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L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE TUNISIENNE,
DEPUIS L'INDÉPENDANCE *
Les trois systèmes d'organisation administrative que sont la centralisa
tion,
la déconcentration (son correctif) et la décentralisation (son antidote)
sont adoptés en Tunisie.
Indépendant depuis le 20 mars 1956, l'Etat tunisien, tout en consolidant
tenté, avec succès, quelques expériences de
ses structures centrales, a
déconcentration, instituant des centres de décisions hors la capitale.
L'évolution, progressive, du Tunisien explique le recours, de plus en
gérées par
n'est, désormais, plus
plus fréquent, à la décentralisation: l'institution de communes -
des élus locaux et dotées d'une certaine autonomie -
une aventure risquée.
La centralisation et la déconcentration inspirent l'Administration d'Etat,
la décentralisation les coZZectivités locales.
1. - L'ADMINISTRATION D'ÉTAT
1. L'ADMINISTRATION CENTRALE
Exercée au nom et pour le compte d'une seule et même personne juri
dique: l'Etat, cette Administration s'exerce dans le cadre national; elle est
soit «active:., soit «consultative
».
A) L'Administration «active» centrale
Le pouvoir gouvernemental -
est détenu par un
seul et unique titulaire; le Chef de l'Etat. Sont ses auxiliaires, immédiats,
le Secrétaire d'Etat à la Présidence et les autres Secrétaires d'Etat; nommés
par le Président de la République, les Secrétaires d'Etat ne sont responsables
que devant lui, ils ne constituent pas un collège.
«monocéphal» -
• La présente étude. compte tenu de sa date de rédaction. ne prend pas en considération
les réformes amorcées en mars 1969. en ce qui concerne la suppression "des
cheikhats et leur
remplacement par les
secteurs (N.D.L.R.).
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LE SYSTÈME POLITIQUE TUNISIEN
Pouvoirs du Chef de l'Etat, Chef suprême de l'Administration
En période «normale », le Président de la République:
-
« ... arrête la politique générale du Gouvernement, veille à son appli
cation» (art. 43 de la Constitution);
« ... promulgue les lois constitutionnelles et les lois ordinaires et en
assure la publication au Journal Officiel» (art. 44);
« ... veille à l'exécution des lois (art. 45);
«nomme aux emplois civils et militaires»
(idem);
exerce le pouvoir réglementaire par voie de décrets (affranchis de
contreseing) et de décrets-lois; ces derniers étant pris, soit sur habilitation
législative pendant un délai déterminé et en vue d'un objet précis (art. 28),
soit avec l'accord de la commission permanente intéressée de l'Assemblée
Nationale, pendant les vacances parlementaires (art. 31) (1).
En période «exceptionnelle» (cas de péril imminent), des «mesures
exceptionnelles exigées par les circonstances» peuvent être prises par le
Président de la République (art. 32 de la Constitution) (2).
La Présidence de la République comporte une direction du Cabinet
du Président de la République et d'autres services: protocole, secrétariat
particulier ...
- Attributions des auxiliaires du Président de la République
Premier collaborateur du Chef de l'Eiat, le Secrétaire d'Etat à la Prési
dence remplit une mission de coordination des affaires de l'Etat;
il est
responsable des services de l'Administration générale et exerce un rôle
d'impulsion et de contrôle de l'activité administrative.
Au nom du Chef de l'Etat, le Secrétaire d'Etat à la Présidence signe
les décrets
à caractère réglementaire (et non individuel). Il vise aussi les
arrêtés réglementaires ou individuels des Secrétaires d'Etat.
Le secrétariat d'Etat à la Présidence se compose, en plus du Cabinet
du Secrétaire d'Etat, des formations suivantes: la Direction juridique et
de législation, l'Inspection générale des services administratifs, la Direction
des études générales et des marchés, la Direction de la fonction publique, la
Direction des affaires du culte, la Sous-direction du personnel, du matériel
et de la comptabilité, la Division des archives générales et de la documen
tation et l'Ecole nationale d'administration (décret du 5 octobre 1967).
(1) Ces décrets-lois doivent à l'expiration du délai susvisé ou après la fin des vacances
ils
parlementaires, être soumis à l'Assemblée Nationale pour ~tification. Avant celle-ci,
demeurent actes administratifs. Leur non ratification entraiue leur caducité.
(2) c En cas de péril imminent, menaçant les institutions de la République, la sécurité
et l'indépendance du pays et entravant le fonctionnement normal des pouvoirs publics, le
Président de la République peut prendre les mesures exceptionnelles nécessitées par les
circonstances.
Ces mesures cessent d'avoir effet dès qu'auront pris fin les circonstances qui les ont
engendrées. Le Président de la République adresse un message à l'Assemblée Nationale à
ce sujet .•.
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LE SYSTÈME POLITIQUE TUNISIEN
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dans la limite de sa compétence -
Gérant un service public national, chaque Secrétaire d'Etat, exerce le
pouvoir réglementaire -
par voie
d'arrêté, soumis au visa du Secrétaire d'Etat
à la Présidence. n est aussi
titulaire du pouvoir hiérarchique, disciplinaire et de
tutelle dans son
département. Le Secrétaire d'Etat est, de plus, ordonnateur principal du
budget qu'il gère.
n représente l'Etat dans les actes juridiques (conclusion
de marchés ... ).
Chaque Secrétaire d'Etat a comme collaborateurs immédiats les membres
de son cabinet doté d'un chef.
Le secrétariat d'Etat au Plan et à l'économie nationale est un départe
ment clé, surtout depuis l'ère de la rénovation économique en Tunisie.
n se subdivise en trois sous-secrétariats d'Etat (finances et développement,
agriculture, industrie et commerce).
Les Secrétaires d'Etat sont, en dehors du Secrétaire d'Etat à la Prési
dence, au nombre de douze: défense nationale; justice; affaires étrangères;
intérieur; Plan et économie nationale; éducation nationale; affaires cultu
relles et information; jeunesse, sports et affaires sociales; travaux publics et
habitat; santé publique; P.T.T.; Secrétaire d'Etat représentant personnel du
Président de la République.
Chaque Secrétaire d'Etat dispose d'un Cabinet.
B) L'Administration « consultative» centrale
Sa compétence est soit générale et tel est le cas, en partie, de la Direc
tion juridique et de législation précitée, soit spécialisée; les organismes
consultatifs -
sont innombrables:
- Le Conseil économique et social (art. 58 de la Constitution, décret
loi du 16 janvier 1961 ratifié par la loi du 28 juin 1961 et décrets d'applica
tion des 20 avril 1965 et 7 avril 1966).
spécialisés -
- Le Conseil supérieur de la magistrature (art. 55 et 56 de la Consti
tution et loi du 14 juillet 1967).
- Les organismes de planification (loi du 16 janvier 1958 et décret du
4 novembre 1963): Conseil national du Plan, Conseil interministériel du
Plan, Comité permanent du Plan, Commissions de synthèse (Commission de
l'équilibre général, Commission de l'emploi et de la productivité, Commis
sion du développement régional), Comités et sous-comités sectoriels.
2. L'ADMINISTRATION TERRITORIALE (3)
Elle s'exerce, verticalement, à partir de la capitale, au moyen des ser
vices extérieurs des divers secrétariats d'Etat et des Gouverneurs. Les uns
et les autres émanent du pouvoir central et constituent l'Administration
déconcentrée ou les services de l'Etat dans les gouvernorats.
(3) Territoriale et non locale.
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L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE TUNISIENNE
A) Les services extérieurs
Ces services sont étalés sur l'ensemble du territoire et soumis aux Secré
taires d'Etat par l'intermédiaire d'agents de liaison que sont leurs chefs, et
ce, dans les deux sens ascendant et descendant; ces agents de transmission
sont des autorités déconcentrées.
L'expérience la plus concluante à ce sujet est, pour l'instant, celle du
sous-Secrétariat d'Etat
à l'agriculture (4) : le décret du 2 juillet 1965, réor
ganisant les services de l'Agriculture a créé la fonction de Commissaire
régional du développement agricole
(5). Représentant, dans le gouvernorat,
le Sous-Secrétaire d'Etat
à l'agriculture, le Commissaire régional est le
supérieur hiérarchique de tous les agents de ce département et le conseiller
technique agricole de tout organisme régional ou local;
il veille à l'exécution
du Plan. Toute correspondance entre les services extérieurs et l'Administra
tion centrale doit lui être adressée. Surtout,
il décharge les services de la
capitale des tâches d'exécution. Pour accomplir sa mission, le Commissaire
régional est secondé par des adjoints techniques; le Sous-Secrétaire d'Etat
lui a délégué sa signature.
L'action des Commissaires régionaux est coordonnée par l'un des cinq
services centraux du sous-secrétariat
à l'agriculture, le Commissaire de
coordination
(6). Il est l'intermédiaire entre le Sous-Secrétaire d'Etat et
les Commissaires régionaux; de surcroît,
il contrôle l'exécution par ces
derniers des décisions prises
à l'échelon le plus élevé; aussi, il préside, en
l'absence du Sous-Secrétaire d'Etat
à l'agriculture, les réunions des Commis
saires régionaux.
D'autres expériences de déconcentration ont été tentées avant 1965 par
le même sous-secrétariat d'Etat. L'une d'elles a consisté
à diviser le pays
en quatre régions dirigées chacune par un Commissaire régional (deux
régions dans le Nord (7), une dans le centre (8) et une dans le Sud (9). Mais
ce Commissaire se limitant
à une tâche de coordination sans pouvoir hié
rarchique sur les services extérieurs et ces régions étant trop vastes, cette
réforme n'a pas abouti. L'autre expérience a confié des pouvoirs accrus
à
trois délégués régionaux (10) et a réussi. Le décret précité de 1965 l'a
étendue
à l'ensemble du territoire.
A son tour, le secrétariat d'Etat à l'éducation a, par le décret du
30 juillet 1968, créé la mission de
Directeurs régionaux de l'enseignement
un par gouvernorat) : représentant le Secrétaire d'Etat à l'éducation natio-
(4) Cf. W. BAUDRn.LARDT, «Le Sous-Secrétariat d'Etat à
l'Agriculture >. Servir, revue
tunisienne du service public, 1969 (4), p. 34 et s.
(5) Ils sont au nombre de treize, un dans chaque gouvernorat.
(6) Les autres services sont: le CabInet du Sous-Secrétaire d'Etat, le Bureau de contrôle
des unités coopératives du Nord, l'Inspection des services
admlni~ratifs et la section de
contrôle des offices de mise en valeur.
(7) Ayant comme chefs-lieux respectif Tunis (pour les Gouvernorats de Tunis, de Bizerte
et du Cap Bon) et le Kef (pour les Gouvernorats du Kef, de Jendouba et de Béjà).
(8) Pour les Gouvernorats de Sousse, Kairouan et Kasserine.
(9) Pour les Gouvernorats de Sfax, Gafsa, Gabès et Médenine.
(10) Respectivement pour Kairouan, Sidi-Bou-Zid et Gafsa.
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L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE TUNISIENNE
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nale, ils sont les chefs de tous les services de ce département dans les gou
vernorats et disposent -
du pouvoir hiérarchique, de contrôle
et d'inspection, comme ils bénéficient de la délégation de signature que
leur a consentie le Secrétaire d'Etat
à l'éducation nationale.
entre autre -
B) Les Gouverneurs
Chaque Gouverneur est à la tête d'une des treize circonscriptions terri
toriales administratives déconcentrées de l'Etat, dénommées
gouvernorats
régionaux (11).
Un statut particulier permet au Gouverneur d'accomplir une mission
de premier ordre.
Statut du Gouverneur (12)
Il est nommé, au choix, par décret délibéré en Conseil des Secrétaires
d'Etat, sur proposition du Secrétaire d'Etat
à l'intérieur et ce, dans les
proportions que voici: 50
% au moins de l'effectif total parmi les Délégués
de classe exceptionnelle et de 1
re classe; 25 %, au plus, parmi les fonction
naires supérieurs totalisant dix ans de services civils effectifs; 25
% au
maximum au choix du Gouvernement.
Aussi bien l'affectation que la mutation d'un Gouverneur est prononcée
par arrêté du Secrétaire d'Etat
à l'intérieur, sur avis du Conseil des Secré
taires d'Etat.
Le Gouverneur ne peut quitter son poste sans autorisation du Secrétaire
d'Etat
à l'intérieur; l'intérim de la fonction de Gouverneur est confié, soit
à un autre Gouverneur, soit à un Délégué, par arrêté du Secrétaire d'Etat
à l'intérieur, sur proposition du Gouverneur intéressé. Une permission
d'absence n'excédant pas trois jours consécutifs peut être accordée au Gou
verneur par le Secrétaire d'Etat
à l'intérieur. Les autres congés (annuels
de repos, exceptionnels, sans solde, de maladie ... ) sont accordés au Gouver
neur conformément au statut de la fonction publique (13).
Les positions, fixées par arrêté, sont celles de l'activité (avec diverses
situations: présence au poste d'affectation, permission et congé), de
la mise
en disponibilité (demandée ou prononcée ex officio, sans solde, pour une
nécessité de service et pour, au plus, cinq ans, dans ce dernier cas), du
détachement et du service militaire.
Promotions ou avancements du Gouverneur sont décidés par arrêté du
(11) Les chefs-lieux de gouvernorats sont: Tunis, Bizerte, Béjà, Jendouba, Le Kef,
Kasserine, Gafsa, Médenine, Gabès, Sfax, Kairouan, Sousse et Nabeul.
Initialement au nombre de quatorze (décret du 21 juin 1956, portant organisation admi
nistrative), les gouvernorats ont été réduits
à treize, à la suite de la suppression de celui
de Tozeur dont le territoire a été partagé elltre les Gouvernorats de Gabès et de Gafsa
(loi du 21 juillet 1959).
(12) Cf. le décret du 21 juin 1956, portant statut du personnel supérieur des services
extérieurs de l'administration régionale.
(13) Le dernier et actuel statut général des personnels de l'Etat, des collectivités publiques
locales et des établissements publics à caractère administratif est du 3 juin 1968.
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L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE TUNISIENNE
Secrétaire d'Etat à l'intérieur; le cadre des Gouverneurs comprend trois
classes, le séjour dans les deux classes inférieures est de trois ans.
avec ou sans suspension du droit à pension -
L'avertissement et le blâme avec incription au dossier sont prononcés
par arrêté du Secrétaire d'Etat à l'intérieur, sur rapport du chef de l'Admi
sans solde, pendant au plus
nistration régionale; l'exclusion temporaire, -
six mois -
et la rétrogradation sont décidées par la même autorité sans
l'avis de l'Administration régionale, mais après celui du Conseil des Secré
taires d'Etat; la révocation -
intervient par l'effet d'un décret pris après avis du Conseil des Secrétaires
d'Etat. Ne comparaissant devant aucun Conseil de discipline, le Gouverneur
avant d'être l'objet d'une exclusion temporaire, d'une rétrogradation ou
-
d'une révocation -
a droit, néanmoins, à la communication personnelle et
confidentielle de son dossier.
La commission d'une faute, d'une certaine gra
vité, expose le Gouverneur à
la sanction de la suspension prononcée par
le Secrétaire d'Etat
à l'intérieur et d'urgence; cette sanction est provisoire
(durée de deux mois et attribution de
la moitié des émoluments); elle est
suivie, soit par la réintégration, soit par l'une des mesures disciplinaires
susvisées.
dans la circonscription de son conjoint -
Afin que soient préservées l'indépendance et l'intégrité du Gouverneur,
il est prévu, par le statut de 1956, que l'exercice par l'épouse de cette
autorité -
d'une activité lucra
tive (publique ou privée) est subordonnée à l'autorisation du Secrétaire
d'Etat à l'intérieur. Cette autorisation est aussi indispensable à l'acquisition
par le Gouverneur ou son conjoint, à titre onéreux ou gratuit, d'immeubles
ou de cheptel vif et à la location ou exploitation directement ou par per
sonne interposée, d'immeubles ruraux agricoles par le Gouverneur. Quant
à l'exploitation ou gestion directe ou non, par ce dernier, d'un fonds de
commerce, d'une entreprise industrielle ou commerciale, elle sont formelle
ment interdites.
Au titre des interdictions, la disposition de l'article 39 du statut ne
manque pas de surprendre, puisqu'il
y est stipulé: «Il est interdit aux
Gouverneurs ... d'assurer une responsabilité quelconque au sein d'un groupe
for
ment politique, professionnel ou confessionnel.» Cette interdiction -
melle et contredite par les faits -
doit être levée et le texte qui l'a instituée
modifié puisque l'une des attributions du Gouverneur est politique.
Attributions du Gouverneur
Initialement la fonction de Gouverneur n'était qu'administrative; depuis
la décision du Conseil national du Parti en 1963, entérinée par le Congrès
de Bizerte (1964), elle connaît, officiellement, une autre dimension:
politique.
En effet, en 1956, et sur le plan régional, l'Etat était représenté, administra
tivement, par le Gouverneur, le Parti par le Délégué de son Bureau poli
tique. Ce vis-à-vis Gouverneur - Délégué du P.S.D. s'est révélé source de
conflits de compétence et plein d'embûches; dans son discours du 2 mars
1963, le Président de la République, abordant la «question de la dualité
Gouverneurs-Délégués» a remarqué qu' «elle pose des problèmes de pré
séance ... », ajoutant, «faut-il donner le pas au Gouverneur, représentant de
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L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE TUNISIENNE
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l'Etat ou au Délégué du Parti qui est à l'origine de l'Etat ?~. Et la décision
a été prise de «mettre
fin à cette dualité, à ce bicéphalisme ~ car la «gestion
des affaires publiques ne saurait, s'accommoder des tiraillements qui en
résultent. :.
Ainsi a été unifiée l'autorité régionale et, entre les mains du Gouver
neur, ont été concentrés les pouvoirs administratif et politique, cette synthèse
s'expliquant par la double qualité du Gouverneur: représentant de l'Etat
et du Parti en même temps. Sur le plan régional, s'est effectuée, comme
sur le plan national, la symbiose Etat-Parti au pouvoir. C'est que le Gou
verneur est, désormais, président de droit du Comité de coordination du
P.S.D. (élu par les délégués des cellules de la région, siégeant en Congrès) (14).
Sa position renforcée, le Gouverneur exerce des compétences aussi diver
sifiées qu'essentielles: «Délégués du Gouvernement:., les Gouverneurs, dans
leur circonscriptions, «assurent,
à ce titre et sous l'autorité des ministres
compétents, la coordination, l'orientation et la surveillance générale de
l'activité des fonctionnaires de l'Etat» ainsi que «la représentation des
intérêts nationaux et le contrôle administratif des collectivités publiques
locales» (art. II du décret du 21 juin 1956).
Sous l'autorité du Secrétaire d'Etat à l'intérieur, chaque Gouverneur
est «le chef hiérarchique de tous les fonctionnaires de l'Administration
régionale, mise
à sa disposition» (art. 8 du même décret), comme il est
personnellement responsable de «l'Administration générale du gouvernorat ».
Titulaire du pouvoir réglementaire, le Gouverneur est aussi autorité de
police administrative et judiciaire de même qu'il est chargé de l'exécution
des décisions de justice (art. 14, 15 et 16 du décret précité).
Les conseils, comités et commissions présidées par le Gouverneur sont
innombrables.
C) Le Gouverneur et les services extérieurs
Ce n'est pas seulement dans ses rapports avec le Délégué du Parti que
l'autorité du Gouverneur a engendré des conflits de compétence puisque le
problème s'est posé de savoir comment concilier les pouvoirs du Gouverneur,
chef de sa circonscription et représentant du Président de la République
et de l'ensemble du Gouvernement, et ceux du chef d'un service extérieur,
représentant un Secrétaire d'Etat.
La Commission de réforme de la fonction publique et des structures
administratives, réunie
il y a deux ans, a proposé de « ... redonner au
Gouverneur... représentant unique du pouvoir exécutif (15), un rôle de
direction et d'impulsion de tous les services de l'Eitat dans
la Région ~ et de
lui assurer «une autorité suffisante sur tous les services de l'Etat dans la
Région» et sur les chefs des services extérieurs qui, désormais, devraient
être ses «adjoints... pour les affaires relevant de leur compétence. »
(14) Art. 13 du Règlement intérieur du P.S.D.: «Le Comité de coordination est pré
sidé par le Gouverneur, en tant que responsable du Parti •.
(15) L'expression «pouvoir gouvernemental. correspond mieux à la nature du régime
constitutionnel tunisien, de type présidentiel.
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L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE TUNISIENNE
D) Les auxiliaires du Gouverneur
Eu égard à l'ampleur des tâches - multiples -
du Gouverneur, aux
dimensions administrative, politique ... il est indispensable que cette autorité,
dont la position prééminente dans la Région est incontestable, soit secondée
par nombre de collaborateurs, les Délégués et le Conseil de gouvernorat.
Les Délégués du Gouverneur
Les Gouvernorats sont subdivisés en circonscriptions territoriales admi
nistratives: les délégations (16).
Le Délégué est le premier collaborateur du
Gouverneur.
Statut du Délégué
Les Délégués sont nommés par arrêté du Secrétaire d'Etat à 1'intérieur
(au moins 2/3 des effectifs par concours sur épreuves (17) et le 1/3 restant
parmi des agents publics de la catégorie B ayant cinq ans de services civils
effectifs). Un stage d'un an, au siège du Gouvernorat est obligatoire
son
expiration, le stagiaire
à défaut de titularisation, est, soit astreint à un
nouveau stage d'un an, soit licencié, soit enfin remis
à la disposition de son
Administration d'origine).
Les affectations et mutations sont prononcées par arrêté du Secrétaire
d'Etat
à l'intérieur; l'affectation intervient au siège du Gouvernorat ou à
une subdivision territoriale; une seule mutation peut avoir lieu en un an,
le 1
er juillet, sauf nécessité de service, ce qui suppose un rapport préalable
du Chef de l'Administration régionale à cet effet. L'autorisation du Secré
taire d'Etat
à l'intérieur est nécessaire pour qu'un Délégué puisse quitter
son poste.
Les divers congés sont accordés dans les mêmes conditions que pour
le Gouverneur.
C'est ce dernier qui autorise la permission d'absence n'excédant pas
trois jours consécutifs.
La matière des positions est réglementée dans les mêmes termes que
pour le Gouverneur.
Les promotions et avancements sont prononcés par arrêté du Secrétaire
d'Etat à 1'intérieur.
Trois ans d'ancienneté dans le dernier échelon de la 1re classe sont
exigés pour être élevé à la classe exceptionnelle et ce, dans la limite de
15
% des emplois de cette classe. Pour être élevé à la pe classe, dans la
limite de 30
% des emplois, il est nécessaire d'avoir séjourné au moins trois
ans dans le dernier échelon de la 2" classe. A l'intérieur des 1
re et 2' classes,
(16) Ces délégations territoriales portent le nom de leur chef-lieu, sièges des délégués;
leur délimitation est modifiable par arrêté du Secrétaire d'Etat à l'intérieur (art. 3 et 4 du
décret du 21 juin 1956). Elles sont au nombre de cent dix.
(17) En 1966, seulement. un concours a été organisé.
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L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE TUNISIENNE
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l'avancement d'échelon est subordonné, en principe, à deux ans et demi
d'ancienneté dans l'échelon inférieur.
Les sanctions disciplinaires, allant de l'avertissement à la révocation,
sont prononcées par arrêté du Secrétaire d'Etat à l'intérieur, sur rapport
du Chef de l'Administration régionale pour l'avertissement et le blâme et
après avis d'un Conseil de discipline pour l'exclusion temporaire, la rétro
gradation et la révocation (composent ledit Conseil de discipline: le Chef
de l'Administration régionale, président, un Gouverneur et un Inspecteur
des Services administratifs que désigne le Secrétaire d'Etat à l'intérieur).
La suspension intervient selon les mêmes règles que pour le Gouverneur.
Comme pour ce dernier, des précautions sont prises pour assurer l'indé
pendance et l'intégrité du Délégué.
Le décret du 10 juin 1965 (complétant celui du 21 juin 1956), portant
statut du personnel supérieur des services extérieurs de l'Administration
régionale, a consacré l'institution du premier Délégué. Cependant, le corps
des Délégués ne comporte pas d'autorité hiérarchique des uns sur les
autres.
Attributions du Délégué
Le Gouverneur peut lui déléguer une partie de ses pouvoirs; cette délé
gation est limitée dans le temps et soumise à l'approbation du Secrétaire
d'Etat à l'intérieur; elle ne saurait intervenir en matière de police adminis
trative ou de contrôle des collectivités locales (art. 12, 16 et 17 du décret
du 21 juin 1956).
Le Délégué est autorité de police judiciaire (art. 15 du décret susvisé),
comme il est chargé de l'exécution des décisions de justice (idem).
Le Délégué est assisté par le Cheik (18), nommé par arrêté du Secrétaire
d'Etat à l'intérieur, parmi trois candidats choisis par la population du cheikhat.
Intermédiaire entre l'Administration et les habitants du cheikha,t le Cheikh
est, pour le Délégué, un agent d'information et d'exécution. Ses attributions
sont financières (collecte d'impôts), administratives (en tant qu'agent de
l'état-civil là où il n'y a pas d'officier d'état civil) et judiciaire (en sa qualité
d'auxiliaire des tribunaux: il transmet les convocations et assiste les huis
siers pour l'exécution des jugements).
Le Conseil de gouvernorat
La place assignée au Conseil de gouvernorat, dans nos développements,
surprendra; car, sauf pour nous, ledit Conseil est considéré comme une collec
tivité territoriale décentralisée (19): avant la doctrine, l'article 59 de la
Constitution du 1
er juin 1959 énonce: «Les Conseils municipaux et les
Conseils régionaux gèrent les affaires locales ...
», l'article 1er de la loi du
(18) Il est à la tête d'un cheikhat, dont les limites territoriales et l'attachement à une
Délégation déterminée peuvent être modifiés par arrêté du Secrétaire d'Etat à l'intérieur sur
proposition du Gouverneur intéressé (art. 5 du décret du 21
juin 1956). Il existe huit
cents cheikhats.
(19) Comme la Commune.
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L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE TUNISIENNE
30 décembre 1963, relative aux Conseils de gouvernorat stipule: «Le Conseil
de Gouvernorat est une collectivité publique, dotée de la personnalité civile
et de l'autonomie financière. Il gère ... dans chaque Gouvernorat, les intérêts
régionaux
». Or, en dépit de ce qui précède, ni par son organisation ni encore
par ses
pouvoirs, le Conseil de gouvernorat n'est une collectivité territoriale
décen tralisée.
Organisation du Conseil de gouvernorat
Le Conseil de gouvernorat n'est pas une assemblée élue, ce qui le prive
de l'un des éléments fondamentaux de la décentralisation. Il se compose,
en effet, comme suit:
1) du Gouverneur, président,
2) des membres du Comité régional de coordination du P.S.D.,
3) d'un représentant de chaque organisation nationale, désigné, sur
proposition du Gouverneur et présentation de cette organisation, par
le Secrétaire d'Eotat
à l'intérieur,
4) des présidents des syndicats de Communes,
5) éventuellement, et sur convocation du Gouverneur
à la réunion, des
chefs de services administratifs régionaux et des représentants des
Conseils municipaux (art. 2 de la loi du 30 décembre 1963) (20).
Le Conseil de gouvernorat est réuni sur convocation du Gouverneur
(adressée
à ses membres, trois jours francs au moins avant la date prévue
pour la réunion) (21). C'est le Gouverneur qui en arrête l'ordre du jour (22).
Un Délégué du siège assure le secrétariat du Conseil de gouvernorat, il est
désigné par le Gouverneur.
Attribution du Conseil de Gouvernorat
Ce dernier se limite à examiner le projet du budget de la reglon; mais,
c'est le Gouverneur qui arrête ledit budget. Son avis consultatif est parfois
requis par le Gouverneur (sur toute question administrative, économique ...
intéressant le gouvernorat).
Puisque le Conseil de gouvernorat n'est que le Conseiller du Gouver
neur, la décentralisation n'est réalisée qu'au stade de la commune.
(20) Avant la réforme de 1963 et conformément à la loi du 17 aoilt 1957, les membres
du Conseil de gouvernorat étaient nommés pour trois ans par arrêté du Secrétaire d'Etat
à l'intérieur, sur proposition du Gouverneur.
Quoique n'ayant point institué l'élection -
des membres du Conseil
de gouvernorat, ce qui exclut tout caractère de collectivité décentralisée à ce dernier, le
texte de 1963 représente un progrès, par rapport à celui de 1957, dans le sens de la
« représentativité» des membres du Conseil du gouvernorat puisque les représentants des
organisations nationales ont déjà été élus au sein de ces dernières
(cf. la circulaire du
Secrétalre d'Etat à l'intérieur, du 18 mars 1964, adressée aux Gouverneurs et se rapportant à
l'application de la loi du 30 décembre 1963).
sur le plan local -
(21) Les sessions ordinaires sont au nombre de quatre (février, mal, juillet et novembre)
et durent, chacune, dix jours au maximum. Le Conseil de gouvernorat peut aussi se
réunir en session extraordinaire.
(22) Le huis clos des réunions du Conseil de gouvernorat peut être prononcé par le
Gouverneur.
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II. - L'ADMINISTRATION LOCALE
C'est celle d'une collectivité locale décentralisée: la commune.
«Collectivités de droit public dotées de la personnalité civile et de
l'autonomie financière
», «chargées de la gestion des intérêts municipaux »,
ainsi sont qualifiées les communes par l'article 1er de la loi municipale (décret
beylical du 14 mars 1957).
C'est par décret que sont constituées, délimitées, modifiées et supprimées
les communes; le texte créant une commune lui attribue un nom et détermine
le lieu où siège le Conseil municipal; ce dernier doit être consulté avant tout
changement de nom (art. 3, D.B. précité); en cas de création ou de modifi
cation d'une commune par décret est fixé le nombre des conseillers et adjoints
municipaux (art. 110 de la loi électorale du 8 avril 1969) (23).
Le corps municipal se compose du Conseil municipal et du Président
de celui-ci, secondé par un ou plusieurs adjoints (art. 2, D.B. de 1957).
1. LE CONSEIL MUNICIPAL
A) Organisation du Conseil municipal
- L'élection de ses membres est réglementée par le titre IV du code élec
toral (art. 110 à 134).
Le mandat de Conseiller municipal est de trois ans; la rééligibilité est
permise. Le tableau n° 3, annexé audit code, fixe le nombre des Conseillers
et adjoints municipaux de chaque commune.
Les conditions d'éligibilité et cas d'inéligibilité sont fixés par les articles
112 à 115; l'âge de l'éligibilité, pour les deux sexes, est de 25 ans accomplis
(le D.B. de 1957, article 7, n'exigeait que l'âge de 20 ans).
Les articles 116 à 118 déterminent les cas d'incompatibilité, les articles
119
à 124 réglementent les candidatures, 125 la propagande, 126 et 127 le scru
tin (de liste majoritaire
à un tour, avec panachage), 128 à 132 le contentieux
électoral, 133 et 134 le remplacement des conseillers municipaux.
Ceux-ci prennent rang dans l'ordre du tableau, lequel est déterminé par
la date de l'élection,
à défaut (entre Conseillers élus le même jour) par le
nombre des suffrages obtenus, sinon
égalité des voix) par priorité d'âge.
(23) La loi du 8 avril 1969, portant code électoral, a abrogé, pour ce qui est de l'élection
des membres des conseils municipaux les articles 4
à 24, 27, 56, al. 3, du D. B. du 14 mars
1957 ainsi que l'arrêté du Secrétaire d'Etat
à l'intérieur du 15 mars 1957, fixant les modalités
du régime électoral applicable pour la désignation desdits Conseils et les textes subséquents
les modifiant ou complétant. Cette loi se rapporte aussi à
l'élection du Président de
la
République et des membres de l'Assemblée Nationale.
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L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE TUNISIENNE
- Quatre sessions -
de dix jours chacune, sauf prolongation consentie
sont de rigueur (février, mai, juillet et novembre).
par le Gouverneur (24) -
A ces sessions ordinaires, s'ajoutent celles extraordinaires, convoquées par
le Président de la commune, chaque fois que nécessaire ou à la demande,
soit du tiers des Conseillers en exercice, soit du Gouverneur. La convocation
- mentionnée au registre des délibérations et affichée à la porte de la
est adressée aux membres du Conseil municipal,
commune ou publiée -
par écrit et à domicile, trois jours francs, au moins, avant la date de la
réunion. L'urgence abrège ce délai qui, cependant, ne saurai être inférieur
à un jour franc.
- Convoqué, le Conseil municipal ne peut délibérer que si la majorité
de ses membres en exercice assiste à la séance; si ce quorum n'est pas
atteint une seconde convocation est lancée dans les mêmes formes et par
la même autorité que précédemment.
- La délibération du Conseil municipal n'est prise qu'à la majorité
absolue des votants; le scrutin est public ou secret (dans ce dernier cas, à la
demande du tiers des membres présents ou s'il s'agit de procéder à une
nomination ou présentation: il est procédé, alors, à un troisième tour de
scrutin et à la majorité relative;
si aucun des candidats n'a obtenu la majo
rité relative, l'âge départage les concurrents en cas d'égalité des voix). La
voix du Président est prépondérante lorsque le scrutin est public. Le procès
verbal de la délibération précise le nom des votants et le sens de leur vote.
- Les séances du Conseil municipal sont présidées par le Président de
la commune, à qui appartient la police de la séance: de celle-ci, il peut
expulser tout auditeur agité, comme
il peut en ordonner l'arrestation; en
cas de délit ou de crime, il en dresse procès-verbal. A défaut de ce Prési
dent, le Conseil municipal, dans sa séance, est présidé par un remplaçant:
par exemple, lorsque les comptes d'administration du Président sont discutés;
ce remplaçant, présidant en séance, adresse directement au Gouverneur la
délibération (25).
En plus du Président, le Conseil municipal se compose d'un ou de plu
sieurs secrétaires, élus parmi ses membres au début de chaque session et
pour la durée de celle-ci, lesquels sont assistés par des auxiliaires qui ne
sont pas Conseillers municipaux et qui, présents aux séances du Conseil, n'y
votent pas.
Les séances du Conseil municipal sont publiques; mais le huis-clos peut
être prononcé sur la demande du tiers des conseillers ou du Président.
- A toute délibération et assurée une publicité appropriée: inscription
- par ordre de date -
sur un registre coté et paraphé par le Gouverneur;
signature par tous les conseillers présents ou mention de la clause les empê
chant de signer; affichage, par extrait à la porte de la municipalité, du
(24) La session de juillet, au cours de laquelle est discuté le budget, peut durer un mois.
(25) Le Président de la commune peut assister à cette séance, où
il est concerné; mais,
il doit se retirer avant le vote.
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L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE TUNISIENNE
169
compte-rendu de la séance, dans la huitaine; par ailleurs, procès-verbaux du
Conseil, budget et comptes de la commune et arrêtés municipaux constituent
des documents que tout habitant de la commune, ou contribuable, peut
connaître.
B) Attributions du Conseil municipal
Le vague entourant la formule de l'article 44 de la loi municipale -
de
1957 - : «Le Conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de
la Commune », signifie que les attributions dudit Conseil sont très éten
dues
(26) et que la liste des pouvoirs reconnus à cet organe n'est qu'énon
ciative, indicative et non point limitative, exhaustive.
L'acte émanant du Conseil est, soit une décision, soit un avis, soit
un vœu.
- Le pouvoir de décision est dévolu au Conseil municipal dans des
domaines d'importance vitale: vote du budget communal, condition
sine qua
non
de l'autonomie - non absolue -
locale (27), création d'un service public
local, gestion du domaine de la commune... (28).
- L'avis du Conseil municipal est requis dans les matières énumérées
par l'article 53 de la loi municipale (projets d'alignement ... ) (29).
- Le vœu émis par le Conseil municipal ne saurait être politique
(art. 55 de la loi municipale).
C) La tutelle exercée sur le Conseil municipal
La décentralisation n'étant pas la sécession ou la «souveraineté» locale
les attributions du Conseil municipal ne
seul l'Etat étant souverain -
sont pas exercées en toute
liberté par les élus locaux, ceux-ci mêmes sont
soumis à un certain pouvoir central. C'est que l'Etat -
bré -
que sur le Conseil municipal.
qui n'est pas démem
exerce la tutelle administrative et ce, aussi bien sur les conseillers
Tutelle exercée sur la personne des Conseillers municipaux
Le Gouverneur peut déclarer démissionnaire «tout membre du Conseil
municipal qui sans motifs reconnus légitimes par le Conseil, a manqué
à
trois convocations successives... après avoir été admis à fournir ses explica
tions» (30).
(26) Cf. les art. 44 à 55 de la loi municipale.
(27) Sur ce point,
les prérogatives du Conseil
municipal et celles du Conseil de gouvernorat. Cf. les art. 104
à 106 de la loi municipale
et Jacques
MAGNET, Les finances publiques tunisiennes, Tunis, publication du centre de
Recherches et d'Etudes Administratives de l'E.N.A., 1968 (ronéotypé), p. 223 et s.
le contraste est fondamental, entre
(28) Cf. les art. 83 à 89 de la même loi.
(29) D'autres
(30) Art. 42 de la loi municipale. Un recours du Conseiller intéressée est prévu, par cette
même disposition, dans les dix jours de la notification de la décision du Gouverneur,
devant le Secrétaire d'Etat
à l'intérieur.
législatifs ou réglementaires, prévoient cette consultation.
textes,
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L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE TUNISIENNE
Par décret, la dissolution peut frapper le Conseil municipal tout entier
et,
à défaut, en cas d'urgence, ledit Conseil peut être suspendu, par arrêté
motivé du Secrétaire d'Etat
à l'intérieur (31).
Tutelle exercée sur les actes du Conseil municipal
Ses manifestations sont multiples: obligation du dépôt des délibérations,
pouvoir d'approbation, de suspension et d'annulation de ces délibérations et
pouvoir de substitution d'office.
- Certaines délibérations (32) ne sont exécutoires qu'après leur dépôt
au siège du Gouvernorat et quinze jours après ce dépôt.
- Le pouvoir d'approbation préalable s'exerce sur les délibérations
visées par l'article 50 de la loi municipale (et intervenant dans divers do
maines: budget, crédits supplémentaires, contributions extraordinaires et
emprunts, taxes locales ... , règlements d'hygiène ... ).
Ce pouvoir d'approuver est octroyé au Gouverneur, au Secrétaire d'Etat
à l'intérieur et conjointement à ce dernier et au Secrétaire d'Etat au Plan
et
à l'économie nationale (33).
Un délai d'un mois -
est imparti
au Gouverneur saisi
à fin d'approbation; son silence vaut approbation lors
que ce délai expire; le refus d'approuver habilite le Conseil municipal
à
saisir le Secrétaire d'Etat à l'intérieur. Ce délai est de trois mois pour un
Secrétaire d'Etat; le silence vaut approbation.
à dater du dépôt de la délibération -
- Le pouvoir de suspension -
est
exercé par le Gouverneur, dans le même délai de quinze jours que pour le
dépôt dans le cas d'une délibération annulable
(art. 52 in fine).
de l'exécution d'une délibération -
- Le pouvoir d'annulation n'est détenu que par le Secrétaire d'Etat à
l'intérieur; celui-ci prononce la nullité de droit (34) ou l'annulation (35) d'une
délibération, par voie d'arrêté motivé.
A toute époque, une partie intéressée peut demander la nullité de droit.
(31) Art. 45 de la loi municipale. La suspension ne peut excéder deux mols.
(32) Autres que celle visées a l'art. 54 de la 101 municipale.
(33) Art. 50 :
« ... Sont approuvées par le Gouverneur, les délibérations prévues au 4°, 5°, 6°, 7° et 8°
du présent article lorsqu'il s'agit de communes dont la population ne dépasse pas
10000 habi
tants.
Sont approuvées par le Ministre de l'Intérieur les délibérations prévues à l'alinéa pré
cédent lorsqu'il s'agit de villes dont la population dépasse
10000 habitants ainsi que les
délibérations prévues au
1°, 2°, 3°, 4°, 10°, 11°, 12° et 13° du présent article.
Sont, toutefois" approuvées par le Ministre de l'Intérieur et le Ministre des Finances :
1) Les contributions extraordinaires et les emprunts contractés par les communes aInsi
que les contributions destinées à en assurer le service.
2) Les budgets et les comptes de communes •.
(34) Art. 46 de la loi municipale: «Sont nulles de plein droit :
1) Les délibérations d'un Conseil municipal portant sur un objet étranger
à ses attri-
butions ou pris hors de sa réunion légale.
2) Les délibérations prises en violation des textes législatifs ou réglementaires •.
(35) Art. 47 :
« Sont annulables les délibérations auxquelles auraient pris part des membres du Conseil,
intéressés soit en leur nom personnel, soit comme mandataires à l'affaire qui en fait l'objet •.
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L'annulation peut être provoquée d'office par le Gouverneur (dans un délai
d'un mois
à compter du dépôt du procès-verbal de la délibération au siège
du Gouvernorat ou sollicitée par tout intéressé ou contribuable de la com
mune (dans un délai de quinze jours
à compter de l'affichage, à la porte de
la municipalité de la délibération en cause; la demande doit être déposée
au siège du Gouvrenorat; un récépissé en est délivré).
Le Secrétaire d'Eiat
à l'intérieur dispose d'un délai de quinze jours pour statuer sur la demande
d'annulation dont
il est saisi.
- Le pouvoir de substitution. - Alors que les pouvoirs précédents res
pectent l'ordre des compétences et sont exercés après l'intervention de la
décision censurée (pour l'aprouver, en suspendre l'effet ou l'annuler), la
substitution perturbe la répartition des compétences.
Ce bouleversement intervient dans les situations que voici:
-
«Si le Conseil municipal n'allouait pas les fonds exigés par une
dépense obligatoire ou n'allouait qu'une somme insuffisante» (art. 112, al. 1
er
de la loi municipale).
-
«Lorsque le budget d'une commune n'a pas été voté en équilibre, par
le Conseil municipal» (art. 108, al. 1er).
Dans ces deux hypothèses, la substitution d'office intervient au profit
des Secrétaires d'Etat
à l'intérieur et au Plan et à l'économie nationale,
autorités de tutelle.
Attentatoire à la dévolution -
normale -
des compétences, la substi
tution est soumise à des conditions draconiennes; en effet:
-
-
dans le premier cas, l'allocation faisant défaut est inscrite au budget
communal, d'office, par arrêté des Secrétaires d'Etat précités après avoir
demandé au Conseil municipal intéressé une délibération spéciale
à ce sujet;
dans le second cas, le Secrétaire d'Etat
à l'intérieur «renvoie au
Président» le budget, «dans le délai de quinze jours qui suit son dépôt au
siège du Gouvernorat» et, «le Président le soumet, dans les dix jours,
à une
seconde délibération du Conseil municipal ». Celui-ci doit statuer dans le
délai de huitaine et le budget est immédiatement renvoyé au Ministre de
l'intérieur. Si le budget, ayant fait l'objet d'une seconde délibération, n'a pas
à nouveau été voté en équilibre ou s'il n'a pas été retourné au Ministre de
l'intérieur, dans le délai d'un mois,
à compter de son renvoi au Président,
en vue de la seconde délibération, les Ministres de l'intérieur et des finances
arrêtent le budget ».
2. LE PRÉsIDENT DU CONSEIL MUNICIPAL
A) Statut dt/. Président dt/. Conseil mt/.nicipal
L'élection du Président du Conseil municipal est réglementée, ainsi que
celle des adjoints, par les articles 56 et suivants de la loi municipale (scrutin
secret et
à la majorité absolue; «si après deux tours de scrutin aucun can-
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didat n'a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de
scrutin et l'élection a lieu à la majorité relative; à égalité des voix, l'élec
tion est acquise au plus âgé») (36).
Le mandat du Président (et des adjoints) est de la même durée que
celui du Conseil municipal (37). Sa démission doit être adressée au Gou
verneur; elle n'est définitive qu'à partir de son acceptation par cette autorité
« ou à défaut de cette acceptation un mois après un nouvel envoi de la dé
mission constaté par lettre recommadnée» (art. 63 de la loi municipale).
Le régime administratif de la ville de Tunis est particulier: en plus du
Président de la municipalité et de ses adjoints, élus, parmi les membres du
Conseil municipal, existe une autre autorité: le Gouverneur-maire de Tunis,
nommé par décret, sur proposition du Secrétaire d'Etat à l'intérieur (38).
B) Attributions du Président du Conseil municipal
Le Président du Conseil municipal est doté d'une double qualité, il est
agent de la commune et agent de l'Etat.
Attributions en tant qu'agent de la commune
Le Président prépare, instruit et exécute les délibérations du Conseil
municipal; prépare et propose le budget, ordonne les dépenses, administre
le domaine communal, dirige les travaux communaux, pourvoit aux mesures
se rapportant à la voirie municipale, représente la commune dans tous les
actes de la vie civile, nomme aux emplois communaux, exerce le pouvoir
disciplinaire à l'égard du personnel communal ...
La police municipale est dévolue au Président du Conseil municipal
(art. 73 et s. de la loi municipale).
La gestion des intérêts municipaux de Tunis est assurée par le Gouver
neur-maire, hormis la convocation du Conseil municipal, la présidence des
séances et l'exercice des fonctions d'officier de l'état civil qui sont la compé
tence du Président de la municipalité de la capitale.
Attributions en tant qu'agent de l'Etat
Le Président publie et exécute les textes législatifs et réglementaires,
exécute les mesures de sûreté générale et les fonctions spéciales que lui
attribue la loi.
n est officier de l'état civil, tient à jour les listes électorales, légalise les
signatures ...
(36) Art. 58 de la loi municipale.
(37) La fonction de Président -
comme celle d'adjoint ou de Conseiller municipal -
est gratuite. Cependant, est prévu le remboursement des frais nécessités par l'exécution de
mandats spéciaux ainsi que des dépenses de transport
(art. 57 de la loi municipale).
(38) Cf. la loi du 24 mai 1966.
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C) Tutelle exercée sur le Président du Conseil municipal (39)
Tutelle exercée sur la personne du Président du Conseil municipal
Après avoir été entendu ou invité à fournir des explications écrites sur
les faits
à lui reprochés, le Président -
peut être
suspendu par arrêté du Secrétaire d'Etat
à l'intérieur et pour, au plus, trois
mois). Sa révocation intervient par décret motivé (art. 68 de la loi municipale).
comme tout adjoint -
Tutelle exercée sur les actes du Président du Conseil municipal
Les arrêtés du Président doivent, sitôt pris, être adressés au Secrétaire
d'Etat
à l'intérieur qui peut les annuler ou en suspendre l'exécution. «Ils
sont exécutoires de plein droit, lorsqu'aucune décision n'est intervenue
à
leur égard un mois à partir de leur dépôt au siège du Gouvernorat (art. 77
de la loi municipale).
L'article 81 dispose: «Les pouvoirs qui appartiennent au Président en
vertu de l'article
73 ne font pas obstacle au droit du Gouverneur, de prendre
pour toutes les communes du Gouvernorat ou plusieurs d'entre elles et dans
tous les cas où
il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales,
toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la
tranquilité publiques. Ce droit ne pourra être exercé par le Gouverneur à
l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au Président
restée sans résultat
».
Mohieddine MABROUK *.
mai 1969.
(39) Ce pouvoir de tutelle ne s'exerce sur le Président qu'en sa qualité d'agent de la
commune; en tant qu'agent de l'Etat il est soumis au pouvoir hiérarchique de l'autorité
supérieure (Secrétaire d'Etat
à l'Intérieur et Gouverneur; en matière d'état civil, il est soumis
au Procureur de la République).
• Chargé de cours à la Faculté de droit de Tunis.
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