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Réflexions sur la pertinence du rejet de la théorie de l’universalisme du droit
des obligations
Patrice Samuel Aristide BADJI
Maître de conférences Agrégé des Facultés de droit, Université Cheikh Anta Diop/
Sénégal
Résumé
Saleilles, subjugué par la codification allemande, croyait en l’existence d’un droit
applicable partout, en tout temps et en tout lieu. Cette représentation est-elle une
réalité concernant le droit des obligations, épine dorsale du droit privé ? La position de
certains auteurs est claire : l’universalisme du droit des obligations est un mythe pour
au moins deux raisons : rupture du droit français d’avec le droit romain et existence
d’un lien entre régime politique et économique et régime juridique.
Cependant, le constat que l’on peut faire est que les arguments invoqués au soutien du
rejet de la théorie de l’universalisme du droit des obligations sont cantonnés ou peu
approfondis, pour une question aussi
importante. Notre étude se propose
modestement de dépasser cette posture.
En effet, de façon concrète, là où le système de la common law, en matière de faute est
basé sur la casuistique, tel n’est pas le cas en droit français où celle-ci est appréciée de
façon abstraite. Les exemples de la divergence entre ces deux systèmes peuvent être
multipliés à souhait : fondements des devoirs précontractuels, privilège de la méthode
objective d’interprétation du contrat, des dommages et intérêts punitifs, ignorance de
la minimisation du dommage, rejet de la clause pénale, de la possibilité pour le juge de
modifier le contrat devenu onéreux pour une partie au contrat.
Au-delà, relevons qu’avec l’ordonnance du 10 février 2016, on note une distanciation du
droit français, considéré jusqu’ici comme un modèle en matière législative, des pays
africains, anciennes colonies. Enfin, la difficile gestation d’un Code civil européen et
d’un Acte uniforme OHADA des contrats, conforte à suffisance les raisons du rejet de
la théorie de l’universalisme du droit des obligations.
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Mots-clés : universalisme-droit des obligations-système-contrat-responsabilité-code
civil-code civil européen-droit OHADA-effectivité-représentation
Introduction
1. Un droit applicable partout, en tout temps et en tout lieu. Ce propos, tenu par
Saleilles1 et justifié par diverses raisons2, ramené au droit des obligations, traduit
l’universalisme de cette discipline, perçue comme la colonne vertébrale du droit privé3.
Le droit des obligations a pour objet l’étude des règles juridiques qui gouvernent les
rapports d’obligations naissant entre les hommes dans la société4. Son importance
n’est plus à démontrer d’autant qu’il met en jeu des concepts fondamentaux de la
sciencejuridique (obligation, contrat, responsabilité) et permet de comprendre de
nombreuses autres branches du droit, telles que le droit commercial, de la
consommation, du travail ou des assurances5. S’il faut saluer le mérite de Monsieur
BONY relativement à toute tentative de définition, car beaucoup d’ouvrages consacrés
à cette discipline ne s’en ont pas préoccupé6, ainsi que celui de PORCHY-SYMON, il
n’en demeure pas moins que l’importance de cette matière ne doit pas justifier tous les
excès en cherchant par exemple à inclure le droit des sûretés dans le droit des
obligations7. En effet, il ne fait l’ombre d’aucun doute que dans certains pays, le droit
des sûretés est partie intégrante du droit civil8. Cependant, il serait hasardeux d’en
1 SALEILLES, Etude sur la théorie générale de l’obligation d’après le premier projet de Code civil pour l’Empire
allemand
, 3e éd.1925, n°1, p.1. Selon SALEILLES, « dans toute œuvre législative, la matière des obligations
constitue une partie presque essentiellement théorique et abstraite…Elle tend à se présenter dans les
législations modernes comme l’expression idéale de la logique juridique ». Par contre, des auteurs réfutant
cette thèse se sont demandés pourquoi il n’y aurait pas une sorte de mathématique universelle du droit des
obligations. V. MALINVAUD Philippe et
alii, Droit des obligations, 15e édition, 2019, p.20
2 Elles sont au nombre de trois : la raison peut tout résoudre, l’existence du culte du scientisme et l’exaltation
de la codification allemande par Saleilles. FLOUR Jacques, AUBERT Jean-Luc, Droit civil, Les obligations, 1. L’acte
juridique
, ARMAND COLIN, 7e édition, p.37.
3 FAGES Bertrand, Droit des obligations, LGDJ, 2016, p.29, n°29
4 BONY Roger Serge, Droit des obligations, Les éditions ABC, 6e édition, 2017, p.53.
5 PORCHY-SIMON Stéphanie, Droit civil, les obligations, 2e année, Dalloz, 2012, n°1
6 V. (Dir) LE TOURNEAU Philippe, Droit de la responsabilité et des contrats, régimes d’indemnisation, Dalloz
Action 2018-2019, 2702 pages.
7 Voici ce qu’a écrit Monsieur BONY Roger Serge : « C’est une discipline vaste. Pour une juste appréhension de
sa complexité, son étude devrait aborder non seulement les règles communes à toute obligation, mais aussi le
droit des contrats spéciaux (c’est-à-dire les règles propres à chaque type de contrat), et le droit des sûretés (les
garanties offertes au créancier pour le recouvrement de sa créance) » ; (BONY Roger Serge, op.cit., p.53)
8 SERIAUX Alain, « Droit civil », in Dictionnaire de la culture juridique, Lamy, 2003, pp.435-439. Il est curieux de
remarquer que pour l’auteur le droit des personnes et de la famille, droit des biens, des obligations, des
régimes matrimoniaux, des successions et libéralités sont des points principaux d’un programme d’étude étalé


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faire un élément du droitdes obligations pour des raisons de renvoi9 et d’autonomie du
droit des sûretés10. Les sûretés sont des institutions qui rendent sûr le rapport
d’obligation11 ; elles garantissent l’exécution future d’une obligation ; elles sont
indissociables de l’obligation de somme d’argent à terme12. Suivant la délimitation
proposée par Emmanuel JEULAND, nous pouvons affirmer que le droit des sûretés est
non seulement complémentaire du droit des obligations, mais également se détache de
celui-ci13. Le droit des obligations comprend les obligations contractuelles, quasi
contractuelles, extracontractuelles, droit commun ou régimes spéciaux14. Il constitue le
droit commun15. Le propos de Bertrand FAGES est éloquent : « l’obligation constitue le
fondement juridique de tous les rapports d’ordre pécuniaire, pour ne pas dire
économique, pouvant s’établir entre toutes les personnes, physiques ou morales. La
branche du droit qui s’intéresse à ces obligations a donc, ne serait-ce que
sur quatre ans d’étude. Où donc est passé le droit des sûretés ? L’auteur le considère-t-il comme faisant partie
du droit des obligations ? Aurait-il opté pour la conception du droit des obligations au XIXe siècle en vertu de
laquelle le droit des obligations se confond avec le droit civil ? Rien ne permet de le dire avec précision.
D’ailleurs, si la théorie générale du droit des obligations se trouve au Titre III du livre III du code civil, le droit
des sûretés est logé au livre IV du code précité. Sur la définition de la théorie générale des obligations, V.
MALAURIE Philippe et
alii, op.cit., p.17, n°9, PORCHY-SIMON Stéphanie, op.cit., n°2 ; SAVAUX Eric, « La notion
de théorie générale, son application en droit des contrats. Théorie générale du contrat et théorie générale des
contrats spéciaux », LPA 2012, n°238, p.4
9 En droit sénégalais, l’article 200 Code des obligations civiles et commerciales (COCC) consacre le droit de gage
général et permet au créancier de conforter celui-ci par le recours aux sûretés conventionnelles ou légales.
L’article précité rappelle la fameuse distinction entre les garanties et les sûretés.
10 Au Sénégal, le droit des sûretés était régi par la loi n°76-60 du 12 juin 1976 représentant la troisième partie
du COCC, là où la partie générale et spéciale dudit code relevaient respectivement de la loi n° 63-62 du 10
Juillet 1963 et loi n° 66-70 du 13 Juillet 1966. Au même titre que le Code des obligations de l’administration, les
deux derniers textes précités sont entrés en vigueur en 1967.
11 Si le droit français, dans l’ordonnance du 10 février 2016 s’intéresse aux sources de l’obligation, il ne précise
pas les contours de ce concept. Son homologue sénégalais s’est néanmoins détaché depuis 1963 de cette
démarche en définissant à l’article 1
er COCC l’obligation comme ce qui lie un débiteur à son créancier en
donnant à celui-ci le droit d’exiger une prestation ou une abstention. Sur l’absence de définition de l’obligation
en droit français, V. LECOURT Arnaud, Fiches de droit des obligations, Ellipses, 5e édition, 2016, p.6 ; ROUVIERE
Frédéric, « L'obligation comme garantie », RTD civ. 2011. 1 ; JEULAND Emmanuel, « L'énigme du lien de droit »,
RTD civ. 2003. 455

12 AYNES Laurent, CROCQ Pierre, Les sûretés, la publicité foncière, L.G.D.J, 8e édition, 2014, p.1, n°1
13 L’existence d’un Acte uniforme portant organisation des sûretés confirme cette autonomie. Emmanuel
JEULAND ayant à cœur de délimiter le droit des obligations considère certaines matières comme écartées de
cette discipline, complémentaires et autonomes de celui-ci.
14BALAT Nicolas, « Le cumul d’actions en droit des obligations », Recueil Dalloz, 2020, p.1819, n°1. Les régimes
spéciaux de responsabilité en France résultent de la directive du 25 juillet 1985 (responsabilité du fait des
produits défectueux) et de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes
d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.
15 Le droit commun se distingue de la théorie générale des contrats. Le droit commun a pu être défini comme
l’ensemble des règles auxquelles on doit se référer lorsque la loi n’en a pas édicté de spécifique à telle ou telle
situation. V. MALINVAUD Philippe et
alii, Droit des obligations, op.cit., pp.19-20


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quantitativement, une importance pratique considérable : dans la vie courante comme
dans le monde des affaires, il n’est pas un contrat ou une action en responsabilité qui
ne puisse s’affranchir totalement de ses règles. Ce caractère incontournable explique la
vocation du droit des obligations à constituer, sinon un droit universel applicable
partout et en tout temps, du moins un véritable droit commun servant d’armature, de
colonne vertébrale à l’ensemble du droit privé »16.
Dire du droit des obligations qu’il constitue le droit commun, c’est-à-dire celui auquel
on fait appel lorsque l’on a plus de solution spécifique17, est une antienne connue de
tous. Mais cette qualité de droit commun dévolue varie selon que l’on est en matière
contractuelle ou de responsabilité. En outre, l’expression « droit commun » n’est pas
ignorée même dans le code des obligations civiles et commerciales notamment en
matière de preuve18, de dation en paiement19. Le droit communautaire n’est pas en
reste. Ainsi, la vente commerciale est soumise aux règles du droit commun des
contrats et ce faisant peut être résiliée conformément à celui-ci20.
2. Il peut paraître surprenant, au regard de la connotation religieuse du concept
d’universalisme21 de vouloir le coupler au droit des obligations, discipline abstraite,
coupé de toute transcendance22 ou en considération du fait que l’universalisme est
16 FAGES Bertrand, Droit des obligations, op.cit., p.29, n°9
17 JEULAND Emmanuel, op.cit., p.54
18 Article 179 COCC. Le législateur sénégalais précise que la preuve du paiement obéit aux règles du droit
commun de la preuve, sauf dispositions contraires de la loi. Voir également les articles 213, 222 du même code.
19 Dans l’espace OHADA, la Cour commune de Justice et d’arbitrage ( CCJA, 1ère Ch.
Arrêt N
o 41/2018 DU 22 Février 2018) ainsi que le Tribunal de commerce de Lomé ( Tribunal de Commerce de
Lomé, Jugement No 135/2020 DU 02 Mars 2020 ) ont décidé que la dation en paiement n’est pas une sûreté
consacrée par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés. Cette position de la CCJA peut se justifier par le
numerus clausus instauré par l’article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) qui dispose
que : « sauf disposition contraire du présent Acte uniforme, les seules sûretés réelles valablement constituées
sont celles qui sont régies par cet Acte. Elles consistent soit dans le droit du créancier de se faire payer par
préférence sur le prix de réalisation d’un bien affecté à la garantie de l’obligation de son débiteur, soit dans le
droit de recouvrer la libre disposition d’un bien dont il est propriétaire à titre de garantie de cette obligation ».
On voit que la dation en paiement ne rentre pas dans la catégorie des sûretés réelles précitées.
20 Article 167 de l’Acte uniforme portant sur droit commercial général (AUDCG).
21 C’est une doctrine ou croyance suivant laquelle tous les hommes sont destinés finalement au salut, V.
LALANDE André,
Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, 3e édition, 2010, p. Précisons en
outre que le droit romain et canoniste étaient universels grâce aux diverses conquêtes et à l’imposition du latin
comme langage commun.
22 Pourtant Bigot de Préameneu qualifiait le code civil de 1804 d’ « espèce d’arche sainte » entourée d’un
« respect religieux». V. HALPERIN Jean-Louis,
Le Code civil, Dalloz, 1996, p.91

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souvent l’objet d’étude des publicistes23, mais aussi des différentes conceptions du
contrat24. La diversité, voire le particularisme des peuples à travers le monde et même
dans le même continent devrait pousser à prendre du recul par rapport à toute thèse
universaliste25. De même, le continent africain même dans cette ère contemporaine
demeure fortement arrimé à un idéal moral, éthique, spirituel26. C’est dire que la
théorie de l’universalisme interroge la nature du Droit qui est un système organisé de
valeurs, de principes, d’instruments techniques… qu’expriment des règles précises27,
voire son particularisme vis-à-vis par exemple de la loi scientifique qui exprime la
constante et nécessaire succession de certains phénomènes28, la pertinence de
l’hétérogénéité des ordres juridiques, selon les époques et selon les pays29 notamment
à l’heure de la mondialisation où les systèmes juridiques sont certes diversifiés, mais
imbriqués d’autant qu’ils produisent « en réseau », une floraison de normes30,
s’éloignant ainsi de la conception pyramidale du Droit théorisée par KELSEN.
3.Pourtant, l’universalité est d’abord un objet de réflexion théorique qui suscite
l’intérêt des philosophes comme des scientifiques, des anthropologues et des linguistes
comme des politistes ou des juristes31. Elle a des implications juridiques32. C’est dire
toute l’importance de l’étude. Dans le cadre de cette réflexion, les concepts
d’« universalisme », « universel», « universalisation » et « universalité » sont pris pour
synonymes. En effet, universalisme et universaliste n’ont pas seulement la signification
23 V. Article de DIALLO YAYA, « L’articulation entre l’universalisme et régionalisation en matière de paix et
sécurité : l’exemple de l’ONU et de l’Union africaine », Annales Africaines, numéro spécial 2014, pp.95-248
24 Nous opposons la conception individualiste, libérale du contrat à celle socialiste
25 Selon Roger DECOTTIGNIES : « allant au-delà du droit civil, le nouveau Code s’efforce, d’autre part, de donner
au droit des obligations une unité qu’il n’a pas dans le système français » ; DECOTTIGNIES Roger, « Réflexions
sur le projet de code sénégalais des obligations »,
in Développement économique et évolution juridique,
Annales africaines, 1962, n°1, Colloque des facultés de droit de mai 1962, p.173. Sur les limites de cette unité,
V. RIVES Georges, « Théorie générale des obligations en droit sénégalais », RSD, 1971, n°10, p.6. En effet, il
existe des règles propres aux obligations commerciales telles que la liberté de la preuve, la solidarité passive
présumée, la prescription plus courte, la tradition, l’endossement etc…
26 DIOUF Abdoul Aziz, « La peine privée en droit sénégalais de la responsabilité civile extracontractuelle », in
Code des obligations civiles et commerciales, cinquante ans après, 2018, Vol 2, p.269
27 BERGEL Jean-Louis, Théorie générale du droit, Dalloz, 2003, 4e édition, p.9
28 BERGEL Jean-Louis, op.cit., p.20
29 BERGEL Jean-Louis, op.cit., p.19, n°13
30 OST François, VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Ed.
F.U.S.L., Bruxelles, 2002, p.99 et s cité par BELGEL Jean-Louis
, op.cit., p.95, n°70-1
31 LOCHAK Danièle, Le droit et les paradoxes de l’universalité, PUF, 2010, collection « les voies du droit », p.9
32 Il faut dire que le mot « universel » traverse le droit (légataire universel, compétence universelle, suffrage
universel, service universel). Au-delà, l’universalité s’apprécie à travers l’abstraction, la généralité et
l’impersonnalité de la règle de droit.

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religieuse définie ci-dessus, mais une signification philosophique aujourd’hui bien plus
usitée que la précédente33. (…) En ce sens, universalisme se dit de toute doctrine qui
considère la réalité comme un tout unique, ce qui revient à dire universel, dans lequel
les individus ne peuvent être isolés, si ce n’est par abstraction34. Un droit universel est
un droit applicable partout et en tout temps35. L’universalisme est l’opposé du
particularisme, de l’individualisme ou encore de l’atomisme, qui considèrent l’Univers
comme une simple somme d’individus
isolés, et n’ayant point de relations
substantielles entre eux (c’est-à-dire indépendants)36. Sous ce regard, le droit des
obligations serait un droit qui ignore le temps, l’espace ainsi que la différence entre les
hommes. On dit bien que l’universalisation est l’affirmation de l’indépendance du fait
par rapport au temps et à l’espace37. L’universalisme interroge la pertinence de
l’existence d’un droit africain par exemple, voire des sources du droit38 et plus
spécifiquement du particularisme du droit des obligations. Ainsi, pour mieux
appréhender la réflexion, il ne serait pas inutile de s’interroger sur les fondements
juridiques qui militent en faveur de la caution scientifique que l’on pourrait accorder
au rejet de la théorie de l’universalisme du droit des obligations.
4.Le sujet a des relents historiques qui se couplent aisément avec ceux idéologiques. En
effet, quand Napoléon a semblé réussir dans sa conquête de l’Europe, certains juristes
étrangers ont soutenu que le droit français allait devenir le droit commun européen39.
De même, non seulement l’article 1er de l’avant-projet du Code civil rédigé en l’an VIII
avait un contenu évocateur40, mais également le code civil avait été introduit dans les
33 LALANDE André, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, op.cit., p. 1168
34 LALANDE André, Ibid.
35 FAGES Bertrand, Op.cit., p.29, n°29
36 LALANDE André, op.cit., p.1168
37 Selon André LALANDE, l’universalisation est le passage du particulier ou de l’individuel à l’universel. LALANDE
André,
op.cit.,p.1168
38 Selon le Vocabulaire juridique henry Capitant, appliquée au droit, l’idée de « source » désigne les forces d’où
surgit le Droit (objectif) ; ce qui l’engendre V. DEUMIER Pascal, REVET Thierry, « Sources du droit
(Problématique générale) »,
in Dictionnaire de la culture juridique, p.1431
39 ROULAND Norbert, op.cit., p.4. V. HALPERIN Jean-Louis, Le Code civil, Dalloz, 1996, p.134. Selon cet
auteur, : « Convaincu que le Code civil (sans être une loi « parfaite ») était le « code du siècle », Napoléon 1
er a
souhaité que son application soit la plus large possible. Non seulement il a été étendu aux territoires annexés
au Grand Empire, mais il a fait l’objet de pressions insistantes sur les Etats vassaux ou alliés de la France pour
qu’il devienne-selon l’expression de Bigot de Préameneu en 1807-le « droit commun de l’Europe ».
40 Selon cette disposition : « il existe un droit universel et immuable, source de toutes les législations positives,
il n’est que la raison naturelle en tant qu’elle gouverne les hommes ». Voir BERGEL Jean-Louis,
Théorie générale
du droit
, Dalloz, 3e édition, 1999, p.21

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colonies41. Ce qui permet de s’interroger sur son passé, son présent et son avenir en
Afrique et partant, sur le degré de résistance des coutumes ancestrales à l’assimilation
juridique durant la période coloniale42 et peut-être même après les indépendances43
surtout lorsque l’on sait que beaucoup d’anciennes colonies, à l’image du Sénégal
n’avait, sur le plan juridique, rompu ni avec la tradition française, ni avec le droit
français44. L’effectivité45 ainsi que la représentation du droit ne sauront guère
épargnées.
5. Parmi les tenants de l’existence du droit africain, figurent le juge Kéba MBAYE et
Bruno AHONLONSOU. Pour Bruno AHONLONSOU, les peuples d’Afrique noire ont
élaboré des normes juridiques qui, malgré leur oralité, constituent des systèmes
cohérents et originaux46…Les travaux de Stanislas MELONE méritent également d’être
cités puisque c’est lui qui s’est spécifiquement intéressé aux résistances du droit
traditionnel au droit moderne des obligations47. Selon cet auteur, le triomphe du droit
moderne sur le droit traditionnel était plus apparent que réel48. De même, la
modernisation du droit ne signifie pas nécessairement transposition plus ou moins
41 La colonie est l’établissement d’une nation, à la suite d’une conquête d’un sol réputé étranger, donc
radicalement autre et à la population duquel on impose son propre mode d’organisation selon des modalités
qui vont du transfert mimétique total à des adaptations partielles de la législation métropolitaine à la situation
locale. V. LE ROY Etienne, « Colonies »,
in Dictionnaire de la culture juridique, Lamy, 2003, p.231
42 V. NDOYE Doudou, « Droit des peuples et codification, quelques exemples au Sénégal », RJPIC, n°3 et 4,
p.441. S’il est vrai que l’auteur précise que les coutumes ancestrales du Sénégal ont résisté à la politique
assimilationniste du colonisateur, il n’occulte pas le fait que l’écrit l’a emporté sur l’engagement verbal ou que
la preuve préétablie prend le pas sur la preuve fondée sur l’appartenance à la communauté.
43 Julien de la Morandière écrivait ceci : « c’est à l’unification de son droit que vise avant tout le législateur
sénégalais. Il considère que l’unité du droit est indispensable pour la nation car aucun état ne saurait
aujourd’hui accéder au rang de grande puissance moderne en prétendant conserver un régime juridique aussi
cahotique que celui que constituent les régimes coutumiers africains quels qu’ils soient. Un tel régime par son
imprécision et son inconsistance paralyse tout développement commercial ou industriel ». CHABAS DE LA
MORANDIERE Julien, « Réflexions sur l’évolution du droit sénégalais », in Mélanges Julien de la MORANDIERE,
1964, p.141. Ce préjugé défavorable vis-à-vis de la coutume a conduit à la suppression des contrats coutumiers
au profit des contrats que l’on peut qualifier de modernes.
44 CHABAS Jean, op.cit., p.143
45 Comme l’écrivait Jacques COMMAILLE, rien n’est plus au cœur des relations entre droit et société que la
question de l’effectivité. COMMAILLE Jacques, « Effectivité »,
in Dictionnaire de la culture juridique, p.583. Pour
Pierre LASCOUMES, l’effectivité c’est le degré de réalisation, dans les pratiques sociales, des règles énoncées
par le droit. LASCOUMES Pierre, « Effectivité »,
in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du
droit, LGDJ, 1993, p.217.
46 AHONLONSOU Bruno, « La responsabilité des chefs de groupements coutumiers », Revue juridique et
politique indépendance et coopération, 1973, n°4, p.611. Pour rappel, la cohérence est une caractéristique de
tout système juridique.
47 MELONE Stanislas, « Les résistances du droit traditionnel au droit moderne des obligations », Revue
sénégalaise de droit, 1977, n°21, p.46
48 MELONE Stanislas, op.cit., p.46, n°4

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savante du droit de l’Europe Occidentale ou Orientale d’une part, d’autre part, qu’il y a
dans le droit traditionnel des règles actuellement fonctionnelles. Ce qui montre bien
l’ampleur du débat49.
Ses travaux ont certainement convaincu une doctrine plus récente en vertu de laquelle,
le droit traditionnel des obligations est constitué de coutumes et d’usages d’origine ou
de sources majoritairement locales non sans théoriser le concept de règles juridiques
fondamentalement africaines ou négro-africaines en matière d’obligation50.
6. Mener une réflexion profonde sur le rejet de la théorie de l’universalisme du droit
des obligations s’est enfin révélé intéressant car non seulement peu d’auteurs
abordent la question dans leurs écrits, mais également les quelques-uns qui s’y
attardent ne l’abordent par moment partiellement51, pour ne pas parler d’effet
d’annonce, là où l’étude approfondie des différents systèmes juridiques devraient être
de mise52. La dernière catégorie d’auteurs a pour nom Philippe Malinvaud53, Jacques
Flour et Jean-Luc Aubert54. En effet, pour rejeter la théorie de l’universalisme, les
auteurs précités se fondent sur le caractère évolutif du droit des obligations et sur les
divergences entre systèmes juridiques suscités par les différences de régimes
politiques. Ainsi on ne peut s’empêcher de relever la contradiction suivante : étant
donné que le système français, allemand et anglo-américain a pour fondement le
49 MELONE Stanislas, « Les résistances du droit traditionnel au droit moderne des obligations », Revue
sénégalaise de droit, 1977, n°21, p.49, n°26.
50 NKOH Bilong Francis Riche, « La place des règles juridiques fondamentalement africaines en matière
d’obligation dans les systèmes juridiques d’Afrique subsaharienne »,
in Code des obligations civiles et
commerciales (C.O.CC) : cinquante après, L’harmattan Sénégal, 2018, Volume 1, p.78.
51 Les fondements du rejet de la théorie de l’universalisme du droit des obligations tenant à la distanciation
entre le droit français et les droits africains ont été occultés, les auteurs se contentant d’axer leurs études sur le
système occidental ou anglo-américain. Il se pose donc la question de savoir si le droit français demeure
toujours le modèle des droits africains. Partant de la définition que Pierre-Yves VERKINDT ( Le contrat de
travail. Modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats,
in La nouvelle crise du contrat, DALLOZ, 2001, p.199)
donne du modèle à savoir ce que je dois reproduire ou ce que de fait je reproduis, on peut douter de la
pertinence d’une réponse affirmative. En effet, il n’est pas certain que les droits africains, s’ils venaient à
évoluer, reproduisent à l’identique le contenu des textes de l’ordonnance du 10 février 2016.
52 Selon Philippe Malinvaud et autres, il suffit d’aborder les droits anglo-saxons pour s’apercevoir qu’ils
obéissent à des logiques différentes. Pourtant, ils n’entrent pas dans les détails pour expliquer en quoi consiste
cette différence. MALINVAUD Philippe, MEKKI Mustapha, SEUBE Jean-Baptiste,
Droit des obligations,
LexisNexis, 15
e édition, 2019, p.21, n°34
53 MALINVAUD Philippe, MEKKI Mustapha, SEUBE Jean-baptiste, Droit des obligations, LexisNexis, 15e édition,
2019, pp.20-21.
54 FLOUR Jacques, AUBERT Jean-Luc, Droit civil, Les obligations, 1. L’acte juridique, 7e édition, ARMAN COLIN,
op.cit., pp.37-39. Ces auteurs réfutent la thèse de l’universalisme du droit des obligations en se basant sur les
arguments suivants : rupture entre droit romain et français, existence de liens entre le régime politique et celui
juridique.

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libéralisme, ils devraient avoir les mêmes règles. Il demeure donc important de
contribuer modestement à son approfondissement en convoquant très souvent le
droit comparé, discipline intellectuelle qui permet au juriste d’élargir son champ de
recherche55 et d’approfondir la connaissance des fondements de son propre système
juridique et certainement de démontrer le pourquoi ou les raisons avancées pour
rejeter cette théorie et dans la mesure du possible, de les relativiser ; entreprise qui ne
sera guère aisée car de toute évidence, les systèmes juridiques sont différents, même si
par moment on peut relever des éléments de rapprochements, voire d’influence
unilatérale ou d’enrichissements mutuels. Personne n’oserait en effet nier que l’étude
du droit français des obligations montre qu’il a un fonds immuable puisé dans le droit
romain56. Or, tous les systèmes juridiques n’ont pas les fondements précités. Dans le
langage courant, le terme « système » désigne une technique, une méthode permettant
d’atteindre un certain résultat57. Selon Jean Carbonnier, si l’expression du système
juridique devait être un simple synonyme pour droit objectif ou droit positif, son
intérêt serait médiocre. Il faut, poursuit-il, avoir égard à l’idée qu’elle recouvre, qui est
une idée importante : savoir qu’un droit est un ensemble, que ses éléments … loin
d’être rassemblés fortuitement, sont liés entre eux par des rapports nécessaires58. René
David a eu recours au concept de système pour étudier les grandes familles des droits
nationaux contemporains59. Ainsi, selon lui, chaque droit constitue de fait un système :
55 Le droit comparé met en évidence la diversité des organisations juridiques actuelles, les confronte, dégage
les convergences et permet d’améliorer les lois nationales à travers les exemples puisés dans les droits
étrangers. V. BERGEL Jean Louis,
Théorie générale du droit, op.cit., p.135.
56 JEULAND Emmanuel, op.cit., p.56 ; Adde REMY Philippe citant Gérard CORNU (Regards sur le Titre III du livre
III du Code civil, Cours DEA Paris II, Les cours du droit, 1976-1977) selon qui : « pour les pères fondateurs du
code, ces règles générales étaient puisées dans le « dépôt des lois romaines », raison éternelle écrite pour tous,
du fond des siècles et jusqu’à leur fin » (p.274) ; REMY Philippe, « Droit des contrats : questions, positions,
propositions »,
in Le droit contemporain des contrats, Economica, 1987, p.274, n°11. C’est pourquoi Rodolfo
Sacco a écrit que parfois, l’admiration, pour le droit romain amène les juristes à surestimer la perfection de ses
solutions et pourtant, le plus grand mérite des Romains ne réside pas dans les solutions juridiques qu’ils ont
élaborés, mais dans l’édification d’un appareil conceptuel, c’est-à-dire d’une science, d’un vocabulaire, d’un
système d’argumentations juridiques qui peut être passé au crible de la critique, le tout étant confié à des
spécialistes disposés à exercer une profession juridique et à transmettre par le biais de l’enseignement leur
propre savoir. SACCO Rodolpho,
Antropologie juridique-Apport à une macro-histoire du droit, Dalloz, Paris,
2008, p.74 cité par NGANDO Blaise Alfred, « La pensée juridique en Afrique : esquisse d’une histoire de l’Egypte
antique à l’Etat contemporain »,
in Mélanges en l’honneur de Bernard Durand, L’Harmattan Sénégal, 2020,
p.135
57 ORIANNE Paul, Introduction au système juridique, Bruylant, Bruxelles, 1982, p.24.
58 CARBONNIER Jean, Sociologie juridique, Colin, Paris, 1972, p.141. A la page suivante, l’auteur précise que le
système juridique est le champ, à la fois spatial et temporel où se produisent les phénomènes du droit.
59 ORIANNE Paul, op.cit., p.28

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il emploie un certain vocabulaire, correspondant à certains concepts ; il groupe les
règles dans certaines catégories ; il comporte l’emploi de certaines techniques pour
formuler les règles et certaines méthodes pour les interpréter ; il est lié à une certaine
conception de l’ordre social, qui détermine le mode d’application et la fonction même
du droit60. Cependant, Raymond LEGEAIS dissocie système de droit et droit étatique
lorsqu’il écrit ceci : « l’expression de « système » juridique est retenue par la plupart
des auteurs pour désigner « un ensemble » juridique, regroupant des règles assurant la
solution des problèmes que peut connaître une société. Un système juridique c’est le
plus souvent le droit qui s’applique dans un Etat déterminé. Mais la notion de système
de droit et la notion de droit étatique ne sont pas identiques, puisque, dans un Etat,
plusieurs systèmes de droit peuvent coexister, tandis qu’un système de droit peut
s’appliquer dans différents Etats »61. C’est dire donc que les critères de divergence des
systèmes juridiques que sont l’autonomie par rapport à la religion et à la morale d’une
part et les sources de production et modes de réalisation d’autre part semblent
difficilement ébranlables car inscrits en lettres d’or sur du marbre62. Et cela, même les
codifications privées en droit des obligations que certains n’hésitent pas à qualifier de
mondialisation du droit des obligations63ne peuvent l’effacer. La présente étude sera
l’occasion d’éprouver la teneur des velléités unificatrices du droit des obligations ainsi
que la position par moment paradoxale64 des adeptes du chauvinisme juridique65 . Il
faut souligner que si la thèse de l’universalisme du droit des obligations n’a pas
prospéré, c’est en raison d’une part des profondes divergences entre le système de la
common law et de la civil law (I), mais également de la faible circulation des modèles
juridiques (II) d’autre part. Dans ce deuxième fondement du rejet de la théorie, objet
de notre étude, la symbiose réelle ou supposée entre les droits européens ainsi qu’entre
le système français et celui des anciennes colonies sera mise en lumière.
60 DAVID René, Les grands systèmes de droit contemporains, Dalloz, 6e édition, 1974, p.21
61 LEGEAIS Raymond, Grands systèmes de droit contemporains, approche comparative, LITEC, 2004, p.1, n°2.
62 La première cause de divergence met en évidence l’opposition droits laïcs et droits religieux lato sensu ; là où
la seconde cause de divergence permet de savoir qui du législateur, du juge, des praticiens et autres juristes
sont à l’origine de la règle de droit, comment celle-ci est mise en œuvre.
63 JEULAND Emmanuel, op.cit.,
64 E. SAVARESSE a écrit que : « le colonial supprime par l’imagination l’extraordinaire contradiction entre ses
propres désirs d’altérité et des politiques coloniales assimilationnistes dont l’ambition fut de réduire l’autre au
même ». SAVARESSE cité par LEROY Etienne, « Les colonies »,
in Dictionnaire de la culture juridique, p.236
65 Même s’il n’était pas juriste, Napoléon, justifiait ses conquêtes par l’idéologie de la Grande Nation.

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I-Un rejet justifié par de profondes divergences entre les deux grands systèmes
juridiques
7. Au plan général, à l’échelle « macro-juridique », la disparité des systèmes juridiques
impose de situer le droit dans l’espace et de résoudre les problèmes liés à la
confrontation des différents systèmes juridiques66. En effet, la multiplicité et la
diversité des ordres juridiques est une évidence liée à l’hétérogénéité des sociétés
humaines que le droit a pour fonction d’ordonner67. Ainsi, dans le temps et dans
l’espace, les sources du droit manifestent une indéniable variété. Comment en irait-il
autrement alors que les systèmes juridiques divergent tant dans leurs conceptions de
l’origine que de la fonction du droit ?68 Les systèmes juridiques dont on parle ici sont
celui de la civil law et celui de la common law69, même si cette dichotomie n’est plus
admise par certains au profit du monde juridique transnational70 et que d’autres
systèmes aurait pu être étudié tel que le système musulman, asiatique et soviétique71.
Pour le premier système, l’accent sera mis sur le droit français, alors que le second
système est composé du droit anglais et américain. Les divergences entre les deux
systèmes juridiques cités s’apprécient tant en ce qui concerne la responsabilité civile
(A) qu’en matière contractuelle (B).
66 BERGEL Jean-Louis, Théorie générale du droit, Dalloz, 3e édition, 1999, p.133, n°123.
67 BERGEL Jean-Louis, Ibid.
68 DEUMIER Pascale, REVET Thierry, « Sources du droit (Problématique générale) », in Dictionnaire de la culture
juridique, pp.1431-1432
69 Il est difficile de cerner et de percer la notion de common law qui peut être définie comme l’ensemble du
système juridique né en Angleterre et qui s’y applique et qui s’est répandu dans une grande partie du monde.
L’une des caractéristiques de la
common law demeure l’élaboration de ce droit par les juges appliquant non un
code mais des précédents. Sur ce point, la
common law se distingue de la civil law, système juridique inspiré
par le droit romain et donc codifié. V. Pour toutes ces précisions, PICARD Etienne, « Common law », in
Dictionnaire de la culture juridique, pp.238-245. Selon Peter ROSHER, la common law c’est l’ensemble des
règles qui constituent la base des systèmes juridiques anglais, gallois, américain et autres pays du
commonwealth ; ROSHER Peter, « Les particularités de la
common law dans l’arbitrage international »,
Horizons du droit-Bulletin n°27, 2021, p.31
70 Selon Peter ROSHER , nous ne vivons plus dans un monde segmenté entre Common law et droit civil, mais
bien dans un monde juridique transnational ; ROSHER Peter, « Les particularités de la
common law dans
l’arbitrage international », Horizons du droit-Bulletin n°27, 2021, p.32. Comme on peut le constater, dans le
cadre de cette réflexion, nous continuerons à user de cette dichotomie en raison de la survivance de la théorie
de René David, principal chantre de cette distinction et des nombreuses études qui continuent à se référer à
celle-ci. L’opinion de Peter ROSHER est isolée voire contradictoire au regard de l’intitulé de son article.
71 Le choix porté sur le droit français se justifie par l’habitude que l’on a à manier ses concepts d’une part, par
le fait que le droit musulman mêle les règles religieuse, morale, positive, que les pays dits socialistes sont la
plupart de tradition romaniste. Ce faisant, leur différence avec le droit français n’est pas aussi absolue. V.
BERGEL Jean-Louis,
Théorie générale du droit, op.cit., spéc., p.67.


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A-Des divergences en matière de responsabilité civile
8. Ce qui éloigne le droit français du droit de la common law est plus important que ce
qui l’en rapproche72. C’est ainsi que des divergences existent au niveau des conditions
d’ouverture de la responsabilité (1) et des sanctions (2).
1.Des divergences perceptibles au niveau des conditions de responsabilité
9. Il s’agit du fait dommageable , du dommage et du lien de causalité entre les deux.
Mais nous n’examinerons que les deux premiers éléments cités. En effet, si la
prépondérance historique de la faute au sein de la responsabilité constitue un facteur
de rapprochement entre le système français et celui de la common law73, il n’en
demeure pas moins vrai que deux modèles peuvent être distingués : celui basé sur la
généralité, l’abstraction d’une part, et celui qui met en évidence les intérêts et droits
susceptibles d’engager la responsabilité de l’auteur du dommage d’autre part74 (a). En
outre, le dommage a une place de choix en droit français contrairement aux pays de la
common law (b).
a-La faute, fait dommageable diversement apprécié : l’abstraction opposée à la
casuistique
10. En droit français, le dommage ainsi que la faute, conditions de responsabilité sur
laquelle l’accent sera mis75, sont appréhendés de façon abstraite76. Il s’agit là d’une de
72 Sur les éléments de rapprochement en matière contractuelle, V. GIORDANO Claire, « L’influence réciproque
entre le droit français et le droit anglais. L’exemple des contrats de partenariat public-privé, Horizons du droit,
Bulletin n°27, 2021, p. 200. Voici comment s’est exprimé l’auteur : « Quoi de plus éloigné (…) que les systèmes
britanniques de
common law et français de civil law ? ». Pourtant, les Etats ne sont jamais à l’abri d’un certain
mimétisme, voire d’un « phénomène de mode » en matière juridique. Ceci est d’autant plus vrai dans le
domaine contractuel où les évolutions sont constantes car liées au monde des entreprises ».
73 La prépondérance de la faute ne doit pas faire oublier l’émergence de responsabilité objective (interprétant
l’article 1384 alinéa 1
er du code civil, la Cour de cassation française, à travers l’arrêt Jand’heur du 13 février
1930, a reconnu l’existence d’un principe de responsabilité objective. Au-delà, nous pouvons citer la loi du 5
juillet 1985 relative aux accidents de la circulation. Pour rappel, l’article 1384 alinéa 1
er du code civil a pour
pendant l’article 142 COCC avec pour bémol le fait que le fait des choses ne soit pas expressément cité dans
l’article précité), l’existence de présomption de faute.
74 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., pp.165-170
75 La faute apparaît à la fois comme une condition et un fondement de mise en jeu de la responsabilité civile. V.
LE TOURNEAU Philippe, POUMAREDE Matthieu,
Droit de la responsabilité et des contrats, Livre 1, Dalloz-Action,
2021-2022.
76 Selon BELLIS Kouroch, cette généralité aurait permis l’éclosion des pouvoirs du juge là où lors de la réforme
du droit des contrats, il était question de savoir s’il fallait accorder plus de pouvoirs au juge. BELLIS Kouroch,
« Réforme du droit de la responsabilité civile, préjudices réparables et office du juge, Le cas du préjudice
médiat de privation d’assistance », Recueil Dalloz, 2020, p.2025.

Page 13
ses identités77. Ainsi, l’article 1382 du code civil, nouvel article 1240, dispose que tout
fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute
duquel il est arrivé, à le réparer. En effet, la règle énoncée ne comporte aucune
distinction des fautes, ne désigne aucun comportement en particulier, ne fait aucune
référence à l’illicéité, ne distingue pas les dommages et n’indique ni les modes, ni
l’étendue de la réparation78. Tout le contraire est pour le droit de la common law car
dans ce système juridique, on fait référence aux intérêts ou aux droits susceptibles
d’engager la responsabilité de celui qui y porte atteinte de façon fautive et illicite. Il
s’agit notamment de la vie, l’intégrité corporelle, la santé, la liberté et la propriété. Il
semblerait que la dignité de la personne constitue un point de référence, une valeur de
tout le droit79. En effet, en common law, chaque délit ou tort, a sa source, constitue un
cas d’ouverture et obéit à un régime propre. C’est l’exemple du trespass80, de la
defamation81, de la nuisance82. Ainsi, le droit des torts ne désigne donc pas un
ensemble de règles générales et abstraites, mais l’addition de délits typiques aux
conditions et aux effets spécifiques83. Toujours dans les droits de la common law , la
faute, loin d’être un obstacle à l’essor de la responsabilité civile, constitue au contraire
77 Parler d’identité du droit de la responsabilité civile française est une d’une actualité brûlante d’autant qu’il y
a des auteurs qui plaident en faveur d’un droit de la responsabilité civile commun aux personnes privées et
publiques. C’est l’exemple de Jérémy Antippas . Cependant, il demeure dubitatif (même si ils définissent
l’identité de la responsabilité civile française comme « l’ensemble des caractères ou des traits fondamentaux
de notre droit en la matière et qui fait apparaître des éléments à la fois de permanence et de distinction par
rapport à d’autres systèmes, p.65) quant au concept d’identité d’un droit puisque celui-ci n’a l’identité que
veut bien lui conférer la doctrine. Ainsi, il cite Jean-Marc SOREL (« L’identité du droit international », in X. Bioy
(dir),
L’identité du droit public, Presses universitaires de Toulouse 1 Capitole, 2011, p.147 ) qui affirme que
« l’identité d’un droit, c’est une représentation, donc du construit, et souvent du construit académique ».
ANTIPPAS Jeremy,
Pour un droit commun de la responsabilité civile des personnes privées et publiques, Dalloz,
2021.
78 LAITHIER Yves-Marie, Droit comparé, Dalloz, 2009, p.166.
79 LE TOURNEAU Philippe, « Responsabilité : généralités », Répertoire de droit civil, Mai, 2009, Actualisation,
janvier 2020, n°7
80 Le délit de trespass consiste de la part d’un individu à méconnaître voire bafouer les droits d’autrui.
SEROUSSI Roland,
Introduction au droit comparé, DUNOD, 2e édition, p.63
81 La defamation a pour objectif unique de défendre la réputation du citoyen. Ce délit complexe se définit
comme une affirmation publique de propos blessants visant à ternir, à salir la réputation, l’honneur d’un
individu. SEROUSSI Roland,
op.cit., p.64
82 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.167. La nuisance constitue un trouble de voisinage.
83 LAITHIER Yves-Marie, Ibid

Page 14
le moyen de son développement puisque c’est sur le tort de negligence84 que de
nombreux dommages ont été indemnisés aux États-Unis85.
Un autre élément de divergence entre le système français et celui de la common law
demeure la place réservée au dommage dans les deux droits.
b-La place prépondérante du dommage86 en droit français
11. Dans les droits étrangers, le dommage n’est pas une condition autonome et n’est pas
d’égale dignité avec le fait générateur. En d’autres termes, la présentation française de
la matière (un fait générateur et un dommage reliés par un lien de causalité) est
inhabituelle87. Pour rappel, en droit français, non seulement le dommage est
indépendant du fait générateur, mais également, il tend à devenir l’alpha et l’omega de
la responsabilité civile88. Au-delà, en common law, il existe une catégorie de dommages
appelée « torts actionable per se », c’est-à-dire des fautes qui ne supposent pas
l’établissement d’un préjudice. Pourtant, la présentation française laisse entendre que
l’existence d’un dommage est une condition essentielle de
la responsabilité
délictuelle89. Que dire alors de la fonction préventive90 ou punitive91 de la
responsabilité au-delà de son traditionnel but qui est celui de la compensation ? Tous
les dommages sont-ils réparables ? Faut-il les hiérarchiser ? Les deux questions sont
intimement liées. Relativement à la première question, pour certains auteurs, pour être
réparable, le dommage suppose la lésion d’un intérêt légitime92. Dans tous les cas, les
84 Selon Roland Séroussi, la negligence représente la violation d’une obligation, d’un devoir de diligence (duty
of care).
Il s’agit donc de ne pas causer de dommage, de ne pas créer de danger inutile à autrui ou aux biens
d’autrui. SEROUSSI Roland,
Introduction au droit comparé, DUNOD, 2e édition, p.60
85 A titre d’exemple, nous pouvons citer l’arrêt américain MacPherson contre Buick Motor Co dans lequel un
conducteur ayant subi un dommage a fait condamner un fabricant d’automobile défectueuse alors qu’il n’était
pas lié à celui-ci par un contrat. En droit anglais, il y a l’affaire Donoghue contre Stevenson où un fabricant de
soda dans lequel un escargot en décomposition a été trouvé, a fait l’objet de condamnation.
86 Bien que différent sur le plan conceptuel du préjudice (conséquence juridique et subjective de la lésion), le
dommage (atteinte à un intérêt) lui est, dans le cadre de cette étude, assimilée.
87 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.195
88 LE TOURNEAU Philippe, « Responsabilité : généralités », Répertoire de droit civil, Mai 2009, Actualisation
n°20
89 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.195
90 L’exemple des injonctions à des fins préventives.
91 Notamment lorsque l’on viole des droits ou intérêts protégés tels que l’honneur, l’intimité de la vie privée.
92 BORGHETTI J.S , « Les intérêts protégés et l’étendue des préjudices réparables en droit de la responsabilité
civile extra-contractuelle », in Etudes offertes à Geneviève Viney, p.145, spèc.p.157 et s. L’auteur s’est peut-
être inspiré du droit allemand qui exige pour la réparation du dommage, une violation illicite et fautive des
intérêts dont la liste est établie par le paragraphe 823 I du BGB. Sur les conditions d’appréciation de la
légitimité du dommage, V. RTDciv, 2002, p.306, obs.JOURDAIN Patrice.

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tentatives de limitations de l’étendue de la réparation ou du préjudice réparable n’ont
jamais empêché l’apparition de nouveaux préjudices. Nous pouvons citer à titre
d’exemple le préjudice de masse, esthétique, d’agrément, écologique93, purement
économique94. Concernant la seconde question, il semble que le choix politique
généralement retenu consiste à privilégier la protection de l’intégrité physique de la
personne ainsi que le droit de propriété au détriment des préjudices purement
économiques et de certains préjudices moraux95.
Au-delà des conditions de responsabilité, système de droit civil et de la common law
comportent des différentes tenant à la sanction de l’auteur du dommage.
2.L’attrait en common law pour la punition du responsable du dommage et
l’implication de la victime dans la minimisation du dommage
12.Les effets de la responsabilité délictuelle se situent dans le prolongement des
fonctions qui lui sont attribuées. A la pluralité de fonctions correspond une pluralité de
sanctions96. La sanction juridique peut être définie comme toute mesure prononcée en
réaction à la violation d’une norme97. La réaction doit être entendue de manière large
comme toute mesure, définitive ou temporaire, pouvant remplir une fonction punitive,
réparatrice, dissuasive ou correctrice98. Remarquons que les fonctions peuvent être
considérées comme les buts ou objectifs de la responsabilité civile. Plusieurs fonctions
sont ainsi mises en évidence : l’indemnisation99, la punition de comportements
inadéquats sur le plan social100, la dissuasion de comportements antisociaux101, la
93 L’affaire Erika dans laquelle le juge français a reconnu l’existence d’un préjudice écologique pur. V. BARY
Marion, « L’arrêt Erika : un arrêt novateur à plus d’un titre », Revue Lamy droit civil, n°102, 1
er mars 2013
94 Ni atteinte physique à une personne ou à une chose. V. LAPOYADE DESCHAMPS Christian, « La réparation du
préjudice économique pur en droit français », RIDC 1998, p.367. Le droit français, par la loi n°2016-1087 du 8
août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a consacré le préjudice
écologique pur.
95 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.200, n°187. Boris Stark, dans sa thèse opérait une distinction entre les
dommages acquiliens (corporels et matériels) et les dommages non acquiliens (moraux et économiques). V.
STARK Boris, Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de
garantie et de peine privée, préface M. Picard, éd. L. Rodstein, 1947.
96 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.205.
97 JAOUEN Magali, « Sanctions », in Dictionnaire du contrat, L.G.D.J, 2018, p.995
98 JAOUEN Magali, op.cit., p.996
99 TUNC André, « La fonction d’indemnisation de la responsabilité civile », Mélanges Dorhout Mees, Deventer
Kluwer, 1974, p.143
100 STARK Boris, « Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de
garantie et de peine privée, L. Rodstein, 1947

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cessation de l’illicite102 et la fonction normative 103 .Selon Catherine-Thibierge, punir,
réparer et prévenir seraient les trois fonctions de la responsabilité juridique104. Les
manifestations de la prévention peuvent s’apprécier dans la consécration d’une
responsabilité écologique et d’un principe de précaution105.
13. Concernant les différentes sanctions, trois seront examinées : la condamnation en
nature, les dommages et intérêts compensatoires et les dommages et intérêts punitifs.
Les condamnations en nature sont des ordres judiciaires, prenant généralement la
forme d’injonctions, ayant pour objet de faire (par exemple, cesser une activité causant
un trouble anormal ou une concurrence déloyale) ou de ne pas faire quelque chose
(par exemple, ne pas publier d’écrits portant atteinte à l’honneur)106…En effet, étant
donné que le code civil ne contient aucune disposition générale de cette fonction, il y a
lieu de se référer aux dispositions spéciales. En la matière, le code de procédure civile
et d’autres textes spéciaux peuvent être d’un grand secours. Dans la première
hypothèse, le juge des référés est devenu le juge ordinaire. Les compétences « comme
en référé » ne requièrent pas l’urgence. Celle-ci est en effet présumée par la loi en
matière d’actions « comme en référé ». Elle ne doit par conséquent pas être alléguée en
termes de citation et le Président est dispensé de l’apprécier107. En outre, la
caractéristique essentielle des pouvoirs dévolus au Président statuant comme en référé
est qu’ils s’exercent au principal108. Trois raisons militent en faveur d’une préférence de
la condamnation en nature par rapport aux dommages et intérêts : échapper à une
101 TUNC André, « Responsabilité civile et dissuasion des comportements antisociaux », Mélanges Marc Ancel,
t. I, Etudes de droit privé, de droit public et de droit comparé, Pedone, 1975, p.407-415
102 BLOCH C., La cessation de l’illicite : recherche sur une fonction méconnue de la responsabilité civile
extracontractuelle
, Nouvelle bibliothèque de thèses, Volume 71, 2008
103 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.180. La fonction normative se dédouble selon l’auteur : édiction de normes
de comportement d’une part et reconnaissance de droits ou d’intérêts juridiquement protégés. Adde MEKKI
Mustapha, « Les fonctions de la responsabilité civile à l’épreuve du numérique : l’exemple des logiciels
prédictifs », Dalloz IP/IT, 2020.672 ; T. AZZI, « Les relations entre la responsabilité civile et les droits subjectifs »,
RTDciv 2007, p.227, spéc., p.231 et s
104 THIBIERGE Catherine, « Avenir de la responsabilité, responsabilité de l’avenir », Recueil Dalloz, 2004, p.577
105 MARTIN G.J, « Précaution et évolution du droit », D.1995, chr., p.299. Dans une acception large, le principe
de précaution conduit à « considérer comme fautif, non seulement celui qui n’aura pas pris les mesures de
prévention du risque connu ou prévisible, mais également celui qui, en situation d’incertitude ou de doute,
n’aura pas adopté une démarche de précaution ». En revanche, dans une approche restrictive, le principe de
précaution est circonscrit au seul risque hypothétique (JOURDAIN Patrice, « Principe de précaution et
responsabilité civile », LPA 2000, n°239, p.51). Sur le plan législatif, le principe de précaution est prévu à
l’article 5 de la charte de l’environnement.
106 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., pp.205-206
107 (Dir) VAN DROOGHENBROECK Jean-François, Les actions en cessation, LARCIER, 2006,p.60
108 (Dir) VAN DROOGHENBROECK, op.cit., p.61

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évaluation approximative, meilleure défense des intérêts de la collectivité et le
caractère redoutable de l’injonction109.
14. Opter pour les dommages et intérêts compensatoires signifie verser à la victime des
dommages et intérêts. En la matière, il existe un principe de réparation intégrale. C’est
dire que dans un élémentaire but de justice commutative, le montant des dommages et
intérêts alloués doit être tel qu’il permette de replacer le demandeur dans la situation
qui aurait été la sienne s’il n’avait pas été victime du fait dommageable110. Mais étant
donné que l’évaluation des dommages et intérêts est imprécise, des réactions sont
notées dans les divers droits111. De même, il existe des limites à la réparation intégrale.
Celles-ci tiennent au comportement du demandeur, à la volonté des parties ou du
législateur. Relativement à la première limite de la réparation intégrale, si le droit
français, à travers la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation exclut la
faute de la victime comme moyen de défense, tel n’est pas le cas en droit anglais.
15. Quelle est la raison d’être des dommages et intérêts punitifs ? Permettre de
défendre plus efficacement les intérêts comme la liberté, la santé de la personne, le
respect de l’environnement, absence de fonctions exclusives des responsabilités civile
et pénale, impossible affirmation du caractère exclusivement dissuasif et punitif de la
responsabilité pénale. Si ces raisons avancées ont convaincu les législateurs de la
common law, elles n’ont cependant pas emporté l’adhésion des droits européens
continentaux112.
16. Toujours sous l’angle de la comparaison, le droit français n’impose pas au créancier
de minimiser son dommage113 qui signifie que le créancier qui manque à son devoir
n’est pas indemnisé de la part du dommage qui aurait ainsi pu être évité114.
109 Selon Yves Marie-Laithier, le non-respect de l’injonction dans les droits de la common law constitue un
«
contempt of court » puni par une amende et/ou une peine d’emprisonnement. LAITHIER Yves-Marie, op.cit.,
p.206.
110 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., pp.207-208. L’auteur reprend à son compte une jurisprudence ancienne
(Cass.2
e civ., 1er avril. 1963 : JCP 63, II, 13408, note EISMEN) et constante
111 Il s’agit de l’exigence de motivation détaillée des décisions, de la barémisation, de l’indemnisation sous
forme de rente ou capital.
112 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., pp.216-217
113 Cass. 2e civ., 19 juin 2003 : Grands arrêts, n°190 ; Bull.civ. II, n°203 (2 arrêts).
114 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.213, n°199.

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La distanciation des deux systèmes juridiques, en plus de la matière délictuelle, est
perceptible en matière contractuelle.
B-Des divergences en matière contractuelle
17. Depuis le 19e siècle, dans les pays de tradition civiliste, l’étude du contrat115 est
rattachée à celle d’acte juridique. Pourtant, les droits de la common law ignorent l’acte
juridique116. Au-delà, la distinction en matière contractuelle entre le droit français et
celui de la common law est visible dans la formation du contrat (1)117 et une fois celui-ci
conclu à savoir la vie ou les effets du contrat (2).
1.Une distinction au niveau du processus de formation du contrat
18. Processus vient du verbe latin procedere qui signifie « s’avancer », « aller de
l’avant ». Si une telle définition correspond le mieux à la définition des droits
procéduraux à l’exemple de la procédure civile, elle n’est pas ignorée en droit matériel.
Longtemps méconnue en droit français, la phase des négociations précontractuelles a
finalement été consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016 avec à la clé, l’imposition
d’un certain nombre de devoirs dont les fondements varient selon que l’on est en
common law ou civil law (a). Une autre différence est remarquée au niveau des
conditions de validité du contrat (b).
a-Distinction quant au fondement des devoirs précontractuels
19. Se basant sur le droit romain, Ihering a théorisé la notion de devoir
précontractuel118. C’est la fameuse culpa in contrahendo en vertu de laquelle, avant la
115 Selon Yves-Marie LAITHIER, la notion de contrat n’est ni arrêtée, ni uniforme ; LAITHIER Yves-Marie, op.cit.,
p.92, n°78. Il faut dire que la frontière du contrat est difficile à tracer (donation, promesse de récompense. Sur
la question de la donation, non considérée en
common law comme un contrat, V. GHESTIN Jacques, Traité de
droit civil, la formation du contrat
, L.G.D.J, 3e éd., n°234). En effet, si en droit français, on ne saurait envisager
un contrat sans accord de volontés, en droit américain, en l’absence de définition légale, le contrat peut
prendre la forme d’une promesse, d’un accord, échange et
bargain. En tout état de cause, quatre conceptions
du contrat existent : le contrat, accord de volontés, le contrat, promesse juridique obligatoire, le contrat,
échange économique, le contrat, promesse suscitant la confiance de son destinataire.

116 LAITHIER, op.cit., pp.91-92
117 La formation du contrat inclut la conclusion (négociations, offre, acceptation, promesse unilatérale, pacte de
préférence), la validité (consentement, capacité, contenu licite et certain), la forme du contrat (formalisme de
validité et d’efficacité) et la sanction des conditions de validité (nullité, caducité). V. CHANTEPIE Gaël, LATINA
Mathias, La réforme du droit des obligations, Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil,
Dalloz, 2016, 1093 pages.
118 V. R. ZIMMERMANN, The law of obligations. Roman foundations of the civilian tradition, Oxford, OUP, 1996,
p.244 et s.

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conclusion du contrat, il existe une relation juridique particulière donnant naissance à
des droits et des devoirs119 dont ceux de la prise en compte des intérêts d’autrui120. En
droit français, dans l’ordonnance du 10 février 2016, les devoirs précontractuels ont été
consacrés. Il s’agit du devoir d’information et de confidentialité. Cette précision ayant
été faite, relevons trois fondements des devoirs précontractuels : l’engagement
contractuel, la norme extracontractuelle de comportement, l’empêchement d’un
enrichissement injuste.
20. Dans la première hypothèse, nous pouvons citer les accords préparatoires à savoir
les accords de principe, les lettres d’intention, les protocoles d’accord, qui n’obligent
pas à la conclusion du contrat définitif mais à la tenue ou la poursuite des
négociations. Ainsi, les parties peuvent fixer le rythme des échanges, un terme,
imposer la confidentialité des documents ou du savoir-faire transmis, stipuler une
clause d’exclusivité121.
En droit anglais, l’incertitude du contenu de l’accord
préparatoire lui ôte toute force obligatoire122.
21. Dans la deuxième hypothèse, l’accent est mis sur le devoir de bonne foi. Faut-il un
contrat pour parler de bonne foi ou violer une norme de conduite? En droit français, si
l’on se base sur l’article 1134 alinéa 3 devenu 1103 issu de l’ordonnance du 10 février 2016
ainsi qu’une certaine jurisprudence 123, on peut répondre par l’affirmative. Le droit
américain s’inscrit également dans cette logique. En revanche, pour d’autres droits, et
même aussi paradoxalement en France, la bonne foi est l’expression d’une norme de
comportement plus générale124. Le comportement de bonne foi dans l’entrée en
pourparlers, s’il est admis dans les droits de tradition civiliste125, ne l’est ni dans le droit
anglais, ni dans celui américain, parce que la bonne foi est un concept, un standard
119 LAITHIER Yves-Marie, Droit comparé, Dalloz, 2009, p.104, n°90. Selon l’auteur, la théorie de la culpa in
contrahendo
est bien reçue par les droits de tradition germanique tels que le droit allemand et suisse.
120 Le non-respect de ces devoirs est sanctionné par la responsabilité contractuelle. Cette théorie, rejetée en
France, a été reçue en droit allemand et suisse. V. Respectivement SCHNEIDER W.-T. , « La codification
d’institutions prétoriennes »,
in WITZ C. et RANIERI F, (dir.), La réforme du droit allemand des obligations , SLC,
2004, p.39, spèc., p.40 et s et ENGEL P,
Traité des obligations en droit suisse, op.cit., p.748 et s
121 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.108
122 Courtney et fairbairn Ltd. V. Tolaini Brothers (Hotels), (1975) 1 W.L.R. 297, spéc., p.301
123Selon le juge français «l'obligation de bonne foi suppose l'existence de liens contractuels et que ceux-ci
cessent lorsque la condition suspensive auxquels ils étaient soumis a défailli» (Civ. 3
e, 14 sept. 2005, no 04-
10.856: Bull. civ. III, no 166; D. 2006. 761, note D. Mazeaud; RTD civ. 2005. 776, obs. J. Mestre et B. Fages)
124 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.109
125 Que ce soit les droits espagnol, français, italien, néerlandais ou les PDEC (article 2 : 3 et les Principes
UNIDROIT 2004 (l’article 2.1.15 (2)

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flou et partant créerait une insécurité juridique126. Ainsi, selon G. TEUBNER, en raison
d’un contexte juridique, économique et social différent, la notion de bonne foi ne
saurait avoir le même sens et la même portée en droit anglais et dans les droits
continentaux même dans l’hypothèse où l’on aurait introduit en droit anglais127.
22. Au-delà de la bonne foi, l’on peut se baser sur les articles 1382 et 1383 du code civil
devenus articles 1240 et 1241 issus de l’ordonnance du 10 février 2016. De telles
dispositions n’ayant pas d’équivalent en droit de la common law, le système de la
misrepresentation (ouvrir des négociations c’est prouver une volonté sérieuse d’aboutir
à un accord. C’est pourquoi, lorsque la confiance est trahie, elle doit être
sanctionnée)128 et de la promissory estoppel (force obligatoire d’une promesse à laquelle
le bénéficiaire s’est fié à condition qu’elle soit claire. C’est le cas de l’arrêt Hofman
contre Red Owl Stores) ont été d’un secours inestimable.
23. La troisième hypothèse tient à
l’interdiction de s’enrichir au détriment
d’autrui. L’action n’est recevable que lorsque l’on prouve l’enrichissement injuste (par
exemple donner des assurances que le contrat sera conclu, tirer profit d’une
information reçue lors des négociations) de l’autre partie. En effet, au cours d’une
négociation, un avantage peut être accordé à l’une des parties alors qu’au final aucun
contrat n’a été conclu. Dans ce cas, celui qui profite de l’avantage injustement acquis
reste tenu à restitution.
Au-delà du fondement des devoirs précontractuels, la différence entre la common law
et la civil law est visible au niveau des conditions de validité du contrat.
b-Distinction au niveau des conditions de validité du contrat
24. Un contrat ne peut être valable sans respect des conditions de validité que sont : le
consentement, la capacité, l’objet et la cause, lesquels, depuis l’ordonnance du 10
février 2016 sont remplacés par le contenu licite et certain. Trois idées seront
développées : la révocation de l’offre, la cause et les vices du consentement.
126 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., pp.109-110
127 G. TEUBNER, « Legal irritants : good faith in british law or how unifying law ends up in new divergences »,
(1998) 61 Mod. L. Rev.11
128 La misrepresentation est plus large que le dol et recoupe en partie l’erreur.

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25. La révocation de l’offre renvoie à sa force obligatoire. En droit continental129, l’offre
a une force obligatoire avant même d’être acceptée, ce faisant, elle engage son auteur.
L’une des raisons est que l’offre peut avoir suscité la confiance de son destinataire. Il en
va ainsi de l’offre assortie d’un délai ou à défaut de précision, en présence d’un délai
raisonnable. Pourtant, telle n’est pas l’approche retenue en common law où la
révocation de l’offre est toujours autorisée même si celle-ci est assortie d’un délai130.
26. Avant de disparaître formellement du Code civil français, la cause a pu être définie
comme la contrepartie en considération de laquelle une partie prend un engagement ,
contrepartie qui peut déjà avoir été reçue mais qui doit toujours avoir été convenue131.
Comme on peut le constater, cette définition correspond à la cause objective.
Aujourd’hui, la disparition supposée132 de la cause remet-elle en cause l’identité de
fonction133 avec la consideration ? Rien n’est moins sûr vu que suivant l’article 1169 issu
de l’ordonnance du 10 février 2016, un contrat à titre onéreux peut être annulé pour
contrepartie illusoire ou dérisoire134.
27. Comme annoncé, la troisième idée à développer concerne les vices du
consentement. Relevons qu’en common law, l’erreur est conçue de façon restrictive
d’où la faiblesse du contentieux de la mistake. En revanche, en droit français, l’erreur
sur les qualités essentielles est largement perçue. En outre, en droit américain, l’erreur
doit non seulement être la cause d’un déséquilibre significatif135 mais également
129 La préférence de l’expression « droit continental » à celle de « romano-germanique », créée par René David
provient du caractère restrictif de cette dernière excluant par conséquent l’Asie et le monde arabe. Ainsi, le
droit continental s’oppose au droit insulaire (droit anglais et irlandais). V. BAISSUS Jean-Marc, « Le droit
français, modèle du droit continental ? », in Quel avenir pour le modèle juridique français dans le monde ? Sous
la direction de Rémy Cabrillac, ECONOMICA, 2011, collection « Etudes juridiques », p.12
130 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.124
131 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.128. Au-delà de la contrepartie, la cause objective renvoie à l’utilité du
contrat pour le débiteur
132 Ni les stipulations du contrat ni son but connu ou non par les parties ne peuvent déroger à l’ordre public
(article 1162 issu de l’ordonnance du 10 février 2016)
133 Les fonctions en question tiennent au contrôle opéré par le juge sur le sérieux de l’engagement d’une part
et la possibilité de faire le départ entre les promesses obligatoires et celles qui ne le sont pas (V. LAITHIER Yves-
Marie,
op.cit., p.129)
134 Pour Gaël Chantepie et Mathias Latina, dire que l’article 1169 du Code civil évoque la cause de l’obligation
serait un euphémisme ; CHANTEPIE Gael, LATINA Mathias,
La réforme du droit des obligations, Commentaire
théorique et pratique dans l’ordre du Code civil
, Dalloz, 2016, p.355, n°432. V. Néanmoins Roland Séroussi selon
qui la consideration anglaise est très différente de la cause ou de la lésion. SEROUSSI Roland, Introduction au
droit comparé
, DUNOD, 2e édition, p.46
135 En droit français, le déséquilibre significatif est consacré par trois textes : l’article 1171 issu de l’ordonnance
du 10 février 2016, l’article L 442-6, I, 2° du code de commerce (L’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019

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commune aux deux parties. Enfin, la common law ne connaît pas la réticence dolosive
et admet la légitimité de la menace d’accomplir un acte illicite136. L’ignorance de la
réticence dolosive équivaut à un recul de l’obligation d’information137.
28. Tout compte fait, selon Jacques GHESTIN, l’objet et la cause ne correspondent pas
réellement au concept de consideration138 et les vices du consentement que sont
l’erreur, le dol et la violence ne trouvent pas nécessairement une traduction dans les
concepts de « mistake », de « misrepresentation » ou encore de duress139. Concernant la
violence économique, il faut reconnaître qu’elle a existé depuis bien longtemps en
droit anglais sous les termes d’ « economics duress »140. De même, le juge français n’a
pas attendu la réforme de 2016 pour découvrir la violence économique et ce, à travers
une interprétation audacieuse de l’article 1112 ancien du code civil141. Le juge s’écarte
ainsi de la violence classique telle qu’elle est conçue dans le code à savoir la violence
physique142.
2.Une différence au niveau de la phase d’exécution du contrat
29. Trois idées seront examinées : interprétation, révision et clause pénale. Lors de
l’exécution du contrat, il peut arriver qu’un événement imprévu survienne et rende
portant refonte du Titre IV du livre IV du code de commerce modifie l’article L 442-6 du code de commerce qui
régissait le déséquilibre significatif entre partenaires commerciaux, la rupture brutale des relations
commerciales établies. Elle a été adoptée en application de l’article 17 de la loi Egalim du 30 octobre 2018 et
publiée au journal officiel du 25 avril 2019. L’ancien article qui consacrait treize pratiques restrictives a été
épuré de sorte que désormais, il n’y en a que trois à savoir l’avantage sans contrepartie, le déséquilibre
significatif et la rupture des relations commerciales établies ) et l’article L 132-1 du code de la consommation
devenu l’article L 212-1 du code de la consommation. Il va se poser un problème de conflit de textes entre le
droit commun et le droit spécial. V. LECOURT Arnaud, « Article L. 442-6, I, 2
o, du code de commerce et article
1171 du code civil : exclusion ou complémentarité ? », Revue Lamy droit des affaires, Nº 121, 1er décembre
2016
136 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.132
137 La réticence dolosive est consacrée par l’article 1137 alinéa 2 issu de l’ordonnance du 10 février 2016.
138 Pour Grégoire Djogue, la consideration signifie la contrepartie fournie ou promise par un contractant ;
JIOGUE Grégoire « Quel avenir pour le modèle juridique français en Afrique ? »,
in Quel avenir pour le modèle
juridique français dans le monde ? Sous la direction de Rémy Cabrillac, Economica, 2011, p.104.
139 GHESTIN Jacques, La formation du contrat, L.G.D.J, 1993, p.190, n°215
140 V. TISSEYRE Sandrine., Le rôle de la bonne foi en droit des contrats, Essai d’analyse à la lumière
du droit anglais et du droit européen
, préf. Fabre-Magnan M., PUAM, 2012, nos 276 et s.
141 V. NOURISSAT C, « La violence économique, vice du consentement : beaucoup de bruit pour rien ? »,
D.2000, chron.369 ; LOISEAU Grégoire, « L’éloge du vice ou les vertus de la violence économique », Dr.et
patrimoine sept.2002, 26 ; MONTELS Benjamin, « La violence économique, illustration du conflit entre droit
commun des contrats et droit de la concurrence », RTDcom, 2002, 417
142MAYMONT Anthony, « La violence économique, une réalité consacrée ? », Revue Lamy Droit civil, Nº 120,
1er novembre 2014


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plus onéreuses les obligations d’une partie. Faudrait-il dans ce cas permettre au juge de
réviser le contrat ? Le droit français qui, au nom de la sécurité contractuelle, était
réticent à cette idée a évolué depuis l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016,
contrairement au droit de la common law (b). En outre, il arrive que les parties à un
contrat comprennent différemment le contenu d’un contrat. Si elles n’ont pas inséré
une clause d’interprétation, elles devraient recourir au juge pour déterminer le sens de
celui-ci. En common law et à la différence du droit français, la méthode objective passe
avant celle subjective (a). Enfin, relevons que la clause pénale, arme dissuasive
permettant au créancier de fixer le montant des dommages et intérêts, n’est pas
admise en common law (c).
a-Privilège accordé à la méthode objective d’interprétation en common law.
30. En common law, la méthode objective est privilégiée. Cette méthode consiste à
déterminer un sens à partir d’éléments extérieurs à la volonté des parties143. Ces
éléments sont la bonne foi, les usages et les pratiques. Ce n’est pas à dire que le droit
français ignore la méthode objective ; la preuve, le contrat peut s’interpréter, si l’on ne
peut déceler la commune intention des parties, selon le sens que lui donnerait une
personne raisonnable placée dans la même situation144. Il n’empêche que c’est la
méthode subjective d’interprétation qui l’emporte145.
b-Impossible modification du contrat par le juge en common law
31. Ni le juge anglais, ni celui américain n’est en mesure de réviser le contrat lorsqu’il
survient un élément imprévu lors de son exécution rendant onéreuse celle-ci. Cette
sévérité va dans le sens de la préservation des intérêts du créancier. Pourtant, tant au
regard du droit français que des principes européens de droit des contrats, il y a une
incitation à la révision. Pour s’en convaincre, il faut consulter les articles 1195 issu de
l’ordonnance du 10 février 2016 et 6 :111 PEDC. Certainement c’est parce que la théorie
de l’imprévision est relue à la lumière de la notion de contrat relationnel146. En effet,
« Il semble que le centre d'intérêt porté sur le contrat s'est déplacé de la formation vers
143 LAITHIER Yves-Marie, op.cit., p.139
144 Article 1188 issu de l’ordonnance du 10 février 2016
145 CHANTEPIE Gaël, LATINA Mathias, La réforme du droit des obligations, commentaire théorique et pratique
dans l’ordre du Code civil
, Dalloz, 2016, p.422, n°503.
146 Le Lamy Contrats internationaux , 04-05-2021, n° 240-91

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l'exécution du contrat. Si le contrat est toujours vu comme une source d'obligations –
c'est la conception traditionnelle – il n'est plus seulement cela : la doctrine, qui en cela
reflète une évolution du rôle que la pratique fait jouer au contrat, s'intéresse désormais
à la vie du contrat après sa naissance (interprétation, modalités de son exécution,
groupe de contrats, circulation, etc.)»147. L’ordonnance du 10 février 2016 permet, en
l’absence de clause d’exclusion et en cas de refus ou échec de renégociation, aux parties
de convenir de la résolution du contrat ou de demander au juge de procéder à son
adaptation. A la demande d’une des parties au contrat, le juge peut réviser celui-ci.
c-Le rejet de la clause pénale en common law en raison de la place réservée à
l’exécution en nature
32. Depuis une jurisprudence constante presque centenaire, la clause pénale est
réputée non écrite. C’est en vertu de la liberté de ne pas exécuter ou de rompre le
contrat si cela va dans l’intérêt de la partie que la clause pénale est rejetée148. La clause
pénale correspond aux clauses non obligationnelles pour reprendre la distinction de
PASCAL ANCEL entre la force obligatoire et le contenu obligationnel149. Les clauses
non obligationnelles sont des clauses qui ne créent pas entre les parties de rapports de
créancier à débiteur, mais qui prévoient et organisent des pouvoirs ou des devoirs, de
faire ou de ne pas faire, pour les contractants150 ; des clauses qui prévoient, organisent,
limitent, encadrent des pouvoirs unilatéraux et/ ou des devoirs au profit ou à la charge
de l’un ou de l’autre contractant151.
En effet, relativement à l’exécution forcée en nature, il faut spécifier que si elle est un
droit en droit français152, en droit anglais, c’est une simple faculté153. Le contrôle de
147 Ian R. Macneil cité par (H. Bouthinon-Dumas, « Les contrats relationnels et la théorie de l'imprévision »,
RIDE 2001, vol. 15, n
o 3, p. 339-373)
148 LE GALLOU Cécile, « Inexécution contractuelle, minimisation du dommage et clause pénale en droit anglais :
récentes précisions », Revue Le Lamy Droit civil, Nº 129, 1er septembre 2015
149 ANCEL Pascal, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTDciv., 1999, p.771
150 DUTILLEUL François Collart, « Quelle place pour le contrat dans l’ordonnancement juridique », in La
nouvelle crise du contrat, Dalloz, 2012, collection « Thèmes et commentaires », p.233
151 DUTILLEUL François Collart, op.cit., p.231. Selon cet auteur, les termes « pouvoir » et « devoir » ne sont pas
pris ici exactement dans un sens technique. Ils visent seulement à illustrer l’essentiel des clauses non
obligationnelles.
152 L’article 1er de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures d’exécution. V. Cass.civ, 3e , 11 mai
2005. Pour la Cour de cassation française, lorsqu’elle est possible, l’exécution forcée en nature de l’obligation
contractuelle est une arme du créancier.


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cette mesure opéré par le juge de la common law est plutôt celui de voir si celle-ci n’est
pas empêchée par une impossibilité d’ordre matériel ou juridique, là où le juge français
se base sur l’atteinte excessive à la liberté du débiteur. En outre, il découle du contrôle
d’opportunité de l’exécution forcée en nature que les dommages et intérêts sont
préférés la plupart du temps à celle-ci dans la common law154. Cette préférence est
justifiée comme suit : en donnant la primauté à l'octroi de dommages-intérêts plutôt
qu'à l'exécution forcée en nature, « le droit anglais protège, non le droit à l'exécution,
mais plutôt le droit à ne pas se retrouver désavantagé du fait de l'inexécution »155Pour
finir, soulignons l’absence d’équivalent notionnel entre l’exécution forcée en nature et
la specific performance qui est un ordre donné au juge d’exécuter une obligation de
faire156. C’est un remède d’equity accordé de façon discrétionnaire par le juge et lorsque
les dommages et intérêts ne sont pas adaptés157.
33.En France, avant l’ordonnance du 10 février 2016, il n’y avait pas trace de l’expression
acte juridique dans les codifications napoléoniennes. Seul le contrat, acte bilatéral, a
fait l’objet d’une véritable systématisation jugée suffisante158. Désormais, la notion
d’acte juridique figure dans l’ordonnance du 10 février 2016, la cause est supprimée, la
nullité peut être extrajudiciaire. Cette posture rapproche le droit français du BGB
allemand. Cependant, ce n’est pas à dire que dans les pays de l’Union européenne, il
n’existe guère de divergence ; laquelle divergence est perceptible entre les textes des
anciennes colonies françaises et le « modèle » français.
II- Un rejet fondé sur la faible circulation des modèles
153 Le Lamy Contrats internationaux, n°164-233, 2016
154 LAITHIER Marie-Yves, op.cit., p.158, n°146. L’auteur fait remarquer que l’attitude réservée du juge de la
common law vis-à-vis de l’exécution forcée en nature est en parfaite déphasage avec le fait que l’exécution
d’une condamnation judiciaire soit assurée de façon plus radicale et dont les sanctions sont plus efficaces, en
termes de dissuasion, que l’astreinte.
155Miller L., « L'exécution forcée en nature des obligations contractuelles : observations de droit comparé sur la
notion d'exécution »
, in Regards comparatistes sur l'Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la
prescription, Société de législation comparée, vol. 9, 2010, p. 163, spéc. p. 179.
156 Le Lamy Contrats internationaux, n°164-233
157 FAUVARQUE-COSSON Véronique, « Regards comparatistes sur l’exécution forcée en nature », RDC, 2006,
n°2, p.529. Selon cet auteur, les droits anglais et américains admettent de plus en plus la
specific performance.
158 HAUSER Jean, « Acte », in Dictionnaire de la culture juridique, p.7

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34. Le droit français constitue-t-il toujours un modèle en Afrique ?159 Quel est le destin
du Code civil dans ce continent? Si d’aucuns sont optimistes160 ou spécifient que la
circulation des modèles doit passer par la doctrine161, certains pensent que le
rayonnement du Code civil français a trouvé dans bien des domaines ses limites
comme le statut personnel et le droit des obligations (compromis entre la tradition
musulmane, coutumière et la législation moderne162. C’est l’exemple du code civil
algérien de 1975 sur les obligations163) Le droit n’est-il pas le reflet de la société à
laquelle il s’applique ?164 Portalis disait que les codes des peuples se font avec le temps ;
à proprement parler on ne les fait pas. Dans tous les cas, avec la réforme du droit des
contrats en France, le propos de Schaeffer selon lequel ce qui est valable pour la France
a été estimé l’être pour les nouveaux Etats africains165, mérite d’être relativisé en raison
d’une part du changement de paradigme en droit français et non d’une prétendue
résistance du droit traditionnel au droit moderne des obligations166.
159 Poser une telle question n’est pas dénué d’intérêt dans la mesure où durant la période coloniale, la
législation française s’appliquait dans certains pays. Il s’avère donc nécessaire de mesurer la force d’influence
de celle-ci depuis les indépendances sachant que beaucoup de dispositions du code civil ont été abrogées. V.
LAMPUE Pierre, « L’influence du droit français et du droit coutumier sur les lois civiles africaines »,
in,
Dynamiques et finalités des Droits africains, Actes du colloque de la Sorbonne « La vie du Droit en Afrique »,
sous la direction de Gérard CONAC, ECONOMICA, 1980, p.14
160 MBAYE Kéba, « Le destin du code civil en Afrique », in Le code civil 1804-2004, Livre du Bicentenaire, Dalloz,
2004, pp.515 et s
161 SACCO RODOLFO, « Droit commun de l’Europe et ses composantes du droit », in Nouvelles perspectives
d’un droit commun de l’Europe, p.95 et s cité par OPPETIT Bruno, « Retour à un droit commun européen »,
op.cit., p.81.
162 V. DEROUSSIN David, « Les codes des obligations et des contrats dans les protectorats français et au Liban.
Contribution à l’histoire comparée du droit des obligations » ,
in Mélanges en l’honneur de Bernard DURAND,
L’harmattan, 2020, p. 305 et s
163 HALPERIN Jean-Louis, op.cit., p.143.
164 BERGEL Jean-Louis, op.cit., p.109, n°94.
165 SCHAEFFER E, « Droit du développement », Cahiers de l’I.I.A.P, 1968, n°5, p.58
166 V.MELONE Stanislas, « Les résistances du droit traditionnel au droit moderne des obligations », op.cit.,
pp.45-57. L’auteur aurait-il été influencé par l’adoption de l’ordonnance n°60-56 M.J fixant l’organisation
judiciaire dans la République du Sénégal ainsi que les principes fondamentaux applicables aux litiges de droit
privé ?.Comme l’a précisé feu le juge Kéba Mbaye, le Code-parlant du COCC- en cette matière, ne doit donc
rien à la coutume (MBAYE Kéba, « L’expérience sénégalaise de la réforme du droit », Rev.internat.dr.comparé,
1970, pp.35 et suiv). C’est également le cas de Roger DECOTTIGNIES ( DECOTTIGNIES Roger, « Réflexions sur le
projet de code sénégalais des obligations »,
op.cit., p.176 ) selon qui : « l’Etat sénégalais serait mal placé pour
participer au commerce international avec un système juridique présentant de graves lacunes. On ne s’engage
pas dans le droit du XXe siècle avec une législation du Haut Moyen-Age. Loin d’être tourné vers le passé, le
droit du développement se doit d’être orienté tout entier vers l’avenir ».
Adde CHABAS Jean, « Transformation
du droit local et évolution économique »,
in Développement économique et évolution juridique, Annales
Africaines, 1962, n°1 Colloque des facultés de droit de mai 1962, p.155
Par ailleurs, le professeur MELONE a raison d’affirmer, qu’à l’instar du droit romain, le droit traditionnel des
obligations est formaliste. C’est selon François TERRE, à l’image de tous les droits primitifs ; TERRE François,
Sur la sociologie juridique du contrat, Arch. Philosophie du droit, 1968, p.71 et s cité GHESTIN Jacques, Traité de

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35.L’existence d’un droit communautaire européen et OHADA justifie-t-elle l’adoption
d’un Code civil européen ou d’un droit ohadien des contrats ? L’intérêt d’une telle
question tient à l’importance du contrat dans la vie juridique des entreprises. A quoi
sert-il d’avoir un droit intégré tout en laissant en rade le droit commun des contrats ?
Tel a été en tout cas le choix des législateurs communautaires tant européen
qu’ohadien. Ainsi, que ce soit dans une logique assimilationniste ou de communauté
juridique ou économique, on ne saurait admettre, en raison respectivement, de la
distanciation entre l’ordre juridique du « modèle » et de la « copie » et de la difficile
gestation d’un droit des obligations intégré (B), la théorie de l’universalisme du droit
des obligations.
A-La distanciation entre l’ordre juridique du « modèle » et de la « copie »
36. En matière contractuelle, il n’y a jamais eu d’un côté un droit d’inspiration
européenne et de l’autre un droit oral issu de la tradition africaine ; situation que
LAMPUE qualifiait de structure dualiste du code civil167. On a plutôt eu recours à une
législation unique marginalisant, pour ne pas dire, supprimant les us et coutumes.
C’est ce que l’on appelle l’acculturation. Celle-ci est liée à l’évolution interne des
sociétés ou à des phénomènes d’origine externe tels que la colonisation168. Elle peut
donc être obligatoire ou volontaire. Elle repose la plupart du temps sur un rapport de
force entre les cultures concernées. Ses outils privilégiés sont la rédaction des
coutumes et les codifications169. En droit, on peut définir l’acculturation comme
l’ensemble des processus suivant lesquels les systèmes de normes juridiques, les
comportements des acteurs et leurs représentations sont construits et modifiés par les
contacts et interpénétrations entre cultures et sociétés170. Il faut faire remarquer que la
plupart des Etats africains ont connu l’acculturation obligatoire. Ainsi, le Code civil y a
été introduit en 1830. Que sa réception semble aller de soi n’occulte guère la nature de
droit civil, La formation du contrat, L.G.D.J, 1993, p.38, n°54. Pour ce dernier, ce formalisme peut se manifester
à travers des paroles, la remise d’une chose ou l’inscription dans un registre.
167 LAMPUE Pierre, « L’influence du droit français et du droit coutumier sur les lois civiles africaines », in
Dynamiques et finalités des droits africains, Actes du colloque de la Sorbonne « La vie du Droit en Afrique »,
sous la direction de Gérard CONAC, ECONOMICA, 1980, p.15.
168 ROULAND Norbert, « Acculturation juridique », in Dictionnaire de la culture juridique, Lamy, 2004, p.4
169 ROULAND Norbert, Ibid
170 ROULAND Norbert, Ibid


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l’acculturation à laquelle nous avons fait allusion précédemment. Il en est de même des
emprunts. La nature obligatoire de l’acculturation juridique peut faire douter de
l’existence d’un pluralisme juridique, qui postule l’existence simultanée de plusieurs
systèmes
juridiques, notamment non-étatiques, en relation d’opposition, de
coopération ou d’ignorance réciproque, en droit des obligations. En effet, les contrats
coutumiers tels que les contrats de navetanes, de bergers… ont été supprimés parce
que jugés contraires au développement et à l’unité du pays171. Il n’y a pas, en
comparaison aux successions ab intestat172, des contrats de droit commun d’une part et
des contrats relevant du statut personnel des sénégalais d’autre part. Les agents de
l’acculturation juridique sont passés par là173. A l’oralité s’est substitué l’écrit. Le Code
civil est d’inspiration libérale et il est fondé sur le libre arbitre, l’individualisme et
l’économie de marché174. Cette philosophie tranche d’avec l’idéologie politique175 en
vigueur à l’époque de l’adoption au Sénégal du COCC, à savoir le socialisme176. En effet,
il ne faudrait pas perdre de vue que le droit français est un droit bourgeois
puisqu’aucune attention n’est portée à la situation concrète des parties177. Pourtant, le
législateur sénégalais ainsi que ses homologues africains, à défaut de l’appliquer tout
bonnement et simplement, s’en sont inspiré. Egalement, si nous devons prendre
l’exemple du COCC, les écrits faisant suite à son adoption ont toujours souligné son
originalité vis-à-vis du droit français laquelle s’est d’ailleurs accentuée à la faveur de
l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016. Ainsi, alors que les anciennes colonies
sont fortement attachées aux règles du Code civil de 1804, surtout concernant le
171 Michel Alliot a dénombré trois types d’acculturation : de soumission (passage du mythe à une loi étrangère
inspirée par Dieu), par assimilation notamment lorsqu’un droit se modifie au profit d’un autre (ainsi, le droit
romain a été réceptionné en Occident, introduction du code civil dans diverses législations européennes) , par
réinterprétation quand un Etat veut rompre avec le passé et adopte le modèle extérieur. ALLIOT Michel,
« L’acculturation juridique », in J. POIRIER (Dir),
Ethnologie générale, Gallimard, Paris, 1968, pp.1180-1246.
172 Voir article 515 du Code de la famille
173 La commission de codification du Code des obligations civiles et commerciales, distinct du comité de
rédaction, était composée de 18 membres sénégalais et français et partant, tous , de tradition française. V.
FARNSWORTH Allan, « Le nouveau Code des obligations du Sénégal », Annales Africaines 1963, p.75.
174 JEULAND Emmanuel, V° Droit des obligations, in Droit des obligations, Montchrestien, 1999, p.54
175 L’idéologie du Code civil était présentée comme individualiste, volontariste, libérale, spiritualiste. V.
HALPERIN Jean-Louis, Le Code civil, Dalloz, 1996, p.108
176 Dans les codes socialistes, le contrat est un phénomène typiquement social et non individuel. V. GANDOLFI
Giuseppe, « Pour un code européen des contrats », RTD civ. 1992. 707
177 DISSAUX Nicolas, « Contrat : formation », Répertoire de droit civil, n°8

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contrat de droit commun178, le droit français s’en éloigne quelque peu (1) parce que mu
certainement par un objectif d’attractivité. Au-delà, toujours en droit français, un effort
de systématisation de certaines règles mérite d’être relevé (2).
1.La « rupture » entre un droit français réformé et un droit des anciennes
colonies fortement inspiré des règles du Code civil de 1804
37. Le Code civil français doit une part de sa réussite à l’utilisation conjointe d’une
tradition nationale et d’une idéologie juridique dont le rayonnement dépasse les
frontières de la France179. En effet, en dépit de son titre, le code civil des Français n’a
pas été perçu comme une législation étroitement nationale. (…) Le Code Napoléonien a
bénéficié des accroissements territoriaux liés à la conquête et de la portée universelle
attachée à ses accents révolutionnaires180. Même si de l’avis de certains, le code civil
n’est pas une œuvre révolutionnaire181 mais, beaucoup de législateurs africains ont
intégré le droit des obligations dans des codes, bien que codifier n’est pas
nécessairement légiférer : c’est d’abord déclarer, de façon ordonnée, un corps de
principes déjà en suspension dans le droit positif ; c’est faire tomber le superflu, effacer
les incohérences, redonner à un système de droit sa clarté et son inspiration182. Ce
faisant, on a pu douter de la réalité de leur politique législative183. En effet, beaucoup
des règles du droit français ont été intégrées dans les colonies. Pourtant, l’originalité
du droit sénégalais par rapport au droit français n’a pas manqué d’être soulignée184.
178 Pierre Bourel n’a pas manqué de relever cette situation en ces termes : « … » BOUREL Pierre, « La formation
du contrat en droit sénégalais, Réflexions sur la modernité du code des obligations civiles et commerciales »,
RSD, 1969, p.38.
179 HALPERIN Jean-Louis, , « Code Napoléon (Préparation, rédaction et évolution) », in Dictionnaire de la culture
juridique », p.202
180 HALPERIN Jean-Louis, « Code Napoléon (Préparation, rédaction et évolution), in Dictionnaire de la culture
juridique, p.205
181 JEULAND Emmanuel, op.cit., p.54
182 REMY philippe, « Droit des contrats : questions, positions et propositions », in Le droit contemporain des
contratsp.281, n°37
183 V. MBAMBI Kangulumba Vincent, « Les droits originellement africains dans les récents mouvements de
codification : le cas des pays d’Afrique francophone subsaharienne »,
in Les cahiers de droit, 2005, pp. 319
selon qui compiler, harmoniser, recueillir n’est pas codifier car : « L’entreprise de codification, à notre avis, est
bien plus que cela. Il s’agit d’une œuvre de systématisation, de cohérence, de compatibilité et de
complémentarité des normes d’un système donné. Ce qui traduit une certaine unité dans la diversité des règles
d’un tel système. Or, tel ne semble pas être le cas dans les récents mouvements de codification en Afrique
francophone ».
184 V. Par exemple DECOTTIGNIES Roger, « Réflexions sur le projet de code sénégalais des obligations »,
Annales Africaines, 1962, n°1, pp.171-180, spéc, p.173.


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Sans prétendre à l’exhaustivité nous pouvons citer la définition de l’obligation185, le
principe du consensualisme186 , la non-admission de l’imprévision, le rejet du transfert
solo consensu (article 5 COCC)187, la consécration de la cession de créance, de contrat,
de la réglementation des astreintes, de l’effacement de la distinction de la
responsabilité contractuelle et délictuelle, la substitution de la maîtrise à celle de
garde188. Mais avec l’ordonnance du 10 février 2016, l’originalité du droit sénégalais vis-
à-vis de celle française doit être relativisée en raison de la consécration de la cession de
créance189 et de contrat190.
38. Au-delà, la législation française tranche par exemple d’avec celle sénégalaise en
raison de la suppression de la cause, de l’admission de la théorie de l’imprévision, de la
systématisation de la sanction de l’inexécution des obligations et de la mise en place
d’un régime juridique encadrant les pourparlers191. Toujours en France, l’ordonnance
du 10 février a consolidé certaines solutions jurisprudentielles telles que l’abus de
dépendance économique192. Au-delà, il y a la question la question de la réduction de
prix. Ce faisant, le droit commun des contrats s’aligne sur le droit spécial inspiré de la
Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises. C’est pourquoi
selon un auteur, la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de
marchandises du 11 avril 1980 devrait constituer la source première d’interprétation de
l’article 1223193. C’est dire que la rupture du droit français avec beaucoup de principes
185 L’obligation est définie à l’article 1er du COCC comme ce qui lie un débiteur à son créancier en donnant à
celui-ci le droit d'exiger une prestation ou une abstention. -le COCC reprend la définition que Planiol donne de
l’obligation (V. THUILLIER Guy, « Obligations »,
in Dictionnaire de la culture juridique, p.1097)
186 Article 41 COCC.
187 En droit sénégalais, c’est au moment de la délivrance que le transfert de propriété s’opère sauf volonté
contraire des parties et sous réserve des dispositions relatives transfert d’immeubles ou de biens meubles
immatriculés. Par contre en droit français, l’article 1138 ancien du Code civil disposait qu’en matière
d’obligation de donner, le transfert de propriété s’opère par le seul consentement des parties contractantes
Avec la réforme intervenue en 2016, on peut se demander si le transfert ne se fait désormais plus que
solo
contractu
(article 1196 issu de la réforme) et non solo consensu (article 1138 ancien)
188 LAMPUE Pierre, op.cit., pp.22-23. Adde DECOTTIGNIES Roger, « Réflexions sur le projet de code sénégalais
des obligations », Annales Africaines, 1962, n°1, p.173 et s
189 Article 1321 issu de l’ordonnance du 10 février 2016.
190 Article 1216 issu de l’ordonnance du 10 février 2016
191 Article 1112 à 1112-2 issus de l’ordonnance du 10 février 2016. Dans l’Acte uniforme portant sur droit
commercial général, les pourparlers sont abordés à l’article 249.
192 Annulation du contrat pour état de vulnérabilité ? En principe, la réponse est négative. Mais la position de la
jurisprudence a été infléchie et trois systèmes ont été conçus : la lésion qualifiée, la violence économique
(jurisprudence de 2002) et le vice de faiblesse.
193 GRIMALDI Cyril, Leçons pratiques de droit des contrats, L.G.D.J, 2018, p.331, note de bas de page 122


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figurant dans le Code civil de 1804194 est influencée entre autres par une velléité du
législateur français de s’imprégner des législations extérieures à la France, mais
également de prendre en considération le droit spécial et prétorien internes.
2. Un réel effort de systématisation remarqué en droit français depuis
l’ordonnance du 10 février 2016
39. La systématisation repose pour une large part sur la reconnaissance de principes. Il
s'ensuit que les principes apparaissent comme un substitut à la codification195. L’effort
de systématisation s’apprécie sur le plan des principes et des règles relatives à
l’exécution du contrat. Le mot principe vient du latin « primo capere » qui signifie
littéralement « prendre en premier ». Le princeps est celui qui prend la première place,
la première part, le premier rang… Il est le Prince, le chef, la tête, le soldat de première
ligne…Le principe est un commencement196Cependant, il convient de préciser que le
législateur français a évité le terme « principes » dans l’ordonnance du 10 février 2016
préférant parler de « dispositions liminaires » et éludant ainsi la suggestion faite dans
le projet de réforme de la chancellerie197.
Dans un article rédigé en 1994, le Professeur Denis TALLON dénonçait l’étude séparée,
éclatée des remèdes contractuels qui s’offrent au créancier lorsque le débiteur a
manqué à ses obligations198. Si l’on en croit Marianne Faure-Abbad, le droit français
connait principalement trois remèdes de l’inexécution : exécution forcée, résolution,
dommages et intérêts auxquels il convient d'ajouter leurs formes voisines (résiliation,
exception d'inexécution , suspension) et leur application combinée (exécution forcée et
dommages et intérêts, dommages et intérêts seuls, résolution avec ou sans dommages
194 Nous pensons par exemple au rejet de la théorie de l’imprévision et à l’application des dommages et
intérêts comme sanction en cas de violation d’une obligation de faire, de ne pas faire.
195 Y.-M. LAITHIER, « Les principes directeurs du droit des contrats en droit comparé », Actes du colloque de la
journée franco/ italienne organisé à Bologne les 19 et 20 octobre 2012, RDC 2013/1, n° 1.
196 MORVAN Patrick, « Principes », in Dictionnaire de la culture juridique, p.1201.
197 Sur l’historique de cette évolution, V.Goubinat Marine, Les principes directeurs du droit des contrats, n°50
tel.archives-ouvertes.fr/ consulté le 01-06-2021 à 16h 13.
198 TALLON Denis, « L'inexécution du contrat : pour une autre présentation », RTD civ. 1994. 223 ; Adde FAURE-
ABBAD, « La présentation de l'inexécution contractuelle dans l'avant-projet Catala », D. 2007. 165



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et intérêts)199. Ce point de vue peut être cautionné au regard de l’article 1184 ancien du
code civil qui lorsque le contrat n'est pas exécuté, offre le choix à la victime de recourir
à l’exécution forcée, à la résolution judiciaire ou à demander la condamnation du
débiteur à lui verser des dommages et intérêts. Désormais et ce, depuis l’ordonnance
du 10 février 2016, cette possibilité de choix est consacrée par l’article 1217 issu de
l’ordonnance précitée. Cette présentation dans un seul texte des différentes sanctions
de l’inexécution contractuelle, n’existe ni dans le COCC, qui s’y est essayé200, ni dans
un pays comme la Côte d’Ivoire où les remèdes à l’inexécution sont prévus aux articles
1142 à 1155 du code des obligations.
Au-delàde la distanciation entre l’ordre juridique du « modèle » et de la « copie », nous
avons la difficile gestation d’un droit des obligations intégré.
B-La difficile gestation d’un droit des obligations intégré
40. Le législateur de l’OHADA n’a jamais été insensible à la matière contractuelle ou
pour être plus exact, au droit des obligations de façon générale. C’est ainsi que le
Secrétariat permanent avait confié en son temps au Professeur FONTAINE la lourde
tâche d’élaborer un avant-projet de droit des contrats qui, en raison de l’ignorance de
certains concepts tels que la cause, condition de validité faisant partie de la tradition
juridique de base des Etats membres de l’OHADA en matière contractuelle, et des
réalités africaines, a suscité une levée de bouclier diversement appréciée201. Que faut-il
entendre par réalités africaines ? Comme dit un auteur, il y a des notions plus perçues
que conçues202. Les réalités africaines en font malheureusement partie. Selon Marcel
FONTAINE, les réalités africaines sont les circonstances de fait et les données
199 FAURE-ABBAD Marianne, « La présentation de l'inexécution contractuelle dans l'avant-projet Catala », D.
2007. 165
200 Article 105 du COCC : « Dans les mêmes contrats, lorsque l'une des parties manque gravement à ses
obligations en refusant de les exécuter, en tout ou en partie, l'autre peut, en dehors des dommages et intérêts
qui lui sont dus, demander en justice soit l'exécution forcée, soit la réduction de ses propres obligations, soit la
résolution du contrat, soit sa résiliation ». Le législateur sénégalais vise ici les contrats synallagmatiques et le
siège du régime juridique de l’exception d’inexécution qui constitue une sanction propre à ces catégories de
contrats , c’est l’article 104 du Code susvisé.
201 V. Par exemple POUGOUE Paul Gérard, « L’avant-projet d’Acte Uniforme OHADA sur le droit des contrats :
les tribulations d’un universitaire », OHADATA D-07-41. et
contra
202 GNINTEDEM Patrick Juvé Lowé, « La protection des savoirs traditionnels, entre contestation et triomphe du
droit de propriété », Horizons du droit, Bulletin, n°19, octobre 2020, n°19


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sociologiques qui peuvent avoir une incidence sur le choix des règles juridiques les plus
appropriées203.
41. Pourtant, on a pensé que les choses iraient mieux en confiant la réforme du droit
des obligations OHADA à des professeurs africains et que l’adoption d’un Acte
uniforme était imminente. Malheureusement, nous sommes toujours au point mort de
sorte que l’on peut aujourd’hui s’interroger sur la pertinence des critiques adressées au
projet FONTAINE d’autant que le droit français notamment l’ordonnance du 10 février
2016 qui a servi de modèle au dernier avant-projet ou avant-projet alternatif de la
Fondation de droit continental s’est en partie inspiré des Principes UNIDROIT204. C’est
que la caractéristique de cet avant-projet alternatif c’est de « respecter la culture
juridique et judiciaire de base des pays de l'OHADA », et de « proposer une œuvre utile
et adaptée qui n'entraîne pas une sorte de dépaysement pour les juristes déjà formés
»205. Au-delà, l’avant-projet alternatif entend s’inspirer du droit comparé, des projets
CATALA, les principes de droit européen des contrats, le code Gandolfi, les principes
Unidroit, etc…206. Il n’apparaît donc pas excessif d’affirmer que la réforme du droit des
obligations n’est pas un long fleuve tranquille en droit OHADA.
42. Dans l’esprit de plusieurs universitaires européens, le marché économique unique
rime avec instrument juridique adapté au sein de l’Union européenne207. Le Parlement
européen, la commission européenne, s’appuyant sur l’avant-projet de Code européen
des contrats rédigé par l’Académie des privatistes européens (Pavie), les principes du
droit européen du contrat208, l’avant-projet de réforme du droit des contrats, élaboré
par le ministère de la justice française, le projet de cadre commun de référence de Von
203203 FONTAINE Marcel « Le projet d’Acte uniforme OHADA sur les contrats et les principes d’UNIDROIT relatifs
aux contrats du commerce international », Revue de droit Uniforme, 2004-2, p.259
204 V. LATINA Mathias, « Contrat : généralités-sources du droit des contrats », Répertoire de droit civil, mai
2017, Actualisation, février 2020, N°98
205 FONTAINE Marcel, « Le rayonnement international du droit français des contrats », D. 2016. 2008
206 FONTAINE Marcel, Ibid.
207 MAZEAUD Denis, « Le changement en droit des contrats », op.cit., p.93, n°28 ; Adde HOUIN Roger,
« Pour une codification européenne du droit des contrats et des obligations, Etudes juridiques Julliot de La
Morandière, Dalloz, 1964, p. 223 et s.
208 Dans les dispositions générales de ces principes, il est dit : « Les présents Principes sont destinés à
s'appliquer en tant que règles générales du droit des contrats dans l'Union européenne ». Sur l’identité de ces
principes vis-à-vis des droits européens nationaux, V. MAZEAUD Denis, « Un droit européen en quête
d’identité. Les Principes du droit européen des contrats », Recueil Dalloz, 2007.2959. Selon l’auteur l’existence
d’obstacles linguistiques, culturels et politiques à l’émergence d’un code civil européen, n’empêche guère que
l’on puisse parler d’identité contractuelle européenne dont les valeurs sont la liberté, la loyauté et la sécurité.

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Bar, les principes contractuels communs de l’Association Henri Capitant et de la
Société de législation comparée, sont acquis à cette idée. Les réactions suscitées par ces
différents textes ont poussé la Commission européenne à revoir ses ambitions à la
baisse en proposant un Cadre commun de référence dont l’objectif est d’avoir des
principes et une terminologie commune adaptés aux contrats transfrontaliers209. En
effet, la commission européenne a pris le soin de préciser qu’elle « n'envisage pas de
proposer un code civil européen qui harmoniserait les droits des contrats des Etats
membres » mais simplement un CCR210. Le CCR comporte les éléments suivants : les
principes fondamentaux communs du droit européen des contrats, la définition des
principaux termes pour comprendre les principes et les règles modèles dont les
contractants et les législateurs européens pourraient s’inspirer. Se trouve ainsi rejetée
toute tentative de mise en place d’un véritable code civil européen si chère à
GANDOLFI et farouchement soutenu par certains auteurs211.
Pourtant, l’adoption d’un code civil européen devrait être dans l’ordre du possible eu
égard au fait que les droits continentaux partagent les mêmes valeurs telles que la
liberté contractuelle. Nous pouvons citer à titre d’exemple l’article 2 :301 (1) des PEDC,
l’article 2.1.15 (1) des Principes UNIDROIT. Au-delà, il y a cette volonté de modélisation
juridique d’où l’adoption de plusieurs instruments juridiques parmi lesquels on
retrouve les Principes UNIDROIT212. Il faut dire que les principes UNIDROIT et
européens de droit des contrats forment ce que l’on appelle le droit savant et manifeste
ce faisant traduisent le passage du droit imposé au droit consenti213.
43. Si certains auteurs ont noté une lente gestation du code européen des contrats214,
loin de le nier, il faut néanmoins relever que tous les projets européens d’unification
du droit des contrats n’ont pas abouti et non simplement eu pour effet que de susciter
209 BLANC Dominique, DEROULEZ Jérôme, « La longue marche vers un droit européen des contrats », D.
2007. 1615
210 FAUVARQUE-COSSON Bénédicte, « Droit européen des contrats : les offres sont faites, les dés non encore
jetés », D. 2008. 556
211 WITZ Claude, « Plaidoyer pour un code européen des obligations », D. 2000. 79
212 Dans le préambule des Principes UNIDROIT, il est mentionné ceci : « ils (les principes) peuvent servir de
modèle aux législateurs nationaux et internationaux »
213 PUIG Pascal, « Hiérarchie des normes : du système au principe », RTD civ, 2001, p.749
214 WITZ Claude, « La longue gestation d'un code européen des contrats », RTD civ. 2003. 447




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la réaction de la doctrine française en termes d’offres de réforme du droit commun des
contrats (avant-projet CATALA et TERRE)215. D’ailleurs, un auteur l’a si bien résumé :
« Dans ce contexte à la fois douloureux et prometteur, la meilleure des stratégies
consiste sans doute à entreprendre une réforme d'ensemble du droit français des
obligations, tout en participant aux divers travaux actuels d'unification du droit privé
européen »216
44. Cette situation mise en exergue ci-dessus n’est guère nouvelle si l’on remonte à la
théorisation du jus commune qui, loin d’être un droit positif uniforme, constitue une
science juridique commune217. Le jus commune est né d’une compénétration du corpus
juris civilis et du corpus juris canonici ; de la sorte, coexistaient un jus propium,
particulier à chaque ordre juridique, et un jus commune, ou droit savant, seul enseigné
dans toutes les grandes universités d’Europe218. L’objectif de ce jus commune n’était
certes pas de mettre fin à un à pluralisme juridique complexe qui prévalait en Europe
du Moyen Age jusqu’au temps moderne, mais d’avoir une manière commune
d’appréhender les problèmes, susceptible de féconder les solutions législatives et
coutumières et d’en assurer la cohérence, de fournir un cadre de pensée, une méthode
de raisonnement, permettant de dominer l’enchevêtrement des diverses sources de
droit faisant autorité : nourri de méthodologie, de principes et de concepts219. Le jus
commune, au-delà d’une méthodologie commune permettant d’appréhender tout
problème juridique, exprime des valeurs de civilisation220. Le jus commune, c’est le
droit dont tous les autres ordres juridiques procèdent nécessairement et qui leur
confère pleine valeur de droit en même temps qu’il fonde leur unité221.
Conclusion
215 V. Sur cette question LATINA Mathias, « Contrat : généralités – Sources du droit des contrats », Mai 2017
(actualisation : Février 2020), n°
216 FAUVARQUE-COSSON Bénédicte, « Faut-il un Code civil européen ?, RTD civ. 2002. 463. L’auteur conclut son
propos en retenant qu’on n’arrivera à un code civil européen que lorsqu’il y aura une culture européenne qui
pour l’instant, reste à construire.
217 Sur cette nuance, V. MAZEAUD Denis, « Un droit européen en quête d’identité », op.cit., n°4.
218 OPPETIT Bruno, « Retour à un droit commun européen », in Droit et modernité, PUF, 1998 p.74.
219 OPPETIT Bruno, op.cit., pp.74-75
220 OPPETIT Bruno, op.cit., p.75. Pour rappel, la civilisation en question est la civilisation européenne.
221 M.-F. RENOUX-ZAGAME, « La méthode du droit commun : réflexions sur la logique des droits non codifiés »,
Rev.hist.fac.de droit, p.138



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45. Un archétype juridique sans défaut qui servirait de référence à l’ensemble des
systèmes du droit de par le monde est une utopie222. Suivant ce propos, on perçoit
l’idée selon laquelle il n’y a pas de droit universel en raison par exemple du style
législatif qui peut différer même entre pays appartenant au droit continental223, des
relations contractuelles dominées qui exclusivement par l’efficacité économique, qui
par la conciliation entre cette valeur et la protection du contractant faible ou tout
simplement entre l’utile et le juste, concept cher à Jacques Ghestin, du refus de la
responsabilité précontractuelle ou de l’obligation précontractuelle d’information en
droit anglais alors que le droit français les admet224, de l’obligation de minimiser le
dommage ou des dommages et intérêts punitifs.
46. S’il est vrai qu’au regard du contenu du projet d’Acte uniforme en matière
contractuelle élaboré dans le cadre de l’OHADA, les pays membres de cette
organisation d’intégration juridique restent encore attachés au modèle français, celui-
ci s’en éloigne de plus en plus et ce, à la faveur de la réforme du Titre III du Livre III du
code civil. Ainsi, la cause et l’objet ont été supprimés en France alors qu’ils sont
toujours d’actualité dans deux nombreux pays africains, anciennes colonies de la
France. C’est dire que la célèbre mise en garde de Napoléon relativement au
commentaire du code civil225, et par laquelle ce dernier croyait à l’éternité de son code
civil, appelé constitution civile des français par Demogue226, n’a aucune raison
d’inquiéter les glossateurs.
222 BAISSUS Jean-Marc, « Le droit français, modèle du droit continental ? », in Quel avenir pour le modèle
juridique français dans le monde ? sous la direction de Rémy Cabrillac, ECONOMICA, 2011, p.15
223 C’est l’exemple du style français qui constitue un mixte entre langage technique et courant, là où le style
allemand est tout simplement technique, plus exhaustif. V. LASSERE-KIESOW,
La technique législative. Etude
sur les codes civils français et allemand
, L.G.D.J, Bibl.dr.privé, t.371, préf. M. PEDAMON
224 Sur ces différentes comparaisons, V. CABRILLAC Rémy, « Quel avenir pour le modèle juridique français dans
le monde ?
In Quel avenir pour le modèle juridique français dans le monde, ECONOMICA, 2011, pp.8-9
225 Un seul commentaire, et mon code est perdu, dixit Napoléon ! V. ROULAND Norbert, « Acculturation
juridique »,
in Dictionnaire de la culture juridique, p.6.
226 Par contre, certains auteurs attribuent la paternité de cette formule à Jean Carbonnier. V. NOUEL Pierre,
« Sur les traces de la constitution civile de la France », RTDciv, 2020, p.563




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