En partenariat avec
ARRESTATION, GARDE A VUE ET DETENTION PREVENTIVE
ANALYSE DU CADRE TUNISIEN AU REGARD DES LIGNES
DIRECTRICES LUANDA
SALMA CHAARI ET BECHIR GHACHEM
– JUIN 2015 –
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Présentation préliminaire
Arrestation
11 Garde à vue
17 Détention préventive
23 Assistance juridique
27 Traitement de et accès à l’information
32 Normes de conduite et formation des agents
35 Groupes vulnérables
45 Reddition des comptes et réparation
52 Tableau récapitulatif des axes de réforme souhaitables
Document d’étude du Labo’ Démocratique
Programme Sécurité et justice
Projet Luanda Guidelines
Le Labo’ Démocratique est une association tunisienne à caractère scientifique qui se
réclame des principes de la déclaration universelle des droits de l’homme et qui a pour but
de contribuer, en toute indépendance, à l’instauration et à l’enracinement d’une démocratie
innovante et vivante, à travers:
la recherche, l’analyse et le débat
la mise en œuvre d’actions expérimentales ciblées
des propositions aux pouvoirs publics, à la société civile et à l’opinion publique
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Au cours de sa 55ème Session Ordinaire, à Luanda, en Angola du 28 avril au 12 mai 2014, la
Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (« Commission Africaine »),
institution mandatée pour formuler des normes, des principes et des règles sur lesquelles
les gouvernements africains pourront appuyer leur législation, a adopté les lignes
directrices sur les conditions d'arrestation, de garde à vue et de détention préventive en
Afrique (« Lignes Directrices Luanda »), en se fondant sur la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples (« Charte Africaine ») qui prévoit les obligations des Etats parties à
la Charte de fournir à leurs peuples le droit à la vie, la dignité, la sécurité, un procès
équitable ainsi qu’à un système judiciaire indépendant.
Les Lignes Directrices Luanda visent à aider les États parties à mettre en œuvre ces
obligations dans le contexte spécifique de l'arrestation, de la garde à vue et de la détention
préventive.
La Commission Africaine reconnait que l'environnement de justice pénale pré-procès
présente des défis significatifs en Afrique en matière de droits humains, en particulier dans
le cadre de l’arrestation, de la garde à vue et de la détention préventive.
Les risques d’arrestations et de détentions arbitraires, de torture et autres mauvais
traitements inhumains et dégradants, de corruption, de taux élevés de surpopulation dans
les geôles policières et prisons, de conditions de détention qui ne respectent pas les le droit
à la vie et à la dignité ainsi que la non conformité des garanties procédurales aux normes
minimales convenues portant atteinte à l’Etat de droit ont un impact significatif sur le reste
de la chaine de la justice pénale, gaspillent les ressources publiques et mettent en danger la
vie des personnes arrêtées, en garde à vue ou en détention préventive.
Les Lignes Directrices reflètent l'aspiration collective des Etats africains, des institutions
nationales des droits de l’Homme et les organisations de la société civile visant à
promouvoir une approche fondée sur les droits humains en matière d’arrestation, de garde
à vue et de détention préventive.
Alors que l’adoption des Lignes Directrices est une étape importante afin de concrétiser
cette aspiration collective, la réussite de cette dernière ne sera atteinte que par
l’engagement soutenu de toutes les parties prenantes à mettre en oeuvre les Lignes
Directrices dans leurs systèmes nationaux de justice pénale.
Le Rapporteur Spécial de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples,
Commissaire à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, l’Honorable
Med SK Kaggwa (le « Rapporteur Spécial ») supervise la promotion des Lignes Directrices
dans les Etats-parties et invite les parties prenantes à mettre en œuvre une stratégie de mise
en oeuvre au niveau de leurs systèmes nationaux.
Dans ce cadre, sous l’égide du Rapporteur Spécial, et avec le support du Forum Africain
pour le Contrôle Civil du Maintien de l’Ordre (« APCOF »), l’Initiative pour la Justice de
l’Open Society Foundation et le Programme de Développement des Nations Unies, les
différentes parties prenantes en Tunisie ont été invitées par le Labo’ Démocratique à un
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atelier de présentation des Lignes Directrices Luanda sur les conditions d’arrestation, de
garde à vue et de détention préventive le 30 mai dernier à l’hôtel Novotel, Tunis.
L’objectif de cet atelier a été d’introduire les Lignes Directrices Luanda aux différentes
parties prenantes en Tunisie et notamment à la société civile, de discuter l’état des lieux en
Tunisie en matière d’arrestation, de garde à vue et de détention préventive sur la base d’une
étude préliminaire élaborée par le Labo Démocratique, enrichie par les discussions de
l’atelier (le « Document de discussion »), afin d’ identifier les points de non conformité de
la législation tunisienne applicable en la matière ainsi que les opportunités d’interventions
stratégiques visant à promouvoir, mettre en œuvre et renforcer les réformes nécessaires
dans ce domaine.
Le Document de discussion
Ce document de discussion a été rédigé par le Labo’ Démocratique et revu par l’APCOF. Il est
basé sur des recherches documentaires relatives au cadre législatif actuel en matière
d’arrestation, de garde à vue et de détention préventive en Tunisie, qui sont analysées en
rapport aux exigences des Lignes Directrices Luanda.
Les lacunes et les défis ont été discutés d’une manière préliminaire lors de l’atelier de
présentation des Lignes Directrices Luanda le 30 mai 2015.
Une ébauche d’un plan d'action stratégique pour la mise en œuvre des Lignes Directrices a
été élaboré à la fin de l’atelier de présentation avec les parties présentes dans la réunion.
Une série de consultations sera menée avec les parties prenantes n’ayant pas pu être
présentes à l’atelier, en particulier le ministère de l’Intérieur afin de finaliser le volet
pratique de la présente étude ainsi que le plan d’action stratégique.
Vue d’ensemble sur les garanties relatives aux droits humains en Tunisie
La Constitution tunisienne promulguée le 27 janvier 2014 contient un éventail de
dispositions relatives aux droits et libertés fondamentales de l’Homme. Ceux relatifs
particulièrement à la privation de liberté comprennent :
- La présomption d’innocence, le droit à un procès équitable assurant toutes les garanties
nécessaires à la défense durant les phases de poursuite et du procès1; Etant précisé que
toute personne a droit à un procès équitable dans un délai raisonnable et que tous les
justiciables sont égaux devant la justice2.
- L’interdiction de procéder à une arrestation ou détention sauf en cas de flagrant délit ou
sur la base d’une décision de justice3;
- Le droit d’être immédiatement informé des droits et des charges4;
- Le droit de se faire représenter par un avocat5;
- La nécessité de définir les périodes d’arrestation ou de détention par la loi6;
- Le droit à un traitement humain7 et l’interdiction de toute forme de torture morale et
physique8.
1 Article 27, Constitution tunisienne.
2 Article 108, Constitution tunisienne.
3 Article 29, Constitution tunisienne.
4 Ibid.
5 Ibid.
6 Ibid.
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Le cadre constitutionnel relatif à la protection des droits humains des personnes soumises à
des mesures d’arrestation, de garde à vue et de détention préventive est globalement
conforme aux standards internationaux et aux Lignes Directrices Luanda.
Cependant, la mise en application de ces garanties constitutionnelles n’a pas encore été
réalisée dans la mesure où des réformes législatives des dispositions applicables en matière
d’arrestation, de garde à vue et de détention préventive (en particulier le Code de
procédures pénales) ne sont pas encore achevées.
Vue d’ensemble sur le système policier en Tunisie
L’article 19 de la Constitution tunisienne prévoit que les forces de sécurité nationale sont
républicaines. Ses forces sont chargées de préserver la sécurité, l’ordre public, de protéger
les individus, les institutions et les biens, ainsi que de veiller à l’application de la loi dans le
respect des libertés, en toute neutralité. Le statut général des agents de forces de sécurité
intérieure (« FSI ») est régi par la loi9.
Ces derniers sont chargés du maintien de l’ordre public. Ils ont l’obligation d’intervenir soit
de leur propre initiative, soit sur la demande d’autrui afin de porter aide et assistance à
toute personne en danger ainsi que de prévenir ou réprimer tout acte de nature à constituer
un danger pour les personnes et les biens ou des troubles à l’ordre public10.
Les FSI comprennent la police nationale, les agents de la sûreté nationale, la garde nationale,
la protection civile, tous soumis à la tutelle du ministère de l’Intérieur. Les FSI comprennent
également les agents des prisons et de la rééducation régis par un statut particulier, mais
ces derniers régis par un statut particulier, relèvent de la tutelle du ministère de la Justice11.
Conformément à l’article 2 du statut particulier des agents du corps de la sûreté nationale et
de la police nationale12 , le corps de la sûreté nationale et de la police constitue une force
publique civile armée, préventive et répressive, responsable au premier degré, sur tout le
territoire de la république, du maintien de l’ordre public, de la sûreté de l’état, du contrôle
des frontières, de la condition des étrangers, de la circulation et de la sécurité des routes.
Elle enquête et informe sur tout ce qui touche aux domaines de la vie politique, économique,
sociale et culturelle ; elle est aussi chargée de veiller d’une manière générale à la sûreté des
personnes et des biens, de constater les infractions, d’en rechercher les auteurs et de
procéder aux enquêtes judiciaires conformément aux procédures légales, et de concourir à
l’exécution des décisions judiciaires et des règlements administratifs.
Certains agents des FSI exercent conformément au Code de procédures pénales en tant
qu’officiers de la police judiciaire (« Police Judiciaire »), agissant dans ce cas en tant
7 Article 30, Constitution tunisienne.
8 Article 23, Constitution tunisienne.
9 Loi n° 82-70 du 6 août 1982 portant statut général des forces de sécurité intérieure, telle que modifiée par la loi n°
2000-58 du 13 juin 2000, le décret-loi n° 2011-42 du 25 mai 2011 et le décret-loi n° 2011-69 du 29 juillet 2011 (« Loi
n° 82-70 »).
10 Ibid.
11 Ibid.
12 Décret no 2006-1160 du 13 avril 2006 portant statut particulier des agents du corps de la sûreté nationale et de la
police nationale modifié par le décret No 2011-1260 du 5 septembre 2011 portant modification des statuts
particuliers des agents des forces de sécurité intérieure rattachées au ministère de l’Intérieur.
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qu’auxiliaires du procureur de la République. Il s’agit des commissaires de police, officiers
de police, chefs de postes de police, officiers, sous officiers et chefs de poste de la garde
nationale13
La Police Judiciaire est chargée de constater les infractions, d’en rassembler les preuves,
d’en rechercher les auteurs et de livrer ces derniers aux tribunaux tant qu’une information
n’est pas ouverte14 par le juge d’instruction. Exercée notamment par les officiers de police,
elle procède aux arrestations de son propre chef en cas de flagrant délit ou crimes ou sous
réserve d’être munie d’un mandat d’amener ou de dépôt donné par le juge d’instruction.
Vue d’ensemble sur la détention préventive en Tunisie
Selon la loi relative à l’organisation des prisons15, les prisons sont classées en trois (3)
catégories parmi lesquelles les prisons de détention au sein desquelles sont déposées les
personnes détenues à titre préventif16. La séparation est obligatoire au sein des prisons
entre les personnes détenues à titre préventif et celles faisant l’objet de condamnation.
Les cadres et agents des prisons et de rééducation relèvent de l’autorité du ministre de la
Justice vis-à-vis duquel sont transférées les prérogatives reconnues à leur égard au ministre
de l’Intérieur17.
Les cadres et agents des prisons sont soumis à un statut particulier. Ils constituent une force
publique civile armée chargée du maintien de la sécurité des établissements pénitentiaires
et rééducatifs ainsi que des personnes qui y sont détenus. Ils sont également en charge de
l'exécution des mandats et des jugements judiciaires conformément aux lois et règlements
en vigueur18.
En 2014, il existait 27 prisons tunisiennes accueillant environ 24.000 prisonniers, dont près
de 13.000 sont détenus à titre préventif19. Plusieurs rapports dénoncent la situation
matérielle et humaine alarmante des prisons, dont la construction remonte en grande
majorité au début du siècle dernier et ont appelé à des réformes drastiques du système
pénitentiaire20.
Un plan d’action quinquennal (2015/2019) pour la réforme du système judicaire et
pénitentiaire a été élaboré par le ministère de la Justice et est en cours de réalisation21.
13 Article 10, Code de procédures pénales et Article 5 de la loi n°82-70 précitée.
14 Article 9, Code de procédures pénales.
15 Article 3 de la loi no 2001-52 du 14 mai 2001 relative à l’organisation des prisons, telle que modifiée par la loi no
2008-58 du 4 août 2008 relative à la mère détenue enceinte et allaitante (« Loi relative aux prisons »)
16 Les deux autres catégories de prisons sont : les prisons d’exécution dans lesquelles sont déposées les personnes
condamnées à des peines privatives de liberté ou à une peine plus lourde et les prisons semi-ouvertes dans lesquelles
sont déposées les personnes condamnées pour cause de délits et habilitées au travail agricole.
17 Loi n° 2001-51 du 3 mai 2001 relative aux cadres et agents des prisons et de la rééducation.
18 Décret n° 2006-1167 du 13 Avril 2006 fixant le statut particulier du corps des cadres et agents des prisons et de la
rééducation.
19 Consulter : http://www.huffpostmaghreb.com/2014/04/03/tunisie-onu-prisons-_n_5085105.html
20 Consulter notamment :http://www.realites.com.tn/2014/04/lonu-tire-la-sonnette-dalarme/; Voir également :
http://directinfo.webmanagercenter.com/2015/05/15/encombrement-alarmant-et-proliferation-de-graves-
maladies-contagieuses-dans-les-prisons-tunisiennes/. Un rapport élaboré par le Haut Commissariat des Nations Unies
aux droits de l’Homme intitulé « Situation des prisons en Tunisie entre les standards internationaux et la réalité »,
Mars 2014, est disponible sur le lien suivant : http://hcdh-tunisie.org/wp-content/uploads/2015/02/Rapport-sur-la-
situation-des-prisons-en-Tunisie.pdf
21 Consulter le plan d’action : http://www.ilacnet.org/wp-content/uploads/2015/02/Plan-daction-r--forme-de-la-
justice-2015-19-FR-et-AR.pdf
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L’arrestation selon les Lignes Directrices Luanda
Dans le cadre des Lignes Directrices Luanda, le terme « arrestation » s’entend de l’acte qui
consiste à appréhender une personne du chef d’une prétendue infraction, ou du fait d’une
autorité compétente pour arrêter et détenir une personne telle que la loi l’y autorise.
La première partie des Lignes Directrices Luanda définit le cadre général de l’arrestation en
conformité avec la Charte Africaine et d'autres normes internationales applicables. Les droits
à la liberté et à la sécurité de la personne sont au cœur de cette partie.
Les motifs de l'arrestation dans la Ligne Directrice 2 sont conçus pour traiter des questions
relatives aux arrestations arbitraires. L’arrestation doit être une mesure de dernier recours et
limitée à des circonstances exceptionnelles.
Les Lignes Directrices Luanda tendent à promouvoir des alternatives à l’arrestation qui doit
être évitée dans le cadre des infractions mineures et encouragent les Etats à adopter des
mesures de substitution afin d’orienter les infractions mineures hors de la juridiction pénale.
Les Lignes Directrices Luanda listent en détail un éventail de garanties procédurales devant
encadrer l’arrestation, y compris les motifs de l'arrestation, l’obligation pour les agents de
s’identifier, la restriction quant à l’utilisation de la force et des armes à feu, des règles relatives
aux opérations de fouilles ainsi que la tenue de registres d’inscriptions pour les arrestations.
Les droits de la personne mise en arrestation sont prévus dans la Lignes Directrice 4 et
comprennent ce qui suit:
Le droit de ne pas être soumis à la torture et à des peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants
Le droit d’être informé des motifs de son arrestation et des charges retenues contre soi
Le droit à une assistance juridique, médicale et de contacter un membre de sa famille ou
toute personne de son choix
Le droit à des conditions de vie et d’hygiène humaine au cours de la période d’arrestation
Le droit à l’information dans un format accessible et compréhensible
Le droit de demander sa mise en liberté provisoire avec ou sans caution
Le droit de contester la légalité de son arrestation
Le droit d’accéder librement aux mécanismes de traitement des plaintes et de
surveillance
Le droit à des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées
La Ligne Directrice 5 formule l’exigence pour les personnes arrêtées d’être informées des
droits ci-dessus dans une langue et un format accessible et compréhensible et de bénéficier
des moyens nécessaires à l'exercice de ces droits.
Plus généralement, les Lignes Directrices Luanda ont pour but de réduire le nombre
d’arrestations arbitraires et inutiles et visent à protéger les personnes arrêtées contre tout
abus en violation des droits de l’homme.
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Le cadre
l’arrestation en Tunisie
juridique général de
des blogueurs24 et ont été contestées par
des militants des droits humains.
La police judicaire, exercée notamment
par les officiers de police, procède aux
arrestations de leur propre chef en cas
de flagrant délit ou crimes ou sous
réserve d’être munie d’un mandat
d’amener ou de dépôt donné par le juge
d’instruction.
Elle est tenue d’informer le procureur de
la République des mesures d’arrestation
prises à
l’encontre des personnes ;
cependant, le délai de cette information
n’a pas été déterminé par le Code de
procédures pénales.
Les infractions, quelles soient mineures
ou graves sont en principe clairement
listées dans le Code pénal ou dans des
législations spécifiques.
*Certaines
le Code
infractions dans
pénal réfèrent à des notions telles que
« l’atteinte aux bonnes moeurs » ou à
« la morale publique » ou encore
« l’atteinte à la pudeur » qui sont punies
de 6 mois d’emprisonnement et d’une
amende de 1000 dinars22 ou encore aux
« troubles à l’ordre public » qui prévoit
une peine de prison allant de 6 mois à 5
ans et une amende allant de 120 à 1200
dinars23.
utilisée
largement
tunisienne
La référence à ces infractions pour
procéder à des arrestations arbitraires a
avant
été
la
révolution
en vue de
restreindre des libertés individuelles.
Même
ces
dispositions ont parfois servi dans le
cadre d’arrestations ciblant notamment
des journalistes, des artistes ou encore
révolution,
après
la
22 Article 266 bis, Code pénal.
23 Article 121, Code pénal.
juin 2012,
lors d’une campagne sécuritaire
En
déployées dans les régions tunisiennes, sur 8550
arrestations ayant eu lieu, il y en avait :
1081 pour état d’ébriété et tapage
257
détention,
affaires
pour
des
de
consommation et trafic de stupéfiants
308 pour outrage à la pudeur et atteinte aux
bonnes mœurs
Source : Communiqué de presse du ministère de
l’Intérieur, 3 juillet 2012
Les garanties de procédures et les
droits des personnes mises en état
d’arrestation
Le Code de procédures pénales, plus
précisément l’article 13 bis prévoit un
certain nombre d’obligations à la charge
des officiers de police judiciaire, en
faveur des droits des personnes
arrêtées.
leur
strictement
interprétées
Cependant,
dans le contexte de cet article, les
garanties procédurales qui y sont
prévues s’appliquent aux personnes
les
privées de
nécessités de l’enquête policière dans le
cadre des procédures de garde à vue, et
leur
non au moment même de
arrestation (voir développement prévus
dans la section 2 de cette étude relative
à la garde à vue).
liberté pour
D’ailleurs, la pratique rapportée en la
matière tend à confirmer l’absence de
juridiques et procédurales
garanties
Voir
24
http://blog.slateafrique.com/tawa-fi-
tunis/2012/08/06/tunisie-%E2%80%93-les-
blogueurs-en-danger/;
http://www.tekiano.com/2012/09/03/tunisie-
troubles-a-lordre-public-lnotion-a-double-
tranchantr/
voir
notamment :
également :
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la mesure où des abus sont
dans
fréquemment pratiqués durant
les
premières heures suivant l’arrestation25.
A titre d’exemple, un homme est mort le
3 octobre 2014 à la suite d’allégations
sérieuses de torture et de maltraitance
commises contre lui au moment de son
arrestation par la police, et ce en plein
jour devant ses voisins et autres
passants26.
Des cas d’usage excessif d’armes à feu
ayant entrainé la mort de personnes au
moment de leur arrestation ont été
également rapportés27.
Même si la Constitution tunisienne du
27 janvier 2014 a prévu des garanties
visant à protéger les droits humains des
personnes privées de liberté, y compris
dans le cadre de leur arrestation, il n’en
reste pas moins que
le Code de
procédures pénales devra faire l’objet
d’une réforme importante afin d’être
mis en conformité avec les dispositions
constitutionnelles.
Le Code de procédures pénales doit
impérativement étendre les garanties
procédurales prévues à l’article 13 bis
pour la garde à vue à l’arrestation. La
personne arrêtée doit notamment avoir
le droit d’être assistée par un avocat dès
son arrestation.
25 A/HRC/19/61/Add.1/ United Nations, Report of
the Special Rapporteur on torture and other cruel,
inhuman or degrading treatment or punishment, Juan
E. Méndez, 2012, p. 13.
26
http://www.businessnews.com.tn/details_article.php
?a=50251&t=520&lang=fr&temp=3.
27
meurtre-de-deux-jeunes-femmes-a-kasserine-
mandat-de-depot-contre-deux-policiers/243534
http://www.tunisienumerique.com/tunisie-
AXES DE REFORME SOUHAITABLES
Le Code de procédures pénales doit
spécifier le délai au cours duquel la police
judiciaire doit informer le procureur de la
République de toute mesure d’arrestation
prise à l’encontre des personnes.
Conformément à
l’article 49 de
la
Constitution tunisienne, la loi détermine les
restrictions relatives aux droits et libertés
ainsi qu’à leur exercice sans que cela ne
porte atteinte à l’essence de ces droits et
libertés. Le principe de proportionnalité des
restrictions à l’objectif recherché doit être
impérativement respecté.
Une
lois
refonte en profondeur des
existantes doit être initiée en vue de les
harmoniser avec la nouvelle Constitution
tun*isienne et les garanties qu’elle prévoit
en matière de droits et libertés, y compris
les dispositions du Code pénal et du Code
de procédures pénales.
Le Code de procédures pénales doit
garanties
étendre
procédurales prévues pour la garde à vue à
l’arrestation.
explicitement
les
Les méthodes policières au cours des
arrestations ainsi que l’usage excessif de la
force doivent être clairement encadrées par
la loi.
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La garde à vue selon les Lignes Directrices Luanda
La Deuxième Partie des Lignes Directrices Luanda prévoit les procédures et autres garanties pour
les personnes privées de leur liberté en garde à vue. Les dispositions de cette partie sont toutes
conçues pour promouvoir l’interdiction des détentions arbitraires et insister sur le fait que l’usage de
la garde à vue doit être une mesure exceptionnelle de dernier recours.
Afin de promouvoir les droits des personnes gardées à vue, les Lignes Directrices soulignent la
nécessité d’une surveillance indépendante des lieux de détention et prévoient des garanties lors
des enquêtes et interrogatoires. La Section 7 des Lignes Directrices comprend les directives
relatives aux décisions de mise en liberté provisoire.
Le cadre juridique général de la garde à vue en Tunisie
Outre les cas de flagrants délits ou la nécessité de procéder à l’arrestation et détention
sur la base de mandats judiciaires, la décision de procéder à la détention d’un suspect en
garde à vue est conditionnée au sens de l’article 13 bis du Code de procédures pénales
par les « nécessités de l’enquête ». Cet article n’apporte pas de précisions à la notion de
« nécessité de l’enquête » alors que cette dernière constituant la base juridique justifiant
la garde à vue mérite d’être limitée à des cas bien définis pour être en conformité avec le
principe du recours à la garde à vue en tant que mesure exceptionnelle.
La généralité de cette notion favorise ainsi le recours à la garde à la vue d’une manière
arbitraire par les agents composant la Police Judiciaire tels qu’expressément définis par
l’article 13 bis du Code de procédures pénales (c.à.d les agents de force de sécurité
intérieure ainsi que les agents douaniers dans le cadre de leurs compétences), d’autant
plus que la décision d’entreprendre une telle mesure restrictive de liberté relève de leur
seule discrétion.
Les garanties de procédures et les droits des personnes en garde à vue
La nouvelle Constitution tunisienne prévoit que « (…) le détenu est immédiatement
informé de ses droits et de la charge retenue contre lui. Il a le droit de se faire représenter
par un avocat. La durée de l’arrestation est définie par la loi »28.
1. Le droit à l’information
L’article 13 Bis du Code de procédures pénales prévoit les obligations suivantes :
28 Article 29, Constitution de la République Tunisienne promulguée le 27 janvier 2014.
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- L’officier de police judiciaire doit
informer le suspect, dans la langue
qu’il comprend, de la mesure à son
encontre, de sa cause, de son délai et
de lui dicter ce que lui garantit la loi,
notamment la possibilité demander
d’être soumis à un examen médical
pendant le délai de garde à vue ;
- Les membres de la famille du gardé
à vue peuvent également demander
au cours du délai de garde à vue ou
à son expiration la soumission de la
personne gardée à vue à un examen
médical 29 . Cette disposition est
la mesure où
critiquable dans
l’inculpé peut avoir perdu tous les
membres de sa famille ou ne pas
avoir de conjoint.
où
l’information
- L’article 13 bis ne précise pas le
moment
du
Procureur de la République doit
avoir lieu (préalable à la mesure de
garde à vue, concomitante ou a
posteriori) ; l’information du juge
d’instruction quant à elle est bien
définie en termes de délai, à savoir
avant la mesure de garde à vue.
2. Le délai de garde à vue
En ce qui concerne la durée de la garde à
vue, cette dernière est fixée par le Code
de procédures pénales à un maximum
de six jours (trois jours, renouvelables
une seule fois pour la même période par
décision motivée du Procureur de la
juge d’instruction
République ou du
dans
la commission
rogatoire)30, et ce quelque soit la gravité
le cadre de
29 Article 13 Bis, Paragraphe 2, Code de procédures
pénales.
30 Article 13 Bis, Paragraphe 1er, Code de procédures
pénales : « Dans le cas où les nécessités de l’enquête
l’exigent, les officiers de la police judiciaire, des
douanes, dans le cadre des compétences qui leur sont
attribuées par le code des douanes, ne peuvent garder
le suspect pour une durée dépassant trois jours ; ils
doivent en aviser le procureur de la République. Le
Procureur de la République peut par décision écrite
prolonger la durée de la garde à vue seulement une
seule fois pour la même période et ce en vertu d’une
du délit ou du crime dont le gardé à vue
est suspecté. Il est rapporté toutefois
que dans certains cas en pratique, la
détention en garde à vue dépasse la
période de six jours31.
La durée de garde à vue telle que prévue
actuellement par le Code de procédures
pénales ou le projet de loi antiterroriste
n’est pas conforme aux standards
internationaux, y compris les Lignes
Directrices Luanda qui préconisent une
période ne dépassant pas au total 48
heures.
Cette durée maximale pour les infractions de droit
commun est étendue à 15 jours dans le cadre de la
loi relative à la lutte contre le terrorisme et le
blanchiment d’argent adoptée le 25 juillet 2015.
de
Un projet de loi n° 2013-13, relatif à la
révision et l’achèvement de certaines
dispositions du Code de procédure
pénale, est en cours d’examen par la
commission de la législation générale
relevant
des
représentants du Peuple (ARP) 32. Le
projet de loi n° 2013-13 vise notamment
la modification de l’article 13 bis du
Code de Procédures Pénales afin de
ramener la durée de la garde à vue à 48
heures non renouvelables, à l’expiration
de laquelle le prévenu devra être déféré
l’Assemblée
décision motivée comportant les motifs de fait et de
droit la justifiant ».
31 Voir notamment “A/HRC/28/68/Add.2/ Report of
the Special Rapporteur on torture and other cruel,
inhuman or degrading treatment or punishment,
Follow up Report: Missions to the Republic of
Tajikistan and Tunisia”, United Nations, 27 February
2015. Voir également : Human Rights Watch, « Cracks
in the System: Conditions of Pre-Charge Detainees in
Tunisia», décembre 2013.
32
Consulter :
http://directinfo.webmanagercenter.com/2015/03/12/tuni
sie-la-loi-amendant-le-code-de-procedure-penale-en-debat-
a-larp/. Les projets de modification sont disponibles en
langue
http://www.legislation-
securite.tn/fr/node/35982. A la date du présent rapport,
nous avons appris que l’examen de ce projet de loi en
plénière prévu à la fin du mois de juin 2015 a été
reporté.
arabe
sur
Page | 12
devant le Procureur de la République.
D’autres propositions ont été formulées
visant à ramener cette durée à trois
jours non renouvelables ou encore 48
heures pouvant être prolongées de 48
heures additionnelles sur demande du
Procureur de
la République et par
décision motivée.
3. Le droit de se faire représenter
par un avocat
Le droit à un avocat au cours de la
procédure de garde à vue n’était pas
l’ancienne Constitution
consacré par
tunisienne de 1959, ni par le Code de
procédure pénale.
la nouvelle
Actuellement, bien que
Constitution tunisienne prévoie le droit
de la personne arrêtée ou détenue de se
faire représenter par un avocat, le Code
de procédures pénales ne prévoit pas
encore cette possibilité (l’intervention
de l’avocat étant expressément prévue
la phase d’instruction et du
dans
fois
jugement), ce qui est à
inconstitutionnel
aux
et
standards internationaux et aux Lignes
Directrices Luanda. Cependant, selon
notamment le Réseau d’Observation de
la Justice Tunisienne en Transition33, il
pratique
existerait
consistant à autoriser d’une manière
occasionnelle les avocats à rencontrer
leurs clients au poste de police « en
fonction des relations personnelles que
l’avocat peut avoir avec certains policiers
ou de sa réputation ».
la
contraire
certaine
une
Dans un but de conformité avec l’article
29 de la Constitution tunisienne, le
processus de réforme envisagé par le
projet de loi No 2013-13 sur le Code de
procédures pénales vise à établir le droit
regard
33 Voir « Troisième rapport du ROJ, Le procès pénal
standards
croisé
équitable :
internationaux, les normes nationales et les pratiques
tunisienne, Analyses et recommandations », Janvier
2014.
sur
les
du gardé à vue de se faire représenter
par un avocat dès son placement en
garde à vue, lequel pourrait intervenir
lors des interrogatoires et avoir accès
aux pièces du dossier à cet effet.
collecte
Parmi les dispositions critiquées dans ce
projet de loi figure la possibilité pour le
Procureur de la République de refuser
l’attribution d’un avocat au gardé à vue
afin d’assurer
la
la
conservation de preuves pour le bon
déroulement de l’enquête. Il s’agit d’une
« restriction
le
Rapporteur spécial des Nations Unies
la torture et autres peines ou
sur
traitements
et
dégradants34.
inappropriée » selon
inhumains
cruels,
et
4. Le droit à un examen médical
L’article 13 bis du Code de procédures
pénales prévoit le droit de la personne
gardée à vue ou des membres de sa
famille de demander au cours du délai
de garde à vue ou à son expiration d’être
soumis à un examen médical.
nous
termes de cet article restent
Les
critiquables à plusieurs égards. D’abord,
la limitation de la liste des personnes
ayant le droit de demander l’examen
médical, à savoir le gardé à vue lui-
même,
ses ascendants, descendants,
frères et sœurs et le ou la conjointe. Or,
comme
l’avions mentionné
précédemment, le gardé à vue peut très
bien ne pas avoir de famille. D’autre
part,
les
membres de la famille de présenter une
demande d’examen médical dans
la
mesure où ils ne peuvent évaluer le
dommage subi par ou l’état de santé du
gardé à vue que si on leur accorde le
droit de visite au cours de la garde à vue.
très difficile pour
il est
34 A/HRC/28/68/Add.2/ United Nations, Report of
the Special Rapporteur on torture and other cruel,
inhuman or degrading treatment or punishment, Juan
E. Méndez, 27 February 2015, p. 56.
Page | 13
Cependant, en pratique, ceci n’est pas
évident puisque les officiers de police
judicaire peuvent leur interdire ce droit
de visite sous couvert de la « nécessité de
l’enquête » et de sa confidentialité.
Par ailleurs, en ce qui concerne la
période pendant laquelle il est possible
de demander un examen médical,
l’article 13 bis du Code de procédures
pénales la situe pendant le délai de
garde à vue ou à son expiration ; ceci
signifie que l’examen a priori n’est pas
possible. Or, comment serait il possible
dans ce cas de prouver que le gardé à
vue a subi des violences ou des actes de
torture pendant et non pas avant sa
mise en garde à vue ?
Enfin,
l’article 13 bis du Code de
procédures pénales n’a pas déterminé
les
l’autorité habilitée à examiner
demandes d’examen médical alors qu’il
aurait été opportun de confier cette
responsabilité au Procureur de
la
la Police
République à
Judicaire et éviter ainsi les éventuels
abus de pouvoir par les officiers.
la tête de
Conditions matérielles de détention
en garde à vue
La Constitution tunisienne définit le
droit de chaque détenu à un traitement
humain qui préserve sa dignité.
Les établissements de garde à vue sont
gérés par le ministère de l’Intérieur
alors que les prisons et autres centres de
détention carcérale sont administrés par
le ministère de la Justice.
dénoncent
rapports d’organisations non
Des
gouvernementales
les
mauvaises conditions matérielles dans
les centres de garde à vue, telles que les
conditions sanitaires non hygiéniques,
l’accès insuffisant à l’eau courante, au
des
savon et aux douches, le manque de
structures adéquates pour la gestion des
déchets, l’insuffisance de la nourriture
fournie35. Les allégations de torture et
inhumains et
de traitements cruels,
dégradants pour extorquer les aveux
lors
sont
fréquemment rapportées, notamment
dans le cadre des vastes campagnes de
lutte contre le terrorisme. Malgré les
démentis fournis par le ministère de
il n’en
l’Intérieur en
demeure pas moins que des cas de décès
de suspects mis en garde à vue ont été
relevés post-révolution tunisienne37.
interrogatoires
la matière 36 ,
Selon des statistiques alarmantes disponibles en
2013, 83664 prévenus auraient séjourné dans 197
cellules de garde à vue dans tout le pays, équipées
uniquement de 17 infirmeries et 26 douches. Le
ministère de l’Intérieur ne serait parvenu à assurer
que 9% des fonds nécessaires au nettoyage et à
l’assainissement.
Source (consultée en juillet 2015):
http://www.leconomistemaghrebin.com/2014/0
3/13/vers-garde-vue-plus-respectueuse-dignite-
humaine/
Malgré des failles persistantes au niveau
des conditions de détention en garde à
vue,
le gouvernement confirme son
engagement à instaurer un système de
garde à vue plus respectueux des droits
humains à travers notamment l’accord
de coopération signé entre le ministère
de l’Intérieur et le Comité international
de la Croix-Rouge (CICR) dans le cadre
du projet Amélioration des conditions de
la
traitement des personnes durant
période de garde à vue.
35 Human Rights Watch, « Cracks in the System:
in Tunisia»,
Conditions of Pre-Charge Detainees
décembre 2013, p.26.
36
http://www.mosaiquefm.net/fr/index/a/ActuDetail/
Element/52287-chelli-dement-des-cas-de-torture-
dans-les-centres-de-detention?Source=RSS
37
http://www.hrw.org/fr/news/2015/05/19/tunisie-
mort-suspecte-d-un-detenu-lors-de-sa-garde-vue
Consulter :
Voir:
Page | 14
Ce projet s’étend sur la période 2013-
2016 et a pour but de former 2000
employés du ministère de l’Intérieur en
matière de traitement des personnes
durant la période de garde à vue. Un
manuel de bonnes pratiques a été
élaboré et mis à la disposition des
agents des forces de sécurité intérieure.
Par ailleurs, 1200 affiches listant les
droits des gardés à vue sont affichées
dans les postes de police et les centres
la
la Garde nationale à travers
de
Tunisie38.
Interrogatoires et aveux en Tunisie
les droits garantis dans
figure
La présomption d’innocence
la
parmi
Constitution. De même,
l’Etat doit
protéger la dignité de la personne et son
forme de
intégrité physique. Toute
torture morale et physique est interdite.
L’article 155 du Code de procédure
pénale, modifié par le Décret-loi n° 106
du 22 octobre rend les aveux obtenus
sous la contrainte et la torture nuls et
non avenus alors que
l’article 152
prévoit que la validité et la recevabilité
des aveux sont laissées à la discrétion
des juges.
Il est fréquent en pratique que des aveux
continuent d’être obtenus sous
la
contrainte ou
la torture pour être
ensuite admis comme preuve contre
l’accusé au cours de son procès. Selon le
Rapporteur Juan E. Mendez39, sur la base
des rapports qu’il a reçus, il arrive que
des détenus aient signé des déclarations
ayant été préparées par la police sans
les avoir lues afin de s’épargner des
Voir:
38
http://www.huffpostmaghreb.com/2014/07/27/tuni
sie-garde-a-vue-affic_n_5624648.html
39 A/HRC/28/68/Add.2/ United Nations, Report of
the Special Rapporteur on torture and other cruel,
inhuman or degrading treatment or punishment, Juan
E. Méndez, 27 February 2015, p.57.
actes de maltraitance ou par crainte d’en
subir.
AXES DE REFORME SOUHAITABLES
Le Code de procédures pénales doit définir
davantage
la notion de « nécessité
d’enquête » pouvant justifier la mesure de
garde à vue.
L’avocat du gardé à vue ou les Organismes
des droits de l’homme doivent pouvoir
demander la soumission du gardé à vue à
un examen médical. La demande d’examen
médical doit pouvoir être effectuée à tout
moment par le gardé à vue.
Le délai d’information du Procureur de la
République ou du juge d’instruction quant à
la mesure de garde à vue en cas de
flagrant délit doit être clairement et
raisonnablement défini par la loi.
Le délai de garde à vue doit être ramené à
un maximum de 48 heures dans le Code de
procédures pénales.
L’obligation de représentation du gardé à
vue par un avocat dès sa soumission à
cette mesure doit être
impérativement
confirmée et mise en application. Aucune
considération ne doit restreindre le droit du
gardé à vue à un avocat.
de
opportun
prévoir
de
du Procureur
la
serait
Il
responsabilité
la
République quant à l’examen de toute
demande d’examen médical ainsi que
les
l’obligation de
médecins de leurs rapports directement au
Procureur de la République ou au juge
d’instruction.
transmission par
Les conditions de détention en garde à vue
devraient être soumises au contrôle du
Procureur de la République et de ses
substituts afin d’assurer leur conformité au
principe du respect de la dignité humaine.
Les conditions matérielles et logistiques de
les cellules policières
détention dans
doivent faire l’objet d’un audit indépendant
(par exemple de la part de l’Instance des
Droits de l’Homme en cours de mise en
place) avec établissement d’un plan
d’actions en vue d’améliorer ces conditions
et
les
les mettre en conformité avec
exigences des Lignes Directrices Luanda.
Page | 15
Page | 16
La détention préventive selon les Lignes Directrices Luanda
La Partie III des Lignes Directrices prévoit un cadre détaillé pour promouvoir une approche
fondée sur le droit à prononcer des décisions de mise en détention préventive et de sauvegarder
les droits des personnes soumises à ces décisions.
Comme pour la garde à vue, les Lignes Directrices insistent sur le caractère exceptionnel que doit
avoir la mesure de détention préventive et sur l’obligation des Etats à mettre en place des
systèmes alternatifs à la détention préventive.
Cette Partie marque l’attention des Lignes Directrices du système policier vers le système
judiciaire en donnant des indications sur le type de considérations qui devraient être prises en
compte dans les décisions judiciaires prononçant les mesures de détention préventive ainsi que
leur réexamen.
Elle définit également les procédures nécessaires en cas de retard au niveau des enquêtes ou
procédures judiciaires pouvant entraîner la prolongation de la durée des détentions préventives.
Enfin, la 3ème Partie établit des garanties pour les personnes qui font l'objet de ces mesures, y
compris leur droit à être détenues dans des lieux officiellement reconnus et à avoir accès à un
avocat.
Cadre juridique général relatif aux décisions de mise en détention préventive
Conformément à l’article 85 du Code de procédures pénales, « l’inculpé peut être soumis
à la détention préventive dans les cas de crimes ou délits flagrants et toutes les fois que,
en raison de l’existence de présomptions graves, la détention semble nécessaire comme
une mesure de sécurité pour éviter de nouvelles infractions, comme une garantie de
l’exécution de la peine ou comme un moyen d’assurer la sûreté de l’information »40.
Le Code de procédures pénales consacre le principe selon lequel la détention préventive
doit être une mesure exceptionnelle41.
Or, l’état des lieux de la situation des prisons ne va pas dans ce sens.
Pourtant, conformément au Code de procédures pénales, lorsque le maximum de la
peine prévue par la loi ne dépasse pas 2 ans d’emprisonnement, sauf en cas de complot
contre la sûreté intérieure de l’Etat ou d’homicide involontaire, l’inculpé ayant une
résidence fixe en Tunisie peut de droit, bénéficier 5 jours après son interrogatoire d’une
mise en liberté avec ou sans cautionnement.
40 Article 85, Code de Procédure Pénale.
41 Article 84, Code de Procédure Pénale.
Page | 17
Lorsqu’elle n’est pas de droit, elle peut
être ordonnée par le juge d’instruction,
soit d’office après avis du Procureur de
la République, soit sur réquisition de ce
dernier ou sur demande de l’inculpé ou
de son conseil.
serait
dernière
système de
Bien que le Code de procédures pénales
prévoie un
libération
conditionnelle avec ou sans caution,
cette
appliquée
seulement dans des cas exceptionnels42,
ce qui est
les
exigences des Lignes Directrices Luanda
et avec ce qui devrait être dans un pays
qui consacre pleinement le principe de
la présomption d’innocence dans sa
nouvelle Constitution.
incompatible avec
Sur les 27 prisons existantes en Tunisie, 19 seraient
toutes réservées à des personnes en détention
préventive. Les statistiques rapportées en effet en
matière de détention carcérale tendent à confirmer
que 58% des détenus sont des personnes en attente
de jugement.
Source (consultée en juillet 2015):
http://www.leconomistemaghrebin.com/2014/04/03/pr
isons-tunisiennes-rapport-accablant-hcdh/
le délai de
En ce qui concerne
la
détention préventive, cette dernière est
fixée à un maximum de 6 mois. La
décision
détention
préventive doit être obligatoirement
motivée et comporter les motifs de fait
et de droit la justifiant43.
de mise
en
Si l’intérêt de l’instruction le justifie, le
juge d’instruction peut, après avis du
la République, et par
procureur de
ordonnance motivée,
de
prolonger la détention, une seule fois en
cas de délit pour une durée maximum de
décider
42 Rapport de la mission UE de Diagnostic du système
judiciaire et pénitentiaire en Tunisie – 2011, p.109.
43 Ibid, Article 85 parag 2.
3 mois, et deux fois, en cas de crime,
sans que chaque durée dépasse 4 mois44.
l’Homme a
Le Haut-Commissariat des Nations Unies
relevé
aux droits de
cependant dans son rapport sur
la
situation des prisons que certains
détenus attendaient leur procès depuis
3 ans, y compris ceux qui ont été arrêtés
pour un certain nombre de cas et de
mandats de dépôt en ne prenant pas en
considération les 14 mois comme durée
maximale de la détention provisoire45.
Conditions matérielles dans
lieux de détention préventive
les
La Constitution tunisienne garantit à
tout détenu le droit à un traitement
humain qui préserve sa dignité46.
l’organisation des
La
loi relative à
les conditions de
prisons 47 prévoit
les prisons en vue
détention dans
d’assurer l’intégrité physique et morale
du détenu, le préparer à la vie libre et
aider à sa réinsertion, notamment les
conditions relatives :
- aux
cellules qui doivent être
éclairées,
aérées,
suffisamment
équipées des installations sanitaires
nécessaires avec un lit individuel et
couvertures pour chaque détenu48 ;
- à la fourniture des produits de
rasage et de toilette conformément
aux règlements en vigueur ainsi que
44 Ibid, Article 85 parag 3.
45 Voir rapport précité du Haut-commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme, « La Situation
des prisons en Tunisie : Entre
les Standards
internationaux et la réalité », Mars 2014, p.19. Voir
également : A/HRC/28/68/Add.2/ United Nations,
Report of the Special Rapporteur on torture and other
cruel,
or
punishment, Juan E. Méndez, 27 February 2015, p. 68.
46 Article 30, Constitution tunisienne.
47 Article 1er, Loi No 2001-52 du 14 mai 2001 relative
à l’organisation des prisons
48 Article 15, Ibid.
or degrading
treatment
inhuman
Page | 18
des
le droit du détenu à une douche au
moins par semaine et chaque fois
que cela est jugé nécessaire par le
médecin de la prison ; la gratuité des
des
et
soins
subsides,
l’intérieur des
médicaments
à
prisons et, à défaut dans
les
établissements hospitaliers et ce sur
avis du médecin de la prison49, le
droit à la réception de provisions, de
colis et de vêtements provenant de
la famille50 ;
- à la visite médicale du médecin de la
du
l’incarcération
dès
prison
détenu51 ;
- au bénéfice des activités culturelles
et sportives et des programmes de
loisirs
aux
règlements en vigueur52.
conformément
La surpopulation demeure un problème majeur dans
les établissements pénitentiaires avec un taux qui
dépasse les 150% dans certains d’entre eux1. Sur
environ 24.000 prisonniers, près de 13.000 sont
détenus à titre préventif.
Source (consultée en juillet 2015):
http://www.huffpostmaghreb.com/2014/04/03/tunisie-
onu-prisons-_n_5085105.html
dénoncent
Cependant, comme nous l’avions indiqué
introduction, plusieurs
dans notre
rapports
situation
la
matérielle et humaine alarmante des
prisons tunisiennes et ont appelé à des
système
réformes
pénitentiaire53.
drastiques
du
49 Article 17, Ibid.
50 Article 18-4, Ibid.
51 Article 13, Ibid.
52 Article 19 paragraphes 5 et 6, Ibid.
53
notamment :http://www.realites.com.tn/2014/04/lo
nu-tire-la-sonnette-dalarme/;
également :
http://directinfo.webmanagercenter.com/2015/05/1
5/encombrement-alarmant-et-proliferation-de-
graves-maladies-contagieuses-dans-les-prisons-
le Haut
tunisiennes/. Un rapport élaboré par
Commissariat des Nations Unies aux droits de
l’Homme intitulé « Situation des prisons en Tunisie
entre les standards internationaux et la réalité », Mars
Consulter
Voir
l’Homme,
Selon le Haut-Commissariat des Nations-
Unies aux droits de
la
surpopulation ainsi que l’absence de
ségrégation entre
les catégories de
(condamnés et prévenus)
détenus
constituent les principales causes de la
détérioration matérielle des conditions
situation
et de
des détenus
dangereuse des prisons tunisiennes 54
(exiguïté des cellules, manque de lits,
d’air et de lumière naturelle, risque de
propagation de maladies dangereuses,
faiblesse voire même absence de
programmes de rééducation et de
réinsertion encourageant la production
de nouveaux criminels).
la
du
traitement
Les conditions matérielles de détention
préventive font l’objet d’un projet sur
l’amélioration
des
personnes en attente de procès lancé
par le CICR et le ministère de l’Intérieur
et qui sera poursuivi en 2016. Ce projet
visant à développer et mettre en œuvre
une
les
stratégie pour améliorer
conditions de détention des personnes
en attente de jugement conformément
aux normes internationales contient des
propositions de réformes législatives en
vue de prévoir plus et de meilleures
garanties contre les mauvais traitements
en détention préventive, la rédaction
d’un code de conduite pour les agents
d’application de la loi ainsi que la
formation de plus 3000 membres des
forces de sécurité intérieure dans toute
la Tunisie, y compris les agents des
prisons et de réhabilitation55.
Bien que prévues par la législation
tunisienne, les mesures alternatives à la
2014, est disponible sur le lien suivant : http://hcdh-
tunisie.org/wp-content/uploads/2015/02/Rapport-
sur-la-situation-des-prisons-en-Tunisie.pdf
54 Rapport du Haut-Commissariat des Nations-Unies
aux droits de l’Homme précité, p.18.
55 A/HRC/28/68/Add.2/ United Nations, Report of
the Special Rapporteur on torture and other cruel,
inhuman or degrading treatment or punishment, Juan
E. Méndez, 27 February 2015, p. 67.
Page | 19
privation de liberté comme le sursis, les
travaux d’intérêt général et les peines de
réparation pénale,
très peu
appliquées en Tunisie56.
sont
En tout état de cause, un plan d’action
la
(2015/2019) pour
quinquennal
et
judicaire
système
réforme du
pénitentiaire a été élaboré par
le
ministère de la Justice et est en cours de
réalisation57.
pénitentiaires :
56 Selon Monsieur le Procureur général de Sousse,
Abada Abdelhamid, ceci est dû principalement au
peu de collaboration entre les tribunaux et les
établissements
consulter :
http://www.gnet.tn/temps-fort/tunisie-un-systeme-
de-probation-pour-reduire-la-surpopulation-
carcerale/id-menu-325.html
57
http://www.ilacnet.org/wp-
content/uploads/2015/02/Plan-daction-r--forme-de-
la-justice-2015-19-FR-et-AR.pdf
Consulter
d’action :
plan
le
AXES DE REFORME SOUHAITABLES
relatives
Les dispositions du Code de procédures
pénales
libération
conditionnelle avec caution devraient être
révisées dans la mesure où les accusés en
majeure partie, ne disposent pas de la
somme exigée à titre de dépôt de garantie.
la
à
Des ressources suffisantes devraient être
allouées afin de favoriser le recours aux
décisions alternatives à la détention comme
la probation, le service d’intérêt général et
le placement en résidence surveillée.
La notion « d’intérêt de
l’instruction »
comme pour la « nécessité d’enquête »
dans la garde à vue doit être clairement
définie dans le Code de procédures pénales
afin
de
prolongation des détentions au delà du
minimum prévu par la loi.
décisions
justifier
les
de
Les étapes de la phase d’instruction doivent
être clairement définies avec des délais
plafonnés.
Le rôle du juge d’exécution des peines doit
être renforcé en vue de faire respecter les
délais maximums prévus par le Code de
la détention
procédures pénales pour
préventive.
Le ministère de la Justice doit veiller à
l’application des dispositions prévues par le
Code de procédures pénales.
Le plan d’action quinquennal (2015/2019)
pour la réforme du système judiciaire et
pénitentiaire élaboré par le ministère de la
Justice doit être mis en œuvre en vue
d’améliorer les conditions de détention, y
compris matérielles.
Le ministère de la Justice doit allouer les
ressources budgétaires nécessaires afin
d’améliorer les infrastructures des prisons
et des centres de réhabilitation et de
rééducation conformément aux standards
internationaux.
Page | 20
Page | 21
Page | 22
L’assistance juridique selon les Lignes Directrices Luanda
La Section 8 des Lignes Directrices énonce les conditions de fourniture de service d’assistance
juridique.
L’utilisation de l’expression « services juridiques » au lieu d’ « avocat » est intentionnelle dans la
mesure où l’on considère qu’il y a toute une panoplie d’intervenants en la matière qui peuvent
fournir ces services en plus des avocats, dont l’intervention demeure centrale bien entendu.
L’accès aux services d’assistance juridique en Tunisie
La Constitution tunisienne garantit à toute personne le droit à un procès équitable dans
un délai raisonnable. Les justiciables sont égaux devant la justice et le droit d’ester en
justice et le droit à la défense sont garantis. La loi facilite l’accès à la justice et assurer
l’aide judiciaire aux plus démunis58.
L’aide judiciaire est régie en Tunisie par la loi n°2002-52 du 3 juin 2002. Elle est
accordée en matière civile à toute personne, quelque soit la phase de la procédure59 et
les étrangers peuvent aussi en bénéficier sans distinction60, sous réserve toutefois que
l’étranger en question soit ressortissant d’un Etat ayant conclu une convention de
coopération judiciaire en matière d’aide.
Dans le domaine pénal, l’aide n’est admissible que pour les délits passibles d’une peine
d’au moins trois ans de prison, et elle ne saurait être admissible pour les récidivistes61.
Pour être éligible à l’aide judiciaire, la personne concernée doit être sans revenus ou
dont les revenus annuels certains sont limités de telle manière à ne pas lui permettre de
couvrir les frais de justice et d’exécution sans que les exigences vitales soient affectées
de manière substantielle62.
Un « Bureau d’aide judiciaire » est constitué en tant que commission en charge
d’examiner et de statuer sur les demandes d’aide. Les décisions de refus d’accorder
l’aide ne sont susceptibles d’aucun recours63 ce qui n’est pas conforme aux exigences
des Lignes Directrices selon lesquelles un éventail de recours doit être disponible si
l’accès aux services juridiques est retardé ou refusé.
58 Article 108, Constitution tunisienne.
59 Article 1, loi 2002-52 du 3 juin 2002.
60 Article 2, loi 2002-52 du 3 juin 2002.
61 Ibid.
62 Article 3, loi 2002-52 du 3 juin 2002.
63 Article 13, loi 2002-52 du 3 juin 2002.
Page | 23
De plus, il est rapporté qu’en pratique, le
Bureau d’aide judiciaire ne se réunit pas,
ce qui fait que ce sont les substituts du
procureur désignés à cet effet qui se
chargent des décisions d’octroi ou de
refus de l’aide judiciaire64. Ceci est dû
au manques de ressources budgétaires
réservées à la justice en général, y
compris l’aide judiciaire.
Par ailleurs, l’article 141 du Code de
procédures pénales prévoit l’institution
de la commission/réquisition d’offices
d’avocats dont le champ d’application
est limité à la matière criminelle. La
faculté de désignation d’avocats d’offices
relève de la compétence du président du
tribunal de première instance65 et celle
du président de l’Ordre National des
Avocats Tunisiens66. Les avocats commis
d’office sont très souvent des stagiaires
inexpérimentés et pas assez formés
pour mener à bien des dossiers
complexes et sensibles en matière
criminelle.
En ce qui concerne
les structures
étatiques de conseil juridique aux plus
démunis, ces dernières n’existent pas en
Tunisie.
Il existerait en 2014 plus de 16000
organisations de société civile en
Tunisie. Une dizaine d’entre elles sont
dites historiques pour leur parcours et
militantisme en faveur des droits de
l’Homme avant la révolution, telles que
la Ligue
tunisienne des droits de
l’homme (LTDH), l’Association de lutte
contre la torture (ALTT), la section
locale ‘Amnesty International, le Conseil
national pour les libertés en Tunisie
(CNLT) ou encore en faveur des droits
64 Avocats sans frontières et MST Sida Section Tunis,
« L’Etat de l’aide légale en Tunisie », étude publiée en
2014, p.8.
65 Ibid.
66 Article 65, Décret-loi du 2011-79 du 20 août 2011
portant organisation de la profession d’avocat.
de la femme (ATFD, AFTURD) ou des
libertés syndicales (UGTT)67.
En ce qui concerne l’aide légale, ces
structures historiques ne sont pas
prendre
pour
outillées
systématiquement
des
en
dossiers, l’implication étant fonction des
disponibilités, notamment des avocats
bénévoles.
charge
telles
que
la
Quelques associations nationales plus
récentes évoluent au fur et à mesure
vers
la construction d’une pratique
systématique centrée sur l’aide légale et
l’OCTT
judicaire,
(Organisation contre
torture en
Tunisie), l’Association tunisienne des
femmes démocrates (ATFD) qui offre
des
et
d’assistance
judiciaire exclusivement
aux femmes victimes de violences ou de
discrimination
l’Action
sociale
Associative avec son projet phare
« justice pour tous » qui a mis en place
un numéro vert pour contacter des
avocats aussi bien pour l’aide juridique
que pour l’assistance judiciaire68.
services d’aide
juridique
ou
67 Avocats sans frontières et MST Sida Section Tunis,
« L’Etat de l’aide légale en Tunisie », étude publiée en
2014, p.66. Pour une étude plus détaillée sur les OSC,
consulter « Etude sur les organisations de la société
civile en Tunisie », Foundation for the future, janvier
2013.
68 Voir l’étude précitée de Avocats sans frontières,
p.71.
Page | 24
AXES DE REFORME SOUHAITABLES
L’article 13 de la loi 2002-52 du 3 juin 2002
relative à l’aide judiciaire doit être modifié
en vue de prévoir la possibilité des recours
contre les décisions de refus d’accorder
l’aide judiciaire aux plus démunis.
La
l’aide
nouvelle
Constitution
prévoit
expressément
légale aux plus
démunis. Le Bureau d’aide judiciaire mis en
place par la loi 2002-52 du 3 juin 2002 doit
tenir des réunions régulières en vue de
s’acquitter de son rôle conformément à la
Constitution et à la loi.
Des
lignes budgétaires doivent être
développées pour l’aide judiciaire.
Les conditions de la commission d’office
devraient être entendues également aux
matières correctionnelles.
La compétence à la fois de l’Ordre National
des Avocats Tunisiens et du président du
tribunal de première instance est source de
conflit et de blocage. La compétence de
l’Ordre National des Avocats Tunisiens
devrait être une compétence de principe,
tandis que celle des magistrats devrait être
exceptionnelle.
fournir
convient de
Il
l’encadrement
nécessaire des stagiaires inexpérimentés
afin de garantir le suivi du développement
de leurs compétences et évolution. Le suivi
par l’Ordre National des Avocats Tunisiens
des cabinets d’avocat (maîtres de stage)
devrait être renforcé.
Un système de suivi et de sanctions
disciplinaires devrait être mis en place pour
les avocats désignés d’office et qui ne se
présentent pas aux audiences.
Page | 25
Page | 26
Le traitement de et l’accès à l’information
selon les Lignes Directrices Luanda
La quatrième Partie des Lignes Directrices Luanda stipule l’obligation de maintenir des registres à
tous les stades de la procédure de détention précédant le procès (arrestation, garde à vue et
détention provisoire) et prévoit le droit d’accès à ces registres par les détenus, les avocats,
membres de la famille, autorités de surveillance et tout autre organisation mandatée pour
effectuer les visites des lieux de détention.
Cette partie énonce les informations minimales devant être consignées sur le registre et finira
éventuellement par être accompagnée d’un Modèle de Registre de Détention qui sera élaboré par
la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
Les Sections 39 et 40 des Lignes Directrices (Partie VIII) traitent d’une manière spécifique de la
collecte des données et de l'accès à l'information. Ces dispositions exigent que les États mettent
en place des mécanismes de collecte systématique de données ventilées par catégorie sur le
recours à l’arrestation, à la garde à vue et à la détention provisoire et veillent à ce qu’il y ait des
systèmes et procédures garantissant aux personnes en garde à vue et détention provisoire, leurs
avocats, familles et autres le droit d’accéder à ces informations.
Registres, collecte de données et accès à l’information en Tunisie
L’article 13 Bis du Code de procédures pénales stipule la nécessité pour l’officier de
police judiciaire de rédiger un procès-verbal comportant les mentions suivantes :
- La notification au suspect de la mesure prise à son encontre et sa cause ;
- La lecture des garanties qu’assure la loi au gardé à vue ;
- La notification ou non notification faite à la famille du suspect gardé à vue ;
- La demande d’être soumis à l’examen médical si elle a été présentée par le suspect
ou par l’un des membres de sa famille ;
- Le jour et l’heure du commencement de l’interrogatoire ainsi que sa fin ;
- La signature de l’officier de police judiciaire et du gardé à vue et dans le cas de son
refus, il en est fait mention avec indication du motif.
Les officiers de police judiciaire doivent en outre tenir dans les postes où s’opère la
garde à vue un registre spécial côté et signé par le procureur de la République ou son
substitut comportant obligatoirement les mentions suivantes :
-
-
-
l’identité du gardé à vue ;
le jour et l’heure du commencement de la garde à vue ainsi que sa fin ;
la notification faite à la famille de la mesure prise ;
Page | 27
-
soumis
à
la demande d’être
l’examen médical si elle a été
présentée par le gardé à vue ou par
l’un de ses ascendants, descendants
le
frères ou sœurs ou par
ou
conjoint.
judiciaire ou
Conformément à l’article 154 du Code de
procédures pénales, les procès verbaux
ainsi que les rapports établis par les
officiers de police
les
fonctionnaires ou agents auxquels la loi
a attribué expressément le pouvoir de
constater les délits et contraventions
font foi jusqu’à preuve du contraire, soit
par écrit ou par témoin. En pratique, ceci
rend très difficile la contestation par les
prévenus des mentions qui sont faites
dans les procès-verbaux69, d’autant plus
qu’il arrive que des prévenus à qui l’on a
infligé des actes de torture ou de
maltraitance signent de force les procès
verbaux tels qu’ils ont été rédigés par les
officiers, ou encore sans avoir même eu
connaissance de leur contenu70.
Quant à l’obligation de consigner la
demande d’être soumis à un examen
médical, cette dernière est également
imprécise au niveau de ses modalités.
Ainsi, le manque d’impartialité possible
des médecins choisis parmi ceux
l’intérieur
attachés au Ministère de
pourrait dissimuler les actes de torture
et autres mauvais traitements subis par
le prévenu.
Au stade de
la détention carcérale,
comprenant également le stade de la
détention préventive, l’article 11 de la
loi relative à l’organisation des prisons72
prévoit l’obligation pour le directeur de
la prison de tenir un registre côté et
paraphé par le président du tribunal de
première
territorialement
compétent comprenant les informations
relatives à l’identité du détenu, du motif
de son
l’autorité
incarcération, de
judiciaire dont émane la décision et la
date et heure du dépôt et de libération.
instance
la
famille du
La disposition relative à la notification
devant être faite à la famille quant à la
mesure prise contre le prévenu (que ce
soit dans les procès verbaux ou dans le
registre spécial) ne précise pas si les
officiers de police judiciaire sont obligés
lieu de
d’informer
détention. Elle ne précise pas non plus
s’ils sont tenus d’informer la famille de
la date de fin de la garde à vue ou de sa
juge
devant
présentation
d’instruction. En pratique, ce défaut de
précision empêche très souvent
les
membres de la famille de localiser la
présence du prévenu et de prendre
également les mesures nécessaires pour
assurer sa défense par un avocat devant
le juge d’instruction ou le tribunal71.
le
69 Voir OMCT, Réseau SOS-Torture, « l’interdiction de
la torture et des mauvais traitements en Tunisie : Etat
des lieux et recommandations », Juin 2014, p.40.
70 Ibid, p.23.
71 Ibis, p.41.
demande
La loi prévoit également l’obligation de
tenue d’un registre disciplinaire dans
lequel sont mentionnées les mesures de
sanction dont le détenu a fait l’objet ;
ledit registre pouvant servir d’appui à
libération
toute
loi
conditionnelle ou d’amnistie. La
précitée n’impose pas cependant
la
tenue d’un registre médical comportant
les dossiers
individuels de chaque
détenu alors que ceci permettrait de
suivre leur état de santé depuis le jour
de leur incarcération.
de
Aussi bien pour les procès verbaux que
pour les registres de garde à vue et de
détention, la législation en vigueur ne
mentionne pas le droit d’accès des tiers
(y compris avocats, membres de la
famille du gardé à vue) à ces procès
verbaux et registres ni ne réglemente les
72 Loi No 2001-52 du 14 mai 2001 relative à
l’organisation des prisons.
Page | 28
modalités
informations y prescrites.
de
consultation
des
Pourtant, conformément à l’article 32 de
la Constitution tunisienne, l’Etat garantit
le droit à l’information et le droit d’accès
à l’information.
Un Décret-loi N° 2011-41 du 26 mai
2011 relatif à l’accès aux documents
administratifs des organismes publics
(Loi sur l’accès à l’information) a été
adopté.
des
impose
obligations
de
Il
transparence aux organismes publics en
Tunisie, en vue de d’instituer un mode
de gouvernance plus accessible et
les
d’améliorer
l’administration
les
citoyens.
les relations entre
et
tunisienne
Un nouveau projet de loi organique
relative
à
droit
l’information73 a été élaboré et soumis à
des consultations publiques.
d’accès
au
Ce projet de loi a fait l’objet de plusieurs
critiques de la part de la société civile,
en particulier l’article 26 qui comporte
des exceptions de nature à entraver
l’accès à l’information.
la rédaction de
Au moment de
la
présente étude, nous avons appris que le
projet de loi organique relative au droit
d’accès à l’information a été retiré par le
gouvernement alors que ce projet était
prévu pour l’examen en plénière le 7
juillet 201574.
http://www.shemsfm.net/fr/actualite/i-watch-
73 Projet de loi organique N°55/2014 relatif au droit
d’accès à l’information.
74
preoccupee-face-au-retrait-du-gouvernement-du-
projet-de-loi-sur-le-droit-d-acces-a-l-information-
115015
AXES DE REFORME SOUHAITABLES
La falsification des procès-verbaux par les
officiers de police judiciaire devrait être
érigée en crime passible de
lourdes
sanctions pénales dissuasives.
Des modèles types de registres devront
être élaborés conformément aux Lignes
Directrices Luanda et standardisés dans
tous les lieux de garde à vue et de
détention.
Au stade de l’incarcération, des dossiers
individuels pour chaque détenu doivent être
prévus à l’appui du registre médical afin
d’assurer un suivi médical adéquat.
L’accès aux registres spéciaux à tous les
stades des procédures avant procès
(arrestation, garde à
vue, détention
préventive) doit être réglementé ainsi que
les modalités de leur consultation.
Le projet de loi organique relative à l’accès
à l’information prévu pour l’examen en
plénière le 7 juillet 2015 tel que retiré par le
le
Gouvernement doit être « remis sur
tapis » dans les meilleurs délais.
Page | 29
Page | 30
Les normes de conduite et la formation des agents chargés de
l’application de la loi selon les Lignes Directrices Luanda
La section 36 des Lignes Directrices Luanda requiert des l’adoption et la diffusion de normes de
conduite obligatoires aux agents de police, aux agents pénitentiaires et aux agents chargés de
l’application des lois et d’établir des mesures disciplinaires pour le non respect de ces normes.
Normes de conduite et formation des agents chargés de l’application de la loi
en Tunisie
Les agents des forces de sécurité intérieure comprenant également les cadres et agents
des prisons et pénitentiaires et de la rééducation doivent dès leur entrée en fonctions
prêter serment devant le Président du tribunal de première instance compétent
d’assurer les fonctions qui lui sont confiées avec honneur et fidélité et de veiller au
respect de la loi et des institutions et d’observer en toute circonstances le secret
professionnel tant qu’il n’a pas été convié à le révéler dans la légalité et de défendre
l’intégrité du territoire75.
Les obligations, devoirs et droit des agents des forces de sécurité intérieure sont prévus
dans la loi portant statut général de leur fonction et les lois portant statut particulier
pour chaque corps de métier.
Récemment, un code de conduite de l’agent public en général a été approuvé par
décret76.
Un code de conduite est en cours d’élaboration par le Ministère de l’intérieur avec le
soutien du Haut Commissariat des Droits de l’Homme pour les agents des forces de
sécurité intérieure77.
En ce qui concerne les mesures disciplinaires à l’encontre des agents de forces de
sécurité intérieure, le pouvoir disciplinaire est exercé par le Ministère de l’intérieur en
ce qui concerne les corps de police soumis à sa tutelle et par le ministère de la Justice en
ce qui concerne agents et cadres des prisons et de la rééducation.
75 Article 6, Loi n° 82-70 du 6 août 1982 portant statut général des forces de sécurité intérieure.
76 Décret n° 2014-4030 du 3 octobre 2014.
77
agents-des-forces-de-securite-interieure?Source=RSS
http://www.mosaiquefm.net/fr/index/a/ActuDetail/Element/33793-mi-bientot-un-code-de-conduite-pour-les-
Page | 31
traitement des
« Amélioration du
personnes en garde à vue » a été signé,
ce projet se situant sur une période qui
s’étend de 2013 à 2016.
Il y a eu également la signature d’un
protocole d’accord avec l’Institut Arabe
le
des Droits de
renforcement de la formation des cadres
régionaux et locaux en matière des
Droits de l’Homme.
l’Homme pour
AXES DE REFORME SOUHAITABLES
Il est important de renforcer les lignes
budgétaires du ministère de l’Intérieur ainsi
que le ministère de la Justice en vue de
développer la formation des agents sous
leur contrôle.
Il est important de renforcer la coopération
internationale avec les ONGs reconnues
pour leur expertise en droits humains en
vue de dispenser des formations pointues
en matière de droits de l’Homme aux
agents chargés de l’application de la loi.
L’Etat doit entreprendre des réformes de
fond du secteur de sécurité pour une
gouvernance démocratique conforme aux
standards internationaux.
sécurité
forces de
Les
intérieure
encourent des sanctions disciplinaires
s’ils commettent des fautes personnelles
ou graves dans l’exercice ou à l’occasion
de l’exercice de leurs fonctions sans
préjudice des peines prévues par la loi
pénale. Ils peuvent être poursuivis en
justice par des tiers pour faute de
service et il doit être procédé à une
enquête administrative minutieuse en ce
qui concerne les faits ayant engendré de
telles poursuites78.
En matière de formation, les forces de
des
sécurité
formations internes, notamment en vue
de leurs promotions en grades.
intérieure
reçoivent
En vue de renforcer la protection des
droits de l’homme par les forces de
sécurité intérieure, un certain nombre
d’actions79 ont été initiées à la suite de
sessions de formations et de journées
d’études comme la diffusion du « livret
de poche sur les normes en matière des
droits de l’Homme pour les forces de
sécurité intérieure en Tunisie » avec
l’appui du Haut Commissariat des Droits
de l’Homme en Tunisie ; l’élaboration
d’un « code de bonnes pratiques pour la
protection de la personne gardée à vue »
destiné aux agents de sécurité intérieure
avec
la délégation
régionale du CICR à Tunis ; l’élaboration
du « code de bonnes pratiques de la
sécurité
relation des
intérieure avec les journalistes » avec le
soutien du bureau de l’UNESCO à Tunis.
le soutien de
agents de
Un protocole d’accord avec le bureau du
CICR à Tunis dans le cadre du projet
78 Article 49, Loi n°82-70 du 6 août 1982 portant
statut général des forces de sécurité intérieure, telle
que modifiée et complétée subséquemment.
79 Voir : « Tunisie, Rapport à mi-parcours sur l’état
d’avancement de la mise en œuvre des
recommandations du 2ème cycle de l’Examen
Périodique Universel », 27ème session du Conseil des
Droits de l’Homme, Septembre 2014, p.25.
Page | 32
Page | 33
Page | 34
Les groupes vulnérables selon les Lignes
Directrices Luanda
La partie VII des Lignes Directrices Luanda se concentrent spécifiquement sur les droits des
personnes vulnérables en détention provisoire. Elle comporte des dispositions générales qui
obligent les Etats à consacrer l’interdiction de toute forme de discrimination et prévoient des
protections spécifiques pour les catégories de personnes suivantes, en plus d'une exigence
générale selon laquelle le principe de non-discrimination doit s’étendre à toutes les catégories
de personnes bénéficiant d'une protection dans la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples, ainsi que tout autre statut.
Enfants
- Un enfant est défini comme toute personne âgée de moins de 18 ans
- Des lois et réglementations visant à promouvoir la diversité et des alternatives à la
détention avant le procès
- Garanties dans le cadre de l'arrestation, la garde à vue et la détention provisoire
- Droit d'être entendu et de bénéficier de services d'assistance juridique
- Un cadre pour la conduite des fonctionnaires et la création d'unités spécialisées
- Accès aux tiers
Femmes
- Garanties dans le cadre de l’arrestation et la détention, notamment la séparation des
détenus de sexe masculin
- Dispositions pour les enfants accompagnateurs
Personnes handicapées
- Définition de l'invalidité qui comprend le handicap physique, mental, intellectuel ou
sensoriel
La capacité juridique et l'accès à la justice.
L'accessibilité et les conditions de commodité raisonnables
-
-
Les non-ressortissants
Les réfugiés
Les non-citoyens
Les apatrides
-
-
-
.
Les dispositions générales sur la question des discriminations en Tunisie.
L’article 21 de la Constitution tunisienne garantit l’égalité en droits et en devoirs des
citoyens et citoyennes, lesquels sont égaux devant la loi sans discrimination. L’Etat doit
Page | 35
forme de
toute
également garantir
protection à tous
les enfants sans
discrimination et en fonction de leur
intérêt supérieur80.
L’Etat protège également les personnes
handicapées contre toute
forme de
discrimination. Tout citoyen handicapé a
le droit de bénéficier selon la nature de
son handicap, de toutes les mesures qui
lui garantissent une pleine intégration
dans la société. Il incombe à l’Etat de
prendre toutes les mesures nécessaires
à cet effet81.
Les enfants
La Tunisie est partie à la Convention
internationale des droits de l’enfant en
1991, dont les réserves ont été toutes
levées par la Tunisie en 2008.
ratifié un arsenal
La Tunisie a
d’instruments
inter-
spécifiques
nationaux82 liés à l’enfance, marquant
ainsi son engagement continuel à
œuvrer en faveur des droits de l’enfant.
Un Code de protection de l’Enfant (CPE)
est promulgué en 199583 constituant par
là même un « acquis incontestable et
une référence en matière de protection
de l’enfant et de justice des mineurs
pour les pays de la région ou du même
niveau de développement 84».
80 Article 47, Constitution tunisienne.
81 Article 48, Constitution tunisienne.
82 La résolution 45/112, adoptée le 28 mars 1991 par
l’Assemblée Générale des Nations Unies et relative
aux « Principes Directeurs des Nations Unies pour la
prévention de la délinquance juvénile » (Principes
Directeurs de Riyad ») ; la résolution 45/113, adoptée
le 2 avril 1991 par l’Assemblée générale des Nations
Unies et relative aux ‘Règles des Nations Unies pour la
protection des mineurs privés de liberté ».
83 Loi n° 95-92 du 9 novembre 1995, telle que
modifiée notamment par loi n° 2000-53 du 22 mai
2000 et la loi n° 2006- 35 du 12 juin 2006
84 UNICEF, « Analyse de la situation des enfants en
Tunisie 2012 », p.14.
Conformément à la septième partie des Lignes
Directrices Luanda, l’enfant est défini comme toute
personne dont l’âge ne dépasse pas 18 ans révolus
lors de son incarcération et jusqu’à ce qu’il ait atteint
cet âge.
Source : Article 3, CPE ; Article 10, Loi n° 2001-52
du 14 mai 2001 relative à l’organisation des
prisons
Ce code garantit à l’enfant le droit de
bénéficier des différentes mesures
préventives à caractère social, éducatif,
sanitaire et des autre dispositions et
procédures visant à le protéger de toute
forme de violence ou préjudice, ou
atteinte physique ou psychique, ou
sexuelle ou d’abandon, ou de négligence
qui engendrent le mauvais traitement ou
l’exploitation85.
En ce qui concerne l’enfant délinquant,
le CPE a mis en place un certain nombre
de garanties au cours des différentes
phases
parmi
lesquelles :
procès
pénal,
du
- L’instauration d’une présomption
selon
irréfragable
laquelle l’enfant âgé de moins de 13
ans n’a pas la capacité d’enfreindre
la loi pénale86 ;
d’innocence
la
de
- L’interdiction pour les officiers de la
police
judicaire de procéder à
l’audition d’un enfant inculpé sans
avoir donné avis préalable au
Procureur
République
compétent et obligation pour ce
dernier, si
imputés à
l’enfant sont d'une gravité majeure,
de commettre d'office un avocat
pour assister l'enfant et, dans tous
les cas où l'enfant est âgé de moins
de 15 ans, interdiction de l’entendre
sans la présence de son répondant,
faits
les
85 Article 2, CPE.
86 Article 68, CPE.
Page | 36
parents, tuteur, gardien, proche ou
voisin majeur87.
- L'interdiction du recours à
la
détention préventive de l'enfant âgé
de moins de 15 ans et accusé d'avoir
commis une contravention ou un
délit,
préventive
détention
devant, par ailleurs, être une mesure
exceptionnelle rendue absolument
nécessaire dans les autres cas88 ;
la
obligatoire
- Spécialisation
des
les
magistrats
juridictions pour enfants, qu'ils
soient magistrats du Parquet ou
juges d'instruction ou de siège89;
composant
- Mise en place de
juridictions
spécialisées pour enfants : juge des
enfants compétent en matière de
contraventions et délits (magistrat
du deuxième rang) et tribunal pour
enfants compétent en matière de
crime ainsi que la présence auprès
du juge des enfants et dans les
de
tribunaux
enfants
conseillers
les
parmi
le domaine de
spécialistes dans
l’enfance, à côté des magistrats
expérimentés, consultés avant
le
prononcé de mesures à l’égard de
l’enfant90 ;
pour
choisis
recueillir
- L’instauration du principe du
recours exceptionnel par le juge des
enfants aux commissions rogatoires
et recours à l’enquête sociale en vue
les
de
renseignements nécessaires
sur
la
l’enfant,
constitution d’un dossier médical91 ;
de
du
confusion des peines en cas de
cumul matériel d’infraction92 ;
- L’affirmation
si nécessaire,
principe
tous
et
- L’interdiction de porter
l’action
civile devant les juridictions pour
enfants93 ;
87 Article 77, CPE.
88 Article 94, CPE.
89 Article 81, CPE.
90 Article 82 et 83, CPE.
91 Article 87, CPE.
92 Article 80, CPE.
- L’obligation de respecter l’intégrité
de la famille et de la vie privée de
l’enfant lors de la constitution de
son dossier social 94 ;
- La possibilité de correctionnaliser
tous les crimes sauf les homicides
volontaires95;
- La possibilité pour l’enfant d’user de
toutes les voies de recours contre
toutes les décisions prononcées par
le juge des enfants ou les tribunaux
pour enfants96; et
l'infraction ou
- L'institution, de la médiation qui est
un régime visant à conclure un
accord de conciliation entre l'enfant
auteur de
son
représentant, et la victime, ou son
représentant, et permettant de
mettre fin aux poursuites engagées,
jugement ou à
à
l'exécution
décisions
des
prononcées, et ce, relativement à
toutes
les
crimes97.
infractions, sauf
l'instance de
les
L’enfant délinquant bénéficie également
de protections visant à l’allègement des
peines qu’il encourt et autres mesures
applicables telles que :
- L’interdiction de condamnation à la
de
peine
capitale
le
l’emprisonnement à vie et
remplacement de ces peines par un
emprisonnement de 10 ans ;
et
- La réduction de moitié des autres
d’emprisonnement
la peine
peines
encourues, sans que
prononcée ne dépasse 5 ans ;
Inapplication aux enfants de peines
complémentaires et des règles de
récidives prévues par l’article 43, du
Code Pénal98.
-
93 Article 70, CPE.
94 Article 88, CPE.
95 Article 69, CPE.
96 Articles 102 à 105, CPE.
97 Articles 113 à 117, CPE.
98 Tel que modifié par la loi n° 89-23 du 27 février
1989 et la loi n° 95-93 du 9 novembre 1995.
Page | 37
la situation de
Le CPE encourage également le juge des
enfants ou le tribunal pour enfants, à
prononcer des mesures allégées et
l’enfant
adaptées à
lorsque les faits sont établis à son
encontre telles que la remise de l’enfant
à ses parents, à son tuteur, à la personne
qui en a garde ou à une personne de
confiance, au juge de la famille dont le
rôle est primordial dans la prévention, le
un
placement
établissement public ou privé, destiné à
l’éducation
formation
à
professionnelle, dans un centre médical
ou médico-éducatif habilité, ou encore
dans un centre de rééducation99.
l’enfant
dans
de
et
la
pour
la
l’amélioration
la Justice, selon
Dans le cadre du Programme d’Appui à
la Réforme de
les
constats rapportés dans la consultation
du
nationale
système de
juvénile en
Tunisie100, « le système tunisien de la
justice pénale pour enfants
reste
logique donnant
marqué par une
largement prédominance à
l’action
pénale et coercitive au détriment de
l’action pédagogique et sociale ».
justice
Des insuffisances de garanties ont été
relevées le rapport de la consultation
concerne en
nationale
particulier:
ce qui
en
1. La procédure de
l’enquête
préliminaire :
- Absence
d’unités
chargées de
affaires des enfants ;
l’enquête dans
spécialisées
les
99 Article 99, CPE.
100 Voir « Consultation nationale : Document de
référence pour l’amélioration du système de la justice
juvénile en Tunisie », Hatem Kotrane, 13 mars 2014
suivant :
le
sur
(Disponible
http://www.unicef.org.tn/justice-les-
enfants/publications/).
lien
- Non spécialisation des officiers de
chargés
judiciaire
police
d’auditionner l’enfant-suspect ;
- La non intervention des spécialistes
dans les questions de l’enfance au
cours de l’enquête préliminaire ;
- La non reconnaissance expresse du
principe de l’assistance d’un avocat
à toutes les étapes de l’enquête
préliminaire dans la mesure où le
CPE limite la commission d’office de
l’avocat aux cas où les faits imputés
sont d’une gravité majeure ;
- Violation des droits de
les
l’enfant
et
durant
l’enquête préliminaire, telles que la
signature du procès verbal de
l’enquête sans y avoir accès, non
connaissance par l’enfant arrêté de
ses droits, notamment la présence
de ses parents ou membres de sa
famille
interpellations
2. La procédure de garde à vue et
de détention préventive
Les enfants sont soumis à la même durée de garde à
vue et de détention préventive prévue pour les
adultes dans le Code de Procédures Pénales (càd 3
jours, renouvelables une fois pour la garde à vue, et
9 mois maximum pour les délits et 14 mois pour les
crimes). Ceci constitue une violation grave des droits
de l’enfant.
La nouvelle Constitution tunisienne en
date du 27 janvier 2014 est venue
consacrer le droit de la personne en
garde à vue ou en détention préventive à
l’assistance d’un avocat et d’être soumis
à un examen médical. Ceci doit
impérativement être reflété également
dans le CPE, où de tels droits ne sont pas
mentionnés.
3. La procédure de jugement et
des voies de recours
Bien que le CPE a établi une justice
spécialisée pour les enfants à toutes les
Page | 38
phases de l’instruction et du jugement,
le rapport de la Consultation nationale
précitée note un
certain nombre
d’insuffisances telles que l’absence de
présence des conseillers spécialistes
dans les affaires de l’enfance, la non
recommandations
application
le CPE visant à
énoncées dans
l’évitement de l’incarcération de l’enfant
et à donner la priorité aux moyens
préventifs et éducatifs.
des
4. Protection de l’enfant privé de
sa liberté.
Bien que le principe de séparation des
mineurs des adultes au cours de leur
détention soit consacré dans le CPE,
Non
certaines
Gouvernementales, telles que Human
Rights Watch ont relevé le non respect
ce principe de
systématique de
séparation101.
Organisations
la
situation
A ceci s’ajoute des manques constatés au
sanitaire,
niveau de
hygiénique des institutions hébergeant
les enfants ainsi que le manque de
et
programmes
d’intervention préparant ces derniers à
la sortie et à la réinsertion dans la
société102.
d’activités
Par ailleurs, malgré le fait que le CPE
prévoit le régime de la liberté surveillée
en tant que mesure de substitution à la
privation de liberté103, ceci n’est pas
encore appliqué dans la mesure où le
corps des délégués à la liberté surveillée
n’est toujours pas mis en place.
101 Human Rights Watch, « Cracks in the system :
in Tunisa,
Conditions of pre-charge detainees
November 2013, p.34.
102 Voir « Consultation nationale : Document de
référence pour l’amélioration du système de la justice
juvénile en Tunisie », Hatem Kotrane, 13 mars 2014,
suivant :
(Disponible
p.25.
http://www.unicef.org.tn/justice-les-
enfants/publications/ ).
103 Article 107, CPE.
lien
sur
le
5. Inspection, contrôle,
mécanismes de plaintes en
faveur des enfants privés de
liberté
et de
le rapport, objet de
Enfin, en ce qui concerne les procédures
contrôle des
d’inspection
institutions privatives de liberté pour les
enfants,
la
Consultation nationale précitée relèvent
le maque de possibilités pour les enfants
privés de liberté et leurs parents de
présenter des requêtes ou des plaintes à
l’autorité responsable de l’institution où
ils sont détenus ainsi que l’insuffisance
de procédures définies et préétablies
d’inspection et de contrôle de ces
institutions, y compris par des organes
indépendants104.
Les femmes
La question du mauvais traitement, voir
e de violences à l’encontre des femmes
par les officiers de police se pose en
particulier au moment de l’arrestation et
de la garde à vue.
Selon une série d’interviews menées par Human
Rights Watch dans le centre de détention pour
femmes de Bouchoucha en février 2013, 4 femmes
sur 10 rapportent qu’elles ont été vulgairement
insultées, giflées et ont été soumises à des mauvais
traitements lors de leur arrestation et détention en
garde à vue, notamment pour leur extorquer des
aveux.
Source : Human Rights Watch, « Cracks in the
system : Conditions of pre-charge detainees in
Tunisa, November 2013, p.55.
En 2012, une jeune femme de 27 ans,
surprise en pleine nuit avec son petit
104 Voir « Consultation nationale : Document de
référence pour l’amélioration du système de la justice
juvénile en Tunisie », Hatem Kotrane, 13 mars 2014,
p.52.
Page | 39
ami en voiture, a été violée par deux
policiers. Une bataille juridique a eu lieu
qui s’est soldée par la condamnation des
deux policiers à 15 ans de prison105.
Pour les femmes en détention dans les
prisons, leurs conditions semblent plus
favorables que dans les centres de garde
à vue.
femmes
Ainsi, des mesures spécifiques en faveur
sont
des
clairement prévues par la loi n°2001-52
du 14 mai 2001 relative à l’organisation
des prisons.
détention
en
Les femmes détenues sont incarcérées
soit dans des prisons pour femmes, soit
dans des pavillons indépendants au sein
des autres prisons,
leur garde est
assurée par des surveillantes placées
sous l'autorité du directeur de la prison.
Celui-ci, lorsqu’il est un homme, n'est
pas habilité à entrer au pavillon des
femmes ou à l'atelier de formation et de
pas
production
accompagné d'une surveillante ou, à
défaut, de deux agents106.
n'est
qu'il
tant
et
femme enceinte en détention,
La
l'assistance médicale
bénéficie de
prénatale
les
dispositions nécessaires sont prises
pour que les enfants naissent dans des
établissements hospitaliers hors des
prisons107.
post-natale ;
Si l'enfant est né en prison, il est
strictement interdit de mentionner son
lieu de naissance dans les registres de
l'état civil, des extraits et copies qui en
sont délivrés.
105
http://www.huffpostmaghreb.com/news/policiers-
viols-meriem-ben-mohamed/
Voir
106 Article 7, Loi n° 2001-52 du 14 mai 2001, relative à
l'organisation des prisons.
Les enfants accompagnant leur mère
lors de leur incarcération sont admis à y
demeurer jusqu'à l'âge de trois ans.
Sont aussi soumis au même régime les
prison.
enfants
nés
en
l'âge de trois ans,
Lorsqu'il atteint
l'enfant est remis à son père ou à la
personne choisie par la mère. A défaut,
l'administration
en
informe le juge de l'exécution des peines
qui
famille
territorialement compétent afin de
les mesures appropriées à
prendre
l'égard de l'enfant108.
pénitentiaire
juge de
saisit
le
la
Si les circonstances de la cause ont
nécessité l'incarcération de l'enfant, il
est placé dans un pavillon réservé aux
enfants avec obligation de le séparer des
détenus adultes pendant la nuit.
Les personnes handicapées
La Tunisie est partie à la convention des
Nations Unies relative aux droits des
personnes handicapées (CRDPH) depuis
sa ratification le 2 avril 2008 ainsi qu’à
son protocole additionnel.
La système législatif tunisien comprend
en particulier une loi d’orientation n°83
du 15 août 2005, relative à la promotion
la protection des personnes
et à
handicapées
la
et qui
promotion des personnes handicapées
comme une responsabilité nationale,
impliquant la mise en place de stratégies
nationales en faveur des personnes
handicapées dans tous les domaines
de
(emploi,
transport, accès aux soins de santé, etc.).
éducation, moyens
considère
En matière carcérale, conformément à
l’article 61 du Décret n°88-1876 du 4
107 Article 8, Ibid.
108 Article 9, Ibid.
Page | 40
novembre 1988 relatif au règlement
spécial des prisons,
les personnes
malades ou handicapées ne peuvent pas
être employées par la direction générale
des prisons et de la rééducation.
La loi d'orientation n° 2005-83 du 15 août 2005
relative à la promotion et à la protection des
personnes handicapées ne prévoit en son sein
aucune clause prenant en compte la situation des
personnes handicapées dans les prisons.
la
de
personnes
handicapées
Selon le rapport du Comité des droits
sur
des
l’application
Convention
internationale relative aux droits des
personnes handicapées, le Ministère de
la justice et des droits de l’homme
aurait pris des mesures pour rendre
prisonniers
l’environnement
des
leur
avec
compatible
handicapés
condition telles que l’autorisation des
prisonniers souffrant d’un handicap
moteur à purger leur peine dans les
salles réservées aux prisonniers malades
ainsi que l’équipement approprié des
toilettes et les douches des prisons109.
A la date de cette étude, nous n’avons
pas de données à jour concernant le
suivi de cette question.
Les non ressortissants
Le cadre
les non
légal concernant
ressortissants en Tunisie est régi par des
lois générales relatives à la condition
des étrangers, notamment la loi n° 68-7
du 8 mars 1968 régissant les modalités
109 GE.10-43707 (F) 130910 200910/ Comité des
droits des personnes handicapées/ Application de la
Convention internationale relative aux droits des
personnes handicapées/ Rapports initiaux présentés
par les États parties en application de l’article 35 de la
Convention du 14/07/2010.
d’entrée, de sortie et de séjour110, telle
que complétée par la loi n° 75-40 du 14
mai 1975 relative aux passeports et aux
documents de voyage ainsi que la loi
n°2004-6 du 3 février 2004 qui prévoit
des peines plus lourdes en cas d’entrée,
sortie ou séjour irréguliers.
et
des
réfugiés
La Tunisie est également partie à la
convention de Genève et de son
protocole de 1968, concernant
la
des
protection
demandeurs d'asile ainsi que du
protocole de Palerme criminalisant le
trafic de personnes et l’aide, même
bénévole, au passage
irrégulier des
frontières. Elle a également ratifié en
1989 la convention internationale de
fois
l’Union
« Organisation de
l’Unité Africaine »)
régissant
les aspects propres aux
réfugiés en Afrique111.
Africaine
(autre
La Constitution tunisienne dispose qu’il
est interdit d’extrader les personnes qui
bénéficient de l’asile politique112.
Malgré son adhésion à la convention de
Genève précitée, force est de constater
qu’à l’heure actuelle, il n’existe aucun
cadre juridique ou réglementaire relatif
aux droits des réfugiés et à la protection
de leurs droits.
Les dispositions applicables en matière
d’arrestation et de garde à vue sont
aussi bien applicables aux nationaux
qu’aux
ressortissants. Ainsi,
conformément à l’article 13 bis du Code
non
de
ressortissant devra être informé de la
mesure prise à son encontre « dans la
procédures
pénales,
non
le
110 Décret d’application n°1968-198 du 22/06/1968
réglementant l’entrée et le séjour des étrangers en
Tunisie.
111 Convention de l’Organisation de l’Unité Africaine
régissant les aspects propres aux problèmes des
réfugiés en Afrique en date du 10 septembre 1969,
telle que ratifiée par la loi n°89-77 du 2 septembre
1989.
112 Article 26, Constitution tunisienne.
Page | 41
langue qu’il comprenne ». Comme pour
les nationaux, les membres de sa famille
devraient être prévenus. Il aurait fallu
cependant prévoir dans cet article
judicaire
l’obligation pour
d’informer
l’autorité consulaire dont
l’étranger ressort.
la police
Lorsque le non ressortissant fait l’objet
d’une arrestation sur la base d’une
demande d’extradition de l’Etat dont il
ressort, des procédures spécifiques sont
appliquées conformément au Code de
pénales.
procédures
non
conduit
devra
ressortissant
immédiatement devant le Procureur de
la République compétent qui procède à
un interrogatoire d’identité sans délai et
lui notifie le titre en vertu duquel il a été
arrêté avant d’en dresser procès verbal
et de le transférer en prison à Tunis113.
être
Le
113 Article 319 et 320, Code de Procédures Pénales.
AXES DE REFORME SOUHAITABLES
Des unités spécialisées doivent être
chargées de l’enquête dans les affaires
impliquant des enfants.
Il est important de veiller au recrutement et
à la formation d’officiers de police judiciaire
spécialisés en vue d’auditionner l’enfant-
suspect.
Les spécialistes dans
les affaires de
l’enfance doivent intervenir au cours de
l’enquête préliminaire.
Les avocats doivent être présents à toutes
les étapes de l’enquête préliminaire.
La présence des parents ou tuteurs légaux
les phases
doit être obligatoire durant
d’interpellation et de l’enquête préliminaire.
Il faut réduire les délais de garde à vue et
de détention préventive prévus pour les
adultes.
Il est urgent de renforcer la mise en
application des dispositions prévues par le
Code de Protection de l’Enfant et donner la
priorité aux moyens préventifs et éducatifs.
Il faut au plus tôt appliquer d’une manière
systématique la séparation de l’enfant des
adultes dans les lieux de garde à vue et de
détention.
Le corps des délégués à la liberté surveillée
doit être mis en place.
Des procédures spécifiques doivent être
clairement définies pour la présentation de
requêtes et de plaintes pour les enfants
privés de liberté, leurs parents ou tuteurs
légaux.
Il est important de renforcer les droits et
garanties des femmes en garde à vue et
détention.
Les mesures nécessaires doivent être
prises afin de prévoir les infrastructures et
logistiques adaptées aux handicapés dans
les lieux de détention.
Page | 42
Page | 43
Page | 44
Ma reddition des comptes et la réparation selon les Lignes
Directrices Luanda
La Partie VIII des Lignes Directrices est relative à l’obligation de rendre compte quant aux
violations commises par les différents acteurs concernés lors des procédures d’arrestation, garde à
vue et détention et à la mise en place de mécanismes de surveillance et de contrôle internes et
externes, judiciaires ainsi que des mécanismes de traitement des plaintes et de réparation.
Les Lignes Directrices établissement également des procédures dans le cadre de violations graves
des droits de l’homme au cours des gardes à vue, détentions, en confirmant la responsabilité de
l’Etat quant à l’obligation de rendre compte et de répondre de toute violation.
Régime tunisien d’indemnisation pour les personnes ayant fait l’objet d’une
mesure de détention
Conformément à la loi n° 2002-94 du 29 octobre 2002114, toute personne ayant fait
l'objet d'une détention provisoire ou ayant purgé une peine de prison peut demander à
l'Etat l'indemnisation du préjudice matériel et moral que lui a causé cette détention, et
ce, dans les cas suivants :
-
-
-
si elle a bénéficié d'une décision de classement au motif que les faits qui lui étaient
imputés ne constituent pas une infraction ou qu'ils n'ont jamais existé ou qu'ils ne
peuvent être imputés au prévenu,
si elle a été condamnée à une peine d'emprisonnement mais que son innocence a été
définitivement prouvée pour les motifs suscités,
si elle a fait l'objet d'une condamnation antérieure ayant acquis l'autorité de la
chose jugée pour les mêmes faits.
La demande en indemnisation doit, à peine de forclusion, être présentée dans le délai de
six mois à partir de la date à laquelle la décision ou le jugement de non-lieu est devenu
définitif.
La demande en indemnisation est présentée au greffe du tribunal par un avocat au
moyen d'une requête écrite à laquelle doivent être annexés les moyens de preuves.
Le demandeur doit assigner le chef du contentieux de l’Etat devant la cour par huissier
114 Loi no 2002-94 du 29 octobre 2002 relative à l’indemnisation des personnes ayant fait l’objet d’une détention
provisoire ou d’une condamnation et dont l’innocence a été prouvée.
Page | 45
jours avant
de justice, et ce, dans un délai minimum
de 60
l’audience. Une
indemnisation globale du préjudice
causé au demandeur lui sera allouée s'il
prouve que le préjudice est réel, grave,
actuel, et résultant directement de la
détention provisoire ou de l'exécution
de la peine de prison.
être pris
Pour l'évaluation du montant de la
réparation, doivent
en
considération la durée de la détention
provisoire, ou de la durée effective de la
peine exécutée en prison ainsi que
toutes les circonstances de faits qui
peuvent servir à l'évaluation.
Mécanismes de surveillance en
matière de violations graves des
droits humains
1. Mécanismes externes :
Instances nationales
indépendantes
L’Instance
l’Homme
des
droits
de
instance
L’Instance des droits de l’Homme est
une
constitutionnelle
indépendante élue par l’ARP115. En tant
qu’instance
elle
présente à l’ARP un rapport annuel
discuté en séance plénière.
constitutionnelle,
Conformément à l’article 128 de la
Constitution tunisienne, l’Instance des
droits de l’Homme veille au respect des
libertés et des droits de l’Homme et
œuvre à leur renforcement ; elle fait des
propositions
du
développement du système des droits
de l’Homme. Elle est impérativement
consultée au sujet des projets de lois en
de
son
relation
domaine
dans
avec
sens
le
115 Article 125, Constitution tunisienne.
compétence.
L’Instance enquête sur
les cas de
violation des droits de l’Homme en vue
de les régler ou de les soumettre aux
autorités compétentes. Elle se compose
de membres
indépendants, neutres,
compétents et intègres qui exercent
leurs fonctions pour un mandat unique
de six ans.
L’Instance des droits de l’Homme doit
être créée par une loi organique en vue
de fixer son rôle, ses attributions, sa
composition ainsi que la fixation de son
budget. Un projet de loi organique est en
cours d’élaboration par le Ministère de
la Justice conformément aux normes
internationales (Principes de Paris) et
aux
dispositions
nouvelles
constitutionnelles116.
aux
droits
Bien que
l’Instance des Droits de
l’Homme n’est pas mise en place à ce
jour, il convient de noter qu’ils existe
déjà un Comité Supérieur des Droits de
l’Homme et des Libertés Fondamentales
créé par la loi no 2008-37 du 16 juin
2008 en charge de toutes les questions
relatives
humains,
notamment de recevoir les requêtes et
les plaintes concernant les questions
ayant trait aux droits de l'Homme et aux
libertés fondamentales, les examiner,
procéder, le cas échéant, à l'audition de
leurs auteurs, les adresser à toute autre
autorité compétente aux fins de saisine,
informer les auteurs des requêtes et des
plaintes des moyens de faire valoir leurs
les rapports y
droits et soumettre
la
afférents
Président
de
au
116 Voir : « Tunisie, Rapport à mi-parcours sur l’état
d’avancement de la mise en œuvre des
recommandations du 2ème cycle de l’Examen
Périodique Universel », 27ème session du Conseil des
Droits de l’Homme, Septembre 2014, p.20.
Page | 46
considéré
République 117 . Cependant, ce Comité
n’est pas
comme une
institution nationale indépendante par
le Comité international de coordination
la
institutions nationales pour
des
promotion et la protection des droits de
l’homme, qui a le pouvoir d’accréditer
les institutions sur la base des Principes
le statut des
de 1993 concernant
institutions
la
pour
nationales
promotion et la protection des droits de
l’homme (Principes de Paris)118.
Le gouvernement provisoire d’avant
élections avait proposé la révision du
statut du Comité afin de le mettre en
conformité avec les Principes de Paris.
Un projet de loi a été rédigé à cet effet le
23 septembre 2011119.
Des tables rondes ont été organisées en
vue de la réforme du statut du Comité
avec l’appui de la Commission de Venise
et de l’OSCE. Cette réforme n’a pas
aboutit
le Comité n’est pas
opérationnel.
et
L’Instance nationale pour
prévention de la torture
la
de
La Tunisie est
le premier pays en
Afrique du Nord et au Moyen Orient à
avoir mis en place un mécanisme
national
(MNP)
conformément à ses obligations au titre
du Protocole facultatif à la Convention
contre la torture (OPCAT), ratifié par le
gouvernement transitoire en juin 2011.
la
Ainsi,
l’Instance nationale
prévention
sur
117 Article 2, loi no 2008-37 du 16 juin 2008 relative
au comité supérieur des droits de l'Homme et des
libertés fondamentales.
118 Consulter : Souheil Kaddour, « La gouvernance des
Droits de l’homme en Tunisie postrévolutionnaire :
état des lieux, difficultés et opportunités », La Revue
des droits de l’homme, 2014, mis en ligne le 30 octobre
2014,
lien
disponible
https://revdh.revues.org/913#ftn44 .
119 Voir :
http://www.droitsdelhomme.org.tn/fr/wp-
content/pdfs/projet-loi-2012.pdf
sur
le
prévention de la torture a été instituée
par la loi organique n°2013-43 du 21
octobre 2013.
L’Instance est habilitée à :
- Effectuer des visites périodiques,
régulières et inopinées aux lieux de
privation de liberté;
la
de
- Contrôler
compatibilité des
conditions
et
détention
d’exécution de la peine avec les
normes internationales des droits
de
la
l’Homme ainsi qu’avec
législation nationale ;
et
- Recevoir les plaintes des cas de
torture
autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou
lieux de
dégradants dans
détention, assurer l’investigation de
ces cas et
les transmettre aux
autorités;
les
- Formuler des recommandations à
l’attention de l’Assemblé Nationale
visant à prévenir la torture et les
mauvais traitements ;
- Contribuer à la sensibilisation aux
risques de torture et de mauvais
traitements ;
- Réaliser et publier des recherches,
études et rapports;
- Faire publier son rapport annuel au
Journal Officiel de la République
Tunisienne et le transmettre aux
autorités.
en
Bien que créée depuis 2013, l’Instance
n’a pas pu commencer l’exécution de son
mandat
retards
raison
les procédures de
enregistrés dans
sélection
ouvertes
des membres,
plusieurs fois par manque de candidats
qualifiés120.
des
Au 6
juillet 2015, une commission
électorale s’est réunie en vue d’examiner
Consulter :
120
http://www.huffpaostmaghreb.com/2013/12/24/ins
tance-torture-tunisie_n_4498145.html
Page | 47
le projet d’une décision basée sur l’avis
du tribunal administratif concernant le
prolongement
des
des
l’Instance
candidatures
la
Nationale de Prévention contre
Torture121.
relatives à
délais
Mécanisme
de
transitionnelle :
Vérité et Dignité
justice
L’instance
Suite à l’adoption de la loi sur la justice
transitionnelle122 et la mise en place le 9
juin 2014 de l’Instance Vérité et Dignité
(IVD)123, la Tunisie post-révolution a
ancré sa détermination à rompre avec
les pratiques du passé tournées vers
l’impunité en ce qui concerne
les
violations des droits de l’Homme, y
les mauvais
torture et
compris
la
traitements.
chargée
L’IVD
d’identifier et de remédier aux violations
des droits de l’Homme commises au
cours la période commençant le 1er
juillet 1955 et finissant le 24 décembre
2013.
est
Le 15 décembre 2014, l’IVD a commencé
à recevoir des plaintes pour une période
d’une année avec possibilité d’extension
de 6 mois si l’IVD le juge nécessaire124.
Selon Sihem Ben Sedrine, présidente de
l’Instance, 13.500 dossiers seraient
parvenus à son siège où ont commencé
déjà depuis fin mai 2015 les séances
d’audition125.
L’IVD est habilitée à soumettre les cas de
Consulter :
121
http://majles.marsad.tn/2014/chroniques/55a67e61
12bdaa3245ab6f5e
122 Loi organique n°2013-53 du 24 décembre 2013
relative à l’attribution et l’organisation de la justice
transitionnelle.
123 Site web de l’IVD : http://www.ivd.tn/?lang=fr
Consulter :
124
http://www.huffpostmaghreb.com/2014/12/10/justi
ce-transitionnelle-t_n_6301772.html
125 Pour plus de détails, consulter :
http://www.observatoire-
securite.tn/Fr/detail_article/ivd-plan-daction-2015-
2018-obligation-de-resultats/85/7121
violations graves des droits de l’Homme
à la justice.
2. Mécanismes
de
surveillance et de traitement
des plaintes
internes
Police
services,
Le ministère de l’Intérieur est doté d’une
inspection générale126 dont les membres
sont en charge du contrôle de tous les
personnels,
établissements
publics et organismes relevant du
des
ministère
collectivités publiques locales ainsi que
de l’inspection et des investigations liées
aux fonctions des structures de sûreté,
sur ordre du ministre de l’Intérieur127.
l’Intérieur
de
et
Comme tous les ministères, le ministère
de l’Intérieur dispose d’un bureau des
relations avec
le citoyen 128 chargé
d’aider les citoyens à surmonter leurs
difficultés
avec
l’administration, y compris de recevoir
et instruire leurs requêtes et plaintes.
rencontrés
Durant le premier semestre 2012, 18
199 personnes auraient déposé des
plaintes auprès du Bureau des relations
avec les citoyens mais ces plaintes sont
resté sans effet sur le travail de la
police129.
Dans le cadre des incidents ayant eu lieu
en avril 2012 à Tunis, en novembre
2012 à Siliana et mai 2013 à Tunis où les
126 L’inspection générale du ministère de l’Intérieur
est créée par le décret n° 84-1245 du 20 octobre 1984
portant statut particulier de l'inspection générale du
ministère de l'intérieur tel que modifié par le décret
n° 2014-69 du 7 janvier 2014.
127 Ibid. Articles 1 et 2.
128 Les bureaux des relations avec les citoyens sont
créés dans chaque ministère en vertu du décret n° 93-
1549 du 26 juillet 1993.
129
partenaires/le-sixieme-numero-du-forum-de-la-
securite-aborde-les-manieres-dont-les-citoyens-
peuvent-porter-plainte-contre-les-forces-de-la-
securite/32/193
http://www.dcaf-tunisie.org/Fr/activite-
Page | 48
forces de sécurité intérieure ont eu
recours à un usage excessif de la force
contre les manifestants, une commission
d’enquête a été mise en place par
l’assemblée nationale constituante pour
examiner
circonstances. Une
trentaine de plaintes auraient été
déposées dans ce cadre et à ce jour,
aucun rapport ni conclusions n’ont été
publiées.
les
Prisons
-
Conformément à l’article 17 de la loi
relative à l’organisation des prisons, le
détenu a droit notamment à :
-
-
-
-
-
la visite de son avocat sans la
présence d’un agent de la prison et
ce sur autorisation de
l’autorité
judiciaire compétente ;
la visite d’un avocat en présence
d’un agent de la prison pour le
condamné en vertu d’un jugement
définitif et ce sur autorisation de
l’administration chargée des prisons
et de la rééducation ;
s’entretenir avec le juge d’exécution
des peines dans les cas déterminés
par la législation en vigueur pour le
détenu
d’une
condamnation ;
s’entretenir avec le directeur de la
prison ;
l’envoi des correspondances à son
avocat et aux autorités judiciaires
concernées et ce par l’intermédiaire
de l’administration de la prison.
faisant
l’objet
Le détenu peut ainsi déposer une plainte
auprès des autorités judiciaires mais
aussi auprès du directeur de la prison
qui se charge de saisir l’inspecteur
général des services pénitentiaires pour
mener
les mesures
l’enquête
disciplinaires appropriées.
et
Les mécanismes de plaintes disponibles
pour le détenu rencontrent en pratique
un certain nombre d’obstacles :
- d’abord,
fait
représailles
le dépôt des plaintes
auprès du directeur de la prison
jamais aboutir ce
risque de ne
dernier ayant tendance à couvrir les
actes et faits de son équipe ; la peur
obstacle
des
également à l’exercice de droit dans
la mesure où le détenu est entre les
mains de ses « bourreaux ».
le juge d’exécution des peines130 en
charge de surveiller l’exécution des
peines privatives de liberté et des
ne
conditions
contrôlerait qu’à peu près 40% des
détenus131 dans la mesure où étant
déjà un juge de fond, il est débordé
par les dossiers132. A ceci s’ajoute le
risque d’absence d’indépendance,
d’impartialité et d’intégrité de
juges d’exécution, étant
certains
souvent des magistrats proches de
la direction de la prison et des
gardiens133.
détention
de
Recours judiciaires contre les
violations graves des droits
humains.
le Rapporteur spécial sur
Selon
la
torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains et dégradants, plus de
400 plaintes pour violences contre des
fonctionnaires de
été
enregistrées entre le début 2011 et mai
2014 dont plus de 70% ont été classées
l’Etat
ont
les prérogatives du
130 Loi No 2000-77 du 31 juillet 2000 modifiant et
complétant le Code de Procédures Pénales instituant
le juge d’exécution des peines, telle que modifiée et
complétée par la loi No 2002-92 du 29 octobre 2002
en vue de renforcer
juge
d’exécution des peines.
131 Consulter : A/HRC/28/68/Add.2/ United Nations,
Report of the Special Rapporteur on torture and other
cruel,
or
punishment, Juan E. Méndez, 27 February 2015, p. 67.
132 Consulter le rapport de ACAT-France et Freedom
Without Borders : « Tunisie, Justice : Année Zéro »,
Janvier 2015, p.14.
133 Ibid.
or degrading
treatment
inhuman
Page | 49
sans suite.
Conformément à l’article 26 du Code de
procédures pénales, le procureur de la
République est chargé de constater
toutes
les
dénonciations qui lui sont faites que ce
soit par les fonctionnaires publics ou les
particuliers ainsi que les plaintes des
parties lésées.
infractions, recevoir
les
immédiatement
En cas de crime (y compris de torture),
la République doit
le procureur de
aviser
le procureur
général de la République et l’avocat
général et requérir dans délais du juge
d’instruction
information
une
régulière134.
Par ailleurs, conformément au Code de
procédures pénales, il appartient au
Procureur de la République d’apprécier
la suite à donner aux plaintes et
dénonciations qu’il reçoit ou qui lui sont
transmises138.
Les procureurs, magistrats du ministère
public étant placés sous
l’autorité
directe du ministère de la Justice, ces
derniers peuvent être ainsi influencés
par le pouvoir exécutif et ne pas jouir de
l’indépendance nécessaire
lorsqu’ils
apprécient l’opportunité de diligenter ou
non les plaintes et les confier aux juges
d’instruction139.
tous
les autorités et
Toutes
les
fonctionnaires publics sont tenus de
dénoncer au procureur de la République
les infractions qui sont parvenues à leur
connaissance dans l’exercice de leurs
fonctions et de lui transmettre tous les
renseignements, procès verbaux et actes
y relatifs135.
est
rapporté
autorités
cependant qu’en
Il
pratique, cette obligation est ignorée par
les
et
administratives et que c’est la victime
elle-même qui dépose la plainte soit
directement soit via son avocat136.
judiciaires
Il est rapporté également que
les
procureurs et les juges d’instruction
confient parfois aux auteurs présumés
d’actes de torture ou de violences ou
leurs superviseurs au sein de la police
judiciaire
l’investigation des plaintes
alors qu’ils ou leurs collègues y sont
nommés137.
134 Article 28, Code de Procédures Pénales.
135 Article 29, Code de Procédures Pénales.
136 Voir OMCT, Réseau SOS-Torture, « l’interdiction de
la torture et des mauvais traitements en Tunisie : Etat
des lieux et recommandations », Juin 2014, p.29.
137 Consulter : A/HRC/28/68/Add.2/ United Nations,
Report of the Special Rapporteur on torture and other
inhuman
treatment
or degrading
cruel,
or
punishment, Juan E. Méndez, 27 February 2015, p. 62.
138 Article 30, Code de Procédures Pénales.
139 Consulter : A/HRC/28/68/Add.2/ United Nations,
Report of the Special Rapporteur on torture and other
cruel, inhuman or degrading treatment or
punishment, Juan E. Méndez, 27 February 2015, p.
62-65.
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AXES DE REFORME SOUHAITABLES
Opérationnalisation de l’Instance des droits
de l’homme ainsi que l’Instance nationale
pour la prévention de la torture.
Faciliter le travail de l’Instance Vérité et
Dignité et lui permettre de s’acquitter de
son mandat d’une manière appropriée, y
compris le droit d’accéder aux archives de
l’Etat et aux dossiers judiciaires.
Opérationnalisation
des
Chambres
spécialisées créées par la loi sur la justice
leur
transitionnelle
indépendance,
impartialité et conformité
aux standards internationaux.
veiller
et
à
Mise en place de mécanismes de protection
des témoins et des victimes dans le cadre
des procès relatifs aux violations des droits
humains.
Réformer la législation applicable en vue de
permettre aux victimes de
traduire en
justice les membres des forces de sécurité
intérieure, auteurs de violations de droits
humains devant les juridictions civiles (et
non les juridictions militaires).
Mettre en œuvre les réformes nécessaires
la
l’indépendance de
visant à garantir
magistrature et de la justice en général.
Réformer
les mécanismes de plaintes
internes existants
(police et prisons)
conformément aux standards internationaux
et les Lignes Directrices Luanda
Assurer
le déclenchement systématique
d’enquêtes rapides et impartiales par les
autorités compétentes lorsqu’il existe des
motifs raisonnables de croire qu’un acte de
violation grave des droits de l’Homme a été
commis sous leur responsabilité.
Mettre en place un régime d’indemnisation,
de
réhabilitation
et
spécifiques pour les victimes de violations
graves des droits humains.
réparation
de
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Page | 52
Arrestation
Garde à vue
Le Code de procédures pénales
doit spécifier le délai au cours
duquel la police judiciaire doit
informer
la
République de
toute mesure
d’arrestation prise à l’encontre
des personnes.
le procureur de
Conformément à l’article 49 de la
tunisienne,
Constitution
loi
la
restrictions
les
détermine
relatives aux droits et libertés
ainsi qu’à leur exercice sans que
cela ne porte atteinte à l’essence
de ces droits et
libertés. Le
principe de proportionnalité des
restrictions à l’objectif recherché
impérativement
doit
respecté. Une
en
profondeur des lois existantes
doit être initiée en vue de les
la nouvelle
harmoniser avec
Constitution tun*isienne et les
garanties qu’elle prévoit en
matière de droits et libertés, y
compris les dispositions du Code
pénal et du Code de procédures
pénales.
refonte
être
la garde
Le Code de procédures pénales
doit étendre explicitement
les
garanties procédurales prévues
à
pour
Les méthodes
l’arrestation.
des
policières
arrestations ainsi que
l’usage
excessif de la force doivent être
clairement encadrées par la loi.
cours
vue
au
à
Le Code de procédures pénales
doit définir davantage la notion
de
d’enquête »
pouvant justifier la mesure de
garde à vue.
« nécessité
L’avocat du gardé à vue ou les
Organismes des droits de
doivent
l’homme
pouvoir
la soumission du
demander
gardé à vue à un examen
médical. La demande d’examen
médical
être
effectuée à tout moment par le
gardé à vue.
pouvoir
doit
délai
d’information
Le
du
Procureur de la République ou
du juge d’instruction quant à la
mesure de garde à vue en cas
de
flagrant délit doit être
clairement et raisonnablement
défini par la loi.
Le délai de garde à vue doit
être ramené à un maximum de
48 heures dans le Code de
procédures pénales.
L’obligation de représentation
du gardé à vue par un avocat
dès sa soumission à cette
mesure
être
impérativement confirmée et
mise en application. Aucune
considération ne doit restreindre
le droit du gardé à vue à un
avocat.
doit
Il serait opportun de prévoir la
responsabilité du Procureur de
la République quant à l’examen
de
toute demande d’examen
médical ainsi que l’obligation de
transmission par les médecins
de leurs rapports directement
au Procureur de la République
ou au juge d’instruction.
au
Les conditions de détention en
garde à vue devraient être
soumises
du
Procureur de la République et
de ses substituts afin d’assurer
leur conformité au principe du
respect de la dignité humaine.
contrôle
d’un
l’objet
Les conditions matérielles et
logistiques de détention dans
les cellules policières doivent
audit
faire
indépendant (par exemple de la
part de l’Instance des Droits de
l’Homme en cours de mise en
place) avec établissement d’un
vue
plan
d’améliorer ces conditions et les
mettre en conformité avec les
exigences
Lignes
des
Directrices Luanda.
d’actions
en
Détention
préventive
Assistance
juridique
Les dispositions du Code de
procédures pénales relatives
à la libération conditionnelle
avec caution devraient être
révisées dans la mesure où
les accusés en majeure
partie, ne disposent pas de la
titre de
somme exigée à
dépôt de garantie.
Des ressources suffisantes
devraient être allouées afin
de favoriser le recours aux
la
décisions alternatives à
détention
la
probation, le service d’intérêt
général et le placement en
résidence surveillée.
comme
La notion « d’intérêt de
l’instruction » comme pour la
« nécessité d’enquête » dans
la garde à vue doit être
clairement définie dans
le
Code de procédures pénales
afin de justifier les décisions
des
prolongation
de
détentions
du
au
minimum prévu par la loi.
delà
la phase
Les étapes de
être
d’instruction
clairement définies avec des
délais plafonnés.
doivent
Le rôle du juge d’exécution
des peines doit être renforcé
en vue de faire respecter les
délais maximums prévus par
le Code de procédures
pénales pour
la détention
préventive.
Le ministère de la Justice doit
veiller à
l’application des
dispositions prévues par le
procédures
Code
pénales.
de
Le plan d’action quinquennal
(2015/2019) pour la réforme
du système
judiciaire et
pénitentiaire élaboré par le
ministère de la Justice doit
être mis en œuvre en vue
d’améliorer les conditions de
détention,
compris
y
matérielles.
les
Le ministère de la Justice doit
ressources
allouer
budgétaires nécessaires afin
d’améliorer les infrastructures
des prisons et des centres de
réhabilitation
de
conformément
rééducation
aux
standards
internationaux.
et
L’article 13 de la loi 2002-52
du 3 juin 2002 relative à
judiciaire doit être
l’aide
modifié en vue de prévoir la
possibilité des recours contre
les
refus
d’accorder
judiciaire
l’aide
aux plus démunis.
décisions
de
La
nouvelle Constitution
prévoit expressément l’aide
légale aux plus démunis. Le
Bureau d’aide judiciaire mis
en place par la loi 2002-52 du
3 juin 2002 doit tenir des
réunions régulières en vue de
rôle
s’acquitter
de
son
la
à
conformément
Constitution et à la loi.
lignes
Des
budgétaires
doivent être développées
pour l’aide judiciaire.
de
conditions
Les
la
commission d’office devraient
être entendues également
aux
matières
correctionnelles.
La compétence à la fois de
l’Ordre National des Avocats
Tunisiens et du président du
tribunal de première instance
est source de conflit et de
blocage. La compétence de
l’Ordre National des Avocats
Tunisiens devrait être une
principe,
compétence
des
tandis
magistrats
être
exceptionnelle.
celle
devrait
que
de
le
de
fournir
Il
convient
nécessaire
l’encadrement
stagiaires
des
de
afin
inexpérimentés
du
suivi
garantir
développement
leurs
de
compétences et évolution. Le
suivi par l’Ordre National des
Avocats
des
cabinets d’avocat (maîtres de
stage) devrait être renforcé.
Tunisiens
Un système de suivi et de
sanctions
disciplinaires
devrait être mis en place pour
les avocats désignés d’office
et qui ne se présentent pas
aux audiences.
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Traitement de et
accès à
l’information
La
falsification des procès-
verbaux par les officiers de police
judiciaire devrait être érigée en
crime
lourdes
sanctions pénales dissuasives.
passible
de
Des modèles types de registres
élaborés
être
devront
Lignes
conformément
Directrices
et
standardisés dans tous les lieux
de garde à vue et de détention.
aux
Luanda
Au stade de l’incarcération, des
dossiers individuels pour chaque
détenu doivent être prévus à
l’appui du registre médical afin
suivi médical
d’assurer
adéquat.
un
L’accès aux registres spéciaux à
tous les stades des procédures
avant procès (arrestation, garde
à vue, détention préventive) doit
être réglementé ainsi que les
modalités de leur consultation.
Le projet de loi organique relative
à l’accès à l’information prévu
pour l’examen en plénière le 7
juillet 2015 tel que retiré par le
Gouvernement doit être « remis
sur le tapis » dans les meilleurs
délais.
Normes de
conduite et
formation des
agents
Il est important de renforcer
les
lignes budgétaires du
ministère de l’Intérieur ainsi
que le ministère de la Justice
la
en vue de développer
formation des agents sous
leur contrôle.
Il est important de renforcer la
internationale
coopération
avec
les ONGs reconnues
pour leur expertise en droits
humains en vue de dispenser
des formations pointues en
matière de droits de l’Homme
aux
de
agents
l’application de la loi.
chargés
sécurité
L’Etat doit entreprendre des
réformes de fond du secteur
de
une
démocratique
gouvernance
conforme
standards
internationaux.
pour
aux
Groupes
vulnérables
unités
Des
spécialisées
doivent être chargées de
l’enquête dans les affaires
impliquant des enfants.
Il est important de veiller au
recrutement et à la formation
d’officiers de police judiciaire
vue
spécialisés
l’enfant-
d’auditionner
suspect.
en
les
Les spécialistes dans
affaires de l’enfance doivent
intervenir
de
au
l’enquête préliminaire.
cours
Les avocats doivent être
présents à toutes les étapes
de l’enquête préliminaire.
La présence des parents ou
tuteurs
légaux doit être
obligatoire durant les phases
d’interpellation
de
et
l’enquête préliminaire.
Il faut réduire les délais de
garde à vue et de détention
préventive prévus pour les
adultes.
Il est urgent de renforcer la
mise en application des
dispositions prévues par le
Code de Protection de
l’Enfant et donner la priorité
aux moyens préventifs et
éducatifs.
Il faut au plus tôt appliquer
d’une manière systématique
la séparation de l’enfant des
adultes dans les
lieux de
garde à vue et de détention.
Le corps des délégués à la
liberté surveillée doit être mis
en place.
être
Des procédures spécifiques
doivent
clairement
définies pour la présentation
de requêtes et de plaintes
pour les enfants privés de
leurs parents ou
liberté,
tuteurs légaux.
Il est important de renforcer
les droits et garanties des
femmes en garde à vue et
détention.
Les mesures nécessaires
doivent être prises afin de
prévoir les infrastructures et
logistiques
adaptées aux
handicapés dans les lieux de
détention.
Reddition des
comptes et
réparation
de
Opérationnalisation
l’Instance des droits de
l’homme ainsi que l’Instance
nationale pour la prévention
de la torture.
le
travail
Faciliter
de
l’Instance Vérité et Dignité et
lui permettre de s’acquitter de
son mandat d’une manière
appropriée, y compris le droit
d’accéder aux archives de
dossiers
aux
l’Etat
et
judiciaires.
des
Opérationnalisation
Chambres
spécialisées
créées par la loi sur la justice
transitionnelle et veiller à leur
indépendance, impartialité et
conformité aux standards
internationaux.
en
place
Mise
de
mécanismes de protection
des témoins et des victimes
dans le cadre des procès
relatifs aux violations des
droits humains.
en
justice
législation
la
Réformer
applicable
de
vue
en
permettre aux victimes de
traduire
les
forces de
membres des
intérieure, auteurs
sécurité
droits
de
de
humains
les
devant
juridictions civiles (et non les
juridictions militaires).
violations
Mettre en œuvre les réformes
nécessaires visant à garantir
l’indépendance
la
magistrature et de la justice
en général.
de
Réformer les mécanismes de
plaintes
internes existants
prisons)
et
(police
conformément aux standards
internationaux et les Lignes
Directrices Luanda
le déclenchement
Assurer
systématique
d’enquêtes
rapides et impartiales par les
autorités
compétentes
lorsqu’il existe des motifs
raisonnables de croire qu’un
acte de violation grave des
l’Homme a été
droits de
commis
leur
responsabilité.
sous
Mettre en place un régime
d’indemnisation,
de
réparation et de réhabilitation
spécifiques pour les victimes
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de violations graves des
droits humains.
Le Labo’ Démocratique
Matricule fiscal : 1273617/B
Adresse : Immeuble Narcisse, avenue du Japon, Bureau 2.7, Montplaisir, Tunis, Tunisie
Tel : (+216) 29 09 92 50
Email: labo.democratique@gmail.com
Site web: http://labodemocratique.wordpress.com
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