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ANNALES
DE
L’UNIVERSITE
MARIEN NGOUA
BI
Sciences Juridiques et Politiques
Volume 21, Numéro spécial
ANNEE: 2021
ISSN: 1815 – 4433 - www.annalesumng.org
Indexation: Google Scholar



















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ANNALES
DE L'UNIVERSITE MARIEN NGOUABI
SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
VOLUME 21, NUMERO SPECIAL, ANNEE: 2021 www.annalesumng.org
SOMMAIRE
1
29
59
L’accord tacite en droit international
ADOUA-MBONGO A. S.
Le pouvoir d’injonction des juridictions administratives en
Afrique noire francophone
ANDZOKA ATSIMOU S.
Les dérives de la constitutionnalisation du droit pénal au
Congo : remarques à propos de l’article 96 de la
Constitution du 25 octobre 2015
LEKEBE OMOUALI D.
85
Le juge et l’équilibre du contrat
ONDZE S
118
Le pouvoir législatif dans le nouveau
constitutionnalisme africain : un pouvoir concurrencé
OSSOMBO-YOMBO R.
Directeur de publication
J-R. IBARA
Rédacteur en chef
J. GOMA-TCHIMBAKALA
Rédacteur en chef adjoint
D. E. EMMANUEL née ADOUKI
Comité de Lecture :
J.M. BRETON (Pointe-à-Pitre)
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Université Marien Ngouabi
Direction de la Recherche
Annales de l’Université Marien
Ngouabi
B.P. 69, Brazzaville – Congo
E-mail: annales@umng.cg
ISSN : 1815 – 4433
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Annales de l’Université Marien N’GOUABI, 2021 : 85-117
Sciences Juridiques
et Politiques
ISSN : 1815 – 4433
www.annalesumng.org

LE JUGE ET L’EQUILIBRE DU CONTRAT
ONDZE S.
Faculté de Droit
Université Marien N’Gouabi

Brazzaville – République du Congo
RESUME
La conception individualiste sur laquelle se fondait la théorie générale du contrat exigeait que les parties ne soient
soumises qu’aux obligations qu’elles ont voulu peu important le déséquilibre de celles-ci. Afin de garantir
l’intangibilité du contrat, les immixtions extérieures notamment celle du juge ont été interdites. Mais, la prise en
compte d’une nouvelle vision du contrat a remis en cause le dogme de l’autonomie de la volonté. Cette
métamorphose du droit des contrats reconnaît au juge le pouvoir de rééquilibrer en cas de déséquilibre provoqué
par les parties ou les circonstances imprévisibles et celui d’imposer les obligations aux parties en cas de lacunes
contractuelles. Cette intervention permet d’assurer la justice contractuelle.
Mots-clés : Autonomie de la volonté - clauses abusives - clause limitatives de responsabilité – contrat –
déséquilibre - équilibre contractuel – imprévision - juge - justice contractuelle - parties, tiers.
ABSTRACT
The individualistic conception on which the general theory of contract was based required that the parties be
subject only to the obligations they wished, regardless of the imbalance of those obligations. In order to guarantee
the inviolability of the contract, external interference, in particular that of the judge, has been prohibited. But,
taking into account a new vision of the contract called into question the dogma of the autonomy of the will. This
metamorphosis of contract law recognizes the judge's power to rebalance in the event of an imbalance caused by
the parties or unforeseeable circumstances and the power to impose obligations on the parties in the event of
contractual gaps. This intervention helps ensure contractual justice.
Keywords : Autonomy of the will - unfair clauses - limitation of liability clause - contract - imbalance -
contractual balance - unforeseeability - judge - contractual justice - parties, third parties.














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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
1.- « Entre le fort et le faible, c’est la
liberté qui asservit, le juge (et non plus la loi)
qui affranchit »
1. Cette formule détournée de
la citation de Lacordaire
2, souvent opposée à
« Qui dit contractuel dit juste » de Fouillée
3,
toute
sert d’argument d’autorité contre
immixtion du
sphère
contractuelle. La théorie générale du contrat
s’est, en effet, construite sur le dogme de
l'autonomie de la volonté
4. La confection du
contrat, sa modification et sa révocation
doivent être l’œuvre de la volonté des
parties
5 ayant la lucidité de mieux défendre
leurs intérêts dans une égalité parfaite
6. La
leur permet de
liberté
contractuelle
juge dans
la
1 L. Aynès, « Le devoir de renégocier »,
Rev. juris. com. 1999, n° 26, pp. 12 et s.
2 J.-B.-H. D. Lacordaire, « Entre le fort et
le faible, [entre le riche et le pauvre, entre le maître et
le serviteur], c’est la liberté qui asservit [opprime] et
la loi qui affranchit », in
Du double travail de
l’homme
, 52e Conférence de Notre-Dame de Paris, t.
III, 16 avril 1848.
3 A. Fouillée, La
sociale
contemporaine
, 5e éd., Hachette, 1910, p. 410 ; J.-F.
Spitz, « “Qui dit contractuel dit juste” : quelques
remarques sur une formule d’Alfred Fouillée »,
RTD
civ
. 2007, p. 281.
science
4 E. Gounot, Le principe de l’autonomie de
la volonté en droit privé, Contribution à l’étude
critique de l’individualisme juridique
, Paris, Arthur
Rousseau, 1912, p. 5 ; R. Demogue,
Les notions
fondamentales du droit privé : essai critique
, Arthur
Rousseau, 1911, 683 p. ; Paris, rééd., La Mémoire du
droit, 2001, p. 147 ; V. Ranouil,
L’autonomie de la
volonté : naissance et évolution d’un concept,
Paris,
PUF, 1980, 194 p.
5 COCC, art. 97 ; C. civ. fr., art. 1101 et
1193 nouv. (art. 1134 anc.) ; Avant-projet de Code
civil (Congo), art. 356 ; art. 472 : « Les contrats ne
peuvent être modifiés ou
révoqués que du
consentement mutuel des parties, ou pour les causes
que la loi autorise ».
6 F. Chénédé, « L’équilibre contractuel
dans le projet de réforme »,
RDC, 2015, n° 3, p. 655.
7
Cf, G. Dibangue, La recherche de
l’équilibre contractuel dans
le cautionnement.
Regards croisés entre le droit français et le droit
Paris,
Pascal
OHADA,
L’Harmattan,2017, p. 17.
Rubellin,
préf.
8 V. Lasbordes, Les contrats déséquilibrés,
PUAM 2000, p. 17.
9 C. Thibierge-Guelfucci, « Libres propos
sur la transformation du droit des contrats »,
RTD civ.
1997, p. 357 ; D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité,
fraternité : la nouvelle devise contractuelle ? », in
déterminer de manière équilibrée le contenu
du contrat
7, qui acquiert ainsi une
intangibilité empêchant le juge d’effectuer
un contrôle de son équilibre objectif, car
l’équilibre subjectif accepté par les parties
qui prime
8. Cette construction, aveugle du
déséquilibre et de l’injustice contractuelle, a
été remise en question
9, sous l’impulsion de
nouvelles disciplines
10 et d’une nouvelle
vision du contrat
11. Ces nouvelles théories
explicatives du contrat font de la figure du
juge le pilier incontournable de l’équilibre
contractuel. L’avant-projet du code civil
congolais
12 et la réforme française du 10
février 2016
13 relancent le débat, jamais clos,
L’avenir du droit, Mélanges en hommage à F. Terré,
Dalloz/PUF/Juris-classeur, 1999, p. 603 ; « Le nouvel
ordre contractuel », RDC 2003, n° 22, p. 307 ; « Le
juge et le contrat. Variations sur un couple ”
illégitime“ », in
Mélanges offerts à Jean-Luc Aubert,
Dalloz, 2005, p. 235 et « La bataille du solidarisme
contractuel : du feu, des cendres, des braises… », in
Mélanges en l’honneur du professeur Jean Hauser,
LexisNexis/Dalloz, 2012, p. 905.
10 N. Rzepecki, Droit de la consommation
et théorie générale du contrat
, PUAM, 2002, p. 587.
11 Il s’agit des théories de l’utile et du juste
(J. Ghestin, « L’utile et le juste dans les contrats »,
APD 1981, p. 35 ; J. Ghestin, J. Loiseau, Y.-M.
Serinet,
La formation du contrat, LGDJ, 2013, n°
625), de l’utilité publique et de la justice contractuelle
(F. Chénédé, « De l’autonomie de la volonté à la
justice commutative : du mythe à la réalité »,
Annuaire de l’Institut Michel Villey, Dalloz, 2012, 4,
pp. 155-181), du solidarisme contractuel (Ch. Jamin,
« Plaidoyer pour le solidarisme contractuel », in
Le
contrat au début du XXIe siècle
, Etudes J. Ghestin,
LGDJ, 2001, p. 441 ; L. Grynbaum, « La notion de
solidarisme
solidarisme
contractuel,
G. Grunbaum et M. Nicod (dir.),
Economica, 2004, p. 25 ; I. Y. Ndiaye, « Leçon
inaugurale : le COCC, cinquante ans après (Regard
furtif) »,
in
Code des obligations civiles et
commerciales du Sénégal (C.O.C.C) : cinquante ans
après
, I. Y. Ndiaye, J. J.-L. Corréa, A. A. Diouf (dir.),
vol. 1, CREDILA, L’Harmattan-Sénégal, 2018, pp.
16 et s.).
contractuel »,
in Le
est
contrat
synallagmatique
12 Avant-projet de Code civil, art. 361. «
les
Le
contractants s’obligent réciproquement les uns envers
les autres » ; art. 363 « Le contrat est commutatif
lorsque chacune des parties s’engage à procurer à
l’autre un avantage qui est considéré comme
l’équivalent de celui qu’elle reçoit ».
lorsque
13 Ordonnance n°2016-131 du 10 févr.
2016 portant réforme du droit des contrats, du régime
86


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
sur l’intervention du juge dans les relations
contractuelles entre les parties
14.
2.- L’équilibre du contrat, le juge, ces
termes passent aujourd’hui pour un lieu
commun. Pourtant,
la conjonction de
coordination qui les lie, impose de s’y
attarder, pour la clarté de l’analyse.
L’équilibre contractuel est une
notion complexe, diversifiée et fragile
15. Il
est une notion floue
16 dont ni le critère de
l'équivalence des prestations
17 ni celui de
l'optimum de création de richesses
18 ne
suffisent à caractériser l’ensemble de ses
manifestations. L’équilibre du contrat est
appréhendé sous le double prisme de concept
et de notion
19. En tant que concept, il
« représente l'idée selon laquelle le contenu
juridique et économique du contrat se trouve
dans un état de repos et/ou d’harmonie et le
général et de la preuve des obligations ; G. Chantepie,
M. Latina,
La réforme du droit des obligations,
Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du
Code civil
, Dalloz, 2016, p. 419.
14 Cf, G. Tabi Tabi, « La remise en cause
contemporaine du volontarisme contractuel »,
Les
Cahiers de droit
, vol. 53, n° 3, 2012, p. 579 ; V.-E.
Bokali, « Le juge et le contrat »,
Séminaire de Droit
des obligations
, Faculté des sciences juridiques, et
politiques, Université de Ngaoundéré, Année
académique 2017-2018, p. 3.
15 Cf, S. Lebreton, L'exclusivité
contractuelle et les comportements opportunistes,

Thèse Paris II, 1998, n° 133.
16 V. Portier, « La fonction normative des
notions floues »,
RRJ 1991-3, p. 765, n° 19 ; M.
Delmas-Marty,
Le flou du droit, PUF, 1986, p. 12.
17 J.-J. Barbieri, Vers un nouvel équilibre
contractuel ? Recherche d'un nouvel équilibre des
prestations dans la formation et l'exécution du
contrat
, Thèse Toulouse, 1981, p. 290 ; B. Garrigues,
« La contre-prestation du franc symbolique »,
RTD
civ.
1991, p. 463.
18
la puissance
J.-P. Chazal, De
économique en droit des obligations
, Thèse Grenoble
II, 1996, n° 686.
19 L. Fin-Langer, L’équilibre contractuel,
LGDJ, 2005, pp. 26-27.
20 Ibidem.
21 C’est-à-dire une « véritable abstraction
d'une situation de fait produisant un certain nombre
d'effets juridiques », voir J. A. Guesmi,
Le contrôle
des
relations
abusives
contractuelles
, Thèse Toulon, 1997, n° 107.
clauses
dans
les
reste malgré l'influence de forces extérieures
sur ce contenu »
20. En tant que notion21,
l’équilibre contractuel est, du point de vue de
l’analyse économique, « … celui qui permet
l'optimisation de la création globale de
richesse »
22. Il s’oppose au déséquilibre du
contrat
23. La définition de celui-ci implique
donc plusieurs critères objectifs, afin que
transparaisse son efficacité
24. Il peut se
retrouver dans les critères de réciprocité
25,
de commutativité
26, d’équivalence27, de
proportionnalité
28 et d’excès29.
3.- Le juge, quant à lui, est une notion
à sens dual. Elle représente, du point de vue
institutionnel, une juridiction
30, alors que du
point de vue personnel, le juge est « celui qui
est compétent pour trancher, celui qui
connaît l’affaire »
31.
22 L. Grynbaum, Le contrat contingent,
L'adaptation du contrat par le juge sur habilitation
du législateur
, Thèse Paris II, 1998, n° 62 et 63.
23 Ibidem.
24 M. Delmas-Marty,
Trois défis pour un
droit mondial
, éd., Seuil-essais 1998, p. 88 : « La
transgression, qui marque le point de rupture, lorsque
le juge ramène à tout critère objectif pour décider seul
du sens, selon sa propre subjectivité. C’est là que
commence le gouvernement des juges ».
25 H. Brycks, Les clauses abusives, LGDJ-
Montchrestien, 1982, 286 p., n° 9.
26 D. Berthiau, Le principe d'égalité et le
droit civil des contrats
, Thèse Paris II, 1997, n° 324.
27 C. Krief-Verbaere,
Recherches sur la
possession en droit des sûretés réelles,
Thèse Paris
XII, 1994, n° 74.
28 D. Mazeaud, « Le principe de
proportionnalité et le droit des contrats »,
LPA 30
sept. 1998 ; N. Molfessis, « Le principe de
proportionnalité et l'exécution du contrat »,
LPA 30
sept. 1998, p. 21 ; S. Pech-Le-Gac,
La
proportionnalité en droit privé des contrats
, Thèse
Paris XI,1997, n° 224-225.
29 D. Bakouche, L’excès en droit civil,
Thèse Paris 2, 2001, n° 419, p. 319 et s.
30 D. Lekebe Omouali, « L’office du juge
en droit OHADA »,
RAMReS/S.J.P., n° 1, janv. 2021,
p. 198.
31 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris,
13
e éd., Quadrige, 2020, pp. 578 ; G. Wiederkler,
« Qu’est-ce qu’un
juges,
juge »,
nouveaux pouvoirs ?, Mélanges en l’honneur de
Roger Perrot, Dalloz, 1995, p. 575 ; M.-A. Frison-
in Nouveaux
87


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
4.- Le débat sur l’admission ou non
de l’immixtion du juge dans les rapports
contractuels entre les parties n’est pas si
ancien. Il est né au XXe siècle
32, et met aux
prises deux visions radicalement opposées
du contrat voire de la société.
D’un côté, les volontaristes33 qui
rejettent l’idée d’un contrôle de l’équilibre
du contrat par le juge. Ces auteurs croient en
la capacité des parties à déterminer
l’équilibre du contrat et à n’acquiescer que
les engagements justes
34 ayant la force
obligatoire
35. Le contrat « est supposé
équilibré du seul fait qu’il a été accepté »
36.
Ainsi, le « libéralisme économique s’oppose
à ce qu’une protection (…) étatique permette
en réalité à une partie, considérée comme
habile, d’échapper à ses obligations »
37.
L’équilibre du contrat ne pouvait ainsi être
Roche, « Les offices du juge », in Mélanges J. Foyer,
Paris, PUF, 1997, p. 463.
32 Cf, R. Demogue, Traité des obligations
en général
, t. 6, Paris, éd., Librairie Arthur Rousseau,
1931, n° 3 ; R. Ponceau,
La volonté dans le contrat
suivant le Code civil, Essai d’une construction
nouvelle,
Lyon, 1921 ; N. Coumaros, Le rôle de la
volonté dans l’acte juridique, Etude critique de la
conception classique,
Thèse Bordeaux, Sirey, 1931,
332 p.
solidarisme
contractuel »,
33 L. Leveneur, « Le
solidarisme
contractuel : un mythe ? »,
in
Le solidarisme
contractuel
, Economica, 2004, n° 1 ; Ph. Rémy, « La
genèse du
in
Le
solidarisme contractuel,
Economica, 2004, n° 6 ; Y.
Lequette, « Bilan des solidarismes », in
Etudes de
droit privé,
Economica, 2008, pp. 247 et s. ; « Retour
sur le solidarisme : le rendez-vous manqué des
solidaristes français avec la dogmatique juridique »,
in
Mélanges en l’honneur de J. Hauser, Paris,
LexisNexis/Dalloz, 2012, 879.
S. Thomas
Somme
théologique
, trad. Martin Stanislas Gillet, Desclée et
Cie, 1932, II a, II ae, q. 59, art. 3 ; Aristote,
Éthique à
Nicomaque
, trad. Jules Tricot, Paris, Vrin, 1997, V,
12 et s.
d’Aquin,
34
35 J.-S. Borghetti, « La force obligatoire
des contrats », Dr. et patr. mai 2016, p. 67.
36 A. Bénabent, Droit des obligations,
Paris, 18e éd., LGDJ, 2019, p. 157.
37 M. G. de Monteynard, « La recherche
d’un équilibre contractuel au
la
jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour
de cassation », www.courdecassation.fr, consulté le
23 déc. 2020.
travers de
imposé aux contractants au nom de la liberté
contractuelle
38.
De l’autre, les solidaristes affirment
que « le contrat n’est que rarement un
microcosme au sein duquel
il y a
convergence d’intérêts faisant naître un
véritable intérêt commun contractuel »
39.
Les intérêts des parties étant antagonistes, et
l’égalité des parties n’étant « souvent qu’un
leurre et l’injustice contractuelle, une réalité
»
40, la partie vulnérable n’est pas le meilleur
intérêt
41. L’inégalité de
juge de son
puissance entre les parties s’est grandement
manifestée avec l’apparition des contrats
d’adhésion et les contrats de dépendance
42.
5.- La force obligatoire du contrat a
ainsi été relativisée, en raison des nécessités
sociales
43, de la bonne foi44, de l’équité, de
38 E. A. Koffi, « La recherche d’équilibre
en droit civil »,
Revue malienne des sciences
juridiques, politiques et économiques de Bamako
(REMSJUPE),
n° 3, 2016, n° spécial, p. 31.
39 Ch. Jamin et D. Mazeaud (dir.), La
nouvelle crise du contrat
, Paris, Dalloz, 2003, 260 p.
; Ch. Jamin, « Le rendez-vous manqué des civilistes
français avec le réalisme juridique, un exercice de
lecture comparée »,
Droits 2010, n° 52, p. 137 ; D.
Maezaud, « La bataille du solidarisme contractuel :
du feu, des cendres, des braises… », in
Mélanges en
l’honneur de J. Hauser,
LexisNexis/ Dalloz, 2012,
pp. 905 et s.
40 B. A. Balla Kalto Loutou, « La
réparation du déséquilibre contractuel »,
Annales
africaines
, vol. 1, 2019, n° 10, p. 157.
41 J. Tricot, « Notes de traduction », in
Aristote, Éthique à Nicomaque, p. 237, note 4 : « Dans
les synallagmata volontaires, la justice corrective
n’intervient pas en principe, et laisse aux parties
pleine liberté de traiter. Il n’en serait autrement que si
un dol ou une fraude viciait la convention » ; H. et L.
Mazeaud,
Leçons de droit civil, Obligations, Théorie
générale,
t. 2, vol. 1, par. F. Chabas, 8e éd.,
Montchrestien, 1991, p. 24.
42 Cf, J. Carbonnier, Droit et passion du
droit sous la Ve République
, Paris, Flammarion,
1996, p. 182 ; P. Sirinelli, « L’équilibre dans le
contenu du contrat »,
D. 2016, p. 240.
43 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit
civil, Les obligations, op. cit., p. 486.
44 C. civ., art. 1104 : « Les contrats doivent
être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette
disposition est d’ordre public » ; D. Mazeaud, «
Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle devise
contractuelle ? », in
L’avenir du droit, Mélanges en
88


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
Cette
loi45 permettant
la
l’usage ou de
l’intervention du juge qui détermine le juste,
c’est-à-dire le « milieu entre les parties
contendantes »
46.
intervention
concerne désormais les déséquilibres liés à la
formation du contrat
47 et ceux liés à son
exécution
48. Le champ des déséquilibres
l’intervention du
contractuels suscitant
juge
49 est large, en ce sens que le contractant
vulnérable qui subit la domination du fort
50
n’est plus seulement l’incapable
51 ou le
consommateur
52, mais aussi les tiers53 et la
société
54.
Le juge, qui restaure l’équilibre du
contrat en fonction des mutations socio-
économiques pour éviter sa disparition
55,
dispose de pouvoirs importants. Il peut non
le contrat
56 pour
seulement
donner à une clause du contrat obscure son
véritable sens, mais également compléter, en
interpréter
hommage à F. Terré, Dalloz/PUF/Juris-classeur,
1999, p. 603.
45 Cf, Ph. Jacques, Regards sur l’article
1135 du Code civil
, Thèse Paris XII, 2003, n° 170, p.
311.
46 Aristote, Ethique à Nicomaque, V, 7,
1132, a 19.
47 H. Lécuyer, « Le contrat, acte de
prévision », in Mélanges F. Terré, op. cit., p. 643.
48 F. Chénedé, « Le juge auteur et acteur
de la réforme du droit des contrats »,
Dr. et patr., mai
2016. 46 ; Th. Revet, « Le juge et la révision du
contrat », in Le juge, auteur et acteur de la réforme du
droit des contrats,
RDC 2016, n° 2, p. 373.
49 Cf, P. Ancel, « Quel juge pour le contrat
au XXIe siècle ? », D. 2017, p. 721.
à
50 Cf, M. Fontaine, « Fertilisations
croisées du droit des contrats », in
Le contrat au XXIe
siècle
, Etudes offertes
Jacques Ghestin,
LGDJ/Lextenso éditions, 2015, p. 347 ; S. Ondze, «
L’action de groupe dans la réforme de la procédure
civile congolaise »,
Revue ivoirienne de sciences
juridiques et politiques (RISJPO)
, 2017, n° 5, p. 33.
51 M. Douchy-Oudot,
Droit civil 1re
année, Introduction, Personnes, Famille,
9e éd.,
Dalloz, 2017, pp. 283 et s.
52 J.-P. Chazal, « La vulnérabilité et le
droit de la consommation », in F. Cohet-Cordey (dr.),
Vulnérabilité et droit, Le développement de la
vulnérabilité et ses enjeux en droit, PUG, 2000, p. 85.
53 R. Marty,
De l’absence partielle de
cause et de son rôle dans les contrats à titre onéreux,

Thèse Paris 2, 1995, n° 186.
cas de silence du contrat57, son contenu en se
fondant sur l'équité, sur l'usage ou sur la
loi
58. Le juge ne refuse donc pas de statuer
en cas d’obscurité ou de silence du contrat.
Le pouvoir de rétablissement de l’équilibre
du contrat appartient au juge du fond
59
puisque le contrat est un fait juridique qui
échappe au contrôle du juge du droit
60. Mais,
de ce débat, le législateur ne semble pas
avoir pris parti en faveur de l’un et de l’autre
camp. Or, le juge interprète, complète, écarte
l’œuvre du législateur
61 jusqu’à disposer
d’un pouvoir normatif, afin de corriger les
déséquilibres
62.
Le juge exerce « un jugement de
valeur »
63 sur la règle de droit et recours aux
éléments extérieurs à cette règle pour trouver
des solutions aux questions qui lui sont
54 L. Fin-Langer, L’équilibre contractuel,
op. cit., p. 245.
55 J. M. Gueguen, « Le renouveau de la
cause en tant qu’instrument de justice contractuelle »,
D. 1999, chr. 352, p. 1.
56 C. civ., art. 1188 et s. ; M. Villey,
« L’interprétation dans le droit »,
Archives de philo.
du droit
, t. XVIL, 1972, p. 3 ; F. Terré, Introduction
générale au droit
, Paris, 8e éd., Dalloz, 2009, p. 475.
57 P. Diener,
Le silence et le Droit. Essai
sur le Silence en droit privé
, Thèse ronéot, Bordeaux
I, 1975.
58 B. Houin-Berlioz et G. Berlioz, « Le
droit des contrats face à l’évolution économique », in
Etudes R. Houin, 1985, p. 20.
59 J. Mestre, A. Laude, « L’interprétation
″active″ du contrat par le juge », in
Le juge et
l’exécution du contrat
, PUAM 1993, p. 9.
60 Cass. ch. réunies, 2 févr. 1808, arrêt
Lubert,
GAJC, par F. Terré et Y. Lequette, Paris, 11e
éd., Dalloz, 2000, n° 159.
61 A. Bénabent, Droit des obligations,
Paris, LGDJ, 2019, p. 246.
62 C. Labrusse-Rou, « Le juge et la loi : de
leurs rôles respectifs à propos du droit des personnes
et de la famille », in
Etudes P. Rodière, Paris, Dalloz,
1981, pp. 151-176 ; E. A. Koffi, « La recherche de
l’équilibre en droit civil »,
loc. cit., n° 3, 2016, p. 45.
63
Cf, C. Castets-Renard, Notions à
contenu variable et droit d’auteur, L’Harmattan,
2003, n° 28, p. 78 ; A. Bouveresse,
Le pouvoir
discrétionnaire
juridique
communautaire
, Bruxelles, éd., Groupe Boeck, 2010,
p. 47.
l’ordre
dans
89


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
la
s’agir de
posées64. Ces infléchissements concourent à
l’équilibre des intérêts. Le contrôle du
contrat par le juge, au moment où les causes
des déséquilibres contractuels se sont
justice
favorise
multipliées,
contractuelle
65.
la
Il peut
complexité des matières sur lesquelles se
forment les contrats
66, de l’insuffisance des
capacités intellectuelle ou économique de
négocier ou d’apprécier les risques du
contrat
67. Les contrats de masse tels que ceux
liés aux assurances, aux banques et à la
consommation sont le terrain d’élection de
ce déséquilibre
68. Or, la domination de la
partie forte sur la partie faible peut entraîner
l’homme
69.
la violation des droits de
L’autonomie de la volonté des contractants
n’ayant pas « la dignité de législateurs »
70
doit cohabiter avec la justice contractuelle
71,
afin de protéger la partie vulnérable. Les
inégalités
ainsi
encadrées
73 pour que les valeurs supérieures
de justice et d’utilité sociale du contrat soient
respectées
74. Mais la justice contractuelle ne
pouvant pas toujours sortir de la volonté des
parties, à cause de multiples inégalités
75, le
contractuelles72
sont
contrat est « appelé à sortir comme de la
main invisible… »
76 qui garantit loyalement
les intérêts de chaque partie
77. En ce sens, le
défaut d’égalité et d’équilibre du contrat
78
impose que le juge libère le contractant
vulnérable du contrat
le
rééquilibre
79. La régulation du contrat par le
juge processualise le contrat
80. Le juge n’est
plus tenu de respecter la loi contractuelle
injuste
81. Il est autorisé à remodeler le
contrat pour assurer l’équilibre contractuel et
la justice contractuelle
82.
injuste ou
6.- Si l’intervention du juge dans les
relations contractuelles semble aujourd’hui
admise, du moins par la doctrine majoritaire,
il reste néanmoins que la question de
l’étendue des pouvoirs du juge n’est pas
clairement résolue. Il est donc nécessaire de
s’interroger sur la question de savoir quels
sont les pouvoirs du
juge dans le maintien de
l’équilibre du contrat ? En réponse à cette
juge
problématique,
s’émancipe parfois des habilitations du
législateur pour rechercher l’équilibre du
contrat
83. Son intervention active dans le
ressort que
le
il
64 J.-P. Gridel, Les notions fondamentales
de droit et droit français,
Paris, Dalloz, 1992, p. 11.
65 D. Mazeaud, « La justice contractuelle
dans la réforme des contrats », in
Mélanges Lucas de
Leyssac
, LexisNexis, 2019, p. 385.
74 F. Chénedé, « De l’autonomie de la
volonté à la justice commutative. Du mythe à la
réalité »,
loc. cit., p. 155 et s.
75 L. Cadiet, « Une justice contractuelle,
l’autre… », loc. cit., p. 178.
66 Cf, M. Bloch, La société féodale, Albin
76 J. Ghestin, Traité de droit civil, Les
Michel, rééd., 1994, pp. 393 et s.
67 L. Cadiet, Les clauses contractuelles
relatives à l’action en justice, in Les principales
clauses des contrats conclus entre professionnels
,
PUAM, 1990, p. 193, n° 49.
68 Pour l’étude du contrat utile, cf, J.
Ghestin, « L’utile et le juste dans les contrats »,
D.
1982, chron. pp. 1 et s.
obligations, Le contrat : formation, op. cit., n° 78.
77 A. Bénabent, Droit civil, Les
obligations, Paris, 11e édition, Dalloz, 2013, p. 41.
78 Th. Revet, « Les apports au droit des
relations de dépendance », in
La détermination du
prix : nouveaux enjeux un an après les arrêts de
l’Assemblée plénière
, Dalloz, 1997.
79 J. Carbonnier, Droit civil, t. 4, Les
69 Ch. Jamin, « Plaidoyer pour
le
obligations, PUF, 1998, n° 78 et s.
solidarisme contractuel », loc. cit., p. 470 et s.
70 H. Batiffol, Problèmes de base de
philosophie du droit, LGDJ, 1979, p. 359.
71 I. Y. Ndiaye, « Leçon inaugurale », in
Actes du colloque
sur les cinquante ans du code des
obligations civiles et commerciales du Sénégal
(C.O.C.C)
, I. Y. Ndiaye, J.-L. Corréa et A. A. Diouf
(dir.), vol. 1, L’Harmattan-Sénégal, 2017, p. 16.
72 J. Rochfeld, Les grandes notions du
droit privé, P.U.F, 2013, 562 p.
73 R. Njeufack Tamgwa, « Les contrats
partiellement réglementés en droit OHADA »,
LPA
25 sept. 2015, n° 192, p. 14.
80 L. Cadiet, « Les jeux du contrat et du
procès », in
Mélanges offerts à Gérard Farjat, éd.
Frison-Roche, 1999, p. 23.
81 Cf, C. Jamin, « Révision et intangibilité
du contrat ou la double philosophie de l’article 1134
du Code civil »,
Dr. et Patr., mars 1998, p. 46 ; L.
Leveneur, « Le forçage du contrat »,
Dr. et patr.,
mars 1998, p.72.
82 Cf, Ph. Stoffel-Munck, L’abus dans le
contrat – Essai d’une théorie
, Thèse Aix-Marseille,
1999, 649 p.
83 Cf, D. Mazeaud, « La réduction des
obligations contractuelles », loc. cit., pp. 61-62.
90


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
contrat manifeste pour certains auteurs
l’arbitraire
84 qui détruit la sécurité juridique
créée par la volonté des parties.
7.- Cette problématique révèle les
multiples enjeux de l’étude.
Il peut, au plan théorique, être
observé que le redressement par le juge du
déséquilibré contractuel
85 assurant la justice
contractuelle
86 relativise
la capacité de
l’autonomie de la volonté à équilibrer le
contrat
87.
parties
d’échanger dans la loyauté, la solidarité et la
fraternité
88 pour garantir la sécurité juridique
peut ainsi s’avérer impuissante. Le juge
supplée ainsi à la défaillance des parties.
L’obligation
des
ci mute vers un statut92 permettant à
l’intervention du
juge d’intervenir de
stabiliser la relation contractuelle
93. Mais, on
peut noter qu’au-delà de cette catégorisation,
livré un
Aristote nous a également
précieux,
enseignement
qui,
malheureusement,
travesti. Le
été
a
Philosophe s’est en effet interrogé sur le
contenu et la portée de cette exigence
d’équivalence dans les échanges
94. C’est la
fameuse justice commutative. À suivre
cette
certains
exigence imposerait le respect d’une stricte
équivalence des prestations et justifierait
ainsi que le juge puisse rétablir l’équilibre
contractuel préalablement déterminé par les
parties.
contemporains,
auteurs
Il peut, au plan pratique, indiquer que
les pouvoirs du juge permettent de corriger
le déséquilibre créé par les parties au
moment de la formation du contrat
89 ou celui
survenu au stade de l’exécution du contrat
par des circonstances imprévisibles
90. En ce
sens, si les contractants ne respectent pas
l’impératif de l’équilibre du contrat
91, celui-
8.- L’intervention du juge dans le
contrat comprend, en effet, de multiples
facettes
95 laissant penser qu’il est devenu
une partie au contrat
96, un gouvernement du
contrat avec une emprise
97, une mainmise et
une tutelle
98 importante sur les relations
contractuelles. Il est autorisé de rétablir les
déséquilibres qui naissent aux différentes
justice
84
Cf, L. Cadiet, « Une
contractuelle, l’autre », in Mélanges Ghestin, 2001, p.
177 ; M. Mignot, « De la solidarité en général et du
solidarisme contractuel en particulier ou
le
solidarisme a-t-il un rapport avec la solidarité ? »,
RRJ
2004, n° 4, p. 2153.
85 J. Ghestin, G. Goubeaux, M. Fabre-
Magnan,
Traité de droit civil, Introduction générale,
4
e éd., LGDJ, 1994, n° 252.
86
Ibid.
87
Cf, M. Mekki, « Libéralisme et
solidarisme : quelle philosophie du contrat pour sortir
de la crise ? »,
RDC 2010, n° 1, p. 383.
88 Cf, S. Lequette, Le contrat-coopération,
contribution à la théorie générale du contrat
, Thèse
Paris 2, 2012, pp. 339 et s.
89 C. Thibierge-Guelfucci, « Libres
propos sur la transformation du droit des contrats »,
loc. cit., p. 379.
90 C. civ., art. 1195 ; N. Dissaux, Ch.
Jamin,
Réforme du droit des contrats, du régime
général et de la preuve des obligations (Ordonnance
n° 2016-131 du 10 février 2016), Commentaire des
articles 1100 à 1386-1 du code civil, Dalloz, 2016,
274 p. ; Th. Revet, « Le juge et la révision du contrat
»,
RDC 2016, p. 373 ; M. Mekki, « De l’urgence à
l’imprévu du Covid-19 : quelle boîte à outils
contractuels? »,
AJC 2020, pp.164 et s.
91 Cf, H. Batiffol, « La crise du contrat »,
Archives de philosophie du droit, t. XIII, 1968, p. 13.
92 K. Stoyanovitch, « La théorie du contrat
selon E. B. Pachoukanis »,
Archives de philosophie
du droit
, t. XIII, 1968, p. 89.
93 A. Bénabent, « L’équilibre contractuel :
une liberté contrôlée »,
LPA n° 53, 6 mai 1998, p. 14 ;
H. Kenfack, « La considération de la confiance
comme fondement de la force obligatoire du contrat
», in
La confiance en droit privé des contrats, 2008,
p. 117.
94 F. Chénédé, « Le droit civil au droit
naturel (ou l’actualité d’un passé »,
RTD civ. 2020, p.
506.
95 P.-G. Jobin, « Coup d’œil sur les
multiples facettes de l’intervention du juge dans le
contrat »,
Les Cahiers de droit, vol. 47, n° 1, 2006, p.
3-11.
96 NCPC, art. 66, al. 1er : « Constitue une
intervention la demande dont l’objet est de rendre un
tiers partie au procès engagé entre les parties
originaires ».
97 D. Mazeaud, « La réduction des
obligations contractuelles », loc. cit., p. 58.
98 D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité,
fraternité… », loc. cit., n° 23.
91


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
étapes du contrat99. Il apprécie l’équivalence
des prestations, des droits et obligations des
parties et l’économie générale du contrat.
Mais, son office vise souvent le
maintien du contrat. Celui-ci est obtenu de
deux manières. D’une part, et en général, le
juge est habilité à rétablir l’équilibre rompu
par les parties au contrat ou par les
circonstances imprévisibles au moment de sa
formation
(I). D’autre part, et de manière
le
exceptionnelle,

pouvoir
des
obligations contractuelles, en déterminant à
la place des contractants le contenu du
contrat
(II).
il s’autorise parfois
l’équilibre
d’imposer
I.- L’équilibre du contrat rétabli
par le juge
le contenu de
9.- Les contractants ont la liberté de
leur contrat
déterminer
générateur d’obligations
100. Mais
leur
volonté ne garantit pas toujours l’équilibre
du contrat. Le juge corrige cette volonté afin
d’établir ou rétablir l’équilibre contractuel
dans deux hypothèses. D’une part, lorsque la
liberté contractuelle des parties n’a pas
permis de déterminer justement le contenu
du contrat
101 (A). D’autre part, lorsque
l’équilibre contractuel est bouleversé par les
circonstances imprévisibles et extérieures
aux parties
(B).
99 Cf, L. Aynès, « Le juge et le contrat :
nouveaux rôles ? », in
La réforme du droit des
contrats : quelles innovations ?
RDC 2016, hors-
série, p. 14 ; Ph. Stoffel-Munck, « L’imprévision et la
réforme des effets du contrat : La réforme du droit des
contrats : quelles innovations ? »,
RDC 2016, hors-
série, p. 30 ; S. Pellet, « Le contenu licite et certain du
contrat »,
Dr. et patr. 2016, p. 61 ; D. Fenouillet, « Le
juge et les causes abusives »,
RDC 2016, p. 359.
100 COCC, art. 40.
101 C. civ. fr, art. 1110, al. 2.
102 C. civ. fr, art. 1106 et 1168 ; A.
Sériaux, « La notion de contrat synallagmatique », in
Le contrat au XXIe siècle, Etudes offertes à Jacques
Ghestin,
op. cit., pp. 777 et s.
103 C. civ. fr, art. 1110, al. 2 ; D. Mazeaud,
« La place du juge en droit des contrats »,
RDC 113e3,
01 juin 2016 n° 2, p. 353.
Le
A.-
de
l’équilibre contractuel rompu par les
parties
rétablissement
10.- La
subjective
considération
liberté des parties de
déterminer un contenu équilibré du contrat
est écartée lorsqu’il ne s’agit pas seulement
de
d’une
l’équivalence des prestations. L’exigence de
l’équilibre contractuel objectif
102 autorise le
juge à redresser le contenu contractuel, en se
fondant sur des éléments objectifs
103. Il
mobilise deux techniques spécifiques pour
corriger la volonté des parties. Le juge
exploite successivement l’amputation des
clauses du contenu du contrat
(1) et la
neutralisation des déséquilibres significatifs
dans les contrats d’adhésion
(2).
1.- L’amputation des clauses
contractuelles prévues par les parties
abusives
11.- Le
la possibilité
juge a
d’amputer le contenu du contrat des clauses
lésionnaires,
ou
léonines,
excessives. En premier lieu, l’équilibre
financier du contrat est rompu par les parties
lorsqu’elles
de
l’échange
104, de telle sorte qu’il existe une
prestations
disproportion
réciproques
105. Le déséquilibre entre le prix
et la chose constitue la lésion
106. Celle-ci est
admise dans les contrats à titre onéreux de
nature commutative
107 pour corriger les
déterminent
entre
prix
les
le
104 C. civ. fr, art. 1108, al. 1er ; Th. Revet,
« Les contrats structurellement déséquilibrés »,
D.
2015, p. 1217.
105 C. civ. fr., art. 1168 à 1170 ; G.
Chantepie, « Article 1170 : la lésion »,
RDC sept.
2015, n° 03, p. 763.
106 COCC, art. 75 : « La lesion resultant
du déséquilibre des prestations pomises dans le
contrat au moment de sa formation n’entraîne pas la
nullité ou la rescission du contrat qu’en vertu d’une
disposition expresse de la loi» ; C. civ. fr., art. 1108,
al. 1
er ; M. Thioye, « Le COCC, un ″Code civil des
français″ sous
in
Code des
obligations civiles et commerciales du Sénégal
(C.O.C.C) : cinquante ans après, op. cit.
, p. 603
tropiques ? »,
les
107 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 341.
92


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
la
qui
la
lorsque
part,
lésionnaire
inégalités entre les parties108. Il existe trois
régimes de lésion. D’abord, la lésion dans les
contrats
est
synallagmatiques,
caractérisée par « le défaut d’équivalence
des prestations, n’est pas une cause de nullité
du contrat, à moins que la loi n’en dispose
autrement »
109. Le législateur soumet ainsi le
vente
concernant
déséquilibre
d’immeuble
110 et le partage111 à des régimes
vente
particuliers. D’une
immobilière est
le
sept
vendeur est
douzièmes
112. Il doit, en principe, s’agir d’un
contrat à titre onéreux
113, dans lequel « la
contrepartie convenue au profit de celui qui
s’engage est illusoire ou dérisoire »
114. Une
doctrine
115 a admis la lésion des contrats
aléatoires
116. D’autre part, le partage est
lésionnaire lorsque « l’un des copartageants
établit avoir subi une lésion de plus du quart,
le complément de sa part lui est fourni, au
choix du défendeur, soit en numéraire, soit
en nature »
117. La lésion est appréciée en
tenant compte de la valeur des objets au jour
lésé de plus de
la
du
redressement
du partage118. Ensuite,
lésion est
sanctionnée dans les contrats conclus par des
incapables
119, des majeurs protégés120 et des
mineures
121. Il en est de même des actes
lésionnaires accomplis par un contractant
capable
122. Enfin, la partie lésée par la lésion
doit déclencher une action en rescision pour
déséquilibre
le
lésionnaire
123. Cette action est soumise à
diverses modalités de prescription
124 et de
preuve
125. Si la preuve de la lésion est
établie, le juge prononce la nullité de l’acte
juridique irrégulier
126. Cette nullité causée
par
sanction
exceptionnelle
127 mettant à la charge de la
partie bénéficiaire de la lésion qui choisit la
rescision
l’obligation de payer une
compensation financière pour atteindre le
prix nécessaire à la remise en équilibre le
contrat
128. Le juge de l’OHADA semble
également
la
vente
rescision
indirectement
dans
autoriser
judiciaire
lésion
une
est
la
la
108 Cf, Ch. Jamin, « Quelle nouvelle crise
du contrat ? », in
La nouvelle crise du contrat, Ch.
Jamin, D. Mazeaud
(dir.), op. cit., p. 12 ; F. Chénedé,
Les commutations en droit privé, Thèse Paris 2, éd.,
2008, n° 260, p. 240.
109 C. civ. fr, art. 1168 et 1106, al. 1er ; G.
réforme des
lésion », Blog
Chantepie, « La
obligations Dalloz, 2015.
110 C. civ. fr, art. 1674 ; M. Bourassin,
« Incidence de l’ordonnance du 10 février 2016 sur le
contenu du contrat de vente immobilière »,
Annales
des loyers
, 2016, n° 06, pp. 153-167.
111 C. civ. fr, art. 889 ; F. Terre, Ph.
Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op.
cit.,
p. 345.
112 C. civ. fr, art. 1674 ; A. Berg-Moussa,
« Le contrôle du prix par le juge fondé sur le
déséquilibre significatif »,
CCD 21 déc. 2018.
113C. civ. fr, art. 1107, al. 1er : « Le contrat
est à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit
de l’autre un avantage en contrepartie de celui qu’elle
procure ».
114 C. civ. fr, art. 1169.
115
Cf, N. Dissaus, Ch. Jamin, op. cit., p.
66.
116 C. civ. fr, art. 1108, al. 2 : « Lorsque
les parties acceptent de faire dépendre les effets du
contrat, quant aux avantages et aux pertes attendus,
d’un événement incertain ».
117 C. civ. fr, art. 889.
118 C. civ. fr, art. 889.
119 C. civ. fr, art. 1149, 1151 et 1168.
120 C. civ. fr, art. 1150.
121 C. civ. fr, art. 1149 ; Cass. civ. 1
re, 4
nov. 1970, n° 69-12.788 ;
Bull. civ. I, n° 294 ; P.
Mousseron, « Le nouveau régime de la capacité
contractuelle des sociétés : la boussole de l’objet
social »,
D. 2016, p. 906.
122 C. civ. fr, art. 1151.
123 AUDCG, art. 238, al. 1
er : «
Lorsqu’une clause est ambiguë, la volonté d’une
partie doit être interprétée selon le sens qu’une
personne raisonnable, de même qualité que l’autre
partie, placée dans la même situation, aurait déduit de
son comportement » ; S. Adjita Akrawati, «
L’interprétation de la volonté des parties dans la vente
commerciale OHADA »,
Penant n° 841, oct.-déc.
2002, p. 473.
124 C. civ. fr, art. 1152.
125 C. civ. fr, art. 1677 et art. 1678 ; Cass.
civ., 3
e, 30 nov. 2017, n° 16-15.597 ; 20 avril 2017,
n° 16-12598.
126 C. civ. fr, art. 1178 ; A. Etienney de
Sainte Marie, « Les nullités », Dr. et patr. 2016, 64.
127 C. civ. fr, art. 1168 : « Dans les
contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence
des prestations n’est pas une cause de nullité du
contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement ».
128 Cass. civ. 1
re, 12 févr. 2008, n° 06-
19.204 ; P. Catala (dir.),
Avant-projet de réforme du
droit des obligations et de la prescription
, Paris, La
doc. fr., 2005, pp. 33-87.
93


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
commerciale129. En tel cas, il applique les
conséquences de la nullité du contrat.
la possibilité d’aménager
12.- En deuxième lieu, l’équilibre du
contrat peut être rompu par la clause
exclusive de responsabilité. Les parties ont,
en effet,
la
responsabilité contractuelle légale
130. Mais,
la clause qui exonère le débiteur d’une
responsabilité pour
sa
obligation de
inexécution,
ou
tarde
exécution
défectueuse
131 n’est acceptée que si elle ne
trouble
contractuel
limiter aux fautes
puisqu’elle doit se
légères
132. Le débiteur de
l’obligation
demeure ainsi responsable de ses fautes
lourdes
133, qui sont constituées par un
manquement à une obligation fondamentale
du contrat
134 ou à une condition essentielle
du contrat
135. En revanche, la clause de non-
responsabilité, qui porte sur une obligation
l’équilibre
pas
fondamentale, est réputée écrite parce
qu’elle rend le contrat inutile
136. Elle est
inopposable au créancier.
les
fautes
13.- En troisième lieu, l’équilibre du
contrat peut être rompu par les clauses
limitatives de responsabilité abusives
137.
Celles-ci permettent aux parties de plafonner
le montant de la réparation du débiteur de
l’obligation
138. Le juge les écarte si elles
dolosives
139,
couvrent
lourdes
140, ou dans les hypothèses prévues
par des lois spéciales
141. La clause qui
prévoit
réparatrice
insuffisante
142 est abusive et réputée non
écrite. Il en est de même de la clause
limitative de réparation qui contredit « la
portée de l’obligation essentielle souscrite
par le débiteur »
143. Elle est réputée non
écrite
144 et
la partie
inopposable à
défavorisée. L’éradication
145 permet au juge
indemnité
une
129 CCJA, 1ère ch., arrêt n° 064/2005, 22
décembre 2005,
Aff. Sany Quincaillerie C/ Subsahara
Services NC, Rec. CCJA
n° 06, 2005, p. 54, Ohadata
J-06-39.
130 Cass. com., 17 févr. 2009, D. 2009,
1308, note Ph. Delebecque ; Y. Guenzoui,
La notion
d’accord en droit privé
, préf. Ch. Hannoun, LGDJ,
2009, p. 180 ; Ph. Le Tourneau,
Droit de la
responsabilité et des contrats
, Dalloz Action,
2012/2013, n° 802.
131 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 663.
132 Cass. civ. 1re, 12 déc. 1984, Bull. civ.
I, n° 335, p. 285,
RTD civ. 1986, 772, obs. J. Huet ;
Ph. Jestaz, « L’obligation et la sanction : à la
recherche de
in
Mélanges Raynaud, 1985, pp. 273 et s.
fondamentale »,
l’obligation
133 Cass. civ. 1re, 21 janv. 2009, CCC
2009, n° 94, note Leveneur.
134 Cass. civ. 1re, 15 nov. 1988, D. 1989,
p. 348, note Delebecque,
RTD civ. 1990, obs.
Jourdain.
135 Cass. civ. 1re, 22 nov. 1978, JCP 1979,
II, 19139.
136 Cass. civ. 1re, 22 oct. 1996,
Chronopost, D. 1997, 121, note A. Sériaux; JCP
1997, I, 4002, n° 1 ; 22 juin 2004,
RDC 2005, 270,
obs. D. Mazeaud ; C. Larroumet, « Obligation
essentielle et clause limitative de responsabilité »,
D.
1997, p. 145.
137 COCC, art. 155 ; C. civ. fr., art. 1231-
3 ; S. Carval, « Article 1231-3 : limitation de la
responsabilité contractuelle au dommage prévu ou
prévisible »,
RDC 2015, p. 790.
138 H. Bitan, « Les clauses limitatives de
responsabilité dans les contrats informatiques »,
CCE
2004, chron. 2.
139 Cass. com. 4 mars 2008, JCP 2008, II,
10079, note L. Guignard,
RTD civ. 2008, 490, obs. P.
Jourdain ; B. Niang, « L’intention dolosive », in
Code
des obligations civiles et commerciales du Sénégal
(C.O.C.C) : cinquante ans après, op. cit.,
p. 483.
140 Cass. civ. 16 mars 1936, S. 1936, 1,
05 ; Cass. com. 7 juin 1952,
D. 1952, p. 651 ; CA
Paris, 11 janv. 1996,
D. 1996, IR, p. 76 (transports de
marchandises).
141 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 670.
142 Cass. civ. 11 avr. 1924, DH 1924, 93 ;
7 juin 1952, 113.
143 Cass. civ. 1re, 22 oct. 1996,
Chronopost, D. 1997, 121, note A. Sériaux, JCP
1997, I, 4002, n° 1, M. Fabre-Magnan,
Defrénois
1997, p. 333, obs. D. Mazeaud ; 22 juin 2004,
RDC
2005, 270, obs. D. Mazeaud.
144 Cass. civ. 1re, 22 oct. 1996,
Chronopost, D. 1997, note A. Sériaux, p. 121 ; Cass.
com. 13 févr. 2007,
Bull. civ. I, n° 43, JCP 2007, I,
185, n° 10, obs. Stoffel-Munck ; 5 juin 2007,
D. 2007,
1720 ;
RDC 2007, 1121, obs. D. Mazeaud ; Cass.
com. 19 mars 2013,
JCP 2013, p. 705, note G. Pellet
; Y.-M. Serinet, « La descendance ambigüe des
Chronopost : l’arrêt Faurecia »,
JCP G 2007, II,
10063 ; D. Mazeaud, « Clauses limitatives de
responsabilité : les quatre saisons »,
D. 2008, 17776.
145 S. Gaudemet,
La clause réputée non
écrite, Economica, 2006.
94



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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
de l’écarter146, tout en maintenant les autres
clauses du contrat valables
147. La clause
réputée non écrite est amputée du contrat qui
demeure valable
148. Cette faute qui résulte de
la gravité du comportement du débiteur
149
est admise en cas de faute dolosive
150 et la
faute lourde
151 prise subjectivement pour
écarter la clause restrictive de réparation
152.
La clause limitative de réparation qui est
réputée non écrite, est celle qui contrarie la
portée de l’obligation fondamentale du
débiteur
153.
14.- En quatrième lieu, l’équilibre du
contrat peut être bouleversé par la clause
pénale qui permet aux parties de prévoir par
avance les sanctions de la violation du lien
contractuel par un contractant
154. Elle sert,
en effet, à fixer les dommages et intérêts plus
importants pour forcer le débiteur défaillant
s’exécuter
155. Cette
de
possibilité soumet le juge à la volonté des
parties en cas d’inexécution du contrat
156 si
l’obligation à
146 C. civ., art. 1170 : « Toute clause qui
prive de sa substance l’obligation essentielle du
débiteur est réputée non écrite » ; Cass. com. 29 juin
2010,
Faurecia, Bull. civ. IV, n° 115, JCP 2010, p.
787, note D. Houtcieff.
147 Cass. com. 9 juin 2002, D. 2003, p.
457, note D. Mazeaud ; J. Rochfeld,
Cause et type de
contrat
, Thèse Paris 1, LGDJ 1999, n° 169, p. 167 ;
C. Grimaldi, « La clause portant sur une obligation
essentielle »,
RDC 2008, 1095.
148 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 673.
149 Cass. com. 29 juin 2010, Sté Faurecia
sièges d’Automobiles c/ Sté Oracle France
, n° 09-
11.841 ; D. Mazeaud, « Clauses
limitatives de
réparation : la fin de la saga ? »,
D. 2010, p. 1832 ; L.
Bloc, « L’ère post-Chronopost :
le retour aux
sources »,
RCA, oct. 2010/10, étude 11 ; B. Daille-
Duclos, « Clauses limitatives de responsabilité : un
nouvel avenir ? »,
JCP E 2010, 1814.
150 Cass. civ. 3e, 27 mars 2013, n° 12-
13.840,
Bull. civ. III, n° 39 ; Cass. civ. 1re, 31 janv.
2018, n° 16-25.522.
151 Cass. com. 29 juin 2010, n° 09-11.841,
Bull. civ. IV, n° 115.
152 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 674.
153 Cass. civ. 1re, 22 oct. 1996,
Chronopost, D. 1997, 121, note A. Sériaux ; D. aff.
1996, p. 247, note Ph. Delebecque.
154 COCC, art. 153 et 154 ; C. civ. fr, art.
1231-5 « Lorsque le contrat stipule que celui qui
la pénalité n’est pas manifestement
excessive
157. À défaut, le juge rééquilibre
cette clause
158, en diminuant ou en
augmentant
159.
pénale
La
manifestement excessive est réputée non
écrite
160.
clause
En somme, la liberté contractuelle
des parties n’est pas le gage de l’équilibre
contractuel. La correction des clauses
contractuelles déséquilibrées
161 par le juge
garantit l’équilibre contractuel. Cet équilibre
est
la
neutralisation du déséquilibre significatif
dans les contrats d’adhésion
162.
également
recherché
dans
2.-
La
du
déséquilibre significatif dans les contrats
d’adhésion
neutralisation
15.- Les contractants peuvent, dans
les prévisions du contrat d’adhésion,
commettre des injustices au moment de la
manquera de l’exécuter paierai une certaine somme à
titre de dommages et intérêts… » ; D. Mazeaud,
La
notion de clause pénale
, préf. F. Chabas, LGDJ, 1992,
448 p. ; Y.-M. Laithier, « Les règles relatives à
l’inexécution des obligations contractuelles »,
JCP 25
mai 2015, suppl. au n° 21, p. 47.
155 G. Cornu, Vocabulaire juridique, op.
cit., p. 197 ; N. Dissaux, Ch. Jamin, op. cit., p. 143.
156 Cass. com. 3 févr. 1982, D. 1982, IR
240,
JCP 1982, IV, 139 ; C. Brunet, Le pouvoir
modérateur du juge en droit civil français
, Thèse
dactyl. Paris, 1973 ; F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 677.
157 Cf, D. Mazeaud, « La réduction des
obligations contractuelles »,
Dr. et patr. 1998, p. 58
et s.
158 F. Pasqualini, « La révision des
clauses pénales », Defrénois 1985, p. 769.
159 C. civ. fr, art. 1231-5, al. 2 et 1235-5 ;
Cass. civ. 1
re, 10 oct. 2018, n° 17-20.441 ; M.
Hervieu, « Clause abusive : le relevé d’office est une
obligation »,
Dalloz-actu-étudiant, 8 nov. 2018,
disponible sur :
www.dalloz-etudiant.fr, consulté le
23 déc. 2020.
160 C. civ. fr, art. 1231-5, al. 4 ; A. Sinay-
surprotection du
Cytermann, « Protection ou
consommateur ? »,
JCP 1994, I, 3804, n° 9.
161 M. de Fontmichel, « L’équilibre
contractuel des clauses relatives au litige »,
JCP G, n°
21-22, 2 mai 2019, doctr. 583.
162 S. Chaudouet, Le déséquilibre
significatif, préf. N. Ferrier, LGDJ, 2021, 888 p.
95


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
rapidement dans
détermination par l’autonomie de la volonté
du contenu contractuel
163. Ces injustices
arrivent
les contrats
d’adhésion où une partie possède souvent
une supériorité économique, ce qui lui
permet de priver
la partie faible de
contrepartie. Pendant longtemps, réservée
aux droits spéciaux de la consommation
164 et
de la concurrence
165, la neutralisation du
déséquilibre significatif a été adoptée par le
droit commun des contrats pour assurer
liberté
l’équilibre du
contractuelle des parties et
force
obligatoire du contrat sont, en effet, limitées
par l’équilibre contractuel qui résulte non
l’économie
plus des clauses, mais de
générale du contrat
167. Le juge est ainsi
légitime à réaliser « l’idéal de la justice
commutative »
168 dans le contrat d’adhésion
auquel les conditions générales ne sont pas
soumises à
la négociation des parties
puisqu’elles sont déterminées à l’avance par
une partie
169. La vie de ce contrat est donnée
le contractant dominant qui doit
par
contrat166. La
la
163 I. Y. Ndiaye, « Leçon inaugurale : le
COCC, cinquante ans après (Regard furtif) »,
loc. cit.,
p. 21.
164 C. consomm., art. L. 132-1 ; Y. Picod,
Droit de la consommation, 3e éd., Sirey, 2015, n°
313 ; Th. Revet, « Les critères du contrat
d’adhésion »,
D. 2016, pp. 1771 et s.
165 C. com. fr, art. L. 442-6 ; Y. Auguet,
« Les clauses abusives et le droit de la non-
concurrence. Vers un droit commun des critères de
l’abus de non-concurrence »,
Sté lég. comp. (SLC),
vol. 12, 2013, pp. 111-135.
166 C. civ. fr, art. 1171 ; I. Y. Ndiaye,
« Leçon inaugurale : le COCC, cinquante ans après
(Regard furtif) »,
loc. cit., p. 21.
167 N. Dissaux, Ch. Jamin, Réforme du
droit des contrats, du régime général et de la preuve
des obligations, op. cit
., p. 71.
168 A. Fouillée, La propriété sociale et la
démocratie, Paris, Hachette, 1884, p. 36.
169 C. civ. fr, art. 1110 ; N. Blanc,
« Contrat d’adhésion et déséquilibre significatif après
la loi de ratification »,
RDC 2018, n° 115h2, p. 20.
170 Cass. civ. 1re, 23 janv. 1996, D. 1997,
p. 571, note P. Soustelle ; Ph. Le Tourneau, « Existe-
il une morale des affaires », in
La morale et le droit
des affaires, Montchrestien, 1996, pp. 7è et s.
171 C. civ., art. 1119 : « Les conditions
invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de
l’autre que si elles ont été portées à la connaissance
de celle-ci et si elle les a acceptées. En cas de
« prendre
légitimes »
170 de la partie adhérente.
compte
les
en
intérêts
16.- Or, la détermination unilatérale,
et à l’avance, des conditions générales
171 par
la partie dominante en
l’absence de
négociation sont propices à l’abus
172. Le
législateur ne définit pas clairement ce qu’il
faut entendre par les conditions générales du
contrat d’adhésion
173. Sa nature juridique est
d’ailleurs controversée. La doctrine est, en
nature
effet,
réglementaire
174 et sa nature contractuelle175.
Toutefois, la jurisprudence se penche sur la
thèse
contrats
d’adhésion
176, et législateur la consacre
formellement
177. Ce contrat est considéré
comme l’expression de la volonté commune
des parties
178 et sa force obligatoire s’impose
à elle
179.
contractuelle
partagée
entre
des
sa
17.- Cependant,
contrats
des
d’adhésion
domaines complexes tels que le commerce
les
désormais
couvrent
entre des
discordances
conditions générales
invoquées par l’une et l’autre de parties, les clauses
incompatibles sont sans effet. En cas de discordance
entre des conditions générales et des conditions
particulières,
les
premières ».
l’emportent sur
les secondes
172 J.-S. Borghetti, « Le juge et les clauses
abusives : la vision du droit français », in
Le juge et
l’équilibre du contrat, Actu-Juririque.fr
, 30 mars
2018, consulté, le 24 avril 2020.
173 C. civ. fr, art. 1119 et C. com. fr, art.
L. 441-6.
174 Cf, R. Saleilles, De la déclaration de
volonté
, Paris, F. Pichon, 1901, pp. 229 et s. ; L.
Duguit,
Les transformations générales du droit privé
depuis le Code Napoléon
, Paris, Librairie Félix
Alcan, 1912, p. 115.
175 Cf, L. Josserand, « Aperçu général des
techniques actuelles de la théorie des contrats »,
RTD
civ.
1937, n° 5.
176 Cass. civ. 1re, 18 janv. 1982, JCP
1984, II, 20215, note F. Chabas.
177 C. civ. fr, art. 1110 ; N. Dissaux, Ch.
Jamin,
Réforme du droit des contrats, du régime
général et de la preuve des obligations (Ordonnance
n° 2016-131 du 10 février 2016)…,
op. cit., 2016, p.
13.
178 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 224
179 Cass. civ. 1re, 19 janv. 1982, JCP
1984, II, 20215.
96


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
l’eau, de
l’électricité, du gaz, des
de
nouvelles techniques de l’information et de
la communication, des assurances, des
transports et des produits bancaires auxquels
la liberté contractuelle du consommateur ne
lui permet pas véritablement de se protéger
contre
l’opérateur
professionnel
180. Ces contrats étant devenus
« entre les mains de puissants suzerains
commerciaux et
le moyen
d’imposer un nouvel ordre féodal au sein de
la société »
181, l’intervention du juge permet
de neutraliser les déséquilibres significatifs
qui sont créés par des clauses abusives.
la domination de
industriels,
18.- En effet,
la détermination
unilatérale du contenu du contrat d’adhésion
n’autorise pas à la partie forte de commettre
des abus car elle est tenue par « l’exigence
de bonne foi»
182. Elle doit agir avec loyauté.
Son comportement doit être cohérent avec la
confiance que lui accorde l’adhérent
183. S’il
se crée un déséquilibre significatif entre les
droits et les obligations des parties, le juge
doit le juguler
184. Cependant, les critères de
qualification du déséquilibre significatif ne
sont pas simples
185, notamment en raison de
la valeur contractuelle du contrat d’adhésion
et de sa force obligatoire liant la partie
adhérente qui écarterait l’intervention du
juge. Mais le législateur accepte qu’il
neutralise les déséquilibres significatifs entre
les droits et les obligations des parties
186.
19.- Il est, en effet, prescrit que
« Dans un contrat d’adhésion, toute clause
qui crée un déséquilibre significatif entre les
droits et obligations des parties au contrat est
réputée non écrite. L’appréciation du
déséquilibre significatif ne porte ni sur
l’objet principal du
sur
l’adéquation du prix à la prestation »
187.
L’office de juge est ici légalement encadré.
contrat ni
la
contenu
finalité de
Il est, d’abord, autorisé à neutraliser
la clause qui crée un déséquilibre significatif
entre les droits et obligations des parties
188.
La limitation de son intervention exprime
l’idée que
l’équilibre
la perfection du
contractuel n’est pas
contenu du contrat, mais sa modération
189.
Le
être
harmonieux
190. Il n’est pas exigé une
équivalence absolue des prestations ou des
droits et obligations des parties
191. La clause
qui déséquilibre significativement les droits
et obligations des parties est généralement
une clause abusive
192,
telle qu’elle a
longtemps été conçue par la jurisprudence
commerciale
193. Mais
le déséquilibre
contrat
doit
du
180 J.-Y. Choley, L’offre de contracter et
le contrat
l’adhérent dans
la protection de
d’adhésion
, Thèse, Aix-en-Provence, 1975.
188 F. Gény, Méthode d’interprétation et
sources en droit privé positif
, LGDJ, 1954, rééd., t. 2,
n° 173.
181 Ch. Jamin, « Plaidoyer pour
le
189
L.
Fin-Langer,
L’équilibre
solidarisme contractuel », loc. cit., p. 268.
contractuel, op. cit., p. 553.
182 D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité,
fraternité ; la nouvelle devise contractuelle ? »,
loc.
cit
., p. 613.
183 B. Fages, Le comportement du
contractant, PUAM 1997, n° 592 et s.
184 Y. Auguet, « L’équilibre contractuel
dans le Code civil »,
village-justice.com, 1er déc.
2017, consulté le 28 avril 2020.
185 CA Paris, pôle 5, ch. 4, 18 sept. 2013,
n° 12/03177,
Galec (Les juges ont, en effet, indiqué
que « ces règles peuvent inspirer l’application de
l’article L.442-6-I-2° du Code de commerce) ; CA
Paris, pôle 5, ch. 5, 23 mai 2013, n° RG 12/01166,
Ikea Supply Chain, n° 12/01166, JurisData
2013010560.
186 C. civ. fr, art. 1171.
187 C. civ. fr, art. 1171.
190
L.
Fin-Langer,
L’équilibre
contractuel, op. cit., pp. 553 et s.
191 S. Sanz, « La consécration du pouvoir
judiciaire par la loi du 9 juillet 1975 et ses incidences
sur la théorie générale de la clause pénale »,
RTD civ.
1977, pp. 273-274.
192 M. Chagny, « La généralisation des
clauses abusives », in Ph. Stoffel-Munck (dir.),
Réforme du droit des contrats et pratique des affaires,
Dalloz, 2015, p. 47 ; F. Bicheron, « N’abusons pas de
la clause abusive », in
La réforme du droit des
contrats
, Gaz. Pal. 2015, n° 120, p. 24 ; R. Boffa,
« Juste cause (et injuste cause) », D. 2015, p. 335.
193 Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-
27.525,
D. 2015, 1021, obs. F. Buy ; D. Fenouillet, «
Le juge et les clauses abusives »,
RDC 2016, p. 359.
97


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
significatif, seuil à compter duquel le juge
doit agir, n’est pas facile à déterminer
194.
Il est, ensuite, autorisé à n’intervenir
que sur le déséquilibre significatif des droits
et obligations des parties et non sur l’objet
principal du contrat ou sur l’adéquation du
prix à la prestation
195. Cette limitation du
domaine
l’abus
s’accommode aux contrats d’entreprise
196,
alors que la généralité du droit des contrats
devrait exclure cette limitation afin que la
lutte contre les clauses abusives puisse
notamment considérer la lésion comme une
« cause générale de nullité des contrats »
197.
d’appréciation
de
la
abusive
Il est, enfin, permis au juge de
sanctionner
qui
clause
déséquilibre significativement le contrat par
le réputé non écrit
198. Cette sanction permet
l’éradication de la clause litigieuse du
contrat
199, sans qu’il y ait une incidence sur
les autres clauses du contrat. L’extirpation
judiciaire de la clause litigieuse rééquilibre
le contrat qui est en conséquence maintenu.
Toutefois,
clause
entraîne la nullité du contrat si elle est
fondamentale dans l’économie du contrat ou
si les parties avaient contractualisé sa nullité
en cas d’éradication par le juge
200.
l’éradication
d’une
favorise « la
20.- L’épuration
judiciaire des
clauses abusives
justice
contractuelle et le nécessaire respect de la
sécurité juridique »
201. Si l’office du juge le
conduit à l’interprétation du contrat
202, il ne
doit pas dénaturer les clauses claires et
précises
203, car la force obligatoire du contrat
et l’autonomie de la volonté des parties
priment dans cette hypothèse sur le pouvoir
modérateur du contrat du juge
204. En réalité,
les mécanismes de neutralisation des
déséquilibres contractuels sont variés, mais
le réputé non écrit et l’aménagement du prix
sont privilégiés parce qu’ils visent
le
« maintien de l’acte »
205. Le contrôle de
l’intervention du juge du fond par le Cour de
cassation
206 doit dissiper les craintes sur son
arbitraire. Il n’est pas impossible que le juge
fasse un contrôle objectif de l’équivalence
des prestations. Mais, la crainte doit se
tourner du côté de la Cour de cassation qui
en apprécie la question de fait, en la matière,
dose
d’introduire
au
d’arbitraire
207. Au total, l’office du juge ne
permet pas seulement de rétablir l’équilibre
du contrat rompu par la volonté des parties,
il rétablit également l’équilibre bouleversé
par les circonstances extérieures.
risque
une
194 N. Dissaux, Ch. Jamin, Réforme du
droit des contrats, du régime général de la preuve des
obligations, op. cit
., p. 71.
195 Cette limitation est également inscrite
à l’article L. 212-1 du Code de la consommation.
196 N. Dissaux, Ch. Jamin, op. cit., p. 71.
197 N. Dissaux, Ch. Jamin
, op. cit., p. 72.
198 C. civ. fr, art. 1170 : « Toute clause qui
prive de sa substance l’obligation essentielle du
débiteur est réputée non écrite » ; Cass. com., 22 oct.
1996,
Chronopost, n° 93-18.632 ; 29 juin 2010,
Faurecia II, n° 09-11.841 ; RDC 2010, 1220, obs. Y.-
M. Laithier.
199 S. Gaudemet, La clause réputée non
écrite
, Thèse Paris II, éd., 2006, pp. 84 et s. ; A. Posez,
L’inexistence du contrat. Un autre regard sur sa
formation
, Thèse Paris 2, 2010, 751 p.
200 N. Dissaux, Ch. Jamin, Réforme du
droit des contrats, du régime général de la preuve des
obligations, op. cit
., p. 72.
201 F.X. Testu, « Le juge et le contrat
d’adhésion », JCP 1993, I, 3673.
202 C. civ. fr, art. 1188, 1189, 1190 et 1191
; J. Richard de la Tour, « Les principes, les directives
et les clauses relatives à l’interprétation »,
RDC 2016,
p. 392..
203 C. civ. fr, art. 1192 ; Cass. sect. réun.,
8 févr. 1808,
Lubert, Jurispr. gén. Dalloz, v°
cassation, n° 1573, concl. Merlin ; Cass. civ. 3
e, 20
avr. 2017, n° 16-13.462 ; Ph. Simler, « Actualité :
Réforme du droit des obligations (Ord. n° 2016-131,
10 févr. 2016) »,
J.-Cl. Com., fasc. n° 27, 2016.
204 M. Troper, La théorie du droit, le
droit, l’Etat, PUF, 2001, p. 75.
205 C. Thibierge-Guelfucci, « Libres
propos sur la transformation du droit des contrats »,
loc. cit., 1997, p. 357.
206 J. Boré, « Un centenaire : le contrôle
par la Cour de cassation de la dénaturation des actes
», RTD civ. 1972, p. 249.
207 J. Ghestin, Ch. Jamin, M. Billiau, Les
effets du contrat, 3e éd., LGDJ, 2001, n° 25.
98



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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
B.- L’équilibre bouleversé par les
circonstances extérieures
21.- L’équilibre du contrat peut être
bouleversé, au stade de l’exécution, par des
circonstances extérieures et imprévisibles au
moment de la conclusion du contrat. Mais, la
force obligatoire du contrat
208 a, pendant
longtemps, empêché le juge de rétablir
l’équilibre du contrat sur le fondement de ces
circonstances
209 pour garantir la sécurité
contractuelle
210. Cependant,
le rejet de
l’imprévision en droit des contrats
211 a
finalement été abandonné
212 pour permettre
au juge de réviser le contrat déséquilibré
213.
tenir compte des circonstances
Il doit
caractéristiques de l’imprévision
(1) avant
d’opérer la révision du contrat
214 (2).
1.-
Les
circonstances
caractéristiques de l’imprévision
être bouleversée par un changement216 de
circonstances
imprévisibles qui rendent
l’exécution de la prestation excessivement
onéreuse pour la partie qui n’avait pas
le risque. Trois
accepté d’en assumer
éléments sont nécessaires à la qualification
de l’imprévision susceptible de troubler
l’équilibre du contrat.
23.- D’abord, l’imprévision nécessite
l’existence des circonstances déterminantes
du changement imprévisible. Elles sont des
« particularités qui
accompagnent un
fait »
217 ou « les choses du moment
actuel »
218. La notion de circonstances est
extensivement appréciée. Elle intègre les
circonstances de nature économique
219 qui
couvrent la variation des matières premières,
l’inflation monétaire, la transformation de
l’offre et de la demande sur le marché, la
création des nouveaux marchés. Au regard
22.- L’économie
contrat,
déterminée par les parties en fonction des
circonstances factuelles et temporelles au
moment de la conclusion du contrat
215, peut
du
208 C. civ. fr, art. 1103 (art. 1134 anc.) ;
Ch. Jamin, « Révision et intangibilité du contrat (…)
ou la double philosophie de l’article 1134 du code
civil »,
Dr. et patr. mars 1998, p. 45 ; M. Adamou, «
La révision judiciaire du contrat consécutive à une
clause d’imprévision »,
Revue béninoise des sciences
juridiques et administratives
, supplément au n° 34,
2015, p. 5 ; M. Mekki, « Réforme des contrats et des
obligations : l’imprévision »,
JCP N n° 3, 2017, p.
155.
209 Cass. civ. 6 mars 1876, Canal de
Craponne, D. 1876, 1, 193, note Giboulot.
210 Cass. civ. 3e, 18 mars 2009, n° 07-
21.260,
Bull. civ. I, n° 64 ; RDC 2009, 1358, obs. D.
Mazeaud : « Le juge refuse la révision du loyer d’un
bail qui avait été fixé en considération des services
rendus par le locataire au bailleur et celui-ci étant par
la suite décédé ».
211 Les juges administratif (CE, 30 mars
1916,
Gaz de Bordeaux, n° 59.928, Rec. Lebon) et
social (Cass. soc. 25 févr. 1992, n° 89-41.634,
Dr.
soc
. 1992, p. 573, A. Lyon-Caen : « L’employeur
avait le devoir d’assurer l’adaptation des salariés à
l’évolution de
leur emploi ») admettaient déjà
l’imprévision »).
212 Cf, H. Lalou, « La révision des contrats
par le juge en droit français », in
La révision des
contrats par le juge
, Sté lég. comp., loc. cit., pp. 45 et
s.
213 C. civ. fr, art. 1195 ; A. Bénabent, L.
Aynès, « Réforme du droit des contrats et des
obligations : aperçu général »,
D. 2016, p. 434 ; Th.
Revet, « Le juge et la révision du contrat »,
RDC,
2016, p. 373.
214 H. Barbier, « Les grands mouvements
du droit commun des contrats après l’ordonnance du
10 février 2016 »,
RTD civ. 2016, p. 247.
215 N. Dissaux, C. Jamin, Réforme du
droit des contrats, du régime général et de la preuve
des obligations
…, op. cit., p. 95.
216 Avant-projet d’acte uniforme relation
au droit général des obligations, art. 160, 161 et 162.
217 E. Littré,
Dictionnaire de la langue
française
, Paris, Hachette, 1874, v° « Circonstance »,
sens 1.
218 E. Littré, Dictionnaire de la langue
française
, Paris, Hachette, 1874, v° « Circonstance »,
sens 4 ; M. Mekki, « De l’imprévisible changement
de circonstances à l’impossible immixtion du juge ?,
Analyse du nouvel article 1195 du Code civil »,
BRDA 10/16, n° 6.
219 Avant-projet d’AUDGO, art. 161 ; V.
Lasbordes,
Les contrats déséquilibrés, Thèse,
PUAM, 2000, n° 65 ; G. Chantepie, La lésion, Thèse
Paris 1, 2005, n° 300 ; M. Mekki, « Hardship et
révision des contrats1. Quelle méthode au service
d’une harmonisation des droits »,
JCP G 2010, p.
1219, n° 2.
99


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
à
d’un
circonstances
du droit OHADA220 et du droit français221,
les
économiques
imprévisibles
222, qui peuvent conduire un
débiteur à la cessation des paiements
223, sont
susceptibles d’occasionner l’ouverture d’une
procédure collective
224. Celle-ci soumet les
contrats à des dispositions spéciales
225
« état
celles
semblables
d’urgence »
226. Le juge prend ainsi en
considération cette situation de l’entreprise
pour solliciter aux créanciers les délais de
paiement et les remises de dette
227, en
écartant l’immuabilité du contrat
228. Les
créanciers sont ainsi solidaires du débiteur
afin qu’il ne supporte pas seule la charge
définitive de la dette
229 pour que le lien
contractuel se maintienne
230. Le débiteur
lésé par l’imprévision est traité comme la
victime d’un accident
231. Cette approche
ressort ainsi les tensions entre les fonctions
du droit des contrats : parfois il recherche la
justice commutative
232, parfois il recherche
la justice distributive
233.
en
Cependant, les circonstances qui sont
prises
être
considération doivent
imprévisibles au moment de la conclusion du
contrat
234. Il est admis que les parties
peuvent, de façon supplétive
235, prévoir dans
une clause les circonstances dans lesquelles
elles sont amenées à renégocier leur contrat
et à le modifier
236.
le
Toutefois,
changement
imprévisible du contrat ne se limite pas aux
circonstances économiques parce qu’il
n’existe pas une liste circonstanciée des
circonstances imprévisibles. Leur domaine
d’application est donc ouvert aux évolutions
liées à l’environnement financier, monétaire,
diplomatique,
politique,
commercial,
220 AUPC, 10 sept. 2015, art. 2, art. 5-1 et
s. ; F. M. Sawadogo, « Acte uniforme du 10
septembre 2015 portant organisation des procédures
collectives d’apurement du passif commenté », in
OHADA, Traité et actes uniformes commentés et
annotés,
Juriscope, 2016, pp. 1113 et s.
221 C. com. fr, art. 620-1 à 627-4.
222 H. D. Modi Koko Bebey, « La force
obligatoire du contrat à l’épreuve du droit des
in
procédures
L’obligation, Etudes offertes au Professeur Paul-
Gérard Pougoué
, L’Harmattan-Cameroun 2015, p.
490.
collectives de
l’OHADA »,
223 F. M. Sawadogo, Droit des entreprises
en difficulté
, Bruylant, 2002, n° 3, p. 2 ; P. Y. Berard,
« Droit de l’OHADA-Procédures collectives, Le
nouvel Acte uniforme portant organisation des
procédures collectives d’apurement du passif »,
Banque, avril 2016, n° 795, p. 75.
224 Il s’agit de la procédure conciliation
(AUPC, art. 5-1), le règlement préventif (AUPC, art.
6), le redressement judiciaire (AUPC, art. 33) et la
liquidation des biens.
Cf, B. Thullier, « La réforme du
droit commun des contrats et les contractants du
débiteur en procédure collective »,
BJE mai 2017, n°
114r4, p. 240, spéc. n° 12.
225 W. D. Kabré, « Le dérèglement de la
force obligatoire du contrat par les procédures
collectives en droit OHADA », in
Mélanges en
l’honneur du Professeur F. M. Sawadogo
, éd.,
CREDIJ, 2018, p. 596.
226 Y. Guyon, « Le droit des contrats à
l’épreuve du droit des procédures collectives »,
Etudes offertes à J. Ghestin, op. cit., p. 405.
227 AUPC, art. 15, al. 5 ; art. 120, art. 125,
art. 134 ; P. Kane Ebanga, « La nature juridique du
concordat du redressement judiciaires dans le droit
des affaires OHADA »,
Juridis, n° 50, p. 109.
228 W. D. Kabré, « Le dérèglement de la
force obligatoire du contrat par les procédures
collectives en droit OHADA »,
loc. cit., pp. 604 et s.
229 D. Mazeaud, « La réduction des
obligations contractuelles », loc. cit., p. 59.
230 Cf, Y. Guyon, « Le droit des contrats à
l’épreuve du droit des procédures collectives »,
loc.
cit
., p. 412.
231 L. Cadiet, « Une justice contractuelle,
l’autre… », loc. cit., p. 198.
232 La
justice commutative est
le
dénominateur commun de la justice distributive et de
la justice corrective, l’étalon qui permet d’établir
l’égalité entre des choses dissemblables, la commune
mesure. Il doit y avoir équivalence entre le besoin
ressenti et la valeur attribuée, que cette attribution ait
lieu au titre de la justice distributive ou au titre de la
justice corrective
justice
(L. Cadiet, « Une
contractuelle, l’autre… »,
loc. cit., p. 185).
233 A. Sériaux, Droit des obligations, 2e
éd., PUF, 1998, n° 228.
234 C. civ. fr, art. 1195 ; Ph. Stoffel-
Munck, « L’imprévision et la réforme des effets du
contrat »,
RDC 2016, Hors-série, p. 148.
235 Cf, A. El Mejri, « La théorie de
l’imprévision et les contrats aléatoires »,
RLDC juin
2017, n° 149, pp. 11-15.
236 C. com., art. L. 442-6,1,2° et C. com.,
art. L. 441-8 ; A. Fortunato, « Les circonstances de la
révision du contrat (A propos du nouvel article 1195
du Code civil) »,
LPA 11 janv. 2018, n° 130q7, p. 6.
100


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
s’accumulent
militaire, juridique, etc237. Les changements
climatiques, politiques et les guerres civiles
qui
propice
l’imprévision. Il en est de même des crises
sanitaires
238 ou des évolutions numériques et
technologiques
239.
rendraient
du
est
il n’est pas exigé que
24.- Ensuite, l’équilibre du contrat
est remis en cause par l’imprévision si
l’exécution
devenue
contrat
excessivement onéreuse pour une partie
240.
la
Cependant,
contrepartie de l’obligation de l’autre soit
équivalente en valeur
241. L’onérosité du
contrat
242 est constituée par les difficultés
dans l’exécution de la prestation. L’excès
doit donc être significatif, sans pourtant qu’il
ne
contrat
l’exécution
impossible
243. L’impossibilité de l’exécution
du contrat peut constituer un cas de force
la
majeure,
résiliation
durée
indéterminée
244. En revanche, si le contrat
est à durée déterminée
245, l’impossibilité
d’exécution du contrat peut entraîner sa
rupture anticipée
246. Ainsi, la rupture de
l’équilibre du contrat se caractérise soit par
d’engendrer
à
susceptible
contrat
rende
du
du
237 Th. Revet, « Le juge et la révision du
contrat », RDC 2016, n° 113g6, p. 373.
238 À l’instar du Coronavirus (COVID-
19).
Cf, J. Heinich, « L'incidence de l'épidémie de
coronavirus sur les contrats d'affaires : de la force
majeure à l'imprévision »,
D. 2020 p. 611.
239 Cf, Y. Cohen-Adria, « Blockchain :
révolution ou évolution ? », D. 2016, p. 537.
circonstances
240 C. civ. fr, art. 1195, al. 1er ; Avant-
projet d’AUDGO, art. 161 : « Il y a bouleversement
des
surviennent
lorsque
des
événements
fondamentalement
altèrent
l’équilibre des prestations, soit que le coût de
l’exécution des obligations ait augmenté, soit que la
valeur de la contre prestation ait diminué (…) ».
qui
241 Cass. civ. 1re, 17 juin 2008, RDC 2008,
p. 1133, os. D. Mazeaud.
242 C. civ., art. 1195, al. 1er.
243 N. Dissaux, Ch. Jamin,
op. cit., p. 95.
244 C. civ., art. 1211 : « Lorsque le contrat
est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie
peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de
respecter le délai de préavis contractuellement prévu
ou, à défaut, un délai raisonnable ».
245 C. civ., art. 1212 : « Lorsque le contrat
est conclu pour une durée déterminée, chaque partie
l’augmentation du coût de l’exécution des
obligations, soit par la diminution de la
la contre-prestation
247. La
valeur de
conséquence
circonstances
des
imprévisibles peut être la dévalorisation de
la créance et d’alourdissement de la dette
248.
Il doit y avoir un manque de gain de la partie
lésée par rapport à l’avantage qu’elle a
procuré à la partie bénéficiaire. En ce sens,
le pouvoir que le droit OHADA accorde au
juge, dans le cadre d’un contrat de bail
249, de
le
déterminer de façon discrétionnaire
nouveau montant du loyer en tenant compte
des circonstances du moment, en cas de
désaccord entre le bailleur et le preneur
pendant le renouvellement du contrat
250
permet de rétablir l’équilibre du contrat.
25.- Enfin, l’équilibre du contrat est
rompu par les circonstances extérieures aux
parties si la partie lésée avait, au moment de
la conclusion du contrat, refusé d’assumer le
risque de changement imprévisible
251. La
clause d’acceptation du risque, connue des
droits anglo-saxons sous l’appellation de
hardship252, permet aux parties d’empêcher
toute renégociation, adaptation ou révision
doit l’exécuter jusqu’à son terme. Nul ne peut exiger
le renouvellement du contrat ».
246 Cf, J. Beauchard, « La nécessaire
protection du concessionnaire et du franchisé à la fin
du contrat », in
Libre droit, Mélanges Ph. Le
Tourneau, Dalloz, 2008, p. 37:
247 Avant-projet d’AUDGO, art. 161.
248 Ph. Stoffel-Munck, « La réforme en
pratique : La résiliation pour imprévision »,
loc. cit.,
p. 263.
249 AUDCG, art. 117.
250 AUDCG, art. 117 ; CCJA, 1
re ch., arrêt
n° 056/2016, 21 avril 2016,
Affaire Monsieur
Dalquier Maurice et consorts C/ Monsieur Koudou
in OHADA, Traité, Actes Uniformes,
Dago
,
Règlements
d’Arbitrage,
Jurisprudence Annotée, Code bleu, op. cit
., p. 219.
de Procédure
et
251 C. civ. fr, art. 1195 ; Avant-projet
d’AUDGO, art. 161 et 162 ; G. Chantepie, M. Latina,
La réforme du droit des obligations, Commentaire
théorique et pratique dans l’ordre du Code civil
,
Dalloz, 2016, n° 525.
252 Cf, X. Lagarde, « Brèves réflexions
sur l’attractivité économique du droit français des
contrats »,
D. 2005, p. 2745 ; A. Raynouard, A.-J.
Kerhuel, « L’évolution des systèmes juridiques au
cœur de la tourmente »,
D. 2010, p. 2928.
101


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
du
par
renoncé
contrat253.
du contrat en cas de changement de
circonstances imprévisibles qui déséquilibre
l’économie
La
contractualisation de cette clause impose que
les parties supportent les conséquences de
l’imprévision au bénéfice de laquelle elles
ont
anticipation. Elles
contractualisent l’injustice que peut créer
l’imprévision, alors le législateur les protège
à travers l’intervention du juge. La présence
de cette clause dans un contrat commutatif
254
le transforme en une sorte de contrat
aléatoire dont les parties acceptent de faire
dépendre les effets du contrat, [quant aux
avantages et aux pertes qui en résulteront]
d’un événement incertain
255. Or, le juge
dispose désormais du pouvoir de rééquilibrer
le contrat déséquilibré par l’imprévision
256.
Il n’exerce ce pouvoir que s’il n’existe pas
une clause d’acceptation du risque de
changement
Son
intervention permet de restaurer l’équilibre
initialement défini par les parties au moment
de la conclusion du contrat.
imprévisible257.
2.- Le rétablissement de l’équilibre
contractuel initial
26.- La survenance des circonstances
imprévisibles dont les parties n’avaient pas
la maîtrise à la formation du contrat ne
253 J. Moury, « Avant-propos »,
in
Rapport annuel de la Cour de cassation 2011, 3e
partie, Etude : Le risque
, Bull. d’inf. Cour de cass.,
www.courdecassation.fr
.
254 C. civ. fr, art. 1110, al. 1er ; F. Chénedé,
« Les classifications des contrats,
Dr. et patr. mai
2016, p. 48.
255 C. civ. fr, art. 1108, al. 2.
256 C. civ. fr, art. 1195 ; L. Aynès, « Le
juge et le contrat : nouveaux rôles ? »,
loc. cit., p. 14.
257 J. Moury, « Avant-propos »,
loc. cit.,
www.decourdecassation.fr.
258 N. Molfessis et alii, « Juge :
clarification vertueuse dans le cadre de la réforme du
droit des contrats »,
JCPG 2017, n° 24, 12.
259 C. civ. fr, art. 1195 ; S. Bissaloué, La
renégociation contractuelle en droit français et en
droit OHADA, Thèse Univers. Aix-Marseille 2016, n°
11 et s.
260 Avant-projet d’AUDGC, art. 162 : «
En cas de bouleversement des circonstances, la partie
lésée peut demander l’ouverture de renégociations.
conduit pas automatiquement à la disparition
du contrat. Le législateur français a prévu
que les parties ont préalablement le pouvoir
de renégocier leur contrat. Si elles n’arrivent
pas à adapter le contrat, elles peuvent
solliciter l’intervention du juge.
cette
renégociation
27.- Dans un premier temps, le
rétablissement de l’équilibre du contrat
déséquilibré par le changement imprévisible
des circonstances
258 passe par la voie de la
renégociation des parties
259. Le contractant
la partie
lésé doit donc solliciter de
bénéficiaire
du
contrat
260. L’assujettissement des parties à la
renégociation aux obligations de bonne
foi
261 et de coopération262
incite à
l’adaptation du contrat
263. Ainsi,
les
manœuvres dilatoires et les refus abusifs de
renégocier
sanctionnés.
Toutefois, la renégociation du contrat ne
produit aucun effet sur le contrat initial et la
partie débitrice de l’obligation demeure
tenue en dépit de l’onérosité excessive de
l’exécution
264. Or,
survenance des
circonstances imprévisibles pouvait avoir
la suspension du
comme conséquence
contrat à l’image de ce qui se concrétise en
droit du
la
renégociation se termine par un accord, les
parties sont tenues selon le nouveau contenu
travail265. Cependant, si
peuvent
être
la
La demande doit être faite sans retard injustifié et être
motivée. La demande ne donne pas, par elle-même, à
la partie lésée le droit de suspendre l’exécution de ses
obligations (…) ».
Ils
libres.
la
sont
261 C. civ. fr, art. 1112 : « L’initiative, le
rupture des négociations
déroulement et
précontractuelles
doivent
impérativement satisfaire aux exigences de la bonne
foi » ; art. 1104 : « Les contrats doivent être négociés,
formés et exécutés de bonne foi » ; P. Mousseron, «
Conduite
et
pourparlers
responsabilité civile délictuelle »,
RTD com. 1998, p.
244 ; B. Puig, « La phase précontractuelle »,
Dr. et
patr
. mai 2016, p. 52.
contractuels
des
262 Cf, M. Mekki, « Les principes
généraux du droit des contrats au sein du projet
d’ordonnance »,
D. 2015, p. 816.
263 Cf, L. Thibierge, Le contrat face à
l’imprévu, op. cit., p. 459, n° 801.
264 C. civ. fr, art. 1195.
265 G. Auzero, D. Baugard, E. Dockès,
Droit du travail, 32e éd., Dalloz, 2018, p. 440.
102


Page 21
ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
du contrat. En revanche, s’il y a « refus ou
échec de renégociation, les parties peuvent
convenir de la résolution du contrat »
266. Il
n’est pas exclu qu’elles contractualisent un
mode alternatif de règlement du déséquilibre
contractuel
267 résultant des circonstances
imprévisibles
second
28.- Dans un
temps,
l’équilibre contractuel désorganisé par
l’imprévision n’est restauré par le juge que si

les parties ne trouvent pas d’accord à la suite
de la renégociation du contrat
268. Le juge
rééquilibre le contrat par l’adaptation, la
révision ou la résiliation du contrat
269.
D’abord, le juge peut adapter le
contrat déséquilibré par
le changement
imprévisible des circonstances si les deux
parties contractantes
lui adressent une
demande parce qu’il y a eu refus ou échec de
renégociation
270. Les parties jugent ainsi de
l’opportunité de l’intervention du juge car la
demande de son intervention n’est que
facultative
271. Cette
étant
subordonnée au refus et à l’échec de la
renégociation, il n’est pas certain que les
parties qui n’ont pas pu
le
déséquilibre excessif de leurs prestations
mutuellement soient disposées à effectuer
une demande commune, afin que le juge
demande
rompre
adapte le contrat. Les actions en justice aux
fins d’adaptation des contrats pourraient
ainsi soit se multiplier soit être limitées.
Elles pourraient se multiplier s’il existe un
refus systématique de renégocier de la partie
créancière de l’imprévision. En revanche,
elles seront limitées si le refus ou l’échec de
renégociation résulte des éléments objectifs
car les parties ne trouveront pas un intérêt à
agir en justice. Mais le juge saisi doit, dans
son office de réfaction du contrat
272, vérifier
non seulement le refus ou l’échec de
renégociation, mais également les conditions
d’application du changement imprévisible
des circonstances de l’exécution du contrat.
Cette approche, rejetée par un auteur
273,
correspond
au mécanisme
d’adaptation du contrat de droit commun. Le
défaut d’appréciation de ces conditions
généraliserait le mécanisme.
le mieux
Ensuite, le juge peut être saisi d’une
demande de révision par une seule partie
274.
Cette demande facultative de révision
permet d’assurer la survie du contrat
275.
L’office du juge vise ici la sauvegarde du
contrat
276. À cet égard, le rôle du juge ne doit
266 C. civ. fr, art. 1195 et C. civ. fr, art.
1193 : « Les contrats ne peuvent être modifiés ou
révoqués que du consentement mutuel des parties, ou
pour les causes que la loi autorise » ; E. Montcho
Agbassa, « Le favor contractus et le droit OHADA »,
Rev. Togol. des sc. jur. n° 0003, 2012, p. 42 ; O.
Deshayes, « Les effets du contrat entre les parties »,
JCP 25 mai 2015, suppl. au n° 21, p. 43.
267 Cf, S. Amrani-Mekki, K. Haeri, F.
Vert, « Gérer le contentieux en évitant le juge »,
JCP
E
2016, p. 37 ; C. Minet-Letalle, « La médiation intra-
entreprise. L’exemple des conflits de travail »,
Cahiers de dr. entrepr., mai 2016, n° 3, dossier 19, p.
4 ; S. Guichard, C. Chainais, F. Ferrand,
Procédure
civile
, Paris, 33e éd., Dalloz, 2018, p. 1671.
268 C. civ. fr, art. 1195, al. 2 ; Avant-projet
d’AUDGO, art. 162 : « Faute d’accord entre les
parties dans un délai raisonnable, l’une ou l’autre peut
saisir le président de la juridiction compétente. Le
président qui conclut à l’existence d’un cas de
bouleversement des circonstances peut, s’il l’estime
raisonnable : - mettre fin au contrat à la date et aux
conditions qu’il fixe ; - ou adapter le contrat en vue
de rétablir l’équilibre des prestations » ; A. Chatain,
J.-Ph. Erb, « Les conséquences de la réforme du droit
des contrats sur l’intervention du juge »,
Sem. jur. –
Entrepr. et Aff.,
n° 18, 4 mai 2017.
269 C. civ. fr, art. 1195, al. 2.
270 C. civ. fr, art. 1195, al. 2.
271 N. Molfessis, « Le rôle du juge en cas
d’imprévision dans la réforme du droit des contrats »,
JCP 2015, n° 1415.
272 K. de la Asuncion Planes, La réfaction
du contrat, LGDJ, 2006.
273 N. Molfessis, « Le rôle du juge en cas
d’imprévision dans la réforme du droit des contrats »,
loc. cit., n° 1415.
274 C. civ. fr, art. 1195, al. 2.
275 N. Molfessis, « Le rôle du juge en cas
d’imprévision dans la réforme du droit des contrats »,
loc. cit., n° 1415.
276 Cf, D. Philippe, « Le juge et la révision
l’économie
le bouleversement de
du contrat :
contractuelle », in
Le juge et le contrat, la Charte,
2014 (www.philippelaw.eu), consulté le 22 déc.
2020.
103


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
pas être décrié277, mais préféré et renforcé278.
Le juge solde, au demeurant, de façon
équilibrée le contrat originel
279.
Dans
contractuel.
Enfin, la demande par une partie
contractuelle au juge de résilier le contrat
280
est considérée comme un moyen de garantir
son
l’équilibre
intervention, le juge détermine la date et les
conditions de
l’extinction du contrat.
Disposant du pouvoir de remonter le temps
pour saisir le moment où le déséquilibre est
survenu dans le contrat, le juge doit définir
la responsabilité des parties et, attribuer
éventuellement des indemnités à la partie qui
subit un préjudice à la fin du contrat
281. Il
faut bien rappeler que dans cette hypothèse,
la partie qui bénéficie de la réparation n’est
pas forcément celle dont l’exécution du
contrat a été rendue excessivement onéreuse
par le changement des circonstances. Par
ailleurs, le pouvoir du juge d’équilibrer le
contrat est limité si la renégociation, la
demande d’adaptation ou de révision du
abouti
282. Ainsi,
contrat
l’interrogation qui a été relevée par un
auteur : « Faut-il avoir peur du juge ? »
283
par rapport à son pouvoir de révision pour
imprévision connaîtra une réponse négative
car le juge occupe une place subsidiaire dans
n’ont
pas
277 M. Almeida Prado, « Regards croisés
sur les projets de règles relatifs à la théorie de
l’imprévision en Europe »,
RIDC 4-2010, p. 863.
278 Cf, N. Ferrier, « Le renforcement du
rôle du juge dans la détermination et la révision du
contrat », in R. Schulze, G. Wicker, G. Masch, D.
Mazeaud (dir.),
La réforme du droit des obligations
en France
, 5e journées franco-allemandes, SLC 2015,
p. 74.
279 Cf, N. Ferrier, « Le renforcement du
rôle du juge dans la détermination et la révision du
contrat »,
loc. cit., p. 74.
280 C. civ. fr, art. 1195, al. 2.
281
Cf, Ph. Stoffel-Munck, « La réforme
en pratique, la résiliation pour imprévision »,
AJCA
juin 2015, n° 262.
Y.
282
« L’imprévision
contractuelle », in
La réforme du droit des contrats,
1
re journée Cambacérès, Faculté de droit et de science
politique de Montpellier, 2015, pp. 165 et s.
Picod,
283 Ch. Gijsbers, « Faut-il avoir peur du
juge ? Serait-ce plus dangereux de laisser main libre
à une compagnie pétrolière ? »,
Colloque de la Revue
des contrats
, 23 mars 2017.
au
contrat. Son
l’application de la théorie de l’imprévision
du droit des contrats. La limitation de
l’office du juge renforce l’autonomie de la
volonté qui l’empêche de prendre part
rôle
principalement
complémentaire, mesuré dans la révision du
contrat, donnerait à la doctrine solidariste
qui considère la révision pour imprévision
comme une « soupape de sécurité pour la
partie en situation de faiblesse »
284
le
sentiment de déception à cause de ses effets
limités. Le respect de l’autonomie de la
volonté a pour conséquence la disparition du
contrat puisque le juge ne peut procéder à
l’adaptation ou à la révision du contrat si la
pour
la
partie
imprévision. Toutefois, il a le pouvoir
d’imposer l’équilibre du contrat au-delà de la
volonté des parties.
résiliation
demande
II.- L’équilibre contractuel imposé
par le juge
29.- Le contrat créé par la rencontre
de volonté des contractants
285 devait être la
seule source d’obligations puisqu’aucune
volonté extérieure ne pouvait s’interférer. Il
devait être une loi des parties irrévocable
286
284 N. Molfessis, in Colloque sur la
réforme du droit des contrats : incidence sur la vie
des affaires
, Lyon, 24 mars 2017.
285 C. civ. fr., art. 1101 ; Y. Lequette, « La
286 COCC,
notion de contrat », RTD civ. 2018, p. 541.
art. 96 : « Le
contrat
légalement formé crée entre les parties un lien
irrévocable » ; C. civ. fr., art. 1103 : « Les contrats
légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les
ont faits » ; J. Ghestin, « La distinction entre les
parties et les tiers au contrat »,
JCP 1992, I, 3628 ; C.
Thibierge-Guelfucci, « De l’élargissement de la
notion de partie au contrat… à l’élargissement de la
portée du principe de l’effet relatif »,
RTD civ. 1994,
p. 275 ; J. Ghestin, « Nouvelles propositions pour un
renouvellement de la distinction des parties et des
tiers »,
RTD civ. 1994, p. 777 ; J.-P. Chazal, « De la
signification du mot loi dans l’article 1134 du Code
civil »,
D. 2001, chron. p. 901 ; L. Aynès, « Le
contrat, la loi des parties », Cah. cons. const. n° 17,
(Dossier : Loi et contrats), mars 2005, consulté le 23
déc. 2020 ; Y. Gaudemet, « Loi et contrat »,
Cah.
cons. const.,
n° 17, (Dossier : Loi et contrat), mars
2020, consulté le 23 déc. 2020.
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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
dès lors qu’elle respecte l’ordre public287.
Or, le langage est un « véhicule imparfait de
la pensée »
288 des parties, ce qui conduit le
juge à interpréter le contrat en donnant un
sens à la clause obscure
289. Lorsque les
parties n’ont pas également prévu de
solution à une difficulté à naître ou lorsque
la prévision est insuffisante par rapport aux
impératifs sociaux
290, le juge complète le
contenu obligationnel du contrat
291 parce
qu’il prend la direction du contrat pour
rétablir l’équilibre
292. Le juge a ainsi le
pouvoir d’aller au-delà de la volonté pour
adapter le contrat
(A) qui bénéficie des
fondements légitimant son intervention
(B).
l’ordre public294 et à
être tenues que d’obligations voulues et
conformes à
la
morale
295. Mais, l’autonomie de la volonté
des parties a des insuffisances. Le juge n’est
plus entièrement « le serviteur de la volonté
des parties »
296. Il détermine, ainsi, de deux
manières le contenu contractuel afin de
protéger l’intérêt général
297 ou les intérêts
privés
298 en cause. D’une part, le juge
intervient pour combler les lacunes du
contrat en cas d’insuffisance
(1). D’autre
part, son intervention permet de créer
des
obligations nouvelles en cas de silence du
contrat
(2).
1.- Le comblement des lacunes du
A.- Le
déterminé par le juge
contenu du
contrat
contrat par le juge
30.- La
liberté contractuelle se
caractérise par le pouvoir reconnu aux
parties de déterminer elles-mêmes
le
contenu de leur contrat
293. Elles ne devaient
287 C. civ. fr, art. 1102 : « La liberté
contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui
intéressent l’ordre public ».
288 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 495.
289 COCC, art. 99, 101 et 102.
290 P. Ancel,
Droit des obligations en 12
thèmes, Paris, Dalloz, 2018, p. 193.
291 C. civ. fr., art. 1135 anc. ; P. Ancel,
« Force obligatoire et contenu obligationnel du
contrat »,
RTD civ. 1999, p. 771.
292 A. Gougeon, « L’intervention du tiers
à la formation du contrat »,
https//www.tel.archives-
ouvertes.fr
, consulté le 24 déc. 2019.
293 Le contenu du contrat est le contenant
des anciennes notions d’objet et de cause du contrat,
voir C. Grimaldi, « Juste cause (et injuste clause) »,
D. 2015, p. 335 ; M. Frabre-Magnan, « Critique de la
notion de contenu du contrat »,
RDC 2015, p. 639 ; S.
Pellet, « Le contenu licite et certain du contrat »,
Dr.
et patr
. 2016, p. 61.
294 COCC, art. 42 ; J. Ghestin, « Les effets
pervers de l’ordre public », in
Mélanges Gavalda,
Dalloz, 2001, p. 123.
295 COCC, art. 42 ; A. Bénabent, Droit
des obligations, op. cit., pp. 155 et s.
296 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 497.
297 M. Mekki, L’intérêt général et le
contrat – Contribution à une étude de la hiérarchie
des intérêts en droit privé
, Préf. J. Ghestin, Paris,
LGDJ, 2004, pp. 279 et s.
31.- Les rapports entre le juge et le
contrat ne se limitent plus seulement à
l’interprétation des clauses obscures du
contrat pour leur donner une signification
précise
299.
plus
n’est
juge
Le
298 Y. Strickler, « La protection de la
partie faible en droit privé », LPA, 2004, p. 6.
299 AUDCG, art. 238 : « Lorsqu’une
clause est ambigüe, la volonté d’une partie doit être
interprétée selon le sens qu’une personne raisonnable,
de même qualité que l’autre partie, placée dans la
même situation, aurait déduit de son comportement
» ; C. civ. fr., art. 1188, al. 1er : « Le contrat
s’interprète d’après la commune intention des parties
plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes »
; C. civ. fr., art. 1189, al. 1
er : « Toutes les clauses d’un
contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres,
en donnant à chacune le sens qui respecte la
cohérence de l’acte tout entier » ; C. civ. fr., art. 1189,
al. 2 : « Lorsque, dans l’intention commune des
parties, plusieurs contrats concourent à une même
opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci » ;
On applique l’adage «
actus interpretandus est
protius ut valeat quam ut pereat
» (Il signifie : « un
acte doit être interprété plutôt pour qu’il produise un
effet que pour qu’il reste lettre morte) ; C. civ. fr., art.
1191 : « Lorsqu’une clause est susceptible de deux
sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui
qui ne lui en fait produire aucun » ; C. civ. fr., art.
1190 (Dans un contrat de gré à gré, l’interprétation est
contre le créancier) ; (Dans un contrat d’adhésion
s’interprète contre celui qui l’a proposé) ; C. civ. fr.,
art. 1192 ; Cass. ch. réunies, 2 févr. 1808, Lubert c/
Wancareghem ; H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette,
Les Grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 2,
Paris, 12e éd., Dalloz, 2008, n° 161, p. 156 ; Cass. civ.
15 avr. 1872, Veuve Foucault et Coulombe c/
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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
fécondes
systématiquement le serviteur du contrat300,
tel qu’il n’est plus systématiquement le
serviteur de la loi
301. N’étant plus la bouche
de la loi comme disait Montesquieu
302, il est
normal qu’il ne soit pas forcément la bouche
du contrat. Le détachement du juge de la loi
était déjà perceptible dans le Discours
préliminaire de Portalis : « Le législateur
exerce moins une autorité qu’un sacerdoce...
L’office de la loi est de fixer, par de grandes
vues, les maximes générales du droit :
en
d’établir des principes
conséquence, et non de descendre dans le
détail des questions qui peuvent naître sur
chaque matière. C’est au magistrat et au
jurisconsulte, pénétrés de l’esprit général des
lois, à en diriger l’application »
303. Il est
reconnu au juge le pouvoir d’interpréter et de
combler la loi en cas de lacunes
304. Par
analogie, les lacunes du contrat
305, à l’image
de la règle de droit
306, sont constituées par le
silence,
l’insuffisance du
contractuelles
lacunes
contrat. Ces
déséquilibrent le contrat. Le juge ne peut
donc refuser de statuer parce qu’une clause
ou un contrat est obscur ou insuffisant. Il doit
combler ces lacunes pour établir l’équilibre
contractuel. Cette
limite
doublement l’autonomie de la volonté et la
l’obscurité et
intervention
Pringault ; Cass. civ. 3e, 15 sept. 2015, n° 14-13.817 ;
T. Girard-Gaymard, « L’influence du renouvellement
des sources du droit des obligations sur son
interprétation »,
RTD civ. 2020, p. 779.
300 Cf, F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 485.
301 Cf, Ph. Rémy, « La part faite au juge »,
loc. cit., pp. 22-36.
302 Ch. Montesquieu, De l’esprit des lois,
t. 1, Genève, Barrillot & Fils, 1748 : « Les juges de la
nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles
de la loi, des êtres inanimés, qui n’en peuvent modérer
ni la force ni la rigueur ».
303
Discours
préliminaire du premier projet de Code civil (1801
),
Discours prononcé le 21 janv. 1801 et le Code civil
promulgué le 21 mars 1804, éd., Confluences, 2004,
78 p. ; D. Mazeaud, « La place du juge en droit des
contrats, in
Le juge, auteur et acteur de la réforme du
droit des contrats, RDC 2016, n° 02, p. 353.
Portalis,
J.-E.-M.
304 Y. Strickler, « L’office du juge ; quels
décisions ? »,
pouvoirs ?
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-
01077512/document,
p. 2, consulté le 25 janv. 2019.
Quelles
force obligatoire du contrat qui se lient à
travers l’article 1193 du Code civil français.
Celui-ci dispose que « Les contrats ne
peuvent être modifiés ou révoqués que du
consentement mutuel des parties, ou pour les
loi autorise »
307. Cette
causes que
disposition ne devait permet au juge de
prendre la direction du contrat afin de
déterminer son contenu, sauf si la loi
l’autorise.
la
civiles
32.- Mais, le juge force le contrat308
en se fondant sur l’article 1194 du Code civil
français qui prévoit que « Les contrats
obligent non seulement à ce qui y est
exprimé, mais encore à toutes les suites que
leur donnent l’équité, l’usage ou la loi »
309.
Le droit OHADA
310 et
le Code des
commerciales
et
obligations
sénégalais n’énoncent pas autre chose. Ce
dernier dispose : « en l’absence de volonté
exprimée, le contrat oblige à toutes les suites
que la loi, les usages, la bonne foi ou l’équité
donne à l’obligation d’après sa nature »
311. Il
existe donc deux parties du contrat : la partie
explicite, émergée déterminée par les parties
et la partie implicite, immergée que le juge
est en mesure d’identifier. L’usage permet
de combler le vide contractuel ou légal.
305 COCC, art. 103.
306 C. civ. fr., art. 4 : « Le juge qui
refusera de statuer, sous prétexte du silence, de
l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être
poursuivi comme coupable de déni de justice » ; L.
Corbion,
Le déni de justice en droit international
privé
, Aix-en-Provence, PUAM, 2004, 365 p. ; A.
justice et ordre public
Bugada, « Déni de
international », obs. sous Cass. soc. 14 sept. 2017,
Procédures 2017, p. 27.
307 Cf, R. Vatinet, « Le mutuus
dissensus », RTD civ. 1987, p. 252.
308 L. Josserand, « Le contrat dirigé », D.
1933, p. 91 ; L. Leveneur, « Le forçage du contrat »,
Dr. et patr. 1998, pp. 69 et s. ; A. Marais, « Le
maintien forcé du contrat par le juge »,
LPA 2 oct.
2002, n° 497, p. 7.
309 P. Jacques, Regards sur l’article 1135
du Code civil
, Thèse Paris XII, 2003, n° 170, p. 311,
Dalloz, 2005.
310 AUDCG, art. 238, al. 2.
311 COCC, art. 103.
106


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
33.- C’est, en effet, la partie noyée du
contrat, caractérisée par l’absence de la
prévision de la solution du litige par les
parties qui nécessite l’intervention du juge.
Celle-ci est conditionnée par la présence de
la difficulté à régler ce litige. Les stipulations
contractuelles imprécises donnent à celui-ci
l’opportunité de ne pas se soumettre à la
volonté des parties parce que la solution du
différend ne se trouve ni dans le contrat ni
dans la volonté des parties
312qui résolvent la
question qui est posée au juge en lien avec le
contrat.
Les situations dans lesquelles le
contrat est lacunaire sont multiples. Le
contrat apparaît ainsi lacunaire dès lors que
les parties à un contrat de vente n’ont pas
précisé dans son contenu le lieu de la
livraison des marchandises. En tel cas, le
juge saisi peut se référer à l’article 1609 du
Code civil qui dispose que « La délivrance
doit se faire au lieu où était, au temps de la
vente, la chose qui en a fait l’objet, s’il n’en
a été autrement convenu ». Mais, s’il
n’existe aucun texte, le juge définit lui-
même en se fondant sur l’usage et l’équité.
34.- Cependant,
le pouvoir de
comblement du contrat du juge ne couvre
pas les lacunes qui « affectent un élément
essentiel du contrat »
313.
Il s’agit de
l’élément dont l’absence ne donne pas la
possibilité au contrat d’être valablement
formé. Ainsi, le juge ne peut, dans le cadre
d’un contrat de vente
314, déterminer le prix,
alors que celui-ci n’était ni déterminé ni
déterminable par les parties au moment de la
conclusion du contrat. Dans telle hypothèse,
juge ne déclare que
le
l’inexistence du contrat de vente.
la nullité ou
du
contrat. Celles-ci
Cette solution se justifie à la lecture
de l’article 1194 du Code civil français qui
prescrit que « Les contrats obligent non
seulement à ce qui y est exprimé, mais
encore à toutes les suites… ». Le juge
comble donc les lacunes en fonction des
suites
sont
incontestablement les éléments accessoires
du contrat. Il ne détermine donc pas à la
place des
éléments
fondamentaux de la validité du contrat
315.
Toutefois,
les éléments essentiels des
conventions variant d’un contrat à un autre,
l’étendue des pouvoirs de comblement des
lacunes du juge varient aussi selon les types
de contrats
316.
contractants
les
français donne
Dans les contrats de prestations de
services, en effet, l’article 1165 du Code
la possibilité au
civil
créancier, à défaut d’accord des parties avant
leur exécution, de fixer unilatéralement le
prix, à charge pour lui de motiver le montant
en cas de contestation
317. Le juge peut ainsi
« être saisi d’une demande tendant à obtenir
des dommages et intérêts et, le cas échéant,
contrat »
318. Aussi,
la
l’exigence de détermination du prix des
contrats est parfois écartée pour que le prix
soit déterminé ou modifié unilatéralement
par un contractant en cours d’exécution sous
le contrôle du juge
319.
résolution du
Mais, le pouvoir du juge ne se limite
pas au comblement des lacunes, celui-ci
312 A. Gougeon, L’intervention du tiers à
la formation du contrat
, Thèse, Univers. de droit et de
la santé, Lille II, 2016, p. 243.
313 P. Ancel, Droit des obligations en 12
thèmes, Paris, Dalloz, 2018, p. 197.
314 AUDCG, art. 234 et s. ; C. Monkam,
« Réflexion sur le fondement de l’affaiblissement de
la force obligatoire du contrat en droit OHADA »,
Rev. unif., I, vol. 24, 2019, pp. 576-604.
315 P. Ancel, Droit des obligations en 12
thèmes, op. cit., p. 197.
316 Ibid.
317 M. Fabre-Magnan, « L’obligation de
motivation en droit des contrats », in
Mélanges J.
Ghestin
, LGDJ, 2001, p. 301.
318 C. civ. fr., art. 1165 ; J. Moury, « La
détermination du prix dans le « nouveau » droit
commun des contrats », D. 2016, p. 1013.
319 Cass. ass. plén., 1er déc. 1995, n° 93-
13.688 PR., p. 290 ;
GAJC, 11e éd., Dalloz, 1996, n°
151-154 ;
D. 1996, p. 13, note Aynès.
107


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
bénéficie aussi d’un pouvoir d’interprétation
créatrice d’obligations contractuelles
320.
2.- La création des obligations
contractuelles par le juge
la
loi323, de rechercher
35.- Le pouvoir du juge sur le
contenu contractuel ne se limite pas à
combler les lacunes techniques du contrat
321.
Il est, en effet, illusoire dans le silence des
clauses du contrat
322, comme dans le silence
l’intention
de
commune des contractants parce qu’elle n’a
pas été exprimée. Le juge est ainsi autorisé à
utiliser la méthode objective d’interprétation
pour combler le vide du contrat en se référant
à des valeurs extérieures à l’opération
contractuelle.
son pouvoir
Il utilise
d’« interprétation créatrice »
324 pour ajouter
des obligations amplifiant le contenu du
contrat initial afin de forcer son exécution
325.
Or, la jurisprudence Canal de Craponne du 6
mars 1876, énonçait : « Il n’appartient pas
aux tribunaux, quelque équitable que puisse
leur paraître leur décision, de prendre en
considération le temps et les circonstances
pour modifier les conventions des parties et
substituer des clauses nouvelles à celles
qu’elles ont librement acceptées »
326. Cette
force
garantissait
jurisprudence
obligatoire du contrat
327 par l’interdiction
des immixtions judiciaires dans le contenu
du contrat. L’insuffisance et le silence des
clauses contractuelles ne permettent pas une
la
intervention extérieure pour rééquilibrer le
contrat et permettre sa survive. Si les parties
se sont convenues d’un contrat déséquilibré,
il doit s’appliquer en dépit du fait que le
désavantage auquel l’une des parties subit
entraîne l’inexécution du contrat ou sa
disparition. Ni l’équité, ni l’usage ou encore
la bonne foi ne permettait de
moins
restructurer le vide contractuel. Les parties
ne s’obligeaient pas également des suites du
contrat car il n’y avait que la partie explicite ;
ce qu’elles ont voulu et prévu qui s’applique.
fort pouvait dissuader
36.- Cette conception ne prenait en
compte ni l’intérêt général ni les intérêts
privés des personnes
328. Or, une
telle
situation engendrait de l’injustice puisque le
contractant
le
contractant vulnérable de ne pas introduire
dans le contenu du contrat telle ou telle
clause. Désormais, les parties sont tenues
non seulement de la partie explicite du
contrat, mais également de sa partie
implicite. Le
le
fonctionnement du contrat, le contenu que
les parties n’ont pas prévu. Il ajoute suivant
l’opportunité les obligations nouvelles afin
que le contrat s’exécute
329. Les obligations
qu’elles imposent peuvent être mêmes celles
implicitement
que
les parties « avaient
impose pour
juge
320 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 503.
321 P. Ancel, Droit des obligations en 12
326 Cass. civ., 6 mars 1876, De Galliffet c/
Commune de Pélissanne, D
. 1876, 1, note Giboulot ;
GAJC, 12
e éd., 2008, p. 183.
thèmes, op. cit., p. 198.
322 J.-L. Halpérin, Introduction au droit
en 10 thèmes, Paris, Dalloz, 2017, p. 26.
323 Cf, B. Ricou, « Le silence au service
de la production juridictionnelle du droit : méthodes
et politiques des juridictions ordinaires françaises »,
Les Cahiers de droit, vol. 56, n° 3-4, sept.-déc. 2015,
pp. 681 et s. ; A. S. Adoua-Mbongo, « Le juge
la
constitutionnel africain et
constitution »,
Revue africaine et malgache de
Recherches scientifiques
(RAMReS/SJP), spécial,
janv. 2021, p. 70-105.
silence de
le
324 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette,
Droit civil, Les obligations, op. cit., p. 511.
325 L. Josserand, « Le contrat dirigé », D.
1993, p. 91.
collectives de
327 Cf, H. D. Modi Koko Bebey, « La
force obligatoire du contrat à l’épreuve du droit des
procédures
in
L’obligation, Etudes offertes au Professeur P.-G.
Pougoué,
op. cit., p. 489 ; M. Latina, Essai sur la
condition en droit des contrats
, préf. D. Mazeaud,
LGDJ, 2009, p. 28 et s.
l’OHADA »,
328 M. Mekki, L’intérêt général et le
contrat, Contribution à une étude de la hiérarchie des
intérêts en droit privé,
op. cit., p. 219.
l’élaboration d’un ordre
329 S. Bissaloué, « L’importance des
usages dans
juridique
africain plus attractif », in
Code des obligations
civiles et commerciales du Sénégal (C.O.C.C) :
cinquante ans après, op. cit.
, p. 113.
108


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
écartées »330. Le juge a donc un pouvoir
créateur du contrat à la place des parties, à
l’instar de la création de la loi à la place du
législateur
331 en cas de silence de la loi. Il
s’agit du forçage contractuel puisque le juge
amplifie le contenu du contrat par des
interprétations qui n’ont pas été retenues au
moment de la formation du contrat par les
parties.
37.- Le pouvoir du juge, se fonde en
droit français, sur l’article 1194 du Code
civil. Celui-ci dispose que « Les contrats
obligent non seulement à ce qui y est
exprimé, mais encore à toutes les suites que
leur donnent l’équité, l’usage ou la loi »
332.
Si la situation de cette disposition au
Chapitre IV consacré aux effets du contrat
de
donne
déterminer ces effets en fonction de l’équité,
de l’usage ou de la loi, il s’agit en réalité du
contenu du contrat
333. Que cela ne tienne, les
effets du contrat sont déterminés soit en
fonction de la lettre du contrat soit en
fonction de son esprit
334 pour équilibrer les
droits et obligations des parties.
l’impression
s’agit
qu’il
38.- Les suites que l’équité, l’usage
ou la loi donne aux contrats qui fondent le
forçage
judiciaire du contrat doivent
répondre à la nature du contrat. L’obligation
de sécurité envisagée dans les contrats de
travail pour permettre aux salariés victimes
d’accidents du travail d’être protégés a été
imposée par le juge au transporteur dans le
contrat de transport pour que le voyageur
soit conduit sain et sauf à destination
335. Or,
depuis longtemps, les accidents liés au
transport relevaient de la responsabilité
extracontractuelle
336.
de
l’obligation de sécurité dans le contrat, qui
peut pourtant « fonctionner et remplir sa
les
fonction
passagers d’un point à un autre) »
337 permet
de faciliter l’indemnisation de la victime en
cas de survenance d’un accident parce que le
favorable
338. Le
régime
transporteur, à l’image de l’employeur, est
soumis à une obligation de résultat en
matière de sécurité
339. Il ne peut s’exonérer
responsabilité qu’en prouvant
de
sa
étrangère
340.
l’existence
L’amplification du contenu du contrat
constitue un « forçage du contrat »
341 parce
juridique est
L’adjonction
économique
(transporter
d’une
force
330 P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-
Munck,
Droit des obligations, Paris, 8e éd., 2016, p.
396.
331 P. Avril (dir.), La création du droit par
le juge
, Archives de philo. droit, t. 50, Dalloz, 2007,
472 p. ; S. Dauchy, « Le juge, bouche de la loi. A
propos de la célèbre métaphore de Montesquieu »,
Nagoya University Journal of Law and Politics, 2014,
n° 256, p. 325.
332 O. Deshayes, « Les effets du contrat
entre les parties »,
JCP 25 mai 2015, suppl. au n° 21,
p. 43.
333 Cf, A.-S. Lucas-Puget, Essai sur la
notion d’objet du contrat
, préf. M. Fabre-Magnan,
LGDJ, 2005, pp. 34 et s.
334 Th. Ivainer, « La lettre et l’esprit de la
loi des parties »,
JCP 1981, I, p. 3023 ; F. Terré,
« Interprétation ; le fait et le droit, la lettre et
l’esprit », in
Mélanges Ligeropoulos, 1985, p. 527.
335 COCC, art. 645 ; Cass. civ., 21 nov.
1911,
Cie générale transatlantique, 11e éd., GAJC, n°
262 ;
DP 1913, I, 249, note A. Sarrut (1re espèce) ; S.
1912, 1, 73, note Lyon-Caen ; Cass. civ.1re, 1er juill.
1969, D. 1970, p. 640 ; Cass. civ. 21 juill. 1970,
D.
1970, p. 765.
336 F. Rouvière, « La remise en cause du
contrat par le juge », loc. cit., p. 41.
337 P. Ancel, Droit des obligations en 12
thèmes, op. cit., p. 199.
338 Voir, COCC, art. 646 et 647 ; V. E.
Bokali, « Le comportement du
transporteur et
l’obligation de réparer les dommages survenus en
cours de transport », in
L’obligation, Etudes offertes
au Prof. Paul-Gérard Pougoué, APRODA et
L’Harmattan-Cameroun, 2015, p. 149 ; T. Diatta,
La
protection de la personne du consommateur en droit
sénégalais
, Thèse UCAD, 2017, p. 20 et « La
protection des consommateurs par le code des
obligations civiles et commerciales », in
Code des
obligations civiles et commerciales du Sénégal
(C.O.C.C) : cinquante ans après, op. cit
., p. 226 et s.
339 COCC, art. 123 ; P. Mvomo Ela,
« L’obligation d’information de
in
L’obligation, Etudes offertes au Prof. P.-G. Pougoué,
op. cit., p. 515.
l’assuré »,
340 COCC, art. 646 et s.
341 L. Josserand, « L’essor moderne du
concept contractuel », in Recueil d’études des sources
du droit en l’honneur de François Geny, t. 2,
Sources
générales des systèmes juridiques actuels, Sirey,
1934, pp. 333 et s., et « Les dernières étapes du
dirigisme contractuel : Le contrat forcé et le contrat
légal »,
DH 1940, chron. p. 5 ; L. Leveneur, « le
109


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
que les effets du contrat ne résultent plus de
la volonté intangible des parties. Cette
conception
libérale du gonflement du
contenu du contrat ambitionne la protection
la
de
l’obligation de
décontractualisation de
la doctrine
343
sécurité d’une partie de
aboutissait, cette protection se déprécierait.
faible342. Mais,
la partie
si
En outre, l’obligation d’information
est imposée dans les contrats où il existe un
déséquilibre entre les contractants
344. Le
professionnel a ainsi l’obligation d’informer
le consommateur
345. Cette obligation inclut
notamment une obligation précontractuelle
et contractuelle de renseignement
346. On doit
préciser que le manquement à la première
engage la responsabilité délictuelle parce
que le contrat n’est pas encore conclu, alors
que la seconde mobilise la responsabilité
contractuelle.
39.- Les suites de l’équité sur le
contrat a permis au juge d’imposer les
devoirs d’information
347 et de conseil348 aux
contrats d’assurance
349. Le juge est devenu
forçage du contrat »,
l’intangibilité du contrat ? Dr. et patr., 1998, p. 69.
reste-t-il de
in Que
342 J.-P. Chazal, « La protection de la
partie faible chez Josserand, ou la tentative de
maintenir le compromis républicain », in W. Dross
(dir.),
Un ordre juridique nouveau ? Dialogues avec
Louis Josserand
, éd., Mare et Martin, 2014, p. 227.
343 Cf, G. Viney, « Rapport de synthèse »
[l’obligation de sécurité],
Gaz. Pal. 1993, doctr., p.
1215 ; C. Bloch,
L’obligation contractuelle de
sécurité
, Aix-en-Provence, PUAM, 2002, pp. 53 et s.
344
Cf, J.P. Tosi, Le droit des obligations
au Sénégal,
Nouvelles éditions africaines, 1981, p.
113 ; M. Thioye, « Responsabilité contractuelle d’un
mandant pour violation de son obligation de
loyauté »,
AJDI 2013, p. 538 ; C. A. W. Ndiaye,
« Libre propos sur la protection du consentement
cinquante années après », in
Code des obligations
civiles et commerciales du Sénégal (C.O.C.C) :
cinquante ans après, op. cit.
, p. 395.
345 Th. Diatta, « La protection des
consommateurs par le code des obligations civiles et
commerciales »,
loc. cit., p. 235.
346 Cf, G. B. Sarr, « La période
précontractuelle : entre liberté et contraintes », in
Code des obligations civiles et commerciales du
Sénégal (C.O.C.C) : cinquante ans après, op. cit
., p.
569 et s.
la
imposé
fonction
à
responsabilité
le « ministre d’équité »350 parce que celle-ci
a une
supplétive permettant
d’atténuer le « rôle de la théorie de la
volonté »
351 afin que le juge complète le
contenu du contrat. Il s’appuie sur le
sentiment de
justice pour déterminer
l’obligation contractuelle
352. Le devoir
l’assureur
353
d’information
engendre
civile
professionnelle en cas de manquement
354.
Dans cette optique, le distributeur d’un
contrat d’assurance-vie doit conseiller à son
client le contrat d’assurance qui est adapté sa
ses besoins
355. Tout
situation
manquement à ce devoir est assimilé à une
susceptible
contractuelle
défaillance
d’engager la responsabilité de l’assureur.
Celui-ci est tenu d’indemniser le préjudice
de
subi
l’information ou du conseil. Le devoir de
conseil est une obligation de moyen dont la
violation impose à l’assureur de verser des
dommages et intérêts à l’assuré
356.
bénéficiaire
l’assuré
par
et
à
347 C. ass. fr., art. L. 112-2 ; Ph. Le
Tourneau, « De l’allégement de l’obligation de
renseignements ou de conseil »,
D. 1987, chron., p.
101.
348 Cass. civ. 1re, 27 mars 1985, Bull ; civ.
I, n° 108 ; N. Dissaux, Ch. Jamin, op. cit., p. 93.
349 Y. Lambert-Faivre, « Le droit et la
morale dans l’indemnisation des dommages corporels
»,
D. 1992, chron., p. 165 ; H. Margeat, « L’éthique
dans l’assurance »,
Risques, avr. 1994, p. 9 ; G.
Viney, « L’interprétation et l’application du contrat
d’assurance par le juge »,
D. 1994, chron., p. 301.
350 Cass. soc. 12 mai 1965, D. 1965, p.
652.
351 Ch. Albigès, De l’équité en droit privé,
LGDJ, 2000, pp. 303 et s. ; S. Darmaisin,
Le contrat
moral
, LGDJ, 2000, p. 6.
352 C. A. W. Ndiaye, « Libre propos sur la
protection du consentement cinquante années après »,
in
Code des obligations civiles et commerciales du
Sénégal (C.O.C.C) : cinquante ans après, op. cit.,
pp.
401 et s.
353 CIMA, art. 98 et s.
354 Cass. civ. 2
e, 17 nov. 2016, n° 15-
14.820.
355 Cass. com., 7 avr. 2009, n° 08-10.059 ;
Cass. civ. 2e, 17 nov. 2016, n° 15-14.820.
356 Cass. civ. 2e, 8 févr. 2018, n° 16-
27.495.
110


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
40.- Aussi, le forçage contractuel se
caractérise par le devoir du banquier prêteur
de mettre en garde son client emprunteur
357.
Le banquier est un professionnel dont le
métier n’est pas facile à appréhender par le
client puisque les produits bancaires et
financiers se sont sophistiqués et fragilisent
le client. Le devoir de conseil du banquier
358.
Celui-ci est sanctionné s’il garde le silence
sur l’endettement lourd du débiteur
359. Dans
cette optique, la banque manque à son devoir
de conseil si elle sollicite un cautionnement
disproportionné
du
aux
débiteur
360.
ressources
et
loyauté,
41.- Le devoir de conseil du banquier
impose donc qu’« il est tenu, lorsque, à la
demande [du client] ou spontanément, il lui
recommande un service ou un produit et lui
prodigue ainsi un conseil, de le faire avec
pertinence, prudence
en
s’enquérant de ses connaissances, de son
expérience en matière d’investissement,
ainsi que de sa situation financière et de ses
objectifs, afin que l’instrument financier
conseillé soit adapté »
361. Ce devoir de
conseil induit implicitement de la sécurité
que le banquier doit procurer au titulaire
d’une carte bancaire. Ainsi, la Cour de
cassation française a déjà décidé qu’ « il
appartient à la banque qui ne veut pas
rembourser le titulaire de la carte bancaire de
prouver la négligence grave de celui-ci et
cette négligence ne peut pas résulter de la
357 J. Huet, « Le devoir du conseil du
banquier », D. 2013, p. 2921.
358 COCC, art. 118 ; M. Oualid, La
responsabilité civile du banquier dispensateur du
crédit, Etude de droit comparé français-algérien,

Thèse Lyon 3, 2009, 577 p. ; N. Bourdallé, J. Lasserre
Capdeville, « Le développement jurisprudentiel de
l’obligation de mise en garde du banquier »,
Cah. de
recherche
, n° 5, p. 5
359 CA Paris, 30 mai 1997, Juris-data n°
021367, in D. Legeais, « L’obligation de conseil de
l’établissement de crédit à l’égard de l’emprunteur et
de sa caution »,
Mélanges, AEDBF, 1999, p. 257.
360 S. Piedelièvre, « Le cautionnement
excessif »,
Rép. Défrenois, 1998, art. 36836, p. 849,
n° 14.
361 Règlement COBAC R-2019/02 relatif
aux
prudentielles
applicables
normes
aux
simple utilisation de la carte ou des données
personnelles qui lui sont liées »
362. La
banque doit également « prouver que
l’opération a été authentifiée, dûment
enregistrée et comptabilisée, et, surtout, non
affectée par une déficience technique ou
autre »
363. La limitation de l’exonération de
la responsabilité du banquier garantit une
protection efficace aux consommateurs. Au
total, la protection de la partie faible par le
complètement du contenu contractuel qui
surplombe l’œuvre de la volonté des parties
est légitimité par la loi.
B.- La légitimité de l’adaptation du
contenu contractuel
42.- Le complètement du contenu du
contrat par le juge est réalisé selon des
méthodes clairement identifiées. Le juge
peut compléter le contenu du contrat en
cherchant ce que les parties auraient voulu
appliquer dans cette hypothèse particulière
ou bien ajouter les obligations au contenu du
contrat en posant une règle générale et
abstraite commune à tous les contrats de ce
type
364. Ce pouvoir du juge bénéficie d’une
légitimité légale. Aux termes de l’article 103
du Code des obligations civiles et
commerciales du Sénégal
365, « En l’absence
de volonté exprimée, le contrat oblige à
toutes les suites que la loi, les usages, la
bonne foi ou l’équité donnent d’après sa
nature »
366. Cette disposition correspond
établissements de paiement ; Cass. com., 20 juin
2018, RG : 17-11473.
362 Cass. com., 18 janv. 2017, n° 15-
18.102,
RJDA 3/17, n° 205 ; 12 nov. 2020, n° 19-
12.112 FS-FB.
363 C. mon. et finan. fr., art. L. 133-23, al.
1 ; Cass. com., 17 juill. 2020, n° 18-21.487 ; 12 nov.
2020, n° 19-12.112 FS-FB.
364 P. Ancel, Droit des obligations en 12
thèses, op. cit., p. 199.
365 C. civ. fr, art. 1194 (art. 1135 anc.).
366 C. Mouly-Guillemaud,
Retour sur
l’article 1135 du Code civil, Une nouvelle source du
contenu contractuel, LGDJ, 2006, préf. D. Ferrier,
592 p. ; Y.-M. Laithier, « Une nouvelle application de
la fonction complétive de l’article 1135 du Code
civil », note sous Cass. soc. 18 oct. 2006, n° 04-
48.612,
RDC 2007, n° 3, p. 714 ; B. Fessard, Les
111


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
parfaitement à la formule de Durkheim :
« Tout n’est pas contractuel (c’est-à-dire
volontaire) dans le contrat »
367. Les suites de
l’obligation sont ainsi déterminées soit selon
la loi
(1) soit selon l’usage et l’équité (2).
1.- L’adaptation du contrat par la
loi
du
du
contenu
complètement
43.- La loi joue un rôle primordial
dans
contenu
le
obligationnel du contrat. Les multiples
références à la loi permettent de déterminer
contrat
368. Plusieurs
le
dispositions légales permettent, en effet, de
suppléer la volonté des parties dès lors
qu’elle n’a pas été formulée
369. Elles
déterminent notamment les régimes des
contrats nommés
370. Les lois supplétives
comblent
l’absence de volonté des
contractants
371. Celles-ci vont ainsi refléter
la volonté probable des parties. On a estimé
la
qu’elles étaient « interprétatives de
volonté »
372
contractants. Cette
conception classique du complètement du
contrat par la loi correspondait à une
dimension particulièrement volontariste du
contrat ne concevant pas une autre source
des effets du contrat autre que la volonté des
parties
373.
des
les
lois
Mais,
supplétives
correspondent désormais à la vision du
législateur et non pas à celle des parties au
contrat. Cette vision intègre évidemment la
manière dont
législateur apprécie
l’équilibre normal des droits et obligations
des contractants. Il existe donc des modèles
le
de l’organisation sociale que les parties ont
la possibilité d’exclure
374.
au
fort
contractant
44.- En revanche, les lois impératives
n’expriment pas la volonté des parties, mais
assurent les exigences d’ordre public en
imposant
des
obligations
375. Elles ne peuvent être écartées
par la volonté des parties ne peut les écarter
puisqu’elles sont applicables peu important
la volonté opposée des contractants
376.
Ainsi, les effets du contrat déterminés par les
lois impératives doivent s’appliquer parce
que la volonté du législateur prime, dans ce
cas, sur celle des parties contractantes. Il
appartient ainsi au législateur de juger de
l’opportunité de leur application.
à
appréhender378. Mais,
45.- Toutefois, les lois supplétives
comme les lois impératives génèrent un
modèle de complètement abstrait du contrat,
ce qui justifie que la solution définie par la
loi soit applicable à tous les contrats de
même nature
377. La nature du contrat
présente une importance capitale dans le
complètement légal du contrat qui n’est pas
la
facile
spécialisation des contrats peut être d’une
aide précieuse. Il existe plusieurs hypothèses
où le complètement du contrat est abstrait.
La complétude abstraite du contrat s’observe
dans l’obligation de garantie des vices
cachés qui incombe à tous les vendeurs
379. Il
en est de même de l’obligation du bailleur de
réaliser les travaux qui ne sont pas des
réparations locatives dans l’hypothèse d’un
contrat de bail
380. Le caractère général du
lois
complètement du contrat par
s’analyse également dans le principe qui
les
obligations non matérialisées dans les contrats,
Thèse Montpellier, 2015, 683 p.
367 E. Durkheim, De la division du travail
social, 1893, p. 189.
368 P. Ancel, Droit des obligations en 12
thèses, op. cit., p. 199.
374 C. Peres-Gourdou, La
règle
supplétive, LGDJ, 2004, préf. G. Viney.
375 C. civ. fr., 1102 (art. 6 anc.) ; Y.
Auguet, « L’équilibre contractuel dans le Code
civil »,
loc. cit., p. 6.
376 A. Bénabent, Droit des obligations,
369 A. Bénabent, Droit des obligations,
op. cit., p. 248.
op. cit., p. 248.
377 F. Rouvière, « La remise en cause du
370 C. civ. fr., art. 1105.
371 COCC, art. 103.
372 P. Ancel,
Droit des obligations en 12
thèses, op. cit., p. 200.
373 ibid.
contrat par le juge », loc. cit., pp. 41-56.
378 COCC, art. 103.
379 C. civ. fr., art. 1641.
380 C. civ. fr., art. 1772.
112


Page 31
ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
consacre l’interdiction pour le déposant dans
un contrat de dépôt de se servir de la chose
déposée, sauf autorisation explicite
381.
46.- Par conséquent, si le juge est
saisi d’un litige en raison de l’absence de
volonté des parties, il ne recherche pas ce
que les parties auraient voulu, mais applique
la règle de droit correspondante
382. Le
pouvoir d’appliquer la règle de droit à la
place du contrat créé par les parties relève de
la compétence du juge du fond. La Cour de
cassation exerce seulement un contrôle sur
l’interprétation qu’il réalise. Il peut ainsi être
déduit que la formule « les contrats obligent
[…] à toutes les suites que leur donne […] la
loi »
383 suppose une incorporation de la
disposition légale dans le contrat. Cette
transformation permet de considérer que les
termes du contrat sont les termes de la loi qui
est incorporée
384. Ainsi, la loi étant devenue
les termes du contrat par son incorporation
dans le contrat, l’obligation du vendeur de
garantir les vices cachés à l’acheteur
385 ne
résulte plus de la loi, mais du contrat. Les
termes du contrat correspondent à ceux de la
loi, le contrat s’applique par le truchement de
l’application de la loi. En telle hypothèse, la
violation d’une obligation prescrite par la loi
la responsabilité
doit pouvoir engager
contractuelle de l’un des co-contractants
386.
381 C. civ. fr., art. 1930.
382 COCC, art. 103.
383 C. civ. fr., art. 1194.
384 P. Ancel,
Droit des obligations en 12
thèses, op. cit., p. 201.
385 C. civ. fr., art. 1641.
386 P. Ancel,
Droit des obligations en 12
thèses, op. cit., p. 201.
387 COCC, art. 103 ; C. civ. fr., art. 1194.
388 COCC, art. 103 ; C. civ. fr., art. 1194 ;
Th. Diatta, « La protection des consommateurs par le
Code des obligations civiles et commerciales », in
Code des obligations civiles et commerciales du
Sénégal (C.O.C.C) : cinquante ans après, op. cit.,
p.
216.
389 S. Bissaloué, « Les usages comme
source de droit en Afrique subsaharienne »,
RLDC
suppl., déc. 2016, n° 143 et « L’importance des
juridique
usages dans
africain plus attractif », in
Code des obligations
civiles et commerciales du Sénégal (C.O.C.C) :
cinquante ans après, op. cit.
, pp. 101 et s.
l’élaboration d’un ordre
En revanche, l’analyse semble différente si
le complètement du contrat se réalise par la
prise en considération de l’usage et de
l’équité.
2.- L’adaptation du contrat par
l’usage et l’équité
47.- Le juge détermine parfois le
contenu du contrat en se référant à l’usage ou
à l’équité
387. L’usage et l’équité légitiment,
en effet, l’ajout d’obligations contractuelles
dont les parties n’ont pas voulues parce que
le contrat oblige à toutes les suites qu’ils
donnent
388. Ces éléments de légitimité de
l’adaptation du contrat par le juge sont
fondamentaux
389 pour les Etats d’Afrique
noire
il n’existe pas
clairement un droit des obligations écrit
390.
francophone où
48.- Dans un premier temps, les
mobiles de la référence à l’usage par cette
disposition ne sont pas faciles à saisir
391. Le
Code des obligations civiles et commerciales
sénégalais prévoit que l’usage désigne les
pratiques d’une région ou d’une place
392. Sa
critères
nécessite
qualification
d’ancienneté,
de
et
de
collectivité
393. Il existe une pluralité de types
d’usages
394, notamment d’entreprise395,
les
constance
390 Cf, L. Zoubabela, Les tribunaux de
droit local au Congo et dans les autres pays d’Afrique
centrale
, Thèse de doctorat, Université d’économie et
de sciences sociales de Paris II, pp. 1 et s. ; F. R.
Bilong Nkoh, « La place des règles juridiques
fondamentalement africaines en matière d’obligation
dans
d’Afrique
subsaharienne », in
Code des obligations civiles et
commerciales du Sénégal (C.O.C.C) : cinquante ans
après
, op. cit., p. 77.
juridiques
systèmes
les
391 A. Bauler, G. Bouriau, « Les usages en
droit commun des contrats », in Mousseron,
op. cit.,
p. 18.
392 COCC, art. 259.
393 Ph. Jestaz,
Le droit, Paris, 9e éd.,
Dalloz, 2016, p. 39 ; S. Bissaloué, « L’importance des
usages dans
juridique
africain plus attractif, loc. cit., p. 117.
l’élaboration d’un ordre
394 COCC, art. 259.
395 Ph. Langlois, « Les usages dans les
transformations du droit du travail », in
Mélanges G.
Lyon-Caen,
1989, p. 285.
113


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
commerciaux396 et professionnels397. Les
caractères de ceux-ci sont discutés
398.
Cependant, les usages sont distingués selon
qu’ils sont de droit, ceux assimilés aux
coutumes, ou conventionnels et assimilés
aux pratiques des contractants. Le caractère
impératif appartenant aux deux
non
sont
catégories
applicables que si par la volonté les parties
ne les excluent pas
399.
démontre
qu’ils
ne
Néanmoins, les usages de droit qui
sont exploitables pour compléter le contrat
légitiment son complètement. Ainsi,
la
présomption de la solidarité entre débiteurs
en matière commerciale étant un usage,
l’absence d’une clause de solidarité dans un
pas
contrat
les
l’application de
débiteurs ayant la qualité de commerçant
400.
Le mode d’application de l’usage en matière
de complétude du contrat ressemble à celui
de la loi supplétive. En effet, l’existence et la
portée de l’usage sont des questions de droit
contrôlables par la Cour de cassation
401.
la solidarité entre
commercial
n’empêche
En outre, les usages conventionnels
qui constituent des pratiques habituelles des
parties et non des normes peuvent dans
certains cas être exploités par le juge pour
combler les lacunes du contrat. Il a ainsi été
jugé que le versement habituel d’une prime
396 AUDCG, art. 239, 177 et s. ; V. O.
Ballal,
Les usages et le droit OHADA, PUAM 2014,
p. 43 ; D. Y. Wane, « Après cinquante ans de
codification, quel avenir pour le code des obligations
civiles et commerciales du Sénégal ? », in
Code des
obligations civiles et commerciales du Sénégal
(C.O.C.C) : cinquante ans après, op. cit.
, p. 638.
397 Cass. civ. 3e, 15 oct. 2014, n° 12-
28.767,
Bull. civ. III, n° 129 ; P. Deumier, « Les
sources de l’éthique des affaires : codes de bonne
conduite, etc. », in
Mélanges Ph. Le Tourneau,
Dalloz, 2008, p. 337.
398 Cass. com., 17 mai 1988, Bull. civ. IV,
n° 167.
399 P. Ancel, Droit des obligations en 12
thèses, op. cit., p. 201.
400 AUDCG, art. 2.
401 P. Ancel,
Droit des obligations en 12
aux salariés dans l’entreprise constitue un
usage constant de l’entreprise afin que son
paiement soit obligatoire
402. Le versement
constant de
constitue un
la prime
engagement tacite de l’employeur
403, mais
l’obligation de paiement de la prime n’est
pas une
règle générale applicable à
l’ensemble des contrats de travail. Elle se
circonscrit aux contrats de l’entreprise où la
prime s’applique.
le
49.- Dans un second temps, la
légitimité du pouvoir de forçage du contrat
du juge résulte de la prise en considération
de l’équité
404. Or, l’équité est une notion
vague
405. Son absence de précision n’incite
pas le juge à la désigner clairement, même
lorsqu’il exploite cette notion, à défaut de loi
et de l’usage. L’obligation de sécurité que le
juge a fait peser sur
transporteur,
permettant au passager victime d’un
accident de bénéficier d’une indemnisation
sans rapporter la preuve de la faute du
l’équité
406.
transporteur, se
sur
Puisque, pendant
le
responsabilité
fondement
de
avait
extracontractuelle,
l’obligation de prouver
faute du
transporteur, ce qui n’est pas toujours aisé.
Mais, cette obligation s’applique désormais
largement dans le contrat de travail
407, le
contrat d’entreprise
408, le contrat de bail409 et
longtemps,
la
voyageur
la
fonde sur
le
403 P. Ancel, Droit des obligations en 12
thèses, op. cit., p. 202.
404 C. civ. fr., art. 1194 ; I. L. Miendjiem,
« La vigueur de
in
L’obligation, Etudes offertes au Prof. P.-G. Pougoué,
op. cit., p. 478.
l’obligation
implicite »,
405 C. Albiges, De l’équité en droit privé,
Paris, LGDJ, 2000, 383 p.
406 Cass. civ. 21 nov. 1911, D. 1913, I,
249, note Sarrut; S. 1912, I, 73, note Lyon-Caen.
407 Cass. soc. 1er juin 2016, n° 14-19.702,
JCP 2016, p. 822, note Mouly ; RTD civ. 2016, p.
869, obs. Jourdain ;
Y. Saint-Jours, « De l’obligation
contractuelle de sécurité de résultat de l’employeur »,
D. 2007, 3024 ; P. Sargos, « Qui se souvient de Jean
Thommes ? »,
JCP 2015, 1303 (C. justice de
Luxembourg, 27 nov. 1884).
408 Cass. civ. 1re, 17 janv. 1995, D. 1995,
thèses, op. cit., p. 201.
350, note Jourdain.
402 Cass. soc. 11 janv. 2017, n° 15-15.819.
409 Cass. civ. 3e, 21 nov. 1990, Bull. civ.
III, n° 236.
114


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
le contrat de vente410. L’intensité de cette
obligation est discutée parce qu’elle
constitue parfois une obligation de sécurité
de résultat, parfois une obligation de sécurité
de moyen
411. Par conséquent, le contractant
débiteur de l’obligation de sécurité ne
s’exonère que s’il prouve l’existence d’un
cas de force majeure
412.
Ainsi, les suites que donne la notion
d’équité au contrat sont multiples. Cette
notion est prise en compte par le juge pour
imposer aux professionnels les obligations
d’information
413, de conseil414 ou de
surveillance
415 pour garantir la protection
des consommateurs
416. Le juge introduit, en
effet, une dose de justice contractuelle
417 à
travers la considération de l’équité
418. Il peut
ainsi équilibrer les droits et obligations des
parties en dépassant ou en contredisant la
volonté des parties
419.
50.- La restauration de l’équilibre du
contrat par la considération de l’équité est
assimilable à celle instrumentée par la bonne
foi
420. Celle-ci est un principe légitimant le
contrôle du juge
421. Il est ainsi en droit de
sanctionner la mauvaise foi de l’une partie
contractante, sans porter atteinte à
la
obligations
droits
substance
légalement convenues entre les parties
422. De
des
et
de
fonctions
complétives
renseignement
ce fait, le juge considère implicitement
l’équité et explicitement la bonne foi dans
leurs
dans
l’accomplissement de
sa mission de
le
contenu du contrat. Ces
compléter
instruments de complètement du contrat lui
permettent parfois de considérer
les
particularités propres au contrat pour
imposer à un contractant notamment
l’obligation
ou
l’obligation de coopération. Cependant,
juge pour
l’obligation dégagée par
compléter le contrat s’applique souvent de
façon abstraite dans la même méthode que la
loi
423. Les suites du contrat ont, au
demeurant, un caractère d’ordre public
puisque les obligations que le juge impose
aux parties trouvent leur siège dans la loi
elle-même et non dans la volonté des
parties
424. Celles-ci ne peuvent donc écarter
l’équité par voie contractuelle afin que
l’équilibre du contrat soit garanti
425.
le
Conclusion
51.- Le juge assure désormais la
police de l’équilibre du contrat à l’instar de
ce qu’il réalise pour la loi de l’Etat. Cette
intervention garantit une meilleure sécurité
juridique par rapport à celle flexible apportée
410 D. Veaux, P. Veaux-Fournerie,
L’obligation de sécurité dans la vente, Paris, Litec,
2022, 174 p.
411 A. Bénabent, Droit des obligations,
op. cit., p. 328.
412 Ibid.
413 M. Fabre-Magnan,
De l’obligation
d’information, LGDJ, 2014, 596 p.
414 Cass. civ. 1re, 8 nov. 1994, Bull. civ. I,
n° 319 ; J. Huet, « Le devoir de conseil du banquier »,
D. 2013, p. 2921.
415 L. Lafforgue, « La sécurité des biens
des clients d’un restaurateur », JCP 1993, I, p. 304.
416 Cass. civ. 3
e, 12 oct. 2017, n° 16-
23.982.
417 Cf, M. Bourassin, L’efficacité des
garanties personnelles,
préf. M.- N. Jobard-
Bachellier et V. Brémond, LGDJ, 2006, p. 60.
420 C. civ. fr., art. 1104 : « Les contrats
doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi
» ; D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité, fraternité : la
nouvelle devise contractuelle ? »,
L’avenir du droit,
Mélanges en hommage à François Terré, PUF, 1999,
p. 603 ; I. Y. Ndiaye, « Leçon inaugurale : le COCC,
cinquante ans après (Regard furtif) »,
loc. cit., pp. 31
et s.
421 Cass. com. 14 et 28 nov. 2018, n° 17-
16.153 et 17-18.609,
RTD civ. 2019, obs. H. Barbier ;
D. Mazeaud, « Que vont les règles jurisprudentielles
non codifiées devenir ? »,
Mél. Collart-Dutilleul,
Dalloz, 2017, pp. 529 et s.
422 Cass. civ. 3e, 9 déc. 2009, n° 04-
19.923 ;
Bull. civ. III, n° 275 ; D. 2010, p. 87, obs. Y.
Rouquet.
423 P. Ancel, Droit des obligations en 12
thèses, op. cit., p. 202.
418 Cf, Ch. Albigès, De l’équité en droit
424 C. civ. fr., art. 1194 ; A. Bénabent,
privé, Préf. R. Cabrillac, LGDJ, 2000, p. 8 et s.
Droit des obligations, op. cit., p. 256.
419 P. Ancel, Droit des obligations en 12
425 Cass. civ. 1re, 1er mars 1998, Bull. civ.
thèses, op. cit., p. 202.
I, n° 57.
115


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
à
éviter
chercheraient
par la volonté des parties426. L’établissement
ou la restauration de l’équilibre contractuel
par le juge responsabilise les parties parce
qu’elles
sa
correction
427. Elles
emploieraient une
meilleure technique de rédaction du contrat
pour que le contenu qu’elles déterminent ne
soit pas corrigible. La référence aux contrats
types
428, connus par le droit OHADA429,
pourrait limiter l’intervention du juge. Il se
profile ainsi une légistique du contrat sur le
modèle de la loi. L’art de contracter est
imposé par la loi et le juge. Le contrat n’est
plus forcément ce que veulent les parties. Il
peut être l’œuvre du législateur ou du juge.
Mais, l’ignorance de la loi est une réalité
africaine, même
si Nul n’est censé
l’ignorer
430. Les parties peuvent donc
recourir aux tiers pour confectionner des
contrats équilibrés
431, seuls valides432.
52.- En
cas de déséquilibre
contractuel, le juge supplée à la volonté des
parties
433. Son intervention est donc un
moyen de réaliser la justice commutative,
finalité du contrat, qui se place au-dessus des
intérêts des parties. La justice contractuelle
correction des
est obtenue par
déséquilibres significatifs,
l’imprévision,
des clauses abusives ou excessives
434. La
restauration de l’équilibre du contrat par le
la
juge visant le maintien du contrat, la nullité
et la résolution tendant à sa disparition
doivent être modestement utilisées pour
assurer au mieux la fonction de l’équilibre
contractuel
435. Cette restauration protège
indirectement
l’effectivité du droit des
contrats.
le
53.-
imprévisibles. Le
pouvoir
Cependant,
d’équilibrer ou de rééquilibrer le contrat par
le juge ne dépossède pas, en principe, les
parties du contrat. Elles ont la priorité de
renégocier leur contrat déséquilibré par des
circonstances
juge
n’intervient que subsidiairement en cas
d’échec ou de refus de renégociation du
contrat
436. Elles peuvent aussi prévoir des
clauses de renégociation du contrat en cas de
changement imprévisible des circonstances
pour éviter l’intervention du juge
437. Le juge
ne dispose pas d’un pouvoir d’intervention
d’office de révision. Ainsi,
l’équilibre
contractuel n’est ni totalement volontariste
ni totalement solidariste. La théorie de
l’autonomie de la volonté n’est pas morte,
parce que le
requiem en l’honneur de la
liberté contractuelle et de la force obligatoire
du contrat n’est pas encore entonné
438. Elle
n’est donc pas encore une théorie classique
du contrat
439, elle est une conception
contemporaine avec une analyse renouvelée,
426 C. Thibierge-Guelfucci, « Libres
propos sur la transformation du droit des contrats »,
loc. cit., pp. 357.
427 Cf, A. Bénabent, « L’équilibre
contractuel : une liberté contrôlée »,
LPA 6 mai 1998,
p. 14.
428 G. Chantepie, « De
la nature
contractuelle des contrats-types »,
RDC 2009, n° 3, p.
1233.
429 Cf, J. Issa-Sayegh, « Présentation de
générale de l’Acte uniforme sur le contrat de transport
de marchandises par route »,
www.ohada.com,
ohadata D-07-03, pp. 7 et s.
430 A. Akam Akam, « Libres propos sur
l’adage ″Nul n’est censé ignorer la loi″ »,
Droit
prospectif, Revue de la recherche juridique
, vol. 32,
n° 117, pp. 31-56.
431 M.-J. Loyer,
L’intermédiaire
contractuel
, Thèse Paris 2, 2006 ; A. Gougeon,
L’intervention du tiers à la formation du contrat,
Thèse Univ. Lille 2, 2016, pp. 18 et s.

432 Ph. Remy, « Droit des contrats :
questions, positions, propositions », in
Le droit
contemporain des contrats, Bilan et perspectives
, loc.
cit.,
p. 281, n° 37.
433 F. Jacomino, Le contrôle objectif de
l’équilibre contractuel. Entre droit commun des
contratset droit des pratiques restrictives de
concurrence
, Thèse Côte d’Azur, 2018, pp. 1 et s.
434 S. Pech-Le-Gac, La proportionnalité
en droit privé, op. cit., n° 1391.
435
L.
Fin-Langer,
L’équilibre
contractuel, op. cit., p. 329.
436 C. civ., art. 1195 ; Avant-projet
d’AUDGO, art. 161 et 162.
437 C.-E. Bucher, « Le traitement des
situations d’imprévision dans l’ordonnance : il
manque la notice »,
CCC, n° 5, mai 2016, dossier 6.
438 Cf, D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité,
fraternité… », loc. cit., p. 626.
439 F. Chénedé, « De l’autonomie de la
volonté à la justice commutative, Du mythe à la
réalité »,
loc. cit., p. 164.
116


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ONDZE S. Ann. Univ. M. NGOUABI, 2021; Edition spéciale
n’est
Cette
théorie
car la liberté contractuelle, l’effet relatif et la
force obligatoire du contrat n’ont pas
disparu.
pas
désagrégée
440, elle doit être conciliée avec
les principes du solidarisme contractuel, car
la liberté contractuelle et l’intervention du
juge sont toutes les deux, les moyens de
réaliser la justice contractuelle. Celle-ci
devenue une réalité à raison de cette
intervention du juge, il ne saurait plus
question de se demander si elle était un
mythe ou une réalité
441.
440 G. Morin, « La désagrégation de la
théorie contractuelle du Code »,
APD, 1940, pp. 7 et
s.
441 B.
justice
contractuelle : mythe ou réalité ? »,
Les Cahiers de
droit
1996, vol. 37, n° 1, p. 17.
Lefebvre,
« La
117



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