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LE PRINCIPE D’ÉGALITÉ HOMME-FEMME
Analyse critique de l’influence du système juridique français
sur le système juridique tunisien
ASSIA JAMAI
Groupe de Recherche en Droit, Économie et Gestion (GREDEG)
UMR 7321 CNRS/UCA
Présentée en vue de l’obtention
du grade de docteur en
droit
dUniversité Côte d’Azur
Dirigée par : M. Patrice REIS
Soutenue le : 8 mars 2021
Devant le jury, composé de :
Céline LAGEOT,
Professeure, Université
de Poitiers, rapporteur
Ali MEZGHANI, Professeur, Université
de Tunis, rapporteur
Jean-Jacques SUEUR, Professeur émérite,
Université de Toulon
Marina Teller,
Professeure, Université
Côte d’Azur



















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LE PRINCIPE D’ÉGALITÉ HOMME-FEMME
Analyse critique de l’influence du système juridique français
sur le système juridique tunisien
Jury :
Présidente du jury
Marina TELLER, Professeure, Université Côte d’Azur
Rapporteurs
Céline LAGEOT, Professeure, Université de Poitiers,
rapporteur
Ali MEZGHANI, Professeur, Université de Tunis,
rapporteur
Examinateur
Jean-Jacques SUEUR,
Professeur émérite, Université
de Toulon
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Titre de la thèse :
Le principe d’égalité homme-femme.
Sous-titre de la thèse :
Analyse critique de l’influence du système français sur le système
tunisien.
Résumé :
Le principe d’égalité homme-femme a fait l’objet de plusieurs études à ce jour. Celle que
l’on va lire propose d’étudier l’influence du système juridique français sur celui de la Tunisie.
1 Le degré d’influence du système français sur le système tunisien est réel, il débouche sur une
divergence de positions et de contenu du droit et révèle ainsi l’existence de rapports conflictuels
entre les systèmes. Ainsi, positive ou négative, la formulation du principe d’égalité homme-femme
reste ambiguë. Au surplus, ce principe doit aussi s’incarner. Or, comment les droits positifs français
et tunisien peuvent-ils incarner ce principe alors même qu’ils ne consacrent pas de dispositions
spécifiques à définition formelle de ce dernier ? Celui-ci peut se présenter comme étant une
composante du principe d’égalité. A priori, les systèmes juridiques tunisien et français ne font que
proclamer ce droit en lui attribuant à chaque fois, un domaine d’application particulier.
2 C’est pour rendre compte de cette complexité et de ces insuffisances de part et d’autre, venant
de l’histoire, que nous avons fait le choix d’une méthode critique, d’inspiration structuraliste. Ce
choix s’explique par plusieurs raisons qui se recoupent. En effet, plusieurs dimensions s’attachant
à l’analyse de l’influence du système français sur celui de la Tunisie. Le caractère équivoque du
principe nous a conduits à faire appel à l’analyse structurale pour mieux saisir la nature spécifique
de ce rapport d’influence, en faisant provisoirement abstraction des données politiques, pour les
introduire ensuite, de manière détaillée, dans le cadre de l’analyse. Abstraire pour mieux
comprendre. Le structuralisme est apparu également comme un gage d’objectivité scientifique
(relative) de la recherche : il permet, tel un rempart, d’étudier des fonctions et de dégager des
invariants dans les sociétés étudiées.
Ainsi, l’analyse critique des déterminants permet de comprendre une société dans le moment
présent. L’analyse de facteurs matériels, économiques et sociaux, permet de constater que dans
cette imbrication de données, la culture au sens large, incluant la religion et le droit, joue un rôle
central : elle est à la fois une entrave et un levier pour la concrétisation du principe d’égalité des
sexes.
Mots-clés : Égalité homme-femme, Principe, équité, Discrimination, équité, justice, Influence,
Droit tunisien, Droit français, Structuralisme, Pluralisme juridique, Mariage, Divorce, Successions,
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Successions, Structure, Système, Constitution, Maghreb, Europe, Afrique, Droit de l’homme,
Universalisme, Islam, Charia, Droit des femmes, Genre.
Thesis title :
The principle of
equality between men
and woman
Thesis sub-title :
Critical analysis of the influence of the French system on the
Tunisian system.
Abstract :
The principle of equality between men and women has been the subject of several studies
to date. The one that will be read proposes to study the influence of the French legal system on
that of Tunisia.
1 - The degree of influence of the French system on the Tunisian system is real, it leads to a
divergence of positions and content of the law and thus reveals the existence of conflicting
relationships between the systems. Thus, whether positive or negative, the formulation of the
principle of equality between men and women remains ambiguous. Moreover, this principle must
also be embodied. Yet, how can French and Tunisian positive law embody this principle when it
does not enshrine specific provisions formally defining it? The latter can be presented as a
component of the principle of equality. A priori, the Tunisian and French legal systems only
proclaim this right by attributing to it, each time, a particular field of application.
2 - It is to take into account this complexity and these inadequacies on both sides, coming from
history, that we have chosen a critical method, of structuralist inspiration. This choice is explained
by several overlapping reasons. In fact, several dimensions of the analysis of the influence of the
French system on that of Tunisia. The equivocal nature of the principle led us to call upon
structural analysis to better grasp the specific nature of this relationship of influence, temporarily
disregarding political data, and then introducing them, in a detailed manner, in the framework of
the analysis. Abstract to better understand. Structuralism has also emerged as a guarantee of the
(relative) scientific objectivity of research: it allows, like a bulwark, the study of functions and the
identification of invariants in the societies studied.
Thus, the critical analysis of determinants makes it possible to understand a society in the present
moment. The analysis of material, economic and social factors shows that in this interweaving of
data, culture in the broad sense, including religion and law, plays a central role: it is both an obstacle
and a lever for the realization of the principle of gender equality.
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Keywords : Equality between men and women, Principle, Equity, Discrimination, Equity, Justice,
Influence, Tunisian Law, French Law, Structuralism, Legal Pluralism, Marriage, Divorce, Estates,
Successions, Structure, System, Constitution, Maghreb, Europe, Africa, Human Rights,
Universalism, Islam, Sharia, Women's Rights, Gender.
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REMERCIEMENTS
Au seuil de cette étude, j’adresse mes sincères remerciements à Monsieur Reis qui a accepté de
reprendre la direction de ce travail de recherche. Sans son concours et son immuable
bienveillance, cette thèse n’aurait pu atteindre cette phase si difficile d’achèvement. Qu’il sache
l’infinie gratitude que je porte à son égard.
C’est également au professeur Jean-Jacques Sueur que j’exprime mes vifs remerciements. Ce
dernier a été un accompagnateur fidèle, un guide constamment disponible et un phare qui a en
permanence essayé d’éclairer. Nos nombreux échanges ont permis de défaire des sujets souvent
complexes et de m’orienter vers des lectures auxquelles les juristes sont peu familiers. Je retiens
notamment un enseignement précieux qu’il m’a transmis : en droit, comme dans toute science
sociale, il existe très rarement une solution obvie. Assurément, cette thèse lui doit beaucoup.
J’adresse en outre mes profonds remerciements aux membres du jury lesquels ont aimablement
accepté de prendre de leur temps pour lire et porter un jugement à ce travail.
C’est aussi à ma famille, en particulier à mes parents et mes frères, que j’aimerai remercier
pour avoir toujours été présente à mes côtés.
Je tiens également à remercier ma sœur qui a été un soutien de tous les instants et qui a su
trouver les mots justes dans les périodes de doute ayant inévitablement jalonné ces années de
travail. Sa permanente disponibilité et les nombreux moments partagés ensemble m’ont permis
d’avoir des temps de respiration indispensables à l’accomplissement de cette étude.
Enfin, c’est à mon époux que j’aimerais exprimer ici une aimante et chaleureuse pensée. Sa
patience et son soutien constant ont été une aide précieuse durant ces dernières années de
recherche. Qu’il sache que ses profuses attentions m’ont sincèrement touchée.
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SOMMAIRE
PREMIÈRE PARTIE LES FONDEMENTS DU PRINCIPE D’ÉGALITÉ HOMME-
FEMME
TITRE I LE PLURALISME DES FONDEMENTS DE L’ÉGALITÉ
Chapitre I La portée du fondement constitutionnel de l’égalité homme-femme
Chapitre II L’accentuation jurisprudentielle du morcellement des normes de référence
TITRE II LA CONCURRENCE DE LÉGITIMITÉS
Chapitre I Les résistances culturelles
Chapitre II Les obstacles structurels
Chapitre III L’influence déterminante du droit international en tant que vecteur de l’égalité
en Tunisie
SECONDE PARTIE LA DIVERSITÉ DES FACTEURS DE STRUCTURATION
TITRE I L’ANALYSE DES DÉTERMINANTS
Chapitre I Les facteurs permanents
Chapitre II Les facteurs conjoncturels
Chapitre III Le rapport de connexité entre les systèmes
TITRE II LES LIMITES DU PROCESSUS DE STRUCTURATION
Chapitre I L’influence contrastée du féminisme
Chapitre II Des rapports de conflictuels entre systèmes : la double structuration
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LISTE DES ABRÉVIATIONS
A
AAI
Autorité Administrative Indépendante
AFEP
Association Française des Entreprises Privées
Al
Alinea
AJDA
Actualité Juridique. Droit Administratif
ANC
Assemblée Nationale Constituante
ANCT
Assemblée Nationale Constituante Tunisienne
ARP
Assemblée des Représentants du Peuple
ARPP
Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité
Art
Article
AV. J.-C.. Avant Jésus-Christ
C
C.Civ
Code Civil
CDH
Conseil des Droits de l’Homme
CE
Conseil d’État
CEDAW
CEDEF
Convention sur l’Élimination de toutes les formes de Discrimination à
l’Égard des Femmes
CESDH
Convention Européenne des Droits de lHomme.
CEDH
Cour Européenne des Droits de lHomme
CJCE
Cour de Justice de la Communauté Européenne
CJUE
Cour de Justice de lUnion Européenne
CNCDH Commission Nationale Consultative des Droits de lHomme
COM
Commission
CONF
Conférence
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COLIBE Commission des Libertés Individuelles et de l’Égalité
Cons. C. Conseil Constitutionnel
Cons
Considérant
C. cass
Cour de cassation
CP
CPP
CPR
CSA
Code Pénal
Conseil Paritaire de la Publicité
Congrès Pour la République
Conseil Supérieur de l’Audiovisuel
CSEP
Conseil Supérieur à l’Égalité Professionnelle entre les femmes et les hommes
CSP
Code du Statut Personnel
D
D.
Receuil Dalloz
Déc.
Décision
E
ECOSOC Conseil Economique et Social
EPU
Examen Périodique Universel
G
Gaz. Pal. La Gazette du Palais
H
HALDE Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité
HAICA
Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle
HCEFH
Le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes
HCE
Haut Conseil à l’Égalité
I
INLUCC Instance Nationale de Lutte Contre la Corruption
INRIC
Instance Indépendante chargé de Réformer l’Information et la Communication
IRMC
Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain
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IVG
Interruption Volontaire de Grossesse
J
JCP G
La Semaine juridique. Édition Générale
J.DP
Jury de Déontologie Publicitaire
J.O
Journal Officiel
J.O.R.F
Journal Officiel de la République Française
J.O.R.T
Journal Officiel de la République Tunisienne
L
LPA
Les Petites Affiches
LTDH
Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme
M
MEDEF Mouvement Des Entreprises de France
MTI
Mouvement de Tendance Islamique
O
OCDE
Organisation de Coopération et de Développement Economique
OCI
OIT
Organisation de la Conférence Islamique
Organisation Internationale du Travail
ONG
Organisation Non Gouvernementale
ONFP
Office National de la Famille et de la Population
ONU
Organisation des Nations Unies
OMD
Objectifs du Millénaire pour le Développement
OUA
Organisation de l’Unité Africaine
P
PNEA
Programme National d’Enseignement des Adultes
PNUD
Programme des Nations Unies pour le Développement
PVD
Pays en Voie de Développement
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Q
QPC
Question Prioritaire de Constitutionnalité
R
RCD
Rec.
Rassemblement Constitutionnel Démocratique
Recueil
Rec. JD
Recueil de Jurisprudence
RES
Résolution
RTD civ Revue Trimestrielle de Droit civil
RSC
Revue de Science Criminelle et de Droit Pénal Comparé
RDT
Répertoire de Droit du Travail
S
SA
Société Anonyme
SCA
Société en Commandite par Actions
T
T.A
Tbl
Inst
Tribunal Administratif
1ère
Tribunal de Première Instance
TFUE
Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne
U
UE
Union Européenne
UGTT
Union Générale des Travailleurs Tunisiens
UNFT
Union Nationale de la Femme Tunisienne
UTICA
Union Tunisienne de l’Industrie du Commerce et de l’Artisanat
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GLOSSAIRE
A
Aceb
L’héritier universel qui reçoit une partie ou l’ensemble des biens laissés par le
défunt
Agnats
Parent par agnation, descendant d’une même souche masculine
Amazigh
Berbère1
B
Bey
C
Charia
Commandant des troupes qui est spécialement chargé de lever l’impôt et de
surveiller les tribus
«Loi canonique islamique régissant la vie religieuse, politique, sociale et individuelle,
appliquée de manière stricte dans certains Etats musulmans. (Les Etats où la Charia
est le plus largement appliquée sont en Asie, l
Iran, lArabie Saoudite, le Pakistan,
l
Afghanistan, lIraq, le Yémen, Oman et les Émirats Arabes Unis, et, en Afrique, le
Soudan et le Nigeria)
»2.
Chiite
Qui appartient au chiisme
D
Destour
Constitution
Dey
Capitaine qui est chargé de commander la milice en collaboration avec lagha
Djezirat al-
Maghrib
Les îles du Maghreb
Djizya
Capitation, tribut, taxe.
F
Fard
En islam ce sont les héritiers de premiers rangs dont la part successorale est
légalement déterminée (héritiers réservataires). Le mot fard vient du mot arabe
«
fardh» qui désigne ce qui est obligatoire.
1 http://dictionnaire.reverso.net
2 www.larousse.fr
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«Désigne la compréhension de la Charia, à savoir le droit positif regroupant
tous les aspects de la vie, religieux, politiques et privés
»3.
Fiqh
H
Hadana
Le droit de garde de l’enfant au Maroc
Hadîth
Récit. «Dans la religion islamique, recueil des actes et paroles de Mahomet et
de ses compagnons, à propos de commentaires du Coran ou de règles de
conduite
»4.
Hybris
Démesure
I
Istihsan
Préférence juridique/équité
K
Kouloughlis Métis Turcs et Tunisiens
M
Machrek
«Le levant» ce terme désigne les pays du soleil levant, lOrient arabe
Madhhab
École juridique musulmane
Maghreb
Le terme Maghreb désigne les pays du soleil couchant, lOccident Nord-africain,
par opposition au Machrek
Mahdûr
L’interdit
Makrûh
Désapprouvé, déconseillé
Mandûb
Recommandé
Moudawwan
a
Le Code de la famille marocain
Mu‘âwiyya
Calife de Damas
Mubâh
Licite, autorisé
Musawa
Égalité
Mutakamila Complémentarité
N
3 www.larousse.fr
4 www.larousse.fr
17


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Equivalence dune pension alimentaire, la prise en charge de lentretien de
l
épouse et de ses enfants par lépoux en cas de divorce, mais aussi le droit des
parents nécessiteux de demander une pension à leurs enfants.

Nafaqa
O
Oumma/Um
ma
A lorigine, le terme Oumma ou Umma fait référence à la «communauté
d
Allah» (Oummat Allah). Elle désigne donc la communauté islamique ou la
communauté musulmane.
P
Pacha
Il est à la tête de la régence et il est nommé par le Sultan
S
Salam
Paix
Samaha
Tolérance
Sultan
«Titre de souverains musulmans donné à partir des Seldjoukides (Xème siècle)
par le calife à ceux à qui il déléguait le pouvoir effectif
»5.
Le sunnisme représente le «courant majoritaire de lislam, qui sappuie sur la
sunna et le consensus communautaire quelle suscite. Réunissant environ 90 %
de la communauté musulmane, le sunnisme se présente comme la voie moyenne
de la religion musulmane (entre le chiisme et le kharidjisme). Les sunnites sont,
par définition, les hommes du Coran et de la sunna, cest-à-dire de la tradition
de tout lenseignement du prophète Mahomet.
Sunnite
Sappuyant sur la sunna et sur le consensus communautaire, les sunnites ont
reconnu comme successeurs du Prophète les quatre premiers califes, puis les
Omeyyades et les Abbassides, tandis que les chiites ont réservé cette charge à
Ali et à sa descendance.
Le sunnisme correspond donc à l’ensemble des communautés musulmanes se
caractérisant par laccent mis sur la fidélité à la sunna (Tradition du Prophète)
qui, relatant l’enseignement, les dires, les faits et les gestes de Mahomet, sert de
législation, dexemple et de modèle aux sunnites. Consignée dans les hadiths, la
sunna constitue la deuxième source de l’islam sunnite, après la parole révélée
du Coran.
5 www.larousse.fr
18


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À travers la sunna, le Prophète est pour les croyants une source dimitation, un
modèle de comportement, aussi bien sur le plan de l
éthique individuelle que
sur celui du droit communautaire
»6.
T
Talaq
Ce terme désigne la séparation cest-à-dire la répudiation et le divorce. En droit
tunisien, il désigne le divorce. Les règles relatives au divorce de l
homme sont
citées en partie dans la sourate «
at talaq» S 65.
Tamazight
Dialecte berbère parlé de nos jours au Maroc dans le Haut Atlas, le Moyen Atlas
et le Rif ainsi qu
en Algérie (Kabylie) où il est devenu la langue nationale à côté
de l
arabe
Tedjdid
Renouvellement
R
Rifq
U
Bienveillance
Uléma
Docteur de la loi musulmane, juriste et théologien7.
6 http://www.larousse.fr/encyclopédie/divers/sunnisme/94575
7 www.larousse.fr
19


















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la
« Et
femme demeure, au moins en France,
singulièrement défavorisé quant au droit de suffrage. Il y
a bien peu d’élues ! C’est une observation du même ordre
que l’on peut faire quant au "droit au juge". Elle en
bénéficie. Elles sont même nombreuses à être juges, plus
nombreuses que les hommes. Mais en nombre infime dans
la haute hiérarchie. Ce qui est évidemment paradoxal
s’agissant du système juridique qui devrait assurer en
premier l’égalité des sexes
! »
G. Farjat, « Préface »
in Droits de l’homme et libertés de
la personne (R. Charvin et J.-J. Sueur), LexisNexis-Litec,
2007, p. IX.
21



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22




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INTRODUCTION
1.
Le structuralisme en tant qu’outil d’analyse des systèmes juridiques. Tout comme
en France, la Tunisie a connu de nombreuses sources d’influences dans la construction et
l’évolution de la notion d’égalité des sexes. Pour comprendre le statut de la femme en Tunisie
comme en France, il faut nous interroger sur le caractère équivoque du principe, ce qui conduit
à faire appel à l’analyse structurale8 pour mieux saisir la nature spécifique de ces rapports9 entre
les deux systèmes juridiques
10. Comment ? En faisant provisoirement abstraction des données
politiques, pour les introduire ensuite, de manière détaillée, dans le cadre de l’analyse. Abstraire
pour mieux comprendre. Le structuralisme
11 apparaît ainsi comme un gage d’objectivité
scientifique relative de la recherche12 : il permet, tel un rempart, d’étudier des fonctions et de
dégager des invariants dans les sociétés étudiées. Autrement dit, la méthode structuraliste est
une boîte à outils à laquelle nous emprunterons quelques instruments pour analyser les systèmes
8 Comme nous l’explique à juste titre le Professeur Sueur, « le choix de la méthode structuraliste s’inscrit dans la
tradition de l’école française de sociologie et de son fondateur
[…] Durkheim ». J.J SUEUR, « Pour un structuralisme
tempéré », in
Mélange en l’honneur du professeur Dominique Rousseau, LGDJ, 2020, p. 736.
9 On entend ici par le mot « rapport » à la fois les effets que le système juridique français a exercés sur celui de la
Tunisie
; un rapport qui peut être aussi bien néfaste que bénéfique et l’idée d’un dialogue entre les deux systèmes
juridiques. A cet égard, les rapports entre les deux systèmes juridiques sont tardifs au Maghreb par rapport à
d’autres, mais ils demeurent significatifs. En outre, ces rapports se déroulent sur deux plans différents. Tout
d’abord, comme nous l’avons déjà évoqué, les rapports juridiques entre le système français et celui de la Tunisie.
Ensuite, les rapports entre systèmes s’entendent en termes de rayonnement moral et intellectuel au sein d’une
doctrine déterminée qui va avoir des conséquences d’une part sur le système juridique, et d’autres part sur le
chercheur lui-même. Dans le premier cas de figure, le rayonnement moral et intellectuel français au sein de la
doctrine tunisienne va avoir des effets sur différentes sphères tel que le Pouvoir politique, économique de l'État.
Dans le
second cas, l’influence doctrinale et intellectuelle que jouent certains auteurs dans la construction du travail
de recherche contribue de manière certaine à prendre une certaine hauteur et procurant par là-même une forme
d'objectivité.

10 Le système juridique tunisien étant trop éloigné de celui de la France, leur comparaison se révèle donc très difficile.
Il est nécessaire de trouver un biais, quelque chose qui permette de faire le lien entre deux situations dissemblables sur
un point qui leur est commun. C’est pourquoi il semble plus aisé de conditionner la comparaison des deux droits à
l’analyse des rapports entre les deux systèmes mais également les rapports internes du système juridique tunisien entre
les forces et facteurs en présence, y compris culturels. C’est ainsi que le travail de thèse a bien pour objet l’idée de
structure qui implique le rapport non conscient, mais agissant auprès des parties prenantes, et qui sont susceptibles à
ce titre de donner des clés de compréhension d’autres rapports.
11 La théorie du structuralisme considère qu’une structure est « un Tout formé de phénomène solidaires tels que chacun
dépend des autres et ne peut être ce qu'il est que par sa relation avec eux ». J.B. FAGES, Comprendre le structuralisme,
Privat, 1968. Citée par J. CHEVALLIER,
Essai d’analyse structurale du Préambule, n°5, p. 3. Autrement dit, Le
structuralisme consiste donc « à chercher les relations qui donnent aux termes qu’elles unissent une valeur de position
dans un ensemble organisé ». J. POUILLON et al., « Problèmes du structuralisme », In Les Temps modernes, n°
246, 1966, p. 769.
12 Comme l’explique le Professeur Sueur, le concept de structuralisme qui implique celui de structure « signifient
seulement que ces plans [strates] sont des étapes qui doivent être franchies ou escaladées, comme on escalade une
montagne ou les marches d’un escalier, pour arriver au sommet de la montagne ou à l’étage supérieur, d’où l’on pourra
admirer le paysage, la rue d’à côté, ou nos proches voisins ».
J.J SUEUR, « Pour un structuralisme tempéré », op.cit.,
ibidem.

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juridiques. À cet égard, l’idée de structure13 se présente comme le moyen de penser le réel en
prenant de la distance avec lui, cette distance qui nous manque au départ, et ce, dans l’objectif
de considérer dans l’égalité des sexes quelque chose comme une structure élémentaire de toute
sociabilité.
L’analyse critique des déterminants et des rapports permettent de comprendre une société dans
le moment présent. L’analyse de facteurs matériels, économiques et sociaux, permet de
constater que dans cette imbrication de données, la culture au sens large, incluant la religion et
le droit, joue un rôle central : elle est à la fois une entrave et un levier pour la concrétisation du
principe d’égalité des sexes. Par ailleurs, l’utilisation d’un structuralisme modéré permet
d’introduire un peu de science politique, sans perdre de vue le sujet traité.
2.
La signification de l’égalité homme-femme à l’aune de l’histoire. Envisager l’égalité
des sexes suppose nécessairement d’étudier l’histoire pour comprendre la place qu’occupe ce
droit dans les différentes structurations juridiques. Si l’on reprend GEORGESCO, «La force et
le sens de l’évolution historique doivent toujours être cherchés dans le milieu influencé, dans
le milieu récepteur. C’est uniquement la place que l’influence réussit à tenir dans l’ensemble
des conditions historiques de ce milieu qui lui donne une signification et détermine son contenu
réel et efficient».14 Aussi, «nous définissons la réception»15 du droit français dans le système
juridique tunisien «
 comme un ensemble cohérent de processus intègre de l’histoire du droit »16
tunisien. Ainsi, «tout est à la fois le même et différent : le fleuve n’est pas le même parce que
l’eau se renouvelle sans cesse […] L’homme ne voit qu’un aspect des choses sans saisir
l’harmonie du tout, qui naît du mouvement, de la discorde et du conflit. Il voit identité là où il
y a processus et métamorphose»17. Ici, le droit n’est pas le même, car la société se renouvelle
sans cesse. C’est dans ces cadres de processus et métamorphose que la perception de la femme
au sein des sociétés française et tunisienne s’est progressivement détachée d’une vision
péjorative qui a perduré pendant des siècles et qui trouve dans nos sociétés contemporaines une
harmonisation du contenu et de la signification de l’égalité des sexes. Toutefois, « les obstacles
13 Selon le Professeur Sueur, le concept de structure constitue « l’instrument de mesure » qui ne doit pas se confondre
avec « la chose mesurée » qui renvoie aux écrits de Foucault, notamment la pensée du dehors. Voy. n.b.p n° 8 de J.J
Sueur, Texte de Foucault de 1966, M. FOUCAULT, « La pensée du dehors », Reproduit in
Dits et Écrits I. 1954-1975,
Quarto/Gallimard, 2001 [1994], p. 546. Cité par J.J SUEUR, « Pour un structuralisme tempéré »,
op.cit. Ibidem.
14 V. GEORGESKU, « La réception du droit romano-byzantin dans les Principautés roumaines (Moldavie et
Valachie) »
in Droits de l’antiquité et sociologie juridique – Mélanges Henri Lévy-Bruhl, Sirey, 1959, pp. 373-391
15 Ibid.
16 Ibid.
17 L. DEVILLAIRS (dir.), Les 100 citations de la philosophie, PUF, 2017, pp. 15-124.
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culturels ne doivent pas être négligés non plus»18, car «les anciens droits, les anciennes
pratiques font donc de la résistance
»19. L’objectif poursuivi consiste à déterminer si l’égalité
homme-femme en Tunisie s’apparente à la conception française et si la réponse est positive,
dans quelle mesure elle s’en distingue. Ensuite, sur ce premier constat, il conviendra de
déterminer le domaine respectif de ces deux conceptions de l’égalité des sexes en consacrant
un ordre public de l’égalité homme-femme destiné à préserver une vision et une conception
communes à ce droit. Il est vrai que « l’histoire nous éclaire en effet, en partie, sur la nature du
rapport droit-État cela peut-être un rapport de type fonctionnel ou instrumental typique de l’État
des sociétés occidentales […] 
»20. Le Professeur Sueur nous rappelle à juste titre que «le
passage des sociétés dites traditionnelles aux sociétés modernes s’accompagne (seulement)
d’une modification dans “le champ du contrôle social juridique” et des “innovations dans la
nature de ses formulations et de sa sanction”. Il n’y a donc pas une, mais des formes du
juridique, et “le droit ne se réduit pas à la formulation qu’en ont fait les sociétés occidentales” ;
il n’est pas lié, notamment, à l’existence de règles objectives, clairement repérables à l’intérieur
du champ social. Il n’en existe pas moins une corrélation étroite entre le type d’organisation
politique dominant dans une société donnée et le mode de production du droit qui prévaut à
l’intérieur de cette société »21. Si le doyen Vedel exprimait l’idée que « le premier des droits de
l’homme, et le fondement de tous les autres » est celui de l’égalité, ce dernier est également
«pacificateur de la fraternité»22. La notion d’égalité était la force d’expansion de l’Islam23.
Aussi, « jusqu’à une date récente dans les sociétés dominées par l’Islam, le pouvoir civil est
totalement étranger au processus de création du droit. Le droit musulman, par exemple, se
constitue dès l’origine (c’est-à-dire depuis le VIIIe siècle) en marge des catégories du droit
occidental, tout en donnant de lui-même l’image du droit par excellence, un droit indifférencié,
non spécialisé dans lequel tout se tient»24.
18 J.-J. SUEUR, Une introduction à la théorie du droit, L’Harmatan, 2001, p. 60.
19 Ibid.
20 Ibid. p. 68.
21 Ibid. pp. 45-46.
22 G. CORNU, « LA fraternité. Des frères et sœurs par le sang dans la loi civile », in « les orientations du droit
contemporain
», écrit en l’honneur de Jean SABATIER, P.U.F, p.129.
23 En effet, L’Islam s'est facilement propagé car il était considéré comme un moyen de libération par les nombreux
esclaves et pour ceux qui se sentaient opprimés par le christianisme byzantin. C’est ainsi que la conversion à l'Islam
permettait aux esclaves de s’affranchir.
24 J.J SUEUR, Op. Cit. p. 50 ; Selon la description de J. BERQUE à propos des sociétés du Haut Atlas. J.
BERQUE : structures sociales du Haut- Atlas, P.U.F, 1978, p.79.
25



Page 27
3.
Le droit comparé dans un monde globalisé. Le XXIe siècle est marqué par
l’internationalisation et par « la globalisation»25 dans tous les domaines, notamment dans celui
du droit comparé qui deviendrait de «
plus en plus international»26. Ce processus de
«globalisation » correspond à l’adoption par des sociétés non occidentales, notamment de
«règles» et «de raisonnement juridique» dont le résultat serait «la juridicisation de leur
univers symbolique et de leur monde vécu
»27. Notre appréhension du Droit global28 résulterait
de « l’aboutissement d’un processus historique de généralisation planétaire du juridisme
occidental, le triomphe de la civilisation, entendue, sans jeu de mots, comme celui de l’Empire
du droit civil»29. Cette évolution a catalysé d’autres semblances de subordination dans le cadre
de la colonisation30. Aussi, les notions de globalisation et de mondialisation ne renvoient pas à
un processus d’échanges mondialisés qui renfermerait exclusivement des échanges
économiques31. Ce processus engendre aussi des échanges culturels32 qui ne relèvent pas de
l’ordre du marchand, mais de celui du savoir33. Dès lors, il y a eu une «systématisation » d’une
comparaison des systèmes juridiques34 dans un processus dont la «réalisation» se justifie par
25 M. XIFARAS, « Après les Théories Générales de l’État : le Droit Global ? », Jus Politicum, n° 8, disponible en
ligne sur [http://juspoliticum.com/article/Apres-les-Theories-Generales-de-l-Etat-le-Droit-Global-622.html].
26 X. Blanc-Jouvan et alii, L’avenir du droit comparé : un défi pour les juristes du nouveau millénaire, Société de
législation comparée, 2000,
p. 15.
27 B. FRYDMAN, « Comment penser le droit global ? », in J.-Y. CHEROT et B. FRYDMAN (dir.), La science
du droit dans la globalisation,
Bruylant, 2012, pp17-48.
28 « Si le terme “global” est apparu en anglais voici plus de 400 ans, en revanche, l’utilisation du concept
de globalisation (globalization en américain) ne remonte qu’aux années soixante. En effet, le premier dictionnaire
à en donner une définition est le Webster». E. C. CUNNINGHAM-SABOT, G. BAUDELLE. «La mondialisation
vue de France et des États-Unis : discussion sémantique contre débat médiatique
», L’Information géographique,
vol. 72, n°2, 2008, pp. 6-16.
29 B. FRYDMAN, « Comment penser le droit global ? », op.cit.
30 Dans la colonisation, une «nation civilisée» impose le juridisme occidental à une «nation à civiliser» (soit
directement, à la française, soit indirectement, à la britannique, soit toute la gamme nuancée de ce qui se trouve
entre les deux). Dans l’ouverture, la « nation à civiliser» est contrainte par la (ou les) «nations civilisatrices» à
adopter elle-même le juridisme occidental (Japon, Turquie
attention aux exemples le Japon n’a pas été colonisé,
ni l’empire otoman au contraire ils ont été colonisateurs etc.). B. FRYDMAN, op.cit. Voy. également sur le sujet
de la colonisation. P. BLANCHARD, N. BANCEL, S. LEMAIRE (dir.),
La Fracture coloniale. La société
française au prisme de l’héritage colonial. La Découverte, 2006, 322 pages ; F. GAULME, « Notes de
lecture »,
Études,2006, n°5, pp. 684-693.
31 La mondialisation et la globalisation se réfèrent au phénomène de la « libéralisation des échanges, des
investissements et des flux de capitaux ainsi qu’à l’importance croissante de tous ces flux et de la concurrence
internationale dans l’économie mondiale » L. BOY, « Le déficit démocratique de la mondialisation du droit
économique et le rôle de la société civile »,
Revue internationale de droit économique, 2003, p. 471 reprenant la
définition donnée par le BIT,
L’emploi dans le monde 1996/1997. Les politiques nationales à l’heure de la
mondialisation, Genève, 1996, p. 1. Cité également par G. RABU, « La mondialisation et le droit : éléments
macrojuridiques de convergence des régimes juridiques »,
Revue internationale de droit économique, n° 3, 2008,
pp. 335-356.
32 Ch. EBERHARD, « Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation », Droit et Société, n°
13,2006.
33 G. RABU, op. cit..
34 N. FLIGSTEIN, « Rhétorique et réalités de la "mondialisation" », Actes de la recherche en sciences sociales.
1997. n° 119, pp. 36-47.

26


Page 28
son caractère «multiscalaire»35. La méthode comparatiste peut être présentée comme celle qui
établit « des rapports de ressemblances et de différences entre les termes d’un savoir » tout en
permettant «
 d’en mesurer l’ampleur, en chercher les raisons et en apprécier la valeur »36. Aussi,
l’étude du droit comparé est présentée comme essentielle à « l’édification d’un “droit commun
de l’humanité”, tout ou moins entre les droits déjà proches les uns des autres 
»37. Pourtant, le
droit tunisien et le droit français sont assez éloignés l’un de l’autre. Si l’on doit reprendre les
différentes classifications des systèmes juridiques, il serait difficile d’en choisir un qui serait
totalement adéquat pour véritablement correspondre à l’étude envisagée. En effet, le caractère
«européocentriste»38 de la vision du droit de certains auteurs39 ne pourrait réellement servir la
comparaison entre les deux systèmes juridiques. Ainsi cette méthode de classification serait peu
satisfaisante. Pour notre recherche, l’utilisation de cette méthode comparatiste aura une double
ambition. D’une part, nous chercherons à identifier des règles communes afin de nous
rapprocher d’un « système juridique idéal»40. Autrement dit, nous mettrons en perspective le
«
 décalage entre l’affirmation d’un principe et la réalité »41. En effet, les trois caractéristiques
de l’égalité juridique des sexes en ce début de XXIe siècles se traduisent par «une certaine
indigence théorique, une certaine effervescence législative, et une certaine ineffectivité
pratique
»42. Cette citation est à juste titre la réalité actuelle du système juridique français et
tunisien. Dans les deux États, le législateur a adopté de nombreuses mesures dans le sens d’un
aboutissement juridique de la question égalitaire. Toutefois, l’effectivité n’a pas toujours été
constatée. Comme l’expliquait le Doyen Carbonnier, de manière fort tautologique cependant,
l’effectivité correspond à « l’application effective »43 de la règle de droit. Selon cette
conception, une règle est considérée comme appliquée lorsque les destinataires la respectent ou
bien lorsqu’elle est exécutée par les autorités chargées de sa mise en œuvre. D’autre part, nous
35 G. RABU, op. cit.
36 C. HAGUENAU-MOIZAED, introduction au droit comparé en 10 thèmes, Dalloz, 2018, p. 5 ; Voy. également
sur le sujet
Y.-M. LAITIER, Droit comparé, Dalloz, 2009, 264 pages.
37 C. HAGUENAU-MOIZAED, op. cit., loc. cit.
38Ibid., p. 9.
39 R. DAVID, K. ZWEIGERT ET H. KÖTZ, « Einfuhrung in die Rechtsvergleichung auf dein Gebiete des
Privatrechts, t. II, Institutionen ». In:
Revue internationale de droit comparé. Vol. 21 N°4, Octobre-décembre,
1969. n°4, pp. 906-907.
40 E. LAMBERT, « Conception générale et définition de la science du droit comparé, sa méthode, son histoire »,
Procès verbaux des séances et documents
, Vol. 1, LGDJ, 1905, p. 26.
41 C. HAGUENAU-MOIZAED, op.cit., p. 5.
42 F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, la question juridique de l’égalité des sexes, observatoire des inégalités, 4 avr.
2004., p.2.
43J. CARBONNIER, « Effectivité et ineffectivité de la règle de droit », L’Année sociologique, LVII, 1958, p. 3 ;
Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 9e éd., LGDJ, 1998, p. 133.
27


Page 29
mettrons en exergue les structurations44 et les structures45 des différents systèmes juridiques. À
ce titre, la notion de structure, c’est-à-dire le rapport d’interaction qui fait sens, rend possible la
comparaison entre des ensembles différents. En raison des liens historiques entre les deux
systèmes et de certaines spécificités propres aux droits occidentaux, il nous semble légitime
d’aller puiser dans un des deux systèmes qui se trouve avoir été dominant, en l’occurrence le
système français, pour identifier des éléments de comparaison entre eux. En effet, la structure
est la propriété de la structuration et les deux ont une relation de rétroaction l’une avec l’autre46.
Elle nous permet de voir au-delà de l’universalisme affiché des systèmes en évaluant les
éléments structurants. L’étude de cette structure nous permettra de mettre en exergue le cadre
hybride du droit tunisien dans lequel un certain modèle de valeurs47 du droit peut être saisi.
Dans ce cadre, il existe des valeurs étrangères et des valeurs existantes qui conduisent presque
inévitablement à une certaine tension et une relation conflictuelle. Dans le cadre de notre étude,
nous essayerons de déterminer si les valeurs étrangères sont idéalement acceptées et si les
valeurs existantes persistent de façon réaliste contre la perméabilité des valeurs étrangères.
44 Selon Hasegawa, la structuration du droit par les valeurs est constituée par les couches de contrôle normatif et
les sphères d’objets normatifs. De manière générale, le droit et la société ont une relation interactive pour la
formation et le maintien de l'ordre social. Ici, pour saisir la structure de cette interrelation, il est utile de distinguer
les couches de contrôle normatif des sphères d'objets contrôlés. Concernant les couches de contrôle normatifs,
l’auteur distingue trois dimensions : les principes juridiques, les lois et la performance juridique. Secondement,
l’auteur distingue au moins trois sphères d’activités humaines d'entre elles : la sphère politique dans laquelle les
activités politiques telles que la formation et le changement des rapports de pouvoir entre les personnes sont
répandues ;
la sphère économique dans laquelle prédominent des activités économiques telles que la production et
la consommation de biens ou les relations de travail ; et
la sphère culturelle dans laquelle les activités culturelles
concernant la famille, l'éducation ou la sécurité sociale sont au premier plan. De cette manière, la structuration du
droit par les valeurs conduit à la formation d’un « droit hybride ». Dans ce cadre, la matrice indique que la fonction
d'intégration par la loi de la société varie de manière multidimensionnelle avec le fonctionnement de valeurs
complexes. Aussi, selon l’auteur on peut saisir l'interaction entre le droit et la société en se référant à la matrice
suivante constituée d'une combinaison des trois couches et des trois sphères. En utilisant cette matrice, nous
pouvons saisir la structure de la relation interactive entre le droit et la société comme l'intégration dimensionnelle
à neuf cellules de la société par le droit. En outre, dans cette veine, nous pouvons saisir un certain modèle de
valeurs du droit, dans les neuf cellules dans lesquelles les valeurs étrangères et les valeurs existantes ont une
certaine tension et une relation conflictuelle. K. HASEGAWA.
Op.Cit., p. 324.
45 La structure signifie habituellement un cadre statique de la pratique sociale ; c’est l'essentiel des règles établies
ou des modèles macroscopiques d'activités collectives dans la société. La structure est aussi une contrainte sur les
activités des êtres humains ou des groupes dans la société ; elle fonctionne pour intégrer diverses activités sociales.
46K. HASEGAWA, the structuration of law and its working in the japanese legal system, In : La structure des
systèmes juridiques
, XVIe Congrès de l’Académie internationale de droit comparé, O. MORETEAU, J.
VANDERLINDEN (Dir), Bruylant, 2003, p. 320.
47 Selon Hasegawa, le modèle de valeurs est constitué par des principes juridiques en tant que valeurs abstraites
fondamentales de la morale politique, telles que la liberté ou l'égalité, et peuvent être acceptées au-delà du mur
d'une culture particulière, même si c’est symboliquement. Elles sont le plus souvent confirmées en droit
constitutionnel dans une société et deviennent ainsi des principes fondamentaux pour l'établissement du système
juridique. Les lois se réfèrent au système de lois positives générales ou spéciales établies dans le cadre d'un ordre
constitutionnel. Ils sont valides en vertu de la Constitution et concrétisent les principes constitutionnels dans divers
contextes de problèmes sous des formes différentes. Selon l’auteur, la structuration profonde du droit est celle du
droit par les valeurs. K. HASEGAWA. op. cit., p. 324.
28


Page 30
Parfois, les valeurs existantes sont fondamentalement soutenues et d’autres circonstances les
valeurs étrangères envahissent une partie du système existant.
4.
Le droit comme mode de structuration de la société. Au-delà de son aspect formel,
le droit peut être vu comme un mode de structuration sociale48. Le droit est également «une
partie de la structure de la société
»49, qui en tant qu’unité indestructible permet de comprendre
les rapports qui naissent au sein de la société globale. En outre, il constitue un schéma
d’organisation de modèles « d’actions collectives menées par des êtres humains ou des
groupes»50. Ce point de vue est essentiel, car il existe un processus dynamique de structuration
profonde qui détermine la transformation d’un système juridique derrière les caractéristiques
apparentes du droit. Aussi, il existerait une structuration profonde du droit qui se réalise au
moyen des valeurs51. Au sein des couches de contrôle normatif, on retrouve dans les différentes
dimensions celles des principes juridiques. Les principes juridiques en tant que valeurs
abstraites fondamentales de la morale politique, notamment celui de l’égalité, peuvent être
acceptés au-delà du mur d’une culture particulière, même si cela reste de l’ordre du symbolique.
Le principe d’égalité est initialement confirmé de manière générale en droit constitutionnel
français et tunisien et est devenu ainsi un principe fondamental pour l’établissement du système
juridique. Ce principe est consacré en termes abstraits et universels52.
48Selon Hasegawa le terme structuration peut être utilisé au moins de trois manières pour comprendre la
transformation du droit. Je ferai référence à la structuration par
l’action, la structuration par les attributs et la
structuration par les
valeurs. La structuration du droit par l’action concerne le processus de transformation du droit
selon les sphères d’activité sociale humaine que le droit cherche à contrôler. La structuration du droit par les
attributs concerne les propriétés des normes en droit. Selon Hasegawa, la structuration du droit par les valeurs est
constituée par les couches de contrôle normatif et les sphères d’objets normatifs. De manière, le droit et la société
ont une relation interactive pour la formation et le maintien de l'ordre social. Ici, pour saisir la structure de cette
interrelation, il est utile de distinguer les couches de contrôle normatif des sphères d'objets contrôlés.
Concernant
les couches de contrôle normatifs, l’auteur distingue trois dimensions : les principes juridiques, les
lois et la performance juridi
que. Secondement, l’auteur distingue au moins trois sphères d’activités humaines
d'entre elles : la sphère politique dans laquelle les activités politiques telles que la formation et le changement des
rapports de pouvoir entre les personnes sont répandues ;
la sphère économique dans laquelle prédominent des
activités économiques telles que la production et la consommation de biens ou les relations de travail ; et la sphère
culturelle
dans laquelle les activités culturelles concernant la famille, l'éducation ou la sécurité sociale sont au
premier plan. K. HASEGAWA,
op .c it., p. 324.
49 Ibid.
50 Ibid.
51 Le Professeur Farjat, à travers une analyse substantielle, s’est également intéressé à la question des valeurs qu’il
désigne comme « l’essentiel » et qui caractérise les valeurs communes dans des sociétés économiques qui
permettent le vivre-ensemble. Selon lui, « le vrai sens de la vie est ailleurs
», c’est-à-dire en dehors de l’économie
puisque l’une des fins de la vie des hommes reste «
l’éthique, ou les fragments d’un discours moral » qui « recouvre
les constructions empiriques qui correspondent aux besoins de valeurs qui accompagnent toutes les activités
humaines ». G. FARJAT, « Le droit économique et l'essentiel (pour un colloque sur l'éthique) »,
Revue
internationale de droit économique
, vol. t. xvi, 1, no. 1, 2002, pp. 153-166.
52 Ce principe universel est consacré par le « bloc de constitutionnalité », c'est-à-dire des normes de valeur
constitutionnelle.
(Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution du 27
octobre 1946 , ainsi que par la Constitution du 4 octobre 1958 et son Préambule.) Aussi, l’article 1er de la
Déclaration de 1789 ; « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». C'est ce qui explique
également la place de l'égalité au sein de la devise républicaine - « Liberté, Égalité, Fraternité » (art. 2, al. 4, de
29


Page 31
5.
Le droit en temps qu’orchestration de la justice. Plusieurs auteurs s’accordent sur le
fait qu’il reste difficile de répondre à la question « qu’est
-ce que le droit?»53. Il est «difficile
de déterminer sa substance et délimiter ses frontières
»54. Ainsi, comme l’explique Michel
Troper, «puisque la science du droit doit décrire son objet, qui est le droit, il importe de
commencer par le définir. […] On ne peut se passer d’une définition de l’objet droit [...] et cette
définition ne peut être fournie par la science du droit, mais seulement par la métascience
autrement dit, par la théorie du droit. [...] Le droit n’est pas donné, mais construit par la théorie
qui en traite»55. De manière plus précise, la règle de droit en tant que «règle de conduite dans
les rapports sociaux, générale, abstraite et obligatoire, dont la sanction est assurée par l’autorité
publique»56 va servir alternativement à poursuivre un idéal et à protéger des «injustices
sociales ». La justification de la justice en tant que règle de droit implique tout d’abord la
justification même de la règle de droit. Hans Kelsen considère qu’« une théorie pure du droit
la Constitution de 1958) - et de « l'idéal commun » sur lequel sont fondées nos institutions (voir le Préambule de
la Constitution de 1958 et l'art. 72-3, al. 1
er, de la Constitution de 1958). Cf. C.C, La Constitution, L’égalité,
Disponible sur le site [https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-constitution/l-egalite]. Déclaration universelle des
droits de l'Homme de 1948, PRÉAMBULE « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les
membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la
justice et de la paix dans le monde
» […] Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont
proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne
humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, et qu'ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès
social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ». Plusieurs articles de cette même
Déclaration consacrent ce principe et ceux de manière transversale ; Article premier (Tous les êtres humains
naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns
envers les autres dans un esprit de fraternité), Article 7 (Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction
à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la
présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination), Article 10(Toute personne a droit, en
pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et
impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle)Article 16(A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race,
la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du
mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution). Article 21(Toute personne a droit à accéder, dans des
conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays), Article 23 (Toute personne a droit au travail, au libre
choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal). Article 26 (Toute personne a
droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et
fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être
généralisé ; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite). Voy.
sur le sujet des droits et libertés fondamentales S. HENNETTE-VAUCHEZ, D. ROMAN, Droits de l'Homme et
libertés fondamentales, Dalloz, HyperCours, 2017, 854 pages ;H. OBERDORFF, Droits de l'homme et libertés
fondamentales, LGDJ, 2019, 732 pages ; V. BARBE, Droit des libertés fondamentales, Gualino, 2018, 218 pages,
Ch. DENIZEAU, Droit des libertés fondamentales, VUIBERT,2019 416 pages ; X. DUPRE DE BOULOIS,
Droits des libertés fondamentales, PUF, 2018, 576 pages.
53 B. BARRAUD, Qu’est-ce que le droit ? Théorie syncrétique et échelle de juridicité, thèse 2017 ; H. L. A. HART,
Le concept de droit, trad. M. VAN DE KERCHOVE, 2
e édition., Publications des Facultés universitaires Saint-
Louis (Bruxelles), 2005, p. 19 ; J. COMMAILLE, J-F. PERRIN,
Le modèle de Janus de la sociologie du droit in
Droit et société
1985, n°1, pp. 95-110.
54 B. BARRAUD, Qu’est-ce que le droit ? Théorie syncrétique et échelle de juridicité, 2017, op. cit., p. 13.
55 M. TROPER, Philosophie du droit, PUF, 4e éd., 2015, pp. 43, 45-46 et
123.
56 R. CABRILLAC, Introduction générale au droit, Dalloz, 2013, p.6.
30


Page 32
ne s’oppose en rien à l’exigence d’un droit juste, mais se déclare incompétente pour décider si
tel ordre juridique est ou n’est pas juste, ainsi que pour déterminer l’élément fondamental de la
justice
»57.
Dans un ouvrage publié en 1991, Le professeur BOURETZ faisait remarquer que le droit serait
l’orchestration de la justice qui, écrivait-il, « est en quelque sorte l’orchestration sur le mode
majeur d’une multitude de partitions écrites par des voix différentes. Les droits de l’homme
donneraient tout à la fois la gamme des principes avec lesquels chacun se compose une
existence et la tonalité commune nécessaire au respect d’autrui. Interprétées et jugées, les
normes et les lois formeraient à leur tour le texte où s’inscrit l’histoire d’une communauté, la
trace des conflits qu’elle rencontre et des solutions qu’elle leur invente. Comme si le droit
pouvait être l’un des récits de l’aventure d’un homme devenu autonome, capable de s’orienter
par la raison et de déchiffrer ses relations à ses semblables sans user de violence. Comme si
l’histoire, après avoir été contenue dans le récit sans sujet du mythe des origines, après avoir
été référée à l’auteur unique des Écritures, était désormais vouée à demeurer un texte écrit à
plusieurs voix, humaines, rien qu’humaines. La force du droit emprunterait alors à celle de ces
mots qui donnent sens à l’idée d’une vie en commun, voulue et réfléchie 
»58. Alors, dans cette
partition écrite par des voix humaines différentes, le principe d’égalité homme-femme figure-
t-il comme un droit consacré dans la Constitution dans laquelle s’inscrit l’histoire de la
Communauté de l’humanité au service de la justice?
La Constitution est
6.
constitutionnalisme59 part du postulat que les droits fondamentaux et le pouvoir souverain
la pierre angulaire du droit constitutionnel. Le
doivent être protégés par une Constitution écrite. Cette théorie repose sur la place accordée à la
Constitution dans la hiérarchie des normes. Pour certains auteurs le constitutionnalisme est
considéré comme un pilier de la démocratie60. Par ailleurs, le constitutionnalisme est envisagé
comme un instrument de la démocratie61. La démocratie libérale qui est largement diffusée dans
le monde suppose que son organisation juridique soit corollaire à une importante structuration
57 H. KELSEN, Théorie pure du droit, trad. Ch. Eisenmann, Dalloz, 2e éd., 1962 p. 58.
58 P. BOURETZ (dir.), La force du droit. Panorama des débats contemporains, op. cit., p. 89.
59Voy. O. BEAUD, « Constitution et constitutionnalisme », dans Philippe Raynaud, Stéphane Rials
(dir.), Dictionnaire de philosophie politique, Paris, PUF, 1996, p. 118.
60Voy. J. LECA, « La démocratisation dans le monde arabe : incertitude, vulnérabilité et légitimité », in G.
SALAME (dir.),
Démocraties sans démocrates. Politiques d’ouverture dans le monde arabe et islamique, Paris,
Fayard, 1994, p. 48 et 50.
61 M. ROUYER, « Les promesses du constitutionnalisme », Raisons politiques, vol. no 10, no. 2, 2003, pp. 7-23.
31




Page 33
hiérarchique. Cette
d’un
constitutionnalisme62. La violation d’un droit fondamental par le législateur pourra être
démocratie
l’existence
préalable
présume
libérale
censurée par le juge constitutionnel et par le juge ordinaire dans le cadre du contrôle de
conventionalité où il peut écarter une loi qui lui est soumise dans le cadre du litige, car celle-ci
ne serait pas conforme aux conventions et traités internationaux ratifiés par les deux États63.
C’est pourquoi « le constitutionnaliste contemporain est confronté à des difficultés qui sont
autant de défis à la capacité du droit constitutionnel de répondre aux interrogations et remises
en cause du monde actuel»64. Dans le cadre de cette adaptation du droit constitutionnel aux
évolutions de la société, la Constitution prendrait la figure du phénix
65. D’ailleurs, c’est à juste
titre qu’il est rappelé que «la tâche des constitutionnalistes contemporains est importante et
lourde de conséquences
»66. En effet, en étant «la doctrine»67, cette dernière «ne doit être
guidée par les seules méthodes d’analyse normativiste au risque d’oublier que le droit est une
recherche obstinée du juste et du bien dans la société
»68.
62 Voy. sur le constitutionnalisme tunisien, la thèse de C. YARED, La construction du constitutionnalisme
tunisien : étude de croit comparé,
Université de Bordeaux, 2021, soutenue le 12 mars 2021.
63 En France, le Conseil constitutionnel s’était déclaré incompétent concernant le contrôle de conventionalité
(Cons. const., déc. n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, décision prise à l'occasion de l'examen de la loi sur l'.I.V.G.
du 15 janvier 1975 ; « Faut-il maintenir la jurisprudence issue de la décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 ?
»,
Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 7, 1999, p. 99.). Nonobstant, il restait les juridictions ordinaires des ordres
administratif (CE, Ass., 20 octobre 1989,
Nicolo, Rec., p. 190. Le juge administratif doit écarter la loi qui serait
contraire aux traités internationaux, même si cette loi est postérieure.) et judiciaire (C. Cass., chambre mixte, 24
mai 1975,
Société des Cafés Jacques Vabre, JCP, 1975.La Cour de cassation a fait prévaloir le traité international
sur une loi postérieure non-conforme.) qui se sont déclarées toutes deux compétentes en la matière même si
pendant longtemps le Conseil d’Etat a refusé d’opérer un tel contrôle et qui a eu pour conséquence d’instaurer une
divergence entre les deux juridictions ordinaires. Le Conseil constitutionnel est venu apporter des clarifications
quant à la place de la Constitution dans la hiérarchie des normes à la suite d’un « imbroglio » (E. SAULNIER-
CASSIA, « Imbroglio autour de la question prioritaire de constitutionnalité »,
D. 2010, p. 1234.) engendré par
certaines décisions de la Cour de cassation en 2010 (C. Cass., 16 avril 2010, n° 10-40.001 et 10-40.002. Inédit.
Décision qui va donner lieu à la fameuse jurisprudence européenne
Melki et Abdeli 22 juin 2010, affaire C-188/10).
En effet, la Cour de cassation a renvoyé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’union européenne la
question de la compatibilité entre le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité et les principes du
droit de l’Union européenne. Par conséquent, le conseil a confirmé que le fait d’imposer « l'examen par priorité
des moyens de constitutionnalité avant les moyens tirés du défaut de conformité d'une disposition législative aux
engagements internationaux de la France, le législateur organique a entendu garantir le respect de la Constitution
et rappeler sa place au sommet de l'ordre juridique interne » ( Cons. const., déc. n° 2009-595 DC du 3 décembre
2009, cons. 14 ; Voy. sur ce sujet, G. BERGOUGNOUS, « Le Conseil constitutionnel et le législateur », Nouveaux
cahiers du conseil constitutionnel n° 38,
In « Dossier : le conseil constitutionnel et le parlement », JANV. 2013. ).
Dans le cadre du contrôle de légalité, plus précisément en matière d’exception d’illégalité dans le domaine des
règlements autonomes, le Conseil d’Etat peut vérifier la conformité de l’acte aux dispositions constitutionnelles et
internationales ainsi qu’aux principe généraux du droit. Selon la nature de la juridiction, les juridictions civiles
peuvent être saisies d’une exception d’illégalité de règlement, c’est-à-dire qu’il pourra écarter ce dernier lorsqu’il
est déclaré illégal dans l’hypothèse où par exemple celui-ci porte atteinte à une liberté individuelle.
64 F. BORELLA, « La situation actuelle du droit constitutionnel », Revue française de droit constitutionnel, , 2012,
pp. 3-10.
65 F. DELPEREE, « Le renouveau du droit constitutionnel », Revue française de droit constitutionnel 2008, vol.
74, no. 2, pp. 227-237.
66 F. BORELLA, op. cit., 2012, pp. 3-10.
67 Ibid.
68 Ibid.
32


Page 34
7.
Le standard en tant que dénominateur commun des droits étatiques. Au centre de
toute technique juridique, on trouve les «
rules-principles-conceptions-standards»69. Le
«standard juridique » n’est pas une notion facilement définissable. Néanmoins, elle a fait
l’objet de nombreuses études
70 et il semblerait que l’idée de « standards juridiques» ait été
présentée pour la première fois dans une communication du Doyen Pound en 1919
71. Il
considère qu’il existe des règles bien déterminées et également d’autres règles beaucoup plus
vagues qui se décomposent en plusieurs types72. Les standards seraient des mesures de
comportement définies légalement à appliquer par ou sous la direction des juridictions73. Il
définit le standard comme «une mesure moyenne de conduite sociale correcte»74. De la sorte,
«
le bon père de famille», « l’intérêt sérieux » ou encore la notion de « raisonnable »75
constituent, à titre d’exemple, des standards. Au même titre que la directive est un moyen de
rapprochement des législations au sein des États membres, les standards «répondent dans les
différents pays à un dénominateur commun»76. Ils forment un instrument de jugement de la
conduite des individus sur la base d’un modèle de référence. Son caractère général, imprécis et
vague donne une marge d’appréciation et d’interprétation importante pour permettre au juge
d’adapter les rapports sociaux multiples en constante évolution; alors même que,
majoritairement, le droit est constitué de règles précises et formelles.
69 R. POUND, « The Administrative Application of Legal Standard », Allocution à la rencontre de l’American Bar
Association, présenté à Boston, 2 novembre 1919, p. 10.
70 Notamment de l’Egyptien A-R. AL-SANHOURY dont le directeur fut Edouard Lambert. AL-SANHOURY,
« Le Standard Juridique »,
in Recueil d'études sur les sources du droit en l'honneur de François GENY, t. II : Les
sources générales des systèmes juridiques actuels, Paris, Librairie du recueil Sirey, 1934, pp. 144 et s., voir aussi
Holleaux A., Dissolution et réincarnation du droit, Les Petites Affiches 1990, n° 118, p ; 4 ; S. Rials, Le juge
administratif français et la technique du standard, Thèse paris II, 1980 ; M-A. Hermitte, Le rôle des concepts mous
dans les techniques de déjuridicisation, L
exemple des droits intellectuels, Arch. De Philo. du Droit, 1985, p. 351 ;
L. DUONG, « La sécurité juridique et les standards du droit économique, »
in La sécurité juridique et le droit
économique
(dir. L. BOY, J.B. RACINE et F. SIIRIAINEN), Larcier, 2007, spéc. pp. 209-234.
71 Une communication adressée par le doyen Roscoe POUND à un congrès de Y American Bar Association en
1919 Roscoe POUND, « The Administrative Application of Legal Standard », Allocution
à la rencontre de
l’American Bar Association, présentée à Boston, 2 novembre 1919 [POUND]. Sur sa philosophie du droit voir
notamment Roscoe POUND,
An Introduction to the Philosophy of Law, 2e éd, New Haven, Yale University Press,
1952.
72R. POUND, op. cit., p. 10. Ainsi, il distingue les règles, les principes, les concepts et les standards.
73 Ibid., p.12.
74 O. AWALOU. « Standard et standardisation : la normativité variable en droit international », Revue Québécoise
de droit international
2013, p. 170.
75 L. DUONG, La notion de raisonnable en droit économique, thèse Nice 2004, 896 pages ; D. MAINGUY, « Le
"raisonnable" en droit des affaires »
in Les concepts émergents en droit des affaires, (dir. Erik Le Dolley), LGDJ,
2010, p. 307.
76Le Doyen Limpens.
33




Page 35
8.
Le principe en tant que standard juridique nécessaire à un état démocratique.
Selon Dworkin, il existerait dans chaque système juridique national un ensemble de valeurs77
morales composant le soubassement et la motivation du droit en vigueur78. Aussi, existe-t-il un
consensus sur les principes déjà admis par la majorité de la communauté79. Malgré «le
pluralisme raisonnable» ne pourrait-il pas exister un accord entre les citoyens sur un ordre
moral commun de valeur comme on le trouve dans le droit naturel? Ne pourrions-nous pas
envisager l’existence d’un principe universel supérieur de l’égalité homme-femme? Autrement
dit, l’égalité homme-femme n’est-elle pas une vision morale partagée par une communauté
universelle ? Ce droit n’est-il pas l’une des caractéristiques de nos sociétés démocratiques
modernes80?
La théorie des principes de Dworkin peut fournir une base de réflexion pertinente à l’étude de
principes directeurs du droit lorsqu’il s’agit de prendre des décisions difficiles
81. Alors que les
politiques fixent un objectif à atteindre, le principe est « un standard qu’il faut appliquer, non
pas parce qu’il assurera la survenue ou la protection d’une situation économique, politique ou
sociale jugée désirable, mais parce qu’il est une exigence dictée par la justice, l’équité ou
quelque autre dimension de la morale»82. Joseph Raz fait partie des positivistes qui
reco
nnaissent l’existence de ces standards moraux83.
9.
Le principe en tant que standard basé sur un ordre moral de valeurs servant de
guide d’interprétation au juge. La plupart des auteurs admettent que le juge en «disant le
droit» inéluctablement «collabore» diligemment avec le législateur par son interprétation de
la loi en vue de découvrir la règle. Autrement dit, « le juge explicite ce qu’a voulu l’auteur de
77 P. RICŒUR, « Le chrétien et la civilisation occidentale » in Autres Temps. Cahiers d’éthique sociale et politique,
n° 76-77 (2003), p. 25. Ici, le terme « valeurs » désigne « « des vertus privées et sociales, qui sont pratiquées par
une élite ou par la masse, qui sont des jugements, des appréciations, ou des mœurs effectivement pratiquées, qui
sont des sentiments ou des maximes rationnelles »
78R. DWORKIN, L’Empire du droit, op. cit., p. 286.
79J. RAZ, "Legal principles and the limits of law", Yale Law Journal, no 81, 1972, pp. 842 et suiv.
80Dans le même sens, voir M. ROSENFELD, "Dworkin and the one law principle : a pluralist critique", article à
paraître
précité, notamment son cinquième point : "The pluralist case against Dworkin’s theory".
81R. DWORKIN, Prendre les droits au sérieux, 1977, p. 79. Il écrit : « ma stratégie s’organise autour du fait que
dans leurs raisonnements ou leurs discussions au sujet des droits et des obligations juridiques, tout spécialement
lorsqu’il s’agit de cas difficiles où les problèmes avec ces concepts semblent les plus aigus, les juristes font appel
à des normes qui ne fonctionnent pas comme des règles mais opèrent différemment, comme des principes, des
politiques et d’autres types de standards. Je soutiendrai que le positivisme est le modèle d’un système de règles et
pour un tel système et que sa notion centrale d’un test unique, fondamental pour le droit nous empêche de
reconnaître le rôle important joué par ces standards qui ne sont pas des règles ».
82R. DWORKIN, Prendre les droits au sérieux, op. cit., p. 80.
83Voir notamment J. RAZ, The morality of freedom, Oxford, Clarendon Press, 1986; P. HACKER et J. RAZ, Law,
morality and Society: Essays in honor of H.L.A. HART, Oxford, Clarendon Press, 1977 et les contributions, M.
COHEN (sous la direction de).
34



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la norme et c’est ce dernier qui s’exprime par la voix du juge »84. Ici, « interpréter c’est
connaître»85. C’est ainsi que l’objectif du standard est « la lutte pour la liberté du juge à l’égard
du texte de la loi». Hercule est la figure du juge. Aussi « l’esprit d’intégrité [...] serait violé si
Hercule devait prendre sa décision autrement qu’en choisissant l’interprétation qui lui paraît la
meilleure du point de vue de la morale politique dans son ensemble»86. Autrement dit, il choisit
l’interprétation qui lui semble la plus adaptée du point de vue de la morale politique dans son
ensemble. C’est dans cette situation qu’apparaît le rôle important joué par ces standards. C’est
notamment en raison de cette nécessité d’un instrument servant de guide d’interprétation que
les citoyens doivent s’accorder sur des standards ou des principes basés sur un ordre moral de
valeurs. Il deviendrait un dénominateur commun traduisant une vision d’une morale
universellement partagée dans les sociétés démocratiques modernes. Ce postulat implique ainsi
un consensus. En effet, comme pour Hercule, la morale interviendrait dans la prise de décision
qui tirerait sa justification de principes, de standards acceptés majoritairement par la
communauté87. Au sein de chaque système juridique national réside un ensemble de valeurs
morales qui forment la base et la légitimation du droit en vigueur
88. D’ailleurs, Mireille Delmas-
Marty
89 rattache le développement de ces standards et principes à l’apparition d’une nouvelle
source du droit qui est constituée par le juge. En effet, elle décrit «un mouvement général
caractérisé par le surgissement de nouvelles sources de droit dont, une, qui n’est pas des
moindres, est celle des juges»90. Ce mouvement transparaît par le biais de principes généraux
du droit qui peut résulter «
 de la philosophie politique (principe d’égalité) »91. C’est la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui affirme les droits de l’homme.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, ces droits n’ont cessé d’être réaffirmés
92. Le principe
d’égalité des sexes est reconnu par le droit international des droits de l’homme ainsi que
plusieurs textes internationaux. Ces textes consacrent le principe d’égalité devant la loi et ils
84R. CHAPUS, « De la soumission au droit des règlements autonomes », D. 1960, chr.119, p. 106.
85 P. BRUNET. Les principes généraux du droit et la hiérarchie des normes. L’architecture du droit. Mélanges en
l’honneur de M. TROPER, Oct 2006, Paris, France. p 3.
86 R. DWORKIN,
L’Empire du droit, op. cit., p. 286.
87 J. RAZ, « Legal principles and the limits of law », Yale Law Journal, no 81, 1972, pp. 842 et s.
88J.-F. NIORT et G. VANNIER, "Sur la théorie du droit de Dworkin : de l’interprétation des principes à leur
application aux cas difficiles", Droits, no 19, 1994, p. 166.
89 M. DELMAS-MARTY, Pour un droit commun, Seuil, 1994, 314 p.
90 P. AUBERTEL, M. DELMAS-MARTY, Pour un droit commun, 1994. In: Les Annales de la recherche urbaine,
N°68-69, 1995. Politiques de la ville. Recherches de terrains. pp. 230-231.
91 Ibid.
92Voy. S. Rials, « La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » in Revue internationale de droit comparé.
1989. pp. 819-820. Le droit international s’est beaucoup inspiré de la DDHC de 1789, notamment en posant comme
postulat le principe d’égalité, v
. sur le sujet., Y. Madiot. « L'influence de la Déclaration universelle des droits de
l'Homme et du citoyen de 1789 sur le droit international des droits de l'Homme ». In : Revue Québécoise de droit
international, 1989. pp. 1-1.
35


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affirment que les hommes et les femmes ont droit sans discrimination à une égale protection de
la loi. Cette protection doit être efficace, car «la loi doit interdire toute discrimination et garantir
à toutes les personnes, une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment
[…] de sexe… ». Cette protection est étendue aux domaines des droits économiques sociaux et
culturels
93, et cela dans plusieurs dispositions qui vont jusqu’à garantir des conditions de travail
«justes» et un salaire «équitable»94. L’existence et la persistance de formes de discriminations
à l’égard des femmes ont poussé la communauté internationale à prévoir un instrument
spécifique pour lutter contre ces discriminations aux multiples visages. La Convention pour
l’élimination de toutes les formes de Discrimination à l’égard des femmes (CEDEF ou
CEDAW) est entrée en vigueur en 1981 en France et a été ratifiée par 187 États, dont la Tunisie.
Pour garantir un contrôle efficace de cette Convention, la communauté a prévu un protocole
facultatif95 pour prévoir des acteurs de défense96 du principe notamment à travers des
compétences particulières97. En plus de ces discriminations, les femmes sont celles qui sont les
plus nombreuses à subir des violences par rapport aux hommes98. C’est parce que les femmes
restent souvent dans le monde dans une position inégalitaire par rapport aux hommes99 qu’il a
93 Article 3 : « Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à assurer le droit égal qu’ont l’homme et la femme au
bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels qui sont énumérés dans le présent Pacte » ; Article
22. : « Les Etats parties a
u présent Pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans
discrimination aucune fondée sur […] le sexe…
».
94 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966. Article 7 du Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966 : « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le
droit qu’à toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment : a) La
rémunération qui procure, au minimum, à tous les travailleurs : i) Un salaire équitable et une rémunération égale
pour un travail de valeur égale sans distinction aucune ; en particulier, les femmes doivent avoir la garantie que
les conditions de travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et
recevoir la même rémunération qu’eux pour un même travail ».
95 Protocole facultatif à la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,
1999,
96 Ce dernier donne la faculté au Comité CEDAW à examiner les plaintes d’une femme ou d’un groupe de femmes
qui s’estiment victime d’une violation d’un droit consacré par la Convention à la condition que tous les recours
internes ont été épuisés.
97 Ce protocole autorise le comité à mener des enquêtes sur des violations graves ou systématiques de la
Convention
; Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, 20 décembre 1993.
98 Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, 20 décembre 1993, la Déclaration se
positionne sur la question des violences à l’égard des femmes en définissant cette dernière de manière assez large :
Article 1er : « Aux fins de la présente Déclaration, les termes « violence à l’égard des femmes » désignent tous
actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des
souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation
arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. ».
99 En matière de violences conjugales et sexuelles en France, l’Institut national d’étude démographique dans son
enquête Virage portant sur les violences précise que 14,5 % des femmes ont déclaré avoir vécu au moins une forme
d’agression sexuelle contre seulement 3,9 % des hommes pour l’année 2015. En matière d’écart salarial, celui des
femmes est inférieur de 24 % à celui des hommes en 2014 selon l’Insee. Voy. sur le sujet, A-A. DURAND, «Les
inégalités femmes-hommes en 2 chiffres et 6 graphiques», Le Monde, 2017, Disponible en ligne :
[https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/07/les-inegalites-hommes-femmes-en-12-chiffres-et-6-
graphiques_5090765_4355770.html].
36


Page 38
fallu remédier à celles-ci en prévoyant des instruments de promotions transversales,100 mais
aussi des outils de protection à travers plusieurs résolutions101 relatives aux situations de guerre
et en allant jusqu’à l’ériger en principe directeur sur la protection internationale102. Le droit de
l’Union européenne anciennement dénommé droit communautaire a eu une influence
déterminante sur les progrès de l’égalité des sexes. C’est d’abord, sous la forme de l’égalité de
traitement entre les travailleurs et les travailleuses prévu par le Traité de Rome 103de 1957 que
s’est traduit la conception de l’égalité entre les hommes et les femmes. Par la suite, le Traité de
Rome qui a institué la communauté européenne a été modifié en 1997 par le Traité
d’Amsterdam104 dont l’objectif était de continuer de construire sur la première pierre de
l’édifice posée par le Traité de Rome des instruments visant à consolider le principe d’égalité
des sexes. Pour ce faire, le traité va axer ses actions autour de la question de la promotion du
Selon un récent rapport du PNUD, non seulement l’égalité des sexes ne sera pas atteinte dans le monde en 2030.
The world is not on track to achieve gender equality by 2030». Rapport PNUD, «Tackling social norms: A
game changer for gender inequalities
», United Nations Development Programme 1 UN Plaza, New York, USA,
2020, p. 1. Disponible en ligne [http://hdr.undp.org/sites/default/files/hd_perspectives_gsni.pdf]) mais elle sera
mise à mal par une inégalité en matière de pauvreté entre sexes qui se trouve renforcée avec la crise de la Covid-
19 (Voy. M. SANCHEZ, «
La COVID-19 creusera l’écart de pauvreté entre femmes et hommes, selon ONU
Femmes et PNUD», Centre de Presse PNUD, 2 septembre 2020. Disponible en ligne,
[https://www1.undp.org/content/undp/fr/home/newscentre/news/2020/_COVID19_will_widen_poverty_gap_bet
ween_women_and_men_.html]
 ; Voy. également en ce sens, Rapport d’ONU FEMMES, « From insignts to
Action : Gender Equality in the wake of COVID-19
», UN Woman 2020, États-Unis, Disponible en ligne
[https://www.unwomen.org/-/media/headquarters/attachments/sections/library/publications/2020/gender-
equality-in-the-wake-of-covid-19-en.pdf?la=en&vs=5142].
100 Déclaration de Beijing, 15 septembre 1995 relative à la promotion de la femme et l’égalité des sexes et demande
aux États de mettre en œuvre tous les moyens vers une réelle égalité homme/femme, en veillant à ce qu’une
perspective « sexo-spécifique » soit appliquée à toutes les politiques et tous les programmes au niveau national,
régional et international ».
101 Il existe également plusieurs résolutions du conseil de sécurité qui ont pour objet la protection des femmes dans
les situations de guerre. Résolution 1325 du Conseil de sécurité du 31 octobre 2000 (Résolution spécifique à
l’impact des guerres sur la situation des femmes ; Résolution 1820 (2008),1888(2009), 1889(2009), 1960(2010)
relatives à la place et le rôle des femmes dans les affaires de guerre et de paix.
102 Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), principes directeurs sur la protection
internationale
: La persécution liée au genre dans le cadre de l’article 1 A(2) de la convention de 1951, 8 juillet
2008. Conseil de l’Europe, Résolution 855 (1986) relative à l’égalité entre les hommes et les femmes,
Recommandation 1229 (1994) relative à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, Recommandation
relative1269 (1995) relative à un progrès tangible des droits des femmes à partir de 1995, Recommandation 1271
(1995) relative aux discriminations entre les hommes et les femmes pour le choix du nom de famille et la
transmission du nom des parents aux enfants, Recommandation relative 1899 (2010) augmenter la représentation
des femmes en politique par les systèmes électoraux.
103 Traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne Article 119 : « Chaque État membre
assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l’application du principe de l’égalité des
rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail. Par rémunération
il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres
avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison
de l’emploi de ce dernier. L’égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la
rémunération accordée pour un même travail payé à la tache soit établie sur la base d’une même unité de mesure ;
b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. »,
104 Traité instituant la communauté européenne modifié par le Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997.
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principe105, l’élimination des inégalités106 et la lutte contre les discriminations107. En outre, le
droit de l’Union européenne a eu une influence déterminante sur les progrès de l’égalité des
sexes108. Une influence qu’il continue toujours à exercer sur le système juridique français109
105 Traité instituant la communauté européenne modifié par le Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997. Article
2 : «
La Communauté a pour mission […] de promouvoir dans l’ensemble de la Communauté un développement
harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d’emploi et de protection sociale élevé,
l’égalité entre les hommes
et les femmes… »,
106Ibid. Article 3 : « 2. Pour toutes les actions visées au présent article, la Communauté cherche à éliminer les
inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les hommes et les femmes »,
107 Ibid. « Article 13 « Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences
que celui-
ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après
consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination
fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation
sexuelle ».
108 Article 141 (ex-article 119) : « 1. Chaque État membre assure l’application du principe de l’égalité des
rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même
valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou
minimum,
et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur
au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier. L’égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le
sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d’une
même unité de mesure; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même
poste de travail. 3. Le Conseil, statuant selon la procédure visée à
l’article 251 et après consultation du Comité
économique et social, adopte des mesures visant à assurer l’application du principe de l’égalité des chances et de
l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail, y com
pris le principe de
l’égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur. 4. Pour assurer concrètement une
pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche
pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter
l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous
-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages
dans la carrière professionnelle ».
109 Traité sur l’Union européenne (rédaction actuelle) : Article 2 : L’Union est fondée sur les valeurs de respect
de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de
l’homme, y compris des dro
its des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États
membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité
et l’égalité entre les femmes et les hommes, – Article 3 : « [L’Union] combat l’exclusion sociale et les
discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la
solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant
».Traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne (rédaction actuelle), Article 8 : « Pour toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités,
et à promouvoir l’égalité, entre les hommes et les femmes
», Article 10 : « Dans la définition et la mise en œuvre
de ses politiques et actions, l’Union cherche à combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine
ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, «
Article 19 : « 1. Sans
préjudice des autres dispositions des traités et dans les limites des compétences que ceux-ci confèrent à l’Union,
le Conseil, statuant à l’unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après approbation du
Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le
sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ».
Article 153 «
En vue de réaliser les objectifs visés à l’article 151, l’Union soutient et complète l’action des États
membres dans les domaines suivants: i) l’égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne leurs chances sur le
marché du travail et le traitement dans le travail; » Article 157 « 1. Chaque État membre assure l’application du
principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail
ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement
ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en
nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier. L’égalité de rémunération, sans
discrimination fondée sur le sexe, implique :a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche
soit établie sur la base d’une même unité de mesure; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps
soit la même pour un même poste de travail. 3. Le Parlement européen et le Conseil, statuant selon la procédure
législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, adoptent des mesures visant à assurer
l’application du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en
matière d’emploi et de travail, y compris le principe de l’égalité des rémunérations pour un même travail ou un
38


Page 40
alors que la Tunisie ne connaît pas ce mode d’influence régional. Néanmoins, comme pour la
France110 il existe des instruments régionaux de protection des droits fondamentaux, mais qui
ne disposent pas de la même portée
111 et du même degré d’effectivité. En effet, les instruments
régionaux de la Tunisie peuvent être classés en deux catégories : les instruments de sauvegarde
des droits de l’homme africains112 et les instruments islamiques des droits de l’homme113,
notamment ceux proposés par l
’Organisation de la Conférence Islamique114. Chacune de ces
travail de même valeur. 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie
professionnelle, le principe d
e l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter
des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par
le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle »,
110 Convention européenne des droits de l’homme de 1950.
111 Convention européenne des droits de l’homme de 1950 envisage globalement le principe d’égalité des sexes à
travers l’article 14
qui dispose que « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention
doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion,
les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité
nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, Protocole n°7 à la Convention de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales. D’autres dispositions égalitaires sont prévues : Article 5 de la CESDH :
«
Les époux jouissent de l’égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations
avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. Le présent article n’empêch
e
pas les
États de prendre les mesures nécessaires dans l’intérêt des enfants », Protocole n°12 à la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Préambule, « Les États membres du Conseil de
l’Europe, signataires du présent Protocole, Prenant en compte le principe fondamental selon lequel toutes les
personnes sont égales devant la loi et ont droit
à une égale protection de la loi ; Résolus à prendre de nouvelles
mesures pour promouvoir l’égalité de tous par la garantie collective d’une interdiction générale de discrimination
par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à
Rome le 4 novembre
1950
112 Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux droits de la femme en Afrique
(2003), la Déclaration solennelle sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Afrique (2003)

113 Il existe plusieurs déclarations islamiques des droits de l’homme. Ici, nous faisons référence tout d’abord aux
textes émanant de l’Organisation de la Conférence Islamique (O.C.I) et ceux qui émanent d’ONG par exemple le
Conseil islamique d’Europe. Cette dernière a adopté plusieurs textes, mais le
plus important parmi ces derniers est
Déclaration islamique universelle des droits de l’homme adoptée le 19 septembre 1981 par son Secrétaire général
au siège de l’UNESCO. Ce sont des instruments qui relèvent de la Soft Law. Le Conseil islamique d’Europe vise
essentiellement la conception européenne de l’égalité à travers le droit à l’égalité devant la loi et la prohibition de
toute discrimination (Art. 3. et Art. 19 de la Déclaration islamique universelle des droits de l’homme de 1981),
d’une part, et les
droits de la femme mariée, d’autres part. (Ibid. Article 20. Voy. aussi sur le sujet : R. ARON,
«
 Pensée sociologique et droits de l’Homme » in Études sociologiques, Paris, PUF, pp. 227 et s.). Elle prévoit aussi
le droit à la justice qui prévoit l’obligation de protester contre l’injustice et d’obtenir un jugement équitable (Art.
4 de la Déclaration islamique universelle des droits de l’homme de 1981). Concernant les textes émanant de
l’O.C.I, il existe la Déclaration de Decca sur les droits de l’Homme en
Islam tenue en décembre 1983 lors de la
quatrième conférence des ministres des Affaires étrangères de l’O.C.I (Voy. sur le sujet M-A. AL MIDANI, les
droits de l’homme et l’Islam. Textes des Organisations arabes et islamiques, Association des Publications de la
Faculté de Théologie protestante, Université Marc Bloch, Strasbourg, 2003, pp. 67 et s.). Ensuite, nous faisons
également référence à la Déclaration du Caire sur les droits de l’Homme en Islam adoptée le 2 août 1990 par la
résolution n° 49/19-P lors de la dix-neuvième Conférence des ministres des Affaires étrangères de l’O.C.I.
114 La République tunisienne est membre depuis 1969. Juridiquement, cette organisation se définit comme étant
une association d’États à l’échelle internationale et donc intergouvernementale qui « est dotée d’organes
permanents et poursuivant certains objectifs d’intérêts communs 
» (T. BOUACHBA. « L’Organisation de la
Conférence islamique », in, Annuaire français de droit international, volume 28, 1982. pp. 265-291). Comme nous
l’explique à juste titre T. BOUACHBA, le fait que les États membres se situent sur différents continents, il ne peut
être affirmé de manière valable que cette organisation constitue «une organisation régionale au sens strict»
(ibidem). Cette organisation est considérée par la doctrine comme étant «une organisation partielle» (Voy.
M. VIRALLY, «Définition et classifications des Organisations internationales», in, Le concept d’Organisation
internationale, UNESCO, 1980, p.81.). En plus des deux Déclarations précités (La Déclaration de Decca sur les
39


Page 41
catégories d’instruments dispose d’une conception propre du principe d’égalité des sexes ainsi
que d’acteurs inhérents à chaque catégorie y compris en Europe.
10.
Les droits de l’homme comme lien unificateur des systèmes juridiques. Aussi, ces
droits de l’homme permettent de considérer un rapprochement, et non pas une unification des
différents systèmes juridiques115. Cette harmonisation est mise en œuvre en partie par un
agencement opéré conformément à des principes communs, dont celui du principe d’égalité
homme-femme. Grâce à la souplesse de cet outil juridique, certaines valeurs dominantes qui
fondent la cohésion sociale vont devenir, par le biais du standard, une directive générale qui a
vocation à orienter le juge dans la mise en œuvre du droit dont le contenu tend à être de plus en
plus complexe. Les principes n’ont matériellement aucune autre justification que la
«
justice»116. Les juges, en consacrant des principes, font le choix de valeurs, qui sont elles-
mêmes justifiées par d’autres valeurs. C’est à travers l’opinion du juge que va se réaliser une
forme de justice. Voilà comment le juge arrive à consacrer des principes qui revêtent un
caractère plus que technique. Il ne s’agit pas uniquement de pallier une lacune du texte
juridique, mais de véritablement dégager une norme juridique à part entière. C’est ainsi que le
Conseil constitutionnel peut dégager un principe à valeur constitutionnelle dont le respect
s’impose au législateur et aux autres organes de l’État. Le Conseil extrait des normes dont le
but est de conférer une valeur constitutionnelle à la protection des droits fondamentaux des
personnes. Ces principes se rattachent au bloc de constitutionnalité dont le Conseil
constitutionnel est le gardien. Ces droits de «
 l’irréductible humain »117 seraient enrichis par
plusieurs sources.
11.
Le principe d’égalité homme-femme est resté pendant longtemps une vitrine de la
société démocratique.
L’égalité se comprend ici comme l’aequalitas. 118 La philosophie s’est
droits de l’Homme en Islam de 1983, Déclaration du Caire sur les droits de l’Homme en Islam du 2 août 1990),
l’O.C.I dispose également d’une Convention portant sur le statut de l’organisation pour le D
éveloppement de la
Femme dans les États membres de l’OCI. Dans le cadre de son préambule, la charte prévoit comme objectif de
«rehausser le statut de la femme, et fait de son bien-être et de sa protection» à travers une politique de promotion.
115 M. DELMAS-MARTY, Pour un droit commun, op. cit.
116 P. BRUNET, « Les principes généraux du droit et la hiérarchie des normes » in L’architecture du droit.
Mélanges en l’honneur de M. TROPER,
Economica, 2006, p. 11.
117 M. DELMAS-MARTY, « Le crime contre l'humanité, les droits de l'homme et l'irréductible humain », Revue
de science criminelle et de droit pénal comparé, 1994, n° 3, pp. 477-490.
118Cette dernière « est le caractère d’un rapport : relation d’identité entre deux termes référés à une norme. L’égalité
est donc doublement relative : elle suppose, d’une part, la relation entre les termes que l’on compare et, d’autre
part, la relation entre ces termes et l’unité de référence. Ainsi, deux corps peuvent être égaux en poids sans être
égaux en taille » https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/égalité/45976
40




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intéressée à la question de l’égalité de nature, l’égalité de droit et l’égalité économique.
L’égalité homme-femme, notion fluctuante et polymorphe, suscite une controverse au sein de
la doctrine. La tentative de la définition du concept d’égalité homme-femme se heurte à
l’absence de cohérence. Cette dernière découlerait de la distinction entre la conception de
l’égalité comme un objectif, au sens de Dworkin avec la non-discrimination (§2), et l’égalité en
tant que règle ou principe (§1). Cela passe tout d’abord par la détermination du concept du
principe d’égalité homme-femme au sens juridique comme en d’autres domaines s’y afférant.
Si la notion est aujourd’hui fréquemment utilisée, son concept fait l’objet d’une multitude de
questions, car aucun consensus ne s’est réalisé sur la signification même à lui attribuer. La
notion présente un caractère hétéroclite qui se complexifie avec l’évolution de la représentation
de la figure de la femme et celle de l’homme. Ainsi, le comparatisme nous permettra de mesurer
les différences de représentations en identifiant le modèle de valeur du droit dans la société,
dans la mesure où en Tunisie la société a connu un certain «processus de structuration de la
loi». Ce processus a évolué au fil des influences connues par la Tunisie. Apparemment, c’est
dans l’importation du droit public musulman à la société tunisienne et dans le transport
volontaire du droit inspiré des idées de la philosophie des lumières à la société tunisienne que
le modèle formateur est identifié. Il s’agit ici de la surface ancienne ou de la structure profonde.
La structure de surface est composée de valeurs existantes révisées par des valeurs étrangères.
Il existe des différences de représentations et croyances qui peuvent mettre en difficulté
l’importation ou mettre en exergue des conflits et des tensions entre les valeurs Françaises et
Tunisienne. Derrière ces différentes représentations de l’égalité homme-femme qui résultent de
systèmes culturels différents. Il n’existe pas de valeurs « arabo-musulmane» opposées à des
valeurs occidentales. Il existerait une «Constitution hybride».
§1. Légalité homme-femme comme principe
12.
L’égalité une condition sine qua non à la démocratie. Dès l’antiquité l’égalité est
envisagée comme une condition nécessaire dans un système démocratique119. En ce sens
Montesquieu soutenait que «
 l’amour de la démocratie est celui de l’égalité »120. Par ailleurs,
selon Tocqueville, l’égalité est l’un des deux impératifs qui sont au cœur de la démocratie, avec
119 A. FOUCHARD. « L’égalité dans la cité grecque », Cahier de philosophie juridique et politique 1985, n°8,
p.33 ; L. SFEZ, « L’égalité à Athène » in Leçons sur l’égalité, Presse de la fondation nationale des sciences
politiques, 1984, pp. 39 et s. ; F. MEIN-SOUCRAMANIEN,
Le principe d’égalité dans la jurisprudence du
Conseil constitutionnel, Thèse Aix-Marseille, 1996, p.13.
120 MONTESQUIEU, L’esprit des lois, 1748, Première partie. Livre V, chapitre III.
41




Page 43
celui de la liberté. Il affirme que l’égalité prime sur la liberté, car « les peuples veulent l’égalité
dans la liberté et, s’ils ne peuvent l’obtenir, ils la veulent encore dans l’esclavage 
»121. En effet,
cette «passion ardente, insatiable, éternelle, invincible» constitue « une passion mâle et
légitime pour l’égalité qui excite les hommes à vouloir être tous forts et estimés » 122. En dépit
du fait que chacun donne un contenu différent à l’égalité123, on peut constater que la notion a
un caractère hybride.
13.
Le caractère hybride de la notion d’égalité. L’égalité est toujours ambiguë, car elle
n’a pas de définition « théorique précise ». En effet, pour Lucien Sfez, « hybride, la notion
d’égalité […] doit sa survie à son absence de détermination théorique précise : ainsi la foire
d’empoigne peut-elle être source de confusion stérile autant que d’innovation par concurrence
et rivalités sécrétées… Prenant appui sur les événements et les structures, sur le mouvement des
idées et sur les jalousies, en somme sur le collectif et l’individuel, le sociologique et le
psychologique, la métaphysique et le positivisme, elle joue sur tous les tableaux. La soif de
justice permet tous les trafics »124. On est tenté de capituler face au difficile défi du concept
d’égalité, comme si on renonçait volontairement à se confronter à un objet d’étude hétéroclite
et instable, dont l’identité n’est pas encore déterminée ou les frontières délimitées. En voulant
réfléchir à la définition de l’égalité, on touche nécessairement à une affaire complexe.
Néanmoins, on peut déjà cibler un faisceau lumineux qui nous permettrait, par son utilisation,
comme un outil, de délimiter les frontières du concept d’égalité. En effet, quelle signification
donner à l’idée d’égalité entre les hommes et les femmes? Il est souvent affirmé que la justice
c’est l’égalité. A contrario, l’inégalité serait injuste. Toutefois, on peut se demander si dans
certaines situations l’égalité peut être une source d’injustice et par conséquent si l’inégalité peut
être source de justice. Autrement dit, la balance est-elle le symbole adéquat de la justice?
Dans le cadre de ce travail, il importe de se pencher sur les perceptions collectives de cette
notion. Émile Durkheim inculquait que « ce qu’il importe de savoir, ce n’est pas la manière
dont tel penseur individuellement, se représente telle institution, mais la conception qu’en a le
groupe; seule, en effet, cette conception est socialement efficace »125. Comme nous l’avons vu
plus haut, l’égalité est une question éminemment philosophique qui, en tant que telle, n’a pas
121A. TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, Folio, II, 1999, pp.137-142.
122 Ibid.
123 P. ROSANVALLON et J-P FITTOUSSI, Le nouvel âge des inégalités, Seuil, 1996, p.97.
124 L. SFEZ, Leçons sur l’égalité, Presses de la Fondation de sciences politiques, Paris, 1984, p. 288 cité par S.
BARLES, « Complexité et mutabilité du concept d'égalité »
in Hommes et Migrations, n°1232, Juillet-août 2001,.
pp. 83-89.
125 É. DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 2e éd. (1937), PUF, 1973, p. 15.
42



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de réponse unique. Aussi, nous avons émis l’idée que pour certains auteurs la question de
l’égalité est au fond celle de la justice.
14.
Les prémices : le fondement philosophique de la justice. Aux origines de la justice
se retrouve la quête des hommes du bonheur et de la vérité. En effet, en philosophie, la justice
et l’égalité entretiennent des liens étroits et ces notions convergent pour donner naissance au
concept même du bonheur ou à celui de la vérité. Dès l’antiquité, Platon (428-347 av. J.-C)
dans
La République126, comme Aristote (384-322 av; J.-C) dans Éthique à Nicomaque, 127vont
participer à la réflexion et à la conceptualisation de la justice. Cette initiative est centrale, car
c’est uniquement en explorant la justice en partant à la recherche de ses origines et de sa propre
nature que d’autres pourront plus tard tenter de la définir. La plupart des auteurs s’accordent
pour identifier Platon comme l’initiateur de la réflexion sur la justice, mais Aristote reste le
premier à émettre l’idée que la justice revêt également une forme particulière qui se fonde sur
l’égalité.
Remarquons tout d’abord que chez Aristote, l’égalité est au moins une composante de la justice
ou elle la définit. C’est probablement ce qui justifierait que la philosophie, en envisageant la
question importante de la justice, évoque à travers cette question celle de l’égalité, comme en
témoignent certains écrits. En ce sens, Aristote faisait remarquer que « ce qui est juste est
quelque chose d’égal ». Selon lui, « si donc l’injuste, c’est l’inégal, le juste est l’égal »128. La
justice particulière, contrairement à la justice légale, ne se définit pas par rapport à la loi, mais
par rapport à la notion d’égalité. Aristote privilégie cette seconde catégorie de justice. En accord
avec Platon, Aristote
129 considère que la justice universelle ou légale est une vertu130. En ce
sens, même si les lois ont pour finalité « l’utilité commune », elles commandent également
d’accomplir des actes guidés par certaines vertus. Selon ces deux initiateurs de la justice dans
la pensée philosophique, la justice se caractériserait par une double valeur; la justice en tant
que vertu et la justice en tant qu’obligation. En d’autres termes, il existerait une manifestatio
sociale de la justice. Le terme manifestatio signifie en latin la « révélation ». Ainsi, cette
126 Platon, La République, Livre IV, 441d-444c-e.
127 Aristote, Ethique à Nicomaque, Livre V, 1129a-1130b, trad. J. TRICOT, Ed. Vrin, 1990.
128 Ibid., V,6.
129 Ibid., Livre V, 1129a-1130b, pp. 216-222.
130 Il affirme que l’« on considère généralement comme étant injuste à la fois celui qui viole la loi, celui qui prend
plus que son dû et enfin celui qui manque à l’égalité, de sorte que de toute évidence l’homme juste sera à la fois
celui qui observe la loi et celui qui respecte l’égalité ».
43




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révélation de la justice est particulièrement perceptible dans le rapport à autrui131. On peut
expliquer ce lien à autrui en se référant à Michel VILLEY qui se réfère lui-même à Aristote132.
La justice est donc ce qui fait qu’une société persiste, parce que la justice garantit la légitimité
du lien social et justifie les privations que l’individu consent à l’ordre social 
»133.
La justice peut donc être une vertu ou une obligation. La justice en tant que vertu, comme nous
l’avons vu avec Platon appelle à la raison,134 mais elle appelle également à la morale135. Aussi,
le concept de justice peut être analysé comme un Janus à double visage à la fois possible et
impossible136.
15.
La justice, un Janus au double visage. Le concept de la justice revêt deux
caractéristiques. Possible, car la justice en tant qu’obligation envers autrui et également envers
soi-même est envisageable137. Impossible, car cette situation est cependant peu satisfaisante,
voire contestable, car la justice véhicule derrière ce concept une horde de concepts qui
pourraient difficilement être conciliables avec certaines conceptions théoriques du droit. Il faut
songer ici tout particulièrement à l’objectif de vérité de la justice ou encore de la règle
applicable de cette obligation de justice138. Ces concepts pourraient montrer l’impossible mise
en œuvre de cette obligation puisque pour être juste « 
il faudrait être Dieu» 139en ce qu’il est
omniscient pour les croyants. Partant, «l’accomplissement moral de l’individu n’est possible
que dans l’ordre politique, et cet ordre doit promouvoir un ensemble de réalités morales
inaccessibles à l’individu isolé ou au groupe familial. L’idée est partagée par Platon et Aristote,
mais le premier a, dans La République, fait de la justice une réalité substantielle structurant
l’ordre politique»140.
Aussi, dans cet ordre de valeur la justice a pour finalité la recherche du bonheur dans un ordre
social établi. D’ailleurs, selon Kelsen un ordre social juste est un ordre qui «régit la conduite
131Ibid.
132 M. VILLEY, Philosophie du droit. I. Définitions et fins du droitDalloz, 4 éd., 1986, n°31, p. 57. « Selon
l’analyse d’Aristote, si nous avons dit d’Aristote qu’il est « un homme juste », il est vrai que cela signifie qu’il est
bon, courageux, honnête…, qu’il réunit toutes les vertus, mais l’on considère ces vertus du point de vue de
l’avantage qu’en tirent
les autres et le corps social : le courage et la tempérance ou la prudence d’Aristide profitait
à toute la cité, le constituaient vis-à-vis d’elle dans un rapport juste. Toute justice est sociale »
133 W. BARANES, M-A. FRISSON-ROCHE La justice, L’obligation impossible, op. cit., p. 13.
134 Platon, La République, op. cit., Livre IV, 441d-444c-e.
135 Idem.
136 W. BARANES, M-A. FRISSON-ROCHE La justice, L’obligation impossible, op. cit., p. 11.
137 Ibid., p. 12.
138 Ibid..
139 Ibid.
140 Ibid. Voy égal. M. CANTO-SPERBER, « la vertu individuelle, modèle politique »., op. cit., p.28.
44




Page 46
des hommes d’une façon satisfaisante pour tous, d’une façon telle que tous les hommes y
trouvent leur bonheur».
16.
Le bonheur, catégorie juridique. L’aspiration à la justice, c’est l’éternelle aspiration
de l’homme au bonheur. Ce bonheur que l’individu ne peut trouver dans la solitude, il le
recherche dans la société
141. La justice, c’est le bonheur social »142. Dès lors, le mythe antique
de la justice en tant que vertu trouve la finalité recherchée par les individus dans une société.
L’une des citations la plus représentative est celle du Professeur Bouretz qui écrit : «la vie
bonne, avec et pour autrui dans des institutions justes
»143. Selon cet auteur «la vie bonne» est
la représentation que chacun de nous peut avoir d’une vie accomplie, c’est-à-dire la formulation
d’un projet qui lui donne sens et dont la réalisation est synonyme de bonheur. La recherche de
ce bonheur connaît des limites ou du moins doit être encadrée. Cette limite réside dans
« l’autre ». On retrouve alors la manifestatio sociale de la justice et son caractère
intrinsèquement partagé144. Le propos de Bouretz est plus orienté sur le caractère universel de
la justice en tant que valeur du monde moderne. Pour lui, la « finalité de l’action, la notion de
«vie bonne » doit donc être pensée en termes de capacité. Capacité de l’individu à s’arracher à
ses déterminations afin de concevoir pour soi-même ce que devrait être une existence réussie
dans les registres de la profession, de la culture ou de l’affection. Capacité aussi à
inlassablement interpréter ses choix à l’aune de cette « nébuleuse d’idéaux et de rêves
d’accomplissement au regard de laquelle une vie est tenue pour plus ou moins accomplie ou
inaccomplie
»145. Donc, il estime que les individus dans une société juste dont la finalité est la
«vie bonne » doivent être capables d’avoir une « vie accomplie» selon leur propre conception
du bonheur.
141 Le bonheur est également une préoccupation du droit économique. G. FARJAT, « Le bonheur en droit
économique », in
Le bonheur est une idée neuve. Mélanges J. Bart, Dijon, Centre Georges Chevrier, 1999 ;
Voy.
Sur l’apport de G. Farjat au débat doctrinal et notamment la question du bonheur, G. MARTIN J, J.-
B. RACINE. « Gérard Farjat et la doctrine »,
Revue internationale de droit économique, vol. t. xxvii, no. 4, 2013,
pp. 409-418.
142 H. KELSEN. op.cit., p.58.
143P. BOURETZ. op. cit., p. 202.
144 Idem.p.58. « On ne saurait résoudre ces questions au moyen de la connaissance rationnelle. Toute réponse à ces
questions est un jugement de valeur déterminé par des facteurs émotionnels et, à ce titre, subjectifs par nature,
valables uniquement pour le sujet j
ugeant, et donc relatifs. La réponse varie selon qu’elle est formulée par un
chrétien, qui accorde plus d’importance au salut de son âme dans l’au-delà qu’aux biens terrestres, ou par un
matérialiste qui ne croit pas en une vie après la mort ; la réponse sera tout aussi différente si elle provient d’un
partisan du libéralisme, qui considère la liberté individuelle comme le bien suprême, ou d’un fidèle du socialisme
pour qui la sécurité sociale et l’égalité entre les hommes priment plutôt que la liberté
».
145 Idem. p. 210.
45




Page 47
Cette capacité passe nécessairement par l’existence d’une égalité entre les individus. En effet,
l’article premier de la Constitution française du 4 octobre 1958 dispose que la République
« assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de
religion». La juridicité de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dans
laquelle est contenue l’égalité n’a pas été consacrée en même temps que la Constitution de
1958. En effet, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est reconnue comme le
modèle de référence
146 de toutes les dimensions de l’égalité. C’est ainsi que la consécration du
bloc de constitutionnalité a permis de renforcer la place de l’impératif d’égalité. Ainsi, ce
dernier attribue un domaine significatif à l’exigence d’égalité. Cet impératif se manifeste par la
mise en place soit d’un principe d’égalité notamment homme-femme, soit d’une règle de non-
discrimination qui se traduit par l’interdiction de discrimination fondée sur le critère du sexe ou
d’égalité de traitement147. Les hommes et les femmes font partie d’une même catégorie
juridique et ils ne peuvent être perçus comme étant divisés en deux groupes. Donc il n’existe
pas juridiquement un clivage entre les deux sexes. De cette manière, la conception classique de
la discrimination en France consiste à traiter de manière défavorable une personne ou un groupe
en raison de critères prohibés, déterminés par la loi. Tandis que la discrimination se présente,
selon Didier Fassin comme le «chaînon manquant» entre les idéologies et les inégalités. Il
estime que l’étude de la discrimination met en exergue les mécanismes des idéologies dans la
constitution des inégalités entre les individus148.
Contrairement au principe d’égalité qui constitue l’identité juridique qui s’est depuis longtemps
cristallisée autour de caractéristiques bien identifiables, le paysage juridique a été modifié avec
l’émergence du principe de non-discrimination qui est venu s’imbriquer dans le concept
d’égalité entre les sexes. Ce qui a eu pour conséquence de transformer le cadre juridique du
principe d’égalité entre les sexes. À l’origine, l’instrument constitutionnel ayant donné
naissance au droit à l’égalité ne prévoyait pas explicitement l’égalité devant la loi de tous les
citoyens sans distinction de sexe.
§2. La non-discrimination, un objectif de valeur constitutionnelle
146 V. LASSERRE-KIESOW, « L’égalité », JCP G 2010, n°23, p. 643.
147 Voy. J. PORTA, « Non-discrimination, égalité et égalité de traitement. À propos des sens de l’égalité » in Le
droit social, l’égalité et les discriminations (dir. G. BORENFREUND et I. VACARIE), Dalloz, 2013, p. 9.
148 D. FASSIN, « L’invention française de la discrimination », Revue Française de Science Politique, 52(4), 2002,
pp.403-423.
46





Page 48
17.
Les femmes n’entrent pas dans la catégorie « diversité ». La question de la
discrimination en Europe et en France apparaît tardivement dans le débat public. En effet, dans
les sociétés mondialisées, pour ne pas dire «
la mondialisation de la culture»149, l’interdiction
de discrimination avait pour objectif de mettre fin aux injustices envers les minorités. C’est
dans le cadre de la question de la «diversité » que le débat s’est longtemps figé. Souvent, cette
question de la discrimination est venue se confondre avec d’autres interrogations telles que
celles relatives à l’identité et à la mémoire
150. Pourtant, cette notion implique d’autres critères,
notamment celui du sexe. Ainsi en va-t-il de la question de la discrimination selon le sexe. En
effet, comme nous l’avons déjà évoqué les femmes ne sont pas une minorité et ne font pas partie
de la «diversité»151. L’appréciation du traitement juridique qu’il convient de réserver à la
discrimination implique de saisir le sens de la question suivante; en quoi consiste la non-
discrimination?
18.
Les raisons de
l’introduction du principe de non-discrimination. La
conceptualisation de la non-discrimination s’est faite grâce à de la jurisprudence qui fut
influencée par le droit européen. En effet, pour contourner les insuffisances quant à l’égalité
des droits entre les hommes et les femmes, le législateur européen introduit des dispositions
spécifiques permettant de trouver un équilibre entre deux conceptions de l’égalité, à savoir la
garantie des droits identiques pour tous et la promotion de l’égalité des sexes. Afin de maintenir
une relation équilibrée entre le principe d’égalité et le principe de non-discrimination, le
législateur a cherché à ériger des dispositions permettant à la fois de respecter et de protéger
l’égalité des droits tout en prévoyant des dispositions qui ont la capacité d’éliminer toutes
formes de discriminations fondées sur des critères prohibés. Conscient qu’un dispositif
juridique permettant de faciliter la contestation des discriminations fondées sur des critères
clairs et précis était crucial, le législateur a intégré dans la loi du 27 mai 2008 diverses
dispositions consacrant des critères de discrimination interdits par la loi, calquées sur la liste
des critères de l’article 225-1 du Code pénal152. Cette nouvelle loi apparaît comme une base
149 J.P WARNIER, La mondialisation de la culture, Editions La découverte, Paris, 2008, p. 3 : « L’expression
« mondialisation de la culture » désigne cette circulation de produits culturels à l’échelle du globe. Elle suscite des
réactions contrastées. Les uns y déchiffrent les promesses d’une planète démo
cratique unifiée par une culture
universelle-
une planète réduite par les médias aux dimensions d’un « village global » comme le disait Marshall
MCLUHAN. D’autres y voient la cause d’une inéluctable perte d’identité qu’ils déplorent. D’autres enfin militent
pour affirmer leurs particularismes jusqu’à faire usage de la violence ».
150 E. BENBASSA (Dir), Dictionnaire des racismes, de l’exclusion et des discriminations, Larousse, 2010. p.1.
151Sauf si l’on considère le cas des femmes issues de la diversité. Ici le raisonnement porte sur la femme de manière
globale.
152 Article modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016-art. 86 ; « Constitue une discrimination toute
distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de
47



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juridique solide. Elle permet d’uniformiser les dispositions relatives aux discriminations. À
cette fin, elle prévoit l’adaptation du droit européen dans le domaine dans une disposition
législative qui s’aligne sur les critères prévus par le Code pénal. En pratique, la loi offre un
cadre juridique significatif qui s’enrichit par la jurisprudence. Bien avant cette loi, la
discrimination disposait également d’une multitude de sources textuelles. Cette multitude de
textes rendait ambiguës les normes de références applicables, et mena le législateur à
harmoniser sa législation en la matière.
19.
La non-discrimination une notion contemporaine. Pour pallier des situations
discriminatoires qui n’étaient pas en adéquation avec la notion de l’égalité formelle découlant
de l’approche républicaine de l’égalité, une notion nouvelle a été introduite, découlant de l’idée
d’une égalité réelle. Afin de sanctionner
les discriminations édictées par certains
comportements, le législateur s’est vu forcé de respecter ses obligations, trouvant ainsi des
moyens juridiques de faire échec à la conception absolue de l’égalité.
Introduire le principe de non-discrimination apparaît comme une tâche très ardue. Aussi la
notion de discrimination pénétra concrètement le droit français d’abord par la voie du droit
international des droits de l’homme à p
artir des années 1950153, puis par le développement du
droit positif en droit interne. En effet, à la suite d’une série d’arrêts de la Cour de justice des
Communautés européennes, le principe a été affirmé par la transposition de deux directives
européennes
154. Ce principe issu du modèle anglo-saxon n’a pas été rapidement intégré dans le
famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation
économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé,
de leur perte d'autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation
sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur
capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance,
vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée.
Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales sur le fondement de
l'origine, du sexe, de la situation de famille, de la grossesse, de l'apparence physique, de la particulière vulnérabilité
résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur, du patronyme, du lieu de résidence, de
l'état de santé, de la perte d'autonomie, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de l'orientation
sexuelle, de l'identité de genre, de l'âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de la capacité à s'exprimer
dans une langue autre que le français, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie,
une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes
morales ».
153 La notion de discrimination est introduite dans les traités à compter des années 1920. Elle sera concrètement
consacrée après la Seconde guerre mondiale. Cf
: convention de l’OIT sur la discrimination au travail, 1958 ;
convention de l’UNESCO sur la discrimination dans l’enseignement, 1960 ; convention de l’ONU sur la
discrimination raciale, 1965 ; convention de l’ONU sur la discrimination des femmes, 1979 ; Déclaration de
l’ONU sur les discriminations religieuses, 1981.
154 Les discriminations fondées sur le sexe dans le cadre professionnel ont toujours été interdites par les traités de
l’Union européenne.
48




Page 50
système juridique français. Il a fallu que la Commission engage une procédure de manquement
devant la Cour de justice des Communautés européennes pour qu’apparaisse enfin en procédure
d’urgence la loi du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d’adaptation au droit européen
dans le domaine des luttes contre les discriminations. Désormais, les individus ne sont plus
abstraits et dotés des mêmes droits conformément à l’égalité formelle, leurs droits doivent être
modulés en fonction des situations propres, pour que des individus se trouvant dans des
situations différentes puissent être traités de manière adaptée. Autrement dit, le droit à la non-
discrimination permet aux individus qui se trouvent dans des situations similaires d’être traités
de manière similaire et non de façon moins avantageuse, uniquement car ils ont une
caractéristique particulière protégée par la loi. L’objectif est d’assurer l’équité155 et l’égalité des
chances pour certaines catégories de personnes. Ainsi, comme pour le principe de l’égalité,
différentes sources du droit de l’Union européenne établissent des normes qui prohibent la
discrimination. Aussi, la législation de l’Union européenne interdit à toute personne morale ou
physique, ainsi qu’aux institutions européennes et aux États membres, d’exercer une
discrimination, notamment lorsque leurs actes enfreignent une interdiction de discrimination
fondée sur le sexe.
20.
Le principe de non-discrimination non assimilable au principe d’égalité. Le terme
discrimination vient du latin discriminis. Il indique à l’origine qu’une distinction, une
séparation, une différenciation peut être établie entre des objets. Cependant, la discrimination
dans son sens courant revêt une connotation négative
156. Selon l’ancienne HALDE,
« discriminer, c’est interdire ou limiter l’accès d’une personne à un emploi, un logement, à des
biens et des services ou à une formation pour des raisons interdites par la loi»157. Autrement
dit, la discrimination résulte d’une rupture de l’égalité pour un motif prohibé158. Ainsi, le
concept de discrimination dépend étroitement du concept d’égalité sans y être assimilable.
155 Voy. sur le sujet, Thèse, M. FOULETIER, Recherches sur l’équité en droit public français, soutenue en 1999
à Poitiers, sous la direction de Bernard Pacteau, LGDJ, 2003, 312 p.
156 M. BOSSUYT, L'interdiction de la discrimination dans le droit international des droits de l'homme, Bruxelles,
Bruylant, 1976.
157 Dossier d’information la HALDE, Contre les discriminations et pour l’égalité́, 2005.
158 Le principe de non-discrimination est défini à l’article 1132-1 du Code du travail, selon lequel «aucune
personne ne peut […] faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte […], en raison de son origine,
de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa
grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée,
à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses
convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de
son handicap
».
49




Page 51
En effet, l’expression de « principe de non-discrimination» a pu sembler similaire à celui du
principe d’égalité. Toutefois, ce n’est pas réellement le cas. Lorsqu’on parle du principe
d’égalité des sexes, on fait référence aux « 
principes objectifs d’égalité »159. L’affirmation du
principe d’égalité affirme une exigence de façon positive. Il est plus favorable aux personnes
discriminées dans le sens où l’inégalité se constate plus aisément à partir du moment ou des
individus ne sont pas traités de la même manière alors que rien ne peut objectivement justifier
une telle différence de situation. À l’inverse, l’interdiction de la discrimination est la
formulation négative du principe d’égalité. Alors le principe de non-discrimination impliquerait
pour la victime de déceler et de distinguer les critères sur lesquels s’est fondée la discrimination.
En effet, la discrimination est déterminée comme un principe « subjectif d’égalité »160. Dans le
cadre du principe «subjectif», la prise en compte du critère du sexe constitue a priori une
discrimination. Toutefois, cette interdiction est relative puisque le droit
161 tolère une différence
de traitement lorsque cette dernière est justifiée par la démonstration de la «raisonnabilité» et
de «la nécessité»162. Parmi «les exceptions aux discriminations interdites»163, en dehors des
discriminations positives, on retrouve les discriminations relatives au sexe qui «échappent
également à toute incrimination lorsquelles sont déterminantes pour lexercice dun emploi
ou dune activité professionnelle et quelles sont prévues par le Code du travail ou par les
dispositions légales concernant la fonction publique». Aussi, le Code du travail autorise que
les emplois artistiques ou ceux de modèles et mannequins puissent justifier cette distinction
entre les sexes164. En outre, ces deux types de principes font partie des principes spéciaux
d’égalité165. Aussi, le compromis recherché dans les deux systèmes juridiques résultait de
l’équilibre entre ces deux notions antagoniques : l’une universelle et l’autre différentialiste.
159 Ils ont pour objectif de poser une « règle spéciale d’égalité dans un domaine objectif déterminé. A titre
d’exemple on peut citer l’égalité dans le domaine du suffrage et des emplois publics).
160 Ils ont pour objectif d’interdire « la prise en compte de certains critères personnels ou la soumettent à des
conditions plus rigoureuses » .

161 Art. R. 1142-1 du Code du travail : « Les emplois et activités professionnelles pour l'exercice desquels
l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue la condition déterminante sont les suivants: 1
o Artistes appelés à
interpréter soit un rôle féminin, soit un rôle masculin; 2
o Mannequins chargés de présenter des vêtements et
accessoires; 3
o Modèles masculins et féminins. [Anc. art. R. 123-1.] ».
162 Voy. par ex., CE Ass., 6 janv.1956, Syndicat national autonome du cadre d’administration générale des
colonies, Rec., 4.
163 Y. ROUSSEAU, « Agences d'emploi privées », RDT 2012 (actualisation : Octobre 2018).
164 Conf art. L. 1142-2 du code du travail et art. R. 1142-1 du même code. « La liste de ces activités
M.-
professionnelles avait été déterminée par décret en Conseil d'État en 1984 ». Cf.
T. LANQUETIN « Construction du droit de la non-discrimination » RDT,2010 ; Thibault, J-P. « Discriminations
et Droit du Travail dans l'Entreprise. Présentation de la Réglementation en vigueur », Humanisme et Entreprise,
2009, pp. 17-27.
165 O. Jouanjan., Le principe d’égalité devant la loi en droit allemand, Paris, Economica, 1992., p.213
50



Page 52
21.
Principe d’égalité ou de non-discrimination, deux approches antagoniques. Bien
que l’objectif de la non-discrimination soit le même que celui du droit à l’égalité, c’est-à-dire
celui d’assurer l’égalité entre les hommes et les femmes, l’approche des deux notions est
considérée comme antagonique. D’ailleurs, M. Jean-Marie Delarue, en 2014 alors Contrôleur
général des lieux de privation de liberté, résumait ces deux approches ainsi : «la discrimination
est, pour le
juge français, le versant antagoniste de l’égalité »166. C’est pourquoi « le refus de la
discrimination repose sur l’affirmation d’un principe d’égalité entre plusieurs individus, qui
devrait rendre impossible l’application d’un traitement différent 
»167.
De manière générale, le principe d’égalité est souvent énoncé pour justifier l’interdiction de
certaines discriminations, en l’occurrence celle fondée sur le sexe. En ce sens, le principe de
non-discrimination peut se définir comme l’interdiction d’établir des différenciations de
traitement entre les individus en raison de critères formellement prévus par la Constitution ou
par d’autres normes, tels que la croyance, l’âge ou le sexe. À vrai dire, l’article 1er de la
Constitution de 1958 et l’alinéa 3 du Préambule de la Constitution de 1946 prohibent les
distinctions qui se fondent sur l’origine, la race, la religion, les croyances et le sexe. En effet,
l’article premier de la Constitution de 1958 dispose que la République « assure l’égalité devant
la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Selon certains
critères, ce principe de non-discrimination est également encadré par la loi, notamment celle du
27 mai 2008168.
Si, comme l’a souligné Maurice Hauriou, celui-ci représenta «la force agissante dans la
révolution
»169, le principe de non-discrimination se fonde sur le principe d’égalité. Ce dernier
a pour corollaire celui de non-discrimination. Partant, «avec le droit européen, la conception
classique de l
’égalité évolue vers la non-discrimination»170. Comme nous l’avons déjà constaté,
l’égalité est un principe constitutionnel qui prohibe strictement une distinction discriminatoire.
Même si le droit français tolère que la différence de situation justifie la différence de traitement,
166 Rapport d'information n°94 (2014-2015) de Mme E. BENBASSA et M. J. R LECLERF, fait au nom de la
commission des lois, déposé le 12 novembre 2014,
La lutte contre les discriminations : de l'incantation à l'action,
[https://www.senat.fr/notice-rapport/2014/r14-094-notice.html].
167 Ibidem.
168 Loi n°2008-496 du 27 mais 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaires dans le
domaine de la lutte contre les discriminations, JORF n°0123 du 28 mai 2008.
169 M. HAURIOU, La science sociale traditionnelle, Larose, Paris, 1896, p. 80.
170B. STIRN, président de la section du contentieux du Conseil d’État, « Le juge administratif et les
discriminations » in, Colloque « 10 ans de droit de la non-discrimination » organisé par le Défenseur des droits,
Cour de cassation - 5 octobre 2015. Paris
51




Page 53
il interdit que certaines distinctions puissent être réalisées. En ce sens, la discrimination est
légitime lorsque la loi l’autorise, lorsque l’intérêt général la justifie ou lorsque la situation
présente des différences qui justifient la différence de traitement171. La position, sur ce point,
du Conseil d’État est conforme à celles des Cours européennes172. Toutefois, une nuance existe
entre les deux approches. Pour le Conseil d’État, cette obligation de traiter des situations
différentes de manière différente n’existe pas173. Le Conseil constitutionnel n’a pas non plus
affirmé dans sa jurisprudence une telle exigence174. En effet, le conseil considère, qu’aux termes
de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La loi est l’expression
de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs
représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle
punisse; que si, en règle générale, le principe d’égalité impose de traiter de la même façon des
personnes qui se trouvent dans la même situation, il n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à
traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes»175. Il eut
l’occasion de réitérer sa position176.
22.
Le renouvellement progressif de la notion de discrimination. Le droit français
connaît depuis longtemps la discrimination directe. La discrimination indirecte est plus
contemporaine. En effet, la loi du 27 mai 2008 consacra la discrimination indirecte177.
Toutefois, cette notion fut développée en droit américain dès 1971 par la jurisprudence178. En
effet, la Cour suprême, notamment le juge Brennan, avait estimé que toute différence fondée
sur le sexe n’est justifiée que si elle répond à un objectif bien précis ou qu’elle est déterminée
par un intérêt gouvernemental impératif a compelling governmental interest179. Afin
d’examiner les cas de discriminations sexuelles, la Cour suprême a adopté un test dit de niveau
intermédiaire, avec la notion de heightened scrutiny. Par la suite, la notion est reprise en droit
français dans le cadre de la transposition de directives européennes. En effet, la loi du 27 mai
171 CE 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, n°88032, 88148 ; Cons. const. 12 juill. 1979, déc. 79-107 DC, Pont à
péage.

172 Aussi, « le principe d’égalité des sexes ne signifie pas nivellement total, aussi des exceptions sont-elles tolérées
lorsque la différence biologique ou fonctionnelle due au sexe exclut absolument une égalité des traitements ».
173 CE 28 mars 1997, société Baxter ; CE 22 novembre 1999, R.
174 Cons. const., 29 décembre 2003, déc. 2003-489 DC, Loi de finances pour 2004 et CONS. CONST., 9 août 2012,
déc. 2012-654 DC, Loi de finances pour 2004.
175 Cons. const., 29 décembre 2003, déc. 2003-489 DC, Loi de finances pour 2004, cons. 37.
176 Cons. const., 9 août 2012, déc. 2012-654 DC, Loi de finances pour 2004, cons. 19.
177Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le
domaine de la lutte contre les discriminations.
178Cour Suprême, 429 U.S. 190. Affaire Craig v. Boren, 1976.
179É. BOULOT, « La Cour suprême, les droits des femmes et l'égalité des sexes », Revue française d’études
américaines 2001/1 (no87), p. 87-101.
52



Page 54
2008 avait pour vocation d’assurer la transposition en droit français de cinq directives portant
sur la lutte contre les discriminations, dont celle mettant en œuvre le « principe de l’égalité de
traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique 
»180. En droit
interne français, l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 définit ainsi ces deux notions : «Constitue
une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou
de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses
convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de
résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été
ou ne l’aura été dans une situation comparable.» Autrement dit, la discrimination est directe
lorsqu’elle est délibérée et qu’elle concerne cette liste exhaustive des critères prohibés. À titre
d’exemple, on peut citer une décision qui a considéré comme étant une discrimination directe
un article d’un règlement intérieur réservant aux hommes seulement la faculté de demeurer dans
l’entreprise au-delà de 50 ans. Ici, il s’agit d’une discrimination de sexe et d’âge181. Par ailleurs,
«constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en
apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un
désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette
disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que
les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés». Cette définition a permis
« de débusquer derrière une “apparence neutre” des comportements
réellement
discriminatoires»182. Autrement dit, la discrimination indirecte apparemment neutre exclut un
groupe ou une personne de l’accès à un droit ou un service en le désavantageant183. Cette
approche juridique classique de la discrimination est assez réductrice, car elle se cantonne à la
réduire à ces deux catégories et ainsi rendre la discrimination de nature systémique invisible184.
Le juge européen confirma la condamnation des discriminations directes et indirectes contenues
180Directive 2000/43 du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les
personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique ; Directive 2000/78 du 27 novembre 2000 portant création
d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; Directive 2002/73 du 23
septembre 2002 relative à
la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce
qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ;
Directive 2004/113 du 13
décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes
et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services ; Directive 2006/54 du 5
juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre
hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.
181Cass., soc., 7 déc. 1993, n° 88-41422.
182Rapport d'information n°94 (2014-2015) de Mme Esther BENBASSA et M. Jean-René LECERF, fait au nom
de la commission des lois, déposé le 12 novembre 2014, La lutte contre les discriminations : de l'incantation à
l'action, [http://www.senat.fr/rap/r14-094/r14-0942.html].
183 À titre d’exemple, le fait de demander des compétences disproportionnées au poste à pourvoir ou encore des
cautions exorbitantes pour la location d’un logement constituent de tels comportements.
184 M. MINE, « Les concepts de discrimination directe et indirecte », ERA-Forum. 2003, 4(3), pp .30-44.
53


Page 55
dans le droit français. Ainsi, s’agissant des discriminations directes, l’ancienne C.J.C.E
condamna la France, en mars 1997, pour manquement aux obligations lui incombant, en raison
d’une interdiction du travail de nuit des femmes dans l’industrie185. Aussi, la Cour jugea que le
fait qu’une réglementation nationale prive une femme de congé de maternité pour la raison
qu’elle ne pourrait alors pas être notée dans la perspective de bénéficier d’une promotion
professionnelle constitue une discrimination directe186. Ainsi, la Cour jugea que le refus de
notation constituait une discrimination directe sur le fondement du sexe187. La Cour eut aussi
l’occasion de confirmer la condamnation des discriminations indirectes. En octobre 1997188,
elle rappela qu’« il y a discrimination indirecte lorsque l’application d’une mesure nationale,
bien que formulée d’une façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de
femmes que d’hommes 
»189, à partir de là cette mesure doit être considérée comme non
conforme à la directive 76/207
190. En outre, une abondante jurisprudence existe en matière
d’égalité professionnelle191. En matière de droit national, la jurisprudence est plus timide dans
le domaine. En 1996, le juge vint réaffirmer qu’une mesure par laquelle l’Opéra de Paris mit
fin au contrat d’une danseuse, au motif que celle-ci avait atteint l’âge conventionnel d’ouverture
des droits à la retraite pour le personnel de la danse, qui était de 40 ans pour les femmes, mais
de 45 ans pour les hommes192, aboutissait à une discrimination directe.
185 CJCE., 13 mars 1997, aff. C-197/96, Commission des communautés européennes c/ République française, Rec.,
p. I-
1496 , En effet, le juge considéra la disposition contestée contraire au principe de l’égalité de traitement
formulée dans la directive 76/207
186CJCE., 30 avril 1998, aff. C-136/95, C.N.A.V.T.S. c/ Mme Thibault. En effet, en l’espèce, Madame Thibault
s’était vue refuser une notation pour l’année 1983 en raison de son absence pour maternité. De ce fait elle n’a pas
pu bénéficier d’une inscription au tableau d’avancement du ch
oix du salarié, une disposition conventionnelle
exigeant 6 mois de présence sur l’année de référence.
187Voy. sur la situation particulière des salariées en état de grossesse au regard de la jurisprudence communautaire,
J. CONAGHAN, « Pregnancy, Equality and the European Court of Justice : interrogating Gillespie », International
Journal of Discrimination and the Law
, 1998, vol. 3, pp. 115-133.
188 CJCE., 2 octobre 1997, aff. C-1/95, Gester c/ Freistaat Bayern, Rec., p. I-5253 ; CJCE, 2 octobre 1997, aff. C-
100/95
Kording, Rec. p. I-5289. Voir sur ces deux arrêts la note de N. BUSBY, «Full-Time Rights for Part-Timers
», The Juridical Review 1998, part III, pp. 196-199; Voy. aussi sur ces decisions, note, L. IDOT, Europe 1997,
Comm. nº 384, p.14.
189Sur ce point, voir M. HEDEMANN-ROBINSON, Indirect Discrimination Law in the E.E.C., appearance rather
than reality?
, International Journal of Discrimination and the Law, 1996, vol. 2, p. 85-117.
190Directive 76/207/CEE du Conseil du 9 fév. 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement
entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’accès
à l’emploi, à la formation et à la promotion
professionnelle, et les conditions de travail,
JOCE du 14 fév. 1976, pp. 40-42 , qui permet aux États membres
d'adopter et/ou maintenir en vigueur les « mesures visant à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et
femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait pouvant exister dans la réalité de la vie sociale » ; et
dans l'accord sur la politique sociale annexé au Traité de Maastricht.
191E. SAULNIER, « L'égalité professionnelle femmes-hommes en France et en Europe : développements récents »,
LPA, n°121, 1998, p.8.
192 CA Paris, 26 septembre 1996, Sordoillet, R.J.S., 1997, n°537.
54



Page 56
23.
L’absence du « sexe» dans les critères prohibés par la Constitution française de
1958. De manière générale, les nombreuses dispositions qui fondent la notion de discrimination
s’articulent autour de trois sources qui le plus souvent se complètent : le droit international, les
textes européens
193 et le droit interne194. Comme nous l’avons déjà vu, l’égalité des droits entre
les hommes et les femmes s’appuie d’abord sur la Constitution française de 1946, laquelle
affirme dans son préambule que «la loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits
égaux à ceux des hommes
 ». L’article 1er de la Constitution est également une source textuelle
sur laquelle la non-discrimination peut se fonder. En effet, il indique de manière précise quelles
sont les discriminations que le législateur ne peut établir sans justification. Il en résulte cinq
motifs de discrimination expressément interdits par la Constitution de 1958. Ceux fondés sur la
race, la religion et les croyances. Ainsi, «la France est une République indivisible» qui affirme
un principe d’égalité entre tous les citoyens qui sert de fondement au refus de discrimination,
entre les individus selon « l’origine, la race ou la religion. Elle respecte toutes les croyances ».
Autrement dit, ces dispositions rendent impossible l’application d’un traitement différent en
fonction de ces critères. Mais le critère du «sexe » ne fait pas partie des dispositions de l’article
1er de la Constitution. Comme pour le principe d’égalité, la Constitution reste silencieuse sur la
question. Elle ne définit pas la discrimination et ne fait pas du «sexe» un critère prohibé en
matière d’égalité. En effet, la reconnaissance juridique de la discrimination est subordonnée à
l’appartenance de la victime à un groupe racial, ethnique ou religieux. Les femmes ne sont pas
considérées par la Constitution comme un groupe, pour ne pas dire qu’elles ne sont initialement
pas considérées du tout par la Constitution. Toutefois, à la lumière de l’interprétation donnée à
l’article 1
er de la Constitution et au regard du Préambule de 1946, le critère du «sexe» peut-
être ajouté. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fonde également le principe
d’égalité et suppose qu’il n’existe pas de distinction entre les citoyens195.
24.
Le principe de non-discrimination dans la législation française. Le Code pénal
français prévoit des sanctions en matière de discrimination. Il contient en la matière un nombre
considérable de critères196. Les domaines d’application de la notion de non-discrimination sont
193 Ici il s’agit du droit de l’union européenne et des droits de l’homme consacrés dans la CESDH.
194 La Constitution et les lois issues du droit français.
195 Ainsi, l’article 1 dispose que «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions
sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». De plus, l’article 6 dispose que «la loi est
l’expression de la volonté générale » ; tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs
représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.
196 En effet, l’article 225-1 du Code pénal (Modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2018. Art.86.) dispose
que «constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques» sur le fondement de 20
critères, dont celui du sexe et de l’état de grossesse. Il fait également référence à l’identité de genre. Le Code du
55



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également étendus, la différence de traitement fondé sur le sexe étant prohibée dans l’ensemble
de l’activité professionnelle, c’est-à-dire dans l’accès à l’emploi et dans son exercice. Ainsi, on
peut se fonder sur cette énumération pour déduire certains actes discriminatoires proscrits.
D’autre part, le harcèlement est aussi une forme de discrimination. Il peut s’exprimer197 sur le
terrain de la discrimination fondée sur le sexe et le genre. La défense contre la discrimination
doit aboutir à assurer l’absence de discrimination fondée sur le sexe, en fait comme en droit.
Autrement dit, elle vient pallier la logique selon laquelle l’égalité doit être uniquement assurée
de manière formelle. L’approche nouvelle de la non-discrimination permet la reconnaissance
de la singularité des individus y compris de leur sexe. Cette notion permet d’envisager l’égalité
de manière différenciée ce qui implique une catégorisation des personnes selon le sexe et
également selon d’autres critères. La notion est très large, mais elle est étayée par la
jurisprudence. Elle coexiste avec le principe de l’égalité. L’utilité de l’élargissement de la
notion de discrimination nous paraît évidente. Non seulement la disposition qui le prévoit
respecte les droits entre les sexes, mais surtout, préserve par ricochet les situations propres aux
femmes. Plus précisément, la multiplication des critères a permis également de protéger la
femme de manière spécifique notamment, comme nous l’avons déjà évoqué, lorsqu’elle est en
état de grossesse. En effet, grâce au caractère large de la notion, la femme se retrouvera dans
une situation très protectrice dans la mesure où ses droits ne seront pas niés. De cette façon, la
travail prévoit qu’aucun salarié ne peut être écarté d’un recrutement, d’une formation ou encore sanctionné ou
licencié ou voir son déroulement de carrière remis en cause en raison de critères discriminatoires dont celui du
sexe. De même, la loi du 6 juillet 1989 pose le principe de non-
discrimination en matière d’accès au logement avec
un aménagement de la charge de la preuve au profit du locataire. La loi du 16 novembre 2001 élargit les critères
de discriminations prohibés, et aménage la charge de la preuve en droit du travail.
197 En parlant d’expression, on peut également évoquer le phénomène #MeToo ou #BalanceTonPorc qui met en
lumière la difficile et ancienne question de la libération sociale et juridique de la parole des femmes victimes
d’agressions sexuelles. La journaliste Sandra Muller qui a lancé le mouvement « #balancetonporc » pendant le
contexte de «
l’affaire Weinstein » a participé à cette libération de la parole. L’expression des femmes sur certains
faits de sociétés, notamment d’harcèlement sexuels, d’agressions, sexuels et de situation discriminatoire, ont
démontré la difficulté juridique à qualifier les différentes infractions pénales notamment au regard de la dimension
social et d’intérêt général du phénomène et de la possibilité pour les femmes d’exprimer et de libérer la parole.
Une finalité et un contexte qui ont été pris en considération par la Cour d’appel. La Cour d’appel a confirmé les
propos qui présentent un caractère diffamatoire, elle estime que le hastag # balancetonporc vise a dénoncé le
harcèlement sexuel au sens général et s’inscrivent dans le cadre d’un débat d’intérêt général « dès lors qu'ils visent
à dénoncer les comportements à connotation sexuelle et non consentis de certains hommes vis-à-vis des femmes
afin que ces agressions physiques ou verbales très longtemps tolérées ou passées sous silence soient largement
connues et ne puissent ainsi se perpétuer ». Cette libération de la parole des femmes est ainsi soutenue par la cour,
en admettant le bénéfice de la bonne foi à Sandra Muller dans le cadre d’une interprétation moins strictes des
éléments constitutifs de l’infraction. C’est pourquoi elle conclut que « le prononcé d’une condamnation même
seulement civile, porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et serait de nature à emporter un
effet dissuasif pour l'exercice de cette liberté. Le jugement est donc infirmé ». C. LAMY, « #BalanceTonPorc : la
condamnation en diffamation de la journaliste Sandra Muller infirmée en appel », Dalloz actualité, 2021,
n°19/19081. CA, Paris, 31 mars 2021, n° 19/19081.
Le phénomène #Metoo pose également des questions juridiques au regard de la présomption d’innocence. M.B,
[Vidéo], « La présomption d’innocence à l’heure de # MeToo » . Dalloz actualité, 24 septembre 2020.
56


Page 58
non-discrimination permettra à la victime d’éviter une concurrence potentielle entre deux
statuts, celui de femme et celui de mère.
25.
La nécessaire harmonisation législative en matière de non-discrimination. Comme
nous venons de le montrer, la multiplication des textes, en particulier en ce qu’ils instituent des
motifs de discriminations différents apparaissent comme un frein très important à la lisibilité
du droit en la matière, allant même jusqu’à le rendre « invisible»198. Pour réduire son effet de
dissuasion, le législateur français a alors érigé une technique de renvoi au bénéfice de
l’article 225-1 du Code pénal, qui comporte à ce jour la liste la plus exhaustive de ces motifs.
Cette technique incitative a été initiée par le député Lionel Tardy. C’est lors de l’examen de la
loi du 24 mars 2014 relative à l’accès au logement et un urbanisme rénové
199, alors que le texte
initial se contentait de compléter la liste des motifs de discrimination qui figurait à l’article 1er
de la loi du 6 juillet 1989
200 pour la mettre à niveau sur celle du Code pénal, que la commission
des affaires économiques de l’Assemblée nationale, dont M. Tardy était député, a modifié
l’article 1er de façon à substituer à l’énumération un renvoi vers l’article 225-1. Le rapporteur
indiquait privilégier la technique du renvoi sur celle consistant à compléter l’énumération au
motif que cette dernière «solution présente [...] un léger inconvénient, en ce que toute
modification de la législation pénale impliquerait une modification de la loi de 1989, puisque
rien ne justifie que les discriminations réprimées par la loi diffèrent entre le secteur du logement
et le droit commun»201. Cette position a été confirmée par l’adjonction d’un nouveau motif de
discrimination (le lieu de résidence) par l’article 15 de la loi du 21 février 2014202. Ainsi,
l’initiative de la démarche débutée avec la loi du 24 mars 2014 mériterait d’être continuée et
étendue pour accorder au droit de la discrimination une cohérence qui lui fait aujourd’hui
défaut. De plus, le cadre juridique de la lutte contre les discriminations semble aller à l’encontre
d’une cohérence des normes de références. En effet, dans certaines situations, le choix de la
198Mme Gwénaële CALVES lors de son audition. Sénat, Commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du Rè
glement et d’administration générale, Rapport n°94 : Projet de loi relatif à la lutte
contre les discriminations, présenté par Mme Esther BENBASSA et M. Jean-René LECERF, 12 nov. 2014.

[http://www.senat.fr/]
199 Loi n°2014-366 du 24 mars 2014 relative à l’accès au logement et un urbanisme rénové.
200 Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
201 Rapport n° 1329 (XIVe législature) de M. Daniel GOLDBERG et Mme Audrey LINKENHELD, fait au nom
de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
202 (Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.) De même, il n’était
pas non plus nécessaire d’intervenir dans la loi du 6 juillet 1989 (Loi n°
89-462 du 6 juillet 1989 précitée.) alors
que l’harmonisation des dispositions législatives du 27 mai 2008 (Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 précitée) et du
Code du travail était nécessaire afin d’accorder toute sa portée à ce nouveau critère.
57



Page 59
base juridique de référence semble difficile. On assiste à une fragmentation et une disparité des
dispositions relatives à la non-discrimination.
D’ailleurs, le rapport du Conseil d’État sur le principe d’égalité de 1996 énonce que « la non-
discrimination […] constitue une application stricte du principe d’égalité entre les sexes,
affirmé par le préambule de la Constitution de 1946 toujours en vigueur. En revanche, elle ne
peut avoir pour prétention de réaliser l’égalité réelle des hommes et des femmes dans tous les
aspects de la vie sociale»203.
26.
Le maintien des inégalités entre les hommes et les femmes. Ayant ainsi délimité le
domaine de la recherche, notre propos consistera à démontrer que, malgré l’invocation
constante d’un principe d’égalité homme-femme en droit, la pratique permet largement de
con
stater qu’il existe encore des inégalités204 homme-femme. Sans doute, la question ne semble,
à première vue pas novatrice, du moment où l’égalité homme-femme en droit a déjà fait l’objet
de nombreuses analyses et par d’éminents auteurs. De même, la rupture d’égalité homme-
femme correspond parfois à des situations bien connues en droit constitutionnel. On songe par
exemple à la question de la pension de retraite205. Cette rupture d’égalité de traitement trouve
bien une place dans la jurisprudence, la loi et la Constitution. En somme, pendant fort longtemps
l’égalité n’avait qu’une valeur ornementale, car la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen qui en représente la base initiale n’était pas, elle-même, juridiquement consacrée. Force
est de noter que c’est dans la recherche du « juste», que la Déclaration des droits de l’homme
et du citoyen a été élaborée. D’ailleurs, la doctrine affirmait que cette dernière n’avait fait que
formuler des «principaux axiomes dégagés par les philosophes et les publicistes, comme les
fondements d’une organisation politique juste et rationnelle»206. En effet, sans valeur
juridique
207, l’égalité demeurait une « recommandation politique»208 ou «une simple
promesse
»209.
203 Rapport du Conseil d’État, Sur le principe d’égalité, Paris, La documentation française, 1998, p. 1.
204Dictionnaire Littré, (en ligne) sens 1 : « qualité de ce qui n’est pas égal » ; Dictionnaire Larousse (en ligne) :
« Caractère, état de choses ou de personnes inégales entre elles ».
205 CE, 29 juillet 2002, Griesmar, Req. n° 141112.
206A. ESMEIN, Eléments de droit constitutionnel français et comparé, t. 1, 7e éd. Sirey, 1921, p. 553.
207 M. HAURIOU, Précis de droit constitutionnel, 2e éd. Sirey, 1929, p. 640.
208 R. CARRE de MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’Etat spécialement d’après les données
fournies par le droit constitutionnel français, t. 1, éd. Sirey, 1920, p. 298.
209 A. ESMEIN, Elément de droit constitutionnel français et comparé, revue par N. NEZARD, t. 1, 8e éd. Sirey,
1927, p. 600, selon qui l’exercice d’un droit ou d’une liberté suppose « une réglementation que doit en faire le
législateur et tant que cette réglementation n’a pas eu lieu, le droit déposé, garanti dans la constitution, ne peut être
exerc
é ; il reste là comme une simple promesse ».
58




Page 60
27.
Intérêt du sujet. L’intérêt du sujet tient en ce qu’il permet d’analyser le degré
d’effectivité du droit à l’égalité entre homme-femme. De plus, ce travail permettra d’expliquer
pourquoi le droit n’arrive pas à mettre en œuvre une égalité de facto. En effet, si l’on ne peut
pas définir avec précision la notion d’égalité des sexes, on peut néanmoins supposer que traiter
de l’égalité des sexes revient en conséquence à relater les aspirations de la femme et de l’homme
à supprimer certaines inégalités dans un objectif de justice. On peut ainsi saisir «les hésitations
du Droit à réaliser
»210 cette égalité. La doctrine s’accorde sur un point essentiel, celui de
« l’existence fondamentale d’une hiérarchie des sexes et, plus précisément, sur l’universalité de
la domination masculine»211. En utilisant cette hiérarchie, nous pouvons saisir «la structure de
la relation interactive entre le droit et la société» comme l’enracinement de « la division
sexuelle» de la société par le droit, en particulier dans cette domination masculine et cette
hiérarchie. En outre, dans cette veine, nous pouvons saisir un certain modèle de valeur du droit
qui érige comme standard commun universel la hiérarchie des sexes et la domination masculine.
Ici, cette conception ne permettait pas à la femme d’avoir un statut social. Elle n’était qu’une
génitrice. Souvent elle était réduite à une propriété du mari et incapable juridiquement. Même
si « la notion d’égalité des sexes est donc, par origine, revendicatrice. Elle est la revendication
d’un changement de status et de l’accès à un autre status ». Ce faisant, elle procède elle-même
de ce système de pensée
»212. De plus, comme pour la structuration, la notion d’égalité des sexes
est «dynamique et revendicatrice» ce qui «implique une idée de mouvement par rapport à un
état, mais c’est une notion qui n’est jamais globale, elle repose sur des balances globales
particulières, spécifiques à tels droits ou valeurs auxquels la femme n’accède pas ou pas aussi
aisément que le mâle»213.
28.
Si la structuration a pour effet la production de modèles dans la société, cela inclut
également « un mode de transformation du droit plus profond qu’on ne le suppose
habituellement dans la comparaison des systèmes juridiques»214. Aussi, nous devons saisir le
processus d’accueil des valeurs issues d’une tradition patriarcale et celles issues d’une
revendication portant sur un idéal de justice qui remet en cause la répartition des droits sur la
balance particulière de l’égalité homme-femme. Souvent, on peut constater des conflits et des
tensions entre ces différentes valeurs, c’est-à-dire celles qui existent déjà dans le système
210 589 D. ALLAND, S. RIALS (dir). Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 589.
211 Ibid.
212 Ibid., p. 591.
213 Ibid.
214 K. HASEGAWA, «The structuration of law and its working in the japanese legal system», op. cit., p. 320.
59



Page 61
juridique et celles qui sont en cours d’introduction. Opérant toujours de la même représentation
des sexes, le Droit a eu généralement une attitude protectrice de la femme. En ce sens, la femme
était avant tout une épouse et une mère potentielle qui dispose d’une condition physique plus
faible que celle de l’homme.
29.
L’ancienne Constitution tunisienne du 1er juin 1959215 n’était pas, sur le plan substantiel,
une copie de la Constitution française de 1958. Elle s’inspirait davantage du modèle américain
puisque le Président Bourguiba a choisi le régime présidentiel et elle n’a pas été non plus une
copie de « la Constitution américaine »
216, car le Président en Tunisie disposait de plus de
pouvoirs que le Président des États-Unis. Sous le régime de la Constitution tunisienne de 1959,
le pays est devenu un modèle de référence en matière d’émancipation des femmes217. Le
problème essentiel dans le cadre de cette thèse est d’aborder de manière objective le contenu
du droit constitutionnel inhérent à chaque État. L’objectif est de déterminer s’il y a une
adéquation de la règle juridique au regard des obligations qui incombent à chaque État de
garantir un droit égalitaire entre les sujets de droit. En outre, l’étude permettra de montrer si le
droit dans les deux États assure une application concrète de ce principe ou si, au contraire, il
subsiste actuellement des différenciations de traitement entre la femme et l’homme. L’objectif
de cette comparaison en matière de droit constitutionnel est de comprendre l’évolution de la
place de la femme dans deux sociétés fondamentalement différentes au niveau culturel, l’un
représentant l’Europe et l’autre l’Afrique. Nous verrons que, même si des influences de la
France du point de vue de l’organisation juridique tunisienne persistent, certaines branches du
droit tunisien s’éloignent totalement du modèle français. En effet, le droit tunisien demeure en
grande partie influencé par l’Islam et d’autres règles issues d’un héritage historique plus récent.
En d’autres termes, nous serions confrontées à deux droits très différents, mais qui répondent
parfois à certaines exigences et aspirations communes. Il faudra alors les cibler, les décrypter
et tenter de les comprendre. Cette étude pourra aussi apparaître à certains égards comme un
bilan de la situation de la femme au XXI
e siècle. Elle permettra de vérifier les mots d’un célèbre
romancier français, Honoré de Balzac, qui jugeait que « l’égalité peut être un droit, mais [qu’]
aucune puissance humaine ne saurait la convertir en fait».
215 Adoptée par l’Assemblée nationale constituante, elle comprenait un préambule et 64 articles répartis en dix
chapitres. Voy. sur ce sujet de manière détaillée, V. SILVERA, « Le régime constitutionnel de la Tunisie : la
Constitution du 1
er juin 1959 », in, Revue française de science politique, n° 2, 1960, p. 381.
216 Ibidem. p. 392.
217 Voy. K. MEZIOU, « Constitution et égalité hommes et femmes », Cours à l'Académie internationale de Droit
constitutionnel,
juillet 2004, Rec. Des
Cours, Vol. XIV.
in Constitution et principe d'égalité, XXème
session, 10-22
60



Page 62
30.
Le droit international comme inspiration. Pour compenser l’absence d’un droit
régional efficace, la Tunisie s’est donc inspirée du droit international, notamment de la
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
(CEDAW) afin de promouvoir le principe d’égalité homme-femme. La Convention exige des
États partis, dont la France et la Tunisie, de prendre «toutes les mesures appropriées, y compris
des mesures législatives, pour assurer le plein épanouissement et le progrès des femmes en vue
de leur garantir l’exercice et la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales
sur la base de l’égalité avec les hommes »218. Aussi, le droit international est devenu une source
contraignante pour l’État tunisien au même titre que le droit de l’Union européenne pour la
France. Le droit international est venu affirmer le principe de l’égalité entre l’homme et la
femme.
31.
Problématique. Appréhender la question de l’existence du principe d’égalité homme-
femme sous l’angle de la recherche de la justice, n’est-ce pas trop risqué? On aurait
certainement raison de répondre par l’affirmative, car, en droit constitutionnel, les dispositions
ne nous éclairent pas sur la corrélation entre les deux notions de justice et d’égalité. Mais, on
peut affirmer que la réalité de l’égalité homme-femme ne s’est jamais imposée comme une
évidence. Si un principe général du droit nous indique son existence dans le passé, ce droit a
depuis trouvé un fondement et une valeur constitutionnelle explicite. Mais «jamais personne
n’en a donné une définition assurée »219. Ainsi, l’égalité homme-femme, au même titre que
l’égalité, domine toutes les branches du droit. Aussi, comme déjà évoqué, le principe d’égalité
homme-femme comme celui de l’égalité « ne se laisse pas facilement saisir»220. Elle paraîtrait
même «
se dérob [er] à toute définition stable»221. Le droit constitutionnel permet la
proclamation des droits et libertés fondamentaux. La Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 «va synthétiser, laïciser et universaliser les principes»222. Dans le cadre de
cette synthèse, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce des «revendications
idéologiques
»223, notamment celle de l’égalité. L’article 1er dispose que «Les hommes naissent
et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur
218 Art. 3.. CEDEF.
219 G. VEDEL, « L’égalité », op. cit., p. 172.
220 A. LYON-CAEN, « L’égalité et la loi en droit du travail », Dr. social 1990, p. 68.
221 V. LASSERRE-KIESOW, « L’égalité », JCP G 2010, n°23, p. 643.
222 V. BARBÉ, L’essentiel du Droit des Libertés fondamentales, Lextenso, 2014, Les Carrés, p. 24.
223 Ibid., p. 25.
61




Page 63
l’utilité commune ». Au demeurant, cette déclaration reste particulièrement inspirée par les
idées de Jean-Jacques Rousseau ainsi que la philosophie individualiste libérale (XVI
e). La
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 éprouve les droits naturels. Par
conséquent «
elle ne crée pas de droits nouveaux»224. Ces droits sont notamment universels,
car ils sont identiques à tous les individus. Ainsi, la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen admet des droits à tous de manière abstraite. Compte tenu du contexte de l’Ancien
régime, la déclaration en réaction à ses abus est empreinte par la dimension de la liberté et de
l’égalité. Outre, l’établissement du principe de la garantie des droits par la séparation des
pouvoirs225. Parfois, l’égalité est plus qu’une règle de droit, il s’agit d’un standard, un principe
directeur qui permet au juge de s’adapter aux exigences d’une société plus « juste», c’est-à-
dire plus égalitaire et équitable. C’est ainsi qu’« à la rigidité de la règle on peut opposer la
souplesse du standard, qui se borne à donner, en termes généraux, la mesure de conduite
moyenne d’une personne normale dans des circonstances déterminées, laissant au juge le soin
d’adapter cette mesure à chaque espèce particulière»226. Selon Pound, c’est bien le juge qui
serait l’interprète
227. Ainsi, en droit positif, l’égalité homme-femme est érigée en principe
général du droit et en norme constitutionnelle. Il y aurait une remise en cause de la pyramide
des sources de droit par la contribution de ce mouvement. En conséquence, on constate
l’élargissement du champ d’application du droit à l’égalité homme-femme, en particulier avec
la convention européenne des droits de l’homme. Ces droits de « l’irréductible humain » ainsi
définis par Mireille Delmas-Marty
228 seraient enrichis par plusieurs sources. Cela transparaît
par la multitude de standards qui exprime une légitimité et l’expansion de principes directeurs
qui conduisent les juges à se référer régulièrement aux libertés propres aux sociétés
démocratiques. La multiplicité de standards et de principes se référents à des textes fondés sur
les principes des droits de l’homme nous pousse à mener une réflexion sur l’existence de
principes ou de standards communs aux sociétés démocratiques. Aussi, on peut se demander
s’il n’existerait pas un principe supérieur, un standard supérieur de l’égalité homme-femme.
L’aspect philosophique du sujet se réfère à la notion du droit naturel qui paraît pour certains
224 Ibid.
225 Art. 16 de la Constitution.
226 A. AL-SANHOURY, Les restrictions contractuelles à la liberté individuelle de travail dans la jurisprudence
anglaise. Contribution à
l’étude comparative de la règle de droit et du standard juridique, Paris, Marcel Giard,
1925, p. 40.
227Voy.entre autres, sur le sujet de la théorie des sources et du rôle du juge dans le système de la Common Law
(élaboré par Pound), B. Z TAMANAHA, Beyond the Formalist Realist Divide: the Role of Politics in Judging,
Princeton, Princeton University Press, 2010, pp 13-26.
228 M. DELMAS-MARTY, « Le crime contre l’humanité, les droits de l’homme et l’irreductible humain », Revue
de science criminelle et de droit pénal comparé, 1994, n° 3, pp. 477-490.
62


Page 64
auteurs comme «en parfait accord avec latmosphère idéologique qui anime la théorie des
principes généraux du droit
»229. Comme nous l’avons vu plus haut, malgré cette légitimation
théorique de l’existence d’une égalité homme-femme relative, on retrouve des exemples
pratiques dans lesquels les juges ont admis des traitements inégalitaires entre homme-femme
sur le fondement de la différence de situations ou de sauvegarde de l’intérêt général.
32.
Plan de l’étude. Pour réussir le dessein de formuler des recommandations, de nombreux
obstacles devront être franchis. Le principe d’égalité homme-femme est complexe et nécessite
l’appréhension de nombreux concepts. Il irrigue toutes les branches du droit. Aussi, nous avons
tout d’abord décidé d’opérer par l’étude du contenu du droit. Ce qui permet par là même
d’étudier l’égalité homme-femme en tant que principe. Nous verrons également que la
recherche de l’égalité homme-femme en droit n’est rien d’autre, au fond, que celle de la justice.
Selon l’approche de Kant, cette dernière voit en premier lieu dans la notion de juste le respect
de la personne. En cela, il définit une justice qui passe nécessairement par le respect de la
considérable dignité de l’être humain. C’est pourquoi, la personne raisonnable, en ce qu’elle est
un sujet de droit doit respecter la dignité humaine. Elle est une réflexion de ce qui se donne
pour justice. Autrement dit, être juste se révèle par le fait de traiter l’humanité comme une fin :
«Agis de telle sorte que tu traites lhumanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne
de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un
moyen»230. Le respect de la dignité devant la justice découle du respect de la dignité
mutuelle
231. À cet égard, il conviendra dans une première partie de déterminer les fondements
juridiques du principe d’égalité homme-femme en insistant sur son caractère pluriel (Première
partie). L’étude de la jurisprudence permettra de mesurer le degré d’effectivité du principe et
donc de constater que la relativité dépend d’une diversité de facteurs de structuration du
principe d’égalité des sexes (Seconde partie).
229 B. JEANNEAU, Les principes généraux du droit dans la jurisprudence administrative, Paris, Sirey, 1954, p.
225.
230 KANT, Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785.
231 Proudhon, De la justice dans la révolution et dans l'Église, 1858. L’approche entamée par l’auteur sera
développée par Proudhon en 1858. Il propose la définition suivante de la justice ; « La justice... est le respect,
spontanément éprouvé et réciproquement garanti, de la dignité humaine, en quelque personne et dans quelque
circonstance qu'elle se trouve compromise, et à quelque risque que nous expose sa défense. De l'identité de la
raison chez tous les hommes, et du sentiment de respect qui les porte à maintenir à tout prix leur dignité mutuelle,
résulte l'égalité devant la justice.
63





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Page 67
PREMIÈRE PARTIE :
LES FONDEMENTS DU PRINCIPE DE
L’ÉGALITÉ HOMME-FEMME
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Page 69
33.
L’harmonisation par transfert de droit. L’harmonisation peut revêtir plusieurs sens.
D’une part, elle consiste « à unifier des ensembles législatifs différents par élaboration d’un
droit nouveau empruntant aux uns et aux autres»232. D’autre part, l’expression peut simplement
désigner un «rapprochement entre deux ou plusieurs systèmes juridiques ». Il s’agit ici d’une
coordination233. Parfois, cette harmonisation peut avoir un caractère social. Il s’agit d’une
« technique souple d’égalisation dans le sens du progrès des conditions de vie et de travail entre
plusieurs pays, le plus souvent interdépendant économiquement»234. On peut définir le transfert
de droit comme étant « le phénomène beaucoup plus large que celui qu’on désigne
habituellement du nom de “mimétisme institutionnel” (imitation, plus ou moins servile par l’ex-
colonisé du droit de la métropole) : par le transfert de droit, un droit est transmis, d’une société
à une autre, avec ou sans contrainte […] 
»235. Il peut s’agir « tantôt d’une “acculturation”, c’est-
à-dire d’une “transformation globale” d’un système juridique au contact d’un autre, tantôt
simplement d’un “emprunt” portant sur une institution particulière »236. Il reste que la Tunisie
semble opérer d’une manière assez semblable à celle du Japon dans la réalisation d’une greffe
d’un droit é
tranger dans le système juridique interne237. Cette greffe semble pleinement être un
succès. Au même titre que le Japon est fascinant en Asie, la Tunisie l’est dans les pays arabo-
musulmans. C’est un pays qui a aussi su lier la tradition et la modernité. La tradition qui résulte
de la transplantation de la
communauté juridique238 arabe musulmane dans le système juridique
tunisien. La modernité quant à elle résulte des « expériences dites d’ingénierie constitutionnelle
(importation du modèle constitutionnel occidental) dans d’autres pays »239. Ainsi, l’importation
du modèle constitutionnel français a été possible, car le système juridique tunisien, dans lequel
a eu lieu cette transplantation240 a des caractéristiques propres favorables à la greffe de ce
système juridique. En bref, le transfert qui réussit est un transfert qui ne laisse derrière lui
aucune trace
»241. En somme, il y a eu des « tentatives d’occidentalisation des systèmes
politiques africains»242. Notamment avec l’importation du modèle constitutionnel français en
232 G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 2016, p. 506.
233 Ibid.
234 Ibid.
235 J.-J. SUEUR, Une introduction à la théorie du droit, op. cit., p. 56.
236Ibid. : « Ce phénomène de transfert peut revêtir des formes variables ».
237 Ibid., p. 61.
238 G. HUSSERL, Recht und zeit, Fünf rechtsphilosophische Essays, Francfort, 1955, pp. 10et s. ; J.-J. SUEUR,
Une introduction à la théorie du droit, op. cit., p. 58.
239 J.-J. SUEUR, Une introduction à la théorie du droit, op. cit., p. 57.
240 Ibid., p. 58 ; G. HUSSERL, Recht und zeit, op. cit., pp. 10 et s
241 J. J. SUEUR, op. cit., p. 58.
242 Ibid., p.57.
68



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Tunisie. Mais bien avant la colonisation le système juridique tunisien subit d’autres formes de
domination. Concrètement, de nombreux discours juridiques établissent une opposition entre
égalité formelle et égalité réelle. Pour certains, cette opposition «conduit à limiter, et parfois
même à empêcher, l’appréhension de dispositifs juridiques permettant de lutter concrètement
contre les inégalités de fait qui touchent encore majoritairement les femmes»243. L’égalité
formelle est dans son acception définie comme l’application d’un traitement juridique identique
à des personnes qui sont placées dans des situations similaires244. Par ailleurs, elle suppose
seulement « l’interdiction de la discrimination directe en raison du sexe par la neutralité des
normes juridiques et des pratiques des employeurs ou des fournisseurs d’accès aux biens et aux
services au regard du sexe des individus»245. Sous le prisme de l’égalité formelle,
l’interprétation de l’égalité n’implique pas systématiquement que les femmes en tant que
catégorie plus désavantagée soient favorisées. Ainsi, l’égalité formelle va justifier la
contestation des mesures «de discriminations positives ». En d’autres termes, l’émergence
d’une égalité formelle puiserait ses sources dans l’affirmation de jure de l’égalité homme-
femme, ce qui pose inévitablement la question de son interprétation. Pour expliquer les
problèmes juridiques que l’égalité des droits génère et décrire leur exacte réalité, nous avons
choisi en premier lieu de retracer l’émergence d’une égalité formelle qui trouverait ses racines
dans l’affirmation de jure de l’égalité homme-femme dans les différentes Constitutions.
L’émergence de l’égalité entre les hommes et les femmes s’est fondée sur des sources plurielles
(Titre I), et, par conséquent, il existerait non pas un seul fondement, mais bien une diversité.
(Titre II).
243 E. FONDIMARE, « La mobilisation de l’égalité formelle contre les mesures tendant à l’égalité réelle entre les
femmes et les hommes : le droit de la non-discrimination contre les femmes ? », La Revue des droits de l’homme.
p.1. Disponible en ligne [http://journals.openedition.org/revdh/2885]. Mis en ligne le 10 janvier 2017, consulté le
11 mars 2017.
244 A. BYRNES, « ARTICLE 1 », IN M. FREEMAN, CH. CHINKIN, B. RUDOLF (Dir.), The UN Convention on
the elimination of all forms of discrimination against women. A Commentary, Oxford University Press, 2012,
p. 53: « ‘Formal equality’ often refers to […] the ‘samenesse’, ‘similarly situated’, or ‘identical treatment’
approach to equality. It embodies the presumption that equality means that all persons are to be treated identically,
and a failure to do so amounts to discrimination or a denial of equality ».
245 Ibidem.
69






Page 71
TITRE I :
LE PLURALISME DES FONDEMENTS DE
LÉGALITÉ HOMME-FEMME
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71





Page 73
34. Tenter de concilier la réalité de l’ensemble des dispositions juridiques des différents
systèmes juridiques avec l’égalité
homme-femme consiste, tout d’abord, à mettre en avant les
justifications d’une approche similaire appliquée à des États qui se distinguent par leur histoire
et leur culture et à vérifier que les solutions qui découlent de cette approche coïncident avec les
impératifs poursuivis par la Constitution de chaque État. Si aujourd’hui, les femmes aspirent à
plus d’égalité, c’est véritablement grâce à leur histoire
246. Celle-ci est marquée par ceux qui ont
eu le courage de mener une réflexion sur la question de l’égalité des sexes. Tahar Haddad fut
celui qui eut le courage de penser l’égalité des sexes en amorçant la question de l’émancipation
des Tunisiennes. Selon lui, « La femme est la mère de l’homme. C’est la moitié de l’homme et
la deuxième partie de la nation, en qualité et en quantité, comme en capacité de production... Si
donc nous mésestimons la femme et oublions le discrédit et le mépris en lesquels, elle se trouve
être aujourd’hui, cela ne saurait être qu’une forme de la mésestime en laquelle nous nous tenons
nous mêmes...»247 Cette citation fait échos au choix social et politique de la Tunisie de
s’engager dans la voie de l’égalité des sexes sur le plan de la citoyenneté et devant la loi. Ce
qui implique le questionnement de la situation matérielle réelle des femmes pour leur
contribution au développement économique, social et culturel. Ceci nécessite donc que la
femme tunisienne, appelée à assumer un rôle plus actif dans la construction d’un nouvel état
démocratique, jouisse pleinement d’un droit à l’éducation
248 afin d’accéder au droit, de le
comprendre et de participer à son développement en tant qu’actrice à part entière. C’est dans
ce contexte socioculturel, que l’État moderne libéral a dû s’organiser pour mettre en place une
structure constitutionnelle ainsi qu’une organisation institutionnelle pour établir des normes qui
résultent de la théorie du droit et de la gouvernance. L’outil juridique de la gouvernance se
trouve dans la norme constitutionnelle, dont l’importance est centrale puisqu’elle est la norme
suprême juridique interne. La Constitution organise les organes de l’État en prévoyant
juridiquement leurs compétences, leurs pouvoirs et leurs obligations. La Constitution, dans le
cadre d’un État démocratique, protège les droits et les libertés de la personne. Dans le droit
246 G. FRAISSE, Les femmes et leur histoire, Folio Gallimard, 1998, 624 pages ; M. PERROT, Les Femmes ou les
silences de l'Histoire
, Flammarion, 1998, 493 pages.
247T. HADDAD, Notre femme dans la législation musulmane et dans la société, Maison de l'édition tunisienne,
1930.
248 Comme nous l’explique à juste titre Philippe Raimbault, le droit à l’éducation implique des conditions
d’organisation qui « prennent la forme d’un service public que l’État se doit d’instituer sur l’ensemble du
territoire ». Aussi, l’effectivité de ce droit implique également que ce service soit « soumis au principe de gratuité,
au moins pour ce qui concerne la scolarisation dans les établissements scolaires publics ». Ph. RAIMBAULT,
« Accès à l’éducation et à la formation », in Dictionnaire Juridique de l’égalité et de la non-discrimination, D.
THARAUD, C. BOYER-CAPELLE (Dir .,), L’Harmattan 2021, p. 6.
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Page 74
tunisien, cela n’a pas toujours été le cas249. Concernant la Constitution tunisienne de 1959, il
est certain qu’elle a fait l’objet d’une évolution importante au fil de l’histoire. Depuis un demi-
siècle, elle est décrite comme étant «qu’une simple image multicolore d’un carcan juridique de
plus en plus serré, au fur et à mesure du temps, face au changement démocratique».250 Tout
comme en France, la Tunisie a connu de nombreuses sources d’influences dans la construction
et l’évolution de la notion d’égalité des sexes. On entend ici par le mot influence l’idée d’un
« Pouvoir social et politique de quelqu’un, d’un groupe, qui leur permet d’agir sur le cours des
événements, des décisions prises». Ainsi, pour les deux États, l’émergence de ce droit n’a été
possible qu’avec la reconnaissance juridique de ce droit. Ce pluralisme des sources transparaît
à travers la portée du fondement constitutionnel de l’égalité homme-femme (Chapitre I), mais
aussi à travers l’accentuation jurisprudentielle du morcellement des normes de références
(Chapitre II).
249 En effet, la loi organique n°32 du 3 mai 1988 prohibe toute intervention des traités internationaux concernant
les libertés et les droits de l'Homme. Le préambule de la Constitution de 1959 proclame la volonté d’« instaurer
une démocratie fondée sur la souveraineté du peuple et caractérisée par un régime politique stable et basé sur la
séparation des pouvoirs
» et ensuite « que le régime républicain constitue la meilleure garantie pour le respect des
droits de l'Homme, pour l'instauration de l'égalité des citoyens en droits et en devoirs... ».
250Ibid.
73



Page 75
CHAPITRE
I : LA PORTÉE DU FONDEMENT
CONSTITUTIONNEL DE L’ÉGALITE HOMME-FEMME
35.
Le fondement constitutionnel de l’égalité des sexes. La question du fondement
constitutionnel de l’égalité des sexes implique également de se référer aux dispositions
constitutionnelles qui consacrent le droit à l’égalité. En effet, l’égalité des sexes peut se
présenter comme étant une composante du principe de l’égalité. Compte tenu de l’histoire
constitutionnelle française, le principe d’égalité y occupe une place particulière sur laquelle la
doctrine s’accorde. Aujourd’hui, « sur l’échiquier des droits fondamentaux, l’égalité représente
assurément une pièce maîtresse »
251. Le droit à l’égalité bénéficie de fondements pluriels dans
la Constitution et il prend sa source dans des textes constitutionnels précis. Il convient
d’examiner si le droit à l’égalité est également devenu une norme de référence incontestable au
sein de la Constitution tunisienne et de rechercher les fondements identifiables et potentiels de
l’égalité des sexes au sein des Constitutions française et tunisienne. S’il résulte de l’analyse
l’existence de la valeur constitutionnelle de l’égalité homme-femme en France, on peut
également constater la consécration de la même valeur à ce droit en Tunisie. Dans un premier
temps, la consécration du principe d’égalité des sexes s’est réalisée de manière implicite et elle
marque l’aboutissement d’une évolution juridique historique. Dès lors, les circonstances dans
lesquelles a été introduite l’égalité des sexes dans le système juridique (Section 1) ont constitué,
dans un second temps, un cadre favorable à l’introduction explicite de l’égalité des sexes et elle
constitue le premier point de convergence entre les deux systèmes (Section 2). En France, ces
fondements sont dégagés par le Conseil constitutionnel afin de saisir la diversité de ses
composantes, notamment celui de l’égalité des sexes. En Tunisie, la Cour constitutionnelle n’a
pas eu de rôle important dans la construction de la signification du droit à l’égalité. En effet,
l’absence d’une Cour constitutionnelle effective sous l’ancien régime et l’attente de
l’instauration de cette dernière depuis la révolution de 2011 expliquent l’absence de rôle joué
par le juge constitutionnel tunisien en la matière. Les assises textuelles du droit à l’égalité
s’analysent comme autant de sources, à la disposition du législateur, pour assurer l’égalité des
sexes comme un droit constitutionnellement garanti. Ces garanties peuvent résulter de
dispositions spécifiques, mais également de la multitude de fondements textuels généraux.
Toutefois, en Tunisie, le législateur pourrait se trouver limité dans la garantie de ce droit.
251 L. FAVOREU et al., Droit Constitutionnel, Dalloz, 2018. p. 1057.
74




Page 76
Section 1 : De la formule «tous les citoyens » à la consécration de l’égalité
entre «les citoyens et les citoyennes»
36.
La multiplicité des structures du système juridique tunisien. Si l’on reprend
l’analyse d’HASEGAWA, la Tunisie a connu dans l’interaction entre le droit et la société une
intégration dans la structure d’une approche plus égalitariste que la France au cours de son
histoire. Toutefois, contrairement à la France où le sujet de l’égalité dans tous les domaines est
ancré dans les mœurs, la Tunisie s’est intéressée à la question des discriminations des femmes
de manière assez contemporaine. Pour comprendre comment ce sujet s’est imposé dans ce pays,
il faut nécessairement se placer dans une perspective historique. L’égalité homme-femme, sa
protection et sa promotion ont longtemps été considérées comme secondaires. La recherche de
la protection de l’égalité homme-femme correspond à l’examen de la possibilité pour les
différents systèmes juridiques de comporter une disposition composant le fondement juridique
de ce droit. Cela n’est possible que s’il existe au préalable une reconnaissance du principe
d’égalité homme-femme dans le système juridique propre à chacun des deux États étudiés. Or,
tel semble a priori être le cas des femmes. Il faut donc tenter de déterminer le contexte
d’intégration de la notion d’égalité homme-femme en droit tunisien à la lumière du droit
français, et pour cela, analyser les influences culturelles et juridiques dans les différentes
« sphères »252. Quoi qu’il en soit, il convient de relever que c’est la révolution du Jasmin de
2011 qui a ravivé le sujet de l’égalité des sexes dans ce pays dont une partie profonde de sa
structure est de tradition « arabo-musulmane ». En effet, la révolution du Jasmin a amorcé une
« transition constitutionnelle » qui pose les nouvelles bases d’un État démocratique
253. Ici, la
question est de savoir si l’égalité homme-femme est un modèle de valeurs du droit déjà existant
dans la structure juridique tunisienne.
37.

Les influences « Kémaliste » et Égyptiennes dans la structure juridique tunisienne.
Il existe une double influence dans l’évolution sociale et juridique de la femme tunisienne en
dehors des influences française et tribale. Les réformes adoptées sont en partie inspirées du
mouvement égyptien et turc. Ces influences ont marqué la structure juridique tunisienne, car
252 Sphères politique, culturelles et économiques.
253 N. MARZOUKI, « La transition tunisienne : du compromis démocratique à la réconciliation forcée », Pouvoirs,
2016/1, n° 156, pp. 83-94.
75






Page 77
certains pays deviennent une véritable source d’inspiration. Ainsi, ce sont les réformes
« kémalistes »254 pour émanciper la femme turque qui ont ouvert la porte au débat dans d’autres
pays. Cette période propice au changement va générer une dynamique convergente entre le
modèle turc et divers projets de réformes menés par d’autres chefs d’État255. Le modèle turc a
fasciné le monde musulman et surpris le monde occidental. La femme turque a bénéficié
d’avancées en termes de droit bien avant la femme européenne. Mais, cette avancée est nuancée
par de nombreuses réactions de rejet sur le territoire arabo-musulman. Les conservateurs
encadrés par les ulémas condamnent le modèle Kemaliste au motif de la conservation du
patrimoine arabe. La laïcité est condamnée par les frères musulmans d’Égypte256 en raison de
son incompatibilité avec l’Islam. Cette hostilité envers ce modèle n’est pas exclusivement
nourrie par le conservatisme religieux. La géopolitique est un autre facteur du rejet à l’égard du
modèle turc.257 Même si ces États admirent cet élan de modernisation des droits des femmes,
les différends diplomatiques notamment à l’égard de l’Empire ottoman perçu comme un
colonisateur ont été un frein à l’implantation d’un modèle d’émancipation des droits des
femmes dans la région258. Le kémalisme a exercé une certaine influence, mais n’a jamais été
décalqué par ces pays voisins et plus lointains. Malgré la difficulté à exporter ce modèle, pour
une partie des élites arabes et musulmanes, il demeure une référence. Dans le cas de la Tunisie,
254 La Turquie est le premier État musulman à avoir adopté un régime républicain laïc dans le monde musulman.
Il s’agit des réformes prises par Mustafa Kemal Atatürk (Mustafa Kemal Atatürk « père » de la Turquie moderne
a adopté des réformes radicales. Elles ont pour principal objectif d'instaurer une constitution ainsi que des réformes
visant l'émancipation des femmes).
Atatürk a été le premier à s’opposer aux conservateurs des pays arabo-
musulmans. Cette opposition va aboutir à la mise en place d’un État moderne d’origine perse. Cet État moderne
devient anticlérical, progressiste et laïc. La Turquie devient une source d’inspiration, car elle est considérée comme
un modèle d’inspiration.
L'histoire démontre un rapprochement avec ces pays. Toutefois, elle met en évidence le
facteur géo-
politique en tant qu'obstacle. En 1934, le chef de l’État iranien Reza Chah Pahlavi, a été pendant
plusieurs semaines l’hôte d’Atatürk. Il a demandé depuis Ankara par télégramme à son premier ministre,
Mohammed Ali Faruahi, d'accélérer les mesures d'occidentalisation. Pour cela il a suivi le modèle turc en
s'attaquant dans un premier temps aux symboles, notamment en remettant en cause le couvre-chef des hommes et
le tchador féminin. D'autres mesures ont suivis ; l'interdiction de la polygamie, l'abolition des titres de noblesse
ainsi que le cléricalisme de l’État.
255 Parmi ces partisans ; Jinnah au Pakistan, Chadli Ben Chedid en Algérie, Abd el-Aziz Fahmi en Egypte et enfin
Bourguiba en Tunisie. Les sujets de débats portent principalement sur les réformes de l'alphabet, le port de
vêtements de style occidental et l'ensemble des mesures touchant à l'émancipation féminine. Concernant la réforme
de l'Alphabet, en 1944, Abd- el- Aziz Fahmi propose la latinisation de l'écriture sur le modèle Turc en Égypte.
Concernant le port de vêtements, en 1952, il propose la mise en index du
tarbouche. Une mesure calquée sur la
réforme turque de Kemal avec l'abolition du
fez en 1925.
256Notamment par Hassan el Banna fondateur de l'association les frères musulmans d’Égypte en 1928.
257 En Syrie, certains contentieux politiques ont été l’occasion pour critiquer et remettre en cause les choix
doctrinaux du régime d’Atatürk. Ces contentieux portent sur le partage des eaux
de l'Euphrate ainsi que la
revendication de la Syrie sur la province de Hatay anciennement dénommée le sandjak d'Alexandrette. La province
de Hatay est située au sud-est de la Turquie. C'est une province de Turquie limitrophe de la Syrie. La surface totale
de cette province est de 5 403 km2 et comprend une population de 1 296 358 habitants. La région présente aussi
une diversité de religions.
258 Le cas de l’Irak conforte cette idée. L’État irakien était méfiant vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale
malgré un intérêt pour le modèle turc.
76



Page 78
il a fallu attendre la décolonisation pour envisager d’instaurer de nouvelles réformes inspirées
directement du modèle turc et d’autres inspirées par l’Égypte
259. Ce n’est que très tardivement
que les femmes du harem beylical ont eu accès à un enseignement calqué sur le modèle turc260.
Aussi, le choix du modèle égyptien par la Tunisie en matière de laïcité a pour conséquence une
meilleure acceptation et compréhension de cette transition par le peuple261. En effet, le président
Bourguiba admiratif d’Atatürk262 voulait instaurer le principe de laïcité dans la pratique. Il
désirait amener le peuple tunisien vers la voie de la laïcité malgré l’hostilité rencontrée. Sa
volonté de fer s’est rapidement heurtée au fait que le peuple n’était pas prêt à accepter ce
changement radical263. Il n’avait pas pris en compte la limite religieuse à ces réformes libérales.
Cependant, il a dû réaliser qu’une inscription constitutionnelle du principe de laïcité ne pouvait
être viable sans un travail sérieux pour changer de manière profonde et durable la société
tunisienne. C’est pourquoi la laïcité ne sera jamais consacrée dans un texte juridique même si
elle se renforce dans la pratique. Ce n’est que par la suite, au contact du système juridique
français que la question de la relation entre les droits des femmes et la laïcité sera de nouveau
259 Il existe en effet un point commun avec la vision égyptienne du principe d’égalité des sexes, celle de
l’intégration de l’Islam et de la nécessité d’interpréter les textes religieux pour une évolution des rapports homm
e-
femme. Le lien entre les deux Etats relève également d’une question d’altérité qui va certainement marquer le
dialogue juridique entre ces deux États. Voy. K. CHATER, « « La perception de « l’Autre » en Égypte et en
Tunisie au XIX
e siècle : l’émergence d’un nouveau paradigme », Cahiers de la Méditerranée, 2003, pp. 305-320.
De plus, ce dialogue juridique qui peut également être perçu comme constituant un miroir législatif, va également
constituer des laboratoires expérimentaux en matière de transition démocratique. P. PICCININ DA PRATA,
« Tunisie - Égypte : Un laboratoire exemplaire ? »,
Les Cahiers de l'Orient, vol. 109, 2013, pp. 65-87.
260 Ce sont ces femmes qui ont été les premières à bénéficier de ces réformes.
Les femmes
husseïnites avaient des origines ethniques différentes. Elles ont deux statuts juridiques qui
déterminaient leur place dans le harem. Le premier statut était celui d’épouse et le second de concubine. Leur
éducation était principalement assurée par des mouaddibas qui leur enseignaient le Coran afin de disposer d’un
minimum de connaissance religieuse.
En comparaison avec la Turquie, les femmes tunisiennes étaient peu éduquées notamment sur le plan de
l’éducation musicale, littéraire ou encore linguistique. Il faut attendre l’arrivée de Kmar Baya à la cour pour voir
des améliorations en la matière, car elle modernise l’éducation des jeunes filles et elle pratique les mêmes exercices
intellectuels et culturels que les princesses ottomanes avec l’apprentissage de la langue arabe et turque.

261 Contrairement à la Turquie qui a imposé une laïcité mal comprise par le peuple, l’Égypte n’a pas connu de
rupture profonde dans la tradition arabo-musulmane. La Tunisie n’a pas réussi à imposer le principe de laïcité
comme ce fut le cas en Turquie. Ce qui pourrait expliquer, en partie, les difficultés rencontrées par la société turque
actuelle vis-à-vis de ce principe constitutionnel.
262 V. SILVERA, « Le régime constitutionnel de la Tunisie : la Constitution du 1er juin 1959 », Revue française de
science politique,
1960, p. 394.
263 En ce sens, il y a eu probablement une volonté d’instaurer une politique laïque, mais les événements de l’époque
ont démontré que les mentalités n’étaient pas encore prêtes pour accepter cette évolution. (D’ailleurs, en Tunisie,
un événement majeur va dans le sens des risques encourus par la rupture de la tradition arabo-musulmane. Le
Président était favorable pour une politique d'émancipation du peuple tunisien vis-à-vis de la religion. Il a incité et
encouragé les tunisiens à rompre le jeune pendant le Ramadan notamment avec une campagne télévisuelle ou il
buvait un verre d'eau. Voy. M. CAMEAU, V. GESSER (dir.),
Habib Bourguiba, « la trace et l'héritage », Édition
Karthala, 2004, Institut d'études politiques Aix en Provence, p. 90.) La conséquence fut directe face à cette tentative
de laïcisation de l’État, puisque le 27 janvier 1961, une manifestation se déroula à Kairouan au cours de laquelle
il y a eu plusieurs morts et blessés. Afin de ne pas reproduire cet incident, le gouvernement met un frein aux
différentes réformes liées à la religion pour éviter tout soulèvement des conservateurs (L. RUDEBECK, « party
and people. A study of political Change in Tunisia », Stockolm, Almquist and Wiksell, 1967, pp. 62-67.)
77



Page 79
débattu. À ce titre, il appert que l’histoire de France et de Tunisie se croise puisque la Tunisie
a, pendant de nombreuses années, vécu sous le régime du protectorat français. Cette interaction
entre les deux droits constitue en Tunisie une combinaison de différentes couches de structures
juridiques dans lesquelles un certain modèle de valeurs du droit a imprégné la structure
contemporaine du droit tunisien264. Au sein de cette dernière, différentes valeurs existantes et
valeurs étrangères connaissent une certaine tension, notamment l’égalité des sexes et la religion.
Ces tensions et les conséquences inhérentes à ces dernières vont également enrichir et marquer
la structuration juridique tunisienne.
38.
Pour comprendre comment le constituant a réussi à affirmer de manière explicite
l’égalité homme-femme, il convient tout d’abord d’évoquer les circonstances ayant mené les
représentants du peuple à introduire ces dispositions (§1). Expliquer ce que sont ces dispositions
consacrant l’égalité entre les deux sexes, que la majorité de la doctrine applaudit en qualifiant
la Tunisie de pays précurseur en la matière, apparaît à cet égard indispensable. Nous verrons
que si l’ancienne formule juridique « tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes
devoirs. Ils sont égaux devant la loi» peut sembler nébuleuse prima facie, elle se révèle en
réalité aisément intelligible à la lumière de son contexte historique et politique (§2). Ce
préalable achevé, il sera ensuite possible de détailler la nouvelle disposition qui consacre que
« les citoyens et citoyennes sont égaux en droits et devoirs » qui a permis à l’Assemblée
nationale constituante tunisienne (ANCT) de s’entendre en concluant sur l’affirmation explicite
de l’égalité homme-femme alors qu’a priori les intérêts que défendent les différents partis au
sein de cette assemblée paraissent plutôt opposés.
§ 1. Les circonstances de l’introduction implicite de l’égalité des sexes dans
le système juridique tunisien
39.
L’affirmation nuancée de
l’égalité homme-femme au cours de
l’histoire
constitutionnelle tunisienne. Tout au long du XXe siècle, le droit positif tunisien a fait l’objet
264Voy. B. BADIÉ, « L'impact de la Révolution française sur les sociétés musulmanes : évidences et ambiguïtés
»,
Revue Internationale des Sciences sociales, 1989, vol. 119, pp. 7-18. ; E. HERMASSI, « La Révolution française
et le monde arabe », R.I.S.S., vol. 119, févr. pp. 35-46 ; S. MARDIN, « L'influence de la Révolution française sur
l'empire ottoman »,
R.I.S.S., 1989, vol. 119, pp. 19-34. Cité par H. KHADHAR. Cité par K. HEDIA, « La
Révolution française, le Pacte fondamental et la première Constitution tunisienne de 1861 », Revue du monde
musulman et de la Méditerranée 1989, n° 52-53, pp. 132-137.
78






Page 80
d’une grande évolution en raison des mutations qu’a connues l’État. Progressivement, le droit
s’émancipe de la conception patriarcale de la société dans laquelle la femme est inférieure à
l’homme. Le droit tunisien se détache de plus en plus du droit musulman. L’introduction de
nouvelles lois a permis de moderniser la situation de la femme et de rééquilibrer certaines
inégalités. Pour que ce principe devienne un principe fondamental, il fallait d’abord rechercher
l’existence d’une constitutionnalisation du principe d’égalité et voir l’extension du principe aux
dispositions législatives. Le droit Tunisien connut une véritable mutation avec l’introduction
progressive du droit à l’égalité dès 1857. Les traces de cette mutation sont aujourd’hui
perceptibles au travers du fait que le principe d’égalité entre les sexes a désormais une valeur
constitutionnelle aussi bien en droit français qu’en droit tunisien. Toutefois, avant cette
consécration constitutionnelle, c’est par la loi que l’égalité, d’abord, fut consacrée, puis l’égalité
homme-femme. Grâce à son impérativité et à son pouvoir de contrainte, la loi est apparue
comme l’instrument idoine pour que l’égalité homme-femme soit respectée. Une étude
législative montrera que la mutation dont nous parlons est le fruit d’une lente évolution du
principe d’égalité homme-femme. Les manifestations de cette mutation sont perceptibles dans
l’étude de la discrimination positive. Cette mutation fut marquée par une lente évolution
juridique en faveur de l’égalité homme-femme. La période décisive pour le droit des femmes
fut la période beylicale. C’est la période qui a permis à la Tunisie de prendre un tournant vers
la modernisation qui marqua l’aube d’une époque où le droit devient plus favorable à l’égalité.
Le Pacte fondamental de 1857 (A) et la Constitution de 1861 (B) ont initié les projets de
réformes de la Tunisie. En effet, cette époque est marquée par l’acquisition tardive de l’égalité
entre les citoyens. Elle a vu l’influence déterminante de l’égalité, laquelle a permis par la suite
une consécration implicite de l’égalité homme-femme avec la Constitution de 1959 (C).
A) Les prémices du droit à l’égalité : le Pacte Fondamental du 10 septembre
1857
40.
La consécration du principe par une évolution institutionnelle. Le premier homme
politique à avoir introduit dans le Pacte fondamental en 1857 l’égalité fut M’Hamed Bey265, au
265 H. SAIDI, « Le protectorat et le droit. La régence de Tunis entre la Charte de 1861 et le système colonial
français ».
ligne
,
تايناسنإ
[http://journals.openedition.org/insaniyat/14878 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insaniyat.14878].
disponible
Insaniyat
239-257,
2014
,
pp.
en
/
79





Page 81
XIXe siècle. C’est lors de cette période que la Tunisie connut d’importantes réformes266
inspirées du modèle français
267. Les plus marquantes dans le domaine politique sont : la
promulgation du Pacte Fondamental du 10 septembre 1857268 et la Constitution de 1861. Selon
M’Hamed Bey, comme il l’écrit aux Consuls de France et d’Angleterre, les réformes269 étaient
nécessaires aux besoins de la Tunisie
270. Le consul de France à Tunis s’impatienta du retard
pris par le Bey pour exécuter ses engagements271. La construction étatique et juridique de la
Tunisie débute par le Pacte fondamental du 10 septembre 1857. Cette même année, la
condamnation de Samuel Sfez, un charretier de confession juive pour blasphème par le Bey
précipita l’adoption du Pacte272. En août 1957, une escadre française273 interpella le Bey dans
le cadre d’une invitation et lui demanda quelles étaient les mesures qu’il allait prendre pour
garantir qu’un tel événement
274 ne se reproduise jamais. En réponse, le Bey s’engagea à
promulguer le Pacte fondamental et une Constitution. C’est à la suite de cet épisode historique
que le Pacte fut promulgué par M’Hamed Bey275.
41.
Le Pacte fondamental recense les principes relatifs aux droits de l’Homme,
notamment le principe d’égalité.
Le Pacte276 est une déclaration écrite en date du 10
266 Voy. M. SMIDA, Khéreddine, ministre réformateur, M.T.E., Tunis, 1970 ; A. ABDEL-MALEK, Idéologie et
renaissance nationale
, L’Egypte moderne, Paris, Anthropos, 1969.
267 Voy. B. BADIÉ, « L'impact de la Révolution française sur les sociétés musulmanes : évidences et ambiguïtés
»,
Revue Internationale des Sciences sociales 1989, vol. 119, pp. 7-18.
; E. HERMASSI, « La Révolution française et le monde arabe »,
R.I.S.S., vol. 119, 1989, pp. 35-46 ; S. MARDIN,
« L’influence de la Révolution française sur l’empire ottoman », R.I.S.S 1989, vol. 119, pp. 19-34.
268 Le Pacte fondamental, version française publiée par la Société Tunisienne d'Étude du XVIIIè siècle, Tunis 1989.
269 Voy. M. SMIDA, Khéreddine, ministre reéformateur, Op. Cit. Ibidem ; A. ABDEL-MALEK, Idéologie et
renaissance nationale
, Op. Cit. Ibidem.
270 «Je te (sic) prie de faire connaître au gouvernement de Sa Majesté (...) que je suis disposé à introduire dans
mes États les réformes qui ont été successivement adoptées par la Sublime Porte
[...] en les modifiant de façon à
les rendre conformes à l’État et aux besoins de mon pays». Mémorandums des Consuls de France et d'Angleterre.
Archives Générales. Premier Ministère (Tunis). Dossier 403. Carton 118. Pièces 51 et 53.
271Le consul répondit : «Dix-huit mois s’étaient déjà écoulés depuis cette déclaration solennelle et Son Altesse
n’avait encore donné, ni à son peuple ni aux sujets des puissances alliées établies dans ses États, aucune des
réformes dont elle avait promis l’adoption 
» Ibidem.
272 K. HEDIA. « La Révolution française, le Pacte fondamental et la première Constitution tunisienne de 1861 »
Op. Cit
. Ibidem.
273 Sous la direction de l’Amiral Tréhouart qui était au port de La Goulette.
274En effet, l’exécution de ce charretier, au nom du droit malékite, le 24 juillet 1957, poussa l’Angleterre et la
France à intervenir pour la condamner. Les deux puissances estimaient qu’il s’agissait d’une persécution d’une
minorité religieuse Ibidem. Autrement dit, « Tunis était en dernier lieu le théâtre d’une exécution qui rappelait
l’époque la plus regrettable du fanatisme musulman et constituait un défi jeté à la puissance de l’Europe 
».
Déclaration écrite du Consul de France, Léon Roches,
in Mémorandums des Consuls de France et d'Angleterre.
Archives Générales. Premier Ministère (Tunis).
275 Cette promulgation a eu lieu devant une assemblée. Cette dernière était formée des Memeluks, des Ulema et
des Consuls étrangers.
276 Ce pacte ne revêt pas tous les caractères d’une Constitution. Il constitue un catalogue restrictif des droits
reconnus. A. MAAREK, « Le Pacte Fondamental et les réformes à travers les archives diplomatiques françaises »,
80




Page 82
septembre 1857 par laquelle le Bey s’engage à garantir à tous les habitants du Royaume la
liberté, la sécurité et l’égalité en droit
277. Ce pacte278 ne revêt pas tous les caractères d’une
Constitution. Il constitue un catalogue restrictif des droits reconnus aux habitants de la Tunisie,
dont l’égalité entre tous les sujets du Bey. On peut distinguer les dispositions relatives aux
principes posés par le Pacte et celles relatives aux droits des étrangers dans la régence. Sur le
plan des principes ternaires, nous nous intéresserons à celui de l’égalité. Nous laisserons de côté
les autres principes et les droits relatifs aux étrangers de la régence dont le contenu n’entre pas
dans le cadre de cette étude. En effet, dans le Pacte fondamental, deux articles consacrent
l’égalité de manière générale. Les sujets musulmans et non musulmans sont égaux devant la loi
(article 3) et l’impôt (article 2). Ainsi, le Pacte fondamental s’inspire des théories et concepts
de la pensée libérale et de la philosophie des Lumières. La Déclaration des droits de l’homme
et du citoyen de 1789 proclame dans son article 1er : «Les hommes naissent et demeurent libres
et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune».
Son article13 prévoit aussi l’égalité devant l’impôt sans se référer à la confession. En outre, le
Pacte comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen exclut les femmes du champ
d’application de l’égalité. Elles ne sont pas concernées par ces dispositions. Toutefois, on peut
souligner un début de détachement du Pacte avec le droit public musulman. En effet,
l’affirmation de l’égalité devant l’impôt et devant la loi sans distinction de religion remet en
question certains principes posés par le droit musulman traditionnel, dont la Djizya279et la
dimminitude280. Les femmes non-musulmanes étaient avantagées par rapport aux hommes non-
musulmans. En effet, seules ces dernières, ainsi que les enfants, les esclaves, les infirmes et les
déments étaient généralement exemptés de ce tribut. Autrement dit, le Pacte fondamental
tunisien du 10 septembre 1857 garantit la liberté et l’égalité des sujets. Aussi, « le Pacte
fondamental constitue un essai d’application territoriale de la loi »281. En ce sens, l’article 3 du
Entre orient et occident. Juifs et Musulmans en Tunisie, D. COHEN-TANNOUDJI (Dir.,), Éditions de l'Éclat,
2007, pp. 133-141.
277 Au sein du préambule du Pacte, le Bey a inscrit : « Dieu est témoin que j’accepte ses hautes prescriptions pour
prouver que je préfère le bonheur de mes États à mon avantage personnel ». Autrement dit, l’adoption de ce Pacte
par le M’Hamed Bey est placée sous l’autorité de « 
Dieu ». Il s’engage également à respecter les lois divines
puisque le Préambule s’achève en disposant que « 
rien dans ce Code ne sera contraire à ses saintes prescriptions».
278 Le Pacte comportait 11 articles.
279 La Djizya peut se définir comme étant une capitation, une taxe dont l’acquittement pèse uniquement sur les
individus non-musulmans sujets d’un État musulman.
280 Verset 29 de la sourate at-tawbah (le repentir) du Coran : « Faites la guerre à ceux qui ne croient point en Dieu
ni au jour dernier, qui ne regardent point comme défendu ce que Dieu et son apôtre ont défendu, et à ceux d'entre
les hommes des Écritures qui ne professent pas la vraie religion. Faites-leur la guerre jusqu'à ce qu'ils payent le
tribut de leurs propres mains et qu'ils se soient soumis. »
281V. SILVERA, « Le régime constitutionnel de la Tunisie : la Constitution du 1er juin 1959 », Revue française de
science politique, n°2, 1960, pp. 366-394.
81



Page 83
Pacte édictait que tous les habitants du pays, quelle que soit leur confession, seraient égaux
devant la loi. De plus, l’article 8 précisait aussi qu’aucun des sujets du Bey, musulmans ou
autres ne disposeraient d’un privilège spécial. Le Pacte de 1857 permit à la Tunisie d’emprunter
un chemin nouveau, celui d’une monarchie constitutionnelle et d’une politique plus libérale. En
ce sens, en 1859, après la mort subite de M’Hamed Bey, son successeur Mohamed Essa-dok,
prêta avant son règne un serment de fidélité aux stipulations du Pacte : «Nous nous engageons
non seulement en notre nom, mais au nom de nos successeurs : Aucun d’eux ne pourra régner
qu’après avoir juré l’observation de ces institutions libérales ». Le 17 septembre 1860, Sadok
Bey remettait à Napoléon III, à Alger, une copie de la Constitution de 1861 en français.
B) Le Bey au pouvoir poursuit la construction initiée par ses prédécesseurs : la
Constitution du 26 avril 1861
42.
La première Constitution «arabe». Le Bey Mohamed Sadok remarqua les lacunes
relatives à l’organisation administrative. Dans la volonté de parachever l’œuvre de son
prédécesseur, il octroya une Constitution le 26 avril 1861282. Des réformes remarquables furent
adoptées dans le domaine législatif. Elles ont marqué l’histoire du droit public tunisien. En
effet, dans cette mouvance réformiste, l’État se dote le 26 avril 1861 de la « Loi de l’État ». Elle
est en réalité la première forme de Constitution arabe, mais qui se nomme «Loi», car le
vocabulaire juridique arabe ne comporte pas la notion de Constitution. Cette « Loi de l’État » a
procédé à l’organisation des pouvoirs politiques qui instituaient dans les faits un régime de
monarchie constitutionnelle283. Dans la loi de l’État, figure le principe d’égalité devant la loi.
Elle faisait partie des réformes voulues par Kheireddine284 et d’autres intellectuels et homme
politiques influents dans le pays. La Constitution de 1861 prévoyait des dispositions relatives à
282Ce texte fut écrit par Ahmed Ibn Abi Diaf, un haut fonctionnaire de l’État beylical qui deviendra l’historien
tunisien le plus célèbre au XIXe siècle (1804-1874). Ibn Abi Diaf est scribe et Garde des Sceaux dans l’entourage
beylical sous les règnes de Hussein II Bey (1824-1835), Moustapha Bey (1835-1837), Ahmed Ier Bey (1837-
1855), Mohammed Bey (1855-1859) et Sadok Bey (1859-
1874). Il est l’auteur d’une chronique, Ithaf ahl az-zaman
bi akhbar Tounès wa ‘ahd al aman [Présent aux hommes de notre temps. Chronique des rois de Tunis et du Pacte
Fondamental], A. J
’DEY, La pensée sociale, politique et culturelle de Ben Dhiaf, Université de Nice, 1987, 3 vol.
283 Elle instaura un régime monarchique de type parlementaire. On passe donc d’une monarchie absolue à une
monarchie libérale. Elle fut soumise au préalable à Napoléon III. Cette dernière comportait 114 articles répartis en
13 chapitres.
284A. DEMEERSMAN, « La doctrine de Kheireddine en matière de politique intérieure », Revue ibla, 1er trimestre
1958, pp. 13-29. Cité par H. SAIDI, « Le protectorat et le droit. La Régence de Tunis entre la Charte de 1861 et le
système colonial français », Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales Insaniyat, 2014, pp. 239-
257. Disponible en ligne [http://journals.openedition.org/insaniyat/14878].
82






Page 84
l’égalité entre tous les habitants du royaume sans distinction de religion285. L’application de la
Constitution de 1861 est suspendue 3 ans après son entrée en vigueur286.
C) L’indépendance de la Tunisie en 1956 : une consécration implicite de l’égalité
homme-femme
43.
L’affirmation limitée du principe d’égalité dans le système juridique tunisien
postcolonial. L’année 1956 est marquée par l’unification législative en date du 13 août 1956
avec la promulgation du Code du statut personnel (CSP). Ce dernier entra en vigueur en janvier
1957. Les dispositions de ce Code s’appliquent à l’ensemble des Tunisiens, sans distinction de
confessions. Autrement dit, le système qui impliquait une application de dispositions en
fonction de la confession héritée du droit musulman est supprimé. Ainsi, la loi est la même pour
tous les Tunisiens y compris en matière de droit de la famille287. La loi s’impose face au droit
musulman. Cette évolution juridique n’a été possible qu’avec l’intervention de Habib
Bourguiba. En 1956, Habib Bourguiba obtint l’indépendance de la Tunisie et il devint le
président de la République tunisienne en 1957288. C’est la fin du règne de la dynastie beylicale,
fondée en 1705 par Hussein Ben Ali. En deux siècles et demi, la Tunisie a connu 19 souverains,
dont 7 ont régné depuis le protectorat français. La réalisation de la première transition
constitutionnelle est facilitée par une préparation politique. La proclamation de l’indépendance
tunisienne s’inscrit dans une continuité historique. Il y a un changement progressif de régimes
successifs. La fin de l’exercice du régime beylical marque une rupture totale avec la suzeraineté
ottomane et le protectorat français. Toutefois, l’indépendance tunisienne a été préparée. Ce
285 L’article 60 disposait que «le Conseil suprême est le gardien du Pacte fondamental et des lois, et le défenseur
des droits des habitants
». Conformément à ces dispositions « il s’oppose à la promulgation des lois qui seraient
contraires ou qui porteraient atteinte aux principes de la loi [et] à l’égalité des habitants devant la loi ».
286 Cette suspension est en partie due à une dégradation des finances publiques qui entraîna une immixtion
croissante des puissances européennes, ce qui amena le Bey Mohamed Sadok à solliciter l’aide des puissances
étrangères. S’ajoute à ces difficultés le mécontentement croissant des populations qui doivent assumer des impôts
de plus en plus importants, ce qui poussa le bey à suspendre en partie le fonctionnement du Conseil suprême, le
30 avril 1864. Dès lor
s, et jusqu’à l’établissement du protectorat français, le bey, du fait de la suspension du Conseil
suprême, recouvra l’intégralité de son pouvoir législatif. Ainsi, la Tunisie redevint une monarchie absolue dans
laquelle le souverain exerçait tous les pouvoirs.
287 Voy. notamment sur le sujet, N. CHAABANE, « Les droits de succession en question », Revue tunisienne de
fiscalité, 2009, n° 12.
288Le 25 juillet 1957, peu de temps après la proclamation de l’indépendance, est élue une Assemblée nationale
constituante tunisienne. Lors d’une décision adoptée à l’unanimité de ses membres, elle déclare l’abolition du
régime monarchique et proclame la République tunisienne. Voy. K.D. MCDONALD, « Patent Settlements and
Payments That Flow The "Wrong" Way : The Early History of a Bad Idea », art. préc., p. 7.
83






Page 85
projet est principalement porté par l’homme providence tunisien incarné par Habib Bourguiba.
Dans le cadre de l’indépendance, le schéma politique tunisien est imprégné d’inspiration
française que l’on retrouve dans la pratique. Tout d’abord, la nationalisation et la laïcisation de
la société tunisienne font partie des politiques de l’ancien Président. En effet, l’adoption de la
Constitution de 1959 est rendue possible grâce à la mise en place du néo-destour incarné par le
libérateur nationaliste, Habib Bourguiba. Ce dernier instaure un régime présidentialiste dans
lequel le président de la République est élu au suffrage universel. Il est, simultanément, chef de
l’État, chef de l’exécutif et chef des forces armées. Les rapports franco-tunisiens n’étaient pas
en rupture profonde quant à l’orientation du choix de projet politique, social et constitutionnel.
La France demeure une source d’inspiration et une référence du cadre juridique nouveau dans
l’implantation du régime républicain indépendant.
§ 2. L’intelligibilité de la disposition égalitaire à la lumière de son contexte
historique et politique
44.
L’adoption de cette disposition égalitaire intervient sous le régime de la Constitution
«Bourguibiste» (A), on y perçoit la consécration du droit de vote des Tunisiennes (B), mais
également des faiblesses (C). Une des faiblesses du processus d’émancipation des droits des
femmes réside dans la prééminence de la place du législateur dans l’évolution des droits des
Tunisiennes (D). Cette disposition est rendue complexe et devient intelligible et gagne en
confusion avec la suspension de la Constitution de 1959 sous le régime «Benaliste» (E).
A) L’adoption de la Constitution de 1959 sous le régime «Bourguibiste»
45.
L’affirmation limitée du principe d’égalité dans le système juridique tunisien
postcolonial. Parmi ces droits constitutionnellement encadrés est consacré, à l’article 6 de la
Constitution de 1959, « le principe d’égalité entre citoyens devant la loi en droits et en devoirs ».
Le préambule de la Constitution de 1959 se référait à l’égalité des citoyens en droits et en
devoirs. Aussi, il disposait que « la meilleure garantie pour le respect des droits de l’Homme,
pour l’instauration de l’égalité des citoyens en droits et en devoirs, pour la réalisation de la
prospérité du pays par le développement économique et l’exploitation des richesses nationales
84








Page 86
au profit du peuple ». Ce sont les seules dispositions qui font référence à l’égalité entre citoyens
sans pour autant préciser une égalité homme-femme ou encore l’interdiction de discrimination
fondée sur le sexe. En effet, aucune disposition constitutionnelle ne consacre de manière
explicite le principe d’égalité des sexes dans l’ancienne constitution. De même qu’elle ne
contient aucune définition ou référence à la discrimination. En dehors du préambule, l’unique
article qui fait référence à l’égalité est le 6. Il est inscrit au premier chapitre intitulé
« dispositions générales » de la Constitution de 1959. La Tunisie pose dans son ancienne
Constitution le principe de l’égalité entre l’homme et la femme comme ayant une valeur
constitutionnelle. Aussi, dans son article 6, la Constitution de la République tunisienne de 1959
dispose que « tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, ils sont égaux devant
la loi ».
B) Le droit de vote des femmes tunisiennes, un droit consacré par la
Constitution de 1959
46.
Le droit de vote, la force de la Constitution de 1959. Si la Constitution de 1959 ne
donna aucune valeur constitutionnelle au principe d’égalité homme-femme, elle n’était
toutefois pas totalement silencieuse s’agissant des droits des femmes tunisiennes, tant s’en faut.
Douze ans après la France, la Tunisie a constitutionnellement accordé le droit de vote aux
femmes. Ce droit de vote n’était pas conditionné au sexe des personnes, mais à la durée de la
possession de la nationalité tunisienne et à l’âge des citoyens. Précisément, l’article 20 de la
Constitution de 1959 énonçait qu’« est électeur tout citoyen possédant la nationalité tunisienne
depuis au moins cinq ans et âgé de vingt années accomplies». Sous le protectorat français
qui débuta en 1881 le droit de vote que les Françaises avaient acquis en 1944 n’avait pas été
étendu aux Tunisiennes. Aucune mesure n’avait été prise pour que les femmes tunisiennes
bénéficient de cette avancée démocratique. Il a donc fallu attendre l’indépendance en 1956 pour
que Bourguiba puisse prendre, un an plus tard, les mesures nécessaires à l’émancipation des
femmes à travers le droit. Cette émancipation n’était pas uniquement limitée au droit de vote.
Pour que les femmes tunisiennes puissent s’impliquer dans la vie politique, encore fallait-il
qu’elles obtiennent le droit d’éligibilité aux élections. Ce droit leur fut accordé. Depuis 1959,
elles peuvent se présenter à toute fonction élective. Ce n’est toutefois qu’en 1983 qu’en pratique
85






Page 87
une femme a pu accéder aux postes de gouvernement289. Cette dynamique favorable à la
participation des femmes à la vie politique s’est poursuivie en 1999. Cette année-là, le pays
introduisit des quotas volontaires de femmes pour les listes électorales des partis politiques.
C) Les faiblesses de la Constitution de 1959
47.
La difficile conciliation entre les dispositions juridiques et celles de nature
religieuse. Dans les premières années où la Constitution de 1959 fut appliquée, le législateur
n’a pas écarté de son application le référent religieux. Le CSP, bien qu’il a été promulgué avant
la Constitution, n’a pas totalement effacé de cette dernière les failles pouvant interférer avec la
bonne marche de l’égalité homme-femme. Il est vrai que le CSP fut promulgué « comme étant
l’exemple typique de la possibilité de modernisation dans la fidélité à la religion
musulmane»290. De même, la Constituante de 1959 tenta de concilier les dispositions juridiques
et les dispositions religieuses sans totalement se détacher de ce dernier référent religieux. En ce
sens, on peut souligner l’article 1 de la Constitution qui consacra que « la Tunisie est un État
libre, indépendant et souverain, sa religion est l’Islam, sa langue l’arabe et son régime la
république ». Pour pouvoir rendre possible l’application de l’égalité homme-femme, il fallait
que l’ANC ait réussi à écarter la Charia qui s’opposait au droit à l’égalité homme-femme. Pour
consacrer ce droit, le pouvoir constituant et le législateur, afin de pouvoir s’éloigner du droit
musulman classique, devaient tout d’abord déroger à ce dernier sans pour autant rompre
totalement avec l’orthodoxie religieuse. Le CSP tunisien, et donc le législateur, réussit à se
détacher de cette orthodoxie religieuse en recherchant une conciliation entre la modernité et la
religion, c’est-à-dire en revisitant la religion et en consacrant des principes qui ne lui sont pas
contraires. Il s’agissait d’interdire la polygamie et remplacer la répudiation par le divorce.
Partant, peu de dispositions contraires à l’égalité homme-femme demeurèrent. De 1956 à 2014,
aucune mesure législative ne vint renforcer ou délimiter l’article 6 de l’ancienne Constitution.
En effet, il n’existait pas d’articles consacrant strictement l’interdiction de toutes formes de
discriminations homme-femme ou accordant de manière égalitaire, dans tous les domaines, les
mêmes droits aux hommes et aux femmes. La consécration de l’égalité homme-femme n’a pas
289 En effet, Fethia Mzali fut la première Tunisienne à être nommée ministre de la Famille et de la Promotion de
la femme.
290 M. CHARFI, Introduction à l’étude du droit, Tunis, éd. CERES, 1997, pp. 65 et s.
86






Page 88
suivi le modèle turc291, puisqu’il n’y a pas eu de rupture, ni profonde ni totale, avec les
dispositions religieuses. Cette consécration ne s’est pas réalisée en dehors du cadre religieux,
mais bien en conformité avec celui-ci. Toutefois, on peut également nuancer le propos, car à
défaut de consacrer explicitement l’égalité des droits homme-femme, certaines distances furent
prises avec les normes religieuses notamment avec la suppression du droit confessionnel
292.
Grâce à ces évolutions, de 1956 à 2014, l’égalité homme-femme fut consacrée dans la plupart
des domaines. L’effet de la constitutionnalisation de l’égalité entre les citoyens et par ricochet
une égalité homme-femme implicite était la suivante : le législateur n’étendait ce droit que dans
les domaines qui ne faisaient pas obstacle aux règles explicites inégales que pouvaient générer
des dispositions religieuses. Face à l’incertitude que laisse planer la Constitution de 1959,
certaines situations étaient assez problématiques puisque l’égalité entre les citoyens, qui avait
pour objectif d’encourager l’égalité homme-femme, ne jouait plus vraiment son rôle. La
première Constitution et le CSP, pionniers, se voyaient en effet remis en question lorsque les
dispositions s’avéraient être d’une faible intelligibilité face à la diversité de leurs interprétations
possibles.
48.
C’est le législateur lui-même, par sa propre volonté, qui a véritablement fait évoluer le
droit des femmes en Tunisie. C’est pourquoi on peut relever que le législateur est intervenu
dans diverses matières. En 1993 par exemple, il est intervenu en matière pénale
293. L’abolition
de cette loi laquelle une loi abrogea l’article 207 du Code pénal qui protégeait excessivement
les époux. Cette loi portait sur les circonstances atténuantes dont bénéficiaient les époux qui
commettaient un meurtre sur leur épouse dans l’hypothèse où l’époux aurait surpris son épouse
en flagrant délit d’adultère. La peine maximale était de 5 ans d’emprisonnement. Cette dernière
était dérisoire, car les simples coups et blessures qui entraînaient la mort pouvaient être punis
de 20 ans de réclusion criminelle. Le législateur marqua une volonté de transformer le droit en
291Voy. sur la question: T. ANSAY, D. WALLACE, Introduction to Turkish law, New York, The Hague, Kluwer
Law International, 2005.
292Autrefois, sous le protectorat français, les tribunaux compétents en matière de statut personnel différaient selon
la confession de l’individu. Il en allait de même pour la loi applicable en matière de statut personnel. En ce sens,
un Tunisien de confession juive disposait de ses propres lois et tribunaux. Ce n’est que le 27 septembre 1957 qu’il
y eut l’instauration d’un ordre juridictionnel unique compétent pour connaître des conflits relatifs au statut
personnel entre les Tunisiens quelle qu’en soit l’appartenance ethnique
ou la confession. Voy. sur la question : M.
BOUGUERRA, « Le code du statut personnel, un code laïc ? », Mélanges Sassi Ben Halima, CPU, Tunis, 2005.
293 Par une loi, il abrogea l’article 207 du Code pénal qui protégeait excessivement les époux. Cette loi portait sur
les circonstances atténuantes dont bénéficiaient les époux qui commettaient un meurtre sur leur épouse dans
l’hypothèse où l’époux aurait surpris son épouse en flagrant délit d’adultère. La peine maximale était de 5 ans
d’emprisonnement. Cette dernière était dérisoire, car les simples coups et blessures qui entraînaient la mort
pouvaient être punis de 20 ans de réclusion criminelle.
87




Page 89
un droit plus égalitaire. Désormais, peu importe que l’époux soit trompé, il ne pourra plus voir
sa peine criminelle atteindre un plafond maximum de 5 ans. La matière pénale connut d’autres
mutations. Depuis la loi de 2004294, le législateur est intervenu pour combler un vide juridique
concernant le harcèlement sexuel et les atteintes aux bonnes mœurs. En effet, cette loi est venue
apporter des précisions sur ces infractions, mais elle a mis en place des sanctions dans les cas
de harcèlements sexuels qui demeuraient jusque-là impunis. Le souci du législateur était de
préserver l’intégrité et la dignité de la femme dans une société qui se modernise, à savoir une
société dans laquelle les femmes côtoient des hommes dans le milieu du travail ou dans des
lieux publics. Les comportements civiques collectifs en sortirent améliorés.
49.
Le législateur a établi un régime favorable à l’émancipation des droits des femmes.
Depuis lors, le législateur n’intervint pas de manière à éradiquer les inégalités homme-femme.
Cependant, il est à noter que malgré le nouveau cadre législatif, et ce en raison de la faible
précision des textes et du vide juridique, de nouveaux droits furent attribués aux femmes
tunisiennes, mais ils demeurent inégalitaires par rapport à ceux des hommes. La lecture du texte
constitutionnel de 1959 montre que le législateur a raison d’affirmer que des abus sont toujours
possibles. En effet, le texte n’impose pas de faire respecter le principe d’égalité homme-femme
même s’il ne l’autorise pas non plus. Ainsi, le législateur soutient le droit des femmes, mais
certaines dispositions peuvent encore bloquer la bonne application de l’égalité homme-femme
puisque lorsqu’une disposition favorise l’homme par rapport à la femme, les dispositions
prévues dans la Constitution et dans la loi n’empêchent pas leur mise en œuvre. En effet, si une
femme ne parvient pas à obtenir la même part successorale que celle dévolue à l’homme, alors
le juge ne peut pas déclencher la disposition constitutionnelle de 1959 pour faire toujours
bénéficier la femme du droit à l’égalité en matière successorale. En conséquence, une
disposition législative issue du droit musulman empêche l’application de ce droit.
D) La suspension de la Constitution de 1959 sous le régime «Bénaliste»
50.
La Constitution de 1959 est suspendue en mars 2011 à la suite de la chute du régime de
Ben Ali qui fut brutale. Face au vide juridique laissé par sa suspension, l’ANC, au début de ses
travaux, introduit un texte juridique interne qui fait office de « petite Constitution »
295. Elle est
294 Loi n° 2004-73 du 2 août 2004, modifiant et complétant le code pénal concernant la répression des atteintes
aux bonnes mœurs et du harcèlement sexuel, JORT, n°63, 6 août 2004, p. 2233.
295Loi constitutionnelle, n° 6-2011 portant sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics, 16 déc. 2011.
88






Page 90
considérée comme un mode d’emploi nécessaire à la transition constitutionnelle. Au lendemain
de la révolution, la menace hypothétique de la parité remet les compteurs à zéro et place la lutte
pour les droits des femmes à la case départ. La période postrévolutionnaire est une période
d’essai. Les Tunisiens et les Tunisiennes sont face à un défi considérable. L’issue de l’avenir
des femmes en Tunisie et de la parité dépend indéniablement de leur capacité à participer à la
vie politique post- révolutionnaire. Soit, elles réussissent à relever le défi et elles affirment la
parité comme un droit fondamental consacré par la nouvelle Constitution, soit, elles échouent
et elles se trouvent dans une situation de régression. Ce qui les mènerait à une situation post
indépendance ou comparable à d’autres pays musulmans. Après les événements de janvier
2011, les femmes réussissent à obtenir l’application du principe de la parité au sein de la haute
instance pour la réalisation des objectifs de la révolution296. Les femmes se réclament d’une
volonté de participation à la vie politique qui passe nécessairement par leur participation à la
rédaction de la nouvelle Constitution. Elles ont saisi l’occasion pour affirmer leur présence et
leur participation au sein des instances constitutionnelles et nationales issues de l’Assemblée
nationale. L’ANC doit être composée à moitié de femmes.
Section 2 : L’introduction explicite de l’égalité des sexes dans les deux
systèmes juridiques
51.
L’histoire constitutionnelle française, celle de la Tunisie et leurs droits positifs respectifs
laissent entrevoir une exclusion des femmes dans la jouissance de certains droits. La
consécration de la valeur constitutionnelle de l’égalité homme-femme s’est opérée de manière
progressive. À vrai dire, l’égalité homme-femme en Tunisie s’inscrit dans la même démarche
que celle initiée en France, laquelle consiste à proclamer l’égalité homme-femme dans tous les
domaines. Pour atteindre cet objectif, la Constitution tunisienne de 2014 a prévu un certain
nombre de dispositions permettant l’affirmation explicite de l’égalité. Par la conclusion d’un
296 L’article 16 du décret du 11 mai 2011 relatif aux élections de l’ANC consacre le principe de parité entre les
hommes et les femmes sur les listes électorales, c’est
-à-dire la parité verticale. Le non-respect de ce principe
entraîne l’annulation des listes électorales. Cette mesure coercitive a permis une hausse assez significative de la
présence de femmes au sein de l’ANC. (R. Ben Achour, S.
Ben Achour. « La transition démocratique en Tunisie :
entre légalité constitutionnelle et légitimité révolutionnaire »,
Revue française de droit constitutionnel, vol. 92, no.
4, 2012, pp. 715-
732.). En effet, la doctrine fait état d’un taux de représentativité de 29, 95 % en comparaison à
l’ancien taux de 27 % au sein de l’ancienne Chambre des députés. Autrement dit, on décompte 58 places de
représentantes sur un total de 217 sièges.
Il s’agit là d’une avancée sur le plan démocratique. H. BEN MAHFOUD, M. TABEI, «Égalité, Genre et
Constitution Populisme et démocratie. Tunisie», in, Annuaire international de justice constitutionnelle, 2019,
p. 492, n.b.p n° 46.
89






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accord de projet de Constitution finale mettant un terme à un différend relatif à l’égalité homme-
femme, l’ANC297 et la nouvelle Constitution de 2014 ont trouvé le moyen de neutraliser
complètement le caractère implicite de cette égalité et de consolider des positions en faveur du
caractère explicite de l’égalité homme-femme. Autrement dit, c’est de l’instrumentalisation de
la Constitution de 1959 trop imprécise que sont nées les ambiguïtés relatives à l’égalité homme-
femme et à certaines dispositions qui lui seraient néfastes. La naissance de ces nouvelles
dispositions constitutionnelles en date de 2014 a mis au jour les profondes carences de la
Constitution de 1959. Le révélateur le plus manifeste de cette carence se trouve certainement
dans le fait qu’il n’existait aucun texte de référence précis dans l’ancienne Constitution qui
permettait de la mettre au service de l’égalité homme-femme et d’en faciliter la reconnaissance
formelle. Ainsi, pour empêcher l’introduction de dispositions dans la Constitution de 2014, la
stratégie retenue par les opposants à l’égalité homme-femme ne nécessite pas de rompre
totalement avec l’ancienne Constitution, et s’appuie au contraire sur le silence de la Constitution
de 1959 en la matière. S’appuyer sur ce silence s’avère en pratique une redoutable ressource
pour entraver l’affirmation explicite de l’égalité homme-femme.
52.
Par la reconnaissance de la valeur constitutionnelle de l’égalité homme-femme, la
Tunisie affirme explicitement cette égalité et rompt ainsi avec l’ancienne disposition douteuse,
laquelle ne consacrait l’égalité que de manière implicite. En France, à première vue, c’est lors
de la consécration de l’égalité des droits que le juge constitutionnel a explicitement institué le
principe d’égalité des sexes comme un élément constitutif de l’égalité. Ceci met en évidence
les difficultés rencontrées par ce dernier pour mettre en lumière les implications de l’égalité des
sexes au regard de la valeur de l’égalité. Le Conseil constitutionnel fut prudent dans la
construction de ce droit, notamment avec la question des quotas, car la mise en œuvre effective
de l’égalité des sexes peut entrer en conflit avec l’application du droit à l’égalité. La menace de
la rupture de l’égalité a poussé à deux reprises le Conseil constitutionnel à déclarer contraire à
la Constitution les dispositions législatives qui instauraient des quotas298. Compte tenu de la
menace de priver l’égalité des sexes d’un caractère effectif, le pouvoir constituant a modifié la
Constitution pour autoriser certaines mesures qui étaient jugées non conformes à la
Constitution. La révision constitutionnelle permit de consacrer la parité homme-femme en
297 Assemblée National Constituante.
298Cons. const., déc. n° 82-146 DC du 18 nov. 1982, Loi modifiant le code électoral et le code des communes et
relative à l'élection des conseillers municipaux et aux conditions d'inscription des Français établis hors de France
sur les listes électorales; Cons. const., déc. n° 98-407 DC du 14 janv. 1999, Loi relative au mode d'élection des
conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des Conseils régionaux
90




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matière électorale. Ainsi, il existe, dans les deux États, une forte reconnaissance de l’égalité
entre les sexes au sein du texte constitutionnel par l’affirmation explicite de l’égalité homme-
femme. Par la suite la révision de 1999, d’une part, introduisit explicitement l’égalité homme-
femme dans le domaine politique, sous l’angle de la parité (§1). D’autre part, cette révision alla
plus loin en prévoyant une obligation positive à la charge des partis de « contribuer à la mise
en œuvre » de ce principe de parité (§ 2). Néanmoins, la portée de ce principe issue de la révision
de 1999 est strictement encadrée puisque le Conseil constitutionnel à la lumière des textes de
valeur constitutionnels précise que le constituant n’a autorisé la parité que pour les élections
politiques. Ainsi, les révisions de 1999 et de 2008 ont permis de faire figurer l’égalité des sexes
dans la Constitution et cette reconnaissance expresse n’est pas restée sans conséquence. Cette
égalité explicite a un corollaire, celui de l’interdiction de discrimination fondée sur le sexe (§3).
§ 1. Le contexte de l’introduction de la disposition dans la nouvelle
Constitution de 2014
53.
Initialement, la révolution tunisienne était inspirée par une revendication du droit
à la dignité et celui à la liberté. Très rapidement, ces principales aspirations ont été
partiellement écartées au profit d’une résurgence de la question identitaire et des valeurs
tunisiennes. Cette revendication identitaire a eu des répercussions sur l’approche de la nouvelle
Constitution, et notamment sur le principe de la parité et la place de la femme tunisienne dans
la société. En effet, cette revendication identitaire a conduit à façonner une « identité de la
Constitution tunisienne», laquelle désigne le choix des valeurs, des principes et des droits qui
devaient être inscrits dans la Constitution. Faire un choix entre des valeurs et des droits fut une
tâche ardue dans la mesure où le peuple tunisien faisait face à une crise identitaire profonde.
Celle-ci consistait entre le rattachement de l’État à la tradition arabo-musulmane et le
rattachement à des valeurs occidentales. La difficulté du choix était aussi due au fait que
l’identité arabo-musulmane actuelle diffère sensiblement de celle de 1956 qui était une
revendication nationaliste pour l’indépendance. Aussi, l’inscription de l’égalité des sexes fut
difficile, mais elle résultait d’une coopération et d’un compromis.
54.
L’égalité homme-femme, résultat d’un consensus dans le cadre d’un processus
démocratique. Tout d’abord, ce droit à l’égalité homme-femme a été mis en exergue par la
91






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nouvelle Constitution de 2014, laquelle prévoit que « l’État s’engage à protéger les acquis dans
les domaines des droits des femmes et à les renforcer »
299. Il est possible de mettre au jour les
raisons poussant l’ANC à introduire une telle disposition parmi d’autres références d’articles
prévus dans la Constitution de 2014. En effet, cette disposition permet de montrer comment les
différents partis au sein de la Constituante arrivent à déterminer d’un commun accord la
consistance du droit à l’égalité à des fins d’efficience politique. Il s’agit là d’un atout important
de cette nouvelle Constitution : cette inscription résultait bien d’un consensus dans le cadre
d’un processus démocratique. En effet, le groupe de travail sur les droits et libertés au sein de
l’Assemblée a proposé, en 2012, d’insérer un article300 qui dispose que « les femmes sont
complémentaires aux hommes »
301. La « complémentarité » désignée par le terme arabe
mutakamila s’oppose à l’égalité, traduite du mot arabe musawa,suggéré par le parti politique
Nida-Tounis et les organisations de la société civile de gauche. Cette initiative a bouleversé la
légitimité de la constituante dans son ensemble puisque le groupe de travail ne se composait
pas uniquement d’adhérents d’Ennahda302. L’ensemble des participants de l’Assemblée ont été
critiqués, car l’enjeu de la place des femmes dépendait du vote au sein de l’ANC. À vrai dire,
l’égalité homme-femme en Tunisie s’inscrit dans la même démarche que celle initiée en France,
laquelle consiste à proclamer l’égalité homme-femme dans tous les domaines. Ensuite, et c’est
certainement l’élément le plus déterminant, l’application du droit à l’égalité homme-femme
n’aura d’effets que si la Constitution prévoit explicitement ce droit. Autrement dit, il existe la
crainte d’une approche restrictive pour les libertés relatives aux droits des femmes. Selon
Monsieur Goldstein, « l’Assemblée nationale constituante devrait combler les lacunes du projet
de constitution qui pourrait permettre à un futur gouvernement de réprimer toute forme de
dissidence ou de restreindre les droits fondamentaux pour lesquels les Tunisiens ont livré un
dur combat»303. Dans le même ordre d’idée, et comme nous l’avons évoqué plus haut,
l’opposition souleva elle aussi cette crainte de la restriction des droits fondamentaux. Elle
affirma que la suggestion d’un statut de complémentarité représentait une menace pour les
libertés formellement acquises dans le Code du statut personnel et, partant, elle décida de
299Tunisie. Constitution, 27 janv. 2014, art. 46.
300Tunisie. Projet constitutionnel, présenté le 8 août 2012 par l’ANC, Art. 28.
301Ibid.
302 Voy. sur
l'épreuve du pouvoir en
Tunisie », Confluences Méditerranée, 2012, vol. 82, n° 3, p. 189 ; O. MORIN, « Tunisie : le vertige
démocratique », Études2012, n° 4, 2012, p. 449.
303 Déclaration de E. GOLDSTEIN, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord, In Human
Rights Watch, « Tunisie : Le projet de constitution doit être revu », 13 mai 2013, disponible sur
[https://www.hrw.org/print/249642].
le parti Ennahdha, K. BENDANA, « Le parti Ennahdha à
92



Page 94
s’associer aux organisations de la société civile304 afin de pousser au remplacement du mot
« complémentaire » par celui moins équivoque d’égalité (musawa)305. Dans le cadre de leur
campagne, les activistes ont défendu le CSP comme un précédent inébranlable, qui ne pouvait
être renversé. Cet argument a notamment été soutenu à l’occasion de la Journée de la femme
dans laquelle était programmée une marche sur l’avenue Bourguiba. Cette manifestation faisait
référence à l’ancien Président Bourguiba, lequel instaura durant son mandant une fête pour
commémorer le CSP et les progrès que ce Code a apporté à la société tunisienne
306. Cet
événement offrit l’occasion aux militants d’insister derechef sur l’importance du CSP dans les
droits acquis par les Tunisiennes et sur son influence constante, qui permet à la Tunisie de
poursuivre une « tradition » réformiste en matière du droit des femmes. En réponse à cet
évènement, l’ANC envisagea alors d’écarter le terme complémentarité afin de préserver
l’héritage du CSP et ainsi maintenir la tradition réformiste tunisienne. Par la reconnaissance de
la valeur constitutionnelle de l’égalité homme-femme, la Tunisie affirme explicitement cette
égalité et rompt ainsi avec l’ancienne disposition douteuse, laquelle ne consacrait qu’une égalité
de manière implicite. C’est par l’adoption de la nouvelle Constitution de 2014 qu’est introduite
de manière explicite l’égalité des sexes. La naissance de ce droit a mis au jour les profondes
carences de cette ancienne disposition. Le révélateur le plus manifeste de cette carence se trouve
certainement dans le fait qu’il fallut plusieurs dispositions pour affirmer l’égalité des sexes.
Cette affirmation, comme en France, passe par l’interdiction de discrimination fondée sur le
sexe. Toutefois, il subsiste des entraves à la bonne application de l’égalité homme-femme en
Tunisie.
55.
La barrière posée par le silence de la Constitution française de 1958. Pour défendre
l’action du législateur comme conforme à la Constitution, il a fallu rechercher des rattachements
à la Constitution. Bien que celle-ci n’interdit pas l’égalité des sexes, elle n’en fait pas réellement
un principe constitutionnel avec un rattachement textuel qui lui soit propre. Selon le Préambule
de la Constitution de 1958, « le peuple français proclame solennellement son attachement aux
304L'expression « Organisations de la société civile » (OSC) désigne l'ensemble des différents intervenants de la
société civile (ONG, syndicats, organisations confessionnelles, associations de populations autochtones,
fondations, etc.) qui agissent dans un pays ou dans un domaine donné. Pour les instances internationales, comme
l'ONU, l'UNESCO, la Banque Mondiale, etc., elles constituent des acteurs importants dans la fourniture de services
sociaux et plus généralement la mise en œuvre de programmes de développement. Définition disponible sur
[http://www.toupie.org/Dictionnaire/Sigles_on.htm].
305 Interview with H. MIZOUMI, National Secretary General for Dentists & Nurses for the General Union of
Tunisian Workers (UGTT) (May 29, 2015) ; W. ROGERS, « Tunisian Union Nominated for Nobel Peace Prize »,
Left labor reporter, Apr. 21 2014, disponible sur [https://leftlaborreporter.wordpress.com/tag/ugtt/].
306Tunisian Women Rally
[https://www.alarabiya.net/articles/2011/08/13/162169.html].
to Preserve Gender Equality, Al-Arabiya, 13 août 2011, disponible sur
93




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Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la
Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi
qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 ». Ainsi, la
Constitution se réfère directement à d’autres textes. Ce même principe fut explicité dans le
Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Ainsi, la première proclamation du principe
d’égalité homme-femme s’est réalisée à l’alinéa 3 du préambule de la Constitution. Il dispose
que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».
Par ailleurs, cette disposition vient pallier la carence de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen de 1789 en introduisant un changement majeur. Sans proclamer explicitement le
principe d’égalité homme-femme, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
affirme dans son article 1
er que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.
Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Les femmes ne
sont pas concernées par la jouissance de l’égalité des droits. Pour ce qui est de la Constitution
de 1958, initialement, elle ne comporte aucune disposition relative à l’égalité homme-femme
et, partant, vint proclamer à l’article 1er que la République française « assure l’égalité devant la
loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Ainsi, le choix d’une
telle formulation du principe apparaissait dommageable pour sa mise en œuvre, l’interdiction
de distinction ne se fondant pas sur le sexe et le mot « homme » invitaient à tolérer que des
dispositifs législatifs réservant des droits aux seuls hommes, ou instituant un statut inférieur
pour les femmes. En conséquence, le maintien d’une Constitution sans prohibition expresse de
discrimination fondée sur le sexe et de l’absence d’une disposition spécifique aurait pu conduire
à reporter la mise en œuvre d’une égalité réelle de plusieurs années puisque :
- d’une part, le législateur et le Conseil n’auraient pu mener à bien la garantie de l’égalité
des droits entre les deux sexes qu’à la suite d’une révision constitutionnelle et d’une
reconnaissance de la valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution de 1946,
et
- d’autre part, le législateur aurait dû attendre que le constituant approuve une dérogation
au droit à l’égalité afin de l’autoriser à réaliser certaines discriminations positives. Ceci
prit de nombreuses années depuis l’entrée en vigueur de la Constitution. À titre
d’exemple, on peut citer la révision de 1999 avec l’instauration de l’objectif de
« parité »
307.
307 Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes, JORF
n°157 du 9 juillet 1999.
94




Page 96
§ 2. Le contexte de l’introduction de la disposition dans la
Constitution française de 1958
56.
Si au XXIe siècle, la doctrine308 s’interroge sur la question du genre en analysant la
manière dont est rédigée la Constitution309. Le pouvoir constituant n’a pas toujours employé de
vocabulaire épicène dans la rédaction des textes consacrant l’égalité, ni l’écriture inclusive
310.
Aussi, la Constitution de 1958 emploie majoritairement le masculin
311, mais cela ne veut pas
dire que cette dernière n’a pas connu d’évolution vers une consécration explicite d’une égalité
entre les sexes. C’est ainsi que la révision de 1999, d’une part, introduisit explicitement l’égalité
homme-femme dans le domaine politique, sous l’angle de la parité (A). D’autre part, cette
révision alla plus loin en prévoyant une obligation positive à la charge des partis de « contribuer
à la mise en œuvre » de ce principe de parité (B). Néanmoins, la portée de ce principe issue de
la révision de 1999 est strictement encadrée puisque le Conseil constitutionnel à la lumière des
textes de valeur constitutionnels précise que le constituant n’a autorisé la parité que pour les
élections politiques (C). Ainsi, les révisions de 1999 et de 2008 ont permis de faire figurer
l’égalité des sexes dans la Constitution et cette reconnaissance expresse n’est pas restée sans
conséquence (D).
A) Les évolutions de la Constitution française de 1958
308 Ibidem ; H. DUMAIS et al., « De la féminisation des titres à la rédaction épicène : regards croisés sur la parité
linguistique ».
Recherches féministes 2008, n° 1, pp. 171-182
309 En particulier, si celle-ci est rédigée de manière épicène. Autrement dit, le vocabulaire choisi par le pouvoir
constituant est-il neutre et indifférent au sexe
? Ce débat intervient parallèlement à la volonté politique de réformer
le mode linguistique de la Constitution.
310 « Le premier ministre pouvait légalement, par circulaire, prohiber l'écriture dite inclusive dans les textes publiés
au
Journal officiel », M.-C. de MONTECLER, « La féminisation en débats au Palais-Royal et quai Conti », CE
28 févr. 2019, req. n° 417128,
Dalloz actualité, 06 mars 2019. Voy. également sur le sujet l’implication de
l’Académie française dans la féminisation des mots, notamment la réponse significative d’H. Carrère d’Encausse
qui estime que « la féminisation, tout comme l'écriture « inclusive », si son emploi devait se généraliser,
entraînerait « un changement structurel profond ». T. COUSTET, « Féminisation des mots : la Cour de cassation
demande la marche à suivre à l'Académie française. Lettre de B. Louvel à H. Carrère d'Encausse du 20 avr. 2017
Réponse de H. Carrère d'Encausse du 6 nov. 2017 »,
Dalloz actualité, 23 novembre 2017.
311 La Constitution de 1958 emploie majoritairement le masculin. Elle comporte des mots masculins singuliers
pour désigner les titulaires de mandats politiques. Elle désigne le «
Président de la République» (Titre II de la
Constitution Française du 4 octobre 1958), «le Premier ministre» (Art. 8 de la Constitution Française du 4 octobre
1958), le «
 Président de l’Assemblée nationale » et le «Président du Sénat»( Art. 32 de la Constitution Française
du 4 octobre 1958.) Concernant «les représentants» du peuple, la Constitution emploie également le même
registre.
95







Page 97
57.
Les évolutions de la Constitution de 1958 avec les révisions de 1999 et de 2008. Bien
qu’il y ait eu plusieurs révisions de la Constitution de 1958 plus ou moins importantes dans les
deux décennies qui ont suivi son adoption, la principale réforme intervint avec la révision
constitutionnelle du 8 juillet 1999 et celle en date du 23 juillet 2008. En 1999, par le biais de
l’introduction d’un nouvel alinéa qui figurait à l’article 3 de la Constitution, le pouvoir
constituant posa une nouvelle obligation à laquelle les parties, groupements politiques
312 et le
législateur 313devaient se conformer afin de respecter les nouvelles exigences constitutionnelles.
La révision constitutionnelle consacre donc que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électifs et fonctions électives »
314. Le pouvoir constituant prévoit
implicitement le principe de parité dans la Constitution. Par conséquent, elle induit une
obligation de moyens et non de résultat. Cette mention est faite à l’article 3 qui traite de la
souveraineté. En 2008, la révision constitutionnelle avait pour but d’élargir le domaine de
l’objectif de parité. Plus précisément, elle modifie la Constitution pour élargir au domaine non
politique l’égal accès des hommes et des femmes ; le texte dispose désormais que « la loi
favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives,
ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Cette mention complète désormais
l’article premier relatif à l’indivisibilité de la République et non plus à l’article 3. Ces révisions
constitutionnelles devaient démontrer non seulement la nécessité de contourner l’obstacle
constitutionnel qui ne permettait pas de surmonter
la
jurisprudence du Conseil
constitutionnel315, mais aussi son efficacité contre un « plafond de verre » qui interdit aux
femmes les fonctions dirigeantes. Par le terme parité, le pouvoir constituant visait à ce que
l’égalité homme-femme soit assurée par la loi dans le domaine électoral (mandats électoraux et
fonctions électives), ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. Cette nouvelle
exigence de parité bouleversa sérieusement le paradigme dans lequel se trouvait le Conseil
constitutionnel dont la jurisprudence épousait la conception française d’égalité. Bien que
l’égalité consiste « à traiter également chaque citoyen par rapport à un objet déterminé », la
parité repose sur ce fondement pour prétendre à un partage égal des responsabilités entre les
hommes et les femmes. L’impératif d’efficacité conduisit à revisiter l’égalité sous le prisme de
la parité. Ainsi, la Constitution de 1958 modifiée en 2008 fait clairement référence au principe
312 Const., art. 4, al. 1.
313 Const., art. 4, al. 3.
314 Const., ancien art. 3.
315 Cons. const.,18 nov. 1982, déc. 82-146 DC, Loi modifiant le Code électoral et le Code des communes et relative
à l’élection des conseillers municipaux et aux conditions d’inscription des Français établis hors de France sur les
listes électorales.
96



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d’égalité disposant en son article 1er que « la France est une république indivisible » qui « assure
l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion »,
l’alinéa 2 énonçant également que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux
mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et
sociales ». Conformément à la Constitution, le législateur est désormais autorisé à instaurer des
règles contraignantes quant au sexe des candidats aux élections politiques qui disposent d’un
mode de scrutin qui se prête à une telle réglementation. En ce sens, le Conseil constitutionnel
pour affirmer la conformité de la loi tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes
aux mandats électoraux et fonctions électives a constaté que l’intention claire du constituant,
tel qu’elle résultait des débats parlementaires préalables à l’adoption de la loi constitutionnelle
du 8 juillet 1999, était assurément d’autoriser le législateur à instaurer ces règles contraignantes.
Le constituant a ainsi permis à la loi, dans la mesure jugée utile par le législateur pour favoriser
l’égal accès des deux sexes aux mandats électoraux, de déroger aux exigences constitutionnelles
sur le fondement desquelles le Conseil constitutionnel avait censuré à deux reprises316 la prise
en compte du sexe par les règles relatives aux candidatures. Lorsque le Conseil rend pour la
première fois une décision sur le sujet « homme-femme » en 1982317, il censure une disposition
instituée grâce à un amendement de Mme Halimi. Il prévoit, un minimum de mixité pour les
élections municipales. Autrement dit, le texte introduisait une division par catégories des
électeurs ou des éligibles, notamment pour l’élection des conseillers municipaux en instituant
et limitant à 75 % le pourcentage de candidats du même sexe sur les listes. Ce texte ambitionnait
de poursuivre l’initiative de Mme Pelletier en 1979.
58.
Pour Claire Bazy-Malaurie, membre du Conseil constitutionnel, « la saisine par les
parlementaires ne portait pas spécifiquement sur cet article, et le Conseil s’est saisi d’office,
signe d’une remise en cause à ses yeux, par le texte qui lui était soumis, d’un principe
fondamental ». Selon elle, le Conseil se situait non pas sur le terrain de la promotion de l’égalité,
mais sur celui de deux principes fondamentaux de la République : l’indivisibilité du corps
316 Cons. const., 18 nov. 1982, déc. 82-146 DC ; Cons. const., 14 janvier 1999, déc. 98-407 DC.
317cf. sur le débat constitutionnel en matière d’égalité hommes-femmes : Louis FAVOREU, « [Note sous décision
n° 82-146 DC] »,
Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, avril 1983, n° 2, p.
367 [§ 58, 59, 66, 108, 109, 124] ; L. PHILIP, L. FAVOREU, « Principe d'égalité »,
Les grandes décisions du
Conseil constitutionnel. Dalloz
, 2009, pp. 213-242 ; L. FAVOREU, L. PHILIP, « Quotas par sexe. Indivisibilité
du corps électoral. Principe d'égalité »,
Les grandes décisions du Conseil constitutionnel. Dalloz, 1999, pp. 556-
562 ; F. DEMICHEL, « À parts égales : contribution au débat sur la parité »,
Recueil Dalloz, 1996, n° s.n., p. 95-
97 ; P. BLACHER, « Droit constitutionnel et identité féminine », Revue administrative, janvier-février 1996, n°
289, p. 38-44 ; D. LOCHAK, « Les hommes politiques, les sages (?)... et les femmes »,
Droit social, février 1983,
n° 2, p. 131-137 ; P. AVRIL ET J. GICQUEL, « [Note sous décision n° 82-146 DC] », Pouvoirs, avril 1983, n° 25,
p. 190-191.
97




Page 99
électoral318, détenteur de la souveraineté nationale, et l’égalité devant la loi319. Autrement dit,
le Conseil constitutionnel avait annulé au nom de l’indivisibilité de la République, mais aussi
du concept de citoyen et du principe d’égalité, qui interdisait toute distinction entre deux
candidats, une loi instituant des quotas par sexe pour les élections municipales. De la sorte, le
Conseil renouvelait « la consécration de l’un des fondements du droit constitutionnel. Concept
abstrait lié à l’existence du corps politique, le citoyen en est la composante élémentaire dont
l’interchangeabilité garantit, avec la parfaite homogénéité de ce corps, l’indivisibilité de la
souveraineté dont il est titulaire. La qualité qui s’y attache […] ne saurait être démembrée par
une quelconque différenciation en catégories dont la seule existence porte atteinte à l’essence
même du concept et à ce qu’il est destiné à représenter et à garantir »320. La position du Conseil
ne fit pas l’objet d’une grande controverse, bien au contraire, la doctrine était majoritairement
d’accord avec la décision.
B) La révision de 1999 et l’obligation des partis «de contribuer à la mise
en œuvre » de ce principe
59.
La révision de 1999 prévoyait également que les partis doivent « contribuer à la
mise en œuvre » de ce principe
321. En pratique, cela signifiait que la révision devait mener
dans les années à venir l’institution de binômes homme-femme pour l’élection des conseillers
départementaux ; la validation par le Conseil
322 démontrant les bénéfices de ces révisions
constitutionnelles. Bien que l’intention du constituant français fût de dépasser la difficulté qui
résidait dans les contradictions apparues entre la jurisprudence et la volonté politique, les
révisions en faveur de la parité provoquèrent une érosion importante de critiques. Pendant de
nombreuses années d’ailleurs, la doctrine s’en plaignit et mit en lumière d’autres écueils de
cette révision. Pêle-mêle, il était reproché à la parité de provoquer le risque d’une segmentation
de la population en fonction de catégories ; de miner la légitimité des femmes à représenter
318Ce principe avait été utilisé une première fois en décembre 1976, à l’occasion de l’approbation des décisions
communautaires relatives aux élections à l’Assemblée des communautés européennes. Il sera utilisé dans d’autres
décisions ultérieures, relatives aux langues régionales, à la Corse, etc.
319En termes d’égalité, le Conseil constitutionnel a, on le sait, une position constante, exprimée dans un considérant
réitéré à maintes reprises : le législateur peut introduire des différences à condition qu’elles s’appliquent à des
situations objectivement différentes, en fonction d’un objectif d’intérêt général, et qu’aucun autre droit ne soit mis
en cause par la différence de traitement. En 1982, ce principe ne conduit pas à accepter la mise en place d’un
régime juridique spécial pour les femmes.
320 J. BOULOUIS, AJDA 1984, p. 470.
321 Art. 4 de la Constitution de 1958.
322 Cons. const., 16 mai. 2013, déc. 2013-667 DC.
98





Page 100
l’ensemble de la population 323; et de générer des effets pervers en impliquant « aussi une
relation entre la binarité des sexes et la gouvernance ». En d’autres termes, la parité interroge
sur la pensée républicaine de l’égalité. Dans cette perspective égalitaire, le Conseil a une
position constante, formulée dans un considérant réitéré à plusieurs reprises : le législateur peut
introduire des différences sous conditions. Celles-ci s’appliquent à des situations objectivement
différentes, en fonction d’un objectif d’intérêt général, et qu’aucun autre droit ne soit mis en
cause par la différence de traitement. Par conséquent, conformément à sa logique, le Conseil en
1982 refusa d’introduire un régime juridique spécial en faveur des femmes. Il fit le choix de
préserver l’unité de la population en écartant le risque d’une segmentation selon des
catégories324. La représentation politique renvoie à ce qui est commun, si le conseil n’avait pas
censuré la disposition, il aurait permis la représentation des intérêts qui se mirait dans ce qui est
particulier ou catégoriel, notamment le genre. En tout état de cause, il était assez aisé de
constater les failles de la Constitution française à cette époque. Celle-ci était clairement en
contradiction avec la volonté politique. En effet, la parité dans la vie politique ou encore les
mesures de « discrimination positive » établies en faveur de la population d’origine indigène de
Nouvelle-Calédonie étaient en contradiction avec la jurisprudence du Conseil. Or, ce dernier
n’était pas réfractaire à toute forme de « discrimination ». Partant, il accepta en 1993 la création
de la troisième voie à l’ENA, il aménage un mode de recrutement spécifique pour ceux qui ne
sont ni fonctionnaires ni étudiants dans ce domaine.
60.
Le pouvoir constituant devait désormais entreprendre des réformes afin de répondre au
débat public suscité par l’enjeu électoral depuis les années 1990. La campagne présidentielle
de 1995 avait démontré que le débat était nécessaire pour une inscription de l’objectif de parité
dans la Constitution. En effet, l’objectif de parité avait conduit les deux principaux candidats,
Jacques Chirac et Lionel Jospin au second tour de l’élection présidentielle. En ce sens, ils
avaient proposé des réformes. Après la victoire de Jacques Chirac, le gouvernement Juppé créa,
la même année, un Observatoire de la parité. Le 11 mars 1997, le gouvernement annonça une
révision de la Constitution dans le but de permettre, à titre provisoire, une loi mettant en place
une présence minimale de femmes dans les scrutins à la proportionnelle. Lionel Jospin est
323 E. VARIKAS, « Une représentation en tant que femme ? Réflexions critiques sur la demande de la parité des
sexes »,
Nouvelles Questions Féministes 1995, vol. 16, n° 2, pp. 81-127.
324C. BAZY-MALAURIE, « Le Conseil constitutionnel et la parité », in Égalité-Parité : Une nouvelle approche
de la démocratie ?
X. BIOY, M.-L. FAGES, (dir.), Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013, p.91.
Disponible en ligne sur [http://books.openedition.org/putc/667] (généré le 29 octobre 2018).
99





Page 101
nommé Premier ministre à la suite des élections législatives de 1997. Il annonce dans sa
déclaration de politique générale une révision de la Constitution afin d’y inscrire l’objectif de
la parité entre les hommes et les femmes. Le 14 juillet 1997, Jacques Chirac se rallie à l’idée
d’une modification constitutionnelle. Partant, la révision eut pour effet de contraindre le Conseil
constitutionnel à modifier sa position. En effet, le dialogue entamé entre le législateur, le
Conseil et le constituant avait retardé la consécration de la parité et réduit considérablement la
période durant laquelle celle-ci pouvait être mise en œuvre. Pour synthétiser, la révision
constitutionnelle du 8 juillet a eu deux conséquences : d’une part, le législateur peut désormais
envisager des dispositions à caractère incitatif ou à caractère contraignant en raison des
nouvelles dispositions constitutionnelles ; d’autre part, elle met fin à la division entre le Conseil
et le constituant dans leur dialogue entre égalité et parité dans le domaine des élections
politiques.
61.
En outre, de façon médiate, la Constitution de 1958 ne prévoyait pas explicitement une
égalité entre les hommes et les femmes. La révision de 1999 introduisit explicitement l’égalité
homme-femme dans le domaine politique, sous l’angle de la parité. Cette dernière eut pour
unique ambition « de lever le “verrou” constitué par la jurisprudence du Conseil
constitutionnel » qui prescrivait les distinctions fondées sur le sexe, de manière générale, dans
le domaine de l’accès aux emplois publics325. Si la Constitution antérieure n’incitait guère le
législateur à prendre des mesures en faveur de l’égalité, le nouvel impératif d’égalité d’accès
des femmes et des hommes au domaine non politique prévu par la révision de 2008 non
seulement corrobora la volonté du constituant d’élargir le domaine de l’objectif de parité, mais
surtout, celui de garantir les droits entre les hommes et les femmes. En définitive, les seules
différenciations tolérées par la Constitution en vigueur résident dans les dispositions de
l’article 3 de la Constitution. En ce sens, « sont électeurs, dans les conditions déterminées par
la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et
politiques ». Autrement dit, en dehors des cas cités ci-dessus, « la loi doit être “aveugle” à des
caractéristiques comme le sexe ». Cette logique, comme nous l’avons déjà constaté, fut
expressément admise par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1982 relative aux
« quotas de femmes » sur les listes municipales. En définitive, le Conseil constitutionnel refuse
d’admettre des discriminations positives ou négatives en la matière sauf si cette dernière est
autorisée par la Constitution (Révision de 1999).
325 Voy. Cons const., 14 janvier 1999, déc. 98-407 DC, cons. 12, Rec. p. 21 ; 19 juin 2001, déc. 2001-445 DC,
cons. 56 à 58, Rec. p. 63 ; 12 janvier 2002, déc. 2001-455 DC, cons. 112 à 115, Rec. p. 49.
100




Page 102
C) L’application stricte de la parité
62.
Le cantonnement de la mise en œuvre de la parité dans le domaine des élections
politiques. Pour d’autres domaines, le principe d’égalité exige des modulations selon certaines
caractéristiques. L’article 6 de la Déclaration de 1789 prévoit « l’accès aux places et emplois
publics » à « tous les citoyens » en fonction de « leurs capacités et sans distinction que celle de
leurs vertus et de leurs talents ». Le Conseil a rappelé cette exigence en 1983 concernant l’accès
à la fonction publique326 relatif à un projet de loi qui prévoyait ce recrutement sur un critère de
« représentativité ». En l’absence de dispositions expresses de la Constitution, le Conseil refusa
d’admettre des discriminations positives. En ce sens, ce dernier a jugé que le constituant n’avait
entendu déroger aux exigences de l’article 6 de la Déclaration de 1789 que pour les élections
politiques et non pour l’élection des magistrats membres du Conseil supérieur de la
magistrature. Autrement dit, il a censuré des dispositions qui prévoyaient la parité homme-
femme sur les listes de candidatures327. Son contrôle, en la matière, est très rigoureux, il a même
émis des « réserves d’interprétation » de portée directive afin de pallier le silence de la loi. En
2003, il refuse également que la composition des jurys de validation des acquis de l’expérience
ait une composition selon un quota par sexe. De même, dans le domaine de l’égalité d’accès
des femmes et des hommes aux fonctions non publiques comme contraire au principe d’égalité
et non couvert par les normes constitutionnelles relatives à la parité en matière d’élection
politique, le Conseil a censuré en 2006 des dispositions de la loi relative à l’égalité salariale
entre les sexes instaurant des règles de composition contraignantes entre sexes dans divers
326 De manière générale, le principe de l’égalité dans l’accès à la fonction publique en France est prévu par l’article
6 de la DDHC de 1789 qui dispose que « Tous les citoyens...sont également admissibles à toutes dignités, places
et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents
». De
plus, l’alinéa 18 du Préambule de la Constitution de 1946 prévoit également des dispositions dans le même sens
en consacrant que la France « « garantit à tous l’égal accès aux fonctions publiques ». C’est la jurisprudence du
juge administratif qui va rendre ce principe effectif en 1954. CE Ass., 28 mai 1954,
Barel, Rec. p. 30, concl.
Letourneur. Cette affirmation s’opère « avant même que les statuts le consacrent par voie législative ». Comme
nous l’explique la professeure Sauviat, ce n’est que « depuis l’entrée en vigueur du Préambule de 1946 affirmant
l’égalité entre les sexes, la question de l’accès des femmes a été davantage encadrée par le droit, le droit de l’UE
(Directive n° 76/207 CEE du 14 févr. 1976 abrogée et remplacée par la directive n° 2006/54/CE du 5 juill. 2006)
va imposer le respect de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes tout en permettant des modalités
de recrutement différentes dans la mesure où cela est déterminant pour l’exercice des fonctions ». A. SAUVIAT,
« Accès à l’emploi public », in Dictionnaire Juridique de l’égalité et de la non-discrimination, D. THARAUD, C.
BOYER-CAPELLE (Dir
.,), L’Harmattan 2021,p. 8.
327 Cons. const., 19 juin 2001, déc. 2001-445 DC, Loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil
supérieur de la magistrature.
101





Page 103
organismes et commissions délibératives de caractère privé328. Le Conseil constitutionnel se
fonda sur deux articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen329, un article de
la déclaration de 1946
330et deux articles de la Constitution pour mettre en lumière que le
constituant n’a autorisé la parité que pour les élections politiques. Le Conseil applique
strictement les dispositions constitutionnelles relatives à l’égalité devant la loi qui aboutit à la
censure. Une fois de plus, un dialogue est engagé entre le Conseil, le législateur et le constituant.
Par sa position, le Conseil invite le constituant à réviser la Constitution dans le cas où la logique
du Conseil n’est pas acceptée. Clairement, le constituant souhaite élargir la parité. Durant
l’année 2008, un projet gouvernemental de révision de la Constitution est déposé. Ce dernier,
issu majoritairement des réflexions du groupe de réflexion présidé par M. Balladur
331, ne
contenait rien sur la question. Le groupe ne désirait pas inscrire la parité dans le préambule
malgré un avis qui qualifiait le bilan affiché par la parité de modeste. Il n’acheva pas ses travaux
en la matière. Toutefois, le rapport du Comité Balladur en date du 27 octobre 2007332 précisa
sur la question de la modification du préambule de la Constitution de 1958 que « le Comi
n’était pas en mesure de trancher la question sur l’éventuelle contrariété entre telle ou telle
disposition des textes auxquels se réfère le Préambule. Sont en cause de délicates questions de
principe, plus idéologiques que proprement juridiques »333. Le rapport du comité ajouta que
c’est pour cette même raison qui conduisit le comité « à ne pas souhaiter recommander aux
pouvoirs publics d’ajouter au Préambule des principes nouveaux, même s’ils font l’objet d’un
large assentiment au sein de la société. Ainsi en est-il de la diversité qui caractérise la
composition de la société française, du principe de parité entre les femmes et les hommes… »334
Ce principe serait « soit trop récent pour que le contenu juridique soit figé dans un texte aussi
328Cons. const., 16 mars 2006, déc. 2006-533 DC, Loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ;
Voy. sur la question.
Ch. GESLOT, « Egalité devant la loi sociale et discriminations positives (Cons. Const. n°
2006-533 DC et n° 2006-535 DC) »,
AJDA 2006, pp. 1961-1967. « Egalité devant la loi sociale et discriminations
positives (Cons. Const. n° 2006-533 DC et n° 2006-535 DC) »,Actualité juridique. Droit administratif, 2006, n°
7, pp. 1961-1967; V. OGIER-BERNAUD, « L'évolution décisive de la jurisprudence constitutionnelle relative à
l’exercice du droit d’amendement en cours de navette parlementaire », Revue française de droit constitutionnel
2006, n° 67, pp. 585-607; J.-É. SCHOETTL, « La loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes
devant le Conseil constitutionnel (1re partie) »,
LPA 2006, n° 74, pp. 13-20 ; J.-É. SCHOETTL, La loi relative à
l’égalité salariale entre les femmes et les hommes devant le Conseil constitutionnel (suite et fin) », LPA 2006, n°
75, pp. 8-21.
329 Art. 1er et 6 de la DDHC.
330 Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 alinéa 3.
331Assemblée
à
lois, Rapport
la
modernisation des institutions de la Ve République, présenté par Jean-Luc WARSMANN,15 mai. 2008 ; Sénat,
commission des lois, Rapport n° 387 (2007-2008) :
Projet de loi relatif à la modernisation des institutions de
la
Ve République, présenté par Jean-Jacques HYEST, 11 juin 2008.
332Edouard. Balladur, Une Ve République plus démocratique, Comité de réflexion et de proposition sur la
modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, La Documentation française, 2007.

333D. RIBES, Le rapport du comité Balladur, Une Ve République plus démocratique, 27 Octobre 2007, p.86.
334Ibid.
nationale, Commission
: Projet
relatif
892
des
loi
de

102



Page 104
solennel que le Préambule soit déjà consacré par une jurisprudence constante et désormais bien
admise qu’il serait inutile sinon fâcheux de perturber »335. Ces derniers arguments peuvent
expliquer pourquoi il n’y a pas eu d’inscription de la parité dans le Préambule. À défaut, le 21
juillet 2008, est ajouté dans l’article 3 la précision suivante : « ainsi qu’aux responsabilités
professionnelles et sociales ». Cette dernière mention ne figure plus à l’article 3 qui traité de la
souveraineté. Désormais elle est inscrite à l
’article 1er de la Constitution qui est relatif à
l’indivisibilité de la République. Autrement dit, le second alinéa de l’article 1er de la
Constitution a été ajouté par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008
336. Cet article reprend le
dernier alinéa d
e l’article 3 de la Constitution. L’article 1er de la Constitution est complété par
un alinéa ainsi rédigé : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. » La
loi constitutionnelle de 2008 supprime le dernier alinéa de l’article 3 de la Constitution.
Conformément aux dispositions de la Constitution de 1958 qui précise que « la loi favorise
l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives» et son
article 4 que les partis et groupements politiques « contribuent à la mise en œuvre» de ce
principe, le législateur prit des mesures pour appliquer ce principe de parité
337. Par la suite, le
législateur a promulgué une loi en date du 28 janvier 2011338. En définitive, les barrières édifiées
335Ibid.
336Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République,
JORF., 24.07.2008, n°0171.
337La loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et aux fonctions électives ; la loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 relative à l’élection des sénateurs qui
applique le principe de la parité à l’élection des sénateurs au scrutin de liste à la proportionnelle, dans les
départements où sont élus trois sénateurs et plus. Cette loi a été modifiée par la loi n° 2003-697 du 30 juillet
2003
portant réforme de l’élection des sénateurs qui a limité l’application du scrutin de liste paritaire à la
proportionnelle aux départements où sont élus plus de quatre sénateurs ; la loi n° 2003-327 du 11 avril
2003
relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide
publique aux partis politiques ; la loi n° 2003-1201 du 18 décembre 2003 relative à la parité entre hommes et
femmes sur les listes de candidats à l’élection des membres de l’Assemblée de Corse ;la loi n° 2007-128 du 31
janvier 2007 tendant à promouvo
ir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions
électives ;la loi n° 2008-175 du 26 février 2008 facilitant l’égal accès des femmes et des hommes au mandat de
conseiller général ;la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des
conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral ; la loi n° 2013-702
du 2 août 2013
relative à l’élection des sénateurs ; loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les
femmes et les hommes, concernant les élections législatives.
338 Le législateur a repris l’initiative et la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au
sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, très proche de celle qui avait été
censurée en 2006, a été publiée le 28 janvier 2011. On peut également noter que ce principe d’une représentation
équilibrée entre les hommes et les femmes est également exigé dans le cadre du droit public, notamment dans la
composition des jurys dont l’objectif est de prendre en considération les aptitudes des candidats conformément
aux exigences de l’article 6 de la DDHC de 1789. Cette exigence on la retrouve dans la jurisprudence du Conseil
d’État et du Conseil constitutionnel. CE, sect., 22 juin 2007, Lesourd, n° 288206 ; CE, 18 oct. 2002, Catsiapis, n°
242896 ; Cons. const., n° 2001-455 DC, 12 janv. 2002, cons. 112-115. En outre, le principe d’Égalité reste une
obligation constitutionnelle qui est rappelé par le Conseil constitutionnel. Cons. const., n° 2010-94 QPC, 28 janv.
2011.
103



Page 105
par la Constitution et la jurisprudence ne permettaient pas au législateur de garantir l’égalité
des chances, c’est-à-dire que des actions spécifiques sont réalisées envers les femmes pour
permettre une égalité réelle. Partant, ces mesures « positives » reposent sur des pratiques
discriminatoires en faveur des femmes. Ce n’est que bien plus tard, avec une révision
constitutionnelle, que la Constitution toléra certaines de ces mesures, mais elles furent
strictement encadrées par le législateur et par le contrôle exercé par le Conseil. Avant cela, il y
eut un tournant important, celui de la reconnaissance de la valeur constitutionnelle de l’égalité
des sexes par ricochet. La consécration du bloc de constitutionnalité marqua, entre autres, la
volonté de reconnaître la valeur constitutionnelle de l’égalité des sexes.
D) Les conséquences de cette reconnaissance expresse de l’égalité des sexes
63.
Les principales conséquences de l’introduction d’une disposition expresse. La
présence d’une disposition expresse eut deux conséquences principales. En premier lieu, elle
contribua à renforcer le dispositif juridique en permettant la reconnaissance de sa valeur
constitutionnelle. Grâce à la jurisprudence du Conseil, il a pu être constaté, d’une part, une
consolidation de la protection de l’égalité des sexes et, d’autre part, une reconnaissance formelle
de ce droit en France. Cette reconnaissance formelle a eu pour effet de considérablement
repenser l’égalité des sexes dans ce nouveau cadre constitutionnel depuis la décision « liberté
d’association »
339. En second lieu, le principe d’égalité des sexes est corollaire à un autre
principe fondamental, celui de l’interdiction de discriminations, notamment celles fondées sur
le sexe.
64.
Par la reconnaissance de la valeur constitutionnelle de l’égalité homme-femme, la
Tunisie affirme explicitement cette égalité et rompt ainsi avec l’ancienne disposition douteuse,
laquelle ne consacrait qu’une égalité de manière implicite. C’est par l’adoption de la nouvelle
Constitution de 2014 qu’est introduite de manière explicite l’égalité des sexes. La naissance de
ce droit a mis au jour les profondes carences de cette ancienne disposition. Le révélateur le plus
manifeste de cette carence se trouve certainement dans le fait qu’il fallut plusieurs dispositions
pour affirmer l’égalité des sexes. Cette affirmation, comme en France, passe par l’interdiction
339C.C., 16 juill. 1973, déc. 71-44 DC, Liberté d’association, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de
la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association
.
104






Page 106
de discrimination fondée sur le sexe. Toutefois, il subsiste des entraves à la bonne application
de l’égalité homme-femme en Tunisie.
§ 3. L’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe
65.
Sous l’influence du droit européen et international, l’expression de « principe de non-
discrimination » a pu sembler similaire à celui du principe d’égalité. Toutefois, ce n’est pas
réellement le cas. L’affirmation du principe d’égalité affirme une exigence de façon positive. Il
est plus favorable aux personnes discriminées dans le sens où l’inégalité se constate plus
aisément à partir du moment où des individus ne sont pas traités de la même manière alors que
rien ne peut objectivement justifier une telle différence de situation. À l’inverse, l’interdiction
de la discrimination est la formulation négative du principe d’égalité. Alors le principe de non-
discrimination impliquerait pour la victime de déceler et de distinguer les critères sur lesquels
s’est fondée la discrimination. C’est pourquoi le principe d’égalité ou de non-discrimination,
est considéré comme étant deux approches antagoniques. Afin de maintenir une relation
équilibrée entre le principe d’égalité et le principe de non-discrimination, le législateur a
cherché à ériger des dispositions permettant à la fois de respecter et de protéger l’égalité des
droits tout en prévoyant des dispositions qui ont la capacité d’éliminer toutes formes de
discriminations fondées sur des critères prohibés. Conscient qu’un dispositif juridique
permettant de faciliter la contestation des discriminations fondées sur des critères clairs et précis
était crucial, le législateur a intégré dans la loi du 27 mai 2008 diverses dispositions consacrant
des critères de discrimination prohibés, calquées sur la liste des critères de l’article 225-1 du
Code pénal. Cette nouvelle loi apparaît comme une base juridique solide. Elle permet
d’uniformiser les dispositions relatives aux discriminations. À cette fin, elle prévoit l’adaptation
du droit communautaire dans le domaine dans une disposition législative qui s’aligne sur les
critères prévus par le Code pénal. En pratique, la loi offre un cadre juridique significatif qui
s’enrichit par la jurisprudence. Bien que la Constitution tunisienne interdise les discriminations
entre les citoyens et les citoyennes, l’absence d’une disposition générale interdisant toutes
formes de discriminations y compris entre les sexes vient s’ajouter à la liste des entraves à la
bonne application de l’égalité homme-femme en Tunisie.
105






Page 107
66.
Principe d’égalité ou de non-discrimination, deux approches antagoniques. De
manière à faire ressortir le cheminement parcouru depuis l’adoption de la Constitution de 1958
dont les dispositions-charnières de l’article premier donnèrent une assise constitutionnelle aux
droits à l’égalité, nous esquisserons ici un schéma des principaux paramètres qui régissent la
saisie juridique de la problématique de l’égalité entre les sexes sous le prisme de la non-
discrimination. De manière générale, le principe d’égalité est souvent énoncé pour justifier
l’interdiction de certaines discriminations, en l’occurrence celle fondée sur le sexe. Le terme
discrimination vient du latin discriminis. Il indique à l’origine qu’une distinction, une
séparation, une différenciation peut être établie entre des objets. Cependant, la discrimination
dans son sens courant revêt une connotation négative340. Selon la HALDE, « discriminer, c’est
interdire ou limiter l’accès d’une personne à un emploi, un logement, à des biens et des services
ou à une formation pour des raisons interdites par la loi »341. Autrement dit, la discrimination
résulte d’une rupture de l’égalité pour un motif prohibé.
Les discriminations fondées sur le sexe dans le cadre professionnel ont toujours été interdites
par les traités de l’Union européenne. Introduire le principe de non-discrimination apparaît
comme une tâche très ardue
342. Tandis que la discrimination se présente, selon une partie de la
doctrine comme le « chaînon manquant » entre les idéologies et les inégalités. Il estime que
l’étude de la discrimination met en exergue les mécanismes des idéologies dans la constitution
des inégalités entre les individus343. Contrairement au principe d’égalité qui constitue l’identité
juridique qui s’est depuis longtemps cristallisée autour de caractéristiques bien identifiables, le
paysage juridique a été modifié avec l’émergence du principe de non-discrimination qui est
venu s’imbriquer dans le concept d’égalité entre les sexes. Ce qui a eu pour conséquence de
transformer le cadre juridique du principe d’égalité entre les sexes. À l’origine, l’instrument
constitutionnel ayant donné naissance au droit à l’égalité ne prévoyait pas explicitement
l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe. En effet, l’article premier de
340 M. BOSSUYT, L'interdiction de la discrimination dans le droit international des droits de l'homme. Bruxelles,
Bruylant, 1976.
341 Ancienne Haute autorité de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité Dossier d’information la HALDE,
Contre les discriminations et pour l’
Égalité, 2005.
342 En effet, à la suite d’une série d’arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE), le principe
a été affirmé par la transposition de deux directives européennes. Ce principe issu du modèle anglo-
saxon n’a pas
été rapidement intégré dans le système juridique français. La transposition des directives ne s’est pas opérée avec
célérité. En effet, il a fallu que la Commission engage une procédure de manquement devant la CJCE pour
qu’apparaisse enfin en procédure d’urgence la loi du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d’adaptation au
droit communautaire dans le domaine des luttes contre les discriminations. La conception classique de la
discrimination en France consiste à traiter de manière défavorable une personne ou un groupe en raison de critères
prohibés, déterminés par la loi.
343 D. FASSIN, « L'invention française de la discrimination », Revue Française de Science Politique, 2002, n° 52,
pp.403-423.
106



Page 108
la Constitution de 1958 dispose que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les
citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion »344. Bien que l’objectif de la non-
discrimination soit le même que celui du droit à l’égalité, c’est-à-dire assurer l’égalité entre les
hommes et les femmes, l’approche des deux notions est considérée comme antagonique.
D’ailleurs, M. Jean-Marie Delarue, en 2014 alors Contrôleur général des lieux de privation de
liberté, résumait ces deux approches ainsi : « la discrimination est, pour le juge français, le
versant antagoniste de l’égalité »
345. C’est pourquoi « le refus de la discrimination repose sur
l’affirmation d’un principe d’égalité entre plusieurs individus, qui devrait rendre impossible
l’application d’un traitement différent »346.
Ainsi, le concept de discrimination dépend étroitement du concept d’égalité sans y être
assimilable. En ce sens, le principe de discrimination peut se définir comme l’interdiction
d’établir des différenciations de traitement entre les individus en raison de critères formellement
prévus par la Constitution ou par d’autres normes, tels que la croyance, l’âge ou le sexe. Le
rapport du Conseil d’État sur le principe d’égalité de 1996 énonce que « la non-discrimination
[…] constitue une application stricte du principe d’égalité entre les sexes, affirmé par le
344 La jurisprudence du Conseil constitutionnel se réfère le plus souvent à une « formule standard censée exprimer
sa conception globale du principe » (F. MELIN-SOUCRAMANIEN, «
Le principe d’égalité dans la jurisprudence
du Conseil constitutionnel. Quelles perspectives pour la question prioritaire de constitutionnalité ? », Op. Cit.,
Ibidem.
). Aussi, depuis sa décision du 9 avril 1996, il estime que, a contrario, « le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des
raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport
direct avec l'objet de la loi qui l'établit » (Déc. n
o 1996-375 DC, Rec., p. 60). Sa position a été rappelé dans un arrêt
de 2018 où il affirme que «
le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon
différente des situations différentes, ni
à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que,
dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui
l’établit
» (Décision n° 2018-738 QPC du 11 octobre 2018; J.-M. BRIGANT, « L'imprescriptibilité de l'action
disciplinaire contre un avocat est conforme à la Constitution »,
Gaz. Pal. 2018, n° 41, pp. 16-18 ; C. VAUTROT-
SCHWARZ, « Le Conseil constitutionnel, l'action disciplinaire contre l'avocat et la faux du Temps »,
JCP G,
2019, n° 1-2, pp. 26-31; H. BARBIER, « Le Conseil constitutionnel peut-il tout pour le droit des obligations ?
»,
RTD civ, 2019, pp. 92-94 ; La discrimination peut être définie comme consistant « à traiter différemment des
personnes se trouvant dans des situations comparables ou à traiter de manière identique des personnes se trouvant
dans des situations différentes ».Ainsi, « La discrimination consiste à traiter de manière différente des situations
qui sont identiques ou de manière identique des situations qui sont différentes » (CJUE, Arrêt 23 Février 1980,
Wagner, Aff. n°147/79, Rec.JD., 1983 p.
03005, Sommaire, Cons.2)« Selon une jurisprudence constante de la
cour, le principe général d’égalité dont l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité n’est qu’une
expression spécifique, est un des principes fondamentaux du droit communautaire. Ce principe veut que les
situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à
moins qu’une différenciation ne soit
objectivement justifiée. Il exige, à l’évidence que des agents places dans des situations identiques soient régis par
les mêmes règles, mais il n’interdit pas au législateur communautaire de tenir compte des différences
objectives
de conditions ou de situations dans lesquelles se trouvent places les intéresses ». (CJUE, Arrêt 16 octobre 1980,
Hochtrass, Aff. n°147/79, Rec.JD., 1980, Cons.7. p. 03005).
345Rapport d'information n°94 (2014-2015) de Mme Esther BENBASSA, M. JEAN-RENÉ, fait au nom de la
commission des lois, déposé le 12 novembre 2014,
La lutte contre les discriminations : de l'incantation à l'action,
[https://www.senat.fr/notice-rapport/2014/r14-094-notice.html].
346Ibidem.
107




Page 109
préambule de la Constitution de 1946 toujours en vigueur. En revanche, elle ne peut avoir pour
prétention de réaliser l’égalité réelle des hommes et des femmes dans tous les aspects de la vie
sociale »347. Pour la doctrine, « cette affirmation constitue une illustration de l’un des nombreux
discours juridiques qui érigent une opposition entre égalité formelle et égalité réelle. Une telle
opposition conduit à limiter, et parfois même à empêcher, l’appréhension de dispositifs
juridiques permettant de lutter concrètement contre les inégalités de fait qui touchent encore
majoritairement les femmes ». Selon certains critères, ce principe de non-discrimination est
également encadré par la loi, notamment celle du 27 mai 2008
348. Le principe de non-
discrimination est défini à l’article 1132-1 du Code du travail, selon lequel « aucune personne
ne peut […] faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte […], en raison de
son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de
sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son
appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une
race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions
religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé
ou de son handicap ».
67.
L’existence d’un droit à la non-discrimination, l’instrument constitutionnel
tunisien. Qu’est-ce que la discrimination en Tunisie ? Bien que complexe, la nouvelle
Constitution avait pour ambition de trouver un équilibre entre modernité et tradition. L’objectif
était d’éviter tout blocage institutionnel et une crise politique majeure. La mobilisation de
l’opinion publique sur la question de l’égalité homme-femme a bousculé l’inertie
concurrentielle dans le domaine politique. L’absence d’une disposition législative générale
interdisant la discrimination dans tous les domaines a eu une conséquence importante dans la
consécration de l’égalité des sexes. Sa mauvaise conception a laissé des espaces ouverts pour
tolérer des situations discriminatoires. L’effet collatéral de cette malfaçon se trouve dans
l’existence d’un vide juridique en matière de discrimination.
En effet, ce vide juridique est le résultat de défauts de dispositions législatives en la matière. Ce
défaut de disposition a eu pour effet de renforcer l’existence de discriminations. Pourtant, la
347 Rapport du Conseil d’État, Sur le principe d’égalité, Paris, La documentation française, 1998, p. 1.
348 La notion de discrimination pénétra le droit français d’abord par la voie du droit international des droits de
l’homme à partir des années 1950348, puis en droit interne. Ainsi, comme pour le principe de l’égalité, différentes
sources du droit de l’Union européenne établissent des normes qui prohibent la discrimination. Aussi, la législation
de l’Union européenne interdit à toute personne morale ou physique, ainsi qu’aux institutions européennes et aux
États membres, d’exercer une discrimination, notamment lorsque leurs actes enfreignent une interdiction de
discrimination fondée sur le sexe.
108




Page 110
Constitution interdit, de manière spécifique, les discriminations dans certains domaines. En
d’autres termes, ce n’est pas la loi qui interdit la discrimination, mais la Constitution de manière
spécifique. Dès le préambule, la Constitution de 2014, « lutte contre toutes les formes de
discriminations et de racismes ». L’article 47 prévoit de « fournir toutes les formes de protection
à tous les enfants sans discriminations » et l’article 48 dispose que « l’État protège les personnes
handicapées de toute discrimination ». Or, sans l’action du législateur dans l’élaboration d’une
loi visant à éliminer toutes les formes de discrimination, celles-ci subsistent de manière légale.
C’était le cas du racisme qui n’était pas considéré comme un délit. Le 26 juillet 2017,
l’Assemblée des représentants du peuple vota un projet de loi organique visant à interdire les
discriminations fondées sur le sexe349. Pourtant, dans d’autres domaines, le législateur n’a pas
pris de telles mesures. Ainsi, en matière de discrimination à l’encontre des homosexuels,
l’article 230 du Code pénal n’a jamais été abrogé. Ce dernier dispose que « la sodomie, si elle
ne rentre dans aucun des cas prévus aux articles précédents, est punie de l’emprisonnement
pendant trois ans »350. Cette disposition existe depuis 1913, c’est-à-dire depuis l’entrée en
vigueur du Code pénal tunisien. Wahid Ferchichi explique à ce sujet que « la criminalisation de
l’homosexualité découle de l’influence de la doctrine et la jurisprudence française », notamment
la sanction.
68. Qu’en est-il en matière d’égalité homme-femme ? La Constitution est claire.
L’article 21 dispose que « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et devoirs. Ils sont
égaux devant la loi sans discrimination aucune ». Même si la notion n’a pas été délimitée, la
catégorisation du fait du sexe, est considérée par les instances internationales et par la Cour
africaine des Droits de l’homme, comme une discrimination. De plus, comme nous l’avons déjà
évoqué, l’article 49 de la Constitution dispose qu’il peut y avoir limitation des droits et des
libertés, mais à condition de respecter la proportionnalité et la nécessité. Partant, il existe quatre
conditions pour réaliser cette limitation : si ces droits et libertés portent atteinte au droit d’autrui,
à la défense nationale ou à la sécurité, mais aussi, s’il y a une atteinte à la santé publique et à la
morale publique. Or, une hypothèse selon laquelle l’égalité des sexes peut porter atteinte à ces
quatre éléments est difficilement concevable, même si le dernier point, c’est-à-dire la moralité
349 Loi organique 11 août 2017relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, n° 2017-58, JORT 15
août 2017, N° 65, p. 2604.
Projet de loi organique N°11/2018 relatif à l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale
350Les versions arabe et française diffèrent. La version française parle de « sodomie » alors que la version arabe
parle « d’homosexualité féminine et masculine ». Or c’est le texte arabe qui fait foi devant la loi. Les deux types
d’homosexualité sont criminalisés par la loi tunisienne.
109




Page 111
dans les espaces publics, peut-être plus contraignants pour les femmes. Par conséquent, sans
une loi éliminant toutes les discriminations, ou à tout le moins, les interdisant substantiellement,
les discriminations fondées sur le sexe existent et perdurent. À titre d’exemple, on peut citer le
cas des successions. La jurisprudence n’a pas épinglé cette pratique ni délimité la notion de
non-discrimination.
110





Page 112
111




Page 113
CHAPITRE II : L’ACCENTUATION
JURISPRUDENTIELLE DU MORCELLEMENT DES
NORMES DE REFERENCE
69.
Selon le doyen FAVOREU, « on désignera par “normes de référence” l’ensemble des
principes et règles à valeur constitutionnelle contenus dans ce que nous avions proposé
d’appeler le bloc de constitutionnalité »351. Le principe d’égalité a fait l’objet d’une
constitutionnalisation. Le Préambule de la Constitution de 1958 renvoie à d’autres textes,
notamment la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946. Le bloc de constitutionnalité
désigne l’ensemble des principes et dispositions ayant une valeur constitutionnelle. C’est avec
la décision fondatrice, liberté d’association, du 16 juillet 1971 que le Conseil a consacré la
valeur constitutionnelle du préambule du 4 octobre 1958 qui renvoie au préambule de 1946 et
la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Une loi constitutionnelle est venue
étendre le bloc de constitutionnalité en 2005. Désormais, la charte de l’environnement fait partie
du bloc de Constitutionnalités. Le bloc se trouve au sommet de la hiérarchie des normes et le
Conseil et le garant du respect de la Constitution. Ainsi, les lois et normes inférieures doivent
être conformes au principe d’égalité entre les hommes et les femmes qui a une valeur
constitutionnelle. Le Doyen Louis FAVOREU a théorisé cette notion en expliquant que
« l’expression désigne l’ensemble des principes et règles à valeur constitutionnelle dont le
respect s’impose au pouvoir législatif comme au pouvoir exécutif, et d’une manière générale à
toutes les autorités administratives et juridictionnelles ainsi, bien sûr, qu’aux particuliers »352.
Aussi, le principe d’égalité va puiser dans différentes normes pour enrichir son champ
d’application et affirmer d’une part une formulation positive du principe d’égalité, d’autre part
une formulation négative du principe. Dès lors, la formulation positive du principe, c’est-à-dire
la consécration expressis verbis de l’égalité trouve ses sources dans une multitude de textes
(Section 1). Corollairement, la lecture négative, c’est à dire le principe l’interdiction de
discrimination dispose également de sources multiples (Section 2).
351 L. FAVOREU, « Les normes de référence » in Le Conseil constitutionnel et les partis politiques, Travaux de
l’association française des constitutionnalistes, journée d’études du 13 mars 1987, PUAM-Economica, 1988, p.69.
352 O. DUHAMEL et Y. MENY, Dictionnaire constitutionnel, PUF, 1992, p.87.
112






Page 114
Section 1 : La multitude de sources textuelles en matière d’égalité
70.
Faiblesse du dispositif contenu dans la Constitution de 1958. Les barrières
constitutionnelles que nous avons précédemment identifiées produisaient un effet négatif
concret pour la promotion de l’égalité des sexes. Elles entravaient clairement l’émergence d’une
constitutionnalisation expresse de l’égalité, laquelle aurait pu déclencher une baisse
significative du retard accumulé dans le domaine. Cet état d’entrave était corroboré par certains
chiffres. À titre d’exemple, en matière de représentation des femmes en politique, on peut
constater une entrée massive des femmes dans les conseils municipaux353. En pratique, la cause
principale de l’acquisition tardive de droits égalitaires dans plusieurs domaines relève du silence
de la Constitution en la matière. Sans dispositions consacrant l’égalité des sexes, et sans
l’élargissement des normes de référence du Conseil, l’égalité des sexes était une simple
composante du principe d’égalité. Le Conseil examina une proposition de loi dont le grief
dominant était le non-respect d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République
selon lequel les associations se constituent librement sans autorisation préalable, même
lorsqu’elle émane de l’autorité judiciaire. Conséquemment, on souligne qu’en France (§ 1)
comme en Tunisie (§ 2) la faiblesse des différents dispositifs constitutionnelle a poussé à un
élargissement des normes de références.
§ 1. L’élargissement des normes de référence en France
71.
La volonté française de consacrer la valeur constitutionnelle de l’égalité des sexes
avec la consécration du bloc de constitutionnalité. En ce qui concerne les normes
353 Depuis les élections de 2001, les femmes représentent 30 % des conseils municipaux. Concernant les femmes
qui exercent la fonction de maire, le bilan est beaucoup plus mitigé même si l’on peut constater une progression.
En 1995, la proportion de femmes élues est de 7,5 %. Un chiffre qui s’accroît à 10,9 % en 2001, puis à 13,80 %
en 2008. (Rapport de l’observatoire de la parité remis au Premier ministre en 2002 sur l’impact de la loi dans les
domaines où s’applique la parité.)

Par ailleurs, concernant les élections qui ne sont pas concernées par la parité, les effets n’ont pas été immédiats.
Les femmes élues à l’Assemblée nationale constituaient 224 des effectifs en 2017, alors que ce chiffre s’élevait à
155 en 2012. Ainsi, elles représentaient 38,8 % des députés de l’Assemblée nationale. Cf. Observatoire de la parité
entre les femmes et les hommes, Rapport sur
La parité entre les femmes et les hommes : Une avancée décisive
pour la démocratie
, présenté par C. GENISSON, Paris, Janv. 2002, 141.p ; Observatoire de la parité entre les
femmes et les hommes, Rapport sur
Pourquoi la parité en politique reste-t-elle un enjeu pour la démocratie
française ?, présenté par M.-.J. ZIMMERMANN, Paris, Déc. 2003, 74.p ; Sénat, Rapport d'information n° 215 :
Projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions
électives : Favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Rapport
sur les projets de loi correspondants, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, présenté par D.
POURTAUD, 9. Fév. 2000.
113






Page 115
constitutionnelles de références, l’égalité des sexes trouve sa source dans plusieurs textes.
Autrement dit, avec la consécration du bloc de constitutionnalité dont les textes ont une valeur
constitutionnelle, il y a une extension des sources de ce droit. Ainsi, les droits fondamentaux
inclus dans la Déclaration de 1789 deviennent des droits absolus attachés à l’Homme354 c’est-
à-dire partagés entre la femme et l’homme. Par conséquent, les dispositions relatives à l’égalité
homme-femme contenues dans le bloc de constitutionnalité ont également une valeur
constitutionnelle. Le Conseil examina une proposition de loi dont le grief dominant était le non-
respect d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel les
associations se constituent librement sans autorisation préalable, même lorsqu’elle émane de
l’autorité judiciaire. Le Conseil, avec cette décision fondatrice, trancha une controverse qui
durait depuis le début de l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958. Il s’agissait de la
question de savoir si le Préambule de la Constitution de 1946 et partant la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de 1789 reprise par celui-ci, avaient valeur de droit positif, « c’est-à-
dire contenaient des normes juridiques susceptibles d’être appliquées notamment par un juge ».
Autrement dit, dans sa décision « Liberté d’association», le Conseil invalide des dispositions
législatives attaquées pour violation du principe fondamental reconnu par les lois de la
République. Par la suite, le Conseil a également mis en œuvre la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen et parti
culièrement son article 6 en 1973355. C’est en 1975356 qu’il fait
application du Préambule de la Constitution de 1946. Après ces décisions, «la Constitution se
composait de quatre éléments, d’âge et d’inspiration différents formant ce qu’il est convenu
d’appeler "le bloc de constitutionnalité"». La révision de 2005 ajouta par la suite la «Charte de
l’environnement ». La notion «de bloc constitutionnel» est utilisée dès le début de la Vème
République
357. Il est composé de cinq séries de normes. La plupart des décisions d’annulation
prononcées par le Conseil constitutionnel sont fondées sur les articles mêmes de la Constitution
de 1958 et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Les normes restantes
tiennent une place moins importante dans le contentieux constitutionnel358.
354cf. F. GOGUEL, « Objet et portée de la protection des droits fondamentaux » in Cours constitutionnelles
européennes et droits fondamentaux,
PUAM-Economica, 1982, pp. 225-240; M. TROPER, « Le problème de
l’interprétation et la théorie de la supralégalité constitutionnelle » in Recueil d'études en hommage à Charles
Eisenmann
, éditions Cujas, 1975, pp.133-151.
355Cons. const., 27 décembre 1973, déc. 73-51 DC, Taxation d’office, Loi de finances pour 1974.
356Ibid.
357 J.-.M. BLANQUER, « Bloc de constitutionnalité ou ordre constitutionnel ? » in Mélanges Jacques Robert,
LGDJ, 1998, pp. 227-238.
358 Elles concernent les principes politiques économiques et sociaux énoncés dans le Préambule de la Constitution
de 1946, des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés dans ce même Préambule
et, enfin la Charte de l’environnement dont la constitutionnalisation a été réalisée en 2005.
114




Page 116
Entre autres choses, l’extension des normes de références du Conseil a, d’une part, encouragé
la protection du droit à l’égalité des sexes dans les différentes branches du droit en renouvelant
le cadre des dispositions consacrant ce droit, d’autre part, favorisé l’introduction de dispositifs
législatifs se conformant au cadre du bloc de constitutionnalité. Pour ce faire, de nombreuses
dispositions de valeur constitutionnelle prévoyant expressément ou non l’égalité des sexes
assurèrent au législateur une marge de manœuvre en matière de mesures de mises en œuvre afin
d’obtenir l’égalité des sexes. Deux dispositions pivots peuvent être soulignées : la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de 1789 relative aux droits et libertés (A) et le Préambule
de 1946 relatif aux principes politiques, économiques et sociaux (B).
A) La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 relative aux
droits et libertés
72.
La nécessaire refonte de la procédure abrégée originelle. Des dispositions existaient
déjà en 1789, mais elles n’étaient point explicites359. À dire vrai, la première application de la
déclaration par le Conseil fut en 1973
360. À cet égard, la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen s’est affirmée comme un texte fondamental surtout dans la jurisprudence du Conseil,
mais également dans celle du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Cela signifie que la
reconnaissance de sa valeur constitutionnelle a activé la force juridique de l’ensemble de ces
dispositions y compris celles auxquelles on peut rattacher l’égalité des sexes. D’autre part, la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne concerne pas exclusivement la proclamation
et la défense des droits et libertés. En effet, elle prévoit également des dispositions relatives à
« l’organisation de l’État nouveau issu de la Révolution ». Mais nous nous intéresserons aux
dispositions de la Déclaration relatives aux droits et libertés, notamment au principe
d’égalité361. C’est sur le fondement de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen qu’en 1982, le Conseil constitutionnel a censuré les quotas par sexe
362. Cette disposition
empêcha, jusqu’à la révision de 2008, d’introduire des mesures de discrimination positive par
la loi dans certains domaines, où le principe d’égalité est appliqué avec rigueur. En ce sens, en
359 En effet, l’article 1er de la DDHC de 1789 dispose que : «Les hommes naissent et demeurent libres et égaux
en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » alors qu’aux termes de son
article 6, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant
égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et
sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
360Cons. const., 27 déc.1973, déc n° 51 DC, Taxation d’office, GDCC, n°45.
361 Celui-ci est proclamé à l’article 1suivant lequel «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits».
Il découle aussi de l’article 6 de la DDHC qui dispose que « la loi (…) doit être la même pour tous soit qu’elle
protège, soit qu’elle punisse».
362 Cons. const.,18 nov. 1882, déc. n° 82-146 DC, Quotas par sexe, cons.6.
115




Page 117
matière de droits politiques, c’est-à-dire concernant l’électorat et l’éligibilité, les seules
différentiations admises sont prévues par la Constitution de 1958363. En matière de contentieux
constitutionnel, la méconnaissance de la Déclaration représente un pourcentage non négligeable
des cas d’annulation des normes législatives. Autrement dit, cette déclaration est un texte
fondamental. Toutefois, même si le Conseil s’est appuyé sur l’article 6 pour se prononcer sur
la question de l’égalité des sexes, spécialement la parité, ce texte ne prévoit pas de disposition
explicite en matière d’égalité. Mais elle a servi de norme de référence concernant la question
Ab initio, les dispositions relatives à l’égalité concernaient également celles relatives à l’égalité
homme-femme, de sorte que le Conseil pouvait se fonder sur ces dispositions, et donc, annuler
des dispositions législatives qui seraient contraires au principe d’égalité, dont l’égalité des
sexes.
73.
Le succès de la nouvelle norme de référence fut rapide et incontestable. Le non-
respect de celle-ci représente un pourcentage significatif des cas d’annulation des normes
législatives. Le principe général d’égalité est déjà affirmé dans la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 sans toutefois être appliqué expressément aux hommes et aux
femmes. Même lorsqu’il se fonde sur l’alinéa 3 du Préambule de 1946, le Conseil
constitutionnel
renvoie à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen364. En
réalité, ce dernier article comprend deux éléments distincts. D’une part, il désigne la loi comme
l’expression de la volonté générale et d’autre part il affirme le principe d’égalité. La partie qui
intéresse le sujet reste le second élément. La question de l’égalité, comme nous l’avons déjà
exposé, relève de plusieurs normes, dont la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Cette dernière ne consacre pas exclusivement l’article 6 au principe d’égalité des sexes, elle
n’est qu’une composante du principe général d’égalité puisque de ce même fondement, découle
d’autres principes. À titre d’exemple, on peut citer le principe d’égalité devant la justice qui
« est inclus dans le principe d’égalité devant la loi proclamée dans la Déclaration des Droits de
l’homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution »
365.Autre
exemple, « le principe d’égalité devant la loi pénale, tel qu’il résulte de l’article 6 de la
363 Art. 3 de la Constitution de 1958.
364 Cons. const., 16 mars 2006, déc. n° 2006-533 DC, Loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les
hommes.
365 Cons. const., 23 juil. 1975,déc. n° 75-56,Loi modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale
spécialement le texte modifiant les articles 398 et 398-1 du code de procédure pénale, cons. 4.
116




Page 118
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne fait pas obstacle à ce qu’une
différenciation soit opérée par la loi pénale entre agissements de nature différente »
366.
B) Le Préambule de la constitution de 1946
74. Afin de rendre l’égalité des sexes explicite, lever le verrou posé par la lacune de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 devenait une nécessité. Comme nous
l’avons évoqué précédemment, l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
constituait un fondement juridique à l’égalité des sexes, sans toutefois être exclusivement
applicable à la matière. Ainsi, l’alinéa 3 du Préambule dispose que « la loi garantit à la femme,
dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». En clair, les droits de l’homme
sont accordés à l’être humain en général et pas uniquement aux seules personnes de sexe
masculin. Ce faisant, même si le Conseil ne s’est pas fondé sur le Préambule, il considéra que
« le principe constitutionnel d’égalité entre les sexes s’impose au pouvoir réglementaire sans
qu’il soit besoin pour le législateur d’en rappeler l’existence »
367. Même si le Conseil a tendance
à ne pas se référer à cette disposition, lorsqu’il le fait, il renvoie à l’article 6 de la Déclaration
des droi
ts de l’homme et du citoyen368. Ici, l’intérêt général d’avoir une disposition spécifique
qui prévoit l’égalité des droits dans tous les domaines permet de combler les lacunes de la
Constitution et de l’absence de dispositions spécifiques dans la Déclaration.
§ 2. L’élargissement des normes de référence en Tunisie
75.
Cet élargissement se réalise par un préalable nécessaire, celui de l’affirmation générale
de l’égalité des sexes par la Constitution tunisienne de 2014 (A). Cette affirmation générale
s’accompagne de dispositions inédites introduites par la nouvelle Constitution tunisienne et qui
sont favorables à l’égalité femmes-hommes (B).
A) L’affirmation générale de l’égalité des sexes par la Constitution
Tunisienne de 2014
366 Cons. const., 5 août 2010, déc. n° 2010-612 DC.
367 Cons. const., 20 mars 1997,déc. 97-388 DC, Plan d’épargne retraite, cons. 13.
368 Cons. const., 16 mars 2006,déc.n° 2006-533 DC, Loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les
hommes.
117







Page 119
76.
La Constitution tunisienne de 2014 consacre à la fois des droits négatifs369 et positifs.370
Ces droits prennent la forme de droits civils et politiques ainsi qu’économiques et sociaux371.
Les droits de programmation, ou droits économiques et sociaux, sont parfois désignés comme
des droits de deuxième génération qui nécessitent des ressources supplémentaires pour leur
accomplissement. Ces droits concernent le droit à la santé, le droit à l’eau et le droit à
l’éducation
372. Ces droits programmatiques inextricablement liés aux droits civils et politiques
ne sont pas directement applicables dans la mesure où les droits civils et politiques le sont, mais
doivent attendre leur mise en œuvre par des mesures législatives ou exécutives et des crédits
budgétaires. Ensuite, la consécration de ces droits est explicite même si « l’on peut regretter
une certaine anarchie dans la présentation des droits»373. La consécration de ces droits
s’accompagne de clauses qui favorisent la mise en œuvre du principe d’égalité pour « les
personnes potentiellement concernées par des discriminations objectives »
374, dont les femmes.
and
and
rights
social
369 Les droits négatifs restreignent, interdisent ou limitent l’exercice du pouvoir gouvernemental. Les droits
positifs, ou programmatiques, appellent le gouvernement à fournir des ressources, des services et des programmes
pour leur réalisation. Autrement dit, ils obligent le gouvernement à agir afin de rendre les droits visés effectifs
369 .
Sur la notion d’effectivité lato sensu : voy. not. J. Carbonnier, « Effectivité et ineffectivité de la règle de droit »,
L’Année sociologique, LVII, 1958, p. 3 ; Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 9e éd., LGDJ,
1998, p. 133.
370 M. FABRE-MAGNAN, « Le Droit et les Droits », Introduction au droit, PUF, 2014, pp. 5-9. Les droits
substantiels quant à eux recouvrent les droits positifs qui ont pour objectif d’accomplir ces droits et de combattre
les inégalités. Sans mécanismes et procédures pour matérialiser ces droits, ils demeurent majoritairement restreints
sur le terrain de la rhétorique. À titre d’exemple, en 2004, la campagne nationale nigériane de sensibilisation des
femmes à la réforme constitutionnelle a dressé une liste de recommandations. Celle-ci avait pour objet de rendre
la Constitution davantage favorable aux femmes. Il avait été fait appel à la « justiciabilité » des droits socio-
économiques constitutionnels actuels.; Voy. C.M. HERRERA, « Sur le statut des droits sociaux
La
constitutionnalisation du social »,
Revue Universelle des droits de l’Homme, vol. 16, n° 1-4, 2004, p. 32 ; D.
ROMAN, « La justiciabilité des droits sociaux ou les enjeux de l’édification d’un État de droit social », La Revue
d
es droits de l’homme, n°1/2012, mis en ligne le 27 mars 2014, consulté le 23 octobre 2017 ; N. BACCOUCHE,
«
Economic
sur
[http://www.arabstates.undp.orgpdf] ; H. CHAKROUN, «
Tunisia: Human Rights Organizations and the State »,
mai 2018, Disponible en ligne sur [https://www.arab-reform.net/en/node/1269]; Sur la question de la justiciabilité,
voy. Ch. ATIAS, « Justiciabilité »,
Dictionnaire de la justice Loïc Cadiet (dir.), PUF, 2004, p. 798 ; C. NIVARD,
La justiciabilité des droits sociaux. Étude de droit conventionnel européen, th. dact., Université de Montpellier 1,
F. Sudre(dir.), 2009, p. 18 et s. ; D. ROMAN, « Les droits sociaux, entre « injusticiabilité » et « conditionnalité »
: éléments pour une comparaison »,
Revue Internationale de droit comparé, 2009, n° 2, p. 285 ; D. Roman, « Le
juge et les droits sociaux : Vers un renforcement de la justiciabilité des droits sociaux ? », Dossier Le juge et les
droits sociaux,
Revue de droit sanitaire et social, 2010, n°5.
371Ibidem.
372Tunisie. Constitution, 27 janv. 2014, arts. 38, 39, 44. En France, le droit à l’éducation et à la formation a
également une valeur constitutionnelle, car le Préambule de la Constitution de 1946 dispose que « la Nation
garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture.
L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque est un devoir de l’État ». Aussi, le droit à la formation
est également consacré par le Code du travail, notamment l’article L. 6314-1 qui dispose que « tout travailleur
engagé dans la vie active ou toute personne qui s’y engage a droit à la qualification professionnelle et doit pouvoir
suivre, à son initiative, une formation lui permettant, quel que soit son statut, de progresser au cours de sa vie
p
rofessionnelle d’au moins un niveau en acquérant une qualification correspondant aux besoins de l’économie,
prévisibles à court ou moyen terme ». Ph. RAIMBAULT, « Accès à l’éducation et à la formation », Op. Cit.,
Ibidem.
373 G. WEICHSELBAUM et X. PHILIPE, art. préc., p. 63.
374Ibid.
the Tunisian Constitution », Disponible
ligne
en
118



Page 120
Cependant, la question de l’égalité des sexes n’a pas suscité un débat rigoureux et précis, et ce,
certainement afin d’éviter la question sensible des effets de sa reconnaissance sur le droit des
successions. En effet, le droit musulman ne traite pas l’homme et la femme de manière
égalitaire375. Cette discrimination successorale, figée dans le texte coranique, expliquerait que
l’acte fondamental, alors même qu’il reconnaît le principe d’égalité des sexes, contourne la
mise en œuvre de ce dernier dans le domaine des successions. Autrement dit, le principe
d’égalité des sexes n’irradierait pas tous les champs du droit tunisien. A priori, celui des
successions en serait exclu. Quoi qu’il en soit, l’Assemblée s’est accordée sur l’article 21 de la
Constitution, lequel apparaît très ambitieux, pour ne pas dire légèrement spécieux. Son libellé
prévoit en termes généraux l’égalité des sexes. Précisément, il dispose que les citoyens et les
citoyennes sont « égaux en droits et en devoirs » et sont « égaux devant la loi »376. Aussi, le
texte ne comprend aucune spécificité
377 et n’érige aucune exception à cette égalité
«formelle»378 Cette égalité entre citoyens est également garantie par le préambule de la
Constitution de 2014. Ainsi, le principe d’égalité est consacré par la Constitution (art.21), mais
de manière suffisamment vague et ambiguë, ce qui alimente les controverses sur l’interprétation
de ce principe. Toutefois, ce caractère vague et ambiguë est atténué par l’insertion de l’article
46, lui aussi inédit. Aux termes de ce dernier, l’État est engagé pour protéger « les droits acquis
de la femme, [...] les soutenir et œuvrer à leur amélioration ». À cet égard, quelle signification
doit-on donner à ces droits acquis visés par l’article 46 ? Sont-ils ceux scellés dans le CSP ?
Aucune précision n’est apportée par la Constitution. En effet, le texte ne le précise pas et ne fait
aucune référence expresse aux CSP ; de même que le nouveau texte ne constitutionnalise pas
le respect du même CSP. S’il est clair que l’égalité des droits politiques, économiques, sociaux
et culturels est garantie, et ce, sans discrimination de sexe, il n’en est pas de même des droits
privés et familiaux.
375 Cette question de l’égalité dans l’héritage cristallise actuellement les tensions en Tunisie. Voy. sur le sujet :
F. BOBIN, « Tunisie
: le président soutient l’égalité dans l’héritage », Le Monde, 15 août 2018, p. 3.
376Voy. Constitution de la République tunisienne, art. 21, disponible sur le site [http://www.legislation.tn], JO de
la République tunisienne - 20 avr. 2015, p. 5 .
377 Tunisie, Constitution, 27 janv. 2014, art. 21.
378 Selon nous, il existerait une égalité « formelle » ou « normative », laquelle se distinguerait de l’égalité
« substantielle ». L’égalité formelle désignerait celle que l’on retrouve dans les textes : Constitutions, lois, décrets,
etc. L’égalité substantielle viserait quant à elle l’égalité réelle, c’est-à-dire celle qui se déploie concrètement dans
la société
; celle qui se manifeste dans les faits. À cet égard, nous pensons avec d’autres que « le droit ne doit pas
accompagner ce qui est mais orienter vers ce qui doit être
» de sorte que le système normatif qui promeut l’égalité
a un rôle majeur à jouer. Voy. E. MOUIAL BASSILANA, I. PARACHKEVOVA-RACINE et M. TELLER, « Les
femmes en droit des affaires »
in Mél. en l’honneur de J. Mestre, 2019 (artice transmis par les auteurs). Voy. aussi
A. SUPIOT, La gouvernance par les nombres, Fayard, 2015, p. 18, qui explique qu’ « un système normatif peut
faire advenir au moins partiellement dans les faits la représentation du monde qu’il promeut ».
119




Page 121
B) L’introduction dans la Constitution tunisienne de dispositions inédites
favorable à l’égalité des sexes
77. Un atout majeur du droit constitutionnel tunisien. L’article 40 de la Constitution
prévoit également le droit au travail pour «
chaque citoyen et citoyenne ». L’article précise que
l’État prend les mesures nécessaires à sa garantie sur la base de la compétence et de l’équité.
Tout citoyen et citoyenne a le droit au travail dans des conditions décentes et à salaire équitable.
Parmi les atouts particuliers que l’on retrouve dans ces dispositions inédites, la nouvelle
Constitution a introduit une véritable discrimination positive379. À tout le moins, en matière
électorale, la discrimination positive a vu le jour en Tunisie. En effet, le 15 juin 2016,
l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a adopté une loi380 consacrant le principe de
parité horizontale
381 et verticale382 pour les prochaines élections municipales383. Aux termes de
379 Il a fallu attendre les effets de la révolution du 14 janvier 2011 pour que les féministes tunisiennes, et notamment
Mme Faïza Skandrani, arrivent à obtenir des droits en faveur des femmes sous forme de discrimination positive.
Précisément, c’est le nouvel article 46 de la Constitution de 2014 qui a introduit la discrimination positive en
Tunisie. L’alinéa 2 de ce texte dispose que « l’Etat garantit l’égalité des chances entre l’homme et la femme pour
l’accès aux diverses responsabilités et dans tous le
s domaines ». L’alinéa 3 quant à lui énonce que « l’État
s’emploie à consacrer la parité entre la femme et l’homme dans les assemblées élues
». En d’autres termes, la
nouvelle Constitution a introduit deux types de discrimination positive : une discrimination positive au sens large
qui irrigue l’ensemble des métiers de la société et une discrimination positive spécialement dédiée à la matière
électorale. On aurait pu penser que ce texte n’aurait qu’une dimension de propagande et qu’il ne serait pas appliqué
.
Mais force est de constater que ce n’est pas le cas.
380 L’article 49 du projet de loi relatif aux élections et référendums prévoit le principe de parité verticale et celui
horizontale. Promulguée le 26 mai 2014, il s’agit de la loi n° 2014
-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et
référendums, JORT n°42, p. 2049. Loi de 2014 modifiée et consolidée par la Loi organique n°2019-76 du 30 août
2019, n°JORT 70.
381 C’est-à-dire que « en ce qui concerne les élections municipales et régionales, les par s politiques et les coalitions
électorales présentant des listes candidates dans plus d’une circonscription électorale doivent désigner autant de
têtes de listes femmes que de têtes de listes hommes ». Democray Reporting International, Rapport sur la mise en
œuvre de la Constitution tunisienne au niveau ducadre juridique, 9ème édition, 30 septembre 2019, Disponible
[en ligne], [consulté le 18 février 2020], [https://democracy- reporting.org/wp-content/uploads/2019/12/web_DRI-
TN_rapport_suivi_mise-en- oeuvre_constitution_septembre_2019_FR_VF_2019-12-23.pdf], p.21.
382 C’est-à-dire que « des candidats hommes et des candidates femmes en nombre égal et tout en respectant la règle
de l’alternance dans une même liste candidate ». Ibidem.
383 Il faut rappeler que le problème initial est le silence du pouvoir constituant qui affirme que l’ « « Etat s’emploie
à consacrer la parité entre la femme et l’homme dans les assemblées élues
» (article 46, troisième alinéa), sans
prévoir les modalités de cette parité, c’est-à-dire le type de parité qui est à la charge de l’État. Aussi, pendant une
période significative la question était de savoir si l’exigence constitutionnelle impliquait à la fois la parité
horizontale et verticale. En effet, initialement, la parité horizontale n’a pas été prévue. L’Instance provisoire
chargée du contrôle de constitutionnalité des lois a été saisi par des députés pour vérifier la conformité de la loi
organique n°16 du 26 mai 2014 portant sur les élections et les référendums, qui a pour objet d’encadrer et de régir
les élections de l’ARP. L’Instance considère dans sa décision n°2014/02, que le fait de prévoir uniquement le
principe de parité horizontale n’est pas inconstitutionnel. En effet, l’État n’a qu’une obligation de moyens et non
de résultat. Cette position a été réaffirmé dans une autre décision de cette même Instance en 2015. Dans sa décision
n° n° 2015/02 du 8 juin 2015, l’Instance considère que la loi organique répond de manière satisfaisante aux
exigences constitutionnelles en matière de parité. Voy. N. CHABANE, « Les droits des femmes dans la
Constitution tunisienne de 2014 », In La femme et son environnement, sa priorité… Mélanges en l’honneur de la
Professeure Soukaina Bouraoui, Tunis, Centre de Publication Universitaire, 2018, p. 231.
120




Page 122
ce texte, chaque liste aux élections municipales devra comporter autant d’hommes que de
femmes en vertu d’un système d’alternance. De plus, au moins la moitié des listes présentées
par les partis politiques devra être présidée par des femmes384. Une députée de l’ARP a qualifié
cette loi de «grande victoire pour la deuxième République». Pour vérifier l’efficacité de la
nouvelle loi, les élections du 6 mai 2018 ont été un bon laboratoire d’observation. Les résultats
ont dépassé toutes les espérances385. La Tunisie, premier pays du monde arabo-musulman à
instaurer la parité aux élections, a donc fait mieux que les pays du vieux continent, et ce, en un
temps record. Toutefois, il ne faut pas occulter les carences que peut produire ce résultat positif
pour les femmes tunisiennes, ni le surdimensionné. Nonobstant ce score flatteur, des problèmes
demeurent. Le principal problème réside dans la qualité du nouveau personnel politique élu. En
effet, le fait d’avoir imposé la parité aux élections a conduit à ce que les partis présentent des
candidates qui n’avaient aucune expérience politique. Cette inexpérience pourrait être
compensée à l’avenir par des programmes de formation qui sont à ce jour insuffisants. En effet,
pour l’heure, les mesures prises par l’État tunisien semblent clairement déficientes. Au
lendemain de l’adoption de la loi du 15 juin 2016, le ministère de la femme, de la famille et de
l’enfance a mis en place un programme de formation destiné seulement à 450 femmes
diplômées. L’objectif avec cette mesure est d’améliorer et de renforcer leurs compétences afin
de mieux les préparer à la vie publique et politique. On peut néanmoins s’interroger sur
l’efficacité d’une telle mesure. Former seulement 450 femmes, est-ce vraiment une mesure
satisfaisante ? On peut en douter. À notre sens, ce type d’actions ne devrait pas uniquement
viser une petite catégorie de femmes. Bien au contraire, une telle mesure devrait toucher le plus
grand nombre. C’est en étendant cette mesure à toutes les femmes tunisiennes diplômées, voire
non diplômées, que le personnel politique féminin pourra efficacement tenir son rôle.
384 Selon H. SKHIRI, chargée du programme national ONU Femmes, « l’inscription de la parité horizontale et
verticale dans la loi électorale offre davantage de chances aux femmes d’être élues lors des prochaines élections
locales, ainsi qu’une meilleure représentation dans les conseils municipaux et régionaux.
». N. DEJOUI, « Héla
SKHIRI : “La parité horizontale et verticale offre davantage de chances aux femmes d’être élues” », L’économiste
maghrébin, 30 septembre 2017, disponible en ligne, [http://www.leconomistemaghrebin.com/2017/09/30/hela-
skhiri-parite-horizontale- verticale-offre-davantage-de-chances-aux-femmes-detre-elues/], consulté
le 08
décembre 2018.
385 Les deux principaux partis du pays, Nidaa Tounes et Ennahdha, ont instauré des listes équitables entre les
femmes et les hommes. Arithmétiquement, cela s’est traduit de la façon suivante : 580 femmes têtes de liste, ce
qui correspond au quart des listes présentées. Relevons que la loi a été fermement appliquée puisque plus d’une
centaine de listes ont été écartées en raison du non-respect du principe de parité. Relevons aussi que ces élections
ont été un véritable succès dès lors que nous les analysons à l’aune de la parité. En effet, 47,5 % des élus sont des
femmes, ce qui représente un taux supérieur à la France (40,3 %), au Royaume-Uni (33 %) et à l’Allemagne (27
%).
121




Page 123
78. Ainsi, en Tunisie, on retrouve cette discrimination aussi bien dans la norme
constitutionnelle que dans des lois ordinaires. Il faut souligner l’importance de cet atout
puisqu’il n’existait pas sous le régime de la Constitution de 1959. En effet, l’article 6 de la
Constitution de 1959 prévoyait l’égalité de tous les citoyens. Cependant, aucune réforme
semblable à celles qu’a connues la France avec la révision constitutionnelle de 2008 n’a été
prise. En effet, la Constitution de 1959 ne contenait aucune disposition visant la parité entre les
hommes et les femmes ou encore des quotas par sexe dans des instances ou en matière
électorale. Le Conseil constitutionnel n’a jamais rendu un avis qui interpréterait l’article 6 de
la Constitution comme impliquant la parité homme-femme. La loi quant à elle, contrairement à
la Constitution, n’était pas totalement indifférente au sort des femmes. Grâce à l’implication
d’associations féministes nées sous la présidence Ben Ali, la loi électorale de 2011 a introduit
le principe de parité dite verticale en matière électorale. Cette parité verticale386 n’est pas très
efficace. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les effets qu’elle a eue sur la composition
de l’ANC. Sur 217 sièges, 49 seulement sont revenus à des femmes dont 42 étaient des têtes de
liste du parti islamiste Ennahdah qui paradoxalement profite du combat contre la
discrimination homme femme dans ce cas alors que le discours politique est d’une autre nature.
Toutefois, la nouvelle Constitution dépasse les attentes : non seulement elle assure la continuité
et la fixité de l’égalité des sexes, et ce de manière plus explicite, mais également un
renforcement de celle-ci
387. Ce résultat positif s’explique par la vigilance de la société civile,
mais aussi, voire surtout, par le contexte particulier dans lequel l’adoption de la Constitution a
eu lieu. En dépit de l’évocation d’obstacles à la plénitude égalitaire par rapport au principe
d’égalité des sexes, l’extension constitutionnelle et le renforcement de l’égalité dans d’autres
catégories du droit388 confirment le statut d’exception par rapport à l’historicité de ce droit. En
386 La parité verticale désigne la situation où « les candidats sont classés entre femmes et hommes dans les listes
de manière alternée
». Autrement dit, dans le cadre d’une parité verticale, les liste de candidats doivent comporter
autant de femmes que d’hommes, de sorte que si la tête de liste est un homme, le suivant est nécessairement une
femme et vice-versa.
387 La Constitutionnalisation du principe de parité en Tunisie prévu à l’article 46 de la Constitution de 2014 a
permis de sécuriser juridiquement la participation des femmes à la vie politique. Depuis l’acquisition du droit de
vote et d’éligibilité par les tunisienne en 1957, c’est de manière inédite que ce droit a été renforcé par une norme
constitutionnelle lui permettant aussi d’accéder à la f
onction de la Présidence de la République alors même que
l’ancienne Constitution de 1959 ne lui permettait pas. M. BEN JEMIA, « Lecture de l’article 46 de la
Constitution », « Lecture de l’article 46 de la Constitution », in M. MARTINEZ SOLIMAN, S. BAHOUS, P.
KEULEERS, K. ABDEL SHAFI et J. DE LA HAY (dir.) Rapport du PNUD,
La Constitution de la Tunisie.
Processus,
ligne
[https://www.tn.undp.org/content/tunisia/fr/home/library/democratic_governance/la-constitution-de-la-tunisie-
.html#gsc.tab=0].
388 Notamment la loi organique n° 16 du 26 mai 2014 relative aux élections et au referendum vient conforter
l’engagement constitutionnel envers la parité, car elle consacre ce principe dans le cadre des élections de l’ARP.
En adoptant un registre permanent électoral, cette loi impose de manière durale la composition paritaire et alternée
perspectives,
Disponible
principes
433.
en
p.
et
122



Page 124
effet, la Tunisie est considérée dans la région arabo-musulmane comme un État réformiste, et
même avant-gardiste. Il est souvent érigé en tant que canevas d’égalité des sexes pour les pays
voisins.
Section 2 : La multiplication de sources textuelles en matière de
discrimination
79.
Selon l’OIT « être une femme » constitue un « premier facteur de discrimination au
travail en France »
389. Si être femme constitue une barrière en matière sociale, la jurisprudence
française a déjà illustré la difficulté pour les salariés de faire la preuve des discriminations de
carrière390. La CEDH a également censuré des décisions dans lesquelles être femme est un motif
de licenciement391. Par son raisonnement habituel, la CEDH a considéré qu’il existait a priori
une différence de traitement et que le gouvernement turc ne justifiait pas la nécessité de réserver
ces postes aux seuls hommes. Ce genre de discrimination peut être sanctionné, car il y a eu
femmes
: Synthèse du
focus « Egalité
des listes candidates. É. GOBE, « Système électoral et révolution : la voie tunisienne », Pouvoirs, vol. 156, 2016,
pp. 71-82.
389 OIT, Être une femme, premier facteur de discrimination au travail en France, Actualité, 7. Mars. 2014 ; Voy.
OIT, Défenseur des droits, enquête conjointe,
7e baromètre sur la perception des discriminations au travail en
France
/ hommes »,
7. Mars. 2014, disponible sur
[http://www.ilo.org/global/publications/books/WCMS_237287/lang--fr/index.htm].
390 L’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans illustre la difficulté de la preuve des discriminations subies dans les
carrières par les femmes, lorsqu’elles arguent que leur carrière s’est déroulée avec moins de célérité que celle des
hommes.CA, Ch. Soc., 23. Avril 2015, n° 14/00500 ; Le Conseil d’Etat s’est également prononcé sur la question,
notamment dans la réduction du champ des mesures d’ordre intérieur (Cf. CE, 4 juillet 1958, Commune d’Anglet,
n° 39089, Leb. p. 411.) dans le domaine de la fonction publique en vertu de la lutte contre les discriminations.
Conseil d’État par sa jurisprudence (CE, 15 avril 2015, Mme A. c. Pôle Emploi, Req. n° 373893.) apporte une
nouvelle exception à l’égard des mesures relatives à l’affectation ou aux tâches des agents qui constitueraient une
discrimination : «(...) dès lors qu’elles ne traduisent aucune discrimination, ces décisions, qui ne portent atteinte
ni aux perspectives de carrière ni à la rémunération de l’intéressée, ont le caractère de simples mesures d’ordre
intérieur (...). CE, 15 avril 2015, Mme A. c. Pôle Emploi, Req. n° 373893 . Consid. 7. En l’espèce, Elle invoque
une discrimination en raison de son engagement syndical mais les faits qu’elle mentionne ne suffisent pas à
convaincre le juge, d’autant moins qu’il relève que le candidat retenu exerce également des responsabilités
syndicales ; « Le simple fait que les agents de sécurité doivent travailler de nuit dans des zones rurales et puissent
être amenés à utiliser des armes à feu et la force physique ne saurait en soi justifier une différence de traitement
entre les hommes et les femmes ». CEDH Emel Boyraz c. Turquie - 61960/08 Arrêt 2.12.2014 ; « Une agent de
sécurité turque licenciée au seul motif qu'elle est une femme, a fait condamner son pays mardi par la Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH), pour "discrimination" » Cf. Article de presse Le figaro avce AFP.
« Licenciée parce que femme, une Turque fait condamner son pays devant la CEDH », Le Figaro, 02, décembre,
2014, Disponible en ligne sur .[https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/12/02/97001-20141202FILWWW00219-
licenciee-parce-que-femme-une-turque-fait-condamner-son-pays-devant-la-cedh.php].
123








Page 125
« une évolution considérable »392 du droit de l’Union européenne au contact des aspirations de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH). Initialement, il
n’existait pas de principe général de non-discrimination, il s’agissait davantage « de causes ou
de cas particuliers et finalement isolés, directement liés aux nécessités économiques du marché
commun »393. Aussi, le droit européen accroît le champ d’application de l’interdiction des
discriminations entre les sexes jusqu’à exiger le respect de ce principe dans le domaine
professionnel. Force est de le dire que depuis le droit dérivé n’ait eu de cesse à rechercher
l’affermissement de l’efficacité de ce principe. La mise en place de l’interdiction de
discrimination s’est faite progressivement avec pour principal acteur la jurisprudence de la Cour
de justice. En matière de discrimination, les textes ne faisaient qu’énoncer ce principe, mais ne
donnaient aucune définition de la notion394. Dès lors, au moyen de sa jurisprudence portant sur
la libre circulation des travailleurs et de manière révélatoire, celle relevant de l’égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes. Dans ce contexte, la jurisprudence européenne
segmente le principe de non-discrimination en deux concepts distincts dans le but d’agir contre
toutes les formes de discriminations même les plus insidieuses. Par conséquent, dans les
contextes « non personnels »395, le droit à la non-discrimination consiste, d’une part, à ce dont
« les personnes placées dans des situations comparables doivent recevoir un traitement
comparable et qu’aucune d’entre elles ne doit être traitée de façon moins favorable au simple
motif qu’elle présente une certaine caractéristique »
396 (il s’agit de la discrimination directe).
D’autre part, le droit de la non-discrimination escompte qu’un individu « étant dans une
situation différente » doit se voir accorder « un traitement différent » dans la mesure où cela est
essentiel pour lui permettre de tirer profit « d’opportunités particulières sur la même base que
d’autres personnes. La prise en considération des “motifs de discriminations prohibés”
s’impose donc lors de la mise en exécution de toute pratique particulière ou lors de l’élaboration
392 P. RODIERE., Droit social de l''Union européenne, 2014, LGDJ, 774. p.
393 Ibid.
394 Le traité de Rome prohibait seulement les discriminations relatives au bénéfice d’une égalité entre les
ressortissants européens et les nationaux dans le domaine d’application du traité, c’est-à-dire dans l’exercice des
libertés économiques et dans l’établissement d’un marché commun. Voy.
P. RODIÈRE., Droit social de l''Union
européenne, Op
.cit.
395 Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne Cour européenne des droits de l’homme - Conseil de
l’Europe, manuel de droit européen en matière de non-discrimination, Luxembourg : Office des publications de
l’Union européenne, 2011, pp. 23-24.
396 « La CEDH ne justifie la discrimination directe que dans le cas où l’auteur de celle-ci peut soulever une
exception générale justifiant objectivement le traitement discriminatoire. En ce qui concerne le droit de l’UE, les
motifs susceptibles de justifier une discrimination directe se révèlent assez limités ». Ibidem. Cf. article 2,
paragraphe 1, point a), de la Directive sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes (version refondue) ;
article 2, point a), de la Directive sur l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès aux biens
et aux services ;
124



Page 126
de règles particulières »397 (il s’agit des discriminations indirectes). Ainsi, cette segmentation
du droit à la non-discrimination au niveau européen existe dans plusieurs normes du système
juridique français qui distingue également les discriminations directes et indirectes (§ 1). Cette
multitude de référents juridiques laisse entrevoir la nécessaire harmonisation législative en
matière de non-discrimination (§ 2).
§ 1. Discriminations directes et indirectes
Le droit français connaît depuis longtemps la discrimination directe. La
80.
discrimination indirecte est plus contemporaine398. En effet, la loi du 27 mai 2008 consacra la
discrimination indirecte399.Toutefois, cette notion fut développée en droit américain dès 1971
par la jurisprudence400. En effet, la Cour suprême, notamment le juge Brennan, avait estimé que
toute différence fondée sur le sexe n’est justifiée que si elle répond à un objectif bien précis ou
qu’elle est déterminée par un intérêt gouvernemental impératif (a compelling governmental
interest
)401. Afin d’examiner les cas de discriminations sexuelles, la Cour suprême a adopté un
test dit de niveau intermédiaire, avec la notion de heightened scrutiny. Par la suite, la notion est
reprise en droit français dans le cadre de la transposition de directives européennes. En effet, la
loi du 27 mai 2008 avait pour vocation d’assurer la transposition en droit français de cinq
directives, dont celle mettant en œuvre le « principe de l’égalité de traitement entre les
personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique »
402.
397 Ibidem. De plus, le manuel précise que « Quelle que soit la forme qu’elle revêt, et que l’allégation de
discrimination tire son fondement de la CEDH ou du droit de l’UE, la discrimination indirecte ne
peut être
considérée comme acceptable que si elle repose sur une justification objective.
398 La directive de refonte 2006/54 définit la discrimination indirecte comme « une situation dans laquelle une
disposition, un critère ou une pratique apparemment ne
utre désavantagerait particulièrement des personnes d’un
sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit
objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires
» (article 2, paragraphe 1 sous b). La discrimination indirecte est relative eux mesures qui, tout en étant neutres
d’apparence, ont une incidence désavantageuse sur des personnes en particulier. A titre d’exemple, on peut citer
le traitement moins favorable à l’égard des travailleurs à temps partiel équivaut souvent à une discrimination
indirecte fondée sur le sexe dans la mesure où les emplois à temps partiel sont principalement occupés par des
femmes. Ici, les facultés de justifications sont plus larges que celles dans le domaine des discrimination directes
(Cf. Commission européenne, Réseau européen d’experts juridiques dans le domaine de l’égalité des genres et de
la non-discrimination, Droit de l’égalité des genres en Europe, Aperçu des règles de l’UE et de leur transposition
en droit national en 2016, p.13.)
399Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le
domaine de la lutte contre les discriminations.
400Cour Suprême, 429 U.S. 190. Affaire Craig v. Boren, 1976.
401É. BOULOT, « La Cour suprême, les droits des femmes et l'égalité des sexes », Revue française d’études
américaines 2001/1, n° 87, p. 87.
402Directive 2000/43 du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les
personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique ; Directive 2000/78 du 27 novembre 2000 portant création
d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; Directive 2002/73 du 23
125





Page 127
81. Définition du droit français. En droit interne français, l’article 1er de la loi du 27 mai
2008 définit ainsi ces deux notions
: « Constitue une discrimination directe la situation dans
laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée,
à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou
identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins
favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.»
Autrement dit, la discrimination est directe lorsqu’elle est délibérée et qu’elle concerne cette
liste exhaustive des critères prohibés. À titre d’exemple, on peut citer une décision qui a
considéré comme étant une discrimination directe un article d’un règlement intérieur réservant
aux hommes seulement la faculté de demeurer dans l’entreprise au-delà de 50 ans. Ici, il s’agit
d’une discrimination de sexe et d’âge
403. Par ailleurs, « constitue une discrimination
indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible
d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour
des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette
pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but
ne soient nécessaires et appropriés ». Cette définition a permis « de débusquer derrière une
apparence neutre” des comportements réellement discriminatoires »404.Autrement dit, la
discrimination indirecte apparemment neutre exclut un groupe ou une personne de l’accès à un
droit ou un service en le désavantageant. À titre d’exemple, le fait de demander des compétences
disproportionnées au poste à pourvoir ou encore des cautions exorbitantes pour la location d’un
logement constituent de tels comportements. Cette approche juridique classique de la
discrimination est assez réductrice, car elle se cantonne à la réduire à ces deux catégories et
ainsi rendre la discrimination de nature systémique invisible405.
septembre 2002 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce
qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ;
Directive 2004/113 du 13
décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes
et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services ; Directive 2006/54 du 5
juillet 2006 relative à la mise
en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre
hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.
403Cass., soc., 7 déc. 1993, n° 88-41422, Bull civ. ch. Sociale, n° 306, p. 208.
404Rapport d'information n°94 (2014-2015) de Mme E. BENBASSA et M. J.-R. LECERF, fait au nom de la
commission des lois, déposé le 12 novembre 2014,
La lutte contre les discriminations : de l'incantation à l'action,
[http://www.senat.fr/rap/r14-094/r14-0942.html].
405 M. MINE, « Les concepts de discrimination directe et indirecte », ERA-Forum. 2003, 4(3), pp. 30-44.
126





Page 128
82.
Le juge européen confirma la condamnation des discriminations directes406 et indirectes
contenues dans le droit français. Ainsi, s’agissant des discriminations directes, l’ancienne
C.J.C.E condamna la France, en mars 1997, pour manquement aux obligations lui incombant,
en raison d’une interdiction du travail de nuit des femmes dans l’industrie407. Aussi, la Cour
jugea que le fait qu’une réglementation nationale qui prive une femme de congé de maternité
pour la raison qu’elle ne pourrait alors pas être notée dans la perspective de bénéficier d’une
promotion professionnelle, constitue une discrimination directe408. Ainsi, La Cour jugea que le
refus de notation constituait une discrimination directe sur le fondement du sexe409. La Cour eu
aussi l’occasion de confirmer la condamnation des discriminations indirectes. En octobre
1997410, la C.J.C.E rappela qu’« il y a discrimination indirecte lorsque l'application d'une
mesure nationale, bien que formulée d'une façon neutre, désavantage en fait un nombre
beaucoup plus élevé de femmes que d'hommes»411, à partir de là cette mesure doit être
considérée comme non conforme à la directive 76/207
412. En outre, une abondante
jurisprudence existe en matière d’égalité professionnelle413. Au niveau national, la
jurisprudence est plus timide dans le domaine. En 1996, le juge vint réaffirmer qu’une mesure
par laquelle l’Opéra de Paris mit fin au contrat d’une danseuse, au motif que celle-ci avait atteint
l’âge conventionnel d’ouverture des droits à la retraite pour le personnel de la danse, qui était
406 La directive de refonte 2006/54 définit la discrimination directe comme «la situation dans laquelle une personne
est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans
une situation comparable » (article 2, paragraphe 1 sous a). La directive de refonte affirme aussi « qu’un traitement
défavorable lié à la grossesse ou à la maternité infligé à une femme constitue une discrimination directe fondée
sur le sexe » (voy. cons. 23).
407 CJCE., 13 mars 1997, aff. C-197/96, Commission des communautés européennes c/ République française, Rec.,
p. I-
1496 , En effet, le juge considéra la disposition contestée contraire au principe de l’égalité de traitement
formulée dans la directive 76/207
408CJCE., 30 avril 1998, aff. C-136/95, C.N.A.V.T.S. c/ Mme Thibault. En effet, en l’espèce, Madame Thibault
s’était vue refuser une notation pour l’année 1983 en raison de son absence pour maternité. De ce fait elle n’a pas
pu bénéficier d’une inscription au tableau d’avance
ment du choix du salarié, une disposition conventionnelle
exigeant 6 mois de présence sur l’année de référence.
409Voy. sur la situation particulière des salariées en état de grossesse au regard de la jurisprudence communautaire :
J. CONAGHAN,
Pregnancy, Equality and the European Court of Justice : interrogating Gillespie, International
Journal of Discrimination and the Law
, 1998, vol. 3, pp. 115-133.
410 C.J.C.E., 2 octobre 1997, aff. C-1/95, Gester c/ Freistaat Bayern, Rec., p. I-5253 ; 2 octobre 1997, aff. C- 100/95
Kording, Rec. p. I-5289. Voir sur ces deux arrêts la note de Nicole Busby,
Full-Time Rights for Part-Timers, The
Juridical Review
1998, part III, p. 196-199.
411Sur ce point, voir Martin Hedemann-Robinson, Indirect Discrimination Law in the E.E.C., appearance rather
than reality ?
, International Journal of Discrimination and the Law, 1996, vol. 2, p. 85-117.
412Directive 76/207/CEE du Conseil du 9 fév. 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement
entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’accès
à l’emploi, à la formation et à la promotion
professionnelle, et les conditions de travail,
JOCE du 14 fév. 1976, pp. 40-42 , qui permet aux États membres
d'adopter et/ou maintenir en vigueur les « mesures visant à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et
femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait pouvant exister dans la réalité de la vie sociale » ; et
dans l'accord sur la politique sociale annexé au Traité de Maastricht.
413E. SAULNIER, « L'égalité professionnelle femmes-hommes en France et en Europe : développements récents »,
Petites affiches 1998, n° 121, p.8.
127



Page 129
de 40 ans pour les femmes, mais de 45 ans pour les hommes414,aboutissait à une discrimination
directe.
83.
L’absence du « sexe» dans les critères prohibés par la Constitution. De manière
générale, les nombreuses dispositions qui fondent la notion de discrimination s’articulent autour
de trois sources qui le plus souvent se complètent : les textes européens la Constitution et les
lois issues du droit français. Comme nous l’avons déjà vu, l’égalité des droits entre les hommes
et les femmes s’appuie d’abord sur la Constitution française de 1946, laquelle affirme dans son
préambule que «la loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux des
hommes
 ». L’article 1er de la Constitution est également une source textuelle sur laquelle la
non-discrimination peut se fonder. En effet, il indique de manière précise quelles sont les
discriminations que le législateur ne peut établir sans justification. Il en résulte cinq motifs de
discrimination expressément interdits par la Constitution de 1958. Ceux fondés sur la race, la
religion et les croyances. Ainsi, « la France est une République indivisible » qui affirme un
principe d’égalité entre tous les citoyens qui sert de fondement au refus de discrimination, entre
les individus selon « l’origine, la race ou la religion. Elle respecte toutes les croyances ».
Autrement dit, ces dispositions rendent impossible l’application d’un traitement différent en
fonction de ces critères. Mais le critère du « sexe » ne fait pas partie des dispositions de l’article
1er de la Constitution. Comme pour le principe d’égalité, la Constitution reste silencieuse sur la
question. Elle ne définit pas la discrimination et ne fait pas du « sexe » un critère prohibé en
matière d’égalité. En effet, la reconnaissance juridique de la discrimination est subordonnée à
l’appartenance de la victime à un groupe racial, ethnique ou religieux. Les femmes ne sont pas
considérées par la Constitution comme un groupe, pour ne pas dire qu’elles ne sont initialement
pas considérées du tout par la Constitution. Toutefois, à la lumière de l’interprétation donnée à
l’article 1
er de la Constitution et au regard du Préambule de 1946, le critère du «sexe» peut-
être ajouté. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fonde également le principe
d’égalité et suppose qu’il n’existe pas de distinction entre les citoyens
415.
§ 2. La nécessaire harmonisation législative en matière de non-discrimination
414 CA, Paris, 26 septembre 1996, Sordoillet R.J.S., 1997, n°537.
415 Ainsi, l’article 1 dispose que «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions
sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». De plus, l’article 6 dispose que «la loi est
l’expression de la volonté générale» ; tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs
représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.
128






Page 130
84.
Le caractère inintelligible du concept de discrimination au regard de la multiplicité
des textes de référence. Comme nous venons de le montrer, la multiplication des textes, en
particulier en ce qu’ils instituent des motifs de discriminations différents apparaissent comme
un frein très important à la lisibilité du droit en la matière, allant même jusqu’à le rendre
« invisible »
416. Pour réduire son effet de dissuasion, le législateur français a alors érigé une
technique de renvoi au bénéfice de l’article 225-1 du Code pénal, qui comporte à ce jour la liste
la plus exhaustive de ces motifs. En effet, le Code pénal français prévoit des sanctions en
matière de discrimination. Il contient en la matière un nombre considérable de critères417. Les
domaines d’application de la notion de non-discrimination sont également étendus, la
différence de traitement fondé sur le sexe étant prohibée dans l’ensemble de l’activité
professionnelle, c’est-à-dire dans l’accès à l’emploi et dans son exercice. Ainsi, on peut se
fonder sur cette énumération pour déduire certains actes discriminatoires proscrits. D’autre part,
le harcèlement est aussi une forme de discrimination. Il peut s’exprimer sur le terrain de la
discrimination fondée sur le sexe et le genre. La défense contre la discrimination doit aboutir à
assurer l’absence de discrimination fondée sur le sexe, en fait comme en droit. Autrement dit,
elle vient pallier la logique selon laquelle l’égalité doit être uniquement assurée de manière
formelle. Cette technique incitative a été initiée par le député Lionel TARDY. C’est lors de
l’examen de la loi du 24 mars 2014 relative à l’accès au logement et un urbanisme rénové
418,
alors que le texte initial se contentait de compléter la liste des motifs de discrimination qui
figurait à l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989419 pour la mettre à niveau sur celle du Code
pénal, que la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, dont M. Tardy
était député, a modifié l’article 1er de façon à substituer à l’énumération un renvoi vers
l’article 225-1. Le rapporteur indiquait privilégier la technique du renvoi sur celle consistant à
compléter l’énumération au motif que cette dernière « solution présente [...] un léger
inconvénient, en ce que toute modification de la législation pénale impliquerait une
416Mme Gwénaële CALVES lors de son audition. Sénat, Commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du R
èglement et d’administration générale, Rapport n°94 : Projet de loi relatif à la lutte contre
les discriminations, présenté par Mme Esther BENBASSA et M. Jean-Ren
é LECERF, 12 nov. 2014.
[http://www.senat.fr/]
417 En effet, l’article 225-1 du Code pénal (Modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2018. Art.86.) dispose
que «
constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques» sur le fondement de 20
critères, dont celui du sexe et de l’état de grossesse. Il fait également référence à l’identité de genre. Le Code du
travail prévoit qu’aucun salarié ne peut être écarté d’un recrutement, d’une formation ou encor
e sanctionné ou
licencié ou voir son déroulement de carrière remis en cause en raison de critères discriminatoires dont celui du
sexe. De même, la loi du 6 juillet 1989 pose le principe de non-discrimination en matière d’accès au logement avec
un aménagement de la charge de la preuve au profit du locataire. La loi du 16 novembre 2001 élargit les critères
de discriminations prohibés, et aménage la charge de la preuve en droit du travail.
418Loi n°2014-366 du 24 mars 2014 relative à l’accès au logement et un urbanisme rénové.
419Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
129



Page 131
modification de la loi de 1989, puisque rien ne justifie que les discriminations réprimées par la
loi diffèrent entre le secteur du logement et le droit commun »420. Cette position a été confirmée
par l’adjonction d’un nouveau motif de discrimination (le lieu de résidence) par l’article 15 de
la loi du 21 février 2014
421. Ainsi, l’initiative de la démarche débutée avec la loi du 24 mars
2014 mériterait d’être continuée et étendue pour accorder au droit de la discrimination une
cohérence qui lui fait aujourd’hui défaut. De plus, le cadre juridique de la lutte contre les
discriminations semble aller à l’encontre d’une cohérence des normes de références. En effet,
dans certaines situations, le choix de la base juridique de référence semble difficile. On assiste
à une fragmentation et une disparité des dispositions relatives à la non-discrimination.
Toutefois, l’approche nouvelle de la non-discrimination permet la reconnaissance de la
singularité des individus y compris de leur sexe. Cette notion permet d’envisager l’égalité de
manière différenciée ce qui implique une catégorisation des personnes selon le sexe et
également selon d’autres critères. La notion est très large, mais elle est étayée par la
jurisprudence. Elle coexiste avec le principe de l’égalité. L’utilité de l’élargissement de la
notion de discrimination nous paraît évidente. Non seulement la disposition qui le prévoit
respecte les droits entre les sexes, mais surtout, préserve par ricochet les situations propres aux
femmes. Plus précisément, la multiplication des critères a permis également de protéger la
femme de manière spécifique notamment, comme nous l’avons déjà évoqué, lorsqu’elle est en
état de grossesse. En effet, grâce au caractère large de la notion, la femme se retrouvera dans
une situation très protectrice dans la mesure où ses droits ne seront pas niés. De cette façon, la
non-discrimination permettra à la victime d’éviter une concurrence potentielle entre deux
statuts, celui de femme et celui de mère.
420Rapport n° 1329 (XIVe législature) de M. Daniel GOLDBERG et Mme Audrey LINKENHELD, fait au nom de la
commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
421 (Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.) De même, il n’était
pas non plus nécessaire d’intervenir dans la loi du 6 juillet 1989 (Loi n°
89-462 du 6 juillet 1989 précitée.) alors
que l’harmonisation des dispositions législatives du 27 mai 2008 (Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 précitée) et du
Code du travail était nécessaire afin d’accorder toute sa portée à ce nouveau critère.
130






Page 132
CHAPITRE III : L’INFLUENCE DETERMINANTE DU
DROIT INTERNATIONAL EN TANT QUE VECTEUR DE
L’EGALITE EN TUNISIE
85.
Les sources du droit. La Tunisie s’est engagée au plan international à respecter la
convention internationale relative à l’égalité entre l’homme et la femme dans le domaine du
travail, à travers la ratification des instruments suivants : d’une part, la Convention de l’OIT du
25 juin 1958422 et d’autre part de la Convention de l’OIT du 29 juin 1951423. Il existe deux
autres traités fondamentaux dans la mise en œuvre et la progression du principe d’égalité. Pour
pouvoir comparer la situation des femmes tunisiennes et françaises face aux hommes, il faut se
baser sur des conventions que les deux États ont ratifiées communément. Ainsi, il peut être
constaté l’impulsion de ce droit par la constitution commune : la charte des Nations Unies
(Section 1) et apprécier le rôle de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes (Section 2) qui ont véritablement favorisé l’égalité des
sexes dans le droit tunisien.
Section 1 : L’essor du droit à l’égalité homme-femme grâce à la
constitution commune : la charte des Nations Unies
86.
C’est en 1945 que les représentants de 50 États se sont rencontrés à la conférence des
Nations Unies sur l’organisation internationale424. L’ONU a reconnu comme objectif la
422 Convention de l’OIT du 25 juin 1958, n°11 concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession.
423 Convention de l’OIT du 29 juin 1951, n°100 concernant l’égalité de rémunération entre la main d’œuvre
masculine et la main d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale.

424 Cette conférence a eu lieu à San Francisco afin d’élaborer la Charte des Nations Unies. Leurs travaux se sont
basés sur les travaux rédigés entre août et octobre 1944 à Dumbarton Oaks aux États-Unis par les représentants de
la Chine, Royaume uni, l’URSS et des États-Unis. La Charte a été signée le 26 juin 1945 par les représentants des
50 États. La France adhéra à la Charte des Nations unies le 24 octobre 1945 et la Tunisie le 12 novembre 1956.
Ainsi l’article 3 de la Charte dispose «sont membres originaires des Nations Unies les États, qui ayant
antérieurement signé la Déclaration des Nations Unies, en date du 1er janvier 1942, signent la présente Charte et
la ratifient conformément à l’article 110 ». L’article 7 dispose qu’« il est créé comme organes principaux de
l’Organisation des Nations Unies : une assemblée générale, un Conseil de sécurité, un Conseil économique et
social, un Conseil de tutelle, une Cour internationale de justice et Secrétariat
 ». L’article 7 alinéas 2 précise que
«
les organes subsidiaires qui se révéleraient nécessaires pourront être créés conformément à la présente Charte».
La charte des Nations unies est «
 l’instrument juridique constitutif de l’Organisation des Nations Unies. Elle fixe
les obligations des États membres et elle porte création des organes et des procédures.» Elle a pour objet de régir
les relations internationales en codifiant de grands principes communs. Le préambule de cette charte contient les
valeurs et les objectifs communs de tous les peuples de tous les gouvernements qui se sont rassemblés pour créer
l’Organisation des Nations Unies.
131






Page 133
protection des droits de la femme afin qu’elles puissent contribuer au développement, à la paix
et à la sécurité. Cette volonté de garantir les droits de la femme apparaît dans le chapitre I de la
Charte des Nations Unies qui énonce que « réaliser la coopération internationale (...) en
encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans
distinctions de race, de sexe (...) ». L’article 1 dispose « le respect des droits de l’homme et des
libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion ».
Cette disposition traduit le principe d’égalité homme-femme devant les droits fondamentaux et
les libertés fondamentales qui sont des droits pour « tous » et sans distinctions « de sexe ».
L’année 1975 a été consacrée comme étant l’année internationale des femmes. Trois
organisations internationales féminines ont pu bénéficier du « statut consultatif catégorie 1 »
auprès des Nations unies : tout d’abord, le Conseil international des femmes créé en 1888,
ensuite l’Alliance internationale des femmes créée en 1904 et enfin la fédération démocratique
internationale des femmes. L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une série de
résolutions. Tout d’abord celle du 12 décembre 1997 relatives aux « Mesures en matière de
prévention du crime et de justice pénale pour éliminer la violence contre les femmes »
425.
Ensuite, il y a eu celle du 18 décembre 2002 concernant les « Mesures à prendre en vue
d’éliminer les crimes d’honneur commis contre les femmes »
426. Enfin celle du 22 décembre
2003 qui s’intitule « Élimination de la violence familiale à l’égard des femmes »427. Cette
politique internationale de protection de la femme a été renforcée par la déclaration de Pékin et
le programme d’action adopté durant la quatrième conférence mondiale sur les femmes du 15
septembre 1995428. Viennent s’ajouter à ces instruments les résolutions du 18 mai 2000 sur le
suivi du programme d’action de Pékin429, ainsi que celle du 10 mars 2005 sur le suivi du
programme d’action de la quatrième conférence mondiale sur les femmes430 et celle du 25
février 2010 sur le suivi du programme d’action de Pékin431.En octobre 2000, le Conseil de
sécurité a adopté une résolution
432 en vue d’accroître la représentation des femmes dans les
États partis dans les prises de décision pour la gestion, la prévention et la résolution des conflits.
425 A/RES/52/86.
426 A/RES/57/179.
427 A/RES/58/147.
428 Pékin+10, JO C 320 E du 15.12.2005, p. 247.
429Résolution du Parlement européen du 13 mars 2007 sur une feuille de route pour l'égalité entre les femmes et
les hommes 2006-2010 (2006/2132(INI)), Journal officiel n° 301 E du 13/12/2007 pp. 56 -63.
430 Pékin+10, JO C 320 E du 15.12.2005, p. 247.
431 Pékin+15, JO C 304 E du 06.10.1997, p. 55.
432 Résolution 1235.
132



Page 134
L’Assemblée générale des Nations Unies, en juillet 2010, créa « ONU Femmes »433 pour
l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Parmi les objectifs des Nations Unies, la
volonté de mettre fin à la violence à l’égard des femmes figure désormais en bonne place. Dans
ce but, le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Kin Mohon, a lancé sa campagne « Tous unis
pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes ». Les Nations Unies définissent « les
violences à l’égard des femmes » comme « désignant tout acte de violence dirigé contre les
femmes, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques,
sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation
arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée »434. Afin de lutter
pour la disparition des violences faites aux femmes, l’Assemblée générale des Nations Unies a
adopté, le 19 décembre 2006, une résolution dénommée « Intensification de l’action menée pour
éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes »
435 et les résolutions 1325 et 1820
du Conseil de sécurité des Nations Unies qui concernent les femmes, la paix et la sécurité. Ces
résolutions ont trouvé un écho dans l’Union européenne, mais aussi auprès du Conseil de
l’Europe. En effet, des travaux du comité ad hoc du Conseil de l’Europe ont été effectués en
2008 dans le but de combattre et prévenir toutes formes de violence à l’égard des femmes et la
violence domestique. Ces travaux ont vocation à préparer l’élaboration d’une future convention
du Conseil de l’Europe sur cette problématique. Le Conseil de l’Europe, le 14 décembre 2010,
a pris une position favorable sur le projet de directive du Parlement européen et du Conseil
relative à la décision de protection européenne436. La Commission s’est engagée dans un plan
d’action, qui met œuvre le programme de Stockholm, de présenter en 2011-2012, une
« Communication relative à une stratégie visant à combattre la violence envers les femmes, la
violence domestique et les mutilations génitales féminines, devant être suivie d’un plan d’action
de l’UE ».
437Une série de mesures nouvelles a été proposée pour lutter contre les violences
fondées sur le sexe
438. D’autres mesures sont prévues pour pallier les difficultés relatives à la
433 Cette organisation résulte de la fusion de 4 composantes distinctes des Nations Unies. Son objectif exclusif est
l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Pour montrer l’exemple, le Conseil de sécurité a invité le
Secrétaire général à nommer plus de femmes dans les fonctions des représentants et envoyés spéciaux.
434 Article 1 de la déclaration des Nations unies du 20 décembre 1993 sur l’élimination de la violence à l’égard des
femmes.
435 A/RES/61/143.
436Résolution législative du Parlement européen du 14 décembre 2010 sur le projet de directive du Parlement
européen et du Conseil relative à la décision de protection européenne (00002/2010
C7-0006/2010 ), Texte
adoptés de cette date, P7_TA (2010)0470.)].
437 COM (2010) 0171 mettre en place un espace de liberté, de sécurité et de justice au service des citoyens
européens-
Plan d’action mettant en œuvre le programme de Stockholm, p.13.
438 À titre d’exemple, il y a une proposition qui invite les États membres à garantir que les auteurs de violences
soient réprimés de manière proportionnée par rapport à la gravité de leur crime.
133



Page 135
preuve, c’est pourquoi la commission invite les États membres à élaborer des procédures
spécifiques d’investigation pour les professionnels de la police et du secteur de la santé afin de
réunir des éléments de preuve concernant les violences fondées sur le sexe. Les aspirations de
la Charte des Nations Unies trouvent aussi un écho dans la Charte africaine des droits de
l’Homme et des peuples à laquelle la Tunisie a adhéré en 1982439. L’article 3 est consacré
l’Égalité devant la loi et l’égale protection par la loi. Enfin, l’article 18 est relatif à la protection
de la famille, de la femme, de l’enfant, des personnes âgées et des personnes handicapées.
L’article 18 de cette Charte dispose que « la famille est l’élément naturel et la base de la
société », qui selon l’alinéa 1 « doit être protégée par l’État ». L’alinéa 3 dispose que « l’État a
le devoir de veiller à l’élimination de toute discrimination contre la femme et d’assurer la
protection des droits de la femme et de l’enfant ». Il y a une similitude dans les dispositions,
toutefois, la charte africaine a un champ d’application qui s’étend à la famille, dont les
principaux sujets de droit sont la femme et l’enfant. Alors que la Charte interdit toute
discrimination fondée sur le genre440 et consacre l’égalité homme-femme explicitement.
87.
La Tunisie semble avoir été influencée par les exigences internationales441. Tout
d’abord, la Tunisie a mené une politique d’éradication de l’analphabétisme des femmes qui se
situent dans les régions rurales. Pour arriver à remplir ces engagements, l’État tunisien a mis en
place le « Programme national d’Enseignement des Adultes »
442 en 2000. Ce programme de
lutte contre l’analphabétisme des jeunes et des femmes a connu un grand succès avec une
adhésion féminine représentant 87,6 % des apprenants en 2006. Le taux d’analphabétisme chez
les femmes est passé de 42,3 % en 1994 à 31 % en 2004 avez-vous des chiffres plus récents
25.6% en 2014
443 25% en 2019444. Aujourd’hui, en Tunisie, beaucoup de femmes participent à
la vie active445. La Tunisie a également adopté une loi contre les violences faites aux femmes446.
439 Loi n° 82-64 du 6 août 1982.
440 Soulignons que le terme «genre » n’est pas inscrit de manière formelle dans la Constitution tunisienne de 2014.
En effet, le terme genre n’a pas été prévu par les rédacteurs de la Constitution en langue arabe. Le terme genre ne
constitue pas non plus le vocabulaire juridique portant sur le droit constitutionnel alors que conformément à
l’article 1er de la Constitution du 27 janvier 2014 qui dispose que langue officielle de l’État tunisien est l’arabe et
qu’ainsi seuls les textes en langue arabe font foi. H. BEN
MAHFOUD, M. TABEI, «Égalité, Genre et Constitution
- Populisme et démocratie. Tunisie
», in, Annuaire international de justice constitutionnelle, 2019, p. 480.
pp. 477-496.
441 Charte des nations unies et régionales (La charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
442 PNEA.
443 https://nawaat.org/2019/01/13/lanalphabetisme-en-tunisie-disparites-spatiales-et-de-genre/
444https://www.webmanagercenter.com/2019/09/20/439129/lelimination-de-lanalphabetisme-en-tunisie-
necessite-la-mobilisation-dune-enveloppe-de-25-a-30-millions-de-dinars-chaque-annee/
445 K. MEZIOU-DOURAI, A. MEZGHANI, statistiques et analyse in Hafedh Zaafrane et emploi en Tunisie. Crédif
2002. Voir sur le sujet l’égalité entre Hommes et femmes en droit succéssoral. p. 138.
446 Loi organique relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, JORT 15 août 2017 p.2604.
134




Page 136
Le président Tunisien Béji Caïd Essebsi annonça en 2018 son soutien à un projet de loi afin de
garantir l’égalité homme-femme en matière d’héritage. Actuellement il n’y a eu aucun
changement en la matière. Le président tunisien Kaïs Saied a déclaré lors de son discours
d’investiture en date du 23 octobre 2020 qu’« il n’est pas question de toucher aux droits des
femmes » et que ces dernières avaient besoin de « voir ses droits renforcés, notamment ses
droits économiques et sociaux. » Pourtant, dans son discours antérieur en date du 23 mars 2019,
le Président a clarifié sa position en estimant que la Charia est claire en la matière et qu’il n’était
donc pas possible de changer la règle en matière successorale447.
Section 2 : La Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes
88.
L’article 1er de la CEDF448 définit la discrimination à l’égard des femmes comme « toute
distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de
compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel
que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de
l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social,
culturel et civil ou dans tout autre domaine ». Afin de lutter contre ces discriminations, « elle
propose des orientations de politique nationale ».
449 Ainsi, pour honorer leurs engagements, les
États partis s’engagent à prendre des mesures afin d’éliminer toutes les discriminations envers
les femmes. La convention préconise, dans certaines situations où la femme est désavantagée
sérieusement, de créer des lois qui leur accordent un traitement préférentiel. C’est pourquoi
l’article 4 dispose que des mesures temporaires « spéciales » peuvent être adoptées. Ces
447 S. MOURAD. « Tunisie: Egalité successorale, Kaies Said, dévoile sa position », 23 mars 2019, disponible[
https://www.tunisienumerique.com/tunisie-egalite-successorale-kaies-said-devoile-sa-position/]; La rédaction de
Mondafrique, «
Peine de mort, homosexualité, héritage: Kais Saied s’explique », 24 septembre 2019. Disponible
en ligne sur
[https://mondafrique.com/peine-de-mort-homosexualite-heritage-kais-saied-sexplique/].
448 Les Nations unies ont adopté des instruments relatifs à la violence à l’égard des femmes. Ces instruments sont
composés de la déclaration et du programme d’action
de Vienne du 25 juin 1993 adoptés par la conférence
mondiale sur les droits de l’homme (A/CONF. 157/23) et la déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard
des femmes du 20 décembre 1993 (A/RES/48/104. Journal officiel du 2 octobre 2012- Numéro C 296- p. 26.
Disponible sur http://eur-lex. Europa
.eu/.) La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations
à l’égard des femmes a été adoptée le 18 décembre 1979 (Résolution 34/180 du 18 décembre 1979.) p
ar
l’Assemblée générale. Elle est composée d’un préambule qui contient 30 articles. Elle est entrée en vigueur le 3
septembre 1981 après avoir été ratifiée par 20 États. L’objet de cette charte porte exclusivement aux questions
d’égalité des sexes.
449 L’article 3 dispose que «toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour assurer
le plein développement et le progrès des femmes, en vue de leur garantir l’exercice et la jouissance des droits de
l’homme et des libertés fondamentales sur la base de l’égalité avec les hommes ».
135





Page 137
mesures ont une durée limitée comme historiquement toutes les dispositions ayant pour objet
la lutte contre la discrimination et l’objectif est d’accélérer l’instauration de ce principe. La
convention a été ratifiée par 186 États partis. Ces États « ont la triple obligation de respecter450,
protéger
451 et assurer452 l’exercice des droits humains des femmes »453. Cette convention454
invite le législateur à modifier la loi interne afin de la rendre conforme aux prescriptions du
traité international. Ainsi, lorsque la mise en conformité est effectuée, l’État respecte ses
engagements. La République tunisienne a effectivement ratifié cette convention, toutefois elle
a émis, pour la première fois concernant les droits des femmes, des réserves de fond lors de la
ratification de la convention. Il est vrai que la convention de New York du 10 décembre 1962455
sur le consentement au mariage, l’âge minimum au mariage et l’enregistrement des mariages
n’a fait l’objet d’aucune réserve. Cependant, le pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966456 et le pacte relatif aux droits civils et
politiques
457 n’ont fait l’objet de réserves que relativement au règlement des différends par voie
d’arbitrage, qui ne concerne pas le contenu substantiel de la convention. Les réserves permettent
aux États de limiter leurs engagements en soustrayant de leurs obligations certaines dispositions
du traité. Donc, cette technique des réserves offre la possibilité à un État d’adhérer à une
convention internationale, mais d’exclure certaines dispositions. Les réserves sont autorisées
en droit international, mais ce n’est pas un droit absolu. En effet, la convention de Vienne du
23 mai 1969458 autorise les réserves en droit international en précisant qu’elles peuvent être
interdites ou limitées par le traité459. Les réserves émises par la Tunisie concernent notamment
l’article 16 §h de la convention qui invite les États à garantir « les mêmes droits à chacun des
époux en matière de propriété, d’acquisition, de gestion, d’administration, de jouissance et de
disposition des biens, tant à titre gratuit qu’à titre onéreux ». Concernant le § h la doctrine460
considère que « le droit successoral doit être inclus par interprétation parmi les modes
450 L’Etat doit s’abstenir de toute conduite ou activité qui viole les droits humains.
451 L’Etat doit empêcher les violations par les acteurs non étatiques, comme les individus, les groupes, les
institutions et les entreprises.
452 L’Etat doit prendre toutes les mesures nécessaires pour progresser vers les pleines jouissances de ces droits.
453 Résolution 34/180 du 18 déc. 1979.
454 La Tunisie a ratifié la « Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des
femmes» en vertu de la loi du 12 juillet 1985 (Résolution 34/180 du 18 déc. 1979).
455 Ratifiée par la loi n°67-41 du 21 novembre 1967.
456 Ratifiée par la loi n°68-30 du 29 novembre 1968, JORT 1968 p. 1260, publié par décret n° 83-1098 du 21
novembre 1983 JORT n° 79.
457 Ratifiée par la loi n°68-30 et publié par Décret n°91-1664 JORT 1991 p. 1876.
458 Ratifié par la Tunisie le 23 juin 1971.
459 L’article 29 de la convention dispose que les réserves ne peuvent être admises si elles sont incompatibles avec
l’objet et le but du traité.
460 A. MEZGNANI et K. MEZIOU-DOURAÏ, L’égalité entre hommes et femmes en droit successoral, sud
Editions-Tunis, 2006, p. 72.
136



Page 138
d’acquisition de la propriété. Ainsi, la réserve n’a de portée effective qu’au regard de l’héritage
qui reste un droit totalement inégalitaire pour les femmes tunisiennes malgré les évolutions
juridiques ». Mais, concernent aussi l’article 16 §c qui implique que les États partis à la
Convention, sur la base de l’égalité homme-femme, assurent « les mêmes droits et les mêmes
responsabilités au Cours du mariage que de son libre et plein consentement ». Ces réserves ont
une portée limitée, car le droit positif tunisien ne comporte aucune disposition autorisant de
telles discriminations. Les modes d’acquisition de la propriété, l’administration, la jouissance,
la gestion et la disposition des biens restent égalitaires. De même que les §d, h et g de l’article 16
dont la réserve a une portée limitée, car des palliatifs ont déjà été apportés par la législation
tunisienne, même si la tutelle dans son principe reste une prérogative du père, mais avec des
pouvoirs moins absolus (f). L’article 9 § 2 relatif aux droits égaux dans l’attribution de la
nationalité a aussi fait l’objet d’une réserve. Cette situation juridique a partiellement évolué
avec la loi du 10 décembre 2010 qui est venue corriger une partie de l’inégalité homme-femme
sans pour autant l’établir de manière formelle461. En effet, depuis cette réforme l’enfant né d’une
mère tunisienne obtient automatiquement la nationalité tunisienne462. Néanmoins, il subsiste
des inégalités malgré l’introduction de cette loi puisque la ligné maternelle est exclue dans
l’octroi de la nationalité par la naissance en Tunisie. Seul
la ligné paternel est prise en compte463.
Ainsi, la technique de la réserve a permis de maintenir des règles discriminatoires qui sont
incompatibles avec la convention de CEDF dont l’objet exclusif est d’éliminer toutes les formes
de discriminations. À l’évidence, la ratification de cette convention ne permet pas d’éradiquer
les règles inégalitaires qui perturbent la mise en place d’un principe d’égalité homme-femme
dans l’ordre juridique interne. Donc, un instrument international normatif de mise en œuvre du
principe d’égalité entre les genres n’est efficace que si l’État consent à mettre tous les moyens
en œuvre pour assurer ce principe en droit interne en renonçant au recours du procédé généré
par la réserve. Pourtant, la jurisprudence tunisienne a affirmé que les principes de non-
discrimination et d’égalité étaient des principes fondamentaux464. Face à l’affirmation de ce
461 La Loi n° 2010-55 du 1er décembre 2010, modifiant certaines dispositions du code de la nationalité tunisienne,
JORT, 3 décembre 2010, p. 3276. Disponible sur [ttps://www.refworld.org/docid/5e00d5704.html [accessed 9
March 2020]
462 Avant cette réforme, seul le père tunisien pouvait donner automatiquement sa nationalité à ses enfants. Pour
que l’enfant de la tunisienne obtienne la nationalité de sa mère, il fallait qu’il naisse en Tunisie d’un père étranger
ou d’un père inconnu ou apatride. L’enfant de la tunisienne né
à l’étranger d’un père étranger n’avait la nationalité
de sa mère qu’à la condition que s’il en faisait la demande et, sauf circonstances exceptionnelles, il fallait l’accord
du père étranger.
463 L’enfant étranger né en Tunisie n’obtient la nationalité tunisienne que si son père et son grand-père paternel
sont eux-mêmes nés en Tunisie. Cf. Article 7 du code la nationalité tunisienne.
464 En matière de répudiation Civ n° 17297, 16 juin 1987, bull. 1987, p. 233 ; Tbl 1ère Inst. Tunis 19 nov. 1991,
RTD 1993 p. 429 (partie en langue arabe).
137



Page 139
principe subsiste sa remise en cause, notamment par la loi relative aux successions qui donne à
la femme un statut inférieur à celui de l’homme donner l’exemple typique la femme reçoit la
moitié de l’héritage qu’un homme située sur la même lignée comme son frère reçoit. C’est ainsi
qu’à travers l’émission de ses réserves et de la situation du droit positif tunisien, transparaît une
contradiction entre la volonté, l’affirmation d’un principe et la réalité législative qui autorise
des discriminations, lorsque la citoyenne est une femme. Le plus étonnant réside dans la
motivation de ces réserves. La Tunisie, dans la déclaration générale, explique la « décision du
gouvernement tunisien de ne prendre aucun acte législatif ou réglementaire en application de
cette convention qui aille à l’encontre de l’article premier de la Constitution tunisienne selon
lequel la Tunisie est une République indépendante dont la langue est l’arabe et l’islam, la
religion »
465. Cette technique de la réserve remet profondément en cause l’effectivité du
principe d’égalité homme-femme. Il serait facile de conclure à une désillusion du principe
d’égalité en droit tunisien et optimiste de constater l’effectivité de ce droit. En réalité, il serait
plus réaliste, au regard du contexte historique, politique et des origines du droit tunisien de
décrire la situation comme étant progressive, évolutive grâce aux engagements internationaux
qui sont une source pour la République tunisienne et un attachement aux objectifs
internationaux466. Le 16 août 2011, la Tunisie prend la décision de lever toutes les réserves tout
en exprimant une Déclaration générale à cette Convention qui énonce que «le gouvernement
tunisien déclare qu’il n’adoptera en vertu de la Convention, aucune décision administrative ou
législative qui serait susceptible d’aller à l’encontre des dispositions du chapitre premier de la
constitution». Le doyen Carbonnier avait écrit que ce « sont les coutumes qui conservent et la
loi qui innove »467. Cette idée du Doyen Carbonnier relate en partie de la situation de la femme
face au poids des traditions, mais la loi est venue régir juridiquement la situation de la femme
dans la société tunisienne. En France, la situation a été débloquée par la communauté
européenne, mais aussi grâce à une évolution constitutionnelle qui a apporté des précisions sur
le domaine du principe d’égalité homme-femme468.
465 R. BEN ACHOUR et J. GICQUEL, Regards croisés sur les constitutions Tunisiennes et Française à l’occasion
de leur quarantenaire. Publication de la Sorbonne, 1999, p. 104.
466 Cela démontre une ouverture de la Tunisie au reste du monde. Entre le début de l’indépendance en 1956 et la
révolution tunisienne en 2011, il y a eu une évolution progressive qui peut actuellement faire l’objet d’une
régression sociale sur la question de la place de la femme dans la société tunisienne. Si, selon certaines conceptions
du droit, ce dernier était le reflet de la réalité sociale, alors le principe d’égalité homme-femme dépend du regard
que la société porte sur les femmes. Ces femmes se sont libérées de leur condition de sujet de droit inférieur aux
hommes. Elle se libère de son rôle préétabli dans la tribu ou la famille pour avoir sa place à part entière dans une
société moderne dans laquelle elle a un rôle actif.
467 J. CARBONNIER., Essais sur les lois, Répertoire du notariat Defrénois, 1995, p. 198. p. 226.
468 La Tunisie n’avait pas clairement consacré un principe d’égalité entre homme-femme, mais, la nouvelle
Constitution de 2014 remédie à cette lacune. Cependant, la communauté internationale reste vigilante et exigeante
138



Page 140
Section 3 : L’influence expansive du droit de l’Union européenne
en tant que vecteur de l’égalité en France
89.
L’égalité des sexes a longtemps été ignorée en droit français dans le sens où le dispositif
juridique interne ne parvenait pas à une égalité réelle depuis la promulgation de la Constitution
de 1958 et ses réformes ultérieures. Aussi, l’intervention du droit européen se perçoit comme
étant un palliatif au droit positif français (§ 1) qui entraîne des conséquences sur la mise en
œuvre de l’égalité homme-femme en droit interne (§ 2).
§ 1. L’intervention du droit européen en tant que palliatif du droit positif
90.
À la recherche d’un équilibre entre la protection du principe d’égalité des sexes et
l’effectivité du principe. À défaut d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes, le
législateur européen cherche à tout prix à protéger l’égalité de traitement homme-femme tout
en recherchant davantage d’effectivité. Les efforts législatifs engagés tout au long de la
construction de l’égalité par le droit français deviennent inefficaces à ce stade et insuffisants
pour répondre au désarroi de l’ineffectivité de l’égalité homme-femme. C’est la raison pour
laquelle ces efforts déclinant à l’orée de cet essoufflement législatif, ce dernier capitule et
cherche alors à trouver des solutions innovantes dans le cadre du droit européen. Ces solutions
semblent a priori pro égalitaire et exempts de préoccupations quant à leur efficacité, notamment
parce que les solutions du droit européennes envisagent la question de l’effectivité dans leur
appréhension de l’égalité homme-femme, c’est-à-dire que le principe de non-discrimination
inclut d’une certaine manière la question pratique de l’égalité homme-femme. Celle-ci prend
deux formes ; la reconnaissance d’une nouvelle catégorie constituée par les femmes et le
caractère légal de la discrimination positive. C’est pourquoi, dans le cadre du renforcement du
rôle et de la place de la femme dans la société et de la préoccupation politique de la protéger,
le législateur européen s’est employé à promouvoir davantage l’égalité juridique entre l’homme
et la femme en excluant toutes formes de discrimination contre les femmes. Cette volonté
envers les gouvernements. Ainsi, il peut être constaté que le principe d’égalité homme-femme est largement diffusé
dans l’ordre juridique interne des deux États. Il subsiste certaines lacunes.
139









Page 141
implique l’instauration de dispositions législatives en vue de garantir l’égalité homme-femme,
mais aussi la promotion du principe par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union
européenne.
91.
L’instauration de dispositions législatives en vue de garantir l’égalité homme-
femme. Quelles incitations poussent le législateur français à appliquer la conception du droit
européen de l’égalité homme-femme? Le législateur français pourrait au lieu de se conformer
au droit européen, suivre la conception française de l’égalité et ainsi interdire de manière
absolue toute entorse à ce droit visant à favoriser une catégorie de personne. Comme nous
l’avons déjà exposé, cette option offrirait une lecture stricte de l’égalité qui empêcherait une
voie d’accès vers la reconnaissance d’autres catégories possible et infinie dès lors que la
discrimination positive sera jugée conforme ou non contraire à l’égalité homme-femme.
Cependant, dans plusieurs situations, le législateur français se trouva face aux limites de
l’égalité homme-femme. Afin notamment de respecter l’engagement pris par la France dans
l’élimination des inégalités, et à promouvoir l’égalité homme-femme, ainsi que les incertitudes
juridiques générées par le caractère non effectif de certaines mesures, ce dernier fit le choix de
respecter ses obligations constitutionnelles aux termes duquel l’article 55 de la constitution
dispose que «les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou
traitées, de son application par l’autre partie»469. Aussi, la conception du principe de non-
discrimination innovante, elle aussi, saisit tout l’attrait d’appliquer ce principe en droit français.
Néanmoins, les incitations et les motivations poussent le législateur européen et le législateur
français à adopter des positions sur la définition de l’égalité homme-femme qui diffèrent
sensiblement, même si nous verrons, qu’in fine, le législateur français adopte progressivement
l’approche européenne permettant de dégager des solutions uniformes et plus efficaces.
Gardons en mémoire, qu’avant la révision du 23 juillet 2008 relative à l’introduction de la
parité, la décision Lesourd du 22 juin 2007470 rappela que « le principe d’égalité aux emplois
publics énoncé à l’article 6 de la Déclaration de 1789 exclut que, pour les candidatures à des
dignités, places et emplois publics autres que ceux ayant un caractère politique, une distinction
puisse être faite entre les candidats en raison de leur sexe ». Ce n’est qu’avec la révision du 23
juillet 2008 qu’il y eut l’autorisation pour le législateur français d’envisager des différenciations
469 CE, Ass., 20. Oct, 1989, requête n°108.243, Rec., p. 190 ; Cass., chambre mixte, 24 mai 1975, n° 73-13.556.
Bull civ. ch. mixte, n° 4, p.6, Société des Cafés Jacques Vabre
470CC. Déc. n° 2001-455 DC, décision Lesourd, 22 juin 2007, Lebon p. 253.
140




Page 142
dont l’objectif est de promouvoir l’égalité effective entre les hommes et les femmes. En droit
public, l’intégration de l’égalité homme-femme est plus forte, notamment parce que le juge
administratif lui accorda la place particulière de ce droit dans les idéaux français de 1789. Il
qualifia expressément l’égalité comme le principe général du droit et affirma qu’il « régit le
fonctionnement des services publics
»471.
92.
En droit français, l’incitation essentielle réside dans le fait que le droit européen a une
valeur supérieure à celle des lois472. L’administration peut appliquer le droit européen, soit de
manière immédiate, soit après transposition du texte européen en droit interne473.. En effet, la
suprématie du droit européen sur le droit national français a été consacrée par la
jurisprudence
474. En matière de droit européen, l’intervention de l’égalité homme-femme est
particulièrement significative en matière sociale, car il était le principal domaine d’intervention
du législateur européen en la matière. Toutefois, en France, le pouvoir constituant n’est pas
intervenu dans le but de rendre plus effective l’égalité des traitements en matière de
rémunération, mais plutôt en matière électorale. Comme nous l’avons constaté, il y a eu la
crainte d’un retour de « boomerang » avec l’introduction de ces actions positives jugées plus
incitatives. En effet, au cours des débats sur les quotas électoraux, nous pouvions entendre
médire : «sommes-nous à ce point handicapées qu’il faille nous imposer par la contrainte
constitutionnelle? Et si cela devait arriver, comment jamais être sûres que nous sommes à tel
ou tel ne poste par l’effet de nos compétences ou par la force des quotas ? [...] La discrimination
n’est jamais positive et finit toujours par se retourner contre la personne discriminée »475. Cette
crainte de voir remettre en cause les compétences et le mérite des femmes à se voir attribuer
une responsabilité politique au nom d’un quota fut également perçue par la jurisprudence de
471 CE, Conseil d'Etat, Section, 9 mars 1951, Société des concerts du Conservatoire, n° 92004, publié au recueil
Lebon
.
472 Voy. Annexe III relative à la hiérarchie des normes.
473 Concernant les règlements et les décisions, elles sont directement applicables et donc elles ne nécessitent pas
de transpositions. Seules les directives et les décisions-
cadres doivent faire l’objet d’une transposition en droit
national. Les avis et les recommandations ne sont pas contraignants
474 Dans un premier temps, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que le droit européen devait
s’imposer à celui des États membres, car le droit européen formait un nouvel ordre juridique. La Cour de justice a
adopté cette position dans l’arrêt Simmenthal du 9 mars 1978. Dans un second temps, c’est la Cour de cassation,
en France qui a adopté cette position avec l’arrêt Société des Cafés Jacques Vabres du 24 mai 1975. Enfin, ce n’est
que tardivement que le Conseil d’État a adopté ce raisonnement de la suprématie du droit européen. En effet, c’est
avec l’arrêt Nicolo du 20
octobre 1989 que le Conseil d’État a formulé ce principe. L’égalité homme-femme qui
dispose d’une assise constitutionnelle trouve également un prolongement conventionnel qui accroît sa place au
cœur du droit national.
475 E. BADINTER, « Non aux quotas de femmes », Le Monde, 12 juin 1996 également cité par I. HACHEZ et S.
VAN DROOGHENBROECK, « L'introduction de l'égalité entre les hommes et les femmes dans la Constitution
»,
Revue belge de droit constitutionnel, 2002, n° 2, p. 154.
141




Page 143
l’Union européenne qui s’est rapidement chargée de délimiter les actions positives en droit. Au
sein de l’Union européenne, deux conceptions s’opposent. Celle de l’égalité formelle c’est-à-
dire, celle qui « semble s’épuiser dans l’énoncé du principe d’égalité de droits et la conception
de l’égalité réelle c’est-à-dire qu’elle prend en compte des situations réelles et des inégalités de
fait
»476. En effet, la Commission européenne a publié en 1996, un code de conduite relatif à
l’application de l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. La commission fait
un bilan qui concerne la mise en œuvre de ce principe européen par les États membres dans une
période de 20 ans. Elle constate que «les différences de rémunération entre les femmes et les
hommes restent considérables. À titre d’exemple, les données disponibles concernant
l’industrie manufacturière et le commerce de détail révèlent un écart important, dans tous les
États membres, entre les salaires féminins et masculins». Le code de conduite prévoit la mise
en œuvre d’une action pour l’élimination des discriminations. Ce texte n’a pas de valeur
normative, mais incitative.
93. À l’origine, le Traité de Rome ne consacrait qu’un unique article à la question de
l’égalité
homme-femme477. Le traité de Rome interdisait, dès lors, les discriminations entre
homme-femme en matière de rémunération pour un même travail. Le traité semblait trop
limitatif en matière de discrimination, l’Union européenne décida d’adopter d’autres mesures
afin d’élargir considérablement le domaine d’application de l’interdiction des discriminations
entre homme-femme. En effet, «les institutions communautaires ont adopté de nombreux textes
dans cette matière. Compte tenu de l’absence de base juridique spécifique dans le Traité, ces
textes ont été adoptés sur la base de l’article
235 du Traité de Rome478. Outre la directive
concernant l’égalité des rémunérations, cinq directives ont été adoptées en matière d’égalité de
traitement»479. L’égalité homme-femme figurait, depuis le traité d’Amsterdam, parmi les
476 http://www.sénat.fr/.
477 Ainsi, l’article 119 du Traité instituant la Communauté européenne dispose que «chaque État membre assure
au Cours de la première étape, et maintient par la suite, l’application du principe de l’égalité des rémunérations
entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail».
478 Cet article permet au Conseil de mettre en œuvre une action nécessaire pour réaliser l’un des objets de la
Communauté lorsque le Traité n’a pas prévu de pouvoirs d’action dans ce domaine. L’utilisation de cet article
implique une adoption des dispositions par le Conseil à l’unanimité.

479 Sénat, Délégation du Sénat pour l'Union Européenne, session ordinaire de 1996-1997, Rapport d’information
n°293, présenté par Mme Danièle POURTAUD, annexe au procès- verbal de la séance du 27 mars 1997. En ce,
sens il y a eu l’adoption de la directive du 9 février 1976 (Directive 76/ 207/CEE, JO n° L 39, 14 février 1976
relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité hommes et femmes concerna
nt l'accès à l'emploi, à la formation
et à la promotion professionnels, et les conditions de travail).Ensuite, une directive de 1979 concernant l’égalité
de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (Directive 79/7/CEE, JOCE n°L 6, 10 janvier
1979, p.24) Cette directive ne s’appliquera dans les pays de l’UE qu’à partir de 1984, date de son entrée en vigueur
dans ces derniers pays .L’Union va aussi s’intéresser à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement
homme-femme dans les régimes professionnels de sécurité sociale avec la directive du 24 juillet 1986 (Directive
142




Page 144
missions assignées à la Communauté européenne par l’article 2480 du traité CE481. L’article 13,
introduit par le traité d’Amsterdam, selon la doctrine « n’était pas une clause de non-
discrimination susceptible d’effet direct. Il a donné une base juridique à l’adoption de mesures
de lutte contre les discriminations de toute nature»482. En effet, l’article dispose que « sans
préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des pouvoirs que celui-ci
confère à la Communauté, le Conseil statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission
et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de
combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou
les croyances, un handicap, l’âge ou l’orientation sexue
lle»483. L’article 137 du traité CE
disposait « qu’en vue de réaliser les objectifs visés à l’article 136, la Communauté soutient et
complète l’action des États membres dans les domaines suivants : (...) l’égalité entre hommes
et femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le
travail ». De plus, l’article 141 du traité CE, disposait que «chaque État membre assure
l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et
travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur». Par la suite, une
directive de 2006
484 concernant le principe d’égalité de traitement et des chances entre hommes
et femmes en matière professionnelle est venue refondre les textes existants dans un texte
unique en y intégrant les apports jurisprudentiels. Le traité de Lisbonne reprend les dispositions
qui figuraient dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe qui portait sur la non-
discrimination et sur l’égalité485.
86/378/CEE, JO n° L 225, 12 août 1986, p.40.)Enfin, deux autres directives concernant d’une part, l’égalité de
traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole, ainsi que
la protection de la maternité ((Directive 86/613/CEE,
JOCE n° L 359, 19 déc. 1986, p.56). Et d’autre part,
concernant la promotion de l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleu
ses enceintes, accouchées ou
allaitantes au travail (Directive 92/85/CEE, JO n° L 348, 28 nov. 1992, p.1.)
480 Pour atteindre les finalités fixées par l’article 2, l’article 3 disposait que « lorsqu’elle réalise toutes les actions
visées au présent article, la Communauté cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité entre les
hommes et les femmes».
481 Voy. sur le sujet ; F. BENOIT-ROHMER, l’Union européenne et les droits fondamentaux depuis l’entrée en
vigueur du Traité de Lisbonne. L’égalité femme
-homme UMR, Revue trimestrielle de droit européen 2011 p. 145.
482 Jurisclasseur Europe Traité, Fasc. 191 : Ordre juridique de l’Union européenne sources non écrite, II.
Traitements jurisprudentiels des principes de l’Union européenne, A. Traitement jurisprudentiel des valeurs
fondatrices de l’Union européenne Cote
: 04, 2011.
483 E. DUBOUT, l’article 13 du traité CE- La clause communautaire de lutte contre les discriminations : Bruxelles,
Bruylant, collection Droit de l’Union européenne, vol 2. 2006.
484 PE et Cons. de l’UE, Directive 2006/54 du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité
des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail,
JOCE n° L 204
du 26 juil. 2006, pp. 23-36
485 Parmi ses dispositions, l’article 2 de la TUE précise dans ses dispositions que la société est caractérisée par la
non-discrimination. L’article 3 §3 alinéas 2 de ce même traité prévoient le principe d’égalité homme-femme et la
non-discrimination. L’article 9 consacre le principe d’égalité entre les citoyens.
143




Page 145
94.
Concernant le TFUE, le principe d’égalité homme-femme est prévu à l’article 9 et
l’article 10 prohibe les discriminations fondées sur le sexe486. Des dispositions de la troisième
partie du traité établissant une Constitution pour l’Europe reprenaient des dispositions du traité
CE et notamment le principe d’égalité homme-femme et sur le modèle de l’article 13 du traité
CE la lutte contre les discriminations
487.
95.
La convention européenne des droits de l’Homme contient des dispositions relatives à
la lutte des discriminations et notamment celle fondées sur le sexe à l’article 14, mais aussi à
l’article 1 du protocole n°12. Cependant, aucune disposition spécifique est explicite au principe
d’égalité homme-femme n’est consacré dans la convention. Elle interdit seulement toute forme
de discrimination fondée sur le sexe. Le traité d’Amsterdam modifia l’article 141 du traité CE
et inséra l’article 13 du traité CE car « le traité avaient tenu compte des positions du juge
communautaire et des problèmes rencontrés par lui» et cela permit de constituer une base
juridique pour l’adoption de législations en vue de lutter contre toutes discriminations et
notamment pour l’adoption de législations en vue de lutter contre toutes discriminations et
notamment celles fondées sur le sexe. Cet article a eu pour effet de permettre une législation
européenne assez abondante «adoptée sur la base de la décision du 27 novembre 2000
établissant un programme communautaire de lutte contre la discrimination
» 488.
486 L’article 19 §1 est relatif à l’action contre les discriminations fondées sur le sexe, la race ou l’origine ethnique,
la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. En matière professionnelle, l’article
153
§1 consacre l’égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le
traitement dans le travail. L’article 157 §1 renforce le principe d’égalité entre les sexes en prévoyant l’« égalité
des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de
même valeur».
487 Art. III-124. Voy. L. BURGORGUE-LARSEN, La Convention européenne des droits de l'homme, L.G.D.J,
2019, 330 pages
; Y. LÉCUYER, L'essentiel de la Convention européenne des droits de l'Homme, Tout le système
de protection instauré par la CEDH,
Gualino, 160 pages ; F. MODERNE, La Convention européenne des droits
de l'homme
, Dalloz, 2019 ; C. BLUMANN, L. DUBOUIS, Droit matériel de l’Union européenne, L.G.D.J,
2019,976 pages ; J.-.L. CLERGERIE, A. GRUBER, P. RAMBAUD,
Droit institutionnel et matériel de l’Union
européenne, Daloz, 2018, 1088 pages ; C. BOUTAYEB, Droit institutionnel de l'Union Européenne, 2018, LGDJ,
802 pages ; S. ROBIN-OLIVIER
, Manuel de droit européen du travail, Bruylant, 2016, 658 pages ; O. DUBOS,
Institutions européennes, Dalloz, 2019, 208 pages ; Conseil de l’Europe, R. LIDDELL, M. O’FLAHERTY
(Dir.,), Manuel de droit européen en matière de non-discrimination, Office des publications de l’Union européenne,
Luxembourg, 2018, 325 pages.
488 Cons. UE. Déc. n° 2000/750/CE, 27 nov. 2000, établissant un programme d’action communautaire de lutte
contre la discrimination., Voir J O des communautés européennes 2 décembre 2000 avec l’adoption de directives
en 2000 et 2002.-PE et Cons. UE, dir. 2000/78/CE,27 nov. 2000 portant création d’un cadre général en faveur de
l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail : JO des communautés européennes 2 décembre 2000.-PE
et Cons. UE, dir. 2002/73/CE,23 sept. 2002 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement
entemmes en matière d’emploi et de conditions de travail : JO des communautés européennes 5 oct. 2002.
144






Page 146
§ 2. Les conséquences sur la mise en œuvre de l’égalité homme-femme en
droit interne
96. Des conséquences plutôt favorables à l’égalité des sexes. Ces dispositions
européennes paraissent être en faveur de l’égalité homme-femme. La vision positive dont jouis
le principe de non-discrimination semble liée au fait qu’ils actionnent le passage d’une égalité
formelle à une égalité matérielle, voire dans certaines occurrences le saut vers une égalité
parfaite. En d’autres termes, elles ouvrent le chemin vers une égalité de facto. C’est par
l’existence de ses traités et l’intermédiaire de ses directives que les objectifs fixés par l’Union
européenne ont permis de faire évoluer le droit en matière d’égalité homme-femme en droit
français. Un principe d’égalité homme-femme dont les domaines d’application ont fait l’objet
d’une extension. Dans son sillage, les instruments européens importeront une accélération de
l’égalité homme-femme par des mesures qui permettront d’accroître l’application de l’égalité
homme-femme. La Commission a présenté ses priorités en matière d’égalité homme-femme
pour pouvoir améliorer la place des femmes dans l’Union européenne et aussi dans la société
française. Les domaines concernés sont ceux de l’indépendance économique des femmes
489 et
l’égalité de rémunération. La Commission a souligné l’existence d’écarts de rémunération entre
les hommes et les femmes qui persistent, y compris pour un même travail ou un travail de même
valeur. Pour contribuer à éliminer ses écarts, la commission propose par exemple « d’explorer
avec les partenaires sociaux les possibilités d’améliorer la transparence salariale »490. Enfin, la
commission a constaté l’insuffisance de la représentation des femmes dans les processus
décisionnels491, donc elle veut établir une égalité dans la prise de décision. Dans ce contexte, la
Commission souhaite favoriser par exemple « l’augmentation du nombre de femmes dans les
comités et les groupes d’experts établis par la Commission, avec un objectif d’au moins 40 %
de femmes ». Cette égalité va s’étendre dans les politiques extérieures de l’Union européenne.
De manière générale, la Commission s’engage à faire évoluer le principe d’égalité homme-
femme en veillant à la bonne application de la législation européenne, en particulier la directive
sur l’égalité de traitement dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services
489 Par exemple encourager l’emploi indépendant et la création d’entreprises par des femmes.
490Voy.
[http://europa.eu/lefislatio_summaries/employment_and_social_policy/equality_between_men_and_women/em0
037_fr.htm.]
491 Parlements ou gouvernements nationaux.
145




Page 147
sur l’égalité des chances492. C’est ainsi que de manière réciproque, le droit administratif
français, sous l’influence du droit de l’Union européenne, connaît une transformation
493.
97.
Selon le Conseil d’État, « la non-discrimination […] constitue une application stricte du
principe d’égalité entre les sexes, affirmé par le préambule de la Constitution de 1946 toujours
en vigueur. En revanche, elle ne peut avoir pour prétention de réaliser l’égalité réelle des
hommes et des femmes dans tous les aspects de la vie sociale». Pourtant, le droit européen
aspire à une égalité concrète, non cantonnée au seul traitement juridique des situations. Pour
éviter que l’égalité homme-femme ne soit purement formelle, le droit français doit tendre vers
des mesures palliatives. La mise en œuvre de l’égalité homme-femme doit se réaliser de
manière transversale, car elle est, en effet, une condition nécessaire dans la réalisation de
l’égalité homme-femme. C’est ainsi que « l’égalité des droits doit parfois subir des
assouplissements, un rééquilibrage pour que soit rétablie une égalité de fait. L’équité est alors
le principe qui justifie la mise en forme d’un tel dispositif. Il constitue à la fois une forme de
concrétisation partielle du principe d’égalité des droits »494. Aussi, « la notion d’équité doit être
comprise comme une règle accessoire, un ensemble de lignes de conduite, un moyen
d’interprétation des autres règles de droit»495 y compris l’égalité homme-femme. D’ailleurs,
l’application de l’égalité homme-femme n’a pu empêcher que des inégalités entre les deux
sexes persistent en matière de droit économique et social, voire se développent au risque de
faire apparaître l’égalité des droits comme purement formelle. Face à des discriminations
systémiques et structurelles fondées sur le sexe, le droit français semble effectivement
s’attacher à une conception formelle de l’égalité et de la notion de discrimination si bien que le
droit français considère le principe d’équité comme une simple référence avec de rares
références à ce principe alors que le droit européen en fait un principe important et multiplie les
références directes à l’équité dans ses textes. Pourtant, Maurice Houriou reconnaissait que «le
droit administratif est un droit d’équité fondé sur la prérogative de l’administration, fait par le
juge et organisé selon la théorie de l’acte ». C’est ainsi que le juge administratif consacra dans
492 Directive 2004/113/CE concernant la mise œuvre en du principe de l’égalité de traitement entre les femmes et
les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services,
JOCE du 21 déc. 2004, pp.
37-43.
493 J. SIRINELLI, Les transformations du droit administratif par le droit de l’union européenne – Une contribution
à l’étude du droit administratif européen, thèse, Paris II, 2009, LGDJ, 2011 ; Un modèle de droit administratif se
construit Voy en ce sens J-B. AUBRY, J. DUTHEIL de LA ROCHERE (DIR.),
Traité de droit administratif
européen Bruylant, 2e éd. 2014. V. B. STIRN, Y. AGUILA, Droit public français et européen, Sciences-Po-
Dalloz, 2014.
494 B. MAJZA, « Équité et droits fondamentaux », CRDF 2002., n°1, p.81.
495 Idem. P.88.
146




Page 148
sa jurisprudence le principe de discrimination positive ou principe d’égalité des chances496.
Cette décision consacra qu’« eu égard à l’intérêt général qui s’attache à ce que le conservatoire
de musique puisse être fréquenté par les élèves qui le souhaitent, sans distinction selon leurs
possibilités financières, le conseil municipal de Gennevilliers a pu, sans méconnaître le principe
d’égalité entre les usagers du service public, fixer des droits d’inscription différents selon les
ressources des familles». Le juge administratif consacra la possibilité de tenir compte des
ressources pour la tarification de tous les services publics. Alors que le juge constitutionnel
français ne considère pas le principe d’équité comme « un principe complémentaire, qui tient
un rôle de suppléance pour pallier les carences des principes fondamentaux
»497, notamment
celui de l’égalité homme-femme. Toutefois, il admit que le principe d’égalité n’est pas absolu,
et que les différences de traitement pouvaient être appliquées lorsque les circonstances le
justifiaient. Il laisse au législateur le soin de déterminer les domaines dans lesquels les
discriminations positives sont réalisables. Ainsi, dans sa décision du 11 juillet 2001 il jugea
qu’eu égard à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, « l’Institut d’études
politiques de Paris pouvait ouvrir une voie d’accès particulière en proposant des conventions
aux établissements situés dans une zone d’éducation prioritaire, afin de permettre la
diversification de l’accès des élèves du second degré aux formations qu’il dispense, à la
condition que ces modalités particulières de recrutement reposent sur des critères objectifs».
98.
Pour répondre aux aspirations de l’égalité homme-femme et aux exigences européennes,
la jurisprudence du Conseil d’État rechercha la conformité de sa jurisprudence à celle de la
Cour de justice de l’Union europééenne. En ce sens, on peut rappeler que s’agissant du montant
des pensions, la décision du Conseil d’État du 29 juillet 2002, Griesmar, qui tire les
conséquences de l’arrêt Griesmar de la Cour de justice des Communautés européennes du 29
novembre 2001, rendu sur une question préjudicielle que le Conseil d’État avait posée, affirme
que «le principe de l’égalité des rémunérations s’oppose à ce qu’une bonification, pour le
calcul d’une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l’éducation de leurs
enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l’éducation de leurs
enfants seraient exclus de son bénéfice ». D’autres éléments, tout aussi limpides et portant une
certaine gémellité avec nos précédents propos, expliquent le ralliement de la France à la
conception européenne de la non-discrimination.
496Décision Commune de Gennevilliers du 29 décembre 1997.
497 B. MAJZA, Op. Cit. Ibidem.
147





Page 149
99.
En somme, en droit interne français, le droit européen a fait évoluer la conception
classique de l’égalité vers la non-discrimination. Cette interdiction est prévue à l’article 14 de
la convention européenne des droits de l’homme en proclamant que la jouissance des droits et
libertés reconnus par la convention doit être assurée «sans distinction aucune, fondée
notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou tout
autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la
fortune, la naissance ou toute autre situation ». L’article 21 de la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne interdit « toute discrimination fondée notamment sur le
sexe, la race, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la
religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une
minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ».
Toujours, sous l’influence du droit de l’Union européenne, les discriminations sont dorénavant
ventilées entre discriminations directes et indirectes. Initialement, les textes communautaires
firent mention de ces termes, mais ne donnèrent pas de définitions498. C’est le juge
communautaire qui a défini ces termes, grâce à sa jurisprudence, relatifs à la libre circulation
des travailleurs et de manière significative avec l’égalité professionnelle entre les sexes dans
l’emploi. Ce droit de l’égalité professionnelle dispose de sources textuelles importantes ainsi
que d’une jurisprudence abondante. Par conséquent, les évolutions conceptuelles en la matière
ont irrigué les autres branches du droit de la discrimination. De plus, ses avancées sont
bénéfiques aux personnes touchées par les autres discriminations. Dans la recherche d’une
définition de la discrimination, le Traité d’Amsterdam vint parapher l’évolution du droit
communautaire en la matière, en élargissant sensiblement le domaine des discriminations
prohibées499. Toutefois, il ne propose pas de définition. Ainsi, il y a eu un travail significatif
dans cette recherche de définition. Aussi, la question des règles de preuve et l’adaptation de ce
domaine aux exigences européennes sont un moyen de renforcer la protection du principe
d’égalité des sexes en permettant à la victime d’établir la discrimination en définissant les règles
de la preuve. Même si le principe d’égalité imprègne le droit français, il a été influencé par les
éclairages européens. En matière de discrimination, cette influence se traduit par la prise en
compte d’exigence sur le plan procédural, au travers d’adaptations des règles de preuve et de
498 Voy. not. Règl. (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 oct. 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à
l’intérieur de la Communauté, JOCE du 19 oct. 1968, pp. 2-12 ; Directive 76/207/CEE du Conseil du 9 fév. 1976
relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en ce qui concerne
l’accès à l’emploi, à la formation et à
la promotion professionnelle, et les conditions de travail, JOCE du 14 fév.
1976, pp. 40-42.
499 l’art. 13 du Traité d’Amsterdam vise « toute discrimination » fondée sur différents critères.
148



Page 150
recevabilité, et également substantiel, par la prise en compte des problématiques nouvelles liées
au principe d’égalité500 et en l’occurrence celui entre les sexes.
100. En définitive, le droit européen offre de solides justifications au législateur français afin
de mettre en conformité le droit français avec les exigences européennes. Le principe de non-
discrimination sera ici d’une redoutable efficacité. En effet, le législateur français introduit des
mesures plus incitatives ; accélère la progression de l’égalité homme-femme, il diversifie le
domaine d’application de l’égalité homme-femme. Par cet instrument juridique, il ne sera pas
nécessaire d’attendre plus longtemps pour que le législateur français se lance dans la recherche
de la promotion et la diffusion de l’égalité homme-femme. En d’autres termes, le droit européen
incita par les engagements pris par la France, à faire évoluer la législation nationale de manière
rapide. Par ce fait, le droit européen semble avoir pour objet ou pour effet d’accélérer la
diffusion et la promotion de l’égalité homme-femme en droit interne où celle-ci était bridée et
verrouillée par la présence d’une conception historique et singulière de l’égalité.
* *
*
101. Conclusion titre I relatif le pluralisme des fondements de l’égalité homme-femme.
Les modifications apportées par la Tunisie dans sa nouvelle Constitution, qui semble emprunter
le même chemin que celui entamé par la France, ont permis l’apparition d’une multitude de
sources de référence à l’égalité entre les citoyens et les citoyennes, dont la référence à l’égalité
homme-femme. Pourtant, à la lecture de l’ensemble des dispositions une ambiguïté demeure.
En effet, des dispositions se référant à l’islam demeurent et rendent l’assise constitutionnelle de
l’égalité homme-femme faible. Cette faiblesse est maintenue par rapport à la Constitution de
1959.
102. Historiquement, le principe d’égalité des sexes a été conçu comme un droit découlant
du principe d’égalité. Incontestablement, l’introduction du principe de non
-discrimination lié
«
aux nécessités économiques du marché commun»501 confère à l’égalité des sexes une valeur
que le droit dérivé à autorisée l’extension de manière significative l’application de l’interdiction
500Intervention de Bernard Stirn, président de la section du contentieux du Conseil d’État
501 P. RODIÈRE, Droit social de l''Union européenne, mars 2014, LGDJ, 774 pages.
149









Page 151
entre les sexes, qui a eu pour conséquence d’édicter ce principe pour l’ensemble des activités
d’un individu. Conceptuellement, il n’y a rien de surprenant à ce que la conception interne
française ou tunisienne puisse être impactée par l’interaction avec des exigences venues
d’autres arènes juridiques. Si l’évolution de la conception de la Cour de justice de l’Union
européenne a connu également une évolution très perceptible en rapport avec des appétences
suscitée par les impératifs de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme,
le système juridique français a enrichi le contenu juridique, mais a également joué son rôle en
adoptant dans le cadre de son application juridique des méthodes des cours européennes dont
la finalité est la recherche du renforcement de l’efficacité.
103. De cette recherche d’efficacité, le droit tunisien n’en restait pas moins cantonné à la
seule lecture positive du principe d’égalité jusqu’à l’adoption constitutionnelle d’une
interdiction de discriminations entre hommes et femmes, prohibition ne couvrant d’ailleurs, à
la différence du système français, que le seul exercice de libertés économiques ou le bénéfice
de droits sociaux qui ne sont pas couverts par le champ d’intervention des dispositions
d’influence religieuse. Liée par des engagements internationaux, la Tunisie a compensé
l’absence d’un système juridique régional aussi performant que celui de l’Union européenne,
par celui qui se trouve dans les instances internationales. En théorie, le verrouillage de la
conceptualisation interne de l’égalité des sexes pourrait non seulement empêcher l’émergence
de nouveaux paradigmes qui nécessitent de mobiliser les instruments juridiques disponibles
dans le domaine international, mais aussi obstruer le déclenchement d’une mise en conformité
du système juridique interne qui bénéficierait aux femmes et, s’agissant du secteur
professionnel, ultimement à la société et, par conséquent, à l’État.
104. En effet, la condamnation des discriminations par la Constitution tunisienne, jointe à
celle qui découle d’autres instruments internationaux, tels que l’OIT ou les chartes de l’ONU,
également présente dans les règles juridiques françaises, ne pouvait pas manquer d’avoir une
influence sur leurs systèmes juridiques. À cet égard, le principe de non-discrimination pourrait
apparaître comme une intégration de valeurs internationales dans le sens où elles s’accordent
sur l’une des finalités de l’égalité des sexes. Cette semi-dépendance par rapport aux exigences
internationales a pour effet de limiter le domaine de certaines dispositions constitutionnelles
dans lequel le référent religieux pourrait être invoqué. En effet, «les ambivalences» en la
matière restent significatives dans l’article 6 de la Constitution, qui selon le Professeur Ben
Achour, constitue certes «une avancée majeure par rapport à la mouture du projet du 1 et juin
150




Page 152
2013», mais qui reste devancé par la mention que « l’État est le gardien/garant de la
religion»502. Il faut également souligner que le droit à l’égalité, la dignité ou la liberté entre
dans le catalogue des droits consacrés dans la Constitution de 2014, catalogue qui il est vrai,
s’accroît et s’étoffe au fur et à mesure de son expérience historique et juridique avec d’autres
systèmes d’interaction dont les règles juridiques s’ajoutent au texte initial. À cet égard, certaines
dispositions étrangères pourraient apparaître comme une déviance des droits de nature sacrée
dans le sens où l’article 22503 prévoit la vie humaine comme étant sacrées ce qui peut selon
l’interprétation remettre en cause le droit de l’avortement504.
105. Quoi qu’il en soit, si l’émergence de l’égalité homme-femme en France est la
conséquence de l’application du droit à l’égalité, l’émergence en Tunisie de l’égalité sous
l’influence de la France, la Constitutionnalisation de l’égalité homme-femme ne s’appuie pas
sur le même ratio, mais la France demeure, à notre sens, un facteur d’inspiration. La
Constitution tunisienne de 2014 est venue remédier à la lacune d’une inscription implicite de
l’égalité des sexes dans la Constitution de 1959. Ainsi, il peut être constaté que le principe
d’égalité homme-femme est largement diffusé dans l’ordre juridique interne des deux États. Il
subsiste certaines lacunes. Le fait qu’il existe une consécration du principe d’égalité des sexes
n’implique pas une mise en œuvre concrète de ce droit.
106. Nous avons vu qu’en France et Tunisie, le principe d’égalité homme-femme est
largement diffusé dans l’ordre juridique interne. La France connaît un changement de
paradigme dans sa conceptualisation de l’égalité des sexes grâce au cadre que lui offre le droit
de l’Union européenne. Une amélioration de son système juridique et de sa jurisprudence en
découle. La Tunisie ne connaît pas un cadre institutionnel régional comparable. Elle dispose
502 « L’article 6 dans sa version finale dispose certes que “l’État s’engage à diffuser les valeurs de la modération
et de la tolérance [...]” et “[...] qu’il s’engage à l’interdiction et la lutte contre les appels au
Takfir et l’incitation à
la violence et à la haine” mais il est pré
- cédé par l’affirmation que “L’État est le gardien/garant de la religion” »,
R. BEN ACHOUR, « La constitution tunisienne du 27 janvier 2014 »,
Revue française de droit constitutionnel,
2014, p. 789.
503 « Le droit à la vie est sacré. Aucune atteinte ne saurait être portée à ce droit sauf dans des cas extrêmes fixés
par la loi. »
504 L’IVG a été légalisée en Tunisie depuis 1963. Cet acte est gratuit. Article 214 du Code pénal (modifié par la
juillet 1965 et par le décret-loi n° 73-2 du 2 septembre 1973 ratifié par la loi n° 73-57 du 19
loi n° 65624 du 1
novembre 1973) : « L’interruption artificielle de la grossesse est autorisée lorsqu’elle intervient dans les trois
premiers mois dans un établissement hospitalier ou sanitaire ou dans une clinique autorisée, par un médecin
exerçant légalement sa profession. Postérieurement aux trois mois, l’interruption de la grossesse peut aussi être
pratiquée, lorsque la santé de la mère ou son équilibre psychique risquent d’être compromis par la continuation de
la grossesse ou encore lorsque l’enfant à naître risquerait de souffrir d’une maladie ou d’une infirmité grave. Dans
ce cas, elle doit intervenir dans un établissement agréé à cet effet. » R. BEN ACHOUR, Op. Cit., p. 790.
er
151






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uniquement du cadre du droit international comme moyens d’amélioration de son système
juridique. Dans la poursuite de l’examen du pluralisme des fondements de l’égalité homme-
femme, il nous reste désormais à les identifier avec précision les éventuelles divergences de
fondements à travers la question de la concurrence de légitimités (Titre II). Nous verrons que
tous systèmes socio-juridiques ne sont pas élaborés sur les mêmes fondements de légitimation.
Les assises normatives et idéologiques de la Tunisie ont connu une influence significative du
système français et auraient donc émergé de façon plurielle des formes de légitimités
caractérisées par leur incompatibilité avec la conception française de l’égalité des sexes.
152




























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153




































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TITRE II : LA CONCURRENCE DE LÉGITIMITÉS
154












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155




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107. La question de l’égalité homme-femme implique celle de légitimité. Le dictionnaire de
l’Académie française définit la légitimité comme le « Caractère de ce qui est fondé en droit ou
de ce qui est conforme à l’équité, à la raison, aux règles établies, à la tradition »505. Le terme
« légitimité » renvoie à différents usages : nous pouvons parler de légitimité d’une personne, de
celle du Pouvoir, de celle de l’action, mais nous pouvons également parler de légitimité
historique. Juridiquement, la légitimité renvoie à ce qui est conforme au droit, à la loi, à l’état
d’une personne (un enfant légitime ou illégitime par exemple). Le législateur, ainsi que les
individus qui se sont battus pour l’égalité des sexes ont cherché à bâtir des légitimités, afin de
permettre aux femmes d’être considérées par le droit comme étant des membres de la société à
part entière. Elles ont obtenu leurs droits, suite au fondement de légitimités successives. Tout
d’abord, la légitimité religieuse a maintenu la femme dans une situation de complémentarité et
d’inégalité. Par la suite, le principe démocratique a impliqué le fait que la femme soit l’égal de
l’homme, en droits et en devoirs. Il a ainsi impliqué le droit à une représentation et à une
participation politique. Enfin, la légitimité se trouve également dans le principe de la dignité
humaine. Nous retrouvons une concurrence des légitimités au sein du système tunisien. En effet,
le droit et la religion restent des concurrents dans la légitimation de la règle, et le respect
conditionne la légitimation de l’action. Nous retrouvons également cette concurrence entre les
légitimités des systèmes, au niveau de la justification du principe d’égalité des sexes.
108. Le respect de la règle comme condition de la légitimation de l’action. Toute
justification
506 est conditionnée par « l’argumentation comme moment proprement constitutif
de la validité possible attachée à l’acte légal, juridictionnel ou
administratif»507. Dès lors, «la
validation renvoie au moment important de la justification
»508, plus précisément «au moment
du juge», dans l’application de la norme et à celui du législateur, dans le cadre de l’adoption
de la norme509. Si nous nous référons au principe de cohérence interprétative de Dworkin,
505 Dictionnaire en Ligne [https://www.cnrtl.fr/definition/academie9/légitimité].
506Cf. la justification de l’éthique de la discussion le débat entre Habermas et Apel ; J.-M. FERRY, « De
l’antinomie de la vérité à la fondation ultime de la raison » in Philosophie de la communication, Cerf, 1994 ; « Il
y a lien interne entre l’idée de justification et l’idée d’argumentation, lien qui rend plausible la préférence accordée
à une éthique de la discussion dans le contexte moderne des sociétés démocratiques ou pluralistes ». A. BERTEN,
«
l’éthique procédurale dans ses rapports avec les sciences humaines » in Variations sur l’éthique, Hommage à
Jacques Dabin, Publications des facultés universitaires Saint-Louis, 1994, p.540.
507 J.-M. FERRY, « Narration, interprétation, argumentation, reconstruction », in Les Philosophies politiques
contemporaines (dir. Alain Renaut), Calmann-Lévy, 1999, p. 277 ;Sur l’argument du législateur rationnel, voir F.
OST, « L’interprétation logique et systématique et le postulat de rationalité du législateur » in L’interprétation en
droit, (dir. M. van de Kerchove), 1978, pp. 97 et sv.
508 J.-M. Ferry, op. cit. loc. cit., 1999,
509Ibid.
156




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l’interprétation510 permet de fonder « la “surdétermination” possible du sens de la norme au
regard des contextes»511, car «sans cette contextualisation, les responsables de la régulation
juridique voueraient leur entreprise à l’échec politique »512. Ainsi, la connexion de ces
responsables «
au monde de la vie»513 devient plus importante que le fait de se connecter au
«
système du droit»514, afin de garantir «la pertinence» du système515, mais aussi «la
cohérence elle-même du tissu normatif qu’il leur incombe sans cesse d’activer et
d’actualiser 
»516. La cohérence narrative517 est donc privilégiée par rapport au discours
juridique
518.
109. Dans la justification juridique, il existe «deux types distincts de tests de cohérence»519.
Il s’agit, d’une part, de «la cohérence normative à des valeurs » et d’autre part à des principes
« qui assurent une représentation cohérente d’une forme de vie souhaitée »520. Autrement dit,
«la cohérence des normes consiste dans le fait que, en les relatant rationnellement, comme un
ensemble, elles “font sens”, intrinsèquement ou instrumentalement, ou dans la réalisation d’une
510 P.-A. COTE, « Le sens en droit : entre vérité et validité », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 1999,
pp. 7-11 ; «
Bousculée, malmenée, transformée, la question de l’interprétation n’a rien perdu de son actualité […]
le droit présente un "sens véritable". De la prise en considération de ces valeurs et de la hiérarchie qu’il est possible
d’établir entre elles se dégage une interprétation "vraie" au sens de "cohérence substantielle" (la perspective
éthique rendant le mieux compte du plus grand nombre possible d’aspects de la pratique juridique)
».
Ch.-A. MORAND, et F. OST. « Y a-t-il un texte dans le prétoire ? »,
Revue interdisciplinaire d'études juridiques,
1999, pp. 1-6.
L’interprétation revêt également des contraintes et des limites. Voir sur le sujet. P.-A. COTE, L’interprétation des
lois, une création sujette à des contraintes, Revue du barreau 1990, n° 50, p. 322, spéc. p. 329 ; U. ECO, Les limites
de l’interprétation, trad. par M. BOUZAHER, Grasset, 1992 ; F. MATSCHER, « Les contraintes de
l’interprétation juridictionnelle » in Les méthodes d’interprétation de la Convention européenne (dir. F. SUDRE),
Bruylant, 1998, p. 23
511 J.-M. FERRY, op. cit., 1999, p. 5.
512Ibid.
513Ibid.
514Ibid.
515Ibid.
516Ibid.
517F. OST, « La légitimité dans le discours juridique : cohérence, performance, consensus ou dissensus ? », Revue
interdisciplinaire d'études juridiques
, 1984, pp. 163-192.
518 R. DWORKIN, La Chaîne du droit, Droit et Société 1985, p. 51.
519La première concerne « la justification des règles juridiques ou de l’ordre normatif » et le second concerne « la
justification juridique dans la détermination des faits et dans la manière de faire des inférences raisonnables à partir
de l’évidence ». Aussi, « la cohérence peut utilement être distinguée de la consistance […]Un ensemble de
propositions est mutuellement consistant si chacune d’entre elles peut être affirmée sans contradiction en
conjonction avec toutes les autres […]. Toutefois, la cohérence est « la propriété d’un ensemble de proposition
qui, prises ensembles, « font sens » dans leur entièreté ». N. MACCOMICK, cité par J. HABERMAS, Vérité et
justification, Gallimard, 2001, 348p. ; Voir aussi, J. LENOBLE, « La théorie de la cohérence narrative en droit:
Le débat Dworkin-MacCormick. »
in Archives de Philosophie du Droit, 1988, pp. 120-139 ; S. André, « Droit et
Sémiotique : la cohérence narrativ
e », 2011, Victoria University of Wellington Law, Review 33 ; F. Ost, « Retour
sur l’interprétation », Journal of LegalHermeneutics, Reasonableness and interpretation, Lit Verlag Münster,
Hamburg- London, 2003, p.127 ;
F.MICHAUT, N. MACCORMICK, Raisonnement juridique et théorie du droit,
coll. « Les voies du droit » in Droit et société, 1997, pp. 491-494.
520N. MACCOMICK cité par J. HABERMAS, Vérité et justification, Gallimard, 2001, p. 348.
157




Page 159
ou de plusieurs valeurs communes, ou dans l’accompagnement d’un ou de plusieurs principes
communs
»521. Néanmoins, si pour certains, la cohérence narrative n’est pas entendue au sens
de l’unité du droit
522, pour d’autres, cette cohérence « implique qu’à l’instar du technicien du
droit, le juge procède par réinterprétation globale de la pratique juridique antérieure». De là
découle la question du modèle interprétatif
523. Selon la conception de la cohérence narrative,
consistant en un travail intégralement interprétatif du juge, Dworkin «se réfère au modèle
herméneutique qui
définit la pratique littéraire ou la pratique de l’historien »524. Dès lors, le juge
serait « dans une position identique à ce romancier chargé d’ajouter un chapitre à un roman
commencé par d’autres, tout en faisant en sorte que le roman en cours soit le meilleur roman
possible
»525. De là apparaissent deux critères qui définissent la pratique interprétative : le
critère de convenance
526 et le critère de valeur527. Ainsi, il existe une double dimension de
l’interprétation528.
110. Tout comme le modèle français, la Tunisie comme d’autres pays musulmans ont
constitué leur système juridique sur le modèle occidental, c’est
-à-dire sur celui de l’État nation.
521Ibid.
522« Le principe d’unité en droit comme principe de décision s’adresse aux juges et aux autres autorités chargées
d’appliquer les normes publiques de comportement d’une communauté politique. Il leur prescrit de lire et de
comprendre celles-ci, dans toute la mesure du possible, comme si elles étaient l’œuvre d’un seul auteur, la
communauté personnifiée, exprimant une conception cohérente de la justice et de l’équité. Il en résulte le critère
suivant de ce qui fait le droit : une proposition de droit est vraie, si elle apparaît comme la meilleure interprétation
du processus juridique en son entier, comprenant à la fois l’ensemble des décisions de fond déjà prises et la
structure institutionnelle, ou si elle découle d’une telle interprétation. » R. DWORKIN cité par J. HABERMAS,
Vérité et justification, Gallimard, 2001, pp.100-101.
523J. HABERMAS, Vérité et justification, op. cit., loc.cit.; J.-M. FERRY, Habermas - L'Éthique de la
communication
, PUF, 1987, pp. 382-383 ; J. LENOBLE, « Philosophie contemporaine du droit et modèle
herméneutique »
in Études d'anthropologie philosophique, (dir. G. FLORIVAL), Figures de la rationalité,
Paris/Louvain-la-Neuve, Vrin/Peeters, pp. 285-315; R. DWORKIN, « La Chaîne du droit »
in Droit et Société,
1985, pp. 51-79.
524 J. LENOBLE, Philosophie contemporaine du droit et modèle herméneutique, op. cit., p. 292.
525Ibid.
526 Il consiste en ceci : le juge doit trancher le cas à l’aide d’une règle qui résulte de la meilleure interprétation de
l’histoire juridique passée. Pour ce faire, il doit donc recollecter l’ensemble des règles, précédents et principes
susceptibles d’être c
oncernés par le cas en question et déterminer quelle est ou quelles sont les interprétations qui
assurent le respect de la cohérence de l’histoire juridique passée.
527 Il vise à départager les diverses interprétations que le juge maintient comme possibles sur base du premier
critère. Parmi ces diverses interprétations, le juge retiendra celle qu’il estime la plus conforme aux exigences de la
morale politique : parmi ces histoires possibles, il retiendra celle qui montre la communauté sous un meilleur jour,
tout bien considéré, du point de vue de la morale politique en général. On retrouve d’ailleurs ici l’analogie avec le
travail littéraire, quoique le critère de valeur pour le romancier soit non pas la moralité politique mais la valeur
esthétique.
528L’interprétation dispose d’une double dimension, celle de convenance et celle de morale politique, qui est
« soumise à une norme de référence générale : rendre la pratique juridique aussi bonne que possible du double
point de vue précité », J. LENOBLE,« Philosophie contemporaine du Droit et modèle Hermeneutoque » inFigures
de la Rationalité, études d’anthropologie philosophique IV, Edition de l’institution supérieur de philosophie
Louvain-La-Neuve, 1991, p.293.
158




Page 160
À la différence des États islamiques dont les régimes théocratiques se caractérisent par la fusion
du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel, la Tunisie n’a pas pour loi fondamentale la Charia,
mais bien une Constitution autour de laquelle s’articule son système juridique de droit commun.
Ce choix a eu pour effet de faire du système tunisien un terreau fertile à d’autres types
d’influences politiques par le passé tel que le socialisme. Sur le modèle des États occidentaux,
la Tunisie s’est également dotée de codes et s’est approprié certains principes fondamentaux
essentiels à un régime démocratique. Même si la Charia n’est pas en vigueur, cela ne signifie
pas ipso facto que l’islam soit absent du système juridique tunisien. Il figure à la fois comme
l’un des facteurs de l’ordre social529 à côté de celui constitué par l’État de nature civil. De cette
ambivalence émerge une concurrence de légitimités. Autrement dit, la concurrence de
légitimités est la conséquence de deux phénomènes ; d’une part les résistances culturelles
(Chapitre I) et les obstacles structurels d’autre part (Chapitre II).
529 Pris séparément, le nom « ordre » du latin ordo, ordinis se traduit par rang, ligne. Dans son sens premier, le
dictionnaire juridique le définit comme « un ensemble ordonné, considéré sous le double rapport de son
existence
comme entité distincte (classe, catégorie) et de son organisation interne, que l’ordre s’applique à des
personnes, des juridictions, des opérations ou activités ou aux règles du Droit » (G. CORNU, Vocabulaire
juridique,
PUF, 2014, p. 719). Le mot « social » quant à lui désigne (Ibidem. p. 971) du latin socialis qui se traduit
par compagnon et associé peut se définir comme ce « qui concerne, dans un pays donné, la société tout entière et
donc l’intérêt général ». Même s’il est difficile de définir l’ordre social, car « le problème du fondement de l'ordre
social est à la fois historique et philosophique » (J. HALLEUX, « Le problème philosophique de l'ordre social ».
In: Revue néo-scolastique. 6e année, n°22, 1899, p. 97),
l’expression « ordre social » désigne la manière dont la
société est organisé, c’est à dire à la fois dans son ensemble mais également l’ordre politique. Puisque, pour
expliquer l’organisation de la société la sociologie part du postulat que l’ordre social résulte d’un construit,
nous
définissons ici « L’ordre social » comme étant « toujours d'une manière ou d'une autre un phénomène organisé où
s'enchevêtrent prévisible et contingence » ( J.-G. Padioleau ,
L'ordre social. Principes d'analyse
sociologique. Paris, L'Harmattan, 1986,p. 40), qui a pour effet d’établir un certain nombre de valeurs communes
sur lesquelles l’ordre politique tient sa légitimité. À travers l’Histoire, la doctrine donne comme exemple la
conception religieuse de l’ordre social ou bien la conception contractuelle dans laquelle cet ordre traduit la
manifestatio de la libre participation des volontés des individus. (J. Halleux. Op.Cit., p. 104).
159





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CHAPITRE I : LES RÉSISTANCES CULTURELLES À
L’ÉGALITÉ HOMME-FEMME
111. Le juriste est un artiste capable de saisir la constellation du nomos. Jean
CARBONNIER suggère d'établir une distinction entre «
grand Droit» et «petit droit»530. Pour
lui le «petit droit» correspond au droit subjectif alors que le grand Droit» appartient à la
catégorie du droit objectif. S’il nous fallait définir un axe dans ce second titre, nous retiendrions
l'opposition entre l’aspect mobile et l'aspect statique du droit : mobile, dans le cadre de
«
 l’hypothèse de l’évolution »531 qui se situe dans le temps. Celle-ci permet de «saisir le temps
dans son mouvement historique
»532, c’est-à-dire « de rendre compte de l’évolution du
droit»533. Statique, dans les «hypothèses de la structure»534 qui «considèrent le droit dans sa
situation présente, au repos
»535.
112. CARBONNIER procède par hypothèses, notamment dans Flexible droit, mais bien
souvent il adopte des théories sociologiques avec lesquelles il est en accord. Ces deux
hypothèses entendent ainsi dégager des principes et des concepts centraux pour fonder un cadre
de recherche. Ainsi, « la signification de l’hypothèse de l’évolution»536 permet d’envisager la
société comme un «organisme vivant»537 et le droit qui «en est un élément constituant,
participe à la vie de l’organisme »538. Autrement dit, «toutes les règles de droit ont un caractère
essentiellement provisoire et relatif
»,539 car le droit «est variable»540 dans le temps et dans
l’espace541. En revanche, parmi les hypothèses de structure Carbonnier situe l’hypothèse du
pluralisme juridique, en ajoutant « qu’il n’existe pas un pluralisme juridique », mais davantage
«
des phénomènes de pluralisme juridique, phénomènes multiples»542. En conséquence, «le
droit étatique devra subir la concurrence d’ordres juridiques indépendants de lui »543. Ce
530 J. CARBONNIER, Flexible droit, op. cit., p.193.
531 Ibid., p.11
532Ibid.
533Ibid.
534«(sans référence au structuralisme) » Ibid.
535Ibid.
536Ibid., p. 13
537Ibid.
538Ibid.
539Ibid., p12
540Ibid.
541Ibid.
542Ibid., p19
543Ibid.
160





Page 162
pluralisme juridique peut se manifester sous la forme de phénomènes collectifs ou individuels.
D’un point de vue collectif, il nous permet de comprendre l’influence des systèmes juridiques
étrangers ; on peut ainsi « par l’effet de l’histoire, réunir des éléments provenant de sources
diverses»544. Quant au pluralisme juridique individuel, «il se révélera par un conflit déchirant
la conscience et l’inconscient de l’individu »545. À cet égard, Carbonnier cite l’exemple typique
des « conflits d’un droit laïc avec un droit religieux »546.
113. Ajoutons à cela que l’auteur propose une autre hypothèse sociologique consacrant celle
du non-droit. Cette hypothèse est bien connue. Elle conduit l'auteur à constater «
que le droit
est infiniment plus petit que l’ensemble des relations humaines »547 car «la conduite humaine
est régie par d’autres systèmes que le droit»548.
Section 1 : Les oppositions à la transformation du système
114. La religion, la morale, les mœurs constituent des systèmes en dehors du droit.
Aussi, le bon sens et le sens commun peuvent également constituer «
une véritable source du
droit
»549. L’ensemble des travaux sur la sociologie juridique témoigne de l’importance d’user
de la méthode sociologique550 et de la science juridique551 pour comprendre l’articulation entre
le droit et le non-droit qui apparaissent dans la distinction entre la société et l’individu552.
115. C’est en « s’appuyant sur l’identification du phénomène juridique »553 au cœur des
phénomènes sociaux554 que la sociologie du droit va nous permettre d’observer du dehors ce
phénomène « sans s’interroger sur ce qu’il peut être en lui-même […] comme essence »555. Dans
544Ibid.
545Ibid., p.20
546Ibid.
547 J. Carbonnier, « Paroles de Jean Carbonnier. Propos retranscrits par Raymond Verdier », Droit et cultures,
2004, pp. 231-251.
548Ibid.
549Ibid.
550 Il s’agit « de l’observation des faits ». D. Fenouillet, « Jean Carbonnier, Flexible droit, le non-droit, une
invitation à lire et à relire »,
RDA 2019, p. 151.
551 « Dans l’analyse des faits constatés ». Ibid.
552Ibid. p. 156.
553 R. RICCI, « De la nécessité de redéfinir la frontière entre droit et non-droit » in R. VERDIER (Dir), Jean
Carbonnier. L’homme et l’œuvre, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2012, pp. 145-165.
554 J. CARBONNIER, Sociologie juridique, PUF, 2004, p. 13.
555 Ibid.
161







Page 163
cette perspective, il semble nécessaire de s’inscrire dans la « chair» du droit556 et ainsi dans ce
qu’Étienne Le Roy appelle le droit en « action»557. Il nous serait possible alors «de décrire les
modes de production et de reproduction, l’intelligibilité et la compréhension, la structuration et
la manifestation du droit et de différentes activités qui lui sont liés»558. Aussi, la production
juridique en tant que «
phénomène réel, dynamique et vivant»559, nécessite l’analyse de l’étoile
la plus visible de la constellation du nomos560, c’est-à-dire celle que l’auteur désigne comme
l’ensemble des usages qui constituent le droit de la pratique. C’est ainsi qu’au regard des
expériences du droit représentées par chaque étoile de la constellation, le juriste prend la forme
d’« “un artiste” qui construit et représente à la fois un monde, selon des règles et des procédures
spécifiques
»561. C’est là une figure que peuvent prendre le « praticien»562 qui travaille
concrètement ce domaine et le «
théoricien qui, abstraitement, en parle»563. Autrement dit, dans
le cadre de notre étude, nous parlerons des pratiques en fonction des représentations des
hommes et des femmes, dans le cadre de l’interaction des systèmes juridiques tunisiens et
français, afin d’étudier le sens commun retenu à l’épreuve d’une « multiplicité des
expériences
»564 de ce droit en action565. Afin d’expliquer la différence des degrés d’intégration
du principe d’égalité homme-femme entre les deux systèmes, il faut tout d’abord s’intéresser
aux résistances qui résultent de facteurs de complexité entre les deux États. Nous pouvons
repérer un facteur de complexité dans les rapports que peuvent entretenir le système français et
le système tunisien, mais également au sein même de leur système juridique propre. La question
de l’interaction des facteurs de complexité, entendus ici comme l’ensemble des modalités
d’application de la règle de droit, en particulier celles inhérentes à l’égalité homme-femme,
conduit au phénomène d’accélération ou de décélération du processus de transformation des
556 Ici, en faisant référence à une expression de Carbonnier, Etienne Leroy nous explique que cette « chair » du
droit est constituée «
au quotidien des passages à l’acte de tous ceux, juristes ou justiciables, acteurs ou citoyens
qui sont confrontés à la reproduction de la société, avec ce que cela suppose tant de répétions que de manière de
penser, de faire ou de ne pas faire, ce que nous avons proposé d’appeler le droit " en action" ». E. LEROY, « Le
droit en action »,
Cahiers d’Anthropologie du Droit 2006, p. 8.
Concernant la référence à Carbonnier, «
[…] le droit n’apparaît pas comme un droit en majesté. Troublé dans ses
origines, vacillant dans sa force, incertain dans son application, toujours tourmenté_ ce n’est pas la coulée de bronze
décrite par les juristes dogmatiques […]. Le droit gagnera en respect véritable s’il se montre tel qu’il est, chair et
non métal, participant de nos faiblesses, humain, trop humain, même quand il lui arrive, par crises, de ne pas l’être
du tout ». J. Carbonnier, Flexible droit,op.cit., p.93.
557E. LEROY, art. préc., p. 8.
558 B. DUPRET, « Une grammaire du droit en contexte et en action », Cahiers d’Anthropologie du Droit 2006, p.
39.
559 M. MIAILLE, « La critique du droit », Droit et société 1992, p.73
560E. LEROY, art. préc., p. 8
561 M. MIAILLE, art. préc., pp 73-87
562Ibid.
563Ibid.
564 E. LEROY, art. préc., p.8
565Ibid.
162



Page 164
systèmes. Ce processus de transformation se traduit par la rénovation des agents qui régissent
la vie en société ainsi que les interactions sociales.
Un premier facteur de complexité est relatif au socle culturel commun, qui se traduit par la
place donnée à la religion comme étant l’un des agents de l’ordre social (§1). Cette opposition
de conceptions contribue à l’une des formes de malaise au sein des systèmes, mais également
entre les deux systèmes (§2).
§1. Les facteurs de complexité entre les deux systèmes
116. La religion a communément sa place en France et en Tunisie. Néanmoins, à travers
l’expérience historique, la laïcité est devenue un facteur de l’ordre social français (A). A
contrario, après une tentative de sécularisation de la société qui a globalement eu des effets
positifs sur l’évolution des droits des femmes, la religion est toujours considérée comme l’un
des facteurs de l’ordre social tunisien (B).
A) La laïcité : un facteur de l’ordre social français
117. Pour traiter de la laïcité, il importe d’abord d’évoquer le renouveau conceptuel des
fondements de l’ordre social (1) avant d’évoquer les effets de la loi de 1905 sur la structure
politique française (2).
1) Le renouveau conceptuel des fondements de l’ordre social
118. D’un point de vue historique et sociologique, l’ordre social est conforme au point de
vue religieux. Celui-ci est lui-même lié au patriarcat qui situe le principe de l’autorité paternelle
au commencement de toute organisation sociale. Le matriarcat, pour sa part, serait associé à
l’idée d’anarchie et de désordre qui caractérise les premiers hommes566. Le matriarcat serait à
l’origine d’une société domestique où la mère serait identifiée comme le noyau autour duquel
gravitent et se regroupent les enfants, la promiscuité des sexes ayant rendu «la paternité
incertaine
»567. D’après ce constat, la société politique et les sphères de pouvoir qu’elle
566J. HALLEUX « Le problème Philosophique de l’ordre social » in Revue néo-scolastique, 6e année, n°22, 1899,
p. 98.
567 Ibid., p. 99.
163








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constitue, relèveraient du «droit divin positif»568 au même titre que «la puissance
religieuse
»569.
119. L’ordre religieux est générateur de justifications et de dispositions et il est au fondement
de mécanismes de comportements, il constitue également l’une des forces de l’action
570. C’est
en ce sens qu’Émile Durkheim considérait que « [l]e fidèle qui a communié avec son Dieu n’est
pas seulement un homme qui voit des vérités nouvelles que l’incroyant ignore ; c’est un homme
qui peut davantage. Il sent en lui plus de force soit pour supporter les difficultés de l’existence
soit pour les vaincre»571.
120. Cette doctrine a mené à la confusion du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel au point
de les désigner comme «Dieu-État»572. Ce phénomène a profité aux légistes français sous le
régime de la Monarchie. Autrement dit, pendant longtemps, l’ordre social français a eu pour
fondement métaphysique la théorie chrétienne. C’est sur ce fondement que des règles ont été
édictées pour régir les actions en société. Par la suite, au XVIIIe siècle, le débat n’est plus a
sur l’origine divine du pouvoir, mais sur la question de savoir si l’état social dérive de l’esprit
de l’homme ou de la nature elle-même. C’est avec la mort du roi que s’annonce, de manière
hautement symbolique et non dénué de violence, la fin «du patriarcat politique, de droit
divin
»573.
121. Ce renouveau conceptuel qui place l’homme au centre de la société érige
l’individualisme « 
en valeur suprême, devenant même la source des valeurs»574. De cette
expérience sécularisée, l’homme ressort paré de droits individuels et naturels, inaliénables et
imprescriptibles. Cet humanisme, dépourvu de toute «
trace de prosélytisme»575, a permis de
déterminer un ensemble de règles simples, claires et logiques
»576 pouvant s’appliquer à tous.
568Ibid.
569Ibid.
570 J.-.P. WILLAIME, « La religion : un lien social articulé au don », Revue du MAUSS, 2003, n° 22, p. 248.
571 E. DURKHEIM, Les Formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, PUF,[1912] 1985, p. 50
572J. HALLEUX « V.Le problème Philosophique de l’ordre social »,in Revue néo-scolastique, 6e année, n°22,
1899. p. 99.
pp. 97-118
573 E. BADINTER, « La laïcité un enjeu pour les femmes », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n°78, 2005,
pp. 50-53.
574 J. YACOUB, « Pour un élargissement des droits de l’homme », Diogène 2004, vol. 206, n°. 2, pp. 99-121.
575 M ANCEL. « L'Humanisme et le droit ». in: Bulletin de l'Association Guillaume Budé,n°3, juillet 1947. pp.
38-45
576 Ibid.
164






Page 166
C’est grâce à cet humanisme juridique qu’à partir du XVIIIe siècle, les philosophes des lumières
s’intéressent à l’Islam
577. C’est d’ailleurs à travers la fiction littéraire que l’on voit se construire
les premières critiques plutôt positives des législateurs de l’époque
578 et c’est aussi sous couvert
du législateur musulman que vont s’exprimer des critiques à l’égard de l’intolérance religieuse
catholique.
122. De cette primauté accordée à la raison de l’homme naissent les prémices de
l’humanisme juridique qui « 
consiste à vouloir protéger l’homme contre l’injustice et l’erreur»,
celui-ci se prolongeant « naturellement dans une défense de l’homme contre le désordre et la
violence ». C’est dans ce contexte qu’émerge l’idée selon laquelle le principe d’égalité homme-
femme est un principe humaniste. La configuration de l’ordre social global répond à des
exigences conceptuelles qui sont de nature à fonder une validité universelle, la société se
sécularisant sur le fondement d’un contrat social pour se dégager progressivement des
contraintes et des interdits sociaux qui étaient jusque-là édictés par l’ordre religieux. La France,
portée par ce courant humaniste, a étendu l’une de ses constructions juridiques au sein d’autres
systèmes. En effet, le XIXe siècle est marqué, en Europe par une série de codes promulgués sur
le mode du code civil français de 1804 qui a réussi à répondre au défi de «la conciliation du
droit traditionnel et de l’œuvre révolutionnaire »579.
123. Comme ce fut le cas en 1789, seul l’homme légifère selon ce que lui dicte sa raison et
non plus un «
État-Dieu » assis sur une conception chrétienne de l’ordre social. Selon cette
dernière, l’ordre juridique se fonde sur une nécessité naturelle d’ordre moral qui dérive de la
volonté du divin (incarnée par le roi). L’ordre moral légitime ou pas certaines pratiques et tend
ainsi à réduire les libertés d’action pour préserver en plus l’ordre social qu’il établit. Dans cette
configuration, les traitements différenciés des illégalismes580 de sexe apparaissent à travers
l’histoire comme justifiant le maintien d’un ordre social sous prétexte de préservation de l’ordre
577 La fondation des premiers cours de langue arabe (1539 à Paris), La traduction en français des Mille et une nuits
(1704-1717),du Coran (1783) ; La traduction du Coran (1783),
578 Les Lettres persanes de Montesquieu, parues en 1721 ; La traduction en français des Mille et une nuits (1704-
1717 ; Mohamed est « un grand législateur »
d’après la biographie que lui consacre le comte de Boulainvilliers
(mort en 1722).
579 G. RIPERT, Le déclin du droit, Etudes sur la législation contemporaine, Paris, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 1949, p.2.
580« Illégalisme » fait référence aux pratiques illégales qui se produisent dans un espace social qui jouit d’une
marge d’impunité. C’est un espace de tolérance résultant soit de l’incapacité du pouvoir de réprimer les auteurs de
crimes, soit d’un « consentement muet » destiné à préserver l’ordre social. La réglementation des illégalismes est
donc liée au fonctionnement du pouvoir qui, pour se perpétuer, doit nécessairement fournir des espaces où la loi
peut être ignorée ou violée (Fischer et Spire, 2009).
165





Page 167
moral. Autrement dit, cet ordre participe de la délimitation des actions, des comportements
selon le critère de ce qui est moralement acceptable et de ce qui ne l’est pas. C’est dans ce
contexte que les valeurs, qui «sont fonction de la culture»581, vont cristalliser l’exclusion des
femmes considérées civilement comme vulnérables, incapables et comme constituant souvent
la partie faible de la société. C’est avec le tournent de l’individualisme que la liberté individuelle
sera consacrée comme un principe fondamental qui, par ailleurs, n’aura de cesse d’être invoqué
par les femmes qui souhaitent adopter des comportements jugés socialement masculins. Elles
ne se fondent plus sur une règle religieuse, mais bien sur le caractère contractuel de la société à
travers sa construction intellectuelle individualiste.
124.
Il faut donc prendre acte du fait que la structure de la réglementation des droits
fondamentaux se construit sur le principe de la liberté individuelle comme nous l’avons écrit
plus haut. En effet, si tout au long du XIXe siècle en France, l’intervention de l’État en faveur
de l’ordre politique et social ne cesse de s’affirmer et ce, dans plusieurs domaines des droits
fondamentaux, cette intervention ne concerne pas directement le principe d’égalité entre les
sexes qui n’existait pas jusque
-là582. Cette intervention concerne des domaines qui auront des
conséquences significatives par la suite dans le choix de la réglementation des libertés,
notamment celles qui concernent les femmes et le travail583. Tout d’abord, l’État fait le choix
de réglementer de manière stricte les libertés qui pourraient avoir pour effet de changer la ligne
directrice du régime économique, politique et social584. C’est dans ce contexte que les valeurs,
qui comme éléments de la culture, et les déclarations de droit deviendront «imparfaites»585.
Les changements opérés en matière de choix de l’ordre social ont eu des répercussions
significatives sur l’évolution des droits fondamentaux et notamment sur le principe d’égalité
homme-femme.
125. Le libéralisme renaissant de la fin XIXe siècle586 nous conduit à un premier constat :
celui de la nécessité de l’action positive de l’État à l’égard des individus et à l’égard des
581 Quincy Wright (1890-1970), professeur à l’Université de Chicago, cité par J. YACOUB, « Pour un
élargissement des droits de l’homme », Diogène, vol. 206, n°. 2, 2004, pp. 99-121.
582 G. VLACHOS, « La structure des Droits de l’Homme et le problème de leur réglementation en régime
pluraliste », In. Revue internationale de droit comparé, Vol. 24 N°2, Avril-juin 1972, p. 281.
583 Ibid.
584 Ibid.
585Ibid.
586 Ibid.
166





Page 168
catégories sociales les plus démunies587. C’est à partir de cette prise de conscience que la
classification bipartite classique entre droits humains et droits politiques laisse place, selon le
Professeur VLACHOS588, à une classification tripartite qui va structurer les droits et les libertés
individuels589. Cette action positive de l’État n’aurait pas été aussi aisée sans l’intervention du
législateur qui, par l’adoption de la loi de 1905 consacrant la séparation des églises et de l’État,
met fin à une résistance structurelle en opérant un changement de cadre législatif. Ce
changement ne sera pas sans conséquences à moyen terme sur les droits des femmes.
2) Les effets de la loi de 1905 sur la structure politique française
126. La loi de 1905 s’inscrit dans un contexte particulier : elle marque l’héritage d’un long
combat mené à l’encontre des aspirations autocratiques du catholicisme. Au
début du XXe
siècle, on trouvait encore une majorité de catholiques influents contestant la République et
voulant la restauration de la Monarchie. L’établissement de la laïcité en tant qu’agent de l’ordre
social n’est pas, dès lors, allé de soi.
127. Lors de la discussion de la loi de 1905, la France consacre ses derniers débats concernant
l’examen de l’ancien département algérien à la question de la mise en place de la laïcité sur ce
territoire. La France décide de ne pas appliquer la laïcité sur ce territoire en raison du contexte
colonial et du fait que la religion islamique est un élément structurant du «statut personnel»
qui n’était pas inconciliable avec le statut de citoyen590. Par cette expérience, la laïcité, qui était
source d’égalité dans la représentation collective française, devient un instrument d’exclusion
de la représentation des musulmans colonisés considérés comme sous-citoyens. C’est une
expérience dommageable qui aura des conséquences néfastes sur la vitesse de transformation
des systèmes juridiques en faveur de l’égalité des sexes. Elle sera l’une des premières
résistances auxquelles le législateur tunisien devra se confronter.
587 Cette classification a été exposée de façon systématique pour la première fois par G. Jellinek dans son livre
System der subjektivenöffentlichenRechte, 1: éd., 1892 cité par G. VLACHOS, « La structure des Droits de
l’Homme et le problème de leur réglementation en régime pluraliste », In. Revue internationale de droit comparé,
Vol. 24 N°2, Avril-juin 1972, p. 283.
588 Cette classification a été exposée de façon systématique pour la première fois par G. Jellinek dans son livre
System der subjektivenöffentlichenRechte, 1: éd., 1892 cité par G. VLACHOS, « La structure des Droits de
l’Homme et le problème de leur réglementation en régime pluraliste », In. Revue internationale de droit comparé,
Vol. 24 N°2, Avril-juin 1972, p. 283.
589 Il s’agit d’ : « Un statusnegativus (droits et libertés individuels du type classique), un statusactivus (droits
politiques), et un statuspositivus (droits sociaux et dispositions sociales ». par G. VLACHOS, Op. Cit. Ibid.
590 J. ROMAN, « La laïcité comme partage d’un monde commun », Vie sociale 2011/2, n°2, pp.129-136.
167






Page 169
128. Pourtant, l’application du principe de laïcité dans le système français n’est pas restée
sans importance à l’égard de l’émancipation des femmes. Elle a même été l’une des « 
conditions
sine qua non
» 591de la mise en œuvre effective de l’égalité homme-femme. En réservant la
religion à la vie privée, elle lui laisse le champ d’action dans l’espace public où tout individu
est reconnu par la loi de 1905 comme citoyen. Seul le pouvoir politique séculier est maître de
l’action et de la gestion de l’ordre social592.
129. C’est par la voie de la laïcité que s’est imposé le droit à l’avortement et celui à la
contraception, face aux contestations religieuses. Si autrefois la religion disposait de véritables
armes telles que le sacré
593, le temps de l’éternité ou la notion de bien et de mal, désormais il
ne lui reste plus que celle de «la force de persuasion»594. Ainsi la séparation de l’église et de
l’État institutionnalise-t-elle le principe de laïcité comme l’un des agents de l’ordre social. Cette
loi va permettre d’opérer un tournant dans la conception des fondements du pouvoir politique,
en écartant l’une des forces - le clergé et les religions -, qui étaient jusque-là considérés comme
l’une des forces agissantes majeures dans la construction de l’ordre social. Dès lors,
l’anticléricalisme devient une nouvelle composante dans la structuration de l’ordre social
595, ce
qui va complètement bouleverser, avec le temps, les rapports homme-femme.
130. Le principe républicain de laïcité apparaît comme un élément constituant d'un «monde
commun
 » où la liberté s’accompagne de l’égalité596. La laïcité est un principe dans lequel se
manifeste le principe d’égalité à travers l’idée que les services et les lieux publics d’affiliation
591 E. BADINTER, « La laïcité un enjeu pour les femmes ». in. Matériaux pour l’histoire de notre temps, n°78,
2005. La laïcité, un enjeu sur la voie de l’émancipation humaine. pp. 50-53.
592 Comme nous l’explique le Professeur MÉLIN-SOUCRAMANIEN, la laïcité est « la source d’un principe
d’organisation de l’État qui interdit toute influence de la sphère religieuse sur la sphère publique ». F. MÉLIN-
SOUCRAMANIEN, « La laïcité
: composante de l’identité constitutionnelle de la France ? » in Mélange en
l’honneur du professeur Dominique Rousseau, LGDJ, 2020, p. 719.
593 Ibid.
594 Ibid.
595 Pour le professeur MÉLIN-SOUCRAMANIEN, dans le cas du système français, la véritable question et enjeu
est de savoir si le principe de laïcité énoncé à l’article 1er de la Constitution française constitue un véritable principe
« inhérent «
à l’identité constitutionnelle de la France ». Ainsi la réponse à cette question est cruciale car elle
permet de déterminer le sens juridique de la Constitution. F. MÉLIN-SOUCRAMANIEN, « La laïcité :
composante de l’identité constitutionnelle de la France ? » Op.Cit., ,p. 718.
Voy. sur la notion d’ « identité constitutionnelle », P. GAÏA, in L. FAVOREU, L. OHILIP et al., Les grandes
décisions du Conseil constitutionnel,
19e éd., Dalloz, coll, « Grands arrêts », Paris, 2018, G.D., n°19, p. 298.
596 C’est pourquoi, il n’est pas anodin que le pouvoir constituant originaire est consacré dans l’article 1 er de la
Constitution les valeurs républicaines essentielles qui imbrique d’une certaine manière les différents principes ou
du moins les connecte, notamment celui de la laïcité et de l’égalité des citoyens devant la loi. « La France est une
République indivisible, laïque, démocratique, sociale. Elle assure le respect de l’égalité des citoyens devant la loi
... ».
168






Page 170
neutres sont accessibles de manière égale à tous. Ce principe implique une conception formelle
de l’égalité faisant abstraction de toutes les différences religieuses qui sont le corollaire des
différences sexuelles. De la même manière que ce principe relève de la continuité de l’État, il
semble disposer des mêmes mécanismes d’actions en mettant en œuvre tantôt une action
négative et tantôt une action positive. Cette ambivalence entre une «
laïcité négative»597 et une
«
 laïcité d’abstention »598 structure le comportement des acteurs de la société ainsi que son mode
organisationnel et de gestion. Dans le premier cas, l’individu sera reconnu en tant que citoyen
à travers un comportement neutre de l’État
599 au sens du droit public. Dans la seconde acception
du principe de laïcité, l’État reconnait l’individu à travers sa religion pour lui garantir sa liberté
de culte600.
B) La religion considérée comme l’un des facteurs de l’ordre social en Tunisie
131. À la différence du système français, la seconde République tunisienne ne se fonde pas
sur la laïcité601. Si la Tunisie a connu, au sein de son système juridique, le phénomène de
« l’ingénierie constitutionnelle » avec l’ancienne Constitution de 1959, désormais il semble
qu’elle ait fait le choix de « l’amélioration constitutionnelle 
»602. Cette dernière consiste dans
une progression du droit positif tunisien au moyen de l’analyse des systèmes juridiques
étrangers. Aussi la Tunisie va-t-elle opter pour une séparation relative entre le pouvoir spirituel
et le pouvoir temporel qui, sous certains régimes, était plus stricte en raison de la crainte de
l’émergence de l’« islam politique»603. À ce titre, la place de la religion et de ses principes est
essentielle, parfois existentielle, pour déterminer si elle constitue une source d’ordonnancement
social. La Tunisie dispose bien d’une religion d’État.
597 J. ROMAN, « La laïcité comme partage d’un monde commun », Eres, Vie sociale, 2011/2 n°2 pp.129-136.
598 Ibid.
599 Une exigence de neutralité et de respect de la liberté d’opinion et de conscience « même religieuse » consacrée
par l’article 10 de la DDHC de 1789.
600 Voy. QPC, 29, mars 2018, M. Rouchdi B et autre, JO, 30 mars 2018, texte n°111, §. 37.
601 F. HACHED, « La laïcité : un principe à l'ordre du jour de la IIe République tunisienne ? », Confluences
Méditerranée
, 2011, pp. 29-36 :« Dans la Constitution tunisienne actuelle, plusieurs articlesfont référence à la
question de la religion sans pour autant apporter une réponse explicite quant à la place de la religion dans l’ordre
politico-juridique tunisien » .
602Voy.sur le sujet, P. GELARD, « Quelques conseils au constitutionnaliste de droit comparé » in Renouveau du
droit constitutionnel - Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Dalloz, 2007, p. 705 ; J. du BOIS DE
GAUDUSSON, « Le mimétisme post colonial et après ? »,
Pouvoirs 2009/2, n° 129, pp. 45-55.
603 A. LAMCHICHI, « Laïcité autoritaire en Tunisie et en Turquie », Confluences Méditerranée 2000, n° 33, p.
35
169






Page 171
132. La Tunisie, au même titre que la France, a perçu l’enjeu de l’ascendant religieux sur le
politique ou inversement604. Dès lors, le système tunisien a longtemps hésité entre une
intervention étatique dans le domaine religieux et une séparation entre l’État et la religion605.
Ce refus de la séparation des fonctions religieuse et politique sous le contrôle de l’État trouve
ses origines dans une strate profonde de la structure sociale tunisienne. En effet, cette séparation
«a été souvent vécue par les intellectuels musulmans, dans une vision négative et
évolutionniste, comme une corruption du premier modèle de la communauté médinoise. Après
la prophétie et les califes “bien guidés”, l’histoire du gouvernement de la cité musulmane se
définit comme celle d’une corruption progressive. L’emprise du politique sur le religieux est
alors analysée comme un renversement inacceptable
et parfois traumatique des rôles»606.
133. En faisant ce choix de constitutionnalisation de la Religion, la Constitution tunisienne
s’inscrit dans une pratique commune à la plupart des pays dont la population est majoritairement
de confession musulmane607. Néanmoins, elle ne consacre pas la Charia comme source du droit
et ne s’appuie pas exclusivement sur le Coran et la Sunna que l’on retrouve en Arabie Saoudite,
pays également tributaire de cette forme de Constitution. Dès lors, la place accordée à une
religion dans le système juridique et en particulier à travers la norme constitutionnelle peut
dépasser le cadre des valeurs communes, affecter et transformer la nature du régime politique.
À cet égard, l’analyse substantielle des nouvelles dispositions constitutionnelles nous permettra
d’émettre un avis sur les rapports que peuvent entretenir le pouvoir politique et l’islam.
Autrement dit: existe-t-il un effet neutralisant de ces dispositions sur les droits des femmes ou
au contraire existe-t-il un point d’équilibre en matière juridique ? Sur ce sujet, le professeur
Ben Achour exprime l’idée selon laquelle « le statut de l’islam dans les pays qui le déclarent
religion d’État ne sera jamais un statut de marginalisation totale ni un statut d’adoption
intégrale (…) Le juriste tunisien, magistrat, praticien ou enseignant demeurent dans l’ensemble
liés par une sorte de cordon ombilical à la loi sacrée»608.
604 M. ALI HALOUANI, « Raison et laïcité : l’expérience tunisienne », Collège international de Philosophie, Rue
Descarte,
2008/3, n°61 pp. 67-75.
605 Ibid.
606 R. et S. BEN ACHOUR, « La transition démocratique en Tunisie : entre légalité constitutionnelle et légitimité
révolutionnaire »,
RFDC 2012/4, n° 92, p. 715.
607 A. MOINE, « Les références à l’islam et à ses principes dans la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 »,
Civitas Europa 2014/1, n° 32, pp.225-254.
608Y.BEN ACHOUR, Politique, religion et droit dans le monde arabe, Tunis : Cérès productions, 1992, p. 200 et
s.
170





Page 172
134. Comme nous l’avons déjà rappelé dans cette étude609, la Tunisie revendique son
attachement aux valeurs universelles et humaines antérieurement au «
 choc de l’expédition
napoléonienne d’Égypte 
»610 qui marque la première rencontre entre la République française
des Lumières et l’Orient. Que ce soit le régime républicain français ou les sociétés arabo-
musulmanes, toutes sont constituées d’entités sociales à vocation universelle611. L’égalité revêt
tout autant un caractère universel en Islam que dans la République française. L’universalité
n’est pas étrangère à la Tunisie et la Tunisie n’est pas étrangère au processus de laïcisation de
la société islamique. En observant le déroulement de l’histoire, nous verrons que la Tunisie a
saisi l’occasion de faire de son droit régional un droit universel, en faisant coexister, dans sa
structure juridique, des systèmes et des règles juridiques d’origines différentes. Cette volonté
de changement traduit la capacité pour un système de mettre fin à des résistances juridiques par
un mouvement de réforme volontaire. Cette manifestation volontaire se traduit dans le choix du
changement opéré avant et après la période coloniale. Ce désir de changement va modifier en
partie l’architecture sociale, mais aussi sa valeur politique substantielle612.
135. La subsistance du droit public musulman. Le constitutionnalisme moderne
transforme le droit public musulman613. Toutefois, ce dernier n’a pas entièrement disparu des
systèmes juridiques des régimes politiques des pays musulmans614. La subsistance du droit
public musulman dans certaines institutions politiques et dispositions juridiques est renforcée
par sa subsistance idéologique615. Il n’est dès lors pas surprenant de voir de nouveaux projets
politiques islamiques resurgir dans la vie politique contemporaine des États du monde
musulman616. Le droit public musulman classique ne dispose plus de sa forme originelle, mais
continue à influencer la substance constitutionnelle du Maghreb. Comme le souligne le
Professeur Mouaqit, « en tant que droit public, le droit public musulman régit les rapports entre
609 Voy. supra Titre I.
610 M. ALI HALOUANI, « Raison et laïcité : l’expérience tunisienne », Collège international de Philosophie, Rue
Descarte,
2008/3, n°61 pp. 67-75.
611 Ibid.
612 Ibid.
613 M. MOUAQIT, Droit public musulman, aspects classiques et contemporains, Afrique Orient, 2013, 190. p ; B.
Abderrahman. M. Camau (dir.).
Tunisie au présent. Une modernité au-dessus de tout soupçon ? .In: Politique
étrangère
, 1988 -pp. 994-995.
614Voy. Sur le sujet, A. SANHOURY, Le Califat, son évolution vers une société des nations orientale, Paris,
Éditions Geutner, 1926, p. 21 ; Y. BEN ACHOUR,
Politiques, religion et droit dans le monde arabe, Tunis, Cérès
Productions, 1992, p. 56.
615 G. BLANCHI et J-F. RYCX, « Références à l’Islam dans le droit public positif en pays arabes », Pouvoirs
1980, n° 12 p. 57
616G. KRAMER, « La politique morale ou bien gouverner à l’islamique. Vingtième siècle », Revue d’histoire 2004,
n° 82, pp. 131-143.
171




Page 173
gouvernants et gouvernés, entre administration et administrés, par distinction avec le droit
privé, lequel désigne les règles qui régissent les relations contractuelles ou les actes impliquant
des personnes privées, c’est-à-dire des personnes n’agissant pas en qualité de gouvernants ou
d’agent public de l’administration »
617. Dans ses fondements idéologiques et philosophiques, la
pensée juridique musulmane classique ignore la propriété privée et l’individualisme « comme
fondements de la société libérale et comme limites de la puissance de l’État. La pensée juridique
musulmane donne valeur au groupe et à la communauté plus qu’à l’individu »
618.
136. La nouvelle Constitution tunisienne marque un tournant en révolutionnant le monde
musulman ainsi que l’histoire de l’ordre légal musulman traditionnel. Pourtant, une tentative de
réintroduction de dispositions de la Charia relative au statut personnel a menacé la continuité
de l’évolution de l’ordre légal - juridique tunisien en faveur de la parité et en rupture avec le
droit musulman. Cette tentative illustre l’idée que la religion demeure l’un des agents
fondamentaux de l’ordre social tunisien.
137. Depuis l’indépendance en 1956, le droit positif tunisien se prononce en faveur du
principe d’égalité
homme-femme. Même si le pays a connu des régimes autoritaires successifs,
la lutte pour l’égalité des sexes se présente comme une constante. Ce n’est pas le cas dans les
pays voisins
619. Dans le monde musulman originaire, les solutions matérielles relatives à
certains droits reflètent « un cloisonnement communautariste qu’illustrent certaines
interdictions en raison de la religion ». Ce cloisonnement communautariste transparaît dans la
référence systématique, dans toutes les Constitutions du Maghreb, au rattachement de chaque
État à l’identité arabo-musulmane et à l’islam. La Constitution tunisienne du 27 janvier 2014
affirme, de manière non équivoque, son attachement aux droits fondamentaux dans leurs
moutures modernes et consacre la liberté de conscience
620 et l’égalité entre les citoyens621.
617 M. MOUAQIT, op. cit, pp. 10-11. Il en ressort que la distinction entre droit public et droit privé est propre à la
pensée juridique française, car la distinction n’existe pas dans d’autres droits y compris en Europe. Aussi, cette
distinction n’existe pas da
ns la pensée juridique musulmane classique.
618Ibid., p 11.
619 Par exemple, au Maroc, une importante réforme du droit du statut personnel a été introduite. L’application de
cette réforme se fait toutefois timidement par les tribunaux. En Tunisie, la question de la mise en application
effective par les juges des dispositions constitutionnelles à travers les Codes légaux demeure vivace. En Algérie,
le droit relatif à la parité semble quant à lui figé. Si la majorité des pays musulmans reste proche du droit musulman
classique, au Maghreb, seules des traces perdurent dans la Constitution tunisienne de 2014.
620 Tunisie. Constitution, 27 janv.2014, art. 6.
621Tunisie. Constitution, 27 janv.2014, art. 21.
172






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138. Le préambule fonde la Constitution de 2014 sur la religion. La fidélité aux
enseignements de l’islam est consacrée en même temps que celle due aux principes universels
des droits de l’homme. Toutes les discriminations religieuses antérieurement établies étaient
fondées sur le seul article 1 de la Constitution de 1959. Avec la nouvelle Constitution, l’article 1
fonde toujours, de manière expresse, ces discriminations. L’article 2 de la Constitution consacre
le caractère civil de l’État tunisien. Celui-ci le définit comme un État démocratique, garant des
libertés et des droits fondamentaux conformément aux dispositions du § 3 du préambule de la
Constitution tunisienne de 2014. C’est sur ce référent juridique que certaines discriminations
d’ordre religieux n’ont été jugés applicables qu’aux femmes tunisiennes. En effet,
conformément aux dispositions islamiques, le mariage d’une Tunisienne musulmane avec un
étranger non musulman était interdit622. A contrario, l’homme musulman pouvait contracter un
mariage avec une étrangère non musulmane. Cette interdiction était établie par voie de
circulaire adressée aux officiers d’état civil et à la justice. L’objet de la demande aux officiers
d’état civil était de refuser de célébrer le mariage au cas où l’époux ne se serait pas
préalablement converti à la religion musulmane. En cas de non respect de cette condition, la
justice devait annuler le mariage. Cette circulaire a été abrogée623.
139. Le rôle politique des juges renforcé en présence du caractère dual des dispositions
constitutionnelles. Au niveau du cadre législatif, nous pouvons constater un double effet de ce
caractère dual des dispositions sur le système juridique. Tout d’abord, le législateur peut trouver
dans ce corpus religieux une source d’inspiration, sans lui accorder une place prépondérante au
sein du système juridique tunisien. C’est le cas, par exemple, en matière de droit civil où le
recours à la Charia est justifié par le juge en raison du caractère historique de la relation de
cette dernière au Code des droits et des obligations. La Charia constitue l’une de ses sources
matérielles. Ensuite, dans le domaine du statut personnel, elle reste une fenêtre ouverte pour le
législateur. Il peut, dans certains cas, choisir des solutions juridiques traditionnelles ou inspirées
par le droit positif plus moderne. Par ailleurs, le juge français lui-même a, par le passé,
également participé à l’élaboration de la jurisprudence musulmane et ce, notamment en Algérie.
Il lui revenait souvent la tâche difficile «de choisir ou de concilier entre les normes locales et
les normes françaises et donc d’apprécier les valeurs qui sous-tendent ces normes et leur degré
622 W. WASSILA. « Conventions internationales, mariage mixte et droit successoral en Afrique du Nord :
"Cachez-moi cette différence que je ne saurais voir" », Revue internationale des sciences sociales 2005, vol. 184,
n° 2, pp. 363-383.
623 Circulaire 216 du 5 novembre 1973 qui stipulait que les étrangers non-musulmans sont obligés de se convertir
à la religion musulmane pour officialiser leur union avec une femme tunisienne musulmane.
173




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d’adhérence aux réalités sociologiques ambiantes»624. Autrement dit, il lui incombait de
concilier deux ordres juridiques hétérogènes constitués par le fiqhet les coutumes, d’un côté et,
de l’autre côté, par le Droit français. Ce travail de conciliation sera la règle en matière
d’interprétation des textes, mais aussi dans les réformes législatives qui se succéderont.
140. Ainsi, il existe deux ordres : l’ordre social fondé sur le caractère civil de l’État et l’ordre
moral fondé sur la religion d’État. À cette difficulté à identifier l’ordre a
uquel se rattachent les
règles, s’ajoute le risque de substitution de l’ordre social à l’ordre moral. On observe des formes
d’action autorisées dans la sphère privée qui échappaient généralement à l’intervention de
l’État. Pourtant, les mœurs ont constitué et constituent aujourd’hui encore un instrument
d’actions positives de l’État et du législateur tunisien pour limiter certaines libertés des femmes
et ce, au nom de raisons morales et religieuses qui restent toutefois en pratique assez nuancées
par rapport à d’autres pays du Maghreb où la police des mœurs est assimilée à la « police des
féminités»625.
141. C’est d’ailleurs à travers l’idée de préservation de l’ordre public, considérée comme
motif légitime, que le juge permet de justifier une discrimination indirecte. Autrement dit, la
crainte de la radicalisation politique a fait émerger une pratique institutionnelle laïque sans pour
autant éradiquer les dispositions religieuses. Contrairement à la Turquie où le principe de laïcité
est un principe constitutionnel, la Tunisie n’a pas établi de manière juridique des remparts
contre la résurgence de l’islam comme religion d’État, car l’islam était déjà présent dans la
Constitution de 1959. L’évolution de cette ancienne Constitution vers la nouvelle repositionne
l’enjeu du droit constitutionnel tunisien au sein d’une projection plus globale dans le cadre
d’une mondialisation du droit
626. Il faut compter, certes, avec la subsistance du droit public
musulman, mais ce dernier se heurte à la recherche d’une compatibilité avec la démocratisation
de la Constitution.
624 J.-.P. CHARNAY, « Le rôle du juge français dans l’élaboration du droit musulman algérien », Revue
internationale de droit comparé, 1963, vol. 15, n°4, pp. 705-721.
625 M. CHEIKH, « De l’ordre moral à l’ordre social. L’application des lois pénalisant la sexualité prémaritale selon
des lignes de classe ». L’Année du Magrheb 2017, n° 17, pp.49-67.
626 R. TEITEL, « Comparative Constitutional Law in a Global Age », Harvard Law Review, 2004, p. 2570 et s.
174









Page 176
§2. L’opposition des conceptions, source de malaise au sein des systèmes et
entre les deux systèmes
142. Au sein des systèmes. Force est de relever qu’en dépit des éléments que nous avons
analysés plus haut627 et qui attestent un élan moderniste incontestable en Tunisie, il subsiste une
certaine forme de pesanteur du passé dans le système juridique actuel. Si les ouvertures
constitutionnelles en matière de parité constituent une avancée incontestable par rapport au
modèle du droit musulman public, elles n’ont pas pour autant éliminé les symboles forts du
droit musulman classique. Le modèle tunisien apporte des avancées constitutionnelles
importantes. La révolution de jasmin de 2011 et la cascade de révolutions qui l’ont suivie ont
créé une fenêtre d’opportunités cruciale, mais limitée, pour des changements politiques
susceptibles de façonner la réforme du système juridique du Maghreb et du Machrek628.
143. Le Maroc et la Libye plaident pour un changement constitutionnel, comme préalable
nécessaire pour la transition vers un État démocratique
629. Dans ce contexte, les mouvements
de réforme constitutionnelle deviennent des plateformes permettant d’aborder les inégalités de
sexe profondément enracinées630. Les organisations musulmanes officielles contemporaines
continuent de refuser de signer la Déclaration Universel des Droits de l’Homme en lui
substituant une charte islamique des droits de l’homme. Cette dernière consacre l’égalité des
conditions entre les hommes et les femmes reconnue sur le plan de la « dignité», mais elle ne
contient aucune disposition consacrant l’égalité des droits entre hommes et femmes. De plus,
elle ignore la liberté de conscience et de confession631. En outre, même si certaines dispositions
d’origine islamique persistent dans les différents systèmes juridiques du Maghreb, elles restent
627 Voy. supra XXX
628Voy. Sur les discussions des causes du printemps arabe et de ses implications géopolitiques potentielles, K.
D
ALACOURA, « The 2011 uprisings in the Arab Middle East:political change and geopolitical implications », 88
International Affairs 63 (2012), disponible surhttps://doi.org/10.1111/j.1468-2346.2012.01057.
629Voy. J. LIOLOS, Erecting New ConstitutionalCultures: The Problems and Promise of Constitutionalism Post-
ArabSpring
, 36 Boston College International and Comparative L. Rev. 219, (2013), spéc. pp. 221-224.Voy. aussiI.
E
L AMRANI, Op-Ed., Egypt: A Constitution First, Guardian Comment Network, 12juin 2011, disponible sur
http://www.theguardian.com/commentisfree/2011/jun/12/egypt-a-constitution-first
.Dans cet article,
l’auteur
relève une déclaration d’activistes égyptiens qui recommandent de s’inspirer du modèle tunisien de la politiq
ue de
transition.
630 V. R. GROTE et T. RÖDER, « Constitutionalism in Islamic Countries: between upheaval and continuity », Oup
USA (2012), pp. 628-673. Pour une analyse davantage approfondie des débats populaires sur les questions liées au
genre dans les pays d’Afrique du Nord entre 2011 et 2013 : voy. A. KHALIL, Crowds and politics in North Africa:
Tunisia, Algeria and Libya, Routledge, 2014.
631Mariage entre une musulmane et un non-musulman.
175






Page 177
relatives, en comparaison d’autres pays musulmans qui appliquent la Charia632 ou un droit
hybride constitué d’un droit coutumier combiné au droit musulman633. L’ambiguïté des textes
régissant le principe d’égalité homme-femme, n’empêche pas la protection constitutionnelle
contre toute tentative de réforme au nom du référent religieux. L’article 49 de la Constitution
interdit expressément toute limite aux droits et libertés touchant à leur essence. Si le principe
d’égalité n’est pas consacré expressément en matière d’affaires familiales, le référent religieux
est placé sur un pied d’égalité celui relatif des droits de l’hom
me634.
144. Ce malaise résulte également d’un risque de confusion généré par l’existence de
dispositions contradictoires. Le processus d’élaboration de la Constitution se justifie par la
volonté de soustraire à la culture de droit définie par l’État un texte qui traduit un large
consensus entre les « valeurs de l’islam et les valeurs de la modernité »635. Le texte concentre
les diverses visions des droits des femmes dans la société. Il en résulte un ensemble disparate
de dispositions qui ne réunissent pas, in extenso, les intérêts de toutes les parties prenantes. Plus
précisément, le préambule constitutionnel prévoit simultanément un « engagement envers les
enseignements de l’islam » et « les principes des droits de l’homme universels », sans étayer la
nature de la relation entre ces deux sources636. Ces engagements ne sont pas nécessairement
exclusifs l’un de l’autre. L’application d’une des deux dispositions n’exclut pas obligatoirement
celle de l’autre. Le risque de confusion est important dans la manière de considérer ces deux
sources. Il faut déterminer, lors des premières phases de mise en œuvre, si elles doivent être
considérées de manière collective ou indépendante. À l’examen de la Constitution, un autre
risque de confusion semble se dégager. L’article 1 dispose que « la Tunisie est un pays libre…
État souverain » et « l’Islam est sa religion », alors que l’article 2 affirme que l’État se fonde
sur « la volonté du peuple et la suprématie du droit ». Concernant la disposition affirmant que
l’« Islam est sa religion », il n’y a pas de précision quant à l’objet auquel le déterminant « sa »
632 Arabie saoudite, Émirats arabes unis.
633 Exemple de la Jordanie, Yémen pour les crimes d’honneur.
634Ainsi, la nouvelle Constitution modifie certaines dispositions. Le texte constitutionnel est flou, à moins d’une
interprétation extensive de l’article consacrant la lutte pour le maintien des acquis des droits des femmes. En effet,
historiquement, cet acquis est garanti par le CSP, qui est un code fondateur et historique des droits des femmes.
Le pouvoir constituant n’a pas donné de valeur constitutionnelle aux dispositions du CSP. L’inquiétude est donc
grande. Si jusqu’à présent l’égalité homme
-femme était consacrée comme un principe fondateur de l’ordre
juridique tunisien, la brèche ouverte par le flou des dispositions constitutionnelles concernant l’égalité dans les
relations privées et notamment en droit de la famille pourrait être un réel danger. Cette brèche pourrait ouvrir la
voie à un revirement jurisprudentiel sur la base du référent religieux.
635 R. JOYCE, «Leader Says Ennadha to Steer Clear of Presidential Race», Tunisalive, 27 fév. 2014, disponiblesur
http://www.tunisia-live.net/2014/02/27/leader-says-ennahdha-to-steer-clear-of- presidential-race/.
636Tunisie, Constitution, 27 janv. de 2014, Préambule.
176




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se réfère637. La difficulté reste de savoir si ce terme désigne plus largement la société elle-même
ou la nature politique du gouvernement, ou tout simplement l’État. A priori, il s’agirait de l’État
tunisien, car il dispose de manière formelle d’une religion d’État consacrée par la
Constitution638. Toutefois, l’article 2 de la Constitution639 renforce l’ambiguïté quant à la
lecture globale de celle-ci. Dans l’hypothèse où il s’agit de la nature politique du gouvernement,
l’article 2 de la Constitution dispose que la « Tunisie » est un « État civil ». Tantôt, l’islam est
la religion d’État, tantôt la Tunisie est un État civil
640 fondé sur la conception de l’État de droit.
La comparaison des deux articles641 peut donc créer une contradiction et de la confusion. Celle-
ci est aggravée par le dernier alinéa de l’article premier qui dispose que « cet article ne peut être
modifié », et par l’article 146 qui prévoit que « les dispositions de la Constitution soient
interprétées comme un ensemble harmonieux». Sans réponses claires, la Cour constitutionnelle
doit harmoniser toutes ces dispositions conformément aux exigences de la Constitution
(art 146). Toutefois, il n’est pas anodin que le pouvoir constituant ait choisi d’inscrire ce
principe qui existait déjà sous le régime de la première République au sein de son article
premier. La formule de l’article 2 vient s’adosser à l’article qui consacre l’identité de la Tunisie
et du choix de ses valeurs. Ainsi, il n’y a pas de véritable rupture substantielle avec l’ancienne
Constitution. Au contraire, ce choix s’inscrit dans une continuité. Néanmoins, il y a rupture
avec le contexte historique, social, politique et économique dans l’adoption constitutionnelle.
Il existe une résurgence religieuse qui va marquer une rupture avec le contexte de sécularisation
lors de l’adoption de la première république et la fin d’une pratique exclusivement laïque des
institutions.
145. Entre les deux systèmes. D’un point de vue sociologique, nous pouvons considérer que
la religion ne constitue pas seulement un système de croyances qui se juxtapose à la société.
Elle est aussi un ensemble de règles et d’institutions sociales dont la complexité se répercute
dans la construction des normes comportementales et organisationnelles. De la même manière
que pour la structure juridique, il existe un degré de dépendance ou d’indépendance entre le
système juridique et le dogme religieux.
637 F. HACHED, « La laïcité : un principe l’ordre du jour de la IIème République tunisienne ? », Confluences
Méditerranée
2011/2, n°77, p. 32.
638 « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arable sa langue et la
République son régime». Art. 1, Const. Tn. 27. Janv. 2014.
639 «La Tunisie est un État civil, fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit». Art. 2,
Const. Tn. 27. Janv. 2014.
640 Voy. sur le sujet, C. YARED, « “Un Etat civil, pour un peuple musulman” ou le nouveau pari constitutionnel
de la Tunisie », POLITEIA n° 31, 2017, pp. 143-155.
641Tunisie, Constitution, 27 janv. de 2014, art.1 et 2.
177




Page 179
146. Ainsi, sommes-nous, d’un côté, en présence d’un système français dont les normes
comportementales guidant l’action et l’interaction entre les sexes, se fondent sur un principe
juridique laïque. Ce dernier va déterminer les contraintes liées aux besoins de la praxis en
dehors de tout référent religieux. De l’autre côté, nous sommes en présence d’un système
tunisien, dans lequel les normes sont encadrées par ce référent. Les actions sont guidées par ces
normes. Dans ce cadre, les individus favorables à un principe d’égalité des sexes, rejettent toute
forme d’intervention religieuse dans le système juridique car ils estiment, à juste titre, que la
compatibilité entre l’islam et la modernité reste très difficile642, voire impossible à réaliser
lorsqu’il s’agit d’évoquer le statut des femmes. C’est de cette différence de conceptualisation
que résulte le conflit de légitimité.
147. Le « droit est un terrain d’affrontement » dans lequel a existé initialement une lutte des
femmes contre l’État, le patriarcat et le capitalisme. Il s'agissait d'abord d'une lutte féministe.
Cependant, elle peut être aussi envisagée sous le prisme d’une lutte des classes et d'une lutte
ethnique. Cette lutte s’est transformée, de fait, en un combat politique, c’est-à-dire un combat
qui vise à défendre les femmes en arrachant des mesures législatives faisant obstacle à la
superpuissance patriarcale. C’est ainsi que le droit est devenu un lieu d’antagonismes entre les
sexes643. Pour se défendre contre l’exploitation domestique, les femmes revendiquent
principalement le droit de participer au pouvoir. Ce droit répond à des spécificités qui sont
propres à chaque expérience historique, culturelle et qui se traduisent par des normes juridiques.
Le pouvoir est «sacralisé»644 tant en Tunisie qu'en France. On pense ici à la conception
monarchique du «Pouvoir» en France et beylicale en Tunisie. Le pouvoir est dans les deux
pays un terrain de contestation permanente et de révérence qui sont indissociables de son
caractère originellement sacré. Cette sacralité a longtemps écarté les femmes de la «chose
publique» : elles sont restées cantonnées à la sphère privée. Aussi, cette conception de la
séparation de la vie privée et de la vie publique a fortement conditionné la représentation des
hommes et des femmes, mais surtout l’acception du pouvoir. La société s’est essentiellement
642 « Paradoxalement, l’obstacle qui empêche cette prise de conscience n’est autre que la politique des dirigeants
qui se disent et se veulent modernistes. D’abord l’autoritarisme pratiqu
é au nom de la modernité rend celle-ci
suspecte voire détestable. D’autre part, beaucoup de dirigeants partagent avec les citoyens le sentiment diffus de
l’incompatibilité entre l’islam et la modernité
». M. CHARFI, Islam et liberté : le malentendu historique, Casbah
Édition, Alger, 2000, p. 18.
643Ici conf X.
644
Edith
Terme
[https://www.ina.fr/video/I16120777/edith-cresson-sur-le-feminisme-video.html].
CRESSON
disponible
interview,
employé
d’un
lors
par
sur
178





Page 180
«intéressée aux attributs extérieurs du pouvoir»645, c’est-à-dire à l’image que les hommes se
font du pouvoir et non pas à sa finalité, celle qui consiste à «changer la société, apporter des
modifications qui aillent dans le sens de l’intérêt général »646. Ainsi, à travers la volonté des
femmes de participer au «pouvoir » par l’acquisition de la citoyenneté, le droit est apparu
comme l’instrument idoine pour lutter contre les rapports de domination, notamment celle des
hommes ; le droit s’est présenté comme le moyen de réglementer la société patriarcale en
promulguant des lois en faveur de l’émancipation des femmes. Néanmoins, il semblerait que la
modification de la société patriarcale ne puisse pas être simplement réalisée au moyen d’une
législation progressiste et réformiste. Le dépassement d’une conception formaliste de l’égalité
des sexes est le seul moyen de libérer les hommes et les femmes des formes de domination
sous-jacentes.
148. Le droit devrait être inégal dans certaines situations (inégalité compensatrice), car les
hommes et les femmes sont différents. Dès lors, leur imposer un critère qui fasse abstraction
des différentes capacités de travail, de productivité dans certaines situations (état de grossesse),
ne pourrait que perpétuer cette inégalité. Aussi, un droit égal engendre un phénomène
inégalitaire et devient un moyen de confirmer une situation d’injustice (les hommes seront
toujours avantagés par rapport aux femmes puisqu’ils n’assument pas, dans la nature, la
capacité de reproduction).
149. Ainsi, le fait de traiter de manière égalitaire des individus qui doivent être considérés
comme différents conduit à des règles de droit inégales. La répartition des biens ne se fera pas
selon les besoins, mais en vertu des capacités, alors que ces dernières peuvent varier selon les
personnes. À titre d’exemple, l’idée d’un salaire égal pour un travail égal est une règle du droit
égalitaire. A priori, elle semble juste et égalitaire, mais si nous creusons un peu plus cette idée,
nous voyons, comme on l'a fait observer, qu'elle rejoint la question que soulève Marx647, visant
le fait de recevoir les mêmes biens, sans égard aux besoins à condition de fournir un travail
égal. Le philosophe conclut sur l’idée que « le droit devrait être non pas égal, mais inégal»648.
645Ibid.
646Ibid.
647S. PETRUCCIANI, Le Droit chez Marx, Droit et Philosophie, 2018, pp. 11-20 ; Voir également sur le sujet. A.
ARTOUS, « Marx et le droit légal : retour critique »
inDroit et émancipation (dir. D. HANNE et A. ARTOUS),
Syllepse, 2005.
648 K. MARX et F. ENGELS, Critique des programmes de Gotha et d’Erfurt, Les Éditions sociales, 1972, p. 32.
179





Page 181
Si l’Homme est naturellement bon, c’est la société et ses grandes mutations qui ne le sont pas
et c’est ainsi que la morale s’oppose au droit.
Section 2 : Les résistances substantielles du dispositif juridique
tunisien
150. De manière générale
le dispositif juridique
interne de
lutte contre
les
discriminations s’est construit par strates législatives successives. La structure et la
réglementation du principe d’égalité homme-femme connaissent des évolutions tant
substantielles que structurelles selon le contexte historique dans lequel il s’inscrit. Devant un
phénomène d’universalisation des droits de l’homme, le principe d’égalité homme-femme
gagne une place de premier ordre à l’échelle planétaire et de ce fait il se trouve confronté aux
différences culturelles qui constituent la principale résistance substantielle. Tout comme le
système français, le système tunisien a élaboré le modèle juridique de lutte contre les inégalités
entre les sexes sur le plan interne autour de l’articulation du principe d’égalité homme-femme
et celui de la non-discrimination. Si en France le dispositif juridique interne ainsi que la
conception du principe d’égalité des sexes ont fortement été transformés en partie sous
l’influence du droit de l’Union européenne, la Tunisie a connu un chemin bien différent. La
conceptualisation du principe d’égalité homme-femme a connu une rupture avec l’élaboration
de la Constitution de 2014 qui introduit le principe de non-discrimination. L’enrichissement de
la structure juridique tunisienne se fait au coup par coup, selon l’agenda législatif et selon une
prise en considération plus fréquente de cette question par le législateur tunisien.
151. La capacité du système tunisien à lutter effectivement contre les discriminations soulève
autant d’interrogations que pour le système français, à la différence, qu’il existe encore des
dispositions inégalitaires dans le droit positif tunisien. La Tunisie en choisissant aussi de
manière générale de déterminer, selon des critères, les catégories de personnes à protéger, aurait
dû amener à une mise en conformité des dispositions législatives au principe constitutionnel
d’égalité. Une mise en conformité qui est possible, car certaines dispositions revêtent aussi un
caractère discriminatoire fondé sur le sexe. Ensuite, l’élaboration du droit à l’égalité homme-
femme en Tunisie par strates successives interroge sur la cohérence et les choix du législateur.
Par-delà l’incohérence du dispositif juridique tunisien, caractérisée notamment par des
contradictions et une protection à géométrie variable selon les dispositions considérées pour
180





Page 182
justifier la non-application du principe d’égalité homme-femme, l’examen des différentes
strates du système tunisien révèle que la conceptualisation du principe d’égalité des sexes
s’enrichit de manière progressive. Néanmoins, cette conceptualisation reste décousue, selon un
premier aspect de changements de perception du fait égalitaire qui découlent eux-mêmes du
sémantisme social des différences et des inégalités et du second aspect de l’agenda juridico-
politique (transition constitutionnelle). Cette acception constitutionnelle n’est donc pas établie
à la suite d’une réflexion d’ensemble menée par le pouvoir constituant sur la question d’égalité.
Il ne s’agit pas d’une continuité de sens par rapport à l’ancienne Constitution, mais bien d’une
rupture compte tenu du contexte. Les résultats du processus d’élaboration de la Constitution
définissent les principaux concepts impliqués dans la question de l’égalité homme-femme qui
s’inscrivent dans des dynamiques variables en termes de cohérences juridiques. Ils découlent
d’une forme d’acclimatation législative à la problématique de l’égalité homme-femme. Cet
abonnissement graduel de la structure juridique résulte d’une altération des phénomènes
inégalitaires, liée à des transformations sociétales649. L’évolution scientifique explique par
exemple l’intégration du droit à l’IVG, tan
dis que la question socio-économique650 impose une
évolution du monde du travail et du marché qui doit de plus en plus se concilier avec toutes
formes de vie familiale. Le droit des successions en Tunisie nous semble un cas d’école, en ce
qui nous permet de mettre en lumière certaines caractéristiques, difficultés et imperfection du
cadre juridique tunisien de l’égalité homme-femme qui institutionnalise des discriminations.
Ainsi, nous sommes pour une adaptation des dispositions du Code du statut personnel (§1),
mais aussi favorable à un élargissement du principe d’égalité homme-femme en matière
successoral (§2).
§1. Les dispositions du Code du statut personnel
152. L’influence du système français sur celui de la Tunisie en matière de droit de la famille
se manifeste autant au niveau de la formation du mariage, que concernant le divorce et les
interdictions651, malgré des divergences entre le choix des deux législateurs. Cette affiliation
est d’autant plus marquante, car elle démontre non seulement l’intérêt que peut avoir le modèle
649 A. LACROIX, L. LALONDE et G.A LEGAULT., « Les transformations sociales et la théorie normative du
droit »,
Revue de droit de l'Université de Sherbrooke 2002-2003, p. 1.
650 K. CHÉRIF, I. MARZOUKI, « Les facteurs socio-culturels défavorisant les femmes en matière de succession »,
in « La non-
discrimination à l’égard des femmes entre la convention de Copenhague et le discours identitaire ».
Colloque CERP/UNESCO, 1989, p. 301.
651 Polygamie et réudiation.
181





Page 183
français de la famille à l’égard d’autres pays, mais aussi, car elle est très révélatrice de son
influence significative par rapport à ces pays voisins. Pays qui ont également connu un
phénomène de domination et qui a été plus marqué pour certains. Le Maroc et la Tunisie n’ont
pas connu de réformes aussi profondes que celle apportée par le Code du statut personnel
tunisien de 1956 (CSP). Pour comprendre les divergences législatives et les raisons de la
subsistance d’une dualité de normes de références dans les pays voisins, il faut au préalable
s’intéresser à l’histoire pour pouvoir constater l’émergence d’un conflit de légitimité en matière
de statut personnel (A). Nous reviendrons plus loin sur ces limites, mais pour la présentation
comparative du droit tunisien par rapport à ces pays voisins, nous nous tiendrons largement à
la formation du mariage (B) ainsi qu’aux interdictions, tout en signalant, si besoin est, les
différences entre l’ancien droit tunisien et le nouveau.
A) L’émergence d’un conflit de légitimité en matière de statut personnel
153. Au sein de la Tradition juridique musulmane, il existe une pluralité d’école
juridique. Le Maghreb est de tradition sunnite. Le sunnisme dérive de la Sunna qui désigne la
Tradition du Prophète. Cette tradition comprend ses paroles (hadîths), ses actes et ses
pratiques652. Le sunnisme en tant que doctrine dispose également de dimensions politico-
théologiques et théolo-juridique. Le sunnisme apparaît comme le courant d’orthodoxie
musulman, car ils se réclament de la continuité et de la perpétuation de la «Tradition» du
prophète. Le sens sous-jacent à cet attachement de la «Tradition» cache une question de
légitimité par rapport aux autres courants. Elle représente et cèle une reconnaissance de
légitimité historique, politique, juridique et religieuse du pouvoir des quatre premiers califes
qui sont connus sous le nom des «biens guidés». Au-delà de la question de légitimité du
pouvoir, il reconnaît à travers la Tradition la légitimité de l’ordre de succession dans lequel
s’est succédé la passation de pouvoir entre ces quatre califes. En outre, le monde musulman a
connu une séparation entre deux grands courants (chiites et sunnites) pour une question
d’affiliation légitime du pouvoir à travers le choix d’un Calife. Les sunnites ont accepté le
pouvoir de Mu‘âwiyya à la suite de la défaite de Ali, cousin et gendre du Prophète. Le mot chiite
désigne littéralement ceux qui ont «pris le parti » d’Ali. En dehors, de la dimension de
légitimité du pouvoir politique, les sunnites qui sont désignés comme les «gens de la
Tradition » s’attachent à la légitimité d’une décision de justice. Sur cette question, il existe deux
652 Ici, il s’agit d’une définition au sens le plus strict. Au sens large le terme désigne ce qui a été dit à propos des
paroles, des actes et des comportements du prophète.
182




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courants opposés. Une partie de la doctrine sunnite ne reconnaît la légitimité d’une décision
juridique qu’à la seule condition de son rattachement au Coran ou à la Sunna. Il ne peut y avoir
d’interprétation possible de ces deux sources normatives. L’autre partie considère la capacité
de la raison à fonder le jugement lorsqu’un texte du Coran manque de clarté ou d’une tradition
du Prophète. Le terme sunnisme renvoie plus largement à un choix d’affiliation politique et
juridique jugé légitime. C’est de cette légitimité que diverge au sein même de cette branche la
méthode juridique de prise de décision. Cette «voie empruntée» se traduit par le madhhab qui
signifie l’école de courant d’opinion juridique. Pour pouvoir trouver des solutions à des
situations concrètes, la sharia a constitué la première norme de référence. Néanmoins, compte
tenu du fait que le nombre d’actions humaines possibles est multiple, il a fallu dégager des
principes de solution pour répondre à des situations nouvelles. C’est dans cet objectif de
recherche de solution et d’adaptation qu’émergeât l’une des sciences humaine et sociale de
l’époque : le fiqh. Ce dernier a pour objet les questions morales et cultuelles. Il peut être
défini «comme un ensemble de qualifications ou jugement des comportements et des actions
humaines
»653. La gestion de ces actions est guidée par une liste de qualification qui est au
nombre de cinq. Il s’agit de l’obligatoire (fardh)654, le recommandé (mandûb), le licite (mubâh),
le désapprouvé (
makrûh) et l’interdit (mahdûr)655. Autrement dit, «le fiqh se présente donc
comme un exposé des
différents actes, réels ou possibles, sous l’angle de leur qualification »656.
Le fiqh constitue un système d’interprétation à travers une « casuistique théorique»,657 car ils
ne constituent pas de
précédents658 et ils ne découlent pas de règles générales. Il en résulte des
solutions qui seront appliquées aux problèmes juridiques. Un système d’interprétation et de
qualification qui dispose d’une légitimité divine. Il va mettre en place un système de contrôle
de l’action dont le système lui-même est contrôlé.
154. De manière plus contemporaine : L’année 1956. Outre le fait que le positivisme de
l’ordre public musulman a pu se construire par l’intégration de la tradition juridique musulmane
dans le sens de jurisprudence (fiqh) dans une forme positive de la loi, il a également porté sur
le statut personnel. L’intégration du fiqh en droit positif dans ce domaine démontre une
653 S. LAGHAMANI, « Les écoles juridiques du sunnisme », Pouvoirs 2003/1 n°104, pp. 21-31.
654 On retrouvera ce terme plus tard dans la partie des successions.
655 Les qualifications « désapprouvé » et « recommandé » ne constituent pas des qualifications juridiques au sens
actuel du terme. Voy. S. LAGHAMANI, « Les écoles juridiques du sunnisme », Pouvoirs 2003/1, n°104, pp. 21-
31.
656 Ibid.
657 Ibid.
658 Tels qu’ils peuvent exister dans les systèmes de Common Law.
183




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évolution marquante dans les systèmes juridiques musulmans. Les dispositions du fiqh en
matière du droit de la famille sont codifiées et intégrées en droit positif notamment dans la
norme législative. La traduction, l’institutionnalisation du fiqh en matière de statut personnel
vont marquer une étape de restructuration de la société. En soumettant, ces dispositions au
respect de la norme constitutionnelle, la légitimité ne relève plus du divin, mais bien du
politique et d’un système légal. C’est la société à travers l’Homme et ses lois que le pouvoir
d’action et d’interprétation dans la gestion des individus se trouve légitimé. Il va constituer en
Tunisie comme le souligne Bernard Botiveau « le paradigme d’un droit positif produit à partir
du fiqh»659. C’est à partir de « cet effort de rationalisation»660 dans un Code que le législateur
lui a réservé une place toute particulière en opérant une rupture avec le passé qui traduit une
«
révolution par le droit»661.
155. Néanmoins, dans certains États, l’institutionnalisation du fiqh ne marque pas la fin d’un
système d’interprétation, mais plus une pluralité de système d’interprétation qui va avoir pour
effet de marquer à des degrés différents la structure. La jurisprudence établie par le fiqh est plus
marquée en Algérie et au Maroc. Certes ces propos sont appelés à être nuancés avec les
ouvertures marocaines et algériennes nées des réformes des droits marocain et algérien de la
famille, respectivement entreprises en 2004662 et en 2005663. La révision du Code du Statut
personnel algérien en 2005 ne concerne pas l’ensemble des dispositions, mais uniquement
celles qui sont relatives au mariage, à sa dissolution et à ses effets. Le Maroc a également connu
une profonde réforme en 2004 qui vise à introduire le principe d’égalité homme-femme en
matière de statut personnel. La Moudawwana marocaine qui régissait le droit de la famille se
voit supplantée par l’introduction du nouveau code de la famille. Ce dernier vient mettre à
l’épreuve les principes enracinés depuis des siècles dans le système juridique interne. La
progression de l’égalité entre époux bouleverse l’architecture d’ensemble du droit de la famille.
Le Code du Statut personnel tunisien témoigne de la forte inspiration du législateur par la
société maghrébine qui connaît un vent d’émancipation. L’égalité des conjoints a vocation à
659 B. BOTIVEAU, Loi islamique et droit dans les sociétés arabes, mutations des systèmes juridiques du Moyen
Orient
, Paris, Éd. Karthala, 1993, p. 29
660 S. BEN ACHOUR, « Le Code tunisien du statut personnel, 50 ans après : les dimensions de l’ambivalence »,
L’Année du Maghreb, II, 2007, pp. 55-70.
661 Y. BEN ACHOUR, Politique, religion et droit dans le monde arabe, Tunis, Cèrès Production, Cerp, 1992, p.
203- 224.
662 K. SAIDI, « La réforme du droit algérien de la famille : pérennité et rénovation », Revue international de droit
comparé 2006, p. 119 et s.
663 F. SAREHANE, « Le nouveau code marocain de la famille ». GP, 3-4 septembre, 2004, Doctrine, pp 2 et s.
184




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s’appliquer dès la formation du lien matrimonial, lors de la vie maritale. Il s’applique également
en matière de divorce.
B) La tentative de mise en conformité des dispositions relatives à la formation
du lien matrimonial au principe d’égalité des sexes
156. Le droit tunisien de la famille constitue, de manière significative, la rigueur du
modèle historique664. Le domaine de la mise en conformité est large puisque la mise en
conformité du principe d’égalité homme-femme va effectivement toucher toutes les étapes du
mariage, mais n’aura pas les mêmes avancées. Que ce soit à sa formation, lors de sa célébration
ou dans le cas de la dissolution du régime matrimonial, la femme n’est pas toujours considérée
comme l’égal de l’homme. Néanmoins le droit tunisien de la famille s’inscrit dans sa continuité
historique en dépassant la plupart des résistances juridiques même si le dispositif juridique reste
perfectible. Le législateur tunisien a déterminé les modalités juridiques conduisant à une égalité.
Malgré les évolutions législatives marocaines et algériennes en matière de droit de la famille,
qui restent de véritables avancées dans le domaine, leurs systèmes juridiques n’ont pas éliminé
les symboles665 forts du droit musulman classique : la polygamie et la répudiation. En Tunisie,
la polygamie fait partie des empêchements à mariage et constitue une des limites à l’ordre
public. En effet, l’article 14 du CSP établit une distinction entre les empêchements permanents
des empêchements provisoires. L’article dispose que « les empêchements permanents résultent
de la parenté, de l’alliance, de l’allaitement ou du triple divorce ». Les empêchements
664 Sur ce code, voir notamment, A. COLOMER, « le Code du statut personnel tunisien », Revue algérienne,
tunisienne et marocaine de législation et de jurisprudence, 1957, pp 115 et s ; E. de LAGRANGE, « Le législateur
tunisien et ses interprètes », RTD, 1968, pp 11 et s, spc. Pp 20 et s ; M. BORRMANS,
Statut personnel et famille
au Maghreb, thèse dactyl. Université de Paris, Faculté des lettres et des sciences humaines, 1969-1970 ; M.
CHARFI, « le droit tunisien de la famille entre Islam et modernité », RTD, 1973, pp 1 et s ; A. MEZGHANI,
« Réflexions sur les relations du Code du statut personnel avec le droit musulman classique », RTD, 1975, II, pp
53 et s ; H. CHEKIR,
Le statut des femmes entre les textes et les résistances : le cas de la Tunisie, Chama, 2000 ;
S. BEN HALIMA, « Religion et statut personnel en Tunisie »,
RTD 2000, p. 107 et s ; M.M BOUGUERRA, « Le
code tunisien su statut personnel, un code laïc ? » in mouvements du droit contemporain, mélanges offerts au
Professeurs S.BEN HALIMA, CPU, 2005, pp 529-582 ; K. MEZIOU, « Approche critique du code du statut
personnel »
in Mélanges offerts au Doyen A.AMOR, CPU, 2005, pp. 815-828. Adde, M.BEN JEMIA, « Non-
discrimination religieuse et code du statut personnel »
in Droits et culture, Mélanges en l’honneur du Doyen Y.
BEN ACHOUR, CPU, 2008, p. 261 et s ; M. CHARFI, « Le statut personnel tunisien entre la loi et la jurisprudence
(en langue arabe) »,
in Mélanges en l’honneur du Doyen Y.BEN ACHOUR, CPU, 2008, p. 425 et s.
665 De la même manière, dans les systèmes contemporains, les sociétés et le législateur s’intéressent aux symboles
tels que l’écriture ou la tenue vestimentaire. Autrement dit, nous nous trouvons dans des sociétés qui s’intéressent
également à une représentation d’une égalité hommes-femmes au sein des symboles extérieurs, notamment à
travers la question de l’écriture inclusive ou la prohibition du voile intégrale. Voy. sur le dernier point, L.
CHOUIKHA, « La question du hijab en Tunisie. Une amorce de débat contradictoire », F. LORCERIE (dir.), La
politisation du voile en France, en Europe et dans le monde arabe
, Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 161-184.
185





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provisoires « résultent de l’existence d’un mariage non dissous et de la non-expiration du délai
de viduité ». L’article 18 du Code du statut personnel tunisien sanctionne pénalement toute
personne qui s’engage dans un second mariage avant la dissolution du premier. Elle encourt un
an d’emprisonnement et une amende. Le législateur tunisien prohibe également le mariage de
l’homme avec la femme dont il avait été divorcé trois fois666. De même qu’il interdit le mariage
de l’homme avec la femme mariée dont l’union n’est pas encore dissoute. Le CSP ne prévoit
pas de dispositions relatives à l’empêchement à mariage pour des raisons religieuses. Si le
principe de l’Umma tiré de la Charia interdit le mariage entre une musulmane et un non-
musulman et interdit aussi l’adoption, celui-ci ne s’applique pas en Tunisie en tant que source
formelle. Toutefois, l’interdiction de mariage entre une musulmane et un non-musulman n’a
été abrogée que récemment667 et la Constitution de 2014 contient une référence à l’Umma.
1) L’appréciation de l’intégration du principe d’égalité dans certaines
conditions de formation du mariage
157. En Algérie, les conditions essentielles du mariage prévues par loi continuent à obéir au
principe du droit musulman classique. Néanmoins, la loi de 2005 vient apporter des
modifications au Code de la famille. Globalement il procède «par petites touches»668. En
Tunisie, le CSP ne se trouve pas retouchée de manière significative, car la plupart des
dispositions ont été introduites en 1956, date à laquelle le CSP est promulguée. Concernant la
formation au mariage, il y a eu différentes mises en conformités, mais l’incorporation de
l’égalité
homme-femme dans les différents codes converge en matière d’âge669. Ils augmentent
aussi l’âge minimum aux mariages.
158. C’est au cours de l’année 2007670 que le législateur tunisien intervint pour unifier l’âge
minimum au mariage pour les deux sexes à 18 ans. Jusqu’à cette réforme, l’âge minimum fixé
666 Article 19.
667 L’interdiction pour une Tunisienne musulmane d’épouser un non-musulman, dans le cas où le futur époux ne
produirait pas une attestation de conversion était prévue dans une circulaire. Cette circulaire
«interdit à tout
officier d’état civil de célébrer le mariage d’une Tunisienne musulmane avec un non-musulman si celui-ci ne
produit pas un certifi
cat d’islamisation. Il est également interdit aux agents consulaires de transcrire de tels
mariages célébrés à l’étranger sur les registres d’état civil.
»
668 en abrogeant un article, en ajoutant un nouvel article. Il intervient aussi pour modifier 4 articles.
669 Au Maroc. Sous l’empire de l’ancienne Moudawana, l’âge légal minimum au mariage pour la femme était de
15 ans. Le nouveau code de la famille marocain élève ce dernier à 18 ans. Cette disposition vient mettre fin aux
mariages des mineurs. Celle-ci va protéger également les filles considérées comme aptes au mariage dès l’âge de
la puberté.
670 Loi n° 2007-32 du 14 mai 2007
186




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était de 17 ans pour la femme et de 20 ans pour l’homme. Aussi, le législateur de 2007 a-t-il
rétabli une égalité entre les deux sexes, en faisant coïncider l’âge du mariage avec celui de la
fin de l’enfance conformément aux dispositions de l’article 3 du Code tunisien de protection de
l’enfant671. Pour des raisons de cohérence juridique interne, l’article 7 du Code des Obligations
et Contrats s’adapte à cette modification et dispose qu’« est majeur aux effets de la présente loi
tout individu du sexe masculin ou féminin âgé de dix-huit ans révolus
»672. En Algérie le
législateur opéra le même effort pour garantir le principe d’égalité de sexes en fixant dans
l’article 7 du Code du statut personnel l’âge minimum au mariage à 19 ans pour les hommes et
les femmes673. Il existe cependant des divergences entre la Tunisie et les deux autres pays du
Maghreb. Précisément, elles s’expriment par la faculté pour l’Algérie et le Maroc d’autoriser
la conclusion des mariages selon la coutume. Toujours est-il que les législateurs tentent d’inciter
ces couples mariés coutumièrement à officialiser leur union. Ils le font notamment en prévoyant
des mesures incitatives. Même si les textes apparaissent clairs, en pratique, l’application de ces
textes peut s’avérer complexe. Car la pratique de la coutume demeure. Cette dernière vient
quelque peu contrarier les dispositions des codes de la famille algérien et marocain et mettre à
mal les efforts opérés par le législateur. Concrètement, les mariages coutumiers mettent en péril
la réforme qui a tendu à élever l’âge minimum à 18 ans. À titre d’exemple, il existe encore
beaucoup d’ambiguïté sur les règles de fiançaille
s674, ces règles ne constituant aucunement une
obligation. Les fiancés peuvent rompre à tout moment leur mariage
675.La généralisation du
671 Promulgué par la loi n°95-92 du 9 novembre 1995
672 Article 7 du Code des obligations et Contrats (loi n° 2010-39 du 26 juillet 2010
673 Nouvel article 7 du Code de la famille. L’ancien article 7 fixait cet âge à 21 ans pour l’homme et à 18 ans pour
la femme. N. M. MAHIEDDIN, « L’évolution du droit de la famille en Algérie : nouveautés et modifications
apportées par la loi du 4 mai 2005 au Code algérien de la famille du 9 juin 1984 »,
L’Année du Maghreb 2007,, II,
97-137
674 Le droit musulman classique ne rend pas la khutba obligatoire. La khutba peut être assimilée aux fiançailles
puisqu’il s’agit de la demande en mariage au vu d’une union conjugale. Le coran évoque la khutba. Ce sont les
jurisconsultes musulmans qui ont apporté des éléments de réponse concernant le caractère obligatoire ou non de
la
khutba en tant que préalable au mariage. Ils ont considéré que la khutba constitue un mustahabba. C’est-à-dire
qu’elle n’apparaît pas obligatoire, mais qu’elle se trouve recommandée. Ce qui veut dire que l’absence de khutba
ne rend pas le mariage
haram. Dans les pays du Maghreb, la khutba est devenue les fiançailles en droit positif.
675 En Algérie. L’article 5 (nouvel) du code de la famille précise que les fiançailles font office de «promesse de
mariage
» à laquelle «chacune des parties peut renoncer ». Cette disposition s’inscrit comme conforme à
l’enseignement du fiqh classique. Ce dernier reconnaît la
khutba dans laquelle il y a eu consentement et qui emporte
des effets en droit musulman classique, ne peut être assimilé à un acte juridique dont découlerait l’obligation de
conclure un contrat de mariage (note 40).
En Tunisie. L’article 1 du CSP dispose : «La promesse de mariage et l’échange de promesse ne constituent pas
mariage et le juge ne pourra pas en imposer l’exécution aux parties 
».
Au Maroc. L’article 5 définit les fiançailles comme «une promesse mutuelle de mariage entre un homme et une
femme». Celle-ci se réalise lorsque : «les deux parties expriment, par tout moyen communément admis, leur
promesse mutuelle de contracter mariage. Il en est ainsi de la récitation de la Fatiha et des pratiques admises par
l’usage et la coutume en fait d’échange de présents ». Les deux parties sont considérées en période de fiançailles
jusqu’à la conclusion de l’acte de mariage dûment constatée. Chaque partie peut rompre les fiançailles.
187



Page 189
certificat médical à l’homme et à la femme est un autre exemple de la volonté du législateur de
mettre fin à ces résistances. Pour le Maroc et l’Algérie, ces modifications ont été introduites
avec les grandes réformes de 2005676. En Tunisie cette modification est antérieure. C’est la loi
n° 64-46 du 3 novembre 1964 qui instaure le certificat médical principal. Les futurs époux
doivent fournir ce certificat, peu importe leur sexe677.
159. La subsistance de la dot. Par ailleurs, importe-t-il de relever que le législateur n’a pas
supprimé le régime dotal dans les pays du Maghreb678. Conformément aux exigences
islamiques, la
fixation d’une dot au profit de la femme est requise pour la validité du mariage679.
Aussi, la dot garde-t-elle une place importante dans tous les codes, à tout le moins sur le plan
symbolique. Si elle fait l’objet d’un chapitre entier dans le Code de la famille marocain, ce
dernier préconise la modération dans sa fixation
680. Quant aux codes tunisien et algérien, s’ils
accueillent tous deux la dot en leur sein, il faut relever que celle-ci demeure beaucoup plus
cardinale en Algérie qu’en Tunisie. En effet, en Tunisie, la notion est traitée dans le livre
premier intitulé «du mariage» dans lequel une section lui est dédiée. Et cette section combat
très nettement l’hybris. Car, un mariage peut être tout à fait valide alors même que la dot
676 En Algérie. La réforme de 2005 introduit un nouvel article qui prévoit le certificat prénuptial. L’article 7 bis
vient compléter l’article 5. Il dispose que bis dispose que : «Les futurs époux doivent présenter un document
médical, datant de moins de trois mois et attestant qu’ils ne sont atteints d’aucune maladie ou qu’ils ne présentent
aucun facteur de risque qui contre-indique le mariage».
677 La loi prévoit l’obligation pour l’officier d’état civil et aux notaires de ne procéder à la célébration du mariage
qu’après la remise par chacun des futurs époux d’un certificat médical. Le certificat médic
al doit attester que
l’intéressé a fait l’objet d’un examen en vue du mariage. Son application est prévue dans certaines circonscriptions
déterminées par arrêté ministériel.
La remise du certificat médical prénuptial est généralisée sur tout le territoire de la République tunisienne en 1995,
en vertu de l’arrêté des ministres de l’Intérieur et de la Santé publique daté du 28 juillet 1995. Le certificat devient
un préalable au contrat de mariage.
678 Rappelons ici qu’il s’agit d’une « dot inversée » qui jure avec la dot qui a pendant longtemps eu les honneurs
du droit français. En France, le Code civil prévoyait un régime dotal qui accordait à l’époux l’administration et la
jouissance des biens apportés lors du mariage. Il fallut attendre la loi du 13 juillet 1965 pour que cette « tradition
méridionale », comme la qualifia Carbonnier, soit supprimée du Code civil. Voy. J. Carbonnier, « Préface au
colloque "Dot, femme et mariage" »
in Jean Carbonnier : L’homme et l’œuvre, Presses universitaires de Paris
Nanterre, 2012, p. 701.
679 Article 3 du CSPT.
680Le Sadaq (la dot) consiste en tout bien donné par l’époux à son épouse, impliquant de sa part la ferme volonté́
de créer un foyer et de vivre dans les
liens d’une affection mutuelle. Le fondement légal du Sadaq consiste en sa
valeur morale et symbolique et non en sa valeur mat
érielle CHAPITRE II DU SADAQ (LA DOT) Article 26 de la
Mudawanna.
La dot constitue en droit marocain l’une des conditions de la conclusion du mariage. IL faut
distinguer la dot nommée de la délégation de la dot (Tafwid). La dot nommée. C’est celle fixée dans le contrat de
mariage, où sont précisés la valeur et le mode de paiement convenu par les parties (Article 28 de la Mudawanna).
Il peut être convenu du paiement d’avance ou à terme de la totalité ou d’une partie du Sadaq (Article 30). L’épouse
peut demander que la dot lui soit versée au moment de l’établissement de l’acte de mariage, comme elle peut
exiger de la percevoir avec la consommation du mariage . (Article 27.)Il peut être convenu du paiement d’avance
ou à terme de la totalité ou d’une partie du Sadaq (Article 27).Elle peut notamment fixer une date de paiement
avec son époux (Article 30)Arrivé à l’échéance, l’époux doit s’acquitter du montant convenu (Article 31 )
188




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adressée à l’épouse s’élèverait seulement à 1 dinar symbolique, soit l’équivalent de 30 centimes
d’euros…
160. Le consentement est un autre point sur lequel le législateur est intervenu même si en
principe le
Coran mentionne l’exigence du consentement de la femme au mariage681. Dans le
cadre d’un enfant mineur, le mariage reste possible dans les cas prévus par la loi. Le législateur
tunisien est venu pallier une inégalité de sexe en exigeant le consentement de la mère au mariage
de son enfant mineur. La loi du 12 juillet 1993 prévoit la subordination du mariage du mineur
au consentement maternel au même titre que celui de l’époux682. Jusqu’à la promulgation de
cette loi, le père étant le tuteur de l’enfant mineur, la mère était considérée comme tutrice légale
que dans deux hypothèses. Son consentement se trouvait nécessaire pour la validité du mariage
de l’enfant, soit en cas de décès du père ; soit en cas d’incapacité juridique de ce dernier. Aussi,
en droit tunisien, contrairement à d’autres pays musulmans, la règle du tuteur matrimonial pour
les femmes majeures n’existe-t-elle pas.
161. En Algérie, comme au Maroc, le mariage continu à obéir aux règles du droit
musulman classique à des degrés différents. En Algérie comme au Maroc, les codes de la
famille continuent à autoriser la polygamie. Le code de 2005 algérien continue d’autoriser la
polygamie comme le code de 1984683. La polygamie repose sur un droit «charaïque» et le texte
y fait directement référence en limitant le nombre d’épouses à celle prévue par la Charia. Celle-
ci limite le nombre de femmes à quatre. Il est possible de «contracter mariage avec plus d’une
épouse dans les limites de la “chari’â” si le motif est justifié, les conditions et l’intention
d’équité réunies ». Aussi, la polygamie apparaît comme un droit conditionné. Épouser quatre
femmes n’est possible que si le principe d’équité est respecté. Concrètement, l’équité se traduit
par des moyens matériels et financiers de l’époux, c’est-à-dire sa capacité à subvenir aux
besoins des épouses. Il doit se trouver capable d’assurer équitablement ses obligations relatives
au logement et aux aliments. Toutefois, la notion de «motif justifié » reste floue. L’article 8 du
Code de 1984 a fait l’objet d’une circulaire qui apporta des précisions sur la notion. La
681 L’Article 3 du Code du statut personnel tunisien dispose : « Le mariage n’est formé que par le consentement
des deux époux. La présence de deux témoins honorables et la fixation d’une
dot au profit de la femme sont, en
outre, requises pour la validité du mariage
.»
682 Loi n°93-74 du 12 juillet 1993. L’article 6 nouveau de la loi de 1993 dispose : «le mariage du mineur est
subordonné au consentement de son tuteur et de sa mère. En cas de refus du tuteur ou de la mère et persistance du
mineur, le juge est saisi. L’ordonnance autorisant le mariage n’est susceptible d’aucun recours. »
683 Le droit positif algérien prévoit dans son nouvel article 8 la polygamie.
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Page 191
circulaire684 ordonne aux procureurs de la République et aux officiers d’état civil de veiller au
respect des conditions énoncées par l’article 8 et notamment le «juste motif ». Sous l’empire
du Code de 1984, ces justifications permettaient au notaire et à l’officier d’état civil de procéder
à la célébration d’un second mariage. En l’absence de motif justifié par l’état de santé évoqué,
le juge disposait d’un pouvoir d’appréciation sur les motifs invoqués par le mari pour justifier
sa demande et rendre un avis favorable ou non. Si la réponse est positive, l’officier d’état civil
ou le notaire peuvent enregistrer un second contrat de mariage. Cette possibilité de contracter
un second mariage alors que l’homme est encore lié à une précédente épouse devient possible
qu’en l’absence de toute clause qui interdit de contracter un deuxième mariage dans le premier
contrat de mariage685.
162. Au Maroc, dès le préambule du nouveau code, le législateur fait référence à la
polygamie. La polygamie devient un droit des plus riches. Le législateur justifie le droit à la
polygamie, comme le «respect des desseins de l’Islam tolérant qui est attaché à la notion de
justice, à telle enseigne que le Tout-Puissant a assorti la possibilité de polygamie d’une série
de restrictions sévères : “Si vous craignez d’être injustes, n’en épousez qu’une seule».
Néanmoins, le législateur interprète les dispositions coraniques en expliquant que «le Très-
Haut a écarté l’hypothèse d’une parfaite équité, en disant en substance : “vous ne pouvez
traiter toutes vos femmes avec égalité, quand bien même vous y tiendriez” ». La femme
marocaine dispose du même droit que la femme algérienne. Elle peut empêcher une demande
de polygamie à la condition de consigner dans l’acte la renonciation du mari à son droit de
polygamie. Si aucune disposition contractuelle ne prévoit cette renonciation, le mari peut
convoquer la première femme et demander son consentement puis informer la deuxième que
son conjoint est déjà marié, et recueillir également son assentiment. Si autrefois la polygamie
n’était pas contrôlée, le législateur marocain a changé de stratégie en encadrant plus strictement
le comportement du futur polygame envers son épouse. Il octroie la possibilité à l’épouse lésée,
en cas de défaut de notification
686, le droit de demander l’application, à l’encontre de l’époux,
de la sanction prévue par l’article
361 du Code pénal687. Elle peut aussi faire appel à l’article 45
684 Circulaire n°14 du 22/ 08/ 1985. Relative la direction des affaires civiles du ministère de la Justice de 1985.
Cette dernière était adressée aux procureurs de la République et aux officiers d’état civil)
685 Article 19 du nouveau code de la famille.
686 (pour cause d’adresse erronée communiquée de mauvaise foi par son époux ou pour falsification du nom ou du
prénom de l’épouse)
687 Article 361 dispose « Quiconque se fait délivrer indûment ou tente de se faire délivrer indûment un des
documents désignés à l'article précédent, soit en faisant de fausses déclarations, soit en prenant un faux nom ou
une fausse qualité, soit en fournissant de faux renseignements, certificats ou attestations, est puni de
l'emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 120 à 300 dirhams. Le fonctionnaire qui délivre ou
190




Page 192
qui prévoit les modalités du divorce pour la femme qui refuse de se voir adjoindre par son mari
une autre femme688. Le jugement de divorce ne peut faire l’objet d’aucun recours dans sa partie
qui met fin à la relation conjugale.689 Le droit marocain et le droit algérien ont beaucoup de
points de convergences, mais le droit marocain reste plus procédurier et détaillé dans ses
dispositions. Un sens du détail qui rend les dispositions applicables inintelligibles.
2) Le régime légal et le contrat de mariage
163. Dans les trois pays du Maghreb, le régime matrimonial légal reste celui de la
séparation des biens. Cependant, les parties peuvent choisir librement un autre régime tel celui
de la communauté lors de la conclusion du mariage. Il n’y a rien d’étonnant dans le fait de voir
les codes des trois États être traversés par le principe de séparation des biens. Le régime légal
résulte de la tradition islamique qui prévoyait la libre disposition des biens propres à la femme.
La Charia distingue les biens de la femme et ceux du mari. En cas de contestation entre les
époux au sujet de la propriété des biens qui se trouvent au domicile conjugal et d’absence de
preuve, la répartition des biens s’effectuera en fonction de ce qui appartient habituellement aux
hommes et ceux aux femmes. Ce principe s’applique en cas de contestations entre les
conjoints
690.
164.
Il convient de relever les spécificités existantes en Algérie et au Maroc. S’agissant du
Maroc, la réforme du Code de la famille a introduit la possibilité pour les époux d’établir un
fait délivrer un des documents désignés à l'article 360 à une personne qu'il sait n'y avoir pas droit, est puni de
l'emprisonnement d'un à quatre ans et d'une amende de 250 à 2 500 dirhams, à moins que le fait ne constitue l'une
des infractions plus graves prévues aux articles 248 et suivants. Il peut, en outre, être frappé de l'interdiction de
l'un ou plusieurs des droits mentionnés à l'article 40 pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. Les peines
édictées à l'alinéa 1er sont appliquées à celui qui fait usage d'un tel document, le sachant obtenu dans les conditions
précitées, ou établi sous un nom autre que le sien ». Disponible en ligne sur le site internet du Ministère et de la
Justice. [https://adala.justice.gov.ma/production/legislation/fr/Nouveautes/code%20penal.pdf]
688 L’Article 45 dispose : « lorsqu’il est établi, au cours des débats, l’impossibilité de la poursuite de la relation
conjugale et que l’épouse dont le mari envisage de lui adjoindre une épouse persiste à
demander le divorce, le
tribunal fixe un montant correspondant à tous les droits de l’épouse et de leurs enfants que l’époux a l’obligation
d’entretenir. L’époux doit consigner la somme fixée dans un délai n’excédant pas sept jours. Dès la consignation
de la somme, le tribunal prononce un jugement de divorce».
689 Prévue aux articles 94 à 97 du même code. Lorsque l’époux ne consigne pas la somme demandée qui correspond
à tous les droits de l’épouse et de leurs enfants, dans le délai imparti, cela sera consi
déré comme une renonciation
de l’époux à sa demande de prendre une autre épouse. Si l’époux persiste à demander l’autorisation de prendre
une autre épouse et que la première ne donne pas son accord, sans pour autant demander le divorce, le tribunal
appliqu
e, d’office, la procédure de discorde (Chiqaq)
690 Exemple Article 26 du CSP.
191






Page 193
contrat de mariage dans lequel ils prévoient la gestion de leurs biens acquis pendant le
mariage691. Le contrat peut être rédigé par voie adoulaire. Les époux doivent se mettre d’accord
sur le contenu des clauses du contrat. Ces dernières ne doivent pas se trouver contraires aux
buts du mariage692. L’article 67 du CFM établit une liste exhaustive des pièces constitutives de
l’acte de mariage. Quant à l’Algérie, «Chacun des deux époux conserve son propre
patrimoine
»693. Toutefois, les deux conjoints peuvent convenir, « dans l’acte de mariage ou par
acte authentique ultérieur, de la communauté des biens acquis durant le mariage et déterminer
les proportions revenant à chacun d’entre eux ».
C) Le principe d’égalité en matière de divorce
165. Le principe d’égalité relatif aux effets du divorce. En vertu de l’égalité et de l’équité
entre les deux conjoints, le législateur a introduit des dispositions pour atteindre l’objectif
paritaire. Il institue le divorce par consentement mutuel, sous contrôle judiciaire. C’est au bout
d’un long processus législatif que le Maroc et l’Algérie ont franchi le pas en matière de divorce.
L’objectif poursuivi tend à rendre le divorce accessible à l’homme et à la femme. Mais aussi à
renforcer la protection des femmes à l’encontre de certaines dérives. En Tunisie, depuis 1956,
le code prévoit la dissolution du mariage par le divorce
694. Ce dernier ne peut avoir lieu que
devant le tribunal
695. Aussi, un divorce prononcé par une autorité religieuse n’aurait-il aucun
effet juridique. Le divorce par consentement mutuel est également prévu
696. Le divorce peut
être demandé à l’initiative de la femme ou du mari697. Il prohibe le mariage de l’homme avec
la femme «dont il avait été divorcé trois fois»698.
166. Le préambule marocain évoque le divorce comme l’un des objectifs fixés par la réforme.
La répudiation existe en Algérie et au Maroc. Le divorce n’est pas un droit exercé, car il n’est
691 L’article 49 du code marocain dispose : «Les deux époux disposent chacun d’un patrimoine propre. Toutefois,
les époux peuvent se mettre d’accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront
acquis pendant leur mariage. Cet accord fait l’objet d’un document distinct de l’acte de mariage. Les Adour
avisent les deux parties, lors de la conclusion du mariage, des dispositions précédentes. À défaut de l’accord
susvisé, il est fait recours aux règles générales de preuve, tout en prenant en considération le travail de chacun
des conjoints, les efforts qu’il a fournis et les charges qu’il a assumées pour fructifier les biens de la famille. »
692 art.39duCFM)
693 Article 37 du CFA
694 Article 29 du CSP.
695 Article 30 du CSP ;
696 Article 31 du CSP modifié par la loi n° 81 -7 du 18 février 1981.
697 Article 31 du CSP modifié par la loi n° 81 -7 du 18 février 1981.
698 Article 19 du CSP.
192






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pas considéré comme une alternative à la répudiation. Le législateur marocain en vertu de
l’égalité des sexes veut renforcer les dispositions en matière de divorce. Pour cela, il introduit
la possibilité pour la femme dont le mari vient de prendre une deuxième épouse de réclamer le
divorce. Il veut également faire du divorce un moyen de dissolution matrimoniale exercé par
les deux conjoints. Cette faculté est soumise aux conditions légales propres à chacune des
parties et sous contrôle judiciaire. Il s’agit, pour le législateur, de restreindre le droit de divorce
reconnu à l’homme et prévenir un usage abusif de ce droit. Pour atteindre cet objectif, il prévoit
de renforcer les mécanismes de conciliation et d’intermédiation avec l’intervention de la famille
et le juge. Le préambule affirme que le pouvoir de divorce revient au mari et que l’épouse en a
la prérogative par le biais du droit d’option. Dans ce cadre, le législateur renforce le rôle du
juge en matière de divorce. Avant d’autoriser le divorce, il doit s’assurer que la femme divorcée
bénéficiera de tous les droits qui lui sont reconnus. La nouvelle procédure de divorce adoptée
requiert l’autorisation préalable du tribunal. Il requiert aussi le règlement des droits dus à la
femme et aux enfants par le mari, avant l’enregistrement de celui-ci. Elle consacre
l’irrecevabilité du divorce verbal dans des cas exceptionnels.
167. La réforme a pour objectif d’élargir le droit dont dispose la femme pour demander le
divorce judiciaire, pour cause de manquement du mari. Ce manquement peut résulter du non-
respect à l’une des conditions stipulées dans l’acte de mariage ou en raison du préjudice subi
par la conjointe
699. Le mariage de la femme divorcée avec un tiers annule l’effet des trois
divorces avec le premier époux ; le mariage de nouveau avec le premier époux peut faire l’objet
de trois nouveaux divorces700.
168. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas ici d’étudier le droit du divorce en tant que tel. Nous
constatons que le droit de divorcer par consentement mutuel est consacré dans les trois États.
Toutefois, une asymétrie demeure entre l’homme et la femme. En effet, le principe d’égalité se
heurte à la répudiation et à la polygamie. Ce faisant, même si le renforcement du divorce est
une avancée, la rupture de l’égalité homme-femme subsiste. Pour dire les choses autrement,
l’objectif poursuivi par le législateur permet d’atténuer l’inégalité entre les sexes, mais ne la
fait pas pleinement disparaître. Cette inégalité continue d’ailleurs à s’exercer dans le cadre des
699 (tel que le défaut d’entretien, l’abandon du domicile conjugal, la violence ou tous autres sévices, et ce,
conform
ément à la règle jurisprudentielle générale qui prône l’équilibre et le juste milieu dans les relations
conjugales)
700 Article 39 CMF.
193





Page 195
effets du divorce. Toutefois, de manière heureuse, il est possible d’identifier des avancées
positives pour l’égalité. Deux exemples permettent d’en prendre la mesure : la garde de l’enfant
(1), qui est une avancée substantielle, et l’institution du juge de la famille (2), qui est une
avancée institutionnelle (3).
1) La garde de l’enfant en cas de divorce : des réformes vers plus d’égalité
169. En France, comme dans les pays du Maghreb, les juges accordent souvent les droits de
garde des enfants701 aux mères et les pères versent une pension alimentaire. En Tunisie, comme
au Maroc et en Algérie la notion d’autorité parentale partagée n’existe pas. En Algérie, la notion
même d’autorité parentale reste inexistante. Dans le cadre des trois États, la loi distingue les
prérogatives accordées à la mère de celles attribuées au père. Celles qui concernent la mère se
rapportent à l’exercice du droit de garde et celles rattachées au père sont celles détenues par le
représentant légal de l’enfant c’est-à-dire le tuteur. En Tunisie, le tuteur est celui qui exerce
l’autorité parentale. Le droit de garde consiste communément dans les trois pays à celui relatif
à la garde physique de l’enfant.
170. En Tunisie, le droit de regard sur les affaires de l’enfant était confié à la garde de l’un
des parents. L’ancien article 60 du code du statut personnel reconnaissait ce droit uniquement
au père ou au tuteur. Dans un souci égalitaire, l’article est modifié en partie pour rectifier le
caractère discriminatoire de la disposition. L’autre raison consiste à renforcer les mécanismes
inhérents au suivi des affaires de l’enfant. La mère jouit du même droit même si le tuteur
demeure le père
702. Lorsque les parents sont mariés, la garde appartient aux père et mère703.
171. Une série de mesure dans le sens de la protection de la famille et de la femme est prise
par le législateur. À titre d’exemple, avant l’intervention du législateur, en cas de divorce, la
tutelle de l’enfant n’était reconnue qu’au père. Depuis la loi du 12 juillet 1993, l’article 67
nouveau du CSP dispose qu’« En cas de dissolution du mariage par décès, la garde est confiée
aux survivants des pères et mères. Si le mariage est dissous du vivant des époux, la garde est
701 S. BEN ACHOUR, Enfance disputée : les problèmes juridiques relatifs aux droits de garde et de visite après
divorce dans les relations franco-maghrébines,
CPU, Tunis, 2004.
702 En effet, l’article 60 nouveau dispose : « le père, le tuteur et la mère de l’enfant peuvent avoir un droit de regard
sur ses affaires, pourvoir à son éducation et l’envoyer aux établissements scolaires, mais l’enfant ne peut passer la
nuit que chez celui qui en a la garde, le tout sauf décision contraire du juge pris dans l’intérêt de l’enfant ».
703 Article 57 du CSP modifié par la loi n°66-49 du 3 juin 1966.
194







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confiée soit à l’un d’eux, soit à une tierce personne. Le juge en décide en prenant en
considération l’intérêt de l’enfant ». Il est également intervenu en matière de domicile de la
garde. Le CSP obligeait le père divorcé à pourvoir au logement de l’enfant et de la personne
titulaire de la garde, dans le cas où elle ne disposerait pas de logements. En 2008, pour pallier
les manœuvres de certains pères en vue de contourner la loi, le législateur a renforcé cette
obligation
704 dans l’hypothèse où le domicile conjugal appartient au père. La titulaire de la
garde bénéficie d’un droit de maintien dans les lieux. Si le père n’est que le locataire du
domicile, le père est tenu de l’obligation de payer le loyer. Toutefois, en cas de changement de
circonstances, le jugement relatif à l’hébergement de la mère titulaire de la garde et de l’enfant
peut être révisé par voie de référé. Le législateur prévoit que si le père est propriétaire du
logement, il garde le droit de l’hypothéquer ou de le céder, mais il doit respecter une condition.
Ce dernier doit faire mention, au sein du titre d’hypothèque ou de cession, que le logement visé
est un logement de garde. Le non-respect de cette condition peut entraîner des poursuites
pénales du père. Le législateur a prévu une sanction pour le père qui résilie sciemment le bail,
en collusion avec le bailleur, ou qui ne s’acquitte pas du montant du loyer. S’il prive la mère
titulaire de la garde et l’enfant d’occuper le local d’habitation, le père encourt des poursuites
pénales705. Le législateur prévoit également des dispositions protectrices au conjoint du
locataire. Il prévoit le bénéfice du droit de maintien dans le logement en cas de décès du mari
et/ou père ou son abandon du domicile conjugal. La loi précise que le droit de maintien dans
les lieux loués est transféré au conjoint du locataire, à ses enfants mineurs jusqu’à leur majorité
à certaines conditions précises706. Le fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente
de divorce est également réformé. Il est prévu par la loi du 5 juillet 1993707 et du décret du 9
août
708. L’objectif réside dans le fait de substituer le fonds au père ou à l’ex-époux qui se trouve
défaillant. Il faut procéder en lieu et place au paiement à la femme divorcée de la rente de
divorce et/ou de la pension alimentaire. Le décret du 16 mars 1998709 vient modifier le décret
du 9 août 1993710. L’objectif consiste en la conformité des anciennes dispositions (du décret)
avec les nouvelles
711. Désormais, le versement de la pension alimentaire aux enfants qui
704 (avec la rédaction de l’article 56 nouveau du Code du Statut personnel qui prévoit)
705 (en vertu de l’article 56 bis) Le père encourt les mêmes sanctions dans le cas où il resterait un mois sans
s’acquitter de la pension de logement. Toutefois, dans les deux dernières hypothèses, le père ne peut faire l’objet
de poursuite, dans le même temps, pour avoir failli à ses obligations.
706 Article 3 de la loi n°93-122 du 27 décembre 1993 modifiant la loi n° 76-35 du 18 février 1976.
707 Loi n°93-65 du 5 juillet 1993
708 Décret n°93-1655 du 9 août 1993
709 Décret n°98-671 du 16 mars 1998
710 décret du 9 août 1993 relatif à la procédure d’intervention du fonds de garantie)
711 ( celles de l’article 46 du code du statut personnel)
195



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poursuivent leurs études jusqu’à leurs vingt cinquièmes années est maintenu. Pour les filles sans
ressource, et celles qui n’incombent pas à la charge du mari, le versement est également
maintenu, et ceux sans limites d’âge. En cas de récidive du débiteur récalcitrant,712 le fonds de
garantie continue systématiquement le versement des montants dus aux bénéficiaires. Sans
qu’elles soient dans l’obligation de fournir une fois par trimestre une attestation relative à la
suite réservée au procès d’abandon de famille713.
172. Au Maroc le droit de garde de l’enfant est désigné comme étant l’hadana714. Selon
l’article 164 du Code de la famille marocaine la garde715 est attribuée conjointement à la mère
et au père «tant que les liens conjugaux subsistent», contrairement au droit de tutelle. En cas
de divorce ou de décès du père, la garde revient à la mère
716. Dans certaines hypothèses, telle
que le remariage, elle peut perdre son droit de garde dans certaines situations.
173. Du point de vue juridique algérien, le principe d’égalité des sexes ne s’applique pas aux
dispositions relatives à la garde de l’enfant. D’une part, le droit de tutelle, en cas de divorce, ne
peut s’exercer que par un seul des conjoints et non pas communément et de manière égalitaire.
C’est celui qui détient la garde de l’enfant qui exerce le droit de tutelle. Autrement dit, le
caractère inégalitaire des dispositions résulte de sa substance même qui opère une distinction
selon le sexe
717. La mère perd sa prérogative relative à la garde de l’enfant de sexe masculin à
l’âge de 10 ans
718 alors qu’elle continue à exercer ce droit sur l’enfant de sexe féminin jusqu’à
l’âge de 19 ans révolu. Même s’il n’y a aucune obligation pour la jeune fille de se marier à 19
ans, le législateur semble rester dans une logique patriarcale. Si le jeune garçon se voit la
possibilité d’échapper à la tutelle de sa mère dès l’âge de 10 ans, il demeure sous sa garde
jusqu’au moment où elle peut légalement trouver un autre «gardien», éventuellement en la
personne de l’époux. En Algérie, le titulaire du droit de garde peut se faire déchoir de son droit
de garde lorsque celui-ci se marie avec une personne non liée à l’enfant par une parenté de
712 Décret n°98-671 du 16 mars 1998
713 ( conformément aux dispositions de l’article 6 alinéa 2 du décret du 9 août 1993).
714 C’est l’article 163 alinéa 1 du Code de la famille marocain qui vient préciser que «la garde consiste à préserver
l’enfant de ce qui pourrait lui être préjudiciable, l’éduquer et veiller à ses intérêts.»
715 La personne chargée de la garde est tenue de prendre toutes dispositions nécessaires à la préservation et à la
sécurité, tant physique que morale, de l’enfant soumis à la garde. Il doit également veiller à ses intérêts en cas
d’absence de son représentant
légal et en cas de nécessité, si les intérêts de l’enfant risquent d’être compromis. Ici,
il s’agit essentiellement de l’éducation de l’enfant et de la sauvegarde de son état de santé.
716 (art. 171 du CFM)
717 Art. 65 alinéa 1 du CFA
718 Art. 65 alinéa 2 du CFA. Aussi Le juge prolonge cette période jusqu’à seize ans révolus pour l’enfant de sexe
masculin placé sous la garde de sa mère si celle-ci ne s’est pas remariée.
196





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degré prohibé719. La personne titulaire du droit de garde a l’obligation de se remarier avec un
membre de la famille de l’enfant pour conserver ce droit de garde. Autrement dit, la mère qui
se marierait avec l’oncle paternel de l’enfant ne risquerait pas de perdre son droit de garde.
Ensuite, ce droit de garde cesse également lorsque le titulaire du droit de garde ne remplit pas
l’une des conditions prévues à l’article 62720 du même code. Le législateur précise que
l’exercice d’une activité professionnelle de la femme ne peut la priver de son droit de garde.
Mais l’intérêt de l’enfant demeure au cœur de la décision de la dévolution de la garde721. Enfin,
le défaut d’entretien de l’enfant peut constituer l’une des conditions qui peuvent faire cesser la
garde de l’enfant, car conformément à l’article 62 il y a une obligation positive à assurer la
charge de l’enfant.
2) L’institution du juge de la famille en Tunisie : une démarche égalitaire
institutionnelle
174. La tentative de conciliation. C’est en 1993 qu’est créé la fonction du juge de la famille.
Avant cette date, la tentative de conciliation entre les époux préalables à tout examen d’une
affaire en divorce pouvait relever de la compétence de n’importe quel juge, sans aucune
condition d’expérience et d’ancienneté. Depuis 1993, la mission d’effectuer la tentative de
conciliation est dévolue au JAF. Le JAF est un magistrat du second grade choisi parmi les vice-
présidents du président du tribunal de première instance. Cette nouvelle institution a permis
d’envisager autrement la relation entre la femme et l’homme dont l’individualité est prise en
compte. Cette individualité nous la retrouvons dans les comportements, mais aussi dans la
gestion du divorce. Le Juge de la famille (JAF) a un rôle pivot dans le déroulé de la procédure
et dans la prise de décisions dans certaines affaires. Dans le premier cas, nous pouvons évoquer
l’exemple de la garantie de la notification de l’assignation en divorce. Lorsque l’époux-
défendeur (contre lequel est intentée l’action) n’a pas été personnellement touché par la
signification, et qu’il ne comparaît pas à l’audience de conciliation, le Juge de la famille, pour
éviter toute tentative de fraude à la loi, il est dans l’obligation de veiller à faire parvenir
l’assignation personnellement. Toute manœuvre qui a pour but d’empêcher la notification de
719 Art. 66 du CFA
720 Art. 62. « Le droit de garde (hadana) consiste en l’entretien, la scolarisation et l’éducation de l’enfant dans la
religion de son père ainsi qu’en la sauvegarde de sa santé physique et morale. Le titulaire de ce droit doit être
apte à en assurer la charge. »
721 « Art. 67. Le droit de garde cesse lorsque sa ou son titulaire ne remplit plus l’une des conditions prévues à
l‘article 62 ci- dessus.
Le travail de la femme ne peut constituer un motif de déchéance du droit de garde.
Toutefois, il sera tenu compte, dans tous les cas, de l’intérêt de l’enfant ».
197




Page 199
l’assignation à l’époux-défendeur est sanctionnée par la loi. En ce sens, l’article 32 bis de la
CSP introduit par la loi du 12 juillet 1993 érige ce manquement en un délit
722. Dans la seconde
hypothèse où le juge dispose d’un rôle important dans la gestion du divorce et la prise en compte
de l’individualité, nous allons évoquer l’exemple de la conciliation. Dans le droit tunisien, il
existe une multiplication du nombre des séances de conciliation. Le législateur a prévu trois
audiences de conciliation qui doivent être séparées par l’intervalle d’un mois, lorsqu’il existe
un ou plusieurs enfants mineurs. Le but est de donner un délai de réflexion conséquent aux
époux au vu d’un éventuel retour sur leur décision de divorce et, le cas échéant, trouver un
accord sur les mesures relatives au logement, la garde des enfants, leur visite et la pension
alimentaire. Le Juge de la famille prend aussi des mesures urgentes. Il est chargé de prendre ce
type de mesures lorsqu’il s’agit de la garde des enfants, du droit de visite, la pension alimentaire
de l’épouse et des enfants et ainsi que la résidence des époux en instance de divorce. Ainsi, les
rapports et les droits des parents sont encadrés.
§2. La question de l’élargissement de l’égalité en matière successorale
175. Le débat controversé sur les successions. Prolonger les dispositions du droit classique
musulman et garantir le droit des successions selon la règle islamique sont deux potentiels effets
de l’ambiguïté de la Constitution tunisienne. L’égalité homme-femme est consacrée dans la
Constitution pour anticiper les inégalités de fait. Elle offre au législateur la possibilité de mettre
en œuvre l’égalité homme-femme malgré l’existence de dispositions concurrentes dans la
Constitution. Cette anticipation cache parfois une intention d’éviter le débat sur la question
successorale. L’égalité homme-femme prend principalement la forme d’une disposition
déclarative qui consacre l’égalité homme-femme dans tous les domaines, mais tout en
respectant «le sacré ». L’Etat est garant du contenu de la Constitution et il est le gardien du
sacré. Il possède clairement la capacité de verrouiller la diffusion de l’égalité homme-femme,
voire à tout le moins, la capacité de brider l’égalité des droits qui pourrait s’y exercer. En
utilisant une méthode hypothético-déductive, nous allons essayer de démontrer que l’objectif
principal de ces dispositions consiste très souvent à éluder le degré d’incertitude, voire de
crainte devant la diffusion sans réserve du droit à l’égalité homme-femme. Avec l’existence de
ces dispositions, le législateur, en collusion avec les partis politiques, arrivera non seulement à
722 Article 32 bis dispose : « Est passible d’une peine d’emprisonnement d’un an, celui des époux qui use de
manœuvres frauduleuses dans le but d’empêcher que la signification ne parvienne à son conjoint 
».
198





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prolonger le monopole des dispositions islamiques en matières successorales, mais aussi à
consolider la principale limite législative en matière d’égalité homme-femme. Toutefois, on
constate depuis deux ans qu’il existe un véritable amorçage de la mise en conformité de la loi
ordinaire à la Constitution. Il s’agit du débat controversé des successions. Nous nous
efforcerons donc de démontrer notre assertion par l’utilisation d’une méthodologie juridique
solide et éprouvée.
176. L’égalité dans le domaine successoral doit être analysée dans un ordre juridique global
qui semble ne pas avoir pour finalité une conception réelle de la justice.
Pour ce faire, nous
nous concentrerons tout d’abord sur la complexité du régime musulman des successions (A)
avant d’examiner les effets inégalitaires et inconstitutionnels du droit des successions (B).
A) La complexité du droit des successions
177. La complexité du droit des successions remet en cause la nature même du droit, qui peut
aller jusqu’à sa capacité à rechercher des solutions qui assurent la prise en considération de
l’interaction entre systèmes dynamiques
723. La complexité du droit des successions se
caractérise non pas par son caractère unidimensionnel, mais parce que ce droit associe des
systèmes de nature différente qui ne peuvent se méconnaître
724. C’est pourquoi nous soutenons
l’idée que la mise en œuvre de l’égalité homme-femme en matière socio-économique est
entravée. Cette entrave s’explique par la persistance d’une dualité normative (1) qui a pour effet
d’accorder un caractère immuable à l’inégalité successorale (2).
1) L’existence d’une dualité normative
société
723 G. RABU, « La mondialisation et le droit : éléments macrojuridiques de convergence des régimes juridiques »,
Revue internationale de droit économique, 2008/3 (t. XXII, 3), pp.335-356 ; Y. TANGUY, A.-.J. ARNAUD,
Droit,
[http://www.reds.msh-paris.fr/
communication/textes/poitiers.htm#]
724 Y. BEN ACHOUR, « L’articulation du droit musulman et du droit étatique dans le monde arabe actuel » in
Lectures contemporaines du droit islamique (dir. F. FREGOSI), Presses Universitaires de Starsbourg, 2004,
p. 111.
table-ronde,
complexité,
Disponible
sur
et
199








Page 201
178. Dans cette relation de dualité normative725, l’égalité successorale s’est longtemps
présentée sous une forme sacrée, marquant la limite juridique du droit positif tunisien. Cette
dualité met le système juridique en situation de concurrence avec d’autres systèmes normatifs.
Cette concurrence va rendre difficile la délimitation des frontières de ce qui constitue une source
formelle du droit et ce qui ne le constitue pas. C’est de cette interrogation sur l’existence d’une
cohabitation des normativités qu’est née la réflexion assez polémique sur l’inter-normativité
dont le CSP à travers son droit successoral est une illustration.
179. Le Professeur BEN ACHOUR considère que le CSP n’est « pas totalement» un code
laïc, «
 mais qu’il est très peu »726 un code de droit musulman727. À la question de savoir si le
code est laïque ou religieux, nous répondrons que sur le plan de son adoption, qu’il est le produit
d’un État civil dont le régime politique de l’époque avait adopté une approche laïque, dans la
pratique institutionnelle post-indépendance de 1956. Sur le plan substantiel, les règles étant
explicites et traduites dans l’ordre du droit positif, elles restent aussi le produit d’un processus
législatif dépourvu de tout caractère religieux. Seules la référence et l’inspiration de la règle
restent religieuses. Néanmoins, le fait de garder aussi longtemps une disposition inégalitaire
dans le système juridique tunisien pour des considérations de compatibilité religieuse
n’érigerait-elle pas la religion en constituant l’ordre public tunisien au détriment du principe
d’égalité homme-femme?
180. Les filles et les fils disposent du même degré de parenté. C’est pourquoi ils doivent être
traités de manière égale en attribuant à la fille la même quote-part que celle sui revient au fils.
Placés dans des situations comparables et identiques, ils doivent disposer des mêmes droits. De
ce fait, le droit va donner une véritable substance au principe d’égalité des sexes qui est érigé
au rang de principe constitutionnel, et ainsi dépasser le caractère déclaratoire de ce droit
fondamental. Où l'on voit se confirmer le jugement suivant du Professeur Mezghani :«la
confusion entre le religieux et le juridique fut une construction historique et leurs séparations
725 On entend la dualité normative comme étant les sources de références de la structure juridique tunisienne. Elles
sont déterminées par la présence simultanée de règles juridiques qui s’inspirent du Coran et par celles héritées du
colonialisme et de l’impor
tation volontaire de systèmes étrangers,
726 Y. BEN ACHOUR, « L’articulation du droit musulman et du droit étatique dans le monde arabe actuel » in
Lectures contemporaines du droit islamique (dir. F. FREGOSI), Presses Universitaires de Starsbourg, 2004,
p. 111.
727 S. PAPI La pérennité de l’Islam et l’influence occidentale dans l’ordre juridique du Maghreb, (Algérie, Libye,
Maroc, Mauritanie et Tunisie), Thèse de doctorat, Université de Nice Sophia-Antipolis, CHARVIN (Robert), dir.,
2004.
200





Page 202
sont l’effet d’une déconstruction de l’histoire »728. De même, il faut admettre que les inégalités
homme-femme sont aussi fondées sur leur caractère historique. Elles doivent faire l’objet d’une
déconstruction, au sens de critique de ce concept. Cette déconstruction ne peut s’inscrire qu’à
travers un courant rationnel, déjà incarné par Tahar Hadad et par Averroès (Ibn Rushd) qui
admettait qu’il était possible d’adapter les normes et le cadre juridique par rapport aux
changements sociaux. Cette adaptation n’était possible que dans le cadre de la religion et non
pas en dehors de cette dernière. La légitimité de la redécouverte de la norme juridique ne pouvait
que se fonder sur l’interprétation du texte religieux. Autrement dit, la remise en cause du
caractère inégalitaire de la règle passe toujours par une légitimation religieuse de la norme.
Cette logique n’entre pas dans celle du droit séculier alors même que la création du Code émane
des instances étatiques, institutionnelles à caractère civile.
181. Certains estiment que nous sommes tous simplement en présence d’un décalage entre la
norme et la réalité sociale, voire d’un « anachronisme de la règle»729. Néanmoins, c’est à de
multiples occasions que «les juges du fond ont, à plusieurs reprises, affirmé que la liberté de
religion est un principe fondateur de l’ordre juridique tunisien et que la foi, relevant de l’intime
conviction, ne peut être invoquée, ni prouvée, ni fonder l’exercice d’un droit »730. En légitimant
les décisions sur un «
répertoire islamique»731, le juge contribue à son «intériorisation»732.
182. En ce sens, l’arrêt de la Cour d’appel de Nabeul de 2009733 en se fondant sur le corpus
islamique (versets du coran et hadiths) a reconnu la possibilité de successions entre musulman
et non-musulman. Dès lors, le juge confirmerait « la reconnaissance par l’ordre juridique positif
les religions du Livre»734, c’est-à-dire les deux autres religions monothéistes735. Des références
au droit public musulman ont été choisies par le juge lorsqu’il le pouvait. En effet, le professeur
Charfi déclare que « Les magistrats, presque tous de formation traditionnelle, l’ont mal reçu.
Bien sûr, ils ne l’ont pas mis hors la loi. Ils l’ont appliqué dans ses dispositions les plus claires :
abolition de la polygamie et de la répudiation... Mais dès qu’une disposition prêtait à équivoque
728 A. MEZGHANI, K. MEZIOU-DOURAÏ, L’égalité entre les hommes et les femmes en droit successoral, Sud
Editions-Tunis, 2006, p. 56.
729 Ibid.
730M. BEN JÉMIA, « Le juge tunisien et la légitimation de l’ordre juridique » in La Charia aujourd'hui : Usages
de la référence au droit islamique
(dir. B. DUPRET), La Découverte, 2012, p. 153, spéc. p. 163.
731 Ibid.
732 Ibid.
733 C. Cass, n° 31115 du 5 février 2009, Bull. C. Cass. 2009, p. 1, p. 291. RJL, mars 2009, p. 91.
734 M. BEN JÉMIA, « Le juge tunisien et la légitimation de l’ordre juridique », op. cit., p. 162.
735 Elle découle selon M. BEN JÉMIA de l’article 292 du code de procédure civile et commerciale.
201





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et exigeait une interprétation, ils en ont profité pour revenir au droit musulman. Il en est ainsi
pour les questions de divorce, de filiation, de garde des enfants, de disparité de religions en
matière de mariage et de successions, et dans les conflits internationaux... »
736
183. D’ailleurs, certains concepts du droit des successions sont directement puisés dans le
fiqh islamique dans le cadre du statut personnel737. Par la suite, dans la pratique, la doctrine
constate une sécularisation progressive du droit musulman qui s’explique par le phénomène de
la diversité et la disparité de culte en droit de la famille, tout particulièrement en matière de
successions et de la garde des enfants. Puis, cette sécularisation va s’étendre à d’autres
domaines, tels que la question du mariage de la Tunisienne avec un non-musulman.
2) Le caractère immuable de l’inégalité successorale
184. Le caractère sacré du référent religieux en matière de droit des successions lui confère
une «nature immuable»738. Les Professeurs Mezghani et Meziou-Douraï relèvent que la
réinterprétation possible de cette norme successorale en faveur de l’égalité reste « difficile»
pour deux raisons principales. Tout d’abord, son caractère sacré lui donne une forme de
légitimité religieuse. Ensuite, son application dans le temps739 lui confère une légitimité
historique. Aussi, la continuité de son application a constitué une tradition juridique qui a
complètement lié la main du législateur et des juges qui auraient voulu procéder à une
quelconque réforme, depuis le XIXe siècle 740 jusqu’au 13 août 2018. Date à laquelle Beji Caid
El Sebssi dépose un projet de loi devant l’Assemblée nationale relatif à l’égalité successorale.
185. Tout comme le Code civil français a voulu opérer une unification législative du droit
des successions, le droit positif tunisien
741 aura cette même vocation sans pour autant
ambitionner l’égalité et l’uniformité au sein du CSP. Si aujourd’hui en France, filles et garçons
736 M. CHARFI, Islam et liberté, le malentendu historique, Albin Michel, 1998, p. 216
737C’est le cas du terme même aceb qui désigne la parenté par les hommes) en arabe F. BELKANI, « La
jurisprudence civile et le
fiqh islamique » in Cinquante ans de jurisprudence civile, 1959-2009 (dir. M.
CHARFEDDINE), CPU, Tunis, (en langue arabe).

738 A. MEZGHANI, K. MEZIOU-DOURAÏ, L’égalité entre les hommes et les femmes en droit successoral, Sud
Editions-Tunis, 2006, p. 22.
739 Quatorze siècles. A. MEZGHANI, K. MEZIOU-DOURAÏ, L’égalité entre les hommes et les femmes en droit
successoral, Sud Editions-Tunis, 2006, p. 22.
740 Ibid.
741 M. ZEGHAL, « État et marché des biens religieux. Les voies égyptiennes et tunisiennes », in Critique
Internationale 1999, n° 5, pp. 75-95
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ont les mêmes droits dans la succession, car le partage est effectué de manière égalitaire, ce
n’est toujours pas le cas en Tunisie. Néanmoins, nous pouvons noter que ce n’est qu’avec la loi
française du 3 décembre 2001
742, que le conjoint survivant, notamment l’épouse, est considéré
comme héritier. Avant cette réforme, le système français s'inspirait d’une tradition qui remontait
au Code civil napoléonien et consistait à n’admettre que le conjoint survivant ne puisse hériter
que dans un seul cas : en l’absence d’héritiers jusqu’au douzième degré. Progressivement, le
législateur a amélioré la condition du conjoint survivant
743. Pour des raisons d’évolutions
économiques, sociales et culturelles inhérentes à la famille, la loi de 2001 vient apporter « un
rééquilibrage de la place du conjoint survivant », en lui accordant une vocation dans la
succession d’un quart de la succession en usufruit, sans lui accorder le rang d’héritier. Il faudra
attendre la loi du 23 juin 2006 pour que cela puisse être autorisé
744.
186.
Initialement, dans la tradition arabe, les classements d’héritiers se font par catégorie de
parts
745. Ils mettent dans la même catégorie tous ceux qui ont droit à la même part, quels que
soient leur origine et leur rang parmi les héritiers
.746 Cette tradition arabe favorisait les
hommes, car ils étaient les seuls bénéficiaires de la succession au sein de la famille, ainsi que
ceux qui étaient unis par un pacte de fraternité à ses hommes de la famille. Cette tradition a
connu des évolutions. Parmi ces évolutions, il existe celle réalisée par le prophète Mohamad
qui a voulu améliorer la situation des femmes. C’est ce qui a conduit à la création de deux
catégories d’héritiers.
747 En droit des successions, deux éléments sont nécessaires pour ouvrir
la succession.
187. Tout d’abord, elle ne s’ouvre qu’à la mort du de cujus. Ensuite, il doit exister un héritier.
Néanmoins, le droit positif tunisien prévoit la possibilité pour une personne de son visant de
742 Loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et
modernisant diverses dispositions de droit successoral, JORF, n°281 du 4 décembre 2001.
743 « Loi du 9 mars 1891 reconnaît un droit limité d'usufruit sur la succession, variable selon le degré de parenté
des autres successibles avec le défunt ; Son rang d'inscription dans la succession est ramené par la loi du 31
décembre 1917 du douzième au sixième ; Le conjoint survivant accède ensuite, avec les lois du 3 décembre 1930
et du 26 mars 1957 à des droits en pleine propriété sur la succession, même en l'absence de testament, à la condition
cependant qu'il n'y ait plus d'ascendants et de collatéraux dans au moins une ligne successorale. En revanche, il ne
se voyait reconnaître aucun droit particulier sur le domicile commun, le régime matrimonial étant censé y pourvoir
en lui permettant de recevoir, dans le cas d'une communauté, la moitié des biens communs ». Rapport d'information
n° 476 (2010-2011), «
le bilan d'application de la loi du 3 décembre 2001 sur les droits du conjoint survivant » de
D. LEGGE, J. MÉZARD, fait au nom de la commission des lois, déposé le 27 avril 201.
744 Loi française n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions en France, JORF le 24 juin 2006.
745 Voy. en ce sens R. JAMBU MERLIN, Le droit privé en Tunisie, LGDJ, 1960, p. 273, spéc. section VI les
successions.

746 Ibid., p.274.
747 Ibidem. p. 273
203





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partager ses biens au moyen de la donation. Autrement dit, les règles inégalitaires de la loi
peuvent être contourner dans le domaine.
188. Par ailleurs, L’article 89 du CSP prévoit deux catégories de personnes successibles : les
héritiers réservataires et les héritiers agnats. Tout d’abord, les héritiers réservataires748, nommés
en arabe
fardh, constituent les héritiers qui ont droit à une quote-part déterminée par la loi749 et
qui varient suivant la présence et le nombre d’autres héritiers. Ils sont prioritaires dans le partage
de la succession.
189. Ensuite, les héritiers agnats que la langue arabe désigne d’aceb constituent les parents
du
de cujus de sexe masculin et exclusivement de sexe masculin qui lui sont liés par des hommes
et seulement par des hommes750.Ils vont pouvoir recueillir le restant de la succession après que
les héritiers prioritaires ont disposé de leurs parts de l’héritage. Autrement dit, les héritiers aceb
qui représentent les hommes ont vocation générale à toute la succession alors que les seconds
héritiers qui représentent pour la plupart des femmes ont droit à des parts fixes plafonnées
751.
190. En outre, dans un premier temps, le droit successoral tunisien est différent par rapport
au droit successoral français en ceci : en Tunisie il n’existe pas d’ordre d’héritiers qui exclut un
autre ordre. Par conséquent, les descendants de la même manière que les ascendants, l’épouse,
l’époux et les collatéraux peuvent recueillir ensemble des quotes-parts d’héritage qui sont fixées
par la loi. C’est elle qui détermine ces derniers héritiers et ils sont identifiés comme les héritiers
réservataires constituant le premier ordre prioritaire des cohéritiers puisqu’ils vont recueillir en
priorité le partage de la succession. En clair, ce qui différencie le droit successoral tunisien du
droit successoral français, c’est qu’en Tunisie aucun ordre d’héritiers n’exclut un autre ordre
d’héritiers, si bien que les descendants, comme les ascendants, l’épouse, le mari et les
collatéraux peuvent recueillir ensemble des quotes-parts d’héritage fixées par la loi. Ensuite,
après l’affectation de l’héritage aux héritiers réservataires, s’il reste un reliquat de la succession,
ce reliquat doit être partagé sur les héritiers agnats qui sont déterminés par la loi et qui
constituent le deuxième ordre de co-héritiers. Dans un second temps, une fois que l’héritage est
748 Article 90 du CSP.
749 Article 91 du CSP. Les quotes-parts successorales sont au nombre de six : la moitié, le quart, le huitième, les
deux tiers, le tiers et le sixième.
750 Cette catégorie d’héritiers est composée de l’oncle consanguin et de ses fils, de l’oncle germain et de ses fils,
des frères germains et consanguins et de meurs fils.
751 Elles ne peuvent jamais dépasser la part fixée.
204






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affecté aux héritiers réservataires, dans le cas où il resterait un reliquat de la succession, celui-
ci est réparti entre les héritiers agnats, car ils sont déterminés par la loi comme constituant le
deuxième ordre de co-héritiers.
B) Les effets inégalitaires du régime successoral
191. Ces effets inégalitaires se justifient au regard de la substance (1) même de ce droit, mais
également au regard de sa finalité (2).
1) Au regard de la substance
192. Les dispositions relatives au droit successoral sont hautement inégalitaires. Le CSP
en matière d’héritage prescrit le droit d’accorder à la fille le droit d’hériter de la moitié de la
part reçue d’un homme par ses parents. Autrement dit, l’héritier reçoit une part double de celle
de l’héritière. Le législateur est intervenu pour atténuer cette inégalité en permettant aux filles
de bénéficier d’un rang préférentiel par rapport aux
agnats752.
752 Réforme de 1959 exclut de la succession les frères, neveux ou cousins, lorsque la descendance du défunt est
exclusivement féminine.
205






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De même, entre époux, dans la plupart des pays maghrébins753, l’épouse non musulmane n’a
pas le droit de recevoir un héritage
754. En Tunisie, il faut attendre l’année 1999755 pour que la
jurisprudence opère un véritable revirement dans le domaine
756. La Cour de cassation dans le
célèbre arrêt Thouraya juge que la différence de religion ne constitue pas un empêchement à la
successibilité de la femme mariée à un non-musulman
757. En effet, la Cour d’appel de Tunis a
confirmé, dans un premier temps dans son arrêt du 6 janvier 2004, qu’en accordant aux seuls
Tunisiens la possibilité de se marier avec des non-musulmanes sans accorder ce droit aux
femmes était contraire au principe d’égalité consacré par l’ancien article 6 de la Constitution de
1959
758. Puis, dans un second temps, elle valide cette interprétation dans deux jurisprudences
successives. En ce sens, la Cour de cassation dans un premier arrêt du 20 décembre 2004
759 et
753 De manière plus générale cette interdiction existe dans les pays arabes. À titre d’exemple la note de bas de page
illustrative de l’article de S. PAPI, «
De quelques discriminations juridiques à l’égard des femmes musulmanes
dans certains pays arabes », RDLD, 2016, chron.n°17. n.b.p. n° 61 ; « Code algérien de la famille, art. 30 alinéa 5.
Code marocain de la famille, art. 39 alinéa 4. Code de statut personnel mauritanien, art. 46. Code de statut
personnel syrien du 7 septembre 1953 (loi N° 59 de l’année 1953 amendé par la loi N° 34 de l’année 1975), art.
48. Code du statut personnel jordanien de 1976 amendé en 2001, art.33, al. 1er. Loi sur le statut personnel koweitien
(1984), art. 18-2. Egypte : art. 122 du code de Qadri Pacha. La revue « Al Hidayah », publiée par le ministère de
la justice et des affaires islamiques de Bahreïn, a déclaré en 1993 dans une réponse au courrier des lecteurs : « Celui
qui commet l’adultère ou a des rapports sexuels avec une femme musulmane en vertu d’un contrat de mariage,
viole le traité de paix entre lui et les musulmans (naqada al‘adh) ; il est licite de verser son sang ; ses biens
reviennent aux musulmans
; il doit être tué même s’il devient musulman ». (Al hidayah (Bahreïn), n°190 juin 1993,
p. 94, cité par Aldeeb Abu Sahlieh Sami Awad,
Les musulmans face aux droits de l’homme : religion, droit et
politique
, Bochum, Verlag Ed., 1994, p. 131) ».
754 Cette position a été consacrée en Tunisie par la jurisprudence. La Cour de cassation en 1996 a considéré dans
un arrêt dit « Houria
» qu’en application de l’article 88 du CSP, les épouses non musulmanes sont exclues de la
succession de leur époux musulman. En effet elle considère dans un attendu « qu’il est incontestable que la femme
musulmane qui épouse un non-musulman commet un pêché impardonnable, que la loi islamique tient un tel
mariage pour nul et non avenu ». Cour de cassation, Civ. n° 3384 du 31 janvier 1966 « Houria » : RJL, n° 6, 1967,
p. 37 ;
Revue tunisienne de droit, 1968, p. 114, note E. de Lagrange ; Cette interdiction a conduit à une sanction
pénale des époux d’un mariage mixte : C. Cass., arrêt pénal n°7795 du 27 juin 1973, in bulletin C. Cass., partie
pénale, 1973, p. 21 : « 1. Si deux personnes, une femme musulmane et un homme italien se sont mis d’accord sur
le mariage entre eux et ceci s’est concrétisé hors des formalités requises par la loi, alors la disparité de culte
n’empêche pas de
constituer le crime par application de la loi du 1er août 1957 » ; « 2. Le mariage de la musulmane
est un mariage concret contracté hors des formes légales, qui n’est pas reconnu par la loi et nécessite une sanction
».
755 Dans un jugement en date du 29 juin 1999, le tribunal de 1ère instance de Tunis reconnait la validité du
mariage mixte (Tunisienne musulmane et étranger non-
musulman), en l’espèce un mariage contracté entre une
tunisienne musulmane et un belge non-musulman. Le juge considère que le mariage entre une musulmane et un
non-
musulman ne constitue pas l’un des empêchements au mariage prévus par le CSP. TPI Tunis, 29 juin 1999,
affaire n°26-855 : note de S. BEN ACHOUR, in Revue Tunisienne de Droit, 2000, pp. 403 - 424 ; S. BEN
HALIMA, « Religion et personnel en Tunisie », in
Revue Tunisienne de Droit, 2000, pp. 107 - 138.
756 Nous rappelons que le CSP ne prévoit aucune disposition expresse qui énonce l’interdiction au droit à l’héritage
d’un non musulman. Pour opérer le revirement de jurisprudence, les tribunaux ont fait prévaloir une interprétation
progressiste du CSP en admettant la suprématie des Conventions internationales ratifiées par la Tunisie,
notamment la CEDAW conformément aux exigences de l’ancienne Constitution de 1959. A titre d’exemple, l’arrêt
de la Cour de cassation n° 31115 du 5 février 2009.
757 C A, Tunis, n° 120, 6 janvier 2004, RJL, mars 2009, p. 187.
758 M. BEN JEMIA, « Non-discrimination religieuse et code du statut personnel tunisien », in Revue Franco-
Maghrébine de Droit, n°15, 2007, p. 211.
759 Cass. civ. n°3843-2004, 20 déc. 2004, in JDI, n°4, oct. 2005, 17, p. 1193, note S. BEN ACHOUR.
206



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dans un second du 5 février 2009760. Pour motiver ses décisions la Cour valide son interprétation
en se référant aux droits fondamentaux consacrés par les traités internationaux ratifiés par la
Tunisie qui ont une valeur supra-législative et infra-constitutionnel dans la hiérarchie des
normes. Ces dispositions du droit musulman sont reprises aux articles 85 à 152 du Code du
statut personnel
761.
193.
Il n’existe aucune mesure à caractère compensatoire dans le cadre du droit de succession
en Tunisie. De la même manière, le legs est interdit lorsqu’il est fait au profit d’un héritier
762.
Par ailleurs, il ne peut s’exécuter que dans le cas où les héritiers donnent leur consentement
postérieurement au décès du testateur conformément à l’article
179 du CSP763. De la même
manière, l’égalité ne pourrait être rétablie si les filles en tant que catégorie d’héritiers ne peuvent
faire l’objet d’aucune mesure législative dérogatoire
764. Autrement dit, aucune mesure de
discriminations positives ne peut être envisagée et les femmes ne peuvent revendiquer un droit
à la compensation face au fils. Par ailleurs, l’absence de régime dérogatoire s’accompagne de
mesures dissuasives
765 à l’égard des fils qui souhaiteraient avoir recours à des subterfuges par
leurs renonciations à l’héritage au bénéfice de leurs sœurs par exemple
766.
2) Au regard de sa finalité
194. Soutenu par le Parti politique du Tedjdid767, Tahar Hadad « s’est donné le droit
d’examiner la Charia et de la comprendre en fonction des besoins des musulmans et de l’esprit
760 C. Cass. civ., 5 févr. 2009, in ASJ, 2009, p. 195, note M. GHAZOUANI.
761 Il n’existe pas de véritable contentieux en matière de règles de répartition de l’héritage et de détermination du
cercle des successibles. En effet, rares sont les décisions de justice qui portent sur cette question. Néanmoins, nous
pouvons citer une décision inédite rendue par le Tribunal de première instance de
Zaghouan relative à une
contestation portant sur la détermination du cercle des héritier
s, d’une part, et de l’établissement de l’acte de décès,
d’autres part.
En l’espèce, l’acte de décès contesté reconnaît la fille unique du de cujus en tant que seule héritière. Ainsi, la Cour
doit écarter l’État de la succession. Pour ce faire, le Tribunal se fonde sur des règles du droit musulman applicables
aux successions ouvertes avant la promulgation du CSP. Les requérants allèguent qu’au même titre que la fille
unique, l’État est inscrit parmi les héritiers. La Cour estime que seule la fille unique peut se prévaloir de l’intégralité
de la succession de sa mère et en conséquence, elle « évince l’État du champ des successibles ». Les requérants
sont donc déboutés de leur demande. Collectif 95 Maghreb Égalité,
Égalité dans l’héritage l’ autonomie
économique des femmes, Publications du Collectif 95 Maghreb Egalité, Tunisie, novembre 2014, p. 57.
762 A. MEZGHANI, K. MEZIOU-DOURAÏ, L’égalité entre les hommes et les femmes en droit successoral, Sud
Editions-Tunis, 2006, p. 21.
763 Ibid.
764 Ibid.
765 Taxations spécifiques qui sont prévus dans les hypothèses de donation, en particulier entre frères et sœurs. A.
MEZGHANI, K. MEZIOU-DOURAÏ, L’égalité entre les hommes et les femmes en droit successoral, Sud
Editions-Tunis, 2006, p. 21.
766 Ibid.
767 Ce mot signifie renouvellement et il se rapporte à celui de la religion.
207





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de l’époque, même si sa réflexion est fausse »768. Il restera convaincu, à raison, malgré
l’hostilité dirigée contre sa personne ainsi que les persécutions que « […] cette opinion, si elle
est accueillie avec hostilité, aujourd’hui, par des groupements, pour des objectifs différents, ne
tardera pas à paraître après cinq ou dix ans comme une opinion juste, sinon indispensable à
notre vie, opinion qui se développera au fil des jours »
769.
195. Tahar Hadad770, qui est l’une des personnes à l’origine de la création du premier syndicat
tunisien autonome, la Confédération Générale des Travailleurs Tunisiens (C.G.T.T)771
considère que l’inégalité des femmes n’est conforme ni à l’une des finalités de l’Islam, c’est-à-
dire la justice, ni à son esprit (paix et harmonie). S’appuyant sur des considérations
sociologiques sur l’historicisation des solutions du droit musulman, il considère que le droit est
un vecteur de changement, de transformation de société puisqu’il peut mettre fin à des
résistances au sein du système social. Autrement dit, le droit à travers son système normatif
peut réaliser le progrès social par la libération de la femme ainsi que par son insertion effective
dans la société, en l’érigeant en actrice à part entière du système politique et social, la femme
doit disposer des mêmes droits que l’homme.
196. La nouvelle réalité sociale va être perçue comme un élément de confusion dans le rôle
politique du droit comme outils dynamiques de transformation. Cet outil permettrait aux acteurs
sociaux de définir la place et le rôle de la femme dans la Charia et ainsi, de définir dans une
dynamique de mouvement la manière dont la société conçoit et perçoit la femme dans la société.
À cet égard, les rapports que le droit successoral entretient avec les phénomènes sociologiques
touchant à l’évolution de la représentation des rapports et des rôles des femmes et des hommes
constituent un exemple pertinent du caractère complexe de ce droit et permet de répondre à ce
questionnement : est-il possible d’ordonner le multiple et d’admettre le pluralisme des
sources772 du droit des successions sans remettre en cause le but d’un droit commun? En se
détachant de l’analyse littérale de la norme au profit d’une analyse selon l’esprit de la loi et de
sa finalité, nous pourrions transcender les rapports homme-femme et ainsi envisager l’égalité
réelle. De ce constat, il découle que le point de départ consistant à dire que la règle est claire et
768 M. LELONG, « Haddad et la civilisation du travail », IBLA 1962, vol. 97, pp. 31-48.
769 Ibid.
770 T. Haddad fut publiciste et militant actif dans le mouvement de libération nationale (1898-1835).
771 N. SRAIEB, « Islam, réformisme et condition féminine en Tunisie : Tahar Haddad (1898-1835) Clio, Femmes,
Genre, Histoire
[en ligne], 9 | 1999, mis en ligne le 21 mars 2003, consulté le 23 avril 2019. Disponible sur
[http://journals.openedition.org/clio/285].
772 Voy. sur le sujet, R. SANTI, L’Ordre juridique, Paris, Dalloz, 1975. 174.pages
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insusceptible d’interprétation provient lui-même d’une construction humaine et d’un fait
historique. Elle n’est pas vérité absolue pour tous.
197. C’est toujours dans le cadre de l’adhésion d’une légitimité religieuse que le CSP sera
présenté « comme étant l’exemple typique de la possibilité de modernisation dans la fidélité à
la religion musulmane
 »773. Pourquoi ? Parce que le droit des successions trouve son origine et
ses fondements dans le Coran. Le Coran qui constitue, selon les musulmans et le droit public
musulman, la « parole divine ». Il consacre à travers cette parole, le message de l’Islam. Le mot
« Islam » trouve sa racine arabe dans le mot « salam » qui signifie paix et harmonie. Cette
exigence d’harmonie a pendant longtemps structuré l’ordre social traditionnel ainsi que les
pratiques sociales et les schémas de pensée
774. Mais selon la jurisprudence islamique « les
femmes ont été créées à partir des hommes » ; « les femmes sont inférieures aux hommes » et
« les hommes sont les gardiens et les protecteurs des femmes »775.
198. Avec la promulgation du Code du statut personnel (ci-après CSP) le 13 août 1956,
Bourguiba institutionnalisa, dans un contexte marqué par l’urgence
776, le droit successoral dans
un Code
777 de
la seule volonté de
législateur et par
l’État. Cette
la main du
promulgation « hâtive » du CSP ne sera pas sans conséquence sur la société tunisienne, mais
également dans les rapports entre le Président de la République et les tribunaux charaïques qui
finiront par se sentir menacé dans leur pouvoir et déclenchèrent une fatwa contre Bourguiba le
14 septembre 1956
778. Ce n’est que par son action autoritaire que le Président finira par dépasser
l’inadéquation de la société tunisienne avec ses ambitions de progrès. N’avait-il pas déclaré en
1961 qu’« il est encore des gens qui ne conçoivent pas que la raison doit s’appliquer à toutes
choses en ce monde et commander toute activité humaine pour ceux-là, certains domaines
celui de la religion en particulier doivent échapper à l’emprise de l’intelligence. Mais alors
773 M. CHARFI, Introduction à l’étude du droit, Tunis, éd., CERES, 1997, pp. 65 et s.
774 D. de COURCELLES, « Traditions sapientielles, équité démocratique : quel développement « vraiment
durable » ? »,
Vraiment durable 2012, n° 1, pp. 41-54.
775 Voy. sur le sujet : I. CHOUDER, « Féminisme-s islamique-s », Confluences Méditerranée 2015, n° 95, pp. 81-
90.
776 Comme nous l’explique Faiza Tobich, le contexte après indépendance a créé une occasion propice à la
promulgation du code qui n’a nécessitait seulement que «
six ou sept » réunions en conseil des ministre » (M.
BORRMANS,
Statut personnel et famille au Maghreb de 1940 à nos jours, Paris, la Haye, Mouton, 1977. p. 290.).
Elle ajoute qu’il n’y a eu aucun débat public pas même de travaux préparatoires. La publication du code se fera
donc sans aucune note explicative. F. TOBICH, Les statuts personnels dans les pays arabes : De l’éclatement à
l’harmonisation, PUAM, 2008, pp. 89-126
777 Le droit des successions est inscrit au Livre neuf du CSP et porte comme intitulé « De la succession ».
778 F. TOBICH, Les statuts personnels dans les pays arabes : De l’éclatement à l’harmonisation. Nouvelle édition,
Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2008, pp. 89-126
209





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en agissant de la sorte on détruit du même coup la ferveur et la vénération que nous devons à
tout ce qui est sacré (...) Comment admettre cet ostracisme contre la raison? Comment
s’abaisser à ce comportement d’animal intelligent ? La religion ne peut pas le commander»779.
Aussi, dans son idée de la prééminence de la raison sur la pensée de la religion, Bourguiba a-t-
il tenté de
laïciser la société tunisienne780. D’ailleurs en 1977 Ghannouchie,781 qui se hissera à
la tête du mouvement islamique réclamera la reconnaissance de la Charia comme source
formelle et exclusive du droit et par conséquent l’abrogation du CSP
782. De là, commence à se
dessiner la fracture sociale de la Tunisie entre la conception Bourguibienne
783 du droit et celle
de Ghannouchi.
199. « Je propose de faire de l’égalité dans l’héritage une loi ». Cette déclaration du
Président de la République tunisienne Caïd El Sebsi nous ramène à certains souvenirs de l’ère
bourguibiste. Nous avions espéré que la finalité ne serait pas la même, mais l’Égalité dans
l’héritage a été abandonnée. Selon le Président Kaïes Saied, le maintien des dispositions
inégalitaires en matière successorale se justifie en raison des finalités de l’Islam. En ce sens, il
considère que tout ordre juridique musulman doit être conforme aux finalités de la religion.
Lors de son discours du 13 août 2020 il affirme que toute législation relevant des pays
musulmans se doit de prendre en compte les finalités de l’Islam à travers son corpus juridique ;
la Charia. Il continue en affirmant que les premières revendications du peuple tunisien et qui
par conséquent légitime cette transition démocratique. Le Président Saied dans son discours du
13 août 2020 affirme que «
le texte coranique est clair et n’est pas sujet à interprétation »784.
Dès lors, « système d’héritage en islam » ne se fonde pas sur le concept de « l’égalité formelle »,
779 Discours, Tunis le 8 Février 1961.
780 Notamment en 1960 avec l’affaire dite du ramadan. Puis, en constatant l’échec de cet essai, il retira in extremis
en 1973 un projet de loi instaurant l’égalité successorale entre frère et sœur.

781 R. GHANNOUCHIE est le fondateur du mouvement MTI de 1981. Après que la loi sur les partis, promulguée
en 1988, a interdit la création de formations politiques se réclamant explicitement de la religion, il prend le nom
de Parti An-Nahda (Renaissance). La légalisation de son parti ne lui sera jamais accordé. Il a été depuis exilé à
Londres et sera de retours dans l’arène politique au lendemain de la révolution tunisienne au sein du parti du même
nom. V. sur le sujet A. WOLF, Political islam in Tunisia: The history of Ennahda, London, C. Hurst & Co
Publishers Ltd, 2018, 304 p.

782 Comme nous l’explique Faiza TOBICH, le contexte après indépendance a créé une occasion propice à la
promulgation du code qui n’a nécessitait seulement que «
six ou sept » réunions en conseil des ministre » (M.
BORRMANS,
Statut personnel et famille au Maghreb de 1940 à nos jours, Paris, la Haye, Mouton, 1977. p. 290.).
Elle ajoute qu’il n’y a eu aucun débat public pas même de travaux préparatoires. La publication du code se fera
donc sans aucune note explicative. F. TOBICH, Les statuts personnels dans les pays arabes : De l’éclatement à
l’harmonisation
, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2008, pp. 89-126.
783 Laïque et moderne. Voy. sur le sujet Y. El QARAAWI, L’extrémisme laïc face à l’islam : les cas de la Tunisie
et le la Turquie, Londres, Centre maghrébin de recherche et d’édition, 2001, p. 130 (en arabe).
784 V. M. CHERIF FERJANI, « Égalité en héritage et rapport entre État et religion selon le président tunisien
KaïsSaied. Au sujet de son discours du 13 août 2020 », Confluences Méditerranée, vol. 114, no. 3, 2020, pp. 29-
37.
210




Page 212
mais aussi sur celui de « la justice et l’équité »785. À travers son discours, d’aucuns estiment
qu’il rejoint la doctrine de certains islamistes notamment sur la question de « la justice sociale
en islam
»786. Que ce soit à travers la culture arabo-musulmane ou dans le cadre de
l’organisation tribale berbère, la Tunisie a toujours recherché l’égalité au sein de l’organisation
sociale et politique dans laquelle elle se trouvait787.
200.
L’équité constitue l’une des finalités et des modalités pour obtenir une égalité réelle.
Ce concept commun à la tradition juridique française et celle de la Tunisie a toujours été
imprégné de l’idée négative qu’elle est synonyme d’arbitraire et d’insécurité juridique. Que ce
soit l’épiki d’Aristote, l’aequitas romaine, le concept reste le Janus de la justice en ce qu’il a
permis de consacrer l’égalité dans la loi (aequitas scripta ou constituta chez Thomas d’Aquin)
et de consacrer l’égalité par la loi en constituant une correction du droit lorsqu’il est imparfait
(Aristote). De la même manière que Saint-Thomas d’Aquin considère l’équité comme une
source de charité ou de miséricorde, l’Istihsan a pour finalité la recherche de la solution la plus
simple tout en préférant la tolérance (Samaha) et la bienveillance (rifq).
201. De ces origines religieuses, l’équité reste une finalité du principe d’égalité homme-
femme en ce qu’elle permet de corriger les inégalités. La question du droit successoral concerne
également le droit pour les femmes à pouvoir accéder à la propriété même celle obtenue par
l’héritage. Elle rejoint l’idée de justice et du respect des droits économiques et sociaux qui
étaient l’une des revendications de la société tunisienne à travers la question de la dignité. Cette
dignité de la personne en droit est considérée comme étant un «axiome»788. Le Professeur
FRABRE-MAGNAN nous le dit clairement : la « dignité apparaît aujourd’hui comme le
principe juridique premier»789.
785 V. M. C. FERJANI, « Égalité en héritage et rapport entre État et religion selon le président tunisien Kaïs Saied.
Au sujet de son discours du 13 août 2020 »,
Confluences Méditerranée 2020, vol. 114, n° 3, pp. 29-37.
786 S. QOTB, La justice sociale en islam, Editions Al-Biruni, 2003, 399 p.
787 Y. LACOSTE, Ibn Khaldoun : naissance de l’histoire, passé du tiers monde, Librairie François Maspero 1966.
788 M. FABRE-MAGNAN, « La dignité en Droit : un axiome », Revue interdisciplinaire d’études juridiques,
Bruxelles, 2007/1, Vol n°58, pp. 1-30. L’auteur précise dans son article que le dictionnaire Littré caractérise
l’axiome par le fait qu’il «
exprime une proposition évidente de soi, échappant à toute démonstration, et s’imposant
par un principe d’évidence ou autrement de certitude qui entre dans la constitution de l’esprit humain
». Elle nous
renvoie à une doctrine portant sur la référence à «
l’idée de constitution de l’esprit humain ». Il s’agit de A.
SUPIOT, Homo Juridicus, Essai sur la fonction anthropologique du Droit, Seuil, La couleur des idées, 2005, en
particulier pp. 37 et s
789 M. FABRE-MAGNAN, « La dignité en Droit : un axiome », Revue interdisciplinaire d’études juridiques,
Bruxelles, 2007/1, Vol n°58, pp. 1-30.
211






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212










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CHAPITRE II : LES OBSTACLES STRUCTURELS À
L’ÉGALITÉ HOMME-FEMME
202. L’explication d’un double phénomène par le dualisme du structuré. Nous sommes
d’avis que le dualisme du structuré et du structurant rend possible, concurremment, de relater
et d’expliquer deux phénomènes. Tout d’abord, il nous permettra d’expliquer la mécanique
relative à l’organisation, notamment juridico-politique, par l’intermédiaire de l’analyse des
processus d’un ensemble d’actions et d’opérations humaines. Cela nous permettra d’expliquer
le rôle joué par les structures organisationnelles dans la production et la reproduction des
inégalités (
Section 1). En effet, « l’organisation est source de droits »790, « l’organisation
juridique» tient compte des «cloisons, des obstacles, des conflits, qui se matérialisent entre les
hommes
[et les femmes],les intérêts ou les normes»791. Ainsi, l’organisation juridique, qu’elle
soit apparente ou non792, sert à encourager et à préciser les intérêts et le rapprochement des
différents systèmes juridiques en points de convergences793. La dualité inhérente à la notion
d’organisation désigne à la fois un phénomène juridique et un phénomène sociologique. Cette
dualité n’empêche en rien la relation entre les deux aspects de la notion. Bien au contraire,
l’organisation « a été historiquement l’un des lieux de rencontre des juristes et des
sociologues»794. Cet espace partagé a permis de constater que l’organisation et le droit ont fait
l’objet de changements, en gagnant « 
en souplesse et en complexité»795 puisque nos sociétés
sont marquées par «
un changement qui est devenu permanent, quotidien et accéléré»796. C’est
dans ce cadre que notre étude s’intéressera aux relations entre organisation et droit et également,
de manière indirecte, aux relations entre le droit et la sociologie. Si les frontières entre les deux
domaines existent, elles restent souvent difficiles à établir et à déterminer dans le champ de
notre étude. En effet, si les deux matières relèvent des sciences sociales, l’objet de notre étude
nous invite à nous interroger sur l’existence d’un ordre informel à côté de l’ordre formel. Il
s’agit ici de s’intéresser à la question des rapports au droit, qui intervient après importation de
790 F. LARONZE, « Les sources du droit revisitées par la notion d'organisation juridique », Revue
interdisciplinaire d'études juridiques
, 2012, pp. 175-224.
791Ibid.
792 C’est-à-dire codifiée ou non-codifiée.
793 F. LARONZE, op.cit., loc.cit.
794V. SIMOULIN, « Droit et sociologie des organisations, frontières organisationnelles et disciplinaires », Droit
et société
2007, pp. 569-575.
795Ibid.
796Ibid.
213




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concepts et problématiques construits dans un autre univers culturel et juridique, c’est à dire du
système français au système juridique tunisien.
203. Le phénomène de globalisation des systèmes juridiques généralise d’ailleurs des
représentations des rapports entre les sexes. Cela a lieu à travers la loi et les catégories juridiques
dans lesquelles est enfermé chacun des deux sexes identifiés comme homme ou femme, mis à
part le cas des personnes vulnérables, qui sont souvent des femmes. L’étude de l’organisation
révélant les mécanismes de création et de reproduction de l’ordre social est au centre de
nombreux débats. Elle est à l’œuvre derrière certaines formes d’inégalités et de domination
masculine797 dans la société.
204. En ce sens, le système juridique et la loi se situent, dans la majorité des cas, bien loin de
la réalité, alors que la structure juridique apparaît comme l’expression d’une prise de conscience
du réel (Section 2). Le principe d’égalité homme-femme en tant que principe de droit n’est pas
une simple variable dépendante en ce qu’il ne doit pas négliger « la dimension constitutive qu’il
peut jouer dans les pratiques des acteurs»798. Autrement dit, nous avons des structures
juridiques de base qui sont l’expression d’une culture nationale ou locale avec ses insuffisances
et des anachronismes, qui sont limités ou métamorphosés du fait de la globalisation, laquelle
apparaît au total comme un facteur d’homogénéisation ou de nivellement.
Section 1 : Le rôle joué par l’État dans la production et la
reproduction des inégalités
205. L’État, en tant que structure et acteur a été immanquablement au cœur d’une pratique
constante de l’inégalité entre les sexes, de sa pérennisation et de ses renouvellements dans la
forme et le quantum. Les États ou les gouvernements disposent du pouvoir, d’édicter des règles.
Le droit, selon certaines approches, ne peut être créé que par l’État, et il n’est valable pour ce
797P. BOURDIEU, La domination masculine, Seuil, 1998, ; M. DURU-BELLAT, « Autour du livre de Pierre
Bourdieu
La domination masculine », Travail, genre et sociétés, 1999, pp. 222-229 ; P. BOURDIEU, « Nouvelles
réflexions sur la domination masculine »,
Cahiers du Genre, 2002, pp. 225-233 ; W. BROWN (dir), « À la
recherche de l’homme dans l’État » in Politiques du stigmate. Pouvoir et liberté dans la modernité avancée,
Presses Universitaires de France, 2016, pp. 217-255 ; A.-M., DEVREUX,
et al. « La critique féministe et La
domination masculine », Mouvements 2002, pp. 60-72.
798 A. VAUCHEZ,« Entre droit et sciences sociales, retour sur l’histoire du mouvement Law and Society »,
Genèses n° 45, 2001, p. 136. Cité par J. PÉLISSE, « A-t-on conscience du droit ? Autour des Legal Consciousness
Studies »,
Genèses, vol. no 59, no. 2, 2005, pp. 114-130.
214






Page 216
dernier que si les conditions de légitimité sont respectées799. Aussi, l’approche normative de
l’organisation lui permet de produire ces règles. Ces dernières constituent le droit, qui est « la
règle qui, dans un État social déterminé, s’impose au respect des individus à raison de la
sanction dont l’ont assorti les autorités organiquement constituées pour l’exercice de la
puissance publique»800. Grâce à son pouvoir de sanction et de police, l’État peut imposer la
conformité à ses règles, et sanctionner les comportements individuels ou collectifs allant à leur
encontre. De même, à l’aide de son pouvoir normatif — loi et règlement , des politiques
publiques et des organisations notamment juridico-politiques, il génère des règles qui
définissent un comportement acceptable ou légitime à tous les niveaux de l’organisation sociale.
206. Au moyen de la politique économique, de la fiscalité, de la dépense et de la
redistribution801, l’État influence la situation économique des différents groupes. En agissant
de manière différente selon ces groupes, il peut être créé, maintenu ou exaspéré les inégalités
sociales. L’État peut également entraver, déstructurer ou amoindrir l’inégalité sociale en
utilisant son pouvoir de façon désordonnée avec ces inégalités802.
§ 1. La diffusion du principe
799L’ordre juridique est un « système d’organes et non pas de normes », C. de MALBERG, Confrontation de la
théorie de la formation du droit par degrés avec les idées et les institutions consacrées par le droit positif français
relativement à sa formation
, Sirey, 1933, p. 166.
800 P. DUBOUCHET, La pensée juridique avant et après le Code civil, L’Hermès, 1998, p. 269 citant C. DE
MALBERG.
801« Les grands enjeux de la politique fiscale dans les pays de l'OCDE », Perspectives économiques de l'OCDE,
2001, pp. 185-203 ; K. HUBERT. « Inégalité, redistribution et politiques publiques »,
Idées économiques et
sociales
2008, pp. 26-32 ; N. DUVOUX (Dir.), « Chapitre II - Le retour des inégalités économiques dans les pays
développés »
in Les inégalités sociales, PUF, 2017, pp. 33-55 ; R. PFEFFERKORN « Les politiques publiques et
la question de l'égalité homme-femme. Le cas de la France »,
Cahiers du Genre 2002, pp. 87-109. ; F. TALAHITE,
« Pour une économie politique genrée des droits de propriété », Cahiers du Genre, 2017, pp. 19-42. ; A. WILLEM,
O. THEVENON «
L’égalité homme-femme comme facteur de croissance économique : que peuvent les
politiques ? »,
Géoéconomie, 2016, pp. 141-163 ; L.-A. DIONE. « Composition des dépenses publiques et impacts
sur la croissance économique : analyses théoriques et empiriques sur des panels de pays développés, émergents et
en voie de développement »,
Économies et finances, Université de Bourgogne, 2016, En ligne : https://tel.archives-
ouvertes.fr/tel-01557695/document; «
Les finances publiques y apparaissent au cœur des processus de
construction et de transformation des États ». A. SINE, « Introduction : Gouverner (par) les finances publiques.
Perspectives de recherche »
in Gouverner (par) les finances publiques. (dir. P. BEZES), Presses de Sciences Po,
2011, pp. 17-111 ; M. BACACHE-BEAUVALLET,
et al. « Quelle stratégie pour
les dépenses
publiques ? »,
Notes du conseil d’analyse économique, 2017, pp. 1-12 ; K. BERNARD, et A. SPIRE, « Les
déterminants sociaux du sentiment d’injustice fiscale », Revue de l'OFCE, 2019, pp. 19-48 ; A. TOUHAMI, D.
BOCCANFUSO, et L. SAVARD, « Politiques économiques, pauvreté et inégalités au Maroc : analyses en
équilibre général micro simulé », Mondes en développement, 2009, pp. 99-118.
802B. MARQUES-PEREIRA, R. PFEFFERKORN, « Genre, politiques sociales et citoyenneté : enjeux et
recompositions. Introduction », Cahiers du Genre 2011/3, p. 10 ; Sur la question des effets de l’État sur les rapports
sociaux de sexe, J. JENSON et É. LEPINARD, « Penser le genre en science politique. Vers une typologie des
usages du concept », Revue française de science politique, 2009/2, p. 188.
215





Page 217
207. L’État détermine, influence, légitime et sanctionne les opportunités et les droits.
Dans le champ de ses pouvoirs et de ses possibilités, l’État peut agir de manière plus ou moins
égalitaire. Ainsi, dans le cadre d’une situation d’inégalité sociale majeure, ceux qui sont
avantagés par cette situation auront, dans la majorité des cas, davantage d’influence sur l’État
que ceux qui sont désavantagés. L’effet des politiques publiques, considérées dans leur
ensemble, affermira la mise en œuvre et la perpétuation de l’inégalité. Ce problème est lié à la
question de savoir qui décide, et à cette autre : comment sont décidées ces politiques et actions
de l’État ?
208. Ce problème essentiel relève des théories de l’État. Aussi, certains écrits de doctrine
désignent, jusqu’à un certain degré, les ind
ividus au sein du système étatique, qui prennent des
décisions en fonction de leurs intérêts et de leurs perspectives, en tant que membres de l’appareil
d’État, mais également en fonction d’intérêts et influences extérieures, notamment
économiques. L’État et les acteurs politiques qui composent la structure gouvernementale ont
également leurs propres intérêts, dont celui qui consiste à préserver leur pouvoir. Ces intérêts
ne sont pas nécessairement convergents avec ceux des groupes sociaux dominants extérieurs au
gouvernement. Dans ce cadre général, l’État, les individus, mais aussi les activités au sein de
l’État, peuvent soutenir et imposer l’inégalité entre les sexes. Dans le premier cas, par un
processus politique qui va donner lieu à l’élaboration d’un cadre juridique, et dans le second
cas, par un processus organisationnel en dehors d’un cadre juridique formel, puisqu’il s’agira
d’actions qui mèneront à des pratiques inégalitaires. Ces processus vont perpétuer des inégalités
de manière passive ou s’opposer à l’inégalité entre les femmes et les hommes. Ce phénomène
est assez général, et nous laisse penser, finalement, que « l’inégalité entre les sexes existera tant
qu’il y aura des inégalités sociales 
»803. Aussi, peu importe les combinaisons possibles des
différents aspects de l’inégalité entre les hommes et les femmes, la préservation de l’influence
sur les processus politiques reste un attribut et une finalité substantifique des groupes
socialement dominants. De plus, l’interminable monopole des hommes sur le pouvoir politique
a synchroniquement établi et entretenu l’inégalité entre les sexes.
209. Cependant, les actions du gouvernement ont également concouru à amoindrir le
caractère masculin du façonnement de l’égalité des sexes depuis au moins un siècle. Le rôle de
803F. MILEWSKI, « III. Les inégalités entre les femmes et les hommes » in Les mutations de la société
française. Les grandes questions économiques et sociales II
(dir.L. CHAUVEL), La Découverte, 2019, pp. 69-90.
216






Page 218
l’État au cœur de la régulation sociale, de même que sa participation à la formulation de
« l’intérêt général »804 constituent une avancée qualitative « qui ne peut qu’influer radicalement
sur les rapports sociaux de sexes»805. La crise de l’État-providence806 ne se réduit pas
simplement à une crise des finances publiques. Elle marque davantage une «rupture dans la
configuration des rapports économiques, sociaux et politiques dont il est difficile de cerner
l’issue »807. Il est concevable d’en donner quelques marques et préfigurations significatives de
la revendication des femmes à l’égalité avec les hommes.
Des études ont déjà traité de la thématique de l’égalité des sexes sous l’angle « des politiques
sociales et de la citoyenneté
»808, et dans le même temps, reconsidéré les verrouillages à l’œuvre
dans ces différents domaines809. C’est ainsi qu’après un séminaire international tenu en 1988,
la doctrine a commencé à envisager plusieurs questions, dont celle de l’État et des rapports
sociaux de sexe810 et notamment l’impact de la crise des États-providence et de la représentation
politique en Europe
811. Ces études ont permis de relever dans certains pays, dont la France, une
intervention étatique minimale sur les inégalités de sexe et d’articuler cette inégalité autour de
la division sexuelle du travail productif et reproductif812. Aussitôt, il y a eu une mise en relief
du fait que, « nulle part, l’État n’assure l’ensemble de la reproduction, mais que partout, celle-
804B. MARQUES-PEREIRA, « L’État-providence, providence de l’État à l’égard des femmes ? » Recherches
féministes
, 1990, pp. 1126.
Disponible sur [https://doi.org/10.7202/057582ar]
805Ibid.
806J. JENSON, « État providence » in Dictionnaire. Genre et science politique. Concepts, objets, problèmes. (dir.
C. ACHIN), Presses de Sciences Po, 2013, pp. 227-238.
807B. MARQUES-PEREIRA, « L’État-providence, providence de l’État à l’égard des femmes ? »,op. cit., loc.cit.
808A. DEL RE, A. GAUTIER, J. JENSON, J. HEINEN, B. MARQUES-PEREIRA et al., « Quelle citoyenneté
pour les femmes ? État des lieux et perspectives (1987-2012) »,
Cahiers du Genre, 2013, pp. 67-92 ; M.
SPENSKY. « Citoyenneté : droits des individus, droits des groupes »,
Cahiers du Genre, L'Harmattan, 2001, pp.
233-253 ; M. SPENSKY. « Les femmes et l'État »
in Les rapports sociaux de sexe : problématiques,
méthodologies et champs d’analyses, Cahiers de l'APRE , 1998, pp. 217-224. ; A. DEL RE, J. HEINEN (dir.)
Quelle citoyenneté pour les femmes? La crise des États- providence et de la représentation politique en Europe,
L’Harmattan, 1996, 320 p ; J. JENSON, « La citoyenneté à part entière. Peut-elle exister ? » in Del Re Alisa,
Heinnen Jacqueline (dir),
1996, pp.25-46 ; B. MARQUES-PEREIRA, La citoyenneté politique des femmes,
Armand Colin, 2003 ; B. MARQUES-PEREIRA, R. PFEFFERKORN, « Genre, politiques sociales et citoyenneté
: enjeux et recompositions. Introduction »,
Cahiers du Genre 2011/3, pp. 5-19.
809A. DEL RE, A. GAUTIER, J. JENSON, J. HEINEN, B. MARQUES-PEREIRA et al., « Quelle citoyenneté
pour les femmes ? »,
art. préc.
810B. MARQUES-PEREIRA, R. PFEFFERKORN, « Genre, politiques sociales et citoyenneté : enjeux et
recompositions. Introduction »,
Cahiers du Genre 2011/3, p. 5. ;A. DEL RE, A. GAUTIER, J. HEINEN, J.
JENSON, B. MARQUES-PEREIRA ET M. SPENSKY, « Quelle citoyenneté pour les femmes ? »
art. préc. p.
68 ; J. JACQUES,
« Rapports sociaux de sexe et autres rapports de domination sociale : pour une intégration
conceptuelle des rapports sociaux fondamentaux »
inÀ propos de l'organisation et des représentations du travail,
Cahiers du GEDISST (Groupe d'étude sur la division sociale et sexuelle du travail),
1995, pp. 109-130.
811A. DEL RE, J. HEINEN (dir.) « Quelle citoyenneté pour les femmes ? » art. préc. p.68 ; E. GARNEAU, Compte
rendu de A. Del Re, J. Heinen (dir.) « Quelle citoyenneté pour les femmes ? » art. préc., Politique et Sociétés, pp.
277-280.
812 A. TESTART, L’amazone et la cuisinière, anthropologie de la division sexuelle du travail, Gallimard, 2014,
p.188
217



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ci est réalisée à travers une association variable entre les familles, le marché et l’État »813. Ici,
la famille renvoie généralement à la question de la gratuité du travail domestique
814. À cette
question des inégalités dans la division sexuelle du travail, s’ajoute le constat que l’intervention
de l’État ne se manifeste pas de la même façon selon l’origine sociale, ou ethnique, de
l’individu. C’est pourquoi il a fallu souligner la nécessaire articulation entre les sexes
815,
l’origine ethnique et la classe sociale816. Cette constatation n’a été possible que grâce au travail
comparatif des féministes qui avaient constaté que, dans les départements français d’outre-mer,
817 l’État adoptait une politique différente envers les femmes selon leur situation géographique
et ethnique818 en prévoyant une politique nataliste en métropole et antinataliste dans les
territoires d’outre-mer. De ce constat ont émergé des formulations assez critiques de la part des
féministes d’outre-mer sur le féminisme métropolitain. L’existence d’inégalités même entre les
femmes devait alors être reconnue. Il pouvait y avoir des rapports de domination et d’oppression
entre les femmes819. À partir de ce constat, la doctrine féministe a fortement souligné que, dans
le cadre du libéralisme, ou plus exactement des politiques d’inspiration néolibérale, nous avons
assisté à « un retrait financier de l’État »820. En conséquence, le marché de l’emploi a mis en
exergue les inégalités d’ordre ethnique ou de classe entre les femmes
821.
210. Sur l’ensemble du territoire. De manière générale, la forme de l’État renvoie à
l’organisation du pouvoir politique sur le territoire. La Tunisie et la France sont des États
unitaires. Tout comme celle des États-Unis, la Constitution tunisienne ne précise pas, de
manière explicite, la forme unitaire de l’État. La Constitution dispose que la Tunisie est « un
813 A. GAUTIER, J. HEINEN (dir.), Le sexe des politiques sociales, op. cit., p. 10.
814 « La France est un des pays où les femmes consacrent à la fois le plus de temps au travail professionnel et au
travail domestique ». C. ROY, « Les emplois du temps dans quelques pays occidentaux »
in Données sociales,
INSEE, 1990 cité par
D. FOUGEYROLLAS-SCHWEBEL, « Les rapports sociaux de sexe », Les cahiers du
CEDREF 1995, pp. 4-5.
815D. FOUGEYROLLAS-SCHWEBEL, « Les rapports sociaux de sexe », art. préc.
816 T.-H. MARSHALL, Citizenship and Social Class, Pluto Press. 1992, pp. 3-51.
817 A. DEL RE, A. GAUTIER, J. HEINEN, J. JENSON, B. MARQUES-PEREIRA et M. SPENSKY, « Quelle
citoyenneté pour les femmes ? »
art. préc., p. 69 ; A. GAUTHIER, « Politiques démographiques et familiales dans
les départements français d’Outre-mer depuis 1946 », Cahiers des sciences humaines de l’ORS, 1988, pp. 389-402
; M. ZANCARINI-FOURNEL, « Contraception et avortement dans les Antilles françaises (Guadeloupe et
Martinique, 1964-1975) »,
Clio. Femmes, Genre, Histoire, 2019, pp. 87-108.
818Voir sur le sujet, M. ZANCARINI-FOURNEL, « Françoise Vergès, Le Ventre des femmes : capitalisme,
racialisation, féminisme »,
Clio. Femmes, Genre, Histoire,2019, pp. 292-295.
819 K.-K., BHAVNANI, M. COULSON, Transforming Socialist-Feminism : The Challenge of Racism, Feminist
Review,
1986. pp. 81-92.
820A. DEL RE, A. GAUTIER, J. JENSON, J. HEINEN, B. MARQUES-PEREIRA et. al.« Quelle citoyenneté pour
les femmes ? »,
art. préc., pp. 67-92.
821 S. WALBY. « Postpostmodernisme ? Théoriser la complexité sociale », Cahiers du Genre, 2016, pp. 53-72 ;
D. MEULDERS, Actes du colloque international qui a eu lieu à Rabat au Maroc en 2006, Marché du travail et
genre dans les pays du Maghreb, Quels marchés du travail?, Edition Travail, genre et sociétés.
218



Page 220
État libre, indépendant et souverain ; sa religion est l’Islam, sa langue l’arabe et son régime la
république». La Tunisie est divisée en vingt-trois gouvernorats. Contrairement à la France, le
pays s’est longuement attaché à une tradition de centralisation poussée du pouvoir politique.
Depuis l’indépendance, la Tunisie n’est pas allée dans le sens de la régionalisation. Cette
orientation a été renforcée par la suppression, dans la Constitution, de la seconde chambre. En
faisant le choix d’abroger l’ancienne disposition constitutionnelle qui prévoyait un parlement
bicaméral, le pays a montré sa volonté de rejeter un moyen de représentation des régions de
manière égalitaire. Autrement dit, le maintien de cette chambre aurait permis aux régions plus
éloignées de participer aux choix stratégiques et politiques relatifs à leur place et leur avenir
dans le projet national. En conséquence, les régions, en participant directement au processus
décisionnel parlementaire, auraient légitimé et intégré plus aisément la question de l’égalité
homme-femme. En choisissant la forme absolue d’État unitaire, c’est-à-dire celle de l’État
concentré et centralisé, le gouvernement a la garantie que sa politique sera identique dans
l’ensemble du territoire. Néanmoins, si l’absence de disparités géographiques ou de l’arbitraire
local apparaît comme un avantage, l’inconvénient demeure important. En effet, le choix d’un
mode d’organisation très complexe implique une administration qui se développe de tous côtés,
que nous pouvons qualifier de «tentaculaire », comme on l’a écrit en doctrine à propos de la
France. À cela s’ajoute une difficulté pratique non négligeable : la lourdeur du mode
d’organisation. Un territoire étendu ne peut être facilement subordonné aux décisions du
pouvoir central qui se prennent depuis la capitale, même concernant des questions
administratives locales.
211. Cette organisation centralisée de l’État a contribué, jusqu’à l’adoption de la nouvelle
Constitution tunisienne, à creuser le fossé des inégalités entre les grandes villes telles que Tunis
la capitale, et les autres régions ou gouvernorats économiquement moins développés. Les
conséquences économiques et sociales, comme la question de l’égalité homme-femme, ont été
fortement ressenties. Nous pensons à l’intégration du principe à travers l’action locale. La
structure, ainsi que les mécanismes de gouvernance sont définis par des normes d’origine
constitutionnelle. Elles constituent substantiellement un facteur d’accélération, un processus
d’intégration du principe d’égalité dans les institutions sur l’ensemble du territoire. Ces
mécanismes ont été jusqu’en 2014 une question assez négligée. En effet, les obstacles
structurels qui peuvent avoir une influence sur l’égalité homme-femme peuvent découler du
choix d’outils de bonne gouvernance, tels que la décentralisation, mais également dans le choix
du système électoral et sa conception. Ce dernier peut influer sur la question de la légitimité
219



Page 221
démocratique en prévoyant par exemple des quotas de genre ou de sexe. La bonne gouvernance
implique également de s’interroger sur la relation entre les différentes sphères du
gouvernement, notamment le rôle et la compétence du pouvoir judiciaire en la matière, ainsi
que le niveau d’intégration de la question de l’égalité dans les processus législatifs et
administratifs. L’introduction de la décentralisation, consacrée dans le chapitre VI de la
nouvelle Constitution tunisienne de 2014, a mis en lumière la question de l’organisation
administrative de l’État unitaire tunisien et renouvelé son présent intérêt.
212. En effet, la décentralisation territoriale dans un cadre unitaire comporte des collectivités
territoriales dotées d’une personnalité morale distincte de celle de l’État. Ces dernières exercent
les compétences transférées par l’État, et ont pour particularité de s’administrer librement, grâce
à des assemblées délibérantes et des organes exécutifs élus. Toutefois, ces collectivités exerçant
dans le cadre d’un État unitaire, elles doivent respecter les lois de cet État. Leurs actes sont
soumis à un contrôle de ce dernier, qui peut conduire à leur annulation. Autrement dit, dans le
cadre d’un État unitaire, les collectivités territoriales peuvent prendre des décisions bien
qu’elles ne disposent pas du pouvoir législatif. Seul le Parlement de l’État détient ce pouvoir.
213. La décentralisation, comme la déconcentration, permet de rapprocher les citoyens des
centres de décision. Elle permet donc une approche intégrée du principe, dans le sens où elle
fait participer les acteurs de gestion et les individus au processus organisationnel et décisionnel,
et notamment au traitement de la question de l’égalité homme-femme. Dans le cadre de la
déconcentration, les décisions au niveau local sont prises par un représentant de l’État et au
nom de l’État. Dans le cadre de la décentralisation, les décisions sont prises par les organes de
la collectivité territoriale au nom de celle-ci. La décentralisation existe dès la création des
collectivités territoriales. Elle ne sera une réalité qu’à partir du moment où l’État leur transfère
de réelles compétences et accompagne ces transferts des moyens financiers qui permettent leur
exercice.
214. Ce transfert de compétence s’est opéré sur le fondement de la notion « d’inégalité
compensatrice»822 consacré à l’article 12 de la Constitution tunisienne de 2014 qui vise à
assurer la justice sociale entre les régions. L’introduction de cette disposition constitutionnelle
a eu pour effet de faire peser une obligation positive d’action sur les acteurs politiques, visant
822 Dans la version arabe de la Constitution les termes choisit sont tamyiz ijabi qui se traduit par discrimination
positive.
220






Page 222
la prise en considération le phénomène de déséquilibre régional et de l’inscrire dans le
programme électoral de chaque parti politique823. L’objectif est de compenser les inégalités
entre les régions les plus favorisées qui se situent dans les zones touristiques et la capitale, par
rapport aux autres régions. Ainsi, tout comme le système français, qui a fait le choix de la
décentralisation, la Tunisie s’est engagée dans une multiplication de réformes et de projets de
réformes dont l’objectif principal est de simplifier l’organisation territoriale et de rééquilibrer
les inégalités entre les territoires.
215. Cette nécessité de simplification n’apparaît pas sans complexité dans l’organisation
territoriale tunisienne. S’ajoutent à ces dispositions d’autres articles consacrés dans le chapitre
6
de la Constitution intitulé «Du pouvoir local» qui viennent régir les relations entre les
collectivités territoriales et le pouvoir central. Les nouvelles structures sur lesquelles se fonde
la décentralisation
824 vont se fixer sur le fondement de l’article 131 de la Constitution
tunisienne. Cet article donne la possibilité au législateur de créer «des catégories particulières
de collectivités locales» qui pourront venir compléter les nouvelles structures. Aussi,
l’article 132 prévoit l’attribution de la personnalité juridique aux collectivités locales ainsi que
l’autonomie financière et administrative. La disposition prévoit également
la
libre
administration dans la gestion des intérêts locaux.
216. La conséquence de la décentralisation sur le principe d’égalité homme-femme fluctue
derechef selon les situations locales. De ce point de vue, les femmes ont la possibilité de
disposer d’un accès aux entités décisionnelles locales, préférables par rapport au niveau
national. En effet, elles pourront désormais opérer directement des changements et être
davantage au fait des réalités de l’inégalité entre les sexes que dans les gouvernements
centralisés. Autrement dit, la décentralisation permet une meilleure prise en charge des
spécificités locales et une action plus immédiate sur les inégalités qui peuvent varier d’un
territoire à un autre. Les autorités locales peuvent également prendre des mesures qui présentent
un intérêt particulier pour le droit des femmes, par exemple les politiques publiques locales sur
les violences conjugales, ce qui permet aux femmes de disposer de l’opportunité d’une
participation plus directe aux décisions locales, voire gouvernementales. En conséquence, leur
participation aux décisions locales a un impact immédiat et important sur leur quotidien. Elles
participent à la prise en compte des spécificités des femmes.
823 H. YOUSFI, 2017.
824 Il s’agit des communes, des régions et des districts.
221





Page 223
217. En ce sens, puisque les collectivités sont régies par des conseils élus, les Tunisiennes
pourront exercer leur droit de suffrage universel direct pour élire leurs conseillers municipaux
et régionaux. Seuls ceux des districts sont désignés par des élus825. Néanmoins, nous pouvons
constater la présence de contraintes de ressources au sein des autorités locales. Les autorités
religieuses et traditionnelles peuvent également constituer une source de domination et
d’inégalité au niveau local. Ces deux éléments sont des obstacles structurels susceptibles de
limiter la capacité des administrations locales à participer pleinement à l’évolution positive du
principe d’égalité homme-femme et des droits des femmes. En raison des éléments évoqués, la
décentralisation peut soit être un facteur de progression soit de régression au niveau régional et
territorial, car les femmes ne constituent pas un ensemble uniforme. La décentralisation ne
renforcera pas nécessairement leur autonomie financière, mais symbolisera le fait que leurs
droits différeront d’une région à une autre.
§ 2. La structure étatique en tant que système d’échange
218. Le système pouvant se définir comme « un ensemble d’éléments et de réseaux
d’échange »,
826 la structure juridique dont nous sommes en train de parler peut également être
considérée comme un système d’échange qui permet une forme de rapprochement entre les
différents systèmes. Ce rapprochement juridique peut se traduire aussi bien à travers le langage
juridique que par une politique d’amélioration des organes de gestion, ainsi que des mécanismes
de protection du principe d’égalité homme-femme. Ce système d’échange appliqué à une
échelle d’analyse comparative rend compte d’un phénomène de convergence entre le système
juridique « dominant » (France) et celui « dominé » (Tunisie). Ainsi, nous constatons, à travers
la question de la structure juridique en tant que système d’échange, un phénomène de connexité
entre les systèmes (A), facteur d’une complexification du droit à l’égalité des sexes (B), ce qui
rend difficilement intelligible le principe d’égalité homme-femme et fragmente les stratégies
structurelles d’interaction.
825 Article 133 de la Constitution tunisienne de 2014.
826F. COLIN, « Droit et complexité », Revista digital de direito administrativo, , v. 1, n°1, Université de SÃO
Paulo, 2014, , pp. 1-22.
222








Page 224
A) Le rapport de connexité entre les systèmes
219. L’étude du système et de son aspect systémique a contribué à faire émerger des pensées
juridiques qui marquent le «
virage systémique pris en droit»827, notamment la pensée dite
systémique, « qui permet de concevoir des phénomènes dans leur intégralité. C’est un cadre qui
permet de voir les interrelations plutôt que les éléments individuels, qui permet d’observer des
processus de changement plutôt que des instantanées «statiques». [...] Et la pensée systémique
marque « une sensibilité pour l’interconnexion subtile qui donne aux systèmes vivants leur
caractère unique
»828. C’est pourquoi l’adoption d’une approche systémique par le droit,
notamment dans les jurisprudences américaines829 et canadiennes830, a permis de souligner
l’importance des actes individuels dans le cadre des inégalités. En effet, la discrimination
systémique, notamment dans l’emploi, se définit comme « une situation d’inégalité cumulative
et dynamique résultant de l’interaction sur le marché du travail, de pratiques, de décisions ou
de comportements individuels ou institutionnels, ayant des effets préjudiciables, voulus ou non,
sur les membres du groupe»831. La prise en considération de l’aspect systémique a bouleversé
l’analyse des discriminations en France
832 et en Tunisie, jusque-là cantonnée aux limites d’une
conception classique. En effet, avec l’émergence de la discrimination indirecte, nous voyons
apparaître la notion de discrimination systémique833.
:
le 22
ligne], 14
| 2018, mis en
juin 2018, consulté
le 09 novembre 2018. URL
827 C. SHEPPARD, « Contester la discrimination systémique au Canada : Droit et changement organisationnel »,
La Revue des droits de l’homme, p. 1 et 14.
[En
ligne
http://journals.openedition.org/revdh/4161 ; DOI : 10.4000/ revdh.4161.
828 P.-M. SENGE, La cinquième discipline : l’art et la manière des organisations qui apprennent, extrait tiré de la
2e édition en anglais,
The Fifth Discipline : The Art and Practice of the Learning Organization, Doubleday, 2006,
p. 68.

829M. MERCAT-BRUNS, « Égalité salariale, discriminations individuelles et systémiques. Un éclairage de la
jurisprudence américaine »
in Les discriminations entre les femmes et les hommes (dir. F. MILEWSKI et al.),
Académique, 2011, pp. 117-138.
830 C. SHEPPARD, art. préc.
831 M.-T. CHICHA-PONTBRIAND, Discrimination systémique. Fondement et méthodologie des programmes
d’accès à l’égalité en emploi, Cowansville, Yvon Blais, 1989, p. 85.
832M. MERCAT-BRUNS, L. CLUZEL, « Analyse comparative de la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour
de cassation sur les discriminations », La Documentation française, Études et recherches, 2011 ; M. MERCAT-
BRUNS, « Entre vie privée et vie professionnelle : un regard sur la jurisprudence de la Cour de cassation »,
Recherches 2009, p. 105.
833 Comme l’indiquent les auteurs : « Les discriminations sont "systémiques", c’est-à-dire qu’elles résultent du
fonctionnement d’un système dont les règles et les convent
ions sont en apparence neutres, mais dont les modalités
de fonctionnement aboutissent à défavoriser de manière significative des personnes en raison de leur appartenance,
réelle ou supposée, à des groupes stigmatisés ». P. SIMON, J. STAVO-DEBAUGE, « Les politiques anti-
discrimination et les statistiques : paramètres d'une incohérence »,
Sociétés Contemporaines, 2004, pp. 57-84 et
pp. 58-59, cité par F. DHUME, « Du racisme institutionnel à la discrimination systémique ? Reformuler l’approche
critique », Migrations Société, 2016, pp.33-46.
223





Page 225
220. Cette notion a permis d’étendre la portée de l’analyse des inégalités entre les sexes en
déplaçant le curseur sur les individus ou les situations interactionnelles ainsi que sur des
mécanismes institutionnalisés et structurels de production d’inégalités et de sexuation. La
notion de discrimination systémique est entendue comme le point de contact entre des aspects
interactionnels et des aspects structurels de discrimination. Comme pour le racisme, les activités
« sont constituées de “micro-iniquités” répétitives et corrosives, mais
inattaquables
juridiquement, les secondes par les règles et procédures de traitement aveuglément inégalitaires,
l’une et l’autre étant incorporées aux règles éthiques et socio-culturelles du fonctionnement
ordinaire des organisations, des institutions, des États
»834. Ainsi, cet aspect systémique
souligne l’importance de mettre en lumière la possibilité de combinaisons entre «plusieurs
niveaux d’appréhension et plusieurs séries de mécanismes concourant à produire et entretenir
un ordre inégalitaire»835. Il existe également des inégalités «fractales» apparues avec
l’émergence d’une catégorisation de fait du groupe de sexe féminin836.
221. L’aspect structurel en tant qu’élément constitutif de l’interaction. Pour comprendre cet
aspect structurel, il faut se référer au développement, dans l’espace et le temps, de modèles
régularisés de relations qui contribuent à maintenir les inégalités entre les sexes en produisant
et reproduisant l’interaction entre les acteurs837. Autrement dit, les environnements culturels et
sociaux, ainsi que les institutions qui les structurent et les individus qui opèrent à l’intérieur et
à l’extérieur de ces institutions, sont engagés dans la production et la reproduction de normes,
attitudes et stéréotypes qui sont vecteurs et porteurs d’inégalités. Ainsi, les croyances qu’ils
symbolisent légitiment, ou participent au maintien de l’inégalité entre les sexes, mais sont elles-
mêmes un produit de l’inégalité femme-homme.838 C’est pourquoi, pendant longtemps, les
inégalités entre les sexes ont été intégrées dans les structures sociales, construites sur le
fondement de conceptions institutionnalisées des différences entre les sexes. De nombreuses
études révèlent un effet inattendu des politiques publiques favorables à la famille sur la situation
économique des femmes. Quoi que les politiques visant à avantager les mères permettent à un
834 V. DE RUDDER, « Racisme adjectivité », Pluriel Recherches, 1995, p. 120.
835 F. DHUME, « Du racisme institutionnel à la discrimination systémique ? Reformuler l’approche critique »,
Migrations Société, 2016, pp.33-46.
836M. VULTUR, J. BERNIER, « Inégalités structurelles et inégalités fractales dans le contexte postfordiste du
marché du travail », Revue Interventions économiques 2013, n° 47, p. 9
837 Le terme structurel peut se définir comme « l’ensemble des règles et des ressources organisées de façon
récursive », A. GIDDENS, La constitution de la société,
op. cit., p. 74.
838https://eige.europa.eu/thesaurus/terms/1399
224




Page 226
nombre plus important de femmes de devenir actives dans le domaine économique, ces
politiques exacerbent les inégalités professionnelles entre les sexes.
222. En conclusion de cette analyse, les écarts de rémunération plus faibles entre les sexes
dans les démocraties développées devraient être attribués à leurs structures salariales plus
égalitaires plutôt qu’à leurs politiques familiales. La contribution paradoxale des politiques qui
ont pour objectifs de concilier le travail rémunéré et non rémunéré839, ainsi que les mécanismes
qui établissent ces politiques, ne fait qu’élargir les écarts de rémunération entre les sexes. Ils
font l’objet de discussions et d’évaluations à la lumière des théories sociologiques. Ces
dernières portent sur le rôle de la politique familiale et des institutions de détermination des
salaires dans les sociétés contemporaines840.
B) L’effet commun de complexification du droit à l’égalité des sexes
223. Le caractère effectif d’une norme juridique passe par l’observation du caractère clair,
intelligible841 et stable de la règle de droit, mais également par le fait que les destinataires de
ces normes soient convaincus de la légitimité et de la validité de sa mise en œuvre. La stabilité
de ces normes transparaît à travers la constance des décisions jurisprudentielles dans lesquelles
le juge applique un raisonnement. Ce dernier a pour objectif de garantir une mise en œuvre
efficace et juste du système juridique. Autrement dit, le droit doit être intelligible dans le cadre
d’un système juridique cohérent842. Le comité Balladur avait déjà souligné l’importance de la
cohérence et de l’intelligibi
lité843 de l’ensemble de l’organisation institutionnelle en charge de
la défense des droits et libertés844. Autrement dit, pour rendre plus efficaces les acteurs tels que
839C’est-à-dire le travail domestique.
840H. MANDEL, M. SEMYNOV, Family Policies, Wage Structures, and Gender Gaps: Sources of Earnings
Inequality in 20 Countries. American Sociological Review,
2005, pp. 949-967.
841 Un auteur a pu relever que l’intelligibilité des lois conduisait tout simplement à une « mascarade juridique » :
« L’obscurité des lois rend le droit imprévisible, en fait un instrument de l’arbitraire, indulgent envers les habiles
et les puissants, impitoyables envers les faibles et les maladroits, une source permanente de conflits, de
verbalismes, de procédures judiciaires interminables
; elle est un des moyens de mettre fin à l’Etat de droit, le plus
pitoyable pare que c’est l’intelligence qui le fait disparaître
: une loi inintelligible est une mascarade juridique ».
Voy. Ph. MALAURIE, «
L’intelligibilité des lois », Pouvoirs 2005, n° 114, p. 131.
842C. LANGLAIS, « La fragmentation du principe de non-discrimination devant la Cour européenne des droits de
l’homme : une source d’imprévisibilité », La Revue des droits de l’homme 2019, p.1. Disponible en ligne depuis
le 11 décembre 2018, consulté le 09 juin 2020 [le 11 décembre 2018, consulté le 09 juillet 2020].
843 Exposé des motifs du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits, septembre 2009, p. 1. Disponible
en ligne sur le site internet du sénat, [www.senat.fr].
844 Le comité a considéré que « l’ensemble des autorités administratives indépendantes qui œuvrent dans le champ
de la protection des libertés en recevant autorité sur ceux de leurs services qui seraient appelés à subsister ». Une
225






Page 227
le Défenseur des droits, comme nous l’avons déjà constaté, il fallait passer par une étape
essentielle relative à la rationalisation du système institutionnel non juridictionnel
845.
224. Or, au-delà de la question de la rationalisation des systèmes institutionnels constitués
par une multitude d’autorités de protection, nous percevons, dans ces systèmes, des entraves
majeures à l’efficacité d’une telle organisation de protection. Elles constituent une source
d’insécurité juridique et de « brouillard» institutionnel pour des individus qui se retrouvent
dans une situation où le système en question présente un déficit de lisibilité et de visibilité.
225. Le déficit de clarté du système se retrouve à travers la question du chevauchement, c’est-
à-dire la question des compétences relatives aux sous-systèmes qui prévoient une pluralité
d’acteurs de défense. Il s’agit effectivement des collisions de normes, mais cette
complexification se situe dans la cause de la fragmentation dans les conflits sous-jacents. Ces
conflits, nous les retrouvons entre les politiques poursuivies par les différents acteurs et la
surcharge des autorités qui interviennent dans le domaine de la protection des droits et libertés.
Cela débouche sur un système complexe au sein duquel subsistent des risques de conflits de
compétences. Les individus se retrouvent dans l’incapacité de déterminer l’institution
compétente pour trancher leur litige. Ici, le problème se pose dans le cadre de la répartition des
compétences entre des ordres de juridictions différentes, mais également dans celui des
autorités habilitées à connaître de la défense du principe de l’égalité des sexes846.
226. L’intelligibilité de la norme est rendue difficile en France avec la multiplication des
outils de défense du principe. À titre d’exemple, le droit de non
-discrimination à travers les
différentes formes qu’elle prend, avec notamment l’introduction de la discrimination indirecte
Ve République plus démocratique - Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage
des institutions de la Ve République
, La Documentation française, 2007, p. 93.
845Aussi le Professeur Bernard Mathieu précise que « L’un des problèmes en France est sans doute de savoir,
surtout dans la perspective envisageable de ''couvrir'' de nouveaux domaines par des AAI, s’il ne conviendrait pas
de regrouper au moins certaines d’entre elles au sein de sortes de ''super
-AAI'' dont un des mérites au moins serait
l’unification inévitable des règles et des procédures applicables. Ainsi l’on a pu constater que, dans certains pays,
les fonctions qui sont celles que nous avons attribuées à une AAI particulière, le Défenseur des enfants, étaient
assurées
par l’équivalent du Médiateur ». Cité par P. GELARD, Les autorités administratives indépendantes,
Rapport d'information n° 404 fait au nom de l’office parlementaire d’évaluation de la législation, 2006-2007, p.
74.
846 Une Ve République plus démocratique - Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le
rééquilibrage des institutions de la Ve République, op. cit., p. 92.
226






Page 228
en 2000, des discriminations multiples847 et par association848 complexifie la situation et dévoile
la fragmentation du principe d’égalité des sexes à travers l’une de ses composantes, la non-
discrimination
849.
227. Concernant la visibilité des acteurs, la fragmentation du système institutionnel de
défense impacte la perception de ce mode de protection par les individus. Dans le cadre de
l’action sociale, nous retrouvons la perception structurée qui se traduit par « la représentation
de l’autre 850 qui n’est pas faite d’une simple accumulation d’observations ou d’impressions
recueillies au hasard, mais plutôt du produit d’une structuration 
»851.
228.
Dans le cadre de la Tunisie, le principe de visibilité apparaît comme «la structure
perceptuelle originale », c’est-à-dire une perception «construite à partir des premières
impressions
»852 de représentations des rapports sociaux entre les sexes, elle n’a « rien de
définitif
»853 ni « d’immuable »854. En effet, l’interaction structurée avec d’autres structures ou
acteurs dans le cadre de leur coopération va avoir pour effet d’ordonner la connaissance du
système étranger qui va se prolongera en une structuration de l’action avec ce système.
Autrement dit, « l’action avec autrui n’est pas plus le fruit du hasard que la connaissance
d’autrui ; elle obéit elle aussi à des modes d’organisation ou de structuration, elle recherche elle
aussi une "meilleure forme"»855.
229. Ainsi, la première rencontre entre les systèmes juridiques tunisien et français est peut-
être la première forme de connexité qui a fondé les règles de base d’organisation entre les
acteurs structurels. La période du protectorat constitue la genèse d’une relation interétatique
encore élémentaire, aux premières heures de la connaissance du système français et de
l’adaptation à celui-ci. L’expérience d’origine, marquée par les facteurs permanents et
conjoncturels que nous évoquerons plus tard, va conditionner les relations entre les différents
847 Cour EDH, 3e Sect., 24 juillet 2012, B.S. c. Espagne, Req. n° 47159/08.
848 V. Cour EDH, 2e Sect., 22 mars 2016, Guberina c. Croatie, Req. n° 23682/13 et Cour EDH, 2e Sect., 28 mars
2017,
Škorjanec c. Croatie, Req. n° 25536/14.
849 C. LANGLAIS, « La fragmentation du principe de non-discrimination devant la Cour européenne des droits de
l’homme : une source d’imprévisibilité », La Revue des droits de l’homme, 2019, p.2.
Disponible en ligne [URL : http://journals.openedition.org/ revdh/5202].
850 G. ROCHER, l’Action sociale, Editions HMH, Ltée, 1968,.p. 19
851 Ibid., pp. 19- 20.
852Ibid. P20
853Ibid.
854Ibid.
855Ibid. p. 21
227






Page 229
acteurs selon l’image que nous nous faisons de la structure. Cette relation va perdurer dans le
temps et a nécessité un processus d’adaptation entre eux. « 
La structure est le lieu commun»856
qui définit les rapports réciproques entre les acteurs et les systèmes sans jamais être définitif,
car il existe «toujours en même temps réadaptation»857. C’est cette exigence constante
d’adaptation que la relation interétatique génère qui « est source […] d’interaction 
»858.
230. Ainsi, la complexification du principe d’égalité homme-femme peut s’expliquer en
partie par le pluralisme des systèmes de protection, une dynamique qui s’étend au « 
pluralisme
normatif, pluralisme juridictionnel et pluralisme procédural
».859 Cette dynamique a fortement
remis en cause le «
caractère opératoire des différents systèmes»860 ainsi que leur efficacité.
Une telle profusion d’acteurs, d’outils et de normes a remis en question la praticabilité de ces
dispositifs.
Section 2 : La structure juridique globale apparaît comme
l’expression d’une prise de conscience du réel
231. La structure juridique est constituée de strates qui déterminent plusieurs niveaux
d’analyse861. C’est pourquoi nous l’appelons « globale ». Avec Ricœur, nous essayons de
comprendre et d’expliquer, à travers une approche structuraliste objective, le phénomène
de
l’ineffectivité des mesures visant à établir l’égalité entre les sexes862. Dans le cadre des sciences
sociales, et notamment en droit, il est difficile «de découper le réel pour en retenir des
objets
»863 pour lesquels on peut «établir des relations constantes»864. Ainsi, la principale
856Ibid. p. 22.
857Ibid. p. 23
858Ibid.
859 P. GAÏA, « La multiplication des garanties et des juges dans la protection des droits fondamentaux: coexistence
ou conflit entre les systèmes constitutionnels, internationaux et régionaux ? Evolution d'une décennie XXIXe :
France »,
In. Annuaire international de justice constitutionnelle 2013, Economica, dossier sur le Pluralisme des
garanties et des juges et droits fondamentaux, pp. 221-290.
860 Ibid.
861 « Structuralisme », Encyclopedia Universalis/Albin Michel, 2001, Philosophie (2005), Anthropologie (2007)
Notionnaire, Idées.
862 « Si "comprendre" reste la pierre de touche de la vérité herméneutique comme participation, "expliquer" se
situe au contraire du côté de la "distanciation" propre aux sciences humaines. Conscient d
e ce qu’une nouvelle
époque de l’herméneutique est ouverte par le succès de l’analyse
structurale » , Ricœur cherchera dans l’objectivité
structuraliste les moyens d’affiner l’approche traditionnelle, et de modifier en conséquence le rapport de hiérarchie
entre l’explication et la compréhension ». B. ROJTMAN, « Paul Ricœur et les signes », Cités, 2008, pp. 63-82.
863C. LEVI-STRAUSS, « Les sciences humaines sont-elles des sciences ? L'ethnologue est un bricoleur », art.
préc., p. 22.
864Ibid.
228






Page 230
difficulté des sciences humaines ne consiste pas à découvrir de «quel type de relation existe
entre les faits
»865, mais dans la question de savoir ce qui, pour les chercheurs, y compris les
juristes, «
doit ou peut constituer un fait»866.
232.
À cet égard, la condition d’effectivité de l’égalité entre les sexes ne constitue pas une
donnée immuable. Elle est évolutive et perfectible, comme témoignent toutes les avancées
juridiques depuis les toutes premières lois favorisant l’émancipation des femmes867. Chaque
niveau représente à la fois une structuration de la forme et du sens de l’égalité des sexes. Dans
ces conditions, au moyen d’un jeu de variables, la diversité des facteurs de structuration des
rapports sociaux, notamment celui entre les hommes et les femmes, aura des conséquences sur
la pérennité du principe d’égalité entre les sexes. Autrement dit, l’intégration du principe
d’égalité dans la structure de la société et le système juridique dépend fortement du temps.
Néanmoins, une constante demeure, celle « d’une représentation commune de la justice »868
dans un espace-temps déterminé, c’est-à-dire «dans un pays et à une époque donnée [qui] lui
ne change pas
»869. Puisque « le droit ne peut ignorer l’écoulement du temps »870, il doit
déterminer sa place, notamment avec «
la prise en compte du passé»871, «le poids du
présent
»872 et « l’approche du futur»873.
233. La signification du principe d’égalité des sexes n’est plus alors qu’une combinaison de
concepts différents agencée selon les schémas dont nous pouvons comprendre l’inventaire et
étudier les variations à tous les niveaux. Par conséquent, la superstructure résulte de la
construction juridique dans le temps. Cela se traduit par l’intégration structurelle et historique
d’un ensemble de textes qui peuvent faire l’objet d’une interprétation distinctement du contexte
de leur émergence, mais également en fonction des besoins déterminées d’une société donnée.
Le juge est le gardien du temps à travers ses pouvoirs d’interprétation et d’harmonisation. Ainsi,
nous pouvons constater que le temps à des effets sur le principe d’égalité homme-femme (§ 1),
notamment sur son niveau d’intégration dans le système. Cela a permis de voir émerger une
865Ibid.
866Ibid.
867Conf. X
868Ibid.
869Ibid.
870 M-F. CALLU, « Le temps et le droit » in Ethique et Sante, 2010, pp. 212-215.
871Ibid.
872Ibid.
873Ibid.
229





Page 231
perspective de lutte politique et collective pour accéder au pouvoir (§ 2). Autant de
perturbations dans le processus de reconnaissance du principe.
§ 1. Les effets du temps sur le principe d’égalité homme-femme
234. Le temps est un élément essentiel dans l’évolution des sociétés et également dans
l’intégration durable du principe d’égalité homme
-femme dans la structure sociale. Nous avons
constaté que les droits et situations économiques des femmes devraient être pris en compte pour
pouvoir mesurer l’égalité des sexes et que ces critères pouvaient conditionner des inégalités
sociales entre les sexes. L’introduction des femmes sur le marché du travail, la possibilité pour
elles de participer à la vie politique, d’accéder au pouvoir et de représenter une partie de la
société a permis de mettre fin aux privilèges accordés aux seuls hommes. Cela a bouleversé la
répartition des responsabilités et du pouvoir, aboli juridiquement la subordination des femmes
aux hommes, et a permis une appropriation du corps de la femme par elle-même. Ces évolutions
sont positives, à condition que l’ordre bouleversé s’accompagne d’une égalité de fait.
235. Malheureusement, il est rare que cette révolution féministe parvienne durablement à
abolir les rapports de dépendance et de subordination qui sont consubstantiels aux phénomènes
de précarité. Elle a plutôt tendance à générer un interventionnisme étatique qui prend
rapidement la forme d’une division catégorielle, protégée par l’État. Ces évolutions n’ont été
possibles qu’au fil du temps, car l’intégration structurelle du principe d’égalité-homme-femme
nécessite un laps de temps déterminé, une temporalité qui n’est pas la même au sein des
différents systèmes.
236. Pour comprendre le phénomène des inégalités dans la société, il faut étudier le temps de
l’intégration structurelle du principe d’égalité homme-femme (A) et les féministes qui ont
adopté à travers le temps des outils analytiques au fil du temps (B).
A) Le temps de l’intégration structurelle du principe d’égalité homme-femme
237. Le «temps » est à la fois un obstacle structurel et un moyen d’intégration du
principe d’égalité homme-femme. Le «temps» du latin tempus, temporis, s’entend à la fois
230








Page 232
comme « rythme de mesure »874 et « comme période »875 Le «droit est le lieu de cette
représentation
»876 et l’expression d’une prise de conscience du réel. Le temps de la loi, traduit
« l’exigence fondamentale du droit entre stabilité et progrès »877. Cet équilibre est assuré par le
législateur qui, tout en s’assurant de « la sécurité des relations sociales», doit également
« pouvoir modifier les règles applicables lorsqu’il pensera qu’une meilleure justice ou un
progrès économique ou social le requière»878. En effet, le Droit « est une œuvre pleinement
humaine
»879, dans laquelle «les conceptions de la justice»880 varient dans le temps et dans
l’espace. Ce tempus est la notion qui est au cœur de l’application concrète de l’égalité des sexes,
alors que son caractère fondamental devrait le placer en dehors du temps881. Aussi, «la remise
en question» est une période « clé » dans la discussion, puisqu’elle représente à la fois une
force et une faiblesse dans la mise en œuvre concrète de l’égalité. Il s’agit d’une force, car
«
l’ouverture du futur libère des anciennes contraintes »882. Il s’agit également d’une faiblesse
puisque « la remise en question et l’ouverture du futur […] peuvent signifier l’effritement de
notre capacité collective à articuler des valeurs communes, à construire des montagnes
symboliques qui distribuent les rôles et les places, à imaginer des institutions porteuses
d’intégration »883.
238. Ainsi, déterminée, la question du statut social des femmes reste, en Tunisie comme en
France l’objet de discussions et de remises en cause. Cette question a été discutée en Tunisie,
de manière positive, dès l’indépendance, puisque le système juridique s’est libéré « des
anciennes contraintes », notamment celles relatives au système religieux de référence. Ensuite,
la révolution de jasmin de 2011 ainsi que le projet constitutionnel qui a suivi ont traduit
« l’effritement » de cette «capacité collective à articuler des valeurs communes» et à
« imaginer des
institutions porteuses d’intégration ». Dans un premier
temps, «la
complémentarité» a été envisagée, au lieu de « l’égalité ». Dans un second temps, le temps de
874Pythagore
875« Au cœur même de la rationalité par le calcul qui marque notre temps se trouvent toujours des croyances
instituées et garanties par le Droit », A. SUPIOT, Homo Juridicus, Essai sur la fonction anthropologique du Droit,
Éditions du Seuil, 2005, p.17
876Ibidem. p. 24.
877 C. JAUFFRET-SPINOSI, Le temps et le droit, conférence inaugurale, Editions Thémis, Montréal, 2005, p. 39.
878 Ibid.
879A. SUPIOT, Homo Juridicus, op. cit., p. 24.
880Ibid.
881 C. JAUFFRET-SPINOSI, op. cit.
882 F. OST, Le temps du droit, Op.Cit. p. 257., Cité par L. ASSIER-ANDRIEU, M. BESSIN, J.-.F PERRIN, « F.
OST, Le temps du droit, 1999 » In, Droit et société, 2000, complexités à l’œuvre. pp. 659-678.
883F. OST, Le temps du droit, op. cit., p. 257.
231




Page 233
la discussion par la remise en cause a été le moyen de faire table rase du passé. Autrement dit-
il a fallu écrire une nouvelle constitution, et prévoir pour l’avenir la conception du principe
d’égalité des sexes, conforme à d’autres valeurs. La remise en question traduisait cependant «le
risque », d’une régression. Cependant elle pouvait également traduire le progrès. Comme
l’explique la doctrine, il existe « une radicalité de la remise en question qui se vit au présent
imprègne l’édifice juridique de l’urgence qui semble se substituer aux autres figures de la
temporalité
»884. Le temps est essentiel car il est à la fois une variable et un invariant
déterminant dans la mise en œuvre de l’égalité concrète du principe. Les progrès réalisés au
niveau des droits fondamentaux et du principe d’égalité homme-femme en Tunisie, mettent trop
de temps à s’intégrer et sont perçus comme étant des palliatifs insuffisants.
239. À cet égard, le défaut de chartes ou de catalogue de droits en droit interne tunisien fait
de la Constitution la seule norme de référence en la matière
885. En effet, d’une part, à la suite
de la suspension le 15 mars 2011 de l’ancienne Constitution du 1
er juin 1959, aucune tentative
d’adoption d’une charte ou Déclaration des droits de l’homme et de libertés n’a abouti886. Il
faudra
attendre une initiative de l’Institut arabe des droits de l’Homme887 portant sur la
rédaction du Pacte de Tunisie des droits et libertés, qui n’est pas sans nous rappeler le premier
Pacte fondamental888 marqué par le contexte d’« une pénétration européenne » 889pour que
naisse l’espoir d’un nouveau texte de référence. La proclamation de ce Pacte a eu lieu le 25
juillet 2012 et a été proposé aux constituants. L’objectif était de poser les fondements de droits
et libertés en tant que « dénominateur commun qui fonde le contrat social et le vivre
ensemble »890 à travers une tentative de compromis entre les acquis universels portant sur les
libertés et les droits de l’Homme, dont le principe d’égalité homme-femme. Malgré
l’engouement suscité par ce Pacte et le soutien important qui lui a été apporté, ce dernier ne
sera pas adopté.
884 L. ASSIER-ANDRIEU, M. BESSIN, J.-F. PERRIN, op. cit., pp. 659-678.
885 R. BEN ACHOUR, « Tunisie ». In. Annuaire international de justice constitutionnelle, Economica, 2013
Pluralisme des garanties et des juges et droits fondamentaux - Les droits culturels, p. 465.

886Ibidem.
887 Avec le soutien de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), de la Ligue tunisienne pour la défense
des droits de l’Homme (LTDH), du Syndicat des journalistes tunisiens (SNJT), de l’Ordre national des avocats
tunisiens (ONAT), de l’Associat
ion tunisienne des femmes démocrates (ATFD), et de nombreuses organisations
de droits de l’Homme et de la société civile.
888Pacte fondamental dans la Constitution tunisienne de 1861.
889 H. CHEKIR, « Les sources d'inspiration de la Constitution tunisienne de 1861 » in Le choc colonial et l'islam
(dir. P.-J. LUIZARD), La Découverte, 2006, pp. 71-88.
890 Texte du Pacte du 25 juillet 2012 disponible en ligne sur [https://www.opinion-internationale.com/pacte-de-
tunisie-des-droits-et-libertes]
232




Page 234
240. D’autre part, un autre le Pacte lui a succède, à la suite de la publication du rapport le 12
juin. Ce dernier a été
établi par la Commission des libertés individuelles et de l’égalité de
2017891 et a pour objectif de purger le système juridique tunisien de dispositions contraires à la
Constitution. Il garantit l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’héritage, d’abroger les
lois fondées sur la « moralité » et abolit la peine de mort. Ce Pacte a pour fondement trois
principes : la liberté, l’égalité et la dignité lesquels concordent en partie avec la devise de la
République tunisienne
892.
241. La nouvelle Constitution de 2014, comme ce dernier Pacte adopte une nouvelle
approche de la conception des droits fondamentaux et du principe d’égalité entre les sexes par
rapport à l’ancienne Constitution de 1959. Ce nouveau catalogue de droits et des libertés
s’inscrit dans une continuité réformatrice et rompt avec l’ancienne Constitution. Cela aura pour
effet d’opérer des changements importants.
242. Ainsi, ce n’est qu’« à défaut de futur mobilisateur»893 qu’il ne reste que la possibilité de
négocier au sein de l’institution « dans l’immanence de nos rapports sociaux immédiats, les
figures provisoires d’un bien commun sans cesse rediscuté »894. Dans ce cadre, l’urgence
apparaît comme «le registre temporel courant de la production juridique contemporaine»895.
Ainsi, «le droit court littéralement après une histoire au rythme accéléré, il vit un “état
d’urgence permanent” 
»896. Cet état d’urgence permanent du droit et notamment celui du droit
des principes, comme celui d’égalité se traduit par l’exclusion des femmes dans certains
domaines. Nous faisons ici référence à l’exclusion des femmes de la politique dans le passé,
mais également dans le cadre du développement économique des pays en voie de
développement, tels que la Tunisie. Le droit a imaginé la société de demain en prévoyant des
règles juridiques qui ont provoqué de profondes mutations dans les rapports entre les hommes
et les femmes, notamment en réglementant leurs relations dans le cadre du travail et de la
famille. Le caractère temporaire «des principes qui sont nécessaires à notre temps» ne permet
pas d’inscrire le principe d’égalité des sexes dans la durée. Aussi, le fait de n’assurer que la
891 Créé par Caid Essebsi le 13 août 2017.
892 Liberté, Dignité, Justice, Ordre.
893 F. OST, Le temps du droit, p. 283.
894Ibid.
895Ibid.
896 L. ASSIER-ANDRIEU, M. BESSIN, J.-.F. PERRIN, op. cit.
233






Page 235
protection des femmes considérées comme appartenant à une catégorie vulnérable, signifie qu’il
est admis que le champ d’application de l’égalité soit restreint aux seuls hommes lesquels
seraient de nature invulnérable. À travers le temps, des concepts ont vu le jour afin de permettre
détecter les domaines qui relèvent des inégalités structurelles.
B) L’émergence de concepts analytiques à travers le temps
243. Au niveau global, le contexte théorique en matière d’inégalité au cours des
années 1990 jusqu’à l’année 1995 s’est transformé. Cette période a été marquée par
l’émergence de concepts qui vont permettre d’examiner les obstacles structurels, notamment
dans le domaine économique, et d’opérer un renouvellement sémantique dans le domaine de
l’égalité homme-femme à travers le temps. Les questions amenées par le statut de la femme
dans l’économie n’ont pas réellement connu de véritables réflexions de fond, mais davantage
un réflexe mécanique qui s’est traduit par un changement sémantique et « une stabilisation » (
pour ne pas dire une régression) de la situation des femmes.
244. L’appareil économique s’est restructuré par le haut avec à la tête de la Banque mondiale
un courant social-libéral qui a tenté de se charger des questions essentielles concernent
l’atténuation des obstacles structurels. La Banque mondiale va faire de la question de la
pauvreté le cœur de son action, alors qu’elle ne dispose pas des outils nécessaires pour mener à
bien cette étude, puisqu’elle étudiait essentiellement sur les questions de croissance. Son action
se limitera à missionner des chercheurs pour interroger des individus issus des classes les plus
pauvres. Ils obtiendront un nombre considérable de témoignages. De ces derniers ressortira
l’idée selon laquelle les individus issus de la classe sociale la plus pauvre éprouvent le besoin
de pouvoir s’exprimer et n’en ont pas la possibilité jusqu’alors.
245. De là a émergé la notion d’empowerment qui se traduit par un changement de paradigme
avec un renouvellement théorique dans la banque portant sur une synthèse des théories néo
kénesienne et néo institutionnalise. La notion d’empowerment a été introduite dans un ouvrage
féministe américain en 1994
897, et est apparue comme étant l’une des perspectives radicales de
lutte politique et collective pour permettre aux femmes d’accéder au pouvoir. Pourtant, elle n’a
pas réellement engendré de changements structurels. Ce concept importé des États-Unis et
897 B. LEVY SIMON, The Empowerment Tradition in American Slocial Work, 1994
234







Page 236
utilisé dans le cadre de la lutte communautaire noire américaines pour accéder au pouvoir, n’a
pas agi sur la structure mentale des individus. Cela s’explique par l’utilisation trop restrictive
de la notion d’empowerment qui se limite au domaine économique.
246. De nouvelles théories sont apparues, au moment où la Banque a décidé de s’aligner sur
les positions de l’ONU et
du PNUD. Aussi, la théorie de l’économie éthique de A. Sen
transformera en profondeur la question et notamment la place des femmes dans la société et
l’économie. Cet auteur constate que, pour l’essentiel, certaines questions ne sont pas intégrées
par les chercheurs et les politiques de la Banque. La dette des pays du sud, dont fait partie la
Tunisie, a significativement renforcé les inégalités. Elle est devenue un mécanisme structurel
de sujétion à la fois politique et économique. Outre, le transfert de biens du sud vers le nord,
autrement dit des débiteurs vers les créanciers, il existe à l’intérieur même du système, un
transfert des richesses des plus pauvres (principalement des femmes et des enfants), vers les
plus riches. L’augmentation du taux d’intérêt qui a été multiplié par trois de manière très brutale
a rendu les remboursements très compliqués.
247. La Tunisie, comme de nombreux États du sud, a dû d’honorer sa dette, alors même que
les intérêts avaient triplé. Les pays en voie de développement ne pouvant pas rembourser leurs
dettes, une crise de la dette a éclaté en 1982. Dans ce contexte le FMI est intervenu, pour éviter
les cessations de paiement, en conditionnant l’octroi de nouveaux prêts aux les pays du sud à
quelques conditions économiques et politiques. Il s’agissait des Plans d’ajustement structurels.
Ces derniers, qui n’étaient pas issus de négociations, mais qui ont été imposés par les
institutions financières internationales, ont renforcé le lien d’interdépendance et de soumission,
ainsi que les renforcé les inégalités et la pauvreté des pays du sud.
248. Les mesures imposées par ces Plans constituaient des instruments de «libéralisation»
du régime social tunisien, notamment avec les exigences de privatisations, les libéralisations du
commerce et des marchés des capitaux, ainsi que les réductions purgatives du budget de l’État
en matière de services publics, tels que l’éducation et la santé. Ces mesures ont rendu certains
droits inapplicables, comme le droit à l’IVG, car les ressources nécessaires n’étaient plus
suffisantes pour assurer matériellement cette prérogative.
249. Une série de conséquences perturbera l’application du principe d’égalité homme-
femme. Par exemple, nous pouvons citer la possibilité de planifier et de contrôler le taux de
235






Page 237
natalité, pour que les femmes puissent concilier leur vie familiale et la vie professionnelle, ou
faire le choix de ne pas avoir d’enfants. Les politiques de contrôle de la natalité, notamment
avec le planning familial, ont profité à l’économie de la Tunisie.
250. Dans cette logique néolibérale, les femmes ont constitué la principale source de main
d’œuvre permettant la constitution de ressources et ainsi le remboursement de la dette. En temps
de crise, elles sont une inépuisable ressource et répondent aussi aux besoins étatiques
898. Ces
ajustements structurels n’ont pas pris en compte les conséquences néfastes en matière
économique et sociale pour la majorité de la population, notamment pour les femmes. En
réalité, ces ajustements ont engendré des politiques d’exclusion, d’appauvrissement et ont été
des vecteurs d’inégalités. En ce sens, l’emploi, les ressources, les techniques restent des
domaines dans lesquels les femmes sont largement sous-représentées. La reproduction sociale
qui a diminué de manière significative en France, mais elle reste un obstacle structurel
important dans les pays du sud, notamment en Tunisie, puisque les tâches domestiques, qui sont
des activités non marchandes, demeurent une constante sociale. Ce maintien se justifie par des
considérations culturelles., prend un temps considérable au quotidien, et constitue, une forme
de routine organisationnelle et structurelle des activités domestiques899.
251. En 1996, la Commission européenne a introduit le concept de gender mainstreaming900
dans l’une de ses communications. Elle considère ce nouveau concept comme sa nouvelle
politique «
 d’égalité entre les hommes et les femmes »901. En permettant une prise de conscience
relative à la réalité d’une inégalité structurelle et systémique, le gender mainstreaming a
constitué une approche préventive. Il avait notamment pour but d’empêcher les pouvoirs
898 Pendant la seconde guerre mondiale, Voy. Y. RIPA, « Les femmes dans la Deuxième Guerre mondiale », in Les
femmes, actrices de l’histoire France, de 1789 à nos jours (dir. Y. RIPA), Armand Colin, 2010, pp. 110-124 ;
Période de l’industrialisation, les femmes constituaient une réserve de mains d’œuvre significative, J.-.M.
WAILLY, « Les différentes phases du travail des femmes dans l'industrie »,
Innovations 2004, vol. no 20, n° 2,
pp. 131-146 ; M. BONNET, « Les femmes en action dans le monde arabe : le « printemps arabe », et après ? »,
Les
Cahiers de l'Orient
2013,, vol. 109, n°. 1, pp. 103-122 ; Les femmes contribuent majoritairement au care.Voy. par
ex. sur le sujet :
A. BORING et al., « La crise sanitaire et les inégalités entre les sexes en France » in Le monde
d'aujourd'hui. Les sciences sociales au temps de la Covid
(dir. M. LAZAR, G. PLANTIN, X. RAGOT), Presses
de Sciences Po,
2020, pp. 117-131.
899 Ramasser le bois, chercher l’eau, préparation de la nourriture
900 Selon Elsa Fondimare, le « gender mainstreaming » consiste en une approche intégrée qui a été « conçue
comme une approche renouvelée de l’égalité des sexes » qui « vise à intégrer l’objectif d’égalité des sexes dans
toutes les politiques publiques, à tous les niveaux de prise de décision. E. FONDIMARE, « Approche
intégrée/spécifique », in
Dictionnaire Juridique de l’égalité et de la non-discrimination, D. THARAUD, C.
BOYER-CAPELLE (Dir .,), L’Harmattan 2021, p. 34.
901 P. GWENAËLLE. « Genre et application du concept de gender mainstreaming. Etude de cas dans la mise en
œuvre du fonds social européen en Ile-de-France et à Berlin depuis 2000 », Politique européenne 2006, vol. 20,
no. 3, pp. 55-74.
236





Page 238
publics de constituer des politiques, qui instauraient ou renforçaient des inégalités entre les
sexes. Cette notion et son utilisation se sont inscrits dans le cadre de la bonne gouvernance.
L’objectif était de changer la culture organisationnelle du système français en tant qu’État
européen. Cet «instrument de politique publique polysémique»902 revêt trois caractéristiques903
qui l’érigent en promoteur du principe d’égalité des sexes. Il induit à la fois une extension
sectorielle904 et séquentielle905 de la politique d’égalité.906 Cette notion apparaît comme une
approche structurelle qui concerne toutes les étapes du processus organisationnel et
décisionnel907. Le concept de gender mainstreaming permet d’examiner, au sein de la politique
publique et de manière comparative, la situation des femmes et des hommes concernés. Il
permet également d’identifier les éventuelles inégalités entre les hommes et les femmes, et de
chercher à les réduire ou à les éliminer. Ce concept complète les outils analytiques des inégalités
sociales et économiques.
252. L’outil de classification catégoriel. Ce concept polysémique amène les chercheurs à
s’interroger sur les hiérarchies entre les sexes et les différentes formes de la domination. Dès
lors, les recherches féministes se sont interrogées sur la construction sociale de la différence
entre les hommes et les femmes. Cela a débouché sur l’idée fondamentale selon laquelle que le
rôle social attribué à chaque sexe découle d’une construction sociale. Pour cette raison, les
femmes ont été cantonnées au rôle de mère et à la sphère privée. Autrement dit, ce n’est pas la
nature qui maintient la femme dans ce rôle et dans la sphère privée, mais bien la société, laquelle
est dominée par les hommes. De ce fait, les femmes se sont retrouvées en charge du travail
domestique, qui est de nature non marchande. Il existe un autre instrument critique permettant
la distinction des rôles sociaux entre les hommes et les femmes
: il s’agit de l’éthique du care908.
902 Ibid,
903 Ibid.
904 Prise en compte de la perspective de genre au sein de toutes politiques publiques.
905 Prise en compte du critère de genre au sein de toutes les phases des politiques publiques.
906P. Gwenaëlle. « Genre et application du concept de gender mainstreaming. Etude de cas dans la mise en œuvre
du fonds social européen en Ile-de-France et à Berlin depuis 2000 », Politique européenne 2006, vol. 20, n° 3, pp.
55-74.
907Préparation, décision, mise en oeuvre, évaluation.
908 « Au niveau le plus général, nous suggérons que le care soit considéré comme une activité générique qui
comprend tout ce que nous
faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre “monde”, en sorte que nous
puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement,
tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie » [Fischer et Tronto, 1991,
p. 40] : « Nous y incluons la possibilité que le soin s’applique non seulement aux autres, mais aussi à des objets et
à l’environnement. » cité par J. TRONTO, « Du care », Revue du MAUSS 2008, p. 244.
237





Page 239
253. Le care, un outil analytique éthique. La distinction entre l’homme et la femme s’opère
d’un point de vue moral
, en considérant que les femmes incarneraient l’attention à autrui et au
cercle familial, et les hommes représenteraient l’objectivité, l’intégrité et l’indépendance. Cela
a également nourri et structuré les rapports sociaux des sexes. Les femmes, qui sont davantage
empathiques et altruistes ont vocation à s’occuper des activités domestiques et les hommes, de
la vie professionnelle et politique.
254. Le care a interrogé du point de vue éthique sur la vie privée et vie publique, qui se fonde
sur des stéréotypes de genres. Cela a alimenté un paradoxe permanent, relatif à la femme : elle
serait à la fois victime et héroïne. La capacité du care donnerait à la femme le pouvoir de sauver
la planète, car elle est capable d’assurer la reproduction de l’espèce, car elle est l’éducation des
enfants et de la génération future, elle serait donc capable de s’occuper de l’environnement909.
§ 2. Perspective de lutte politique et collective pour accéder au pouvoir
255. L’enjeu social et économique a été de rendre le pouvoir accessible aux femmes, que ce
soit dans la sphère privée ou dans la sphère publique. Comment faire peuvent-elles participer
au pouvoir? Quels sont les facteurs déterminants de cette participation? Il nous semble
judicieux de distinguer deux formes de déterminants ou du moins deux variables essentielles
dans la mise en œuvre effective de cette participation. Elles contribueront à rendre plus
égalitaires les rapports sociaux entre les sexes et réduiront les stéréotypes de genre dans le cadre
de l’articulation de ces rapports. Nous pouvons citer la variable de l’éducation (A) dans le
processus de participation au pouvoir ainsi que la variable de l’autonomisation économique
comme moyen d’intégration au pouvoir (B).
A) La variable de l’éducation dans le processus de participation au pouvoir
256. Des pratiques extra-juridiques
telles que
la mondialisation des marchés,
le
développement politique et social ainsi qu’économique ont fortement impacté de manière
909 Propos tenus par I. GUERIN et B. PREVOST, intervenant dans l’émission, Les femmes au cœur du
développement, France Culture, disponible en ligne [https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-
leco/entendez-vous-leco-mercredi-8-novembre-2017] ; Conf sur le sujet I. GUERIN, M. HERSENT, L. FRAISSE
(dir), Femmes, économie et développement : de la résistance à la justice sociale, Érès, IRD, 2011, 382 p.
238








Page 240
négative ou positive les rapports sociaux entre les sexes, mais elles ont également impacté les
politiques publiques sociales et économiques.
257. La mondialisation marquée par fin de l’État-nation, l’uniformisation culturelle, a
métamorphosé le monde notamment d’un point de vue so
ciologique910. Ce concept abstrus et
aux dimensions plurielles a des composantes à la fois politiques économiques et sociales qui
ont eu des conséquences pluridimensionnelles sur la restructuration des rapports sociaux entre
les sexes. Dans le cadre de la mondialisation, la marche de l’individualisation s’amplifie
notamment avec l’extension de la scolarisation, dans le même temps que la reconnaissance
progressive des droits des femmes911.
Selon la théorie des capabilités d’Amartya Sen, réfléchir à la question de l’égalité des sexes
c’est également réfléchir à l’une des composantes de la justice sociale. Pour cet auteur les
approches d’évaluation des politiques sociales doivent s’effectuer comme s’opérant dans
l’intérêt de la société dans laquelle des hommes et des femmes vivent, collectivement, et non
pas de manière individuelle
912. En ce sens l’éducation a vocation à s’appliquer à un ensemble
d’individus qui constituent une communauté, une nation. L’éducation peut être appréciée en
tant qu’élément constituant d’un processus plus général, incluant l’usage de l’information, la
réflexion, la cognition. Elle est un préalable nécessaire à la faculté d’exercice d’un droit, mais
également dans l’exercice de capacités. Les capabilités ou les libertés « jouent un rôle essentiel
pour combattre la misère et l’oppression »913 dans un monde marqué par les inégalités. En ce
sens, l’oppression peut également résulter de la domination des hommes dans la société et dans
la famille, c’est pourquoi l’éducation est, selon lui le moyens central qui permet notamment aux
femmes de participer «
à la prise de décision dans le ménage»914. En effet, pour assumer des
responsabilités et prendre des initiatives, les hommes et les femmes doivent développer
certaines facultés. Ils deviennent des acteurs autonomes de la société. Ils peuvent participer
activement à la vie de la Cité et aux prises de décisions dans la gestion des ménages. Pour cela,
il faut acquérir des connaissances et développer un sens critique. Cette acquisition passe aussi
910 D. MARTIN, J.-L. METZGER, Ph. PIERRE, Les métamorphoses du monde. Sociologie de la mondialisation
Paris, Seuil, 2003, 384 p.
911 Les uns avec les autres. F. de SINGLY, Les uns avec les autres. Quand l'individualisme crée du lien Paris,
Armand Colin, 2003, p. 267.
912 E. UNTERHALTER, «Paper commissioned for the EFA Global Monitoring Report 2003/4, The Leap to
Equality ». Education, capabilities and social justice., 2004/ED/EFA/MRT/PI/76, 2003, p. 2. Disponible sur
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000146971.
913 A. Sen « Un nouveau modèle économique. La liberté des femmes, atout du développement », Le monde
diplomatique, 2000, p. 22. Disponible en ligne [https://www.monde-diplomatique.fr/2000/09/SEN/2389]. Texte
extrait de l’ouvrage A. SEN, Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté, Odile Jacob, 2003.
914 A. SEN inter womans éducation and first rights
239




Page 241
par l’apprentissage de l’écriture et de la lecture. À cet égard « l’éducation influence cette prise
de décision, car elle octroie la connaissance compréhension et capacité à présenter et défendre
ses arguments». Or, cet enseignement est essentiellement acquis sur les bancs de l’école. La
scolarisation et l’alphabétisation des femmes sont une variable déterminante.
258.
Il est nécessaire d’une part de satisfaire des besoins tels que l’éducation, d’autre part
l’attention doit être portée à la façon dont les besoins sont formulés ainsi qu’au respect que se
doivent les individus915. Malgré une politique de scolarisation massive dans le monde, les
femmes restent les principales victimes de l’analphabétisme. Sans l’acquisition de ces outils
d’émancipation que sont la lecture et l’écriture, la femme ne peut être l’égale de l’homme en
tant que membre actif de la société. L’égalité des sexes passe par la garantie effective de l’accès
à l’éducation sans aucune discrimination fondée sur le genre. Les politiques publiques résultent
des actions et traduisent un mode de gestion de l’État en tant que structure qui a des
conséquences sur les décisions humaines. Ces décisions sont également celles qui sont prises
au niveau des ménages.
259. L’alphabétisation des femmes est un préalable à la maîtrise par ces dernières de leurs
droits. C’est un déterminant extra-juridique, et c’est aussi un phénomène sociologique. La
scolarisation est un moyen de faire des femmes des acteurs à part entière de la vie en démocratie
et non pas des spectatrices tapies dans l’ombre. Autrement dit, les conditions de l’éducation
sont corrélées aux processus sociaux de manière extensive, ainsi qu’à la question de l’exercice
de l’action. L’éducation, la scolarisation est le principal moyen de l’accès aux libertés et
capabilités. «
 L’émancipation des femmes est “un facteur décisif de changement »916.
260. L’analphabétisme n’est pas initialement une problématique spécifique à la femme
en Tunisie. Les hommes sont aussi très touchés par ce phénomène. L’éducation s’inscrit au
cœur des mutations sociales qui touche l’État tunisien. Cette mutation s’est opérée par la mise
en place d’un processus visant à pallier une situation spécifique. La situation inégalitaire
2004/ED/EFA/MRT/PI/76,
915 A. SEN,« Freedoms and Needs », New Républic, 1994, p. 38 ; E. UNTERHALTER, « Paper commissioned
for the EFA Global Monitoring Report 2003/4, The Leap to Equality ». Education, capabilities and social
justice.,
sur
2003,
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000146971
916 A. SEN « Un nouveau modèle économique. La liberté des femmes, atout du développement », Le monde
diplomatique, 2000, p. 22. Disponible en ligne [https://www.monde-diplomatique.fr/2000/09/SEN/2389]. Texte
extrait de l’ouvrage d’A. SEN, Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté, Odile Jacob,
2003.
Disponible
p.
5.
240






Page 242
subsiste entre les différents sexes. La femme qui a bénéficié du mouvement général
d’amélioration de sa condition par l’accès à l’éducation n’a pas atteint l’objectif paritaire. Dans
cette expérience sociale via la mise en place d’un nouveau cadre juridique, certains
dysfonctionnements du processus d’évolution affectent le statut égalitaire de la femme
tunisienne. Les mutations majeures vécues par la société tunisienne constituent un élément
déterminant dans l’ampleur de la place du principe d’égalité homme-femme dans le droit et la
société. Cette ampleur est accentuée par la rapidité du changement social qui implique de
nouvelles problématiques sociétales qui se traduisent elles-mêmes dans une forme juridique.
La célérité dans l’évolution des sociétés doit se faire en concordance avec l’engagement et
l’organisation institutionnelle. Il reste à assurer une continuité et une progression dans
l’éducation paritaire.
261.
Il faut, en premier lieu rectifier la situation de la femme analphabète en lui fournissant
les moyens d’améliorer son statut. Ceci nécessite une analyse plus ciblée à travers les
différentes statistiques nationales et régionales917 avec la prise en compte des différents
contextes régionaux. Cette investigation ciblée permet de cerner les caractéristiques et les
indicateurs à l’échelle régionale918, nationale919, locale920 et inter-étatique, dans le cadre du droit
comparé. C’est dans ce cadre que les indicateurs permettent de faire émerger les spécificités,
en vue d’une meilleure articulation du statut de la femme à son cadre régional, national et local.
Il sera possible, par la prise en considération de ces caractéristiques, d’isoler et d’identifier les
freins à cette évolution, afin de constituer des éventuels leviers nécessaires pour la mise en place
de moyens effectifs permettant la prise en mains de leurs droits par les femmes, au même titre
que les hommes921.
B) La variable de l’autonomisation économique, comme moyen d’intégration
au pouvoir
917http://www.ins.nat.tn/indexfr.php
918 Au niveau du Maghreb.
919 Au niveau de la Tunisie.
920 Au niveau des Gouvernorats.
921Analyse du système éducatif Tunisien 2013, rapport dans le cadre du programme de l'organisationinternational
du travail pour la « promotion de l'emploi effectif et le travail décent des jeunes en Tunisie » financé par l'Agence
Espagnole de Coopération internationale pour le développement(AECID), en partenariat avec l'observatoire
national de l'emploi et des qualifications (ONEQ) relevant du Ministère de la formation Professionnelle de l'emploi
Tunisien.
241






Page 243
262. Ségrégation sexuée en matière sociale et économique. Les normes sociales et certains
facteurs de résistances spécifiques au niveau local ont freiné la mise en œuvre effective de cette
autonomisation économique et financière qui est impérative dans le cadre du processus de
participation à la décision et ainsi du pouvoir de gestion. La ségrégation sexuelle en matière
sociale et économique s’exprime dans le cadre de la division sexuée du travail qui au début a
été organisée par les politiques publiques.
263. Un bon nombre de ces politiques avaient pour ambition d’encourager un modèle
d’organisation sociale qui a impacté les rapports entre les sexes. À cet égard, les femmes étaient
encouragées dans le travail domestique et l’éducation des enfants alors que les hommes étaient
encouragés en tant que chefs de famille à occuper l’espace public notamment dans le cadre
professionnel et politique. Cette ségrégation s’est atténuée, en rendant possible l’accès aux
femmes à l’espace public et notamment au marché du travail, malgré des barrières très
compliquées à franchir, liées à l’articulation entre vie privée et vie professionnelle. Toutefois,
la répartition du travail se fait par le biais du genre qui se traduit par une féminisation de certains
emplois et inversement une masculinisation d’autres branches du travail. À titre d’exemple
98 % des assistantes maternelles sont des femmes, car il est considéré comme atypique de voir
des hommes exercer ce type d’emploi qui sont également moins bien rémunérés.
264. C’est sur la base du genre et du care que de nombreuses inégalités de sexes peuvent être
constatées. En effet, les stéréotypes de genre constituent un obstacle à l’égalité professionnelle,
notamment lorsqu’ils ferment l’accès des femmes aux postes de responsabilités en France et en
Tunisie, mais également à certaines sphères professionnelles. Il en va de même dans
l’orientation scolaire des jeunes filles qui reste toujours conditionnée au genre. Un autre
phénomène plus transversal marque la domination des femmes par le biais des violences. En
effet, que ce soit dans la société, dans le travail ou dans l’institution scolaire, une violence de
genre apparaît sous diverses formes922. L’accès à l’emploi et la présence des femmes sur le
marché économique sont fondamentaux dans «la diversification des talents»923. Lionel Jospin,
dans son discours d’ouverture de la séance d’installation du Conseil d’Analyse économique, le
922 Danielle BOUSQUET, présidente du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes et Isabelle
GERMAIN, présidente de la Commission Lutte contre les stéréotypes et la répartition des rôles sociaux HCEfh

Rapport relatif à la lutte contre les stéréotypes, Rapport n°2014-10-20-STER-013 publié le 20 octobre 2014 Remis
à Marisol TOURAINE, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, et Pascale
BOISTARD, secrétaire d’État chargée des Droits des femmes
923 Rapport B. MAJNONI d’INTIGNANO, Égalité entre femmes et hommes : aspects économiques, La
Documentation française, 1999.
242





Page 244
24 juillet 1997 avait eu ces mots très justes sur «la nécessité pour un gouvernement trop souvent
confronté à l’urgence, de pouvoir se référer à une structure de réflexion qui lui permette
d’éclairer ses choix dans le domaine économique »924. Pourtant, cet espace de réflexion a non
seulement été interdit aux femmes, mais surtout elles ont été les grandes oubliées des politiques
de développement après la Seconde Guerre mondiale, alors même qu’elles avaient eu un rôle
significatif.
265. En Tunisie, les femmes ont été davantage victimes du caractère invisible de leur travail,
puisqu’il était informel. L’ajustement structurel en matière de développement économique à la
suite de la crise de la dette en 1982 va également faire des femmes des victimes des politiques
économiques, puisqu’elles en sont exclues. De la même manière, lorsque les banques et le FMI
exigent un «assainissement des finances» et la réduction des dépenses publiques les premières
dépenses mises à mal sont celles qui relèvent du domaine social, de la santé et, en outre, celles
afférentes à toutes les mesures qui jusque-là protégeaient les femmes et leur situation fragile et
vulnérable dans la société. Cette vulnérabilité sociale et particulièrement économique sera
renforcée par la vague de chômage qui va prioritairement et globalement toucher les femmes,
lesquelles avaient été sollicitées par l’industrie. De fait, elles apparaissent comme un «bouche-
trou» des besoins économiques, sans occuper réellement une place stable et reconnue. De là,
on va constater un renforcement des inégalités de genres. Pourtant, il a fallu permettre la
participation des femmes au pouvoir économique et contre balancer la présence exclusivement
masculine dans cette sphère.
266. Dans ce processus de dialogue et de réflexion, «la plupart des interlocuteurs sont des
hommes
» et les barrières instaurées par ces derniers sont difficiles d’accès pour les pauvres et
notamment les femmes. À la différence des pays nordiques et de la France qui dans le cadre
d’un État providence a développé et justifié la conciliation entre la vie professionnelle et les
contraintes liées à la maternité, la Tunisie a dû s’accommoder de son statut de pays en voie de
développement pour trouver des stratégies d’insertions des femmes dans le monde économique.
Le taux de participation des femmes à la vie économique est traditionnellement lié à trois
facteurs : un déclin de la proportion de femmes en couple; « un déclin du nombre d’enfants par
924Lionel JOSPIN, Premier Ministre, Discours d’ouverture de la séance d’installation du Conseil d’Analyse
É
conomique, le 24 juillet 1997. Salle du Conseil, Hôtel de Matignon. Rapport B. MAJNONI d’INTIGNANO,
Égalité entre femmes et hommes : aspects économiques, La Documentation française, 1999.
243






Page 245
femme et un relèvement du niveau d’éducation des femmes ». S’ajoute à cela la nouvelle
technologie domestique qui permet aux femmes dans les pays les plus développés de disposer
de plus de temps pour envisager une activité professionnelle, dans un cadre où les conditions
de travail se sont améliorées925.
267. Dans le cadre de l’autonomisation économique des femmes en Tunisie des études ont
constaté l’inégalité d’accès aux ressources ainsi que le manque d’accomp
agnement de projets
visant à pallier les injustices sociales dans ce domaine. Les économistes mettent en lumière les
activités de «reproductions » traditionnellement effectuées par les femmes. C’est sur le
fondement du genre en tant que moyen analytique et critique, que des inégalités de genre se
sont avérées en matière d’articulation entre production et reproduction. Cette opposition sexuée
a eu pour conséquence d’établir des inégalités économiques et matérielles. Comment ? En
consacrant un caractère sexué du marché qui a littéralement plongé les travailleuses dans
l’ombre. Le caractère sexué du travail se traduit par la surreprésentation des femmes dans
certains domaines, notamment le service, les emplois de bureau ou de soin par exemple. Il
apparaît également à travers la concentration des femmes dans des secteurs d’activité peu
valorisés et dont la rémunération est plus faible. Les hommes quant à eux à l’inverse occupent
des postes à responsabilité tels que ceux relatifs à la direction et à l’administration et des
emplois de production. S’ajoute à cela la forte féminisation des emplois précaires et à temps
partiel. En Tunisie, où il existe encore un secteur informel assez dominant, les femmes y sont
très présentes et sont donc exclues de toute protection sociale. Dans le milieu rural elles assurent
la sécurité alimentaire de la famille dans le cadre des cultures vivrières alors que les hommes
sont davantage présents, voire majoritairement présents dans le domaine de la culture
d’exportation qui est plus rémunérateur. Si l’on prend en compte le travail domestique
accompli, les femmes travaillent plus que les hommes. Ainsi, la précarisation, le caractère
informel de certaines activités, entraîne une inégalité et une insécurité économique et sociale
qui s’ajoutent de celle relative à l’éducation. Cette insécurité, cette instabilité ont pour effet
d’assurer un pouvoir quasi masculin et de rendre son accès difficile pour les femmes. Ainsi,
que ce soit dans le domaine familial, communautaire ou institutionnel, les femmes restent à la
marge.
925 F. JAUMOTTE. « Les femmes sur le marché du travail : évidence empirique sur le rôle des politiques
économiques et autres déterminants dans les pays de l'OCDE », Revue économique de l'OCDE 2003, vol. 37, n°.
2, p.61.
244





Page 246
* *
*
268. Conclusion du titre II relatif à la concurrence de légitimités. De l’analyse de la
concurrence de légitimité, il résulte un double enseignement. Les légitimités sur lesquelles se
fonde le principe d’égalité des sexes ne sont pas les mêmes dans les deux États. Ainsi, selon
que l’on examine le principe d’égalité des sexes d’un prisme tunisien ou d’un prisme français,
les fondements de leur légitimation divergent sensiblement.
269. Premièrement, les systèmes juridiques français et tunisien convergent en ce que tous
deux ont connu un fondement métaphysique qui a laissé des traces dans le droit positif. Si les
causes des inégalités des sexes sont convergentes, leurs effets sont actuellement divergents en
raison des changements opérés dans la détermination des agents de l’ordre social. D’un point
de vue historique et sociologique, les deux États ont connu un ordre social qui devait se
conformer au point de vue religieux lié au patriarcat. L’ordre religieux est générateur de
justifications et de dispositions. Ces dernières constituent le fondement de mécanismes de
comportements. Autrement dit il est l’une des forces de l’action. Que ce soit en France ou en
Tunisie, la légitimité religieuse a empêché l’émergence d’une conception d’une égalité
formelle. Il fait abstraction de toutes les différences religieuses qui sont le corollaire de toutes
les différences sexuelles. La loi de 1905 a marqué un tournant significatif pour l’avenir des
femmes. En érigeant le principe de laïcité comme un agent de l’ordre social, le système
juridique français s’est octroyé un outil de protection supplémentaire contre une résurgence
d’une conception religieuse inégalitaire. Nonobstant l’absence d’un tel agent de l’ordre social
tunisien, ne permet pas de concevoir une conception juridique uniquement en dehors de la
dimension religieuse. La stratégie de sécularisation entamée par le système tunisien dès 1956
avec la promulgation du CSP, n’est pas suffisante pour garantir au moins une égalité formelle
dans le système juridique actuelle.
270. Deuxièmement, nous avons constaté que l’opposition de conceptions constitue une
source de malaise à l’intérieur même des systèmes, mais également entre les systèmes qui
s’explique en partie par la résurgence d’un Islam politique. Le contexte qui a entouré la
rédaction de la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 est particulier. Nous pouvons d’ores
et déjà affirmer que la nouvelle constitution tunisienne figure incontestablement comme un
texte de compromis entre des aspirations qui à la réserve de contradictions, pour le moins
245





Page 247
dissemblables. Comme nous le verrons plus tard, la Constitution de 2014 a été le fruit d’un
processus transitionnel marqué par un clivage idéologique qui oppose la branche séculière à
celle des islamistes. Si ce compromis explique en partie sa traduction en textes paradoxaux et
parfois contradictoires, il a également déplacé le curseur sur ce que le professeur Yadh Ben
Achour qualifie de « contradiction d’inspiration» qui a pour conséquence de laisser
volontairement ou pas aux institutions politiques de lever le voile sur les ambiguïtés et les
ambivalences de certaines dispositions afin de révéler les «
arrière-pensées contradictoires»926.
Cette ambivalence nous la retrouvons dans l’existence deux ordres : l’ordre social fondé sur le
caractère civil de l’État et l’ordre moral fondé sur la religion d’État. De cette difficulté à
identifier l’ordre auquel se rattachent les règles, s’ajoute le risque de substitution de l’ordre
social à l’ordre moral.
271. Nous avons pris position pour élargir le principe d’égalité des sexes en matière de droit
successoral, car il est juridiquement discriminatoire. Toutefois, nous avons constaté qu’avec
l’influence du système français,
le modèle
tunisien apporte aussi des avancées
constitutionnelles importantes par rapport au Maroc et à l’Algérie. La révolution de jasmin de
2011 et la cascade de révolutions qui l’ont suivie ont créé une fenêtre d’opportunités cruciale,
mais limitée, pour des changements politiques susceptibles de façonner la réforme du système
juridique du Maghreb en matière d’égalité des sexes.
272. Troisièmement, l’État, en tant que structure et acteur a été immanquablement au cœur
de la pratique constante de l’inégalité entre les sexes, de sa pérennisation et de ses
renouvellements. La prise la prise en considération du rôle joué par les structures
organisationnelles notamment par l’État dans la production et la reproduction d’inégalités est
porteuse d’importantes dynamiques au niveau de l’effectivité du principe d’égalité des sexes,
notamment avec la diffusion de ce principe sur les zones rurales et la prise en compte des
facteurs socio-économiques par le droit dans la conception et l’interprétation qu’il donne de
l’égalité des sexes. Par ailleurs, certaines structures organisationnelles sont définies par des
normes d’origine constitutionnelle. Ce faisant, elles constituent substantiellement un facteur
d’accélération, un processus d’intégration du principe dans les structures sur l’ensemble d’un
territoire donné. Contrairement à l’ancienne constitution tunisienne de 1959 dans laquelle ces
questions ont été assez négligées, la nouvelle Constitution de 2014 fait de la décentralisation
926 P. Avril, « Enchantement et désenchantement constitutionnels sous la Ve République », Pouvoirs, n° 126, 2008,
p. 8.
246





Page 248
un principe de premier ordre. Grâce à ce changement institutionnel inspiré du modèle français,
le système juridique tunisien dispose d’un nouveau moyen d’intégration la question dans les
processus législatifs et administratifs.
CONCLUSION DE LA PARTIE I RELATIVE
AUX FONDEMENTS DE L’ÉGALITÉ
HOMME-FEMME
273. Historiquement, la Constitution tunisienne de 1959 s’inscrit dans l’évolution du
constitutionnalisme dans les pays arabes. Même si substantiellement, il existe des divergences
avec le modèle de la Constitution française de 1958, sur le plan structural, la Constitution
tunisienne de 1959 marque un nouveau tournant dans ce mouvement constitutionnel. En effet,
tout comme en Europe et en France, il y a eu une accélération du constitutionnalisme à la suite
de la seconde guerre mondiale. La Tunisie n’a pas dérogé à ce phénomène puisque sa
Constitution de 1959 est marquée par des préoccupations sociales. En ce sens, cette dernière
norme a renfermé des déclarations de principes qui à l’instar des Constitutions occidentales,
dont celle de la France, tendent communément à garantir aux citoyens et à l’Homme la
jouissance de droits et libertés, dont l’inspiration relèverait selon la doctrine, « de la philosophie
politique du monde chrétien» et occidental927. Incontestablement, il existe un rapport
d’interaction fertile entre les deux systèmes juridiques. Les modifications apportées par la
Tunisie dans sa nouvelle Constitution de 2014 semblent emprunter le même chemin que celui
entamé par la France. Elles ont permis l’apparition d’une multitude de sources de référence à
l’égalité entre les citoyens et les citoyennes, dont la référence à l’égalité homme-femme.
Conceptuellement, les assises constitutionnelles de l’égalité homme-femme sont affaiblies par
leur caractère ambigu, ce dernier doit être éliminé par le législateur dans l’attente de
927 E. RABBATH, « La théorie des droits de l’homme dans le droit musulman », in, Revue internationale de
droit comparé,
Vol, 11, n°4, 1959, p. 674.
247









Page 249
l’émergence d’une jurisprudence constitutionnelle en la matière par l’institution d’une Cour
constitutionnelle. Par ailleurs, L’absence d’une loi consacrant l’égalité homme-femme de
manière transversale empêche l’émergence d’une telle égalité et conduit à supporter des
dispositions inégalitaires au détriment de la femme et, finalement, de l’effectivité de l’égalité
homme-femme.
274. Dans notre premier titre, où il a été question de la pluralité des fondements de l’égalité
homme-femme, il a pu être montré la portée du principe d’égalité des sexes en France et en
Tunisie et comparer leur divergence. Nous avons constaté qu’à la lecture de l’ensemble des
dispositions constitutionnelles tunisienne une ambiguïté demeure. Cette faiblesse est maintenue
par rapport à la Constitution de 1959.
275. En définitive, les deux systèmes juridiques consacrent l’égalité homme-femme de
manière explicite, le choix de la parité et de la discrimination positive a atténué les écarts et les
inégalités de fait, mais ne permet pas de les éradiquer. Néanmoins, même si la Constitution
tunisienne apparaît ambiguë de prime abord, nous ne soutenons pas l’idée qu’il n’existe que des
dispositions en matière d’égalité homme-femme qui porteraient atteinte à cette égalité. Pour
cette raison, nous avons émis une critique sur l’usage de l’expression « citoyens», puis celle de
«citoyens et citoyennes » qui laisse à penser que l’égalité homme-femme ne vise pas
expressément les femmes, notamment dans le domaine privé.
276. Les éléments d’amélioration de la mise en œuvre de l’égalité des sexes nous ont
interrogé à la fois la portée et les limites du principe plus récent de non-discrimination, ainsi
que des concepts clés tels que la discrimination indirecte. Des réponses ont été apportées par le
droit de l’Union européenne à la France. La Cour de Justice considère que l’égalité des
traitements entre les sexes est un résultat à atteindre. En effet, cet objectif d’efficacité e eu pour
conséquence de faire peser à tous les États membres la traduction de l’égalité au sein des
systèmes juridiques internes français, peu importe les obstacles conceptuels. Cet objectif
d’efficacité n’existe pas dans le cadre du droit régional tunisien et donc le contrôle qui existe
dans le cadre de l’Union européenne à travers le recours en manquement, qui permet de
condamner un état membre qui n’a pas transposé une norme européenne est dommageable pour
le système tunisien. De même que ce type de contrôle peut être exercé par le mécanisme du
renvoi préjudiciel du droit de l’Union européenne et qui contraint les juges nationaux à mettre
à l’écart cette norme non conforme. Si « la Cour de cassation n’a pas immédiatement suivi cette
248





Page 250
approche concrète»928, elle a néanmoins harmonisé sa jurisprudence avec celle de la Cour de
justice de l’Union européenne929. À ce titre, les principaux apports de la jurisprudence
européenne ont porté sur la notion de discrimination indirecte et sur le régime probatoire. Elle
concerne l’application du principe de non-discrimination en droit interne français et son
évolution.
277. Dans notre second titre, où il a été question de la concurrence de légitimités, nous avons
démontré que les sources d’inspirations et les fondements juridiques au sein du système
juridique tunisien sont pluriels. Il a été expliqué qu’au vrai il n’existe pas une seule source de
référence au principe d’égalité des sexes, mais bien deux qui sont aussi distincts et ne sont pas
toujours égalitaires.
278. En outre, force est de relever qu’en dépit de ces éléments qui attestent d’un élan
moderniste incontestable, il subsiste une certaine forme de pesanteur du passé dans le système
juridique actuelle. Si les ouvertures constitutionnelles en matière de parité constituent une
avancée incontestable par rapport au modèle du droit musulman public, elles n’ont pas pour
autant éliminé les symboles forts du droit musulman classique. Le droit des successions en
Tunisie nous a semblé un cas d’école, de l’une des dimensions symboliques de l’ordre religieux
et des difficultés du cadre juridique tunisien de l’égalité homme-femme qui institutionnalise
des discriminations. Nous avons aussi constaté qu’en matière du statut personnel, même si le
renforcement du divorce est une avancée, la rupture de l’égalité homme-femme subsiste. Pour
dire les choses autrement, l’objectif poursuivi par le législateur permet d’atténuer l’inégalité
entre les sexes, mais ne la fait pas pleinement disparaître. Cette inégalité continue d’ailleurs à
s’exercer dans le cadre des effets du divorce. Toutefois nous avons souligné les avancées
positives pour l’égalité. Deux exemples nous ont permis d’en prendre la mesure : la garde de
l’enfant, qui est une avancée substantielle, et l’institution du juge de la famille, qui est une
avancée institutionnelle.
279. Par ailleurs, pour rendre cette Constitution démocratique, il a fallu respecter certains
principes, tels que l’égalité des sexes. Pour respecter ce dernier principe, il y eut une
928 Pierre BAILLY, « L’égalité des salariés en droit du travail », dans Rapport de la Cour de cassation 2003, Paris,
La Documentation française, 2004, p 83.
929 R. SÉNAC-SLAWINSKI, « L'égalité entre les femmes et les hommes dans l'emploi : réflexions sur l’évolution
récente du droit français », Droit et société, 2006, p. 72.
249






Page 251
indispensable conciliation de l’islam et des droits de l’homme. Toutefois, la présence de
dispositions portant sur ces domaines entraîne un risque important de confusion des
dispositions. Le paradoxe entre le droit et les pratiques nous l’expliquons par les ambiguïtés de
la Constitution qui cite l’islam et son rôle dans le système politique et la culture du pays. La
Constitution de 1959 reconnaissait quant à elle expressément l’islam comme religion d’État.
Toutefois, à l’inverse de la France, la Tunisie n’a pas connu de sécularisation du système
juridique. Bourguiba s’est rapidement heurté à la limite religieuse dans sa tentative de
laïcisation de l’État. Comme celui de ses pays voisins (Algérie, Maroc), le système juridique
tunisien comprend des contradictions.
280. La structure juridique peut également être considérée comme un système d’échange qui
permet une forme de rapprochement entre les différents systèmes. Ce rapprochement juridique
peut se traduire aussi bien à travers le langage juridique que par une politique d’amélioration
des organes de gestion, ainsi que des mécanismes de protection du principe d’égalité homme-
femme. Nous avons également dans ce cadre souligné l’effet commun de complexification du
droit à l’égalité des sexes. À cet égard le caractère effectif d’une norme juridique passe par
l’observation du caractère clair, intelligible et stable de la règle de droit, mais également par le
fait que les destinataires de ces normes soient convaincus de la légitimité et de la validité de sa
mise en œuvre. Aussi, la condition d’effectivité de l’égalité des sexes ne constitue pas une
donnée immuable, elle est évolutive et perfectible.
281. Dans ces conditions, au moyen d’un jeu de variables, la diversité des facteurs de
structuration des rapports sociaux, notamment celui entre les hommes et les femmes, aura des
conséquences sur la pérennité du principe d’égalité des sexes. Autrement dit, l’intégration du
principe d’égalité dans la structure de la société et le système juridique dépend fortement du
temps.
282. Transition vers la seconde partie. Une fois compris le caractère pluriel du fondement
du principe d’égalité des sexes, il reste désormais à savoir le mode de structuration du principe
d’égalité des sexes. Les structures sur lequel repose le principe d’égalité des sexes jouent-elles
dans l’amélioration ou la perturbation de la mise en œuvre de l’égalité des sexes? Autrement
dit, eu égard à la diversité de facteurs de structurations du principe d’égalité des sexes, existe-
t-il un facteur commun de structuration entre les deux systèmes ? On l’a saisi, au vu de
250





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l’implication des facteurs de structuration, la question de la diversité des facteurs de
structuration doit être posée. Tel est l’objet de notre seconde partie.
251





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SECONDE PARTIE : LA DIVERSITÉ DES
FACTEURS DE STRUCTURATION
252























Page 254
253





Page 255
283.
Il existe des convergences entre des systèmes comparables. Mais nous pouvons même
dire qu’à défaut de systèmes comparables on peut trouver des convergences lorsqu’il existe
dans chaque état des strates de domination communes. On peut dès lors constater des résultats
identiques par des voix différentes. Depuis 2014, la Tunisie bénéficie d’une nouvelle
Constitution qui intègre expressis verbis la problématique de l’égalité entre les hommes et les
femmes. Cette nouvelle Constitution est basée sur un «collage des mécanismes et principes
constitutionnels» au niveau international, ce qui a pour effet de «produire des solutions
hybrides» adaptées aux nécessités locales. Cette nouvelle Constitution incarne une histoire des
peuples et des valeurs, dont celle de l’égalité entre les sexes et le genre. Toutefois, il serait
erroné d’affirmer que la question du droit des femmes a été initiée par le seul biais de la
révolution de 2011. Le sujet de l’égalité des sexes a été abordé dès la première révolution
tunisienne au milieu des années 1950 et l’adoption de la première Constitution en 1959.
Progressivement, le droit tunisien s’est détaché du droit musulman. C’est grâce à l’énergie et à
la volonté du Président Bourguiba que ces mutations se sont produites. En effet, l’introduction
de nouvelles lois a permis de moderniser la situation de la femme et de rééquilibrer certaines
inégalités. La nouvelle Constitution de 2014 permet également d’intégrer dans la structure
juridique tunisienne le principe d’égalité des sexes comme un élément de réflexion moderne
sur la justice.
284. Si l’idée même de justice est ancienne et trouve ses fondements dans des théories
philosophiques, la détermination du contenu de la notion est beaucoup plus récente et n’est
apparue qu’après le XVIII
e siècle. À la lecture des différents auteurs, on peut s’accorder sur
différents éléments pour identifier ce contenu. Ce lien entre la justice et l’égalité sera
essentiellement le fait des auteurs du XXe siècle tels que Dworkin930 et Rawls qui apporteront
leur contribution à cette construction théorique ; le second affirme d’ailleurs dans sa Théorie de
la justice931 que l’égalité c’est également l’équité.
285. Le philosophe propose dans son ouvrage d’élucider les problèmes théoriques de la
justice au moyen de deux notions remarquables; le principe de différence et la justice comme
équité. Selon Rawls, ces notions constituent les prémices nécessaires à la conception de ce qu’il
nomme le « voile d’ignorance », un concept capable d’assurer le principe de liberté-égalité et
du principe de différence. Autrement dit, le principe de liberté-égalité serait le droit égal pour
930 Voy. R. DWORKIN, Prendre les droits au sérieux, PUF, Paris, 1995.
931J. RAWLS, Théorie de Injustice (1971), Seuil, Paris, 1987.
254





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tous à la condition de ne pas aller à l’encontre de la possibilité d’objectiver la liberté d’autrui.
Si, par la suite, certains concepts dans l’approche d
e Rawls932 très bien sont jugés comme
insuffisants, son entreprise en aura nonobstant influencé d’autres pour qu’il puisse exister une
structuration rationnelle entre la justice sociale et la liberté individuelle. À la suite, des œuvres
majeures, telle que la Théorie de l’agir communicationnel de Jürgen HABERMAS933 ou le
Libéralisme et les limites de la justice
934de SANDEL935 et d’Amartya Kumar Sen bien
viendront prolonger l’édifice théorique d’une conception politique du raisonnement critique,
qui a terme permettra de mettre en lumière les difficultés de mise en œuvre de la justice en tant
qu’idéal moral et politique.
286. RAWLS développe une conception de la justice qui implique que les membres d’une
société qui n’ont pas les mêmes opinions, voire qui ont des points de vue contradictoires, sont
capables de trouver un accord afin de réguler les fondements de la société par la recherche de
ce consensus. C’est peut-être la recherche de ce consensus qui va effectivement devenir une
condition de réussite des politiques égalitaires. L’objectif de la théorie de Rawls est de chercher
la conciliation entre la garantie des libertés à tous les individus, l’égalité des chances et la
conservation uniquement des inégalités qui profitent aux désavantagés. Ainsi Rawls fait de
l’égalité des chances une composante d’un des deux principes de la justice936. En ce sens, il
défend la discrimination posit
ive. Comme nous l’explique Bouretz937, la solution imaginée par
Rawls tend à renverser l’idée qu’il faudrait entendre par ces institutions construites au travers
d’un idéal de justice qui sont dans le cadre du droit « la structure du vivre-ensemble d’une
communauté historique»938.
287. Ces institutions sociales se basent sur un ensemble de règles et de valeurs, qui doivent
assurer la proscription d’actions qui auraient pour effet de porter atteinte à la justice qui se
932 Voy. sur le débat entre RAWLS et HABERMAS, O. PERRU. « Jürgen HABERMAS et John RAWLS, Débat
sur la justice politique
». In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, 1997. pp. 340-346 ; F.
VANDENBERGHE (dir) « Théorie de l’agir communicationnel », In. Une histoire critique de la sociologie
allemande : aliénation et réification
, La Découverte, 1998, pp. 249-294.
933 J. ANDRE. « Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel (1981) in. L'Homme et la société, Les
droits de l'homme et le nouvel occidentalisme
, Paris, Fayard ,1987. p. 189.
934 M. SANDEL, le Libéralisme et les limites de la justice, Essai (broché), 1999, 336 p.
935Voy., F. VON LENNEP « Justice, Michael J. Sandel, Albin Michel, 2016, 416 pages », Revue française des
affaires sociales
, 2016, pp. 291-298.
936 Il estime que « les inégalités sociales et économiques doivent satisfaire à deux conditions […] » dont celle où
«elles doivent d’abord être attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous, dans les conditions de juste
égalité des chances».
937 P75
938Soi-même comme un autre, Paris, Seul, 1990. p.227.
255





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présente comme une forme de « vertu “compensatoire” »939 qui répond à une logique de
«
répartition de droits et de devoirs fondamentaux» 940. Une étude sur la justice distributive
vient délimiter ce que pensent les individus en Europe de la justice distributive qui considèrent
que la répartition des biens justes ou injustes s’articule autour de trois facteurs : la garantie des
besoins de base pour tous, la reconnaissance des mérites de chacun et la réduction des inégalités,
dont ceux relatifs aux revenus941. Aussi, il semble important de s’accorder sur une conception
concrète de l’équité, à partir du moment où il existe une multitude de conceptions du bien qui
coexistent. D’ailleurs, s’accorder sur une conception concrète et commune de l’égalité des
sexes, dès lors que plusieurs conceptions du bien, du juste, de la vérité coexistent, semble être
une nécessité dans le cadre de la procédure légitime qui permet de donner un contenu cohérent
et harmonieux de ce droit et qui permettrait également de donner une application concrète de
ce principe. Si bien que la justification de ce principe passe par des solutions substantielles
tirées de plusieurs théories philosophiques telles que le principe d’égalité-liberté de Rawls, le
principe de discussion et de l’Agir communicationnel de Habermas et Appel, la conception de
justice de
Dworkin ou encore celle comme résultant d’un accord unanime942. À la lecture de
ces travaux empiriques, on ne peut que mettre en lumière les critères appréciés comme légitimes
selon la nature des conflits en cause et leur contexte. Autrement dit, la solution juste à un
différent qui pourrait surgir entre les fins des uns et des autres se présente ad vitam æternam à
établir une règle raisonnable pour chacun, exactement car elle assure la coexistence des fins.
288. Ainsi, l’expression collective de l’égalité des sexes doit explorer toute la palette de
l’égalité des sexes, notamment les formulations d’une multitude de concepts. Le contenu de ses
concepts est tout aussi divers et variable que la conception même de l’égalité des sexes, mais la
recherche d’une adéquation entre ces différents concepts, notamment celles de la liberté, de la
justice, de l’équité, l’efficacité, effectivité, la validité et la légitimité doit être poursuivies sur le
plan de la justice. Pour cela, l’équité en matière d’égalité des sexes est tout d’abord partie
intégrante du droit lorsqu’il prévoit une égalité qualitative et non plus quantitative. Ensuite,
l’équité devient un palliatif lorsque le juge se réfère à ce dernier en cas de lacune du droit. Elle
a déclenché un retour nécessaire à une réflexion plus homogène des concepts et significations
939 D. ALLAND, S. RIALS, (Dir), Dictionnaire de la Culture juridique : 2003, Justice (Doctrine) p. 891.
940 Ibidem.
941 F. MICHEL, M. PARODI. « Justice distributive. La hiérarchie des principes selon les Européens », Revue de l'OFCE,
vol. n
o 98, no. 3, 2006, pp. 213-244.
942 M. FORSE, M. PARODI, La priorité du juste, éléments pour une sociologie des choix moraux, Presses universitaires de
France, Paris, 2004, 256 p.
256




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du droit à l’égalité femme-homme, du moins, en recherchant un équilibre entre les différents
intérêts divergents, tout en respectant un objectif commun; celui de la justice. Aussi, le Droit
apparaît comme «
la boussole»943 qui nous permet à la fois de garder le cap vers une conception
juste et humaniste de l’égalité des sexes, mais aussi en changeant de paradigme en régulant
«les vents autour de principes communs» 944 afin de guider «les humains sur les routes
imprévisibles du monde
» 945. Ainsi, le droit s’interroge sur le destin commun humain partagé
par les femmes et les hommes, le sens de la vie. Il partage ses doutes et ses failles suite aux
échecs de l’égalité des sexes de manière effective. L’émergence contemporaine de ce renouveau
doctrinal au-delà et en deçà du droit remet en cause l’effectivité de l’égalité des sexes, car
« aujourd’hui, c’est le décalage entre le droit et le fait, non plus la lutte pour un droit, qui est en
cause»946. Cette «redécouverte» conceptuelle a connu une sorte de réflexion sur la
signification de l’égalité des sexes, où la notion d’équité fut promue comme l’une des notions
clés de cette interrogation. Pour notre part, dans ce cadre de réflexion, il s’agit d’analyser
particulièrement le rôle joué par les différents déterminants dans la mise en œuvre de l’égalité
des sexes. Toutefois, notre objectif n’est pas de prendre position dans les débats théoriques
relatifs à la nature des concepts dans ses rapports avec le droit, mais davantage de déterminer
la manière dont ces déterminants et concepts opèrent concrètement dans le domaine de l’égalité
des sexes qualitative. Cette égalité qualitative implique que le fonctionnement du principe
d’égalité des sexes soit analysé dans un système global qui répond également à un mode
d’organisation précis encadré par des normes.
289. Selon Cicéron, «le mot latin norma pour désigner à la fois un outil (en l’occurrence une
équerre) censé donner l’angle droit, et un principe directeur
(plus précisément une ligne de
conduite)
»947. La norme en tant qu’outil nous permet d’identifier les mécanismes de mise en
œuvre du principe d’égalité des sexes notamment au regard de la question de la domination et
943 Résumé. « Il ne suffit pas de placer l’humanité et ses valeurs au centre du monde, comme a tenté de le faire la
Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Il faut réguler les vents autour de principes communs et
inventer la boussole d’un humanisme élargi à la planète qui guiderait les humains sur les routes imprévisibles du
monde ». M. Delmas-Marty, Sortir du pot au noir : L’humanisme juridique comme boussole, Broché 2019, 112 pages.
944 Résumé. « Il ne suffit pas de placer l’humanité et ses valeurs au centre du monde, comme a tenté de le faire la
Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Il faut réguler les ve
nts autour de principes communs et
inventer la boussole d’un humanisme élargi à la planète qui guiderait les humains sur les routes imprévisibles du
monde ». M. DELMAS-MARTY, Sortir du pot au noir : L’humanisme juridique comme boussole, Broché 2019, 112 pages.
945 Ibidem.
946 É. PISTER, « Égalité ou parité ? », EPHESIA éd., La place des femmes. Les enjeux de l’identité et de l’égalité au regard des
sciences sociales. éd., La Découverte, 1995, pp. 514-517.
947 G. FERREOL, P. CAUCHE, J.-.M DUPREZ, N. CADREY, M. SIMON, Dictionnaire de sociologie, Armand colin,
2011, p
. 185, Voy. également sur le sujet F. CHAZEL, J. COMMAILLE, (Dir.,) Normes juridiques et régulation sociale,
Paris, LGDJ, 1991.
257




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de la légitimation dans les structures948. Concernant la première théorie, elle se trouve dans
l’ordre institutionnel des institutions politiques et la seconde dans celle des institutions
économiques.949 La structure de la légitimation implique la théorie de la régulation normative
qui trouve son ordre institutionnel dans les institutions légales. Ainsi, la norme implique aussi
des techniques qui sont propres à une société donnée ou un groupe. Elles prennent la forme de
règles. Ces dernières sont légitimées par des valeurs et organisées en systèmes fonctionnant
comme des codes ou des guides. De plus, elles tiennent le caractère contraignant qui implique
que le fait de ne pas appliquer ou de transgresser ces règles peut avoir pour conséquences
d’entraîner des sanctions ou de provoquer des réactions de désapprobation950. Aussi, les auteurs
sont d’accord sur le fait que les notions d’effectivité et d’efficacité du droit renvoient à la
question du passage à la formulation des droits contenus dans la norme juridique et à sa mise
en œuvre concrète dans les faits. C’est ce que la doctrine appelle le passage du devoir être à
l’être ou du
sollen au sein951. Ainsi, pour mesurer l’effectivité d’un énoncé normatif il est
nécessaire de connaître avec précision les prescriptions contenues dans les dispositions de la
norme concernée. Autrement dit, il convient de rechercher dans le langage juridique utilisé par
les auteurs de la norme952, les modalités prévues dans son énoncé afin d’envisager les méthodes
de mise en œuvre concrète de l’égalité homme-femme. Le contenu dispose d’une force
performative953. À cet égard, l’efficacité de l’énoncé repose également sur sa clarté, sa précision
et la cohérence954. Cette force est subjacente à la légistique puisque le travail de clarté du
contenu juridique à travers son énoncé juridique optimalise sa chance d’application. Cette
optimalisation peut avoir comme point de départ sa «structure modale»955 qui se traduit par un
énoncé, un message qui se structure de manière impérative à travers l’interdiction, la permission
948 La structure de la domination s’inscrit dans le domaine de la théorie des ressources d’autorité et celle des
ressources d’allocation.

949 G. FERREOL, Op. Cit. Ibidem.
950 Ibid.
951 Autrement dit à la question du passage du sollen au sein. Voy. V. CHAMPEIL-DESPLATS, E. MILLARD. «
Efficacité
et énoncé de la norme », In. P. HAMMJE, L. JANICOT et S. NADAL (Dir.,) L’efficacité de l’acte
normatif, nouvelles normes, nouvelles normativités, Lextenso, pp. 63-73 ; J. PORTA., La réalisation du droit
communautaire
, Thèse Paris10, 2006 ;
952 La norme peut être considérée selon Alexis Ferrand «comme un acte de communication, un message, émis par
un acteur social et qui vise un autre acteur social
». G. FERREOL, P. CAUCHE, J.-.M DUPREZ, N. CADREY,
M. SIMON,
Dictionnaire de sociologie, Armand colin, 2011, p. 271.
953 elle traduit par « l’idée que la simple énonciation de normes contribuerait à produire des effets dans le monde
ou à permettre à d’autres énoncés juridiques de produire de tels effets
» V. CHAMPEIL-DESPLAT
(Dir.,)
« Effectivité et droits de l’homme : approche théorique » In A la recherche de l’effectivité des droits de
de
l’homme, D.
LOCHAK
http://books.openedition.org/pupo/1142, p. 18.
954 V. CHAMPEIL-DESPLATS, E. MILLARD, « Efficacité et énoncé de la norme », In. L’efficacité de l’acte
normatif, Op.Cit., p. 4.
955 Ibid. p. 5.
de Paris Nanterre,
(Dir.,) Presses
universitaires
Tiré
258




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et l’obligation956. Le contenu de cet énoncé va définir «la définition des comportements ou des
comportements des cognitions qu’un acteur doit adopter »957 à travers «une injonction» ou
«
une recommandation»958.
290. L’existence de la norme est conditionnée à l’existence de sanctions sociales. La sanction
apparaît comme une méthode intemporelle et très ancienne
959. La sanction peut être «négative»
(sanction), c’est-à-dire avec une orientation répressive, ou soit «positive » (récompense), c’est-
à-dire avec une orientation incitative. Par ailleurs, ces sanctions doivent être appliquées par des
acteurs légitimes qui disposent de ressources suffisantes pour mettre en œuvre les outils dont
ils disposent. Néanmoins, à travers «une analyse de la diversification des formes du langage
juridique
»960, il y a eu l’émergence des énoncés juridiques promotionnels961 à travers le
développement de la
Soft Law962. Ces structures d’interactions pour être effective doivent
s’inscrire dans un système juridique global qui structure ces normes. C’est à travers la
répartition des moyens d’action des acteurs du système, c’est-à-dire au sein même de la
structuration du système juridique fondée sur des principes démocratiques que les effets
produits par les normes vont s’inscrire dans le temps. À titre d’exemple la séparation des
pouvoirs, le respect d’une hiérarchie des normes. Pour ces raisons, nous considérons qu’il existe
une diversité de facteurs de la structuration et que l’ordre juridique tunisien ne devrait pas rejeter
le principe d’égalité des sexes dans la sphère de la vie privée.
291. La prise en considération de l’égalité homme-femme en droit par les différents
systèmes juridiques.
Si la Constitution tunisienne de 1959 semblait revêtir les mêmes habits
et caractéristiques que ceux mis en œuvre du côté français, ils s’appuient désormais, au sein
d’un état dit démocratique, sur de nouvelles dispositions constitutionnelles. Pour comprendre
en quoi le rapprochement des deux systèmes juridiques est l’objet d’un rapprochement
pertinent, il conviendra de démontrer, cette fois-ci, l’impact de la diversité des facteurs de
structuration sur le renforcement de l’égalité réelle entre les sexes qui nous paraît louable et
956 Ibid. p. 6.
957 A. FERRAND, « La tension normative : un état à la fois personnel et interpersonnel ». In F.X. SCHWEYER et
Al.,
Normes et Valeurs dans le champ de la Santé, Edition de l’ENSP, 2004, p. 71.
958 Ibidem.
959 En ce sens, « une norme n’existe que si son respect ou sa transgression à une chance d’entrainer une sanction
sociale. Cette condition est cruciale » A. FERRAND, Op. Cit., p. 71.
960 V. CHAMPEIL-DESPLATS, E. MILLARD, « Efficacité et énoncé de la norme », Op.Cit., p. 5.
961 N. BOBBIO, « La fonction promotionnelle du droit », In Essais de théorie du droit, Paris, LGDJ, 1998, pp. 65
et s. Cité par V. CHAMPEIL-DESPLATS, E. MILLARD, « Efficacité et énoncé de la norme », Op. Cit., p. 5.
962 V. CHAMPEIL-DESPLATS, E. MILLARD, Ibidem.
259





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justifié. Pour ce faire, l’étude de ces facteurs de structuration va fonder de manière suffisante
l’idée que la protection du droit à l’égalité des sexes dépend à la fois de l’analyse de
déterminants (TITRE I). Nous pensons qu’il existe des limites aux processus de structuration.
(TITRE II). Cette analyse innovante de la structuration nous semble juste et légitime. Pour
rappel, elle participe au contrat social qui a vocation à garantir l’égalité des droits entre tous
notamment en analysant l’ordre social qui structure les individus, les institutions et
l’organisation au sein d’une société. Ici, l’opposition juridique et extra-juridique doit s’entendre
comme la nécessité de pouvoir prendre en considération la complexité de déterminer la porosité
de la frontière entre droit et non-droit. La délimitation entre le juridique et extra-juridique est
en réalité tout aussi complexe que la frontière entre le droit et les faits qui n’est pas claire. Au
fond, cette distinction nous assure dans le cadre de cette étude une forme de «confort» qui vise
à étudier le rapport entre le droit et les faits sans pour autant déterminer une frontière entre ce
qui relève du droit et du non-droit. Ainsi, cette distinction nous sert de procédé rhétorique,
compte tenu de la porosité de cette frontière.
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TITRE I :
L’ANALYSE DES DÉTERMINANTS
262












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263




Page 265
292. Noberto BOBBIO explique que « la recherche sur l’efficacité ou l’inefficacité d’une
norme
problème
historico-sociologique
»
phénoménologique
»963. Aussi, « penser l’écart »964 en termes d’effectivité « renvoie à la
recherche
«un
pose
une
qui
est
question générale du passage du devoir être à l’être » qui dans le cadre théorique interroge le
problème de «
la détermination du devoir être» et « de l’évaluation de l’être »965. C’est dans le
cadre de l’évaluation des réalités du droit positif, de l’effectivité du droit applicable, que le
juriste rencontre la nécessité d’utiliser des outils pluridisciplinaires
966 pour identifier des
«
facteurs réels de dysfonctionnement des moyens visant à rendre effectifs les droits»967. Cette
identification passe par le recours aux sciences sociales qui offrent une palette de méthodes et
d’instruments visant à évaluer ces facteurs réels. Ils ne sont pas exclusifs les uns des autres, la
question de leur articulation représente un enjeu central pour la compréhension du
fonctionnement de l’égalité des sexes et son effectivité. Ces facteurs sont externes au droit. De
manière plus précise, il existe un mouvement de va-et-vient entre l’analyse formelle du droit et
l’analyse substantielle. En ce sens, le Professeur Racine et le Professeur Siriainen nous
rappellent que « l’analyse substantielle sollicite également le rapport entre la forme et le
fond»968. Le Professeur Farjat969, fondateur de la notion dans le cadre du droit économique,
donne la définition qui suit : « L’analyse substantielle consiste à analyser, à qualifier, ou à
critiquer, des institutions, des concepts juridiques ou des faits à partir d’hypothèses produites
par le droit, ces hypothèses étant livrées par un examen critique du système juridique. Cet
examen critique permet de dégager ce que nous appelons : droit substantiel ou “matériel”. Cette
analyse s’oppose à une analyse ou à une qualificati
on qui serait purement formelle»970.
293. L’analyse structurale rejoint l’analyse substantielle971 en tant que méthode, puisque dans
le cadre de leur fonctionnement. L’analyse substantielle ne cherche pas seulement à décrire le
système juridique et social, mais elle tente aussi d’expliquer et de comprendre ce système dont
le but sous-jacent est d’intervenir en suggérant des réformes. Autrement dit, « elle est tout à la
963 N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, G. Giappichelli Editore, 1993, p. 25.
964 Ibid. p. 6
965 Ibid. pp. 7-8
966 Ibid. p. 8
967 Ibid.
968J.-B. RACINE, F. SIIRIAINEN. « Retour sur
internationale de droit économique, 2007, p. 261.
969 G. FARJAT, « L’importance d’une analyse substantielle en droit économique », Revue internationale de droit
économique 1986, n° 0, p. 9.
970 J.-B. RACINE, F. SIIRIAINEN. op. cit. loc. cit..
971 Cette méthode présente également « un caractère systémique ».Ibid. p. 262.
l’analyse substantielle en droit économique », Revue
264




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fois critique en ce qu’elle incite à un dépassement des formes et féconde en ce qu’elle permet
la création de nouvelles normes»972. Aussi, l’analyse structurale de l’égalité des sexes, à la
différence de l’analyse structurelle, ne permet pas de trouver le sens de l’égalité des sexes et
ainsi l’ordre caché de manière immédiate
973. En effet, cet ordre ne peut être perceptible et
observable qu’en allant au-delà d’une analyse descriptive du contenu du droit. Dans le cadre de
la structure réelle, « le principe d’organisation régissant un ensemble d’éléments se définissant
réciproquement»974 puise, à partir d’un faisceau d’indices, dans des matières en dehors du droit,
pour rechercher la signification du phénomène étudié. Le principe d’organisation puise dans
des matières hors droit qui sont l’histoire et les relations d’interdépendance et coopération. On
dépasse une analyse purement structurale pour prendre en considération la dimension sociale
de la question de la mise en œuvre du droit de l’égalité des sexes. Ces facteurs internes
déterminants qui sont de nature permanente reposent sur l’analyse de l’action, des
comportements, des décisions et de la politique dans un État donné.
294. L’analyse du fonctionnement de l’égalité des sexes peut se réaliser de plusieurs
manières. Elle peut s’effectuer par des données factuelles, l’étude des processus décisionnels,
l’analyse systématique des décisions prises, leurs effets sur le plan politique et social en matière
de mise en œuvre de l’égalité de sexes et ce dans différents domaines. Mais elle peut également
reposer sur une tentative de conceptualisation, cherchant à dégager des modes de
comportements, des concepts clés et des principes directeurs qui ont pu avoir une incidence sur
le choix politique, social, mais également dans l’orientation des actions et des comportements.
Les explications du comportement des individus au sein d’une structure peuvent s’expliquer
par des conditions environnementales. Elles tendent à montrer qu’une action et la gestion en
matière d’égalité des sexes sont le produit de forces venues de l’environnement. Elles cherchent
principalement à identifier et à apprécier les relations entre certains facteurs qu’ils soient
matériels, structurels, culturels ou des ensembles de facteurs et les types d’actions et décisions
prises.
972 Ibid. p. 263.
973 Rappelons que la notion de système intègre et touche à la structure. La structure recouvre le principe
d’organisation de l’objet considéré. La seule détermination de la structure d’un système ne permet pas de rendre
compte du système. A contrario, l’analy
se structurale est une analyse de système qui permet de montrer de manière
partielle
, l’indépendance des éléments d’un objet agencé comme une totalité. En effet, la théorie du structuralisme
considère qu’une structure est «
un Tout formé de phénomène solidaires tels que chacun dépend des autres et ne
peut être ce qu'il est que par sa relation avec eux ». J.B. FAGES, Comprendre le structuralisme, Privat, 1968. Citée
par J. CHEVALLIER, Essai d’analyse structurale du Préambule, n°5, p. 3.
974 A.-J. ARNAUD, Essai d’analyse structurale du Code civil français : la règle du jeu dans la paix bourgeoise,
LGDJ, 1973, p. 19.
265




Page 267
295. Eu égard à la nécessité de facteurs extra-juridiques, l’analyse des différents facteurs
comme élément déterminant dans la mise en œuvre effective de
l’égalité des sexes se caractérise
par un choix fondamental : traiter de la question de l’effectivité de l’égalité des sexes comme
tout autre phénomène social dont les mécanismes de réalisation dépendent d’une multitude de
facteurs. C’est pourquoi il nous faut apprécier l’ensemble des facteurs, au regard de l’objectif
poursuivi, c’est-à-dire celle d’un ordre juste dans lequel la vie est bonne. Autrement dit, il est
nécessaire de déterminer les facteurs qui déterminent les positions et les comportements au sein
de la structure étatique en matière d’égalité des sexes. Il existe une multitude de déterminants
et ils peuvent être classés en deux catégories suivantes : les déterminants internes dans la mise
en œuvre de l’égalité des sexes et les déterminants externes. Dans la réalisation de l’objectif de
l’exercice effectif de l’égalité des sexes, il en est qui relèvent du permanent (Chapitre I) et
d’autres du conjoncturel (Chapitre II). Ces deux catégories ne peuvent être perçues comme
dissociables. Nous estimons qu’au travers de la relation dialectique qui les relie, le système
tunisien se comporte comme un système adaptatif par rapport au système français dans le cadre
d’un processus d’interaction. C’est pourquoi cette double approche catégorielle va se voir
compléter par une analyse des systèmes comme mode d’explication. Autrement dit, ce sont les
facteurs extra-juridiques qui vont également structurer le fonctionnement du droit à l’égalité et
donc impacter, conditionner sa mise en œuvre.
266





Page 268
267




Page 269
CHAPITRE I : LES FACTEURS PERMANENTS
296.
Par opposition à l’adjectif conjoncturel «qui se rapporte à une situation, un résultat ou
une disposition, engendrés par un certain nombre de circonstances
»975, l’adjectif emprunté au
latin classique permanent signifie «qui demeure constamment». Cette permanence résulte de
facteurs qui ont des objectifs inscrits dans le temps en s’efforçant d’intervenir sur des variables
stables qui ne sont pas nécessairement mutuellement exclusives. Ainsi, les facteurs déterminant
le fonctionnement et la mise en œuvre de l’égalité des sexes peuvent être envisagés en un
triptyque de facteurs qui a joué un rôle crucial dans les interactions entre les deux systèmes
juridiques
976 en matière d’égalité des sexes. Pour ce faire, l’étude du fonctionnement du
principe nécessite de s’attacher à différents facteurs qui peuvent être classés selon trois
catégories : les facteurs matériels (section 1), les facteurs structurels (section 2) et les facteurs
culturels (section 3). Il n’existe pas de hiérarchie à proprement parler entre ces différents
facteurs, néanmoins l’un d’eux permet a posteriori de clarifier les rôles de chacun, il s’agit de
la variable politique, que nous nommons pour cette raison facteur structurel stricto sensu.
Analyser la structure d’un État nécessite de présenter les grands axes et les principaux choix
théoriques qui ont guidé ses dirigeants sur une longue période de son histoire. Dans le cadre
des relations sociales, de nombreux facteurs jouent un rôle fondamental dans les rapports entre
le principe d’égalité des sexes et sa mise en œuvre ; il en est ainsi de la constitution matérielle
d’un État qui se traduit par sa géographie, ses structures, ses acteurs, etc. Ce sont ces facteurs
que l’on peut également nommer variables, éléments, et déterminants qui conditionnent le
fonctionnement et l’action des acteurs qui l’animent.
Section 1 : Les facteurs matériels
297. La structuration du droit à l’égalité des sexes par des éléments matériels est constituée
d’une
classe de variables de différentes natures qui interagissent pour former et maintenir cette
égalité. Ici, pour saisir la structure de cette interaction, il est utile de distinguer les différentes
dimensions de facteurs matériels déterminants qui interviennent dans le fonctionnement du
contenue
975Définition
https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/conjoncturel/
976 Les systèmes tunisien et français.
dans
le
dictionnaire Larousse. Dictionnaire Larousse
[en
ligne],
268







Page 270
principe d’égalité des sexes. À ce titre, on peut distinguer l’histoire (§ 1) et la géographie (§ 2)
par lesquelles les activités humaines et les différentes sphères vont être conditionnées,
influencées dans les choix et la détermination politique de mise en œuvre de l’égalité des sexes.
Aussi, le rôle joué par l’absence de ressources a été significatif dans le choix d’une politique
gouvernementale (C). De cette manière, la structuration de ce principe par des facteurs matériels
conduit à la formation d’un droit singulier.
§ 1. Le facteur historique en tant que clé de compréhension de la
structuration de l’égalité des sexes
298.
Les concepts-clés révélés par l’histoire. L’histoire, du latin historia, peut se définir
comme « la connaissance du passé de l’humanité et des sociétés humaines ; discipline qui étudie
ce passé et cherche à le reconstituer
: les sources, les matériaux, les méthodes de l’histoire »977.
De la même manière, l’histoire est un déterminant dans la compréhension de l’écart entre la
norme et sa concrétisation978. Selon Jean Carbonnier, l’« Histoire en principe lorsqu’elle est
histoire contemporaine porte sur le passé»979 et l’histoire du droit, qui n’est pas sans rapport
avec la sociologie juridique, cherche «très légitimement» à « reconstituer d’une façon aussi
exacte que possible le déroulement des institutions dans le passé»980. Ainsi, l’histoire est l’étude
du passé, plus précisément de celui de l’humanité, constitué des faits et de mémoire, elle a pour
but de comprendre le déroulement de ce passé. L’histoire et le droit ne se confondent pas au
regard de leur objet ni de leur structure981. Aussi, l’histoire du droit et l’histoire cultivent
chacune à leur manière des rapports complémentaires avec le droit982. En ce sens, l’histoire
nous permet d’apporter un éclairage contextuel sur le droit alors que la finalité de l’histoire du
droit est d’en dévoiler le contenu, par-delà les époques, en narrant l’histoire de ses constituants
normatifs et conceptuels. Que ce soit l’histoire ou l’histoire du droit, ces domaines constituent
des points de contact nécessaires avec le droit, car ils peuvent être considérés comme facteurs
d’éclairage substantiel du principe d’égalité des sexes. En effet, l’histoire va saisir par ricochet
le droit en tant que phénomène social, puisque l’objet du droit consiste à régir les rapports entre
977 Dictionnaire Larousse [en ligne] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/histoire/40070
978 Comme nous l’explique Noberto Bobbio X (N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, op. cit., p. 25.)
979 J. CARBONNIER, Cours, Sociologie juridique théorie sociologique des sources du droit, 1960-1961, BU
Cujas.
980 Ibid.
981 E. CARTIER, « Histoire et droit : rivalité ou complémentarité ? », Revue française de droit constitutionnel,
2006, pp. 509-534.
982 Ibid.
269





Page 271
des individus dans une société déterminée. Ainsi, le facteur historique est «central»983 pour le
juriste qui se trouve dans «
 la situation d’un historien »984.
299. À ce stade, la philosophie du droit propose un modèle assez complexe, mais sur lequel
peut-on s’appuyer pour comprendre la structuration de l’égalité des sexes au sein de l’État ?
Selon le concept sémiotique de narrativité de Nhérot, on ne peut comprendre la nature de la
norme juridique, ses modalités de création, son interprétation ainsi que son application, sans
s’intéresser aux périodes historiques qui constituent des facteurs non juridiques. Le juriste dans
son rôle d’historien qui souhaite dans un premier temps expliquer « les événements contingents,
humains
»985, s’attache donc à considérer « les facteurs extra-législatifs de production du
droit
»986, comme «des facteurs historiques qui vont déterminer le sens même des énoncés»987.
Si bien que selon les périodes historiques dans lesquelles on se place, l’énoncé « pourra
recouvrir des sens bien différents
»988. C’est ainsi que la politique de mise en œuvre de l’égalité
des sexes ne peut être déterminée et analysée sans reconnaître à certains événements du passé
l’influence déterminante qu’ils ont pu avoir sur les mécanismes extra-juridiques de mise en
œuvre de l’égalité des sexes et le cours des choses. C’est en recherchant dans le passé que l’on
peut déterminer les sources d’une politique d’un État. Pour pouvoir analyser le processus
d’interaction des systèmes, les structures ainsi que les comportements, il faut au préalable
identifier les acteurs et les données factuelles qui ont fortement marqué leur époque en jouant
un rôle important sur la scène de la réalisation de l’égalité des sexes.
300. En ce sens, l’histoire nous montre que, sous l’influence du modèle français, la Tunisie
a su se démarquer des autres États du Maghreb en s’écartant progressivement du droit public
musulman classique et en intégrant progressivement des dimensions déterminantes dans la
construction de l’égalité des sexes. Elles n’ont cessé de conditionner le fonctionnement
structurel de sa mise en œuvre. En France, c’est sous le régime de la troisième République, que
la société s’est détachée d’une conception religieuse de l’éducation pour se tourner vers une
983 P. NÉRHOT, L'Interprétation en sciences juridiques. La notion de cohérence narrative, 1990, p. 320. Cité par
A., Sylvie. "Droit et sémiotique : la cohérence narrative."
Victoria University of Wellington Law Review, , 2011,
pp. 331 et s, Disponible en ligne [
Gale Academic OneFile]
984Ibid.
985 Ibid.
D. MANTOVANI, « Le juriste "historien" »,
in Les juristes écrivains de la Rome antique : Les œuvres des juristes
comme
ligne]
Belles
<http://books.openedition.org/lesbelleslettres/204>.
986 S. ANDRÉ, Droit et sémiotique: la cohérence narrative, Op. Cit. Idem.
987 Ibid.
988 Ibid.
littérature.
129-183)
Lettres,
Paris :
2018.
(pp.
Les
[en
270





Page 272
conception publique et laïque fondée sur le principe républicain d’égalité. Ce fait historique va
avoir une répercussion dans la société tunisienne. C’est sur ce même modèle historique que le
protectorat français a introduit un modèle d’éducation égalitaire et mixte entre les filles et les
garçons, entraînant la division de la sphère privée et publique.
301. La domination des hommes et les différences culturelles et sociales sont les fruits
d’une construction historique. C’est sur le fondement d’une différence de capacité que la
hiérarchie s’est opérée entre les sexes. Elle remonte en fait à la représentation de la
représentation suivant laquelle la femme est naturellement inférieure et que la nature lui a
octroyée comme seule fonction la reproduction de l’espèce. La domination s’est traduite par
une soumission historique qui a fait de la femme un bien sous la responsabilité de l’homme et
ne pouvant obtenir certaines libertés qu’à la condition d’en obtenir l’autorisation de l’homme.
Les féministes ont été les premières à vouloir rompre avec cette idée que l’inégalité résulte de
la nature. En effet, si l’« on ne naît pas femme, on le devient»989, l’identité de l’individu de
sexe féminin est le résultat d’une construction sociale et culturelle.
302. L’histoire nous montre qu’en Tunisie en 1930 le premier féministe est un homme, Tahar
Haddad, qui a remis en cause plusieurs lois attribuées à la Charia
. C’est sur la base de son
travail, qu’un autre homme Bourguiba en 1956
990, a concrétisé l’émancipation des femmes avec
l’instauration du Code du Statut personnel. Autrement dit, ce sont les hommes qui ont
encouragé en premier lieu l’émancipation des femmes et la construction d’un féminisme d’État
et non pas les femmes. L’impact est double. Cette volonté politique est source de légitimation
puisque l’émancipation vient du « père » des Tunisiens et bénéficie ainsi de l’autorisation de
l’homme providentiel. Néanmoins, la structuration d’un féminisme d’État sous contrôle du
pouvoir central va être contre-productive dans la mise en œuvre d’une véritable culture
féministe créée par les femmes. Cette culture peut tout simplement manquer de légitimité; les
événements de contestations lors de la période de transition des années 2010, que nous verrons
plus loin en détail, vont révéler la fragilité et l’éclatement du féminisme selon la classe sociale
989 « On ne naît pas femme, on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure
que revêt au sein de la société la femelle humaine
; c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit
intermédiaire entre le mâle et le castrat qu’on qualifie de féminin
». S. Beauvoir, Le Deuxième Sexe I, Paris,
Gallimard, [1949], 1976, p.13.
990 Décret beylical du 13 août 1956, portant promulgation du Code du Statut Personnel. J.O.R.T n° 104 du 28
Décembre 1956. Entrée en vigueur du Code le 1er janvier 1957 relatif à la mise en œuvre de l’égalité entre l’homme
et la femme dans différents domaines, notamment dans la sphère familiale.
271






Page 273
au sein de la Tunisie. Cette analyse fondée sur l’histoire va puiser ses sources dans nombre de
références qui vont nous permettre, comme dans le cadre du droit international, de déterminer
une multitude d’approches pour comprendre le phénomène extra-juridique de l’effectivité du
principe d’égalité des sexes.
303. L’interaction des systèmes français et tunisiens relève également de l’histoire. Les
relations entre les deux États sont anciennes,
elles remontent à l’année 1577, au règne
d’Henri III qui souhaitait instituer à Tunis une régence française991. Cette relation sera
institutionnalisée par le traité signé le 12 mai 1881 au palais du Bardo
992. À partir de cette date,
l’interaction entre les systèmes français et tunisien a été plus ou moins vectrice d’amélioration
dans la construction et la réalisation de l’égalité des sexes. Les différents contacts entre la
France et la Tunisie ont fait l’objet d’une opposition entre l’histoire locale tunisienne et
étrangère. L’histoire locale fondée sur la religion, les coutumes et le caractère oral des règles
sociales, l’autorité et la tradition se sont trouvés en contradiction avec le droit français
initialement étranger. La mise en œuvre du protectorat a été le moyen de fusionner puis de
dominer les règles de gestion et d’interactions locales avec des règles universelles qui
consacrent la liberté et l’innovation par le progrès. Cela a complexifié les rapports historiques
entre les deux structures et notamment les rapports entre les hommes et les femmes. La
révolution de 2011 est le premier éveil d’une histoire révolue, celle du colonialisme, mais
également une résurgence paradoxale de faits historiques dont les sources d’inspirations sont
différentes. Elle met en lumière l’intégration du fait démocratique qui a été méconnu jusqu’à
cette date. Elle n’a pas été imposée par la domination d’une histoire étrangère sur l’histoire
locale. Elle est le fait d’une histoire tunisienne dont la population a fait le choix de la
démocratie, principe français occidental qui a été symboliquement importé, mais qui a toujours
été étranger à la structure politique tunisienne. Autrement dit, la révolution de 2011 est un
phénomène local qui s’est propagé du bas vers le haut de la société et qui a pour source
d’inspiration les valeurs démocratiques occidentales. Elle révèle également l’attachement
historique à la tradition arabo-musulmane avec la résurgence classique de la religion à laquelle
se heurtent les valeurs libérales et étrangères.
991 H. Saidi, « Le protectorat et le droit. La Régence de Tunis entre la Charte de 1861 et le système colonial
français »,
Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales Insaniyat, 2014, pp. 239-257.
Disponible en ligne [http://journals.openedition.org/insaniyat/14878]
992 Ibid.
272





Page 274
§ 2. Le facteur géographique, fondamental dans la détermination de la
politique en matière d’égalité des sexes
304.
Il est important de prendre en considération la géographie comme une variable
significative dans le cadre de la structuration d’une organisation sociale. L’espace
géographique est déterminant dans la politique d’un État. Les « contraintes physiques [tels que]
déserts, montagnes ou mer
»993 ont des incidences significatives sur l’organisation structurelle
d’un État à travers l’organisation politique de la société
994. Sans tomber dans les raccourcis
simplificateurs, contre lesquels nous met en garde Yves Lacoste, les géographes français à partir
du XXe siècle et jusqu’à récemment considéraient que les questions politiques ne faisaient pas
partie de la géographie995. Ici, nous n’entrerons pas dans les détails historiques de la genèse des
notions de géographie et de géopolitique. Nous nous cantonnerons à celles qui ont eu une
influence sur les politiques tunisiennes996 et françaises dans le domaine de l’égalité des sexes,
à commencer par les interrogations liant à leurs environnements naturels, en l’occurrence,
l’Afrique et l’Europe. La position géographique de la Tunisie est certainement un facteur
déterminant qui, à travers l’histoire, nous démontre « sa capacité à attirer, à retenir et à
synthétiser les apports les plus divers
»997. En effet, constituant le cap le plus élevé de «la
grande île du couchant», «adossée au continent africain» et « tournée vers l’Europe », elle
apparaît comme un territoire ouvert aux influences de nombreuses civilisations transportées et
diffusées par la voie marine qui la borde. En ce sens, même si la colonisation998 française a
imprégné une partie de la structure juridique et sociale tunisienne d’une trame constitutionnelle
spécifique, elle a surtout orienté le choix de la Tunisie vers un éveil au modernisme qui a eu
pour conséquence de s’ouvrir à d’autres systèmes juridiques. Le jeu de l’interaction a permis
des apports féconds tout en veillant à sauvegarder les valeurs propres du système local, issues
d’expériences plus anciennes et de l’influence arabo-musulmane. À ce titre, on peut citer
993 P. BÜHLER. « Puissance et géographie au XXIe siècle », Géoéconomie 2013, pp. 143-162.
994 Sur la question de la théorie de la puissance géographique, Montesquieu, L’Esprit des Lois, Livre XVII, Chap.
III, cité également par P. BÜHLER,
art. préc., 2013, pp. 143-162.
995 Y. LACOSTE. « La géographie, la géopolitique et le raisonnement géographique », Hérodote, 2008, pp. 17-
42.
996 D. PEREZ, « L’évolution des cultures politiques tunisiennes : l’identité tunisienne en débat », Le Carnet de
l’IRMC, 7 janvier 2013, Disponible en ligne [http://irmc.hypotheses.org/723. ].
997 M. BEN AHMED, Les trois décennies de politique étrangère du Président Bourguiba, Centre de publication
universitaire, Tunis, 2019, p.8.
998 Sa situation géographique par rapport à l’Algérie a également été déterminante dans le projet de colonisation,
puisqu’elle en a constitué le prolongement même si le statut juridique n’est pas le même.
273





Page 275
l’importation du concept de citoyenneté cher à la notion fondamentale de l’égalité en Europe.
Dans le cadre d’une conjoncture favorable permettant à la Tunisie d’envisager la modernisation
du régime du Bey, Khaireidin Pasha estime que « l’organisation basée sur la justice
politique»999 est la clé du succès de l’Europe, notamment en intégrant les citoyens dans cette
justice. Il justifie la possibilité d’importer ce modèle en se référant à la Charia et donc à la
structure la plus ancienne. La Charia ne prohibe pas l’institution d’organisations politiques qui
consoliderait «la civilisation et le progrès », l’importation de ce concept est donc difficilement
discutable. Autrement dit, tout ce qui n’est pas prohibé est autorisé. Cette influence a eu
certainement un impact sur la conception de l’égalité des sexes puisque dès l’indépendance en
1956, la Tunisie a progressivement intégré l’individualisme comme fondement de la société
libérale alors qu’initialement les fondements idéologiques et philosophiques du pays ignoraient
totalement «la propriété privée et l’individualisme puisque “la pensée juridique musulmane
donne valeur au groupe et à la communauté plus qu’à l’individu” 
»1000. La rédaction du projet
de la nouvelle Constitution tunisienne de 2014 a consolidé cette intégration, d’une part, en
envisageant la parité au sein de l’Assemblée nationale constituante, d’autre part, en consacrant
l’égalité entre citoyens et citoyennes de manière expresse.
305. Confluence tunisienne. Abreuvée à différentes sources culturelles, l’influence arabo-
musulmane a constitué l’une des plus importantes en termes de structuration du système
juridique tunisien. Ce dernier dispose jusqu’à l’heure actuelle un niveau d’enracinement
considérable. Sur les vestiges du passé, de Carthage phénicienne à Kairouan ville sainte arabe
et au traité de Bardo, la Tunisie a su tirer de cette multitude de sources une forme de conciliation
entre le passé et le présent, notamment en trouvant des points de convergence et de
concrétisation entre les idées anciennes et modernes. En ce sens, tout comme sa position
géographique qui l’érige naturellement en espace de rencontre, le système juridique tunisien
fait preuve de synthèse et d’ouverture en intégrant des principes issus de grandes idées
philosophiques que sont la liberté, la dignité et l’égalité. Ainsi, la structure juridico-politique
tunisienne intègre à la fois les réalités religieuses issues du droit public musulman qui revêt une
forme de pluralisme
1001 et des nuances qui permettent d’intégrer des principes étrangers au
999 K. AL-TUNSI, Aqwamul-massalik fi ma'arifati-ahwâl al-mamalik (Traduction : Meilleures chemins pour
connaitre la situation des pays
), Imprimerie de l'État de la Tunisie, 1867. p. 11. Cité par A. HMIMSSA , La notion
de citoyenneté dans la pensée islamique moderne et contemporaine, Université de Montréal, 2011.
1000 M. MOUAQIT, Droit public musulman aspects classiques et contemporains, Édition Afrique Orient 2011, p
11.
1001Le professeur Mouaquit précise que le mot « musulman » couvre une réalité religieuse faite de diversité et
d’oppositions. Notamment celle qui s’articule sur l’opposition entre les chi’ites et les sunnites. Il ajoute qu’« à
274




Page 276
système existant. Autrement dit, la situation géographique de la Tunisie a été déterminante dans
la composition de sa superstructure en opérant une reconnaissance plus ou moins symbolique
de l’appartenance à l’Islam tout en maintenant un équilibre entre les divers droits et libertés et
les référents religieux. La conciliation est difficile, mais pas impossible, compte tenu du fait
que l’intégration du fiq’hisme n’est pas aussi importante que dans les autres modèles
musulmans. Ce pays qui se trouve à la porte de l’Europe est le premier pays arabo-musulman à
opérer une transition démocratique dont l’un des enjeux a été la question de l’égalité des sexes
et le statut des femmes.
§ 3. Le rôle joué par l’absence de ressources significatives dans le choix
d’une politique gouvernementale
306. La capacité et les ressources d’un État sont déterminantes dans la conjecture dans
l’élaboration des politiques publiques.
Dès l’indépendance, le régime tunisien, notamment
celui de Bourguiba, a eu conscience de l’imbrication entre le facteur des ressources en Tunisie
et la politique à conduire pour pallier ses limites. L’action politique a été fortement influencée
par des facteurs affaiblissant l’État tunisien ; celui-ci disposait de faibles ressources naturelles
et dut mettre en place des structures de production et d’organisation économique adéquates.
Pour réaliser la conciliation de la Tunisie avec sa situation historique et géographique l’État se
devait de jouer un rôle important sur la scène nationale, régionale et internationale. Pour ces
raisons, la politique tunisienne s’orienta vers le choix de la compétence en puisant dans ses
ressources humaines. La stratégie choisie fut celle du développement de l’éducation et de la
formation pour tous et, surtout, de l’intégration des femmes. Rappelons-nous l’image
symbolique des femmes dévoilées par Bourguiba dans les rues tunisoises. Par ce geste même,
comme le souligne le Professeur Farjat, la Tunisie par la main de Bourguiba «choisit
l’émancipation de la femme et un développement considérable de l’enseignement »1002, en
consacrant «
 la plus grosse part du budget à l’éducation »1003. Ainsi, le juriste Bourguiba fit de
l’éducation et de l’émancipation de la femme le «pétrole » tunisien. C’est en ce sens que le
Professeur Farjat apprécie cet investissement comme étant, d’une part, pertinent à l’égard du
développement et de l’économie et comme constituant, d’autre part, un rempart contre les
l’intérieur de chacune de ces composantes il y a une multitude de nuances, de tendances et d’écoles ». M.
MOUAQIT, op. cit., p13.
1002 G. FARJAT, Pour un droit économique, PUF, 2004, p. 172.
1003 Ibid.
275





Page 277
impedimenta liés à l’intégrisme religieux qui gangrène les sociétés musulmanes, notamment
leur développement et à travers elles, le statut des femmes. À juste titre, il remarque «une
concordance entre le développement des droits subjectifs, ici ceux de la femme, et le
développement économique»1004. C’est pourquoi il y a une « nécessité de l’enseignement
universelle, des droits de l’homme, et surtout, de la femme », car «le droit remplit aussi une
fonction pédagogique
»1005.
307. L’histoire permet donc de définir la condition sociale de la femme et de saisir par la
même occasion le fonctionnement de l’égalité des sexes. Ainsi, elle doit se comprendre comme
un facteur d’influence déterminant dans le fonctionnement même du principe de l’égalité des
sexes. Qu’il s’agisse de ses relations avec d’autres systèmes étrangers ou ceux entre la France
et la Tunisie qu’il s’agisse de sa conception et de son fonctionnement dans le cadre d’une
entente et de la coopération entre les différents acteurs et systèmes juridiques, nous
reconnaîtrons non seulement le poids de l’histoire, mais également l’influence de la géographie
et de ses ressources naturelles ou du moins l’impact de son absence de ressources significatives
sur les stratégies de développement adoptées.
Section 2 : Les facteurs structurels stricto sensu
308.
Nous allons analyser successivement ces structures d’un point de vue externe (§ 1), puis
d’un point de vue interne (§ 2) comme pouvoir et comme régime. Nous donnerons ainsi du mot
politique une double acception, comme sphère ou comme domaine d’exercice de certaines
compétences et comme moyen de coercition.
§ 1. Point de vue externe: le pouvoir politique
309. Les facteurs structurels stricto sensu sont constitués par la sphère politique, elle-même
définie comme un «ensemble des options prises collectivement ou individuellement par les
gouvernants d’un État dans quelque domaine que s’exerce leur autorité (domaine législatif,
économique ou social, relations extérieures)»1006 et également par les « moyens mis en œuvre
1004Ibid., p. 173.
1005Ibid.
1006Dictionnaire Larousse en ligne, https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/politique/62192) . Autrement
dit, elle recouvre tout ce qui concerne les moyens de gouverner un État. À titre d’exemple on peut citer
276








Page 278
dans certains domaines par le gouvernement»1007. Autrement dit, elle recouvre tout ce qui
concerne les moyens dont un État dispose pour gouverner
1008. La politique concerne non
seulement tous les domaines de la société,1009 mais aussi toutes les strates de son champ
d’action1010. Ainsi, les facteurs structurels-structurants renvoient à la question des rapports
sociaux au sein de l’État au regard de cesdits facteurs. En effet, les facteurs structurels de ce
type régissent en partie les rapports entre les sexes et l’État et vont avoir un impact considérable
dans la mise en œuvre de l’égalité des sexes.
310. Max Weber propose une conception de la force de l’État1011, basée sur un rapport de
domination, mais dont on n’a jusque-là pas intégré la dimension sexuée. En France, sous
l’influence de recherches anglo-saxonnes1012, on a introduit la question des rapports entre les
femmes et l’État1013. Dans certaines études féministes, l’État est considéré comme un agent du
patriarcat avec une double casquette de législateur et de gestionnaire
1014. Rapportées à cette
conception et ainsi remaniées, les analyses féministes du droit et les recherches de la structure
sociale appliquée à des situations concrètes acquièrent une immense portée théorique. Les
études permettent d’axer la question des rapports sociaux1015 public et privé relative aux
inégalités de sexe dans le vaste monde théorique et philosophique
1016. Aussi, au sein de ces
l’organisation des pouvoirs ou encore la conduite des affaires publiques. La politique concerne non seulement tous
les domaines de la société mais aussi toutes les strates de son champ d’action. Dans le cadre d’un régime
démocratique c’est le vote des citoyens qui légitime l’action politique. Aussi, la politique concerne une multitude
de domaines tels que l’économie, la justice l’éducation, les relations extérieures…

1007 Dictionnaire Larousse [en ligne] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/politique/62192. Consulté le
10 Juin 2020.
1008 À titre d’exemple on peut citer l’organisation des pouvoirs ou encore la conduite des affaires publiques.
1009Dans le cadre d’un régime démocratique c’est le vote des citoyens qui légitime l’action politique. Aussi, la
politique concerne une multitude de domaine tel que l’économie, la justice l’éducation les relations extérieures…

1010 Ces strates désignent les niveaux du domaine d’action de la politique tel que le domaine national, international
ou encore régional.
1011 M. EABRASU, « Les états de la définition wébérienne de l’État », Raisons politiques, 2012, pp. 187-209.
1012 Ces recherches anglaises et américaines furent traduites dans un numéro spécial de Nouvelles questions
féministes sur «
Les femmes et l’État » ; Voir sur le sujet B. Marques-Pereira, « L’État-providence, providence de
l’État à l’égard des femmes? », Recherches féministes, 1990, pp. 1126.
1013 S. KIANI, « Sandrine Dauphin, L’État et les droits des femmes. Des institutions au service de
l’égalité ? », Genre & Histoire [Online], 7 | Automne 2010, Online since 10 January 2011, connection on 12 July
2020. URL : http://journals.openedition.org/genrehistoire/1104. Voir également sur la question des apports et des
limites de l’État providence dans le cadre d’une étude suédoise, A. Nyberg, « Les femmes sont-elles plus
dépendantes de l'État-providence que les hommes ? »
in Cahiers du Genre, Suède : l'égalité des sexes en question,
2000, pp. 33-68.
1014 C. DELPHY, Close to Home, University of Massachusetts Press, London, Hutchinson & Cambridge, 1984.
1015 J. BIDET. « Les rapports de sexe comme rapports sociaux. Suivi de Rapports sociaux de sexe et rapports
sociaux de classe » in Les rapports sociaux de sexe, A. BIDET-MORDREL (Dir.,) Presses Universitaires de
France, 2010, pp. 15-43.
1016 Les rapports de sexes « quadrillent, ou jouent un rôle central dans les questions de division du travail, de
domination, d’exploitation, d’idéologie, de politique, de droit, de religion, de morale, de sexualité, de corporéité
et de sensualité, de langue…
» F. HAUG, « Sur la théorie des rapports de sexe », In Les rapports sociaux de
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études on a pu voir apparaître deux systèmes de civilisation, deux modèles de société. L’un des
deux systèmes qui sont basés sur une approche patriarcale et capitaliste ; l’autre système, dérivé
du premier, introduit en plus la variable de l’Islam. À travers ce qu’en disent certains auteurs,
ces deux systèmes ont été discutables et souvent perçus comme concurrentiels, voire opposés,
partageant toutefois une prétention certaine à l’hégémonie d’une domination masculine de
l’État. À ce titre, les recherches féministes sont doublement pertinentes : d’un côté, elles
désignent le véritable terrain sur lequel il faut placer l’étude des structures en tant qu’expression
de l’articulation et de l’évolution des deux systèmes en matière d’égalité des sexes ; de l’autre,
elles offrent la possibilité d’établir une théorie des rapports entre système et structure
d’influence et structure d’intégration. C’est pourquoi les facteurs de ce dernier type discutable
sont également des facteurs permanents déterminants au sein du pouvoir politique d’un État.
§ 2. Point de vue interne : les institutions, la notion de pouvoir juridique
311. Le pouvoir juridique peut se définir, au-delà du pouvoir judiciaire constitué par des
juridictions, comme « l’influence du droit et de la problématique juridique »1017 en tant que
« mode de régulation sociopolitique et le pouvoir de l’ensemble des juristes dans la société et
l’État 
»1018. Ainsi défini, le pouvoir juridique va interagir avec le pouvoir politique vu comme
pouvoir de domination. On peut alors observer un double phénomène dans la mesure où le
premier relève du droit et le second du pouvoir politique, donnant lieu à des rapports de
différentes natures et à de la rivalité1019. Ce pouvoir politique va être notamment incarné par
des institutions également de nature politique et qui ont un rôle important au point de vue de
l’objectivisation de l’ordre social1020. En tant qu’« institutions constitutives des régimes
politiques»1021 tels que les parlements, gouvernements, présidents, etc., elles seront mêlées à
l’édification des structures permettant à tous les acteurs d’agir de façon optimale sur la scène
politique et dans la production de normes. En tant qu’incarnation du pouvoir, ces institutions
sexe, op. cit., pp. 44-59. Voir aussi, A. BIDET-MORDREL, E. GALERAND, D. KERGOAT, « Analyse critique
et féminismes matérialistes. Travail, sexualité(s), culture »,
Cahiers du Genre, 2016, pp. 5-27.
1017 L. COHEN-TANUGI (dir.), « Chapitre III. Le juridique et le politique », in Le droit sans l'État. Presses
Universitaires de France, 2007, pp. 91-137. Disponible en ligne [URL : https://www.cairn.info/le-droit-sans-l-etat-
-9782130564294-page-91.htm]
1018 Ibid.
1019 Ibid.
1020 D. DULONG, « Institutions politiques », in Dictionnaire. Genre et science politique. Concepts, objets,
problèmes (éd. Catherine Achin), Presses de Sciences Po, 2013, pp. 273-286.
1021 Ibid.
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sont considérées comme consacrant un «groupe institué tout en faisant reconnaître comme
naturel et légitime le découpage arbitraire qu’elle [s] opère [nt] au sein de la société »1022.
L’absence des femmes dans cette sphère n’a pas remis en cause la légitimité de ces institutions
et l’émergence tardive d’analyses féministes du droit n’a pas permis de constater que l’État et
ses institutions n’étaient pas structurellement enclins à intégrer la question de l’égalité des
sexes, ce qui a tout simplement enraciné une longue pratique institutionnelle et institutionnalisé
de la domination des hommes dans la structure sociale
1023. Sera associé à cette idée d’exclusion,
le « constat selon lequel l’État est un instrument du patriarcat »1024 et qu’il est resté longtemps
aveugle aux questions de l’égalité. Bien que la Tunisie soit créditée de la même cécité par le
passé, elle n’a pu déterminer dans son horizon politique de la question égalitaire entre les sexes
que par l’intervention d’un seul homme qui a incarné le pouvoir à travers l’institution
présidentielle : Bourguiba. Toutefois, avec la nouvelle Constitution, la Présidence de la
République n’est plus la seule structure d’influence en matière d’égalité des sexes. Dans la
recherche d’un équilibre entre les pouvoirs, le Chef du gouvernement, d’autre part, apparaît
comme une structure de coordination de l’action gouvernementale dans le domaine des
politiques internes, notamment celles touchant à l’égalité des sexes.
312. Le rôle du Chef du gouvernement peut, en fonction de sa capacité à incarner l’autorité
et selon sa personnalité, être celui d’un exécutant de la politique du chef de l’État, mais
également d’un conseiller actif. Jouissant en principe de la confiance du président de la
République et disposant d’outils structurels d’information, d’organisation et d’exécution, le
Premier ministre joue un rôle significatif dans l’orientation de la politique et des décisions du
Président. Au-delà des aspects juridiques qui ont une incidence sur les rapports entre le chef de
l’État et le Parlement, d’une part, ainsi que les rapports entre le Président et le chef du
gouvernement qui sont membres de l’exécutif, d’autre part, une nouvelle influence va être
déterminante dans la conduite de la politique de l’État. Cette influence est celle de la
personnalité du Chef de l’État qui est une variable essentielle dans la gestion de la situation
politique en cas de divergence. Cette divergence peut conduire celui-ci à choisir, soit l’exercice
modéré du pouvoir qui se concrétise par le respect de la diversité d’appartenance politique, en
privilégiant le compromis. Soit, a contrario, en cas de désaccord, le choix de l’exercice non
1022 Bourdieu, 1980 : 348 cité par D. DULONG, art. préc.
1023Ch. DELPHY, Close to Home: A Materialist Analysis of Women’s Oppression, translated and edited by Diana
Leonard. London, Hutchinson. 1984. Voir aussi « Autour du
livre de Christine Delphy
L'ennemi
principal », Travail, genre et sociétés, 2000, pp. 157-200.
1024 D. DULONG, art. préc.
279




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pondéré du pouvoir et de l’intransigeance est susceptible de provoquer un blocage
institutionnel.
313. Aussi, même si la Tunisie n’a pas la plus longue histoire constitutionnelle, elle dispose
tout de même d’une expérience significative qui nous permet de constater que, de par son
histoire, toutes les personnes qui ont incarné la figure présidentielle ont été de fortes
personnalités qui ont toujours fait le choix de déterminer la politique interne et externe en
matière d’égalité des sexes sans se soucier des implications d’une société démocratique1025. La
pratique nous a démontré l’influence des personnalités dans le système et des processus
décisionnels : Bourguiba influence de manière significative celui-ci.
314. Comment analyser une politique en matière d’égalité des sexes dans un pays comme la
Tunisie? Plusieurs supports peuvent nous servir de base de réflexion. Ils se fondent sur l’étude
même des processus décisionnels. Mais également sur l’analyse systématique des décisions
prises, ainsi que les effets qu’elles peuvent avoir sur le plan politique et social en ce qui
concerne l’égalité des sexes. Ils peuvent également se fonder sur une tentative de
conceptualisation qui chercherait à dégager des modes d’action et de gestion des principes
directeurs qui ont pu orienter la politique et orienter le choix de mise en œuvre de l’égalité des
sexes. Autrement dit, il s’agit de comprendre la relation de cause à effet entre les modalités de
prise de décision et de la gestion des structures de divers types dans le cadre de la question de
l’égalité des sexes. À titre d’exemple, la personnalité de Bourguiba a influencé sa fonction
présidentielle dans son approche politique qui a été déterminante dans le choix des principes
qui ont forgé la conception de l’égalité des sexes et sa mise en œuvre. En effet, avec un certain
pragmatisme, Bourguiba estimait qu’une politique de l’égalité des sexes construite sur des
interactions avec l’Occident en matière économique et culturelle l’aiderait à réaliser un
développement performant de la société tunisienne.
315. C’est pourquoi, en estimant que la base stratégique politique tant sur le plan interne
qu’externe impliquait « le progrès par étapes» 1026 conditionnées par une sortie du colonialisme
nécessitait un développement de la Tunisie. Ce progrès par étape conduira à une politique de
1025 L’objectif des acteurs politiques reste principalement le maintien ou l’accès au pouvoir qui est encadré par les
prérogatives constitutionnelles.
1026 H. BOURGUIBA, « The Tunisian Way », In Foreign Affairs, 1966, pp. 481 et s.
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coopération avec les États géographiquement proches que sont «les voisins» 1027 européens;
mais c’est surtout avec la France que la coopération va se manifester pour des considérations
historiques et particulièrement parce qu’elle a marqué la « 
culture»1028. Ainsi, la culture est
également un facteur déterminant dans la mise en œuvre de l’égalité des sexes.
§ 3. Synthèse : Le régime politique
316. La nature du système politique est déterminante dans la mise en œuvre de l’égalité
des sexes. Son caractère totalitaire ou démocratique définit les évolutions futures. Aussi,
certaines unités du système politique prennent la forme de variables déterminantes dans
l’explication de comportements globaux à l’égard de la mise en œuvre de l’égalité des sexes.
En ce sens, la tradition, le choix d’un régime social ou libéral ont été déterminants dans le
fonctionnement et la mise en œuvre de l’égalité des sexes. Si le libéralisme a contribué à
l’émancipation des femmes et à lui octroyer, depuis la Seconde Guerre mondiale, de nombreux
droits, un régime totalitaire peut être source d’instabilité et d’infertilité en matière d’égalité des
sexes. La Tunisie et son expérience de transition politique apparaissent comme l’illustration de
cette idée que la nature du système politique a influencé la mise en œuvre de l’égalité des sexes.
La démocratisation est un élément constitutif de la stabilité, c’est pourquoi les régimes
autoritaires peuvent être considérés comme plus «vulnérables»1029 par rapport aux pays
démocratiques qui sont considérés comme plus stables
1030. Les décisions prises durant cette
période transitoire ont eu une incidence déterminante sur la mise en œuvre de l’égalité des
sexes. Certains comportements et décisions adoptés pendant la période transitoire ont laissé leur
marque sur le fonctionnement des institutions et sur la mise en œuvre de l’égalité des sexes.
Bien que la ligne de conduite des gouvernants tunisiens reste celle de la «méthode légaliste»
qui consiste à respecter la loi même si elle doit être changée, ce mode de gestion de l’action
publique découle de l’héritage des pouvoirs autoritaires de Ben Ali et Bourguiba1031. Alors que
le régime politique garde certains stigmates de cette période longue, le passage à un régime
1027 Ibid.
1028 Ibid.
1029 The Economist Intelligence Unit «Démoracy index 2011: Democraty under stress » Economist Intelligence
Unit
, London, 2012.
Disponible en ligne [https://www.eiu.com/public/topical_report.aspx?campaignid=DemocracyIndex2011].

1030 M. KHADRAOUI, « Stabilité politique et démocratie en Tunisie la TAPE ne risque pas la mise à « l’index » ».
Nawaat, 12 avril 2009.
Disponible en ligne [https://nawaat.org/2009/04/12/stabilite-politique-et-democratie-en-tunisie-la-tap-ne-risque-
pas-la-mise-a-lindex/].
1031 H. NAFTI op.cit, p. 18
281





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démocratique va révéler les lacunes d’un régime autoritaire. En effet, les opposants si
longtemps réduits au silence trouvent dans le changement de régime une opportunité pour
légitimer leur opposition aux partisans de l’ancien régime policier incarné par le
Rassemblement Constitutionnel Démocrate, partie politique créé par Zine el-Abidine Ben Ali
en 1988
1032. Dans le but de protéger la Tunisie d’un retour à l’autoritarisme favorisé par le
régime présidentiel, ils font le choix d’adopter un régime parlementaire et de créer un Comité
national de protection de la Révolution.
317. Dans le cadre de ce processus décisionnel de nature parlementaire, s’attachant à des
principes démocratiques, la Tunisie va choisir le tournant qu’elle veut prendre en matière
d’égalité des sexes. En dépit de la nature autoritaire du système politique, la Tunisie n’a pas
porté atteinte à cette politique d’émancipation et d’autonomisation des femmes. Bien au
contraire, elle a fait de son système politique totalitaire le moyen d’imposer l’émancipation des
femmes. Toutefois, les répercussions de cette émancipation maintenue dans le cadre d’un
régime autoritaire n’ont été perceptibles que plus tard, en 2011 lors du changement
institutionnel qui a bouleversé les rapports des individus et de groupe d’individus au sein de la
structure nationale.
318. Ce changement a révélé que le fonctionnement institutionnel et les choix opérés en
matière d’égalité des sexes n’étaient pas exclusivement motivés par une conviction propre à
instaurer une véritable culture de l’égalité des sexes. Elle a été également le moyen d’ériger un
rempart contre l’opposition politique et l’islamisme. En effet, le régime autoritaire a eu pour
effet dans le cadre de la construction de la structure nationale tunisienne dès l’année 1956 de
redéfinir les rapports entre l’État et la Religion. En 1987, des réaménagements ont été opérés
afin de confier le domaine religieux au contrôle du pouvoir central à travers des structures
religieuses officielles et des institutions étatiques. Cette politique autoritaire a commencé dans
les années quatre-vingt-dix, elle a duré jusqu’à l’année 2010. Elle a longtemps condamné toute
expression religieuse et politique de l’Islam en dehors des structures religieuses officielles. La
mise en œuvre de la laïcité dans la pratique en Tunisie consistait non seulement à limiter la
liberté de culte et la liberté religieuse, mais également les libertés individuelles telles que la
1032 Plus exactement le 27 février 1988 et il sera dissous par décision judiciaire le 9 mars 2011. Voy sur le sujet.
M. FERJANI, « Révolution, élections et évolution du champ politique tunisien »,
Confluences Méditerranée, vol.
82, no. 3, 2012, pp. 107-116.
282






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liberté d’expression, la liberté de réunion, la liberté de manifestation, ainsi que celle relative à
l’opinion politique. Sur la base de la frustration générée par cette limitation des libertés, la mise
en œuvre de la laïcité a été perçue comme un moyen d’atteinte à ces libertés individuelles.
319. Aussi, si le fait religieux a été un moyen de limiter l’évolution du statut de la femme en
Tunisie, sa condamnation et celle du régime autoritaire ont eu un effet paradoxal sur l’évolution
de l’égalité des sexes. Il apparaît à la fois comme un moteur, puisqu’il amorçait l’émancipation
de l’égalité des sexes, et comme un frein puisque sa mise en œuvre dans un régime autoritaire
l’a transformé en un phénomène instable et imprévisible. Le régime démocratique a permis aux
partis islamistes de revenir sur la scène politique à la faveur du regain des libertés individuelles.
En effet, la résurgence de la question identitaire est apparue au grand public dès l’arrivée du
président du mouvement Ennahda sur le territoire tunisien, le 30 janvier 2011, après plus de 20
ans d’exil. La société découvre une frange politique divergente de ce qu’elle avait connu sous
les régimes autoritaires successifs avec la réapparition d’un mouvement islamiste. Longtemps
réprimés par les régimes autoritaires de Bourguiba et de Ben Ali, les islamistes par le jeu du
libéralisme et de la démocratisation du système politique redécouvrent une liberté dans
l’histoire récente de la Tunisie. La conséquence de cette liberté est la multiplication des partis
islamistes qui se présentent comme principaux opposants au régime en place. La lutte contre
les dérives totalitaires du régime de Ben Ali est apparue comme le point de convergence des
différents opposants, y compris islamistes. Cela a conduit à la mise en œuvre de compromis
notamment sur la question de l’égalité des sexes avec la déclaration de Tunis qui a été signée
le 17 juin 2003 à Aix-en-Provence entre les représentants du parti islamiste Ennahda, du CPR
et Ettakattol1033.
320. Le caractère démocratique du système politique a été déterminant dans l’adoption et la
promotion d’une conception de l’égalité des sexes, car pour la première fois en Tunisie,
l’universalité des droits de l’homme et l’égalité des sexes est le fruit d’une convergence entre
les différents individus et acteurs de la société tunisienne. Cela reflète une conception plus
représentative de la société et des rapports entre les individus même si l’évolution n’est pas
encore suffisante.
1033 Ils se sont accordés sur le caractère civil de l’État et sur la question de l’égalité des sexes sous l’angle de la
complémentarité ainsi que les libertés publiques. H. NAFTI op.cit, p. 143 ; Y. BEN ACHOUR, Tunisie, une
révolution en pays d’islam. Tunis : Cérès Éditions, p. 207.
283





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Section 3 : Les relations culturelles, facteur primordial
321. Nous définissons la culture comme l’ensemble des croyances et des pratiques qui
structurent, c’est
-à-dire qu’elles donnent l’impression de la durée à une société donnée ou à
certains de ses éléments. Il s’agit alors de la culture juridique. Mais la culture au sens large peut
aussi avoir l’effet inverse, agir comme un facteur de perturbation. À ce titre, la culture peut être
paradoxalement à la fois une entrave à la mise en œuvre de l’égalité des sexes (§ 1) et un levier
à la concrétisation de ce droit (§ 2). C’est pourquoi elle constitue un facteur déterminant dans
le fonctionnement de ce principe.
§ 1. La culture, entrave à la concrétisation du droit à l’égalité entre les sexes
322. L’impact de la culture et de l’histoire est essentiel pour saisir le concept actuel de
l’égalité entre les sexes puisque les divergences juridiques peuvent aussi émaner d’une culture
différente. L’égalité entre les sexes peut se concevoir, dans le cadre des facteurs extra-
juridiques, en tant que question culturelle. Aussi, les hommes et les femmes en tant qu’individus
peuvent se définir selon une référence culturelle, qui va fonder les rapports sociaux entre les
sexes. Selon Edward Sapir, «
 le mot “culture” recouvre trois sens ou trois groupes de sens »1034
qui débouchent sur une conception de la culture comme « l’ensemble des attitudes, des visions
du monde et des traits spécifiques de civilisation qui confère à un peuple particulier sa place
originale dans l’univers […]Ne suffit-il pas de savoir que les nations (le mot étant pris hors de
son contexte politique) portent l’empreinte, dans leurs pensées et dans leurs actes, d’un certain
moule et que la marque de ce moule est plus évidente dans certains éléments de civilisation que
1034 Il est dans un premier temps utilisé « dans un sens technique par les ethnologues ou par les historiens des
cultures, pour rassembler tous les éléments de la vie humaine qui sont transmis par la société, qu’ils soient matériels
ou spirituels […]. Dans un second temps le mot culture est employé pour désigner « un idéal assez académique de
raffinement individuel, élaboré à partir d’un petit nombre de connaissances et d’expériences assimilées, mais fait
surtout d’un ensemble de réactions particulières sanctionnées par une classe et une longue tradition […] Dans un
troisième temps, le mot culture « participe de la première acception (l’acception technique) en ce sens qu’il met,
lui aussi, l’accent sur les biens spirituels du groupe plutôt que sur ceux de l’individu. Il participe de la deuxième
acception dans la mesure où il insiste sur un petit nombre de facteurs prélevés dans l’immense courant de culture
dont l’ethnologue a révélé l’existence […] Nous nous approchons peut être plus prè
s de la vérité en disant que la
conception de la culture que nous cherchons à saisir se propose de comprendre, sous un seul mot, l’ensemble des
attitudes, des visions du monde et des traits spécifiques de civilisation qui confèrent à un peuple particulier sa
place originale dans l’univers […] Ne suffit-il pas de savoir que les nations (le mot étant pris hors de son contexte
politique) portent l’empreinte, dans leurs pensées et dans leurs actes, d’un certain moule et que la marque de ce
moule est plus évidente dans certains éléments de civilisation que dans d’autres ? La culture spécifique d’une
nation est le groupe d’éléments qui, dans la civilisation, portent le plus nettement la marque de ce moule ». E.
SAPIR. Antrhopologie, Éditions de Minuit, 1967, pp. 326-331.
284






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dans d’autres ? La culture spécifique d’une nation est le groupe d’éléments qui, dans la
civilisation, portent le plus nettement la marque de ce moule»1035. Cette définition dévoile
l’essentiel : le caractère permanent du déterminant culturel par son caractère continu. Cette
permanence découle d’une forme d’invariance qui est représentée par ce moule et qui diverge
avec le droit qui a vocation à évoluer. En effet, le droit s’adapte en fonction des évolutions de
la société. Ainsi, la culture est-elle déterminante dans la mise en œuvre de l’égalité des sexes,
car elle influence le droit et peut aussi concurrencer le principe d’égalité des sexes.
323. La culture est le porteur de structures profondes et de valeurs essentielles propres à un
groupe d’individus. Le droit reflète « un langage spécifique à un ensemble culturel et [...] il
traduit les modes d’organisation spécifiques aux différents groupements humains »1036. Dans la
culture patriarcale, les femmes sont considérées comme un «bien » avant d’être un individu à
part entière. C’est ce qui a conduit à les considérer comme des incapables conditionnées par la
faiblesse de leur sexe qui serait entre autres choses, liée à celle du corps et de l’esprit. La femme
est alors cantonnée aux fonctions relatives aux tâches domestiques, puisqu’elle est considérée
par le patriarcat comme incapable d’assumer d’autres formes de responsabilités.
324. La culture pénètre les mœurs et les règles juridiques de la société. L’évolution des
mœurs et des normes sociales qui structurent la société exerce une influence déterminante dans
la réalisation du principe d’égalité des sexes. La domination des hommes au sein des différents
groupes d’individus constitue une convergence entre les différents systèmes et une constante
puisque les femmes ont longtemps été soumises à une conception patriarcale de l’organisation
sociale. Le patriarcat a conditionné et articulé les comportements au sein de la société. Il a
également encadré les rapports sociaux entre les hommes et les femmes. Cette domination
patriarcale conditionne encore les pratiques et les esprits. En ce sens, les femmes tunisiennes et
françaises subissent encore la domination des hommes dans le domaine professionnel et celui
de la politique. Même si de nombreux leviers ont été enclenchés pour une progression en
matière d’égalité des sexes, les freins sociologiques et économiques subsistent de manière
significative et qui interdisent une mise en œuvre effective de ce principe. C’est sur le
fondement de la culture que des stéréotypes ont été forgés, qui ont considérablement imprégné
la vision de la femme au sein de la société. Que ce soit la Tunisie ou la France, chacune de ces
deux sociétés a été conditionnée par ces stéréotypes et préjugés fondés sur le sexe, ce qui
1035 Ibid.
1036 B. DUPRET, Droit et sciences sociales, Manuscrit original, HAL, 2008, p. 114.
285





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contribue à entraver l’accès des femmes à certains postes de responsabilités ou encore à certains
métiers. Même si les compétences des femmes ne sont pas nécessairement remises en cause,
c’est la difficile articulation entre le rôle de femme et celui de mère qui reste la principale source
de préjugés.
325. Le noyau familial, noyau culturel. La famille se constitue en un groupe de personnes
homogène dans lequel la culture va se diffuser et se perpétuer. Dans une tentative de définition
universelle de la famille, les auteurs ont dégagé la notion de «famille nucléaire». Elle
constituait la famille «
élémentaire» de « l’unité de base de toute société »1037 qui était
composée de la mère, du père et de l’enfant. Ce schéma d’organisation sociale a été longtemps
considéré comme universel
1038.
326. En France, il n’existe pas de définition légale de la famille. Classiquement, elle se
caractérise comme étant «un groupe de personnes unies par des rapports de parenté et
d’alliance »1039. Toutefois, avec l’évolution de la société française, la notion de la famille se
complexifie. Contrairement à la conception traditionnelle musulmane du concept, en France «il
n’existe donc pas une famille, mais des familles »1040. Dans les pays de coutume musulmane (y
compris en Tunisie), la notion peut être considérée comme le «Creuset de valeurs morales,
sociales et religieuses, plongeant ses racines dans la profondeur de l’âme populaire, le droit de
la famille bénéficie d’une puissante charge culturelle. 
»1041
327. L’évolution des mœurs a transformé les rapports au sein de la famille en France. En
effet, en plus du modèle classique de la famille, il peut y avoir une multitude de schémas de la
famille. Il existe les familles monoparentales, des familles avec des parents de même sexe, des
couples qui ont des enfants en dehors du mariage, des familles recomposées et celles qui vivent
en union libre1042. À cet égard, la liberté, l’individu priment sur la notion d’unité et celle
d’égalité. Cette complexification dans la représentation de la famille crée un foyer d’opposition
1037 L. SCUBLA, op. cit., pp. 101-122.
1038 MURDOCK, 1972, p. 21-40
1039 P. MALAURIE, H. FULCHIRON, La famille, Defrénois, 4e éd. 2011, n°4.
1040 M. DELAMRRE (Dir), Leçons de droit de la famille, M. BENILLOUCHE, B. FOURE, J. DELAYEN, S.
WDOWIAK, collection leçon de Droit, ellipses, edition ?? P.7.
1041 « Actualités du droit international privé de la famille en Tunisie et à l’étranger sous la direction de Soumahyma
BEN ACHOUR et Lotfi CHEDLY. Editions Latrach 2015, Tunis. Colloque unité de recherche RIPCAM,
Relations internationales privées, commerce, arbitrage et migration
1042 Conf. H. FULCHIRON (dir.), « Mariage-conjugalité, parenté-parentalité », Dalloz, coll. « thèmes et
commentaires », 2009, p. 33.
286






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avec des valeurs culturelles françaises intangibles. En effet, le principe d’égalité des époux a
vocation à s’appliquer à différentes situations. La doctrine a évoqué « l’idée d’une privatisation
du droit de la famille» qui se traduit par le «basculement de celle-ci de la sphère publique»
qui serait dominé par « l’intérêt général et régi par des règles impératives, vers la sphère privée,
un domaine discipliné par la régulation privée où s’expriment le
s intérêts individuels»1043. Au
XIX siècle, une partie de la doctrine comme Demolombe et Savigny reconnaissaient le caractère
essentiel de l’intérêt général au sein du droit de la famille, car elle relevait pour ces auteurs du
droit public1044.
328. Le Droit régit les rapports entre les divers membres de la famille. Le droit français
donne une interprétation extensive de la vie familiale. En effet, avec l’évolution des mœurs, le
droit positif a pris en compte cette mutation. La pénétration de l’idéologie individualiste en
droit de la famille pousse le législateur à redessiner les contours juridiques des prérogatives des
personnes qui constituent la cellule familiale. L’intégration de l’autonomie de la volonté dans
la sphère qui s’insère dans la privatisation de la famille a des incidences sur le principe d’égalité
des époux. Ce phénomène qui s’explique par le désengagement de l’État et l’acceptation de la
mutation du modèle familial1045 se répercute sur la réglementation des relations familiales en
droit interne. L’effet produit sur relatif la délimitation des contours de la discipline à une
répercussion plus ou moins grande suivant l’État concerné en fonction du degré de compatibilité
entre les ordres juridiques considérés.
329. En Tunisie comme dans la plupart des pays musulmans, la société consacre une
conception de la famille ou les intérêts du groupe prévalent sur ceux de ses membres. Elle est
regardée comme étant un concept central au cœur du corps social. Ce schème fait écho à celui
affirmé par la nouvelle Constitution tunisienne. L’article 7 de la Constitution tunisienne du 27
janvier 2014 dispose que «la famille est la cellule essentielle au sein de la société et l’État doit
en assurer la protection». Toutefois, la prudence est de mise et il est crucial de nuancer les
propos si on les étend à la description des systèmes juridiques du Maghreb. Les récentes
1043 S. FULLI-LEMAIRE, « La privatisation du droit de la famille en France. Perspectives comparatives ». In.
Revue internationale de droit comparé, 2016,
p. 406 ; Voy. également sur le sujet, I. THERY, « Vie privée et
monde commun », Le débat, 1995, pp. 137-154.
1044 J. CARBONNIER, « Préface », In Le droit non civil de la famille, Paris, PUF, 1983, reproduit in Ecrits, Paris
PUF, 2008, p. 163. Cité par Y. LEQUETTE, « Quelques remarques sur le pluralisme en droit de la famille », In
Mélanges en l’honneur du Professeur Gérard Champenois, LGDJ, 2012, n°17, p. 539.
1045 Y. LEQUETTE, « Quelques remarques sur le pluralisme en droit de la famille », », In Mélanges en l’honneur
du Professeur Gérard Champenois, LGDJ, 2012, p. 523 et s.
287





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réformes algérienne1046 et marocaine1047 de la famille laissent entrevoir un nouveau paysage
dans le secteur du droit de la famille. Le cas de la Tunisie renforce l’idée d’une révolution
libératrice dans ce domaine et vient confirmer ainsi son modèle historique1048. La famille est
importante en Tunisie. Néanmoins, elle reste encadrée par les règles religieuses qui impliquent
que le mariage contribue à se développer par la procréation, sa finalité, dans le respect d’une
«sexualité honnête et protégée».
330. La famille est importante en Tunisie. Le droit tunisien ne reconnaît la famille que dans
le schéma suivant : le mariage entre une femme et un homme dont le but est la procréation.
Cette structure fondamentale n’admet pas les couples à l’extérieur du mariage, même si l’on
assiste à une résurgence des pratiques issues de la tradition arabo-musulmane. La famille est
compartimentée au Maghreb par la référence systématique à l’identité arabo-musulmane et à
l’islam. Aussi, même si la famille a connu des évolutions, notamment en France avec le
changement de la composition de la famille «nucléaire», la Tunisie reste dans ce schéma en
dépit d’éléments qui attestent d’un élan moderniste incontestable, la matière demeure plombée
sous plusieurs aspects par les pesanteurs du passé. Si les ouvertures en matière
d’autonomisation des femmes constituent une avancée incontestable par rapport au modèle issu
de la culture arabo-musulmane, elles n’ont pas pour autant éliminé les symboles forts de cette
tradition. En Tunisie, comme dans la plupart des pays musulmans, la société consacre une
conception de la famille où les intérêts du groupe prévalent sur ceux de ses membres. Elle est
regardée comme étant un concept central au cœur du corps social. La tradition arabo-
musulmane constitue un héritage culturel engrangé au cours de l’histoire tunisienne, et que le
mouvement réformiste a toujours pris en compte pour maintenir la continuité de cette forme
d’identité. C’est sur cette base que le fondement religieux a imprégné culturellement la structure
juridique de la Tunisie. Dans les pays de tradition musulmane (y compris en Tunisie), la notion
peut être considérée comme le «creuset de valeurs morales, sociales et religieuses, plongeant
ses racines dans la profondeur de l’âme populaire, le droit de la famille bénéficie d’une
1046 K. SAIDI, « La réforme du droit algérien de la famille : pérennité et rénovation », RIDC, n°1, 2006, pp 119 et
s.
1047 F. SAREHANE, « Le nouveau code marocain de la famille ». GP, 3-4 septembre, 2004, Doctrine, pp 2 et s.
1048 Conf, A. COLOMER, « le Code du statut personnel tunisien », Revue algérienne, tunisienne et marocaine de
législation et de jurisprudence, 1957, pp 115 et s ; E. de LAGRANGE, « Le législateur tunisien et ses interprètes »,
RTD, 1968, pp 11 et s, spc. Pp 20 et s ; M. BORRMANS, statut personnel et famille au Maghreb, thèse dactyl.
Université de Paris, Faculté des lettres et des sciences humaines, 1969-1970.
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puissante charge culturelle.»1049 En Tunisie, chaque nouvelle règle importée par les cultures
successives a eu pour objet de mettre de l’ordre dans une certaine forme de désordre. La
structure de la famille tribale était fragile, car les femmes n’avaient pas de statut particulier et
les hommes pouvaient disposer d’un nombre de femmes illimité. La culture arabo-musulmane
est venue réguler ce désordre en instaurant une limitation du nombre de femmes et un cadre
processuel de séparation avec la répudiation qui est unilatérale. Par la suite, au contact de la
conception familiale consacrée par le Code civil français, la Tunisie a introduit, une fois de
plus, des règles culturelles qui ont eu pour ambition d’ordonner la société tunisienne en
instituant une unité plus marquée de l’institution familiale. La crainte de l’éclatement des
familles et ainsi de la société sous l’effet de la polygamie et de la répudiation a suscité un grand
intérêt pour la conception plus unitaire établie par le Code civil. Ainsi, la suppression de la
polygamie et de la répudiation et l’instauration du mariage civil a constitué un élément de
consolidation de l’unité familiale et de l’unité sociale. Cela a contribué également à forger la
«tunisianité ». Ce schème s’inscrit non pas dans la conception tribale de la famille en Tunisie,
dont l’éclatement a été le produit de la répudiation et de la polygamie. Cette disposition est le
résultat de l’imprégnation de la société tunisienne par la conception traditionnelle musulmane
du droit de la famille. Elle se caractérise par les interdictions successorales et matrimoniales
qui trouvent leur source dans la religion. Au cours de la vie matrimoniale des époux, c’est-à-
dire de la conclusion du mariage, durant la vie matrimoniale jusqu’à sa dissolution, l’homme
prédomine sur la femme. Le mariage demeure un acte fondateur orienté vers la création d’une
famille. Dans ce système encore patriarcal, l’intérêt du groupe représenté par la famille est plus
important que celui de l’individu. La notion de filiation dans le système juridique tunisien et de
manière générale dans les pays musulmans est exclusivement axée vers la famille légitime.
331. L’irruption de certaines idéologies au sein de chaque pays complexifie les rapports
égalitaires entre l’homme et la femme. Cette complexité a conduit à un renouvellement des
objectifs de politiques familiales qui s’accompagne de perturbations plus ou moins importantes.
Ce pluralisme des objectifs pose la question de leur articulation entre l’intérêt des sujets et leur
liberté au sein de la cellule familiale et celle de la conception égalitaire des sexes. S’il est vrai
que jusqu’à présent la société s’est accordée sur la primauté à l’égalité dans les rapports entre
les sexes au sein de la famille, celle-ci se heurte à d’autres considérations qui viennent discuter
1049 S. BEN ACHOUR, L. CHEDLY (dir.), « Actualités du droit international privé de la famille en Tunisie et à
l’étranger », Colloque unité de recherche RIPCAM, Relations internationales privées, commerce, arbitrage et
migration, Editions Latrach 2015, Tunis.
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le rapport hiérarchique entre les divers intérêts et libertés. La pénétration de la culture
individualiste influence la structuration de la famille et redéfinit les prérogatives des personnes
qui constituent la cellule. L’intégration de l’autonomie de la volonté qui s’insère dans la
privatisation de la famille va avoir des incidences sur le principe d’égalité des époux. Ce
phénomène, qui s’explique par le désengagement de l’État et l’acceptation de la mutation du
modèle familial1050, joue sur la structuration des relations familiales. L’impact relatif à la
délimitation des contours de la discipline a une répercussion relative suivant l’État concerné.
En effet, selon le territoire dans lequel on se place, l’évolution s’apprécie comme une
concordance ou une discordance des ordres culturels. Cette conception individuelle et libérale
de la famille a également un double effet au sein de la société tunisienne. Elle se heurte à la
culture arabo-musulmane et elle fait l’objet d’un rejet partiel. Elle s’intègre par l’évolution
pratique des rapports sociaux entre les sexes qui révèlent que la Tunisie fait l’objet d’une
révolution libératrice dans le domaine et renforce ainsi l’idée que sa structure est une exception
en confirmant son modèle historique1051. Le fait religieux est un élément structurant de l’identité
tunisienne et de l’égalité des sexes. Il contribue également à la culture tunisienne, car la religion
arabo-musulmane est marquée par une certaine forme de profondeur historique.
332. La division entre vie privée et vie publique, ou entre espace intérieur et extérieur de
la sphère de présence des femmes a une origine très ancienne qui remonte à la Grèce antique.
En ce sens, Aristote procédait à une distinction entre l’économique et le politique. Dans le cadre
de la sphère économique, le foyer constitue le lieu de gouvernance privilégié des femmes alors
que la sphère politique relevant de la sphère privée avait pour lieu la cité qui relevait
exclusivement de la gouvernance des hommes. Bien que cette division entre vie privée et vie
publique soit ancienne, elle persiste dans la culture qui opère jusqu’à nos jours cette division au
sein des sociétés tunisienne et française. Cette distinction est toutefois plus marquée en Tunisie
qu’en France compte tenu de la subsistance significative de la culture arabo-musulmane qui se
fonde sur des acceptions religieuses pour justifier la hiérarchie sociale des hommes et des
1050 Y. LEQUETTE, « Quelques remarques sur le pluralisme en droit de la famille », In Mélanges en l’honneur du
Professeur Gérard Champenois, LGDJ, 2012, pp. 523 et s.
1051 A. COLOMER, « le Code du statut personnel tunisien », Revue algérienne, tunisienne et marocaine de
législation et de jurisprudence
, 1957, pp 115 et s ; E. de LAGRANGE, « Le législateur tunisien et ses interprètes »,
RTD, 1968, pp 11 et s, spc. pp 20 et s ; M. BORRMANS, Statut personnel et famille au Maghreb, thèse dactyl.
Université de Paris, Faculté des lettres et des sciences humaines, 1969-1970.
290




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femmes. Ainsi, les «hommes sont supérieurs aux femmes»1052 ou ils « sont supérieurs d’un
degré»1053.
§ 2. La culture en tant que levier pour la concrétisation de ce droit
333. La culture en tant qu’ensemble d’un patrimoine matériel ou spirituel d’un groupe
d’individus « [confère] à un peuple particulier sa place originale dans l’univers 
»1054 ce qui tend
à une séparation des peuples selon la culture à laquelle ils se rattachent. En effet, cet «ensemble
d’attitudes » qui peut se traduire par des habitudes et des rites va constituer une vision du monde
dans lequel on se situe et un moyen de caractériser les spécificités de ce monde. Autrement dit,
la culture est un facteur de différentiation permanente entre les peuples. À cet égard, la culture
peut atténuer ou s’opposer à l’universalisme. Aussi dans le cadre des sciences sociales,
l’anthropologie s’est intéressée à l’étude des droits colonisés. Cette étude s’articule, entre
autres, autour du culturalisme et notamment de la question de l’assimilation à travers l’étude de
l’acculturation. Ces recherches ont contribué au changement de configuration et à la
transformation du principe d’égalité des sexes. Cette acculturation a influencé le système
culturel tunisien en introduisant des concepts étrangers au système culturel autochtone.
Toutefois, elle n’a pas remis en cause l’« évolution différentielle», qui implique que «chaque
société voit les éléments de son système culturel évoluer à des degrés et selon des rythmes
différents
 ; par ailleurs, l’ensemble des sociétés évoluent selon des rythmes variés »1055.
334. La permanence de la culture se fonde sur la transmission; cette perspective est
essentielle dans la mise en œuvre concrète de l’égalité des sexes. En s’appuyant sur cette notion
de transmission, le principe d’égalité des sexes sera intégré dans la culture propre à chaque
structure sociale afin d’opérer une assimilation graduelle de ce principe et de ses effets à travers
le temps et l’espace.
335. Avant l’introduction de la culture arabo-musulmane, les femmes tunisiennes ne
disposaient pas de droits propres. Tout comme en France, elles avaient la charge du foyer et de
la maternité. Dans certaines pratiques tribales, les jeunes filles pouvaient faire l’objet de
1052 Coran S.IV, Verset 34.
1053 Coran, Verset 2/228.
1054 E. SAPIR, op. cit., pp. 326-331.
1055 B. DUPRET, Droit et sciences sociales, op.cit., p. 116.
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sacrifices. Depuis l’instauration de cette culture arabo-musulmane, la femme a trouvé une place
qui lui est plus favorable dans la société. En effet, elle dispose de droits, les rapports entre les
hommes et les femmes doivent être fondés sur le respect mutuel et les hommes doivent protéger
et subvenir aux besoins des femmes. Cette culture arabo-musulmane est profondément
enracinée et constitue une strate profonde de la structure sociale tunisienne. Toutefois, elle n’a
pas empêché l’influence de la culture française sur l’égalité des sexes. Cependant, cette
influence est limitée par la résurgence de certains aspects culturels antérieurs. La culture et la
tradition ont constitué le socle sur lequel la domination masculine s’est fondée pour justifier
une approche inégalitaire. Cette approche se fonde sur les différences physiologiques et
psychologiques entre les hommes et les femmes. Cette subordination des femmes aux hommes,
avant de se traduire juridiquement, est d’abord un phénomène culturel qui place la femme sous
la garde de l’homme et son existence ne se fait qu’à travers la figure paternelle. Elle est
identifiée comme la fille de son père au cours de son existence, elle ne sera identifiée comme
la fille de sa mère que lors de son enterrement, car la filiation étant incertaine, on ne peut
qu’affirmer le lien de maternité. Sa propriété principale se résume à sa faculté naturelle de
reproduction. Les actions et comportements de la femme dans la sphère publique sont soumis
au contrôle de l’homme et à son autorisation1056. Cette autorisation découle de la tutelle exercée
par les parents sur les jeunes filles. Elle s’exerce également en matière matrimoniale et découle
du principe de la wilaya tiré de la culture arabo-musulmane. Selon ce principe, les enfants
doivent obéir aux parents. Elle traduit l’obéissance due aux parents qui se nomme en arabe
«Ta’at al-walidayn». Selon ce principe, les enfants, et notamment les filles, ont le devoir
d’obéissance envers leurs parents. Et ce devoir doit être respecté, peu importe l’âge des enfants
et les situations c’est-à-dire même lorsqu’ils sont mariés. Ce principe vient régir les rapports
sociaux entre les enfants et les parents. Il a une valeur à forte connotation culturelle et sociale.
La femme devient ainsi l’objet d’échanges matrimoniaux1057.
336. L’acculturation est un phénomène lié au colonialisme. Elle a permis, dans le cadre
de la structure sociale tunisienne, d’influencer et de changer le contenu même de la culture
initiale en permettant de constituer une acception contemporaine culturelle différente qui se
fonde sur la tunisianité et donc sur le concept de nation et non pas d’État. L’État est
1056 C. LACOSTE-DUJARDIN, Des mères contre les femmes, maternité et patriarcat au Maghreb, éd. de la
Découverte, 1985.
1057 L. SCUBLA, De l’ "échange de femmes" au don des femmes. Le déni de la procréation dans l’ "atome de
parenté",
Revue du MAUSS, La découverte, 2012, pp. 101-122.
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historiquement dominé par une culture de domination patriarcale et masculine. La nation a
permis d’intégrer dans la culture tunisienne et dans son identité contemporaine la notion de
citoyenneté. Aussi, « la focalisation sur l’accès des femmes à la nationalité permet d’apporter
un point de vue neuf » sur l’articulation des rôles entre les hommes et les femmes en Tunisie.
337. C’est par exemple que, dans le domaine de l’éducation et notamment avec l’instauration
de l’École de la rue du Pacha à Tunis, Clancy Smith apporte les premiers éléments d
e réponse
concernant la question de l’acculturation avec l’introduction dans le système éducatif tunisien
de traditions de la culture islamique1058 et de celles relevant de la pédagogie de l’école
secondaire française. Elle a offert un tremplin alternatif à l’exclusion des jeunes filles du
système scolaire dont les parents refusaient que ces dernières intègrent un système scolaire
français purement laïque envers lequel les parents éprouvaient une certaine méfiance. Aussi,
l’action de cet établissement par l’adaptation d’une culture étrangère à la culture autochtone a
joué le rôle redoutable de vecteur d’acculturation1059. La réceptivité du concept de nation chez
les jeunes filles musulmanes a été conditionnée par le respect des traditions. Ce qui a constitué
une évolution par degrés en permettant d’intégrer la volonté des femmes de participer
pleinement à la nation comme une demande légitime et conforme à la culture islamique. Toutes
ces dimensions sont, à n’en pas douter, significatives. Leur importance est étroitement liée aux
facteurs conjoncturels.
1058 Étude du Coran, port du voile, protection des jeunes filles.
1059 L. AUSLANDER, M. ZANCARINI-FOURNEL, « Le genre de la nation et le genre de l'État », Clio. Histoire‚
femmes et sociétés [En ligne], 12 | 2000, mis en ligne le 19 mars 2003, consulté le 30 avril 2019. URL :
http://journals.openedition.org/clio/161 ; DOI : 10.4000/clio.161
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CHAPITRE II : LES FACTEURS CONJONCTURELS
338. La structure est un arrêt sur image en contexte, et le contexte, c’est l’histoire.
L’histoire est constituée par la domination coloniale, l’indépendance, les idées politiques, mais
également la géographie, la culture, la société et les relations internationales. Cet ensemble
familial hétéroclite présente des éléments constitutifs du sens actuel de l’égalité des sexes. C’est
par la mise en mouvement des images que l’on perçoit le cours de l’histoire. Mais, il nous faut
réaliser un arrêt sur image afin de comprendre le problème de l’application du principe d’égalité
des sexes dans les deux États lorsqu’on s’attache au contenu du droit au regard de son contexte
particulier.
339. Le droit n’est pas toujours suffisant pour garantir le bon fonctionnement du cadre
juridique et institutionnel permettant la mise en œuvre effective de l’égalité des sexes. D’autres
facteurs viennent pallier ces insuffisances ou renforcer l’ineffectivité. On peut, d’une part,
songer à l’expérience transitionnelle tunisienne. En tant que laboratoire de transition
constitutionnelle démocratique, elle a démontré l’influence de certains facteurs traduisant une
forme de rapport de force et de configurations de fait qui ont conduit souvent à des phénomènes
de violence. D’autre part, on peut souligner l’importance des variables contextuelles dans la
garantie de l’effectivité du droit, notamment celui de l’égalité des sexes. Eu égard à la nécessité
de facteurs extra-juridiques, l’analyse des facteurs conjoncturels consiste essentiellement dans
ce travail de thèse à s’attacher à l’analyse des variables contextuelles, en mettant en évidence
ces différents éléments constitutifs, ainsi que leur effet sur le fonctionnement du droit à l’égalité
des sexes. On constatera ainsi que la structure de ces variables est hétérogène, puisqu’elles
relèvent de différents domaines, mais que leur maîtrise est essentielle au bon fonctionnement
du principe d’égalité des sexes et ainsi à sa mise en œuvre effective. L’expérience de la
transition tunisienne et de la succession de régimes démontre le nécessaire encadrement de ces
variables contextuelles (Section 1), en vue de permettre à la société civile de s’ériger en
gardienne du principe d’égalité des sexes en s’insérant dans les rapports de force entre les
acteurs (Section 2).
Section 1 : L’encadrement des variables contextuelles
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340. Dans les développements qui suivent, nous allons nous appuyer sur un des aspects
importants de l’approche structurale : rendre compte des changements, parmi lesquels ceux qui
affectent le système juridique, à partir d’une analyse des interactions avec le système social. Il
n’y a pas d’intérieur et d’extérieur ; la société englobant le droit positif, les stratégies des
acteurs, etc, forme un tout qui est plus important que chacune des parties. Le professeur Bobbio
explique que « pour la réalisation des droits de l’homme, certaines conditions objectives sont
nécessaires; celles-ci ne dépendent ni de la bonne volonté de ceux qui les ont proclamés ni des
bonnes dispositions de ceux qui détiennent les moyens pour les protéger. […] Il ne suffit pas
de fonder ni de proclamer un […] droit. Le problème de sa mise en œuvre n’est un problème ni
philosophique ni moral. Mais ce n’est pas non plus un problème juridique. C’est un problème
dont la solution dépend d’un certain développement de la société et, en tant que tel, il défie la
constitution la plus progressiste et déstabilise le plus parfait mécanisme de garantie
juridique»1060. Une analyse structurale du fonctionnement de l’égalité des sexes va nous
permettre d’« [appréhender] dans la pure synchronie », l’égalité des sexes « comme un Tout,
formé d’un ensemble d’éléments interdépendants et solidaires, qui n’ont pas de sens pris
isolément, mais seulement dans/par les relations d’opposition, d’association ou d’identité qui
les unissent»1061.
341. La constitutionnalisation du principe d’égalité des sexes. À la suite de la révolution
de Jasmin, le gouvernement de transition n’a pas su mettre en place les conditions d’une
inscription constitutionnelle réussie de l’égalité des sexes. L’adoption de l’égalité des sexes a
été, sur le plan formel, le résultat d’une procédure marquée par le consensus et l’instabilité,
mais son résultat positif révèle une dynamique de changement. Le double héritage de la
tradition juridique française et musulmane est à l’origine d’un contexte instable lié au
changement qui n’est pas propice à une détermination claire des sources d’inspiration de
l’égalité. C’est ainsi que l’étude des variables contextuelles
1062 révèle que l’instabilité prolongée
a eu une incidence sur l’évolution du droit positif.
1060 N. BOBBIO, L’Età dei diritti, Op. Cit., p. 42.
1061 J. CHEVALLIER, Essai d’analyse structurale du Préambule, pp 2-3.
1062 H. REDISSI, A. MAKNI, A. NOUIRA, T. BEN CHAABANE (dir.), La Tunisie en Transition, des élections
au dialogue national (2011-2014), Diwen Editions, Tunis, 2016, p. 19.
296






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342. Des facteurs dynamiques. Le contexte économique, la crise sécuritaire et la recherche
de la stabilité sont les variables contextuelles qui ont influencé d’une part, la révélation des
différents clivages concernant la question de l’égalité des sexes et, d’autre part, contribué de
façon décisive à la recherche du compromis. Par opposition à la sociologie statique dont l’objet
d’étude est l’ordre
1063, la sociologie dynamique étudie le progrès, «à savoir la transformation
des sociétés à travers l’histoire de l’humanité »1064. Cette sociologie dynamique, définie
autrefois par Auguste Comte comme « la possibilité de brosser des larges fresques de l’histoire
humaine»1065, est aujourd’hui celle qui étudie « les changements de bien moins grandes
amplitudes
»1066. Guy Rocher, en se fondant sur les analyses de Richard Lapiere1067, définit le
changement social en disant ce qu’il n’est pas1068, il trace les frontières avec les notions
voisines.
1069 Ainsi, il se distingue de l’événement qui peut être un élément constitutif d’un
changement social1070, ou bien « l’accompagner ou le provoquer »1071. De même, «un
changement qui n’affecte qu’une personne ou seulement quelques personnes ne peut pas non
plus être considéré comme un changement social»1072. Dès lors qu’est-ce qu’un changement
social ? C’est « nécessairement un phénomène collectif»1073, un «changement de
structure
»1074 que l’on « puisse [identifier] dans le temps»1075 et qui ne peut « s’apprécier et
mesurer que par rapport à un point de référence dans le passé»1076. À cela s’ajoute un
changement de structure; le changement social doit avoir une «certaine permanence»1077,
c’est-à-dire qu’il doit avoir une certaine durée dans le temps et n’est donc pas «[superficiel] ou
1063 G. ROCHER, Introduction à la sociologie générale, le changement social, Seuil, 1970, t. 3 ,p.6.
1064 Ibid.
1065 Ibid. P18
1066 Il faut également distinguer l’évolution sociale du changement social. Dans le premier cas de figure il s’agit
de « décrire et expliquer les tendances séculaires des sociétés humaines, ou même de l’humanité
», G. ROCHER,
Le changement social, op. cit. p.18.
1067 R.-T. LAPIERE, Social change, New York, McGrawHill, 1965 cité par G. Rocher, Le changement social op.
cit.
, p. 19. En droit on reconnait la méthode de J. Carbonnier
1068 Voir également, J. CARBONNIER,
1069 Selon J. CARBONNIER, « définir, dans un premier sens, signifie tracer des frontières ». Cours de Sociologie
Juridique, Corporative des étudiants en droit, 12, place du panthéon - Paris Vème, 1960
1961, BU Cujas, p.3.
1070 Le remplacement de personnel ou les échanges ne sont pas constitutifs d’un changement social. En outre, il
peut être considéré «
 que les changements qui sont exigés par le fonctionnement même de l’organisation sociale
ne sont d’ordinaire pas de nature à modifier les structures de l’organisation sociale
» (G. ROCHER, Le changement
social,
op.cit. p.20).
1071 « Une élection, une grève, un incendie n’entraînent pas en soi un changement social » (G. ROCHER, Le
changement social,
Op. Cit., p. 19.
1072 G. ROCHER, Le changement social, op.cit., p.20.
1073 Ibid.
1074 Ibid.
1075 Ibid., p.21.
1076 Ibid.
1077 Ibid.
297



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[éphémère]»1078. En résumé, le changement social « affecte le cours de l’histoire d’une
société»1079. Ainsi, le changement social peut se définir comme étant «toute transformation
observable dans le temps, qui affecte, d’une manière qui ne soit pas que provisoire ou éphémère,
la structure ou le fonctionnement de l’organisation sociale d’une collectivité donnée et modifie
le cours de son histoire»1080. Les variables contextuelles découlent de facteurs dynamiques. Ces
dynamiques sont générées par le changement.
La dynamique du changement occasionnée par le contexte particulier dans lequel s’est opéré le
changement de structure a été fortement marquée par un contexte d’instabilité. Cette instabilité
résulte d’une part de la démocratisation de la société. Celle-ci a eu pour effet de renverser
l’ordre des priorités en plaçant la démocratie au sommet et faisant, par la même occasion, de la
stabilité une condition ou une exigence secondaire1081.
343. En se situant sur un plan plus général, Véronique CHAMPEIL-DESPLATS explique
que les facteurs extra-juridiques peuvent dépendre «de rapports de forces et de configurations
de fait
»1082. Ces rapports de force peuvent s’exercer entre des acteurs ou, au contraire, ces
acteurs vont savoir se «coordonner»1083 en dehors du droit. C’est le cas en matière « de
relations diplomatiques» ou bien au niveau « d’interdépendance et de coopération des
acteurs»1084. En cas de résultats stériles de la mise en œuvre de ces « moyens de
coordination
1085», l’obtention de l’effectivité des droits peut également «prendre des formes
plus tendues ou violentes comme les manifestations ou la résistance
»1086. Ce fut le cas avec
l’éclatement du régime colonial qui a laissé place à la société nationale indépendante tunisienne
en 1956. Dès cette époque, on a constaté de profonds changements de structure qui ont eu pour
effet la transformation de l’ancien système social au profit d’un nouveau. La révolution de 2011
a opéré un changement de structure tout aussi fort, mais la démocratisation de la société s’est
réalisée de manière assez lente. Ce changement de structure suppose également une
transformation « dans l’univers culturel des valeurs et dans la fonction de stabilité
normative»1087. Autrement dit, « il est nécessaire qu’une partie des membres de la société
1078 Ibid.
1079 Ibid.
1080 Ibid., p.22.
1081 H. REDDISSI et al., Op. Cit., La Tunisie en transition. p. 19
1082 V. Champeil- Desplats, op.cit., p. 14.
1083 Ibid.
1084 Ibid.
1085 Ibid.
1086 Ibid.
1087 G. ROCHER, Introduction à la sociologie générale, l’organisation sociale, op. cit., p. 225.
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acceptent et intériorisent les nouvelles valeurs susceptibles de l’institutionnaliser dans de
nouvelles structures».1088
344. La mise en lumière des clivages. Le changement de structure affecte «la nature même
du système
» ainsi que son «orientation générale» et son « mode d’organisation ou tout cela à
la fois»1089. Ces tensions importantes au sein de la société découlent d’un phénomène
d’instabilité externe et interne à l’appareil politique. Cette instabilité procède d’une double
cause. Tout d’abord, la résistance au changement social peut avoir une puissance considérable
qui peut bloquer toute transformation des structures en permettant au système de rejeter les
éléments de perturbation ou en les neutralisant1090. Ensuite, cette résistance va entraîner
l’apparition d’un « sous-système parallèle»1091 de contestation qui va être interne ou externe au
système et qui va chercher à obtenir le changement de structure refusé jusque-là ; il s’agit du
mouvement révolutionnaire ou des groupements extrémistes1092. La révolution civile tunisienne
de 2011 est l’exemple d’un mouvement révolutionnaire qui voulait obtenir le changement de la
structure antérieure et qui était externe au système. La résurgence de l’extrémisme religieux,
les attentats terroristes cherchaient également un changement de structure qui n’allait pas
nécessairement dans le sens de la révolution civile de 2011.
345. Le «sous-système parallèle» peut également adopter «des comportements jugés par la
société comme
“pathologiques” »1093. En ce sens, le crime organisé, l’atteinte aux biens des
individus ainsi que « l’extrémisme salafiste en connivence avec le trafic frontalier »1094,
démontrent que l’instance politique n’a pas opéré les changements souhaités par la totalité des
individus dans la société et que pour montrer une forme de résistance au changement certains
individus ou groupes d’individus adoptent ces comportements pathologiques. Dans ces crimes,
il faut également noter les atteintes à l’intégrité physique des femmes qui ont augmenté depuis
la révolution1095. La rapidité et la simultanéité exécutées dans les différents domaines
1088 Ibid.
1089 Ibid.
1090 Ibid., p.224.
1091 Ibid., p.225.
1092 Ibid.
1093 Ibid. « gangs criminels, pègre politique, sous collectivité non-conformiste ».
1094 Voir sur le sujet, International Crisis Group, La Tunisie des frontières, Jihad et contrebande, Rapport Moyen-
Orient, n°148, novembre 2013.
1095 TAP, « La violence contre les femmes a pris de l'ampleur après la révolution du 14 janvier 2011. Ce phénomène
alarmant touche tous les milieux, en particulier le milieu politique ». Kapitalis, 26 Novembre 2012, disponible en
ligne.
[http://www.kapitalis.com/societe/13044-la-violence-contre-les-femmes-s-est-aggravee-en-tunisie-apres-
la-revolution.html].
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d’activités1096 ont fait peser un risque d’échec important sur le processus de démocratisation de
la société. Le facteur économique, financier et l’augmentation du chômage ont influencé le
processus de changement social qui a eu pour effet de renforcer les inégalités, notamment celles
qui concernent toujours aussi significativement les femmes. L’ampleur de l’instabilité
économique, celle relative à la sécurité et à l’instabilité politique ont fortement intensifié le
phénomène qui a eu une durée relativement longue. À titre d’exemple, la rapidité avec laquelle
les acteurs sociaux ont coopéré dans le cadre du développement économique a eu pour effet
d’exclure les femmes de ces plans et de la stratégie d’intégration de ces dernières dans
l’économique, ce qui s’est traduit par la formation d’une économie informelle tunisienne
massivement constituée par les femmes.
346. L’une des variables conjoncturelles est la violence. Au cours du mouvement
révolutionnaire initié en 2011, une multitude de manifestations se sont traduites par des actes
de violence1097. Cette violence se traduit également par l’enrôlement de milliers de jeunes
tunisiens dans les guerres irakienne et syrienne1098. Les assassinats des opposants politiques
Chokri Belaïd, le 6 février 20131099, et Mohamed Brahmi, le 25 juillet 20131100, viennent
alourdir la charge de ces violences et plongent la Tunisie dans un profond émoi. Toutes ces
variables ont eu pour conséquence de mettre en lumière la difficile «maîtrise»1101 de violence
due à une absence de «
savoir-faire»1102 politique. Cette absence de maîtrise a eu pour
conséquence l’acceptation forcée du « grand moment du Dialogue national» qui a fait primer
la légitimité technocratique et le dialogue sur la légitimité électorale
1103 et l’affrontement1104.
Cette escalade de violence sanguinaire a suscité une réaction de la société civile et marqué une
division politique qui refuse le consensus.
1096 Économique, politique, culturel et sociale
1097 Entre le 2 mars et le 12 avril 2012, actes de violences envers les fonctionnaires de la Télévision nationale. Le
29 mars 2012, lors une manifestation salafiste, les manifestants attaquent les artistes devant le théâtre national. Le
14 septembre 2012, une manifestation géante proteste contre la diffusion du film jugé islamophobe, les manifestant
finissent par mettre le feu à l’ambassade américaine. NAFTI , op. cit. pp. 34-35.
1098 Voir sur ce phénomène qui n’est pas nouveau H. YAHMED, Sous la bannière de l’aigle- Salafistes jihadistes
tunisiens (en arabe)
, Tunis, Diwan 2015, pp. 131-136.
1099 Dirigeant du front populaire.
1100 Député nationaliste arabe et membre du front populaire.
1101 H. REDISSI, A. MAKNI, A. NOUIRA, T. BEN CHAABANE, La Tunisie en Transition, des élections au
dialogue national (2011-2014), Tunis, Diwen Edition, 2016, p. 11.
1102 Ibid.
1103 Majorité constituée par Ennahda
1104 H. REDISSI, A. MAKNI, A. NOUIRA, T. BEN CHAABANE, op. cit., loc cit.
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347. La perte du pouvoir par les islamistes en octobre 2014 dans un contexte de crise
économique, la déception générale quant à l’état d’avancement du processus démocratique ainsi
que les violences ont marqué l’histoire moderne de la Tunisie ainsi que sa structure sociale et
politique.
Section 2 : La société civile, garde-fou de l’action sociale
348. La révolution tunisienne marque l’avènement d’une société civile sans conteste
indépendante
. L’utilisation du « concept de société civile»1105 est relativement récente «dans
la littérature politique arabe
»1106, car celui-ci «demeure une question épineuse dans la science
sociale arabe
»1107. Comme à son habitude, la Tunisie offre «un cas intéressant et unique dans
le monde arabe
»1108 dans lequel elle partage un passé réformateur avec l’Égypte1109. Sous le
régime de Bourguiba, l’opposition politique1110 a été réprimée et il n’existait pas de société
civile significative1111. Aussi, la société civile est une notion qui émerge dans un contexte
marqué par la victoire de la notion de république civile avec le maintien systématique de l’armée
tunisienne à l’écart du pouvoir politique après chaque intervention pour assurer le retour au
calme, notamment dans les périodes caractérisées par l’affaiblissement de l’État1112. C’est ce
qui expliquerait que cette exception arabe1113 ait été déterminante dans l’émergence d’une
1105T. DJEBALI, « La société civile tunisienne à l’épreuve de la révolution », Recherches internationales, juillet-
septembre 2015, p. 67.
1106Ibid.
1107Ibid.
1108 Ibid.
1109 A. BOZZO, P.-J. LUIZARD (dir.), Les Sociétés civiles dans le monde musulman, La Découverte, 2011.
1110 Notamment la gauche. Voir sur le sujet, notamment sur le Parti ouvrier des communistes de Tunisie, M. CHAR,
Mon combat pour les Lumières, Léchelle, Zellige, 2009 ; A. TEMIMI (dir.), Le Rôle politique et culturel de
perspectives et des perspectivistes dans la Tunisie indépendante, Tunis, Fondation Temimi pour la recherche
scientifique et d’information, 2008 ; G. NACCACHE, Vers la démocratie ?, Tunis, Éditions Mots Passants, 2011.
Cités par T. DJEBALI,
op. cit. p. 68.
1111 Toutefois, « il faut dire que quelques corps intermédiaires, notamment le syndicat UG (Union générale
tunisienne du travail), continuaient
à survivre dans ce contexte somme toute défavorable. Créée en 1946, l’UG
était le fer de lance de la lutte pour l’indépendance. Son chef et fondateur, Farhat Hached, assassiné
par les français
en 1952, était un héros national de premier plan. Il était donc politiquement impossible d’interdire ce syndicat par
un pouvoir avec lequel il partage une histoire commune ». T. DJEBALI, op. cit., p. 68.
1112 Voir sur le sujet le sociologue A. ZGHAL, « Le concept de société civile... », Annuaire de l’Afrique du Nord,
1989, pp. 207-228.
1113 Sauf cas du Liban.
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société civile1114. Ainsi, elle vient subvertir de l’extérieur l’ordre traditionnel en troublant
également des formes d’autorités
1115 autres que militaires.
349. C’est à travers de nouvelles technologies de communication1116 que les jeunes sont
apparus comme les gardiens de la révolte tunisienne de 2011 tout en étant les précurseurs en
matière de constitution d’une société civile indépendante1117. En effet, Internet est devenu un
«
outil de mobilisation sociale»1118 d’« une communication militante»1119 animée «depuis la
rue et avec l’aide des vidéos amateurs (fournies par les téléphones portables) et des ordinateurs,
les messages numériques et les blogs ou encore les sites Twitter ou Facebook ont relayé les
appels à manifester»1120. Ce contournement des médias traditionnels en Tunisie1121 à travers
les nouveaux médias a été crucial dans la mobilisation des masses, mais la révolution a surtout
eu lieu grâce aux sacrifices et aux combats «de longue date de tous les acteurs de la société
civile
»1122. Cette première expérience de manifestations de représentants de la société civile
qui a regroupé une palette très large des catégories sociales.
350. La coopération, moyen pacificateur de mise en œuvre effective du principe
d’égalité des sexes.
Par le passé, la société civile collaborait avec le système dictatorial de Ben
Ali, mais avec le processus révolutionnaire elle devient la gardienne d’un système démocratique
émergeant dans lequel l’égalité des sexes est fondamentale. Son intervention a été déterminante
dans la coopération entre les différentes positions politiques avec la mise en œuvre d’un
processus de dialogue et de transition qui a évité à la Tunisie de s’enliser dans des dérives
politiques et sociales. Elle a également permis la réappropriation du politique par les individus,
1114 T. DJEBALI, op. cit., p 70.
1115 H. M’RAD, Libéralisme et liberté dans le monde arabo-musulman. De l’autoritarisme à la révolution, Tunis,
Nirvana,p . 115 et ss ; H. M’RAD, « La société civile : spontanéité, indépendance et résistance », Le courrier de
l’Atlas [En ligne], 2 avril 2013.
1116 Blogs, Facebook, Twitter,
11171117 M. BEN SALEM, « Nouvelles configuration des pratiques citoyennes en Tunisie : les protestations de rue
et virtuelle »,
In La contre-révolution en Tunisie, Vème Conférences de l’ATEP, Tunis, 2013, pp. 201-217 ; K.
MEJRI, « Jeunesse, Internet et transition démocratique en Tunisie »,
In, La transition démocratique à la lumière
des expériences comparées
(dir. H. M’RAD, F. MOUSSA), Tunis, Université de Carthage, Association Tunisienne
d’études Politiques, 2012, pp. 289-303.
1118 K. ZOUARI, « Le rôle et l'impact des TIC dans la révolution tunisienne », Hermès, La Revue, 2013, pp. 239-
245.
1119Ibid.
1120 A. FITOURI, P.-.N, DENIEUIL « Communication, médias et liens sociaux en Méditerranée « COMMED »
Nouveaux supports, nouvelles pratiques », Le Carnet de l’IRMC, 25 novembre 2013, disponible en ligne
[http://irmc.hypotheses.org/1321].
1121 N. ABID et al. « Le rôle des médias et des TIC dans les « révolutions arabes » : l'exemple de la
Tunisie », Chimères, 2011, pp. 219-235.
1122 M. BEN HENDA, « Internet dans la révolution tunisienne », Hermès, La Revue, 2011, pp. 159-160.
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hommes et femmes, à travers le processus de changement social, en s’instituant en un contre-
pouvoir
1123. Son concours et son rôle ont été reconnus et parachevés lors de l’attribution du prix
Nobel, en 2015, à certaines associations de la société civile tunisienne1124.
351. En outre, le champ de l’égalité des sexes se voit redéfini par un double mouvement de
pulvérisation et d’inconstance. La pulvérisation affecte la conception d’une égalité des sexes
étatique, de plus en plus désavouée par la société civile. Les régimes de Bourguiba et de Ben
Ali ont utilisé les droits des femmes comme moyen de « justifier l’autoritarisme »1125. Quant à
l’inconstance, elle s’est révélée lors du premier grand débat qui mettait en jeu et en cause la
question de l’égalité et celle de la complémentarité, qui du fait de son essence inégalitaire, mais
également de son caractère ambigu ont constitué une inquiétude quant à une possible régression
du droit des femmes. En faisant de la question de l’égalité des sexes et celle relative à
l’émancipation des femmes un objet d’instrumentalisation politique qui permettait en réalité de
créer un clivage entre les personnes pour et les personnes contre, le régime politique s’est
déchargé d’une forme de responsabilité. En effet, le professeur Garmi constate que le discours
qui a pour objet d’instrumentaliser la peur de l’obscurantisme et le droit des femmes a atteint
ses limites lors du second tour des élections présidentielles en date du 13 octobre 2019 puisque
les électeurs ont sanctionné «le système » qui comprend l’ensemble des tendances politiques.
En conséquence, cet électorat a mis à mal le clivage entre progressistes et réactionnaires
1126. Ce
déni prouve le long chemin que doit encore parcourir la Tunisie pour faire de la question de
l’égalité des sexes non pas un jeu d’instrumentalisation politique, mais surtout un véritable sujet
sociétal et une priorité pour garantir sa mise en œuvre effective.
352. Les menaces de résurgence d’une conception islamique. La question de l’égalité des
sexes et notamment celle du statut des femmes reste sous la garde de la société civile. En effet,
les meilleurs appuis seront recherchés auprès de la société civile et des partisans de la
1123 « [ la Tunisie marque] un nouveau tournant dans son histoire démocratique et a besoin plus que jamais de la
mobilisation de tous les acteurs de la société civile pour réussir la transition démocratique » (« Tunisie-Union
européenne : Lancement du programme d’appui à la société civile (PASC) », Al Huffington Post, 30 janvier 2014.
Disponible en ligne sur [http://www.huffpostmaghreb.com/2014/01/30/programme-appui-societe-c_n_4694471.
Html] ; Voir aussi D. Colas, Sociologie politique, Paris, PUF, 2002, pp. 385-386.)
1124 Il s’agit du puissant syndicat UGTT, de l’organisation patronale UTICA, de la Ligue tunisienne des droits de
l’homme et de l’ordre des avocats. Voy. C. GOUËSET, «
Nobel de la Paix : « Les organisations tunisienne
récompensées ont sauvé
ligne
[https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/nobel-de-la-paix-les-organisation-tunisiennes-recompensees-
ont-sauve-le-pays_1724206.html]
1125 H. NAFTI, De la révolution à la restauration, où va la Tunisie ?, Riveneuve, Tunis, 2019, p. 145.
1126 Ibidem. p. 242
le 09 Oct. 2015, Disponible en
le pays » ». L’express, publié
303





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sauvegarde des acquis des droits des femmes. Il serait compliqué d’envisager un retour en
arrière sur cet acquis démocratique, car la société civile a été très vigilante et influente sur la
question de l’égalité. Chaque tentative de régression ou changement social négatif sur la
question du statut des femmes a systématiquement eu pour effet de mobiliser la société civile.
Les mouvements sociaux de contestation se sont constitués lors du processus de changement
social, mais ont perduré après 2014, ce qui a permis la naissance de nouvelles organisations
plus horizontales et de nouveaux acteurs de contestation sociale avec
les ONG
internationales1127. Ainsi par sa vigilance, la société civile ne perd pas de vue l’action sociale
ainsi que le changement social. Les individus et les organisations critiquent l’action politique
lorsqu’ils estiment que les acteurs politiques ne respectent pas les exigences de l’égalité.
1127 Notamment la formation des syndicats. Voir sur le sujet, H. YOUSFI, « Repère économie : L’Union générale
tunisienne du travail (UGTT), une organisation syndicale atypique ». Moyen-Orient, 2019.
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Page 308
CHAPITRE III : LE RAPPORT DE CONNEXITE ENTRE
LES SYSTEMES
353. Le mot connexité vient du latin connexus qui signifie «joint». Le caractère connexe
d’un rapport entre deux systèmes peut être compris comme indiquant la présence de
caractéristiques communes entre la France et la Tunisie. Il peut également désigner un espace
de continuité «
sans rupture»1128 dans lequel une «relation» 1129 est établie, qui lie deux Etats.
Ainsi, défini, le rapport de connexité entre les systèmes juridique ou non est établi dans
le cadre de la détermination des acteurs. Comme ces acteurs sont nombreux, nous les classerons
en deux catégories selon le moment de leur apparition sur la scène politique : les acteurs
classiques qui ont toujours existé dans ce rôle de défense des droits des femmes (Section 1) et
ceux qui sont apparus plus récemment (Section 2). Puis, nous envisagerons les moyens qu’ils
emploient, les uns et les autres pour parvenir à leurs fins (Section 3). Ces moyens permettent
le passage d’un système à un autre.
Section 1 : Le rôle essentiel des acteurs
354. Les acteurs vont contribuer, d’une part, à rendre effectif le droit de l’égalité des sexes et,
d’autre part, à garantir une meilleure protection du principe par la connaissance de ces droits à
travers la promotion et la diffusion du principe de l’égalité des sexes. Les acteurs de la mise en
œuvre de ce principe sont multiples : d’un côté, les acteurs classiques (§ 1), à savoir ceux qui
ont toujours eu ce rôle de défenseur de l’égalité des sexes ; de l’autre, des acteurs nouveaux qui
sont apparus de manière très contemporaine (§ 2).
§ 1. Le rôle essentiel des acteurs traditionnels
355. Le juge figure incontestablement au premier rang des autorités chargées de la mise en
œuvre concrète de l’égalité des sexes. Sa présence en tant qu’acteur principal se justifie par la
complexité d’apprécier le concept même de l’égalité des sexes, il est en effet difficile de
déterminer ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Il incarne, pourrait-on dire, la figure du juge
1128 https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/connexite/
1129 Au moyen âge, Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500), [http://www2.atilf.fr/dmf/]
307








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Hercule selon Dwokin, ayant le pouvoir de porter le monde donc de le refaire dans certaines de
ses décisions «dire le droit» en choisissant l’interprétation qui lui semble la plus adaptée du
point de vue de la morale politique1130. Dans le cadre de son pouvoir d’interprétation, il dégage
des principes dont le développement se rattache, selon Mireille Delmas-Marty1131, à l’apparition
d’une nouvelle source du droit constituée par le juge. En effet, elle décrit «un mouvement
général caractérisé par le surgissement de nouvelles sources de droit dont, une, qui n’est pas
des moindres, est celle des juges»1132. Ce mouvement participe d’une « inspiration morale»1133
ou encore «
de la philosophie politique»1134. C’est le cas avec le principe d’égalité. Le « bon
juge » rappelle le rôle essentiel de l’interprétation du juge qui « peut et doit interpréter
humainement les inflexibles prescriptions de la loi
»1135. En effet, l’ambiguïté des textes, le
caractère flou de certaines dispositions ainsi que leur contradiction rendent non seulement le
contenu difficilement intelligible, mais constituent de fait des inégalités. Qui est ce juge de la
juste égalité des sexes? Ils sont plusieurs et se situent à différents niveaux.
356. Au niveau national, on considère que tous les juges sont « le juge de l’égalité des sexes ».
En France, c’est le juge administratif qui a initialement joué un rôle essentiel dans la
construction et la délimitation du principe d’égalité des sexes en l’envisageant comme l’une des
composantes du principe d’égalité. Il a tout d’abord affirmé le principe d’égalité dans le cadre
de l’accès aux emplois publics1136. Dès lors, le juge administratif a censuré les dispositions
1130R. DWORKIN, L’Empire du droit, op. cit., p. 286.
1131 Le principe de bonne foi. Voy. Mireille DELMAS-MARTY, Pour un droit commun, Seuil, 1994, 314 p.
1132 P. AUBERTEL. M. DELMAS-MARTY, « Pour un droit commun », 1994,.In: Les Annales de la recherche
urbaine, 1995. Politiques de la ville. Recherches de terrains. pp. 230-231.
1133 Ibidem.
1134 Ibid.
1135 « Il est regrettable que, dans une société bien organisée, un des membres de cette société, surtout une mère de
famille, puisse manquer de pain autrement que par sa faute. [..]

Lorsqu'une pareille situation se présente [..], le juge peut et doit interpréter humainement les inflexibles
prescriptions de la loi.
Attendu que la misère et la faim sont susceptibles d'enlever à tout être humain une partie
de son libre arbitre et d'amoindrir en lui, dans une certaine mesure, la notion du bien et du mal… » Trib.corr.
Château-Thierry 4 mars 1898 et Amiens 22 avril 1898 (D.1899 II 329).

1136 CE, ass., 3 juill. 1936, Demoiselle Bobard et autres, n° 43239 43240, Lebon. Rec. 721.Le juge administratif a
reconnu «
l’aptitude légale des femmes aux emplois publics et en n’autorisant leur exclusion que lorsque des
raisons de service le nécessitent ».
Néanmoins, cet accès est limité. Autrement dit, l’accès des femmes à la fonction
publique est restreint, car le Conseil d’État admettait à travers cette décision que l’intérêt du service pouvai
t
permettre d’exclure les femmes ou de limiter l’accès à ces dernières. Il faudra attendre l’entrée en vigueur du
Préambule de 1946 qui consacre explicitement l’égalité homme
-femme pour voir le principe d’égalité des sexes,
notamment en matière d’accès à l’emploi public être davantage encadrée. Un encadrement qui sera renforcé avec
le droit de l’Union européenne, notamment par la Directive n° 76/207 CEE du 14 févr. 1976 abrogée et remplacée
par la directive n° 2006/54/CE du 5 juill. 2006. A. SAUVIAT, « Accès à l’emploi public », in Dictionnaire
Juridique de l’égalité et de la non-discrimination, D. THARAUD, C. BOYER-CAPELLE (Dir .,), L’Harmattan
2021,p. 8.
308




Page 310
contraires au principe d’égal accès aux emplois publics1137 reconnu par l’article 6 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen1138. En outre, en mettant le principe d’égalité
au centre du droit public et en qualifiant expressément le principe d’égalité de principe général
du droit1139, il garantit à l’avenir, sous réserve que « la nature des fonctions ou les conditions de
leur exercice le justifient», que les femmes peuvent pourvoir tous les emplois publics, incluant
ceux dans la police
1140 ou dans le secteur de la défense (lequel a longtemps exclu les
femmes
1141). C’est également le juge judiciaire qui applique ce principe dans les différents
domaines du droit. Le droit social, le droit de la santé, le droit de la sécurité sociale et le droit
des contrats sont des domaines privilégiés dans lesquels le juge judiciaire a dû traiter
concrètement des questions mettant en cause le principe d’égalité entre les sexes. Ces matières
riches en dispositifs juridiques ont donné et donnent encore aux juges l’opportunité d’apprécier
l’égalité en matière sociale dans sa diversité, c’est-à-dire selon le principe de non-
discrimination, d’égalité des chances, d’égalité catégorielle1142. Le juge pénal est également un
acteur de premier ordre dans la mise en œuvre de la justice et notamment de l’égalité des sexes.
357. Par ailleurs, le caractère structurel et systémique des inégalités entre les sexes a conduit
le législateur à instituer d’autres acteurs de lutte contre les inégalités, acteurs se situant dans un
cadre de prévention et de promotion de l’égalité des sexes. La loi de finances du 1
er août 2001,
effective au 1
er janvier 2006 a eu pour effet d’introduire la prise en compte de la performance
des actions publiques, performance que l’on peut vérifier. Cette loi est prolongée par toute une
série de réformes1143 relatives à l’administration centrale de l’État. Il en existe deux catégories :
celles dans laquelle les autorités sont rattachées au pouvoir exécutif suprême auprès duquel
1137 Certaines dispositions interdisaient aux femmes de se présenter à l’examen professionnel de la magistrature
coloniale (CE Ass., 3 décembre 1948, Dame Louys, Rec. 451.) ou encore l’exclusion des femmes mariées aux
emplois de la ville de Strasbourg (CE Sect., 11 mai 1960, Ville de Strasbourg, Rec. 194.)
1138 J.-.M. SAUVE, « La jurisprudence administrative et les femmes », Colloque organisé par la Cour
administrative d’appel de Marseille le 14 novembre 2017, Disponible en ligne [https://www.conseil-
etat.fr/actualites/discours-et-interventions/la-jurisprudence-administrative-et-les-femmes].
1139 Le principe « régit le fonctionnement des services publics ». Décision du 9 mars 1951, société des concerts du
Conservatoire.
1140 À titre d’exemple, CE Ass., 21 avril 1972, Syndicat chrétien du corps des officiers de police, n° 75188.
1141 Voy. CE, 11 mai 1998, Mlle Aldige, n° 185049 relatif au recrutement des commissaires de l’armée de terre ;
CE, 29 décembre 1993,
Mlle Martel, n° 78835 relatif à l’accès des femmes au corps des officiers de l’air. Dans
ces deux décisions, le Conseil d’État a estimé que ni la nature des fonctions, ni les conditions d’exercice de
celles-
ci ne justifiaient que les femmes soient exclues de ces emplois. Cité par J.-. M. SAUVE, « La jurisprudence
administrative et les femmes »,
Op. Cit. Ibidem.
1142 Voy. B. STIRN, « Juger de l’égalité en matière sociale : quels principes, quelles méthodes ? » Cour de
cassation 30 novembre 2012 Colloque organisé par l’Institut de recherche juridique de la Sorbonne (IRJS),
département droit social (Université Paris I), en partenariat avec le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, p. 4.
1143 « Stratégies ministérielles de réforme » en 2002-2003, les audits de modernisation et la révision générale des
politiques publiques en 2007, la modernisation de l’action publique en 2012.
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Page 311
elles interviennent1144, à titre d’exemple, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les
hommes qui est placé auprès du Premier ministre.1145 Dans ce cas précis, plusieurs chercheurs
ont déploré «
 l’invisibilisation des chercheuses »1146, ce qui a fait couler beaucoup d’encre1147.
La seconde catégorie est celle qui regroupe les Autorités Administratives Indépendantes : par
exemple le CSA et le Défenseur des droits en France. Le rôle de ces autorités n’est pas
symbolique, elles participent de manière significative à la promotion et à la diffusion du
principe d’égalité des sexes en s’assurant de sa prise en considération et de l’intégration de cet
objectif dans les projets de loi et les plans d’action. L’égalité des sexes fait partie de la politique
publique portée par des acteurs institutionnels qui s’engagent à faire de l’égalité des sexes un
sujet d’enjeu national.
358. La loi du 27 janvier 2017 sur l’égalité et la citoyenneté va prévoir d’attribuer au Haut
conseil à l’égalité (HCE) de nouvelles missions : il peut en effet être saisi de toutes questions
relatives aux missions qui lui sont attribuées, par le Premier ministre ou le ministre chargé des
droits des femmes. Le président du HCE est nommé par arrêté du Premier ministre. Cette
instance s’inscrit dans le schéma habituel de l’action publique, car elle est toujours en lien avec
les autorités exécutives et les autorités gouvernementales responsables1148.
359. En Tunisie, il n’existe pas d’autorité administrative ou d’institution équivalente au HCE.
Cette absence est dommageable. Néanmoins, il existe un ministère chargé des droits des
femmes, de la famille et de l’enfance. Le ministère des Affaires de la femme et de la famille est
1144 Cela concerne le Président de la République, le Premier ministre, des ministres et des autres membres du
gouvernement. Il faut considérer que l’organe étatique revêt soit un caractère politique soit administratif. Le droit,
notamment le régime contentieux des actes de ces autorités fait la distinction entre les actes du Gouvernements
qui est insusceptible de tout contrôle contentieux et les actes administratifs qui sont soumis au contrôle du juge
administratif. Ainsi, le droit constitutionnel per
mettrait d’engager la responsabilité politique d’un gouvernement
devant l’Assemblée nationale y compris pour la façon dont il accomplit la fonction administrative.

1145 « Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes est créé par décret du président de la République
François Hollande, du Premier ministre Jean-Marc Ayrault le 3 janvier 2013. Il a été inscrit dans la loi relative à
l’égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017 qui lui confie une nouvelle mission : un rapport annuel sur l’état du
sexisme en France
». Page présentation de l’instance disponible sur [https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/a-
propos-du-hce/presentation-et-missions/]
1146 Expression utilisée dans l’article écrit par L. SANCHEZ, « Six chercheurs démissionnent du Haut Conseil à
l’égalité entre les femmes et les hommes », Les démissionnaires critiquent « l’absence de femmes chercheuses »
dans le nouveau « collège des personnalités qualifiées » du Haut Conseil.
Le Monde, Publiée le 22 juillet 2019
disponible en ligne [https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/07/22/six-chercheurs-demissionnent-du-haut-
conseil-a-l-egalite-entre-les-femmes-et-les-hommes_5492079_3224.html].
1147 Ibidem.
1148 P. IDOUX, « Des interrogations classiques renouvelées dans un contexte européanisé. Présentation du
dossier », Droit et société, 2016, p. 276.
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la seule institution à se rapprocher tant dans son organisation1149 que dans ses attributions1150
du Défenseur des droits et le gouvernement a annoncé l’éventuelle mise en place d’une
institution étatique de lutte contre les violences à l’égard des femmes. Pour comprendre le rôle
et l’utilité de ce ministère, il faut, tout d’abord, en connaître les prérogatives et les priorités.
L’article 1er du décret du 22 septembre 2003 dispose que le ministère des Affaires de la femme,
de la famille et de l’enfance est chargé de promouvoir l’égalité des sexes1151; ici, la femme est
assimilée aux personnes vulnérables dont l’État doit garantir la protection, au même titre que
les enfants et les personnes âgées. Elle semble toujours être liée à la sphère familiale, puisqu’à
chaque fois que la femme est citée, elle figure juste avant le domaine de la famille. En témoigne
cette mention figurant sur cette énonciation sur le site officiel du gouvernement1152 : «le
ministère œuvre pour la création de moyens d’actions et de programmes dont l’objectif est
d’assurer la prospérité de la famille et d’impliquer la femme dans le processus de
développement intégral». Au nombre des priorités de la loi figurent la diffusion de la culture
des droits de la femme, l’enracinement du civisme au sein de la famille et la consolidation des
liens entre ses membres. Cette dernière priorité peut susciter quelques interrogations sur la
signification et ce qu’impliquent les termes « enracinement du civisme» ainsi que
«consolidation des liens ». Enfin, la dernière priorité concerne la contribution à l’amélioration
de la situation de la femme. Les moyens de mise en œuvre de ces objectifs et priorités ne sont
pas explicités. De même, il a été question d’une éventuelle mise en place d’une institution
étatique de lutte contre les violences à l’égard des femmes. L’ancienne ministre de la femme,
Sihem BADI1153, a annoncé, le 25 mai 2013, la mise en place de la première institution publique
pour la protection de la femme à l’égard des violences1154. À cet égard, l’article 24 de la loi
1149 Voy. Décret n° 2013-4064 du 19 septembre 2013, portant organisation du ministère des affaires de la femme
et de la famille. RELATIF à l’organisation.
1150 Voy. Décret n°2003-2020 du 22 septembre 2003, Fixant les attributions du ministère des affaires de la femme,
de la famille et de l'enfance.

1151- « Exécuter la politique du gouvernement dans les domaines de la femme, de la famille et de l'enfance » ;
Accorder une attention particulière à la femme, à la famille et à l'enfance ayant des besoins spécifiques ;Rendre
des services informationnels portant sur la femme, la famille et l'enfance ; Entreprendre des recherches et des
études dans les domaines de la femme, de la famille et de l'enfance ; D'assurer la tutelle des institutions dont le
domaine d'activité porte sur la femme, la famille et l'enfance. Les autres attributions sont consacrées par les articles
qui suivent Art. 2.
Dans le cadre de l'action associative, le ministère est chargé ; Art. 3. Le ministère est chargé,
dans la limite de ses compétences, de promouvoir les relations avec l'extérieur ; Art. 4.
Le ministère des affaires
de la femme, de la famille et de l'enfance est consulté sur toute question ou tout projet qui porte sur les domaines
relevant de ses attributions. Le ministère est représenté dans toutes les instances consultatives et de suivi dont les
travaux touchent à ses compétences. »
1152 [www.tunisie.gouv.tn].
1153 Sihem. Badi [http://www.kapitalis.com/politique/17195]
1154 Elle a déclaré que 47 % des femmes tunisiennes étaient victimes de violences ; d’où, la mise en place d’une
institution étatique qui prendrait en charge les femmes qui ont subi des violences dans un centre spécialisé.
Toutefois, à l’heure actuelle il n’existe pas d’institution de ce genre.
311



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organique relative à la lutte contre les violences à l’égard des femmes1155 prévoit la création
«au sein de chaque commissariat de sûreté nationale et de garde nationale, dans tous les
gouvernorats, d’une unité spécialisée pour enquêter sur les infractions de violence à l’égard des
femmes, conformément aux dispositions de la présente loi. Elle doit comprendre des femmes
parmi ses membres
»1156. Le ministre de l’Intérieur aurait commencé à mettre en œuvre ce
dispositif, ce qui serait une avancée pour promouvoir l’égalité des sexes sur tout le territoire.
360. A contrario, les AAI constituent une rupture avec l’organisation antérieure en matière
d’action publique
1157. Chronologiquement, les autorités administratives indépendantes ont été
introduites en France à la fin des années 1970 avec l’adoption de la loi du 6 janvier 1978 qui
institua la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)1158, même si l’appel
à des entités administratives indépendantes avait débuté antérieurement, notamment avec la
création du médiateur de la République en 1973
1159. Ces entités, en tant qu’« organes
administratifs
» et non pas en tant que juges1160 à proprement parler, n’émettent que des actes
administratifs unilatéraux susceptibles de recours. Cette catégorie s’est vue complétée avec la
création d’une « autorité constitutionnelle indépendante», le Défenseur des droits, ce qui a eu
pour effet de renforcer le caractère hétéroclite de cette catégorie. Le recours à ces entités
administratives s’est poursuivi avec la préoccupation principale d’une meilleure garantie des
libertés. Les autorités les plus marquantes en matière de garantie du principe d’égalité des sexes
en France sont la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), le Défenseur des
droits et le CSA (son équivalent en Tunisie est la HAICA).
1155 Loi organique n° 2017-58 du 11 août 2017, relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, JORFT
15 août 2017, p.2604.
1156 Sihem. Badi [http://www.kapitalis.com/politique/17195]
1157 Claude-Albert Colliard et Gérard Timsit (dir.), Les autorités administratives indépendantes, Paris : PUF,
1988 ; Paul Sabourin, « Les autorités administratives indépendantes, une catégorie nouvelle »,
Actualité juridique.
Droit administratif
(AJDA), mai 1983, p. 275 ; Jacques Chevallier, « Réflexions sur l’institution des autorités
administratives indépendantes », La Semaine juridique. Édition générale (JCP G), 6 août 1986, nº 30.
1158 La CNIL apparaît donc comme la première autorité administrative indépendante installée sur notre territoire.
1159 P. IDOUX, « Des interrogations classiques renouvelées dans un contexte européanisé. Présentation du
dossier », Droit et société, 2016, pp. 275.
1160 L’exercice de leur pouvoir est cependant contrôlé par les juges.
312





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361. S’inspirant de modèles étrangers1161, la HALDE a été mise en place par la loi du 30
décembre 2004
1162. Elle connaît de toutes discriminations directes ou indirectes interdites par
loi ou un engagement international auquel l’État français est partie. L’institution de cette
autorité a été déterminée par un contexte d’urgence qui imposait de donner suite à des pratiques
discriminatoires. L’objectif était de coordonner l’action structurelle des États, en prévoyant une
politique d’ensemble qui se conforme au droit de l’Union européenne et particulièrement les
directives
1163 qui fixent le cadre juridique et institutionnel commun aux États membres. Le but
de l’Union européenne était que la France se dote d’une entité spécialisée dans le domaine de
la lutte contre les discriminations, notamment en assurant une efficacité plus significative de
l’arsenal juridique français1164. Face aux risques des pratiques discriminatoires des entreprises,
la France, en introduisant la notion de discrimination, a fait le choix d’appréhender la question
«de manière préventive et positive». En ce sens, la HALDE est un acteur de référence en
matière de lutte contre les discriminations dans le milieu professionnel, mais également dans la
promotion du principe d’égalité des sexes1165.
362. À compter du 1er mai 2011, le Défenseur des droits fait son apparition en absorbant la
HALDE
1166. Il a été institué par une réforme constitutionnelle du 23 juillet 20081167 dont le
1161 « Le Royaume-Uni avec l'Equal Opportunities Commission, la Commission for Racial Equality et la Disability
Rights Commission
; la Belgique avec le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme ; et le Canada
avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Qu
ébec », S. PETIT, C. COHEN,
« La HALDE a-t-elle sa place devant les juridictions ? », Recueil Dalloz 2008 p. 1519 Serge Petit, Avocat g
énéral
à la Cour de cassation.
1162 Loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004
1163 Les directives n° 2000/78 du 27 novembre 2000 et 2000/43 du 29 juin 2000 relatives à l’égalité. La création
d'une nouvelle autorité exclusivement dédiée à la lutte contre les discriminations apparaissait donc nécessaire.
1164 Yves MAYAUD, La HALDE, une trop « Haute » autorité ? Propos hétérodoxes sur un transfert de répression,
Dr. Soc. 2007, p.930.
1165 La stratégie d’action de cette autorité est double. Tout d’abord, elle traite des demandes de victimes de
discrimination. Ensuite, elle est en charge de la mise en œuvre de politique préventive ainsi qu’au développement
d’actions novatrices ainsi que dans l’élaboration d’instruments comme celui du guide.

Des pratiques pour l’égalité des chances : que répondent les entreprises à la Halde ?, deuxième guide de la HALDE
paru en septembre 2007.
1166 Le législateur a voulu regrouper l’ensemble des autorités administratives indépendantes, estimant que leur
nombre induisait une dilution des responsabilités préjudiciable aux droits des personnes. Le Défenseur des droits
réunit ainsi le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants ; la Commission nationale de déontologie de
la sécurité et la HALDE.
1167 Article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Le Défenseur des droits veille au respect des droits et
libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par
tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des
compétences. Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s'estimant
lésée par le fonctionnement d'un service public ou d'un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d'office.
La loi organique définit les attributions et les modalités d'intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les
conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions. Le
Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable,
après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec
313




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cadre juridique a été précisé par le législateur le 29 mars 20111168. La légitimité de cet acteur
apparaît à travers sa nomination par décret du président de la République1169. Dans le cadre de
ses missions, il est en charge de la protection des libertés publiques, notamment la lutte contre
les discriminations et la promotion de l’égalité. Pour accomplir cette mission, il est assisté par
un collège dont les membres peuvent donner leur avis sur toute question nouvelle. Il est
également assisté d’un adjoint et de délégués territoriaux.
363.
Il existe une autre autorité administrative indépendante qui est également, dans le cadre
de ses missions, en charge de la protection de la lutte contre les discriminations et du principe
d’égalité des sexes, notamment à travers les médias : il s’agit du CSA qui détient également
une compétence dite «sectorielle».
364. Le CSA et la HAICA, acteurs en matière sectoriels. Le CSA1170, considéré comme
une «autorité indépendante»1171, succède à la Haute Autorité de la communication
audiovisuelle (1982-1986) et à la Commission nationale de la communication et des libertés
(1986-1989). Il a pour mission de «garantir la liberté de communication audiovisuelle en
France
»1172. La loi du 30 septembre 1986, qui a connu des modifications successives, fixe les
nombreuses responsabilités incombant à cet organisme, notamment le respect de la dignité de
la personne humaine
1173. Sur ce point, une évolution mérite d’être remarquée dans les nouvelles
missions attribuées plus récemment : le CSA intervient désormais dans la promotion du
principe d’égalité homme-femme sous le prisme de la représentation. En effet, parmi les critères
de classification, on retrouve l’image de la femme. L’objectif poursuivi est d’éviter la
celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi
organique. Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement
».
1168 Loi n°2011-334 et loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, JO 30 mars
2011. Les décrets n°2011-904 et 2011-905 sont venus encadrer la procédure et organiser le fonctionnement de
cette nouvelle autorité.
Conf. « Projet de loi organique relatif au Défenseur des droits, Etude d’impact » du Sénat
du septembre 2009, p. 15.
1169 Son mandat a une durée de six ans non renouvelable, afin de garantir une indépendance à cette institution.
1170 Créé par la loi du 17 janvier 1989 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication,
art. 3-1 modif. par la loi du 31 mars 2006, art. 47-I.

1171 Toutefois, cette expression désigne bien l’autorité administrative indépendante Voir en ce sens, comp. J-P.
COSTA, « le médiateur peut-
il être autre chose qu’une autorité administrative » ? AJDA 1987.p. 341 et Y.
GAUDEMET, « Toujours à propos du médiateur.. », AJDA 1987.p. 520.
1172 Il s’agit de la télévision et de la radio uniquement.
1173 Il existe d’autres domaines tel que la protection des mineurs, le respect de l'expression pluraliste des courants
d'opinion, l’organisation des campagnes électorales à la radio et à la télévision, la rigueur dans le traitement de
l'information, l’attribution des fréquences aux opérateurs et la protection des consommateurs. De plus, le Conseil
est chargé de « veiller à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises » sur les antennes.
314





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banalisation d’images dégradant les femmes ou encore les réduisant à leurs attraits sexuels.
C’est ainsi que le CSA est fondé à intervenir sur la base de l’interdiction des propos et
comportements discriminatoires ou attentatoires au respect de la dignité humaine. Il est
compétent si est relevée plusieurs illégalités d’une séquence donnée ou d’un programme ; il
intervient par mise en demeure ou par simple courrier. L’obligation d’assurer le respect de la
personne humaine (dont celle de la femme) ainsi que l’égalité de traitement entre les sexes est
à la charge de l’éditeur de service, que ce soit à la radio ou dans le domaine de la télévision, car
celui-ci ne doit pas encourager les comportements discriminatoires, notamment en raison du
sexe. En outre, l’institution veille à ce qu’il n’y ait pas d’atteintes à l’image des femmes dans
les médias. Ainsi, l’ensemble des propos, images, comportements qui revêtent un caractère
discriminatoire envers les femmes peuvent faire l’objet de l’ouverture d’une procédure de mise
en demeure. Les chaînes de télévision et de radios sont tenues de respecter les principes
contenus dans les textes. Cette AAI peut intervenir à la suite d’une plainte formulée par des
associations ou des téléspectateurs ou par auto-saisine.
365. La mise en place de la HAICA en Tunisie, une autorité inspirée du CSA. Même si
la Tunisie ne dispose pas d’un défenseur des droits comme en France, dans le cadre de la
transition démocratique tunisienne, les gouvernements successifs ont entrepris de structurer le
secteur médiatique. À la suite d’une transition démocratique mouvementée, le domaine de
l’audiovisuel n’a pas échappé à la nécessité d’une rupture révolutionnaire avec l’ancien régime ;
cette rupture s’est traduite par une « tabula rasa institutionnelle»1174 avec l’émergence d’une
nouvelle institution sectorielle ayant pour objectif de renforcer la présence d’acteurs garants de
la démocratie et aussi de l’égalité entre les sexes au sein du secteur de diffusion d’informations
et d’images.
366. Pour ce faire, le Conseil des ministres du 25 février 2011 a annoncé la création d’une
Instance indépendante chargée de réformer l’information et
la communication (INRIC)1175.
Celle-ci va émettre des propositions qui seront pour l’essentielle reprise par des décrets-lois de
1174 E. KLAUS, « L’autorité de la HAICA sur le secteur tunisien des médias : Un anachronisme transitionnel? »
L’Année du Maghreb, 2015, p. 296 (Pout ref biblio pp294. -304.
1175 Elle a rédigé un texte dont le but est l’institution d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication
Audiovisuelle (HAICA). En raison de tension importante avec le gouvernement, les dirigeants de l’INRIC ont pris
la décision de s’auto-dissoudre le 4 juillet 2012. L. CHOUIKA, La difficile transformation des médias, Tunis,
2015, pp. 91-92.
315





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20111176. Le second décret-loi 116 instaure une instance indépendante en charge du contrôle
des médias audiovisuels quant au contenu, à la pluralité ainsi qu’au respect des lois et de la
déontologie. La Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle1177 (HAICA)
est directement inspirée du CSA français et a vocation à disposer des mêmes pouvoirs pour
garantir le respect d
e l’égalité des sexes1178, l’intégrité et la dignité de la femme et de sa
représentation à travers les images et les médias1179. Le point de convergence se situe au niveau
de sa compétence de régulation et de ses différents pouvoirs consultatifs, décisionnels et de
sanction que nous étudierons par la suite dans le cadre des outils de mise en œuvre de l’égalité
des sexes. Toutefois, il existe des points de rupture avec le CSA puisque le modèle tunisien
s’inspire également du modèle britannique et que la HAICA tend à être «une autorité de
régulation quasi juridictionnelle
»1180. Avec le temps, elle a réussi à s’imposer aux acteurs
audiovisuels, notamment avec son pouvoir répressif qui consiste à infliger des amendes et à
suspendre des émissions de manière temporaire lorsque celles-ci enfreignent les règles
applicables1181.
367. Au niveau régional1182, l’européanisation du droit a conduit à ériger les institutions de
l’Union européenne en acteurs assurés de la mise en œuvre de l’égalité des sexes. En tant que
1176 Décrets-lois n°115 et 116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la presse, de l’impression et de l’édition.
Le décret-loi 115 portant sur la liberté de la presse vient abroger certaines dispositions liberticides du Code de la
presse et va permettre l’adoption d’une législation conforme aux normes des démocraties libérales qui va avoir
pour effet de limiter la liberté d’expression à la condition que la norme lé
gislative a pour but « la réalisation d’un
intérêt légitime consistant à respecter les droits et la dignité des tiers, la sauvegarde de l’ordre public […] 
»et que
cette «
limitation soit nécessaire, adaptée aux mesures devant être prises dans une «limitation soit nécessaire,
adaptée aux mesures devant être prises dans une société démocratique
». (Article premier Chapitre I).
1177 Créée par le décret-loi n°2011-116 du 02 novembre 2011.
1178 L’article 52 de ce même décret-loi interdit l’incitation à la haine entre les genres, à la discrimination et en
utilisant des «
procédées hostiles ou la violence ». L’article 70 prévoit également la possibilité pour une association
chargée de lutter contre toute forme de discrimination sexuelle d’utiliser l’action spéciale prévue par l’article 51
qui prévoit que les personnes qui incitent au viol ou l’atteinte à l’intégrité physique seront punies d’une peine
d’emprisonnement et d’une amendeSeront punis d’un an à 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de 1000
à 5000 dinars »).
1179 L. CHOUIKA, La difficile transformation des médias, Tunis, 2015, pp. 76-77.
1180 « Elle a des attributions à caractère juridictionnelles : elle prononce des sanctions comme un juge avec le
respect du droit de la défense, le respect du principe du contradictoire, la possibilité de faire appel à un avocat et
la possibilité de faire appel de la décision devant les autres juridictions. Il y a ainsi une effectivité réelle de la
HAICA qui ne se contente pas d’émettre de simples avis ». cf. S. Soubaï, « L’HAICA pour garantir la liberté et le
pluralisme de l’audiovisuel tunisien
»,[ http://nawaat.org/portail/2012/05/21/lhaica-pour-garantir-la-liberte-et-le-
pluralisme-de-laudiovisuel-tunisien.]
1181 Selon le professeur Labi Chouikha, le législateur au commencement de la transition démocratique, en voulant
se conformer aux standards internationaux, les textes élaborés se sont cantonné à une approche théorique qui a eu
pour effet de rendre les textes trop abstraits. A cet égard, les concepts étrangers importés se sont heurter à des
difficultés rendant à grande peine leurs transpositions. Ainsi, en se détachant de réalité pratiques, le législateur à
complexifié la mission des instances de régulation qui se confronte à une forme d’opposition au changement.
1182 J.-F. LALIVE, « La protection des droits de l'homme dans le cadre des Organisations régionales existantes »,
in
Les Droits de l'homme en droit interne et en droit international, Colloque international sur la Convention
européenne des droits de l'homme, Vienne du 18 au 20 octobre 1965, Bruxelles, 1968, p. 509.
316




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juridiction, la Cour de justice de l’Union européenne se situe à l’avant-garde pour obtenir des
États membres le respect du principe fondamental de l’égalité des sexes ; mais elle n’est pas la
seule. La Cour européenne des droits de l’homme joue également un rôle dans la défense du
principe en tenant le rôle de juridiction spécialisée de la défense des droits fondamentaux. On
peut également citer le Médiateur européen
1183 qui, depuis 2009, est institué par l’article 228
du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et dont le statut a été renforcé
par l’article 43 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE1184. Il est élu par le Parlement
européen pour une durée de cinq ans et son mandat est renouvelable une fois
1185. Son statut se
rapproche de celui des AAI en France
1186. Il est connu pour «ses actions en faveur de la
transparence au sein de l’Union européenne »1187 et particulièrement pour enquêter sur la
«
mauvaise administration»1188 par les acteurs1189 de l’Union européenne. A contrario, en
Tunisie, il n’existe pas de réels acteurs de l’égalité des sexes aussi significatifs qu’au sein de
l’Union européenne qui fait de la Cour de justice de l’Union européenne un acteur de première
ligne dans la mise en œuvre de l’égalité des traitements entre les sexes. La Tunisie, se situant
géographiquement en Afrique et s’identifiant à la culture « arabo-mulsumane», se trouve à la
fois soumise à différents instruments juridiques régionaux. En ce sens, il existe la Commission
africaine des droits de l’homme et des peuples, ayant pour mission de promouvoir et de protéger
1183 Initialement la fonction de Médiateur européen a été institué par le traité de Maastricht en 1992. Ses pouvoirs
ainsi que son statut était définis par l'article 195 du traité instituant la Communauté européenne et le Parlement
européen lui a donné un statu
t et des conditions générales d’exercice de ses fonctions. Voy. Décision du Parlement
européen concernant le statut et les conditions générales d’exercice des fonctions du Médiateur, adoptée le 9 mars
1994 (JO L 113 du 4.5.1994, p. 15) et modifiée par décisions du Parlement du 14 mars 2002 (JO L 92 du 9.4.2002,
p. 13) et du 18 juin 2008 (JO L 189 DU 17.7.2008, p. 25); dans ce qui suit seulement « Statut » et les articles cités
seront abréviés ci-après « art. .. Statut ».

1184 Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000 (JO C 364/1 du 18 décembre
2000).
1185 Art. 6 §. 1 Statut
1186 Aux termes de l'art. 228 TFUE et l’art. 9 §. 1 Statut ; Le médiateur « exerce ses fonctions en toute
indépendance. Dans l'acc
omplissement de ses devoirs, il ne sollicite ni n'accepte d'instructions d’aucun
gouvernement ni d'aucun organisme ». Durant la période de ses fonctions, il ne peut exercer aucune autre activité
professionnelle, rémunérée ou non. Seul la Cour de justice peut le déclarer démissionnaire, à la demande du
Parlement européen, s'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou dans le cas d’une
commission d’une faute grave.

1187 H. MICHEL, « Le Médiateur européen héraut de la transparence. Redéfinition d’une institution et
investissements politiques d’une norme de «
bon » gouvernement », Politique européenne, 2018, pp. 114-141.
1188 « Le terme "mauvaise administration" désigne les infractions à la loi, les oublis des principes de bonne
administration et les atteintes aux droits de l’homme. Plus précisément, il peut s’agir de pratiques inéquitables, de
discriminations, d’abus de pouvoir, de défauts ou refus de délivrer des informations, de retards injustifiés, ou
encore de procédures
incorrectes. » Disponible sur [https://www.touteleurope.eu/actualite/a-quoi-sert-le-
mediateur-europeen.html]
1189 Des institutions, des organes et des organismes.
317



Page 319
une charte qui consacre également le principe d’égalité des sexes1190. Il existe aussi comme
autre acteur régional la Ligue des États arabes
1191.
368. L’encadrement législatif et réglementaire dans le but de garantir le respect du
principe de la dignité humaine et de l’interdiction de toute discrimination en raison du
sexe. Le législateur a instauré des lois visant à protéger le citoyen contre des images de femmes
qui portent atteinte à la dignité de la personne humaine. Ces dispositions sont à rapprocher de
celles qui concernent l’incitation à la violence et la répression des pratiques discriminatoires.
Pour cela, le dispositif législatif est encadré par deux principes de valeur constitutionnelle : le
principe de dignité et la liberté d’expression. Concernant l’atteinte au principe de la dignité
humaine, le Code civil1192 et le Code pénal1193 prévoient des dispositions générales. Mais il
existe un véritable arsenal de textes juridiques relatifs au secteur audiovisuel1194.
369. L’existence d’un arsenal juridique en matière de lutte pour l’égalité des sexes. Tout
d’abord, aux termes de la loi du 29 juillet 1881 portant sur la liberté de la presse1195, les
infractions commises par voie de presse ou par tout autre moyen de publication sont pénalement
réprimées. Cette loi a été modifiée en 2004
1196 afin d’introduire des dispositions qui ont pour
objectif de réprimer tous propos sexistes tenus par certains médias1197. Ensuite, la loi spécifique
au secteur visuel est celle du 30 septembre 19861198 par laquelle le législateur a voulu, par
touches successives, renforcer les missions du CSA afin de promouvoir et de garantir l’égalité
1190 La Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981.
1191 La Tunisie a intégré la ligue en 1958. B. BOUTROS-GHALI, « La Ligue des Etats Arabes» in Les dimensions
internationales des droits de l'homme
, Paris, Unesco, 1978, p. 638 ; A. MAHIOU, «La Charte arabe des droits de
l'homme» in
L'évolution du droit international, Mélanges offerts à Hubert THIERRY, Paris, Pedone, 1998, p. 213.
1192 Une atteinte à la dignité de la personne peut engager la responsabilité civile de son auteur en application des
dispositions générales de l’article 1382 du code civil et donner lieu à l’exercice d’actions en justice par toute
personne physique et morale ayant intérêt à agir. Voir en annexe la note de la direction du développement des
médias (DDM), synthétisant l’audition de Laurence Franceschini, directrice du développement des médias
1193 Article 225-1 du code pénal qui sanctionne toute discrimination à raison du sexe et article 227-24 du code
pénal qui sanctionne, s’agissant des médias, la diffusion d’un message à caractère violent ou pornographique ou
de nature
à porter gravement atteinte à la dignité humaine, quel qu’en soit le support, lorsque ce message est
susceptible d’être vu ou perçu par un mineur).

1194 Conf Infra X
1195 Version consolidée au 08 février 2020.
1196La loi du 30 septembre 1986 est modifiée par la loi du 30 décembre 2004 relative à la création de la HALDE ;
ont été ainsi introduites des dispositions visant à réprimer les propos sexistes tenus par voie de presse, de publicité,
de communication au public par voie électronique ou par tout autre moyen de publication. Voy. M. REISER
(Présidente), B. GRESY (Rapporteure),
Rapport sur l’image des femmes dans les médias, Présenté par la
commission de réflexion sur l’image des femmes dans les médias, 25 septembre 2008, p. 19.
1197 Plus précisément par voie de presse, de publicité, de communication au public par voie électronique ou par
tout autre moyen de publication.
1198 Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans le domaine audiovisuel ;
Décision n°94-343/344 DC du 27 juillet 1994 concernant les lois relatives à la bioéthique.
318





Page 320
des sexes. Celle-ci se traduit par l’existence de deux articles se référant au principe de la dignité
humaine et par l’introduction de la notion de lutte contre les discriminations avec la loi du 31
mars 2006 relative à l’égalité des chances
1199. L’article 14 de cette loi donne compétence au
CSA pour contrôler le contenu des messages publicitaires et l’article 15 veille à ce que les
programmes ne contiennent aucune incitation à la haine et à la violence pour des raisons de
sexe. Par la suite, c’est la loi du 14 août 2014 relative à l’égalité réelle entre les femmes et les
hommes1200 qui vient insérer un quatrième alinéa à l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986,
confiant au CSA la mission de veiller « d’une part, à une juste représentation des femmes et des
hommes dans les programmes des services de communication, d’autre part, à l’image des
femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les
préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences
commises au sein du couple.» Afin d’atteindre cet objectif, la loi a aussi introduit un nouvel
article 20-1 visant à ce que les services télévisuels et de radio contribuent à la promotion de
l’égalité des sexes en luttant contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes1201.
Dans le même sens, l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 relative aux sociétés
nationales de programme dispose que ces dernières « mettent en œuvre des actions en faveur
de la cohésion sociale, de la diversité culturelle, de la lutte contre les discriminations et des
droits des femmes»1202. Dans le cadre de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la
citoyenneté1203, le CSA s’est vu octroyer une nouvelle mission en matière de représentation des
femmes au sein de messages publicitaires1204. Dans un tout autre domaine, mais qui se rattache
aux problématiques de la représentation de la femme et à ses dangers, le 15 avril 2008,
l’Assemblée nationale adopte en première lecture, la proposition de loi, dite « loi Boyer», visant
à lutter contre les incitations à la recherche d’une maigreur extrême ou à l’anorexie1205. Un
1199 Notamment les : articles 3-1, 28, 33 et 43-11.
1200 Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
1201 Cet article dispose que « les sociétés nationales de programme mentionnées à l’article 44, ainsi que les services
de télévision à caractère national et les services de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national,
diffusés par voie hertzienne terrestre, contribuent à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux
femmes en diffusant des programmes relatifs à ces sujets. Ces services fournissent au Conseil supérieur de
l’audiovisuel des indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans leurs
programmes et permettant au conseil d’apprécier le respect des objectifs fixés au quatrième alinéa de l’article 3
-1.
Ces informations donnent lieu à une publication annuelle. Le CSA fixe les conditions d’application du présent
article, en concertation avec les services mentionnés au premier alinéa du présent article. »
1202 Elles s’attachent notamment à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes et à lutter contre les
préjugés sexistes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple. […]».
1203 Loi n° 2017-86 relative à l'égalité et à la citoyenneté.
1204 En ce sens, l’article 14 qui est introduit par cette dernière loi dispose que le CSA « veille au respect de la
dignité de toutes les personnes et à l'image des femmes qui apparaissent dans ces émissions publicitaires. »
1205 Texte adopté n° 132 « Petite loi » treizième législature. Session ordinaire de 2007-2008 15 avril 2008.
319



Page 321
décret de 19921206 fixe les principes généraux qui définissent les obligations des éditeurs de
services relatives à la publicité, au parrainage et au téléachat1207.
370. Au niveau international. L’ONU1208 consacre le principe d’égalité des sexes et celui
de la non-discrimination au sein même de la charte des Nations Unies, et ce, dès son
préambule1209. Le système de protection onusien apparaît complexe pour plusieurs raisons. Tout
d’abord, la diversité des États adhérents remet en cause l’universalité des droits de l’Homme.
Le principe de souveraineté des États constitue parfois une barrière qui rend l’ordonnancement
onusien moins contraignant1210. Mais au-delà de ces difficultés bien connues, il existe une
communauté internationale dont font partie la France et la Tunisie. Cette dernière s’efforce de
voir l’universalité de certains principes, dont celui de l’égalité des sexes.
371. L’objectif premier de la Charte des Nations unies consiste à poursuivre « le dessein
d’établir un nouvel ordre mondial au sein duquel la préservation de la paix incarne la plus haute
préoccupation de la communauté internationale»1211. En 2006, la Commission des droits de
l’Homme est supprimée et le Conseil des droits de l’Homme est instit1212. Aussi, le contrôle
non juridictionnel s’accomplit par l’intermédiaire d’organes spécifiques qui interviennent en
application de traités et de conventions, notamment le comité de lutte contre les discriminations
à l’égard des femmes. La protection effective des droits des femmes par ces organes apparaît
difficile. On dénombre neuf traités internationaux relatifs aux Droits de l’Homme ; chacun de
1206 Le décret n° 92-280 du 27 mars 1992.
1207 L’article 3 vient garantir le principe de respect de la dignité de la personne humaine en disposant que « La
publicité doit être conforme aux exigences de véracité, de décence et de respect de la dignité de la personne
humaine. (…) » et l’article 4 consacre le principe de non-discrimination en raison du sexe en prévoit que « La
publicité doit être exempte de toute discrimination en raison de la, du sexe, de la nationalité, du handicap, de l'âge
ou de l'orientation sexuelle, de toute scène de violence et de toute incitation à des comportements préjudiciables à
la santé, à la sécurité des personnes et des biens ou à la protection de l'environnement. »
1208 J.-. P. MAURY, « Le système onusien », Pouvoirs, vol. 109, no. 2, 2004, pp. 27-39.
1209 «Nous, Peuples des Nations unies, résolus : […]  à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux
de
l’homme, dans la dignité de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes. […] »
L’article 55 de la Charte énonce que les Nations Unies doivent promouvoir «le respect universel et effectif des
droits de l’Homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion».
1210 Jean-Marc. Châtaigner,« Réformer l'ONU : mission impossible ? », Revue française d'administration
publique
, vol. 126, no. 2, 2008, pp. 359-372 ; Boutros. Boutros-Ghali, « Peut-on réformer les Nations unies
? », Pouvoirs, vol. 109, no. 2, 2004, pp. 5-14.
1211 Ben Attar, Oriane. « Contribution à l’analyse de l’émergence d’un droit dérivé onusien dans le cadre du
système de sécurité collective », Civitas Europa, vol. 30, no. 1, 2013, pp. 99-115.
1212 Résolution 60/251 de l’AG adoptée par 170 voix contre 4 (États-Unis, îles Marshall, Israël et Palos) et trois
abstentions (Belarus, Iran, Venezuela).
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ses traités a créé un organe conventionnel1213. Autrement dit, un comité d’experts est en charge
de surveiller la mise en œuvre des dispositions des traités par ses États membres. La
composition1214 du comité est cruciale puisqu’elle détermine les conditions du contrôle1215. Le
Comité CEDEF
1216 a été institué par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes. Dans le cadre du comité CEDEF, il s’agit d’experts qui
examinent les rapports exigés par l’instrument relatif aux droits des femmes
1217. Ces experts
sont indépendants et doivent être «éminemment compétents dans le domaine auquel s’applique
la présente Convention»1218. Ils jouissent d’un mandat pour une durée de quatre ans. Aussi,
conformément à l’article 21 du CEDEF, dans le cadre des Nations unies, le destinataire final
des rapports reste l’Assemble générale.
372. Parmi les neuf organes de traités relatifs aux droits de l’Homme compétents pour assurer
l’application des instruments juridiques universels, on retrouve un organe qui est spécialisé dans
la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes : c’est le Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard d
es femmes1219. Il est l’organe de référence à la convention qui porte
le même nom. Cette convention est régie par des règles procédurales calquées sur celles
appliquées devant le Comité des droits de l’Homme1220.
§ 2. Le rôle inégal des nouveaux acteurs
373. Parmi les acteurs contemporains, on retrouve le juge constitutionnel. Comment ce
dernier est-il devenu un acteur essentiel dans la garantie de la mise en œuvre de l’égalité des
sexes ? Il l’est devenu notamment, d’une part en élargissant les normes de références de son
and
Law
1213 Voy. sur le sujet de la mise en place d’un Comité. S. GROSBON « La CEDEF », Chapitre1., pp. 19-47. In, La
Convention pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (cid:62)CEDEF(cid:64), D. ROMAN (dir.) Préface de
Françoise Gaspard, septembre 2014, Paris, Editions Pedone, 372 p.
1214 Il y a une surreprésentation des femmes, car la majorité des membres sont des femmes. Cf. Ivona TRUSCAN,
« The Independence of UN Human Rights Treaty Body Members »,
Geneva Academy of International
Humanitarian
2012,
http://graduateinstitute.ch/webdav/site/iheid/shared/outreach/APSUN/conferences/ga_inbrief_web-1.pdf.
1215 B. DELZANGLES, M. MSCHEL, « Le comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes
: trente ans d’activités en faveur des femmes
» Chapitre 2., In, La Convention pour l’2*élimination des
discriminations à l’égard des femmes (cid:62)CEDEF(cid:64), Op. Cit., pp. 49-80.
1216 Comité institué par la CEDEF
1217 Ce comité de 23 experts se réunit 3 fois par an afin de recevoir et examiner les requêtes émanant de particuliers
qui relèvent de leur juridiction et qui affirme être victimes de violation de droits contenus par la CEDEF.
1218 Art. 17 § 1.
1219 C’est l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
qui institut ce comité.
1220 Voy. HRI/GEN/3/Rev.3 paras. p. 93-126.
Human
Rights,
Dec.
321






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contrôle avec la décision dite Taxation d’office du 27 décembre 19731221, d’autre part en
adaptant la conception française de l’égalité des sexes aux exigences du droit de l’Union
européenne, que ce soient les dispositions relevant du champ du TFUE ou celles relevant des
droits européens des droits de l’Homme. En outre, le juge constitutionnel a précisé la portée du
principe d’égalité « 
sous des acceptions variées»1222. De plus, l’action du Conseil
constitutionnel s’est vue renforcée. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a consacré
la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Cette réforme constitutionnelle attribue une
nouvelle faculté au juge constitutionnel français. Désormais, il peut se prononcer sur la
conformité des lois à la Constitution, postérieurement à leur adoption.
374. En Tunisie, le juge constitutionnel n’a pas un rôle important dans la construction du
droit à l’égalité. En effet, l’absence d’une Cour constitutionnelle effective sous l’ancien régime
et l’attente de l’instauration de cette dernière depuis la révolution de 2011 ont été
dommageables : il n’a pas été possible en effet de purger le système juridique interne des
dispositions contraires à la Constitution en la matière.
375. Depuis 2010, le Conseil constitutionnel français a confirmé sa position constante
relative au principe d’égalité devant la loi en réaffirmant que celui-ci « ne s’oppose ni à ce que
le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité
pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de
traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit 
»1223. Toutefois
il rappelle que certaines différenciations sont constitutionnellement prohibées, notamment
celles qui ont pour objet le sexe, sauf dans le cas où le législateur a prévu des quotas par sexes.
Cette possibilité, comme nous l’avons déjà évoqué, n’a été rendue possible que par
l’intervention de deux révisions constitutionnelles1224 dont la finalité avait pour objectif de
1221 Cons. const., déc. n°73-51 DC du 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974.
1222 C. BARROIS de SARIGNY. « Le principe d’égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du
Conseil d’Etat
», Titre VII [en ligne], avril 2020, n° 4. Disponible en ligne, URL complète : [https://www.conseil-
constitutionnel.fr/publications/titre-vii/le-principe-d-egalite-dans-la-jurisprudence-du-conseil-constitutionnel-et-
du-conseil-d-etat]
1223 Voy. par exemple, Déc. n°2018-738 QPC du 11 octobre 2018.
1224 Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes JORF 9
juillet 1999. Voy également sur le sujet la Décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 qui établit la jurisprudence
antérieure qui s’opposait à l’instauration de quota de femmes pour les élections municipales. L. PHILIP, L.
FAVOREU, « Principe d'égalité »,
Les grandes décisions du Conseil constitutionnel. Dalloz, 2009, pp. 213-242 ;
L. FAVOREU,« [Note sous décision n° 82-146 DC] », Revue du droit public et de la science politique en France
et à l'étranger
, avril 1983, p. 367 [§ 58, 59, 66, 108, 109, 124] ; P. AVRIL, J. GICQUEL, « [Note sous décision
n° 82-146 DC] », Pouvoirs, avril 1983, pp. 190-191 ; D. LOCHAK, « Les hommes politiques, les sages (?)…et
les femmes (à propos de la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982)», Droit social, Editions
322





Page 324
« favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux ». Cet objectif
s’applique aussi aux « responsabilités professionnelles et sociales»1225. Aussi, le Conseil
constitutionnel français a-t-il clairement consacré le droit à la parité
1226 en précisant la portée
du principe, notamment dans une décision du 24 avril 20151227. Il est possible d’affirmer que la
QPC érige le Conseil constitutionnel en une sorte de gardien suprême de l’égalité des sexes.
376. Les entreprises sont, elles aussi, des acteurs de la défense du principe d’égalité des sexes.
Elles veulent participer à la réalisation de l’objectif de l’ég
alité des sexes en matière
professionnelle, notamment à travers les accords d’entreprises qui prennent en considération la
participation des femmes dans le domaine économique. Cette action se traduit par l’institution
de stratégies dans le domaine professionnel, notamment sur la question de la responsabilité
professionnelle, mais aussi des ressources humaines1228. Dans le cadre des entreprises
françaises, nous constatons un accroissement de la négociation entre les acteurs qui a débouché
sur l’émergence d’une norme juridique avec les lois du 13 juillet 1983 et du 9 mai 2001 intégrant
techniques et économiques, février 1983, n° 2, pp. 131-137 ; J.M., MARCHAND, « [Note sous décision n° 82-
146 DC] »,
La Semaine juridique. Édition générale, 1983 ; L. Hamon, « [Note sous décision n° 82-146 DC]
»,
Recueil Dalloz, 1984, pp. 469-470 ; J. BOULOUIS, « [Note sous décision n° 82-146 DC] », Actualité juridique.
Droit administratif
, 1983, pp. 74-80 ; P. BLACHER, « Droit constitutionnel et identité féminine », Revue
administrative
, janvier-février 1996, pp. 38-44 ; F. DEMICHEL, « A parts égales : contribution au débat sur la
parité »,
Recueil Dalloz, 1996, pp. 95-97 ; L. FAVOREU, L, PHILIP « Quotas par sexe. Indivisibilité du corps
électoral. Principe d'égalité »,
Les grandes décisions du Conseil constitutionnel. Dalloz, 1999, pp. 556-562.
Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V
e République, JORF
24 juillet 2008.
1225 Art. 1 er, al. 2, de la Constitution de 1958.
1226 Conseil constitutionnel, « Comment la Constitution garantit-elle l’égalité homme-femme ? », disponible en
ligne [https://www.conseil-constitutionnel.fr/node/17104/pdf] ; F. MELIN-SOUCRAMANIEN, « Le principe
d’égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Quelles perspectives pour la question prioritaire de
constitutionnalité ? », Cahiers du conseil constitutionnel n° 29, Octobre 2010, disponible en ligne, ,
[https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/le-principe-d-egalite-dans-
la-jurisprudence-du-conseil-constitutionnel-quelles-perspectives-pour-la ].
Article issu d'une conférence prononcée le 10 mars 2010 au Conseil constitutionnel.
1227 Décision n° 2015-465 QPC du 24 avril 2015 : « le principe de parité « n’institue pas un droit ou une liberté
que la Constitution garantit ». Autrement dit « sa méconnaissance ne peut donc être invoquée à l’appui d’une
question prioritaire de constitutionnalité ». Le principe de parité permet aussi « au législateur d’instaurer tout
dispositif tendant à rendre effectif l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales (…). À
cette fin, il est loisible au législateur
d’adopter des dispositions revêtant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant. Il lui appartient
toutefois d’assurer la conciliation entre cet objectif et les autres règles et principes de valeur
constitutionnelle
auxquels le pouvoir constituant n’a pas entendu déroger ». Voy. J, VEYRET « Jurisprudence relative à l'éducation
nationale et à l'enseignement supérieur »,
Les Cahiers de la fonction publique et de l'administration, juin 2015,
pp. 96-99 ; O. LE BOT, « La parité dans les instances universitaires »,
Constitutions, avril-juin 2015, pp. 262-
265 ; A. Legrand, « Quand parité rime avec difficultés »,
Actualité juridique. Droit administratif, 3 août 2015, pp.
1552-1555 ; P.-Y. GAHDOUN, « Jurisprudence sociale du Conseil constitutionnel »,
Le Droit ouvrier, septembre
2015, pp. 549-553 ; S. HENNETTE-VAUCHEZ ; D. ROMAN, « Des usages stratégiques de l'argumentation
juridique : retour sur la tierce intervention de REGINE à l'occasion de la décision du Conseil Constitutionnel n°
2015-465 QPC, conférence des présidents d'université », La revue des droits de l'homme, juillet 2017, 20 p.
1228 J. LAUFER, R. SILVERA. « L'égalité des femmes et des hommes en entreprise. De nouvelles avancées dans
la négociation ? », Revue de l'OFCE, 2006, p. 247.
323




Page 325
le sujet de l’égalité des sexes au sein de la négociation collective1229. À proprement parler, cette
tendance à la «négociation » de l’égalité des sexes ne concerne pas toutes les entreprises.
Fondamentalement, il s’agit d’entreprises qui comportent au minimum « une section syndicale
d’organisations représentatives » leur imposant d’établir chaque année une négociation sui
generis portant sur l’égalité professionnelle. Les entreprises qui n’entrent pas dans le champ
d’un accord sur l’égalité professionnelle demeureront tributaires de l’obligation annuelle
d’établir un plan d’action
1230.
377. La société civile est également sollicitée dans la défense et la promotion de l’égalité des
sexes. Historiquement, le concept de société civile1231 est ancien1232 et il a plusieurs fois changé
de sens
1233. La Tunisie a vraisemblablement été, selon Zghal, le seul pays arabe avec l’Algérie
à avoir discuté de ce concept afin de pouvoir envisager «la transition du parti unique vers le
multipartisme
»1234. Sana Ben Achour, nous explique que « l’expression “société civile” se
traduit en arabe par mujtamaâ madanî. Il s’agit d’une notion nouvelle qui est apparue en Tunisie
avec l’essor associatif des années 1980 qui exprimait “la transition vers le pluripartisme”1235.
Aussi, la société civile peut se définir comme “une catégorie générique englobant l’ensemble
de ces mobilisations ou plutôt les traces organisationnelles de celles-ci”1236. La notion est
chargée d’une dimension fortement programmatique, elle encourage une forme particulière de
démocratie»1237. Cet ensemble constitué d’acteurs dispose d’un pouvoir d’action. En premier
lieu, il convient d’évoquer les acteurs que l’on peut qualifier d’acteurs historiques.
1229 J. LAUFER., « Entre égalité et inégalités : les droits des femmes dans la sphère professionnelle », l’Année
sociologique, 2003, pp.143-174.
1230 Dossier législatif, Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social
et à la sécurisation des parcours professionnels, TITRE II - Favoriser une culture du dialogue et de la négociation,
disponible
sur
[https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do?idDocument=JORFDOLE000032291025&type=expose&le
gislature=]
1231 « Par société civile on entendait les multiples formes d’organisation volontaire indépendantes de l’Etat. L’idée
sous-jacente à cette notion est qu’une république civile est exposée à des coups d’état militaires si elle ne peut plus
s’appuyer sur un réseau d’organisations autonomes de la société civile » A. ZGHAL, Le concept de Société civile
et la transition vers le multipartisme, Annuaire de l’Afrique du Nord, Edition CNRS, 1989, p 208.
1232 Il apparaît en Europe au fort de la seconde moitié du XVIIIe siècle. A. ZGHAL, Le concept de Société civile
et la transition vers le multipartisme, Annuaire de l’Afrique du Nord, Edition CNRS, 1989, p 207.
1233 A la suite de la première guerre mondiale marqué par la victoire du Parti communiste russe Voy. A. ZGHAL,
Ibidem.
1234 A. ZGHAL, Ibidem.
1235 S. BEN ACHOUR, « Société civile en Tunisie : les associations entre captation autoritaire et construction de
la citoyenneté », In,
Les sociétés civiles dans le monde musulman. A BOZZO (Dir.,) La Découverte, 2011, p. 293.
1236 M. LECLERC-OLIVE, « Qu'a « fait » la notion de société civile ? Quelques réflexions suggérées par la crise
malienne », Cahiers Sens public, 2013, p. 109.
1237 M. LECLERC-OLIVE, « Qu'a « fait » la notion de société civile ? Quelques réflexions suggérées par la crise
malienne », Cahiers Sens public, 2013, p. 110.
pp. 107-126.
324




Page 326
378. En France, la représentation de la société civile et la question de l’intégration du principe
se sont réalisées à travers une institution constitutionnelle : il s’agit depuis 2008 du Conseil
économique, social et environnemental1238. Cette institution ancienne est apparue pour la
première fois dans le paysage institutionnel français en 1924 avec la création d’un Conseil
national économique1239. Celui-ci était composé d’une palette d’acteurs de la société civile
passant par des syndicalistes ouvriers, patronaux et agricoles. À la libération, le Conseil
nouvellement nommé Conseil économique est consacré par son inscription au sein de la
Constitution du 13 octobre 1946
1240, c’est dans la Constitution de 1958.
379. En Tunisie, il existe des acteurs historiques tels que l’Union générale des travailleurs
tunisiens (UGTT)1241 et de nouveaux acteurs émergents comme l’ordre des avocats et des
associations. L’UGTT constitue l’organe central syndical de la Tunisie et bénéficie d’une forte
légitimité historique acquise lors du mouvement nationaliste tunisien. Elle a été créée le 9
janvier 1946 et a été un acteur actif dans le mouvement national de lutte pour l’indépendance
de l’État. Cette force syndicale fut renforcée depuis la chute du régime de Ben Ali, car elle a
joué un rôle fondamental dans le mouvement social révolutionnaire
1242 et a même dépassé le
cadre traditionnel. En effet, « plus qu’un simple syndicat, il est devenu “une force politique”1243,
notamment dans son rôle tenu sur la scène du dialogue national
»1244. L’UGGT est composé de
24 unions régionales, c’est
-à-dire une par gouvernorat1245. La doctrine1246 opère une distinction
dans le cadre de son action dans l’histoire. D’une part, elle estime que l’organisation a connu
un mouvement bureaucratique qui a été relativement proche du pouvoir central. D’autre part,
une frange de l’organisation davantage révolutionnaire a progressivement pris le dessus sur le
premier mouvement dans un contexte de crise. Ce constat rejoint l’idée de Zghal qui estime
1238La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 relatif au changement de nom, plafonnement à 233 du nombre des
membres.
1239 https://www.lecese.fr/decouvrir-cese/historique
1240 L’article 25 de la Constitution prévoit la création du Conseil économique. Institution en charge de l’examen
des projets et propositions de loi de sa compétence.
1241 Voy. Sur le sujet, H. YOUSFI, L’UGTT, une passion tunisienne. Enquête sur les syndicalistes en révolution
2011-2014, Med Ali Etions, Instituts de recherche sur le Maghreb contemporain (IRM), Tunis, 2015, 254 pages.
1242 N. MIZOUNI, « L'UGTT, moteur de la révolution tunisienne », Tumultes, 2012, pp. 71-91. ; F. Brun, « La
révolution en Tunisie »,
Multitudes, 2011, p. 23. (pp. 22-25).
1243 H. NAFTI, De la révolution à la restauration, où va la Tunisie ?, Édition Riveneuve, Tunis, 2019, p. 202.
1244 Conf supra Prix Nobel de la paix.
1245 Le gouvernorat est l’équivalent de région en France.
1246 H. YOUSFI, Repères économie : L’Union générale tunisienne du travail (UGTT), une organisation syndicale
atypique.
Moyen Orient. 2019, ; H. YOUSFI, « Sur les braises du « Printemps arabe », Ce syndicat qui incarne
l’opposition tunisienne », Le Monde diplomatique, 2012, pp 17-18. Disponible en ligne [https://www.monde-
diplomatique.fr/2012/11/YOUSFI/48348]
325





Page 327
qu’avec le temps, la société civile va s’inscrire dans une forme de bureaucratie. Or la notion de
société civile qui peut s’interpréter comme une critique par rapport au système du parti unique
change son rapport au pouvoir en période de crise. En outre, l’expérience tunisienne nous
montre d’une part que la société civile a été nécessaire pour défendre une vision démocratique
de la société avec l’inclusion des femmes, d’autre part le caractère évolutif de la notion selon
le contexte particulier dans lequel elle se situe.
380. En deuxième lieu, nous songeons aux lanceurs d’alerte. Dans le cadre d’une émergence
internationale de législations relatives à la protection des lanceurs d’alertes
1247, les législateurs
français et tunisiens ont fait d’eux des relais importants et, à cet égard, ont cherché à mieux les
protéger. Comment peut-on protéger les lanceurs d’alerte en Tunisie ? C’est à travers l’Instance
Nationale de Lutte Contre la Corruption (INLUCC), créée en réaction à l’ampleur de la
corruption, que l’idée d’une protection des lanceurs d’alerte est apparue nécessaire
1248. Avec
l’aide de l’agence française anticorruption et de la Commission européenne, la Tunisie a élaboré
un plan d’action destiné en partie à protéger les lanceurs d’alertes
1249. Ces acteurs participent
désormais à la protection et à la promotion du principe d’égalité des sexes, certes encore
insuffisamment, mais potentiellement intéressante.
381. En dernier lieu, à l’heure où l’image est importante, on voit dans la pratique de nouvelles
méthodes émerger afin de dissuader les entreprises d’emprunter la voie de l’inégalité en
adoptant des comportements peu respectueux des politiques d’égalité de traitement. En effet, le
Name and Shame, ou alors le phénomène social du # balance ton porc sont rapidement devenus
des outils dissuasifs. La société civile, ainsi que les entreprises ont fait de la réputation une arme
soit pour promouvoir l’image de leur entreprise1250 soit au contraire pour dénoncer sur l’espace
1247E. KAPLAN, « The International emergence of legal protections for whistleblowers », The Journal of Public
Inquiry, 2001, p. 37.
1248 S. KADDOUR, « Les lanceurs d’alerte dans les pays en transition démocratique : les enseignements tirés de
l’expérience tunisienne. », La Revue des droits de l’homme[Online], 10 | 2016, Online since 07 July 2016,
connection on 02 September 2019. [ http://journals.openedition.org/revdh/2435 ]
1249 Ministère de l’économie des finances et de la relance français, « A Tunis, l’AFA Aa participé au séminaire
consacré à « la protection des lanceurs d’alerte, des témoins et des experts » organisé par l’INLUCC », disponible
en ligne [https://www.economie.gouv.fr/node/37085]
1250 Les comportements respectueux de l’égalité peuvent se traduire par une récompense avec la mise en place
d’un label de l’égalité ou alors la mise en œuvre d’une demi
-journée de repos lors de la journée internationale pour
les femmes. F. DUMONT « Journée internationale pour les droits des femmes : octroi d’une demi-journée de repos
aux seules femmes, JCP S, 2017, p. 1288.
326





Page 328
public les mauvais joueurs1251. Pour garantir le principe d’égalité des sexes, les systèmes
juridiques vont s’appuyer sur des outils classiques de mise en œuvre concrète du principe.
Section 2 : Le choix des moyens
382. Les acteurs de la défense de l’égalité des sexes ayant été présentés dans la première
partie, il convient désormais de s’intéresser aux outils permettant de garantir et promouvoir ce
principe. Il ne s’agit pas ici d’évoquer tous les outils tant ils sont nombreux et impliqueraient
de fait une étude propre à la question. Dans le cadre de notre approche, nous allons dégager des
moyens mis en œuvre qui nous semblent connexes aux deux systèmes juridiques. Au XXIe
siècle, il est possible d’identifier des outils classiques de la concrétisation du droit relatif au
principe d’égalité des sexes, outils qui s’articulent autour de la distinction que les théoriciens
du droit1252 vont établir entre le principe et la règle de droit1253. L’égalité des sexes en tant que
règle juridique est garantie par des outils variés, peu spécifiques1254 pour les uns (§ 1), plus
adaptés pour d’autres, qui sont pour cette raison plus intéressants (§ 2).
§ 1. Les outils non spécifiques
383. On peut distinguer les mécanismes contraignants (A), d’une part et les dispositions
simplement incitatives (B
), d’autre part.
A) Les outils contraignants
384. L’efficience des démarches contraignantes. Le pouvoir de sanction dont disposent
certains acteurs apparaît comme une méthode intemporelle et très ancienne. Elle demeure l’outil
de coercition privilégié par l’État pour convaincre les différents acteurs de la société de
1251 Il s’agit de mettre sur la place publique le nom des entreprises qui ne sont pas respectueuse de l’égalité des
sexes en s’attaquant à la réputation de l’entreprise ou alors de dénoncer sur les réseaux sociaux des actes liés au
harcèlement ou même de viol commis par des personnes.
1252 R. Dworkin, Prendre les droits au sérieux, Op. Cit. p. 79 s.
1253 Réf. R. Legendre, Droit international privé et droits fondamentaux, Dalloz, 2020, n° 33 et s.
1254 V. Champeil-Desplats, Op. Cit. p. 15
327










Page 329
respecter le principe d’égalité des sexes. Ces sanctions sont de plusieurs natures : elles peuvent
prendre la forme de sanctions civiles ou de sanctions pénales. La méthode la plus connue est
certainement celle qui vise à entrainer une pénalité financière, laquelle permet aux autorités
publiques d’avoir un droit de regard important sur les actions des acteurs économiques. C’est
le cas dans les entreprises qui sanctionnent les manquements à certaines obligations1255. Dans
le cadre des entreprises françaises, des mesures contraignantes prévues par le législateur qui
font de la mise en œuvre du principe d’égalité des sexes une obligation de résultat à la charge
de l’entreprise. En effet, l’article
104 de la loi du 5 septembre 20181256 relatif à la liberté de
choisir son avenir professionnel a institué de nouvelles obligations en matière d’égalité de
rémunération1257. À titre d’exemple, les mesures mises en place pour respecter cette
obligation1258 sont la conclusion obligatoire d’un accord sur l’égalité professionnelle1259, d’un
plan d’action
1260 ou le calcul et la publication d’un index « égalité professionnelle»1261 ou
encore la consultation du Conseil social économique et environnementale (CESE). Toute
entreprise qui ne respecte pas cette obligation s’expose à des sanctions civiles1262 et pénales1263.
Une condamnation pour discrimination fondée sur le Code pénal
1264 ou le Code du travail1265
1255 A titre d’exemple on peut citer celles relatives à la négociation, à la publication de l’index égalité
professionnelle. Art. L.2242-8 du Code du travail prévoit une pénalité financière en cas de défaut de publication à
échéance. La pénalité repose sur les rémunérations et gains soumis à cotisation au sens du 1
er alinéa de l’art. L.
242-1 du Code de la sécurité sociale.
1256 Loi n°2018-771 du 5 septembre 2018
1257 C. TERRENOIRE, « Egalité de rémunération entre les femmes et les hommes : de nouvelles obligations »,
JCP S, 2018, p. 1310.
1258 Auparavant il s’agit d’une simple obligation de moyens.
1259 Art. L2242-1 du code du travail. « Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales
d'organisations représentatives, l'employeur engage au moins une fois tous les quatre ans :
1° Une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la
valeur ajoutée dans l'entreprise ;2° Une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes,
portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail » ;
« Un accord conclu dans l'un des domaines énumérés aux 1°et 2° de l’article L. 2242-1 et à l’article L. 2242-2 peut
fixer la périodicité de sa renégociation, dans la limite de quatre ans ». Art. L2242-12 du Code du travail français.
Exemple d’accord : interdire des réunions après certaines heures ou encore l’obligation de vérifier la terminologie
sur les offres d’emploi…

1260 En l’absence d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans les entreprises soumises à l’obligation de
négociation, l’employeur est dans l’obligation d’établir un plan d’action annuellement dont l’objectif est d’assurer
l’égalité professionnelle entre les sexes au sein de l’entreprise. Art L2242
-9 du Code du travail français. Il faut
également préciser que les entreprises qui compte au moins 50 salariés doit être également couverte par ce plan
même si elle n’est pas soumise à l’obligation de négocier. Aussi, l’employeur est tenu d’évaluer les objectifs fixés
et des mesures adoptées au cours de l’année et par la suite fixer les objectifs de progression pour l’année à venir.
Le plan inclus les actions qualitatives et quantitatives ainsi que l’évaluation des co
ûts.
1261 Loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 Art. 104.
1262 Art L. 1332-4 et L. 1142-3 du Code du travail français.
1263 L’employeur s’expose notamment à un an d’emprisonnement et une amende. Art. L1146-1 à L 1146-3 du
Code du travail français.
1264 Article 225-1 du Code pénal.
1265 Art. L 1146-1 du Code du travail.
328



Page 330
ou sur le manquement à une obligation de négociation1266 entraîne l’exclusion de l’entreprise
de la faculté à se porter candidate à un marché public et à un contrat de concession.
385. Ensuite, la méthode de référence en matière de mise en œuvre de l’égalité des sexes est
consacrée par les deux Constitutions. Il s’agit de la méthode paritaire qui autorise le législateur
à prendre des mesures correctives ou compensatrices à travers la discrimination positive. En
France, la conception classique de la notion d’égalité à la base du système républicain connaît
un renouvellement permettant l’émergence d’un droit constitutionnel à la parité1267. Il en
découle une amélioration notable du nombre de femmes candidates et celui de femmes élues.
En matière électorale, le degré de contrainte est conditionné par la nature du scrutin auquel les
femmes peuvent candidater et notamment par la sanction encourue. En ce sens, dans le cadre
des élections au scrutin de liste, le non-respect de la parité de candidature est sanctionné par le
non-enregistrement des listes électorales
1268. C’est ainsi que, s’agissant des élections au scrutin
uninominal, le principe de parité demeure moins contraignant1269. Ainsi, seules les élections
dans lesquelles les mécanismes de parité ont été mis en œuvre présentent des avancées en
matière de plus-value significative de la mixité en politique1270. C’est un outil très présent, mais
qui n’est pas synonyme d’une égalité des sexes qualitative. Toutefois, en Tunisie, l’absence de
sanction pour non-respect du principe de parité démontre en ceux qu’il est un instrument
essentiel de transition vers une société plus égalitaire. Même si la parité est inscrite dans
plusieurs dispositifs juridiques1271, elle demeure insuffisante, car ces dispositifs ne prévoient
pas de sanctions en cas de non-respect de la parité; ce qui a eu pour conséquence de voir le
nombre de femmes diminuer sur la scène politique
1272.
1266 Obligation relative à l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes au 31 décembre de
l’année précédant celle au cours de laquelle a lieu le lancement de la procédure de passation
du marché public.
Art. 45 de l’Ordonnance n°2015-899, 23 juillet, 2015 et Art 39 de l’Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016.
1267 En France, la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 instituant la parité politique ou encore la loi du 9 mai 2001
relative
à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
1268 Assemblée nationale, Fiche de synthèse n°13 : L’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux
et fonctions électives, disponible en ligne [http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-
pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-institutions-francaises-generalites/l-egal-acces-des-femmes-et-des-
hommes-aux-mandats-electoraux-et-fonctions-electives2]
1269La non-application de la parité en France entraîne des sanctions financières concernant les élections législatives
ou de suppléance de sexe opposé pour les élections sénatoriales dans les départements élisant un ou deux sénateurs
ou sénatrices.
1270 G. Gautier, ancienne Présidente de la Délégation du Sénat aux droits des femmes, L’accès des femmes aux
mandats électifs, op. Cit. p. 79.
1271 Art. 34 et 46 de la Constitution Tn. De 2014.
1272 WMC et TAP, « la Parité politique fortement présente dans les lois, mais quasi-absente dans la réalité »,
ligne
Webnagercenter,
[https://www.webmanagercenter.com/2020/02/15/444904/la-parite-politique-fortement-presente-dans-les-lois-
mais-quasi-absente-dans-la-realite/]. Samia Doula, la juge et présidente de cellule au Centre des études juridiques
et judiciaires au ministère de la Justice, précise dans l’article de presse que « que lors des élections des structures
disponible
février
2020,
15
en
329




Page 331
B) Les mesures incitatives
386. Cette seconde catégorie de mesures est moins contraignante que la première, mais
présente à notre sens une dimension plus qualitative. Elle permet à l’État de mettre en place des
dispositifs incitatifs après le constat porté sur les discriminations positives. Cependant, les
aspects négatifs de cette mesure devraient conduire à son remplacement par des mesures de
type «affirmative action»1273. Il ne s’agirait plus cette fois à titre d’exemple de réserver des
postes de cadres aux femmes, mais d’inciter celles qui peuvent y prétendre à porter leur
candidature au poste. Cela peut aller jusqu’à les aider à obtenir la promotion en organisant des
sessions de remise à niveau à leur intention afin d’augmenter leurs chances de réussite. Ce type
de mesure a été considéré comme pervers, car « l’ensemble de ces mesures souffre cependant
d’un vice congénital, qui est de lutter contre les inégalités avec des armes inégalitaires». Ce
système avantagerait la réussite des catégories défavorisées, qui, de fait, devraient à leur genre
et non pas à leur mérite.
387. Ce constat a été établi aux États-Unis1274, où de nombreuses mesures destinées à
favoriser les minorités ethniques ont fait l’objet de contestations violentes en raison de leur effet
d’accentuation des inégalités. L’expérience américaine démontre qu’il est difficile d’admettre
qu’un américain ne faisant pas partie d’une minorité se voit refuser l’accès à l’université alors
qu’un américain issu d’une minorité ayant des résultats scolaires bien inférieurs est admis. Cette
problématique peut être transposable en France, dans le domaine de la fonction publique où il
y a des taux de succès inégaux entre les deux sexes dans les concours de recrutements. La mixité
des concours, dans certains domaines, a féminisé certaines professions1275. A contrario, dans
judiciaires, le bulletin électoral qui ne respecte pas la parité est considéré nul ce qui garantit une présence
importante de la femme juge dans les différents postes de responsabilité (procureur de la république, président de
la chambre criminelle…).
1273 Cette expression américaine peut se définir comme « un ensemble de procédés consistant à accorder un
traitement préférentiel à des groupes ou individus sous-représentés et/ou historiquement discriminés, dans le but
d’établir ou de rétablir l’égalité. Elle peut être à finalité explicitement réparatrice (remédier à des discriminations
passées) ou être justifiée par un objectif plus large de promotion de la diversité. Si elle a bénéficié à différents
groupes (minorités, femmes, personnes atteintes de handicap) et a été appliquée dans différents pays (États-Unis,
Afrique du Sud post-
apartheid, Inde, etc.), J. MORRI, « Affirmative action », in Dictionnaire Juridique de
l’égalité et de la non-discrimination, D. THARAUD, C. BOYER-CAPELLE (Dir .,), L’Harmattan 2021, p. 23
1274 Voy. Sur le sujet, T.H ANDERSON, ANDERSON, A History of Affirmative Action, Oxford University Press,
2004; N. MILLS (Ed.,) Debating affirmative action, Delta Book, 1994.
1275 Les instituteurs sont quasiment tous des institutrices. Il en va de même dans le milieu de la magistrature.
330






Page 332
les recrutements de l’enseignement supérieur1276, le taux de féminisation est encore bien
inférieur à 50 % dans les disciplines scientifiques. Pour certains auteurs de la doctrine, l’unique
moyen d’établir la parité est d’abandonner la mixité pour revenir à des concours séparés comme
autrefois. Le seul inconvénient serait le recrutement d’hommes et de femmes à des niveaux de
compétences différents pour les mêmes postes.
388. Le législateur prévoit également des mesures incitatives dans le domaine du droit des
sociétés et du droit social. Dans le domaine du travail, le législateur a prévu une sanction
financière qui peut aller jusqu’à 1 % de la masse salariale envers les entreprises dans lesquelles
il n’existe pas d’accord collectif ou de plan d’action favorable à l’égalité professionnelle entre
les sexes1277. Cette sanction financière découle de la loi du 9 novembre 20101278. Concernant la
représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administrations et
de surveillance et à l’égalité professionnelle, la loi du 27 janvier 2011
1279 prévoit un seuil
minimum de 40 % de chaque sexe dans les établissements publics et sociétés visés
1280. Le non-
respect de cette disposition paritaire introduite par la loi Copé-Zimmerman entraîne deux types
de sanctions : d’une part, la nullité des nominations qui seraient contraires à l’objectif de parité,
à l’exception de celles qui concernent un membre féminin, d’autre part, la suspension
temporaire de versement des jetons de présence1281. Ces derniers correspondent à la
1276 Relatif au niveau du «Collège A », c’est-à-dire ceux des Professeurs et Directeurs de recherches,
1277 Cf. Semaine sociale Lamy n°1502, p. 3, et n°1513, p.2.
1278 LOI n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. JORF n°0261 du 10 novembre 2010 page
20034 texte n° 1.
1279 LOI n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein
des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle. JORF n°0023 du 28 janvier 2011 page
1680 texte n° 2. La loi détermine un pourcentage minimal de membres féminins et masculins au sein de ces
organes. La représentation des femmes a été fixée à 20 % dès 2014 pour les sociétés cotées et publiques, ensuite à
40 % à partir de 2017 pour toutes les entreprises. Les conseils d’administration ou de surveillance qui comptent
plus de 8 membres sont également dans l’obligation de respecter un écart maximum entre le nombre des membres
de chaque sexe de 2 individus.
1280 En effet, selon cette dernière loi dite Copé-Zimmerman, la proportion des membres du Conseil d’administration
ou de surveillance de chaque sexe ne peut pas être inférieure à ce pourcentage au sein des CA au 1er janvier 2017
dans les sociétés qui comptent plus de 500 salariés permanents et un chiffre d’affaires qui dépasse 50 millions
d’euros. Aussi, le conseil d’administration ou de surveillance qui n’applique pas les dispositions légales de parité
entre les sexes se retrouve dans l’obligation de nommer à titre provisoire un nouveau membre dans un délai de 6
mois. Nonobstant, ce dispositif réglementaire clarifie que les listes des candidats représentant les salariés au conseil
doivent être paritaires. La loi sur la parité du conseil d’administration et de surveillance concerne plusieurs types
de sociétés : les sociétés cotées sous statut SA ou SCA (Société en commandite par actions) ;les sociétés non cotées
qui, depuis 3 exercices comptables au moins, emploient au minimum 500 salariés permanents en moyenne et
affichent 50 millions d’euros au moins de chiffre d’affaires net ou de total de bilan ;les entreprises publiques
nationales, établissements publics industriels et commerciaux et aux établissements publics mixtes de l’État dont
le personnel est soumis à des règles de droit privé (depuis 2012).
1281 Ici nous employons l’ancien terme de jeton de présence pour respecter le contenu des anciennes dispositions.
Toutefois, la loi PACTE est venue modifier cette terminologie au profit de celle de « rémunération allouée ». Conf.
Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE,
art. 185 ; C. com. art. L 225-45.
331




Page 333
rémunération perçue par les membres des conseils d’administration au titre de leur
participation. Un autre aspect important de la loi est celui de l’incidence sur le rapport annuel
des sociétés cotées. Les sociétés doivent intégrer dans ce dernier rapport un état des lieux de la
parité homme-femme de leur conseil d’administration ou de surveillance. En cas de non-respect
de la composition du conseil, qui par conséquent entraînerait la suspension du versement des
jetons de présence, le rapport doit mentionner ces éléments, dans l’hypothèse où il intègre les
rémunérations des mandataires sociaux.
§ 2. Les outils spécifiques
389. Ces outils traduisent la nécessité d’une protection spécifique du principe d’égalité des
sexes en tant que valeur issue du système des droits de l’Homme. Cette protection peut se
scinder en deux catégories de méthodes : l’État garantit le respect de ce principe grâce à la
justice constitutionnelle (A), mais également à travers un système de promotion du principe
d’égalité des sexes à travers un système de règles issues de la Soft Law (B).
A) La protection du principe d’égalité des sexes dans le cadre de la justice
constitutionnelle
390. L’« État de droit» en tant que système juridique structurant les relations entre
acteurs.
Le juge constitutionnel veille au respect des droits fondamentaux «de manière
abstraite et générale à la source de la loi
»1282. Ce pouvoir de veille se matérialise par un pouvoir
de sanction du caractère fondamental d’un droit à travers « le crible de la hiérarchie des
normes
»1283 qui s’inscrit dans un cadre général de l’État de droit.
391. La démocratie libérale, qui est largement diffusée dans le monde, suppose que son
organisation juridique soit corrélée à une importante structuration hiérarchique. Elle implique
aussi l’existence préalable d’un constitutionnalisme qui rejoint lui-même l’idée de l’État de
droit. Ainsi, la violation d’un droit fondamental par le législateur pourra être censurée par le
juge constitutionnel. Le constitutionnalisme est un «impératif politique de fixer les règles les
1282 P. BERNARD. « La portée structurante des droits fondamentaux », VST - Vie sociale et traitements, 2005, pp.
137-156.
1283 Ibid.
332








Page 334
plus “importantes” par écrit, de déterminer les obligations et les droits des gouvernants et des
citoyens, donc de proclamer les droits de l’homme et du citoyen.»1284. Actuellement, le principe
d’égalité femmes-hommes fait partie de cette catégorie des droits fondamentaux. Le
«
constitutionnalisme contemporain»1285, quant à lui, est apparu avec le contrôle de
constitutionnalité des lois. Si la première notion insiste sur la suprématie de la Constitution avec
l’idée de respect des droits fondamentaux, la seconde notion se caractérise par une approche
formelle du droit. L’approche formelle du droit assortie d’un contrôle juridictionnel des
modalités d’application du droit. Il est nécessaire, dans un État de droit, de structurer la
hiérarchie des normes1286, ce qui veut dire que la Constitution doit déterminer les formes
normatives de production du droit1287. Elle doit également déterminer les juridictions habilitées
à exercer le contrôle de conformité des normes et mettre en œuvre la responsabilité des organes
ayant méconnu leurs obligations.
392. Pour lutter contre l’arbitraire, la doctrine de l’État de droit consacre un premier principe,
celui de légalité1288. Cependant, ce seul principe apparaît insuffisant, car la loi peut elle-même
être oppressive. La théorie de l’État de droit1289 recherche donc un second principe pour
permettre une protection effective et efficace contre l’arbitraire, ce qui permet d’éviter
1284 L. FAVOREU ; P. GAÏA ; R. GHEVONTIAN ; J.-L. MESTRE ; O. PFERSMANN ; A. ROUX ; G.
SCOFFONI, Droit constitutionnel, 18e éd., Paris, Dalloz, 2016, p. 92.
1285 « Le constitutionnalisme contemporain a promu, au plus haut degré de la hiérarchie des normes, le respect des
droits de l'homme et, parallèlement, suscité le renforcement, voire la création de juridictions constitutionnelles
chargées de ce contrôle ».CC,
Espace francophone et Etat de droit, Cahiers du conseil constitutionnel, 1996, N°
1.
1286 « Le contrôle de conformité des lois à la Constitution a pour objet de faire respecter la hiérarchie des normes,
dont l'ordonnancement fonde le principe de légalité démocratique : la loi n'est pleinement légitime que si elle
respecte les principes supérieurs posés par la Constitution et si elle a été adoptée selon une procédure régulière ».
Sénat - Le contrôle de constitutionnalité des lois.
1287Voy. Sur la question de la norme, E. MILLARD, « Qu'est-ce qu'une norme juridique ? », Cahiers du conseil
constitutionnel
, 2007, n° 21 ; D. Bechillon, Qu'est-ce qu'une règle de droit ?, Paris, Odile Jacob, 1997, 302 pages ;
R. Dworkin, Prendre les droits au sérieux , PUF, 1995, 520 pages ; H. Kelsen, Théorie générale des normes, Paris,
PUF, 1996, pp. 2-3.
1288 L. FAVOREU, « Légalité et constitutionnalité », 1997, Cahiers du conseil constitutionnel, n° 3 ; voir aussi sur
le rapport entre droit constitutionnel et démocratie, G. Vedel, Georges Vedel. -
Manuel élémentaire de Droit
Constitutionnel
. Dalloz, 2002, 616 pages ; « Quand Hauriou, Duguit ou encore Esmein utilisent l’expression, c’est
au sens moderne de principe de légalité ou, plus largement, pour l’opposer à «
l’état de fait » ou à l’État de police,
entendu comme le règne de l’arbitraire
». B. Luisin. La légalité, condition de l’Etat de droit, Encyclopédie
Universalis. Disponible sur [https://www.universalis.fr/encyclopedie/legalite/2-la-legalite-condition-de-l-etat-de-
droit/] ; «
 “Le mythe de l’État de droit“, “L’État de droit, rétrospectivement..“ », Civitas Europa, 2016, pp. 155-
182.
1289L. Favoreu. « De la démocratie à l'État de droit », Le Débat, 1991, pp. 154-158 ; « Le concept d’État de droit
renvoie à une certaine vision du pouvoir, inhérente à la conception libérale de l’organisation politique ; donnant
à voir un p
ouvoir limité, parce qu’assujetti à des règles, il implique que les gouvernants ne sont pas placés au-
dessus des lois, mais exercent une fonction encadrée et régie par le droit ». J. Chevallier, L'État de droit, L.G.D.J,
2017, 160 pages ; M. Troper, L’État de droit, Cahiers de Philosophie Politique et Juridique de l’Université de
Caen, 1993 ; J.P. Henry, M. Miaille, les paradigmes contemporains : l’État de droit, Sciences de la Société,1994,
pp. 177-792
333




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l’adoption de lois tyranniques dans le but d’établir une société démocratique1290. Actuellement,
malgré les divergences, la majorité de la doctrine place ses espoirs dans le principe de la
soumission de la loi à des principes supérieurs1291, ceux qui ont une valeur constitutionnelle1292.
Cette garantie réside dans le contrôle constitutionnel1293. Le doyen Vedel affirmait par exemple
que le contrôle de constitutionnalité «
est un élément important du confort démocratique»1294
et que la France y est venue, à l’instar de ses voisins européens, non pas par simple mode, mais
pour vivre mieux. Aussi « c’est bien ainsi que les Français l’ont compris et adopté »1295. À
travers cette remarque faisant référence à la justice constitutionnelle de manière générale, il est
admis que celle-ci est devenue l’une des grandes caractéristiques des formes modernes
d’État
1296. Il reste que, pour parvenir à l’égalité des sexes, le pouvoir constituant prévoit des
moyens de protection de celui-ci à défaut de définition plus précise1297.
393. En dépit de la proclamation du principe d’égalité homme-femme dans la Constitution,
le principe doit avoir une application réelle. Autrement dit, les personnes doivent avoir accès
aux mêmes droits sans aucune discrimination fondée sur le sexe. L’égalité homme-femme de
1290 Eric Millard. L’État de droit: Idéologie contemporaine de la démocratie. J.M. Février & P. Cabanel. Question
de démocratie, Presses universitaires du Mirail, pp.415-443, 2001, Amphi 7.
1291 L’Etat de droit y est défini comme celui « qui est subordonné à une règle de droit supérieur à lui-même, qu’il
ne crée pas qu’il ne peut pas violer ». Aussi, « il faut affirmer énergiquement et inlassablement que l'Etat dans
toutes ses manifestations est limit
é par un droit supérieur à lui ». Voy. L. Duguit, Traité de droit constitutionnel,
Paris, De Bocard, 1930, p. 589.
1292 Léon Duguit écrivait que « le législateur ne peut faire aucune loi qui porte atteinte à la propriété des individus »,
car celui-ci « est rangée par la déclaration des droits de l'homme au nombre des droits naturels ». Aussi comme
nous le rappelle la doctrine (H. Carlos-Miguel, « Quelques remarques
à propos de la notion d'État de droit ». In:
L'Homme et la société,1994. Figures actuelles du capitalisme. pp. 89-103.) «
Duguit prônait déjà sous la Troisième
République la primauté de la Déclara
tion des droits de l’homme de 1789 sur la loi positive et se déclarait en faveur
du pouvoir des tribunaux pour apprécier la constitutionnalité des lois, qui “doivent pouvoir aussi refuser
d’appliquer une loi qui, sans contenir une violation d’une règle con
stitutionnelle écrite, est certainement en
contradiction avec un principe de droit supérieur non écrit et que la conscience collective aperçoit fortement
comme si imposant à l’État” ». Cf. Duguit, op. cit., p. 599.
1293 Deux conceptions s’opposent. La première consiste à admettre que les principes législatifs sont ceux qui ont
fait l’objet d’une inscription dans la Constitution par le Constituant originaire. Ces principes étant des principes
du droit positif. La seconde conception, quant à elle, admet que les principes supra législatifs ne sont pas des
principes du droit positif, mais des principes du droit naturel. Pour cette doctrine, ces principes ne tirent pas leur
force et leur valeur de l’édiction de certains textes. C’est notamment le cas lors de leurs proclamations dans les
préambules des Constitutions ou dans les déclarations des droits. Ce ne sont donc que de simples «
déclarations».
Cette deuxième conception se heurte à celle des positivistes qui déclarent que «
 la justesse d’une conception ne se
mesure pas à la force des justifications qu’elle fonde
». Voy. G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association
Henri Capitant, p. 222.
1294 G. VEDEL, « Neuf ans au Conseil constitutionnel » Le débat 1989, n° 55, p. 61.
1295 Ibid.
1296 La justice constitutionnelle fut mise en œuvre dans plusieurs pays, mais à des époques et sous des influences
différentes. Ces facteurs ont abouti à la naissance de deux modèles de référence en la matière : le modèle américain
et le modèle européen. Chaque modèle dispose de leurs caractéristiques propres et identifiables.
1297 Toutefois, le principe général est considéré comme constituant un solide " pilier de l'Etat de droit ". J.
ROBERT, Cahiers du conseil constitutionnel, 1997, n° 3.
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jure n’implique pas systématiquement une égalité de facto. Ainsi, malgré les acquis réalisés en
matière d’égalité des sexes, le législateur et l’État doivent contribuer à établir, dans leurs
actions, une égalité réelle homme-femme. Comme nous l’avons déjà évoqué, le droit a fait
l’objet d’une mutation quant à sa substance, ce qui a permis de déboucher sur l’identification
de plusieurs outils permettant le renforcement de l’égalité des sexes, d’une part avec l’existence
d’un système de protection constitutionnelle, d’autre part avec l’introduction de techniques
ayant en partie pour objectif de garantir et de promouvoir l’égalité des sexes.
394. De manière générale, la mise en place d’une institution telle que la justice
constitutionnelle n’est pas aisée. En France, elle a connu une évolution nécessaire pour
répondre aux exigences d’un modèle démocratique communément retenu. La justice
constitutionnelle peut revêtir plusieurs formes : elle peut être assurée par un organe spécialisé
comme la Cour constitutionnelle ou le Conseil constitutionnel et elle peut également être
assurée par des juridictions ordinaires. Initialement, cet organe de contrôle a été conçu pour
contrôler la constitutionnalité des lois. Puis, son rôle a connu un accroissement important en
matière de protection des droits de l’Homme : il est devenu le gardien des libertés et droits
fondamentaux. Le principe d’égalité homme-femme, en tant que droit consacré par la
Constitution, devient un droit fondamental qui doit être protégé par le mécanisme de protection
de justice constitutionnelle. L’organe de justice constitutionnelle est chargé de veiller au respect
de la Constitution afin d’assurer la suprématie de cette dernière sur toutes les autres normes. En
garantissant le respect des droits et libertés de l’Homme, l’organe juridictionnel protège
également le principe d’égalité des sexes figurant dans ces droits et libertés. La protection du
principe d’égalité homme-femme par la justice constitutionnelle est de plus en plus importante
en France. Le Conseil constitutionnel a joué un rôle essentiel dans la garantie du principe. Ce
n’est cependant pas le cas de la Tunisie où la justice constitutionnelle semble connaître une
évolution ne serait-ce que par les dispositions contenues dans la Constitution, mais où elle ne
répond pas encore aux exigences d’un État dit « démocratique ». La mise en place d’une justice
constitutionnelle s’est heurtée aux régimes dictatoriaux successifs.
395. Les mécanismes juridiques. La protection et la mise en œuvre du principe d’égalité
des sexes doivent être envisagées sous un angle plus général. Cet angle d’analyse nous permet
de soulever la question centrale de la détermination des mécanismes institutionnels spécifiques
en vue de garantir leur effectivité. Même si la garantie juridictionnelle n’est pas suffisante à sa
protection et à sa mise en œuvre, elle ne relève pas à proprement de la nature du mécanisme,
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mais davantage de la nature de la norme qui constitue la «catégorie des droits de l’Homme ».
Le juge reste une institution chargée de la mise en œuvre de ce droit ; celle-ci varie selon les
pouvoirs dont il dispose pour obtenir le respect de ce principe. En cela, le principe d’égalité en
tant que droit fondamental, rencontre des difficultés de mise en œuvre concrète qui sont
inhérentes à tout droit de l’Homme : le caractère déclaratif de la norme, ainsi sa force
performative qui prive le juge constitutionnel de tout pouvoir de sanction autre que la
déclaration d’inconstitutionnalité.
396. Les moyens qui sont susceptibles d’être invoqués relèveraient du « droit constitutionnel
substantiel
»1298, celui qui protège les droits de l’Homme ou les droits sociaux, par opposition
au droit constitutionnel «institutionnel, celui qui fixe l’organisation et le fonctionnement des
pouvoirs publics»1299. Ainsi la QPC est l’un des mécanismes qui permettent la protection du
principe d’égalité entre les hommes et les femmes puisque ce dernier principe fait partie du
«droit constitutionnel substantiel»1300. L’évolution vers un contrôle a posteriori a donné un
outil supplémentaire au juge constitutionnel français, pour faire respecter la règle de droit et la
hiérarchie des normes en donnant la possibilité au citoyen de faire valoir devant le juge
constitutionnel ses droits fondamentaux alors même que la loi a été déjà promulguée1301.
B) La promotion du principe d’égalité des sexes par la soft law
397. La question paritaire, un choix de méthode entre le droit ou les pratiques. La parité
ou la mixité se voit souvent imposée par les principes consacrés par le hard Law, c’est-à-dire
le droit. Le droit interne français applique essentiellement des normes de droit dur pour mettre
en œuvre le principe de parité. Ce versant de la mise en œuvre de la mixité confère une forme
de légitimité aux mesures d’ordre incitatives en matière de parité. Néanmoins, il existe de
nombreuses règles issues de la soft Law qui visent à encadrer les comportements des sociétés,
notamment ceux relatifs à la mixité. Ce terme soft Law qualifié de divers1302 et insaisissable
1298 Ibid.
1299 Ibid.
1300 Ibid.
1301 X. PHILIPPE, « Les propositions d'amélioration de la protection des droits fondamentaux », Revue française
de droit constitutionnel 2008, vol. hs 2, no. 5, p. 213.
p. 209-222.
1302 Droit « flou » « mou » « doux », Voy. M. DELMAS-MARTY, « Le mou, le doux et le flou sont-ils des garde-
fous ? » in J. Clam, G. Martin (dir.), Les transformations de la régulation juridique, LDGJ, 1998, p. 209 s ; M.
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1303a fait consensus pour l’ériger « au rang de droit»1304 même si « elle n’est pas forcément
norme»1305. La Soft Law est inspirée des pratiques anglo-saxonnes (common law) qui
permettent la négociation et l’interprétation. La sof Law est pratiquée également dans le
domaine du droit international dont de nombreux textes et déclarations ont un caractère non
contraignant et qui laisse à chaque État ou gouvernement une large marge d’appréciation et
d’interprétation. Aussi, dans le domaine du droit international la Soft Law peut se définir
comme celle qui «désigne un ensemble de règles de droit international non contraignant et
pouvant être librement interprétés, mais qui s’applique sous la pression internationale, sous
couvert de protection de l’intérêt général » 1306. Ce choix du cadre normatif ou de support à la
mixité est en réalité celui du caractère contraignant ou non des mesures de parité. Autrement
dit, «la mixité doit-elle être décrétée? Ou est-il préférable d’encourager et soutenir la mise en
œuvre de bonnes pratiques dans les entreprises et les organisations 
?»1307.
398.
Il existe différentes formes de «soft Law» en droit des sociétés. La soft Law consiste
dans le cadre des sociétés françaises à codifier des pratiques par les entreprises elles-mêmes. Il
existe de nombreux instruments de soft Law relatif à la mixité. Dans le cadre de ces pratiques,
il existe des actions qui visent à mettre en œuvre la mixité via ces codes privés. En effet, il
existe à ce jour deux codes de gouvernement d’entreprise élaborés par les entreprises elles-
mêmes et qui contiennent les pratiques des sociétés. Il s’agit du code AFEP-MEDEF1308 qui
date de 2003 et le code Middlenext qui est plus récent puisqu’il a été rendu public en 2009.
Partant, la soft law va prévoir des règles relatives à la présence des femmes dans les conseils
d’administration. Aussi, la soft law peut-elle prendre la forme effectivement de bonnes
pratiques, mais elle peut se traduire également, entre autres, par l’élaboration de codes de
conduite1309 ou encore par la règle comply or explain. C’est avec la transposition d’une directive
DELMAS-MARTY, Les forces imaginantes du droit, Le relatif et l'universel, La couleur des idées Seuil, octobre
2004, p. 182.
1303 A. BOUVERESSE, « La portée normative de la soft law », Revue de l'Union européenne 2015, p. 291.
1304 Ibid.
1305 Ibid ; Voy. également, C. THIBIERGE, « Le droit souple - Réflexion sur les textures du droit », RTD civ.
2003.
1306 Définition du lexique en ligne disponible sur [https://portail-ie.fr/resource/glossary/90/soft-law]
1307 C. FOURCADE, et al. « Mixité : le droit ou les pratiques ? » in Femmes dans l'entreprise. EMS Editions,
2017, pp. 69-82.
1308 Il a été élaboré par les deux grands mouvements patronaux que sont le Mouvement des entreprises de France
(MEDEF) et l'Association française des entreprises privées (AFEP). Ce code regroupe les plus grandes sociétés
françaises qui pour l'essentiel appartiennent à l'indice CAC 40.
1309 Le Code de conduite est un des actes ou instruments qui peut être adopté par les entreprises dont l’objet est de
prévoir des principes et des valeurs qui guident l’action de l’entreprise. Ces valeurs et principes guident l’action
de l’entreprise tant sur le plan de l’organisation interne que dans les relations externes, par exemple les partenaires
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européenne par une loi de 20081310 que la règle comply or explain est introduite dans le code de
commerce dont l’encadrement a pour objet le rapport du président du conseil d’administration
ou de surveillance à l'assemblée général. Pour cette raison, les entreprises affiliées au code
AFEP-MEDEF seront dans l’obligation de justifier la façon dont elles mettent en œuvre la
contrainte relative à la représentation équilibrée dans la composition de leur conseil. Cette règle
a pour vocation, en premier lieu, à l’adhésion et à l’application volontaire à un système de règles
de conduite, en second lieu, à expliquer publiquement la raison pour laquelle on ne l’applique
pas dans certains cas conformément aux dispositions de l’article L. 225-37 du code de
commerce
1311. Ce système est plus souple pour les sociétés que celui de la hard law. Comme il
l’a été développé précédemment, la parité découle a priori de principes instaurés par le droit.
On constate que dans l’ensemble, les mesures incitatives posées par la hard law ont montré que
les objectifs ont été respectés. Par contre, les résultats de celles issues de la soft law sont plus
partagés. Elles ne sont pas significatives en matière de présence de femmes dans les conseils
d’administration. Il est vrai que, d’une part, toutes les entreprises ne sont pas adhérentes à un
code de gouvernement d’entreprise, et d’autre part, que « sous réserve des réactions du marché,
des épargnants et des investisseurs, une règle écartée de façon injustifiée ne trouvera pas de
sanction effective
»1312. En outre, l’application du code de bonnes conduites est soumise au bon
vouloir des sociétés ce qui veut dire qu’elles peuvent l’écarter lorsqu’elles sont déconseillées
pour leur gestion. Mais elle laisse également une liberté au juge d’apprécier si une disposition
est contraignante ou non, car le caractère non juridique de la soft law apparaît au niveau des
sources, qui ne sont ni réglementaires ni législatives. La palette de textes que l’on peut qualifier
de soft law est large. Elle recouvre autant les déclarations politiques1313 que les programmes
d’action. Aussi, on peut constater un manque d’efficacité et une forme d’insécurité
commerciaux. Cette charte d’entreprise traduit un engagement volontaire de l’entreprise dans le cadre de l’égalité
homme-femme ou celui de la non-discrimination.
1310 Transposition d'une directive communautaire par la loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008 portant diverses
dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire.
1311 Article L. 225-37, septième alinéa, du code de commerce ; « Lorsqu'une société se réfère volontairement à un
code de gouvernement d'entreprise élaboré par les organisations représentatives des entreprises, le rapport prévu
au présent article précise également les dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l'ont
été. Se trouve de surcroît précisé le lieu où ce code peut être consulté. Si une société ne se réfère pas à un tel code
de gouvernement d'entreprise, ce rapport indique les règles retenues en complément des exigences requises par
la loi et explique les raisons pour lesquelles la société a décidé de n'appliquer aucune disposition de ce code de
gouvernement d'entreprise. »
1312 [http://www.senat.fr/rap/l10-038/l10-0384.html]
1313 A. CIAUDO, « L'invocation de la Déclaration universelle des droits de l'homme devant le juge administratif »,
RFDA 2019, p.711.
338



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juridique1314. Comme le souligne le rapport du Conseil d’État1315, le «droit mou» permet
également l’unification du droit des États membres du Conseil de l’Europe. En ce sens, les États
peuvent recourir aux recommandations adoptées par le Comité des ministres et aux échanges
d’informations entre États comme moyen de rapprochement des droits des États membres du
Conseil de l’Europe. Ces outils jugés plus souples et plus aisément modifiables peuvent
constituer dans certains cas de la soft law et ainsi produire des effets directs au sein de l’ordre
juridique international public. C’est ai
nsi que la CEDH1316 s’est référée fréquemment aux de
ces textes1317 dans ces jugements concernant l’égalité de traitement entre les sexes1318.
399. Bilan d’étape. La question de l’égalité des sexes a été le témoin d’une confrontation
entre deux conceptions de l’éga
lité des sexes, conduisant chacun des acteurs à imposer une
adaptation de la jurisprudence constitutionnelle à une conception de l’égalité des sexes qui
découle de choix politiques d’une période donnée et dont l’expression se traduit juridiquement
par la loi. Cette confrontation apparaît à travers l’adoption d’outils conceptuels nouveaux afin
de donner la possibilité au juge constitutionnel de s’adapter aux exigences d’une politique
nouvelle en matière d’égalité des sexes. On retrouve cette confrontation lorsque le Conseil
constitutionnel a été saisi des lois relatives à l’accès des femmes aux mandats politiques ou aux
responsabilités professionnelles, avant l’intervention des révisions constitutionnelles
1319. En
effet, en 1982, le Conseil avait annulé une disposition législative qui avait pour ambition de
prévoir des quotas relatifs à la présence de femmes au sein des conseillers municipaux dans les
villes de plus de 3
500 habitants1320. La conception ancienne du Conseil relative au principe
1314 Voy. Le rapport du Conseil d'État français de 2006, Sécurité juridique et complexité du droit, La
Documentation française, 2006.

1315 Le rapport du Conseil d'État français de 2006, op.cit.,
1316 Voy. J.-F. FLAUSS, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme (août 2004-janvier 2005)
», AJDA, mars 2005, p. 541.
1317 De manière précise il s’agit de résolutions ou recommandations du Comité des ministres du Conseil de
l’Europe.

1318 CEDH, 16 novembre 2004, Ünal Tekeli c/Turquie, arrêt relatif à une différence de traitement litigieuse entre
hommes et femmes en Turquie qui méconnaît l’article 14 (interdiction de discrimination) combiné avec l’article 8
(droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales.
1319 Il s’agit de la révision constitutionnelle relative à la parité politique en date de 1999, puis celle de 2008 portant
sur la possibilité de prévoir des mesures législatives favorisants l’accès des femmes aux responsa
bilités
professionnelles et sociales. Ainsi,
la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999, l'article 3 de la Constitution
a été complété pour que « La loi favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et
fonctions électives ». La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, cette disposition, étendue aux
« responsabilités professionnelles et sociales », est devenue le second alinéa de l'article premier de
la Constitution.

1320 Il s’agissait d’envisager la présence de 25% au moins de candidates sur les listes, en proscrivant le dépôt de
listes comportant plus de 75 % de candidats « du même sexe » . Voy. Décision n° 82-146 du 18 novembre 1982.
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d’égalité prohibait toute différenciation des citoyens selon le sexe1321. Sur le fondement des
effets combinés des dispositions de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen 1322 et de l’article 3 de la Constitution de 19581323, il estima que ces dispositions
prohibaient toute autre distinction entre les électeurs ou les éligibles que celle fondée sur l’âge,
l’incapacité ou la nationalité. Dès lors, il n’a cessé de réitérer sa position en la matière à travers
sa jurisprudence1324. En recourant à de nouveaux raisonnements, le CC a provoqué une
évolution dans sa jurisprudence. En effet, c’est en introduisant une disposition constitutionnelle
relative à la parité entre les sexes avec les modifications constitutionnelles de 1999 et de 2008
que l’égalité telle que le Conseil constitutionnel l’avait jusqu’à présent perçue s’est trouvée
bouleversée. C’est sur le fondement de ces nouvelles dispositions que le juge constitutionnel
français s’est affranchi de sa conception historique de l’égalité. Ainsi, il a rejeté le recours de
sénateurs qui contestaient des dispositions paritaires en appliquant les nouvelles dispositions
1325
et en refusant par la suite d’appliquer son ancienne jurisprudence1326. Ce rapport de force entre
le Conseil constitutionnel et le pouvoir politique a conduit une fois de plus à l’adaptation des
dispositions constitutionnelles avec une nouvelle révision constitutionnelle, pour autoriser le
législateur à étendre des mesures de parité à la sphère professionnelle et sociale. Avant cette
intervention du pouvoir constituant, le Conseil s’était refusé de déclarer la conformité à la
Constitution de mesures qui favorisaient l’accès des femmes à des responsabilités autres que
politiques1327. Une fois de plus, il a fallu procéder à une nouvelle révision constitutionnelle pour
1321 Décision n° 82-146 du 18 novembre 1982 « Considérant que du rapprochement de ces textes il résulte que la
qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas
exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de
l'électeur ou l'indépendance de l'élu ; que ces principes de valeur constitutionnelle s'opposent à toute division par
catégories des électeurs ou des éligibles ; qu'il en est ainsi pour tout suffrage politique, notamment pour l'élection
des conseillers municipaux ».

1322 Les citoyens « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et
sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents
».
1323 « Le suffrage [..] est toujours universel, égal et secret. Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la
loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques
».
1324 Décision n° 98-407 DC du 14 janvier 1999, Loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des
conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.
1325 Décision n° 2000-429 DC du 30 mai 2000, Loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux
mandats électoraux et fonctions électives.
1326 Décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013 sur la loi relative à l'élection des conseillers départementaux, des
conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Validation du
scrutin binominal aux élections départementales et de l'extension aux communes de 1 000 habitants de l'élection
au scrutin de liste avec alternance homme-femme, jusqu'alors applicable aux communes de 3 500 habitants et plus.
L’appréciation de la validité du Conseil s’est fondée sur les effets combinés de l'article 3 de la Constitution relatif
au suffrage universel ainsi que du second alinéa de l'article premier, issu de la révision constitutionnelle de 2008.
1327 Voy. sa décision en date de 2001 dans laquelle il a refusé de valider des dispositions d’une loi organique qui
aménageait des conditions de l’élection des membres du Conseil supérieur de la magistrature qui était favorable à
la parité. Pour invalidé ces dispositions il s’est fondé sur l’article 6 de la DDHC de 1789 e sur les travaux
préparatoire de la loi constitutionnelle de 1999 afin de limiter la portée de la révision constitution de 1999 à la
sphère politique. Décision n° 2006-533 DC du 16 mars 2006 sur la loi relative à l'égalité salariale entre les
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permettre d’étendre ces mesures à la sphère professionnelle. Désormais, le principe de
discrimination positive a pour objectif d’établir des inégalités dans le but de promouvoir
l’égalité des chances. Cette « redécouverte» conceptuelle a connu une sorte de réflexion sur la
signification de l’égalité des sexes, où la notion d’équité fut promue comme notion clé.
L’égalité implique de traiter de la même manière des personnes placées dans une même
situation. Toutefois, le principe d’égalité n’interdit pas des différences de traitement, à
condition qu’elles soient justifiées par une différence de situation ou par un motif d’intérêt
général en rapport avec l’objet qui les établit. Celles-ci doivent être objectivement fondées et
proportionnées à la cause qui les justifie et, bien entendu, elles doivent être étrangères à toute
discrimination1328. Toutefois, le principe d’égalité ne va pas jusqu’à consacrer un droit à la
différence1329.
400. L’approche en termes de discriminations semble être, de ce point de vue, un mécanisme
équilibré : équilibré parce qu’il permet d’appliquer une norme aux hommes et aux femmes en
prenant en considération la situation concrète des intéressés. Manifestement, il est possible,
dans plusieurs cas, de discriminer en appliquant une norme de la même façon à des personnes
dans des situations différentes. Ainsi, le fait de ne pas prendre en considération la différence
peut être discriminatoire. Cependant si la discrimination contribue à protéger légitimement le
droit à l’égalité entre les sexes en saisissant de manière suffisante le fait discriminatoire, nous
pensons que la discrimination est préjudiciable à la conception républicaine de l’égalité
puisqu’elle a pour effet d’appliquer une règle de droit à l’ensemble des deux sexes de la même
manière. À titre d’exemple, on peut citer l’égalité devant la loi. Cette différence de traitement
semble participer au déséquilibre de la relation qu’entretiennent le droit à l’égalité des droits et
le droit à ne pas faire l’objet de discrimination selon le sexe. L’argument principal, auquel nous
souscrivons pleinement, a été donné par la doctrine qui a dénoncé les effets risqués de cette
mesure de discrimination. En effet, comment un principe de non-discrimination pourrait-il être
encouragé à contester une différence de traitement lorsque l’approche nouvelle de la
femmes et les hommes ; Il en est de même en 2006. Décision n° 2006-533 DC du 16 mars 2006 sur la loi relative
à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

1328 Voir, par exemple, en ce qui concerne les conditions de modulation des tarifs d’un service public selon le lieu
de résidence des usagers : CE, Sect., 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, Rec. 274 ; ou encore en ce qui concerne
les conditions d’accès à un service public communal non obligatoire, selon l’intensité du lien entre les usagers et
la commune : CE, Sect., 13 mai 1994, Commune de Dreux, Rec. 233 ; ou les conditions de modulation des tarifs
de ce type de service public, selon le niveau de ressources de
la famille de l’usager : CE, Sect., 29 décembre 1997,
Commune de Gennevilliers, Rec. 499.
1329 Voir CE, Ass., 28 mars 1997, Sté Baxter, n°179049 : « le principe d'égalité n'implique pas que des entreprises
se trouvant dans des situations différentes doivent être soumises à des régimes différents ».
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discrimination part du postulat que tous sont différents, et amène ainsi nécessairement à
légitimer toutes les distinctions pensables ? Cette approche nouvelle de l’égalité a imposé une
concurrence entre les différents critères de discrimination qui rendrait possible l’éclatement de
l’unité du système de protection pour laisser place à une désagrégation de la communauté
nationale, car elle pourrait être un danger pour «la cohésion nationale»1330, présentant
notamment «
un risque de fragmentation sociale»1331.
401. Ainsi, le juge constitutionnel a toujours tenu un rôle d’équilibriste que ce soit dans
l’appréciation même des faits qui justifieraient une rupture d’égalité, mais également lorsqu’il
déclare une disposition inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 62, alinéa 2 de la
Constitution
1332. En effet, dans la «redécouverte » conceptuelle de l’égalité des sexes au terme
de laquelle la notion d’équité fut promue comme l’une des notions clés de cette interrogation,
l’égalité des sexes y est définie comme si le principe d’égalité impliquait de traiter de la même
manière des personnes placées dans une même situation, il n’interdit pas des différences de
traitement à condition qu’elles soient justifiées par une différence de situation ou par un motif
d’intérêt général en rapport avec l’objet qui les établit.
402. Dans le cadre du pouvoir de modulation du Conseil constitutionnel1333, lorsqu’une
disposition est déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution,
celle-ci «est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou
d’une date ultérieure fixée par cette décision ». Toutefois, le juge constitutionnel «détermine
les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles
1330 « Pour certains qui restent attachés à l’égalité républicaine, le discours sur les discriminations (cid:62)..(cid:64) menac(cid:62)e(cid:64) la
cohésion nationale : en effet, loin d’interpréter les revendications minoritaires comme une réponse aux dangers de
la s
égrégation sociale que creusent les discriminations, ils y voient surtout un risque de fragmentation sociale qui
pourrait mettre
en danger l’égalité devant la loi », E. Fassin, « Actualité des discriminations », in E. Fassin et J.-
L. Halperin (dir.), Discriminations : pratiques, savoirs, politiques, La Documentation fran
çaise-HALDE, 2008, p.
15.
1331 « Pour certains qui restent attachés à l’égalité républicaine, le discours sur les discriminations (cid:62)..(cid:64) menac(cid:62)e(cid:64) la
coh
ésion nationale : en effet, loin d’interpréter les revendications minoritaires comme une réponse aux dangers de
la s
égrégation sociale que creusent les discriminations, ils y voient surtout un risque de fragmentation sociale qui
pourrait mettre en danger l’égalité devant la loi », E. Fassin, « Actualité des discriminations », in E. Fassin et J.-
L. Halperin (dir.), Discriminations : pratiques, savoirs, politiques, La Documentation fran
çaise-HALDE, 2008, p.
15.
1332 Sa rédaction issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008
1333 « Ce pouvoir de modulation introduit une dose de souplesse laissée à l'appréciation du juge constitutionnel en
fonction des effets supposés ou réels de l'abrogation de la norme concernée ». M. FATIN-ROUGE STEFANINI,
Les effets des décisions du Conseil constitutionnel en matière de QPC. Evolutions et limites du contrôle de
constitutionnalité - Regard croisé entre les expériences françaises et est-européennes, 2018.p. 5. Disponible en
ligne sur
halshs-01940258
.


342




Page 344
d’être remis en cause ». Ce pouvoir de modulation1334 se traduit par le fait que le juge
constitutionnel doit déterminer l’équilibre entre l’impératif d’éradiquer de l’ordonnancement
juridique une loi inconstitutionnelle et celui de garantir la sécurité juridique qui implique
l’atténuation des effets de cette déclaration en prenant en considération les intérêts légitimes
susceptibles d’être marqués
1335.
403. En Tunisie, la nouvelle Constitution de 2014 introduit un instrument nouveau dans
l’ordre juridique et juridictionnel tunisien. Cet outil permet à la Cour d’exercer un contrôle
de constitutionnalité des lois a posteriori sur requête transmise par les juridictions ordinaires à
exception
l’initiative
parties. La Constitution
d’inconstitutionnalité 
»1336 : une exception est classiquement examinée par le même juge que
prévoit
« une
l’une
des
de
celui qui statue sur le fond du litige. Or, il s’agit pour le juge ordinaire de soumettre une question
de constitutionnalité à la Cour constitutionnelle qui dispose du monopole de contrôle de
constitutionnalité des lois. Il s’agit plus d’une question préjudicielle de constitutionnalité. Cette
justice a recours au contrôle a posteriori : la question prioritaire de constitutionnalité1337. Le
principe d’égalité figure dans de nombreux textes et pas seulement dans la Constitution au sens
strict, c’est pourquoi il convient d’établir les normes de référence utilisables dans le cadre de la
QPC et pour savoir si la garantie juridictionnelle du principe est accessible et souple, il faut
étudier et comprendre la procédure de la QPC. La Constitution précise que l’organisation de
cette compétence et notamment les procédures et des hypothèses de renvoi doivent être prévues
par la loi. Cette compétence n’est pas encore claire, mais elle est inscrite dans la Constitution,
ce qui représente un acquis. Elle permet de hisser la Cour constitutionnelle tunisienne parmi
celles des États ayant instauré un réel contrôle de constitutionnalité des lois. Le contrôle a
1334 Voy. sur le sujet, J. BOUDON, « Le Conseil constitutionnel s'est-il trompé de Constitution ? À propos de ce
que devrait être la modulation dans le temps des effets de ses décisions »,
JCP éd. G, 4 octobre 2010, no 961 ; S.
Brimo, « Les conséquences de la modulation dans le temps des effets des décisions QPC »,
RDP, 2011, no 5, p.
1189 ; X. Domino et A. BRETONNEAU, « Les suites de la QPC : histoire et géographie du dialogue des juges
»,
AJDA, 2011, p. 1136 ; D. Hedary, « Office du juge en présence d'une décision d'inconstitutionnalité applicable
aux instances en cours », note sur CE, 13 mai 2011,
Revue de droit fiscal, 2011, no 41, p. 35 ; X. MAGNON, «
Premières réflexions sur les effets des décisions de censure du Conseil constitutionnel »,
RFDA, 2011, p. 761 ; N.
TILI, « La modulation dans le temps des effets des décisions d'inconstitutionnalité »,
RDP, 2011, no 6, p. 1591, P.
PUIG, « Le Conseil constitutionnel et la modulation dans le temps des décisions QPC »,
RTDCiv., 2010, p. 517 ;
D. RIBES, « La portée des décisions du Conseil constitutionnel », in
La question prioritaire de constitutionalité,
PUAM, 2011, p. 283, J.-G. SORBORA, « Report des effets d'une décision d'annulation d'un texte par une QPC
»,
JCP G, 30 mai 2011, no 22, p. 1093.
1335M. DISANT, « Les effets dans le temps des décisions QPC », Nouveaux cahiers du conseil constitutionnel
n°40, juin 2013.
1336 « Des lois que lui renvoient les tribunaux, suite à une exception d’inconstitutionnalité soulevée par l’une des
parties, dans les cas et selon les procédures prévus par la loi ; »
1337 Loi organique du 10 décembre 2009.
343




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posteriori permettra d’écarter l’application de dispositions inconstitutionnelles figurant dans
les lois qui auraient été adoptées durant l’ancien régime et qui n’auraient pas fait l’objet
d’abrogation1338. L’article 122 de la Constitution tunisienne régit la question des effets de la
décision d’inconstitutionnalité. Lorsque la Cour reconnaît l’inconstitutionnalité d’un projet de
loi, le Président de la République doit renvoyer obligatoirement le projet de loi devant
l’Assemblée des représentants du peuple pour une deuxième lecture. L’objectif de ce renvoi est
de retirer au texte son inconstitutionnalité tout en le rendant plus cohérent. L’article 122 prévoit
également un mécanisme de contrôle à double-détente. Encore une fois, ce dernier n’est pas
une nouveauté au regard des autres États ayant instauré un contrôle de constitutionnalité a
priori; l’innovation se situe au niveau de l’automatisme du contrôle. La Cour opère un contrôle
de constitutionnalité automatique lorsque le projet de loi est modifié et adopté par le
Parlement1339. L’article 123 de la Constitution tunisienne régit les effets produits par
1338 L’article 121 de la Constitution tunisienne fixe les règles relatives à la prise de décision par la Cour. Cet article
fixe les traits caractéristiques des décisions de la Cour. Il contient essentiellement des dispositions procédurales.
La Cour dispose d’un délai de 45 jours pour prendre une décision à compter de sa saisine. Celle-ci doit elle-même
régir ses méthodes de travail sur ce délai. Pour les décisions qui lui apparaissent urgentes, la Cour peut raccourcir
ce délai. Elle peut également anticiper la phase de préparation de la décision lorsqu’elle est fortement susceptible
d’être saisie dans le cadre du contrôle
a priori des lois. Si la Cour peut rendre une décision avant les 45 jours, elle
ne peut aller au-delà de ce délai. Si elle ne rend pas de décision dans les 45 jours, le projet de loi adopté est transmis
au Président de la République. Le risque encouru est de conférer à la loi un caractère constitutionnel alors
qu’aucune décision n’a été rendue. Dans cette hypothèse, on peut relever plusieurs points dans lesquels le texte
reste silencieux :Tout d’abord, en cas de dépassement du délai, la Constitution ne prévoit pas une reconnaissance
implicite de la constitutionnalité de la loi ;Ensuite, dans le cas où l’exercice du contrôle a priori serait établi en
l’absence d’une décision rendue par la Cour, le texte ne prévoit pas si cela est une cause d’empêchement à
l’exercice du contrôle
a posteriori prévu à l’article 120 alinéa 4. L’absence de disposition précise de la Constitution
peut être une source d’insécurité juridique. Dans le cas où la Cour ne rendrait pas de décision dans le délai imparti
et que la loi serait considérée par défaut comme conforme à la norme fondamentale. Si cette déclaration de
conformité implicite de la loi rend le contrôle
a posteriori impossible, il y aura la promulgation d’une loi dont le
contenu n’a pas été contrôlé par les juges constitutionnelles, ce qui pourrait introduire dans la norme sup
rême des
dispositions qui lui seraient contraires. Toutefois, le délai de 45 jours semble raisonnable pour permettre à la Cour
de rendre une décision.
1339 . Cela concerne les projets de loi amendés dont le renvoi est la conséquence directe d’une inconstitutionnalité
déclarée de manière explicite. Est également concernée une demande d’une deuxième lecture par le Président de
la République après l’expiration du délai dans lequel la Cour devait rendre sa décision, la Cour peut, en cas de
deuxième lecture d’un texte législatif adopté, quels qu’en soient les motifs, une nouvelle saisine sera effectuée. Ce
qui veut dire qu’en cas de deuxième lecture d’un texte législatif le contrôle est automatique. Concernant les
hypothèses de renvoi devant l’Assemblée des représentants du peuple pour une deuxième lecture, l’article
81§ 1
dispose que «
le Président de la République promulgue les lois et ordonne leur publication dans le Journal officiel
de la République tunisienne dans un délai ne dépassant pas les 4 jours à compter
de l’expiration des délais de
recours pour inconstitutionnalité et de renvoi sans qu’aucun des deux n’ait été fait ». L’article
81 § 2 alinéas 1
prévoit que le Président de la République peut demander une deuxième délibération d’un projet de loi adopté en
motivant sa décision sur la base de motifs autres que l’inconstitutionnalité. Ce mécanisme permet de donner, en
dernier lieu à la Cour, l’exercice du contrôle. Il garantit également que les inconstitutionnalités éventuelles d’un
texte législatif en cours d’adoption seront éliminées en cas de non-conformité à la loi fondamentale. Encore une
fois, la Constitution reste silencieuse sur certaines hypothèses. Notamment en cas d’abandon pur et simple du texte
constitutionnel alors que l’article
122 oblige le Président de la République à renvoyer une disposition déclarée
inconstitutionnelle devant le Parlement. L’abandon du projet déclaré inconstitutionnel ne pourrait le dispenser de
son obligation de renvoi. Ce principe ne vaut que pour les textes transmis à la Cour constitutionnelle. En outre, le
contrôle a priori n’est pas systématique puisque dans l’hypothèse où la Cour ne serait pas saisie dès l’origine, elle
ne pourra pas faire l’objet d’une saisine automatique ou se saisir d’elle-même.
344



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l’inconstitutionnalité d’une disposition législative en vigueur qui serait contestée devant les
juridictions ordinaires. Selon les nouvelles dispositions, la Cour se prononcera uniquement sur
les moyens invoqués. Ce sont les dispositions de la loi en vigueur qui seront contestées au
regard des arguments présentés devant la Cour. La Cour sera donc saisie seulement des
dispositions contestées et non pas de l’intégralité du texte de loi1340.
* *
*
404. Conclusion du titre I relatif à l’analyse des déterminants. Au terme de ce titre, il a
été montré qu’il existait une diversité de déterminants si bien qu’il est désormais possible
d’affirmer qu’il n’existe pas un seul déterminant qui structure le principe d’égalité des sexes,
mais qu’il existe une diversité de déterminants. Trois éléments peuvent être tirés de notre étude.
405. En premier lieu, il a été révélé que traiter de la question de l’effectivité de l’égalité des
sexes comme tout autre phénomène social dont les mécanismes de réalisation dépendent d’une
multitude de facteurs. Pour cela nous avons classé les facteurs qui déterminent les positions et
les comportements au sein de la structure étatique en matière d’égalité des sexes en deux
catégories. La première concerne les déterminants internes dans la mise en œuvre de l’égalité
des sexes. Ces variables relèvent du permanent et s’inscrivent dans le cadre de la réalisation de
l’objectif de l’égalité effective. Au sein de cette catégorie, nous avons établi des sous-catégories
1340 L’article 123 prévoit également que la Cour dispose d’un délai de trois mois pour prendre une décision
renouvelable une seule fois pour la même période soit trois mois. Le texte précise que la demande de
renouvellement devra être dûment motivée
1340. À l’inverse de ce qui est prévu dans l’article 121 de la Constitution
relatif au contrôle
a priori, le contrôle a posteriori prévu à l’article 123 ne prévoit pas de renvoi automatique de la
loi lorsque la décision n’est pas rendue dans le délai. En réalité, l’article 123 et la Constitution ne comportent pas
de dispositions quant au non-respect de ce délai. Il y a réellement un vide juridique sur la question. Seule la loi
relative à l’organisation de la Cour constitutionnelle et à ses procédures peut éclairer cette situation. S’il existe un
véritable vide juridique sur le contrôle a posteriori, il y a également des points d’ambiguïtés sur les effets d’une
les décisions
déclaration d’inconstitutionnalité prononcée par
d’inconstitutionnalité prononcées lors d’un contrôle
a posteriori entraînent la suspension de l’application de loi ou
de ses dispositions censurées «dans les limites de ce qui a été décidé par la Cour». Ici, le texte prévoit la
«
suspension » et non pas l’abrogation. L’inconstitutionnalité n’entraînerait pas la disparition pour l’avenir des
dispositions déclarées inconstitutionnelles. Elle serait seulement suspendue et le texte demeurerait en vigueur. La
Constitution tunisienne ne donne pas d’autre précision quant à l’exercice du contrôle a posteriori. De nombreuses
questions restent sans réponses. On ne sait pas encore, si le contrôle
a posteriori est abstrait ou concret. S’il est
question d’un filtre devant les juridictions ordinaires ou encore si le juge constitutionn
el est le seul compétent à
déclarer la recevabilité de l’affaire. Le seul espoir réside dans la loi d’organisation de la Cour constitutionnelle qui
pourrait apporter des précisions et ainsi parachever les dispositions relatives au contrôle a posteriori. L’article 124
conclut la Section II du chapitre V de la Constitution tunisienne. Il précise que la loi fixe « l’organisation de la
Cour constitutionnelle». Elle détermine aussi les procédures suivies devant elle, ainsi que les garanties
d’indépendances de ses membres. C’est la loi qui va venir préciser et compléter « le mode d’emploi » de la Cour
constitutionnelle tunisienne.
la Cour. L’article 123 dispose que
345






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sur lesquelles fonctionne le principe. En ce sens, il existe trois sous-catégories : les facteurs
matériels, les facteurs structurels et les facteurs culturels. Nous en avons déduit qu’il n’y avait
pas de hiérarchie à proprement parler entre ces différents facteurs, néanmoins l’un d’eux permet
a posteriori de clarifier les rôles de chacun, il s’agit de la variable politique.
406. Les facteurs structurels stricto sensu nous ont permis d’octroyer au mot politique une
double acception, comme sphère ou comme domaine d’exercice de certaines compétences et
comme moyen de coercition. Du point de vue externe, les facteurs structurels stricto sensu sont
constitués par la sphère politique, elle-même recouvre tout ce qui concerne les moyens dont un
État dispose pour gouverner. Nous avons expliqué que les facteurs structurels structurants
renvoyaient à la question des rapports sociaux au sein de l’État au regard de cesdits facteurs.
En effet, les facteurs structurels de ce type régissent en partie les rapports entre les sexes et
l’État et vont avoir un impact considérable dans la mise en œuvre de l’égalité des sexes.
407. Du point de vue interne, le pouvoir juridique va interagir avec le pouvoir politique vu
comme pouvoir de domination. On peut alors observer un double phénomène dans la mesure
où la première relève du droit et le second du pouvoir politique, donnant lieu à des rapports de
différentes natures et à de la rivalité. Le rôle du Chef du gouvernement peut, en fonction de sa
capacité à incarner l’autorité et selon sa personnalité, être celui d’un exécutant de la politique
du chef de l’État, mais également d’un conseiller actif.
408. La synthèse de ces deux points de vue nous a menés vers le régime politique. Nous
avons constaté que la nature du système politique est déterminante dans la mise en œuvre de
l’égalité des sexes. Le choix d’un régime social ou libéral a été déterminant dans le
fonctionnement et la mise en œuvre de l’égalité des sexes. En ce sens le libéralisme a contribué
à l’émancipation des femmes et à lui octroyer, depuis la Seconde Guerre mondiale, de
nombreux droits. Alors qu’un régime totalitaire peut être source d’instabilité et d’infertilité en
matière d’égalité des sexes. Nous en avons conclu que le caractère démocratique du système
politique a été déterminant dans l’adoption et la promotion d’une conception de l’égalité des
sexes, car pour la première fois en Tunisie, l’universalité des droits de l’homme et l’égalité des
sexes est le fruit d’une convergence entre les différents individus et acteurs de la société
tunisienne.
346






Page 348
409. En deuxième lieu, nous avons fait apparaître que ces dimensions de déterminants
permanents sont, à n’en pas douter, significatives et ils sont étroitement liés aux facteurs
conjoncturels. Le droit n’est pas toujours suffisant pour garantir le bon fonctionnement du cadre
juridique et institutionnel permettant la mise en œuvre effective de l’égalité des sexes. D’autres
facteurs viennent pallier ces insuffisances ou renforcer l’ineffectivité. Nous avons pour cela
démontré que l’expérience transitionnelle tunisienne était un modèle d’analyse pour souligner
l’importance des variables contextuelles dans la garantie de l’effectivité du droit, notamment
celui de l’égalité des sexes. L’analyse des facteurs conjoncturels consiste essentiellement dans
ce travail de thèse à s’attacher à l’analyse des variables contextuelles, en mettant en évidence
ces différents éléments constitutifs, ainsi que leur effet sur le fonctionnement du droit à l’égalité
des sexes. Nous avons ainsi constaté que la structure de ces variables est hétérogène,
puisqu’elles relèvent de différents domaines. Néanmoins, leur maîtrise est essentielle au bon
fonctionnement du principe d’égalité des sexes et ainsi à sa mise en œuvre effective.
410. En dernier lieu, au moyen de cette analyse structurale doublée par une analyse
substantielle, il a pu être constaté qu’il existe bien un rapport de connexité entre les systèmes.
C’est dans l’analyse des acteurs et des outils de protections que nous avons constaté des choix
communs aux deux systèmes d’acteurs classiques de protections ainsi que des outils de mise en
œuvre. Tous ces éléments forme un tout qui nous permettent de comprendre la structuration du
principe d’égalité des sexes. De la même façon, l’analyse structurale nous a permis également
de déterminer les limites au processus de structuration du principe d’égalité des sexes.
347







Page 349
TITRE II :
LES LIMITES DU PROCESSUS DE
STRUCTURATION
348









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349




Page 351
411. Le précédent titre avait pour objet de démontrer que le système tunisien ne rejette le
principe d’égalité des sexes que de façon partielle. Alors qu’il est mieux intégré dans le système
français, il apparaît en revanche clairement figé en Tunisie. Il a été démontré que le contrôle de
proportionnalité actuellement utilisé par les juges est nécessaire à la conciliation entre des
principes de différentes valeurs et que l’absence de justice constitutionnelle tunisienne ainsi que
d’un système juridictionnel communautaire équivalent au modèle européen ne permet pas
d’appréhender la complexité du principe d’égalité des sexes à travers la question de sa
conciliation avec d’autres principes antagoniques de valeurs divergentes. Les acteurs et les
outils, non seulement, refoulent le contexte extra-juridique qui entoure le cadre juridique du
principe d’égalité des sexes, mais paraît aussi hétéroclite dans l’appréciation du principe
d’égalité des sexes, et notamment au regard de la comparaison entre les deux systèmes
juridiques. Le prolongement naturel de cette réflexion consiste donc à s’interroger sur les
limites du processus de structuration. En ce sens, il est crucial d’envisager l’influence contrastée
du féminisme (Chapitre I). On l’a saisi, la restructuration partielle du système juridique
tunisien et celle du principe d’égalité des sexes ont entraîné des rapports conflictuels entre
systèmes qui se traduit par une double structuration. (Chapitre II).
350






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351




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CHAPITRE I : L’INFLUENCE CONTRASTÉ DU
FÉMINISME
412. Le mouvement féministe revêt différentes formes et intègre une multitude d’approches
théoriques. Si bien que «le terme trouve certes son origine en Occident, spécialement en France,
mais cela ne rend pas le féminisme occidental pour autant. Le féminisme américain n’est pas
français (…). Le féminisme égyptien n’est pas français ni occidental. Il est égyptien et ses
fondateurs en attestent et l’histoire est claire sur ce point »1341. D’un point de vue sémantique,
le féminisme, qui vient du latin femina, est un néologisme qui date du milieu du XIXe siècle1342.
Il est toutefois difficile de définir le féminisme. Le terme renvoie à diverses acceptions. Il existe
néanmoins un consensus autour du fait que le féminisme «vise la fin de la subordination des
femmes
»1343. D’un point de vue substantiel, le féminisme désigne un mouvement militant qui
cherche à améliorer et à étendre le rôle et les droits des femmes dans la société. En France, le
mot féminisme fut inventé par Aubertine Auclert en 1880 qui l’introduit dans son journal « La
Citoyenne» afin de critiquer la prédominance masculine. Elle revendiquait les droits et
l’émancipation par la Révolution française. Elle déclara que « L’arme du vote sera pour nous
ce qu’elle est pour l’homme, le seul moyen d’obtenir des réformes que nous désirons. Pendant
que nous serons exclues de la vie civique, les hommes songeront à leurs intérêts plutôt qu’aux
nôtres. Le propriétaire comprit cela, lorsqu’en 1848 il revendiqua le suffrage comme le seul
moyen de conquérir d’autres franchises 
»1344. Aujourd’hui, le féminisme se bat aussi pour « la
déconstruction des genres et des sexes
»1345. Celle-ci consiste à des études de genres qui ont
engagé un vaste débat relatif à la différenciation des sexes et aux divisions masculin-féminin.
On a pu aussi apercevoir un glissement sémantique au sein même de la loi. En effet, le
législateur ne fait plus exclusivement référence à l’égalité des sexes dans les lois. À la lecture
des différentes dispositions contenues dans le système juridique français et tunisien, on
remarque qu’au fil des années, une véritable adaptation sémantique s’est réalisée. La différence
sémantique entre sexe et genre mérite par exemple toute notre attention. La notion de sexe
1341 Margot. BADRA
1342 G. Halimi, « Féminisme », Cités 2002, n° 9, p. 49.
1343 A. M. JAGGER, Féministe politics and Human Nature, Rowman & Littlefield Publisher, Totowa, 1983, p.5.
1344N. Castagnez, et C. Legoy. « Hubertine Auclert et la naissance du suffragisme », Parlement[s], Revue
d'histoire politique, vol. 22, no. 3, 2014, pp. 153-160.
1345 Voy. M. Crès, Des féminismes, en veux-tu, en voilà, Réfractions, n° 24, 2010.
352




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renvoie à une différence biologique. La notion de genre renvoie aux rôles sociaux1346. Ainsi,
«distinguer les deux doit permettre de sérier les hypothèses où il faut bien tenir compte du sexe
des individus, par exemple pour accorder des congés de maternité aux femmes qui accouchent,
et les cas où des représentations sociales attribuent aux hommes et aux femmes des rôles
différenciés de manière arbitraire. La question de la parité en politique est donc une question
de genre, et non pas de sexe»1347. À cet égard, on parlera également de violence de genre. En
outre, contrairement à la France, on constate une influence très relative du féminisme en Tunisie
pour ne pas dire inexistante (Section 1). Toutefois l’influence du féminisme est déterminante
en France (Section 2).
Section 1 : L’absence d’influence du féminisme en Tunisie
413. Qu’est-ce que le féminisme islamique? S’il n’existait pas de « féminisme tunisien»,
il existait tout de même un «
féminisme islamique ». Aujourd’hui à la lecture de ces deux mots,
on ne peut que se demander si l’un peut exister avec l’autre. En effets, ces deux mots paraissent
antonymes. Et pourtant, c’est sous cette déclinaison que la première forme de féminisme
apparut dans certains pays dont la religion est l’Islam. Il émergea au cours des années 1990
dans un premier temps en Iran «où sont apparues les premières contestations féministes
islamiques et les premières interprétations féministes des textes religieux
»1348. Le concept
serait apparu dans le journal féminin iranien «
Zanan»1349 de Téhéran, fondé en 1992 par Shahla
Sherkat
1350. Dans un deuxième temps, le «féminisme islamique» fit son apparition en Arabie
Saoudite. Les jeunes femmes s’appuyèrent sur la ségrégation de genre afin de développer des
espaces d’autonomie à partir desquels elles s’approprièrent le discours religieux officiel pour
justifier des comportements sociaux qui seraient contraires aux «coutumes et traditions»1351.
Pendant longtemps, les femmes étaient exclues des espaces religieux1352. Le concept utilisé par
1346 Voy. J. Bisilliat et C. Verschuur (dir), Le Genre : un outil nécessaire. Introduction à une problématique,
L’Harmattan 2000, 264 pages.
1347 F. Dekeuwer-Défossez, la question juridique de l’égalité des sexes, observatoire des inégalités, 4 avril 2004.
1348Azadeh Kian-Thiébaut,. « Le féminisme islamique en Iran : nouvelle forme d'assujettissement ou émergence
de sujets agissants ? »,
Critique internationale, vol. 46, no. 1, 2010, pp. 45-66.
1349Ibidem.
1350Shahla Sherkat, Zanân. Le journal de l’autre Iran, Paris, CNRS Éditions, 2009.
1351 Amélie. Le Renard, « « Droits de la femme » et développement personnel : les appropriations du religieux par
les femmes en Arabie Saoudite »,
Critique internationale, vol. 46, no. 1, 2010, pp. 67-86.
1352Eleanor Doumato, Getting God’s Ear : Women, Islam and Healing in Saudi Arabia and the Gulf, New York,
Columbia University Press, 2000.
353





Page 355
Sherkat aurait1353 été utilisé par Mai Yamani, universitaire saoudienne, dans son ouvrage
«Féminism and Islam» publié en 1996. Mais il a aussi été utilisé en Turquie dans le courant
des années 90 dans des recherches universitaires
1354 par la militante Shamina Shaikh. Enfin, le
Maroc se réappropria ces exégèses savantes pour promouvoir un «islam modéré»1355.
414. En outre, le féminisme islamique consiste à défendre les droits des femmes ainsi que
l’égalité homme-femme et la justice sociale en s’appuyant principalement sur des arguments
islamiques. Autrement dit, « La notion centrale du féminisme islamique, c’est l’égalité absolue
(al-musawa) entre tous les êtres humains (insan) comme principe religieux. L’égalité des
genres est le principe de base ; c’est également la condition sine qua non de la justice sociale,
autre priorité du mouvement. Cette égalité entre les êtres humains doit se réaliser dans la pensée
et dans l’action, et dans le continuum qui va de l’espace public à la sphère privée »1356. Selon
Margot Badran, « le féminisme islamique est au cœur d’une transformation qui cherche à se
faire jour à l’intérieur de l’islam. Transformation et non réforme, car il ne s’agit pas d’amender
les idées et coutumes patriarcales qui s’y sont infiltrées, mais d’aller chercher dans les
profondeurs du Coran son message d’égalité des genres et de justice sociale, de ramener ce
message à la lumière de la conscience et de l’expression et d’y conformer, par un
bouleversement radical, ce qu’on nous a si longtemps fait prendre pour de l’islam »1357. Ainsi,
la première étape de la mutation du droit classique musulman passa par cette transformation
profonde de la société avec une recherche profonde de l’égalité homme-femme au sein du
message religieux. Cette transformation impliqua le croisement de ce courant de pensée du
féminisme avec d’autres approches. En 1991 Amina Wadud, une théologienne afro-américaine
combina le féminisme islamique avec de nouveaux outils tels que ceux issus des sciences
sociales et des arguments juridiques issus de la pensée laïque. L’objectif était de transcender la
bipolarité entre le religieux et la laïcité. Les pionniers qui firent émerger une conception laïque
du féminisme furent les Égyptiens. Ces derniers s’inscrivaient à la fois dans le courant
islamique réformiste et dans le nationalisme laïque. Ce féminisme s’appuyait également sur des
arguments religieux afin de fonder les droits des femmes à accéder à l’éducation, au travail et
1353 Margot Badran, « Féminisme islamique : Qu’est-ce à dire », Al Ahram Weekly, Le Caire, janvier 2002.
1354Nilüfer Göle, Musulmanes et modernes : voile et civilisation en Turquie, Paris, La Découverte/Poche (1993)
2003, et « Islamisme et féminisme en Turquie »,
Confluences Méditerranée, 27, automne 1998, p. 87-93.
1355Souad. Eddouada, Renata Pepicelli. « Maroc : vers un « féminisme
internationale, vol. 46, no. 1, 2010, pp. 87-100.
1356 Margot. Badran, « Où en est le féminisme islamique ? », Critique internationale, vol. 46, no. 1, 2010, pp. 25-
44.
1357 Ibidem.
islamique d'État » », Critique
354




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aux droits politiques. C’est de cette évolution qu’est issue la structuration du féminisme
tunisien, ou du moins la conception du premier président de la Tunisie indépendante Habib
Bourguiba en 1956, même si des intellectuels se sont intéressés avant lui à la question du
féminisme islamique1358. Progressivement, le président Bourguiba va se détacher de ces assises
religieuses, car il estimait qu’elles étaient incompatibles avec la modernité. Il rejette le retour à
un Islam politique et prône la laïcité c’est-à-dire la sécularisation comme étant le moyen de
séparation du politique et du religieux. En ce sens, il rejoint la pensée de Fouad Zakariya qui
pensait que la sécularisation était « un idéal universel qui s’impose à toute société menacée par
la pensée autoritaire médiévale». Ainsi, la séparation entre le pouvoir temporel et spirituel est
«une nécessité historique». Le 18 mars 1974, il prononça une phrase marquante en ouverture
d’un colloque international portant sur « L’identité culturelle et la conscience nationale»1359. Il
déclara « Nous devons prendre l’initiative de faire évoluer les dispositions édictées par la Charia
en fonction de l’évolution de la société »1360. Il défendit l’idée de faire prévaloir l’intérêt de
l’État sur l’exercice du culte
. Il mit un terme au port du voile des femmes1361. Une succession
d’actions qui fit de Bourguiba un fervent défenseur des droits des femmes et de la laïcité. Le
modèle français l’a certainement influencé puisque par ces actions assumées il défendit l’Islam
des Lumières1362. C’est sous cette influence égyptienne et française que s’est posée la base du
féminisme tunisien.
415. Comme nous l’avons déjà expliqué, le féminisme en Tunisie n’a pas joué un rôle majeur
dans la conquête des droits des femmes. Ce sont les hommes qui ont joué le rôle de féministe
en Tunisie. Ce rôle est initialement joué par Tahar Hadad qui inspiré de la philosophie des
lumières développa la problématique de l’émancipation des femmes. C’est sur cette base que
par la suite, Le Président Bourguiba a également incarné le féminisme. En effet, tout en ne
rejetant pas l’héritage islamique de la Tunisie, il reprit le travail de Tahar Hadad qui consistait
à appliquer les notions modernistes des droits de l’homme lorsqu’elles étaient conformes à
l’islam. C’est donc finalement le législateur lui-même qui a véritablement influencé le droit des
femmes en Tunisie. Souad Chater
1363, fit état du fait que l’attribution de nouveaux droits aux
1358 Iqbal al-Gharbi, « Citoyenneté et islam féministe », université Zaytouna, Tunis.
1359Colloque international organisé par le Centre d’études et de recherches économiques et sociales.
1360Hamadi Redissi, Quand Bourguiba exaltait l'islam des Lumières, historia Mensuel n°841, Janv 2017.
L’intégralité du discours, de la fatwa et l'histoire de ces deux textes sont à retrouver sur le site internet d’Historia
[https://www.historia.fr/quand-bourguiba-exaltait-lislam-des-lumières].
1361https://www.youtube.com/watch?v=GHhHYSuBkns.
1362 Voy. l’anthropologue Malek Chebel et le philosophe Abdennour Pierre Bidar..
1363 Ref sur cette page
355




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femmes tunisiennes n’est pas due au courant féministe. Elle explique que la faible éducation
des filles tunisiennes était un obstacle à leur participation active dans la lutte pour leurs droits.
L’auteure constate que l’absence de vie professionnelle était également un obstacle à leur
indépendance financière, et donc à leur capacité de mener une lutte pour leurs droits. Ainsi,
Chater conclut que l’émancipation de la femme n’était pas due à son rôle actif ou à lobbying
intense des femmes auprès du législateur. Ce n’est que de manière très récente que les femmes
se sont saisies de la problématique de l’inégalité entre les sexes. Notamment, dans les années
80 lors de la menace islamiste. La Tunisie est souvent mise en avant en raison de l’adoption du
Code du Statut Personnel (CSP), qui est un code très favorable aux femmes. Son adoption a pu
laisser croire que les femmes, et le mouvement féministe par ricochet, furent impliquées. Or,
ce n’était pas le cas.
416. Pourtant, en Tunisie on retrouve dès les années 1920 des traces d’influences féministes
extérieurs qui vont venir octroyer le droit à l’éducation des tunisienne. Il faut attendre les années
mille neuf cent vingt pour voir émerger un mouvement international des femmes. Ce
mouvement féministe arabe est égyptien et il est mené par Huda Shaarawi1364. En 1923, est
créée l'Union féministe égyptienne, une association qui lutte pour l'émancipation des femmes
et qui a permis pour la première fois d'entrer en relation avec le mouvement international des
femmes. Dans un témoignage1365 de B'chira Ben Mrad elle explique qu'au cours de l'année 1937
l'U.N.F.T a été créée avec le soutien et l'accord de certains membres «distouriens» telle que
Jallouli Farès et Rachid Driss. Cette union féminine milite pour l'obtention du droit de vote des
femmes et soutient le ralliement de la cause des femmes au partie indépendantiste «distourien»
mené par Habib Bourguiba. Les femmes soutiennent pleinement l'indépendance et veulent
participer concrètement à l’élection du président de la Tunisie indépendante. L'association
U.N.F.T se propose « d'éduquer la jeune fille dans le cadre des traditions musulmanes et
l'orienter vers l'instruction, vulgariser la culture musulmane et arabe dans le milieu
féminin »1366.
417.
Il subsiste dans toutes les organisations féministes une volonté express de continuer à
respecter l'identité et les fondements de la société tunisienne. Ce qui explique cette référence
explicite au respect des traditions musulmanes et de la culture arabe. De plus, cette référence
1364 1879-1947.
1365 Noura Borsali, Tunisie : le défi égalitaire, Écrits féministes, Édition Arabesques, 2012, p. 114.
1366 Ibidem.
356





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au respect de la culture arabe, découle du rejet de toutes références au passé beylical de la
Tunisie par l'élite de l'époque1367.
418. La période coloniale du Maghreb a contribué à un changement du statut sociologique
des femmes dans la société nord-africaine. Le premier changement s'opère dans le domaine de
l’éducation. C’est en 1900 qu’est créé « l’école des jeunes filles musulmanes de la rue de
Pacha»1368. Il s'agissait d'éduquer les jeunes filles issues de grandes familles pour la plupart
tunisoises
1369. Cette volonté d'offrir un enseignement aux jeunes filles s'inscrit dans la continuité
d'une tradition culturelle et religieuse. Ce processus de continuité du respect culturel semble se
rapprocher d'une démarche similaire à celle de l’Égypte. La volonté de continuité et de respect
de la tradition arabo-musulmane est à l'époque une démarche tolérée par la population. Cette
dernière était assez méfiante vis-à-vis de l'éducation des jeunes filles sous le protectorat
français. La prise en compte de ces spécificités locales ont été le gage d'une stabilité sociale ce
qui a permis l'ancrage dans la culture locale de la possibilité d'éduquer les filles. Par la suite,
les femmes vont être éduquées dans le but de soutenir la vie politique essentiellement composée
par des hommes. Les associations ont élargi leur objectif par la mobilisation des femmes au
mouvement national1370 et, de manière générale, au panarabisme qui croît dans la région1371.
1367 Une gouvernance beylicale assurée par des perses qui ont adapté leur culture ottomane avec la culture berbère
des autochtones. Désormais, le président Bourguiba s'implique dans le nationalisme arabe et il rappelle
l'attachement de l’État à la culture arabo-musulmane.
1368 Elle est fondée par une française, Louise Renée Millet épouse de l'ambassadeur de France et ancien résident
général de France en Tunisie. L'ouverture de cette école exprime une volonté de la France d'instaurer l'éducation
des femmes tunisiennes. Cf sur le sujet la monographie historique de l'Association des anciennes Élèves du lycée
de la rue de Pacha, «
Dar el Bacha, Reflet d'un siècle 1900-2000 », J. Bahri Binous, A.bornaz, J. Chaouch Sellami,
N. Kbir Arigui
( dir.), Édition Caractère, 2000.
1369 Au départ, l'éducation des femmes est réservée à une caste sociale c'est à dire aux enfants des élites. Il en est
de même pour les jeunes garçons. Cette école a pour objectif d'éduquer les potentielles épouses des futurs hommes
cadre de la société. Dans cette école sont dispensés des cours élémentaires de français mais aussi des cours d'arabes,
de couture et d'hygiène.
1370 Dans ce mouvement nationaliste, on compte notamment l'Union Nationale des Femmes en Tunisie. Ce
mouvement est né en janvier 1956 avec l'appui du néo-Destour. Le but de cette organisation était « une union de
défense des droits civiques et sociaux de la femme » (Le texte de la Charte de l'UNFT, p. 4). Cette organisation a
effectué son premier congrès à Tunis du 7 au 9 avril 1958 et a été inaugurée par le Président Bourguiba (Cf.
L'action, 17 oct 1964, p. 4. Elle était présidée par Radhia Haddad. Il faudra attendre l'année 1960 pour que le
Président Bourguiba déclare lors du Deuxième congrès, que « ses sections sont autant de cellules féminines du
parti »). Enfin, c'est la charte adoptée par l'UNFT en 1962 qui va définir la structure comme étant « une organisation
nationale qui œuvre pour l'évolution de la femme et le développement de son sens civique et qui travaille en
relation avec toutes les organisations nationales sous l'égide du parti du néo-Destour et de son président, le
Combattant suprême Habib Bourguiba, libérateur de la patrie et de la femme ». Le texte de la Charte de l'UNFT,
p. 4.
1371 C'est pourquoi de nombreuses actions vont être menées notamment avec l'organisation : « la journée de la
Palestine » ou encore « la journée du savoir ». Idem, p. 115.
357





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Section 2 : L’influence déterminante du féminisme en France
419. Un apport important en droit privé : l’exemple du divorce. Quoi qu’il en soit, le
mouvement féministe a permis en France certaines évolutions en faveur du principe d’égalité.
Ce principe d’égalité a été intégré dans diverses branches du droit, notamment en droit privé.
Des réformes ont eu lieu en matière familiale et successorale. À titre d’exemple, on peut citer
la loi du 20 septembre 1792 qui autorisa le divorce par consentement mutuel
1372. Ce dernier
était prononcé au moyen d’une procédure simple, sans juge. Cependant, à partir de 1804 les
conditions qui autorisent le divorce par consentement mutuel deviennent progressivement
restrictives.1373 Ainsi, la royauté, de retour au pouvoir, voulut «rendre au mariage toute sa
dignité dans l’intérêt de la religion, des mœurs, de la monarchie et de la famille ». En ce sens,
la loi transposa en séparation de corps toutes les instances en divorce pendantes devant les
tribunaux. Elle arrêta tous les actes réalisés afin d’accéder au divorce par consentement mutuel.
Flora Tristan1374, l’une des figures des féministes, s’appropria cette cause et fit du droit au
divorce le point central de la lutte féministe en tant que condition à l’émancipation des femmes.
En 1848, l’instauration du nouveau régime politique après le renversement de la monarchie de
juillet suscita de grands espoirs pour les femmes et le droit du divorce. Ce dernier était réclamé
par les femmes. Selon le dossier d’archives constitué par les services du ministre de la
Justice1375, des 53 lettres datées de l’année 1848, 20 furent écrites par des femmes1376. Dans
l’une de ces lettres, l’une d’elles compara le sort des femmes à celui des esclaves alors même
que celui-ci fut aboli dans les colonies françaises le 27 février 1848. Ainsi, elle écrivit : «Vous
venez d’abolir l’esclavage parmi les nègres, mais il y a aussi un esclavage non moins digne de
1372 Voy. V. Poure, « La convention de divorce par consentement mutuel : un contrat à part, mais un contrat tout
de même »,
Droit de la famille 2018, n° 3, étude 5. Voy. aussi J. Thierry, « Le maire, juge du divorce : c’est
Montesquieu qu’on assassine
», D. 1998, p. 166 ; V. Demars-Sion, « Libéralisation du divorce, l'apport véritable
de la loi du 11 juill. 1975 à la lumière de celle du 20 sept. 1792 »
, RTD civ. 1980, p. 231.
1373 En effet, le Code civil de 1804 restreignit la possibilité de divorcer au seul motif de la faute des époux. Sous
la Restauration, la loi Bonald du 8 mai 1816 abolit ce droit, «
 sous l’empire de préoccupations exclusivement
religieuses et dont, selon elle, la destruction, à cette époque, a mutilé l’institution du mariage civil telle qu’elle
avait été fondée en 1803» Chambre des députés session ordinaire de 1881, séance du lundi 7 février 1881
disponible sur [https://gallica.bnf.fr].
1374 Flora Tristan y Moscoso, née à Paris le 7 avril 1803 et morte à Bordeaux le 14 novembre 1844. Elle fut une
femme de lettres, militante socialiste et féministe française. Elle était également l'une des figures majeures du
débat social dans les années 1840 et participa aux premiers pas de l'internationalisme.
1375Disponible sur [http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/proces-historiques-10411/quand-le-
divorce-etait-interdit-1816-1884-22402.html.]
1376 Lettre 56 en date du 20/03/1848 ; lettre 61, 29/04/1848 la limonadière Gosselin qui " subit le sort affreux d'un
mariage mal assorti ; antipathie, mauvais procédés, affection incompatible, (lui) rendent depuis longtemps
l'existence insupportable " :
358





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votre sollicitude, car il pèse sur des créatures civilisées»1377. Ce ne fut qu’avec la loi Naquet
du 27 juillet 18841378, sous la IIIe République, que ce droit fut rétabli, mais sur le seul fondement
de fautes précises
1379 constitutif d’un manquement aux obligations conjugales et rendant
intolérable le maintien du lien conjugal. Sous la IIIe République, plusieurs lois furent favorables
à l
’émancipation des femmes1380. Sous le régime de Vichy, la loi du 2 avril 1941 interdisait aux
époux mariés depuis moins de trois ans de divorcer. En 1975, la loi du 11 juillet
1381, initiée par
Valery Giscard d’Estaing, constitua un remaniement total de la législation. En ce sens, elle
modifia les conditions du divorce en substituant à un divorce fondé uniquement sur la faute une
pluralité de cas de divorce, notamment le divorce par consentement mutuel. Pour parachever
l’évolution historique vers la liberté de divorcer, le législateur a prévu une loi1382 qui simplifie
les procédures tout en maintenant leur caractère judiciaire et d’apaiser les relations entre les
époux qui font appel au divorce. Pareillement, des évolutions existaient aussi en matière du
droit du travail
1383 qui répondait aux exigences d’une société mouvante. C’est ainsi qu’en 1903,
les femmes purent accéder au barreau ce qui permit à Jeanne CHAUVIN de devenir la première
avocate1384.
420. De la capacité juridique au droit à l’IVG. La conception de l’émancipation de la
femme a fait l’objet de nombreuses appréciations. Elle recoupe toute une série de droits qui vise
à affranchir la femme d’une autorité paternelle ou maritale. Celle-ci ne fut possible qu’avec
l’acquisition de la pleine capacité juridique. La femme était considérée avant cela comme une
éternelle mineure. Elle ne pouvait pas obtenir cette capacité au moyen du mariage. Seul le
veuvage lui permettait de disposer librement de ses biens. Ainsi, beaucoup de temps s’est écoulé
avant que la femme ne soit considérée comme une interlocutrice égale à l’homme.
1377 Lettre 59, 25/04/1848, transcription disponible surhttp://www.justice.gouv.fr/art_pix/lettre_65.pdf
1378 Loi parue au Bulletin des lois de la République française, fichier pdf, source : gallica.bnf.fr.
1379 Il s’agit des cas suivants : adultère, condamnation à une peine afflictive et infamante, sévices et injures graves.
1380 On peut citer, la loi de 1886 sur la procédure de divorce; la loi de 1893 qui conféra à la femme séparée de
corps, pleine capacité
; la loi du 15 décembre 1904 qui abrogea l’article 298 du Code civil qui interdisait le mariage
avec le complice adultère
; la loi du 6 juin 1908 qui rendit obligatoire pour le juge la demande de conversion de
séparat
ion de corps en divorce présentée par l’un des époux trois ans après le jugement.
1381Loin° 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce.
1382Loi n° 2004-439 du 26 mai 2004relative au divorce, entrée en vigueur 1er janvier 2005, JOFR du27 mai. 2004.
Sur cette loi : voy. not. F. Bellivier, « Réforme du divorce »,
RTD civ. 2004, p. 565.
1383 Voy. sur la question les changements sociaux potentiels induits par l’accès des femmes au marché du travail,
R. Marguerite (dir.), Genre et changement social en Afrique, éditions des archives contemporaines/agence
universitaire de la francophonie, 2010, 122 pages.
1384Loi du 1 décembre 1900.
359





Page 361
421. Certes, lorsqu’elles furent pleinement capables juridiquement, sur le fondement de
l’égalité des sexes, les courants féministes revendiquèrent la liberté de disposer de leu
r corps et
le droit de choisir le moment où elles souhaitent endosser le rôle de mère. Elles voulaient
pouvoir contrôler leur corps et ne pas subir une situation dans laquelle elles seraient dans
l’obligation d’assumer une responsabilité maternelle qu’elles ne désiraient pas. Pour atteindre
cet objectif, les femmes ont dû se réapproprier leur intégrité physique. Les problématiques du
respect de l’intégrité physique et de la maternité choisie peuvent être rattachées à la notion de
droits reproductifs1385. Cette émancipation féminine se retrouve dans le droit de disposer
librement de son corps, mais aussi par la libération sexuelle qui a été possible grâce à la loi
Neuwirth qui autorise la contraception en 19671386. Par la suite, la loi Veil de 1975 1387 autorisa
l’IVG pour une période probatoire de 5 ans. En 1979, une nouvelle loi sur l’IVG rend définitives
les dispositions de la loi de 1975. En 1982, la sécurité sociale remboursait l’IVG. En 2001, le
délai légal au recours à l’IVG passe de 10 à 12 semaines. L’obtention du droit à l’avortement
est une victoire pour les féministes. L’IVG est un exemple qui illustre véritablement l’influence
déterminante du féminisme dans l’évolution législative. Plus précisément, sur la réelle mutation
du droit. Le Code pénal de 1810 mettait en place pour la première fois le crime d’avortement.
Aussi, les femmes qui avaient volontairement interrompu leur grossesse encouraient
l’emprisonnement. Les personnes qui contribuaient à la démarche étaient punissables de la
même peine. Les pharmaciens et les médecins qui aidaient à l’avortement étaient passibles de
travaux forcés. En 1947, Simone de Beauvoir, publia un ouvrage dans lequel elle écrivit «on
ne naît pas femme : on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit
la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine»1388. Par cette citation, elle estimait
que l’inégalité des sexes se construit idéologiquement et historiquement. Conséquemment, elles
doivent se réapproprier leur destin. Celui-ci doit être repris en tant qu’homme comme les autres
et non en tant que femme. Alors, celle-ci ne doit plus être «femme », c’est-à-dire le sexe
inférieur, l’Autre, mais un homme. En ce sens, elles doivent s’extirper de l’immanence, principe
philosophique selon lequel la finalité de l’être humain est contenue dans sa nature même, qui
1385 Voy.L. Marguet, « Les lois sur l’avortement (1975-2013) : une autonomie procréative en trompe-l’œil ? », La
Revue des droits de l’homme 2014, n°5, p. 1.
1386 Cette loi Neuwirth a cristallisé les tensions. On se souvient que le Conseil d’Etat a dû intervenir s’agissant de
son application dans les collèges et les lycées. Voy. CE, 30 juin 2000, n° 216130, Association Choisir la vie.
D’aucuns accusèrent le Conseil d’Etat d’être le gardien de la moralité publique. Voy. M. Canedo, « Le Conseil
d’Etat gardien de la moralité publique ? », RFDA 2000, p. 1282.
1387 Loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse, JORF, 16. Janv. 1975. Voy.
également V. Egéa,
Droit de la famille, LexisNexis, 2020, 714 pages ; P. Malaurie, L. Aynès, Droit de la famille,
LGDJ, 2018, 876 pages ; D. Fenouillet, Droit de la famille, Dalloz, 2019, 636 pages ; P. Murat, S. Bernigaud, H.
Bosse-Platière, Droit de la famille, Dalloz, 2019, 2400 pages.
1388 S. De Beauvoir, Le Deuxième Sexe, t.1, Gallimard, 1986, 416 pages.
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est donc contre la transcendance1389. Autrement dit, la femme doit pouvoir se construire comme
Autre de l’homme, sans avoir à subir l’oppression de ce dernier. De cette manière, les
différences biologiques, notamment la grossesse, contribuent à la différence entre les deux
sexes. Toutefois, cette dernière ne peut fonder la hiérarchie entre la femme et l’homme. Cette
réflexion n’a pas justifié l’adoption par l’Assemblée de la loi Neuwirth en 1967. C’est la
régulation de la fécondité qui a justifié cette loi, à savoir la volonté de maîtriser le nombre de
naissances par la femme. Le droit de disposer de leur corps fut reconnu progressivement. Il
s’inscrivait dans un mouvement international : International Planned Parenthoof Federation
qui fut créé en 1952. Ce mouvement a permis la commercialisation de la pilule contraceptive
en Allemagne fédérale en 1956, puis la vente de contraceptifs en 1960 aux États-Unis. En
France, le mouvement en faveur de l’élaboration et de la diffusion de moyens de contraception
moderne débuta à la fin des années cinquante. En effet, en 1956, Marie-Andrée Lagroua Weill-
Hallé, des gynécologues et des militants, dont Évelyne Sullerot, créèrent le mouvement pour
une «Maternité heureuse». En 1960, il devint le Mouvement français pour le planning familial
(MFPF). La principale justification n’est plus essentiellement la maîtrise de la fécondité. Les
féministes considèrent que la contraception est un moyen de libération des femmes. En effet,
les premiers centres du Planning familial furent ouverts clandestinement entre 1960 et 1967.
L’association voulait promouvoir, outre le contrôle des naissances, la lutte contre les
avortements clandestins.
422. La dépénalisation de l’avortement, une nouvelle conquête des féministes. La
loi
Neuwirth fut promulguée le 28 décembre 1967. La pilule fut ainsi légalisée et la
contraception autorisée. Les femmes purent enfin s’extirper de l’immanence et accéder à la
transcendance, car elles eurent le choix de la maternité. Mais l’avortement restait toutefois
interdit. L’objectif de limitation des avortements prévu par l’ouverture du droit à la
contraception ne fut pas atteint. En effet, plus de 300000 femmes continuèrent à avorter
clandestinement chaque année
1390. Autrement dit, certaines se rendirent dans les pays frontaliers
qui autorisaient l’avortement, d’autres devaient avorter clandestinement. Elles s’exposèrent
toutes à des poursuites pénales. Relativement à cette situation, des femmes décidèrent de réagir.
En 1971, Simone de Beauvoir rédigea le manifeste des 343 salopes1391. Ce manifeste avait pour
objet de demander la dépénalisation de l’avortement. Il fut notamment signé par Catherine
1389 En philosophie, caractère de ce qui se situe hors d’atteinte de l’expérience et de la pensée humaines.
1390 http://www2.assemblee-nationale.fr
1391« Manifeste des 343 salopes », Nouvel Observateur n°334 du 5 avril 1971.
361




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Deneuve, Gisèle Halimi et Jeanne Moreau. Cette dernière fonda avec Gisèle Halimi le
mouvement féministe «choisir la cause des femmes» qui fut déterminant pour la dépénalisation
de l’avortement. Ce mouvement défila avec le MLF pour défendre le féminisme en tant que
conception universaliste de l’humanité. Son engagement se concrétisa lors du procès de
Bobigny. Elle s’impliqua en faveur de l’avortement. Le procès Bobigny1392 impliquait, en
l’espèce, une jeune fille de 16 ans qui a avorté avec l’aide de sa mère et trois femmes après un
viol. Elle fut poursuivie. Défendue par l’avocate Gisèle HALIMI, cette dernière fut
acquittée
1393. Sous cette pression médiatique et la revendication du droit à l’avortement qui fut
portée par la société civile, le Président de la République annonça qu’aucune poursuite ne serait
engagée pour avortement jusqu’au vote d’une loi l’autorisant1394. En effet, la loi d’amnistie du
10 juillet 1974 visait de manière explicite les faits d’avortement. La multiplication des
mouvements militants à la fin des années 1960 poussa le législateur à adopter le 17 janvier
1975, après des débats agités, la loi Veil. Cette loi permit la légalisation de l’avortement, ainsi
que son encadrement. Le législateur opéra un grand changement en permettant au médecin à la
demande de la femme enceinte d’effectuer une interruption de grossesse. Pour rendre effectif
ce droit, le législateur a aussi prévu le délit d’entrave par la loi Neiertz de 19931395. Dès lors, le
fait d’empêcher une IVG, en perturbant l’accès aux établissements de santé ou en menaçant les
femmes qui souhaitent avorter ou le personnel médical1396, est passible de deux ans de prison
et 30000 euros d’amende. Cette loi a renforcé le caractère coercitif de la pratique de
l’avortement en aggravant les peines encourues pour entrave à une IVG. La disposition est
scellée aujourd’hui à l’article L. 2223-2 du code de la santé. La loi Roudy a complété le droit à
l’IVG en prévoyant également son remboursement par la sécurité sociale. Le législateur a par
ailleurs inséré au code de l’éducation un article qui prévoit une information et une éducation à
la santé et à la sexualité
1397.
1392 Sur le procès de Bobigny, voy. not. E. Pierrat, Les grands procès de l’histoire – De l’affaire Troppmann au
procès d’Outreau
, Editions de la Martinière, 2015, p. 122 et s.
1393 Les autres accusées ne furent condamnées qu’à des peines avec sursis. Ce procès eut un impact important
auprès de l’opinion publique. En effet, ce fait divers fut transformé en procès politique par Gisèle Halimi. De fait,
les juges ne pouvaient plus appliquer à l’ensemble des femmes ayant avorté les sanctions pénales en vigueur.
Ainsi, aucun signataire des manifestes «des 343» et «des 331» ne furent poursuivis.
1394 Valéry Giscard d’Estaing l’annonça lors d’une conférence de presse du 25 juillet 1974.
1395 Loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, JORF, 23 Janv. 1993.
Pour une présentation du dispositif : voy. O. Dhavernas, « Entrave à l’interruption volontaire de Grossesse », RSC
1997, p. 821.
1396 Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001, art.17.
1397Ibid., art. 22.
362




Page 364
423. La protection des femmes dans la société contemporaine. Le mouvement féministe
a continué à porter de nouvelles revendications qui se sont traduites par l’adoption de lois
protectrices des femmes. Il fallait effectivement intégrer le rôle plus actif des femmes,
notamment dans le monde du travail. Le droit a surtout arrêté d’être indifférent à la condition
de la femme et est devenu de plus en plus répressif lorsqu’il s’est agi de garantir son intégri
physique. Aussi, loi du 4 avril 2006
1398, vise notamment à prévenir les mariages forcés et à
mieux réprimer les mutilations sexuelles. Elle améliore aussi la répression des violences faites
aux femmes. Une loi du 9 juillet 20101399 est venue renforcer cette répression. En ce sens, le
législateur a pris un nombre important de mesures. La loi allonge les délais de prescription en
cas de viol et d’agression sexuelle. En matière de harcèlement ou d’agression sexuelle, la même
loi modifie le délai de prescription. Il est désormais de 6 ans, à compter du jour où le délit a été
1398 Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou
commises contre les mineurs,
JORF, 5 avril 2006, p 5097. Voy. sur le sujet. A. BOURRAT-GUEGUEN, « Analyse
de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou
commises contre les mineurs »,
Revue juridique de l’Ouest, 2006, pp. 429-447. M. REBOURG, Prévention et
répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, à propos de la loi n° 2006-399 du 4
avril 2006, aperçu rapide, JCP 2006, Act. 173 ; M. BRUSORIO, Loi renforçant la prévention et la répression des
violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, RJPF juin 2006, p. 6 ; F. Laborde au nom de la
délégation aux droits des femmes,
Violences au sein des couples, Sénat, Rapport d’information n° 553, 10 juin
2010 ; S. MEKBOUL. « Le mariage forcé : réponses du droit et enjeux juridiques. Législation française et
européenne »,
Migrations Société 2008, pp. 83-98. E. RUDE-ANTOINE. « Mariage forcé, violence physique,
violence morale..., une réflexion à partir de jugements de nullité de mariage »,
Cliniques méditerranéennes, 2013,
pp. 45-58. E. RUDE-ANTOINE, « La réponse du droit », ,
Mariage libre, mariage forcé ?sous la direction
de Rude-Antoine Edwige. Presses Universitaires de France, 2011, pp. 181-212. Le cas des femmes étrangères
conf. L. BROCARD, et L. HAOUA, « Quand les politiques « protègent » les femmes »,
Plein droit, 2006, pp. 23-
26.
1399 Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au
sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, Journal officiel du 16 janvier 1975
. Mestrot
Michèle. La protection civile des victimes de violences dans la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux
violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières
sur les enfants »,
Revue juridique de l'Ouest, 2011-2. pp. 165-194 ; I. CORPAT, « Intensification de la lutte contre
les violences conjugales », commentaire de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, Droit de la famille n° 1 1,
Novembre 2010, étude 28 ; M.-.B. MAIZI, M. CHOPIN, « La loi du 9 juillet 2010 et l'ordonnance de protection :
une réponse adaptée a ta violences intra familiales ? », AJ Famille 2010 p. 514 ; M. DOUCHY-OUDOT, « Quelle
protection contre les violences au sein des couples ? », Revue Procédures n° 12, Décembre 2010, étude 9. Aperçu
rapide par A. BOURRAT-GUEGUEN, «Vers l'instauration d'un dispositif efficace de lutte contre les violences au
sein du couple ? »,
JCP G, 26 Juillet 2010, 805 ; V. AVENA-ROBARDET, « Lutter efficacement contre les
violences conjugales »,
AJ Famille 2010, p. 298 ; J. Casey, « Présentation rapide de la loi du 9 juillet 2010 relative
aux violences faites spécifiquement aux femmes et aux violences au sein des couples »,
Gaz. Pal., 11 septembre
2010, p. 5 ; M. MESTROT et J. MARROCHELLA, « Violences conjugales : vers un droit spécifique ? » :
blog.dalloz.fr, 13 juillet 2010 ; J. CASEY, É. MULON, « Loi du 9 juillet 2010 et décret du 29 septembre 2010 sur
les violences conjugales : aspects de droit civil et de droit pénal », Gazette du Palais, 11 novembre 2010, p. 6 ;
«
L'ordonnance de protection. Loi n˚ 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux
femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants », Karen Sadlier
éd.,
Violences conjugales : un défi pour la parentalité. Dunod, 2015, pp. 145-148 ; « Textes juridiques de
référence », Karen Sadlier éd.,
Violences conjugales : un défi pour la parentalité. Dunod, 2015, pp. 154-156 ; L.
HINCKER, « Violences conjugales et harcèlement moral en France et en Europe », Roland Coutanceau
éd.,
Violences conjugales et famille. Dunod, 2016, pp. 23-32 ; M.-E. URIBURU. « Quelques éléments pour
« briser le silence » des violences conjugales », Cliniques méditerranéennes, 2013, pp. 59-68 ; Z. MANSEUR.
« Entre projet de départ et soumission : la souffrance de la femme battue », Pensée plurielle 2004, pp. 103-118.
363



Page 365
commis. En cas de viol sur des personnes majeures, le délai de prescription est de 20 ans1400.
Récemment, le législateur s’est attaqué aux violences sexistes, et notamment aux harcèlements
de rue. La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a
introduit dans le Code pénal un article 621-1 qui punit d’une amende l’outrage sexiste1401. Sera
susceptible de contravention «tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste
qui soit porte atteinte à sa dignité en raison du caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son
encontre une situation intimidante ou offensante
»1402. Notons que ce texte manque de clarté
quant à la définition de l’infraction. Chaque femme ne se sent pas offensée ou humiliée par les
mêmes propos ou par les mêmes attitudes. À cet égard, une QPC pourrait être transmise au
Conseil constitutionnel au motif que le texte porte atteinte aux principes de clarté et de lisibilité
de la loi. Actuellement, il n’y a pas eu d’introduction de QPC en la matière, mais le Conseil
constitutionnel a déjà eu l’occasion de censurer sur ce dernier fondement la définition du
harcèlement sexuel, car il estimait que cette dernière n’était pa
s suffisamment précise1403. Le
1400Loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale. S’agissant du cas du
viol sur des personnes mineures, le délai de prescription est désormais de 30 ans conformément au nouvel article
7 du code de procédure pénale.
1401 Sur le sujet, voy. not. P.-J. DELAGE, « Outrage sexiste : les décevantes réponses du législateur à un réel enjeu
de société. La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 »,
JCP G 2018, n° 38, aperçu rapide 947.
1402 En plus de la contravention, une peine complémentaire pourrait être prononcée. La personne en contravention
pourrait être obligé d’accomplir à ses frais un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre
les femmes et les hommes. Le législateur n’a pas entendu le Conseil d’Etat qui doutait de la nécessité et du contenu
du stage. Voy. CE, 15 mars 2018, n° 394437, Avis sur un projet de loi renforçant la lutte contre les violences
sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs.
1403 Cons. const, 4 mai 2012 déc. n° 2012-240, QPC. La Cour de cassation a transmis la présente QPC en retenant
«
qu’elle est sérieuse au regard du principe de légalité des délits et des peines, en ce que la définition du
harcèlement sexuel pourrait être considérée comme insuffisamment claire et précise, dès lors que le législateur
s’est abstenu de définir le ou les actes qui doivent être regardés, au sens de cette qualification, comme constitutifs
du harcèlement sexuel ». Dans sa décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a jugé «
que l’article 222-33 du code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments
constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis ; qu’ainsi, ces dispositions méconnaissent le principe de
légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution » (cons. 5). Ainsi, le Conseil
a déclar
é contraire à la Constitution l’article 222-33 du code pénal (cons. 7). Voy sur le sujet M. Gérard D,
Définition du délit de harcèlement sexuel, Commentaire, Conseil Constitutionnel, disponible sur
[https://www.conseil-
constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/2012240qpc/ccc_240qpc.pdf] ; Conf
la
décision de 2012, O. Bachelet, « Inconstitutionnalité, pour défaut de précision, du délit de harcèlement sexuel
», Lettre Actualités Droits-Libertés du CREDOF, 9 mai 2012, 4 p ; F. Kerebel, « Abolition du délit de harcèlement
sexuel : une décision courageuse », La Gazette du Palais, 24 mai 2012, pp. 9-10 ; R. Parizot, « Exit le délit-
tautologie de harcèlement sexuel », Les Petites Affiches, 24 mai 2012, p. 3-5. Roujou de Boubée, Gabriel, «
Harcèlement sexuel. Valmont doit-il aller en prison ? », Recueil Dalloz, 31 mai 2012, pp. 1344-1345 ; S. Detraz,
« Harcèlement sexuel : justification et portée de l'inconstitutionnalité », Recueil Dalloz, 31 mai 2012, pp. 1372-
1375 ; Ch. Radé, « Abrogation du délit de harcèlement sexuel : quelles conséquences en droit du travail ? », Recueil
Dalloz, 31 mai 2012, pp. 1392 ; A. Lepage, « À propos de l'abrogation de l'article 222-33 du Code pénal », La
Semaine juridique. Édition générale, 4 juin 2012, pp. 1094-1096 ; J.-P. Didier, « L'inéluctable abrogation du délit
de harcèlement sexuel », La Semaine juridique. Administrations et collectivités territoriales, 4 juin 2012, pp. 3-6 ;
V. Roulet, « Harcèlement sexuel : abrogation avec effet immédiat de l'article 222-33 du Code pénal », La Semaine
juridique. Social, 12 juin 2012, pp. 28-30 ; D. Guérin, « Le harcèlement sexuel : une copie à refaire pour le
législateur », Droit pénal, juin 2012, pp. 19-20 ; M. Véron, « Harcèlement sexuel. La création d'un vide juridique
», Droit pénal, juin 2012, pp. 32-33 ; F. Rome, « Harceleurs, le retour ? [Éditorial] », Recueil Dalloz, 10 mai 2012,
sur
364



Page 366
législateur s’est par ailleurs adapté à l’évolution numérique de la société et aux nouvelles
pratiques qui visent à atteindre l’intégrité morale et physique des femmes. Ainsi le législateur
s’est saisi du phénomène « 
revenge porn»1404 en prévoyant à l’article 226-2-1 du Code pénal
une peine de deux ans d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à 60 000 euros. En
effet, est constitutif du «revenge porn» le fait de transmettre ou de diffuser sans le
consentement exprès de la personne, l’image ou la voix de celle-ci, prise dans un lieu public ou
privé, dès lors qu’elle présente un caractère sexuel1405. Le droit s’adapte également à la situation
des femmes issues du milieu de la prostitution1406. En somme, il convient de retenir que
l’influence du féminisme a été déterminante. C’est grâce aux messages et au combat portés par
ce mouvement que le législateur a réagi et a décidé de renforcer la protection des femmes aussi
bien en droit civil que dans d’autres branches du droit1407. En ce sens, nous songeons au divorce
pp. 1177-1179 ; J.-.F. Struillou, « Salarié investi d'un mandat extérieur à l'entreprise une protection désormais
soumise à condition », Revue de jurisprudence sociale, juillet 2012, p. 520-521 ; B. Lapérou-Scheneider, «
L'éclipse du harcèlement sexuel », Droit social, juillet-août 2012, pp. 714-719 ; X. Pin, « Infraction - Principe de
légalité criminelle - Harcèlement sexuel - Imprécision des éléments de l'infraction - Inconstitutionnalité (Oui)
[Chronique Droit pénal général] », Revue pénitentiaire et de droit pénal, avril-juin 2012,pp. 367-373 ; M. Danti-
Juan, « Harcèlement sexuel [Chronique Droit pénal spécial II] », Revue pénitentiaire et de droit pénal, avril-juin
2012, pp. 402-404 ; V. Malabat, « Le harcèlement sexuel n'est plus... Comment redéfinir le harcèlement sexuel ?
», Revue pénitentiaire et de droit pénal, avril-juin 2012, pp. 389-397 ; Y. Mayaud,« Le délit de harcèlement sexuel
: histoire d'une abrogation fatale ! », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, avril-juin 2012, pp.
371-374 ; A. Cerf-Hollender « Imprécis et imprévisible délit de harcèlement sexuel », Revue de science criminelle
et de droit pénal comparé, avril-juin 2012, pp. 380-387 ; E. Dreyer,« Rancoeur et droit pénal ? », La Gazette du
Palais, 27-28 juillet 2012, p. 3 ; J.-.B, Perrier, « Harcèlement sexuel : précisions sur l'abrogation en raison de
l'imprécision », Actualité juridique. Pénal, septembre 2012, pp. 482-484 ; C. Leborgne-Ingelaere, « Harcèlement
: les QPC relatives au harcèlement moral ne verront pas le Conseil constitutionnel ! [Cass. soc., 11 juillet 2012 n°
11-19 971. Inédit ; Cass. crim., 4 septembre 2012, n° 12-80222 Inédit] », La Semaine juridique. Social, 20
novembre 2012, pp. 25-28. L. Leturmy, « Les dispositions nouvelles issues de la loi du 6 août 2012 à la suite de
l'abrogation de l'article 222-33 du Code pénal relatif au délit de harcèlement sexuel [Droit pénal du travail]
», Revue pénitentiaire et de droit pénal, octobre-décembre 2012, pp. 950-954 ; S. Anane, « Inconstitutionnalité du
délit de harcèlement sexuel : "beaucoup de bruit pour rien" ? », Revue française de droit constitutionnel, janvier
2013, pp. 209-212 ; P. Blachèr,« Droit pénal général », Les Petites Affiches, 15 juillet 2013, pp. 12-14.
1404 Cette locution verbale signifie en français « revanche pornographique ». Sur le sujet, voy. par ex. M. Sigot,
« Le revenge porn », Dalloz IP/IT 2018, p. 342 ; A. Lepage, «
L’article 226-2-1 du Code pénal Une nouvelle
strate dans la protection pénale de la vie privée », Dr. pénal 2017, étude 1. Dans son étude, la professeure Lepage
conteste l’expression revenge porn dans la mesure où le texte pénal n’exige aucune volonté de vengeance et ne se
réduit pas à la notion de pornographie.
1405 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.
1406Loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner
les personnes prostituées. «
La loi renforce les moyens d’enquêtes et de poursuite et étend notamment le dispositif
de signalement des contenus illicites sur Internet au cas où il est fait promotion du recours à la traite des êtres
humains et/ou au proxénétisme. Elle crée un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et
professionnelle pour toute personne victime de prostitution, de proxénétisme et d’exploitation sexuelle assorti d’un
fonds spécial au sein du budget de l’Etat.
La loi prévoit la pénalisation de l’achat d’acte sexuel (contravention
de 1500 euros), augmente l’amende à 3750 euros en cas de récidive, punit de 3 ans d’emprisonnement et de 45
000
euros d’amende lorsque la personne prostituée est mineure ou présente une particulière vulnérabilité, apparente
ou connue (handicap ou grossesse par ex), et prévoit la possibilité d’un stage de sensibilisation à la lutte contre
l’achat d’actes sexuels comme peine complémentaire. Les associations peuvent se porter partie civile avec
l’accord des victimes
». Résumé disponible sur le site [http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr].
1407 En matière de droit pénal, avec la question du harcèlement sexuel (Cf. C. Saas, « Vingt ans de jurisprudence
pénale sur le harcèlement sexuel. Réflexions sur le corps et la liberté sexuelle des femmes saisis par le droit
365



Page 367
par consentement mutuel ou au droit à l’avortement, qu’en droit pénal, nous songions ici au
délit d’entrave à l’IVG ou à la récente introduction de la contravention d’outrage sexiste.
pénal », in S. Hennette-Vauchez, M. Pichard et D. Roman (dir.), La loi et le genre, Paris : CNRS éditions, 2016.)
ou les violences faites aux femmes (Cf. C. MacKinnon,
Le Féminisme irréductible. Conférences sur la vie et le
droit
, Paris : Antoinette Fouque, 2005, pp. 17-26 ; E. Herman, Lutter contre les violences conjugales : féminisme,
travail social, politique publique
, Rennes : PUR, 2016 ; P. Delage, Violences conjugales : du combat féministe à
la cause publique
, Paris : Les Presses de Sciences Po, 2017.). Le droit public est également concerné, notamment
avec la question déjà traitée de la parité politique (L. Bereni, «
Quand la mise à l’agenda ravive les mobilisations
féministes. L’espace de la cause des femmes et la parité politique (1997
-2000) », Revue française de science
politique
, 2009, pp. 301-323). On peut également évoquer la question du féminicide (Cf. E. Leray et Elda
Monsalve, « Un crime de féminicide en France ? À propos de l’article 171 de la loi relative à l’égalité et à la
citoyenneté », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits- Libertés, mis en ligne le 10 février
2017, consulté le 18 février 2018).
366






Page 368
CHAPITRE II : DES RAPPORTS CONFLICTUELS
ENTRE SYSTEMES : LA DOUBLE STRUCTURATION
424. Le rapport est dit conflictuel lorsqu’il se traduit par une situation dans laquelle l’ordre
juridique l’ordre juridique tunisien par exemple —, rejette ou peine à intégrer dans ses
structures ou composantes actuelles des dispositions visant au changement, par exemple
toujours : une égalité réelle homme-femme. Cela peut avoir lieu du fait d’une résurgence de
valeurs venues de la religion ou de la société. Dans un autre sens, le conflit restera à l’état de
virtualité, des justifications théoriques auront été données à une diversification des valeurs ou
des principes, celui de l’égalité des sexes, par exemple. Si cette justification réussit, on parlera
d’hybridité du système juridique. Le caractère hybride du système juridique tunisien repose sur
ainsi une double polarisation des rapports intersubjectifs (Section 1). Ce qui a pour effet
d’asseoir le fonctionnement du principe d’égalité des sexes sur des valeurs différentes (Section
2).
Section 1 : Les deux types de polarisation des rapports
intersubjectifs : rejet/intégration
425. La théorie de la structuration formulée par A. Giddens propose, en réaction contre la
tendance dominante (structuralisme et fonctionnalisme), de donner au sujet, acteur social, une
place centrale en unifiant au sein d’un même concept — qu’il appelle structurel et non structure
une partie des déterminants de son action : « J’appelle principes structurels les propriétés
structurelles les plus profondément ancrées, celles qui sont engagées dans la reproduction des
totalités sociétales. J’appelle institutions les pratiques qui ont la plus grande extension spatio-
temporelle dans ces totalités sociétales
»,1408 mais aussi celui des «contraintes structurelles»
comme
1409«deux pôles solidaires d’une même dualité ».
1408 À travers les sociologies interprétatives.
1409 À travers les fonctionnalismes et structuralismes.
367








Page 369
426. Pour cela, GIDDENS va s’intéresser à « l’ensemble des pratiques sociales accomplies
et ordonnées dans l’espace et dans le temps 
»1410. La théorie de la structuration considère
l’histoire comme une série d’images dont la compréhension passe par l’explication du contexte
par un arrêt sur image spatio-temporel de leur existence. Ce travail de contextualisation
concerne l’intégration du principe comme enjeu d’une politique déterminée dans un espace-
temps déterminé. Cette intégration s’est produite progressivement, dont certains éléments
structuraux peuvent expliquer que l’égalité des sexes demeure partielle et incomplète. À cet
égard, Giddens, fais une distinction entre contradiction et conflit. La contradiction n’est
possible qu’entre des principes structurels d’un système social qui n’existe qu’à l’état de
possibilité. Alors que le conflit implique des acteurs concrets qui ont des intérêts divergents. En
conséquence, une contradiction structurelle n’entraîne pas automatiquement conflit et
changement. En effet, pour Giddens, l’État en jouant son rôle de régulateur fait obstacle à
l’aggravation des contradictions et l’altération en conflits sociaux. Les formes juridiques du
principe d’égalité des sexes reflètent en partie les différentes théories de différentes natures,
1411dont le développement, plus tard en un système doctrinal qui exerce aussi leur action sur le
cours des luttes historique dans le domaine. Pour la plupart des situations, ces derniers
déterminent de façon prépondérante la forme et le contenu de l’égalité des sexes. C’est parce
que l’homme est capable du meilleur et du pire et que les êtres humains disposent de polarités
paradoxales que le droit subordonne ses fonctionnalités à la poursuite de finalités qui reposent
sur des valeurs précises et qui ne sont pas nécessairement convergentes entre les différents
systèmes1412. Cette double polarisation apparaît à travers le choix de systèmes de valeurs
divergents. Ces valeurs ont une influence déterminante sur les rapports entre les systèmes
juridiques1413. En effet, le système social est étroitement lié au système de culture et aux
modèles d’action qui s’y trouvent inscrits. L’institutionnalisation de ces modèles confère au
système social une assise relativement stable. Stabilité ne veut pas dire immobilisme,
néanmoins il est possible de les considérer comme dotés d’une stabilité relative. Ils fournissent
un ensemble d’éléments stables qui serviront de grille d’analyse du système social global.
427. De quelle manière ? Parsons distingue plusieurs fonctions permettant l’ajustement,
notamment la fonction dite de stabilité normative. Cette stabilité normative se traduit par la
1410A. GIDDENS. Op. Cit., p. 66.
1411 Il s’agit des théories politiques, juridiques, philosophiques et conceptions religieuses.
1412F. OST, A quoi sert le droit ? Op. Cit ., p. 8.
1413 Notamment avec l’institutionnalisation de valeurs issues du sous-système à travers des principes.
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garantie de certaines valeurs y compris l’égalité des sexes. Cela implique que les membres de
la société connaissent cette valeur et que ces derniers aient la volonté de les accepter [les
valeurs] et d’obéir aux exigences de celles-ci. Toutefois, les valeurs ne sont pas obligatoirement
statiques, mais leur présence permet le maintien et la protection de l’ordre normatif. Les autres
fonctions, beaucoup plus dynamiques et qui vont par ailleurs mettre en difficulté la stabilité
normative, joueront un rôle essentiel dans la protection du principe d’égalité des sexes. En
outre, le système juridique comporte des choix de valeurs et c’est à juste titre que le Professeur
Frison-Roche estime que « le droit n’est pas une technique neutre »1414. Le droit est porteur de
valeurs.
428. Nous sommes ainsi conduits à considérer qu’il existe deux ordres de valeurs, qu’il faut
distinguer : la valeur du droit et la valeur des droits. Le premier ordre de valeur se confond avec
celui de la justice. Le second ordre de valeurs est apparu avec l’émergence des droits subjectifs
dont le caractère fondamental fait d’eux des valeurs du droit qui sont distinctes du droit et de la
justice. Partant, ces valeurs du second ordre devraient être observées «indépendamment de
toute considération de justice
»1415. Aussi, on distinguera des divergences de valeurs tant sur le
plan du droit ( § 1) que celui des droits (§ 2).
§1. Divergences sur les valeurs du droit
429. Cette divergence porte sur les valeurs endogènes aux systèmes juridiques (A), mais aussi
sur les valeurs exogènes (B).
A) Les valeurs endogènes
430. Les valeurs comme structure d’influence de l’action. La polarisation du discours
politique en Tunisie sur la question de l’égalité des sexes est apparue dès l’indépendance. Cette
polarisation s’est construite en réalité entre deux pôles politiques divergents. Ces divergences
remontant au passé continuent d’exister dans le système juridique actuel. Le conflit est né du
fait de certaines prises de position politique sur des concepts clés qui ont marqué la conception
1414M.-.A FRISON-ROCHE, Troisième leçon : le droit et les valeurs, MAFR, 2014, disponible en ligne
[https://mafr.fr/fr/article/troisieme-lecon-le-droit-et-les-valeurs/]
1415 H. FAES, « Sens et valeur des droits de l'homme », Revue d'éthique et de théologie morale », 2011, p. 88
369








Page 371
de l’égalité des sexes en Tunisie et en France. Ce sont des idées-forces qui doivent s’entendre
comme des systèmes de croyances1416. Elles se traduisent par des valeurs et des principes qui
constituent le soubassement de toute la construction politique et juridique, tant sur le plan
interne que sur le plan externe. Il reste que pour comprendre quelles valeurs animent la
Politique, il est nécessaire d’examiner celles-ci en termes d’objectif et de stratégies poursuivis.
Ces objectifs d’inspiration complexe peuvent être assimilés aux forces du droit.
431. Selon Ripert, lequel distingue les forces créatrices des forces conservatrices, ces
dernières sont «les forces qui essayent de maintenir le droit existant»1417, tandis que les forces
créatrices les secondes souhaitent «
modifier ou transformer le droit en vigueur»1418. À cette
classification, nous ajouterons les idées-forces sous-jacentes à ces différentes forces qui peuvent
avoir des effets contraires.
432. Dans le cadre de l’étude, les forces créatrices peuvent être constituées par des valeurs
qui président à la définition du principe de l’égalité des sexes. Elles vont exercer une influence
directe et immédiate sur l’interaction entre les systèmes. Ainsi, l’approche structurale
comparative permet de mettre en relief la polarisation des rapports entre les concepts clés d’une
période à une autre, et de faire la comparaison entre les différentes étapes qui ont marqué la
résistance à leur introduction dans le système politique, en termes de dépendance ou
d’interdépendance. En effet, la structure sociale est un milieu toujours «ouvert », c’est-à-dire
constamment en relation avec son environnement. Cette interaction a pour effet de poser des
questions « d’ajustement ou d’adaptation ». Cette adaptation sociale à l’environnement fera
l’objet d’une traduction concrète par le processus d’institutionnalisation qui se réalise aussi
«par la formation « d’ensembles structurels concrets », que l’on peut nommer communément
«institutions sociales»1419. Au sein de chaque institution, on retrouve un système de valeurs
culturelles dont l’institutionnalisation aura pour effet de les transformer en normes sociales qui
se traduisent par des règles juridiques, des normes qui vont régir l’interaction des acteurs
sociaux. Ce système de valeurs se trouve dans une sous-structure culturelle qui va déterminer
globalement « l’ensemble de l’appareil symbolique dont s’inspire l’action sociale ». C’est au
niveau du système de valeurs culturelles que l’on retrouve les divergences qui sont à la base de
ce que nous avons appelé le rapport conflictuel entre les systèmes. Ce rapport conflictuel entre
1416 M. BEN AHMED, op. cit., p.8.
1417 G. RIPERT, Les forces créatrices du droit, op. cit., p. 86.
1418Ibid.
1419Ces institutions sont par exemple la famille, la structure économique, l’administration judicaire ou bien encore
l’appareil politique.
370




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les systèmes peut s’expliquer par l’existence de divergences entre la superstructure juridique
française et celle de la Tunisie.
433. Les valeurs endogènes constituent l’identité d’un groupe social dans une société
déterminée, elles peuvent prendre un caractère fondamental et s’incarner dans des normes
constitutionnelles. En ce sens, le principe d’égalité des sexes va imposer une règle générale
visant à traiter les hommes et les femmes de manière égale tout en interdisant toutes
discriminations dont les justifications ne seraient pas permises par la constitution ou la loi.
Néanmoins, derrière cette règle générale, le principe d’égalité des sexes est une représentation
de l’évolution de la condition sociale et des rapports sociaux entre les sexes qui s’impose de
manière progressive à travers le temps. Pour arriver à cette règle qui reconnaît chaque individu
en dehors de la hiérarchie sociale, le système juridique s’est doté d’un ensemble de valeurs qui
ont structuré «la fonction formelle » du droit. Cette fonction a pour objectif d’assurer la « mise
en scène» à travers un «débat argumenté» de valeurs qui sont mises en relief au sein de la
société et qui s’affrontent au sein du corps social1420. À cet égard, il est nécessaire de respecter
celles qui sont désignées par le professeur Frisson Roche comme «les valeurs intrinsèques du
droit en tant que système
».1421 Ce que le professeur Ost nomme la dimension «réflexive» de
la fonction du droit
1422. La divergence entre les deux systèmes France et Tunisie se fonde
sur le fonctionnement de la règle de droit, ses modalités de mise en œuvre.
434. Si en France la sécurité juridique, les garanties procédurales et le droit au juge sont des
valeurs fondamentales sur lesquelles repose le fonctionnement de l’égalité des sexes, il n’en a
pas été de même pour le système juridique tunisien. Cette divergence a eu pour effet de ralentir
le processus d’intégration du principe d’égalité des sexes dans les différentes branches du droit.
En effet, une partie de la question de l’égalité des sexes et de sa mise en œuvre n’échappe pas
au lien qu’elle entretient avec les valeurs du droit. Dans cette perspective, l’analyse de la
manière dont les valeurs du droit interviennent dans le domaine des rapports sociaux entre les
sexes revêt une importance nouvelle. Le droit tend ainsi à organiser un ensemble de pratiques
1420 P. BEGASSE DE DHAEM, O. VAN DER NOOT, C. XHARDEZ,« À quoi sert le droit ? ». Reflets de la
conférence donnée par le professeur François Ost au séminaire interdisciplinaire d'études juridiques le 29
novembre 2013, Bruxelles, « Revue interdisciplinaire d'études juridiques », p.174.
1421M.-.A FRISON-ROCHE, Troisième leçon : le droit et les valeurs, MAFR, 2014, disponible en ligne
[https://mafr.fr/fr/article/troisieme-lecon-le-droit-et-les-valeurs/]
1422 P. BEGASSE DE DHAEM, O. VAN DER NOOT, C. XHARDEZ,« À quoi sert le droit ? ». Reflets de la
conférence donnée par le professeur François Ost au séminaire interdisciplinaire d'études juridiques le 29
novembre 2013, Bruxelles, « Revue interdisciplinaire d'études juridiques », p.174.
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sociales telles que celles prévues de manière symbolique dans le Code pénal à travers la
coercition et la répression. Cet ensemble se caractérise par une structure arborescente et
hiérarchisée de valeurs. Or, l’action des individus et acteurs est tout aussi importante que celle
des structures.1423 Toutes deux s’inspirent de valeurs. En Tunisie, c’est sous l’influence de ces
valeurs que le champ de l’égalité des sexes va être restructuré par un double mouvement de
pulvérisation et d’inconstance. La pulvérisation affecte la conception d’une égalité des sexes
étatique, de plus en plus désavouée par la société civile. Initialement, les régimes de Bourguiba
et de Ben Ali ont utilisé les droits des femmes comme moyen de « justifier l’autoritarisme »1424.
Quant à l’inconstance, elle s’est révélée lors du premier grand débat qui opposait la question de
l’égalité et celle de la complémentarité, qui du fait de son essence inégalitaire, mais également
de son caractère ambigu, a inquiété, quant à une possible régression du droit des femmes. Une
complémentarité fondée sur des valeurs religieuses conçoit en effet les rapports entre les sexes
comme complémentaires et équitables.
435. Afin de sécuriser cet acquis, les dispositions en faveur de l’égalité des sexes se
multiplient dans la Constitution de 2014. Et ainsi, on passe d’une égalité des sexes étatique à
une égalité constitutionnelle, qui impacte l’organisation de certaines structures politiques ainsi
que les associations. En effet, après avoir constaté des lacunes relatives au fonctionnement et à
l’efficacité des structures existantes, le législateur s’est engagé dans une réforme structurelle.
B) Les valeurs exogènes
436. Le rôle déterminant de ces valeurs exogènes dans le cadre des interactions entre
les deux systèmes juridiques en matière d’égalité des sexes. Dans un droit de plus en plus
global, comment la Tunisie concilie-t-elle sa propre vision de l’égalité des sexes qui s’est
construite sous l’influence française, avec celle du droit international depuis la Seconde Guerre
mondiale ?
437. En ce sens, l’égalité et la liberté constituent des idées-forces permanentes qui ont agité
l’histoire française, celle de la Tunisie, mais plus généralement celle du monde. Elles
1423 M. BEN HAMED, Op. Cit. p. 76.
1424 H. NAFTI, op. cit., p. 145.
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constituent les forces d’un ordre social juste. Ce sont ces idées-forces qui ont tant marqué la
conception de l’égalité des sexes en Tunisie et en France.
438. Ces idées forces structurent la mise en conformité du système tunisien aux canons de la
modernité qui consacre comme valeurs universelles, l’égalité et la justice. Toutefois, cette mise
en conformité n’est pas contrainte, elle nécessite une véritable adhésion consciente et
volontaire. Cette adhésion porte davantage sur un aspect de gestion et d’organisation qui vise à
déterminer l’action. Autrement dit, à définir quelle conduite doit adopter l’État pour atteindre
son objectif d’égalité entre les sexes ? La réalisation de l’objectif final ne peut se faire que dans
le cadre d’une mise en œuvre souple qui implique des étapes intermédiaires. Ceci marque un
palier significatif vers une évolution de plus en plus égalitaire et qui pour tenir compte de la
réalité des forces en présence. C’est à ce titre que le compromis a souvent été la base de la
politique en matière d’égalité des sexes
1425.
439. La mise en place d’une politique nécessite en pratique de déterminer la finalité,
d’expliciter l’objectif qui indique ce que la société souhaite réaliser à long terme et qui repose
nécessairement sur un certain nombre de priorités. À cet égard, il nous semble que le but de la
politique tunisienne en matière d’égalité des sexes traduit une idée ancienne basée sur une
volonté de modernité et de rationalité qui a été fortement influencée par les valeurs véhiculées
par la culture française ainsi que la tradition réformiste mise en place au cours du XIXe siècle.
Nous pensons ici à toutes ces intellectuelles réformistes tunisiennes que nous avons déjà
évoquées dans la première partie de cette thèse. Ces valeurs, on les retrouve dans le cadre des
notions d’équité, de justice, d’égalité des chances, d’égalité de traitement.
440. L’interaction entre les systèmes a été fertile, car le rapprochement s’est opéré sur deux
dimensions nécessairement distinctes, mais tout de même complémentaires :
1425 Bourguiba qualifiait la stratégie et la politique des étapes comme révolutionnaire : « Le compromis positif ou
révolutionnaire doit remplir trois conditions fondamentales sans lesquelles aucun homme intègre ne pourr
ait s’y
résoudre. D’abord la déficience des moyens de lutte doit être patente. Car le compromis n’est pas une fin en soi.
Ce sont les conditions d’une lutte inégale qui l’impose… Il faut et c’est la seconde condition, qu’il comporte un
progrès par rapport au statu quo, qu’il constitue un pas en avant. Le compromis révolutionnaire est alors expédient
tactique pour améliorer une situation stratégique. Enfin, le compromis doit être dynamique…Il doit ouvrir la voie
de l’objectif et créer de nouvelles possibilités d’action susceptibles d’aboutir à la solution parfaite et définitive
».
Discours de H. BOURGUIBA, prononcé le 30 Mai 1965, « 1
er Juin 1955 ou le compromis révolutionnaire », In
Discours, Tom XIII, Tunis, Edition du Secrétariat d’Etat à l’information, 1965, pp. 294-312.
373







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- La première dimension est celle de la volonté de la part des détenteurs de la puissance
de l’État de mettre fin à la soumission des femmes, en instituant et en renforçant le
dispositif juridique existant aux fins de neutraliser et de capter les dispositions
inégalitaires
- La seconde dimension qui a eu une répercussion sur les conceptions de l’État en matière
d’égalité des sexes, c’est une conception ayant trait à l’intégration de l’État tunisien à la
communauté internationale qui impliquait pour les différents États la collaboration, le
dialogue et l’intégration dans le système juridique national tunisien d’un ensemble de
valeurs. Ainsi, la Tunisie tournait le dos à son passé et se dirigeait vers la modernité.
441. Cette interaction inscrit la Tunisie dans un cadre qui l’engage à mettre fin à une forme
d’allégeance exclusive à la tradition arabo
-musulmane. Autrement dit, à s’engager dans la voie
du progrès et du développement incarné par le modèle occidental de l’époque. Elle a eu une
large influence portant sur la définition politique de l’égalité des sexes.
442. La Tunisie a implicitement et explicitement fait des choix à travers ses représentants
politiques qui ont eu une influence significative sur la détermination des valeurs
1426, des
principes qui ont dominé la politique tant nationale qu’internationale jusqu’à présent. C’est
l’intrication des aspects internes et externes aux systèmes et ceux liés sur le plan de l’interaction
qui feront que la politique en matière d’égalité sera dominée par des constantes que nous
tenterons de dégager au fil de notre analyse.
§ 2 : Divergences dans l’ordre des valeurs des droits subjectifs
443. Les valeurs dans la vitrine de l’égalité des sexes en Tunisie. Les droits de l’homme
ainsi que les principes fondamentaux consacrent un système de valeurs. Aussi, le principe
d’égalité des sexes en Tunisie comme en France repose sur des droits qui portent également un
système de valeurs. Aussi, le terme principe est souvent utilisé dans le langage juridique «pour
désigner des choses, des entités, des objets idéels, demeurant extérieurs et traités comme
1426 « La Tunisie est aussi proche géographiquement et philosophiquement de l’Europe…Nous partageons avec
l’Occident certaines valeurs et grands principes…
». Declaration de H. Bourguiba Jr en 1963 lorsqu’il était
ambassadeur à Washington, J. E BLACK, K. W. THOMPSON (Dir.,) « The foreign policy of Tunisia », Foreign
in a World of Change, New York, Harper Row, 1963, cite par
M. BEN AHMED, Op.Cit., p. 42
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supérieurs, en valeur, au droit positif»1427. Ces derniers relèvent d’un ordre de valeurs
particulier. Ils participent des droits naturels et en conséquence ils occupent une place
particulière, car ils se trouvent en dehors du droit positif. L’importance accordée aux principes
juridiques est telle qu’une loi adoptée qui ne respecterait pas ces derniers serait «injuste»
puisqu’elle « naîtrait avec un péché originel dont aucun baptême ne saurait la laver»1428. Cet
ordre de valeurs influence fortement le fonctionnement du principe d’égalité, mais également
le sens qui leur est propre dans le système juridique considéré.
444. C’est la pérennité de ces principes qui prouve leur valeur1429. En France, la signification
particulière de ces principes est inhérente à leur émergence, E. Mulin explique que deux
moments historiques ont marqué l’invention des principes en France : celle de 1789 qui a donné
lieu à la rédaction de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 et puis celle de la tradition
républicaine. La révolution de 1789 a eu pour effet de créer un ordre nouveau tout en renversant
l’ordre ancien. Cet ordre nouveau est marqué par l’émergence de « principes immémoriaux»
qui apparaissent comme des vérités tirées du passé
1430. La reconnaissance de ces principes fonde
un socle, nécessaire à la création d’un cadre moral nouveau1431 fondé sur des valeurs modernes.
Ces principes sont au fondement d’un ordre constitutionnel émergeant1432. Cet ordre nouveau
qui s’édifie sur la base d’« une rupture avec l’ordre ancien »1433 se construit également sur «des
vérités plus anciennes, immémoriales, naturelles, réputées oubliées
»1434. Les valeurs sont
portées par les principes, ce sont «des vérités naturelles dans lesquelles le savoir et le droit se
confondent puisqu’ils expriment l’essence même des choses »1435. Les principes apparaissent
ici comme des vérités transcendantes «dans lesquelles le savoir et le droit se confondent,
puisqu’ils expriment l’essence même des choses, de la souveraineté, de la nation, de l’individu
ou de la liberté politique»1436.
1427 A. JEAMMEAUD, « De la polysémie du terme « principe » dans les langages du droit et des juristes » In. S.
CAUDAL. (Dir.,)
Les principes en droit, Economica, 2008, p. 53.
1428 G. Ripert, Les forces créatrices du droit , L.G.D.J, 1995, p. 326.
1429Ibidem. p. 328.
1430 E. MULIN, op. cit., p. 27.
1431 G. RIPERT, Les forces créatrices du droit, Op. Cit. p. 152. L’auteur cite Rougier, Les mystiques économiques,
1949, p. 240 sur l’incompatibilité du christianisme et du communisme. Voy. Ch. MEYER, La morale de l’avenir,
1953.
1432 E. MULIN, Op.Cit., p. 27.
1433Ibidem.p. 25.
1434Ibid..
1435Ibid.
1436Ibid.
375





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445. En Tunisie, l’apparition du système des valeurs est adossée à des sources de références
multiples qui peuvent se traduire de manière ethnosociologique. Dès lors, il relève de la
coexistence de trois cultures principales liées à l’usage de trois langues1437. Les valeurs tirées
de ces différentes cultures ont un degré d’intégration qui varie selon leur insertion,
particulièrement à travers leur durée dans la structure étatique. Partant, le français, qui a été
pendant longtemps un recours pour accéder à certaines œuvres essentielles en philosophie1438
et d’autres domaines, est, en quelque sorte, une langue des intellectuels qui a permis de combler
les lacunes dans l’accès à certaines connaissances. Il a conservé une place importante dans les
pays de colonisation, mais son système de valeurs entre en contradiction voire en confrontation
avec la culture arabe, dont la langue a eu pour objectif, dans le contexte de nationalisme arabe,
de contenir les réactivations du berbère et les avancées du français.
446. L’introduction d’un système de valeurs fondé sur un ordre nouveau marqué par des
valeurs morales nouvelles va débuter de manière significative avec la signature le 12 mai 1881
du Traité du Bardo préparé par la France. Ce traité qui mit en place le Protectorat français a
influencé le système juridique tunisien, mais également son système de valeurs. Le Bey en
s’engageant « à procéder aux réformes administratives, judiciaires et financières que le
gouvernement français juge (ait) utiles », a permis à la France d’imposer sous sa domination
une série de mesures pour organiser l’administration tunisienne. Ce n’est qu’avec la déclaration
franco-tunisienne du 20 mars 1956 proclamant l’indépendance tunisienne puis l’adoption en
1959 d’une Constitution, que le système de valeurs a été choisi et légitimé en conciliant les
différentes valeurs inhérentes à chacune des parties prenantes. L’existence de valeur issue du
droit musulman traditionnel fait du Coran un élément de divergence entre les deux systèmes
puisque, dans ce dernier système, le détenteur du pouvoir ne peut réclamer d’aucun principe lui
permettant de se comporter de manière indépendante envers le droit.
447. Comme sous le régime du droit public musulman1439, la réforme du statut de la femme
en Tunisie a nécessité que le chef de l’État et le législateur passent par l’intégration de valeurs
modernes pour légitimer des actions en faveur d’un ordre moral nouveau. Mais, en se
revendiquant du pouvoir spirituel en même temps que du pouvoir temporel, le législateur est
1437 La première c'est le berbère appelé aussi tamazight, la deuxième c'est l'arabe qui a connu, depuis
l’indépendance, une progression considérable et enfin le français.
1438 Notamment à celle des Lumières.
1439 N. ROULAND. Anthropologie juridique, op.cit., p. 189.
376





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indirectement le serviteur du droit coranique et il se doit de respecter les principes fondateurs
du droit islamique qui constituent la Tradition tunisienne. La polarisation des détenteurs du
pouvoir et des institutions politiques a été et reste toujours axée autour de deux séries de
concepts clés; ceux qui sont pour la modernité et ceux qui sont pour la Tradition. Si en France
il existe un principe de laïcité qui implique que le droit soit neutre envers les valeurs, la Tunisie
ne bénéficie pas de cette forme de «neutralité » du droit. Même si le caractère civil de l’État est
garanti par la Constitution, la Religion s’immisce dans les différentes strates de la société, afin
d’y fonder les bases d’un système de valeurs de nature religieuse. De fait, en France le principe
de laïcité « signifie que les règles religieuses n’ont aucune valeur civile et que le bras séculier
n’intervient pas
pour assurer leur observation»1440. Autrement dit, dans son sens profond, il ne
constitue pas une «force créatrice du droit », car il implique l’élimination de toute influence
religieuse dans celui-ci1441. La religion ne constitue pas non plus une force créatrice, car elle
serait contraire au principe de laïcité, mais elle demeure une force conservatrice, en maintenant
dans le droit existant les règles fondées sur la morale religieuse.
448. En Tunisie, l’Islam est une valeur fondamentale sur laquelle est assise l’organisation
sociale, mais également son système juridique puisque le Coran est une source normative. À
cet égard, la sécularisation a été une «force réformatrice» du système des valeurs tunisiennes
en intégrant les droits de l’homme et les principes fondamentaux. Néanmoins, l’absence de
neutralité à travers la non-adoption de la laïcité comme principe à valeur constitutionnelle n’est
pas sans effet sur les valeurs des droits qui irriguent à la fois le droit de manière endogène à
travers son système et de manière exogène.
449. Les différents sens du mot unité. La stabilité, l’unité structurelle, ainsi que la
modernité sont les trois concepts clés constants qui structurent l’image de l’égalité des sexes,
notamment l’image de marque que souhaitait véhiculer la Tunisie depuis son indépendance, à
travers ses dirigeants. L’action menée par ces derniers s’inscrivait dans des objectifs bien précis,
à travers la question de l’égalité des sexes et particulièrement le statut de la femme. En effet,
l’adhésion à des valeurs modernistes était le moyen pour la Tunisie de s’intégrer dans la
partition mondiale qui lui permettrait de faire entendre sa voix dans le concert des nations. Pour
cela elle devait remplir deux conditions préalables ; s’insérer dans le monde moderne et édifier
un État fort, juste et indépendant afin de donner aux citoyens une forme de stabilité, de sécurité
1440 G. RIPERT, Les forces créatrices du droit, op. cit., p. 136.
1441Ibid., p. 137.
377





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et de progrès. C’est dans ce schéma que la question des droits des femmes, utilisée comme
relais de la politique de développement interne jouant sur une image de marque favorable à
l’émancipation des femmes, permet à l’État de surmonter avec des succès relatifs les obstacles
de mise en œuvre d’une politique ambitieuse quant à ses objectifs, compte tenu des ressources
disponibles. Les facteurs de la modernisation et de la sécularisation constituent la toile de fond
de l’œuvre des réformateurs tunisiens qui ont succédé, et qui souhaitait affirmer à travers elle
une «tunisianité»1442.
450. L’idée de cette identité était apparue au XIX siècle, pour sauvegarder la Tunisie des
menaces extérieures, ce qui a permis de réformer les institutions et de rationaliser la société
1443.
La tunisianité sera également un atout pour le fondement de l’action politique en Tunisie, dès
l’indépendance
1444. Le concept de «tunisianité» voit «se tisser» autour de lui «un langage
commun» dans les discours des politiques de tous bords. Cette fonction de tissage confirme les
propos du professeur Ost qualifiant la fonction de ces valeurs de macrofonctions1445. En effet,
ce concept apparaît comme «une valeur unificatrice» qui permet la cohésion nationale. La
stabilité découle de l’unité. Cette valeur unificatrice entre dans le cadre de la fonction primaire
du droit. Elle opère «par encodage»,1446 ou, plus particulièrement «par ancrage», car elle
permet l’institutionnalisation d’un certain nombre de normes ordonnatrices de la société1447. À
cet égard pour assurer la coexistence fonctionnelle de normes, il faut rechercher le juste
équilibre en elles. L’État tunisien « évolue entre deux pôles, d’une tradition particulièrement
forte, parce qu’ancrés dans un texte immuable, et d’une modernité à portée de la main en raison
de ressources considérables, les pays arabes sont toujours à la recherche de leur spécificité
politique
»1448. Ainsi les rapports conflictuels qui découlent de valeurs morales, éthiques,
philosophiques apparaissent comme des lieux de divergences sur lesquels
le «bricoleur » s’attachera à bâtir une structure harmonieuse et renforçant l’interaction entre les
composantes.
1442 Voy. notamment à titre d’exemple, M. R. BEN HAMMED, « Le constitutionnalisme dans la pensée de
Khérédine et Ibn Abi Dhiaf », Mélanges offerts au Doyen Sadok Belaïd, Centre de Publication Universitaire, Tunis,
2004, pp. 135-157.
1443 M. BEN AHMED, Les trois décennies de politique étrangère du Président BOURGUIBA, CPU 2019, p. 24.
1444Ibid., p.29.
1445 J. VAN MEERBEECK, « F. Ost, A quoi sert le droit ? Usages, fonctions, finalités », bruxelles, Bruylant, 2016,
p. 394.
1446 Il s’agit « donner forme juridique à différents types de normes sociales ». Ibid.
1447 F. OST, A quoi sert le droit ?Op. Cit. p.228.
1448 M. FLORY, « Un système politique arabo-musulman ? », In Régimes politiques arabes, PUF, 1990, p. 85.
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451. L’unité de la famille sur laquelle repose la société est à l’image de l’unité de la nation.
Cette unité de la nation comporte une dimension morale; à cet égard, l’unité sera envisagée
comme devant s’appliquer à la plus petite des structures ainsi qu’à la plus grande. Les politiques
et le droit se sont attelés à la tâche en organisant ou structurant la plus petite des structures
sociales qui est la famille ainsi que celle qui est la plus englobante, c’est-à-dire l’unité de la
nation.
452. Conscient des limites à l’égalité présentes au sein de l’organisation de la famille,
Bourguiba s’est attaché à unifier cette institution. Il voyait dans la famille ce que Jean
Carbonnier y voyait, qui la définissait comme un « pilier de la société, un pilier au cœur duquel
était inscrit le mariage». Dans les pays de tradition musulmane, notamment la Tunisie, la
famille peut être considérée comme le «Creuset de valeurs morales, sociales et religieuses,
plongeant ses racines dans la profondeur de l’âme populaire, le droit de la famille bénéficie
d’une puissante charge culturelle. »1449 En Tunisie comme dans la plupart des pays musulmans,
la société consacre une conception holiste de la famille. En effet, les intérêts du groupe prévalent
sur ceux de ses membres. La famille est regardée comme étant un concept central au cœur du
corps social. Cette conception fait écho à celle affirmée par la nouvelle Constitution tunisienne.
L’article 7 de la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 dispose que «la famille est la cellule
essentielle au sein de la société et l’État doit en assurer la protection ». Cette disposition est le
résultat de l’imprégnation de la société tunisienne dans la conception traditionnelle musulmane
du droit de la famille. Elle incarne une scission tribaliste, dans laquelle les interdictions
matrimoniales et successorales en raison de la religion reflètent la présence de la conception
musulmane originaire. Elle est d’autant plus marquée par la prédominance de l’homme sur la
femme, laquelle se manifeste généralement lors de la conclusion du mariage, durant la vie
matrimoniale et le cas échéant, lors de la dissolution du lien matrimonial. L’acception initiale
de la famille implique dans le cadre de ces systèmes juridiques que la filiation soit
exclusivement articulée autour de la famille légitime. Pour garantir l’unité et la stabilité au sein
de la sphère familiale, comme en France, la Tunisie a fait des choix juridiques qui ont
profondément marqué l’institution de la famille.
453. Ces profondes mutations ont créé des zones de confrontation avec des normes françaises
et européennes intangibles telles que l’égalité des époux. En effet, les relations privées et
1449 S. BEN ACHOUR, L. CHEDLY (Dir.,) Actualités du droit international privé de la famille en Tunisie et à
l’étranger, Latrach Editions, Tunis , 2015, p. 1.
379





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familiales entre les sexes baignent dans les valeurs arabo-musulmanes, car la cellule familiale
constitue la base de la société tunisienne qui « est garante du maintien de l’identité arabe et
musulmane».1450 Certains principes constitutionnels1451 veillent à conserver cette sphère
privée. Cet espace privé est d’autant plus difficile d’accès pour le droit, qu’il constitue un espace
dans lequel l’Etat et le droit ne peuvent intervenir, car il relève de la vie privée. Seule la mise
en place du Code du Statut personnel concrétise de manière significative la volonté historique
d’unifier la société en passant par la plus petite de ses cellules. En effet, le Code du statut
personnel est un texte qui se dissocie à plusieurs égards du modèle traditionnel, car il prend en
considération l’égalité des sexes ainsi qu’une meilleure prise en charge de l’intérêt de
l’enfant
1452. L’interdiction de la polygamie, sa pénalisation ainsi que la suppression de la
répudiation ont été le moyen de limiter l’éclatement de la cellule familiale et indirectement, de
la société. Ces interdictions pénales transparaissent dans l’ordre public tunisien qui a consacré
sur le fondement du principe d’égalité des sexes la mise à l’écart des normes étrangères qui
autorisent la polygamie et la répudiation1453. L’unification de la famille a permis d’épouser une
vision de la famille jugée à l’époque comme moderne, mais tout en veillant à ne pas contredire
les règles de droits consacrés par le Coran. Aussi, l’existence de référents religieux peut
remettre en cause la consécration de l’égalité entre les sexes comme principe fondateur de
l’ordre juridique tunisien. De la même manière, les valeurs modernes instituant la citoyenneté
et l’égalité ne trouvent entièrement leur place que dans le cadre de l’espace public. Les femmes
disposent de droits égaux avec les hommes uniquement en leur qualité de citoyennes. Par
conséquent, l’égalité n’est une valeur absolue que dans le cadre des droits politiques,
économiques, sociaux et culturels et non pas dans les domaines de la vie privée et familiale.
454. L’unité juridique tunisienne est passée également à travers la singularité et la question
linguistique. Si la question de l’« 
arabité» a nécessité une unification de langue en Tunisie, elle
reste moins clivante que la question du rapport entre l
’identité et la religion1454. Néanmoins,
tout comme sur la question de la place de la religion dans le système juridique tunisien ainsi
que dans la structure sociale, il y a eu une résurgence de la question de la place de langue arabe
1450S. BEN ACHOUR, L. CHEDLY (Dir.,) Op. Cit., p. 53.
1451 En ce sens, les §2 et 4 du préambule consacre l’identité arabe et musulmane.
1452 Au niveau du droit international l’intérêt de l’enfant est consacré par l’article 47.
1453 « Polygamie et répudiation dans les relations internationales, Acte de la table ronde organisée à Tunisie, le 16
avril 2004, AB Consulting, Tunis 2006
; Voy sur le sujet de l’ordre public international. M. BEN JEMIA, S. BEN
ACHOUR, M. MELLAMINE « L’ordre public en droit international privé de la famille », In. Ordre Public et
Droit musulman de la famille, en Europe et en Afrique du nord
, N. BERNARD MAUGIRON, B. DUPRET (Dir.,),
Bruylant, Bruxelles, 2012, p. 196 et s.
1454 H. NAFTI, op. cit., p. 144.
380



Page 382
dans le droit constitutionnel tunisien1455. Cette position est constante en jurisprudence et elle se
trouve renforcée par l’article 49 du Code du droit international privé1456, qui prohibe la
célébration de mariages sans certificat de célibat préalable à l’égard de ressortissants de pays
autorisant la polygamie. Toutes ces dispositions sont conformes au principe d’égalité des
sexes1457 et aux dispositions relatives à la Convention pour l’élimination de la discrimination à
l’égard des femmes (CEDEF) relatives aux différents aspects des discriminations fondées sur
le sexe, sur lesquelles l’État tunisien avait émis des réserves1458.
455. Derrière cette question du langage se joue celle de la division entre deux ordres de
valeurs1459. Partant, le caractère plurilinguiste de la Tunisie a été un point fort dans la
construction du principe d’égalité des sexes, puisque l’introduction dans les pays arabo-
musulmans d’un concept tel que la citoyenneté a été facilitée au contact de langues étrangères.
En ce sens l’unité nationale s’est réalisée avec l’importation du concept de citoyenneté et son
octroi aux femmes. Ces divergences relatives à la question identitaire et aux choix du
rattachement à un groupe de valeurs déterminé ont été unifiées à travers le concept de
«tunisianité» qui a été promu sous des régimes autoritaires1460 afin de justifier une forme
d’exception tunisienne. Cela a contribué à la construction d’un mythe 1461 qui a été balayé par
la révolution tunisienne
1462.
456. Avant la révolution de 2011, les acteurs politiques tunisiens trouvaient dans l’emploi du
concept clé de la modernité un moyen de renforcer leur légitimité. En examinant les discours
et déclarations politiques, «la modernité» est habituellement employée pour caractériser
Bourguiba et les acteurs politiques se revendiquant de lui, alors que les termes employés pour
définir les politiques islamistes sont ceux de «régression » et d’« obscurantisme»1463. Aussi, la
1455Aussi, pour renforcer l’unité national et l’Arabité de la Tunisie, l’article premier de la Constitution de 2014
érige celle-
ci en unique langue officiel de l’Etat.
1456 Voy. Sur la question des relations entre les systèmes français et tunisien, K. MEZIOU, Les relations en droit
international privé entre les systèmes tunisiens et français : Le cas du divorce des couples mixtes
, Thèse,
Université. Tunis, 1982.
1457 TPI, Tunis 27 juin 2000, RTD, 2000, p. 429 cité par M. BEN JEMIA, S. BEN ACHOUR, M. MELLAMINE
«
L’ordre public en droit international privé de la famille », Op. Cit., p. 55.
1458Ibidem.
1459Cette division s’est opéré autour de la discussion de l’article 38 qui est dans la version finale de la Constitution
l’article 39. Les partisans du plurilinguisme qui faisait du français une langue applicable à l’enseignement et les
partisans d’une langue unique (l’arabe) à
tous les enseignements autours d’une disposition constitutionnelle.
1460 Bourguiba et BEN ALI.
1461 H. NAFTI, op. cit., p. p 144.
1462 M. CAMAU, L’exception tunisienne. Variations sur un mythe, Khartala, 2018, pp. 13-23.
1463M.ZEDERMAN, « Construction nationale et mémoire collective : Islamisme et Bourguibisme en Tunisie
(1956-2014) », Edition Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2015, pp-46-56.
381





Page 383
modernité dont se revendique Bourguiba et ses héritiers politiques s’inscrit dans une tradition
réformatrice qui se veut ouverte au monde et notamment à l’occident. La vitrine de l’égalité des
sexes a pour assise un imaginaire politique qui se structure autour de l’idée que la modernité
implique le réformisme1464. Aussi, le «Grand réformateur » Bourguiba s’inscrit historiquement
dans une lignée de réformateur tunisien
1465 et il adopte la même méthode qu’eux pour
réformer1466 le cadre juridique et institutionnel tunisien. Ainsi, l’ijtihad sera sa technique
d’interprétation pour légitimer la réforme de la religion. Ce pouvoir d’jtihad il le tire de son
statut de Président et de chef des croyants qu’il a obtenu à travers sa figure de combattant contre
le colonialisme et l’inscription dans l’histoire de son rôle de libérateur dont il tire sa force et
une légitimation de toutes ses actions1467.
457. Pour ce faire, la Tunisie s’est détachée de valeurs propres construites sur une tradition
arabo-musulmane, pour épouser celles de la France et de l’occident. Plus que des mots, elle
instaure le Code du statut personnel pour encadrer la structure familiale et elle prévoit
également la participation des femmes dans le domaine public, jusqu’à la consécration de
l’égalité entre les citoyens et les citoyennes. Cette modernité s’accorde avec le choix d’avancées
législatives et institutionnelles1468 qui est marqué par la volonté d’interdire les violences,
notamment policières, et la torture1469. Pour garantir la nature égalitaire des rapports entre les
hommes et les femmes, la modernité invitent à ce que chacun puisse disposer des mêmes armes
juridiques pour se défendre1470 et se voir appliquer des droits respectueux du principe d’égalité
en dignité. Toutefois, en adoptant la forme républicaine, la question de la sécularisation en
Tunisie est apparue comme le principal objet de la polarisation politique autour de la question
des choix de valeurs d’inspirations différentes. Ces sources d’inspiration sont celles de la
tradition arabo-musulmane et celle des valeurs républicaines françaises, fidèles aux idées des
1464B. HIBOU, « Le réformisme, grand récit politique de la Tunisie contemporaine », Revue d’histoire moderne et
contemporaine, 2009, p. 15.
1465Kheireddine Pacha surnommé Kheireddine Ettounsi (1822-1890), grand vizir qui a entrepris des réformes dans
le domaine de l’administration, des finances et de la justice ; Tahar Haddad (1899- 1935), militant politique et
syndicaliste, connu notamment pour ses écrits relatifs aux réformes sociales et l’émancipation des femmes dans
La femme tunisienne dans la Charia et la société (1930). Ces travaux auraient inspiré le CSP ; Abdelaziz Thaalbi
(1876- 1944), chef de le du mouvement national tunisien, fondateur du Destour en 1920.
1466B. HIBOU, « Le réformisme, grand récit politique de la Tunisie contemporaine » Op. Cit. pp. 27-28.
1467H. BEJI, Désenchantement national. Essai sur la décolonisation, pp. 54-55.
1468H. NAFTI, Op.Cit., p. 96.
1469 Institution d’une institution nationale pour la prévention de la torture par la loi organique n°2013-43 du 23
octobre 2013 ; Ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels ; inhumains ou dégradants.
1470 Réforme du Code de procédure pénale. Loi n° 2016-5 du 16 janvier 2016. Le suspect a droit à l’assistante d’un
avocat dès le début de la garde à vue. Cop col P97.
382




Page 384
Lumières, mais également de manière plus globale aux valeurs occidentales. L’intégration de
valeurs occidentales dans le système juridique tunisien a eu pour effet de polariser le débat sur
la question de l’égalité des sexes autour du statut de la femme dans une société musulmane.
Ainsi, même s’il existe en Tunisie deux ordres de valeurs, il n’existe pas de hiérarchie entre ces
derniers, mais la divergence entre les deux systèmes - sources semble difficilement réductible
et encore moins unifiable autour du seul ordre des valeurs des droits de l’Homme.
Section 2 : Le fonctionnement du principe d’égalité des sexes dans
des systèmes de valeurs différents
458. Soutenir que le fonctionnement du principe d’égalité des sexes repose sur des systèmes
de valeurs différents suppose d’analyser les obstacles m
ajeurs liés aux divergences entre ces
systèmes.
459.
Le premier obstacle est lié à la question de la conciliation. C’est ici, un point essentiel
de notre étude et cela dénote l’intérêt de poser en ces termes le problème des principes. Puisque
« l’un des intérêts des principes» et de «pouvoir exprimer des valeurs très variées»,1471 l’étude
de leur fonctionnement nécessite la plupart du temps un travail de conciliation. Ce travail de
conciliation est assuré par le juge. Le rôle créateur du juge compris comme un découvreur de
principes existe tant sur le plan du droit interne que sur le plan du droit supranational, c’est-à-
dire dans des systèmes juridiques régionaux et internationaux. Ces derniers comportent
également des principes structurants, notamment sous la forme des principes généraux de
droit
1472 et des principes généraux du droit1473. Malgré, l’accroissement des sources écrites des
principes, le juge participe de manière «permanente»1474 en raison de la constante nécessité
d’adaptation du droit, aux évolutions sociales et juridiques. En effet, le juge « Hercule» est tenu
d’interpréter et d’appliquer à chaque situation concrète les règles et principes, d’autant plus,
comme le souligne Dworkin lorsqu’il existe des règles contradictoires : «Hercule» doit alors
faire des choix. Toutefois, lorsque des principes ont pour objet des règles contradictoires, il
arrive que celles-ci soient capables de coexister dans le temps. Aussi, lorsque des principes se
1471 S, CAUDAL (Dir.,), Les principes en droit, Economica, 2008, p. 14.
1472 Il s’agit des « normes propres à ‘ordre juridique concerné, trouvant leurs origines dans d’autres droits, et dans
la raison ou l’ordre juridique où ils sont exprimés
». Ibidem. p. 12.
1473 Il s’agit de principes « communs à différents systèmes juridiques nationaux ». Ibid.
1474Ibid. p. 13
383






Page 385
trouvent dans une situation de conflit, la validité de chacun d’eux n’est pas nécessairement
remise en cause. Néanmoins le juge droit «prendre en considération le poids relatif à chacun
d’eux »1475. Pour cela il doit également rechercher la conciliation des valeurs en cause1476.
460. Le second obstacle est lié à la fragmentation du principe d’égalité des sexes. La
polarisation des concepts clés qui ont structuré le principe d’égalité des sexes a eu pour effet de
fragmenter le principe. La multiplicité des sources du principe d’égalité entre les sexes ainsi
que la multiplication des acteurs juridictionnels habilités à «dire le droit» sont de nature à
révéler des divergences qui sont l’effet des tensions entre les différentes représentations de
l’égalité dans les différents systèmes. En effet, l’institutionnalisation de ces pratiques a joué un
rôle prépondérant dans le modelage et la structuration du principe d’égalité des sexes selon le
système dans lequel on se trouve.
461. Reste le dernier obstacle. Le «temps» du latin tempus, temporis, s’entend à la fois
comme rythme de mesure1477 et comme période, si bien que le second peut être le contenant du
premier.1478 Le «droit est le lieu de cette représentation»1479. Ainsi défini, le temps de la loi
traduit «
 l’exigence fondamentale du droit entre stabilité et progrès»1480. Cet équilibre est assuré
par le législateur qui, tout en s’assurant de « la sécurité des relations sociales», doit également
« pouvoir modifier les règles applicables lorsqu’il pensera qu’une meilleure justice ou un
progrès économique ou social le requière». En effet, le Droit « c’est une œuvre pleinement
humaine»1481, dans laquelle «les conceptions de la justice»1482 varient dans le temps, dans
l’espace. Mais une constante demeure, celle « d’une représentation commune de la justice»1483
dans un espace-temps déterminé, c’est-à-dire «dans un pays et à une époque donnée [qui] lui
ne change pas
»1484. Puisque « le droit ne peut ignorer l’écoulement du temps »1485, il doit
1475 R. DWORKIN, Prendre les droits au sérieux, Op. Cit., p.85.
1476C.-.A. MORAND « Vers un droit de l’environnement souple et flexible : le rôle et le fonctionnement des
principes », p. 266.
In F. OST, S. GUTWIRTH (Dir.,) Quel avenir pour le droit de l’environnement ?, Bruxelles,
Publication des Facultés universitaires, Saint Louis.
1477Pythagore
1478« Au cœur même de la rationalité par le calcul qui marque notre temps se trouvent toujours des croyances
instituées et garanties par le Droit », A. SUPIOT, Homo Juridicus, Essai sur la fonction anthropologique du Droit,
Éditions du Seuil, 2005, p.17
1479Ibidem. p. 24.
1480 C. JAUFFRET-SPINOSI, Le temps et le droit, conférence inaugurale, Editions Thémis, Montréal, 2005, p. 39.
1481A. SUPIOT, Homo Juridicus, Op, Cit., p. 24.
1482Ibidem.
1483Ibid.
1484Ibid.
1485 M-F CALLU, « Le temps et le droit » n Ethique et Sante, 2010, pp. 212-215.
384





Page 386
déterminer sa place, notamment avec «la prise en compte du passé»1486, «le poids du
présent
»1487 et « l’approche du futur »1488. C’est également le juge qui est le gardien du temps
à travers ses pouvoirs d’interprétation et d’harmonisation.
462. Ainsi, la pérennité du principe d’égalité des sexes dépend de sa durée dans le temps.
Autrement dit, il fonctionne sur la valeur du temps. Le temps permet la découverte par les juges
de nouveaux principes porteurs d’un ordre de valeurs nouveau lui-même. Les juges peuvent
également concurrencer des principes déjà existants. Aussi, le principe de proportionnalité
apparaît comme le moyen idoine de protection de l’équilibre des intérêts entre les valeurs.
§1. Le principe de proportionnalité, moyen de protéger l’équilibre des
intérêts entre les valeurs
463. La proportionnalité, un principe conciliateur. La proportionnalité est un moyen de
conciliation qui ne s’exerce pas de manière effective, alors qu’en France ce standard joue un
rôle de régulation ou d’atténuation des conflits. C’est pourquoi il est important d’envisager dans
le système tunisien, l’intégration expresse de ce standard par un changement du droit positif.
464. Avant de débuter notre propos sur le principe de proportionnalité, nous allons consacrer
quelques lignes sur le principe de proportionnalité en Tunisie. Théoriquement, comme nous
l’avons déjà évoqué lors de la partie sur les acteurs de protection, la Tunisie prévoit un Conseil
constitutionnel dans la nouvelle Constitution de 2014. Néanmoins, il n’a toujours pas été mis
en place. Sous le régime de l’ancienne Constitution de 1959, il y a eu la création du Conseil
constitutionnel en 19871489. Ce dernier émettait des avis consultatifs qui n’avaient aucun
caractère contraignant. Dans le cadre de son ancien rôle qui prévoyait le contrôle conformiste
et de compatibilité des projets de loi à la Constitution. Le Professeur Ben Achour précise que
le premier avis qu’a rendu le Conseil constitutionnel le 9 juin 2004 faisait usage du mot
proportionnalité alors même que la Constitution était silencieuse sur la question. C’est sur le
1486Ibidem.
1487Ibid.
1488Ibid.
1489 Voy. sur le sujet, R. BEN ACHOUR, « Vicissitudes du contrôles de la constitutionnalité des lois en Tunisie »,
In, Annuaire intrenation de Justice Constitutionnelle, IV-1988, pp. 536-545 ; Du même auteur, « Le conrôle de la
constitutionnalité des lois au Maghreb : état de la question », Annuaire International de Justice Constitutionnelle,
VII-1991, pp. 637-660.
385







Page 387
fondement du Chapitre premier de la première Constitution de 1959 que la Cour a exercé le
contrôle la proportionnalité entre le maintien de l’ordre public et l’exercice de la liberté
concernée. Compte tenu du caractère non contraignant des anciens avis rendus par l’ancien
Conseil constitutionnel, ainsi que les avis rendus par l’instance provisoire
1490 chargée du
contrôle de constitutionnalité
1491, il n’existe donc pas à notre connaissance de jurisprudences
exploitables en la matière.
465. La nouvelle Constitution de 2014 prévoit une clause générale sur les droits et libertés
qui n’est apparue que tardivement dans l’écriture de la Constitution (2013) et il a fait l’objet
d’un compromis
1492. Au sein de cette clause sont introduites les motions de nécessité et de
proportionnalité afin d’anticiper les besoins d’un système de limitations des droits prévus par
le droit international1493. A priori, le juge ordinaire peine à mettre en œuvre ces dispositions et
à insérer dans son raisonnement juridique le principe de proportionnalité en matière pénale.
Une prérogative d’autant plus difficile à mettre en œuvre, car la Constitution affirme qu’aucun
« tribunal n’est habilité à contrôler la Constitutionnalité des lois». Ce contrôle est
exclusivement réservé à la Cour constitutionnelle. Ce pourrait expliquer le refus des juges
d’interpréter les lois à la lumière des nouvelles dispositions. Autrement dit, en l’absence de juge
constitutionnel, aucun contrôle de la proportionnalité ne serait exercé dans le cadre de la
limitation des libertés. En réalité, on ne peut pas dire que dans la pratique institutionnelle
tunisienne, il existe une expérience de justice constitutionnelle ou de véritable contentieux en
matière d’égalité des sexes. C’est pour cela que nous précisons que ce principe n’est pas effectif
dans le domaine du contentieux des droits et libertés fondamentaux. Par ailleurs, la
la
de
aux
face
2018,
disponible
démocratie,
transformations
1490 Voy. sur ce point, S. HAMROUNI, M. TABEI, et H. ABBASSI AHMED, « Tunisie », in Annuaire
international de justice constitutionnelle,
Juge constitutionnel et interprétation des normes Le juge
constitutionnel
ligne
[https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2018_num_33_2017 _2621], pp. 973-989. Consulté le 12 mars 2020.
1491 Loi organique n°2014-14 du 18 Avril 2014 relatif à la création de l’instance provisoire du contrôle de la
Constitutionnalité des projets de lois.
1492 A. GUELLALI, « La clause générale de limitations dans la nouvelle Constitution : Genèse, portée et défis ».
PNUD, 2016, pp. 411-418.
1493 Article 49 de la Constitution tunisienne du 26 janvier 2014 dispose que C’est ainsi que l’article 49 de la version
finale de la Constitution, tel qu’adopté le 26 janvier 2014, se lit comme suit :

« La loi xe le cadre relatif aux droits et libertés garantis dans cette Constitution ainsi que les conditions de leur
exercice sans porter atteinte à leur essence. Ces restrictions ne peuvent être mises en place que pour répondre à
la nécessité d’un État civil et démocratique et pour protéger les droits des tiers ou pour des raisons de sécurité
publique, de défense nationale, de santé publique ou de moralité publique en respectant la proportionnalité et
leurs raisons d’être. Les instances juridictionnelles veillent à la protection des droits et des libertés de toute
violation. »
en
386




Page 388
jurisprudence administrative tunisienne a souvent consacré ce principe de proportionnalité 1494
et tout comme le juge administratif français il l’a fait de manière implicite1495.
466.
Jean-Marc SAUVE rappelle au cours de l’une de ces interventions que la
proportionnalité est «un mécanisme de pondération entre des principes juridiques de rang
équivalent, simultanément applicables, mais antinomiques
»1496. Il estime également à travers
la formulation d’Aristote que « l’équilibre entre ces deux branches est affaire de proportion ou
de juste milieu»1497. Cette pondération prend forme à travers l’idée ancienne d’une balance des
intérêts qui répond à des finalités différentes que ce soit la recherche «du plus grand bonheur
du plus grand nombre
»1498 ou que ce soit la préservation de « l’harmonie sociale »1499. Dans le
cadre de la première finalité, le juge doit réaliser le bilan coût-avantage de la mise en œuvre de
deux règles de droit, celle qui présente le meilleur bilan sera choisie à l’autre
1500. Autrement
dit, c’est au regard du concept de l’efficience que la règle sera préférée. Dans la seconde finalité,
conviens davantage à la nécessaire conciliation entre deux règles antagoniques. En effet, la
proportionnalité traduit la recherche de cet «équilibre des intérêts en présence» qui va
permettre au juge de découvrir une règle à laquelle il pourra recourir dans le cadre d’une
hypothèse où aucune disposition légale ou coutumière n’est venue apporter une solution.
Autrement dit, la règle n’a pour seule ambition que « de donner la satisfaction, la plus adéquate,
aux diverses aspirations rivales, dont la juste conciliation apparaît nécessaire pour réaliser la fin
sociale de l’humanité »1501. C’est en ce sens que le contrôle de proportionnalité apparaît comme
1494 R. BEN ACHOUR, « Tunisie ». In, Annuaire international de justice constitutionnelle, 25-2009, 2010. Le juge
constitutionnel et la proportionnalité - Juge constitutionnel et droit pénal. pp. 373-379.
1495 Ibidem ; Guy Braibant considère que « « nous n'avons pas une théorie développée du principe de
proportionnalité peut être parce que jusqu'à une date récente nous n'en avions pas besoin, la fonction de ce principe
était partiellement remplie . . . par des notions telles que l'erreur manifeste, le détournement de pouvoir ou la voie
de fait ainsi que par un contrôle étendu de la qualification juridique des faits » G. BRAIBANT, « Le principe de
proportionnalité »,
In Mélanges offerts à Marcel Waline. Le juge et le droit public, Paris, LGDJ, 1974, Tome II,
p. 306.
1496 G. XYNOPOULOS, « Proportionnalité », In D. ALLAND ET S. RIALS (Dir.,), Dictionnaire de la culture
juridique
, PUF, 2003, p. 1251.
1497 J.-.M SAUVE, « Le principe de proportionnalité, protecteur des libertés », Intervention à l’Institut Portalis,
Aix-en-
Provence, Vendredi 17 mars 2017,
ligne
[https://www.conseil-etat.fr/actualites/discours-et-interventions/le-principe-de-proportionnalite-protecteur-des-
libertes] ou à la référence électronique suivante [/admin/content/location/52512].
1498 Selon Bentham, la « balance des intérêts » répond à une philosophie utilitariste dont l’objectif est de «
rechercher le plus grand bonheur du plus grand nombre ». G. LAZZARIN « Le juge administratif et la doctrine de
François Gény
: Réflexions sur la méthode de la “balance des intérêts” », JCP A., 2011, 2222, p. 20.
1499 Selon le Professeur Gény la philosophie n’est pas même que celle de Bentham puisque cette « balance des
intérêts » vise « à préserver l’harmonie sociale, le juge doit opérer une comparaison in abstracto, non des intérêts
particuliers, mais des buts sociaux sous-jacents à ces intérêts ». Ibidem., p. 21.
1500Ibid.
1501F. GÉNY, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif : essai critique, L.G.D.J, 1919, p. 167.
texte disponible sur site du conseil d’Etat en
387




Page 389
une technique casuistique. Néanmoins, la finalité adoptée par la technique de la proportionnalité
se rapproche davantage de celle développée par Bentham en termes de calcul comparatif des
utilités puisque les juridictions nationales et européennes ne cherchent pas à dégager une règle
permettant de régler un conflit de normes, mais se contentent la plupart du temps d’examiner si
une règle légale porte atteinte de manière disproportionnée à un droit ou une liberté. Partant, ce
n’est que dans le cas du silence des normes juridiques que le juge, pour parvenir à une règle
applicable au conflit, devra adopter une démarche qui «consiste à reconnaître les intérêts en
présence, à évaluer leur force respective, à les peser, en quelque sorte, avec la balance de la
justice, en vue d’assurer la prépondérance des plus importants, d’après un critérium social, et
l’équilibre éminemment désirable 
»1502. Aussi, avec
finalement d’établir entre eux
l’introduction de la proportionnalité le juge en plus de sa capacité à écarter une loi
disproportionnée, le juge pourra, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, prendre en
considération des éléments extra-juridiques qui lui permettent de trancher en équité. Il devient
un véritable «censeur » de la loi, car il incarne à travers l’équité « la béquille de la justice»1503.
La proportionnalité combat l’injustice, mais ne détermine pas ce qu’est la justice. En effet, la
proportionnalité permet au juge de se préoccuper des conséquences de la loi sur le droit d’un
individu, c’est-à-dire de statuer sur le point de savoir si la solution qui en résultera est juste pour
cette personne ou pas. Autrement dit, la proportionnalité impose de choisir une solution
raisonnable, qu’elle ne méconnaisse pas les valeurs essentielles qui définissent un ordre social
déterminé. Ces valeurs représentent seulement un standard minimum à respecter. Et dès lors
que ce standard est observé, les ordres juridiques nationaux sont libres de choisir la solution qui
répondra aux critères qu’ils auront eux-mêmes déterminés et donc de décider de ce qui est
«juste». Le principe de proportionnalité en luttant contre l’injustice ne fait qu’écarter les
solutions injustes. Le recours à l’équité permet la formation « de la matrice du droit valide»,
car «à la règle de fer rigide la proportionnalité substituerait la règle de plomb, souple,
infiniment respectueuse de l’irréductible singularité des situations et des êtres. À tout juge, elle
offre la possibilité de dévoiler, sans rougir, le bon Président Magnaud qui sommeille sous sa
robe; à tout justiciable, elle promet un droit sur mesure, bienveillant»1504.
1502Ibidem. p. 167.
1503 Ch. PERELMAN, Justice et raison, Bruxelles, Presses universitaires de Bruxelles, 1963, p. 46 ; En ce sens,
«
L’équité n’est plus alors, comme dans la pensée de Portalis, cette "béquille de la justice" qui comble l’écart
inévitable entre la généralité de la loi et la singularité du fait, elle n’est plus cet ultimum remedium qui supplée aux
lacunes du législateur. Elle devient en elle-
même règle de jugement, principe d’arbitrage, mesure des justes
transactions, concessions et distributions ». F. OST, Droit et intérêt, vol. 2, PFUSL, 1990, p. 180.
1504S. VAN DROOGHENBROECK, X. DELGRANGE, « Le principe de proportionnalité : retour sur quelques
espoirs déçus », Revue du droit des religions, 2019, p. 42. Disponible en ligne, mis en ligne le 08 octobre 2019,
consulté le 07 janvier 2020.[http://journals.openedition.org/rdr/290].
388



Page 390
467. Le test de proportionnalité dans le cadre des discriminations indirectes relatives à
l’égalité des sexes. Le principe d’égalité des sexes constitue une valeur des droits de l’homme
qui «sont les droits des hommes à chaque fois différents. Ils ne sont pas les droits de l’identité
de ces différences, mais les droits de chaque différence de cette identité»1505. La
proportionnalité permet d’envisager les contentieux sous les espèces d’un conflit symbolisé par
des intérêts. Au lieu que le juge identifie les finalités poursuivies par les règles applicables, il
est invité à cerner les finalités poursuivies par chacune des lois afin de les confronter les unes
aux autres. La proportionnalité ne dénoue pas de simples conflits d’intérêts, elle va au-delà en
élucidant un conflit de valeurs, bien que ces valeurs soient contenues dans des normes
antagoniques. En effet, le principe de proportionnalité incarne l’une des finalités du droit et
illustre ce que François Ost qualifie de «dialectique fondamentale»1506, c’est-à-dire celle qui
«
 assigne au droit la finalité d’assurer la médiation en la force et le bien»1507. Autrement dit, la
médiation entre, d’un côté, les rapports de force et les logiques d’intérêts et, de l’autre côté, les
valeurs et la vie bonne à travers «les idéaux normatifs que poursuit une société»1508. Ainsi, la
proportionnalité en luttant contre l’injustice, il retranscrit le rapport social « sur une autre scène,
celle du «
 “tenu pour juste” »1509, mais ne détermine pas ce qu’est la justice. En réalité il
commande d’adopter une solution raisonnable, c’est-à-dire de choisir la solution qui ne passe
pas outre à des valeurs immanentes qui servent de fondement à un ordre social déterminé. Il
constitue l’une des « poutres maîtresses du bâtiment»1510.
468. La Ce contrôle de proportionnalité mis en œuvre par la Cour de justice de l’Union
européenne a contribué au renforcement du caractère effectif du principe d’égalité des sexes.
Puisque la Cour de justice de l’Union européenne part du postulat que l’égalité des traitements
est un objectif à atteindre, elle consacre la liberté pour les États membres de choisir les moyens
utilisés pour atteindre cet objectif, elle se réserve le droit de surveillance sur cette liberté. Ce
contrôle s’exerce dans le cadre de tous contentieux, mais également à travers du recours en
manquement dans lequel la Cour exerce le contrôle relatif à cette exigence de proportionnalité,
1505H. FAES, « Sens et valeur des droits de l'homme », Revue d'éthique et de théologie morale, 2011, p.80.
1506 F. OST, A quoi sert le droit ?,op. cit., p. 339.
1507Ibid.
1508Ibid.
1509Ibid. pp. 41-42.
1510 G. RIPERT, op. cit. p. 344.
389





Page 391
mais aussi à travers le mécanisme de la question préjudicielle où elle renvoie aux juridictions
nationales la possibilité d’apprécier cette exigence.
469. Ces buts légitimes, on peut les apercevoir en matière d’égalité dans l’attendu de principe
que le Conseil constitutionnel ne cesse de rappeler : selon lequel le « principe d’égalité ne
s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce
qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un l’autre cas, la
différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ». À la
lecture de ce considérant, la sauvegarde de l’intérêt général est l’un des objectifs légitimes qui
autorisent le législateur à déroger au principe d’égalité ou à traiter différemment des personnes
se trouvant dans des situations différentes. En outre, la différenciation doit être basée sur un
critère objectif, raisonnable, pertinent au regard du but poursuivi. Aussi, l’appréciation de la
justification du caractère légitime du but poursuivi implique une application concrète de la
jurisprudence établie par le juge en appréciant chaque situation d’espèce. Ainsi, en France, le
principe d’égalité des sexes implique de traiter de la même manière des personnes se trouvant
dans une situation identique, et il n’interdit pas de traiter différemment des individus à la
condition essentielle que ces différences soient justifiées par une différence de situation ou par
un motif d’intérêt général en rapport avec l’objet de la loi qui établit ces différences, elles
doivent être objectivement fondées. À cet égard ces différences de traitement doivent être
proportionnées à la cause qui les justifie et qu’elles soient étrangères à toute discrimination.
Dans le cadre du contrôle de proportionnalité avec l’objectif poursuivi, il doit exister un rapport
raisonnable entre le but poursuivi et les moyens mis en œuvre par la loi qui peuvent être
également justifiés par l’Ordre public.
470. Revenons au droit de l’Union européenne. Parmi les principes et droits fondamentaux
européens, le principe d’égalité de traitement occupe une place de choix. La méthode d’examen
de la Cour de Justice UE exige une stricte proportionnalité entre la fin et les moyens1511. Le
juge introduit une méthode d’examen à travers le principe de proportionnalité dans laquelle
l’exclusion des femmes doit être fondée sur des justifications objectives qui doivent être
dépourvues de liens avec une discrimination sexiste. En ce sens, l’entreprise qui décide
d’exclure les travailleurs à temps partiel, qui sont essentiellement des femmes, lorsqu’il s’agit
1511 Voy. T. LOENEN et N. BOLAIN, « L'égalité des sexes ? Un droit fondamental à repenser », Les Cahiers du
GRIF, 1994, n°48, pp. 45-68.
Disponible sur [www.persee.fr/doc/grif_0770-6081_1994_num_48_1_2055]
390





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d’examiner une loi d’un État1512, la Cour de Justice UE va utiliser la méthode de
proportionnalité en vérifiant que le gouvernement était en capacité d’établir que la norme
répondait à un but nécessaire de politique sociale et qu’elle était adaptée pour parvenir au but
poursuivi et nécessaire à cette fin. Autrement dit, contrôler si les moyens mis en œuvre doivent
être appropriés et nécessaires pour atteindre ces objectifs. De la même manière, la Cour de
Justice UE estime qu’« en en déterminant la portée de toute dérogation à un droit fondamental,
tel que l’égalité de traitement entre hommes et femmes, il est nécessaire de respecter le principe
de proportionnalité, car il fait partie des Principes généraux du droit (PGD) du droit européen.
Conformément à ce dernier, les dérogations ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est
approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. C’est pourquoi il implique la
conciliation, dans toute la mesure du possible, du principe de l’égalité de traitement avec les
exigences de la sécurité publique qui sont déterminantes pour les conditions d’exercice des
activités en question. Ainsi, dans une affaire relative à une législation allemande qui interdisait
l’accès total aux femmes à la carrière militaire, la Cour «estime que, même en tenant compte
de la marge d’appréciation dont elles disposent en la matière, les autorités nationales ont
méconnu le principe de proportionnalité en considérant d’une manière générale que la
composition de toutes les unités armées de la Bundeswehr devait demeurer exclusivement
masculine»1513. En outre, il semblerait que la Cour effectue un examen plus sévère puisqu’au-
delà d’un but légitime il fallait aussi que le l’objectif visé réponde à un objectif nécessaire dans
le domaine de politique sociale1514. Les normes applicables en matière d’égalité des sexes au
niveau du droit européen restent assez précises ce qui permet d’apprécier efficacement une
discrimination illégale basée sur le sexe. De la sorte, le pouvoir d’appréciation de la Cour de
justice de l’Union européenne est strictement encadré et laisse une marge de manœuvre réduite
en matière d’appréciation d’une éventuelle différence de traitement prohibée ou pas par la
norme.
471. - Plus de références et documents sur Legaly DocsCe test vise de manière plus précise à contrôler la proportionnalité de mesures juridiques
prises par les États membres qui ont pour vocation l’exclusion des femmes dans des catégories
d’emploi, car ces exclusions peuvent constituer des discriminations indirectes. C’est
1512 Affaire Rinner-Kuhn.
1513Arrêt de la Cour dans l'affaire C-285/98, Tanja Kreil / Bundesrepublik Deutschland
La Cour confirme, cependant, que des dérogations demeurent possibles quand le sexe est une condition
déterminante d'accès à certaines unités combattantes spéciales.
1514 Affaire Rinner-Kuhn.
391




Page 393
originellement dans l’affaire Bilka1515 que la Cour formule le standard de la proportionnalité1516.
Dans cet arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne le juge a apprécié la proportionnalité
de manière très stricte. Toutefois, ce test de proportionnalité peut apparaître plus souple que
celui initialement formulé dans l’affaire Bilka. Le juge a dû apprécier la proportionnalité des
mesures négatives adoptées au regard de sa finalité première.
472. Dans le cadre du droit européen des droits de l’homme, le professeur Sudre expliquait
que la technique de proportionnalité «obéit à une démarche casuistique qui, là, comme ailleurs,
témoigne de la réticence de la Cour à se laisser enfermer dans des constructions théoriques
préétablies»1517.
473. La méthode d’examen de la CEDH et du CDH n’implique pas l’exigence d’une stricte
proportionnalité entre la fin et les moyens. Ce contrôle exercé va délimiter strictement la portée
de l’article 14 de la CESDH. En effet, l’article 14 dispose que «la jouissance des droits et des
libertés reconnus par la présente Convention doit être assurée sans distinction aucune fondée
notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion… »1518. Comme pour le CDH
la méthode d’examen de la CEDH porte uniquement sur les distinctions qui « manquent de
justifications objectives et raisonnables », elle va néanmoins préciser qu’une distinction ne peut
être considérée comme étant motivée de manière objective et raisonnable «si le but poursuivi
n’est pas légitime ou s’il n’existe pas de proportionnalité raisonnable entre les moyens utilisés
et le but recherché»1519. La jurisprudence relative à l’égalité de traitement entre les sexes au
niveau de la CEDH n’est pas abondante,
1520 mais certaines décisions relatives aux droits
spécifiques des femmes françaises sont significatives puisque ces décisions ont bouleversé
l’acception française de l’égalité des sexes1521. La proportionnalité dans le cadre du contrôle
1515 En l’espèce un grand magasin allemand avait exclu les travailleurs à temps partiel de son régime de pension
de retraite complémentaire. Ce dernier constituait une partie du contrat d’engagement entre Bilka et ses employés.
Aussi, la cour devait répondre à la question principale qui lui était soumises lors de la procédure préliminaire
relative à l’exclusion des employés à temps partiels et à ce que celle-ci pouvait constituer une discrimination
indirecte prohibée par l'article 119 du traité de Rome, qui établit le principe de l'égalité de rémunération entre les
hommes et les femmes.
1516 L. TITIA, B. NANCY. « L'égalité des sexes ? Un droit fondamental à repenser ». In. Les Cahiers du GRIF,
n°48, 1994. Les femmes et la construction européenne. p. 58.
Disponible sur [www.persee.fr/doc/grif_0770-6081_1994_num_48_1_2055]
1517 F. SUDRE, « Le contrôle de proportionnalité par la Cour européenne des droits de l’homme. De quoi est-il
question ?»,
JCPE, 13 mars 2017, p. 505.
1518L’article 14 doit être invoqué en combinaison avec l’un des autres droits mentionnés dans la Convention.
1519 Voir par ex. CEDH 28 mai 1985, Abdulazziz, Publ. de la CEDH série A, 94.
1520 Affaire Abdulaziz, Affaire Rasmussen,
1521 l’IVG et du droit à l’accouchement sous X, droit de la filiation et l’intérêt supérieur de l’enfant.
392





Page 394
exercé par la C.E.D.H constitue une garantie de protection subsidiaire à celle des États parties.
Conformément à sa jurisprudence constante, le juge de Strasbourg doit vérifier si la mesure
litigieuse «poursuit un but légitime» et « s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité
entre les moyens employés et le but recherché»1522. Nonobstant, sans compter que le fait que
le critère «métajuridique» du raisonnable «risque parfois de dégénérer en une réflexion
étrangère au droit
»1523 le juge européen attribue aux États membres une marge d’appréciation
dont « l’étendue varie selon les circonstances, les domaines et le contexte »1524. C’est en ce sens
que dans l’affaire Rasmussen
contre Danemark1525, la Cour européenne avait considérait que
dans le cadre de son contrôle elle devait tenir compte du contexte et social qui régnait à l’époque
de l’État et que « les autorités compétentes étaient fondées à croire qu’à l’égard du mari
l’introduction d’une loi constituait le meilleur moyen d’atteindre le but recherché, tandis que
dans le cas de la mère il suffisait de laisser aux juridictions le soin de trancher la question à la
lumière des particularités de chaque espèce. Compte tenu de leur marge d’appréciation, elles
n’ont donc pas non plus transgressé le principe de proportionnalité »1526. Ainsi la Cour conclut
que « la différence de traitement litigieuse n’était pas discriminatoire au sens de l’article 14».
En effet, la proportionnalité étant plus souple la CEDH adopte une approche plutôt formelle
dans l’interprétation de l’égalité, car elle répond à ce raisonnement : existe-t-il des différences
entre les hommes et les femmes qui peuvent justifier une différence de traitement?
474. En conclusion, la proportionnalité est un moyen de conciliation qui n’existe pas en
Tunisie pour le moment, mais qui le cas échéant pourrait servir à révéler la difficulté de concilier
les différentes valeurs relatives à l’égalité des sexes. En effet, « l’égalité n’est (…) pas un simple
objectif idéaliste, il s’agit bien au contraire d’un champ de lutte idéologique particulièrement
féroce»1527. Néanmoins, la conciliation n’est pas impossible. De la même manière, la
proportionnalité est un moyen mis à la disposition du juge pour apprécier la norme litigieuse
au regard de sa finalité. Dès lors, l’examen va consister à apprécier si les mesures sont légitimes
1522 C’est-à-dire « s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but
recherché » par exemple dans le cadre de la décision rendu par la CEDH. 6 avril 2000 Thlimmenos c/ Grèce Req.
n° 34369/97,
1523 Voy, notamment l’opinion dissidente du juge Zupancic relative à l’arrêt C.E.D.H. 29 avril 1999 Chassagnou
c/ France

1524 C.E.D.H. 28 novembre 1984 Rasmussen c/ Danemark, Série A n° 87 ; C.E.D.H. 28 octobre 1987 Inze c/
Autriche
, Série A n° 126
1525Ibidem, §. 41.
1526Ibid. §. 42.
1527M. GARON, P. BOSSET, « Le droit à l’égalité : des progrès indéniables, des inégalités persistantes », In. La
Charte québécoise des droits et libertés après 25 ans, Montréal, Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse, 2003, p. 64.
393




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selon des circonstances différentes qui vont donner des solutions variables ainsi que des formes
différentes à la technique de proportionnalité. La valeur d’égalité des sexes a vocation à
remettre en cause les structures sociales, car elle implique la prise en considération de facteurs
extra-juridiques. Ce changement conceptuel de l’égalité formelle à une égalité concrète peut
apparaître comme renversant une forme d’équilibre sociale puisque le concept de
discrimination indirecte bouleverse la forme historique de la cohésion sociale1528. Aussi, la
proportionnalité apparaît comme une approche qualitative de l’égalité des sexes et de non-
discrimination par la Cour de justice de l’Union européenne. Le concept de discrimination
indirecte suppose une prise de distance fondamentale à l’égard de l’approche formelle de
l’égalité. Dans le contexte de cette approche, les questions d’égalité entre les sexes ne peuvent
se révéler à la condition que les femmes et les hommes subissent des traitements différents.
« Les résultats d’un traitement particulier ne peuvent avoir une dimension significative si le
traitement en soi est identique. Par contre, le concept de discrimination indirecte érige
l’inégalité de résultat en point de départ d’une étude plus poussée. En ce sens, la discrimination
indirecte constitue un levier aux différents freins à l’égalité effective entre les sexes.
Néanmoins, il ne saurait constituer à lui seul un moyen d’obtenir une égalité effective.
§2. Les effets nuisibles de la fragmentation du principe d’égalité des sexes
475. Selon le professeur OST, les fonctions du droit peuvent être considérées à travers la
question des effets du droit. Ce dernier concept relève « de la notion d’efficacité » et implique
«
une analyse en termes de performance»1529. Les effets du droit ne relèvent pas exclusivement
du point de vue «
systémique » ce qui veut dire qu’ils sont nécessairement « non désirés»1530.
Autrement dit, il s’agit « des effets désirés non atteints et des effets non voulus»1531. On parlera
des effets pervers du droit, à laquelle nous ajoutons l’idée que le fonctionnement du droit est
perturbé et que cette perturbation se traduit par la modification du sens du principe, des fins de
l’ordre juridique considéré. À cet égard, la fragmentation du principe d’égalité des sexes
1528 Voy. sur cette notion de cohésion sociale, la définition initiale, E. DURKHEIM, De la division du travail
social, 1983, Paris: Les Presses universitaires de France, 1967, 416 pages.
Pour une définition actuelle, Voy. C.
AVENEL, « La « cohésion sociale » : de quoi parle-t-on ? Clarifier le concept pour consolider un nouveau modèle
d'action »,
in J.-Y. GUEGUEN éd., L'année de l'action sociale 2015 : Objectif autonomie, Dunod, 2014, p. 13.
1529 En effet, dans son approche systémique du droit, il oppose le point de vue interne et le point de vue externe du
droit. Le premier correspond aux fonctions et aux rôles du droits, le second les effets et résultats du droit. Voy. Le
tableau In P. BEGASSE DE DHAEM et al., « A quoi sert le droit ? » Op. Cit. p167
1530 Ibid. p.170.
1531 Ibid.
394





Page 396
apparaît comme ayant des effets pervers. Étymologiquement, le terme fragment trouve son
origine dans le latin classique à travers le mot fragmentum qui signifie «morceau», mais
également de frangere qui se traduit par «briser». Au XIXe, le terme fragmenter se définit de
la manière suivante; « Diviser, séparer par fragments. Une œuvre fragmentée. Se fragmenter,
être divisé par fragments»1532. Autrement dit, la fragmentation consiste dans le fait de briser,
de séparer en fragments et au sens figuré il s’agit de morceler. Le principe d’égalité des sexes
peut être décrit comme fragmenté, et ce à des niveaux théoriques, conceptuel, institutionnel et
linguistique. De même, sa fragmentation apparaît à travers les différents champs disciplinaires
qui sont séparés en branches du droit, qui elles-mêmes sont divisées en plusieurs structures
spécialisées. Comme il a été souligné tout au long du développement de ce titre, la
multiplication des acteurs notamment des acteurs spécialisés1533 dans la protection des droits
fondamentaux, et à travers ce dernier celui du principe d’égalité des sexes en France soulève la
question fondamentale de son inexistence en Tunisie. En effet, il apparaît comme une nécessité
contemporaine de recourir à de nouveaux acteurs de protections susceptibles de couvrir une
partie de la protection de ces droits. Cela serait l’occasion d’offrir comme en France des
pouvoirs de protection relativement importants offerts à certains acteurs non juridictionnels.
Ainsi, on constate que le niveau d’intégration du principe d’égalité des sexes dans les deux
systèmes est divergent, car les modalités de fonctionnements et d’interventions prévues par
chacun des systèmes juridiques sont sensiblement différentes. Il y a de bonnes raisons de penser
que les dispositifs juridiques français sont plus aboutis que ceux existants dans le système
tunisien. Néanmoins, la multiplication des acteurs de protections ainsi que des ordres juridiques
a eu pour effet la fragmentation du système de protection des droits et libertés, dont le principe
d’égalité des sexes, qui tend à remettre en cause l’effectivité des différentes formes de
protection, mais également une fragmentation de la signification même du principe d’égalité
des sexes. La perception de la différenciation interne du principe entre les deux systèmes
juridiques constitue un élément de la fragmentation conceptuelle de celui-ci. Ici, nous sommes
confrontés au premier impact direct de la différenciation conceptuelle du principe d’égalité des
sexes. Même le droit international, qui se voyait comme le droit permettant une forme
d’unification des différents systèmes juridiques, ne s’est pas trouvé immunisé contre les effets
de fragmentation du droit. Les effets de fragmentation se sont manifestés à travers l’expansion
des acteurs de protection et la multiplication des outils de protections. Cette manifestation est
apparue avec l’émergence et l’expansion rapide des organisations supranationales, dans des
1532 Émile Littré, Dictionnaire de la langue française.
1533 A travers notamment les AAI.
395



Page 397
ordres juridiques différents. S’ajoute à cela une fragmentation sectorielle des outils et des
acteurs de protection. Ainsi, on constate une fragmentation du sens du principe d’égalité des
sexes qui va avoir pour conséquence de remettre en question l’effectivité des modalités de
garantie choisies.
476. La fragmentation du sens. Parler de fragmentation, cela implique également l’idée de
cohérence et d’unité du droit. À cet égard, la cohérence et l’unité du droit permettent d’entrevoir
l’horizon à atteindre et d’envisager le sens donné à l’action. Le sens du principe d’égalité des
sexes se traduit par les différentes conceptions et philosophies qui le traversent, ainsi que, de
manière corollaire, le Principe de non-discrimination. La fragmentation du sens du principe
d’égalité des sexes repose également sur la fragmentation du système de garantie du principe
qui fait pièce à l’inspiration d’une unité de sens au processus de protection du principe d’égalité
des sexes. Ce morcellement repose sur trois étapes clés qui expliqueraient ce phénomène. Dans
un premier temps, l’émergence d’acteurs sectoriels de protection ne permet pas de donner une
image globale des obstacles qui, bien relevant d’acteurs distincts, exposent un certain nombre
d’analogies
1534.Dans un deuxième temps, la fragmentation institutionnelle et structurelle de
défense du principe d’égalité des sexes est assortie d’une hétérogénéité des pouvoirs d’actions
et de prérogatives des acteurs qui sont attentatoires à une protection uniforme du principe
d’égalité des sexes à travers le système de protection des droits fondamentaux. Même si le
système de valeur et les finalités qui exhortent ce système de protection sont généralement
communs aux différents acteurs, à savoir la protection juridictionnelle effective du principe 1535
et sa protection à travers des mesures de promotions et d’incitation du principe1536, il ne leur
appartient pas de déplacer les lignes du pouvoir public à modifier leur comportement même
s’ils disposent d’un pouvoir d’incitation. En effet, ils sont tenus aux prérogatives qui leur sont
attribuées en matière de pouvoir qui peut échapper dans le cadre des acteurs non juridictionnels
aux exigences de cohérences1537. Une incohérence marquée par le fait que «la gamme de
1534 A titre d’exemple les AAI qui sont des acteurs non – juridictionnels. Voy. sur le SUJET R. DOSIERE ET CH.
VANNESTE,
Les autorités administratives indépendantes, Rapport d'information n° 2925 fait au nom du Comité
d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, 2010, p. 67.
1535 Acteurs juridictionnels.
1536 Acteurs non-juridictionnels. Voy S. GERRY-VERNIERES, Les « petites » sources du droit ». A propos des
sources étatiques non contraignantes, Economica, coll. Recherches juridiques, Paris, 2012, pp. 238 et ss.
1537 Voy. sur le sujet J.-L. AUTIN, « Intervention des autorités administratives indépendantes », JurisClasseur
Libertés, fasc. n° 300, 01 mai 2009 ; A. ROUYERE, « La constitutionnalisation des autorités administratives
indépendantes : quelle signification ? »,
R.F.D.A., 2010, p. 887.
396




Page 398
pouvoir dont elles [notamment les AAI en tant qu’acteurs non juridictionnels] disposent a
toujours été variable
»1538.
477. Si l’ensemble des acteurs institutionnels et structurels œuvrent vraisemblablement en
faveur de la défense du principe, l’orientation donnée à leur action et leur finalité ne sauraient
être exactement identiques d’un acteur à l’autre dans un même système, d’une part1539, et d’un
système à un autre, d’autre part
1540. Comme nous l’avons vu précédemment, il existe un risque
de contradictions sur le principe d’égalité des sexes, risque qui pourrait s’accentuer dans le
cadre du système juridique tunisien en l’absence de communication à travers le mécanisme du
dialogue des juges. En effet, l’absence d’interaction entre les différentes autorités en charge de
la défense du principe d’égalité et la multiplication de ces dernières notamment à travers la
question des acteurs sectoriels qui interviennent dans un même domaine peut entraîner
l’enchevêtrement des systèmes de protection et des compétences1541. C’est ainsi que l’on
constate qu’il n’existe pas qu’un ordre juridique unique hiérarchisé, mais une «multitude de
systèmes entretenant entre eux des rapports complexes et parfois étranges» à travers un système
de réseau
1542.
478. La complexité du droit transforme la conception interne du principe d’égalité des sexes
ainsi que le mode de gestion et de protection institutionnelle et juridictionnelle de ce principe.
1538 « De plus en plus nombreuses, les AAI sont devenues de plus en plus diverses par leurs domaines
d’intervention, leurs principes d’organisation et leurs pouvoirs, au point qu’il est difficile de trouver entre elles
un dénominateur commun. (...) Si l’octroi aux AAI de compétences juridiques normalement dissociées a été l’un
des critères d’identification de la catégorie, la gamme de pouvo
irs dont elles disposent a toujours été variable »
J. Chevallier, « Le statut des autorités administratives indépendantes : harmonisation ou diversification ? »,
R.F.D.A.,
2010, p. 896.
1539 Ici on sous-entend les systèmes internes français et tunisien. Chacun des systèmes disposent d’acteurs propres.
1540 Ici on désigne le système français et le système tunisien, mais également les différents systèmes régionaux et
internationaux que l’on a déjà évoqués.
1541 A titre d’exemple Voy. F. BALAGUER CALLEJON. « Niveaux et techniques internes et internationaux de
réalisation des droits en Europe. Une perspective constitutionnelle »,
Revue française de droit constitutionnel,
2004, pp. 675-693 ; R. TINIERE, « Le pluralisme désordonné de la protection des droits fondamentaux en Europe :
le salut réside-t-
il dans l’équivalence ? » Revue des Droits et Libertés Fondamentaux, 2017, chron. n°17 ; V.
LOBIER, «
Les cours constitutionnelles et l’enchevêtrement des systèmes de protection des droits fondamentaux.
L’exemple du mandat d’arrêt européen – 2ème partie », Revue des Droits et Libertés Fondamentaux, 2015, chron.
N°04
; S. BENICHOU, « L’effectivité du principe de non-discrimination « raciale » : concurrence ou
complémentarité du juge et de la Halde ? »
In : À la recherche de l'effectivité des droits de l'homme. Nanterre :
Presses universitaires de Paris Nanterre, 2008
, pp. 193-223.
Disponible en ligne [http://books.openedition.org/pupo/1176] ; « Tout comme la coexistence entre autorités
administratives indépendantes et administrations traditionnelles, la coexistence des autorités administratives
indépendantes entre elles est une source potentielle de difficultés et de tensions » C.E., Réflexions sur les autorités
administratives indépendantes, Rapport public, La Doc. fr., coll. Etudes et documents, Paris, 2001, p. 341.
1542 E. FOSTER « Van de Kerchove M. De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit ». In:
Revue internationale de droit compar
é.2003. p. 730.
397





Page 399
En effet, la multiplication des instances et organisations peut avoir des effets de fragmentation
ou de morcellement du principe d’égalité des sexes. Dans le cadre de l’articulation du système
tunisien avec les différents ordres juridiques supranationaux, l’absence de dialogue des juges
ainsi que les références croisées qui peuvent exister entre les français et Européen contribuent
à la fragmentation de l’interprétation du principe d’égalité des sexes, au niveau national, mais
également au niveau régional. En effet, l’absence de discussion entre l’organisation et les
acteurs régionaux africain, maghrébin et arabe avec celles et ceux issus de l’ordre juridique
européen et celui du droit international entraînera certainement l’éclatement de la conception
du principe d’égalité des sexes, mais aussi la stagnation des outils de protection. C’est ainsi que
ce risque de fragmentation a déjà été envisagé au niveau au droit international : la Commission
du droit international a tenté de définir la fragmentation comme conflictualité entre différents
éléments normatifs. En effet dans son rapport sur les «difficultés découlant de la diversification
et de l’expansion du droit international », elle souligne celles qui résulteraient de «(...)
l’apparition de règles ou d’ensembles de règles, d’institutions juridiques et de domaines de
pratique juridique spécialisés et (relativement) autonomes»1543.
479. Cette fragmentation n’est pas étrangère à un système juridique qui se fonde sur le
concept de «société-monde»1544 et va transformer «les aspirations normatives»1545 et «les
aspirations cognitives
»1546 des droits internes. En effet, « la multiplicité des interprétations
menace inévitablement l’unité et la cohérence des droits de l’homme »1547, et donc du principe
d’égalité des sexes, « ainsi que l’égalité des individus à leur égard en raison de solutions
divergentes dans des situations similaires »
1548. Cette déstructuration aurait pour conséquence
de rendre
inenvisageable
toute représentation d’ensemble
touchant aux droits et
9
le
en
13
ligne
2019,
depuis
janvier
consulté
1543 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-huitième session, 2006, Chap.
XII, p. 184. Cité par B. DURAND-JAMIS, « Propos introductifs : la polarisation de la notion de fragmentation,
entre unité et diversité du droit », La Revue des droits de l’homme, 2019, p.2.
Disponible
le
[http://journals.openedition.org/revdh/5917; DOI : https:// doi.org/10.4000/revdh.5917].
1544N. Luhmann, « Die Weltgesellschaft », 57 Archiv für Rechts und Sozialphilosophie 21 (1971), réédition dans
Soziologische Aufklärung, vol. 2 : Aufsätze zur Theorie der Gesellschaft 51, 63 (N. Luhmann ed., 3rd ed., 1986).
1545C’est-à-dire, « politique, moralité et droit ». A. FISCHER-LESCANO, G. TEUBNER, « Collisions de
régimes : la recherche vaine de l'unité juridique face à la fragmentation du droit mondial »,
Revue internationale
de droit économique
, 2013, p. 188.
1546C’est-à-dire « économie, science, technologie ». Ibidem.
1547B. DURAND-JAMIS, « Propos introductifs : la polarisation de la notion de fragmentation, entre unité et
diversité du droit »,
La Revue des droits de l’homme, 2019, p. 4. Disponible en ligne depuis le 13 janvier 2019,
consultée le 9 juillet 2020 à l’adresse URL suivante, [http://journals.openedition.org/revdh/5917 ; DOI : https://
doi.org/10.4000/revdh.5917].
L’auteur B. DURAND-JAMIS cite en note de bas de page n°18, T. Buergenthal,
« Proliferation of International Courts and Tribunals: Is It Good or Bad? », Leiden Journal of International Law,
2001, p. 272-273
1548 Ibidem.
2020.
Juin
398




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libertés.L’unité normative et interprétative doit exister au niveau de l’ordre national et local et
le dialogue doit être maintenu entre les différents systèmes afin de privilégier la conciliation
entre les différentes valeurs normatives. Autrement dit, l’unité contribue au maintien d’une
cohérence narrative en dépit d’une diversité d’interprétations locales. Ainsi, l’action conjointe
des acteurs permettrait de faire émerger de nouveaux principes communs tout en facilitant
l’accès aux différents pouvoirs de protection du principe.
480. Pour ce qui est de ce bilan, l’émergence d’acteurs non juridictionnels et juridictionnels
au rang régional doit malgré ces risques être privilégiée. Néanmoins, il faut prendre en
considération que la fragmentation du système de protection des droits fondamentaux de
garantie en une multitude d’autorités cause des difficultés liées à l’effectivité même de la
défense du principe à travers la question de l’intelligibilité et la clarté du dispositif institutionnel
et juridictionnel à l’égard des individus.
481. La remise en cause de la protection effective du principe. Les facteurs exogènes
entraînent, dans l’essence même du droit à l’égalité des sexes et dans sa pratique, une
continuelle ambivalence. Une ambivalence qui est davantage perceptible au niveau du système
juridique interne qu’au niveau extérieur. L’ambivalence marquée par ces facteurs exogènes se
traduit par la tentative de conciliation entre l’universalisme et le réalisme. Universalisme parce
que la Tunisie fait le choix d’adhésion aux grands principes, réalisme, car elle fait également le
choix de la défense d’une partie de sa conception de l’égalité des sexes à travers une forme de
prudence et de modération. Cette logique on la retrouve chez Bourguiba qui explique que pour
la Tunisie “réalisme, modération, prudence ne signifient pas arrêt du mouvement. C’est le choix
d’une juste cadence”
1549. Ce réalisme a pour préoccupation “l’efficacité”1550 et le “rendement
meilleur”
1551 qui peut être compris comme étant l’efficience. En effet, la question de l’égalité
des sexes inclut l’idée de réduire les inégalités, sa réduction implique un double volet. Le
premier volet qui se place dans une logique économique se situe du point de vue de l’effectivité
qui se justifie par une recherche de l’efficacité et de l’efficience dans l’action. Le second volet
relève de logiques sociales, notamment la responsabilité sociale, la lutte légitime contre les
discriminations qui se situe dans une logique de validité. C’est dans cette logique qui se traduit
1549 Extraits du discours de Bourguiba prononcé le 29 juin 1972 au cours d’un déjeuner officiel à l’Elysée, lors
d’une visite officielle en France qui a eu lieu du 28 au 30 Juin 1972.
Cité par M. Ben Hamed, Op. Cit. p. 35.
1550 Ibidem.
1551 Ibid.
399





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par le respect des lois et la prise en considération de la contingence que l’égalité se trouve dans
un juste équilibre. C’est dans cet objectif que BOURGUIBA a expressément choisi son système
de valeurs, de son référentiel occidental tout en gardant son bagage culturel avec le monde
arabe. En ce sens il déclare que “les grands principes de la Révolution française, les idées de
Woodrow WILSON et les structures juridiques de la civilisation occidentale tiennent une
grande place dans leur crédo civique”. Toutefois, même si “les intérêts économiques (de la
Tunisie) et son futur développement la poussent vers l’Occident, mais elle ne doit en aucune
façon renier son allégeance au monde arabe et musulman”
1552. C’est à partir de cette approche
politique qu’il va déterminer les principes fondant sa politique et qui va forger la conception de
l’égalité des sexes. En effet, estimant que la base de stratégie politique tant sur le plan interne
et qu’externe se fondait sur le réalisme, il considérait que ce dernier impliquait “le progrès par
étapes”
1553 qui conduira à une “coopération avec les États européens qui sont [les] voisins, et
particulièrement avec la France qui a marqué la Tunisie et sa culture”1554. Ce choix
correspondait à une certaine forme de pragmatisme de la part de Bourguiba qui estimait que
cette politique construite sur des interactions avec l’Occident en matière économique et
culturelle l’aiderait à réaliser un développement performant de la société tunisienne.
482. La fragmentation se réalise à travers cette interdépendance entre deux systèmes de
valeurs hétéroclites incarnées
, d’une part, par “les traditions ‘ethniques et culturelles’1555
attachées au monde arabe et d’autre part, celles des valeurs occidentales, aura pour conséquence
un premier symptôme de rejet de la part d’une partie de la société tunisienne qui se concrétisera
durant les années 1980 par l’émergence de l’islamisme radical. C’est ainsi que le choix d’un
seul homme conduit la Tunisie a adopté une structure juridique constitutionnelle identique à
celle de la France, puis l’introduction d’un code visant à régir le statut personnel de la famille
notamment celui de la femme. Ainsi, la structure tunisienne se trouve assise sur deux sources
d’influences qui incarnent deux cultures et deux civilisations qui sont éloignées l’une de l’autre,
non pas parce qu’elle ne partage pas les mêmes idéaux relatifs à l’égalité entre les hommes et
notamment celle entre les sexes, mais c’est le contenu, la signification même de cette égalité
qui diverge.
* *
1552 « Nationalism : antidote to communism » In Foreign Affairs, n°4, Volume 35,1957, pp. 646-653.
1553 « The tunisian Way », In In Foreign Affairs, n°3, Volume 44, 1966, p. 481 et s.
1554 Ibidem.
1555 « Nationalism : antidote to communism » In Foreign Affairs, n°4, Volume 35,1957, pp. 646-653.
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*
483. Conclusion du titre II relatif aux limites du processus de structuration.
L’introduction du féminisme en France a permis une amélioration des règles de droit en
vigueur, et plus précisément par des restructurations dans la manière de les appliquer. Comme
nous l’avons vu, l’absence d’un féminisme significatif et organisé par les Tunisiennes n’a pas
forcément porté atteinte à la restructuration juridique et sociale. De plus, l’intervention d’un
féminisme d’État incarné par un homme (Bourguiba) a permis d’épouser en grande partie les
finalités de modernité et d’égalité. Néanmoins, les études féministes permettent de révéler que
la représentation des rapports homme-femme a pendant longtemps constitué une donnée
structurante de premier ordre, et cause d’inégalités. Pour l’instant, en l’absence d’un féminisme
structuré et structurant en Tunisie, et malgré les efforts menés par le féminisme français, le
processus organisationnel érige un système d’activités auquel on a donné une finalité et qu’on
a organisé selon une hiérarchie qui se maintient à l’aide de schèmes de configurations
coordonnant l’action. Actuellement, la domination patriarcale, masculine et capitaliste
représente incontestablement une des dimensions significatives de ces processus de sexuation.
C’est sur cette dimension que les supports de la coordination de l’action sont régis par des
règles, les routines et les conventions. Dès lors, la règle est intrinsèquement liée au contexte de
l’action et elle devient effective que dans des cas particuliers. Ainsi, la dualité de la notion
d’organisation qui désigne à la fois un phénomène juridique et un phénomène sociologique
n’empêche en rien la relation entre les deux aspects de la notion, bien au contraire,
l’organisation constitue une spécificité historique d’un espace d’intersection entre le droit et la
sociologie. C’est cet espace commun qui a permis de constater que l’organisation et le droit ont
fait l’objet de changements, en gagnant à la fois d’adaptabilité et en complexité. Nos sociétés
sont ainsi caractérisées par de nouvelles techniques, technologies1556 et voie de communication
modernes qui ont pour effet de rendre la transformation des normes sociales permanentes,
quotidiennes et accélérées. C’est bien la doctrine féministe qui permet de comprendre ces
transformations permanentes et de constituer à la fois à laboratoire d’analyse et une « tours de
1556 La technologie opère des avancées significatives lorsqu’elle constitue un outil de mesure des discriminations
ou de lutte contre les discriminations dans le cadre d’une appréciation objective qui se substitue à l’appréciatio
n
subjective humaine. À titre d’exemple, on peut citer l’exemple significatif des recrutements à l’aide d’outils
informatiques, tel que l’algorithme qui ne seraient pas sensibles aux préjugées ou stéréotypes. D. THARAUD,
« Algorithme », in Dictionnaire Juridique de l’égalité et de la non-discrimination, D. THARAUD, C. BOYER-
CAPELLE (Dir.,), L’Harmattan 2021, p. 28.
Néanmoins, la technologie étant une création humaine reproduit les rapports humains existants et notamment les
discriminations dans le cadre de biais genrés. J. CHARPENET, C. LEQUESNE ROTH, « Discrimination et biais
genrés »,
D. 2019, p. 1852.
401




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garde » du principe d’égalité des sexes. C’est bien grâce études féministes que les systèmes ont
commencé à envisager plusieurs questions sur les inégalités, dont celle de l’État et des rapports
sociaux de sexes. Cela nous a permis notamment de constater l’impact de la crise sanitaire et
de
la représentation des rôles sociaux selon
le sexe. Les discriminations sont
multidimensionnelles structurelles et systémiques. Cette constatation n’a été possible que grâce
au travail comparatif des féministes. C’est uniquement de ce constat que le législateur a imaginé
des outils de lutte contre les inégalités structurelles, notamment à travers la question de l’action
positive1557 et celle de la discrimination positive. De la même manière que les outils
compensatoires ont été nécessaires, le féminisme a souligné le besoin de ressources matériel et
financier nécessaire dans la mise en œuvre de l’égalité homme-femme. Il a été fortement
souligné que dans le cadre du libéralisme, ou plus exactement des politiques d’inspiration
néolibérales, on a assisté à un retrait de l’aide matérielle de l’État et par conséquent le marché
de l’emploi a mis en exergue les inégalités d’ordre ethnique ou de classe entre les femmes.
Ainsi le féminisme est un outil de conceptualisation, d’analyse indispensable dans la
structuration du principe démocratique de l’égalité des sexes. Son absence, sa mise à mal
constitue définitivement une limite dans le processus de structuration du principe égalitaire au
sein des systèmes juridiques. Il constitue l’un des points de divergence systémique dans
l’expérimentation et la construction du principe d’égalité des deux États. C’est ce qui explique
le retard tunisien dans le cadre de la participation des femmes dans le processus législatif et leur
participation au sein de la mise en œuvre de politiques publiques. En effet, la mobilisation du
féminisme aux ordres de l’état a complètement affecté le processus de structuration du principe
d’égalité des sexes. À vrai dire, le féminisme tunisien apparaît comme un pivot sur lequel s’est
fondée la propagande du régime autoritaire. Cette mise en tutelle du féminisme au pouvoir
central n’a pas permis l’émancipation du féminisme en ce que les femmes subissent une double
aliénation. Tout d’abord, une aliénation religieuse. Ensuite une aliénation institutionnelle et
politique au processus historique qui a instrumentalisé les femmes. Cependant l’émergence du
noyau dur du féminisme d’État au début des années 1970 notamment avec l’Union nationale de
la femme tunisienne (UNFT) n’a pas permis de déconstruite le discours dominant et de faire
émerger une convergence de luttes contre le pouvoir. La contestation contre ce dernier n’étant
1557 L’action positive est « synonyme de discrimination positive». Cette expression reste «essentiellement utilisée
en droit international et en droit de l
’Union européenne. Elle consacre une traduction de l’expression états-unienne
“Affirmative Action”. Cette action consiste à “mettre en œuvre des mesures en faveur d’un groupe de personnes
discriminées afin de compenser de prévenir des discriminations à l’œuvre en pratique”. Ces actions “s’inscrivent
dans une philosophie d’égalité substantielle qui vise à atteindre une égalité réelle entre les groupes
».
M. SWEENEY, « Action positive », in Dictionnaire Juridique de l’égalité et de la non-discrimination, D.
THARAUD, C. BOYER-CAPELLE (Dir.,), L’Harmattan 2021, pp. 19-20.
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pas toléré il faut attendre le changement de Constitution en 2014 pour voir émerger un
pluralisme féministe et une multiplication de structure associative qui permettent aujourd’hui
d’entamer une diversité d’approches. De cette expérience institutionnelle de l’histoire naissent
les féminismes tunisiens. Une première structure conservatrice s’attache à l’application de
l’égalité homme-femme dans la limite du référent arabo musulman, une deuxième structure
plus radicale invoque une égalité totale sans aucune limitation et dans le cadre des standards du
droit international. La dernière se préoccupe de la préservation des acquis historiques.
484. De ces divergences naissent des rapports conflictuels entre le système tunisien et
français qui se traduisent par une double polarisation. Cette double polarisation ne se traduit
par une opposition de principes juridiques qui sous-tendent des valeurs. La Tunisie est un
système hybride fondé sur un double référent qui structure le principe d’égalité des sexes à
travers la norme constitutionnelle. Autrement dit, le caractère hybride du système juridique
tunisien repose sur une double polarisation des rapports intersubjectifs.
485. Pour éviter une aggravation du système tunisien, il est impératif de trouver des remèdes
en amont, c’est-à-dire au niveau du principe de proportionnalité. Soutenir que le
fonctionnement du principe d’égalité des sexes repose sur des systèmes de valeurs différents
nous a permis d’analyser les obstacles majeurs liés aux divergences entre ces systèmes. Le
premier obstacle est lié à la question de la conciliation. C’est ici, un point essentiel de notre
étude et cela dénote l’intérêt de poser en ces termes le problème des principes. L’absence d’une
institution constitutionnelle en charge du contrôle de constitutionnalité et l’absence de pratique
du principe de proportionnalité par la jurisprudence en matière d’égalité des sexes ne permet
pas d’expliciter et d’opérer un équilibre des intérêts entre l’ordre de valeurs contenu dans des
principes antagoniques. La clarification de sa conciliation avec d’autres libertés permettrait de
remettre en cause les structures sociales, car elle implique la prise en considération de facteurs
extra-juridiques. Une nouvelle conceptualisation de l’égalité des sexes permettrait d’entrevoir
une égalité concrète, car la proportionnalité apparaît comme une approche qualitative de
l’égalité des sexes et de non-discrimination.
486. Par ailleurs, ces divergences de valeurs entraînent des effets négatifs du droit, en
particulier celui de l’égalité homme-femme. Il s’agit de l’effet de fragmentation du principe.
Cet effet de fragmentation se réalise à travers cette interdépendance entre deux systèmes de
valeurs hétéroclites incarnées, d’une part, par les traditions ethniques et culturelles attachées au
403





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monde arabe et, d’autre part, celles des valeurs occidentales auront pour conséquence un
premier symptôme de rejet de la part d’une partie de la société tunisienne qui se concrétisera
durant les années 1980 par l’émergence de l’islamisme radical. C’est ainsi que le choix d’un
seul homme conduit la Tunisie a adopté une structure juridique constitutionnelle identique à
celle de la France. Ainsi, la structure tunisienne se trouve assise sur deux sources d’influences
qui incarnent deux cultures et deux civilisations qui sont éloignées l’une de l’autre, non parce
qu’elle ne partage pas les mêmes idéaux relatifs à l’égalité entre les hommes et notamment celle
entre les sexes, mais c’est le contenu, la signification même de cette égalité qui diverge. C’est
de ce point de vue que nous constatons la remise en cause effective du principe.
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CONCLUSION GÉNÉRALE
487. Nous avons commencé notre étude par le constat que le principe d’égalité des sexes était
au fond une question de justice. Nous avons alors proposé une définition de l’égalité des sexes
à travers l’idée d’équité, une définition qui mérite d’être débattue, à l’issue de notre travail.
488. Dans le contexte du droit positif français, le principe d’égalité homme-femme désigne
à la fois une affirmation positive (égalité formelle) et une affirmation négative (non-
discrimination). Avec l’adoption de la nouvelle Constitution tunisienne de 2014, le droit positif
tunisien opère un changement de paradigme en introduisant l’interdiction de toute
discrimination fondée sur le sexe. Nous avons constaté dès le début de notre étude que ces deux
principes juridiques étaient complémentaires et donc corollaires. Aussi, réfléchir sur la question
de l’influence du système français sur le système tunisien à travers la question de l’égalité
homme-femme revenait-il à s’interroger sur le caractère universel de ce principe.
Le risque de confusion des notions
489. Dès l’abord de l’étude, une multitude de questions ont envahi notre esprit. Qu’est-ce
que l’effectivité ? L’égalité entre homme et femme est-elle envisagée de la même manière dans
les systèmes juridiques étudiés ? Et, pourquoi envisager l’égalité sous le prisme de l’équité ?
490. Pour essayer de répondre à ces interrogations, nous nous sommes tournés vers les
sciences sociales. À cet égard, le structuralisme nous est apparu comme une sorte de boîte à
outils du petit «
bricoleur»1558, à laquelle nous pourrions emprunter quelques instruments pour
analyser les systèmes juridiques. Par exemple, l’idée de structure s’est présentée comme le
moyen de penser le réel tout en prenant nos distances avec lui, en vue de considérer dans
légalité les sexes quelque chose comme une structure élémentaire de toute sociabilité.
Le principe d’égalité des sexes repose sur le principe d’altérité
1558L'ethnologue est un bricoleur, commentaire livré par Cl. Lévi-Strauss au Nouvel observateur en 2009
406









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491.
Le principe d’égalité des sexes nous heurte à une forme d’altérité. De cette altérité naît
la question du rapport à l’autre. L’autre, c’est la femme ou l’homme. C’est aussi l’autre en
général, en tant que système juridique : la Tunisie ou la France.
492. Le modèle historique qu’offre la Tunisie permet d’envisager le principe d’égalité des
sexes à la fois comme principe substantiel et immatériel. C’est dans cette dimension
immatérielle que le principe peut être envisagé comme un principe de la sociabilité, c’est-à-dire
un principe fondateur du lien social, et du rapport avec l’État.
493. D’un point de vue substantiel, le principe d’égalité des sexes a aussi bénéficié de
différents apports, en particulier celui de l’Union européenne qui a été un important vecteur
d’évolution du système français.
494. Le droit permet-il de comprendre l’ensemble des dimensions de l’égalité des sexes ainsi
que les mécanismes de reproduction des inégalités ? Qu’est-ce qui distingue le choix effectué
dans la conceptualisation de l’égalité homme-femme qui a été faite dans le système tunisien et
celle adoptée par le système français? Intuitivement, une pluralité de facteurs déterminants
vient à l’esprit. Ces facteurs, qu’ils soient positifs ou négatifs, interfèrent dans le processus
décisionnel. Nous l’avons vu, ces concepts, éminemment subjectifs, œuvrent dans la définition
du principe et dans lélaboration de ses différents éléments : sécurité, dignité, équité et justice.
Autant de notions qui semblent a priori étrangères au principe d’égalité des sexes.
495. C’est ce qui nous a conduits à penser quau nombre de tous ces facteurs il manquait une
variable fondamentale, permettant de rendre compte des évolutions constatées : la culture.
La culture est aujourd’hui une variable déterminante. L’a-t-elle toujours été?
496. Pour tenter de comprendre le fonctionnement du principe d’égalité des sexes, nous
avons analysé les systèmes juridiques et leurs structures afin d’identifier le déterminant qui
permettrait de comprendre la place de l’égalité des sexes dans un système social, et ce, de
manière synchronique. Nous avons constaté que la culture doit être prise au sens le plus large
possible, en englobant différentes acceptions. Fondamentalement, la culture peut désigner
l’idéal démocratique, c’est-à-dire une culture politique d’un type particulier qui relève de
l’immatériel, mais peut paradoxalement, jouer un rôle perturbateur ou facilitateur.
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497. Dire que la culture est un facteur déterminant du système juridique ne signifie pas
qu’elle serait dominante, mais qu’à un moment donné elle donne sens aux autres composantes
du système normatif. La culture et un facteur de justification et un argument ou une arme dans
les conflits qui opposent les différents acteurs. Cest donc une ressource. Elle est la contrepartie
positive de l’hégémonie.
498. L’analyse relève que l’effectivité du principe d’égalité des sexes nécessite un cadre
juridique substantiellement égalitaire, quelle qu
en soit la forme. Le contenu de la Constitution
tunisienne de 2014 témoigne de la divergence de culture qui divise la société tunisienne. Il
cristallise l’ambivalence du statut de la femme et les visions des droits des femmes dans la
société. Ce qui en résulte est un ensemble disparate de dispositions qui ne réunissent pas in
extenso les intérêts de toutes les parties prenantes.
499. L’expérience tunisienne nous a aussi montré que le principe d’égalité des sexes, au
même titre que le droit, répond à des spécificités qui sont propres à chaque expérience
historique, culturelle et politique. Cela se traduit par des normes juridiques de portées
différentes.
La nécessaire reformulation du principe d’égalité des sexes
500. Équité, égalité des chances, mixité, diversité, efficacité, effectivité, efficience, etc. Les
notions employées pour mettre en œuvre le principe d’égalité affluent, mais ne désignent pas
toutes une même réalité. Ces concepts sont tout aussi polysémiques que le principe lui-même.
Le principe d’égalité des sexes comprend plusieurs définitions qui varient également dans le
temps et dans l’espace. Et comment pourrait-il en être autrement ? Ce principe n’appartient-il
pas à la catégorie des notions à contenu variable1559 ? C’est dire à quel point il est malléable et
imprévisible. De plus, autre difficulté, les concepts existants dans la langue française ne
trouvent souvent aucun écho dans la langue arabe et inversement. Partant, l’importance de la
1559 Le doyen CARBONNIER voyait la consécration des notions à contenu variable comme des actes intentionnels
du législateur. Sous sa plume, peut-on lire que «
la variabilité [dont il s’agit] est une variabilité préparée d’avance :
l
’intentionnalité est inhérente à la variabilité ». Aussi, la variabilité est-elle désirée par le législateur et permet
notamment aux interprètes que sont les juges de porter une appréciation morale sur des faits qui leur sont exposés.
Partant, la consécration de telles notions est la marque d’une grande confiance accordée aux juges qui seront in
fine amenés à les manipuler. Voy. J. CARBONNIER, « Les notions à contenu variable dans le droit français de la
famille » in Les notions à contenu variable en droit (dir. Ch. PERELMAN et R. VANDER ELST), 1984, Bruylant,
p. 99 et s.
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langue et des mots1560 est d’autant plus cardinale lorsque l’on cherche à définir clairement le
principe d’égalité des sexes. En l’état du droit positif tunisien et du droit positif français,
l’absence de définition commune des concepts contenus dans le principe d’égalité des sexes
concourt à entretenir une ambiguïté du sens et l’incertitude quant à sa portée. Dès lors, la
définition semble être le meilleur moyen pour éclaircir les zones d’ombres qui entourent le
principe d’égalité des sexes. Celle-ci pourrait contribuer à faire évoluer sensiblement le système
juridique. Cependant, cette tentative de définition n’est guère aisée à mettre en œuvre. Mais
s’agit-il véritablement d’une nouveauté ? Toute tentative de définition n’est-elle pas périlleuse
en droit? Omnis definitio in iure civili periculosa est nous prévenait déjà il y a quelques siècles
le Digeste
1561.
501. La difficulté concernant notre sujet tient au fait que la question de l’égalité homme-
femme n’interroge pas uniquement le droit, mais également les sciences sociales et les autres
sciences. Or, s’il revient au juriste de saisir la substance même du principe d’égalité des sexes,
il ne lui est pas possible d’ignorer les définitions et approches des autres domaines du savoir et
de la recherche. Aussi, épouse-t-on volontiers la pensée du professeur CHAMPAUD lorsqu’il
écrit que «le juriste qui ne sait que du droit ne connaît pas le Droit»1562. À vrai dire, il n’était
pas seul à le penser. Avant lui, le doyen GENY, avec sa méthode de la libre recherche, n’avait-
il pas également adressé aux juristes un message d’ouverture aux autres sciences ?
502. En définitive, nous avons passé en revue des règles de droit très différentes. Toutes
expriment un certain nombre de choix, qui se concrétisent elles-mêmes dans des prescriptions
contingentes. Dès lors, l’interaction entre le droit et les phénomènes extra-juridiques, et partant,
les interactions entre des principes fondamentaux et les sociétés dans lesquelles ces principes
ont vu le jour incitent à prendre en compte une dimension essentielle du principe dégalité
homme-femme que, malheureusement, nous n’avons pas pris en compte hormis en toile de
fond : sa dimension anthropologique. Pour comprendre la persistance des inégalités, une vision
anthropologique apparaît indispensable. C’est d’ailleurs une des raisons qui nous ont conduits
1560 Est-il nécessaire ici de rappeler la célèbre phrase d’Albert Camus lequel nous invitait à employer les mots avec
un sens le plus juste et le précis possible ? Selon l’écrivain, «
mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur de
ce monde ». Or, ce monde qu’évoque Camus n’est-il pas également juridique ? Assurément. Aussi, en paraphrasant
l’écrivain, oserions nous dire que « mal nommer les choses contribue également au malheur du... droit ».
1561 Que l’on peut traduire par « toute définition en droit civil est périlleuse ». Sans doute, et plus largement, toute
définition en droit est périlleuse.
1562 Cl. CHAMPAUD, Droit des affaires, PUF, 1982, p. 5.
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au choix de ce sujet, elle nous amène désormais à constater ses limites : l’appréhension
juridique de l’égalité homme-femme est certes nécessaire, mais insuffisante.
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Index
(Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes)
A
AAI, § 360 et s., § 476
Action positive, § 483
Action sociale, § 227,§ 348, § 352
Affirmative action, § 386
Analyse structurale, § 1., § 293 et s., § 340 et s.,
Analyse structurelle, § 293
Analyse substantielle, § 4., § 113., § 292 et s., § 410
Appareil politique, § 344
Appel, § 287
Atatürk, § 37
Autoritarisme, § 146., § 316., § 348., § 434., § 350
Autrui, § 5, § 14 et s., § 68., § 228., § 253., § 285
B
Ben Ali, § 43., § 50., § 78., § 316 et s., § 350 et s., § 379.,
§ 434
Bey, § 40 et s ., § 304 ., § 446
Bien commun, § 242
Bloc de constitutionnalité, § 4, § 10, § 16, § 71, § 69 et s.,
§ 71,
Bonheur, § 16, § 41, § 466,
Bouretz, § 16
C
Charia, § 36, § 47, § 87 et s., 110 et s., § 133, § 136, §
139, § 143, § 156, § 161, § 163, § 194, § 196 et s., §
302, § 304, § 414
Citoyen, Citoyenne, § 273., § 275., § 304., § 336., § 358.,
§ 369., § 453., § 455., § 457,
Citoyenneté, § 147., § 209., § 304., § 336., § 358., §
369., § 453., § 455.,
Clivage, § 16., § 342., § 344., § 351
CNIL, § 360
Communication, § 349., § 364., § 366., § 483
Compatibilité, § 141., § 146., § 328., § 464
Complémentarité, § 351., § 434
Complexité, § 177., § 202., § 215., § 291., § 331., §
355., § 411., § 478., § 483
Conceptualisation, § 14., § 18., § 103., § 106., § 146., §
150 et s., § 294., § 314., § 483., § 485., § 494
Conciliation, § 47., § 122., § 139., § 166., § 174., § 266.,
§ 279., § 286., § 305 et s., § 411., § 463., § 466., §
474., § 479., § 481., § 485
Conflit, § 225., § 287., § 424., § 426., § 430., § 426., §
430., § 463., § 466., § 497
Conjoncturels, § 229., § 337., § 339., § 409
Conseil constitutionnel, §10., § 21, § 35., § 52., 56 et s .,
§ 60 et s., § 71 et s., § 78., 373 et s., § 394., § 399., §
402., § 464., § 469.,
Capacité, § 18, § 34, § 50, § 62, § 65, § 134, § 148 et s., §
Consensus, § 144., § 286., § 341., § 346., § 397., 412
151, § 153, § 161, § 175, § 177, § 217, § 235, § 237 et
Conservateurs, § 37
s., § 254, § 257, § 301, § 304, § 306, § 312, § 399, §
Constitution tunisienne du 27 janvier 2014, § 50 et s., §
407, § 415, § 420, § 466
64., § 67., § 76 et s., § 88., § 104., § 137 et s., § 156.,
Catégorie, § 125 , § 151 , § 193, 203 , § 215 , § 242 , §
§ 270 et s., § 104 ., § 150., § 156., § 241., § 270 et s.,
252 , § 306, § 312, § 349, § 353, § 356 et s., § 360, §
§ 270 et s., § 283 et s., § 403., § 435., § 452 et s.,§ 464
377, § 386, § 389, § 391, § 395, § 399, § 405, § 407, §
et s.,
415, § 420, § 430, § 466, § 471, § 500
Constitutionnalisme, § 6., § 135., § 273., § 39
Changement social, § 260, § 342, § 344, § 345, § 350 et
Convergences, § 162., § 202., § 283
s.,
Convergence des régimes juridiques, § 3., § 35
Cour constitutionnelle, § 403., § 465
414





Page 416
Crise, § 53, § 67, § 209, § 214, § 247, § 250, § 265, §
Efficacité, § 57, § 77, § 79, § 100 et s., § 224, § 230, §
342, § 347, § 376, § 483
276, § 288 et s., § 292, § 361, § 398, § 435, § 475, §
Culture, § 1 et s., § 4, § 11, § 16 et s., § 29, § 34, § 36, §
481, § 500
87 et s., § 110, § 133, § 136, § 139, § 143, § 199, §
Efficience, § 54, § 384, § 466, § 481, § 500
202 et s., § 220 et s., § 251, § 257, § 267, § 277, §
Égalitaire, § 48 et s., § 59, § 70, § 76, § 78, § 90 et s., §
279, § 301et s., § 315, § 318, § 321 et s., § 330 et s., §
149, § 151, § 170, § 173 et s.,
338, § 359, § 369, § 416 et s., § 432, § 439, § 445, §
Égalitariste, § 36
481 et s., § 486, § 495 et s.,
Égalité,
D
Décolonisation, § 37
Défenseur des droits, § 362, § 357 et s., § 360, § 223
Démocratie, § 6, § 12, § 222, § 259, § 342, § 365, § 391
Déterminants, 255, 288, 291 et s., 404 et s., 425, 494
Dignité, § 32, § 48, § 53, § 91, § 104, § 107, § 143, §
201, § 240, § 305, § 368 et s., § 423, § 457, § 494
Discrimination, § 9 et s., § 17 et s., § 22 et s., § 47, § 54
et s., § 65 et s., § 76, § 78 et s., § 86 et s., § 91 et s., §
§ 150, § 226 et s., § 360 et s., § 220, § 420, § 435, §
442
Discrimination positive, § 39 et s., § 60 et s., § 72, § 91 et
s., § 113, § 118, § 137, § 138, § 144, § 217, § 244, §
251, § 324, § 336, § 396
- égalité catégorielle, § 35§
-égalité de rémunération, § 85, § 92, § 96, § 384
-égalité de traitement, § 90 et s., § 364, § 381, § 385, §
398, § 470 et s.,
-égalité des chances, § 19, § 62, § 89 et s., § 96 et s., §
286 , § 356 et s., § 369, § 439, § 500
-égalité réelle, § 19, § 25, § 33, § 55, § 62, § 66, § 89 et
s., § 97, § 196, § 200, § 291, § 369, § 393, § 424
-Équité, § 8, § 19, § 77, § 97, § 107, § 199 et s., § 284 et
s., § 287 et s., § 399 et s., § 466, § 487, § 489, § 494
État,
-état de droit, § 144, § 390 et s.,
extrémisme, § 198, § 344 et s.,
F
Divergences, § 106, § 152, § 273 et s., § 312 , § 322, §
Facteurs, § 1., § 115 et s., § 229., § 232., § 255., § 262 et
428 et s., § 446 et s.,
s., § 282 et s., § 291 et s.,
Domination, § 27, § 33, § 147, § 152, § 203, § 209, §
- facteurs conjoncturels § 339
217, § 252, § 257, § 264, § 283, § 301, § 303, § 310 et
-facteurs extra-juridiques, § 322
s ., § 324, § 335 et s., § 338, § 407
-facteurs exogènes § 481
Droit, § 237, § 288, § 328
Droit à l’éducation, § 34, § 76, § 416,
-facteurs matériels § 297 et s.,
- facteurs structurels § 309 et s.,
Droit international, § 9, § 19, § 30, § 88 et s., § 106, §
Farjat, § 1, § 292, § 306
302, § 397, § 436, § 454, § 465, § 475 et s., § 483
Féminisme, § 412 et s., § 419 et s.,
Droit musulman, § 39 et s., § 43 et s., § 47 et s., § 76 , §
Finalité(s), § 102 et s., § 147, § 176, § 194 et s., § 329, §
136, § 142 et s., § 156 et s., § 161, § 179, § 182 et s., §
375, § 421, § 426, § 439, § 466 et s.,
192 et s., § 204, § 205, § 278, § 283, § 446
Fragmentation, § 225 et s., § 400, § 460, § 475 et s., §
Droit régional, § 30, § 134, § 276
Droits de l’homme, § 395
Dworkin, § 8 et s., § 108 et s., § 284 ., § 287
E
486
Frères musulmans, § 37
G
Gender mainstreaming, § 251
Économie informelle, § 345
Genre, §18, § 24, § 56, § 59, § 84, § 86, § 88, § 211, §
Effectivité, § 88, § 90, § 231 et s., § 272 et s., § 280, §
251, § 254 et s., § 263 et s., § 386, § 412 et s.,
288 et s., § 292, § 295, § 302, § 339, § 395, § 405, §
Globalisation, § 3, § 203 et s.,
409, § 475, § 480 et s., § 489, § 498 et s.,
Grand Droit, § 111
415


Page 417
Groupe, § 13, §15 et s., § 23, § 34, § 81 et s., § 96, § 135,
§ 206, § 208, § 219 et s., § 221, § 289, § 304, § 311, §
J
317, § 322 et s., § 329 et s., § 333, § 344, § 433, § 455
Juge, § 9, § 174 et s., § 355, § 390 et s., § 373 et s., § 395
H
Habermas, § 109, § 287
HAICA, §12, § 308, § 310, § 311, § 312, § 444
Hard Law, § 398
Hasegawa, § 3
HCE, § 358 et s.,
et s., § 399, § 401 et s., § 434, § 459
Juridicité, § 5, §16
Justice, § 428
Justice constitutionnelle § 390 et s., § 394 et s.,
Justice distributive, § 287
Justice légale, § 14
Justice particulière, § 14
Justice sociale, § 199, § 214, § 257, § 285, § 414
Héritage, § 3, § 29, § 54, § 87 et s., § 126, § 189 et s., §
Justice universelle, § 14
192 et s., § 199 et s., § 240, § 207, § 316, § 341, § 415
Hybride, § 3, § 11 et s., § 13, § 143, § 283, § 424, § 484
I
Kémalisme, § 37
Identité, §13, § 16 et s., § 22, § 53, § 66, § 81, § 137, §
144, § 301, § 330, § 336, § 340, § 414, § 433, § 450, §
K
L
454, § 467
l’accès à la fonction publique, § 62, § 79
Incompatibilité, § 37., § 106, § 146, § 362, § 444,
L’agir communicationnel, § 251
Indépendance, § 43 et s., § 446, § 449 et s.,
Laboratoire, § 77, § 339, § 483, § 37
Inégalité, § 49, § 65, § 88, § 92, § 107, § 143, § 148, §
Laïcité, § 116 et s., § 126 et s., § 131 et s., § 269, § 318, §
150 et s., , § 160, § 168, § 175, § 177, § 180, § 184, §
414
192, § 195, § 201 et s., § 211, § 214 et s., § 219 et s., §
Le droit des successions, 151, 278
220, § 221, § 231, § 233, § 240, § 243, § 264 et s., §
Le principe d’égalité des sexes, § 35, § 383, § 389, § 400,
278, § 283, § 301, § 310, § 345, § 355 et s., § 381 et
s., § 494, § 502
§ 401, § 402
- définition § 11
Inégalités sociales, § 234 et s., § 251
Légitimité, § 146, § 152 et s., § 180, § 184, § 197, § 205,
Inégalités structurelles, § 242 et s., § 250 et s., § 267, §
§ 223, § 268 et s., § 277, § 280, § 288, § 302, § 311, §
272
346, § 362, § 379, § 397, § 456
Influence, § 271, § 299 et s., § 304 et s., § 310 et s., § 322
Liberté, § 137 et s., § 181, § 223, § 225 et s., § 239 et s.,
et s., § 336, § 339, § 411 et s., § 419 et s., § 430 et s.,
§ 257, § 273, § 285 et s., § 301, § 303, § 305, § 318 et
§ 441 et s., § 447 et s., § 486 et s.,
Instrumentalisation politique, § 351
Interaction, § 3, § 36 et s., § 102, § 104, § 115, § 146, §
177, § 218 et s., § 228 et s., § 273, § 290, § 295 et s., §
§ 300, §303 et s., 314, § 340,
Interdépendance, § 247, § 293, § 343, § 432, § 432, §
482, § 486
Islam, § 305, § 310, § 413 et s., § 448
Islam politique, § 131
Islamistes, § 78, § 199, § 270, § 319, § 347, § 415, § 456
s., § 327 et s., § 360 et s., § 368 et s., § 384, § 394, §
419, § 437, § 444, § 446 et s.,
M
Machrek, § 17, § 173
Maghreb, § 1, §142, § 418
Mesures contraignantes, § 384
Mixité, § 385, § 387, § 397 et s., § 500
Modernité, § 144, § 146, § 414, § 438 et s., § 440, § 447,
§ 449 et s., § 456 et s.,
Morale, § 140, § 149, § 153, § 326, § 330, § 355, § 423, §
446 et s., § 450 et s.,
416


Page 418
N
R
Non-discrimination, § 17 et s., § 65 et s., § 84 et s., § 91
Raison, § 5, § 14, § 107, § 122, § 153, § 198
et s.,
Rawls, § 288 et s
Normes, § 5, § 9, § 10, § 18 et s., § 33 et s., § 69 et s.,
Religion, § 114 et s., § 127 et s., § 130 et s., § 180 et s., §
Normes de références, § 34, § 70 et s., § 75 et s.,
192, § 197 et s., § 270, § 303, § 330, § 413, § 419, §
O
447
Révolution tunisienne, § 53., § 283., § 348
Obscurantisme, § 351, § 456
Ordre social, § 116 et s., § 122 et s., § 131 et s., § 140, §
S
197, § 203, § 269 et s., § 291, § 311, § 437, § 466 et
Sanction, § 290., § 384 et s., § 390., § 398
s.,
Sandel, , § 285
P
Pacte fondamental, § 40 et s.,
Patriarcat, 118, § 120, § 147, § 269, § 310, § 323 et s.,
Petit droit, § 111
Philosophie des Lumières, § 41
Pouvoir politique, §153, § 208, § 210, § 311, § 407
Président, § 403, § 415, § 422, § 456, § 466
Principe, § 335, § 339, § 356, § 367 et s.,
Processus,
- de changement social, § 345, § 350, § 352
- de démocratisation, § 345, § 34
- d'intégration, § 434
-d'intéraction, § 299
- de participation, § 225 et s., § 270 et s., § 313 et s.,
- de protection, § 476
- révolutionnaire, § 350, § 352
-de structuration, § 291, § 294 et s., § 410 et s., § 432, §
483, § 494,
Promotion, § 290, § 320, § 354, § 357, § 361 et s., § 364,
§ 369, § 377, § 380, § 386, § 389, § 397 et s., § 409, §
476
Protection,
- sociale, § 267
-du principe d'égalité homme-femme, § 280, § 291, § 354
et s., § 389 et s.,
-de la femme
- à l'égard des violences, § 359
- effective, § 371, § 389 et s.,
Sécularisation, § 116, § 144, § 183, § 269, § 414, § 414 et
s., § 457
Sécurité, § 345, § 356, § 449, § 494
-sociale, § 421 et s.,
-juridique, § 224, § 398, § 402, § 434
Sémiotique de narrativité, § 299
Sen, § 246., § 257., § 285
Société civile, § 339, § 346 et s., § 377 et s., § 422, § 434
Soft Law, § 397 et s.,
Sous-système, § 345
Standard juridique, § 7 et s., § 27 et s.,
Stéréotypes, § 221, § 254 et s., § 264, § 324, § 369, § 483
Strates, § 1, § 150 et s., § 231, § 283, § 309, § 447
Structuralisme, § 1 et s., § 231., § 293., § 340., § 410., §
425., § 432
Structurant, § 44, § 165, § 210, § 286, § 328, § 374, § 396
Structures, § 25, § 28, § 42, § 74, § 77, § 210, § 211, §
218, § 221, § 224, § 243, § 247, § 254, § 255, § 264, §
266, § 268, § 271, § 272, § 274, § 275, § 276, § 278, §
281, § 293, § 294, § 295, § 325, § 362, § 367, § 374, §
388, § 389, § 394, § 398, § 401
Système, § 310, § 316 et s., § 319 et s., § 321, § 324, §
333, § 337, § 340, § 343 et s., § 350 et s., § 370, §
379, § 385 et s., § 389, § 410 et s.,
- juridique, § 329 et s., § 374, § 381 et s., § 390 et s., §
393, § 411, § 402
- politique, § 195, § 316 et s., § 408
Systémique, § 219 et s., § 251, § 475, § 483
T
Technologies, § 297, § 396
Temps, § 234 et s., § 461 et s.,
417


Page 419
Temps partiel § 80., § 267., § 470.
Utilitariste, § 446
Théorie,
Utilité commune, § 23, § 31, § 41, § 446
- théorie de l’Agir communicationnel, § 287
- théorie des capabilités, § 257
- théorie de la justice, § 284
- théorie du structuralisme, §1
Transformation, § 113 et s., § 127, § 133, § 135, § 150 et
s., 195 et s., § 243, § 319, § 327, § 333, § 342 et s., §
414, § 431 et s., § 478 et s., § 483,
Transition, § 143, § 151, § 199, § 270, § 302, § 305, §
316, § 339, § 341, § 350, § 365, § 377, § 385
Tribale, § 37, § 199, § 330, § 335
U
Ulémas, § 75
Unité, § 449 et s.,
V
Valeurs, § 430 et s., § 443 et s., § 457 et s., § 463 et s., §
474, § 481 et s.,
-culturelles, § 432
- du droit, § 428 et s., § 434
- endogènes, § 430 et s.,
- exogènes, § 429, § 436 et s.,
- juridiques, § 26
- morales, § 9, § 446, § 450, § 455
Vertu, § 14, § 16, § 62, § 287
Vie bonne, § 16, § 467
Violences, § 376 et s., § 457
- à l'égard des femmes § 86 et s., § 359, § 369
- du droit, § 109, § 400, § 454, § 476, § 479
- Violences conjugales, § 9, § 216, § 264
- du système politique, § 316
-Violences sexistes, § 423
- de la famille, § 325 et s., § 330, § 451
418






























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BIBLIOGRAPHIE
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2011
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administratif européen, Bruylant, 2e éd., 2014
BARBÉ (V.), L’essentiel du Droit des Libertés fondamentales, Lextenso 2014, Les
Carrés
o Droit des libertés fondamentales, Gualino, 2020
BENBASSA (E.) (Dir), Dictionnaire des racismes, de
l’exclusion et des
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CJCE, 13 mars 1997, aff. C-197/96, Commission des communautés européennes c/
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Jurisprudence française
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CE, Sect., 29 déc. 1997, n° 157425, Commune de Gennevilliers
CE, 11 mai 1998, n° 185049, Mlle Aldige,
CE, 30 juin 2000, n° 216130, Association Choisir la vie
CE, 29 juillet 2002, n ° 141112, Griesmar
CE, 15 avril 2015, n° 373893, Mme A. c. Pôle Emploi
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Cour de cassation
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Juges du fond
Trib.corr. Château-Thierry, 4 mars 1898
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C A Orléans, 23 avril 2015, n° 14/00500
Jurisprudence tunisienne
Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi
Décision, 8 juin 2015, n° 2015/02
Conseil constitutionnel
Cour de cassation
Cass., Civ, 31 janvier 1966, n°3384
Cass., Civ, 20 décembre 2004, n°3843
Cass., Civ, 8 juin 2006, n°9658
Cass., Civ, 10 février 2007, n°3843
Cass., Civ, 5 février 2009, n°31115-2009
Cass., pénal, 27 juin 1973, n°7795
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Juges du fond
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TPI Tunis, 18 mai 2000, n°7602
C A, Tunis, 6 janvier 2004, n° 120
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Jurisprudence américaine
Cour Suprême, 429 U.S. 190, Affaire Craig v. Boren, 1976
VI. Rapports - Études
-
Rapport d’information fait au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne,
présenté
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principe
communautaire ;
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la proposition d'acte communautaire E 639 modifiant la directive 76/207 relative à la mise en
oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne
l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail
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niveau
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portant sur Projet de loi tendant à
favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions
électives : Favoriser l’égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électoraux et
[https://www.senat.fr/notice-rapport/1999/r99-215-
fonctions
notice.html ]
électives, disponible
sur
- Rapport du Conseil d’État, Réflexions sur les autorités administratives indépendantes, La
documentation française, 2001
- Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, La parité entre les femmes et les
hommes : Une avancée décisive pour la démocratie, janv. 2002
- Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Pourquoi la parité en politique reste-
t-elle un enjeu pour la démocratie française ?, déc. 2003
- Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-huitième
session, 2006, Chap. XII
- Rapport sur l’image des femmes dans les medias, présenté par la Commission de réflexion sur
l’image des femmes dans les médias, 25 sept. 2008, disponible sur[ https://www.vie-
publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/084000614.pdf ]
- Rapport d'information du Sénat n° 553 (2009-2010) de Mme Françoise LABORDE, fait au nom
de la délégation aux droits des femmes, présenté le 10 juin 2010, portant Les violences au sein
des couples
, disponible sur[ https://www.senat.fr/notice-rapport/2009/r09-553-notice.html ]
-
International Crisis Group, Tunisia: Violence and the Salafi Challenge, Report, 13 févr. 2013
- Rapport n° 892 de M. Jean-Luc WARSMANN fait au nom de la Commission des lois
constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république, déposé le
15 mai 2008, portant sur le projet de loi constitutionnelle (n° 820) de modernisation des
[https://www.assemblee-
institutions
nationale.fr/13/rapports/r0892.asp ]
République,
disponible
sur
Ve
de
la
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- Rapport n° 1329 (XIVe législature) de M. Daniel GOLDBERG et Mme Audrey
LINKENHELD, fait au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée
nationale, déposé le 26 juillet 2013 portant
sur le projet de loi pour l’accès au logement et un
urbanisme rénové, disponible sur [ https://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r1329-
tI.asp]

- Rapport d’information n° 94 (2014-2015) de Mme E. BENBASSA et M. J. R LECLERF, fait
au nom de la Commission des lois, déposé le 12 novembre 2014,
La lutte contre les
discrim
inations : de l’incantation à l’action, disponible sur [https://www.senat.fr/notice-
rapport/2014/r14-094-notice.html ]

TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS ............................................................................................................................. 2
SOMMAIRE .......................................................................................................................................... 9
LISTE DES ABRÉVIATIONS ........................................................................................................... 11
GLOSSAIRE ........................................................................................................................................ 16
INTRODUCTION ............................................................................................................................... 23
PREMIÈRE PARTIE : ....................................................................................................................... 66
LES FONDEMENTS DU PRINCIPE DE L’ÉGALITÉ HOMME-FEMME................................ 66
TITRE I : ........................................................................................................................................... 70
LE PLURALISME DES FONDEMENTS DE L’ÉGALITÉ HOMME-FEMME ............................. 70
CHAPITRE I : LA PORTÉE DU FONDEMENT CONSTITUTIONNEL DE L’ÉGALITE
HOMME-FEMME ........................................................................................................................ 74
475














Page 477
Section 1 : De la formule «tous les citoyens » à la consécration de l’égalité entre « les citoyens et les
citoyennes
» ......................................................................................................................................................... 75
§ 1. Les circonstances de l’introduction implicite de l’égalité des sexes dans le système juridique tunisien ........... 78
Les prémices du droit à l’égalité : le Pacte Fondamental du 10 septembre 1857 ................................. 79
A)
B) Le Bey au pouvoir poursuit la construction initiée par ses prédécesseurs : la Constitution du 26 avril 1861
....................................................................................................................................................................... 82

C) L’indépendance de la Tunisie en 1956 : une consécration implicite de l’égalité homme-femme ............. 83
§ 2. L’intelligibilité de la disposition égalitaire à la lumière de son contexte historique et politique ....................... 84
L’adoption de la Constitution de 1959 sous le régime «Bourguibiste» .............................................. 84
Le droit de vote des femmes tunisiennes, un droit consacré par la Constitution de 1959 .................... 85
Les faiblesses de la Constitution de 1959 ............................................................................................ 86
La suspension de la Constitution de 1959 sous le régime «Bénaliste» .............................................. 88
Section 2 : L’introduction explicite de l’égalité des sexes dans les deux systèmes juridiques ............................ 89
§ 1. Le contexte de l’introduction de la disposition dans la nouvelle Constitution de 2014 ..................................... 91
§ 2. Le contexte de l’introduction de la disposition dans la Constitution française de 1958 ............................... 95
Les évolutions de la Constitution française de 1958 ............................................................................ 95
La révision de 1999 et l’obligation des partis « de contribuer à la mise en œuvre » de ce principe ..... 98
L’application stricte de la parité ........................................................................................................ 101
Les conséquences de cette reconnaissance expresse de l’égalité des sexes ....................................... 104
§ 3. L’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe ..................................................................................... 105
A)
B)
C)
D)
A)
B)
C)
D)
CHAPITRE II : L’ACCENTUATION JURISPRUDENTIELLE DU MORCELLEMENT DES
NORMES DE REFERENCE ....................................................................................................... 112
Section 1 : La multitude de sources textuelles en matière d’égalité .................................................................. 113
§ 1. L’élargissement des normes de référence en France ........................................................................................ 113
A) La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 relative aux droits et libertés.................. 115
B) Le Préambule de la constitution de 1946 ................................................................................................ 117
§ 2. L’élargissement des normes de référence en Tunisie....................................................................................... 117
A) L’affirmation générale de l’égalité des sexes par la Constitution Tunisienne de 2014 ........................... 117
B) L’introduction dans la Constitution tunisienne de dispositions inédites favorable à l’égalité des sexes . 120
Section 2 : La multiplication de sources textuelles en matière de discrimination ............................................. 123
§ 1. Discriminations directes et indirectes .............................................................................................................. 125
§ 2. La nécessaire harmonisation législative en matière de non-discrimination ..................................................... 128
CHAPITRE III : L’INFLUENCE DETERMINANTE DU DROIT INTERNATIONAL EN TANT
QUE VECTEUR DE L’EGALITE EN TUNISIE ......................................................................... 131
Section 1 : L’essor du droit à l’égalité homme-femme grâce à la constitution commune : la charte des Nations
Unies ................................................................................................................................................................. 131

Section 2 : La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ...... 135
Section 3 : L’influence expansive du droit de l’Union européenne en tant que vecteur de l’égalité en France . 139
§ 1. L’intervention du droit européen en tant que palliatif du droit positif ............................................................. 139
§ 2. Les conséquences sur la mise en œuvre de l’égalité homme-femme en droit interne ...................................... 145
TITRE II : LA CONCURRENCE DE LÉGITIMITÉS ................................................................... 154
CHAPITRE I : LES RÉSISTANCES CULTURELLES ................................................................ 160
Section 1 : Les oppositions à la transformation du système .............................................................................. 161
§1. Les facteurs de complexité entre les deux systèmes ......................................................................................... 163
476


Page 478
A)
1)
2)
1)
2)
A) La laïcité : un agent de l’ordre social français ........................................................................................ 163
Le renouveau conceptuel des fondements de l’ordre social ......................................................... 163
Les effets de la loi de 1905 sur la structure politique française .................................................... 167
B) La religion considérée comme l’un des agents de l’ordre social en Tunisie ........................................... 169
§2. L’opposition des conceptions, source de malaise au sein des systèmes et entre les deux systèmes ................. 175
Section 2 : Les résistances substantielles du dispositif juridique tunisien ......................................................... 180
§1. Les dispositions du Code du statut personnel ................................................................................................... 181
L’émergence d’un conflit de légitimité en matière de statut personnel ............................................. 182
A)
B)
La tentative de mise en conformité des dispositions relatives à la formation du lien matrimonial au
principe d’égalité des sexes .......................................................................................................................... 185
La garde de l’enfant en cas de divorce : des réformes vers plus d’égalité .................................... 194
L’institution du juge de la famille en Tunisie : une démarche égalitaire institutionnelle ............. 197
§2. La question de l’élargissement de l’égalité en matière successorale................................................................. 198
La complexité du droit des successions ............................................................................................. 199
1) L’existence d’une dualité normative .................................................................................................. 199
2) Le caractère immuable de l’inégalité successorale ............................................................................. 202
Les effets inégalitaires du régime successoral ................................................................................... 205
1) Au regard de la substance ................................................................................................................... 205
2) Au regard de sa finalité....................................................................................................................... 207
CHAPITRE II : LES OBSTACLES STRUCTURELS .................................................................. 213
Section 1 : Le rôle joué par l’État dans la production et la reproduction des inégalités .................................... 214
§ 1. La diffusion du principe .................................................................................................................................. 215
§ 2. La structure étatique en tant que système d’échange ....................................................................................... 222
Le rapport de connexité entre les systèmes ....................................................................................... 223
L’effet commun de complexification du droit à l’égalité des sexes ................................................... 225
Section 2 : La structure juridique globale apparaît comme l’expression d’une prise de conscience du réel ...... 228
§ 1. Les effets du temps sur le principe d’égalité homme-femme .......................................................................... 230
A) Le temps de l’intégration structurelle du principe d’égalité homme-femme ........................................... 230
B) L’émergence de concepts analytique à travers le temps .......................................................................... 234
§ 2. Perspective de lutte politique et collective pour accéder au pouvoir ............................................................... 238
La variable de l’éducation dans le processus de participation au pouvoir ......................................... 238
La variable de l’autonomisation économique, comme moyen d’intégration au pouvoir ................... 241
A)
B)
A)
B)
B)
SECONDE PARTIE : LA DIVERSITÉ DES FACTEURS DE STRUCTURATION ................ 252
TITRE I : ......................................................................................................................................... 262
L’ANALYSE DES DÉTERMINANTS .......................................................................................... 262
CHAPITRE I : LES FACTEURS PERMANENTS....................................................................... 268
Section 1 : Les facteurs matériels ...................................................................................................................... 268
§ 1. Le facteur historique en tant que clé de compréhension de la structuration de l’égalité des sexes .................. 269
§ 2. Le facteur géographique, fondamental dans la détermination de la politique en matière d’égalité des sexes .. 273
§ 3. Le rôle joué par l’absence de ressources significatives dans le choix d’une politique gouvernementale ......... 275
Section 2 : Les facteurs structurels stricto sensu ............................................................................................... 276
§ 1. Point de vue externe: le pouvoir politique ...................................................................................................... 276
§ 2. Point de vue interne : les institutions, la notion de pouvoir juridique .............................................................. 278
477


Page 479
§ 3. Synthèse : Le régime politique ........................................................................................................................ 281
Section 3 : Les relations culturelles, facteur primordial .................................................................................... 284
§ 1. La culture, entrave à la concrétisation du droit à l’égalité entre les sexes ....................................................... 284
§ 2. La culture en tant que levier pour la concrétisation de ce droit........................................................................ 291
CHAPITRE II : LES FACTEURS CONJONCTURELS .............................................................. 295
Section 1 : L’encadrement des variables contextuelles ..................................................................................... 295
Section 2 : La société civile, garde-fou de l’action sociale ............................................................................... 301
CHAPITRE III : LE RAPPORT DE CONNEXITE ENTRE LES SYSTEMES ............................. 307
Section 1 : Le rôle essentiel des acteurs ........................................................................................................... 307
§ 1. Le rôle essentiel des acteurs traditionnels ........................................................................................................ 307
§ 2. Le rôle inégal des nouveaux acteurs ................................................................................................................ 321
Section 2 : Le choix des moyens ...................................................................................................................... 327
§ 1. Les outils non spécifiques ................................................................................................................................ 327
§ 2. Les outils spécifiques....................................................................................................................................... 332
La protection du principe d’égalité des sexes dans le cadre de la justice constitutionnelle ............... 332
La promotion du principe d’égalité des sexes par la soft law ............................................................ 336
TITRE II : ....................................................................................................................................... 348
A)
B)
LES LIMITES DU PROCESSUS DE STRUCTURATION ........................................................... 348
CHAPITRE I : L’INFLUENCE CONTRASTE DU FEMINISME .............................................. 352
Section 1 : L’absence d’influence du féminisme en Tunisie ............................................................................. 353
Section 2 : L’influence déterminante du féminisme en France ......................................................................... 358
CHAPITRE II : DES RAPPORTS CONFLICTUELS ENTRE SYSTEME : LA DOUBLE
STRUCTURATION ..................................................................................................................... 367
Section 1 : Les deux types de polarisation des rapports intersubjectifs : rejet/intégration ................................. 367
§1. Divergences sur les valeurs du droit ................................................................................................................. 369
A) Les valeurs endogènes ............................................................................................................................ 369
B) Les valeurs exogènes .............................................................................................................................. 372
§ 2 : Divergences dans l’ordre des valeurs des droits subjectifs ............................................................................. 374
Section 2 : Le fonctionnement du principe d’égalité des sexes dans des systèmes de valeurs différents .......... 383
§1. Le principe de proportionnalité, moyen de protéger l’équilibre des intérêts entre les valeurs .......................... 385
§2. Les effets nuisibles de la fragmentation du principe d’égalité des sexes .......................................................... 394
CONCLUSION GÉNÉRALE .......................................................................................................... 406
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 419
TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................................ 475
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