ont introduit l’action de divorce possèdent (les
deux) la nationalité des mêmes États membres,
“l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2201/2003
s’oppose à ce que la compétence des juridictions de l’un de ces États membres soit écartée au motif que le
demandeur ne présente pas d’autres liens de rattachement avec cet État. Au contraire, les juridictions des États
membres dont les époux possèdent la nationalité sont compétentes en vertu de cette disposition, ces derniers
pouvant saisir, selon leur choix, la juridiction de l’État membre devant laquelle le litige sera porté.”
184 En faisant référence au critère de la résidence habituelle commune des conjoints comme facteur attributif de
compétence internationale en matière de divorce, séparation de corps et annulation du mariage, en vertu du
Règlement
Bruxelles II bis, la Cour a statué que “Toutefois, rien dans le libellé dudit article 3, paragraphe 1, sous
b), ne laisse entendre que seule la nationalité «effective» peut être prise en considération aux fins de la mise en
œuvre de cette disposition. En effet, celle-ci, en tant qu’elle fait de la nationalité un critère de compétence,
privilégie un élément de rattachement univoque et facile à mettre en application. Elle ne prévoit pas d’autre critère
afférent à la nationalité, tel que, notamment, l’effectivité de cette dernière.”
(CJCE, le 16 juillet 2009, cause C-168,
Hadadi, point 51). De plus, “une interprétation en vertu de laquelle seule une nationalité «effective» serait
susceptible d’être prise en considération aux fins de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2201/2003 ne
saurait trouver un fondement dans les finalités de cette disposition ou le contexte dans lequel elle s’insère.”
(Idem,
point 52). À la fois, dans la même cause
Hadadi, la Cour précise qu’ ”En effet, d’une part, une telle interprétation
(soit la prise en compte de la nationalité „effective” note de l’auteur Dan Andrei Popescu) aurait pour effet de
restreindre le choix par des justiciables de la juridiction compétente, notamment dans le cas de l’exercice du droit
de la libre circulation des personnes.”
(Idem, point 53). Voir aussi CJCE, 7 juillet 1992, C-369/90, Micheletti;
cause C-148/02, 2 octobre 2003,
Garcia Avello: “It is not permissible for a Member State to restrict the effects of
the grant of the nationality of another Member State by imposing an additional condition for recognition of that
nationality with a view to the exercise of the fundamental freedoms provided for in the Treaty”
(point 28).
185 Concernant la sanction applicable dans le cas de la fraude à la loi, il n’existe pas un point de vue unitaire.
Certains auteurs considèrent que les actes frauduleux sont frappés par la nullité (voir H. Batiffol, P. Lagarde,
Droit
international privé,
tome 1, 8ème édition, nº 375), tandis que d’autres estiment que la sanction doit être
l’inopposabilité de l’acte frauduleux (J.-P. Niboyet,
Traité de droit international privé français, tome 3, nº 5 1090,
idem, Cours de droit international privé, Recueil Sirey, 1947, nº 540, p. 541-542. Plus récemment, pour une ample
étude dédiée à la fraude en matière de nationalité, voir P. Lagarde,
“La fraude en matière de nationalité” dans
Mélanges en l’honneur du Professeur Bernard Audit. Les relations privées internationales, LGDJ, éditions
Lextenso, 2014, p. 511-523. Le Professeur Paul Lagarde distingue, en ce qui concerne la fraude en matière de
nationalité, entre la fraude réalisée par la falsification des documents d’état civil (
la fraude documentaire) - lorsque
“la fraude est avérée” – et celle par la simulation des actes de droit privé, lorsque l’intention de fraude est difficile
à prouver, existant la grande tentation de recourir à des présomptions de fraude, avec les dangers qu’elles
comportent; concernant les sanctions de la fraude, Prof. Lagarde distingue entre les sanctions qui concernent
l’auteur de la fraude, d’un côté et la répercussion sur des tiers, de l’autre côté. Si, dans le premier cas, les sanctions
90


Page 92
En guise de conclusion, nous précisons que l’exercice frauduleux du droit de choisir la loi
successorale applicable n’est pas à envisager chaque fois que le choix du testateur s’encadre
dans les limites d’option stipulées à l’article 22, premier et second alinéa du Règlement: la loi de
n’importe quel État dont le testateur possède la nationalité soit au moment du choix de la loi soit
à la date du décès.
186
Le fait que l’acquisition d’une nationalité se serait réalisée dans le but unique de soumettre
la succession à la loi de l’État en question ne peut pas être qualifié de manœuvre frauduleuse
visant à soustraire la succession à la loi de l’État dont la loi se serait appliquée en absence de
l’acquisition de ladite nationalité. Il n’est donc pas question, en principe, d’une fraude à la loi
dans le droit international privé actuel, en cette matière, même s’il s’agit de la nationalité d’un
État tiers187, ’’même si la loi choisie ne prévoit pas de choix de la loi en matière de succession.’’
(considérant 40). Nous pourrions, éventuellement, parler d’une fraude commise dans le domaine
du droit national de l’État dont la législation relative à l’acquisition de la nationalité a été
transgressée, dans la mesure où le testateur, en ne remplissant pas les conditions requises pour
l’acquisition de la nationalité, se sert de documents d’état civil fictifs ou de manœuvres
frauduleuses afin d’acquérir, de manière illégale, la nationalité de l’État concerné. La fraude
vise la loi interne de l’État en question (fraude à la loi dans le droit interne) mais ses effets se
reflètent au niveau du conflit de lois.
sont drastiques (la nullité, y compris des sanctions de nature pénale), dans le deuxième cas, les effets de la fraude
peuvent être atténués concernant les tiers. Par exemple, la Cour de cassation française a établi que
“l’annulation
d’une déclaration de nationalité française ne produit aucun effet sur la nationalité de l’enfant du déclarant devenu
majeur”
(Cass. civ. 1re, le 10 mai 2007, n0 04-17022, Bull civ. I, n0 177, apud P. Lagarde, op. cit., p. 523. Voir aussi
B. Audit,
La fraude à la loi, Dalloz, Bibliothèque de droit international privé (préface par Y. Loussouarn), 1974.
186 Le règlement contient pourtant une référence générale à la fraude à la loi au considérant 26, en stipulant que
l’application du Règlement
“ne devrait empêcher une juridiction d'appliquer les mécanismes destinés à lutter
contre la fraude à la loi, par exemple dans le cadre du droit international privé”.
Nous considérons néanmoins que
l’hypothèse est plutôt théorique (“le choix de loi peut théoriquement être écarté comme contraire à l’interdiction de
la fraude à la loi et de l’abus de droit. (…) Compte tenu du fait que le choix de la loi applicable à la succession a
pour but d’assurer la prévisibilité et la stabilité de la loi applicable,
il est peu probable qu’un tel choix puisse être
considéré comme abusif pour la seule et simple raison que la personne concernée a des liens faibles avec l’Etat
dont la loi a été choisie. En effet, la prise en compte de l’intensité des liens est susceptible de créer une grave
incertitude quant à la validité du choix, ce qui est difficilement compatible avec les objectifs de l’article 22.
” – A.
Bonomi, dans
op. cit., p. 332, soulignement ajouté par Dan Andrei Popescu). Le Professeur Bonomi offre un
possible exemple de choix abusif de la loi applicable à la succession, celui fait par des immigrants de la deuxième
et la troisième génération qui, en gardant la nationalité de l’État d’origine de la famille dont ils proviennent,
choisissent sa loi comme applicable à leur succession, même s’ils n’ont gardé aucun lien avec cet État. L’hypothèse
est quand même discutable surtout que, selon la jurisprudence pertinente de la Cour de Luxembourg, on ne
demande pas la condition de „l’effectivité” de la nationalité, soit des liens forts entre l’État de nationalité dont la loi
a été choisie et la personne en cause. Par exemple, dans la cause Hadadi (C-168/08, la Décision du 16 juillet 2009
CJCE) la Cour a statué - dans le contexte de l’interprétation de l’article 3, premier alinéa, lettre (b) du Règlement
Bruxelles II bis - que la saisine de l’une des juridictions de l’État dont les conjoints détiennent la nationalité ne peut
pas être considérée comme abusive „
même en l’absence de tout autre lien de rattachement avec cet État membre”
(point 57). En outre, l’obtention d’une nationalité dans le but exclusif de soumettre la succession de la loi à cet État
est une circonstance difficile à prouver. La fraude à la loi serait basée sur le choix „intéressé” de la loi successorale
plus avantageuse appartenant à l’un des éÉtats dont le testateur possède la nationalité, en absence de liens de
proximité, autres que la nationalité, avec cet État-là. Dans ces conditions, la fraude à la loi constituerait un moyen
de correction basé sur l’idée de proximité. La clause d’exception a la même finalité, en permettant la soumission de
la succession à la loi d’un autre État que celui de la dernière résidence habituelle de l’auteur de la succession,
lorsque „( ... ), il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt
présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui dont la loi serait applicable en vertu du
paragraphe 1, la loi applicable à la succession est celle de cet autre État
.” (art. 21, alinéa 2). Seulement que cela
(cette „correction”) n’est pas possible lorsque l’auteur de la succession a choisi la loi applicable à celle-ci (A.
Bonomi,
op. cit., p. 293). Et alors, pourquoi cela serait-il possible par le biais de la fraude à la loi?
187 Le choix peut aussi concerner la loi d’un État tiers ou d’un État membre où le Règlement n’est pas applicable (le
Danemark, l’Italie, le Royaume-Uni). Voir aussi G. Khairallah,
“La détermination de la loi applicable à la
succession”, dans G. Khairallah et M. Revillard (éd.), Droit européen des successions internationales. Le
Règlement du 4 juillet 2012, Defrénois, 2013, p. 55.
91


Page 93
Le Règlement a créé un équilibre entre, d’une part, la volonté du testateur, en statuant
l’autonomie de volonté afin de stimuler la planification successorale fondée sur la loi choisie et
la prédictibilité de la loi qui s’appliquera à la succession et, d’autre part, les intérêts des héritiers,
en limitant les options du testateur aux lois des États dont il possède la nationalité (à la date du
choix ou à la date de l’ouverture de la succession), en décourageant ainsi l’exercice ’’abusif’’ du
choix.
D’ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE s’est montrée particulièrement
réticente au sujet de l’admission inconditionnelle de la possibilité d’éviction de la loi applicable
en raison de la fraude à la loi ou de l’abus de droit, surtout à cause du risque d’incertitude,
notamment lorsque la personne se sert des libertés conférées par le droit européen188. Ainsi, tel
qu’il a été montré, “(l)’individu acquiert une dimension autonome au plan transnational. Il
résulte de cette consécration de l’autonomie que chaque situation ou rapport juridique n’est pas
forcément rattaché à un seul ordre juridique mais rayonne et peut être appréhendé par
plusieurs. Il en résulte également que l’hypothèse de l’autonomie participe à un besoin de
réglementation d’un rapport par la collaboration des ordres juridiques concernés, sans porter,
autant que possible, atteinte à la cohérence du rapport privé.”
189
8. Un ressortissant roumain décédé, dont la dernière résidence habituelle (le domicile à la
fois) se trouvait à Londres, avait rédigé un testament comprenant deux legs à titre
universel: l’un en faveur de son épouse et l’autre en faveur de sa deuxième fille (il
léguait à son épouse ½ de ses propriétés immobilières ainsi que tous ses comptes
bancaires et à sa fille ½ de la masse successorale immobilière). Sa fille du premier
mariage est instituée légataire à titre particulier, et le testateur lui lègue l’appartement
situé à Sighişoara (Roumanie). Le patrimoine successoral comporte deux appartements
et une maison à Londres (Royaume-Uni), un appartement à Cologne (Allemagne), un
appartement à Sighişoara (Roumanie) et plusieurs comptes bancaires. Quelle loi régira
la succession?
L’autorité successorale roumaine saisie – habilitée en vertu de l’article 10, premier alinéa,
lettre a) du Règlement – partira, en l’espèce, de la règle générale stipulée à l’article 21, premier
alinéa du Règlement, selon lequel ’’
la loi applicable à l'ensemble d'une succession est celle de
l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.
’’ Elle
appliquera, par conséquent, le droit anglais à la succession mobilière et à la succession
immobilière comportant les deux appartements et la maison se trouvant à Londres, et, comme
résultat du renvoi par le droit anglais, la loi allemande à l’appartement situé à Cologne,
respectivement la loi roumaine à l’appartement situé à Sighişoara.
Ainsi, vu que la résidence habituelle du testateur se trouve, au moment du décès, sur le
territoire d’un État où le Règlement n’est pas applicable, la succession est divisée quant à la loi
applicable, contrairement au principe de l’unité successorale consacré par le Règlement.
Le Règlement attribue la compétence de réglementation de l’ensemble de la succession au
droit anglais (en tant que loi de la dernière résidence habituelle du défunt), celui-ci accepte la
compétence en matière successorale pour ce qui est des biens mobiliers (vu que le dernier
188 Pour des détails voir S. Vrellis, “«Abus» et «fraude» dans la jurisprudence de la Cour de justice des
Communautés européennes”,
dans Liber amicorum Helène Gaudemet-Tallon, Dalloz, Paris, 2008, p. 646: “ces
quelques arrêts de la CJCE auraient laissé au lecteur, on dirait que si la Cour n'a pas manque d'ériger la sanction
de l'abus et de la fraude en principe général de l'ordre juridique communautaire, elle s'est néanmoins souvent
montrée hésitante à appliquer systématiquement ce principe dans les cas dont elle fut saisie, ce qui risque de ne pas
rendre suffisamment «efficace» un principe en soi «généreux»”.

189 C. Pamboukis, “La renaissance-métamorphose de la méthode de reconnaissance”, Revue critique de droit
international privé (Rev. crit. DIP), 2008, vol. 97, pp. 513-560, p. 527.
92




Page 94
domicile du défunt se trouvait à Londres190) et des biens immobiliers se trouvant au Royaume-
Uni mais
renvoie, quant aux autres immeubles, à la loi de l’État sur le territoire duquel se
trouvent les biens respectifs. Il s’agit d’un renvoi au premier degré (
Rückverweisung) à la loi
allemande (pour l’appartement situé à Cologne), respectivement à la loi roumaine (pour
l’appartement situé à Sighişoara).
Ainsi, en vertu de l’article 34, premier alinéa, ’’lorsque le présent règlement prescrit
l'application de la loi d'un État tiers, il vise l'application des règles de droit en vigueur dans cet
État, y compris ses règles de droit international privé, pour autant que ces règles renvoient: a) à
la loi d'un État membre; ou b) à la loi d'un autre État tiers qui appliquerait sa propre loi.
’’
En l’espèce, comme les deux immeubles sont situés sur le territoire de deux États
membres (autres que le Royaume-Uni), nous nous trouvons dans la situation stipulée à l’article
34, premier alinéa, lettre a), le renvoi disposé par la norme conflictuelle anglaise visant
(partiellement) le droit allemand, respectivement le droit roumain.
Par conséquent, la succession du défunt sera divisée quant à la loi applicable: la
dévolution, le transfert et le partage de la masse mobilière ainsi que des immeubles situés à
Londres seront régis par le droit successoral anglais (en tant que loi de la dernière résidence
habituelle du point de vue du Règlement et en tant que loi du dernier domicile du défunt du
point de vue du droit international privé anglais), tandis que la dévolution, le transfert et le
partage de l’appartement situé à Cologne seront régis par la loi allemande et la dévolution, le
transfert et le partage de l’appartement situé à Sighişoara par le droit successoral roumain – dans
ces deux cas, en tant qu’effet du renvoi disposé par le droit anglais à la loi du lieu où se trouvent
les immeubles en question (
lex rei sitae), renvoi admis.
9. Un ressortissant anglais, dont la dernière résidence habituelle se trouve à Tokyo, lègue
deux immeubles, l’un situé à Târgu-Mureş, l’autre à Orăştie. Quelle loi régira la
succession du défunt?
La juridiction roumaine saisie en vue du règlement de la succession, habilitée en vertu de
l’article 10, alinéa 2 du Règlement, résoudra le conflit de lois en partant de la règle de la
dernière résidence habituelle du testateur (article 21, premier alinéa), qui envoie au droit
japonais. La norme conflictuelle japonaise, en soumettant la succession à la loi nationale du
testateur, renvoie à la loi du testateur, donc au droit anglais (renvoi au premier degré -
Rückverweisung) qui, à son tour, vu la nature immobilière du patrimoine successoral, renvoie au
droit roumain (renvoi au second degré - Weiterverweisung). Suite à ce renvoi, la juridiction
appliquera le droit successoral roumain à cette succession.
Nous remarquons, à ce sujet, que, à la différence du cas antérieur (nº 8), l’admission du
renvoi
191 ne mène pas à la division de la succession du point de vue de la loi successorale
applicable mais au renforcement de son unité. La loi roumaine régira la dévolution et le transfert
successoraux des deux immeubles. En outre, nous constatons une certaine unité entre la
juridiction compétente (celle roumaine) et la loi que celle-ci applique (le droit successoral
roumain).

10. Deux époux, ressortissants anglais dont la résidence habituelle se trouve au Liban et le
domicile, selon la loi anglaise, au Royaume-Uni (
domicile of origin), rédigent, devant
190 À la différence du concept de résidence habituelle, la qualification du domicile se fait ayant comme repère le
système de droit interne appartenant à l’État sur le territoire duquel on invoque le domicile. Par la suite, le fait
d’établir si le testateur et les personnes dont la succession est visée par le pacte successoral ont eu le domicile dans
un certain État est réglementé par la loi de l’État respectif (art. 26, premier alinéa du Règlement (UE) nº 650/2012).
191 Concernant le renvoi, voir A. Davi, “Le renvoi en droit international privé contemporain” dans Recueil des
cours, t. 352 (2012), p. 347 et la suite; P. Lagarde, “Les principes de base du nouveau règlement européen sur les
successions”, dans Rev. crit. DIP, 101 (4), 2012, p. 704-706.
93





Page 95
un notary public anglais, un testament mutuel (mutual will) concernant deux
immeubles (Exeter, Royaume-Uni) et un compte bancaire dans une banque
londonienne. Ils s’établissent par la suite à Braşov, en Roumanie, où se trouvera
dorénavant leur résidence habituelle. Suite au décès de l’un d’eux, est soulevé, devant
la juridiction roumaine (compétente en vertu de l‘article 4 du Règlement) le problème
de la validité de ce testament mutuel, testament considéré valide par le droit anglais.
Quid juris?
Peut ce testament être pris en considération par la juridiction roumaine saisie en vue du
règlement de la succession?
La juridiction roumaine sera tenue, en premier lieu, de définir la nature du testament, en
vertu de l’article 3 du Règlement. Selon l’article 3, premier alinéa, lettre b), les testaments
mutuels sont assimilés, du point de vue de leur nature juridique, aux pactes successoraux:
’’
«pacte successoral», un accord, y compris un accord résultant de testaments mutuels192, qui
confère, modifie ou retire, avec ou sans contre-prestation, des droits dans la succession future
d'une ou de plusieurs personnes parties au pacte
’’.
Dans ces circonstances, sera vérifiée la validité du testament mutuel en vertu de l’article
25, alinéa 2, selon lequel ’’
un pacte successoral qui concerne la succession de plusieurs
personnes n'est recevable que s'il l'est en vertu de chacune des lois qui, conformément au
présent règlement, aurait régi la succession de chacune des personnes concernées si elles
étaient décédées le jour où le pacte a été conclu.
’’
Par la suite, l’admissibilité du testament mutuel, assimilé par le législateur européen aux
pactes successoraux, est régie par la loi successorale anticipée (
Errichtungsstatut ou
hypothetisches Erbstatut) applicable à la succession des époux si ceux-ci avaient décédé le jour
de la rédaction du testament. Autrement dit, dans la situation en question, en absence d’un choix
de la loi successorale applicable, s’appliquera la loi de la résidence habituelle des époux au
moment de la rédaction du testament – respectivement la loi libanaise (qui interdit, à la fois, les
testaments mutuels et les pactes successoraux
193). Toutefois, la norme conflictuelle libanaise
soumet la succession à la loi nationale du testateur
194, par renvoi à la loi anglaise (renvoi au
second degré -
Weiterverweisung), renvoi admis195, en aboutissant à l’application, du point de
192 De la perspective du Règlement, les testaments sont qualifiés comme étant réciproques (ou mutuels) lorsqu’ils
supposent un accord entre les disposants (les testateurs); en absence d’un tel accord, ils seront conjonctifs (non
mutuels). Les premiers sont assimilés aux pactes successoraux, étant soumis par rapport à l’admissibilité et à la
validité aux dispositions de l’article 25, alors que pour les derniers on appliquera les dispositions prévues à l’article
24. Ainsi que l’on a montré, “la qualification des testaments mutuels dépend de l’existence d’un accord entre les
testateurs: il s’agit là d’une question de fait. Cet accord ne doit pas revêtir une forme particulière, ni même être
exprès: comme cela est admis dans les droits nationaux qui connaissent cette institution, l’accord peut ressortir de
manière implicite du contenu des dispositions (comme le dit l’article 3, premier alinéa, lettre b, l’accord peut «
résulter » de testaments mutuels); tel est le cas dans les systèmes de la
common law. En particulier, l’accord peut
être révélé par le lien d’interdépendance entre les (ou certaines) dispositions des testaments concernés (comme cela
est admis en droit allemand). En revanche, comme indiqué, l’unité d’acte n’est pas une condition pour les
testaments mutuels: des testaments séparés (
separate wills) peuvent être qualifiés de mutuels s’ils reposent sur un
accord ou s’ils contiennent des dispositions interdépendantes” (A. Bonomi, op. cit., p. 141). Voir aussi Dutta/
Herrler (éd.),
Die Europäische Erbrechtsverordnung – sous l’égide du Deutsches Notarinstitut, C. H. Beck, 2014,
p. 65.
193 Voir Ch. Hertel dans Limmer/Hertel/Frenz/Mayer (éd.), Würzburger Notarhandbuch, 3ème édition, C.
Heymanns, 2012, p. 2689.
194 Ibidem, p. 2656.
195 Nous observons que si dans le droit international privé roumain on admet traditionnellement seulement le renvoi
au premier degré (art. 2559, alinéa 2 du NCC), en matière successorale, à partir de la date de l’application du
Règlement (UE) nº 650/2012 (le 17 août 2015) on admettra aussi le renvoi au deuxième degré. La solution est
94






Page 96
vue de l’admissibilité du testament mutuel, de la loi anglaise, qui le considère admissible et
valide.
La juridiction roumaine saisie admettra donc le testament en l’espèce et tiendra compte
des effets dudit testament allant se produire au cours du règlement de la succession.
11. Deux époux, ressortissants roumains dont la résidence habituelle se trouve à Aix-a-
Chapelle (Allemagne), rédigent, devant un notaire public local, un testament
conjonctif par lequel ils s’instituent mutuellement comme héritiers. Ils reviennent en
Roumanie par la suite, en établissant leur nouvelle résidence habituelle à Oradea. Peu
de temps après, l’un d’eux décède, étant soulevé le problème de l’admissibilité de ce
testament.
Quid juris?
Le droit successoral roumain interdit le testament mutuel (conjonctif) en stipulant que
’’deux ou plusieurs personnes ne peuvent pas disposer, par un même testament, l’une en faveur
de l’autre ou en faveur d’un tiers’’ (article 1036 du nouveau Code civil), la sanction prévue étant
la nullité absolue du testament
196.
L’interdiction du testament conjonctif a été justifiée par la nécessité impérative de
maintenir le caractère unilatéral du document testamentaire et par la sauvegarde
tel quel du droit
discrétionnaire de révocation, le testament étant considéré, dans son essence, un acte
irrévocable
197. Le testateur ne peut donc pas renoncer à son droit de révoquer à tout moment son
testament ou de le modifier par la suite car, ainsi qu'il a été montré, la renonciation au droit de
révoquer son testament est définie en tant que pacte successoral, pacte interdit par la loi
198. ’’Le
testament doit être le résultat d’une seule volonté exprimée d’une telle manière et dans telles
conditions qu’il ne lui s’oppose aucun obstacle, de quelque nature que ce soit, entravant le droit
de s'en dédire par la suite. Le soin du législateur d’assurer le caractère de révocabilité des
dispositions testamentaires explique l’interdiction prévue à l’article 857 relative au testament
conjonctif, admis en droit romain. Ce testament conjonctif entrave, en raison du caractère
mutuel des dispositions, le droit de révocation dont dispose chacun des testateurs. La même
interdiction, s’appuyant sur le même argument, est présente à l’article 938 concernant les
donations entre époux (au dernier vivant) qui, par dérogation aux principes des donations entre
vifs, sont, par leur essence, révocables suivant le souhait du donateur. Est conjonctif, par la suite
nul, tout testament (soit olographe, soit mystique, soit authentique) par l’intermédiaire duquel
deux personnes joignent, dans un même unique contexte, les dispositions de leur dernière
volonté. Rien n’empêche cependant que deux personnes testent, dans leurs testaments, l’une en
faveur de l’autre ou qu’elles y introduisent des dispositions se complétant ou s’expliquant
réciproquement, il suffit que chacun des testaments, même si rédigés à la même date et sur la
même feuille de papier, constitue un acte juridique en soi, différent de l’autre’’ (
soulignement
ajouté par l’auteur Dan Andrei Popescu
). 199
justifiée, en assurant la coordination des systèmes de droit lorsque la succession présente des éléments de liaison
avec les États tiers, en facilitant de cette manière la reconnaissance de la solution prononcée dans le plan du conflit
des lois.
196 La même prohibition était consacrée par le Code civil de 1864, à l’article 857.
197 D. Alexandresco, L’explication théorique et pratique du droit civil roumain, tome IV1 (livre III, titre II), p. 20;
M. A. Dumitrescu,
Manuel de droit civil, Les successions et les donations (art. 644-942 du Code civil), “Viaţa
Românească” S.A., Bucarest, 1921, p. 340.
198 Vu que la révocabilité tient à l’essence du testament, il résulte que „pendant la vie du testateur, le testament n’est
qu’un projet, qu’il peut modifier à son gré. Le légataire n’a donc, jusqu’au décès du testateur, qu’un espoir, une
attente, parce que ce dernier n’a disposé que pour le temps quand il ne sera plus vivant.” (D. Alexandresco,
idem, p.
24).
199 Matei B. Cantacuzino, Les éléments du droit civil, éd. “Cartea Românească” S.A., Bucarest, 1921, p. 348-349.
95





Page 97
L’analyse de l’institution du testament conjonctif est néanmoins intéressante surtout du
point de vue du droit international privé. L’attitude des législateurs nationaux à son égard
diffère: certaines législations l’interdisent
200 tandis que d’autres le permettent expressément201.
Le problème que cette situation pose est de savoir en quelle mesure les testaments conjonctifs
200 La rédaction des testaments conjonctifs est interdite en France (art. 968 du Code civil). L’article 589 du Code
civil italien interdit également ces testaments:
“Non si può fare testamento da due o più persone nel medesimo atto,
nè a vantaggio di un terzo, nè con disposizione reciproca.”
(soulignement ajouté par l'auteur Dan Andrei
Popescu
); pour des détails voir R. Triola, Codice civile annotato con la giurisprudenza, Terza edizione, Giuffré
Editore, Milano, 2003, p. 385-386. On a la même interdiction à l’article 1717 du Code civil grec (de 1940), à
l’article 968 du Code civil belge, à l’article 372, alinéa 2 du Code civil albanais, à l’article 3618 du Code civil
argentin. Ce dernier dispose:
“Un testamento no puede ser hecho en el mismo acto, por dos ó más personas, sea en
favor de un tercero, sea á titulo de disposición reciproca y mutua.”
(soulignement ajouté par l'auteur Dan Andrei
Popescu
). Dans le même sens, voir aussi l’article 1630 du Code civil brésilien: “É proibido o testamento
conjunctivo, seja simultâneo, recíproco ou correspectivo”
; l’article 15 de la loi successorale bulgare (du 18 janvier
1949, modifiée à maintes reprises); l’article 1003, alinéa 2 du Code civil du Chili; l’article 669 du Code civil
espagnol:
“No podrán testar dos o más personas mancomunadamente, o en un mismo instrumento, ya lo hagan en
provecho recíproco, ya en beneficio de un tercero.”
(soulignement ajouté par l'auteur Dan Andrei Popescu). En
outre, l’article 733 du Code civil espagnol établit que l’on ne considère pas valables les testaments conjonctifs
rédigés par les Espagnols dans un pays étranger, même s’ils sont reconnus par les lois de la nation où ils sont
dressés:
“No será válido en España el testamento mancomunado, prohibido por el articulo 669, que los españoles
otorguen en país extranjero, aunque lo autoricen las leyes de la Nación donde se hubiese otorgado.”
Pour être
rigoureux il faut préciser qu’en Espagne on n’a pas une législation successorale unitaire. Sur le territoire de
l’Espagne coexistent, outre le système successoral du Code civil, 6 autres systèmes successoraux locaux (foraux),
correspondant aux territoires autonomes Catalogne, Galice, Aragon, Navarre, le Pays basque et les Îles Baléares. En
Aragon et en Galice les conjoints peuvent disposer
mortis causa par testament conjonctif (“testamento
mancomunado”
); le testament conjonctif est également permis en Navarre (“testamento de hermandad”) et au Pays
basque – les articles 49-52 de la Loi nº 1 du 1
er juillet 1992 concernant le droit civil foral du Pays basque
l’admettent entre conjoints. Pour des détails, voir J. D. González Campos dans
European Succession Laws (éd.
Hayton)
, 2ème édition, Jordans, Bristol, 2002, p.443; Ferid/Firsching, Internationales Erbrecht, Band VI,
C.H.Beck, 2003, p. 1-434; S. T. Escamez dans Lois Garb & Union Internationale du Notariat Latin (éd.),
International Succession, Kluwer Law International, 2001- (Espagne, p. 33); H.-P. Schömmer, D. Gebel,
Internationales Erbrecht. Spanien, C.H.Beck, Munich, 2003. Le testament conjonctif est inconnu aussi dans le
droit successoral tunisien, où - même s’il n’est pas interdit expressément (en n’étant pas mentionné), la conclusion
résulte de la formulation de l’article 171 du
Code de statut personnel du 13.08.1956 qui définit le testament comme
étant
“l’acte par lequel une personne transfère à titre gratuit, pour le temps où elle n’existera plus tout ou partie de
ses biens, en pleine propriété ou en usufruit.”
(soulignement ajouté par l'auteur Dan Andrei Popescu); d’ailleurs,
l’article 177 du même Code statue la révocabilité du testament. En outre, le testament conjonctif est interdit par §
975 du Code civil japonais (
Mimpō) du 21.06.1898, par l’article 704, alinéa 2 du Code civil du Québec, par l’article
968 du Code civil luxembourgeois, par l’article 977 du Code civil hollandais, en Pologne par l’article 74 du Décret
concernant les successions du 08.10.1946, respectivement l’article 842 du Code civil polonais - qui prévoit qu’un
testament peut comprendre seulement les dispositions d’un testateur. Le testament conjonctif est également prohibé
au Portugal - l’article 2179, premier alinéa du Code civil portugais considère le testament comme un acte unilatéral
et révocable (selon FA Ferreira Pinto dans
European Succession Laws (éd. Hayton), 2ème édition, Jordans, Bristol,
2002, p. 412). Voir aussi l'article 2311 du Code civil portugais.
201 Les testaments communs sont permis en Allemagne (§ 2265 du BGB – “gemeinschaftliches Testament”); en
Autriche
(§ 1248 ABGB); en Malte (le testament “unica charta”), Grande Bretagne (“joint will” / ”mutual will”,
voir Ferid/Firsching…, Band III, Großbritannien, p.67 et 127); Irlande (où l'on a aussi bien le testament
commun/”joint will” que le testament réciproque/”mutual will”), Israël (Ferid/Firsching…, Band III, Israël, p. 55);
Danemark (§ 47 et § 48 de la Loi successorale – nº 215 du 31 mai 1963 - parle de la révocation des testaments
conjonctifs); Norvège (§ 58 de la Loi successorale - nº 5 du 3 mars 1972 - qui distingue - du point de vue de la
possibilité de révocation par le conjoint survivant des dispositions testamentaires concernant le partage de l’héritage
aux héritiers légaux du survivant ou en faveurs des tiers); Suède (§ 7 de la Loi successorale, nº 637/1958 - qui
établit que la révocation ou la modification unilatérale des dispositions d’un testament mutuel mène à la perte du
droit de bénéficier de ce testament. Dans le droit suédois le testament conjonctif peut être signé par deux ou
plusieurs personnes - Ferid/Firsching,
op. cit., Band V, (2003), Schweden Grdz. G 39). Une position particulière
dans ce sens est celle du Code civil de Costa Rica, qui même s’il admet les testaments conjonctifs, permet à chaque
testateur à révoquer indépendamment la disposition
mortis causa. Dans ce sens, l’article 625 du Code civil de Costa
Rica prévoit: “Cuando dos o más personas testen en un mismo acto, cada una puede revocar independientemente
sus disposiciones.”
96


Page 98
rédigés sur le territoire des États les permettant peuvent être invoqués et reconnus dans des États
dont la législation les interdit.

a) La solution adoptée dans le droit international privé roumain.
Afin de trouver la solution aux problèmes mentionnés ci-dessus, en Roumanie, la doctrine
et la jurisprudence ont été forcées de déterminer, au préalable, la loi applicable au testament
conjonctif, respectivement de décider à quelle loi compétente se soumet ’’la nature du testament
conjonctif’’
202. Autrement dit, nous nous confrontons à un problème de qualification, de
détermination de la nature de l’interdiction visant les testaments conjonctifs: est-ce un aspect
concernant les règles substantielles du testament? Ou, tout au contraire, faut-il l’envisager
comme ayant trait à la dimension formelle? Selon la réponse à cette question, il pourra être
déterminé, par exemple, si un testament conjonctif rédigé à l’étranger, selon les lois étrangères
applicables, par deux ressortissants roumains, pourra être considéré valide en Roumanie.
L’interdiction du testament conjonctif a été qualifiée dans la doctrine majoritaire203, ainsi
que dans la jurisprudence
204, comme ayant trait à la forme205, à l’acte qui certifie, ce qui a
facilité la reconnaissance de tels testaments rédigés dans des États les permettant.
202 Pour des détails, voir D. A. Popescu, “Est la reconnaissance en Roumanie d’un testament conjonctif dressé à
l’étranger admissible?”
, dans P.R. nº 4/2004, p. 159 et suivantes.
203 M. B. Cantacuzino, Les éléments du droit civil, Ed. “Cartea Românească” SA, Bucarest, 1921, p. 348-349; D.
Chirică,
Traité de droit civil. Les succession et les libéralités, C. H. Beck, Bucarest, 2014, p. 248 (nº 585); R.
Meitani,
nationalité et le conflit des lois (cours), Bucarest, 1942, p. 388-389, qui estimait aussi qu’il faut admettre
„la seule conclusion logique, soit celle qu’un testament conjonctif fait par un Roumain à l’étranger doit être
considéré valable si le pays où il est rédigé admet cette forme. On ne peut pas avoir un raisonnement différent une
fois admise la règle “locus regit actum”, dans la matière particulière du testament, car il n’y a pas de doutes que, en
n’étant pas une question de capacité, on est amenés dans le domaine des questions de forme.” Voir aussi Fr. Deak,
Traité de droit successoral, la 2nde édition mise à jour et complétée, Universul Juridic, Bucarest, 2002, p. 181-182;
voir aussi M. Eliescu,
L’héritage et sa dévolution dans le droit RSR, éd. Academiei, Bucarest, 1966, p. 245-246;
idem, Cours de successions, Humanitas, Bucarest, 1997 (édition imprimée après la version lithographiée du cours,
de 1947); E. Safta-Romano,
Le droit d’héritage en Roumanie, vol. I, Ed. Graphix, Iaşi, 1995, p. 180-183.
204 Voir Trib. Timiş, Déc. civ. nº 1061/2001 et Déc. nº 2160 du 4 septembre 2001 de la Cour d’appel Timişoara, par
la décision nº 2160 du 4 septembre 2001, a maintenu la solution du Tribunal, considérant que l’interdiction du
testament conjonctif - imposée par l’article 857 du Code civil - doit être regardée comme une „
condition de forme
du testament
, destinée à protéger la volonté du testateur et à exprimer le caractère unilatéral de la volonté
exprimée.” Par conséquent, la disposition de la loi roumaine qui interdit le testament conjonctif vise à protéger la
volonté du disposant, soit un intérêt privé (et non pas d’ordre public international), raison pour laquelle on ne peut
pas dire qu’elle contrevient aux principes fondamentaux de la loi roumaine. La cour a statué, justement, que
„l’application de la loi étrangère peut être supprimée seulement dans l’hypothèse dans laquelle ces dispositions
contreviennent à l’ordre de droit international privé, or les dispositions du droit roumain qui interdisent le testament
conjonctif n’on pas un tel caractère, elles protègent des intérêts privés” (
soulignement ajouté par l'auteur Dan
Andrei Popescu
).
205 Pour cette qualification dans le droit français, voir Cass. 1re civ., 21 novembre 2012, Obs. M. Grimaldi, dans
R.T.D. civ., 2013, p. 162; M. Revillard,
Droit international privé et pratique notariale, Defrénois, Paris, 2001, p.
301:
“La majorité des auteurs estiment que la prohibition des testaments conjonctifs relève uniquement de la
forme. Cette qualification a été retenue par les tribunaux français. Quand le testament a été rédigé dans un pays où
la loi permet les testaments conjonctifs, les tribunaux ont tendance à admettre que l’article 968 est une règle de
forme, par application de la règle locus regit actum. Cette position a été confortée par une décision très claire du
tribunal de grande instance de Paris, qui a décidé que « l’interdiction de procéder à des testaments conjonctifs
édictée par l’article 968 du Code civil est incluse dans les règles générales établies par ce Code sur la forme des
testaments et que cette prohibition, qui n’a trait ni à la capacité personnelle du testateur, ni à la validité des
dispositions sur le fond prises par le testateur, est relative à des conditions de forme et non à des conditions de fond
». Il en résulte que le testament conjonctif fait en Norvège par deux époux est valable en vertu de la convention de
La Haye du 5 octobre 1961, la loi norvégienne (du lieu de rédaction) admettant cette sorte de testament.”
Voir
aussi, dans ce sens, H. Batiffol, P. Lagarde,
Droit international privé, t. II, 7e éd., 1983, n0 653;P. Mayer, V. Heuzé,
Droit international privé, 9e édition, Montchrestien, 2007, p. 605; L. Barnich, N. Geelhand, H. Jacobs, St. Mahieu
– chap. III de Régimes matrimoniaux. Successions et libéralités dans les relations internationales et internes I
(sous l’égide de l’Union internationale du notariat latin – Commission des Affaires européennes et de la
97




Page 99
En droit allemand, les testaments conjonctifs sont régis, quant à leur contenu et effets, par
lex successionis (article 25 de la Loi introductive au Code civil allemand/EGBGB) et, pour ce
qui est de la forme, par l’une ou l’autre des lois stipulées à l’article 26 de la Loi introductive au
Code civil allemand/EGBGB).
206
b) La solution du législateur européen.
Nous venons de constater que, dans certains États membres, les testaments conjonctifs et
les pactes successoraux sont reconnus et réglementés tandis que, dans d’autres États, ils sont
interdits, qu’il s’agisse d’une interdiction ayant trait au fond207, régie par la loi relative au fond,
ayant trait à la forme208, régie par la loi relative à la forme ou bien, dans d’autres États, régie par
la loi du for (
lex fori)209, compte tenu toutefois du sens et du but de l’interdiction selon la loi
étrangère visée (
“ist jedoch auf den Sinn und Zweck der ausländischen Verbotsnorm abzustellen
und dessen
Bedeutung von Standpunkt des ausländischen Rechts zu würdigen”)210. Ainsi que
nous venons de constater,
“la prohibition est considérée comme relevant de la forme si son but
est de faciliter l’établissement et la preuve de la volonté du testateur; en revanche, elle relève du
fond si elle vise à protéger cette volonté d’influences externes et à garantir la libre révocabilité
du testament.”
211 La solution proposée n’est pas acceptable car la qualification de l’interdiction
Méditerranée), Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 826-827. Voir aussi, dans ce sens, M. Grimaldi, Droit civil.
Libéralités. Partages d’ascendants
, Ed. Litec, 2000, p. 301: “La jurisprudence rejoint la doctrine dominante. En
matière de conflits de lois, terrain d’élection des qualifications, elle analyse la prohibition comme une règle de
forme, qu’il s’agisse d’un conflit de lois dans l’espace ou dans le temps. Et, en droit substantiel, la Cour de
cassation a défini la conjonctivité en des termes qui font de la prohibition légale une règle de forme.”
Professeur
Grimaldi estime que pour être devant un testament conjonctif „il est besoin de deux testateurs qui aient les mêmes
souhaits, deux testaments en un seul. Plus concrètement, il est besoin d’un seul corps de texte qui, suivi par deux
signatures, réglemente deux successions” (
op. cit., p. 302).
206 Du point de vue de la capacité de disposer, le droit international privé allemand distingue entre, d’une part, le
testament conjonctif (
gemeinschaftlichen Testament) et le pacte successoral bilatéral (zweiseitigen Erbvertrag) et,
d’autre part, le pacte successoral unilatéral (
einseitigen Erbvertrag). Dans les deux premiers cas, les époux ayant
rédigé un testament conjonctif (respectivement les parties au contrat successoral bilatéral) doivent jouir de la
capacité de disposer selon la loi successorale anticipée (
hypothetisches Erbstatut ou Errichtungsstatut). En droit
allemand,
lex successionis est la loi nationale du testateur, c’est-à-dire la loi de l’État dont le testateur possédait la
nationalité au moment du décès (
lex patriae). Mais cela s’applique en théorie seulement car l’article 25, alinéa 2 de
la Loi introductive au Code civil allemand/EGBGB permet au testateur d’opter, au sujet des biens immobiliers
situés en Allemagne, pour la loi
rei sitae. En outre, lex successionis peut aussi différer de la loi nationale du
testateur suite au renvoi. En échange, la capacité de conclure un contrat successoral unilatéral (
einseitigen
Erbvertrag
) se soumet – au sujet de la personne qui ne dispose pas mais accepte la disposition de l’autre partie – à
la loi qui régit, à titre général, la capacité de la personne (article 7 de la Loi introductive au Code civil
allemand/EGBGB). Il en résulte, de manière logique, que la personne disposant
mortis causa par l’intermédiaire
d’un contrat successoral (unilatéral ou bilatéral) doit jouir de la capacité de disposer selon la loi successorale. H.-P.
Schömmer, H. Faßold, K. Bauer,
Internationales Erbrecht. Österreich, C. H. Beck, Munich, 2003, p. 29-30.
207 Le droit espagnol interdit aux espagnols soumis au Code civil espagnol à signer des testaments conjonctifs à
l’étranger, même s’ils étaient permis par la loi du lieu de la signature de testament (art. 733 du Code civil espagnol).
Nous sommes donc devant une norme conflictuelle unilatérale qui s’adresse seulement aux Espagnols soumis au
Code civil, en consacrant leur incapacité de signer des testaments conjonctifs à l’étranger. Alors, la prohibition
analysée est liée à la capacité. Pour des détails, voir Calvo Caravaca dans Gonzáles Campos
et al, Derecho
internacional privado. Parte special (1991), vol. II, p. 533; J. D. Gonzáles Campos et Alegría Borrás dans
European Succession Laws (éd. Hayton), 2002, p. 452.
208 Pour la jurisprudence française récente, voir Cass. 1re civ., 21 novembre 2012, nº 10-17365, JCP éd. G 2012,
Actualité, p. 1298,
Obs. M. Grimaldi, dans R.T.D. civ., 2013, p. 162.
209 Dans le droit allemand l’admissibilité (Zulässigkeit) des testaments communs est gouvernée par lex fori. Selon
A. Bonomi, A. Öztürk, dans Dutta / Herrler (éd.),
Die Europäische Erbrechtsverordnung – sous l’égide du
Deutsches Notarinstitut, C. H. Beck, 2014, p. 65; A Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet,
op. cit., p. 429.
210 A. Bonomi, A. Öztürk, dans op. cit., p. 65.
211 A Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 429.
98




Page 100
dépendrait de l’argument en vertu duquel le droit étranger visé justifierait cette interdiction, ce
qui aboutirait à une application asymétrique du Règlement.
Par la suite, la question de l’admissibilité des testaments conjonctifs se soumettra à la loi
régissant les conditions substantielles des dispositions à cause de mort, selon leur nature –
l’article 24, respectivement l’article 25 du Règlement. Ainsi, les testaments conjonctifs
comprenant des dispositions d’institution mutuelle et interdépendante (
gemeinschafliche
Testamente mit wechselbezüglichen Verfügungen
) qui ne permettent pas la révocation
unilatérale au cours de la vie du conjoint ("testaments réciproques"/
“gegenseitige Testamente”
article 3, premier alinéa, lettre b) seront régis (s’agissant d’un ’’accord’’
212) par l’article 25 du
Règlement (applicable aux pactes successoraux) tandis que les autres testaments ("les testaments
conjonctifs"/„gemeinschaftliches Testamente“) seront régis par l’article 24.
Quant aux testaments réciproques (ceux qui comportent des wechselbezüglichen
Verfügungen
), en nous trouvant donc devant l’accord des testateurs (dans le sens de l’article 3,
premier alinéa, lettre b) du Règlement), ces testaments génèrent un lien d’interdépendance entre
les dispositions testamentaires, ce qui produira, en tant qu’effet, la limitation de la possibilité de
révocation. Du point de vue du Règlement, la question a trait au fond, l’admissibilité
(
Zulässigkeit) de tels testaments (assimilés aux pactes successoraux) se soumettant à la loi
successorale anticipée (
hypothetisches Erbstatut), en vertu de l’article 25, alinéas 2 et 3.213 Par
conséquent, le testament mutuel (réciproque) est assimilé aux pactes successoraux du point de
vue de la loi applicable à l’admissibilité et à la validité au fond, cela sans même tenir compte si
un tel ’’accord’’ entre les testateurs résulte du contenu du même acte (la situation la plus
fréquente) ou de documents testamentaires différents.
214
En échange, dans le cas des testaments conjonctifs, ceux rédigés par ’’deux ou plusieurs
personnes dans un même document’’ et caractérisés par l’existence d’un élément formel – l’acte
testamentaire qui exprime deux volontés unilatérales (article 3, premier alinéa, lettre c), leur
admissibilité sera régie par la loi successorale anticipée applicable à chacune des personnes
ayant rédigé la disposition, loi qui s’appliquera, à la fois, à la validité au fond, en vertu de
l’article 24.
215
212 Un tel accord est rencontré dans le cas des testaments réciproques (“gegenseitige Testamente”), réglementés
dans
§ 2271, alinéa 2 du BGB, qui prévoit que la révocation d’une disposition à cause de mort se trouvant dans un
rapport d’interdépendance avec celle de l’autre conjoint-testateur ne peut pas se faire de manière unilatérale
pendant sa vie:
“(d)er Widerruf einer Verfügung, die mit einer Verfügung des anderen Ehegatten in dem in § 2270
bezeichneten Verhältnis steht, erfolgt bei Lebzeiten der Ehegatten nach der für den Rücktritt von einem Erbvertrag
geltenden Vorschrift des § 2296. Durch eine neue Verfügung von Todes wegen kann ein Ehegatte bei Lebzeiten des
anderen seine Verfügung nicht einseitig aufheben.”

213 A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 431: “le Règlement considère manifestement la
recevabilité des testaments mutuels comme une question de fond, et non pas de forme: dès lors, cette question,
comme celle de l’effet contraignant de ces actes, est régie par la ou les lois désignées à l’article 25, paragraphes
2 et 3. Ainsi, sous réserve d’un choix de loi, la loi applicable à ces questions est la loi successorale «
hypothétique » ; si les lois applicables aux successions des testateurs sont différentes, il faudra les appliquer de
manière cumulative”
(soulignement ajouté par l'auteur Dan Andrei Popescu).
214 Selon A. Bonomi, dans A. Bonomi, P. Wautelet, op. cit., p. 140 (nº 15).
215 Selon A. Bonomi, A. Öztürk, dans Dutta / Herrler (éd.), Die Europäische Erbrechtsverordnung – sous l’égide
du Deutsches Notarinstitut, C. H. Beck, 2014, p. 66; È. Fongaro,
“L’anticipation successorale à l’épreuve du «
règlement successionis »”,
dans le Journal du droit international (Clunet), no 2/2014, p. 490. Nous constatons
néanmoins que Prof. Andrea Bonomi paraît arriver à une autre conclusion concernant les testaments conjonctifs
dans A. Bonomi, P. Wautelet,
op. cit., p. 432 (nº 18): “Si deux ou plusieurs testaments sont rédigés dans un même
acte, il s’agira néanmoins de testaments « conjonctifs », selon la définition de l’article 3, paragraphe 1
er, point c.
Dans ce cas, l’unité d’acte n’a généralement aucune conséquence sur les effets des testaments, notamment sur leur
révocabilité et la seule question qui se pose est celle de leur validité formelle; celle-ci relève de l’article 27 ou de la
Convention de La Haye de 1961, comme cela est d’ores et déjà admis dans certains Etats membres.” Mais, à la
page 140-141 (nº 15), il affirme l’application de l’article 24 du Règlement concernant les dispositions de dernière
volonté de chaque testateur du contenu des testaments conjonctifs non mutuels.
99



Page 101
Enfin, la qualification d’un testament en tant que mutuel ou conjoint se fondera sur la
constatation de l’existence, ou non, d’un ’’accord’’ entre les testateurs ou d’un rapport
d’interdépendance entre les dispositions testamentaires. Un tel rapport ne pourra pas, cependant,
être présumé ou inféré du fait que les dispositions testamentaires concernées ne se trouvent pas
dans un même acte.
Par la suite, l’interdiction visant les testaments conjonctifs se limite à la rédaction de tels
documents entre des personnes dont la loi successorale anticipée (soit choisie soit applicable, en
absence d’un choix) est liée à la législation prohibitive, quel que soit leur statut (ressortissants
de l’État en question ou d’un autre État).
Pour conclure, en l’espèce, vu que la résidence habituelle des testateurs concernés se
trouvait en Allemagne, le testament sera considéré admissible et valide en vertu de la loi
successorale anticipée des testateurs (la loi allemande) – selon l'article 24 du Règlement.
100








































Page 102
THEMATIQUE 2 - LA PROCEDURE D’EXEQUATUR
EN MATIERE SUCCESSORALE
Chapitre I. Aspects théoriques portant sur la procédure d’exequatur en matière
successorale
§1. Effets des décisions étrangères en matière successorale
Au sujet de l’efficacité des décisions étrangères, le Règlement nº 650/2012 continue la
démarche initiée en matière civile et commerciale par la Convention de Bruxelles et le
Règlement nº 44/2001, lui ayant amplement servi de source d’inspiration; son objectif déclaré,
selon le considérant 59 du Préambule, est d’assurer ’’
la reconnaissance mutuelle des décisions
rendues dans les États membres en matière de successions
’’, principe que nous retrouvons
d’ailleurs rarement dans les conventions bilatérales et multilatérales ayant le même objet mais
dont la présence au niveau européen a été facilitée par l’unification des règles de compétence
juridictionnelle et législative et la diminution corrélative du risque de
forum shopping.
Sans aller aussi loin que d’autres instruments européens d’unification des règles de
procédure civile relatives aux litiges internationaux, qui ont interdit la procédure d’
exequatur216,
le Règlement nº 650/2012 garde la distinction classique entre reconnaissance et exécution. Le
Chapitre IV institue, dans ce sens, un régime souple qui avantage exclusivement les décisions
prononcées dans les États membres, il n’importe pas si la compétence des juridictions d’origine
a été déterminée, ou non, en vertu des règles du Règlement, si celles-ci étaient habilitées à se
prononcer dans l’affaire concernée
217 ou si la décision a été, ou non, prononcée dans un litige
international.
§2. Décisions successorales prononcées dans d’autres États membres. La définition
juridique du terme décision est prévue à l’article 3, premier alinéa, lettre g) du Règlement:
’’
toute décision en matière de successions rendue par une juridiction d'un État membre, quelle
que soit la dénomination qui lui est donnée, y compris une décision concernant la fixation par le
greffier du montant des frais du procès’’
218. Deux exigences sont à envisager. En premier lieu,
le champ d’application du Règlement (la matière successorale) doit inclure l’objet de la
décision. Ensuite, la décision doit être prononcée par la juridiction d’un État membre, terme
défini explicitement à l’article 3, alinéa 2 du Règlement219. Par État membre nous comprenons
exclusivement les États membres sur le territoire desquels le Règlement est applicable (ce qui
exclut le Danemark, l’Irlande et la Grande Bretagne
220). Exceptionnellement, en vertu de
216 Les articles 41 et 42 du Règlement nº 2201/2003, l’article 20 du Règlement nº 805/2004, l’article 39 et les
suivants du Règlement nº 1215/2012.
217 La réglementation exhaustive des raisons de refus de la reconnaissance prévue à l’article 40 conduit à la
conclusion qu’il est impossible de vérifier, dans l’État de la reconnaissance, la compétence de la juridiction
d’origine.
218 Une définition similaire est prévue à l’article 32 du Règlement nº 44/2001.
219 Article 3, alinéa 2: ’’Aux fins du présent règlement, le terme «juridiction» désigne toute autorité judiciaire, ainsi
que toute autre autorité et tout professionnel du droit compétents en matière de successions qui exercent des
fonctions juridictionnelles ou agissent en vertu d'une délégation de pouvoirs d'une autorité judiciaire ou sous le
contrôle d'une autorité judiciaire, pour autant que ces autres autorités et professionnels du droit offrent des
garanties en ce qui concerne leur impartialité et le droit de toutes les parties à être entendues, et que les décisions
qu'ils rendent en vertu du droit de l'État membre dans lequel ils exercent leurs fonctions: a) puissent faire l'objet
d'un recours devant une autorité judiciaire ou d'un contrôle par une telle autorité; et b) aient une force et un effet
équivalents à une décision rendue par une autorité judiciaire dans la même matière.
’’
220 L’Irlande et la Grande Bretagne ont quand même la possibilité, en exerçant leur droit d’opt-in, d’adhérer aux
dispositions de droit uniforme ainsi instituées (considérant 82 du Préambule).
101





Page 103
l’article 75, il est possible que d’éventuelles conventions internationales en vigueur221
deviennent applicables, malgré l’uniformisation que le Règlement se propose de réaliser. La
reconnaissance et l’exécution des décisions prononcées dans des États où le Règlement ne
s’applique pas (la Grande Bretagne, l’Irlande, le Danemark, États non membres de l’UE) se
feront selon les règles de droit commun en vigueur dans les États européens (dans le cas de la
Roumanie en vertu des articles 1093 à 1109 du nouveau Code de procédure civile/NCPC), où il
y aura, par conséquent, deux régimes différents dès l’application effective du Règlement.
§3. Reconnaissance (constatation de la capacité de la décision étrangère de produire un
effet normatif dans l’ordre juridique du for)
La solution retenue par le législateur européen, inspirée par le principe de la
reconnaissance mutuelle, fondement de la coopération judiciaire en matière civile, est stipulée à
l’article 39, premier alinéa du Règlement: reconnaissance de plein droit, automatique, sans
qu’une procédure particulière soit nécessaire. La décision reconnue produira les effets qui lui
sont normalement spécifiques dans son État d’origine; une éventuelle impossibilité,
de facto,
d’exécution dans l’État de destination n’entrave pas la reconnaissance. Les exigences relatives à
la décision peuvent être déduites, de manière indirecte, de l’article 40, les lettres a) à d), qui
établit les raisons de refus de reconnaissance (violation de l’ordre public international, du
principe du contradictoire, l’incompatibilité avec une décision prononcée dans l’État membre
concerné ou, antérieurement, dans un État tiers); néanmoins, en absence d’une contestation, leur
vérification est exclue.
Leur reconnaissance peut aussi être constatée par voie principale ou par voie incidente.
La reconnaissance à titre principal peut être demandée, en cas de contestation du droit
substantiel résultant de la décision, par toute personne intéressée (parties à la procédure déroulée
dans l’État d’origine, tout héritier ou tout ayant droit des héritiers, des éventuels cessionnaires
ou subrogés dans les droits de ceux-ci). La procédure comporte en premier lieu une étape
gracieuse, au cours de laquelle l’autorité saisie vérifie la documentation remise et prononce une
décision de constatation de la reconnaissance
222. Au cas où cette décision est contestée, la
juridiction analysera les raisons du refus de reconnaissance (en vertu de l’article 40). Selon la
doctrine juridique, le droit de solliciter la reconnaissance est imprescriptible.
221 En ce qui concerne la Roumanie, avant l’entrée en vigueur du Règlement, une série de traités internationaux
(signés avec différents États actuellement membres de l’UE) ayant trait à la matière successorale: le Traité entre la
République populaire de Roumanie et la République populaire de Bulgarie relatif à l’assistance juridique en matière
civile, familiale et pénale, ratifié par le Décret nº 109/1959, publié dans le Journal officiel nº 11 du 31.03.1960; le
Traité entre la République populaire de Roumanie et la République populaire de Pologne relatif à l’assistance
juridique en matière civile, familiale et pénale, ratifié par le Décret nº 323/1962, publié dans le Journal officiel nº
13 du 4.06.1962; le Traité entre la République populaire de Roumanie et la République populaire de Hongrie relatif
à l’assistance juridique en matière civile, familiale et pénale, ratifié par le Décret nº 505/1958, publié dans le
Journal officiel nº 2 du 17.01.1959; le Traité entre la Roumanie et la République tchèque relatif à l’assistance
judiciaire en matière civile, signé à Bucarest, le 11 juillet 1994, ratifié par la Loi nº 44/1995, publié dans le Journal
officiel de Roumanie nº 106 du 31 mai 1995; le Traité entre la République populaire de Roumanie et la République
populaire fédérative de Yougoslavie relatif à l’assistance juridique, ratifié par le Décret nº 24/1961, publié dans le
Journal officiel nº 6 du 6.02.1961 (applicable par déclaration de succession avec la Slovénie et la Croatie); le Traité
entre la République populaire de Roumanie et la République tchécoslovaque relatif à l’assistance juridique en
matière civile, familiale et pénale, ratifié par le Décret nº 506/1958, publié dans le Journal officiel nº 6 du
18.02.1958 (applicable par déclaration de succession avec la Slovaquie). Après l’entrée en vigueur du Règlement,
les traités mentionnés ne s’appliqueront plus en matière successorale; cela est confirmé expressément à l’article 75,
alinéa 2 qui stipule que le Règlement nº 650/2012 prévaut sur ’’les conventions conclues exclusivement entre deux
ou plusieurs d'entre eux dans la mesure où ces conventions concernent des matières régies par le présent
règlement.’’
222 La compétence de celle-ci sera déterminée en vertu de l’article 45, alinéa 2 du Règlement qui institue le critère
du domicile de la partie contre laquelle est sollicitée la reconnaissance/l’exécution, respectivement celui du lieu
d’exécution de la décision.
102



Page 104
La reconnaissance à titre incident de la décision, la situation pratiquement la plus
fréquente, intervient lorsque, dans un litige initié dans l’État de destination, la personne
concernée invoque l’exception de l’autorité de chose jugée concernant la demande en question
ou un problème spécifique, incident dans le règlement de celle-ci. Si la décision de
reconnaissance est incontestablement opérationnelle dans le litige en déroulement, un aspect qui
reste à discuter est si ses effets peuvent se produire aussi bien dans d’autres litiges …
§4. Raisons du refus de reconnaissance. Pour les cas où la reconnaissance de la décision
étrangère est contestée, le législateur européen a prévu, de manière exhaustive, 4 raisons de
refus de reconnaissance, à application et interprétation restrictive223. Ces raisons ne peuvent pas
être invoquées d’office par la juridiction224 et opèrent en vertu de l’article 51, y compris en ce
qui concerne l’exécution de la décision étrangère.
a) Ordre public international. Mécanisme d’exception, destiné à protéger l’ordre
juridique du for devant l’intrusion de lois ou de décisions étrangères portant atteinte aux
principes fondamentaux de celui-ci, l’ordre public est la première raison de refus de
reconnaissance indiquée à l’article 40 du Règlement. Bien que ses éléments constitutifs diffèrent
naturellement d’un État à l’autre, elle inclut, certes, un fondement commun s’appuyant sur les
droits fondamentaux de l’homme et les principes du droit de l’Union européenne
225. Afin de
garantir le caractère exceptionnel de ce mécanisme dans l’espace européen et de restreindre ses
implications négatives sur la libre circulation, le texte juridique a expressément prévu que le
refus de reconnaissance est admissible uniquement lorsque la violation de l’ordre public est
manifeste; en même temps, en vertu de l’article 41, la décision étrangère ne peut pas faire l’objet
d’une révision au fond (ce qui équivaut à l’impossibilité du juge d’intervenir même si la solution
statuée par la loi étrangère diffère considérablement de celle qui aurait été prononcée dans l’État
du for); enfin, la Cour de justice se réserve expressément le droit de contrôler les limites dans
lesquelles les États membres envisagent d’utiliser ce mécanisme
226. Tout comme pour la loi
applicable, l’exception d’ordre public international peut opérer lorsque la décision étrangère
porte atteinte à des principes substantiels
227 ou procéduraux228 de l’État saisi à cette fin.
223 D’autres raisons que celles expressément prévues par le texte juridique – par exemple, l’incompétence de la
juridiction d’origine, le fait que celle-ci a appliqué une loi autre que celle qui aurait été appliquée dans l’État du for,
l’exécution de la décision dans l’État d’origine – ne peuvent pas être prises en considération.
224 J. Foyer, „Reconnaissance, acceptation et exécution des jugements étrangers, des actes authentiques et des
transactions judiciaires
”, dans G. Khairallah, M. Revillard (dir.), Droit européen des successions internationales.
Le règlement du 4 juillet 2012, Defrénois, Lextenso, 2013, p. 141, p. 156, n° 376, réticent néanmoins à l’égard
d’une telle solution.
225 Voir A. Oprea, „La Convention européenne des droits de l’homme et l’application des normes étrangères en
droit international privé’’, dans la
Revue roumaine de droit international privé et droit privé comparé nº 1/2006, p.
341, p. 371 et les suivantes.
226 Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 28 mars 2000, C-7/98, Krombach, §23; arrêt de la
Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 11 mai 2000,
Regie Renault, §27.
227 Les obstacles susceptibles d’apparaître peuvent concerner les décisions étrangères conférant des droits
successoraux à l’époux homosexuel ou aux épouses impliquées dans un mariage polygame ou bien statuant une
inégalité entre les héritiers selon leur sexe, religion, caractère légitime ou illégitime de leur naissance. Même dans
ces circonstances, il faudrait se servir prudemment de l’argument de l’ordre public afin de garder le caractère
exceptionnel de ce mécanisme et de ne pas porter atteinte à l’objectif du Règlement: la facilitation de la circulation
des décisions dans l’espace européen – A. Oprea, „Sur la reconnaissance du statut matrimonial acquis à l’étranger
et la protection européenne du droit à la vie familiale’’,
Studia Universitatis Babes BolyaiIurisprudentia, 4/2012,
p. 149-169.
228 En l’espèce, la transgression du droit à un procès équitable: par exemple la décision étrangère institue une
caution extrêmement élevée qui fait obstacle à l’accès du requérant à la justice (France, Cour de cassation, 16 mars
1999,
Pordea, JDI, 1999, note d’A. Huet) a été prononcée dans un litige où le droit à la défense du défendeur a été
ouvertement violé (arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 28 mars 2000, C-7/98,
Krombach,
JDI, 2001, p. 691, note d’A. Huet) ou bien où le défendeur n’a pas eu l’opportunité de présenter sa position (arrêt
de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 2 avril 2009, C-394/07, Gambazzi).
103



Page 105
b) Absence de la notification. Inspiré par le désir de garantir aux personnes concernées le
droit d’être écoutées, la seconde raison de refus de reconnaissance vise la notification/la
transmission, à temps, de l’acte d’assignation en justice
229 au défendeur de sorte que celui-ci
puisse prendre, en temps utile, connaissance du litige et puisse préparer sa défense; le
Règlement vise les jugements à défaut: le défendeur n’a pas participé au litige, ni en personne ni
par un avocat mandaté par lui à cette fin.
c) Décisions irréconciliables. Au sujet des deux dernières raisons de refus de
reconnaissance, inspirées du principe du respect de l’autorité de la chose jugée, le législateur
européen a introduit une distinction au sujet de l’incompatibilité
230 de la décision étrangère avec
une décision prononcée dans l’État du for, respectivement dans un autre État. Dans le premier
cas, rarement rencontré dans la pratique judiciaire grâce au rôle préventif significatif de l’article
17 relatif à la litispendance, la décision de l’État du for prévaudra sur la décision étrangère,
qu’elle soit ou non antérieure à la décision étrangère et que cette dernière entre ou non dans le
champ d’application du Règlement
231. Dans
l’autre cas – deux décisions étrangères
irréconciliables qui remplissent les conditions relatives à la reconnaissance – le conflit est
solutionné selon la règle de l’antériorité, la première décision prononcée prévalant sur l’autre
232;
les conditions caractérisant l’incompatibilité sont bien plus restrictives, étant nécessaire que les
deux décisions proviennent de litiges ayant le même objet et la même cause.
§5. Exécution. Dans le sens des solutions déjà identifiées par la législation européenne, le
Règlement nº 650/2012 conditionne la force exécutoire d’une décision prononcée dans un État
membre de l’obtention d’une déclaration confirmant l’exécution (
exequatur) dans l’État de
destination, suite au déroulement d’une procédure simplifiée
233 régie par l’article 46 et les
suivants.
La partie concernée formulera, devant les juridictions de l’État membre d’exécution (les
tribunaux) dont la compétence territoriale est déterminée en fonction du critère du domicile de la
personne contre laquelle est demandée l’exécution ou du critère du lieu de l’exécution, une
demande accompagnée par une copie de la décision qui doit remplir toutes les conditions
imposées en vue de l’établissement de son authenticité et (optionnellement) le certificat délivré,
sur un formulaire européen, par le tribunal ou l’autorité compétente de l’État membre d’origine
(article 47); le tribunal peut éventuellement solliciter la traduction de ces documents. La
procédure relative au dépôt de la demande est régie par la législation de l’État membre
d’exécution, sans qu’il soit nécessaire que le requérant dispose, dans l’État concerné, d'une
adresse postale ou qu'il y soit représenté par un mandataire. Le caractère exécutoire (provisoire
même) de la décision dans l'État d'origine, exigence indispensable à l'obtention de l'exequatur,
sera déterminé en vertu de la loi de l'État d'origine, étant certifié par l'autorité délivrant le
certificat.
229 Cette notion sera interprétée conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ayant
trait à la Convention de Bruxelles/au Règlement nº 44/2001, par exemple l’arrêt de la Cour de justice de l’Union
européenne/CJUE du 13 juillet 1995, C-474/93,
Hengst.
230 Le terme „décisions irréconciliables’’ doit être interprété conformément à la jurisprudence de la Cour de justice
de l’Union européenne/CJUE, respectivement en tant que décisions produisant des effets juridiques qui s’excluent
mutuellement – voir l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes/CJCE du 4 février 1988, C-145/86,
Hoffman c. Kriegg, §22; l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 6 juin 2002, C-80/00, Italian
Leather SpA
.
231 II. Pretelli, op. cit., nº 41, p. 604, justifie cette solution par la portée élargie de l’incompatibilité ainsi que
stipulée à l’article 40, lettre c) du Règlement.
232 Le législateur européen n’impose pas au juge de statuer d’office – voir II. Pretelli, Article 40, op. cit., nº 37, p.
602.
233 Si l’exécution dans plusieurs États membres est visée, la procédure d’obtention de l’exequatur doit être
parcourue dans chacun de ces États.
104



Page 106
En vertu de l'article 48, la première étape de la procédure revêt un caractère unilatéral,
administratif (la personne contre laquelle est demandée l'exécution ne participe pas et se trouve
dans l'impossibilité de formuler sa défense) et, dès le dépôt et la vérification formelle des
documents, la décision étrangère est directement déclarée exécutoire
234. Un exequatur partiel est
admissible (article 55), à la demande de la personne concernée ou lorsque certaines parties de la
décision sont susceptibles d'être reconnues /exécutées par l'État du for. La décision de la
confirmation d'exécution sera communiquée: a) au demandeur et b) à la partie contre laquelle est
demandée l'exécution, éventuellement accompagnée par la demande du requérant (article 49).
Après la notification, la procédure devient contradictoire et toute partie concernée peut
attaquer la décision (articles 50 et 51). Le délai dans lequel le recours peut être formulé est de 30
jours depuis la communication/notification et, dans des circonstances exceptionnelles, de 60
jours lorsque le domicile de la partie contre laquelle est exécutée la décision ne se trouve pas
dans l'État du for. Les raisons pouvant justifier le refus de l'exequatur ne peuvent être que celles
en vertu desquelles le refus de reconnaissance peut être disposé, raisons citées ci-dessus.
Lorsque la décision en question fait l’objet de l’exercice d’une voie de recours dans l’État
d’origine, dont la conséquence serait la suspension de sa force exécutoire, la partie s’opposant à
l’exécution peut solliciter la suspension de la procédure à la juridiction habilitée en vue de
l’exequatur; la suspension sera disposée automatiquement, à la différence de la procédure de
reconnaissance où l'autorité jouit d'une certaine liberté dans l'évaluation de l'opportunité de cette
mesure.
Des mesures provisoires ou conservatoires peuvent être sollicitées en vertu de la
législation de l’État membre d’exécution, sans que la déclaration préalable d’acceptation de
l’exécution soit requise.
5.1. Reconnaissance et exécution des actes publics. Malgré des débats amples à ce sujet,
le Règlement s’appliquera également, de manière idoine, aux actes gracieux – actes résultant des
procédures non contentieuses, extrêmement fréquents en matière successorale.
5.2. Actes authentiques. En statuant l’équivalence entre les actes authentiques étrangers et
les actes authentiques du for, l’article 59 du Règlement dispose qu’un acte authentique rédigé
dans un État membre jouisse, dans les autres États membres, de la même force probante qu’il a
dans l’État membre d’origine ou bien des effets les plus rapprochés. L’importance du texte est
d’autant plus élevée vu la diversité des actes pouvant revêtir cette forme, qui circuleront plus
facilement dans l’espace européen: testaments et pactes successoraux, actes d’acceptation ou de
renonciation à la succession, d’inventaire ou de partage, certificats d’héritier.
La définition légale de la notion d’acte authentique, stipulée à l’article 3, premier alinéa,
lettre i) du Règlement
235, s’est inspirée de celle fournie par la Cour de justice de l’Union
européenne dans l’affaire
Unibank236; les exigences à l’égard de l’authenticité seront doubles:
celles en vigueur dans l’État d’origine de l’acte aussi bien que celles européennes (ces dernières
visant expressément la signature et le contenu de l’acte, l’intervention d’une autorité publique
ou habilitée à cette fin
237). Le caractère authentique de l’acte ne se confond pas avec sa validité
234 L’exécution proprement dite se déroulera ultérieurement en vertu des règles procédurales nationales (dans le cas
de la Roumanie, l’article 662 et les suivants du nouveau Code de procédure civile/NCPC).
235 „un acte en matière de succession dressé ou enregistré formellement en tant qu'acte authentique dans un État
membre et dont l'authenticité: i) porte sur la signature et le contenu de l'acte authentique; et ii) a été établie par
une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à le faire par l'État membre d'origine.’’

236 Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 17 juin 1999, C-260/97, Unibank.
237 Selon le considérant 62) du Préambule: le „caractère authentique’’ d’un acte authentique devrait être un concept
autonome ayant trait à des éléments comme l’authenticité de l’acte, les exigences formelles concernant l’acte, les
compétences de l’autorité qui rédige l’acte et la procédure de rédaction de l’acte. Ce caractère authentique devrait, à
la fois, viser les éléments pratiquement inscrits dans l’acte authentique par l’autorité saisie, par exemple le fait que
105




Page 107
substantielle (en tant que negotium), celle-ci devant être évaluée en vertu des règles
conflictuelles classiques.
Le législateur européen distingue entre l’acceptation (la reconnaissance/’’recunoaştere’’
en roumain238) des actes authentiques et leur force exécutoire.
Au sujet de l’acceptation, le principe est formulé à l’article 59, premier alinéa: les effets
procéduraux de l’acte authentique (sa force probante concernant les constatations de l’autorité
émettrice ou les déclarations des parties concernées), ainsi que délimités dans l’État d’origine,
seront acceptés dans tous les États membres. Cette circulation est pratiquement facilitée par la
possibilité de l’obtention, par les personnes concernées, d'un formulaire délivré par l'autorité
émettrice décrivant ces effets (article 59, premier alinéa, partie finale). Il faut tenir compte du
droit de l'État d'origine afin de déterminer en quelle mesure la contestation de l'acte authentique,
respectivement de l'authenticité des renseignements que celui-ci fournit, est possible. Au cas où
l'État de destination ne connaît pas l'institution de l'acte authentique ou lui confère des effets
différents de ceux présents dans l'État d'origine, le législateur européen a prévu l'attribution des
,,effets les plus rapprochés’’; les autorités de l’État de destination sont ainsi habilitées à établir,
en vertu de leur législation, l’équivalent approprié de la force probante de l’acte étranger,
démarche dont la difficulté a été soulignée par la doctrine juridique
239.
En vertu de l’article 59, alinéas 2 et 3, l’efficacité probante de l’acte authentique étranger
et, à la fois, la possibilité d’en user dans d’éventuels litiges sont suspendues
240 lorsque l’acte est
contesté. La contestation se fera devant les juridictions/autorités de l’État d’origine lorsqu’il
s’agit de l’authenticité de l’acte
241, respectivement devant les juridictions compétentes en
matière successorale en vertu du Chapitre II du Règlement (qui appliqueront la loi
sucessorale/
lex successionis) lorsqu’il s’agit de la substantialité de l’acte (l’opération ou le
rapport juridique formalisé par le document authentique respectif); exceptionnellement, la
contestation substantielle de l’acte peut se faire par voie incidente, dans un litige ayant un autre
objet principal, devant les juridictions habilitées à cette fin
242.
Au sujet de l’exequatur (l’octroi, dans le cas des actes authentiques exécutoires dans l’État
d’origine, de la force exécutoire dans l’État de destination), la procédure d’obtention est celle
prévue pour les décisions, la seule raison de refus étant la transgression de l’ordre public
international de l’État en question. Une fois l’exequatur octroyé, l’acte authentique aura, dans
l’État de destination, la force exécutoire reconnue dans l’État d’origine et pourra justifier même
le recours à des mesures provisoires ou conservatoires.
les parties concernées se sont présentées, à la date indiquée, devant l’autorité en question et ont fait les déclarations
respectives.

238 Il faut souligner, dans ces circonstances, la traduction roumaine erronée du texte, langue où le terme utilisé est
‘recunoaştere’ et non ‘acceptare’ malgré un débat ample au sujet de son caractère inapproprié (M. Kohler, M.
Buschbaum, „La „reconnaissance’’ des actes authentiques prévue pour les successions transfrontalières. Réflexions
critiques sur une approche douteuse entamée dans l’harmonisation des règles de conflit de lois’’,
RCDIP, 2010, p.
629: en règle générale, il ne faudrait pas parler, au sujet des actes authentiques, de reconnaissance car, en l’espèce,
l’autorité publique émettrice ne fait que recevoir l’acte sans exercer à son sujet un quelconque droit de décision; la
validité et les effets des actes authentiques doivent être évalués en vertu des normes de conflits de lois, ils ne
peuvent pas résulter de la procédure de reconnaissance (il n’est pas nécessaire d’initier une action de
reconnaissance des actes authentiques tout comme une telle action n’est pas nécessaire dans le cas des contrats).
239 P. Wautelet, Article 59, op. cit., numéro 21-27, p. 668-671.
240 Le considérant 65, deuxième phrase est de nature à tempérer les effets de cette suspension: ,,Si le recours ne
concerne qu'un élément spécifique lié aux actes juridiques ou relations juridiques consignés dans l'acte
authentique, l'acte authentique en question ne devrait pas avoir de force probante dans un autre État membre que
l'État membre d'origine en ce qui concerne l'élément de la contestation, tant que le recours est pendant …
’’
241 En vertu de l’article 59, alinéa 2, première partie: ,,Les juridictions de l'État membre d'origine sont saisies de
toute contestation portant sur l'authenticité d'un acte authentique et statuent sur celle-ci en vertu de la loi de cet
État.’’ Voir aussi le considérant 62 du Préambule.
242 L’article 59, alinéas 3 et 4 du Règlement.
106



Page 108
5.3. Transactions. En vertu de l’article 61 du Règlement, les transactions judiciaires en
matière successorale, exécutoires dans l’État membre d’origine, seront exécutoires en vertu de la
même procédure simplifiée applicable aux décisions (article 45 et les suivants). L’exequatur
partiel est admissible.
Le sens du terme ,,transaction’’ est précisé à l’article 3, premier alinéa, lettre h) du
Règlement, en s’appuyant sur une définition autonome fournie par la jurisprudence de la Cour
de justice de l’Union européenne
243. La procédure d’exequatur se fonde sur la demande
formulée par toute partie concernée (les parties à la transaction mais aussi bien un éventuel
créancier de l'une des parties), accompagnée par les documents requis (une copie authentique de
la transaction et un certificat délivré par l’autorité devant laquelle a été conclue la transaction); il
n’est pas nécessaire de légaliser ou d’apostiller ces documents (article 74) et l’examen de la
demande ne peut pas être conditionné par le dépôt d’une caution ou le paiement des timbres
fiscaux calculés en fonction de la valeur en question (articles 57 et 58). La juridiction vérifiera,
dans une première étape non contradictoire, le caractère exécutoire de la transaction dans l’État
d’origine, État membre où le Règlement est applicable, ainsi que son intervention ,,en matière
successorale’’
244. La décision prononcée est susceptible d’être contestée. Le refus de l’exécution
sera possible seulement si les effets de cette exécution contreviennent à l’ordre public de l’État
de destination; la juridiction n’est pas habilitée à vérifier le respect du droit à la défense ou la
compétence des juridictions présentes dans la procédure déroulée dans l’État d’origine
245.
243 Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 2 juin 1994, C-414/92, Solo Kleinmotoren, où la
Cour a insisté sur le caractère contractuel de la transaction, même lorsque celle-ci est approuvée par un organe
juridictionnel ou conclue devant l’autorité au cours du jugement, en soulignant la différence par rapport aux
décisions, respectivement le fait que, au sujet des décisions, la juridiction statue, de son propre pouvoir, sur une
question controversée intervenue entre les parties (§17).
244 Si la transaction excède le champ d’application du Règlement nº 650/2012, l’exequatur pourra être octroyé en
vertu des dispositions correspondantes du Règlement Bruxelles I bis.
245 P. Wautelet, Article 61, op. cit., nº 12-13, p. 698-699.
107
















Page 109
Chapitre II. Aspects théoriques portant sur la procédure de délivrance du
certificat européen (uniforme) d’héritier
Innovation majeure en droit européen des successions, le certificat européen (uniforme)
d’héritier est un formulaire standard permettant aux héritiers, aux légataires, aux exécuteurs
testamentaires ou aux administrateurs de la succession de fournir la preuve de leur qualité et de
leurs droits (article 63), à utiliser dans le cas des successions ouvertes à partir du 17 août
2015
246. En ouvrant la voie à la libre circulation des décisions, il facilite le règlement rapide et
efficient des problèmes successoraux, notamment en vertu de ses effets probants et légitimants.
§1. Caractère optionnel. En vertu de l’article 62 du Règlement, l’usage du certificat
européen (uniforme) d’héritier est optionnel; celui-ci peut être utilisé à côté des certificats
nationaux d’hérédité ou des documents internes employés à des fins similaires
247, auxquels il ne
se substitue pas
248 ou même dans des États où, auparavant, de tels certificats ne pouvaient pas
être délivrés (le cas de l’Italie). Si sa délivrance est conditionnée par la vocation du certificat
d’être utilisé dans d’autres États membres
249, il produira des effets même dans l’État d’origine
(article 62, alinéa 3, 2
ème phrase); en évitant une éventuelle discrimination inversée, la solution
revêt une importance particulière notamment dans les États ne connaissant pas l’institution du
certificat d’hérédité et interagit avec leur droit successoral interne, ce qui lui a valu des
critiques
250.
Le lien entre le certificat européen (uniforme) d’héritier et le certificat national d’hérédité
n’a pas été entièrement éclairci. Ainsi, le Règlement n’indique pas lequel prévaut sur l’autre en
cas de conflit
251 ou comment il faudrait procéder lorsque des autorités appartenant à des États
différents sont sollicitées en même temps pour délivrer un tel certificat
252. Les éventuelles
interventions ponctuelles de la Cour de justice de l’Union européenne éclairciront la situation
mais, en l’absence de telles interventions, l’incertitude persiste.

§2. Autorités compétentes. En vertu de l’article 64, le certificat européen (uniforme)
d’héritier peut être délivré non seulement par des autorités juridictionnelles (ainsi que définies à
246 L’idée de créer un tel certificat a été probablement inspirée par la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur
l’administration internationale des successions – R. Crône, “Le certificat successoral européen”, dans G. Khairallah,
M. Revillard (dir.), Droit européen des successions internationales. Le règlement du 4 juillet 2012, Defrénois,
Lextenso, 2013, p. 169, p. 172, nº 416.
247 Pour une présentation du certificat judiciaire d’héritier prévu par le droit allemand (Erbschein), grec ou
autrichien ou des certificats notariaux (de notoriété) des droits français, belge ou néerlandais voir P. Wautelet,
Article 62, op. cit., p. 703-706, numéros 5-10. Pour des détails au sujet des divergences entre les systèmes
juridiques nationaux voir aussi A. Davi, A. Zanobetti, „Il nuovo Diritto internazionale privato delle successioni
nell’ Unione Europea”,
Cuadernos de Derecho Transnacional, 10. 2013, vol. 5, nº 2, pp. 5-139, nº 166, p. 133-134.
248 Voir l’article 62, alinéa 3 et le considérant 67 du Préambule qui expliquent la solution à partir du principe de la
subsidiarité.

249 Certes, le certificat pourrait aussi être utilisé dans des États non gouvernés par le Règlement nº 650/2012 mais,
dans ce cas, ses effets et son efficacité ne seront pas évalués en vertu des règles stipulées à l’article 69 du
Règlement mais en vertu des règles en vigueur dans chaque État
saisi à cette fin.
250 Voir M. Kohler, M. Buschbaum, „La „reconnaissance” des actes authentiques prévue pour les successions
transfrontalières. Réflexions critiques sur une approche douteuse entamée dans l’harmonisation des règles de conflit
de lois”,
RCDIP, 2010, p. 629, p. 635-637.
251 Dans le sens que cette priorité devrait être reconnue au certificat européen, voir P. Lagarde, „Les principes de
bases du nouveau règlement européen sur les successions », RCDIP,
nº 4/2012, p. 72. Au sujet du fait qu’en
Roumanie le certificat national d’héritier, un acte authentique, devrait prévaloir, voir I. Olaru,
Le droit européen des
successions internationales
, Guide pratique, éd. Notarom, 2014, p. 154.
252 La solution proposée par la doctrine juridique – l’application des règles relatives à la litispendance –, bien que
suffisamment efficace, ne permet pas d’éviter complètement les documents contradictoires – voir P. Wautelet,
Article 62, op. cit., nº 37, p. 717.
108





Page 110
l’article 3, alinéa 2 du Règlement) mais également par d’autres autorités qui, en vertu de la
législation interne, sont habilitées en matière successorale; autrement dit, les notaires des États
où ceux-ci ne représentent pas des ,,autorités juridictionnelles’’ (par exemple la Roumanie, la
République tchèque, l’Autriche) sont, eux aussi, habilités à délivrer le certificat
253. La
compétence internationale sera établie en vertu des règles générales de compétence prévues au
Chapitre II du Règlement (article 64, premier alinéa), ce qui maintiendra le ,,monisme
juridictionnel’’
254 présent en matière des décisions et la compétence territoriale interne sera
établie en vertu des règles en vigueur dans l’État du for. Le certificat devra mentionner le
fondement de la compétence.
§3. Procédure. La procédure d’obtention d’un certificat européen (uniforme) d’héritier est
présentée en détail aux articles 65 à 68 du Règlement.
Cela présuppose une demande255 formulée par la personne concernée – héritier, légataire,
exécuteur testamentaire, administrateur -, accompagnée par divers documents (actes d’identité,
certificats de naissance, de mariage, de décès, conventions matrimoniales, testaments,
déclarations d’acceptation ou de renonciation à la succession) en copies certifiées conformes ou
en original, fournissant des renseignements nécessaires concernant le demandeur, le défunt et sa
famille ou la succession même; la liste exhaustive des renseignements requis est stipulée à
l’article 65, alinéa 3 du Règlement. Ce n’est pas nécessaire que ceux-ci permettent la
détermination du caractère international de la succession, le certificat même pouvant être
éventuellement utilisé, par la suite, pour recueillir ces données
256; il n’importe pas, en outre, si la
succession a été ou non définitivement réglementée.
L’autorité émettrice (qui vérifie au préalable ses compétences, en vertu des règles
stipulées au Chapitre II du Règlement) doit activement examiner les documents et les
renseignements fournis, leur force et leur valeur probante. Elle peut initier et dérouler des
enquêtes de vérification, peut solliciter des preuves complémentaires ou des déclarations
solennelles de la part du demandeur; elle sera tenue de notifier tous les bénéficiaires de la
succession concernant la demande, qui auront la possibilité d’intervenir afin de communiquer
des informations pertinentes. La coopération avec les autorités des autres États membres (le
registre foncier, l'état civil, le registre du commerce) est également possible, le Règlement
n'offrant toutefois aucun détail au sujet des modalités effectives de la mettre en œuvre.
§4. Délivrance. Modification. Révocation. En vertu de l'article 67, une fois que les
éléments dont la certification est souhaitée ont été déterminés, en vertu de la loi successorale
applicable, l'autorité saisie délivrera immédiatement
257 le certificat, en se servant du formulaire
standard élaboré par la Commission. Les bénéficiaires (le demandeur mais aussi d'autres
personnes concernées par le règlement de la succession) seront notifiés à ce sujet. Deux
possibles raisons de refus de la délivrance du certificat sont mentionnées expressément, sans
épuiser toutefois les options
258, par le texte juridique. La première vise l'existence d'une
contestation, formulée dans le cadre d’une procédure judiciaire séparée ou directement devant
253 Voir aussi le considérant 70 du Préambule.
254 A. Davi, A. Zanobetti, op. cit., nº 166, p. 134.
255 Un formulaire standard de demande sera proposé par la Commission (mais son usage n’est pas obligatoire). Les
modalités effectives de déposer la demande (nombre d’exemplaires, enregistrement) sont régies par la loi de
l’autorité saisie. Si la légalisation ou les formalités correspondantes ne sont pas requises, le Règlement ne s’oppose
pas à la perception des timbres fiscaux ou des frais de notaire.
256 Voir aussi A. Davi, A. Zanobetti, op. cit., nº 166, p. 134.
257 Bien que le besoin de célérité ne soit pas accompagné par des sanctions en vertu du texte européen, un éventuel
recours aux règles nationales afin de contraindre ou de sanctionner les autorités délayant sans justification la
délivrance du certificat n'est pas exclu.
258 D'autres ajouts sont possibles en vertu de la législation nationale régissant l'activité de l'autorité émettrice (par
exemple l'article 86 de la Loi nº 36/1995).
109




Page 111
l’autorité saisie, au sujet des éléments dont la certification est souhaitée; le refus n’interviendra
pas automatiquement, l’autorité saisie gardant sa liberté, après la vérification du caractère fondé
de la demande, de disposer une éventuelle délivrance d’un certificat partiel portant sur les
données nettes. L’autre raison de refus, qui comporte des conséquences plus sérieuses, est
l’existence d’une décision relative aux éléments dont la certification est souhaitée, décision que
le certificat transgresserait.
L’autorité émettrice garde le certificat européen (uniforme) d’héritier puis délivre au
demandeur et, sur demande, à toute personne ayant un intérêt légitime, des copies conformes
certifiées
259 dont la validité est, en principe, de six mois260, délai à proroger dans des
circonstances exceptionnelles pertinemment justifiées (par exemple l’usage de la copie dans une
procédure en déroulement). La délivrance de nouvelles copies est possible (article 70), à
l’exception du cas où les effets du certificat sont suspendus.
L’autorité (tribunal ou notaire) ayant délivré un tel certificat est exclusivement compétente
pour sa rectification, modification ou révocation (article 71); si la première opération suppose la
simple correction d’une erreur matérielle de rédaction (comme, par exemple, un nom erroné, la
transcription erronée d’une date ou d’un numéro d’identification)
261, les deux autres peuvent
survenir en cas d’erreur grave ayant trait aux mentions du certificat, qui ne correspondent pas à
la réalité (l’identification d’un nouvel héritier ou d’un codicille au testament). La notification
immédiate de toutes les personnes ayant reçu des copies conformes certifiées est obligatoire
dans tous ces cas (article 71, alinéa 3); la suspension des effets du certificat européen (uniforme)
d’héritier est possible, à la demande des personnes faisant preuve d’un intérêt légitime (article
73, premier alinéa, lettre a).
Toute mesure de délivrance, rectification, modification, révocation ou refus de délivrance
d’un certificat européen (uniforme) d’héritier peut être contestée devant une
autorité judiciaire
de l’État membre où se trouve l’autorité émettrice
262. Au cours de ces procédures, à la demande
des personnes contestant la décision et avec la notification immédiate des possesseurs de copies
conformes certifiées, l’autorité judiciaire peut suspendre, temporairement, les effets du certificat
européen (uniforme) d'héritier (article 73, premier alinéa, lettre b). La délivrance du certificat
(ou sa révocation), sa modification ou sa rectification peuvent se réaliser soit directement, par
l'intermédiaire de la juridiction saisie pour le recours soit par l'intermédiaire de l'autorité
émettrice qui a reçu de nouveau le dossier afin de le réexaminer en de prononcer une nouvelle
décision.
§5. Contenu. En essayant d’opérer une standardisation qui facilite la circulation du
certificat européen (uniforme) d’héritier, l’article 68 du Règlement présente en détail son
contenu. Lorsque l’autorité saisie n’est pas en mesure de le compléter entièrement (par exemple
quand la procédure est à peine initiée, quand la position de tous les héritiers n’est pas encore
connue, quand des preuves supplémentaires sont requises), elle peut délivrer un certificat partiel
ou simplement refuser la délivrance du certificat jusqu’au moment de l’éclaircissement de la
situation
263.
Le certificat doit indiquer une série de données spécifiques, regardant le demandeur (nom,
nationalité, état civil, relation avec le défunt), la fin en vue de laquelle il est sollicité, les
259 En absence de précisions prévues par le Règlement, les règles spécifiques portant sur le régime de la
conservation de l'original, l'établissement de la liste des personnes ayant obtenu des copies, sa conservation et
modification, le régime de l'accès à l'original seront celles que chaque État membre établit pour les autorités saisies.
260 La date d'expiration devrait figurer expressément dans le document; en absence de celle-ci, la validité de la copie
n'est pas affectée, le terme de 6 mois étant calculé en fonction de la date de la délivrance. La justification de la
limitation temporelle instituée par le Règlement vise le souhait de garantir la corrélation entre le contenu du
document et la réalité (qui peut évoluer).
261 Voir la procédure stipulée à l'article 88 de la Loi nº 36/1995.
262 Voir également les articles 143 et 144 de la Loi nº 36/1995.
263 P. Wautelet, Article 68, op. cit., nº 2-4, p. 765.
110



Page 112
personnes concernées par la succession, le défunt (état civil, nationalité, résidence …) et le
décès (date et lieu). Les raisons pour lesquelles l’autorité s’est déclarée compétente, ainsi que la
loi applicable à la succession et la modalité de la déterminer doivent être mentionnées.
Plus important encore, le certificat européen (uniforme) d’héritier doit contenir des
informations ayant trait aux éléments qui résultent des droits et/ou des prérogatives des
exécuteurs testamentaires ou des administrateurs du patrimoine successoral, aux héritiers et aux
légataires, à l’existence d’une convention matrimoniale, d’un éventuel testament, d’une ou de
plusieurs déclarations d’acceptation ou de renonciation à la succession. Il devrait également
mentionner la quote-part de la succession et les droits revenant à chaque héritier, la liste
éventuelle des biens dus à un héritier ou à un légataire déterminé mais, à la fois, les possibles
restrictions incidentes (l’inaliénabilité, le démembrement de la propriété, la possible réduction
des droits des légataires vu l’existence des réservataires); à cette fin, il est impératif d’avoir en
vue la loi successorale applicable.
§6. Effets. En vertu de l’article 69, le certificat européen (uniforme) d’héritier est présumé
attester fidèlement l’existence des éléments mentionnés, donc ,,
d'éléments qui ont été établis en
vertu de la loi applicable à la succession ou en vertu de toute autre loi applicable à des
éléments spécifiques.
’’ Le certificat est automatiquement applicable dans tous les États membres
(y compris dans l’État d’origine) sans que cela nécessite des démarches spéciales. En vertu de
l’article 74, la légalisation ou toute formalité similaire ne pourront pas être sollicitées en vue de
l’acceptation de ses effets; sa vérification, dans l’État de destination, au sujet de la transgression
de l’ordre public, de la compétence de l’autorité émettrice ou même du respect du formulaire
prévu à l’article 67, alinéa 3
264 n’est non plus autorisée; les voies de recours réglementées aux
articles 71 et 72 visent exclusivement les autorités de l’État membre d’origine.
Les effets du certificat sont présentés en détail à l’article 69 et sont en tout premier lieu de
nature probante
265. Ils concernent en principe les éléments établis en fonction de lex successionis
(la détermination des héritiers/légataires, des droits dus à chacun d’entre eux, des pouvoirs de
l’exécuteur ou de l’administrateur) ainsi que des questions qui, même si régies par leurs propres
lois, influencent directement le contenu du certificat (par exemple les conditions substantielles
d’une disposition à cause de mort).
Les personnes désignées par le certificat européen (uniforme) d’héritier en tant qu’héritier,
légataire, administrateur ou exécuteur testamentaire sont présumées
266 disposer du statut et des
droits mentionnés par le certificat
267. Elles pourront se prévaloir de la qualité indiquée ci-dessus
sans devoir présenter, en plus de la copie conforme, des documents ou des preuves
supplémentaires (par exemple le certificat de naissance ou de mariage).
Corrélativement, les tiers ayant agi en vertu du certificat sont protégés; les opérations
déroulées par ces personnes sont considérées valides sauf si elles connaissaient le fait que les
264 P. Wautelet, Article 69, op. cit., nº 8, p. 782. Bien que le Règlement ne discute pas expressément le cas des
documents fictifs, il est évident que ceux-ci ne peuvent pas produire des effets.
265 Voir aussi le considérant 7 du Préambule qui spécifie le fait que le certificat ne devrait pas être considéré un titre
exécutoire.
266 Vu la possibilité de la contestation du certificat (et, corrélativement, de la révocation, rectification ou
modification de celui-ci), il s’agit d’une simple présomption – voir R. Crône, op. cit., numéro 422, p. 183.
267 Le certificat n’est pas, toutefois, la seule modalité de fournir cette preuve: la loi successorale régit généralement
,,
la vocation successorale des bénéficiaires, la détermination de leurs parts respectives et des charges qui peuvent
leur être imposées par le défunt, ainsi que la détermination d'autres droits sur la succession, y compris les droits
successoraux du conjoint ou du partenaire survivant
‘’ (article 23, alinéa 2, lettre b) du Règlement) et elle peut être
prise en considération, éventuellement à côté d’autres lois (
lex filiationis, lex matrimonii), en vue de la
détermination des modalités de prouver la qualité d’héritier ou de légataire; malgré la simplification avancée par le
Règlement au sujet des actes authentiques et des transactions, la circulation des documents nationaux peut encore
rencontrer des obstacles – voir P. Wautelet, Article 62, op. cit., nº 23-30, p. 711-714.
111



Page 113
informations fournies par le certificat ne correspondent pas à la réalité268 ou si elles n’en ont pas
eu connaissance suite à une négligence grave leur étant imputée
269. Ainsi, en principe, toute
entité (par exemple une banque) ayant transféré des biens ou effectué des paiements en vertu
d’un certificat européen (uniforme) d'héritier est relevée des obligations lui revenant et ne peut
pas être tenue de payer à nouveau (effet personnel). En outre, dans le cas de toute personne
ayant acquis la propriété ou un autre droit sur le bien en vertu des informations mentionnées par
le certificat européen (uniforme) d'héritier il sera considéré que celle-ci disposait de plein droit
du bien en question et elle ne sera pas tenue de restituer ou de rembourser la contrevaleur au
propriétaire réel. Le Règlement ne solutionne pas, cependant, toutes les questions portant sur la
validité de l'acquisition270 mais seulement celles ayant trait aux relations contractuelles engagées
avec la personne désignée par le certificat, respectivement à la bonne ou à la mauvaise foi du
tiers.
En même temps, en vue de la promotion du certificat européen (uniforme) d'héritier, le
Règlement permet l'accès aux registres publics par l'intermédiaire de celui-ci: en vertu de
l'article 69, alinéa 5, le certificat européen (uniforme) d'héritier constitue un
titre valable (dans
les versions roumaine, italienne, espagnole), respectivement un
document valable (dans les
versions française, anglaise, allemande, portugaise) à servir à l'inscription du transfert des biens
successoraux dans les registres correspondants d'un État membre (registres fonciers, registre du
commerce, l'Office d'État pour les inventions et les marques/OSIM …) sans que cela nécessite
des démarches particulières. La règle doit néanmoins être corrélée avec celle figurant au premier
article, alinéa 2, lettre l), qui exclut du champ d'application du Règlement les problèmes visant
l'inscription dans les registres publics
271. Cela permet la sauvegarde des exigences nationales
(portant notamment sur la forme des documents présentés, relativement contraignantes) et
impliquera, au moins parfois, l'évaluation de l'équivalence, du point de vue de la nature, entre le
certificat européen et les documents imposés par le droit national
272.
L’application de l’article 69 s’appuie, également, sur le fait que la loi de l’État membre où
se déroule l’opération permet les effets légaux que le certificat implique, dans les conditions où,
en vertu de l’article 2, premier alinéa, lettre k) sont exclus du champ d’application du Règlement
les problèmes ayant trait à ,,la nature des droits réels’’ sur un certain territoire. Lorsque le
certificat européen (uniforme) d'héritier parle d'un démembrement de la propriété inconnu dans
268 C’est le cas où le tiers a été notifié au sujet de la révocation, de la modification ou de la rectification du certificat
ou a agi de manière frauduleuse en connivence avec l’un des héritiers. Voir aussi le considérant 71 du Préambule au
sujet de la bonne foi du tiers.
269 C’est le cas où le tiers a été notifié au sujet de l’initiation d’une contestation du certificat et a agi sans tenir
compte de la manière de finalisation de cette procédure. Le tiers pourrait également faire l’objet d’une diligence
particulière lorsque le certificat, délivré au cours de l’étape initiale de la procédure successorale, mentionne
seulement les quotités idéales revenant à chaque héritier, sans préciser les solutions définitives (éventuellement
impliquées par une réduction, un rapport ou le paiement intégral des créances successorales).
270 Voir le considérant 71, partie finale: ,,Il n'appartient pas au présent règlement de déterminer si l'acquisition de
ce bien par un tiers est effective ou non.
’’ La présence du certificat ne s’oppose pas à la contestation de la
validité/efficacité de l’opération en raison, par exemple, de l’incapacité ou de l’expression de manière inappropriée
du consentement du tiers, de la transgression d’une éventuelle forme solennelle du contrat, de l’absence du
paiement du prix ou de la non exécution d’autres obligations assumées.
271 L’article premier, alinéa 2 prévoit: ,,Sont exclus du champ d'application du présent règlement: […] l) toute
inscription dans un registre de droits immobiliers ou mobiliers, y compris les exigences légales applicables à une
telle inscription, ainsi que les effets de l'inscription ou de l'absence d'inscription de ces droits dans un registre.’’
272 Voir P. Wautelet, Article 69, op. cit., nº 62-66, p. 802-805. Dans ce contexte, le problème de traduction
mentionné ci-dessus peut conduire à des conséquences qui ne sont pas à ignorer: l'existence d'un ,,titre valable''
donne automatiquement le droit à l'inscription/à la modification des registres, tandis que le ,,document valable"
confère aux autorités une liberté d'évaluation considérable. La doctrine juridique considère, par exemple, qu'un
certificat européen (uniforme) d'héritier ne suffit pas, en soi, pour procéder, en Allemagne ou en France, à
l'actualisation des registres fonciers (voir P. Wautelet,
op. cit., nº 65, p. 804 et les auteurs allemands et français
cités).
112



Page 114
la législation de l'État de destination, une adaptation en vertu des modalités présentées en détail
à l'article 31 pourrait cependant être envisagée afin de ne pas priver complètement le certificat
de son efficacité.
Les effets du certificat ne peuvent pas s'étendre à des questions exclues du champ
d'application du Règlement, par exemple celles de nature propriétaire, la parenté entre le défunt
et un bénéficiaire, respectivement le régime matrimonial ou ,,
les questions liées aux régimes
patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, sont réputées avoir
des effets comparables au mariage
’’273. Les autorités compétentes doivent, par exemple, se
prononcer, en vertu de leurs propres règles de droit international privé, concernant la
détermination des successibles ou du patrimoine successoral du défunt et des parts revenant aux
bénéficiaires, ainsi qu’au sujet de l’existence du lien de parenté ou des aspects patrimoniaux du
régime matrimonial (voir le considérant 12 du Préambule). La présomption de véracité stipulée
à l’article 69, alinéa 2 du Règlement n’opérera pas dans ce cas; les autorités de l’État membre où
le certificat sera utilisé, disposant de la liberté de déterminer, en vertu de leurs propres règles
(jusqu’au moment de l’adoption de normes européennes uniformes en la matière), si le lien de
parenté indiqué par le certificat
274 existait ou non ou bien si le règlement des questions ayant
trait au régime matrimonial s’est réalisé de manière appropriée.
273 Le premier article, alinéa 2, lettre d) et le considérant 12 du Préambule excluent les aspects ayant trait aux
régimes matrimoniaux du champ d’application du Règlement (,,12.
Ainsi, le présent règlement ne devrait pas
s'appliquer aux questions ayant trait aux régimes matrimoniaux, y compris les conventions matrimoniales que
connaissent certains systèmes juridiques, dès lors que celles-ci ne traitent pas de questions successorales, ni aux
régimes patrimoniaux applicables aux relations réputées avoir des effets comparables à ceux du mariage ...
’’).
274 Au sujet de la reconnaissance de quelques-uns des effets d’un mariage entre des personnes de même sexe conclu
à l’étranger et de la variation des effets de l’exception d’ordre public international voir A. Oprea, ’’Sur la
reconnaissance du statut matrimonial acquis à l’étranger et la protection européenne du droit à la vie familiale’’,
Studia Universitatis Babes Bolyai – Iurisprudentia, 4/2012, p. 149-169, nº 28.
113


























Page 115
Chapitre III. Cas pratiques portant sur la reconnaissance et l’exécution des
décisions et des actes authentiques étrangers
Nº 1 (pour les juridictions). Applicabilité du Règlement nº 650/2012. Reconnaissance
des décisions prononcées dans des États membres de l’UE et dans des États tiers. Raisons du
refus de reconnaissance – incompatibilité.
A, ressortissant allemand, décède en Turquie, l’État
de sa dernière résidence habituelle. Son patrimoine inclut des biens immobiliers situés sur le
territoire de l’Allemagne, de la Turquie et de la Roumanie. Entre ses deux fils – X, ressortissant
allemand dont la résidence se trouve en Allemagne et Y, ressortissant turc dont la résidence se
trouve en Turquie, survient un litige portant sur leur parts respectives et la juridiction
allemande est saisie. Celle-ci prononce une décision dont la reconnaissance en Roumanie est
sollicitée par X. Y s’oppose à la reconnaissance en invoquant, d’une part, l’incidence de
l’article 1096, lettre e) du nouveau Code de procédure civile/NCPC corroboré avec l’article
1079, premier alinéa du nouveau Code de procédure civile/NCPC et, d’autre part, l’existence
d’une décision turque antérieure constatant l’indignité successorale de son frère. Quelle est la
procédure à suivre?

Application internationale du Règlement nº 650/2012. L’un des objectifs explicites du
Règlement 650/2012 est celui d’éliminer, dès son application dans les États membres, ,,
les
entraves à la libre circulation de personnes confrontées aujourd'hui à des difficultés pour faire
valoir leurs droits dans le contexte d'une succession ayant des incidences transfrontières.
’’
(considérant 7 du Préambule). Les règles figurant au Chapitre IV ,,La
reconnaissance, la force
exécutoire et l’exécution des décisions
’’ ont été instituées à cette même fin et sont des règles
uniformes destinées à prévaloir sur les normes nationales ayant le même objet. Cette primauté
doit néanmoins être reconnue seulement si les conditions d’applicabilité temporelle, matérielle
et spatiale du Règlement sont remplies.
La première – l’applicabilité temporelle (supposée respectée en l’espèce) – impose de
prendre en considération, de manière corrélative, les articles 83 et 84 du Règlement: si l’article
84 établit que les règles instituées (y compris celle relatives à la reconnaissance) vont être
appliquées en principe à partir du 17 août 2015, l’article 83 relatif aux dispositions transitoires
introduit une condition supplémentaire: le Règlement est applicable uniquement aux successions
des personnes ayant décédé après le 17 août 2015 (y compris le 17 août 2015). La présence
d’une double exigence peut être expliquée par le fait que la flexibilité en matière de
reconnaissance des décisions est le corrélatif du respect des règles uniformes de compétence
juridictionnelle et législative nouvellement instituées, de nature à éviter le
forum shopping et à
assurer un niveau de proximité approprié (entre le litige et la juridiction, respectivement la loi
compétente)
275. Lorsqu’il a souhaité introduire un régime favorable aux décisions prononcées
avant l’entrée en vigueur d’un règlement, le législateur européen a fait cela explicitement, en
imposant des conditions qui assurent un nombre minimal de garanties en la matière
276.
L’applicabilité matérielle des règles instituées au Chapitre IV du Règlement nº 650/2012
implique la vérification du fait que la décision dont la reconnaissance est sollicitée a trait à la
matière successorale (qu’elle vise donc un transfert de biens, de droits et d’obligations à cause
de mort, en vertu de l’article 3, premier alinéa, lettre a), en respectant les exclusions stipulées à
l’article premier, premier alinéa, 2
ème phrase et alinéa 2 du Règlement. En l’espèce, la décision
identifiant les héritiers, les parts, respectivement les biens dus à chacun ne soulève pas des
difficultés considérables, la situation est d’ailleurs la même quant à la décision constatant une
275 Voir,pour une situation similaire, les articles 43 et 47 du Règlement nº 1346/2000 relatif aux procédures
d’insolvabilité.
276 Voir l’article 64 du Règlement nº 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des
décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.
114



Page 116
indignité successorale; dans le cas de cette dernière décision, il est notamment connu que, même
si l’article premier, alinéa 2, lettre b) exclut les questions ayant trait à la capacité juridique des
personnes physiques du champ d’application du Règlement, il réserve expressément la capacité
successorale, dans le cas de laquelle il établit la compétence de
lex successionis, tout comme
pour l’indignité successorale (cas d’indignité, effets, régime) (article 23, alinéa 2, lettres c) et d).
Enfin, l’applicabilité du Chapitre IV du Règlement nº 650/2012 dépend de l’origine de la
décision dont la reconnaissance est sollicitée dans l’État membre de destination: le régime
flexible institué favorise exclusivement les décisions prononcées dans d’autres États membres
de l’UE
277; quant aux autres décisions, les juridictions de l’État où la reconnaissance est
sollicitée appliqueront le droit commun en la matière (leurs propres règles, d’origine interne ou,
éventuellement, conventionnelle, relatives à l’efficacité des décisions étrangères; dans le cas de
la Roumanie, il s’agit de l’article 1095 et des suivants du nouveau Code de procédure
civile/NCPC). Étant donné que, en l’espèce, les parties invoquent deux décisions, l’une
prononcée dans un État membre et l’autre dans un État tiers, à chacune s’appliquera le régime
spécifique correspondant relatif à la reconnaissance.
Malgré le fait que, en vertu de l’article 39, premier alinéa du Règlement nº 650/2012, ,,les
décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans
qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure
’’, en cas de contestation (la situation
donnée), l’intervention des juridictions ne peut pas être évitée. Quant aux règles à suivre, en
l’espèce, ce sont celles stipulées aux articles 45-58 du Règlement, complétées par d’éventuelles
dispositions nationales.
La compétence territoriale interne de la juridiction roumaine pour statuer concernant les
demandes de reconnaissance s’établit en vertu des règles stipulées à l’article 1098 du nouveau
Code de procédure civile/NCPC
278. Celui-ci distingue entre la voie principale et la voie
incidente de la demande de reconnaissance, en fonction de la voie par laquelle la juridiction est
saisie. Dans le premier cas, deux solutions hiérarchiques se présentent: le tribunal dans
l’arrondissement duquel se trouve le domicile/le siège de celui s’opposant à la reconnaissance
et, par défaut, le Tribunal Bucarest. Lorsque la demande est formulée par voie incidente dans le
cas d’un procès ayant un autre objet, le tribunal habilité à juger pourra également statuer
au sujet de la reconnaissance de la décision étrangère. Comme, en l’espèce, les héritiers ne
résident pas en Roumanie, les demandes relèvent de la compétence du Tribunal Bucarest. Si,
corrélativement, la confirmation de l’exécution avait été demandée, la juridiction compétente
aurait été le tribunal dans l’arrondissement duquel allait s’accomplir la mise en exécution
(article 45, alinéa 2 du Règlement nº 650/2012, article 1102 du nouveau Code de procédure
civile/NCPC).
Procédure. Au sujet de la reconnaissance de la décision allemande, la liberté de disposer
du tribunal est extrêmement réduite, l’article 48 du Règlement s’opposant expressément à la
vérification des raisons de refus de reconnaissance en étape initiale de la procédure. Après la
constatation de l’existence des documents mentionnés à l’article 46 du Règlement – la demande
de reconnaissance, une copie de la décision remplissant toutes les conditions imposées en vue de
277 La notion d’,,État membre’’ doit être interprétée par rapport aux considérants 82 et 83 du Règlement: la Grande-
Bretagne et l’Irlande (en absence de l’exercice du droit d’
opt-in, surtout au sujet du Règlement Rome IV) ainsi que
le Danemark ne seront pas considérés des États membres et la reconnaissance des décisions y prononcées se fera en
vertu des règles du droit commun des États de destination.
278 L‘article 39, alinéa 3 du Règlement renvoie à l’article 45, alinéa 2 qui institue deux critères alternatifs: le
domicile de la partie contre laquelle l’on sollicite l’exécution, respectivement le lieu d’exécution; lorsque la
procédure vise exclusivement la reconnaissance, il se peut que nul ne soit applicable (une conséquence négative
étant la limitation de la circulation de la décision), quelques-uns des auteurs proposant l’admission de la liberté du
demandeur de saisir n’importe quelle juridiction de l’État où l’on sollicite la reconnaissance (voir II. Pretelli,
Article
39, op.cit., nº 15, p. 579 qui indique l’avis des auteurs français H. Gaudemet-Tallon, respectivement P. Gothot, D.
Holleaux au sujet des dispositions correspondantes de la Convention de Bruxelles et du Règlement Rome I).
115


Page 117
la détermination de son authenticité279, l’attestation délivrée par la juridiction de l’État
d’origine
280 et, si la juridiction le sollicite, d’éventuelles traductions légalisées – la juridiction
prononce la décision de reconnaissance, qu’elle communique immédiatement aux personnes
concernées (les dispositions des articles 1099 et 1101 du nouveau Code de procédure
civile/NCPC ne sont pas incidentes, les exigences y instituées au sujet des documents joints à la
demande, respectivement de la citation des parties n’étant donc pas applicables). La décision de
reconnaissance peut faire l’objet d’une contestation, avec le respect du délai prévu à l’article 50,
alinéa 5 du Règlement; comme la personne contre laquelle est sollicitée la reconnaissance ne
réside pas en Roumanie, ce délai est, en l’espèce, de 60 jours et sera calculé à partir de la date de
la notification, respectivement de la communication remise en mains propres ou envoyée à sa
résidence.
Raisons de refus de reconnaissance. La procédure devient contradictoire dès l’initiation
de la contestation. Le législateur européen a réglementé de manière exhaustive les raisons de
refus de reconnaissance
281 que la juridiction peut prendre en considération seulement à la
demande de la personne concernée (leur vérification
ex officio n'est pas possible), personne qui
doit fournir, à la fois, la preuve que les conditions stipulées par le texte juridique ont été
remplies.
Avant d'examiner leur incidence en l'espèce, une mention s'impose: le contrôle de la
compétence de la juridiction de l'État d'origine ne se trouve pas parmi ces raisons, ce qui n'est
pas admissible du point de vue du Règlement
282. D'ailleurs, cette compétence ne soulève pas des
problèmes en l'espèce: si le défunt a possédé la nationalité allemande et une partie des biens
successoraux se trouvaient sur le territoire de l'Allemagne, la juridiction allemande a pu fonder
sa compétence sur l'article 10, premier alinéa, lettre a) du Règlement pour se prononcer quant à
l'ensemble de la succession. En même temps, vu la priorité hiérarchique du Règlement européen
face aux réglementations nationales, les dispositions de l’article 1096, lettre e) du nouveau Code
de procédure civile/NCPC corroborées avec celles de l’article 1079, premier alinéa du nouveau
Code de procédure civile/NCPC (refus de reconnaissance justifié par la compétence exclusive
des juridictions roumaines pour les litiges concernant des immeubles situés sur le territoire de la
Roumanie) ne sont donc pas applicables.
Parmi les raisons de refus de reconnaissance stipulées à l’article 40 du Règlement nº
650/2012, est incidente, en l’espèce, celle prévue à la lettre d): l’incompatibilité entre la décision
dont la reconnaissance est sollicitée et une décision étrangère prononcée antérieurement (dans
un État membre ou dans un État tiers). Les conditions prévues à ce sujet par le texte juridique
sont suffisamment contraignantes: d’une part, l’incompatibilité doit viser des décisions
279 Selon la doctrine juridique, l’authenticité de la décision doit être établie en vertu de la législation de l’État
d’origine; en absence de tout renseignement fourni par le Règlement à ce sujet, il faudrait, au moins, vérifier la
présence de la signature de la formation de jugement et du cachet (voir II. Pretelli,
Article 46, op. cit., nº 4, p.619-
620).
280 Cette attestation, rédigée sur un formulaire standard européen, a le rôle de faciliter la procédure de
reconnaissance/d’acceptation de l’exécution. Ainsi qu’il résulte de l’article 47, premier alinéa, partie finale,
l’attestation n’est pas obligatoire: la juridiction de l’État de destination peut dispenser le demandeur de sa remise
lorsque les éléments dont elle dispose sont suffisamment pertinentes.
281 La solution est justifiée par le caractère exceptionnel/dérogatoire des mesures de refus de reconnaissance, de
véritables transgressions du principe de la reconnaissance mutuelle (article 67 du Traité sur le fonctionnement de
l’Union européenne/TFUE), le fondement même de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, principe dont le
respect doit être garanti aussi amplement que possible.

282 À la différence des Règlements Bruxelles I et Bruxelles II bis, le Règlement nº 650/2012 ne prévoit pas
expressément que les juridictions de l’État de destination ne peuvent pas vérifier la compétence de la juridiction de
l’État d’origine, mais la solution est implicite - voir J. Foyer,
op. cit., p.155. Sa motivation réside, d’une part, dans
l’absence, au niveau du contenu du Règlement, des critères de compétence exclusive ou protectrice, dont le respect
devrait être assuré au moyen d’un éventuel refus de reconnaissance de la décision les transgressant et, d’autre part,
dans la confiance mutuelle à l’égard de l’interprétation et de l’application correctes des critères uniformes de
compétence institués.
116


Page 118
provenant de procédures se déroulant entre les mêmes parties et ayant le même objet (1), d’autre
part la décision étrangère doit être susceptible de reconnaissance dans l’État où elle est sollicitée
(2) et antérieure à la décision dont la reconnaissance est sollicitée (3).
Du point de vue de la première condition, il faut remarquer que les difficultés qu’elle
soulève ne sont pas significatives, les effets juridiques des deux décisions s’excluant
mutuellement: les deux héritiers ont été parties à chacune des deux procédures successorales
déroulées en Allemagne et en Turquie, leur position procédurale étant négligeable (identité
subjective); en outre, les deux litiges – portant sur le partage de la succession en Allemagne,
respectivement sur la constatation de l’indignité successorale en Turquie - peuvent être
envisagés comme ayant le même objet – en l’espèce, la détermination des héritiers et des droits
successoraux dus à chacun de ceux-ci (l’identité objective est déterminée à partir du ,,noyau du
litige’’
283 et non en s’appuyant sur des critères purement formels).
Quant à la deuxième condition – la décision étrangère doit être susceptible de
reconnaissance dans l’État du for
284 -, il faut remarquer que le législateur européen n’opère pas
des distinctions en fonction de l’État d’origine entre les États membres et les États tiers;
toutefois, sa capacité de reconnaissance est évaluée dans le premier cas en vertu des règles
instituées par le Règlement (en principe les articles 39-40), tandis que, dans l’autre cas, sont
incidentes les normes de droit commun de l’État où elle est sollicitée (article 1095 et les suivants
du nouveau Code de procédure civile/NCPC) ou les éventuelles conventions internationales
ratifiées par cet État. En l’espèce, l’État d’origine de la deuxième décision étant la Turquie, les
juridictions roumaines respecteront les dispositions de l’Accord relatif à l’assistance judiciaire
en matière civile, signé par la Roumanie et la Turquie le 28 septembre 2005, à Ankara et ratifié
par la Loi nº 214/2006. Ainsi, dans la motivation de sa demande de reconnaissance, Y devra
fournir, en vertu de l’article 1099 du nouveau Code de procédure civile, une copie authentique
de la décision turque, la preuve du caractère définitif et exécutoire de la décision, la preuve de la
remise de la citation et de la saisine de la juridiction, communiquées à X en temps utile, des
traductions légalisées. La juridiction devra constater, par la suite, (a) le caractère définitif et
exécutoire de la décision en vertu de la loi turque (à vérifier
in concreto), (b) la compétence
(légitime) de la juridiction turque pour juger le litige (oui, en tant que juridiction de la dernière
résidence du défunt) et l’absence d’un critère de compétence exclusive en faveur de la
juridiction roumaine (oui, aucun critère stipulé aux articles 1078-1079 du nouveau Code de
procédure civile/NCPC n’est incident en l’espèce), (c) la réciprocité entre la Roumanie et la
Turquie au sujet de la reconnaissance des décisions (oui, voir les articles 16-17 de la Loi nº
214/2006 mentionnée ci-dessus), (d) la notification, en temps utile, du défendeur ayant perdu le
procès, portant sur la procédure initiée contre lui en Turquie de sorte qu’il puisse se défendre de
manière appropriée (à vérifier
in concreto), (e) l’absence d’une transgression, par la décision
étrangère, de l'ordre public de droit international privé de Roumanie (ce n'est pas le cas), (f) la
non transgression de la loi roumaine (ce n'est pas le cas, la loi roumaine n'est pas applicable en
l'espèce), (g) le respect du droit à la défense du défendeur (à vérifier
in concreto), (h) la non
incompatibilité avec une décision prononcée en Roumanie ou l'inexistence d'un procès ayant le
même objet en Roumanie (ce n'est pas le cas). Si les exigences stipulées sont respectées, le
critère principal à servir au règlement du ,,conflit" entre les deux décisions, indiqué à l'article 40,
lettre d) du Règlement, est de nature temporelle: prévaudra, au sujet de la reconnaissance dans
l'État où elle est sollicitée, la première décision prononcée (
prior in tempore potior in iure). Si
les affirmations faites par Y, selon lesquelles la décision turque est antérieure à l'autre, sont
prouvées vraies en vertu des preuves fournies, la juridiction refusera la reconnaissance de la
décision allemande.
283 Voir A. Bonomi, Article 17, op.cit., nº 9 et les suivants, p. 263.
284 Le législateur européen n’impose pas que la décision étrangère préalable soit déjà reconnue dans l’État où elle
est sollicitée.
117


Page 119
Nº 2 (pour les juridictions). Exequatur. Décision non définitive. Absence de
l’attestation. Suspension de la procédure.
X, ressortissant roumain dont la dernière résidence
habituelle se trouve en Espagne, décède, ses biens se trouvant sur le territoire de la Roumanie
et de l’Espagne. Vu qu’il avait initié une action en contestation de la paternité de son fils d’un
mariage antérieur, A, il a rédigé, peu de temps avant son décès, un testament, léguant tous ses
biens à B, le fils de son frère, qui le soignait. Entre A et B survient un litige portant sur la
validité et l’effet du testament, respectivement les droits successoraux dus à chacun. Le litige a
été réglementé en Espagne par décision; A demande, en Roumanie, la reconnaissance et
l’exécution de cette décision. B s’y oppose, en montrant, d’une part, que la décision espagnole
n’est pas définitive et, d’autre part, que l’attestation stipulée à l’article 46 n’a pas été déposée
par A. Quelle est la procédure à suivre?
Reconnaissance et exécution de la décision espagnole. Si, en vertu de l’article 39,
premier alinéa du Règlement nº 650/2012, les décisions prononcées dans un État membre sont
reconnues de plein droit dans les autres États membres, sans que l’initiation d’une procédure
spécifique soit requise, l’article 43 oblige en échange, au sujet de l’exequatur, les personnes
concernées à obtenir, dans l'État de destination, une déclaration constatant la force exécutoire.
Compétence des juridictions roumaines. La compétence internationale des juridictions
roumaines s'établira en vertu de l'article 45 du Règlement: la demande, accompagnée par les
documents requis
285, sera déposée au tribunal286 dans l'arrondissement duquel doit s'effectuer la
mise en exécution ou se trouve le domicile de la partie contre laquelle l'on sollicite l'exécution;
le Règlement ne permet pas l'autonomie de volonté dans la conclusion d'une éventuelle
convention d'élection de for (qui sera inefficace). D'ailleurs, dans cette première étape, la
procédure n’est pas contradictoire et la partie contre laquelle l’on sollicite l’exequatur ne doit
pas être citée.
En vertu de l’article 48, une fois les documents déposés par le demandeur vérifiés, la
juridiction doit, en principe, prononcer l’exequatur; les raisons pour lesquelles, dans cette étape,
l’exequatur peut être refusé sont extrêmement limitées: la décision dont la reconnaissance est
demandée n’existe pas ou n’entre pas dans le champ d’application du Règlement
287,
respectivement la juridiction saisie se déclare incompétente en la matière.
Si la décision portant sur la demande de l’octroi de l’exequatur doit être communiquée au
demandeur quelle que soit son contenu (octroi ou refus), l’autre partie sera notifiée
exclusivement en cas d’octroi (article 49). Dans les deux cas, les moyens de communication
sont ceux prévus par la loi du for (en Roumanie, l’article 427, l’article 163 et les suivants du
nouveau Code de procédure civile/NCPC).
285 L’article 46, alinéa 3: ,,La demande est accompagnée des documents suivants: a) une copie de la décision
réunissant les conditions nécessaires pour en établir l'authenticité; b) l'attestation délivrée par la juridiction ou
l'autorité compétente de l'État membre d'origine sous la forme du formulaire établi conformément à la procédure
consultative visée à l'article 81, paragraphe 2, sans préjudice de l'article 47
.’’ Si la copie de la décision est
obligatoire, la situation est différente dans le cas de l’attestation; en vertu de l’article 47, la juridiction/l’autorité
compétente peut avancer un délai pour sa remise ou accepter un document équivalent ou, si elle considère disposer
de renseignements suffisants, s’en dispenser. En outre, en vertu de l’article 47, alinéa 2, la juridiction peut solliciter
la traduction des documents, effectuée par une personne autorisée à cette fin.
286 En vertu de l’article 45, premier alinéa du Règlement, la juridiction envisagée est celle communiquée à la
Commission européenne par tous les États membres, conformément à l’article 78, premier alinéa, lettre a) (jusqu’au
plus tard le 14 novembre 2014); en vertu de l’article 1102 du nouveau Code de procédure civile/NCPC et vu les
questions de l’exequatur des décisions en matière civile et commerciale (dans le sens du Règlement nº 44/2001), de
l’exequatur des décisions de divorce, de l’annulation du mariage ou de la responsabilité parentale (dans le sens du
Règlement nº 2201/2003), les autorités roumaines ont communiqué la juridiction compétente – «tribunalul»/le
tribunal (voir aussi la Loi nº 191/2007 pour l’approbation de l’Ordonnance d’urgence du gouvernement nº 119/2006
relative aux mesures nécessaires pour l’application des règlements européens depuis l’adhésion de la Roumanie à
l’Union européenne, le Journal officiel nº 1036 du 28.12.2006), selon le principe de l’uniformité, «tribunalul»/le
tribunal serait aussi, le plus probablement, la juridiction d’exequatur en matière successorale.
287 II. Pretelli, Article 48, op. cit., nº 2, p. 625.
118


Page 120
Une fois communiquée, la décision d’octroi de l’exequatur peut être contestée (en
l’espèce) en vertu de l’article 50 du Règlement
288 et, dans une telle situation, la juridiction
pourra aussi bien se prononcer sur
l’existence d’éventuelles raisons de refus de
reconnaissance/d’exécution. Celles-ci ne seront pas analysées d’office par les juridictions mais
uniquement à la demande du requérant
289, qui sera tenu de les mentionner explicitement. Vu
l’énumération restrictive des raisons de refus de reconnaissance/d’exécution prévue à l’article 40
du Règlement – la transgression de l’ordre public, l’absence de la notification du défendeur, des
décisions incompatibles – la juridiction saisie sera tenue de se limiter à la vérification du respect
ou du non respect des conditions imposées (en vertu de l’article 52
290); dans la jurisprudence
occidentale circonscrite à la Convention de Bruxelles, il fut néanmoins stipulé que la
contestation de la compétence du juge de l’exequatur291 par la partie concernée, doit être
possible même à cette étape.
Incidence du caractère non définitif de la décision. L’incidence du caractère non
définitif de la décision de reconnaissance/d’exécution est relativement faible du point de vue de
la procédure d’octroi de l’exequatur (ce caractère ne servira pas de raison de refus de la
demande). Le point de départ est représenté par l’article 43, qui précise que les décisions
exécutoires sont susceptibles de reconnaissance dans l’État d’origine. Le caractère exécutoire, la
seule condition prévue à cette fin par le texte juridique, est régi par la loi de l’État membre
d’origine; il est certifié par l’autorité délivrant l’attestation, prévue à l’article 46, qui
accompagne la décision et, selon de la position de la Cour de justice de l’Union européenne, il
vise exclusivement le caractère intrinsèque de la décision et non les circonstances dans
lesquelles la décision pourrait être exécutée dans l’État d’origine
292; d’ailleurs, le cas où, dans
son État d’origine, vu le contexte particulier, l’exécution proprement dite ne serait pas possible
limite
la décision:
la partie qui sollicite
le nombre des personnes pouvant contester
288 Le texte juridique précise les délais: 30 jours, en principe, depuis la notification ou la communication,
respectivement 60 jours si le domicile de la partie contre laquelle l’on sollicite l’exécution ne se trouve pas dans
l’État du for.
289 Afin de ne pas restreindre, de manière justifiée, la circulation des décisions dans l’espace européen, le législateur
la
européen
reconnaissance/l’exécution, respectivement la partie contre laquelle l’on sollicite cette reconnaissance/exécution.
Les tiers concernés ne peuvent pas initier une telle contestation, ni même de manière oblique (arrêt de la Cour de
justice des Communautés européennes/CJCE du 23 avril 2009, C-167/08,
Draka, §29); ainsi, dans sa jurisprudence
portant sur la Convention de Bruxelles/le Règlement Bruxelles I, la Cour de justice a statué que les règles
nationales admettant d’autres personnes que celles ayant été parties au litige déroulé dans l’État d’origine sont
incompatibles avec le système de la Convention de Bruxelles (arrêt de la Cour de justice de l’Union
européenne/CJUE du 21 avril 1993, C-172/91,
Sonntag, §33-34: „33. … la convention a créé une procédure
d'exequatur qui constitue un système autonome et complet, y compris dans le domaine des voies de recours, et qu'il
en résulte que l'article 36 de la convention exclut les recours que le droit interne ouvre aux tiers intéressés à
l'encontre d'une décision d'exequatur. 34. Ce principe doit également être appliqué au recours introduit
ultérieurement, conformément à l'article 37, deuxième alinéa, de la convention. Le fait d’interdire à un tiers
intéressé de former un recours au titre de l'article 36, tout en lui permettant d'intervenir au stade ultérieur de la
procédure, en formant un recours au titre de l'article 37, irait, en effet, à l'encontre du système susmentionné ainsi
que de l'un des objectifs principaux de la convention, qui est de simplifier la procédure dans l'État d'exécution
”).
Comme l’exécution proprement dite est régie par la loi de l’État d’exécution, rien ne s’oppose à ce que ceux-ci
valorisent éventuellement leurs droits par voie de contestation de l’exécution – arrêt de la Cour de justice de
l’Union européenne/CJUE du 2 juillet 1985, C-148/84,
Deutsche Genossenschaftsbank, §18: „la convention se
bornant à régler la procédure d'exequatur des titres exécutoires étrangers et ne touchant pas à l'exécution
proprement dite qui reste soumise au droit national du juge saisi, les tiers intéressés pourront intenter contre les
mesures d'exécution forcée les recours qui leur sont ouverts par le droit de l'État où l'exécution forcée a lieu’’ …

290 L’article 52 du Règlement: ,,La juridiction saisie d'un recours au titre de l'article 50 ou 51 ne peut refuser ou
révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l'un des motifs prévus à l'article 40. Elle statue
sans délai.
’’
291 Voir l’arrêt de la Cour d’appel de Luxembourg du 15 novembre 2001, Dahlem c. Wagner, apud II. Pretelli,
Article 50, op. cit., nº 6, p. 631 qui est d’avis qu’il serait possible de retenir la même solution au sujet de l’exequatur
des décisions dans le système du Règlement nº 650/2012.
292 Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 29 avril 1999, C-267/97, Coursier, §32-33.
119


Page 121
n’est pas à prendre en considération293. Le texte juridique n’impose pas, d’autre part, la
condition du caractère définitif; l’obtention de l’exequatur pour des décisions exécutoires mais
non définitives est, par conséquent, possible.
Suspension des procédures. Toutefois, afin de protéger les personnes concernées contre
les éventuels préjudices générés par l’exequatur de décisions étrangères susceptibles d’être
modifiées, le législateur européen a stipulé, à l’article 53 du Règlement, la possibilité que le juge
de l’exequatur (ou bien la juridiction saisie au sujet de la contestation de la décision d’octroi de
l’exequatur, en vertu de l’article 51) suspende les procédures.
Les conditions imposées à cette fin peuvent être facilement inférées du texte juridique. La
première implique l’existence d’une demande, formulée par la personne concernée, en vue de la
suspension des procédures dans l’État de destination294. La seconde requiert l’exercice d’une
voie de recours dans l’État d’origine qui entraîne, ainsi que statué par la Cour de justice de
l’Union européenne lors de l’interprétation de la Convention de Bruxelles, l’annulation ou la
modification de la décision
295; la partie qui demande la suspension doit prouver la saisine
effective de la juridiction. Enfin, la troisième condition regarde la suspension du caractère
exécutoire de la décision dans l’État d’origine, suite à l’exercice de la voie de recours
(suspension déterminée en vertu de la loi de l’État d’origine)
296. Si ces conditions cumulées sont
remplies, la juridiction suspend la procédure d’exequatur, sa capacité d’évaluation étant
extrêmement limitée
297; la décision par laquelle la suspension est décidée ou la décision qui
relève une suspension antérieure ne peuvent pas faire l'objet d'une contestation
298. En l'espèce,
comme la suspension n'a pas été sollicitée par une personne concernée (la première condition),
le tribunal ne devra pas statuer (
ex officio) à ce sujet.
Absence de l’attestation. En vertu de l’article 47 du Règlement, le fait de ne pas fournir,
en tant que demandeur, l’attestation stipulée à l’article 46 ne représente pas,
per se, une raison
de refuser une demande de reconnaissance ou d’exequatur; en vertu de l’interprétation des
293 Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 28 avril 1999, C-420/07, Apostolides, §69 et les
suivants.
294 Une remarque portant sur le cas au sujet duquel seule la reconnaissance de la décision contestée dans l’État
d’origine est visée: l’interprétation littérale de l’article 42 permet à la juridiction, dans ce cas, d’envisager la
suspension
ex officio tandis que, au sujet de la procédure d’exequatur, l’article 53 rend la suspension dépendante,
entre autres, de la sollicitation expresse par la partie intéressée.
295 Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes/CJCE du 22 novembre 1977, affaire 43/77,
Industrial Diamond Supplies.
296 Il faut attirer l’attention, dans ce contexte, sur la traduction erronée, en roumain, de l’article 53 du Règlement: la
version roumaine prévoit que „
Instanța [...] suspendă procedurile […], dacă se suspendă încuviințarea executării
hotărârii judecătorești în statul membru de origine ca urmare a exercitării unei căi de atac
”, les versions française,
italienne ou anglaise indiquent uniquement la suspension du caractère exécutoire de la décision: „
La juridiction
[…] sursoit à statuer, […] si la force exécutoire de la décision est suspendue dans l'État membre d'origine, du fait
de l'exercice d'un recours
” (français) ; „L’organo giurisdizionale […], sospende il procedimento se l’esecutività
della decisione è sospesa nello Stato membro d’origine per la presentazione di un ricorso
..” (italien); „The court
[…] shall […] stay the proceedings if the enforceability of the decision is suspended in the Member State of origin
by reason of an appeal
” (anglais).
297 En opposition avec l’article 42 - pour les cas de ,,reconnaissance’’ la juridiction pouvant suspendre la procédure,
l’article 53 dispose que, dans le cas de ,,l’exequatur’’, la juridiction suspende la procédure (si les conditions sont
remplies à cette fin); d’ailleurs, dans sa jurisprudence portant sur les dispositions correspondantes de la Convention
de Bruxelles, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé que celles-ci doivent être interprétées
restrictivement, afin de ne pas porter atteinte à l’effet utile des dispositions visant l’octroi de l’exequatur et de ne
pas compromettre le but de celui-ci (la libre circulation des décisions); voir l’arrêt de la Cour de justice des
Communautés européennes/CJCE du 4 octobre 1991, C-183/90,
Van Dalfsen: „.. l'article 38, premier alinéa, de la
convention doit être interprété de façon stricte, sous peine de porter atteinte à l'effet utile de l'article 31 de cette
convention et de compromettre l'objectif poursuivi par celle-ci, qui est d'assurer la libre circulation des jugements
en permettant que les décisions exécutoires rendues dans un État contractant puissent être mises à exécution dans
un autre État contractant’’.

298 Voir, au sujet des dispositions correspondantes de la Convention de Bruxelles/du Règlement nº 44/2001, l’arrêt
de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 11 août 1995, C-432/92, SISRO.
120


Page 122
dispositions correspondantes du Règlement nº 44/2001, la Cour de justice de l’Union
européenne a précisé, d’ailleurs, que la fonction de ce document ,,
consiste précisément à
faciliter l’adoption, dans une première étape de la procédure, de la déclaration constatant la
force exécutoire de la décision adoptée dans l’État membre d’origine, rendant sa délivrance
quasi automatique’’
299. Et, lorsque l’attestation n’est pas remise, ou même si elle est remise, la
juridiction dispose incontestablement de la compétence pour examiner elle-même le respect des
conditions stipulées par les diverse dispositions du Règlement (en l’espèce, le fait qu’il existe
une décision en matière successorale, exécutoire dans l’État d’origine, prononcée au sujet des
parties au litige …); d’ailleurs, elle n’est pas, de manière définitive, liée aux questions
ponctuelles du certificat, étant tenue de vérifier la correspondance entre celles-ci et les preuves
effectivement déposées par le contestataire300.
Au cas où le demandeur n’a pas déposé l’attestation requise par le Règlement, la
juridiction saisie se trouve devant deux options. La première, l’octroi d’un délai pour que celui-
ci puisse remettre le certificat, n’est pas obligatoire. L’autre se fonde sur la dérogation octroyée
à ce sujet lorsque, en vertu des documents déjà déposés, en connaissant (éventuellement) la
langue respective et étant suffisamment familiarisée avec le système judiciaire de l’État
d’origine de la décision, la juridiction de l’État de destination déclare connaître le sujet du
contenu de la décision étrangère. En fonction de la (sa) situation concrète, la juridiction peut
donc opter; en cas d’octroi du délai supplémentaire, lorsque l’attestation est considérée
indispensable à l’éclaircissement de la situation mais le demandeur ne la remet néanmoins pas,
le tribunal peut refuser l’exequatur
301. Dans le contexte du Règlement, qui favorise la circulation
des décisions, cette mesure doit être néanmoins exceptionnelle.
Nº 3 (pour les juridictions). Mesures conservatoires. Au point antérieur (nº 2), A
demande, en plus de la reconnaissance et de l’exécution de la décision espagnole, des mesures
conservatoires visant les biens successoraux. Comment faut-il procéder?
En vertu de l’article 54 du Règlement, en cas d’une demande de reconnaissance d’une
décision étrangère, la personne concernée (le requérant) peut solliciter l’application de mesures
provisoires, y compris conservatoires, ainsi qu’elles sont définies par la loi de l’État membre
d’exécution.
La modalité de déterminer la juridiction compétente de l’État membre d’exécution n’est
pas stipulée par le Règlement; à cette fin, il est nécessaire de prendre en considération les règles
appartenant au droit interne: celles portant, par exemple, sur la procédure de l’ordonnance
présidentielle (articles 996 et les suivants du nouveau Code de procédure civile/NCPC), la
modalité la plus fréquente de solliciter de telles mesures, disposent que la demande soit
introduite auprès de la juridiction habilitée à se prononcer en première instance sur le fond du
droit (article 997 du nouveau Code de procédure civile/NCPC)
302 – en l’espèce, celle habilitée à
octroyer l’
exequatur.
299 L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 6 septembre 2012, C-619/10, Seramico, §41. Voir
aussi bien les conclusions de l’avocat-général
Kokott, dans cette même affaire:,,Le contenu du certificat reflète,
pour l’essentiel, l’étendue du contrôle du juge de l’État requis au cours de la première étape de la procédure
d’exequatur. Les informations qui y sont contenues permettent de contrôler rapidement si les conditions de la
déclaration constatant la force exécutoire sont remplies. C’est ainsi que l’on peut aisément vérifier, grâce au
certificat, si les parties du litige au principal sont identiques à celles de la procédure d’exequatur et si,
formellement parlant, la décision relève bien du champ d’application du règlement n
o 44/2001. Le certificat prévu
à l’article 54 du règlement n
o 44/2001 vise donc avant tout à simplifier la première étape de la procédure
d’exequatur.
’’ (§40).
300 Voir l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 6 septembre 2012, C-619/10, Seramico, §46.
301 Voir, en guise d’exemple, l’arrêt du Tribunal da Relaçao de Lisboa du 18 octobre 2007, Empresa-A, apuid II.
Pretelli,
Article 47, op. cit., nº 3, p. 624.
302 Une solution similaire est retenue lorsque le requérant sollicite une saisie ou une saisie-arrêt (article 953 du
nouveau Code de procédure civile/NCPC, article 970 du nouveau Code de procédure civile/NCPC).
121



Page 123
La loi de l’État d’exécution – c’est-à-dire la loi roumaine – devra être consultée au sujet
des mesures disponibles (inventaire, apposition des scellés, rétention des biens) et des conditions
où de telles mesures peuvent être prises
303 (voir, par exemple, l’article 996 du nouveau Code de
procédure civile/NCPC) mais aussi bien de la procédure de solution de la demande (article 998
du nouveau Code de procédure civile/NCPC), respectivement de la mise effective en application
de la mesure prise
304.
La prise de telles mesures n’est pas conditionnée par l’obtention, au préalable, de
l’exequatur (article 54, premier alinéa, partie finale), ni par la vérification, par la juridiction, du
respect des conditions imposées en vue de la reconnaissance de la décision en question;
d’ailleurs, la prise de mesures conservatoires est possible même lorsque la décision d’octroi de
l’exequatur fait l’objet d’une contestation (article 54, alinéa 3, partie finale). En l’espèce, la
juridiction avisera favorablement la demande d’A.
Nº 4 (pour les juridictions). Décision étrangère. Assistance judiciaire. X, ressortissant
roumain dont la dernière résidence habituelle se trouve en Espagne, décède. Entre ses héritiers
(son épouse, ressortissante espagnole et ses parents à lui, ressortissants roumains) survient un
litige solutionné en Espagne par une décision définitive, dont l’exequatur est sollicité en
Roumanie. Les parents souhaitent contester la déclaration d’octroi de l’exequatur et sollicitent
assistance judiciaire. Comment faut-il procéder?
Le droit à l’assistance judiciaire, composante du principe de la protection juridictionnelle
effective, est un principe général du droit communautaire, garanti, parmi d’autres, par l’article
47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
305. Afin d’assurer sa sauvegarde
effective dans les affaires à incidence transfrontalière, les juridictions doivent distinguer entre
deux catégories de situations, en fonction de l’assistance judiciaire dont le demandeur a
bénéficié ou non, aussi bien dans la procédure engagée dans l’État d’origine.
Article 56 du Règlement nº 650/2012. Dans le premier cas, le demandeur peut se
prévaloir des dispositions de l’article 56 du Règlement
306, destiné à garantir l’accès à la justice
et le respect du droit à la défense: il permet à la partie concernée qui a bénéficié d’assistance
judiciaire dans l’État d’origine (dispense, réduction, prorogation, échelonnement des taxes
judiciaires, défense ou assistance gratuite par l’intermédiaire d’un avocat désigné par l'Ordre des
avocats) d'obtenir, dans l'État de destination, dans la procédure d'
exequatur, des avantages
similaires
307.
Sa demande ne fera pas l'objet d'une nouvelle vérification: le principe de la reconnaissance
s’applique non seulement au sujet de la décision étrangère mais aussi au droit à l’assistance
judiciaire, la juridiction de l’État de destination ne pouvant pas vérifier (à nouveau) les
303 Si elles sont trop sévères, elles peuvent être déclarées incompatibles avec les règles prévues par le droit européen
uniforme et demeurent inappliquées – voir l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes/CJCE du 3
octobre 1985, C-119/84,
Capelloni.
304 Voir II. Pretelli, Article 54, op. cit., nº 4 et les suivants, p. 644-654.
305 Le Journal officiel C 303, 14.12.2007. (L’article 47. Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal
impartial. ,,(1) Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un
.recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. (2). Toute personne a
droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal
indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. (3). Toute personne a la possibilité de se faire conseiller,
défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources
suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice.
’’).
306 Des dispositions similaires se retrouvent dans les autres instruments européens de droit international privé: le
Règlement nº 44/2001, le Règlement nº 2201/2003, le Règlement nº 4/2009, le Règlement nº 1206/2001, le
Règlement nº 1393/2007.
307 Les conditions pour l’exercice de ce droit font de nos jours l’objet d’une réglementation européenne intégrée
suite à la Directive 2003/8/CE du Conseil du 27 janvier 2003
visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires
transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le
cadre de telles affaires (le Journal officiel L365, 10.12.2004).
122



Page 124
conditions financières ou les motivations (par exemple: appartenance à une minorité, handicap,
un autre statut spécifique) retenues par le tribunal de l’État d’origine en vue de l’octroi de la
reconnaissance
308. La doctrine juridique affirme en échange que, en partant de la perspective du
principe de la protection judiciaire effective, le tribunal de l’État de destination peut cependant
effectuer une
vérification sommaire de la persistance du besoin d’assistance, dont l’effet
possible serait de refuser le bénéfice de l’assistance judiciaire à la partie en question lorsque ce
besoin disparaît
309.
Comme il existe des différences considérables en matière d’assistance judiciaire entre les
législations et la pratique juridique des États membres, l’article 56 n’oblige pas à l’octroi des
mêmes droits et prestations que dans l’État d’origine; le demandeur bénéficiera de ,,l’assistance
la plus favorable’’ stipulée dans la loi interne de l’État de destination (qui n’est pas tenu de créer
de nouvelles prestations ou de modifier leur montant).
Enfin, en vertu de l’article 56 du Règlement, le droit à l’assistance judiciaire concerne la
procédure de l’
exequatur. Comte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union
européenne relative à la disposition correspondante du Règlement nº 44/2001, il n’est pas exclu
que le champ d’application soit élargi afin de pouvoir être invoqué au sujet des procédures de
reconnaissance où de celles contestant les décisions relatives à l’exequatur (en vertu des articles
50 et 51 du Règlement)
310.
Article 47, alinéa 3 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le
fait que le demandeur n’a pas bénéficié d’assistance judiciaire dans l’État d’origine ne doit pas
constituer un obstacle au sujet de l’obtention d’une telle assistance dans l’État de destination.
En vertu de la position de la Cour de justice de l’Union européenne relative à
l’interprétation des dispositions du Règlement nº 44/2001, bien que l’objectif des règlements
européens de droit international privé soit d’assurer la circulation des décisions dans les États
membres en simplifiant les procédures et les formalités en vue de la reconnaissance et
l’exécution rapides, cet objectif ne doit pas être atteint par la transgression du droit des
personnes concernées
311 à la défense, qui inclut la possibilité de se servir d’une voie de recours,
examinée à la suite d’une procédure contradictoire, contre la déclaration de constatation de la
force exécutoire d’une telle décision. En soi, le droit à la défense constitue l’une des
composantes du principe de la protection judiciaire effective figurant à l’article 47 de la Charte
des droits fondamentaux de l’Union européenne, article dont le 3
ème alinéa dispose explicitement
et expressément, qu’,,
une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de
ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité
de l'accès à la justice.’’ En l’espèce, l’accès à la justice implique la possibilité de formuler, en
vertu de l’article 50, une contestation contre la déclaration d’octroi de l’exequatur à l’égard de la
décision espagnole, le droit à l’assistance judiciaire (qui permet cette contestation) pouvant être
invoqué même en absence d’une disposition expresse du Règlement nº 650/2012.
Les contraintes auxquelles se soumet l’octroi d’une telle aide seront celles stipulées par la
législation interne de l’État confronté à la sollicitation
312. Toutefois, lorsque celles-ci s’avèrent
trop restrictives, il serait possible de soulever le problème de leur compatibilité avec le droit
européen
313; ainsi que l’indique la Cour de justice de l’Union européenne, ,,il incombe (…) de
vérifier si les conditions d’octroi d’une telle aide constituent une limitation du droit d’accès aux
308 La solution ne s’applique pas, certes, lorsque le requérant n’a pas sollicité, dans l’État d’origine, cette assistance
mais le fait, en première, dans l’État de destination; dans ce cas, il doit se conformer à la réglementation de cet État.
309 II. Pretelli, Article 56, op. cit., nº 5, p. 652.
310 Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 13 juin 2012, C-156/12, GREP, §37 (,,le principe de
protection juridictionnelle effective, et notamment le droit à l’aide juridictionnelle, doit pouvoir être invoqué afin
d’introduire un recours tel que celui prévu à l’article 43 du règlement n° 44/2001
”).
311 Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 14 décembre 2006, C-156/12, AMSL, §23, §24.
312 Pour la Roumanie, voir l’Ordonnance d’urgence du gouvernement nº 51/2008 relative à l’assistance judiciaire en
matière civile.
313 Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 13 juin 2012, C-156/12, GREP.
123


Page 125
tribunaux qui porte atteinte à ce droit dans sa substance même’’, ces contraintes devant viser un
but légitime et respecter la proportionnalité entre les moyens utilisés et le but poursuivi (arrêt
GREP, §45); dans leur analyse, les juridictions peuvent avoir en vue ,,
l’objet du litige, les
chances raisonnables de succès du demandeur, la gravité de l’enjeu pour celui-ci, la complexité
du droit et de la procédure applicables ainsi que la capacité de ce demandeur à défendre
effectivement sa cause. Pour apprécier la proportionnalité, le juge national peut en outre tenir
compte de l’importance des frais de procédure devant être avancés et du caractère
insurmontable ou non de l’obstacle qu’ils constituent éventuellement pour l’accès à la justice.
’’
(arrêt GREP, §46).
Nº 5 (pour les juridictions). Exequatur partiel. À la suite du décès d’A, ressortissant
roumain dont la dernière résidence se trouvait en Italie, entre ses deux fils survient un litige, les
juridictions italiennes étant saisies à ce sujet. Ceux-ci prononcent une décision suite à laquelle
les immeubles en question – l’un situé en Italie et l’autre en Roumanie – sont partagés entre les
deux frères; dans le cas d’Y, le bénéficiaire de l’immeuble situé en Italie, le tribunal impose le
paiement d’une soulte dont le montant exact sera établi en même temps que la détermination de
la valeur précise des immeubles et du montant des dettes d’A à payer par chacun des deux
frères. Souhaitant disposer aussi vite que possible de l’immeuble situé en Roumanie, X sollicite
l’exequatur de la décision italienne mais Y s’y oppose, en soulignant que celle-ci ne règle pas
définitivement et complètement la situation des droits successoraux. Prononcez-vous sur la
solution.

En vertu des dispositions du Règlement nº 650/2012 (article 55), l’exequatur des décisions
étrangères peut être total aussi bien que partiel. Dans ce dernier cas, il visera exclusivement
certaines parties de la décision, séparables les unes des autres (exequatur partiel sélectif). La
situation ne doit pas être confondue avec celle où la juridiction disposerait un exequatur partiel
réductif (diminuant par exemple le montant des droits établis par la décision étrangère); en vertu
de l’article 41 du Règlement, qui interdit expressément la révision matérielle de la décision dans
l’État de destination, celui-ci n’est pas admissible même si le tribunal constatait une erreur dans
l’interprétation et l’application des règles de compétence juridictionnelle ou de conflit
introduites par le Règlement
314 ou de la règle substantielle appliquée par la juridiction de l’État
d’origine.
L’exequatur partiel (sélectif) peut être sollicité per le requérant même (article 55, alinéa 2
du Règlement), souhaitant par exemple éviter une opposition de la part de la personne contre
laquelle l’on sollicite l’exécution; en l’espèce, X n’a fait aucune mention au sujet de la
limitation de sa demande (à retenir par les juges, en vertu de la règle
ne ultra petita).
Indépendamment de la position du demandeur, l’exequatur partiel peut, cependant, être
prononcé d’office par les juridictions (article 55, premier alinéa), un certain nombre de
situations s’avérant effectivement possibles. Par exemple, lorsque la décision étrangère vise
plusieurs chefs de demande et l’exequatur ne peut pas être (automatiquement) octroyé pour tous
ces chefs de demande, quelques-uns n’étant pas susceptibles d’octroi de l’exequatur
315 ou
relevant d’une matière exclue du champ d’application du Règlement nº 650/2012, nécessitant
donc des procédures supplémentaires
316, un tel exequatur partiel ne pourra pas être évité. En
314 Voir, mutatis mutandis, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE du 11 mai 2000, C-38/98,
Renault c. Maxicar.
315 Par exemple, une décision étrangère par laquelle l’on constate l’indignité successorale de l’un des héritiers et se
trouve réglementé le partage entre les autres n’est pas toujours susceptible d’exequatur total; en règle générale, la
reconnaissance suffit en vue de la constatation de l’indignité; de même lorsque la qualité d’exécuteur testamentaire
d’une personne est constatée par voie de la décision étrangère.
316 Par exemple, la décision étrangère se prononce non seulement au sujet du partage mais aussi bien sur le lien de
parenté entre le défunt et l'un des héritiers; dans le cas de cette dernière partie de la décision, la reconnaissance se
fera en vertu des règles stipulées à l'article 1094 et aux suivants du nouveau Code de procédure civile/NCPC. En
outre, la situation est similaire dans le cas d'une décision étrangère au sujet de laquelle la juridiction a été appelée à
124



Page 126
outre, lorsque la décision dont l’exequatur est sollicité est elle-même partiellement exécutoire
dans l’État d’origine
317, le pouvoir des juridictions de l’État de destination sera aussi limité.
Comme, en l’espèce, la partie de la décision italienne relative à l’attribution des immeubles est
exécutoire (détail à vérifier à l’aide de l’attestation stipulée à l’article 46 ou en vertu des
documents probants déposés par le demandeur), la juridiction roumaine pourra octroyer
l’exequatur; l’exequatur ne pourra aucunement être refusé en raison du fait que la décision
n’établit pas le montant de la soulte (question à dissocier de l’attribution des biens)
318.
Nº 6 (pour les notaires). Acte authentique. Efficacité. X, ressortissant allemand dont la
résidence habituelle se trouve en Roumanie rédige un testament en instituant son légataire
universel (Y) et choisit la loi allemande en tant que lex successionis. Par la suite, vu les
dispositions de cette loi, il conclut un pacte successoral, en forme authentique, avec ses deux
enfants, par lequel ceux-ci acceptent de renoncer à la réserve. Après son décès, Y, le légataire
universel, s’adresse à un notaire public roumain. Prononcez-vous au sujet de ce pacte.
Le pacte successoral étant, en l’espèce, un document authentique, deux questions seront
examinées par le notaire en vue de déterminer les effets du pacte.
Efficacité probante. En tant que document authentique, l'acte allemand jouira, en vertu de
l’article 59 du Règlement, de la même force probante que dans l’État d’origine; il produira les
effets procéduraux les plus rapprochés (en l'espèce il serait possible de parler des mêmes effets)
des documents similaires de l'État de destination – la Roumanie. Le certificat mentionné à
l'article 59, alinéa 1.2, décrivant les effets probants de l'acte authentique (en vertu de la loi
allemande) est optionnel mais, d'autre part, son importance n'est non plus à négliger.
La force probante visera, certes, les constatations faites par le notaire émetteur (la
présence, en personne, des parties ou de leurs mandataires, l'éventuelle présence de la
procuration, la capacité mentale des personnes, la date et le lieu de l'authentification, la
signature), les formalités accomplies par le notaire, ainsi que les déclarations des parties
recueillies dans l'acte
319. La loi de l'État d'origine définit le cadre et ses limites: en vertu de
se prononcer, en même temps, sur la liquidation du régime matrimonial et la succession d'une personne; la partie de
la décision portant sur les biens légués, par testament, à l'épouse, biens acquis par l'époux avant le mariage, peut
être reconnue/mise en exécution sans difficulté en vertu du Règlement; en échange, au sujet de la partie de la
décision sur la liquidation du régime matrimonial, se déroulera la procédure stipulée à l'article 1094 et aux suivants
du nouveau Code de procédure civile/NCPC. Voir, d'ailleurs, l'arrêt de la Cour de justice de l'Union
européenne/CJUE du 27 février 1997, C-220/95,
Van den Boogaard, § 21 et 22: „21. En raison du fait que, dans le
cadre d'un divorce, un juge anglais peut précisément, par une même décision, régler tant les rapports
matrimoniaux que les obligations alimentaires, le juge requis est tenu de distinguer entre les aspects de la décision
portant sur les régimes matrimoniaux et ceux portant sur des obligations alimentaires en ayant égard, dans chaque
cas d'espèce, à l'objectif spécifique de la décision rendue. 22 Cet objectif devrait pouvoir être déduit de la
motivation de la décision en question. S'il en ressort qu'une prestation est destinée à assurer l'entretien d'un époux
dans le besoin ou si les besoins et les ressources de chacun des époux sont pris en considération pour déterminer
son montant, la décision a trait à une obligation alimentaire. En revanche, lorsque la prestation vise uniquement à
la répartition des biens entre les époux, la décision concerne les régimes matrimoniaux et ne peut donc être
exécutée en application de la convention de Bruxelles. Une décision qui combine les deux fonctions peut être,
conformément à l'article 42 de la convention de Bruxelles, partiellement exécutée, dès lors qu'elle fait clairement
apparaître les objectifs auxquels correspondent respectivement les différentes parties de la prestation ordonnée"
.
317 Cela peut être le cas, par exemple, pour les condamnations génériques, où la force exécutoire de la décision se
limite au principe de la responsabilité (
an debeatur) tandis que la détermination/liquidation des sommes exactes
dues sera effectuée par la suite – II. Pretelli, Article 55, op. cit., nº 4, p. 650.
318 Le caractère limitatif de l'énumération des raisons de refus de reconnaissance/exequatur prévue à l'article 40
soutient, d'ailleurs, la même solution.
319 En droit roumain, il opère une présomption au sujet du caractère complet et véridique des déclarations des
parties recueillies dans un acte authentique tout comme il existe, en droit allemand, la même présomption
d'exhaustivité et d'exactitude (
vermutung der vollständigkeit und richtigkeit). Voir CNUE, „Étude comparative sur
les actes authentiques. Dispositions nationales de droit privé. Circulation, reconnaissance mutuelle et exécution.
Initiative législative éventuelle de l’Union européenne (RoyaumeUni, France, Allemagne, Pologne, Roumanie,
Suède)”, 2008, disponible à:
125



Page 127
l'article 415 du Code de procédure civile (Zivilprozessordnung/ZPO), les actes authentiques
,,
jouissent, dans la mesure où elles portent sur une déclaration faite devant l'autorité ou
l'officier public ayant le droit de la recueillir, d’une force probante complète au sujet de l’acte
enregistré’’
; la loi allemande sera aussi bien celle qui devra être consultée afin de déterminer en
quelle mesure la preuve de l’inexactitude des mentions stipulées par l’acte authentique est
admissible (en droit allemand opère, au sujet des actes authentiques comprenant des actes
officiels, par exemple les déclarations d’une autorité émettrice, une présomption de véracité
contraignant celui qui désire contester l’acte à fournir la preuve de la nature fictive de
l’inscription - §437 du Code de procédure civile (ZPO); en échange, lorsqu'il s'agit des actes
authentiques comprenant des déclarations ou la constatation de certains faits, la preuve contraire
est possible – Gegenbeweis; articles §415.2, §418.2 du Code de procédure civile/ZPO320).
En vertu de l'article 59, premier alinéa, la reconnaissance de l'efficacité probante de l'acte
authentique peut être refusée lorsque celle-ci produirait des effets manifestement contraires à
l'ordre public de l'État de destination. À part les précautions qui accompagnent en règle générale
l'emploi de cette technique exceptionnelle (interprétation restrictive, prudence, rétention
exclusive des transgressions inacceptables), il faut préciser un détail supplémentaire: en vertu de
l'article 59, il faut prendre en considération, aux fins de l'évaluation, les effets de l'acceptation de
la force probante du document étranger et non les effets du
negotium; ces derniers effets (ayant
trait à la validité substantielle de l'acte, ce qui impose une démarche séparée ainsi que nous le
montrerons
infra) ne conditionnent pas l'octroi de la force probante de l'acte authentique321.
Validité de l'acte juridique. La validité substantielle de l'opération formalisée dans l'acte
authentique est une question différente de celle de l'efficacité probante de l'acte: si l'acte
authentique peut prouver, en vertu de l'article 59, l'existence des déclarations des parties, les
effets de ces déclarations doivent, en échange, être examinés en vertu de la loi généralement
compétente en la matière. L'article 59, premier alinéa, portant exclusivement sur l'efficacité
probante, ne peut pas représenter ,,l'instrument’’ par lequel l’efficacité substantielle de l’acte
authentique circulera dans l’espace européen
322; d’ailleurs, l’article 59 précise expressément, à
l’alinéa 3, que les actes ou les relations juridiques
323 consignés dans un acte authentique peuvent
être contestés devant les juridictions compétentes (en vertu des règles instituées au Chapitre II),
qui détermineront la loi applicable en vertu des normes conflictuelles stipulées au Chapitre III.
En l’espèce, pour les questions substantielles, la norme conflictuelle régissante sera celle
stipulée à l’article 25, premier alinéa, qui renvoie à
lex successionis – la loi nationale du
testateur, choisie par celui-ci - §2348 du code civil allemand/BGB (et §2352 BGB
Zuwendungsverzicht). Même si, en droit roumain, les normes impératives interdisent les pactes
successoraux (c’est le cas ici), l’interdiction ne devrait pas considérée comme illustrant un
principe fondamental du droit roumain, nécessitant la protection d’une exception d’ordre public
international. L’effet utile du Règlement (qui a prévu des textes explicites au sujet des pactes
http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2004_2009/documents/dv/juri_oj_2008_1202_forum_pe408329_/JURI_O
J_2008_1202_forum_pe408329_fr.pdf. (p. 60).
320 Ibidem, nº 8.1.1., p. 66.
321 Voir P. Wautelet, Article 59, op. cit., nº 30-31, p. 672.
322 P. Wautelet, Article 59, op. cit., nº 49, p. 678.
323 En vertu du considérant 63 du Règlement: ,,Les termes «actes juridiques ou relations juridiques consignés dans
un acte authentique» devraient être interprétés comme faisant référence au contenu quant au fond consigné dans
l'acte authentique. Les actes juridiques consignés dans un acte authentique pourraient être, par exemple, l'accord
conclu entre les parties quant au partage ou à la répartition de la masse successorale, un testament, un pacte
successoral ou toute autre déclaration de volonté. Les relations juridiques pourraient être, par exemple, la
vocation successorale des héritiers et autres bénéficiaires établie au titre de la loi applicable à la succession, la
détermination de leurs parts respectives, l'existence d'une réserve héréditaire ou tout autre élément établi au titre
de la loi applicable à la succession. Une partie souhaitant contester les actes juridiques ou relations juridiques
consignés dans un acte authentique devrait le faire devant les juridictions compétentes en vertu du présent
règlement, qui devraient statuer sur cette contestation conformément à la loi applicable à la succession."
126


Page 128
successoraux) et son esprit s’opposent à une solution contraire324. Quant aux aspects formels,
régira la norme conflictuelle stipulée à l’article 27 (qui permet la consultation de plusieurs lois –
dont celle allemande, de l’État où a été rédigé l’acte et dont le défunt possédait la nationalité).
Nº 7 (pour les notaires et les juridictions). Testament authentique étranger.
Contestation de l’authenticité. Contestation de la validité substantielle.
X, ressortissant
français dont la résidence habituelle se trouve en Roumanie, rédige un testament en instituant Y,
l’une de ses filles, légataire à titre universel. Un notaire public roumain est saisi au sujet de la
succession mais Z, l’autre fille, attaque le testament devant les autorités roumaines, contestant,
d’une part, son authenticité et, d’autre part, son exhérédation. Prononcez-vous sur les
procédures à suivre.
Composantes de la solution. En vertu des dispositions de l’article 59, il faut opérer une
distinction entre les questions portant sur l’authenticité de l’acte et celles relatives au fond de
l’affaire.
Contestation de l’authenticité. Au sujet de la contestation de l’authenticité de l’acte, il
faut prendre en considération l’article 59, alinéa 2 qui dispose ainsi: ,,
Les juridictions de l'État
membre d'origine sont saisies de toute contestation portant sur l'authenticité d'un acte
authentique et statuent sur celle-ci en vertu de la loi de cet État. L'acte authentique contesté ne
produit aucune force probante dans un autre État membre tant que le recours est pendant
devant la juridiction compétente.
’’
En vertu de ce texte, pour le chef de demande en question, les juridictions roumaines
déclineront leur compétence en faveur de celles françaises, jouissant de compétences exclusives
pour juger une éventuelle action relative à l’inscription de faux (article 303 du Code de
procédure civile français/CPC); le jugement (en France) suivra les dispositions de la loi
substantielle française qui indiquera explicitement les raisons en vertu desquelles l’acte pourra
être annulé, avec le respect, à la fois, des normes procédurales françaises.
Si l’authenticité du testament est contestée en France (dans ce sens, la partie concernée
sera tenue de déposer des documents probants), la contestation du contenu testamentaire sera
rejetée car, en vertu de l’article 59§2.2, la force probante de l’acte authentique sera suspendue,
pendant le déroulement des procédures dans l’État d’origine, dans les autres États membres.
En absence de preuves concernant une éventuelle procédure d’inscription de faux
démarrée en France, l’effet probant de l’acte doit être accepté en vertu de l’article 59§1, ainsi
que défini par la loi française; étant donné que dans l’État d’origine, l’acte authentique fait
pleine foi en ce qui concerne l’acte juridique décrit325, le même effet juridique devra être accepté
en Roumanie.
Contestation du contenu testamentaire. L'acceptation de l'effet probant de l'acte
authentique ne signifie pas l'acceptation de l'efficacité substantielle du
negotium qu'il inclut. En
vertu de l'article 59, alinéa 3, ,,
Les juridictions compétentes en vertu du présent règlement sont
saisies de toute contestation relative aux actes juridiques ou relations juridiques consignés dans
un acte authentique et statuent sur celle-ci en vertu de la loi applicable au titre du chapitre III.
L'acte authentique contesté ne produit aucune force probante dans un autre État membre que
l'État membre d'origine en ce qui concerne la question contestée tant que le recours est pendant
devant la juridiction compétente
."326
324 A. Bonomi, Article 35, op. cit., nº 42, p. 549. Cette position se retrouve d’ailleurs en France, Italie, Espagne –
voir les références citées par A. Bonomi,
ibidem, note 61.
325 Article 1319 du Code civil français: „(1) L’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre
les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause
” – voir CNUE, „Etude comparative…”, op. cit., p. 59, n°
7.2.1.
326 Voir le considérant 63, partie finale: ,,Une partie souhaitant contester les actes juridiques ou relations
juridiques consignés dans un acte authentique devrait le faire devant les juridictions compétentes en vertu du
présent règlement, qui devraient statuer sur cette contestation conformément à la loi applicable à la succession.’’
127



Page 129
Comte tenu du fait que la dernière résidence habituelle du défunt a été en Roumanie, les
juridictions roumaines pourront déclarer leur compétence en la matière en vertu de l'article 4; si
le défunt n'a pas exprimé, en vertu de l'article 22 ou de l'article 24, son option pour la loi
française en tant que loi successorale, les juridictions réglementeront en vertu de la loi
roumaine
327 (en tant que loi de l'État où se trouvait la dernière résidence habituelle du défunt –
l'article 24§1 corroboré avec l'article 21 du Règlement).
Nº 8 (pour les juridictions). Acte authentique étranger. Force exécutoire. X,
ressortissant allemand dont le domicile se trouve en Roumanie décède. Ses héritiers rédigent un
acte volontaire de partage, constaté par un acte authentique dressé en Allemagne. L’un des
héritiers refuse le paiement de la soulte promise, l’autre est contraint à solliciter, en Roumanie,
la constatation de la force exécutoire de l’acte allemand. Comment peut-il être protégé?
Composantes de la solution. Le texte juridique applicable est l’article 60 du Règlement:
afin d’obtenir l’exequatur de l’acte authentique étranger, il établit une condition essentielle –
l’acte en question doit être exécutoire dans l’État membre d’origine, en vertu des exigences
prévues par la loi de cet État. En Allemagne, §794.5 ZPO inclut les actes authentiques dans la
catégorie des actes exécutoires imposant des exigences
328 absentes du droit roumain: selon cet
article, sont exécutoires ,,
les actes, authentifiés par une juridiction ou par un notaire allemand
dans l’exercice de ses compétences officielles et dans la forme prévue, à condition qu’ils
comprennent une créance pouvant faire l’objet d’une transaction, autre qu’un contrat de
location et que le débiteur se soit soumis/ait accepté, par l’acte, l’exécution immédiate de la
créance en question’’
329. La présence de la clause de soumission à l’exécution forcée
conditionne le caractère exécutoire de l’acte; si elle manque, la demande sera rejetée.
Nº 9 (pour les juridictions). Acte authentique étranger. Force exécutoire. Comment
aurait-il pu être protégé
(voir le cas antérieur) si l’acte authentique de partage avait été dressé
en France?
La condition du caractère exécutoire (dans l’État d’origine) de l’acte authentique dont
l’exequatur est sollicité est respectée: en France, aussi bien qu’en Roumanie, les actes
authentiques ont un caractère exécutoire
330. Ce caractère ne se retrouvera pas automatiquement
dans tous les États membres
331, la personne concernée devant suivre la procédure prévue, en
règle générale, pour l’exequatur des décisions.
Dans une première étape, la procédure sera administrative et non contradictoire – elle
visera la vérification des documents déposés (la sollicitation de l’exequatur, la copie de l’acte en
question qui respecte toutes les conditions garantissant l’authenticité, l’attestation prévue à
l’article 60§2, sur le formulaire européen uniforme, d’éventuelles traductions; la légalisation et
l’apostille ne sont pas requises); dès cette vérification, la juridiction déclare l’acte exécutoire. La
déclaration peut être contestée (en vertu des dispositions des articles 50 ou 51), moment où la
juridiction vérifie si les effets de l’acte sont éventuellement susceptibles de transgresser l’ordre
327 L’article 1086 et les suivants du nouveau Code civil, notamment l’article 1088 du nouveau Code civil qui établit
l’étendue de la réserve successorale.
328 Une situation similaire à celle allemande se trouve dans le droit polonais - voir CNUE, ,,Etude comparative …’’,
op. cit., p. 63-64.
329 §794 ZPO Weitere Vollstreckungstitel: „(1) Die Zwangsvollstreckung findet ferner statt:[…] 5. aus Urkunden,
die von einem deutschen Gericht oder von einem deutschen Notar innerhalb der Grenzen seiner Amtsbefugnisse in
der vorgeschriebenen Form aufgenommen sind, sofern die Urkunde über einen Anspruch errichtet ist, der einer
vergleichsweisen Regelung zugänglich, nicht auf Abgabe einer Willenserklärung gerichtet ist und nicht den
Bestand eines Mietverhältnisses über Wohnraum betrifft, und der Schuldner sich in der Urkunde wegen des zu
bezeichnenden Anspruchs der sofortigen Zwangsvollstreckung unterworfen hat
”.
330 Voir CNUE, ,,Etude comparative …’’, op. cit., nº 7.3.1., p. 62.
331 La situation est différente par rapport à celle indiquée, pour les titres exécutoires européens, par l’article 25§2 du
Règlement européen nº 805/2004.
128




Page 130
public international (article 60§3). L’exequatur, une fois octroyé, confère à l’acte authentique
étranger le caractère exécutoire aussi bien en Roumanie.
Nº 10 (pour les juridictions et les notaires). Décision étrangère. Ordre public. A,
ressortissant belge d’origine roumaine a épousé, en Belgique, en 2010, un collègue de travail
(mariage entre des personnes de même sexe), B, ressortissant belge. Le couple a constamment
résidé à Bruxelles jusqu’en 2016, quand A est décédé suite à une maladie incurable. La masse
successorale comprend deux immeubles, l’un situé en Roumanie et l’autre situé en Belgique,
ainsi qu’un compte bancaire de dimensions considérables. Les parents du défunt, X et Y,
ressortissants roumains, ont contesté sans succès la décision belge. En vue de l’inscription de
son droit dans le registre foncier, B sollicite la reconnaissance de la décision belge. X et Y s’y
opposent, en montrant que cela transgresse l’ordre public roumain; en parallèle, ils s’adressent
à un notaire public roumain en vue de l’ouverture de la succession. Prononcez-vous au sujet des
procédures à suivre.

En règle générale, en vertu de l’article 39, premier alinéa du Règlement, les décisions
étrangères (en matière successorale) jouissent d’une efficacité immédiate dans tous les autres
États membres, sans qu’il soit nécessaire de démarrer des procédures spécifiques: la
reconnaissance est automatique, elle intervient de plein droit, par conséquent, en absence d’une
contestation, le contrôle de la décision étrangère devrait être exclu
332.
En cas de contestation (en l’espèce), la juridiction pourra vérifier l’existence d’une raison
(des raisons) de refus de reconnaissance. Une éventuelle contrariété entre la décision étrangère
et l'ordre public international du for pourra être envisagée, avec la mention que le maintien de
l'harmonie internationale au niveau des solutions et la garantie de la continuité des situations
juridiques à incidence transfrontalière justifient parfois une rétractation/atténuation de la
réaction de ce mécanisme. Le refus de reconnaissance est plutôt exceptionnel
333 car, afin de
faciliter l'accomplissement des objectifs du Règlement - l'uniformité des solutions et la
facilitation de la circulation des décisions entre les États membres -, l'article 40 nécessite
incontestablement une interprétation et une application restrictives
334.
Le caractère exceptionnel et restrictif des raisons de refus de reconnaissance se traduit par
un nombre de règles effectives, dont la transgression n'est pas acceptable. Ainsi, en règle
générale, la vérification ne constate pas si la décision en soi est contraire à l'ordre public ou si
elle avait pu être prononcée au niveau local mais si les effets de la reconnaissance seraient
absolument inacceptables pour l'ordre juridique du for (surtout en ce qui concerne l'évitement
disponible
332 Voir II. Pretelli, Article 40, op. cit., nº 4, p. 585. La solution peut être inférée, indirectement, de la corrélation
entre les articles 39, alinéa 2 et 48 du Règlement: la procédure de reconnaissance comporte, généralement, deux
étapes et l’article 48 interdit aux juridictions, au sujet de la première étape, toute initiative portant sur le contrôle
des raisons de refus de reconnaissance.
333 Ainsi qu’une ample étude le constatait, étude rédigée, en 2002, en s’appuyant sur un nombre de rapports
nationaux (Deutsches Notarinstitut, H. Dorner, P. Lagarde, „
Étude de droit comparé sur les règles de conflits de
juridictions et de conflits de lois relatives aux testaments et successions dans les Etats membres de l’Union
européenne
”,
http://ec.europa.eu/civiljustice/publications/docs/testaments_successions_fr.pdf),
l’exception d’ordre public ne devrait pas, généralement parlant, jouer un rôle si important en ce qui concerne la
reconnaissance des décisions prononcées dans d’autres États membres, se limitant, le plus ouvent, à la sanction des
décisions discriminatoires (p. 30). Voir également E. Pataut, „L’exception d’ordre public et la proposition de
règlement relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et des actes
authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen”, 2010:
http://www.europarl.europa.eu/document/activities/cont/201012/20101210ATT08870/20101210ATT08870FR.pdf ,
p. 13.
334 II. Pretelli, Article 40, op. cit., nº 3 et les suivants, p. 584-595; voir également A. Oprea, ,,L’exception d’ordre
public international en droit international privé et la réserve successorale’’, SUBB, 4/2013, nº 18, p. 165 et les
suivantes.
à:
129



Page 131
des discriminations335). En outre, la transgression du principe fondamental du for doit s'avérer
manifeste et sévère
336, devant aussi bien être évaluée en fonction des liens de la situation
juridique et du for (analyse
in concreto, selon les circonstances). Enfin, le contrôle du respect de
l'ordre public en tant que raison de refus de reconnaissance doit se faire compte tenu de
l'interdiction de la révision au fond de la décision étrangère (article 41): par conséquent, le refus
de reconnaissance n'est pas possible en raison du fait que la juridiction saisie aurait interprété et
appliqué autrement les dispositions du Règlement, aurait appliqué une autre loi ou aurait
prononcé une solution différente de celle de la juridiction de l'État d’origine.
Pour revenir au cas dont il s’agit, nous constatons que ce qui dérange n’est pas forcément
l’effet principal de la décision (octroi de droits successoraux à un homme dans le cadre d’un
héritage légué par un autre homme) mais la nature du rapport juridique entre les deux hommes
(mariage homosexuel), détail subsidiaire mais incontestable. Du point de vue de ce type de
mariage, l’évolution récente de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme/CEDH portant sur la protection de la vie familiale impose sinon une reconfiguration
des valeurs fondamentales de sorte que les couples homosexuels légalement mariés puissent
bénéficier
de plano de la reconnaissance de leur statut dans les États européens, au moins une
atténuation de l’intervention de l’ordre public
337, pour que les effets les moins perturbateurs
(comme ceux de nature patrimoniale) puissent se produire
338. Dans ce contexte, compte tenu des
règles strictes d’interprétation et d’application mentionnées ci-dessus, ainsi que du fait que la
nature de la relation matrimoniale n’a, en l’espèce, qu’un rôle ,,secondaire’’, nous considérons
que les conditions justifiant l’intervention de l’exception d’ordre public ne sont pas remplies
339
et que, dans ce cas, le refus de reconnaissance ne s’appuie pas sur des arguments pertinents.
Dès la reconnaissance (de plein droit ou constatée par la juridiction), la décision étrangère
sera investie de l’autorité de la chose jugée aussi bien dans l’État du for. Il s’agit, d’une part,
d’un fait positif: la décision jouira d’efficacité substantielle - les aspects qu’elle détermine du
335 Voir le considérant 58 du Préambule qui, en essayant de définir l’emploi de ce mécanisme, précise que ,,les
juridictions ou autres autorités compétentes ne devraient pas pouvoir appliquer l'exception d'ordre public en vue
d'écarter la loi d'un autre État membre ou refuser de reconnaître — ou, le cas échéant, d'accepter —, ou d'exécuter
une décision rendue, un acte authentique ou une transaction judiciaire d'un autre État membre, lorsque ce refus
serait contraire à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en particulier à son article 21 qui
interdit toute forme de discrimination.’’

336 Voir la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne au sujet de la possibilité d’invoquer ,,l’ordre
public’’ comme justification des mesures nationales restrictives, qui mentionne constamment l’exigence d’une
,,menace réelle, actuelle et suffisamment visant un intérêt fondamental de la société’’ ainsi que la nécessité de la
proportionnalité entre menace et mesure adoptée en vue de se protéger – voir, par exemple, l’arrêt de la Cour de
justice des Communautés européennes/CJCE du 27 octobre 1977, 30/77,
Bouchereau; l’arrêt de la Cour de justice
de l’Union européenne/CJUE du 10 juillet 2008, C-33/07,
Jipa.
337 A. Oprea, ,,Sur la reconnaissance du statut matrimonial acquis à l’étranger et la protection européenne du droit à
la vie familiale’’,
SUBB, 4/2012, p. 149-169, nº 16 et les suivants, nº 27 et nº 28.
338 Voir également l’arrêt prononcé par la Cour de cassation italienne, nº 4184/2012 du 15 martie 2012: „I
componenti della coppia omosessuale, conviventi in stabile relazione di fatto, se - secondo la legislazione italiana -
non possono far valere nè il diritto a contrarre matrimonio nè il diritto alla trascrizione del matrimonio contratto
all'estero, tuttavia - a prescindere dall'intervento del legislatore in materia - quali titolari del diritto alla "vita
familiare" e nell'esercizio del diritto inviolabile di vivere liberamente una condizione di coppia e del diritto alla
tutela giurisdizionale di specifiche situazioni, segnatamente alla tutela di altri diritti fondamentali, possono adire i
giudici comuni per far valere, in presenza appunto di "specifiche situazioni", il diritto ad un trattamento omogeneo
a quello assicurato dalla legge alla coppia coniugata e, in tale sede, eventualmente sollevare le conferenti
eccezioni di illegittimità costituzionale delle disposizioni delle leggi vigenti, applicabili nelle singole fattispecie, in
quanto ovvero nella parte in cui non assicurino detto trattamento, per assunta violazione delle pertinenti norme
costituzionali e/o del principio di ragionevolezza
” (apud A. Oprea, op. cit. supra, nº 16). Voir également, en France
(avant l’adoption de la loi relative au ‘’mariage pour tous’’, mai 2013), D. Bureau, H. Muir-Watt, Droit
international privé, PUF, 2007, t. 2, p. 122, n° 726 : „.
la distance de l’union maritale homosexuelle par rapport à la
conception du for […] ne semble pas justifier non plus de faire jouer l’exception d’ordre public au niveau de la
reconnaissance de l’union homosexuelle célébrée à l’étranger entre époux tous deux de statut personnel permissif”.
339 Voir, pour une opinion similaire au sujet de la doctrine italienne, II. Pretelli, Article 40, op. cit., nº 17, p. 592.
130


Page 132
point de vue de la validité du testament, de la loi successorale appliquée, des droits dus aux
héritiers … seront vus comme définitivement établis. Mais l’autorité de chose jugée présente, à
la fois, une dimension négative: une fois le litige réglé, la reprise du jugement est empêchée
(
non bis in idem). Elle s’imposera aussi au notaire saisi qui devra rejeter la demande des parents
du défunt (X et Y).
Nº 11. Acte authentique. (Non)-transgression de l’ordre public (pour les juridictions et
les notaires).
X, ressortissant sénégalais, polygame, décède en France, dans un accident de la
route. Un notaire français du lieu de la résidence habituelle du défunt a rédigé un acte
authentique de partage, chacune des deux épouses du défunt ayant des droits successoraux en
tant qu’,,épouse survivante’’. Footballeur en Roumanie à une certaine époque, X a détenu ici un
immeuble et des actions dans une société à responsabilité limitée, les veuves sollicitant
l’acceptation de l’acte authentique français afin de pouvoir opérer les modifications nécessaires
dans le registre foncier et le registre du commerce. Prononcez-vous quant aux procédures à
suivre.

En vertu de l’article 59, la force probante des actes authentiques étrangers sera acceptée
automatiquement: compte tenu des possibles différences entre l’État membre d’origine et celui
de destination, les actes étrangers auront la même force probante que ceux autochtones ou,
corrélativement, produiront les effets les plus proches. Comme, en l’espèce, il s’agit de pays
ayant hérité le système notarial d’origine latine
340, où les actes authentiques ont pleine force
probante au sujet de l’acte juridique ou de l’opération y comprise, l’acceptation ne soulèvera
pas, en l’espèce, des difficultés d’adaptation des effets et la circulation devrait se faire
automatiquement.
Il est pourtant possible que l’acceptation des actes authentiques étrangers fasse l’objet
d’un refus lorsqu’elle est contraire à l’ordre public de l’État de destination (article 59, premier
alinéa, partie finale). S’agissant d’une mesure restrictive, elle impose aux autorités respectives
modération et prudence: la transgression de l’ordre public dont il est question doit être
,,manifeste’’ (évidente), ce qui devrait compter sont les effets pratiques de l’acceptation de la
force probante de l’acte authentique étranger. Car, en fait, ce qui est accepté en vertu de l’article
59, premier alinéa sont les implications probables de l’acte sur un nombre d’éléments
(l’intervention d’un notaire ayant constaté l’existence d’un testament valide, la structure de la
masse successorale, le nombre et la qualité des héritiers, et qui a établi les quotités ou les biens
dus aux héritiers, les éventuelles déclarations des parties, signatures, la date de l’acte …),
l’exception d’ordre public ne devant probablement pas bénéficier d’un véritable champ
d’application
341.
Toutefois, compte tenu du fait que, de manière indirecte, le negotium circule en même
temps que la force probante, la question qui se pose est de savoir si, en vue de la détermination
d’une éventuelle transgression de l’ordre public du for par l’intermédiaire de l’acte authentique
étranger, les effets substantiels de l’acte pourraient être pris en considération. La doctrine
juridique occidentale est partagée à ce sujet: J. Foyer est, par exemple, favorable à une réponse
affirmative
342 tandis que P. Wautelet est d’avis que l’acceptation de la force probante de l’acte
340 Le notaire confère authenticité aux actes juridiques compris dans les documents rédigés, il conseille les parties et
s’assure que la loi est respectée; l’authenticité vise la signature, le contenu, la date du document. Les actes notariés
jouissent de la présomption de légalité et d’exactitude quant au contenu et leur contestation entraîne des difficultés
majeures. Au sujet des différences et des similarités entre quelques États européens (la Grande-Bretagne, la France,
l’Allemagne, la Pologne, la Roumanie, la Suède) voir CNUE, ,,
Etude comparative …’’, op. cit. , p. 5 et les
suivantes, p. 166.
341 Voir P. Wautelet, Article 59, op. cit., nº 30, p. 671-672.
342 J. Foyer, ,,Reconnaissance, acceptation, et exécution des jugements étrangers, des actes authentiques et des
transactions judiciaires », op. cit., nº 402, p. 141, p. 163: l’auteur considère que, au sujet des actes authentiques, il
faut procéder comme pour les décisions et fournit l’exemple d’un acte authentique de partage, dressé à l’étranger et
131



Page 133
étranger ne devrait pas être conditionnée par son contenu (contenu dont la validité devrait être,
d’ailleurs, déterminée, en vertu de
lex successionis, par les autorités compétentes conformément
au Chapitre II du Règlement - voir l’article 59, alinéa 3)
343 (point de vue que nous partageons).
Vu la possibilité de cette interprétation contradictoire, une question préliminaire en cette matière
adressée à la Cour de justice de l’Union européenne en vue d’éclaircir cette situation n’est pas
exclue.
Même au cas où l’option choisie vise un champ d’application élargi pour l’exception
d’ordre public (concernant non seulement les effets probants de l’acte mais inclusivement son
contenu substantiel), cela n’implique pas que, en l’espèce, l’acte authentique étranger se verra
refuser tout effet. Les règles générales visant l’emploi de ce mécanisme - interprétation
restrictive et in concreto, prudence afin d’atteindre le juste équilibre entre la protection des
intérêts spécifiques de l’État en question et les objectifs d’intégration et de libre circulation dans
l’espace européen
344 - doivent s’appliquer.
Certes, en droit roumain, le principe de la monogamie du mariage est fondamental et
l’intervention de l’exception d’ordre public en vue de sa protection est, en principe, possible.
Néanmoins, en l’espèce, il ne s’agit pas de créer, en Roumanie, une situation (la polygamie) qui
porte atteinte, directement, explicitement et manifestement, à ce principe et qui justifie, en
raison de ses implications au niveau de l’ordre juridique local, l’intervention de l’exception. Il
n’est non plus question de la reconnaissance proprement dite du lien familial respectif qui
pourrait parfois, compte tenu des liens entre le cas et l’ordre juridique local, passer pour
contraire à l’ordre public
345. L’acte authentique qui fait l’objet de la présente discussion ne
regarde pas, de manière principale et fondamentale, le lien familial mais un partage de biens
entre plusieurs personnes, rattaché, il est vrai, à un lien familial. Nous sommes donc d’avis que
sa reconnaissance ne porterait atteinte que de très loin à un principe fondamental du droit
roumain pour que l’exception d’ordre public soit invoquée à ce sujet.
refusant des droits successoraux à un enfant illégitime, dont l’acceptation devrait, dansl’ordre juridique français,
être rejetée.
343 P. Wautelet, Article 59, op. cit., nº 31, p. 672.
344 Voir, mutatis mutandis, A. Oprea, ,,L’exception d’ordre public international en droit international privé et la
réserve successorale’’
, SUBB, 4/2013, nº 18, p. 165 et les suivantes. En outre, au sujet de la limitation du domaine
d’intervention de ce mécanisme exceptionnel, vu le partage d’un nombre de plus en plus élevé de valeurs
communes, voir ,,La Convention européenne des droits de l’homme et l’application des normes étrangères en droit
international privé’’
du même auteur, la Revue de droit international privé et droit privé comparé, Roumanie, nº
1/2006, p. 341.
345 Dans la jurisprudence française, vu la théorie de l’effet atténué de l’exception d’ordre public, la position des
juridictions au sujet de la reconnaissance des mariages polygames célébrés à l’étranger connaît des nuances: si la
reconnaissance des effets personnels (par exemple l’obligation de cohabitation) d’une telle union est refusée, la
situation est différente du point de vue des effets patrimoniaux (par exemple droits alimentaires, droits
successoraux) – voir l’arrêt de la Cour de cassation, civ. 1re du 3 janvier 1980, Bendeddouche, RCDIP, 1980, p.
331, note H. Batiffol; JDI, 1980, p. 327, note M. Simon-Depitre.
132















Page 134
Chapitre IV. Cas pratiques portant sur le Certificat européen d’héritier
Nº 1 (pour les notaires). Le Certificat européen d’héritier. Compétence de délivrance.
Demandeurs.
X, ressortissant roumain, désigné par Y en tant que son exécuteur testamentaire,
sollicite à un notaire public de Cluj, ville où se trouvait la dernière résidence habituelle du
défunt, la délivrance d’un certificat européen d’héritier; il justifie sa demande en montrant qu’il
en a besoin pour avoir accès à des informations au sujet d’éventuels biens que le défunt
pourrait avoir en Chypre, État où celui-ci avait habité pendant 15 ans. La banque Z, à laquelle
le défunt devait payer une somme importante, dépose une sollicitation similaire. Prononcez-
vous au sujet des procédures à suivre.

En vertu de l’article 64 du Règlement, la détermination de la compétence en vue de la
délivrance du certificat européen d’héritier doit prendre en considération les mêmes règles que
pour le contentieux (Chapitre II, Compétence – articles 4, 7, 10 respectivement 11). Vu la
localisation de la résidence habituelle du défunt (le premier critère dans la hiérarchie retenue par
ces textes), compte tenu aussi du fait que les notaires qualifient en tant qu’autorité émettrice
d’un tel certificat (article 64, lettre b), le notaire de Cluj peut se déclarer compétent.
Les personnes ayant le droit d’obtenir un certificat européen d’héritier. Malgré la
dénomination du document en question – certificat européen d’héritier – celui-ci peut être aussi
obtenu par d’autres personnes que les héritiers. Suite à la corrélation des articles 65, premier
alinéa et 63, premier alinéa, il résulte incontestablement que les exécuteurs testamentaires
peuvent entrer dans la catégorie des personnes concernées. En échange, les créanciers de la
succession ou les créanciers des héritiers sont exclus: d’une part, l’avantage que ces personnes
auraient une fois obtenu le certificat européen d’héritier est contestable (il est peu probable
qu’un héritier/le possesseur d’un bien accepte de payer une créance ou de remettre un bien en
échange de la simple présentation du certificat); d’autre part, l’objectif de la création du
certificat européen d’héritier est de représenter, en premier lieu, un instrument légitimant les
droits des héritiers dans une succession et non une modalité de satisfaire les prétentions des
créanciers. Enfin, bien que l’article 70 stipule qu’il soit possible de délivrer des copies certifiées
à toute personne (autre que le demandeur) qui présente un intérêt légitime, il n’est pas clair si les
tiers (la banque en l’espèce) en sont visés. Une réponse affirmative pourrait être avancée en
raison du considérant 72 du Préambule, qui paraît permettre aux États une telle communication,
en application de leurs législations relatives à l’accès public aux documents346.
En vue de la délivrance du certificat, il suffit que le demandeur souhaite prouver une
certaine qualité à l’égard des tiers. Sa raison d’obtenir le certificat doit être prouvée devant
l’autorité saisie; par exemple, l’exécuteur testamentaire doit déposer une copie du testament lui
conférant cette qualité.
Bien que l’article 68 du Règlement, en explicitant le contenu du certificat européen
d’héritier, dresse une liste exhaustive de renseignements, ceux-ci n’ont pas tous, toujours, un
caractère obligatoire; le texte juridique indique explicitement que les renseignements visés
figureront dans le certificat seulement dans la mesure où ils servent l’objectif de sa délivrance -
en l’espèce, la preuve de la qualité d’exécuteur testamentaire et la mention des pouvoirs dont la
personne en question dispose à cette fin.
Nº 2 (pour les juridictions). Le certificat européen d’héritier. Effets. X, ressortissant
allemand, se présente devant une banque roumaine et, en invoquant un certificat européen
346 Le considérant 72 du Préambule: ,,L'original du certificat devrait demeurer auprès de l'autorité émettrice, qui
devrait en délivrer une ou plusieurs copies certifiées conformes au demandeur ou à toute autre personne justifiant
d'un intérêt légitime. Cela ne devrait pas empêcher un État membre, en vertu de sa réglementation nationale en
matière d'accès du public aux documents, d'autoriser la délivrance au public de copies du certificat.’’
133





Page 135
d’héritier délivré en Allemagne, sollicite l'accès aux comptes d'Y, ressortissant roumain, décédé.
En montrant que la nature juridique de ce document n'est pas claire, la banque refuse la
sollicitation et X initie une action en justice contre la banque. Prononcez-vous au sujet des
procédures à suivre.
En vertu de l'article 69 du Règlement, le certificat européen d'héritier doit être
automatiquement accepté, de plein droit, dans tous les États membres, sans autres formalités.
Ses effets ne sont pas conditionnés par quelconque procédure de reconnaissance ou d'exécution
mais se propagent immédiatement dans tous les États membres où le Règlement est applicable.
Son contenu ne peut pas être contrôlé ou bloqué dans l'État de destination
347 et tout bénéficiaire
revendiquant des droits sur les biens successoraux peut s'en prévaloir.
Les effets du certificat, établis en vertu de l'article 69 du Règlement, sont, par leur essence,
de nature probante (voir également le considérant 71 du Préambule). La force probante du
certificat visera tous les éléments établis en vertu de la loi compétente et y mentionnés:
notamment les personnes ayant la qualité d'héritier et les droits dus à chacune d’elles - ,,
Le
certificat est présumé attester fidèlement l'existence d'éléments qui ont été établis en vertu de la
loi applicable à la succession ou en vertu de toute autre loi applicable à des éléments
spécifiques. La personne désignée dans le certificat comme étant l'héritier, le légataire,
l'exécuteur testamentaire ou l'administrateur de la succession est réputée avoir la qualité
mentionnée dans ledit certificat et/ou les droits ou les pouvoirs énoncés dans ledit certificat sans
que soient attachées à ces droits ou à ces pouvoirs d'autres conditions et/ou restrictions que
celles qui sont énoncées dans le certificat"
(article 69, alinéa 2).
La conséquence est visible: d'une part, la personne/les personnes indiquées par le certificat
en tant qu'héritier ou légataire peuvent se servir de cette qualité dans leurs rapports avec les
autorités publiques ou divers tiers; d'autre part, ces derniers ne sont pas en mesure de solliciter
des preuves
348 ou des documents en plus du certificat (en fait la copie conforme certifiée).
Bien que l'article 69, alinéa 2 parle uniquement de l'existence d’une présomption relative à
la véracité des informations qu’il contient, il faut comprendre cette présomption dans le contexte
de la contestation du certificat: après avoir parcouru la procédure de modification ou de
révocation (article 71), respectivement par l’exercice d’une voie de recours (article 72), ses
effets peuvent incontestablement changer. Le rejet de la présomption peut survenir par la
communication d’une éventuelle décision prononcée dans une action au fond qui établisse une
réalité différente de celle exprimée par le certificat. Il n'existe pas, en l’espèce, des indications
concernant l’une de ces deux options, la banque aurait donc dû, en vertu du certificat en
question, selon l’article 69, permettre l’accès de l’héritier aux comptes. Comme la banque n’a
pas agi de cette manière, la juridiction saisie ne pourra que remarquer la transgression du
Règlement (acte juridique à effets directs, obligatoire non seulement pour les autorités publiques
mais aussi bien pour les personnes et les entités privées).
Nº 3 (pour les juridictions). Le certificat européen d’héritier. Effets. En agissant en
vertu d’un certificat européen d’héritier délivré par les autorités françaises, la banque X a
permis à Y, personne désignée comme exécuteur testamentaire, l’accès à un compte bancaire
ouvert sur le nom de Z (décédé). Une année plus tard, en se prévalant d'un autre certificat
européen d'héritier, délivré en France au sujet de la même succession, A adresse une demande
d'accès au compte en question. La banque, en montrant que le compte a été liquidé par Z,
rejette la demande; A initie une action en justice contre la banque, souhaitant récupérer le
préjudice subi …
Composantes de la solution: L'article 69, alinéa 3 :,,Toute personne qui, agissant sur la
base des informations certifiées dans un certificat, effectue des paiements ou remet des biens à
347 La contestation est pourtant possible dans l'État d'origine, en vertu de l'article 71 ou de l'article 72.
348 Par exemple, il ne sera pas possible de solliciter des certificats de naissance ou de mariage, ni même le certificat
de décès – voir P. Wautelet, Article 69, op. cit., nº 28, p. 789, nº 32, p. 790.
134



Page 136
une personne désignée dans le certificat comme étant habilitée à accepter des paiements ou des
biens est réputée avoir conclu une transaction avec une personne ayant le pouvoir d'accepter
des paiements ou des biens, sauf si elle sait que le contenu du certificat ne correspond pas à la
réalité ou si elle l'ignore en raison d'une négligence grave."
Afin de protéger les tiers agissant en vertu d'un certificat européen d'héritier, l'article 69,
alinéa 3 consacre une règle matérielle spécifique, selon laquelle le paiement versé par ceux-ci à
une personne (héritier, légataire, exécuteur testamentaire) agissant en vertu d'un tel certificat qui
présente une apparence de conformité est considéré valide.
La règle en question n’opère aucune distinction entre la localisation des biens, leur nature
(immobilier, mobilier corporel ou incorporel) ou la modalité de transfert (à titre particulier ou
universel, à titre onéreux ou gratuit). La protection des tiers (ici, la banque) sera assurée à deux
conditions:
A. Les tiers en question doivent avoir agi en vertu des informations du certificat, qui
indiquent les droits dus/les pouvoirs des personnes concernées; si le CEH a été délivré
exclusivement en vue de collecter des données concernant l’étendue du patrimoine successoral,
en limitant par conséquent les pouvoirs de l'héritier ou de l'exécuteur testamentaire et les tiers
ont ignoré ces restrictions, la protection ne s'appliquera pas. En l'espèce, une telle restriction
n'existe pas.
B. Les tiers ont été de mauvaise foi. Tout en sachant que les informations du certificat ne
correspondent pas à la réalité (étant informés que le certificat a été modifié, retiré ou révoqué)
ou en ignorant cela en raison d'une grave négligence, la protection ne s'appliquera pas. Ces
aspects devront être prouvés par celui qui souhaite engager la responsabilité du
solvens, et, en
l'espèce, il n'y a aucune indication dans ce sens. La simple présentation du certificat, ultérieur à
celui en vertu duquel a été effectué le paiement, ne suffit pas pour obliger la banque à payer à
nouveau, la juridiction rejettera donc l'action. La possibilité que l'héritier se dirige contre
l'exécuteur doit être réservée.
Nº 4 (pour les notaires). Le certificat européen d'héritier. Effets. X, ressortissant italien
dont la résidence habituelle se trouve en Roumanie décède dans un accident de la route. Sa
succession comprend des biens immobiliers situés en Italie et en Roumanie. Son épouse Y,
ressortissante roumaine, obtient d'un notaire public roumain le certificat européen d'héritier qui
l'indique en tant qu'héritier unique. Y souhaitant vendre l'une des propriétés situées en Italie, sa
démarche est opposée par Z, qui administrait la propriété en question et prétend être le fils d'X.
Y demande au notaire italien saisi au sujet de la conclusion du contrat de vente la
reconnaissance du Certificat européen d'héritier et la finalisation du contrat. Prononcez-vous
au sujet des procédures à suivre.

Le certificat européen d’héritier, l’une des plus grandes innovations dans la matière
successorale internationale accomplies par le Règlement nº 650/2012, représente un document
qui facilite incontestablement la position des personnes concernées – héritiers (y compris
l’épouse), légataires, exécuteurs testamentaires
349.
Son efficacité est particulièrement étendue: en vertu de l’article 69, les effets du certificat
européen d’héritier se produiront dans tous les États membres sans nécessiter des procédures (de
reconnaissance ou d’exécution) préalables et sans que ce soit possible de le contrôler dans l’État
de destination
350, par exemple du point de vue de la compétence de l’autorité émettrice, de
l’opposition de son contenu à l’ordre public international ou de toute autre raison de refus de
reconnaissance/exécution (en vertu de l’article 40).
349 Les personnes invoquant indirectement des droits au sujet de la succession ne bénéficient pas des mêmes
avantages, c’est le cas des bénéficiaires de second degré d’une substitution fidéicommissaire ou les créanciers de la
succession ou d’un héritier – voir P. Wautelet,
Article 63, op. cit., nº 7-11, p. 722.
350 Cela devrait augmenter les précautions prises par les autorités sollicitées au sujet de la délivrance et les
vérifications préalables effectuées par celles-ci.
135



Page 137
Les personnes désignées par le certificat en tant qu’héritier pourront se prévaloir du
contenu du certificat au sujet de leur qualité et des droits qui leur sont dus, sans que cet avantage
soit limité ou restreint dans l’État de destination par d’éventuelles exigences supplémentaires: en
vertu de l’article 69, il est présumé attester avec certitude l’existence des informations y
comprises. Même s'il y a des personnes contestant le contenu du certificat européen d’héritier,
les autorités de l’État de destination ne peuvent rien faire si l’État d’origine n'a prononcé au
moins une décision de suspension des effets jusqu'au moment de la solution de la contestation
(article 73) et devront procéder à la finalisation du contrat. Au cas où les tiers souhaitant
acquérir les biens de la personne mentionnée par le certificat européen d’héritier ont été
informés – directement, par la personne qui conteste le certificat ou bien par le notaire de l’État
de destination – au sujet de l’existence d'une possible incompatibilité entre le contenu du
certificat et la réalité, décidant pourtant de continuer leur démarche, ils risquent de perdre la
protection normalement conférée par l’article 69, alinéa 4 du Règlement dans la mesure où le
texte juridique prévoit que ,,
cette autre personne […] est réputée avoir conclu une transaction
avec une personne ayant le pouvoir de disposer des biens concernés, sauf si elle sait que le
contenu du certificat ne correspond pas à la réalité ou si elle l'ignore en raison d'une
négligence grave
.’’
Nº 5 (pour les juridictions et les notaires). Contestation du certificat européen
d’héritier.
Dans le cas antérieur, sur le conseil de son avocat, Z conteste, en Roumanie, le
certificat d’héritier. Prononcez-vous au sujet des procédures à suivre.

En vertu du Règlement, la contestation du certificat européen d’héritier est possible
exclusivement dans l’État membre d’origine. Le législateur européen a envisagé deux possibles
,,voies’’ de le contester – devant l’autorité émettrice (article 71) respectivement devant une
autorité judiciaire de l’État de l’autorité émettrice (article 72). Il faut opérer une distinction en
fonction de la modalité de contester choisie par Z, les deux étant possibles en l’espèce.
Contestation du certificat européen d’héritier devant l’autorité émettrice.
En envisageant une solution capable de faciliter le règlement rapide de la contestation,
l’article 71 attribue la compétence de retirer ou modifier un certificat européen d’héritier
exclusivement à l’autorité émettrice. En vertu du texte juridique, la procédure peut être démarrée
par toute personne intéressée qui démontre son intérêt légitime
351; au cas où le requérant prétend
être l’héritier du défunt et aurait pu demander lui-même un tel certificat, cet intérêt légitime de
la demande doit être considéré comme réel.
Lorsque la contestation vise (c’est le cas ici), l’existence d’une incompatibilité entre la
réalité et le contenu du certificat, l’autorité saisie (le notaire émetteur) doit opter entre la
décision de modifier et celle de retirer le certificat; le Règlement ne précise pas les circonstances
à prendre en considération dans ce sens mais celles-ci sont certainement liées à l’ampleur des
erreurs constatées, respectivement des modifications à opérer. En l’espèce, le nouvel élément de
fait – la présence d’un autre héritier – rend, selon la loi successorale, le contenu du certificat
erroné (quant au nombre des héritiers, des quotités idéales qui leur sont dues et des biens
effectivement attribués) et le retirer semble donc une décision justifiée. Si les informations et les
documents présentés à l’autorité émettrice confirment incontestablement les prétentions du
requérant et ne soulèvent aucune discussion concernant leur véracité (par exemple un acte de
naissance en original, où le défunt est mentionné en tant que père du requérant, la
reconnaissance de la paternité ou une décision d’adoption)
352, celle-ci peut non seulement retirer
le certificat inapproprié mais, sur demande, elle peut même délivrer un nouveau certificat.
351 Cette notion devrait revêtir une interprétation autonome dans tous les États membres, déterminée en vertu du
Règlement et des objectifs poursuivis par le législateur européen dès la création du certificat européen d'héritier –
voir P. Wautelet,
Article 71, op. cit., nº 4, p. 816.
352 À notre avis, la décision de retirer le certificat est justifiée même lorsque les documents présentés sont
suffisamment pertinents pour soulever un doute considérable sur la compatibilité entre la situation réelle et les
136



Page 138
Pendant la procédure de solution de la contestation, l’autorité émettrice peut, dans les
conditions prévues à l’article 73, suspendre les effets du certificat; la suspension ne sera pas
automatique mais disposée seulement à la demande de la personne concernée et seulement
lorsqu'il y a des doutes suffisamment sérieux au sujet de sa situation future. La mesure de la
suspension sera obligatoirement temporaire et, au cours de son exécution, après la notification
des bénéficiaires, les effets du certificat, ainsi que définis à l'article 69 du Règlement, seront
suspendus.
Retirer le certificat n'affecte pas implicitement et immédiatement les copies conformes
certifiées délivrées antérieurement, qui ne doivent pas être restituées à l'émetteur et gardent leur
capacité de circulation dans le délai de validité (à l'exception du cas de la suspension). Afin de
limiter les abus et sauvegarder les droits des personnes concernées, l'autorité (le notaire) qui
retire le certificat est tenu d'informer immédiatement toutes les personnes ayant reçu de telles
copies (personnes figurant sur une liste spéciale, dressée en vertu de l'article 70, alinéa 2)
353. Le
Règlement ne précise pas les modalités d'effectuer cette notification mais les moyens choisis
doivent être fiables, efficaces et atteindre l’objectif visé
354.
Contestation du certificat européen d'héritier devant une autorité judiciaire. En vertu
de l'article 72, premier alinéa du Règlement, le requérant dispose, en l'espèce, d’une seconde
modalité de contester le certificat: il peut choisir d'exercer directement la voie de contestation
devant une autorité judiciaire (tribunal ou tribunal d'arrondissement, compte tenu des règles de
compétence matérielle) de l'État membre où se trouve l'autorité émettrice du certificat (en
l'espèce, la Roumanie). La condition imposée dans ce sens par le texte juridique – que le
requérant apartienne à la catégorie des personnes habilitées à solliciter un certificat européen
d'héritier – est remplie. Le régime de la voie de contestation – terme d'exercice, principe
contradictoire, instruction – est celui déterminé par le droit procédural de l'État du for.
L'autorité judiciaire saisie vérifiera, en vertu de la loi de la succession et compte tenu des
éléments
de facto et de jure pertinents, l'exactitude des informations mentionnées dans le
certificat. Si les prétentions du requérant sont fondées, le tribunal a la possibilité de décider lui-
même de retirer/d’invalider le certificat (il s’agit du cas le plus fréquemment rencontré, la
procédure ayant un effet dévolutif) ou de solliciter cela à l'autorité émettrice. Tout comme dans
le cas de la procédure déroulée devant le notaire, les tribunaux peuvent décider, sur demande, la
suspension des effets du certificat jusqu’à la prononciation d’une solution.
données du certificat; par exemple, si, à l'étranger, il y avait un litige portant sur la détermination de la paternité
d'un enfant, le notaire peut refuser la délivrance du certificat jusqu'à la prononciation d'une décision définitive et
jusqu'au moment où il dispose de toutes les données en vue de la détermination précise des héritiers (article 67,
premier alinéa, dernière phrase, lettre a), aussi bien lorsqu'il est notifié au sujet de l'initiation d'un tel litige, dont le
résultat peut invalider les éléments indiqués dans le certificat, et peut décider que le certificat soit retiré.
353 En vertu du texte juridique, cette notification est obligatoire seulement en ce qui concerne la mesure disposée par
l’autorité émettrice en vue de la solution de la contestation et non au sujet de l’existence de la contestation (de la
demande de modifier ou de retirer le certificat).
354 L’article 145 de la Loi nº 36/1995 renvoie aux dispositions du Code de procédure civile.
137


Page 139
Page 140
Page: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140