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Le changement de base des comptes
nationaux de la Tunisie : un projet
ambitieux mais exigeant
M. Frigui et P. Muller*
Après avoir rappelé les principales caractéristiques de la génération actuelle des comptes
nationaux de la Tunisie, qui s’appuie sur la version 1993 du Système de comptabilité
nationale des Nations unies (SCN 93) et qui mobilise un volume important de sources de
données annuelles, l’article décrit les principaux aspects du processus devant conduire à
une nouvelle génération de comptes nationaux pour la Tunisie. Celle-ci s’appuiera sur
deux années de base (2015 et 2016) et non plus une seule année (1997) comme dans la
génération actuelle de comptes. Outre une « remise à niveau » indispensable compte tenu
de l’ancienneté de l’année de base des comptes actuels et la prise en compte de nouvelles
sources statistiques (ou de sources fortement renouvelées), elle doit permettre, en
particulier, de mettre en œuvre les changements introduits par la nouvelle version du SCN
(SCN 2008), qui font l’objet d’une analyse détaillée dans l’article, et d’améliorer la mesure
par
le
développement aurait été rapide en Tunisie au cours des dernières décennies, voire de
l’économie illégale. Sont présentées ensuite les évolutions à attendre au niveau des
comptes des secteurs et sous-secteurs institutionnels et des comptes de biens et services,
de même que les principales conséquences sur l’évaluation du PIB de l’économie
tunisienne.

la Comptabilité nationale des activités de
informelle, dont
l’économie
Introduction
Les comptes nationaux de la Tunisie (CNT) reposent
actuellement sur une année de base ancienne, à savoir
l’année 1997 (encadré 1). Cette caractéristique pose
plusieurs types de problèmes, en rendant plus délicate
en particulier la bonne prise en compte des sources
statistiques les plus récentes, de même que des
phénomènes économiques ayant pris de l’ampleur au
cours de la décennie 2000. De fait, les comptes
nationaux tunisiens actuels présentent un certain
nombre de fragilités.
Une partie conséquente de l’élaboration des CNT
actuels repose sur un travail « en évolution » et non pas
en « niveau ». C’est le cas notamment pour les comptes
des entreprises non
(Sociétés non
financières et Entreprises individuelles des ménages) et
les comptes de biens et services. Les évaluations
financières
directement « en niveau » sont relatives à l’année de
base 1997, les niveaux en année courante s’obtenant
ainsi en appliquant des indices d’évolution, calculés le
plus souvent à partir d’échantillons reposant sur un
champ partiel, aux niveaux de l’année de base. Il est
vrai qu’une partie des CNT en année courante s’appuie
sur des évaluations faites en niveau. C’est le cas par
exemple des comptes des secteurs institutionnels des
Administrations publiques et des Sociétés financières,
de même que des comptes des relations avec le Reste
du monde à partir des données douanières et de la
Balance de paiements
1. S’ils sont loin de représenter
une part négligeable du PIB, s’agissant par exemple de
la production de services financiers, de la production
non marchande des Administrations publiques et des
flux de commerce extérieur de biens et services, les flux
correspondants ne représentent pas, pour autant, une
composante majoritaire du PIB de la Tunisie.
1De même, les comptes des entreprises publiques (non
financières), en partie du moins, s’appuient sur des
évaluations directement en « niveau » sur la base des états
financiers annuels de ces entreprises.
* Mohamed Frigui est directeur central de la comptabilité nationale à Statistiques Tunisie frigui.mohamed@ins.tn,
Pierre Muller est inspecteur général honoraire de l’Insee mullerpie@gmail.com


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Encadré 1 : Principales caractéristiques des comptes nationaux tunisiens actuels
La génération actuelle de CNT est la deuxième génération de comptes nationaux tunisiens, après une première génération
développée au cours des années 1980 grâce, notamment, à une assistance technique d’envergure apportée par l’Insee et la
Banque de France. L’année de base (ou année de référence) de la deuxième génération de comptes est ancienne puisqu’elle
remonte à 1997. Le système comprend des comptes complets pour les secteurs et sous-secteurs institutionnels (à l’exception
des comptes de patrimoine), qui permettent en particulier de mettre en évidence la distinction entre répartition primaire et
répartition secondaire des revenus, des comptes de biens et services, avec des équilibres « ressources-emplois » à un niveau
détaillé (niveau 400) et des comptes de production et d’exploitation par sous-secteur d’activité (niveau 100), et des tableaux de
synthèse (synthèse des biens et services-TRE, comptes économiques intégrés-TEE, tableau des opérations financière-TOF).
Les comptes de biens et services sont élaborés aux prix de l’année en cours (prix courants) et aux prix de l’année précédente.
Le PIB est déterminé selon les trois approches « production », « demande » et « revenus ». Des comptes trimestriels et des
comptes dérivés ou satellites (environnement, tourisme) complètent le dispositif.

Les CNT de la base 1997 reposent sur le SCN de 1993 (SCN 93). En particulier, les productions de biens et services et les
valeurs ajoutées sont évaluées au prix de base, deux approches de consommation finale sont intégrées dans les comptes (dépense
de consommation finale d’une part, consommation finale effective d’autre part) et une notion de service d’intermédiation
financière indirectement mesuré (SIFIM) est évaluée et répartie par secteur utilisateur. Par ailleurs, la FBCF comprend les
dépenses d’exploration minière et pétrolière, de même que les dépenses en logiciels. Enfin, les tableaux de synthèse s’inspirent
directement de ceux prévus par le SCN 93, même si la notion de sous-secteur d’activité utilisé dans le TRE tunisien s’éloigne
quelque peu de celle de branche d’activité retenue par le SCN.
Comme le prévoit le SCN 93, les comptes des relations avec le Reste du monde des CNT sont étroitement articulés avec la
Balance des paiements de la Tunisie. En fait, ces comptes procèdent avant tout d’une transposition en termes d’opérations de
comptabilité nationale des flux repris par la Balance.
Le processus de fabrication des Comptes nationaux tunisiens mobilise un volume très conséquent de sources statistiques, qu’il
s’agisse des sources sur les entreprises non financières (enquête nationale annuelle sur les activités économiques, enquête sur
les micro-entreprises réalisée tous les cinq ans depuis 1997, répertoire national des entreprises, documents comptables des
entreprises publiques, données sur certains secteurs particuliers), des statistiques spécifiques concernant les productions
agricoles et de la pêche, des états financiers des unités composant les Sociétés financières, des enquêtes « ménages » (enquêtes
budget-consommation…), des statistiques douanières, des sources budgétaires, administratives et comptables pour les
administrations publiques (administrations centrales, collectivités locales, sécurité sociale), de sources conjoncturelles (indices
de prix et indices de production, nuitées, autorisations de construire, dépenses des touristes non-résidents…).
In fine, une large
partie du dispositif statistique tunisien est mis à contribution mais on notera l’absence, en particulier, d’utilisation des résultats
de la principale enquête réalisée par l’INS, à savoir l’enquête « emploi ».
Trois versions de comptes annuels, à savoir le compte provisoire (septembre n+1), le compte semi-définitif (septembre n+2) et
le compte définitif (septembre n+3) sont élaborées chaque année. Les comptes font l’objet d’une publication annuelle complète
et bien documentée quant à la méthodologie mise en œuvre, de même que d’une mise en ligne sur le site de l’INS.
Ainsi, une première conséquence de l’ancienneté de
l’année de base des CNT actuels est que la structure du
PIB de la Tunisie est fonction, de façon déterminante,
des niveaux de productions et de valeurs ajoutées d’une
année assez reculée. Certes, l’utilisation des indices
d’évolution permet d’atténuer les conséquences de cet
état de fait mais sans intégrer pleinement les évolutions
structurelles intervenues entre l’année de base et les
années courantes. Or, celles-ci ont été importantes
depuis la fin des années 1990, avec, par exemple, le
développement des activités de l’économie informelle,
voire des activités
les évolutions
contrastées qu’ont connues plusieurs branches
d’activités de l’économie tunisienne… Cette difficulté
est accentuée par le fait que les comptes actuels
s’appuient sur des nomenclatures d’activités et de
produits elles-mêmes assez anciennes.

illégales ou
Une deuxième conséquence de l’ancienneté de l’année
de base a trait au système statistique. En effet, le
système statistique tunisien s’est fortement enrichi et
renouvelé depuis la fin des années 1990, aussi bien pour
les ménages que pour les entreprises. Certes, le travail
« en évolution » n’est pas antinomique avec la prise en
compte de nouvelles sources ou de sources modifiées
mais celle-ci ne peut être qu’assez circonscrite, sinon à
remettre en cause la cohérence nécessaire entre les
niveaux (1997), déterminés à partir d’un spectre défini
de sources statistiques, et les évolutions, ces dernières
devant être calculées à partir de sources identiques ou
proches de celles mobilisées dans le cadre des
évaluations pour l’année de base. Ce faisant, la prise en
compte des sources statistiques nouvelles ou ayant
connu des évolutions marquantes ne peut être
pleinement envisagée que dans
le cadre d’un
changement en profondeur des comptes nationaux. De
même,
importants des sources
statistiques directement mobilisées en niveau dans le
cadre de l’élaboration des comptes en année courante
ne peuvent être intégrés qu’à l’occasion du changement
de l’année de base. Un exemple significatif (mais pas
unique) est constitué par le passage de la Balance des
paiements de la Tunisie de la 5
e à la 6e version du
manuel du FMI.

les changements
Statéco n°113, 2019




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Tableau n°1 :
Présentation synthétique
Thématique
Comptes
des SNF
Comptes
des SF
Comptes
des APU
Comptes des
relations avec
RdM
Comptes des
Ménages
Comptes des
biens et
services
1. « Remise à niveau » des comptes
des années de base
X
2. Intégration de nouvelles sources
statistiques
3. Mise en œuvre des
recommandations du SCN 2008
4. Amélioration de la prise en compte
de l’économie informelle
5. Estimation de l’économie illégale
X
X
6. Redressement pour fraude à la TVA
sans entente
7. Amélioration des processus
techniques d’élaboration des comptes
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Les deux raisons majeures du
changement de base des comptes
nationaux tunisiens
Outre une « remise à niveau » indispensable compte
tenu de la forte ancienneté de l’année de base actuelle,
l’opération de changement de base des comptes
nationaux tunisiens trouve sa justification dans deux
raisons majeures : d’une part la mise en œuvre des
recommandations de la nouvelle norme de comptabilité
nationale au niveau mondial (SCN 2008), d’autre part
la nécessité d’améliorer la prise en compte en
Comptabilité nationale des activités de l’économie dite
« informelle »
2. Ces deux raisons sont analysées
successivement.

Mettre en œuvre les recommandations du
SCN 2008
La mise en place d’une nouvelle génération de comptes
nationaux doit être l’occasion de mettre la comptabilité
nationale tunisienne en conformité avec les normes et
principes définis dans la version révisée du SCN (SCN
2008). Les impacts sur les comptes nationaux du
passage de la version 1993 du SCN à la version 2008
liées entre elles. D’une part,
sont assez ciblés, et cela pour deux raisons essentielles,
directement
les
changements entre les deux dernières versions du SCN
sont circonscrits à un nombre limité de points, certes
importants mais sans commune mesure avec les
évolutions introduites par le SCN 1993 par rapport aux
normes antérieures de comptabilité nationale
3. En ce
sens, la véritable rupture a été introduite par le SCN
1993. D’autre part, les CNT de deuxième génération
(base 1997) ont été établis en conformité avec les
principes du SCN 1993, si l’on excepte l’absence de
comptes de patrimoine des secteurs institutionnels. Ce
faisant, les CNT intègrent déjà une large partie des
évolutions liées à
la modernisation des normes
internationales de comptabilité nationale depuis le
début des années 90
4.
In fine, une analyse précise au cours du jumelage a
permis de montrer que les impacts pour les comptes
nationaux tunisiens de la nouvelle norme internationale
de comptabilité nationale (SCN 2008) peuvent être
classés en huit points principaux (tableau 2), que l’on
présente ici de façon résumée. Cinq d’entre eux font
l’objet d’une analyse détaillée dans la deuxième partie
de cet article
5.
2 Cet article ne traite que de la comptabilité nationale
annuelle des CNT. Les comptes trimestriels font pour leur
part l’objet de l’annexe 1.

3 On fait référence ici au SCN de 1968 mais également à la
première version du Système européen de comptabilité
nationale (SEC1970).

4 Situation qui n’est pas si fréquente que cela, nombre de
pays en développement n’ayant pas encore franchi l’étape de
l’intégration du SCN 1993.

5 Un autre point mériterait d’être noté s’agissant des impacts
du SCN 2008 pour les comptes nationaux tunisiens, à savoir
le traitement des dividendes exceptionnels versés par les
entreprises publiques. De tels dividendes doivent en effet être
appréhendés désormais comme une opération financière et
non plus comme une distribution de revenu primaire.
Toutefois, ce point n’a pas été pris en compte dans le cadre
du jumelage, faute d’investigation suffisante. Par ailleurs, le
SCN 2008 entraîne une modification de champ quant au
calcul de la notion de consommation de capital fixe (CCF),
notamment (mais pas uniquement) avec la prise en compte
d’une CCF pour les actifs en R-D et en système d’armement.

Statéco n°113, 2019













































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Tableau n°2 :
Mise en œuvre des recommandations du SCN 2008
Recommandation
Impacts pour les CNT
Modalités de mise en œuvre
1. Élargissement de
la FBCF aux
dépenses de R-D
Comptes des APU (production, valeur
ajoutée, FBCF)
Comptes des SNF (production, valeur
ajoutée, FBCF)
TRE et ERE
Pour les APU, l’évaluation passe par l’identification préalable
des unités productrices de recherche. La production et la FBCF
sont évaluées par la somme des coûts. Pour les SNF, la
production et la FBCF de R-D est obtenue comme solde entre la
dépense intérieure de R-D de la Tunisie et la production de R-D
des APU.
2.Classement des
achats de systèmes
d’armement en FBCF
Comptes des APU (production, valeur
ajoutée, FBCF)
TRE et ERE
3.Prise en compte du
critère du
changement de
propriété
Comptes des relations avec le Reste du
monde
TRE et ERE
Pour les APU, le nouveau classement entraîne un transfert de
consommations intermédiaires en FBCF.
Ce critère concerne en particulier les échanges de marchandises
liés au travail à façon réalisé par des entreprises résidentes en
Tunisie pour le compte de donneurs d’ordre non-résidents. Une
présentation originale est retenue pour les CNT, cherchant à
le critère du changement de propriété avec
concilier
l’enregistrement des échanges physiques de marchandises.
Une notion d’indemnités d’assurance de dommage « corrigées
et ajustées » (évènements exceptionnels, lissage temporel) est
prise en compte, ce qui permet d’améliorer de façon sensible
l’évaluation de la production et de la valeur ajoutée des sociétés
d’assurance

La modification permet d’évaluer explicitement une production
au titre de l’action de contrôle et régulation monétaires de la part
de la Banque centrale. Cette production est considérée comme
faisant l’objet d’une dépense de consommation finale de la part
de l’État tunisien.
L’économie informelle est désormais définie en lien direct avec
les principes du SCN 2008. Par ailleurs, un dispositif statistique
a été mis en place pour les années de base, s’appuyant sur
l’enquête « micro-entreprises » et sur l’enquête « emploi ». Le
dispositif devra ensuite être adapté afin d’être pérennisé.
Comptes des Sociétés d’assurance
(production, valeur ajoutée, primes
nettes d’assurance de dommage reçues)
Comptes des secteurs utilisateurs
(primes nettes d’assurance versées,
consommations intermédiaires,
consommation finale...)
TRE et ERE
Comptes des Institutions financières
monétaires ou IFM (production, valeur
ajoutée, transfert courant « versé »)
Comptes des APU (dépense de
consommation finale, transfert courant
« reçu »)
TRE et ERE
Comptes des Ménages (production,
valeur ajoutée, revenus primaires)
TRE et ERE
Comptes des IFM autres que la BCT
(production, valeur ajoutée, revenus
primaires)
Comptes des secteurs utilisateurs
(revenus primaires, consommations
intermédiaires, consommation finale…)
Le calcul de la SIFIM globale est désormais réalisé comme
somme des écarts entre intérêts reçus sur les prêts et intérêts de
référence d’une part, intérêts de référence et intérêts versés sur
les dépôts d’autre part. Cette formule permet d’assurer la
cohérence avec le mode de calcul mis en œuvre pour la
répartition de la SIFIM entre emplois.
Comptes des SNF, des Ménages, des
SF
4.Nouvelle approche
de la notion de
production de service
d’assurance de
dommage
5.Modification du
calcul de la
production de la BCT
6.Amélioration de la
prise en compte des
activités de
l’économie
informelle
7.Calcul de la SIFIM
globale
8.Autres
recommandations
(reclassement des
holdings en SF, mise
en évidence d’un
secteur institutionnel
à part entière pour les
ISBLSM,
décomposition des
SNF en sous-
secteurs …)
Statéco n°113, 2019







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- Élargissement de la notion de FBCF aux dépenses de
recherche-développement (R-D), qu’il s’agisse des
dépenses internes de R-D (production pour compte
propre de recherche) ou de dépenses externes (achats
de recherche à d’autres unités)
6. Pour la Tunisie, le
les Administrations
nouveau
publiques, à un degré moindre les Sociétés non
financières.
traitement concerne
concerne
traitement
- Classement des achats de système d’armement en
FBCF et non plus en consommations intermédiaires. Le
nouveau
les
ne
Administrations publiques. A noter que les dépenses
militaires en génie civil et bâtiments sont déjà classées
en FBCF dans les CNT actuels, suivant en cela la
recommandation du SCN 1993. Ainsi, c’est désormais
l’ensemble des dépenses au titre des budgets militaires
(autres que les achats de petits matériels) qui est classé
en FBCF dans la nouvelle génération de CNT.
que
- Prise en compte du critère de changement de propriété
pour les échanges extérieurs de biens et services, en
accord avec la 6
e version du manuel de Balance des
paiements du FMI. Pour les comptes nationaux
tunisiens, le principal impact concerne le travail à façon
réalisé par des entreprises tunisiennes pour le compte
de donneurs d’ordre étrangers, qui doit être traité
comme un échange extérieur de service et non plus de
marchandise comme dans le SCN 1993.

- Définition d’un nouveau calcul de la notion de
production de service d’assurance de dommage. Ce
nouveau calcul permet une mesure nettement plus
satisfaisante de la production et de la valeur ajoutée du
sous-secteur des Sociétés d’assurance.
- Modification de l’évaluation de la production de la
Banque centrale de Tunisie (BCT). Cette évaluation est
désormais réalisée par
la somme des coûts de
production et d’exploitation, à l’instar des unités des
Administrations publiques
7. La mesure de la valeur
ajoutée de la BCT est également modifiée.

- Révision du calcul de la production globale de service
d’intermédiation financière
indirectement mesurée
(SIFIM). Cette modification permet d’assurer la
cohérence entre le calcul de la SIFIM au niveau global
et sa répartition entre emplois (consommations
intermédiaires, consommation finale, exportations).
de
- Changements dans la décomposition en sous-secteurs
(institutionnels) de certains secteurs institutionnels
8 :
distinction
(entreprises
publiques, entreprises privées sous contrôle étranger,
autres entreprises privées) pour les Sociétés non
des
financières,
établissements publics (non administratifs) entre
sous-secteurs
amélioration
classement
trois
du
administrations centrales et administrations locales,
reclassement de l’ensemble des holdings en Sociétés
financières... Par ailleurs, il est envisagé un secteur
institutionnel à part entière pour les Institutions sans but
lucratif au service des Ménages (ISBLSM).

- Amélioration de la prise en compte de l’économie
informelle dans les comptes nationaux. La dimension
méthodologique de ce chantier
(définition de
l’économie
informelle, appréhension du secteur
informel comme une composante du secteur des
ménages…) peut être considérée comme une
conséquence de la mise en œuvre des recommandations
du SCN 2008. Ce chantier comprend
toutefois
également une dimension statistique essentielle : mise
en place d’un dispositif statistique performant, articulé
autour de plusieurs enquêtes, en particulier l’enquête
« emploi »... En tant que telle, cette dimension n’est pas
directement liée à la mise en œuvre du SCN 2008 mais
elle n’en constitue pas moins une raison majeure du
changement de base.

Un enjeu déterminant : améliorer la prise
en compte de l’économie informelle
Comme dans beaucoup de pays, l’économie informelle
connaît un développement en Tunisie, par exemple
dans des secteurs d’activité comme le bâtiment (second
œuvre), les commerces ou encore certains secteurs des
services (réparation automobile). Cette forme de
production représente désormais une part significative
du PIB (environ 30% dans l’actuelle génération des
comptes nationaux) mais les estimations souvent
évoquées, notamment dans les médias, ne s’appuient
pas réellement sur une base statistique solide. Par
ailleurs,
la notion d’économie
informelle est loin de faire consensus entre les
économistes
9.
la définition de
celles
correspondent
Les CNT actuels prennent bien en compte les activités
de l’économie informelle, notamment grâce à l’enquête
« micro-entreprises » réalisée tous les 5 ans auprès des
petites entreprises (moins de 6 salariés). Toutefois, ces
unités
de
à
l’administration fiscale ou sociale. Les estimations de
la production des unités de production non connues de
l’administration et qui représentent pourtant une part
importante de l’économie informelle sont fondées
principalement sur les travaux de l’année 1997. Or, il
est probable que cette configuration des sources de
données conduit à une sous-estimation du poids de
l’économie informelle dans le PIB.
connues
Ainsi, la mise en place d’une nouvelle génération de
CNT est-elle l’occasion d’améliorer sensiblement cette
situation. Pour cela, il convient de proposer au
6 Comme on le verra plus loin, les dépenses externes de R-D
(achats de R-D à d’autres unités) semblent négligeables en
Tunisie.
7 Dans les CNT actuels, la BCT se voit attribuer une
production de SIFIM, en plus d’une production de services
facturés.
8 En fait, une large partie de ces changements est déjà prévue
par le SCN 1993, si l’on excepte le classement des holdings.
9 Un article de ce numéro spécial de Statéco est
spécifiquement consacré à l’économie informelle, s’agissant
en particulier de
la dimension statistique de cette
problématique.
Statéco n°113, 2019

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14
l’économie
préalable une définition précise de
informelle, en conformité avec les principes de
Comptabilité nationale tout en constituant la référence
dans le cadre d’autres types de travaux statistiques. La
définition adoptée est ainsi la suivante :
« Le secteur
informel est constitué des unités
économiques, quel que soit leur statut (employeur,
indépendant, compte propre…) et leur type d’activité
(y compris agriculture), produisant des biens et services
pour le marché et ne disposant, de fait ou de droit,
d’aucune comptabilité complète (de flux). Ces unités
seront considérées dans les comptes nationaux comme
des entreprises individuelles du secteur des Ménages ».
Ne faisant pas référence directement à la relation avec
l’administration fiscale et sociale, cette définition
permet de regrouper les deux types d’entreprises
individuelles du secteur informel : celles connues de
l’administration fiscale ou sociale d’une part, celles qui
ne le sont pas d’autre part. Elle permet également de
tracer une distinction claire avec les entreprises
individuelles du secteur formel, qui disposent en
général d’une comptabilité, du moins en matière de
flux.
l’économie
En deuxième lieu, il convient de se doter d’un dispositif
statistique durable en mesure de couvrir l’ensemble des
informelle
unités de production de
tunisienne, que celles-ci soient connues ou non de
l’administration. Le dispositif retenu par l’INS de
Tunisie s’inspire de la méthodologie des « enquêtes 1-
2-3 », conçue par l’Institut de recherche pour le
développement (IRD-DIAL) au début des années 1990
et qui a fait ses preuves sur différents continents
(Afrique, Asie, Amérique latine).
les
leur absence dans
travers une enquête
Le principe est basé sur une approche mixte
ménages/entreprises afin d’identifier les unités de
production qui échappent à l’appareil statistique, en
raison de
répertoires
administratifs et/ou d’absence de comptabilité, puis de
mesurer de manière détaillée l’activité de ces unités de
production à
spécifique.
Concrètement dans le cas de la Tunisie, les données sur
l’économie informelle seront appréhendées (années de
base) grâce, principalement, à deux enquêtes, à savoir
l’enquête « micro-entreprises », qui collecte
les
données économiques sur un échantillon d’unités
informelles connues de l’administration et l’enquête
« emploi », qui permet d’appréhender les employeurs
des unités de production de l’ensemble de l’économie
informelle, qu’elles soient connues ou non de
l’administration
10. Il était prévu qu’une seconde
enquête « micro-entreprises » soit réalisée à la rentrée
2018 pour les entreprises informelles non connues de
l’administration mais cette opération n’a pas pu être
mise en place par l’INS. Seule une enquête « pilote » a
été réalisée mais compte tenu de la taille très réduite de
son échantillon, les résultats ne pourront pas être
utilisées directement pour l’élaboration des comptes
des deux années de base.

Les données sur l’économie informelle tirées du
dispositif statistique doivent être analysées avec soin
avant d’être intégrées dans les comptes. Une des
difficultés tient en effet à la taille réduite des
échantillons des enquêtes « micro-entreprises » en
regard des univers correspondants. Une confrontation,
destinée à corriger, redresser et conforter les données
des enquêtes, avec les autres formes de production sur
plusieurs indicateurs (productivité du travail, taux de
valeur ajoutée, etc.), apparaît ainsi indispensable grâce
à la mise en place d’un nouvel outil de synthèse dans le
processus d’élaboration des comptes nationaux,
articulant emplois, productions et valeurs ajoutées
11.
Un tel outil s’inspire de celui proposé par le logiciel
ERETES tout en étant beaucoup plus large ; il s’appuie
fortement sur les données de l’enquête « emploi » qui
jouent un rôle déterminant.

les besoins de comptabilité nationale,
le
Outre
dispositif statistique doit permettre également à l’INS
de Tunisie de disposer d’une base solide afin de fournir
régulièrement des informations fiables sur l’économie
informelle afin d’aider à l’élaboration de politiques
sectorielles dans ce domaine.
Analyse détaillée de la mise en œuvre
des recommandations du SCN 2008
sur
Cette partie présente les modalités de mise en œuvre
des recommandations du SCN 2008 dans la nouvelle
génération de CNT, aussi bien
le plan
méthodologique que sur le plan statistique. Cinq
recommandations sont analysées ici : l’élargissement
de la FBCF aux dépenses de recherche-développement,
l’intégration des achats de système d’armement dans la
FBCF des Administrations publiques, la nouvelle
méthode d’évaluation de la production de service
d’assurance de dommage, les modifications concernant
le calcul de la production de la Banque centrale de
Tunisie (BCT) et la nouvelle approche du travail à
façon pour le compte d’entreprises non-résidentes.
L’élargissement de la FBCF aux dépenses
de recherche-développement
la FBCF aux dépenses de
L’élargissement de
recherche-développement (FBCF en R-D) concerne
a
priori
tous les secteurs institutionnels mais la décision
a été prise de limiter ce changement aux secteurs des
10 Pour cela, le questionnaire de l’enquête « emploi » a été
modifié de façon significative.
11 L’emploi doit être mesuré ici par le volume de travail
(emplois x durée effective de travail) afin de permettre des
comparaisons pertinentes sur la productivité du travail entre
formes de production.
Statéco n°113, 2019


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Administrations publiques (APU) et des Sociétés non
financières (SNF)
12.
La méthode d’évaluation de la FBCF en R-D des APU
repose sur
l’identification préalable des unités
productrices de service de R-D. Ces unités constituent
pour la plupart des entités dépendant du Ministère
tunisien de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Il s’agit d’établissements publics pouvant avoir, à côté
de leur activité de R-D, une activité d’enseignement. La
production (non-marchande) de R-D des APU est alors
évaluée par la somme des coûts : consommations
intermédiaires, rémunération des salariés, impôts liés à
la production, consommation de capital fixe des actifs
de l’activité de R-D. Elle constitue une production pour
compte propre des APU en R-D
13.
La FBCF en R-D des APU est égale à leur production
de recherche,
les ventes de R-D à des unités
n’appartenant pas au secteur des Administrations
publiques apparaissant négligeables en Tunisie. On
notera qu’une
la R-D des
faible partie de
administrations tunisiennes bénéficie de financements
dans le cadre de la coopération internationale. Dans les
comptes nationaux, ces financements ne doivent pas
être analysés comme une recherche vendue par
l’administration tunisienne à une unité non-résidente
mais comme un transfert (en capital), à inscrire en
ressources du compte de capital des APU et en emplois
des comptes des relations avec le Reste du monde.
En revanche, la FBCF en R-D des SNF ne peut pas être
évaluée directement à partir des données tirées des
comptabilités élémentaires, les dépenses de recherche
ne faisant généralement pas, ou pour des montants
faibles, l’objet d’une inscription à l’actif du bilan dans
la comptabilité d’entreprise tunisienne. Par ailleurs, les
enquêtes « entreprises » ne prévoient pas d’identifier
les coûts relatifs aux dépenses de recherche pour
compte propre, ce type de questionnement devant faire
l’objet d’une enquête spécifique.
Une approche originale a donc été mise en place pour
l’évaluation de la production et de la FBCF en R-D des
SNF, s’appuyant sur l’évaluation globale des dépenses
en R-D de la Tunisie proposée par l’Unesco. Les
dépenses en R-D à attribuer aux SNF sont ainsi
obtenues comme différence entre le total des dépenses
intérieures de R-D de la Tunisie (un peu moins de 1 %
du PIB tunisien) et le montant estimé de la production
de R-D des APU, celle-ci étant considérée comme étant
identique à leur dépense intérieure de recherche
14. La
FBCF en R-D des SNF est alors égale à leur dépense
15
intérieure de R-D ainsi estimée, sous l’hypothèse que
les entreprises tunisiennes ne sous-traitent pas de
recherche à d’autres unités, par exemple des APU
15 .
Il convient de noter que la source Unesco est fondée sur
des données gérées par le ministère de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche de Tunisie, qui s’appuient
sur des données budgétaires pour la recherche publique
et l’actualisation, à partir de rapports d’activité, des
résultats de l’enquête (enquête type « Frascati »)
réalisée en 2008 pour la R-D des entreprises, enquête
non renouvelée depuis. C’est pourquoi d’ailleurs le
Ministère souhaite améliorer et rendre plus régulier le
dispositif statistique sur l’évaluation des dépenses de
R-D, aussi bien des entreprises (privées et publiques)
que des Administrations publiques. Ce dispositif
pourrait s’appuyer par exemple sur une enquête portant
d’une part sur les dépenses de recherche des entreprises
(enquête tous les 3 ans), d’autre part sur les dépenses
de recherche de l’ensemble des unités, que celles-ci
appartiennent aux entreprises ou à l’administration
publique (enquête tous les 5 ou 6 ans). De telles
enquêtes devraient d’ailleurs être
réalisées en
partenariat avec l’INS16.
consommation de
L’élargissement de la FBCF aux dépenses de R-D
entraîne la mise en évidence d’un actif spécifique, à
savoir un actif de propriété intellectuelle de R-D, et
d’une
(CCF)
correspondante. C’est le cas en particulier pour le
secteur des Administrations publiques. Dans ce dernier
cas, la CCF sur les actifs en propriété intellectuelle de
R-D vient augmenter, toutes choses étant égales par
ailleurs, la valeur de la production non-marchande
globale.

capital
fixe
L’intégration des achats de
d’armement
la
Administrations publiques
dans
FBCF
système
des
Le SCN 2008 recommande de comptabiliser en FBCF
les achats de système d’armement des Administrations
publiques
17, à l’exception des dépenses de faible
montant qui restent classées en consommations
intermédiaires. Ces achats sont inscrits dans le budget
de l’État tunisien, y compris fonds spéciaux et fonds de
concours. Le nouveau traitement défini par le SCN
2008 se traduit ainsi par un transfert de consommations
intermédiaires (approche retenue dans les CNT actuels,
suivant en cela le SCN 1993) en FBCF (solution
retenue par le SCN 2008). Ce faisant, une notion
d’actifs en système d’armement doit être évaluée dans
12 On n’a pas trouvé trace de dépenses de R-D dans les
comptabilités élémentaires des Sociétés financières, point qui
reste toutefois à confirmer.
13 Une séparation entre production de R-D et production de
service d’enseignement devrait être faite mais par souci de
simplification, la production d’enseignement étant nettement
plus réduite que celle de R-D, la totalité de la production est
reprise en R-D.
14 On notera que d’après les chiffres du Ministère, les APU
réalisent près de 80 % de la R-D en Tunisie.
15 C’est la contrepartie de l’hypothèse faite plus haut pour les
APU, à savoir l’absence de ventes de R-D des administrations
publiques à des unités externes au secteur des APU.
Toutefois, cette hypothèse reste à confirmer au stade actuel.
16 L’INS devrait en effet se mettre en situation de répondre
positivement à cette demande.
17Cette approche est d’ailleurs assez contestable sur le fond.
Statéco n°113, 2019

Page 8
indemnités. Au stade actuel, seule l’année 2011 serait
dans ce cas en Tunisie. Les indemnités subissent ainsi
une première correction, très importante pour l’année
2011 mais avec des répercussions sur les années
suivantes
19.
Cependant, la correction pour point « aberrant » ne
suffit pas à lisser complétement la série des indemnités.
Celles-ci font donc l’objet, dans un deuxième temps,
d’un lissage complémentaire destiné à corriger les
variations conjoncturelles grâce à un travail adéquat sur
série temporelle.
Au total, pour une année n, la production de service
d’assurance de dommage (P) résulte du calcul
suivant dans la nouvelle génération de CNT :
P (n) = primes acquises + supplément de
primes (revenus du placement des réserves) -
indemnités « corrigées et ajustées »
Les indemnités « corrigées et ajustées » s’entendent
comme les indemnités d’assurance après correction
pour « point aberrant » (année 2011 et répercussions
sur les années suivantes) et après lissage temporel.
Il convient de noter que les indemnités d’assurance de
dommage à inscrire comme transfert courant au compte
de distribution secondaire du revenu s’entendent
comme les indemnités « ajustées » (après lissage
temporel) définies précédemment et non pas
simplement comme les indemnités dues telles que
déclarées dans
les comptabilités des Sociétés
d’assurance. Par ailleurs, pour l’année 2011 (avec les
répercussions sur les années suivantes), la correction
pour passer aux indemnités « corrigées » est traitée
comme transfert en capital au titre d’un évènement
exceptionnel. Ainsi, dans ce cas, les indemnités
d’assurance reprises en emplois du compte de
revenu des Sociétés
distribution secondaire du
d’assurance sont-elles
indemnités
« corrigées et ajustées » définies plus haut. On notera
que ce traitement permet de conserver l’égalité entre les
opérations
« indemnités
d’assurance de dommage » du compte de distribution
secondaire du revenu des Sociétés d’assurance.

identiques aux
« primes
nettes »
et
16
les CNT actuels. Un nouveau
la nouvelle génération de CNT, en plus des actifs en
bâtiments militaires et génie-civil déjà pris en compte
dans
flux de
consommation de capital fixe doit être calculé pour les
actifs en système d’armement, qui vient augmenter, ici
aussi, la valeur de la production non-marchande
globale.

La notion de production de service
d’assurance de dommage : une approche
renouvelée
La mise en évidence en comptabilité nationale de la
notion de production de service d’assurance de
dommage se heurte à plusieurs difficultés. En effet, ce
service n’est pas directement évalué dans les comptes
des entreprises d’assurance si bien que les comptables
nationaux doivent procéder par « imputation ».
Traditionnellement dans les systèmes de comptabilité
nationale, le service d’assurance est mesuré par la
différence entre les primes (primes acquises) et les
indemnités dues
18. Le SCN 1993 a introduit une
première évolution, prévoyant la prise en compte des
revenus du placement des réserves en considérant que
ces revenus sont à appréhender comme un complément
implicite de primes. C’est cette approche qui est reprise
dans les CNT actuels. Toutefois, elle ne permet pas de
traiter les situations de variabilité des indemnités, par
exemple en cas d’évènements exceptionnels. Conscient
de cette difficulté, le SCN 2008 recommande d’utiliser
une notion d’indemnités (dues) ajustées pour le calcul
de la production, sans formuler pour autant de façon
précise une méthode pratique d’estimation. En
revanche, la version européenne du système révisé
(SEC 2010) donne des indications plus opérationnelles
et sur lesquelles on peut s’appuyer.

Or, on observe en Tunisie des fluctuations souvent très
marquées du rythme de versement des indemnités
d’assurance de dommage, fluctuations qui perturbent,
sans raison économique réelle, la mesure de la
production et de la valeur ajoutée des Sociétés
d’assurance. Après des
réflexions approfondies,
s’inspirant également de plusieurs expériences
étrangères, la nouvelle méthode d’estimation de la
production de service d’assurance de dommage
comprend ainsi deux étapes dans la nouvelle génération
de CNT.
Dans un premier temps, on détermine les années pour
lesquelles une correction importante des indemnités
d’assurance de dommage doit être prise en compte pour
le calcul de la production. Ces points, dits « aberrants »,
résultent d’évènements exceptionnels et se traduisent le
plus souvent par une très forte augmentation des
18 Les primes acquises représentent les primes relatives à
l’année en cours. Les indemnités dues sont les indemnités
relatives à des sinistres intervenus au cours de l’exercice. Ce
mode de calcul vaut aussi bien pour l’assurance vie que
l’assurance de dommage.
19 Concrètement, les indemnités sont ramenées à un niveau
« normal » pour 2011 mais elles sont ensuite rehaussées pour
les années suivantes.
Statéco n°113, 2019



Page 9
17
Une nouvelle méthode de calcul de la
production de
la Banque centrale de
Tunisie (BCT)
Le SCN 2008 recommande de revoir le mode
d’évaluation de la production et de la valeur ajoutée des
Banques centrales. Cette recommandation a des
conséquences importantes pour la nouvelle génération
de CNT. Sur un plan technique, l’évaluation de la
production de la BCT est désormais réalisée sur la base
du total des coûts de production et d’exploitation
(consommations intermédiaires, salaires et traitements,
cotisations sociales, impôts liés à la production,
consommation de capital fixe), à l’instar des unités des
APU
20. Toutefois, suivant ici aussi le SCN 2008, la
BCT reste classée dans le secteur des Sociétés
financières.

la BCT est ensuite
La production globale de
décomposée en deux parties, une production
marchande, d’une part, mesurée par les services
facturés par la BCT, en particulier aux banques et aux
autres organismes financiers, une production non-
marchande, d’autre part, mesurée par la différence entre
la production globale et la production marchande. Dans
les CNT actuels, outre la production marchande, la
BCT se voit attribuer un service d’intermédiation
financière indirectement mesuré (SIFIM), qui fait
ensuite l’objet d’une consommation intermédiaire des
établissements de crédit (monétaires). Cette SIFIM
disparaît donc dans la nouvelle génération de CNT.
Cette méthode permet d’attribuer une valeur explicite à
l’action de contrôle et de régulation de la politique
monétaire de la Banque centrale. En effet, cette action
ne fait pas l’objet de facturation explicite alors qu’elle
représente la partie de loin la plus importante de
l’activité et des coûts correspondants de la BCT. La
question qui se pose est de déterminer l’entité qui
« utilise » cette production. En fait, c’est l’État tunisien
qui en est l’utilisateur, sous la forme d’une dépense de
consommation finale (collective). Un transfert courant
de
l’État permet
centrale vers
« d’équilibrer » l’inscription de cette dépense de
consommation finale.
la Banque
L’application du critère de changement de
propriété aux échanges extérieurs de biens
et services
Le SCN 2008, suivant en cela les préconisations de la
6
e version du manuel FMI de Balance des paiements,
recommande
la prise en compte du critère de
changement de propriété pour la mesure des échanges
extérieurs de biens et services. Pour les CNT, la
principale conséquence de cette recommandation
concerne le traitement du travail à façon réalisé par des
entreprises tunisiennes, dans le cadre de contrats de
sous-traitance pour le compte de donneurs d’ordre
étrangers, le travail à façon réalisé à l’étranger pour le
compte d’entreprises tunisiennes semblant négligeable
a priori
21.
Sur un plan technique, en considérant le cas d’une
entreprise tunisienne effectuant un travail à façon pour
le compte d’un donneur d’ordre non-résident, seule une
exportation de service sera décrite dans les comptes
nationaux, mesurant la « valeur ajoutée » résultant de
l’opération de sous-traitance. Ni importations, ni
(ré)exportations de biens ne sont à faire apparaître dans
les comptes et il en est de même pour la Balance des
paiements.
L’approche retenue par le SCN 2008 n’apparaît pas
entièrement satisfaisante. Ne plus faire apparaître dans
les comptes nationaux une part très importante des
exportations de produits manufacturés de la Tunisie et
couvrant une large gamme de produits (construction
mécanique, textile-habillement, cuirs et chaussures,
industries mécaniques et électriques…), poserait un
sérieux problème quant à la représentativité et à la
pertinence des comptes nationaux. C’est d’autant plus
le cas que les statistiques douanières continuent à
décrire les flux de marchandises liées aux opérations de
sous-traitance pour le compte de non-résidents.
de
des
présentation
d’importation
prévoit-elle
flux
C’est pourquoi une présentation originale a été retenue
pour la nouvelle génération de CNT, à mettre en œuvre
dans les comptes de biens et services mais aussi les
comptes du Reste du monde, et cherchant à concilier le
critère du changement de propriété avec le maintien de
l’enregistrement des flux physiques de biens. Ainsi,
conserver
cette
l’enregistrement
et
d’exportation de marchandises afférents aux opérations
de sous-traitance pour le compte de non-résidents dans
les équilibres détaillés de produits des CNT, ce qui
permet de conserver la cohérence avec les statistiques
douanières. Ce
total des
importations et des exportations de biens et services ne
serait plus identique aux montants repris en Balance des
paiements (6e version FMI), celle-ci appliquant en effet
rigoureusement le critère du changement de propriété.
Ainsi, la cohérence avec la Balance des paiements est-
elle rétablie en intégrant dans les CNT de la nouvelle
génération (TES et comptes du Reste du monde) deux
lignes d’ajustement, respectivement sur le total des
importations et
total des exportations, soit
respectivement
22 :
toutefois,
faisant
le
le
20 En faisant l’hypothèse par ailleurs d’un excédent net
d’exploitation nul.
21 Il convient de distinguer travail à façon de réparation et
entretien. Par exemple, la compagnie TunisAir fait réparer
les moteurs d’avion à l’étranger. Cela étant, en accord avec
le SCN 93, les CNT appliquent déjà le critère du changement
de propriété à la réparation et l’entretien. A noter également
que le critère du changement de propriété devrait s’appliquer
également au négoce (courtage) international mais celui-ci
semble avoir une portée limitée pour la Tunisie.
22Pour les importations, cette ligne d’ajustement s’ajoute à
celle déjà existante permettant de passer du total des
Statéco n°113, 2019

Page 10
18
Poste de calage (diminution) sur
importations = IM
le
total des
Poste de calage (diminution) sur
exportations = EX
le
total des
Les changements au niveau des
comptes des secteurs institutionnels
et des comptes de biens et services
Le poste IM représente la valeur des importations de
produits entrés au cours de l’exercice en Tunisie pour
travail à façon. Le poste EX représente quant à lui la
valeur des (ré)exportations au cours de l’exercice de
produits entrés pour sous-traitance en Tunisie, non
compris la valeur ajoutée par l’opération de sous-
traitance. En l’absence de décalage temporel entre
exportations et importations, les deux postes IM et EX
sont égaux. Une autre variante peut d’ailleurs être
retenue, qui consiste à inscrire en produit « service
industriel », en plus des flux de marchandises, une
exportation de service correspondant au « service
ajouté » par la sous-traitance. Ce faisant, le poste
d’ajustement sur les exportations (EX) est égal à la
valeur totale des exportations et non plus à la valeur
déduction faite du service de sous-traitance, le poste
d’ajustement sur
restant
inchangé. Les deux variantes, bien qu’assez proches,
présentent des avantages et inconvénients respectifs.
importations
(IM)
les
La difficulté technique que soulève la présentation
retenue est le traitement des décalages temporels
éventuels entre importations et (ré)exportations. De tels
décalages peuvent en effet créer un écart entre les
postes IM et EX pour un exercice donné, écart se
résorbant normalement sur l’exercice (ou les exercices)
suivant(s). Toutefois, en règle générale, les décalages
temporels devraient être faibles sous l’hypothèse que
les rythmes d’entrée et de sortie des produits pour
travail à façon sont suffisamment réguliers d’une année
sur l’autre. Dans le cas où cette hypothèse se trouverait
remise en cause, l’écart entre les postes d’ajustement
IM et EX devrait être traité sous la forme d’un
ajustement des variations de stocks.
le SCN 2008
La présentation proposée s’écarte du traitement retenu
dans
(qui prévoit seulement un
enregistrement en exportation de service, s’agissant de
la sous-traitance réalisée pour le compte de donneurs
d’ordre non-résidents) mais elle est porteuse de
plusieurs avantages : cohérence avec les statistiques
douanières d’exportations et d’importations, évaluation
de
le mode
d’enregistrement généralement retenu dans les comptes
des entreprises, préservation d’une cohérence globale
avec la Balance des paiements (6
e version FMI) grâce
aux postes de calage.

la production en conformité avec
Dans cette troisième partie sont analysés les principaux
changements introduits par la nouvelle génération de
CNT au niveau des comptes des secteurs (et sous-
secteurs) institutionnels et des comptes de biens et
services
23. Une large partie des évolutions découle
directement des points traités dans les deux premières
parties, s’agissant en particulier du processus de
« remise à niveau » lié à l’opération de changement de
base, de l’amélioration de la prise en compte de
l’économie informelle, de la mise en œuvre des
recommandations du SCN 2008... Toutefois, certaines
évolutions tiennent à des facteurs qui n’ont pas été
abordés précédemment. Cette partie se termine par
l’analyse des conséquences de ces changements, telles
que l’on peut les cerner au stade actuel, pour
l’évaluation du PIB de la Tunisie.

Les comptes des Sociétés non financières
Dans la nouvelle génération de CNT, les comptes des
Sociétés non financières (SNF) sont établis en
s’appuyant sur une méthode proche de celle mise en
œuvre pour les CNT actuels. La méthode s’articule
autour de trois étapes principales
24 : collecte, traitement
et apurement des données élémentaires, celles en
particulier provenant de l’enquête nationale sur les
activités économiques
(ENAE), constitution du
Système intermédiaire « entreprises » (SIE), passage de
ce dernier aux opérations des comptes des SNF. Il
convient de souligner que l’ENAE n’est pas la seule
source mobilisée pour l’élaboration des comptes
nationaux des SNF. Pour une partie des entreprises en
effet, les comptables nationaux utilisent directement les
rapports d’activité publiés, s’agissant en particulier des
entreprises publiques. Par ailleurs, les états financiers
récupérés dans les liasses fiscales peuvent être utilisés
en complément ou même en substitut des données de
l’enquête. Reste que l’ENAE constitue « encore » la
source principale permettant l’élaboration des comptes
des SNF
25. C’est le cas en particulier pour les comptes
des deux années de base 2015 et 2016 (voir l’encadré 2
explicitant les raisons ayant conduit au choix de ces
deux années comme années de base).
Dans ce contexte, le SIE joue un rôle essentiel. Comme
son nom l’indique, il s’agit d’un niveau intermédiaire
(méso-économique) entre les données individuelles et
le système de comptes nationaux. Ce niveau s’impose
pour plusieurs raisons, qui tiennent toutes à la
importations CAF (statistiques douanières) au total des
importations FAB (Balance des paiements).

23 Cette partie n’aborde pas les questions spécifiques liées
à l’élaboration des comptes financiers des secteurs et sous-
secteurs institutionnels. Elles sont abordées dans l’annexe 2.
24 C’est dès la première génération de CNT que cette
approche a été mise en place, en s’inspirant fortement de la
la comptabilité nationale
démarche suivie alors par
française.
25 Le terme « encore » renvoie au projet, très important pour
la Tunisie, d’utilisation
la statistique d’entreprise de
généralisée des liasses fiscales des entreprises en lieu et
place, du moins en partie, des ENAE.
Statéco n°113, 2019


Page 11
19
complexité du passage « micro-macro ». En ce sens, le
SIE assure trois fonctions essentielles dans le processus
de passage des données comptables aux données de
comptabilité nationale : constituer une première phase
pour le traitement des écarts entre Comptabilité
d’entreprise et Comptabilité nationale, réorganiser les
données avec un cadre comptable
s’inspirant
directement de celui de la comptabilité nationale,
surmonter les difficultés créées par l’hétérogénéité des
informations élémentaires
types de
(enquête, rapports d’activité, états financiers des liasses
fiscales…).
In fine, le SIE constitue la première étape
dans le processus de mise au format « comptabilité
nationale » des données élémentaires relatives aux
entreprises non financières
26.
recueil des
Encadré 2 : Pourquoi deux années de base ?
Le choix de retenir deux années de base pour la nouvelle
génération de CNT, à savoir les années 2015 et 2016, s’est
rapidement imposé pour trois raisons majeures, liées entre
elles.
En premier lieu, retenir deux années de base et non une seule
année comme pour les CNT actuels permet de renforcer la
qualité des évaluations fournies par les comptes. C’est en
effet à l’occasion de l’établissement des comptes des années
de base que les évaluations sont faites, de façon systématique,
directement en « niveau ». Les travaux sont également
conduits de manière plus détaillée et approfondie que pour les
années courantes, en mobilisant le spectre le plus large
possible de sources statistiques. Dans ce contexte, élargir les
travaux sur les années de base à deux années présente à
l’évidence plusieurs avantages, celui en particulier de mieux
articuler la construction des comptes des années de base avec
les évolutions à mettre en place dans les systèmes statistiques,
qui s’avèrent souvent lourdes et complexes. Ce faisant,
l’intégration dans le processus d’élaboration des comptes de
nouvelles données statistiques (ou de données renouvelées)
peut être contrôlée au niveau de deux années et non plus une
seule, ce qui permet en retour de renforcer et consolider la
qualité de cette intégration. En sens inverse, compte tenu
notamment de
travaux
d’élaboration des comptes des années de base en regard des
ressources disponibles de l’INS, il était illusoire d’allonger de
façon excessive la série des années de base. En ce sens, le
choix de retenir deux années de base apparaît bien comme un
compromis satisfaisant.
En deuxième lieu, le choix des années 2015 et 2016 permet
de mieux « capitaliser » l’apport pour les CNT d’un large
ensemble de sources et de données statistiques : recensement
général de la population et de l’habitat (RGPH, 2014),
enquête « budget-consommation » (2015-2016), enquête
« micro-entreprises » (2017), données détaillées sur les
collectivités locales, données issues des liasses fiscales des
entreprises… Ces années sont également en phase avec la
prise en compte, par l’enquête nationale sur les activités
économiques (ENAE), de modifications de questionnaire
pour mieux répondre aux besoins d’élaboration des comptes
lourdeur que revêtent
les
la
des années de base. Enfin, les années 2015 et 2016 font partie
de la série sur laquelle il est prévu d’opérer le basculement de
la Balance des paiements de la Tunisie à la 6
e version du
manuel FMI, qui doit couvrir (au moins) les années 2013 à
2017.
Enfin, retenir les deux années 2015 et 2016 permet de profiter
de l’expérience acquise à l’occasion de l’élaboration des
comptes dans le cadre des CNT actuels. Si on laisse de côté
la version provisoire, c’est en effet à compter de 2017 puis de
2018 que les comptes des deux années 2015 et 2016 sont
disponibles.
Cela étant, le passage aux comptes nationaux ne
s’arrête pas à l’élaboration du SIE. Il faut en effet
ensuite formaliser le passage entre ce dernier et les
comptes nationaux. Complexe, un tel passage doit
permettre de traiter complètement les écarts de contenu,
de moment d’enregistrement et de valorisation entre
Comptabilité d’entreprise et Comptabilité nationale,
d’introduire la cohérence entre comptes des SNF et
comptes des autres secteurs institutionnels (principe dit
de la partie quadruple) et de prendre en compte, dans la
mesure du possible, des redressements pour l’économie
non enregistrée concernant le secteur des SNF27. C’est
également à partir du SIE que l’articulation entre
comptes des SNF et comptes des biens et services
(compte de production, FBCF, variation de stocks) est
mise en œuvre.

Le passage du SIE aux comptes doit également
permettre d’établir ces comptes en distinguant les trois
sous-secteurs institutionnels des SNF retenus en
nouvelle base : entreprises publiques, sociétés privées
sous contrôle étranger, autres sociétés privées. De
même, le SIE étant établi par sous-secteur d’activité, le
passage aux comptes nationaux peut être réalisé à ce
niveau de détail, ce qui permet une désagrégation des
comptes des SNF (en partie) par sous-secteur d’activité.
Si le schéma d’ensemble du processus d’élaboration
des CNT de nouvelle génération ne devrait pas
connaître de changement majeur par rapport aux CNT
actuels, plusieurs évolutions importantes méritent
cependant d’être mises en exergue :
Pour les deux années de base (2015 et 2016) de la
nouvelle génération de CNT, le questionnaire de
l’ENAE a été aménagé afin de mieux prendre en
compte les besoins liés à l’élaboration des comptes
nationaux des entreprises, s’agissant par exemple du
détail des charges et produits d’exploitation, de la
répartition du chiffre d’affaires et des achats par
produit.
Le cadre comptable du SIE est mieux structuré que
dans les CNT actuels. Surtout, le mode de calcul des
26 C’est une première étape en ce sens où elle ne mobilise pas
les
informations en provenance des autres secteurs
institutionnels mais seulement les informations que l’on peut
inférer des statistiques d’entreprises.
27 Dans le cas des SNF, la principale forme d’économie non
enregistrée ou souterraine est constituée de la fraude fiscale,
de deux types : fraude sur le niveau de chiffre d’affaires et de
résultat d’une part, fraude sur la TVA d’autre part. Faute de
pouvoir mobiliser les données de contrôle fiscal, il a été
décidé de ne pas prendre en compte de redressement pour le
premier type de fraude. En revanche, il est envisagé d’évaluer
dans la nouvelle génération de CNT les redressements au titre
de la fraude à la TVA.

Statéco n°113, 2019

Page 12
20
construction des comptes à partir des données
comptables des unités constituant le secteur des SF :
états comptables sur les banques, comptabilité de la
BCT, données comptables sur les sociétés d’assurance.
En revanche, le secteur institutionnel des SF est
fortement concerné par
la mise en œuvre des
recommandations du SCN 2008, avec quatre évolutions
importantes :
La décomposition des SF en sous-secteurs
institutionnels est plus détaillée que dans les CNT
actuels et établie en relation directe avec la notion de
services financiers proposée dans le SCN 2008. Elle est
par ailleurs cohérente avec les systèmes de statistiques
monétaires et financières. On retient ainsi trois sous-
secteurs institutionnels : les Institutions financières
monétaires (IFM), les Sociétés financières à l’exclusion
des IFM et des sociétés d’assurance et fonds de
pension, les sociétés d’assurance et fonds de pension.
Les IFM comprennent la BCT et les autres institutions
financières monétaires, les sociétés financières autres
qu’IFM et assurances comprennent les auxiliaires
financiers et d’assurance, les sociétés de leasing et les
holdings, ces derniers étant désormais classés dans le
secteur des SF même si l’activité dominante du groupe
est non financière. Quant à elles,
les sociétés
d’assurance comprennent les entreprises d’assurance
au sens strict mais également les mutuelles et des
sociétés d’assurance sociale (régime privé d’assurance
sociale), intervenant dans la couverture collective de
certains risques sociaux, en complément ou en substitut
des régimes de Sécurité sociale.

Comme montré précédemment, la production de la
Banque centrale de Tunisie (BCT) est désormais
évaluée par la somme des coûts de production et
d’exploitation
intermédiaires,
(consommations
rémunération des salariés, consommation de capital
fixe…), et non plus sous forme de SIFIM. Cette
production est ensuite décomposée en deux parties :
une production marchande (commissions, services
facturés par la BCT…) et une production non
marchande (service de politique monétaire). Cette
production non marchande fait ensuite l’objet d’une
dépense de consommation finale de la part des APU.

« autres
institutions
Dans la nouvelle génération de CNT, la notion de
production de service d’intermédiation financière
indirectement mesuré (SIFIM) ne concerne plus que le
financières
sous-secteur
monétaires » des IFM, sur la base d’un nouveau calcul.
En effet, la production de SIFIM est désormais évaluée
comme somme, d’une part des écarts entre intérêts
reçus et intérêts de référence (pour les prêts accordés),
d’autre part des écarts entre intérêts de référence et
intérêts versés (pour les dépôts détenus). Elle est
ensuite répartie (compte tenu d’un SIFIM importé)
entre
de
utilisateurs,
de
intermédiaire,
consommation
consommation finale et exportations, sur la base de la
dépense
secteurs
forme
sous
postes du SIE à partir des données de l’ENAE, en
particulier les données tirées des documents de
synthèse (état de résultat et bilan) des comptabilités
élémentaires, a été revu en profondeur. C’est le cas
notamment des opérations des comptes de production
et
(productions,
d’exploitation (rémunération des salariés, impôts liés à
la production,
subventions d’exploitation). Des
données de bilan sont également introduites en
perspective de l’utilisation du SIE pour l’établissement
des comptes financiers des SNF.
consommations
intermédiaires)
Pour les deux années de base de la nouvelle
génération de CNT (2015 et 2016), les données en
provenance de l’ENAE doivent être utilisées « en
niveau », ces niveaux résultant, une fois réalisées les
corrections et apurements des données individuelles,
d’un processus d’extrapolation des données d’enquête.
Ceci concrétise la dimension « remise à niveau » du
changement de base des CNT, qui prend un relief
particulier dans le cas des comptes des SNF.

Dans ce contexte, deux facteurs sont déterminants
afin d’obtenir des niveaux ayant la qualité statistique
requise. D’une part, les données individuelles des
enquêtes doivent être contrôlées, apurées et corrigées
avec soin. D’autre part, la méthode d’extrapolation doit
être la plus rigoureuse possible et adaptée aux
particularités des différentes variables. Ces deux
facteurs sont liés en ce sens où l’analyse des résultats
extrapolés doit s’appuyer, en retour, sur les données
individuelles, en particulier au niveau des grandes
entreprises. La réalisation de ces deux conditions
implique une collaboration active entre statisticiens
d’entreprises et comptables nationaux de l’INS.

La troisième étape du processus d’élaboration des
comptes des SNF consiste à transformer les données du
SIE en données de comptabilité nationale. Si la
structure d’ensemble de cette transformation ne devrait
pas être sensiblement différente, elle-aussi, de celle
mise en œuvre pour les CNT actuels (valorisation de la
production au prix de base, introduction des avantages
en nature, prise en compte de la consommation
intermédiaire en service d’assurance et en SIFIM, mise
en cohérence des comptes des SNF avec les comptes
des autres secteurs et les comptes de biens et
services...), elle comprend cependant une nouvelle
étape, à savoir la prise en compte d’une production et
d’une FBCF en R-D des SNF. De même, il est prévu
qu’un redressement soit intégré lors du passage du SIE
aux comptes nationaux afin de tenir compte de la fraude
à la TVA (fraude sans entente entre commerçants et
consommateurs) pouvant être attribuée aux SNF.

Les comptes des Sociétés financières
Les comptes des Sociétés financières (SF) de la
nouvelle génération de CNT ne devraient pas connaître
de changement majeur en ce qui concerne leur
processus d’élaboration. Les sources statistiques
mobilisées restent identiques, de même que le mode de
Statéco n°113, 2019

Page 13
21
même formule de calcul que celle utilisée pour
l’évaluation globale de la SIFIM.

L’évaluation de la production (et de la valeur
ajoutée) du sous-secteur « Sociétés d’assurance » est
modifiée en raison de la nouvelle méthode de calcul de
la production de service d’assurance de dommage. Ce
faisant, les évaluations de la production, de la valeur
ajoutée et de l’excédent d’exploitation du sous-secteur
des Sociétés d’assurance devraient être nettement
améliorées en regard des CNT actuels.

Les comptes des Administrations publiques
Comme pour les SF, les comptes des Administrations
publiques (APU) ne connaissent pas d’évolution
importante quant à leur processus d’élaboration, à
l’exception toutefois des comptes des collectivités
locales qui peuvent profiter d’une nouvelle source
statistique beaucoup plus détaillée que dans les CNT
actuels. En revanche, certaines recommandations
importantes du SCN 2008 concernent directement ce
secteur institutionnel, s’agissant en particulier de
l’élargissement de la notion de FBCF aux dépenses de
R-D et aux achats de système d’armement.

Plusieurs points méritent ainsi d’être soulignés :
et
de
locales
sociale.
les Administrations
sécurité
Comme dans les CNT actuels, les APU sont
décomposés en trois sous-secteurs institutionnels dans
la nouvelle génération de CNT : les Administrations
les
centrales,
Administrations
Les
Administrations centrales comprennent l’État (au sens
de la Comptabilité nationale) et les établissements
publics non administratifs (EPNA) à compétence
nationale, en particulier les hôpitaux publics. Les
Administrations locales comprennent les collectivités
locales (communes et conseils des gouvernorats) et les
EPNA à compétence locale
28. Les Administrations de
sécurité sociale correspondent aux trois caisses de
Sécurité sociale tunisiennes : CNRPS, CNSS, CNAM.

Deux recommandations majeures du SCN 2008
concernent directement les comptes des APU, et plus
précisément des administrations centrales, à savoir
l’élargissement de la notion de FBCF aux dépenses de
R-D et le classement en FBCF des achats de systèmes
d’armement. La première recommandation se traduit
par la mise en évidence d’une production de R-D des
Administrations publiques
29, avec comme contrepartie
la seconde
une FBCF en R-D. Quant à elle,
recommandation entraîne un reclassement en FBCF de
dépenses classées en consommation intermédiaire dans
les CNT actuels
30. Suite à ces deux nouveaux
traitements, une nouvelle consommation de capital fixe
(CCF) doit être calculée, respectivement pour les actifs
en propriété intellectuelle de R-D et pour les actifs en
systèmes d’armement. Elle vient augmenter d’autant la
valeur de la production non-marchande globale.

Une autre recommandation du SCN 2008 concerne
les comptes des APU, à savoir la mise en évidence
d’une dépense de consommation finale en service de
politique monétaire.
Dans la nouvelle génération de CNT, les comptes
des collectivités locales (communes et conseils de
gouvernorats) sont établis à partir d’une source plus
détaillée que celle mise en œuvre dans le cadre des
CNT actuels. La nouvelle source fournit un détail
nettement plus marqué pour plusieurs
types de
dépenses, qu’il s’agisse des dépenses de gestion et de
matériel, des dépenses d’interventions publiques
locales, des dépenses en capital et même des opérations
financières. Les conséquences quantitatives pour les
comptes des collectivités locales restent toutefois
limitées, à une exception toutefois : la nouvelle source
se traduit par une baisse sensible des consommations
intermédiaires des collectivités locales, qui se traduit
donc, toutes choses étant égales par ailleurs, par une
diminution de leur production (non-marchande).

Les comptes des relations avec le Reste du
monde
Comme dans les CNT actuels, les comptes des relations
avec le Reste du monde (que l’on désigne par
« comptes du Reste du monde » ou CRM) de la
nouvelle génération de CNT seront étroitement
articulés avec la Balance des paiements de la Tunisie.
Celle-ci constitue en effet la principale source pour
mesurer les flux (non financiers comme financiers)
entre unités résidentes et unités non-résidentes, mais
elle n’est pas la seule. D’une part, les statistiques
douanières fournissent des données détaillées sur les
échanges de marchandises avec le Reste du monde, y
compris dans le cadre de travail à façon. D’autre part,
le calage sur la Balance n’est pas systématique, le
processus de synthèse entre secteurs institutionnels
pouvant privilégier, pour certaines opérations, les
évaluations reprises dans les comptes des APU ou des
SF.
Le principal enjeu pour l’INS est de disposer à temps
d’une Balance des paiements de la Tunisie conforme à
la 6
e version du manuel FMI, compte tenu de l’ampleur
de la charge de travail, pour le service de la Balance des
paiements de la BCT, que représente le passage de la 5
e
version à la 6
e version du manuel du FMI. Le terme « à
temps » signifie simplement : compatible avec le
calendrier d’établissement des comptes (non financiers
28 Ces EPNA étaient classés en administrations centrales
dans les CNT actuels. A noter que les données relatives aux
EPNA sont tirées en large partie de l’ENAE.
29 En fait, cette production est bien décrite dans les CNT
actuels, non comme une production de R-D mais comme une
production de service d’enseignement.
30 En fait, la situation est un peu plus complexe que cela dans
les CNT actuels, les comptables nationaux ayant tendance à
reprendre en FBCF les montants importants d’achats
d’armement qui figurent quelquefois dans le budget de l’État
tunisien (sans pour autant calculer une consommation de
capital fixe).

Statéco n°113, 2019

Page 14
et financiers) des deux années de base de la nouvelle
génération de CNT. Cependant, les informations
actuellement disponibles tendent à montrer que ce n’est
pas avant 2020, au mieux, qu’un passage de la Balance
des paiements de la Tunisie à la 6
e version du manuel
FMI est envisagé, passage couvrant notamment les
années 2015 et 2016.
Dans ce contexte, quatre conclusions s’imposent pour
l’INS quant à l’établissement des CRM des années de
base (2015 et 2016) de la nouvelle génération de CNT.
Qu’il s’agisse de 2015 ou 2016, il paraît impossible de
prévoir l’établissement des CRM des années de base à
partir d’une Balance des paiements en 6
e version du
manuel FMI, sinon à obérer fortement le respect du
calendrier du changement de base. Dans ces conditions,
les CRM des années de base devront être établis à partir
des Balances des Paiements en 5
e version du manuel
FMI, tout en prenant en compte les recommandations
du SCN 2008 concernant les relations avec le Reste du
monde. Il s’agit en particulier du nouveau traitement du
travail à façon (sous-traitance) entre résidents et non-
résidents ou encore les conséquences de la nouvelle
évaluation du service d’assurance de dommage. Par
ailleurs, un nouveau taux de correction « CAF-FAB »
des données douanières est à prévoir dans le cadre de la
nouvelle génération de CNT. Ces modifications ont
vocation à être intégrées par la Balance des paiements
dans le cadre de son passage à la 6
e version du manuel
FMI.

Au vu du point précédent, le processus de calage sur la
Balance des paiements en 6
e version ne devrait
intervenir que sur des années postérieures aux années
de base, ce qui pourrait générer un certain nombre de
difficultés pour les CRM des années de base elles-
mêmes si les écarts entre les deux versions de Balance
des paiements, en sus de ceux pris en compte par les
comptables nationaux à l’occasion du changement de
base, étaient importants. On peut toutefois supposer
que dans le contexte tunisien, la plus grande partie des
modifications liées au nouveau manuel de Balance des
paiements devrait être intégrée par les comptables
nationaux dès l’établissement des comptes 2015 et
2016
31.
Le processus doit s’adosser à une collaboration active
entre l’INS et la BCT, s’inscrivant dans le cadre de
l’élaboration des CRM de la nouvelle génération de
CNT (côté INS) et dans celui du passage à la 6
e version
FMI (côté BCT), le tout dans le respect des contraintes
(secret statistique, confidentialité,
responsabilités
respectives en matière de diffusion…) de chaque
partenaire. Pour cela, l’INS doit être en mesure de
proposer à la BCT un chiffrage précis des impacts des
recommandations du SCN 2008, en particulier les
22
conséquences du nouveau traitement du travail à façon,
plus largement de l’adoption du critère du changement
de propriété pour les échanges internationaux de biens
et services, ou encore la nouvelle évaluation du taux
global de correction CAF-FAB.

Quelle que soit la version utilisée de Balance des
paiements (5
e puis 6e versions), les CRM de la nouvelle
génération de CNT ne devraient plus se « caler » de
façon aussi systématique sur le solde des opérations
courantes de la Balance des paiements. Dit autrement,
le besoin de financement des CRM ne doit plus être
ajusté mécaniquement sur le solde des opérations
courantes de la Balance des paiements. Toutefois, pour
une majorité d’opérations (biens et services, revenus de
facteurs et autres revenus primaires, transferts), les
montants de la Balance des paiements continueront à
être la référence pour les évaluations des CRM, si bien
que l’écart entre besoin de financement et solde des
opérations courantes devrait rester limité en règle
générale.

Les comptes du secteur « Ménages »
En Comptabilité nationale, les « Ménages » constituent
un secteur institutionnel complexe parce que très
hétérogène, nettement plus en tout cas que les autres
secteurs institutionnels. En effet, ce secteur comprend
des unités pouvant exercer plusieurs types de fonctions
même si la fonction principale des unités de ce secteur
est celle de consommation finale.
En règle générale, trois catégories de fonctions des
unités « ménages » sont distinguées :

Une fonction de consommation finale de biens et
services, sous-tendue par le fait que les « Ménages »
sont les destinataires finals d’une large partie de la
distribution primaire des revenus et de la redistribution
secondaire, sous forme en particulier de transferts.

Une fonction de production marchande (non
financière
32), soit dans le cadre d’activités d’entreprises
individuelles (y compris agricoles), soit encore au titre
de la location immobilière. On notera ici que la plus
grande partie de l’économie souterraine et/ou de
l’économie illégale fait partie de la fonction de
production marchande des Ménages. On notera
également que les flux correspondants ne se limitent
la production de biens et services. Ils
pas à
comprennent
revenus primaires
découlant directement de la production marchande des
Ménages, dans le cadre en particulier d’une activité
d’entreprise individuelle : rémunération des salariés,
revenu mixte, revenus de la propriété versés.

également
les
Une fonction de production non marchande, soit au
leurs
titre de
l’occupation des
logements par
31 C’est d’autant plus le cas que la nouvelle Balance devra
également prendre en compte des notions déjà intégrées dans
les CNT de la génération actuelle, par exemple la notion de
SIFIM (exportée et importée). Dans ce cadre, l’INS pourra
lui apporter un appui précieux.
32 Au demeurant, les ménages (entreprises individuelles)
peuvent exercer dans certains cas une activité financière
(marchande), par exemple sous la forme d’une activité de
micro-crédit. Ce cas n’a pas été retenu pour la Tunisie.

Statéco n°113, 2019


Page 15
23
propriétaires (loyers imputés), soit de production pour
compte propre, en particulier de produits agricoles ou
agro-alimentaires, soit encore de production de services
domestique.

On retrouve ces trois fonctions dans les comptes du
secteur « Ménages » des CNT actuels. Toutefois, une
quatrième fonction est prise en compte, à savoir la
production dans le cadre d’activités des Institutions
sans but lucratif au service des Ménages (ISBLSM). On
y revient plus loin.

S’agissant de la fonction de consommation finale, la
principale évolution liée à la nouvelle génération de
CNT tient au processus de « remise à niveau » de
l’évaluation des flux de consommation finale. Dans ce
cadre, l’enquête « budget-consommation » réalisée en
2015-2016 joue un rôle déterminant. L’évaluation des
revenus primaires et des transferts au titre de la
redistribution des revenus continuera à être réalisée,
pour l’essentiel, à partir des secteurs « contrepartie »
dans le cadre du processus de synthèse des opérations
de répartition. En effet, l’appareil statistique tunisien ne
dispose pas de source statistique directe, par exemple
grâce à la source fiscale, sur les revenus perçus par les
Ménages.
- Plus de références et documents sur Legaly Docs
Les évolutions à attendre sont plus marquées s’agissant
de la fonction de production marchande et des flux
correspondants, celle en particulier réalisée dans le
cadre des activités d’entreprises individuelles. Ces
évolutions prennent en compte les progrès importants
l’économie
prévus quant à
informelle. Ainsi, quatre catégories d’activités
d’entreprises individuelles sont désormais distinguées
dans les CNT, à savoir :

l’appréhension de
Les entreprises individuelles (non agricoles) relevant
du secteur formel
Les entreprises individuelles des secteurs d’activité de
l’agriculture (formelles et informelles)

l’économie
Les entreprises individuelles (non agricoles) relevant
de
de
l’administration fiscale et sociale, que l’on désigne par
économie informelle « patentée »
informelle mais
connues
l’économie
Les entreprises individuelles (non agricoles) relevant
de
inconnues de
informelle mais
l’administration fiscale et sociale, que l’on désigne par
économie informelle « non patentée ».
Nous avons présenté la définition désormais retenue en
Comptabilité nationale pour la notion d’économie
informelle. Cette définition permet de tracer une
distinction nette avec les entreprises individuelles du
secteur formel, le critère discriminant étant l’existence
d’une comptabilité (complète) en termes de flux et non
la taille des unités ou encore leur statut juridique. Quant
à elles, les entreprises individuelles des activités
agricoles, qu’elles relèvent de l’économie formelle ou
de l’économie informelle, sont classées dans une
catégorie à part dans la mesure où les sources
statistiques
d’entreprise
individuelle sont spécifiques.
catégorie
cette
pour
L’évaluation de la fonction de production (et des
revenus primaires associés) pour chacune de ces
catégories d’entreprises individuelles fait appel à des
sources statistiques précises dans le cadre des CNT de
nouvelle génération.
Ainsi, les flux concernant les activités d’entreprises
l’économie formelle (entreprises
individuelles de
disposant d’une comptabilité des flux) sont-ils évalués
à partir de l’ENAE (enquête nationale annuelle sur les
activités économiques) et de
l’enquête « micro-
entreprises » (entreprises individuelles de moins de 6
salariés)
33. Pour les entreprises individuelles relevant
de l’économie informelle « patentée », la source
statistique utilisée est l’enquête « micro-entreprises »,
dont la dernière version a été réalisée en 2017 sur
l’exercice 2016 (les résultats de l’enquête doivent
également faire l’objet d’une rétropolation sur l’année
2015). Quant à lui, le dispositif statistique mis en place
pour
l’économie
informelle « non-patentée » dans le cadre des CNT de
la nouvelle génération (années de base) s’articule
autour de
l’enquête « emploi », qui permet de
déterminer le nombre d’unités de production pour ce
segment de l’économie informelle, et de l’enquête
« micro-entreprises », qui fournit un ensemble de ratios
économiques permettant d’estimer la production et la
valeur ajoutée de ces unités. Enfin, les flux concernant
les entreprises individuelles des secteurs agricoles sont
déterminés à partir de sources statistiques sur les
productions agricoles gérées par le ministère de
l’Agriculture de Tunisie.

individuelles de
les entreprises
Les flux (production, consommations intermédiaires,
revenus primaires) des quatre catégories d’entreprises
individuelles sont regroupés et mis en forme dans le
cadre d’un Système intermédiaire d’entreprises (SIE),
comparable à celui utilisé pour les comptes des SNF
mais compte tenu d’un certain nombre d’allègements et
simplifications. Outre l’évaluation directe des flux de
production et de consommations intermédiaires au titre
des activités d’entreprises individuelles des Ménages,
ce SIE permet d’intégrer les données concernant les
entreprises individuelles dans le processus de synthèse
des opérations de répartition (il s’agit ici des revenus
primaires) alimentant les comptes des Ménages au titre
de la fonction de consommation finale.
Toutefois, les entreprises individuelles ne représentent
pas la totalité de la fonction de production marchande
des Ménages (hors location immobilière). Il convient
33 L’enquête « micro-entreprises » porte en effet sur les
entreprises de moins de 6 salariés alors que l’ENAE interroge
celles de plus de 6 salariés. La majorité des petites
entreprises ne tient pas de comptabilité (de flux) mais un
certain nombre disposent d’une telle comptabilité.
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illégale,
l’économie
en effet de prendre en compte également les activités
relevant de
s’agissant en
particulier de contrebande de produits pétroliers ou
encore de produits alimentaires. Il est prévu en effet que
la nouvelle génération de CNT prenne en compte
explicitement ce type d’activités, si du moins les
sources statistiques disponibles le permettent
34.
On pourrait s’étonner ici de l’absence de mention
explicite de l’économie souterraine, sous la forme
notamment de travail au noir. En fait, on considère que
l’économie informelle, celle notamment non connue de
l’administration fiscale ou sociale, recouvre le travail
au noir à partir du moment où il porte sur des activités
légales. Par ailleurs, nous verrons plus loin qu’il est
prévu d’intégrer explicitement dans
la nouvelle
génération de CNT un redressement pour tenir compte
du phénomène de la fraude à la TVA sans entente entre
producteur ou commerçant et consommateur. Ce
redressement concerne en priorité certaines des
activités des entreprises individuelles.
L’évaluation de la production au titre de la location
immobilière ne devrait pas connaître de changement
majeur par rapport aux CNT actuels, si ce n’est
l’utilisation, pour la détermination du parc de logement,
de données tirées du dernier recensement général de la
population et de l’habitat (RGPH 2014). Il en est de
même pour
la production non
marchande au titre des loyers imputés. Les autres types
de production non marchande (services domestiques,
production pour compte propre de produits agricoles et
agro-alimentaires) ne devraient pas non plus connaître
de modification significative.

l’évaluation de
trois
la question posée par
Reste
l’intégration des
Institutions sans but lucratif au service des Ménages
types
(ISBLSM). Ces entités comprennent
principaux d’unités : les associations sans but lucratif
au service des ménages, les partis politiques et les
syndicats de salariés, les
institutions religieuses,
organismes de charité… En ce sens une nette
distinction doit être établie avec la notion, par exemple,
d’économie sociale et solidaire, beaucoup plus large
que celle d’ISBLSM et qui intègre des unités faisant
partie des SNF, des SF et même des APU. Le SCN
(SCN 1993 comme SCN 2008) prévoit que les
ISBLSM constituent un secteur institutionnel distinct
de celui des Ménages à partir du moment où leur
importance est significative.
La comptabilité nationale tunisienne n’a pas suivi cette
approche dans les CNT actuels, les ISBLSM étant
intégrés au secteur « Ménages » en raison de leur faible
importance. Toutefois, le développement rapide de la
24
première catégorie d’ISBLSM, à savoir les associations
sans but lucratif au service des ménages, pourrait
modifier cette situation. Un premier travail mérite ainsi
d’être réalisé, consistant à (ré)estimer sur les années
récentes l’évolution du nombre d’associations et à
corriger en conséquence les niveaux des CNT actuels.
La correction devrait également permettre de prendre
en compte explicitement les deux autres catégories
d’ISBLSM, qui semblent n’avoir pas été intégrées dans
les évaluations des CNT actuels. Si le montant obtenu
pour la production des ISBLSM est significativement
plus élevé que celui des CNT actuels, on peut envisager
de « sortir » les ISBLSM du secteur « Ménages » et ce
faisant, d’en faire un secteur institutionnel à part
entière.
travail se heurte
Ce
toutefois à une difficulté
importante, à savoir celle des sources d’informations
les
mobilisables à cette fin. En effet, hormis
informations reprises dans le Répertoire national
« Entreprises » (RNE), qui ne couvrent que
les
associations sans but lucratif connues de la Caisse
nationale de Sécurité sociale,
l’INS ne dispose
actuellement d’aucune source statistique spécifique sur
les associations
35.
Les comptes de biens et services
Les comptes de biens et services comprennent les
équilibres « ressources-emplois » de biens et services
(ERE) et le tableau des entrées-sorties (TES ou TRE)
36.
Les ERE décrivent, à un niveau détaillé de produits,
l’équilibre entre ressources en biens et services
(productions, importations, marges commerciales et de
transport)
correspondants
(consommations intermédiaires, consommation finale,
FBCF, variation des stocks, exportations).
emplois
les
et
concernant
« branches-produits »
Le TES réalise la synthèse entre les ERE et les comptes
de production et d’exploitation de branches d’activité,
ce qui implique pour les CNT de construire des
les
matrices
productions et les consommations intermédiaires. Si la
matrice relative aux productions peut être élaborée à
partir des informations statistiques produites par l’INS,
il n’en va pas de même pour celle concernant les
consommations intermédiaires. Dans ce cas, c’est la
mécanique d’élaboration du TES
(coefficients
techniques, calages sur marges, informations diverses
sur les CI par produit…) qui permet la répartition par
produit des consommations
intermédiaires des
activités, étant entendu que les deux marges sont
fixées : le total de la consommation intermédiaire par
total des
produit est donné par
les ERE,
le
34La prise en compte de ces activités ne devrait pas se faire
par l’intermédiaire du SIE des entreprises individuelles mais
sous la forme d’un redressement lors du passage du SIE aux
comptes nationaux. A noter que cette prise en compte aura
également des incidences sur l’évaluation des flux de
commerce extérieur de marchandises repris dans les CNT.
35 Une enquête sur les associations a bien été réalisée en
2002 mais son renouvellement ne semble pas à l’ordre du
jour.
36 ERE et TES sont directement articulés aux comptes des
secteurs institutionnels, qu’il s’agisse de l’évaluation des
productions et des consommations intermédiaires de biens et
services ou encore de celle des emplois.

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25
consommations intermédiaires par activité l’est par le
SIE (SNF et entreprises individuelles) et les comptes
des secteurs institutionnels.
Le processus d’élaboration des ERE de la nouvelle
génération de CNT n’est pas sensiblement modifié par
rapport à celui des CNT actuels, sinon qu’il devrait
s’inspirer de l’outil ERE-TES. Les ERE continuent à
être établis à un niveau détaillé de produits,
correspondant au niveau 3 de la nomenclature de
produits (400 produits environ). Leur élaboration
mobilise une large gamme d’informations statistiques :
enquêtes « entreprises » et SIE, enquête « budget-
consommation », rapports d’activité, comptes des
secteurs institutionnels (APU, SF), données douanières,
Balance des paiements, données détaillées sur les
impôts par produit… En ce sens, l’élaboration des ERE
constitue un véritable travail de synthèse, d’importance
capitale pour le TES lui-même mais également pour
l’ensemble des comptes.
intermédiaires, FBCF…) et
Cela étant, les ERE de la nouvelle génération de CNT
« capitalisent » une bonne partie des changements
afférents à la nouvelle base des comptes nationaux :
« remise à niveau » des opérations sur biens et services
concernant les entreprises non financières (productions,
consommations
la
consommation finale des ménages, amélioration de la
prise en compte de l’économie informelle, mise en
œuvre des
recommandations du SCN 2008
(élargissement de la FBCF aux dépenses de R-D et aux
achats d’armement, modification de l’évaluation de la
production d’assurance de dommage, nouvelle
méthode d’estimation de la production de la BCT…),
nouvelle estimation de la production des ISBLSM,
intégration (si possible) des flux relatifs à l’économie
commerciales,
illégale
consommation finale)
(importations, marges
Par ailleurs, compte tenu du mode de valorisation des
productions de biens et services (prix de base), des
importations (CAF, hors droits de douane) et des
emplois sur biens et services (hors impôts sur les
produits déductibles, notamment la TVA), les ERE
comprennent un poste mesurant les impôts sur les
produits inclus dans le prix d’acquisition. Il s’agit en
particulier de la TVA à la charge des acquéreurs à partir
du moment où ces derniers ne peuvent la déduire (TVA
non déductible). Cette TVA peut être calculée sous
deux formes. La première résulte de l’application des
taux légaux de TVA (non déductible) aux emplois de
chaque produit, en particulier la consommation finale
des ménages. La seconde forme mesure la TVA
effectivement encaissée par l’administration fiscale. In
fine, c’est cette dernière TVA qu’il convient de
reprendre dans les ERE, en cohérence avec les comptes
des APU, mais l’écart entre les deux formes de TVA
doit être analysé afin de faire l’objet d’un traitement
spécifique dans les comptes nationaux.
En effet, l’écart résulte de plusieurs phénomènes. Outre
l’existence de décalages temporels, de même que de
régimes particuliers (franchise ou décotes) en matière
de TVA s’appliquant, par exemple, aux petites
entreprises, il s’explique par le non-reversement d’une
partie de la TVA à l’administration fiscale (« fraude
TVA »), avec deux modalités possibles : une fraude
avec entente entre le producteur ou le commerçant et le
consommateur final, une fraude sans entente entre ces
différentes parties. La TVA est alors conservée par le
producteur ou le commerçant.
Les deux formes de fraude à la TVA ont des
conséquences différentes dans les comptes nationaux.
La contrepartie de la fraude avec entente est une
diminution de la valeur des emplois finals, sans impact
sur la valeur de la production ou des marges
commerciales. En revanche, la fraude sans entente doit
venir augmenter la valeur des productions ou des
marges commerciales. En ce sens, la fraude à la TVA
forme d’économie
sans entente constitue une
souterraine37. Il est prévu de conduire un travail
spécifique dans le cadre de la nouvelle génération de
CNT afin de l’évaluer et d’intégrer explicitement ce
redressement dans les comptes nationaux (ERE,
comptes des SNF, comptes des activités d’entreprises
individuelles).

Le processus d’élaboration du TES ne devrait pas, lui
non plus, connaître de changement majeur par rapport
aux CNT actuels
38. Il s’appuie sur un niveau de détail
de produits et d’activités plus réduit que celui des ERE,
soit une centaine de produits en lignes et une
soixantaine d’activités pour les comptes des activités.
Ces derniers continuent à être établis, comme dans les
CNT actuels, en utilisant la notion de sous-secteur
d’activité et non celle de branche d’activité, ce qui
complique l’articulation entre branches et produits mais
statistique
correspond mieux
disponible. Les évolutions mentionnées au niveau des
ERE se retrouvent mécaniquement dans le TES. On
rappelle par ailleurs que le TES devrait comprendre
supplémentaires,
d’ajustement
deux
respectivement sur le total des importations et sur le
total des exportations, permettant de rétablir
la
cohérence globale avec les évaluations de la Balance
des paiements dans le cas de travail à façon pour le
compte d’entreprises non-résidentes.

l’information
postes
à
Premier
l’évaluation du PIB de la Tunisie
aperçu
de
l’impact
sur
Quelles seront les conséquences sur le niveau du PIB
de la Tunisie des évolutions générées par la nouvelle
génération de CNT ? Ce chapitre cherche à en donner
37 En ce sens, on peut considérer que la prise en compte de la
fraude TVA (sans entente) constitue une conséquence de la
mise en œuvre des recommandations du SCN 2008 (ou même
du SCN 93, qui prévoyait déjà la prise en compte explicite de
l’économie souterraine dans les comptes nationaux).
38 Comme pour les ERE, l’élaboration du TES reposera sur
l’utilisation de l’outil ERE-TES.

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un premier aperçu (tableau 3), étant entendu qu’elles ne
pourront être cernées de façon rigoureuse qu’à partir du
moment où l’on disposera effectivement des comptes
des deux années de base (2015 et 2016).
Le PIB est appréhendé ici dans le cadre de l’optique
« production », soit la somme des valeurs ajoutées des
activités marchandes (aux prix de base) et des valeurs
ajoutées des activités non marchandes des APU,
Ménages et ISBLSM. Cette somme doit être majorée
des impôts, nets des subventions, sur les produits du fait
de la valorisation des valeurs ajoutées marchandes aux
prix de base.
Tableau n°3 :
Impacts des évolutions sur le niveau du PIB de la Tunisie
Fait générateur
des évolutions

Remarques
Valeurs
ajoutées
impactées
1. « Remise à
niveau » des
comptes des
années de base
SNF
Entreprises
individuelles
(Ménages)
Le processus de « remise à niveau » (années de base) concerne avant tout les
secteurs institutionnels dont les comptes en année courante sont élaborés, dans le
cadre des CNT actuels, grâce à une méthode « en évolution ». Il s’agit des Sociétés
non financières (en partie) et des Entreprises individuelles. Pour les autres secteurs
institutionnels, les comptes en année courante (CNT actuels) sont directement
établis en niveau.
2. Mise en œuvre
des
recommandations
du SCN 2008
Tous secteurs
institutionnels
Tous les secteurs institutionnels sont concernés par la mise en œuvre des
recommandations du SCN 2008, à des degrés divers toutefois. L’impact est
important sur les valeurs ajoutées des APU et des SF, à un moindre degré des SNF.
Pour les Ménages, l’impact direct de la nouvelle version du SCN est faible, si l’on
excepte la question de l’économie informelle, traitée à part.
Entreprises
individuelles
(Ménages)
Ménages
3. Amélioration
de la prise en
compte de
l’économie
informelle
4. Estimation de
l’économie
illégale (en
partie)
5. Redressement
de la production
pour fraude à la
TVA sans entente
SNF
Entreprises
individuelles
(Ménages)
Il s’agit d’une dimension essentielle du changement de base des CNT, s’appuyant
sur un dispositif statistique articulé autour de l’enquête « emploi » et de l’enquête
« micro-entreprises ». C’est la valeur ajoutée des entreprises individuelles qui est
directement impactée, certainement à la hausse mais sans qu’il soit possible au
stade actuel de déterminer l’ampleur du relèvement.
Cette estimation porterait en particulier sur la contrebande de produits pétroliers
entre la Tunisie et la Libye. Cette contrebande est susceptible de générer des
marges commerciales sur produits importés, se traduisant dans les comptes par une
valeur ajoutée supplémentaire attribuée au secteur Ménages. Il n’est pas certain
toutefois que cette estimation puisse être réalisée compte tenu de la disponibilité
limitée des sources statistiques.
Ce redressement pourrait (ce n’est pas encore certain au stade actuel) être évalué
de façon indirecte, à partir d’une analyse des écarts entre la TVA « théorique »
(fondée sur les taux légaux de TVA non déductible grevant les produits) et la TVA
effectivement encaissée par l’État tunisien. La TVA encaissée par les producteurs
ou les commerçants mais non reversée à l’État, sans qu’il y ait entente avec les
consommateurs finals, doit venir augmenter la production et la valeur ajoutée des
entreprises (SNF mais surtout entreprises individuelles).
6. Nouvelles
sources
statistiques et/ou
utilisation de
versions plus
récentes de
sources
statistiques
APU
(administrations
publiques
locales)
ISBLSM
On mentionne ici seulement les cas des comptes des administrations publiques
locales (mobilisation d’une source statistique nettement plus détaillée) et des
Institutions sans but lucratif au service des Ménages, qui pourrait faire l’objet d’une
réestimation par rapport aux CNT actuels à partir des données récentes issues du
Répertoire national des entreprises. D’autres sources statistiques récentes
pourraient être citées mais une partie d’entre elles aurait pu être utilisée dans le
cadre de l’élaboration des CNT actuels.
On peut distinguer six
raisons principales de
modifications du PIB en raison des changements
introduits par la nouvelle génération de CNT, en
prenant comme référence temporelle les deux années de
base 2015 et 2016
39.
39 On ne prend pas en compte ici les conséquences des
améliorations
techniques
d’élaboration des CNT, s’agissant en particulier du passage
processus
apportées
aux
des données élémentaires aux données des comptes nationaux
pour les différents secteurs et sous-secteurs institutionnels,
notamment pour les entreprises non financières. Certaines
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individuelles
Le processus de « remise à niveau » des valeurs
ajoutées des entreprises non financières, qu’il s’agisse
financières ou des activités
des Sociétés non
d’entreprises
des Ménages. Dit
autrement, les niveaux dans les comptes actuels pour
issus (en partie) de
les années 2015 et 2016,
l’application d’indices d’évolution aux niveaux de
l’année de base 1997, sont remplacés par une
évaluation directement en niveau. Cela étant, l’impact
sur le niveau du PIB est difficile à cerner à ce stade (à
la hausse ou à la baisse) mais il risque d’être important,
bien qu’inégal selon les secteurs d’activité.

Les conséquences de la mise en œuvre des
recommandations du SCN 2008. Ainsi, l’élargissement
de la notion de FBCF aux dépenses de R-D se traduit
par une augmentation du PIB, avec deux effets
combinés : d’une part une augmentation de la valeur
ajoutée non marchande des APU en raison de la
consommation de capital fixe des (nouveaux) actifs en
propriété intellectuelle de R-D
40, d’autre part une
augmentation de la valeur ajoutée des SNF, qui se
voient attribuer une production pour compte propre de
R-D. De même, l’intégration des achats de systèmes
d’armement à la FBCF des APU augmente leur valeur
ajoutée en raison, là aussi, de la consommation de
capital
fixe des nouveaux actifs. Deux autres
recommandations du SCN 2008 ont des conséquences
directes sur le niveau du PIB (à la hausse), d’une part
la nouvelle méthode d’évaluation de la production de la
Banque centrale de Tunisie, d’autre part le calcul de la
production de services d’assurance de dommage. Elles
se traduisent en effet par un rehaussement de la valeur
ajoutée du
institutionnel des Sociétés
financières, et par-là du niveau du PIB
41. S’agissant de
la seconde recommandation, on fait l’hypothèse ici que
les indemnités d’assurance « corrigées et ajustées »
sont plus faibles, en règle générale, que les indemnités
effectivement payées par les Sociétés d’assurance.
Toutefois, l’impact sur le niveau du PIB en raison du
relèvement de la production de service d’assurance de
dommage doit tenir compte également de la diminution
de valeur ajoutée (SNF, entreprises individuelles,
SF…) due à l’augmentation des consommations
intermédiaires en services d’assurance de dommage
découlant de
la
production.

la modification du niveau de
secteur
L’amélioration de la prise en compte de l’économie
informelle, en particulier celle non connue de
pourraient avoir des effets importants sur les niveaux des
valeurs ajoutées. De même, on n’intègre pas
les
conséquences, par exemple, du projet de prise en compte,
dans les CNT de nouvelle génération, d’un processus de
synthèse entre emplois, productions de biens et services et
valeurs ajoutées.
40 On ne présente ici que la résultante finale sur la valeur
ajoutée des APU de l’élargissement de la FBCF aux dépenses
de R-D. En fait, l’impact est plus complexe que cela, avec une
nouvelle production pour compte propre (R-D), qui se
substitue à une production de services non marchands (celle
la valeur
ajoutée des
l’administration fiscale et sociale. Elle devrait venir
augmenter
entreprises
individuelles, donc le niveau du PIB. Si le sens de
l’impact paraît clair (rehaussement du PIB), son
ampleur est difficile à anticiper à ce stade dans la
mesure où les CNT actuels prennent également en
compte, certes de façon indirecte et certainement
partielle, la partie de l’économie informelle non connue
de l’administration fiscale ou sociale.

L’intégration (si possible) d’une estimation de
l’économie illégale, en particulier sous la forme de
contrebande de produits pétroliers importés. La valeur
ajoutée résulte ici des marges commerciales sur les
produits correspondants. Techniquement, elle est
intégrée aux CNT grâce à un redressement de la
production et de la valeur ajoutée des entreprises
individuelles
(secteur d’activité « commerce de
détail ») lors du passage du SIE aux comptes nationaux.
Cette intégration se traduit par un rehaussement du PIB,
dont il est impossible de mesurer l’importance au stade
actuel.

L’évaluation (si possible) d’un redressement de la
production afin de tenir compte de la TVA non reversée
à l’administration fiscale sans qu’il y ait entente entre
le producteur ou le commerçant et le consommateur
final, ce que l’on désigne par « fraude à la TVA sans
entente ». Il s’agit d’une forme d’économie souterraine.
Ce redressement n’est pas évalué explicitement dans
les CNT actuels (base 1997). Il viendrait augmenter la
valeur ajoutée des SNF et des entreprises individuelles
et se traduirait donc par une augmentation du PIB.

La mobilisation de sources statistiques nouvelles ou
encore de versions plus récentes ou actualisées. Par
exemple, les comptes des collectivités locales sont
établis dans la nouvelle génération de comptes en
utilisant des données beaucoup plus détaillées que dans
le cadre des CNT actuels. En résulte une diminution de
la valeur ajoutée (non-marchande) des APU, donc du
niveau du PIB. De même, les travaux statistiques
envisagés pour les comptes des ISBLSM pourraient se
traduire par un relèvement significatif de la valeur
ajoutée (non-marchande) de ces unités, donc du niveau
du PIB. Toutefois, les conséquences sur les valeurs
ajoutées et le PIB ne sont pas toujours aussi explicites,
s’agissant en particulier de l’utilisation de versions
récentes de sources statistiques (enquête « micro-
« budget-consommation »,
entreprises »,
sources du ministère de l’Agriculture…). En effet,
enquête
des unités produisant la R-D, reprise probablement en
services d’éducation dans
les CNT actuels), et un
rehaussement de la production de services « régaliens » des
APU en raison de la consommation de capital fixe sur les
actifs en R-D.
41 En fait, c’est la valeur ajoutée de trois composantes des SF
qui est augmentée : celle de la Banque centrale, celle des
(autres) Institutions financières monétaires (suppression des
anciennes consommations intermédiaires en SIFIM produite
par la BCT) et celle des Sociétés d’assurance.

Statéco n°113, 2019

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propriété. Pour les CNT, le principal impact concerne
l’enregistrement des échanges liés au travail à façon
d’entreprises tunisiennes pour le compte de donneurs
d’ordre étrangers. Toutefois, une présentation originale
a été retenue pour la Comptabilité nationale tunisienne,
cherchant à concilier le critère du changement de
propriété avec l’enregistrement des flux physiques de
marchandises, tel que repris dans les statistiques
douanières.
Encadré 3 : Le calendrier d’élaboration des comptes des
années de base
Les travaux d’élaboration des comptes (années de base) de la
nouvelle génération des CNT ont démarré au premier
trimestre 2016, au moment du lancement du jumelage.
Une
première phase (2016-2017) a consisté à cerner
les
conséquences de la mise en œuvre des recommandations du
SCN 2008. D’autres dossiers ont été traités au cours de cette
première phase, notamment la définition du dispositif
statistique nécessaire à l’objectif d’amélioration de la prise en
compte de l’économie informelle ou encore les modifications
à apporter au questionnaire de l’enquête nationale sur les
activités économiques.

Toutefois, il est apparu rapidement que les comptes des deux
années de base, même sans prendre en compte
les
particularités quant à l’élaboration des comptes financiers,
qui a pris du retard, ne pouvaient pas être terminés d’ici la fin
du jumelage, et cela pour plusieurs raisons : incertitudes sur
la mise en place du dispositif statistique concernant
l’appréhension de l’économie informelle, celle notamment
non connue de l’administration, problèmes rencontrés dans
l’obtention des résultats extrapolés de l’ENAE 2015,
décalage important du côté de la BCT quant au passage en 6
e
version du manuel FMI de la Balance des paiements de la
Tunisie.
Les travaux d’élaboration des comptes des années de base se
sont donc poursuivis après la fin du jumelage (mars 2018). Il
était alors prévu qu’une première version complète des
comptes de l’année 2015 soit disponible avant la fin de
l’année 2018 mais l’INS n’a pu atteindre cet objectif.
In fine,
c’est en 2020 que les comptes des deux années de base (2015
et 2016) devraient être finalement disponibles (comptes non
financiers et financiers des secteurs institutionnels, comptes
de biens et services à prix courants et prix constants, tableaux
de synthèse, évaluation des agrégats), étant entendu que les
comptes des relations avec le Reste du monde seront établis à
partir d’une Balance des paiements conforme à la 5
e version
du manuel FMI et non à la 6
e version.
les
Toutefois,
des
évolutions
recommandations du SCN 2008 sont d’une ampleur
plus limitée que les changements introduits par le SCN
1993, que la comptabilité nationale tunisienne a intégré
dès la deuxième génération de comptes (base 1997).
résultant
La nouvelle génération de CNT a une autre ambition
fondamentale, à savoir marquer un progrès décisif
quant à la prise en compte, dans le système de
comptabilité nationale, des activités de l’économie
informelle. Cette ambition implique la mise en place
d’un dispositif statistique performant, s’appuyant sur
les données recueillies grâce à l’enquête « emploi » et
l’enquête économique auprès des petites entreprises
(enquête « micro-entreprises »). Ce dispositif s’inspire
directement des expériences étrangères fondées sur les
certaines d’entre elles (mais pas toutes) auraient été
mobilisées en tout état de cause dans le cadre de
l’élaboration des CNT actuels (base 1997).

Conclusion
La nouvelle génération de CNT repose sur deux années
de base (2015 et 2016) et non plus une seule comme
dans la génération actuelle des comptes nationaux
tunisiens. Ce choix doit permettre d’élargir l’apport des
sources statistiques au processus d’élaboration des
comptes des années de base et d’en renforcer la qualité,
dimension fondamentale pour assurer en retour une
plus grande crédibilité des évaluations en année
courante.

Les comptes des années de base devraient être
disponibles en 2020, après plus de trois ans de travaux
ayant mobilisé non seulement la Direction centrale de
la comptabilité nationale de l’INS mais aussi une bonne
partie de ses Directions statistiques (le calendrier
d’élaboration des comptes des années de base est
précisé dans l’encadré 3). Cette opération représente
une lourde charge de travail pour l’INS, d’autant plus
qu’elle doit être conduite tout en continuant à produire
les comptes en année courante dans le cadre de la base
actuelle (base 1997) et alors que les ressources de
l’INS, en particulier en cadres compétents et
expérimentés, sont de plus en plus contraintes. En tout
état de cause, il est illusoire d’espérer terminer plus
rapidement un changement de base aussi ambitieux et
prenant la suite d’une génération de comptes dont
l’année de base remonte à plus de 20 ans !
Comme pour toute opération de ce type, le changement
de base des CNT se traduit en premier lieu par une
« remise à niveau » d’une partie importante des
données. Cette « remise à niveau » concerne en
particulier les comptes des Sociétés non financières et
des Ménages (entreprises individuelles). Ce faisant, les
niveaux de valeurs ajoutées, de revenus primaires et de
FBCF au sein de la sphère marchande (non financière)
devraient être largement revus en regard des CNT
actuels. Le processus de « remise à niveau » concerne
aussi les comptes de biens et services, qu’il s’agisse des
ressources (productions, marges commerciales et de
transport…) ou des emplois, en particulier
la
consommation finale des Ménages.
La nouvelle génération de CNT intègre également les
recommandations découlant du SCN 2008, qu’il
s’agisse de l’élargissement de la notion de FBCF aux
dépenses de recherche-développement et aux achats de
systèmes d’armement, d’une approche renouvelée
quant à l’évaluation de la notion de production de
service d’assurance de dommage, de mise en évidence
d’une production au titre de l’activité de contrôle et de
régulation de la politique monétaire de la part de la
BCT… Par ailleurs, en accord avec la 6e version du
manuel du FMI sur l’établissement des Balances de
Paiements, les échanges extérieurs de biens et services
sont désormais fondés sur le critère du changement de
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enquêtes dites « 1-2-3 », combinant enquêtes auprès
des entreprises et enquêtes auprès des ménages. Cela
dit, avant d’être intégrées dans les comptes, les données
statistiques, compte tenu en particulier de la taille
réduite des échantillons des enquêtes « micro-
entreprises » en regard des univers correspondants,
méritent d’être confrontées avec celles concernant les
autres formes de production grâce à la mise en place,
au sein du processus d’élaboration des comptes
nationaux, d’un nouvel outil de synthèse, articulant
emplois, productions et valeurs ajoutées.
L’INS devra s’atteler à mettre en place une action de
communication à la hauteur de l’enjeu que représente
la nouvelle génération de CNT pour l’ensemble de la
statistique tunisienne. S’appuyant sur la diffusion des
comptes des deux années de base 2015 et 2016, cette
communication devrait pouvoir se tenir en 2020 et
mettre en exergue les éléments suivants : raisons
motivant le changement de base, méthodes utilisées
pour l’élaboration des comptes des années de base,
apports de la nouvelle génération de CNT mais
également continuité avec les comptes de la base
actuelle en raison de la forte articulation prévalant entre
le SCN 1993 et le SCN 2008, sources statistiques
mobilisées dans le cadre du changement de base,
notamment dans le cadre de l’appréhension des
activités de l’économie informelle, cohérence avec la
Balance des paiements, principaux changements
concernant les différentes parties des comptes (secteurs
institutionnels, biens et services), y compris les
comptes financiers et même les comptes de patrimoine
financier
ont
travaux
suffisamment progressé d’ici là. Les impacts sur
l’évaluation du niveau du PIB de la Tunisie devront être
analysés et mis en évidence de façon rigoureuse. Les
méthodes utilisées pour les comptes en année courante
et les comptes rétropolés ont également vocation à faire
partie de cette communication, de même que les
évolutions en matière de comptes trimestriels.

correspondants
les
si
Enfin, cette action de communication devrait être mise
à profit pour mettre en exergue l’élargissement
progressif du système de Comptabilité nationale de la
Tunisie, sous la forme en particulier de comptes et
analyses satellites dans deux domaines privilégiés : le
tourisme d’une part, l’environnement d’autre part.
Références bibliographiques
Banque mondiale, Commission européenne, Fonds monétaire international, Organisation de coopération et
de développement économique, Organisation des nations unies (2013)
, « Système de comptabilité nationale
2008 », 751p.

Muller P. (1986), « Les comptes des entreprises non financières en comptabilité nationale. Eléments
méthodologiques à partir de l’expérience tunisienne »,
Statéco n°46, Ministère de la coopération, Insee.
Razafindrakoto M., Roubaud F. et Torelli C. (2009), « La mesure de l’emploi et du secteur informels : leçons
des enquêtes 1-2-3 en Afrique »,
Statéco n°104, pp.11-34.
Roubaud F. (2009), « La production statistique sur le secteur informel en Afrique : quels enseignements et quelles
perspectives ? »,
Statéco n°104, pp. 115-126.
Statistiques Tunisie (2018), Les comptes de la Nation, Rapport annuel, n°22, 157p.
Union Européenne (2013), « Système européen des comptes, SEC 2010 », Eurostat, Commission européenne,
762p.

Annexes
Les comptes nationaux trimestriels
Au cours des années 2000, les comptables nationaux tunisiens ont mis en place un système de comptes trimestriels,
calés sur les comptes annuels dès le compte provisoire établi pour chaque année n au second semestre de l’année
n+1. Les comptes trimestriels sont publiés chaque trimestre, la première version étant disponible 45 jours après la
fin du trimestre, et disponibles sur le site de l’INS. Des séries longues des principaux agrégats issues des comptes
trimestriels sont également publiées sur le site de l’INS.

L’élaboration des comptes trimestriels s’appuie sur un ensemble de sources et de données conjoncturelles (indices,
commerce extérieur…) et un modèle d’ étalonnage-calage. Les comptes font l’objet par ailleurs de corrections
pour variations saisonnières et jours ouvrables. Seule une optique «production» est prise en compte, productions
et valeurs ajoutées étant évaluées par sous-secteur d’activité à un niveau assez détaillé (niveau 60 de la
nomenclature), avec trois systèmes de prix : prix courants, prix de l’année précédente et prix constants 2010.
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Le jumelage entre l’INS, l’INSEE et l’ISTAT a permis de faire évoluer ce dispositif. Au départ, l’ambition du
jumelage était de mettre en place, en plus de l’optique « production », une véritable optique « demande » devant
permettre une mesure de l’évolution du PIB à partir de la trimestrialisation des postes de la demande finale.
Toutefois, il est apparu rapidement que cet objectif était hors d’atteinte compte tenu de l’insuffisance des sources
conjoncturelles, notamment en matière de consommation finale des ménages.

Ainsi, si la mise en place d’une optique « demande » complète n’est-elle pas réaliste, au stade actuel, dans le cadre
de la comptabilité nationale tunisienne, et notamment une mesure des variations trimestrielles du PIB à partir de
cette optique, il est parfaitement possible en revanche de chercher à « dériver » la trimestrialisation de la demande
finale intérieure (DFI) à partir de la trimestrialisation des productions et des flux du commerce extérieur de biens
et services, selon une formule du type suivant :

DFI(t) = P(t) + (IMP – EXP)(t) – CI(t)
Le poste P(t) représente la production de biens et services du trimestre t. Ce poste est calculé à partir de l’optique
« production », de même que le poste CI(t), à savoir les consommations intermédiaires pour le trimestre t. Le calcul
est réalisé en distinguant plusieurs grands produits (niveau 1 de la nomenclature), ce qui implique la construction,
à partir des comptes annuels, de matrices « secteurs-produits ». La « trimestrialisation » des flux du commerce
extérieur (différence entre importations et exportations) est réalisée à partir des statistiques douanières et des
statistiques de Balance des paiements. Il faut également intégrer dans la formule une « trimestrialisation » des
impôts, nets de subventions, sur les produits, et traiter par ailleurs le cas des marges de transport et de commerce.
On peut également décomposer le poste DFI(t) entre d’une part la FBCF (et les variations de stocks), d’autre part
la consommation finale des ménages et des administrations publiques. Dans ce cadre, la trimestrialisation de la
FBCF est réalisée grâce à l’établissement d’une corrélation avec les productions correspondantes. La
trimestrialisation de la consommation finale des APU est directement liée à celle des productions non marchandes
issues de l’optique « production ». Ce faisant, la trimestrialisation de la consommation finale des ménages est-elle
obtenue par solde.

Ces travaux ont pu être menés à bien dans le cadre du jumelage, si bien que les comptables nationaux tunisiens
publient désormais, en même temps que l’évolution trimestrielle du PIB et des valeurs ajoutées, les évolutions
trimestrielles des postes de la demande finale.
Les comptes financiers des CNT
C’est dès la première génération des comptes nationaux tunisiens (base 1983) que des comptes financiers ont été
construits pour tous les secteurs et sous-secteurs institutionnels, en mobilisant des sources diverses : bilans
(banques, assurances, collectivités locales, administrations de sécurité sociale…), statistiques du marché monétaire
et financier (émissions d’actions et d’obligations, titres du marché monétaire…), données budgétaires, Balance
des paiements… Pour les SNF et les Ménages, la plus grande partie des opérations financières est évaluée de façon
indirecte, grâce à la construction de tableaux « qui à qui » des opérations financières et du processus de synthèse
de ces opérations. Les comptes financiers sont ensuite rassemblés dans un tableau de synthèse particulier (TOF),
composante du tableau économique d’ensemble (TEE). L’acquis fondamental que représente la construction de
comptes financiers articulés aux comptes non financiers des secteurs institutionnels a été préservé dans la deuxième
génération de CNT (base 1997), en prenant en compte également les évolutions introduites par le SCN 1993, au
demeurant assez limitées en matière de comptes financiers si l’on excepte, toutefois, l’introduction de comptes de
patrimoine financier (voir plus loin).
Pour l’essentiel, le changement de base en cours (base 2015-2016) a trois conséquences majeures pour les comptes
financiers des secteurs institutionnels. Il s’agit en premier lieu de la mise en œuvre des recommandations du SCN
2008. Pour les CNT, l’impact est limité, avec simplement une mise à jour de la classification des opérations
financières. Le SCN 2008 prévoit bien la prise en compte d’une nouvelle opération financière, à savoir les
«produits dérivés», mais celle-ci semble très circonscrite, voire négligeable, en Tunisie. Toutefois, l’application
éventuelle d’une autre recommandation du SCN 2008 méritera d’être examinée dans le cadre de la nouvelle
génération de CNT, à savoir celle concernant les garanties de prêts standards, en particulier à l’exportation,
désormais reconnues comme des opérations financières à part entière. En deuxième lieu, plusieurs évolutions
concernant les fournisseurs de données statistiques (données sur les IFM, Conseil des Marchés financiers,
Comptabilité publique, Collectivités locales…) pourraient avoir des conséquences notables sur la construction des
comptes financiers des secteurs institutionnels dits à « comptabilité complète » (SF et APU), de même que les
comptes financiers des relations avec le Reste du monde. Par ailleurs, les données du SIE (système intermédiaire
entreprises) pourraient être mobilisées pour l’évaluation de certaines opérations financières des SNF. En troisième
lieu enfin, se pose la question de l’ajustement entre comptes non financiers et comptes financiers des secteurs
institutionnels. La nouvelle génération de CNT pourrait être l’occasion de corriger un certain nombre
d’insuffisances quant à la présentation et au calcul de l’ajustement, notamment pour les SNF et les Ménages.
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Les comptes financiers des deux années de base (2015 et 2016) devraient être élaborés et diffusés selon le même
calendrier que celui relatif aux comptes non financiers des secteurs institutionnels.
Contrairement à ce qui est prévu par le SCN (SCN 1993 et SCN 2008), la Comptabilité Nationale tunisienne
n’intègre pas actuellement de comptes de patrimoine financier. Le jumelage entre l’INS, l’INSEE et l’ISTAT
prévoyait ainsi de remédier à cette situation mais, pour des raisons diverses, ce projet n’a pu être mené à bien à
l’issue du jumelage. Cela étant, compte tenu de l’expérience acquise par les comptables nationaux de l’INS dans
la construction des comptes financiers, l’objectif d’intégrer des comptes de patrimoine (et de variation de
patrimoine) financier à la comptabilité nationale tunisienne reste pertinent et parfaitement réalisable.
Les statistiques et comptes de l’environnement
La Statistique tunisienne s’est engagée dans le domaine de l’environnement suite à la mise en place du projet
MEDSTAT de collaboration entre l’Union européenne et un certain nombre de pays méditerranéens. Ce projet a
démarré en 1996 mais c’est à partir de 1999 qu’il intègre une composante sur l’environnement (MEDSTAT-ENV).
Dans ce contexte, une unité « Statistiques et comptes de l’environnement » a été créée en 2004 au sein de la
Direction centrale des comptes nationaux de l’INS. Les domaines environnementaux couverts par l’INS dans le
cadre de MEDSTAT-ENV, directement fonction des sources disponibles, ont été les déchets, l’air, la biodiversité,
les sols, les forêts et l’eau. Deux rapports sur les statistiques et les données environnementales ont été publiés par
l’INS en 2003 puis en 2006. Par ailleurs, les résultats de ces travaux ont fait l’objet d’une valorisation dans une
publication commune à l’ensemble des pays méditerranéens ayant participé au projet MEDSTAT. Toutefois,
l’implication de l’INS dans le domaine de l’environnement s’est maintenue après la fin (2009) du projet
MEDSTAT-ENV et l’INS publie régulièrement des statistiques sur l’environnement dans son « Annuaire
statistique » annuel, ainsi que sur son site internet. Cette publication ne permet pas cependant de donner une
visibilité suffisante aux statistiques rassemblées par l’INS pour les différents domaines de l’environnement.
L’INS collecte les données sur l’environnement auprès de nombreux fournisseurs de données : Agence nationale
pour la protection de l’environnement, ministère de l’Agriculture, de l’Energie, des Mines et des énergies
renouvelables, de la Santé, Institut national de la météorologie, Office national de l’assainissement… Cette
décentralisation, inévitable compte tenu de la diversité des domaines environnementaux, génère un certain nombre
de difficultés pour l’INS, qu’il s’agisse du respect des délais, de la qualité et du niveau de complétude des
informations, de la terminologie… En ce sens, les producteurs de données ne sont pas toujours en mesure d’intégrer
les contraintes de la production statistique dans leur programme de travail, compte tenu de leurs priorités et
contraintes internes.
L’un des domaines environnementaux revêtant une importance cruciale pour la Tunisie est celui de l’utilisation
des ressources en eau. Le pays est en effet en situation de stress hydrique. La pression sur les ressources tend
d’ailleurs à s’accroître avec la croissance démographique et économique, le tout dans un contexte de changement
climatique marqué. En outre, la Tunisie connaît une situation climatique très hétérogène en fonction de ses
territoires. Dans ce contexte, un compte pilote des disponibilités et utilisations de la ressource en eau (année 2003)
a été développé par l’INS en 2009 avec l’appui du programme MEDSTAT. Ce compte a constitué une première
expérience d’un compte de ressources naturelles, en termes de flux et de stocks, au sens du manuel des Nations-
Unies sur les comptes de l’environnement (SEEA). Toutefois, cette expérience n’a pas été renouvelée avant le
démarrage du jumelage entre l’INS, l’INSEE et l’ISTAT (voir plus loin).
In fine, le jumelage (2016-2018) a cherché avant tout à répondre à deux des principales insuffisances mentionnées
précédemment en matière de statistiques et comptes de l’environnement, d’une part une visibilité trop faible
accordée aux statistiques environnementales dans les publications de l’INS, d’autre part la reprise et l’amélioration
des travaux sur les comptes de la ressource en eau.
Le premier objectif (meilleure valorisation des statistiques et données environnementales) devrait se traduire par
la mise en place d’un dispositif régulier et autonome de publication des statistiques environnementales, en
privilégiant au départ les domaines faisant l’objet de politiques publiques en matière d’environnement : eau, air,
traitement des déchets, sols et occupation des sols, biodiversité. Ce processus de publication et de diffusion devra
s’appuyer sur un ensemble de dispositions afin d’en garantir la pérennité. Il s’agit en particulier d’assurer, grâce à
des conventions ad-hoc avec les producteurs de données, la régularité et la qualité de la transmission des
informations. Ce faisant, cette publication est susceptible de mieux structurer et d’améliorer le processus
d’échanges et de discussions avec les fournisseurs mais aussi les utilisateurs des informations environnementales.
Elle permettra enfin de construire une vision d’ensemble partagée sur l’environnement, avec notamment la
présentation d’indicateurs visant à dresser une analyse du type « forces motrices-états-pressions » pour des
domaines d’importance stratégique.
La construction d’un compte des disponibilités et utilisations de la ressource en eau a été relancée dans le cadre
du jumelage sur les années 2010 et 2015. Ces travaux ont permis d’élargir l’expérience précédente (compte pilote
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sur l’année 2003), en intégrant notamment un champ plus riche de données, en modifiant certaines définitions et
nomenclatures afin de les rendre plus cohérentes avec les normes internationales en la matière et en prévoyant le
calcul d’indicateurs, y compris au niveau territorial, en vue de suivre les effets des politiques publiques. Enfin, il
est prévu que les comptes de l’eau fassent l’objet d’une publication régulière de la part de l’INS.
En revanche, le jumelage 2016-2018 n’a pas permis de progresser en matière de compte de dépenses de protection
de l’environnement. Cela reste un chantier à développer, de même que pour les comptes de patrimoine naturel au-
delà de ceux de la ressource en eau.
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