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Revue Interdisciplinaire Droit et Organisations n°5
Racem GASSARA,
Docteur en Droit Privé, Maitre-assistant en Droit Privé et Sciences Criminelles,
Institut Supérieur d’Administration des Affaires de Sfax (ISAAS), Université de Sfax, Tunisie
Le silence du commissaire aux comptes en
droit tunisien
Résumé : Dépositaire d’informations essentielles pour la société, le commissaire aux
comptes, pour préserver l’honneur et la dignité de sa profession, doit faire preuve de discrétion
lors de l’exécution de ses missions. Il est tantôt tenu d’une obligation de confidentialité dont le
non-respect peut engager sa responsabilité pénale pour violation du secret professionnel, tantôt
tenu de dénoncer les infractions dont il a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses
fonctions.
Le silence du commissaire aux comptes peut engager sa responsabilité pénale pour des
infractions au devoir de dénoncer, comme il peut l’engager pour infraction au devoir de se taire.
Mots clefs : Commissaire aux comptes ; Responsabilité pénale ; Devoir de révélation des
infractions ; Obligation au secret professionnel.
The silence of the auditor under Tunisian
law
Abstract: Custodian of essential information for the company, the auditor, when
performing his duties, must exercise discretion to preserve the honor and dignity of his
profession. He is sometimes bound by an obligation of confidentiality, the non-respect of which
may engage his criminal liability for breach of professional secrecy, sometimes he is required
to denounce the offenses of which he has become aware during the exercise of his functions.
The silence of the auditor may engage his criminal liability for breaches of the duty to speak,
as he may engage him for breach of the duty to remain silent.
Keywords: Statutory Auditor ; Criminal liability ; Duty to disclose offenses ; Obligation to
professional secrecy.
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Introduction
Nombreuses sont les infractions ayant un rapport avec le commissaire aux comptes. Ces
infractions peuvent être commises, subies ou détectées par lui. Les infractions commises par le
commissaire aux comptes se rapportent généralement à l’exercice de ses fonctions. Comme le
remarque un auteur, la délinquance et la responsabilité pénale peuvent s’enraciner non
seulement dans l’abus des fonctions, mais aussi dans les modalités de leur exercice (Giudicelli-
Delage, 1995). Loin de vouloir tirer un profit délictueux de sa profession, le commissaire aux
comptes se met au service de ses clients à tel point qu’il lui arrive d’engager sa responsabilité
pénale (Stolowy, 1998).
Étant un organe de contrôle auquel il est interdit de s’immiscer dans la gestion des affaires
sociales, les commissaires aux comptes ne peuvent se substituer aux dirigeants sociaux dans les
choix stratégiques qu’ils sont amenés à faire. Pourtant, c’est sur le terrain de la complicité des
délits commis par les dirigeants sociaux, que les commissaires aux comptes voient leur
responsabilité pénale engagée. Il en est ainsi de la distribution de dividendes fictifs (article 223
alinéa 1
er du Code des Sociétés Commerciales tunisien (C.S.C), relatif à la société anonyme) et
de la présentation et la publication de bilan inexact (articles 146, 158 et 223 alinéa 2 du C.S.C.
relatifs respectivement à la société à responsabilité limitée, à la société unipersonnelle à
responsabilité limitée et à la société anonyme).
Le commissaire aux comptes peut aussi engager sa responsabilité pénale en tant qu’auteur
principal, à qui peut être imputée la commission d’une infraction ou sa tentative pour en avoir
personnellement consommé les éléments constitutifs.
La responsabilité pénale du commissaire aux comptes peut être engagée pour des délits commis
à l’occasion de l’exercice de sa mission. Cette responsabilité suscite en droit tunisien deux
remarques. D’une part, les principaux textes qui la régisse figurent dans le code des sociétés
commerciales, plus précisément dans les articles relatifs à la société anonyme. Ces textes sont
transposables à toutes les formes sociétaires par application de l’article 13
in fine du code des
sociétés commerciales aux termes duquel «
tout commissaire aux comptes désigné
conformément aux dispositions du présent article est soumis aux dispositions visées au chapitre
trois du sous-titre trois du titre premier du livre quatre du présent code
». La règle est
également confirmée pour la société à responsabilité limitée par l’article 125 du C.S.C. d’après
lequel les responsabilités des commissaires aux comptes sont fixées conformément aux
dispositions des articles 258 à 273 du même code. D’autre part, le législateur n’a pas prévu la
sanction de la suspension temporaire de l’exercice des fonctions de commissaire aux comptes
dès l’engagement de poursuites pénales à son encontre. Cette mesure, bien que sévère, semble
nécessaire car le commissaire aux comptes exerce des fonctions tellement importantes que son
honnêteté ne doit pas être soupçonnée. Toutefois, la présomption d’innocence, ayant pour
conséquence que tout inculpé est présumé innocent, et que chaque personne a droit de garder
le silence, doit être respecté. Cette présomption bénéficie en droit tunisien d’un statut
constitutionnel. Elle a été consacrée par l'article 12 alinéa 2 de la constitution du 1er juin 1959
selon lequel «
tout prévenu est présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa culpabilité à la
suite d'une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense
». Elle était
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consacrée par la suite par l’article 27 de la constitution du 27 janvier 2014 aux termes duquel,
«
tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité, dans le cadre
d’un procès équitable lui assurant toutes les garanties nécessaires à sa défense durant les
phases de la poursuite et du procès
». Elle est désormais reprise par l’article 33 de la
constitution de 2022 disposant que : «
Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à
l’établissement de sa culpabilité, à la suite d’un procès équitable lui assurant toutes les
garanties indispensables à sa défense au cours des différentes phases des poursuites et du
procès
».
Comme en France, en Tunisie, le commissaire aux comptes peut aussi commettre des
infractions spécifiques
1. Étant investi d’une mission permanente de contrôle de la situation
comptable et financière de la société, le commissaire aux comptes est tantôt tenu de dénoncer
et tantôt tenu par le silence.
Détenteur d’informations essentielles pour la société, le commissaire aux comptes, comme tout
professionnel, «
doit faire preuve de la plus grande discrétion dans l’exercice de la profession
pour préserver la dignité et l’honneur de celle-ci
» 2. Il est tenu d’une obligation de
confidentialité dont le non-respect engage sa responsabilité pénale pour violation du secret
professionnel. La spécificité de ses missions de contrôleur des comptes le conduit parfois,
notamment dans les sociétés faisant appel public à l’épargne, à se prévaloir des informations
privilégiées dont la divulgation, pouvant entraver l’organisation du marché financier, est
sanctionnée pénalement (délits boursiers).
Aux antipodes, il existe parmi les règles déontologiques les plus essentielles, celle du devoir
d’agir et notamment de divulguer, de ne pas rester silencieux, lorsqu’une personne a le privilège
de savoir.
Désormais, aussi paradoxal qu’il le parait, étant investi d’une mission permanente de contrôle
de la situation comptable et financière de la société, devant à la fois dénonciation et silence, le
commissaire aux comptes engage sa responsabilité pénale pour infractions au devoir de révéler,
(1) ou au devoir de se taire qui peut trouver son fondement dans l’obligation au respect du secret
professionnel (2).
L’infraction au devoir de dénonciation : la non-révélation de faits
1.
délictueux ou le silence sanctionné
Se fondant sur le fait que le commissaire aux comptes est le destinataire d’un certain nombre
d’informations que la société détient, le législateur tunisien le soumet à une obligation de
dénonciation. L’article 270 alinéa 2 du code des sociétés commerciales oblige tout commissaire
1 En l’absence de doctrine tunisienne et de jurisprudence sur la question en droit tunisien, nous avons essayé
d’interpréter les textes de loi tunisiens à la lumière de la doctrine et de la jurisprudence française compte tenu de
la similitude entre les textes de loi français et tunisiens.
2 Article 21 du code des devoirs professionnels des experts-comptables de Tunisie, approuvé par l’arrêté du
ministre des Finances du 26 juillet 1991, JORT. n° 56 des 9 et 13 août 1991, p. 1435.
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aux comptes qui, dans l’exercice de ses fonctions, a eu connaissance d’un fait pouvant
constituer une infraction pénale d’en saisir le procureur de la République, sans que sa
responsabilité pour révélation de secret professionnel ne puisse être engagée. L’article 271 du
même code punit d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de mille deux cents
à cinq mille dinars ou de l’une de ces deux peines seulement, tout commissaire aux comptes
qui «
n’aura pas révélé au procureur de la République les faits délictueux dont il aura eu
connaissance
». L’article 85 alinéa 3 du Code de commerce punissait d’un emprisonnement
d’un an à cinq ans et d’une amende de cent vingt à mille deux cents dinars ou de l’une de ces
deux peines seulement tout commissaire aux comptes «
qui n’a pas révélé au ministère public
les faits délictueux dont il a connaissance
». Cependant, si l’article 271 du C.S.C. n’a pas touché
la peine d’emprisonnement, il a multiplié par dix le montant minimum de l’amende et par quatre
son montant maximum. Le même texte précise que «
la peine est doublée en cas de récidive ».
Cette même sanction est consacrée par l’article 46 du décret-loi n°15 du 20 mars 2022 relatif
aux sociétés dites « AHLYA »
1.
Il découle de toutes ces règles que le commissaire aux comptes doit révéler au procureur de la
République des faits délictueux dont il a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses
fonctions, ce qui équivaut à une dénonciation. Cet acte permet de signaler aux autorités une
infraction commise par autrui, et notamment par les dirigeants des sociétés commerciales. Il
s’agit, en effet, d’une infraction d’omission, puisque si le commissaire aux comptes ne procède
pas à la dénonciation, il engage sa responsabilité pénale.
Le principe de la dénonciation ordonnée par la loi a fait l’objet d’une controverse doctrinale.
Selon certains auteurs, il est anormal que le commissaire aux comptes, qui n’est ni une autorité
publique, ni un officier public, ni un fonctionnaire, soit tenu de dénoncer des faits délictueux
sous peine de se rendre lui-même coupable d’un délit (Bouloc, 1981). Guyon affirme,
cependant, que l’obligation de dénonciation est opportune, du moment qu’elle est entendue de
manière raisonnable et qu’elle s’accompagne de relations confiantes entre les commissaires aux
comptes et les magistrats du parquet. (Boulay, 1980). Elle permet, de renforcer l’autorité du
commissaire aux comptes à l’égard des dirigeants sociaux en faisant prendre au sérieux les
observations qu’il formule, et d’éviter un délit sur le point d’être commis. Le commissaire aux
comptes apparaît ainsi comme le défenseur de l’intérêt général plus que de l’intérêt de la société
commerciale et doit, à ce titre, dénoncer toutes les infractions qu’il a pu constater, y compris
celles qui profiteraient à la société.
En effet, ayant pour mandat « de vérifier les livres, la caisse, le portefeuille et les valeurs de la
société, de contrôler la régularité et la sincérité des inventaires, ainsi que l’exactitude des
informations données sur les comptes de la société dans le rapport du conseil d’administration
ou du directoire
» (Art. 266 al. 1er du C.S.C), de certifier « la sincérité et la régularité des
comptes annuels de la société conformément à la loi en vigueur relative au système comptable
des entreprises
» et de vérifier « périodiquement l’efficacité du système de contrôle interne »
(Art. 266 al. 2 du C.S.C), «
les commissaires aux comptes doivent déclarer expressément dans
leur rapport qu’ils ont effectué un contrôle conformément aux normes d’audit d’usage et qu’ils
approuvent expressément ou sous réserves les comptes ou qu’ils les désapprouvent » (Art. 269
1 JORT n° 30, du 21 Mars 2022, p. 795. Disponible uniquement en langue arabe.
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al. 2 du C.S.C). De ce rôle essentiel du commissaire aux comptes, le droit pénal tunisien
comprend aussi le délit d’informations mensongères (article 271 du C.S.C.). Les infractions
d’informations mensongères et de non-révélation des faits délictueux sont certes distinctes.
Elles sont toutefois liées : lorsque le commissaire aux comptes confirme des informations
comptables inexactes, il ne révèle pas les faits illicites au procureur de la République.
Ainsi, pour caractériser l’infraction de non-révélation des faits délictueux, il est nécessaire
qu’en plus de l’élément légal, un élément matériel et un élément moral soient réunis. Pour le
délit de non-révélation des faits délictueux, l’élément matériel peut être qualifié de complexe
(1.1) alors que l’élément moral est présumé (1.2).
1.1. Un élément matériel complexe
Le délit de non-révélation des faits délictueux au procureur de la République repose sur trois
éléments, à savoir l’existence de faits délictueux (1.2.1), la connaissance de ces faits (1.2.2) et
l’absence de révélation en temps utile (1.2.3).
1.1.1. Le préalable à l’élément matériel : l’existence de faits délictueux
Les articles 271 du C.S.C. et 56 alinéa 2 du C.O.P.C. obligent les commissaires aux comptes
de révéler des faits délictueux et non de dénoncer des coupables. Il en découle que la personne,
auteur du fait, importe peu. Les faits délictueux peuvent avoir été commis par les dirigeants
sociaux, par un employé, par l’expert-comptable de la société, par un autre commissaire aux
comptes ou par le liquidateur. De même, bien que les articles 271 du C.S.C. et 56 alinéa 2 du
C.O.P.C. utilisent le pluriel en évoquant «
les faits délictueux », il est certain que la non
révélation d’un fait délictueux unique suffit pour consommer l’infraction (Ben Nars, 1994).
Mais les commissaires aux comptes doivent-ils révéler tous les faits délictueux ou ne sont-ils
tenus de révéler que certains, et lesquels ? Plus concrètement, les faits à révéler doivent-ils être
constitutifs de délits, ou est-ce que la révélation doit porter sur toutes les situations irrégulières ?
Un auteur a soutenu que les faits devant faire l’objet de révélation sont les infractions, c’est-à-
dire les actions et les omissions, définies par la loi pénale et punies de certaines peines fixées
par celle-ci, (Amadou, 2002). Il s’agit des crimes, des délits et des contraventions au sens de
l’article 122 du code de procédure pénale disposant que sont qualifiées de crimes « les
infractions que les lois punissent de mort, ou de l’emprisonnement pendant plus de cinq ans.
Sont qualifiées délits, les infractions que les lois punissent de l’emprisonnement d’une durée
supérieure à quinze jours et ne dépassant pas cinq années ou d’une amende de plus de soixante
dinars. Sont qualifiées contraventions, les infractions que les lois punissent d’une peine ne
dépassant pas quinze jours d’emprisonnement ou soixante dinars d’amende
». Si on compare
le droit tunisien et le droit français, la chambre criminelle de la Cour de cassation française a
considéré que «
le commissaire doit révéler les irrégularités susceptibles de recevoir une
qualification pénale même si celle-ci ne peut être définie avec précision
» (Cassation, Chambre
criminelle, 15 septembre 1999, n° 98-81.855).
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Nous pensons, cependant, que cette position ne doit pas être retenue. Le législateur tunisien
ayant employé le concept «
faits délictueux » et non celui d’infraction ou de délit, ce sont les
faits qui doivent être révélés. Les commissaires aux comptes n’ont pas à rechercher si les
éléments constitutifs de l’infraction, c’est-à-dire les composantes, matérielle et psychologique
du comportement, qui permettent l’application de la loi sont réunis. Les commissaires aux
comptes n’ont pas à apprécier la bonne ou la mauvaise foi de l’auteur de ces faits, et encore
moins à se faire juge de l’opportunité des poursuites. Ce principe, reconnait aux magistrats du
ministère public une certaine liberté de ne pas déclencher des poursuites pour un fait offrant
toutes les caractéristiques d’une infraction. Ce principe qui s’oppose à celui de la légalité des
poursuites, peut être mis en échec par une plainte avec constitution de partie civile de la victime
de l’infraction.
En droit français, dans l’affaire Schlumpf, l’un des commissaires aux comptes arguait du fait
qu’il ne pensait pas qu’il y avait délit d’abus de biens sociaux en raison de l’existence d’un
groupe de sociétés. Ainsi, «
les commissaires aux comptes n’ont pas à apprécier si tous les
éléments constitutifs de faits susceptibles d’être qualifiés de délictueux sont réunis (notamment
en ce qui concerne l’élément moral requis de leurs auteurs). Cette appréciation relève
uniquement de la justice, alors qu’il appartient seulement aux commissaires aux comptes de
signaler au Parquet tous les faits susceptibles de présenter un caractère suspect au regard de
la loi pénale
» (Laffon et Lambert, 2000).
La norme n° 10 de l’ordre des experts comptables de Tunisie prescrit que le commissaire aux
comptes est tenu d’informer le procureur de la République de tout fait jugé «
significatif », et
précise que le fait significatif est celui qui, «
soit, modifie sensiblement la situation nette, soit
fausse l’interprétation de la tendance de résultat, soit fausse l’interprétation de la situation
financière, soit porte ou est de nature à porter un préjudice consciemment à l’entreprise ou à
un tiers
». Cette notion de fait significatif n’est pas sans rappeler celle de faits pertinents ou
concluants utilisée en droit judiciaire privé. La pertinence en matière de procédure civile est
l’adéquation des moyens à l’objet du litige. Elle s’entend essentiellement de la pertinence de
l’allégation des faits qui doit tomber directement sur l’espèce, et de la pertinence de la preuve
qui doit conduire à une démonstration appropriée. Dans les deux cas, la pertinence est
souverainement appréciée par le juge. Mais, la reconnaissance de la pertinence d’une allégation
ou d’une preuve n’enlève pas au juge sa liberté de décision.
La question se pose aussi de savoir si la révélation doit porter sur toutes les situations
irrégulières ou seulement sur les faits qui sont en relation avec la mission du commissaire aux
comptes. La réponse à cette question a divisé la doctrine française. Certains auteurs estiment
que le commissaire aux comptes est obligé de dénoncer seulement les faits délictueux qui sont
en relation avec la constitution ou la gestion de la société qu’il contrôle. D’autres estiment, au
contraire, que le commissaire aux comptes doit révéler toutes les infractions économiques qu’il
constate, à la seule condition qu’elles aient un effet direct sur le fonctionnement de la société.
L’infraction économique est un acte illicite, pouvant faire l’objet d’une poursuite pénale, même
si l’intention frauduleuse de son auteur n’est pas établie. Il s’agit des pratiques, limitativement
énumérées par les textes, ayant pour caractère commun une tendance à faire obstacle au
fonctionnement normal du marché et, notamment, à la libre concurrence. C’est notamment le
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cas des ententes et abus de domination, des prix illicites, des abus de faiblesse, des infractions
aux dispositions légales régissant la publicité des prix et l’établissement des factures. Il en serait
de même, des infractions douanières (contrebande, importation ou exportation sans autorisation
ou déclaration), et des infractions fiscales, ou celles relatives à la législation du travail et de la
sécurité sociale. C’est cette dernière position que semble consacrer le législateur tunisien qui
utilise des termes généraux et évoquent les faits délictueux sans aucune distinction. C’est ce
que prévoit, l’article 533 du Code des obligations et des contrats, disposant que «
Lorsque la
loi s'exprime en termes généraux il faut l'entendre dans le même sens
».
1.1.2. La connaissance des faits délictueux
Le commissaire aux comptes ne peut être sanctionné pour non-révélation de faits délictueux
que s’il en a eu connaissance. Deux précisions méritent d’être apportées à cet égard. D’une part,
l’obligation de révéler porte sur les faits dont le commissaire aux comptes prend connaissance
au cours de l’exercice de sa mission, même si les faits sont antérieurs à son entrée en fonction.
D’autre part, il convient d’exclure l’idée selon laquelle le commissaire aux comptes est tenu
d’une obligation particulière de rechercher l’existence éventuelle de faits délictueux. Il suffit
qu’il révèle ceux qu’il découvre à l’occasion de l’exercice de sa mission. Si cet aspect de sa
mission fait de lui un auxiliaire du ministère public, il ne s’agit que d’un auxiliaire ponctuel et
fortuit.
La charge de la preuve de la connaissance des faits délictueux par le commissaire aux comptes
incombe au Parquet conformément au principe de la présomption d’innocence
1.
Le principe de la présomption d’innocence signifie que toute personne poursuivie est considérée
comme innocente des faits qui lui sont reprochés, tant qu’elle n’a pas été déclarée coupable par
la juridiction compétente et par conséquent, cette personne a le droit de garder le silence ou le
droit de se taire (Lajmi, 2021). D’un autre côté, la charge de la preuve, comme toute charge
d’ailleurs, doit être supportée par celui qui l’invoque. Faisant partie des principes fondamentaux
de l’État de droit, les règles relatives à la charge de la preuve sont considérées comme les droits
les plus essentiels du justiciable. Une telle preuve sera évidemment difficile à établir lorsque le
commissaire aux comptes, par négligence, n’a pas vu les faits délictueux. Cependant, les
tribunaux se contentent de relever que les commissaires aux comptes ne pouvaient pas ne pas
connaître les faits délictueux. S’agissant de professionnels dont le rôle est de contrôler le respect
de l’application, les intéressés ne peuvent invoquer, ni l’erreur de droit, en prétendant une
représentation inexacte du contenu de la loi ou une ignorance de son existence, ni l’erreur de
fait, en invoquant une représentation inexacte d’un fait matériel ou une ignorance de son
existence. L’erreur de fait, exclut la culpabilité pénale lorsqu’elle intervient à propos d’une
1 Article 33 de la constitution tunisienne de 2022 ayant repris l’article 27 de la constitution du 27 janvier 2014,
aux termes duquel, «
tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité dans le cadre
d’un procès équitable lui assurant toutes les garanties nécessaires à sa défense durant les phases de la poursuite
du procès
», ayant lui-même repris l’article 12 alinéa 2 de la constitution du 1er juin 1959 disposant que, « tout
prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité à la suite d’une procédure lui offrant les
garanties indispensables à sa défense
».
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infraction intentionnelle et lorsqu’elle porte sur une circonstance essentielle de l’incrimination.
Il en découle que, l’invocation par les commissaires aux comptes de l’ignorance de certains
faits qu’ils avaient pour mission de découvrir, serait inadmissible
1.
En droit français, la jurisprudence a oscillé entre la nécessaire preuve de la connaissance par le
commissaire aux comptes du fait délictueux et le commissaire ayant «
nécessairement eu
connaissance
». Il a été jugé que « dès lors qu’il n’est pas établi que le commissaire aux
comptes avait connaissance des faits constitutifs de l’abus de biens sociaux commis par les
dirigeants, sa mission ne l’autorisant pas à s’immiscer dans la gestion de la société contrôlée,
aucune absence de révélation de ce chef ne peut lui être reprochée
». (Cour d’appel, Besançon,
11 avril 2000, Bull. Joly sociétés 2000, p. 899). La Cour de cassation a cependant, censuré un
arrêt de la cour d’appel ayant écarté la condamnation pour défaut de preuve de la connaissance
des faits délictueux par le commissaire aux comptes au motif «
qu’il résulte de ses propres
constatations que le prévenu avait eu nécessairement connaissance, dans le cadre de sa
mission, d’irrégularités susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale
» (Cassation,
Chambre criminelle 25 février 2009, n° 08-80.314).
1.1.3. L’absence de révélation en temps utile
Il faut préciser que l’omission volontaire de révéler les faits délictueux au ministère public est
une infraction autonome ne se confondant pas avec la complicité du commissaire aux comptes
dans la commission de l’infraction par la personne à qui les faits délictueux sont imputables. Se
pose alors le problème de la détermination du moment à partir duquel cette infraction est
commise ?

Trois éléments de réponse peuvent être apportés. D’abord, il est évident que le commissaire aux
comptes n’est tenu de l’obligation de révélation qu’à partir de sa connaissance des faits
délictueux ou du moment où il ne pouvait les ignorer. Le commissaire aux comptes n’a pas à
se précipiter dans la révélation et doit essayer de faire cesser ou de faire régulariser
2 les actes
irréguliers en faisant appel à d’autres moyens comme la régularisation.
La régularisation est l’action de purger un acte juridique du vice qui l’entache en réparant celui-
ci par une initiative positive consistant dans l’accomplissement de la formalité adéquate, ce qui
permet à cet acte d’accéder tardivement à la perfection juridique. En effet, la loi fait obligation
au commissaire aux comptes de porter à la connaissance des dirigeants sociaux les irrégularités
et les inexactitudes qu’il aurait découvertes. Cette obligation, même si elle n’est prévue
expressément par aucun texte, peut être déduite des termes de l’article 269 alinéa 1
er du C.S.C.,
d’après lequel, «
si les membres du conseil d’administration ou du directoire ont jugé opportun
de modifier les états financiers annuels de la société, en tenant compte des observations du ou
des commissaires aux comptes, ces derniers devront rectifier leur rapport en fonction des
observations sus-désignées
». Il s’agit de ce qu’on peut appeler un véritable pouvoir de
1 Art. 29 et 30 de la norme comptable n° 10. Cette sévérité des tribunaux à l’égard des commissaires aux comptes
n’est cependant pas sans limites et les juges doivent relaxer les commissaires qui ont été tenus à l’écart des
machinations des dirigeants sociaux.
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dissuasion qui ne doit pas, toutefois, aller jusqu’à une immixtion dans la gestion, laquelle est
catégoriquement interdite (article 266 alinéa 3 du C.S.C.). Cette étroite collaboration entre les
commissaires et le procureur de la République évite les révélations inopportunes et les non-
révélations fâcheuses. Ensuite, la révélation officielle des faits délictueux est généralement faite
après un entretien informel avec «
un magistrat du ministère public » 1. Enfin, le commissaire
aux comptes ne doit pas attendre qu’une information judiciaire soit ouverte contre les dirigeants
pour révéler les faits délictueux (Cassation, Chambre criminelle, 8 février 1968, n° 66-92.799).
Il a ainsi été jugé que «
se rend coupable du délit de non-révélation des faits délictueux le
commissaire aux comptes qui, ayant eu connaissance de la sous-évaluation des stocks de la
société qu’il contrôlait le 21 janvier 1978, ne dénonça le délit de présentation de bilan inexact
au procureur de la République que le 27 novembre 1978, soit dix mois plus tard
». (Besançon,
24 mai 1984, Bull. n° 56, p. 480). Il a été jugé aussi qu’un délai de trois mois peut être jugé
excessif notamment si, à l’issue de cette période, l’autorité des marchés financiers, saisit le
parquet. Cette règle peut trouver sa justification dans le fait que, sous réserve de la dénonciation
calomnieuse, le commissaire aux comptes est protégé contre le risque d’erreur d’appréciation
en la matière. La dénonciation calomnieuse est un délit qui consiste à porter des accusations
mensongères contre une personne déterminée, auprès d’un officier de justice ou de police
administrative ayant le pouvoir d’y donner suite, y compris les supérieurs hiérarchiques ou
l’employeur de la personne dénoncée. L’article 270 alinéa 2 C.S.C. précise que la responsabilité
du commissaire aux comptes ne peut être engagée à l’occasion de la révélation. Il en est ainsi
même si le procureur de la République ne donne pas suite à sa démarche, ou si l’instruction
judiciaire ouverte à la suite de la révélation aboutit à un non-lieu, se fondant sur un motif de
droit ou une insuffisance de charges. En outre, toute révocation d’un commissaire aux comptes
en cours de mandat en raison du fait qu’il a révélé au ministère public des faits délictueux est
considérée comme abusive
2.
1.2. Un élément moral présumé
La mauvaise foi, qu’elle soit réduite à la volonté d’accomplir un acte que l’on sait illicite, ou
de s’abstenir d’un acte que l’on sait, ordonné par la loi, ou qu’elle exige en plus que l’inculpé
soit animé d’un mobile frauduleux, est-elle un élément constitutif du délit de non-révélation des
faits délictueux ?
A priori, c’est la réponse négative qui semble être consacrée par les textes. Les articles 271 du
code des sociétés commerciales et 56 alinéa 2 du code des organismes de placement collectif
n’utilisant l’adverbe «
sciemment » que pour le seul délit d’informations mensongères.
Pourtant, c’est la réponse positive qui doit être adoptée, puisque connaître des faits délictueux
et s’abstenir de les révéler est, en lui-même, révélateur de mauvaise foi. L’élément moral du
délit se trouve dès lors consacré implicitement et peut être déduit de la preuve de la
connaissance des faits délictueux suivie d’une abstention injustifiée de les porter à la
connaissance du ministère public.
1 Art. 35 de la norme comptable n° 10.
2 Art. 40 de la norme comptable n° 10.
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Revue Interdisciplinaire Droit et Organisations n°5
Le terme « sciemment », utilisé par le législateur français, suppose que le commissaire aux
comptes ait eu connaissance du caractère mensonger des informations données ou confirmées
par lui. C’est ce qu’a affirmé la chambre criminelle de la Cour de cassation française le 12
janvier 1981 (Dalloz 1981, p.348). C’est le cas aussi, lorsque les informations mensongères se
trouvent dans un bilan, à l’élaboration duquel, le commissaire aux comptes a participé (Cour de
cassation, Chambre criminelle, 2 mars 1983, Dalloz 1983, IR, p.476)). La Cour de cassation a
jugé que «
relèvent tous les éléments constitutifs du délit prévu et réprimé par l’article 457 de
la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, les juges qui retiennent que, en sa qualité de commissaire
aux comptes, le prévenu a sciemment confirmé des informations mensongères en certifiant la
régularité et la sincérité du bilan dont il connaissait la fausseté pour avoir participé à son
élaboration
».
La preuve de cette connaissance n’est généralement pas facile. Pour surmonter cette difficulté,
la jurisprudence française assimile l’imprudence des professionnels à une véritable mauvaise
foi (Cour de cassation française, Chambre criminelle, 2 avril 1990, Revue des sociétés 1990, p.
461), et n’admet que très rarement l’excuse d’une erreur d’appréciation ou d’un défaut de
diligence de la part de ceux dont la mission est précisément le contrôle et la détection des
irrégularités. D’après cette jurisprudence, la mauvaise foi des commissaires aux comptes est
suffisamment établie dès lors que les circonstances de l’espèce permettent de relever qu’une
diligence normale ne pouvait les laisser dans l’ignorance des irrégularités. La Cour d’appel de
Paris avait infirmé le 11 février 1981 un jugement de relaxe de la 11
ème chambre du TGI du 7
mars 1980. Ce jugement avait admis qu’il n’était pas établi que le prévenu ait eu connaissance
du caractère fictif des effets de complaisance acceptés par la société au profit d’une autre société
du groupe. Les premiers juges avaient précisé que le délit d’informations mensongères «
n’est
caractérisé que lorsque le commissaire aux comptes a sciemment donné ou confirmé les
informations mensongères, la preuve
de cet élément faisant défaut en l’espèce ». La Cour
d’appel a, au contraire, relevé que le commissaire «
se devait de surveiller plus particulièrement
les rapports entre les deux sociétés
», et que « connaissant les liens existant entre elles », il
«
aurait pu, grâce à des diligences normales, se rendre compte de l’importance des relations
financières irrégulières existant entre les deux sociétés
». La Cour avait déduit que « la
certification des bilans erronés de deux exercices successifs dans les circonstances
particulières de l’espèce déjà rappelées par la Cour ne peut, à l’évidence, être la conséquence
d’une erreur ou d’un manque de diligence
» (Ducouloux-Favard, 1987). En définitive, on note
que c’est à travers la commission du délit d’informations mensongères, que l’élément moral du
délit de non-révélation des faits délictueux, peut être démontré, alors qu’il s’agit de deux
infractions distinctes.
Par ailleurs, l’appréciation par les juges du fond de la mauvaise foi de l’auteur du délit échappe
au contrôle de la Cour de cassation, dès lors que les juges du fond l’ont déduit, sans
contradiction, des faits constatés, (Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 janvier 1980, n°
77-92.082).
La question se pose de savoir si la bonne foi peut être invoquée par le commissaire aux comptes
qui a pu croire que les faits n’étaient pas délictueux. S’agissant d’un professionnel qui a
l’expérience d’un métier, on peut penser que les juges seront particulièrement exigeants pour
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l’admettre. Selon Delmas-Marty, la non-révélation des faits délictueux est très proche d’un délit
de négligence, c’est-à-dire d’un manque de soin ou d’application qui, lorsqu’il émane d’un
professionnel, peut être assimilé à l’intention frauduleuse en raison de sa gravité (Delmas-
Marty, 1982).
Il découle de ce qui précède que le commissaire aux comptes est tenu dans le cadre de l’exercice
de sa mission principale de certifier la régularité et la sincérité des comptes d'une entreprise par
un devoir de transparence qui l'oblige à signaler toute infraction qu'il aurait pu découvrir à
l’occasion de l’exercice de ses fonctions, et de dénoncer ces irrégularités aux autorités
compétentes. Cependant, le commissaire aux comptes est également soumis au secret
professionnel qui vise à protéger la confidentialité des informations auxquelles il a eu accès
dans le cadre de ses fonctions. Le secret professionnel permet de préserver la confiance des
entreprises envers le commissaire aux comptes et favorise ainsi la transparence dans les
relations entre les parties prenantes. Le non-respect de cette obligation peut entraîner sa
responsabilité pénale. En effet, le paradoxe réside dans le fait que le commissaire aux comptes
est à la fois tenu de dénoncer les irrégularités qu'il découvre et de respecter le secret
professionnel. Il doit trouver un équilibre délicat entre ces deux obligations, en s'assurant de
respecter la confidentialité des informations tout en signalant les actes répréhensibles.
Les infractions au devoir de se taire : la violation du secret
2.
professionnel et le silence imposé
Le secret est un besoin humain, nous avons tous un besoin de tenir secrètes certaines données.
Se cacher, est «
un instinct profond de l’être humain », précisait le Doyen Carbonnier
(Carbonnier, 1993). Le secret est aussi une valeur éthique. Même si la transparence, sans
constituer une notion purement juridique, est devenue l’instrument privilégié d’une gestion
performante et d’une moralisation de la vie des affaires. Le droit civil consacre le secret de la
vie privée qui comporte le droit au secret de l’être et le droit au secret de l’avoir. Le droit des
affaires consacre le secret bancaire qui impose aux personnels des banques de ne pas révéler
d’informations confidentielles concernant les affaires et les comptes de leurs clients. Le secret
des affaires, est l’obligation faite à certains agents intérieurs ou extérieurs d’une entreprise de
ne pas révéler ou utiliser certaines informations qui leur ont été communiquées ou dont ils ont
pu avoir connaissance en raison de leur emploi ou de leur profession. Le secret demeure, en
droit, un terme générique, ayant une portée assez large et qui résiste à la précision (Delmas-
Marty, 1982) ; exprimant un devoir juridique
1 de silence, dont le respect peut être obtenu à
l’aide d’une action en justice. Le secret peut être défini comme «
un fait qui n’est pas connu,
sauf du confident, et qui doit demeurer caché
» (Lambert, 2005).
Le secret professionnel se présente comme une obligation imposant à certains professionnels
de taire les confidences recueillies au cours de l’exercice de leur profession, et dont le non-
respect est sanctionné par la loi pénale (Lembarki, 2019). L’article 254 alinéa premier du code
1 S’opposant au devoir moral, obligation dont l’exécution ne peut être poursuivie en justice, et ne chargeant l’obligé
que d’un devoir de conscience.
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pénal tunisien 1, punit de six mois d’emprisonnement et de cent vingt dinars d’amende, « les
médecins, chirurgiens et autres agents de la santé, les pharmaciens, sages-femmes et toutes
autres personnes qui, de
par leur état ou profession, sont dépositaires de secrets, auront, hors
le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, révélé ces secrets
». L’article
15 du code des droits et procédures fiscaux, promulgué par la loi n° 2000-82 du 9 août 2000
(JORT. n° 64 du 11 août 2000, p. 1874), dispose que «
toute personne appelée en raison de ses
fonctions ou attributions à intervenir dans l’établissement, le recouvrement, le contrôle ou le
contentieux de l’impôt est tenue à l’obligation du respect du secret professionnel
», et l’article
102 du même code précise que «
les sanctions prévues par l’article 254 du code pénal
s’appliquent à tout contrevenant à l’obligation du respect du secret professionnel prévu par
l’article 15 du présent code
».
Le secret professionnel du commissaire aux comptes : confident des dirigeants, le
commissaire aux comptes est tenu au secret professionnel. Le secret professionnel est prévu par
l’article 8 de la loi n° 88-108 du 8 août 1988 (JORT. n° 56 du 26 avril 1988, p. 1179), portant
refonte de la législation relative à la profession d’expert-comptable. Ainsi, «
sous réserve de
toutes dispositions législatives contraires, les personnes physiques et morales inscrites au
tableau de l’ordre et leurs salariés sont tenus au secret professionnel. Ils sont, en outre,
astreints aux mêmes obligations pour les affaires dont ils ont à connaître à l’occasion de
l’exercice de leurs missions
». Puis, l’article 38 de la loi n° 94-117 du 14 novembre 1994 portant
réorganisation du marché financier (JORT. n° 90 du 15 novembre 1994, p. 1850), dispose que
«
les enquêteurs et toutes autres personnes appelées à prendre connaissance des dossiers sont
tenus au secret professionnel
», et ajoute que les dispositions de l’article 254 du code pénal leur
sont applicables. L’article 270 C.S.C. énonce dans son alinéa premier que les commissaires aux
comptes ainsi que leurs collaborateurs et les experts sont astreints au secret professionnel pour
les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à l’occasion de l’exercice
de leurs fonctions. L’article 271 du même code énonce que «
les dispositions de la loi pénale
relative à la révélation du secret professionnel sont applicables aux commissaires aux
comptes
».
Suscitant la passion des juristes et des politiciens, le secret professionnel des commissaires aux
comptes provoque des polémiques. La combinaison des obligations d’information et de secret
professionnel fera que le commissaire aux comptes sera partagé entre des devoirs antagonistes
qui lui imposent à la fois de parler et de se taire (Bel Haj Hammouda, 1979). En effet, si la
divulgation du secret professionnel constitue une infraction engageant la responsabilité pénale
du commissaire aux comptes (Bouloc, 2008) et dont les éléments constitutifs doivent être
précisés (2.1), l’obligation au secret professionnel peut être levée dans des circonstances
particulières (2.2).
2.1. Les éléments constitutifs du délit
En plus de l’élément légal, la divulgation par le commissaire aux comptes du secret
professionnel suppose un élément moral assez limité puisque devant être faite avec la
1 Promulgué par le décret du 9 juillet 1913, JOT. n° 79 du 1er octobre 1913.
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conscience de trahir le secret d’autrui. Il n’est pas nécessaire que la violation du secret
professionnel soit animée par la volonté de nuire. La divulgation par le commissaire aux
comptes du secret professionnel suppose un élément matériel assez imprécis dans la mesure où
les données couvertes par le secret sont de portée assez large, et où la détermination du
bénéficiaire du secret reste imprécise.
L’obligation de confidentialité impose aux commissaires aux comptes de ne pas divulguer les
secrets dont ils ont pu avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Il reste
à déterminer en quoi consiste le secret ayant un caractère confidentiel et qui ne doit pas être
révélé.
La loi apporte certaines précisions à ce concept. Selon l’article 254 du code pénal, les faits qui
ne doivent pas être révélés sont ceux qui ont été
confiés au professionnel sous le sceau du secret,
et selon l’article 271 alinéa premier du C.S.C., le secret couvre les faits, les actes et les
renseignements dont le commissaire aux comptes a eu connaissance
lors de l’exercice de ses
fonctions
. Ces précisions ne permettent pas de tracer les contours des éléments d’informations
que le commissaire aux comptes doit s’abstenir de divulguer. Un auteur pense que «
les faits,
actes et renseignements visés par la loi constituent une catégorie ouverte donnant a priori au
secret professionnel une base particulièrement étendue
» (Domingo, 2001). Á cela s’ajoute le
fait que compte tenu de l’importance que revêt le rôle du commissaire aux comptes et la tâche
délicate qui lui incombe afin d’assurer le bon fonctionnement de la société contrôlée, il semble
que le secret professionnel ne s’applique pas seulement aux faits, actes et renseignements dont
le commissaire aux comptes reçoit la confidence, mais aussi à ceux dont il prend connaissance
ou qu’il découvre.
Le secret professionnel est opposable aux associés voulant obtenir une information à titre
personnel auprès du commissaire aux comptes. La raison en est que ce dernier doit rendre
compte de sa mission à l’assemblée générale et non à chaque associé pris isolément. Le secret
professionnel est opposable également aux tiers, c’est-à-dire à toute personne autre que la
société contrôlée. Il est évident que le commissaire aux comptes ne peut confier les secrets
d’affaires qu’il détient aux concurrents de la société et à ses créanciers, la loi ayant organisé à
leur profit une information comptable et financière à travers l’institution du registre national
des entreprises.
2.2. La levée de l’obligation au secret professionnel
La doctrine est partagée entre deux conceptions du secret. Celle du secret absolu, que résume
l’expression attribuée à Brouardel «
le silence quand même et toujours » (Brouardel, 1887). La
personne tenue au secret ne peut se délier de son obligation qui reste entourée par des règles
rigides et inflexibles. En revanche, celle du secret relatif permet sa levée en présence de faits
justificatifs (Lambert, 2005). Il semble que le secret professionnel du commissaire aux comptes
ne peut être que relatif. Diverses circonstances peuvent justifier la levée de l’obligation au
respect du secret professionnel qui pèse sur le commissaire aux comptes. Ces circonstances
tiennent d’abord au partage du secret (2.2.1), ensuite aux autorisations (2.2.2) et enfin aux
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obligations de dénonciation (2.2.3). Ces cas peuvent s’expliquer par le fait qu’il n’y aurait pas
une véritable violation du secret.
2.2.1- Le silence partagé
Il peut arriver que les professionnels échangent des informations dans l’exercice de leur
mission. La doctrine a pu dégager ainsi la théorie du secret partagé. Estimant que le secret
professionnel a un aspect collectif
1 tout autant qu’individuel, la doctrine admet qu’il n’est pas
violé par le commissaire aux comptes qui le partage avec ses confrères qui sont eux-mêmes
astreints au secret. Plusieurs hypothèses peuvent ainsi être envisagées.
Le cas de la pluralité de commissaires : le respect du secret professionnel serait un non-sens si
plusieurs commissaires aux comptes doivent établir un rapport commun. De même, le
commissaire sortant et son successeur peuvent, lorsque ce dernier aurait pris effectivement ses
fonctions, partager les secrets professionnels. Le secret peut aussi être partagé avec les
collaborateurs du commissaire aux comptes et les experts par lui désignés, dans les limites des
besoins de l’expertise. Il convient de préciser que l’article 270 du C.S.C. astreint au secret
professionnel aussi bien le commissaire titulaire que ses collaborateurs et les experts. L’article
271 du même code ne soumet pas les collaborateurs du commissaire aux comptes aux sanctions
de l’article 254 du code pénal, ce qui les fait échapper à la responsabilité pénale pour violation
du secret professionnel.
Le cas de la société de commissaires aux comptes : les commissaires aux comptes peuvent
exercer leur profession sous la forme d’une société civile professionnelle. Dans cette forme de
société, les associés répondent de façon illimitée et solidaire des dettes sociales. Si tous les
commissaires membres de cette société sont concernés par le contrôle, ils peuvent logiquement
s’informer mutuellement de leur activité au sein de la société sans qu’il y ait violation du secret
professionnel. Le problème se pose lorsque certains associés n’ont pas la qualité de commissaire
aux comptes, (ce que permet l’article 4 de la loi n° 88-108 du 18 août 1988 portant refonte de
la législation relative à la profession d’expert-comptable).
Le cas du groupe de sociétés : le groupe de sociétés est un ensemble de sociétés juridiquement
indépendantes, mais formant une même unité économique en raison de liens financiers étroits,
la société mère exerçant un contrôle effectif et une domination sur les autres sociétés membres
du groupe, à savoir les filiales. La question est de savoir dans quelle mesure les commissaires
aux comptes exerçant au sein d’un groupe de sociétés peuvent se partager le secret
professionnel, notamment lors de la consolidation comptable, qui consiste à établir, dans les
groupes de sociétés, des comptes reflétant la réalité financière de l’ensemble des sociétés
groupées. L’article 266 du C.S.C. n’est d’aucun secours puisqu’il se contente d’énoncer (dans
son alinéa 5) que les investigations du commissaire aux comptes «
peuvent être faites tant
auprès de la société que des sociétés mères ou filiales
». Logiquement, les commissaires aux
comptes des sociétés filiales comprises dans le périmètre de la consolidation ne peuvent pas
1 Art. 20 de la loi n° 88-108 du 18 août 1988, portant refonte de la législation relative à la profession d’expert-
comptable, (JORT. n° 56 du 26 août 1988, p. 1179).
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opposer le secret professionnel au commissaire aux comptes de la société consolidante dans
l’exercice de sa mission de certification des états financiers consolidés.
2.2.2. Les autorisations du maître du secret
Cette hypothèse a suscité une controverse doctrinale. L’autorisation vaut-elle comme fait
justificatif neutralisant la responsabilité pénale du commissaire aux comptes qui a révélé le
secret professionnel ?
Certains auteurs soutiennent que le principe du secret professionnel doit être respecté dans sa
plénitude et en toutes circonstances, même en cas de consentement du bénéficiaire du secret.
Cette position peut trouver sa justification dans le fait que le commissaire aux comptes est un
organe de contrôle institué dans l’intérêt de l’ensemble des partenaires de la société. Or, si la
révélation peut être conforme aux intérêts d’un partenaire, elle peut porter atteinte aux intérêts
d’un autre. D’autres auteurs voient, au contraire, que l’autorisation ou le consentement du
bénéficiaire du secret vaut comme fait justificatif pour le commissaire aux comptes lui
permettant de se délier de son obligation au secret au motif que ce dernier a un caractère relatif.
Ces auteurs exigent que l’autorisation n’ait pas un caractère général. Seule doit être admise
l’autorisation particulière
quant aux informations qui peuvent être révélées et quant aux
personnes auxquelles elles peuvent l’être. L'article 206 du code pénal tunisien punit de cinq ans
d'emprisonnement «
celui qui, sciemment, aide à un suicide ». L'article 411 du code de
commerce punit d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende égale au montant du chèque
ou de l'insuffisance de provision, celui qui, en connaissance de cause, a accepté un chèque sans
provision. D’ailleurs, si en droit pénal général le consentement de la victime, n’a en principe
aucune portée justificative et n’exclut pas la responsabilité pénale de l’auteur de ces faits, on
peut envisager que ce principe connaît certaines exceptions pour certaines infractions dont
notamment la violation du secret professionnel.

En outre, le commissaire aux comptes n’est délié de son obligation que s’il a reçu la permission
du titulaire du secret. Le problème se pose alors d’identifier l’organe social qui peut consentir.
Sur ce point, les opinions sont divergentes. Certains auteurs soutiennent que la personne qui a
le pouvoir de consentir est le dirigeant de droit de la société. Cette qualité est reconnue à toute
personne exerçant, suite à une désignation régulière, des fonctions de gestion, de direction ou
d’administration dans la société. C’est le cas des gérants de la société en nom collectif, de la
société en commandite, de la société en participation, de la société à responsabilité limitée
pluripersonnelle, ou unipersonnelle. Dans la société anonyme de type classique, est dirigeant
de droit le président-directeur général, le directeur général adjoint, les membres du conseil
d’administration ainsi que le directeur général en cas de dissociation entre les fonctions de
président du conseil d’administration et celles de directeur général de la société. Concernant la
société anonyme à directoire, sont dirigeants de droit les membres du directoire et ceux du
conseil de surveillance. Le dirigeant de droit peut être aussi le liquidateur qui est le représentant
légal de la société dissoute 1, et l’administrateur judiciaire « chargé de contrôler les actes de
gestion dans les conditions définies par le président du tribunal qui peut, de manière
1 Art. 42 du CSC.
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exceptionnelle, et en vertu d’une décision motivée, le charger de prendre la direction totale ou
partielle de l’entreprise, avec ou sans le concours du débiteur
» 1. D’autres auteurs confèrent à
l’assemblée générale le pouvoir de délier le commissaire aux comptes de son obligation au
secret professionnel. Il a été soutenu qu’au cours de l’assemblée générale, l’autorisation du
président de celle-ci permet au commissaire aux comptes de répondre à des questions qui
dépassent les limites des informations qu’il doit fournir, et qu’une telle autorisation donnée
ouvertement en cours de séance et non contestée, équivaut à une autorisation tacite de
l’assemblée.
2.2.3. L’obligation de dénonciation
Cette obligation peut recouvrir deux situations. La première concerne les besoins de
témoignage, la seconde est relative à l’ordre de la loi.

Les besoins du témoignage. Lorsqu’il s’estime insuffisamment informé sur les faits, ou
lorsqu’une partie au litige allègue un fait pertinent mais ne dispose pas d’éléments suffisants
pour le prouver, le juge peut ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement
admissibles. Á cet égard, comme le secret professionnel ne peut paralyser les mesures
d’instruction ordonnées par le juge, le commissaire aux comptes peut être délié de son
obligation au silence pour les besoins de témoignage devant les juridictions judiciaires.

Devant les juridictions civiles. En droit tunisien, aucune disposition légale n’interdit
expressément ce droit au commissaire aux comptes. En droit français, la loi, la doctrine et la
jurisprudence reconnaissent au commissaire aux comptes le droit de divulguer certains
renseignements dès lors que ceux-ci sont nécessaires au bon déroulement du procès. Le procès
en justice évoque l’idée d’un combat, d’un affrontement que se livrent deux ou plusieurs parties
et qui obéit à des règles de jeu assez précises. Le commissaire aux comptes est ainsi délié de
son obligation au silence.
Les juridictions peuvent alors solliciter des renseignements normalement couverts par le secret
professionnel. Aux termes de l’article L. 611-2 du code de commerce français, «
lorsqu’il
résulte de tout acte, document ou procédure qu’une société commerciale, un groupement
d’intérêt économique, ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale connaît des
difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, ses dirigeants peuvent être
convoqués par le président du tribunal de commerce pour que soient envisagées les mesures
propres à redresser la situation. …, le président du tribunal peut, nonobstant toute disposition
législative ou réglementaire contraire, obtenir communication, par les commissaires aux
comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les
organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services chargés de la
centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature
à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur
». Le
commissaire aux comptes est également affranchi du secret professionnel vis-à-vis du président
du tribunal de commerce qui enquête sur les difficultés financières de la société, ainsi que pour
les informations qu’il peut être amené à faire état en déclenchant la procédure d’alerte. Le
1 Art. 443 du C. com.
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commissaire aux comptes est encore affranchi de l’obligation au secret lorsqu’il est appelé à
témoigner en justice. Mais, dans ce cas, il doit agir avec prudence et ne dévoiler que les
renseignements strictement nécessaires.
Devant les juridictions répressives. Le commissaire aux comptes ne peut invoquer le secret
professionnel, ni refuser d’être entendu par un officier de police judiciaire. Il convient de
préciser cependant que le commissaire aux comptes n’est délié du secret qu’à l’égard des
éléments d’information relatifs aux faits dont la justice pénale est ou peut être saisie. En
pratique, compte tenu de l’étroite imbrication des éléments qui entrent dans le champ des
poursuites et ceux qui lui demeurent extérieurs, il sera difficile au commissaire aux comptes de
se retrancher derrière le secret professionnel.
L’ordre de la loi. En droit pénal général, l’ordre de la loi est un fait justificatif qui exclut la
responsabilité pénale. Le texte du code pénal français consacrant une jurisprudence qui
acceptait une permission, fût-elle implicite de la loi, justifie expressément la simple autorisation
comme l’ordre, qu’il résulte d’une disposition législative ou règlementaire. Á cet égard, soumis
par la loi à l’obligation de respecter le secret professionnel, le commissaire aux comptes peut
en être libéré par la loi elle-même. Afin de satisfaire à ses obligations d’information, que ce soit
envers le parquet, les associés ou certaines autorités administratives.

Révélation envers le parquet. Pour éviter que l’obligation qui pèse sur le commissaire aux
comptes de révéler au procureur de la République les faits délictueux dont il a eu connaissance
ne soit neutralisée par celle du respect du secret professionnel, l’article 270 du C.S.C. précise
qu’en cas de révélation, la responsabilité du commissaire aux comptes ne peut pas être engagée
pour révélation du secret professionnel comme nous l’avons vu précédemment.
Révélation envers les associés. L’article 270 du C.S.C. écarte l’obligation au secret
professionnel en imposant au commissaire aux comptes l’obligation de signaler à l’assemblée
générale la plus proche, les irrégularités, (qui peuvent être formelles, substantielles ou de
procédure, volontaires ou involontaires et correspondre à la violation de toute règle de droit à
laquelle la société est tenue de se conformer), les inexactitudes (qui consistent généralement en
un défaut de concordance ou de conformité entre une opération effectuée par la société et
l’écriture comptable qui la traduit), relevées par lui au cours de l’accomplissement de sa
mission. Le commissaire aux comptes peut, par l’effet de cette disposition, dévoiler aux
associés, au cours de l’assemblée générale, des informations qu’il devrait, en principe, garder
secrètes.
Révélation envers certaines autorités administratives. Le commissaire aux comptes est obligé
parfois de rompre le secret professionnel à l’égard de certaines autorités administratives afin de
ne pas entraver le fonctionnement de ces dernières, en empêchant l’exercice d’une activité
autorisée ou imposée par la loi. Le législateur tunisien qui permet aux agents de l’administration
fiscale d’obtenir de la société la communication des registres, de la comptabilité, des factures
et des documents nécessaires, ainsi que de la liste nominative de leurs clients et fournisseurs,
précise que les personnes physiques ou morales concernées par cette obligation de
communication «
ne peuvent, en l’absence de dispositions légales contraires, opposer
l’obligation du respect du secret professionnel aux agents de l’administration fiscale habilités
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à exercer le droit de communication ». L’article 84 de la loi n° 94- 117 du 14 novembre 1994
portant réorganisation du marché financier
1 punit d’un emprisonnement de seize jours à six
mois et d’une amende de cinq cents à deux mille dinars ou de l’une de ces deux peines
seulement «
toute personne qui aura sciemment mis obstacle aux enquêteurs chargés des
investigations lors de l’exécution de leur mission
». Il découle de ces dispositions que
l’opposition du secret professionnel à ces enquêteurs par le commissaire aux comptes serait une
entrave à leur mission d’autant plus qu’ils sont eux-mêmes tenus au secret professionnel
2. De
même, le commissaire aux comptes exerçant dans des organismes de placement collectif peut
lever, dans la stricte limite du nécessaire, le secret professionnel en «
signalant immédiatement
au conseil du marché financier tout
fait de nature à mettre en péril les intérêts des organismes
de placement collectif, des actionnaires ou des porteurs de parts
» 3.
Conclusion
Les commissaires aux comptes sont tenus de respecter les obligations déterminées aussi bien
par la loi ou le règlement que par les instances professionnelles. S’ils les méconnaissent, ils
encourent, selon la nature de l’infraction une responsabilité civile, une responsabilité pénale ou
une responsabilité disciplinaire, et parfois même de manière simultanée. Cette responsabilité
pénale ne concerne que le commissaire aux comptes personne physique.
Cependant, les dispositions relatives à la responsabilité pénale du commissaire sont très
contestées, notamment, dans la mesure où elles contribuent à faire peser sur ce professionnel
une obligation de révélation de faits délictueux dont il a pu avoir connaissance à l'occasion de
ses missions.
En outre, le rôle assigné par le législateur au commissaire aux comptes est très important, mais
le risque que court celui-ci est aussi grand. C'est un personnage «
sur le fil du rasoir » (Terre,
1973). Par ailleurs, ce qui laisse la situation trop précaire pour le commissaire et la dénonciation
parfois téméraire, est le classement sans suite ou la clôture d'une instruction sur un non-lieu. La
responsabilité pénale du commissaire aux comptes peut alors être engagée sur la base de la
dénonciation calomnieuse. C'est là une des raisons qui font qu'en fait ces dénonciations soient
rares.
On ajoute que le commissaire aux comptes encourt, une responsabilité disciplinaire lorsqu'il a
commis des faits contraires aux règles déontologiques de la profession. La particularité de cette
responsabilité est que la faute susceptible de l'engendrer a un domaine large.
En effet, le commissaire aux comptes se trouve confronté à un défi complexe lorsqu'il doit
concilier le secret professionnel et le devoir de révélation. D'un côté, le secret professionnel est
1 JORT. n° 90 du 15 novembre 1994, p. 1850. Cette loi a été modifiée par la loi n° 99-92 du 17 août 1999 relative
à la relance du marché financier (JORT. n° 67 du 20 août 1999, p. 1463 et 1464), la loi n° 2005-96 du 18 octobre
2005 relative au renforcement de la sécurité des relations financières (JORT. n° 84 du 21 octobre 2005, p. 2811),
et l’art. 5 de la loi n° 2009-64 du 12 août 2009 portant promulgation du code de prestations des services financiers
aux non-résidents (JORT. n° 65 du 14 août 2009, p. 2316).
2 Aux termes de l’art. 38 de la loi n° 94- 117 du 14 novembre 1994 (JORT. n° 60 du 2 août 1994, p. 1255), « les
enquêteurs et toutes autres personnes appelées à prendre connaissance des dossiers sont tenus au secret
professionnel. Les dispositions de l’article 254 du code pénal leur sont applicables ».
3 Article 51 al. 2 du COPC.
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Revue Interdisciplinaire Droit et Organisations n°5
une obligation fondamentale qui pèse sur le commissaire aux comptes. Il vise à protéger la
confidentialité des informations auxquelles le commissaire aux comptes a pu accéder dans le
cadre de ses fonctions. D'un autre côté, le commissaire aux comptes est également tenu par un
devoir de révélation des irrégularités qu'il aurait pu découvrir. Ce devoir est consacré par la loi
et exige de révéler les faits susceptibles d'affecter la situation financière de l'entreprise.
L'équilibre entre ces obligations en apparence contradictoires est difficile à trouver. Le
commissaire aux comptes doit agir avec prudence et faire preuve de discernement et d'éthique
professionnelle. Ainsi, les obligations du commissaire aux comptes conduisent à la recherche
d’un juste milieu et d’un équilibre problématique, le silence ou la divulgation.
Bibliographie
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