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INTRODUCTION AU DROIT PRIVE 
ET
A LA THEORIE GENERALE DES OBLIGATIONS
NOTES DE COURS
2004-2005
(mises à jour en mai 2008)
Jean-François JEUNEHOMME, 
Avocat au Barreau de Liège, 
Professeur invité à 
HEC-Ecole de gestion de l’Université de 
Liège
Avec la collaboration de Marc ALEXANDRE, 
Chef de travaux à 
HEC-Ecole de gestion de l’Université de 
Liège
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PARTIE I. INTRODUCTION GENERALE
Chapitre l. Préambule et bibliographie
1. Préambule
Qu’est-ce   que   le   droit ?   Nous   tenterons   de   répondre   à   cette
question. L’étudiant a probablement déjà une petite idée de la réponse, mais
certainement faudra-t-il la remettre en cause.
Pourquoi   donner   un   cours   de   droit   aux   étudiants   en
sciences de gestion ?  Parce que le droit imprègne notre vie quotidienne et
spécialement la « vie des affaires ».
Une   entreprise   vend,   achète,   loue,   emprunte,   construit,   crée,
fournit des services, engage et licencie du personnel, se restructure, paie des
impôts, fusionne, absorbe, émet des actions, obtient des aides publiques, ... et
parfois est déclarée en faillite ou mise en liquidation.
Autant   d’opérations,   de   phénomènes   que   le   droit   régit,   qu’on   le
veuille ou non.
De   même,   de   notre   naissance   à   notre   décès,   le   droit   imprègne,
règle notre vie privée et professionnelle.
Quel doit être le contenu de ce cours de première année ? Il semble
que la réponse soit fonction de plusieurs éléments. Voici les principaux :
Il ne s’agit pas, à HEC-ULG, de former des juristes, mais spécialement des
gestionnaires d’entreprises, privées ou publiques. Il faut donc ouvrir l’esprit
des étudiants à un phénomène omniprésent, leur donner des informations
précises,   dans   l’optique   de   leurs   futures   activités   et   leur   apprendre   à
comprendre et à apprendre.
Il faut préparer les étudiants aux matières juridiques qu’ils étudieront dans
leur cursus : droit commercial, droit social, droit fiscal, …
Il   faut   construire   les   fondations :   pour   parler   d’un   contrat   de   bail
commercial, d’un contrat de travail, de la taxation d’une vente d’immeuble,
il est indispensable d’avoir découvert au préalable le contrat, sa formation,
ses effets, son exécution et connaître les conséquences de son inexécution.
L’objectif   de   l’enseignement :   former   des   gestionnaires,   mais   avant   tout
inviter l’étudiant à la réflexion et à l’analyse qui permettent d’appréhender
les difficultés, à défaut de les résoudre.
Telles sont les lignes directrices de ce cours de droit.
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*     *     *
*
Le cours   est   intitulé   « Introduction   au   droit   privé   et   à   la   théorie
générale des obligations ». Il fait l’objet des présentes notes.
Comme je l’ai annoncé plus haut, les étudiants de HEC, Ecole de
gestion de l’Université de Liège, auront, au fil de leur formation, des cours de
droit commercial, de droit social, de droit fiscal, notamment. Avant d’étudier
ces   matières,   des   fondations   doivent   être   mises   en   place.   Le   présent
enseignement   se   veut   l’une   de   ces   fondations.   Ainsi,   pour   comprendre   tel
contrat commercial ou tel contrat de travail et les règles qui s’y appliquent, la
connaissance des règles générales applicables à tous les contrats semble être
un préalable obligé.
Quel sera l’objet de notre cours?
Essentiellement,   les   droits   de   créance   et,   accessoirement,   leur
mise en œuvre.
Le droit de créance, nous le reverrons, est le pouvoir d’exiger d’une
personne l’accomplissement d’une prestation ou une abstention. Le titulaire du
droit de créance se nomme « créancier ». Son interlocuteur est le « débiteur ».
A la créance dans le chef du premier correspond la dette ou l’obligation dans le
chef du second.
Les   obligations   (ou   les   droits   de   créance,   selon   le   point   de   vue
auquel on se place) ont différentes sources. Nous étudierons spécialement une
source d’obligation : le contrat (voir infra, chapitre 1 de la deuxième partie).
Nous   envisagerons   aussi,   mais   plus   brièvement,   une   autre   source   :   la
responsabilité   extra-contractuelle,   régie   par   les   articles   1382   à   1386bis   du
code civil (infra, chapitre 2 de la deuxième partie). Enfin, nous présenterons en
quelques   mots   les   autres   sources   d’obligations   (infra,   chapitre   3   de   la
deuxième partie).
Le contrat fait naître des obligations (et bien sûr aussi des droits).
Vous commandez à un menuisier la fabrication et la pose de châssis de fenêtre
pour tel prix convenu. Un contrat (une convention) a été conclu; le menuisier a
maintenant l’obligation de fabriquer les châssis et de les placer conformément
aux règles de l’art, dans le délai que les parties ont fixé. De votre côté, vous
devrez   donner   l’accès   à   votre   immeuble   pour   permettre   la   réalisation   des
travaux   et   en   payer   le   prix   selon   les   modalités   arrêtées.   Que   de   difficultés
d’ordre juridique peut engendrer cette situation assez banale. Le contrat a-t-il
été valablement formé ? Quels sont ses effets ? Peut-on refuser de l’exécuter ?
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Que faire si le menuisier tarde ? S’il travaille mal ? Et que fera-t-il, lui, si vous
ne le payez pas ?
Quant   à   la   responsabilité   extra-contractuelle   (encore   appelée
aquilienne   ou   quasi-délictuelle),   elle   se   rencontre   à   tout   instant   de   la   vie
quotidienne. Un automobiliste débiteur de priorité heurte un véhicule circulant
sur la voie prioritaire; il cause, par sa faute, un dommage au propriétaire de ce
véhicule. L’article 1382 du code civil lui fait obligation de réparer ce dommage.
Votre enfant de 12 ans blesse un compagnon de jeu par maladresse, mais sans
intention malveillante, il y a faute (par hypothèse).
L’article   1384   du   code   civil   vous   fait   obligation   de   réparer   le
dommage ainsi causé par la faute de votre enfant mineur d’âge. Et peut-être
lui-même est-il tenu à indemnisation de la victime.
Que   ce   soit   d’un   contrat   ou   d’une   faute   extra-contractuelle,   des
obligations sont nées. Elles doivent être exécutées. C’est l’attente légitime du
créancier.
Supposons,   et   ce   sera   souvent   le   cas,   que   le   créancier   et   le
débiteur soient en désaccord sur l’existence de l’obligation, sur son contenu ou
sur son montant. Le recours aux tribunaux sera probablement inéluctable.
Revenons   encore   un   instant   à   notre   créancier   :   il   a   obtenu   d’un
tribunal   la   condamnation   de   son   débiteur,   par   exemple,   à   lui   payer   telle
somme à titre de dommages et intérêts (réparation du préjudice, contractuel
ou extra-contractuel).
Comment   la   récupérera-t-il   si   le   débiteur   ne   la   lui   verse   pas  
spontanément   ?   Nous   venons   que   le   créancier   dispose   d’un   droit   de   gage
général  sur   le   patrimoine   de   son   débiteur   et   qu’il   peut  procéder   à   diverses
saisies  pour   aboutir  à ses  fins.  Nous  verrons   aussi  que  notre  droit  met à  la
disposition du créancier des mécanismes (les sûretés, voir infra, chapitre 7 de
la deuxième partie) qui lui donneront plus de chances d’obtenir l’exécution de
l’obligation,   et   d’autres   qui   lui   permettent   de   contrecarrer   des   manoeuvres
frauduleuses de son débiteur (celui-ci pourrait être tenté d’organiser, fut-ce en
apparence, son insolvabilité ; voir infra, n° 45 et 46).
Ainsi, en résumé et pour l’essentiel, nous étudierons deux sources
d’obligations   et   nous   verrons   succinctement   comment   mettre   en   œuvre   les
droits de créance corrélatifs.
Notes :
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2. Orientation bibliographique
Il ne peut être question de donner ici une bibliographie exhaustive relative aux 
matières qui seront abordées.
Seuls quelques ouvrages et examens de jurisprudence, parmi tant d'autres, seront 
cités ici
a) Ouvrages
Coipel, M., Eléments de théorie générale des contrats, Story Scientia, 1999;
David-Constant, S., Théorie générale des obligations, 3 fascicules, Presses 
universitaires de Liège;
De Page, H., Traité élémentaire de droit civile belge, spécialement tomes II et III,
3e` édition, Bruylant, 1964 et 1967;
Dieux, X., Fontaine, M., Foriers, P.A., `t Kint, F., Parmentier, C. et Van 
Ommeslaghe, P., Les obligations contractuelles, Editions du Jeune Barreau de 
Bruxelles, 1984;
DIEUX, X. et alii, Les obligations contractuelles, Editions du Jeune Barreau de 
Bruxelles, 2000;
Fagnart, J.L. et alii, Responsabilités, Traité théorique et pratique, Story Scientia, 
1999; 
Fontaine, M. et Ghestin, J., Les effets du contrat à l'égard des tiers, 
comparaisons francobelges, L.G.D.J. 1992;
Foriers, P.A. et alii, Les contrats spéciaux, Editions Formation permanente CUP, 
1999; 
Foriers, P.A. et alii, Vente et cession de créance, Editions Formation permanente 
CUP, 1997; 
Foriers, P.A., La caducité des obligations contractuelles par disparition d'un 
élément essentiel à leur formation, Bruylant, 1998;
François, L., Le problème de la définition du droit, Faculté de droit de Liège, 
1978; 
François, L., Le cap des tempêtes, Bruylant, 2001 ;
Hansenne, J., Introduction au droit privé, Story-Scientia, 1990;
Jassogne, C., Forges, M., Leclercq, J.F., Mougenot, R. et Van Wuytswinkel, M. 
Traité pratique de droit commercial, Story Scientia, 1990;
Les Novelles, Droit civil, tome IV, 2 vol., Théorie générale des obligations, 
Larcier, 1957 et 1958;
Simon, L. et alii, Les obligations en droit français et en droit belge, 
convergences et divergences, Bruylant et Dalloz, 1994;
Vanwijck-Alexandre, M. et alii, Le bail : questions diverses, Formation 
permanente CUP, 1999;
Verheyden-Jeanmart, N. et alii, Le droit de la preuve, Editions Formation 
permanente CUP, 1997;
Vieujean, E. et alii, La prescription, Editions Formation permanente CUP, 1998; 
 Weill, A. et Terre, F., Droit civil, Les obligations, 4è, édition, Dalloz, 1987; 
 Wéry, P. et alii, La théorie générale des obligations, Editions Formation 
permanente CUP, 1998;
 Wéry P. et alii, Les clauses applicables en cas d'inexécution des obligations 
contractuelles, La Charte, 2001;
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 Wéry, P., L'exécution forcée en nature des obligations contractuelles non 
pécuniaires, Collection scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1993;
 Wéry, P. et alii, Droit de la responsabilité, Formation permanente CUP, 1996;
 Wéry, P. et alii, La fin du contrat, Formation permanente CUP, 2001;
 Wéry, P. et alii, La théorie générale des obligations (suite), Editions Formation 
permanente CUP, 2002.
b) Examens de jurisprudence
Dalcq, R.O., Examen de jurisprudence concernant la responsabilité délictuelle et
quasi délictuelle, R.C.J.B., 1980, 355 et s.;
Dalcq, R.O. et Schamps, G., La responsabilité délictuelle et quasi délictuelle, 
jurisprudence (1987-1993), R.C.J.B. 1995, pages 525 et s., 663 et s.;
Dalcq, R.O. et Glansdorff, F., Examen de jurisprudence, La responsabilité 
délictuelle et quasi délictuelle, R.C.J.B., 1987, 601 à 672 et 1988, 391 à 493;
Fagnart, J.L., La responsabilité civile, Chronique de jurisprudence (1985-1995), 
Les dossiers du Journal des Tribunaux, 1997;
 Moreau-Margreve, I., Biquet-Mathieu, Ch. et Gosselin, A., Grands arrêts récents 
en matière d'obligations, Actualités du droit, 1997, pages 7 et s.;
Simont, L., De Gavre, J. et Foriers, P.A., Examen de jurisprudence, Les contrats 
spéciaux, R.C.J.B. 1985, 105 à 179; 1986, 317 à 454; 1995, 107 à 228; 1996, 
263 à 385; 1999, 775 à 914;
Stijns, S., Van Gerven, D., Wéry, P., Chronique de jurisprudence, Les obligations: 
les sources (1985-1995), J.T. 1996, pages 689 et s. et Les obligations : le régime
général de l'obligation (1985-1995), J.T. 1999, pages 821 et s.
Van Ommeslaghe, P., Examen de jurisprudence, Les obligations, R.C.J.B. 1986, 
33 à 259 et 1988,33 à l99.
Il s'agit là des principales sources dont les pages qui suivent se sont inspirées.
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Chapitre 2. L'organisation judiciaire
3. Introduction
Il   peut   paraître   prématuré   d'aborder   l'organisation   judiciaire   avant   les   notions
fondamentales de la matière annoncée ci-dessus.
La   présentation   retenue   ici   est   guidée   par   un   souci   de   pragmatisme;   l'expérience
permet de constater qu'elle facilite aux étudiants la lecture et la compréhension du
cours.
Par   ailleurs,   si   l'étudiant   veut   compléter   et   illustrer   son   information   en   suivant
l'actualité, il le fera avec plus de fruit s'il a une connaissance élémentaire de notre
organisation de la justice.
La   Constitution   belge,   Charte   fondamentale   de   l'Etat,   organise   la   séparation   des
pouvoirs, afin de garantir les libertés du citoyen. A côté  du pouvoir législatif et du
pouvoir exécutif, il existe un pouvoir judiciaire indépendant (voy. les articles 36, 37 et
40 de la Constitution).
L'idée de la séparation des pouvoirs est ancienne. Elle est antérieure à Montesquieu et
Rousseau. A l'origine, il est surtout question de deux pouvoirs : " ce serait provoquer
une tentation trop forte pour la fragilité humaine, sujette à l'ambition, que de confier à
ceux-là mêmes qui ont déjà le pouvoir de faire les lois, celui de les faire exécuter "1.
Qu'en est-il de la puissance de juger ? Montesquieu répond que " tout serait perdu si
le   même   homme,   ou   le   même   corps   de   principaux   ou   de   nobles,   ou   du   peuple,
exerçait   ces   trois   pouvoirs   :   celui   de   faire   les   lois,   celui   d'exécuter   les   résolutions
publiques et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers ", mais on est
encore loin cependant de la conception actuelle, car " les juges de la nation ne sont
(...)  que  le  bouclier qui prononce  les paroles  de la loi, des êtres inanimés qui  n'en
peuvent modérer ni la force, ni la rigueur "2.
Aujourd'hui, nous le verrons tout au long des pages qui suivent, le juge joue un rôle
créateur essentiel dans notre système juridique.
1 Locke, cité par A. Juppé, in Montesquieu le moderne, Perrin Grasset 1999, p. 203
2 Montesquieu, L'esprit des lois, cité par Juppé, op. cit., p. 206 et 207.
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4. La pyramide des institutions judiciaires
Cour de cassation
Cour
d’assises
Cour du travail
Cour d’appel
Tribunal de première instance
Tribunal
correctionne
l
Tribunal
civil
Tribunal de
la jeunesse
Juges
des 
saisies
Juges 
fiscau
x
Tribunal
du travail
Tribunal
de commerce
Tribunal de Police
(sections civiles et pénales)
Justice de paix
5. Les acteurs et la terminologie usuelle
A ce stade de l'exposé, la matière doit paraître bien abstraite au lecteur qui la 
découvre.
Tentons   de   la   faire   vivre   par   un   exemple   qui   nous   donnera   l’occasion   de   nous
familiariser avec  la terminologie, le  jargon  juridique  et de  faire  la connaissance  de
certains acteurs de la scène judiciaire.
Monsieur X a donné en location (contrat de bail) un immeuble dont il est propriétaire à
Madame Y. Le loyer mensuel s'élève à 500 euros. Après quelques mois d'exécution du
contrat   à   la   satisfaction   mutuelle   des   parties,   Madame   Y,   qui   vient   de   perdre   son
emploi, éprouve des difficultés à payer les mensualités dues à Monsieur X.
Lorsque   Monsieur   X   constate   que   les   arriérés   de   loyer   atteignent   1500   euros   il
consulte un avocat3, Me W.
Celui-ci va écrire à Madame Y en la sommant (on parle d'une mise en demeure) de
payer les 1500 euros dus dans les huit jours, à défaut de quoi, une procédure sera
engagée sans autre délai.
Huit jours s'écoulent ... la locataire ne réagit pas. Me W va donc entamer la procédure
en justice. 
Comment faire ? A qui s'adresser ? Il faut d'abord déterminer le juge compétent. Le
code judiciaire nous l'indique4 : ce sera un Juge de Paix ..., celui de SPRIMONT puisque,
3 Articles 428 et suivants du code judiciaire
4 Articles 509 et suivants du code judiciaire
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par hypothèse, la maison louée, dans laquelle Madame Y est domiciliée, se trouve à
SPRIMONT.
Il faut ensuite convoquer la locataire à une audience du juge de paix : à cet effet, Me
W s'adresse à un huissier de justice, Me Z et lui demande d'assigner Madame Y, à la
requête de Monsieur X, devant le juge de paix de SPRIMONT, en précisant les motifs
(le   contrat   de   bail   n'est   plus   exécuté)   de   l'action   et   son   objet   (condamnation   du
débiteur   à   payer   les   loyers   arriérés;   d'autres   demandes   seront   certainement
formulées, nous y reviendrons).
L'huissier   se   présentera   chez   Madame   Y   et   lui   remettra   une   assignation   (ou   une
citation) à comparaître tel jour, à telle heure, devant le juge de paix de SPRIMONT,
siégeant à tel endroit.
A   la   lecture   de   cette   citation   (on   utilise   aussi   l'expression   plus   générale   d"'exploit
d'huissier" ou celle moins précise de « pro justitia » Madame Y saura ce que Monsieur
X lui demande et pourra se préparer en vue de l'audience (et par exemple, consulter
elle aussi un avocat).
Aux jour et heure prévus, Madame Y se rend à la Justice de Paix (si elle s'en abstenait,
elle ferait défaut; Me W pourrait néanmoins demander au juge de condamner la partie
défaillante; le juge prononcerait alors un jugement par défaut). A l'audience publique,
le greffier5  du juge appelle l'affaire X contre Y. Me W, mandataire de X et Madame Y
indiquent au magistrat qu'ils sont prêts à s'expliquer. Le juge donnera la parole à la
partie   demanderesse   en  premier.  Me   W  expose  les  faits  de   la  cause,  l'objet  et  les
motifs de la demande et remet au juge le dossier de pièces qu'il avait préparé et dont
il a remis au préalable une copie à Madame Y (ce dossier comporte en l'occurrence le
contrat de bail et la copie de la mise en demeure adressée  à Madame  Y). Le juge
invite   ensuite   la   partie   défenderesse   (ou   le   défendeur)   à   s'expliquer.   Madame   Y
reconnaît qu'elle n'a pas payé trois mois de loyer, mais affirme que c'est en raison des
manquements répétés de Monsieur X qui néglige de réparer la toiture de l'immeuble
loué. Elle n'apporte cependant aucune preuve de ses allégations. Le juge clôture les
débats et prend la cause en délibéré.
Quelques jours plus tard, le greffe de la Justice de Paix adresse aux parties une copie
du jugement. Madame Y est condamnée à payer 1500 euros à Monsieur X, montant à
majorer des intérêts légaux (voir article 1153 du code civil et infra) depuis la date de
la mise en demeure et des frais de justice (spécialement les frais de l'huissier dont le
demandeur a dû faire l'avance); l'argument qu'elle invoquait a été écarté, car aucun
élément n'était produit à l'appui de celui-ci.
Me W écrit à Madame Y, dès réception du jugement et lui demande le paiement des
sommes dues en principal, intérêts et frais. A défaut de paiement dans les huit jours,
l'exécution du jugement sera entreprise. Madame Y fait la sourde oreille ...
Me W devra donc de nouveau s'adresser à l'huissier de justice, Me Z, pour signifier le
jugement à la débitrice. L'huissier retournera donc chez Madame Y pour lui remettre
une copie de la décision la condamnant. A partir de ce nouvel exploit d'huissier, le
délai (un mois en l'occurrence) d'appel court.
5 Articles 260 et suivants du code judiciaire ; le greffier est l'auxiliaire du juge, il siège à la gauche de celui-ci, tient les
procès-verbaux d'audiences, veille à la régularité de la procédure et dactylographie les jugements qui seront envoyés
aux parties, notamment.
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Madame Y s'interroge : faut-il s'incliner, exécuter le jugement ou interjeter appel ? Elle
retrouve dans son bureau la copie de la lettre recommandée qu'elle avait adressée à
Monsieur   X   peu   avant   de   connaître   ses   ennuis   financiers,   lettre   par   laquelle   elle
demandait   au   bailleur   de   remplacer   deux   ardoises   du   toit,   cassées   lors   d'une
bourrasque de vent.
Madame Y prend alors rendez-vous chez l'avocat V. Celui-ci explique à sa cliente que
l'appel   est   possible,   mais   aléatoire;   qu'à   défaut   d'appel,   le   jugement   signifié   va
devenir définitif et pourra faire l'objet d'une exécution forcée : si Madame Y ne paie
pas les sommes dues, Monsieur X pourra faire saisir ses meubles (notamment) et les
faire   vendre   pour   être   payé   (voir   infra,   l'exposé   des   articles   7   et   8   de   la   loi
hypothécaire).
Madame Y donne instruction à Me V d'introduire la procédure en degré d'appel. Me V
va rédiger une requête d'appel motivée qu'il déposera (dans le délai d'un mois précisé
ci-dessus) au greffe du tribunal de première instance (malheureusement, mal nommé
en l'occurrence ...) de LIEGE.
La   requête   sera   notifiée   par   le   Greffe   à   Monsieur   X   et   à   son   avocat,   Me   W,   avec
invitation à comparaître devant la 4ème chambre du tribunal civil de LIEGE, Palais de
Justice, Place Saint Lambert, à telles date et heure.
Au jour dit, Me W comparaît à l'audience : il représente la partie intimée; il sollicite la
remise de la cause à une date ultérieure pour permettre aux conseils des parties (Me
V et lui) d'instruire le litige, d'échanger les pièces et de rédiger des conclusions (écrit
de   procédure   contenant   les   arguments   et   demandes).   Le   débat   doit   en   effet   être
parfaitement contradictoire.
Me V, pour la partie appelante, va adresser son dossier de pièces (contenant la copie
du contrat de bail, la copie de la lettre recommandée demandant le remplacement de
deux ardoises, la preuve de l'envoi par recommandé et des photographies du toit) à
Me   W.   Celui-ci   s'attache   alors   à   la   rédaction   de   ses   conclusions   :   il   va   mettre   en
évidence d'une part la disproportion entre le non paiement de trois mois de loyer et le
défaut de remplacement de deux ardoises cassées, d'autre part le fait que l'argument
paraît avoir  été  soulevé  pour les besoins  de  la cause  et pour tenter de  justifier,  a
posteriori,   les   manquements   de   la   locataire.   Me   W   conclut   à   la   confirmation   du
jugement entrepris et à la condamnation de l'appelante aux dépens d'appel.
Me V prendra des conclusions en réponse : le contrat de bail fait obligation au bailleur
de   réaliser   les   grosses   réparations   et   notamment   les   réparations   de   la   toiture;   les
ardoises cassées ont provoqué d'importantes infiltrations d'eau; la locataire a subi un
trouble   de   jouissance   puisqu'elle   n'a   pas   pu   utiliser   la   chambre   située   sous   le   toit
abîmé depuis la tempête jusqu'à ce jour. Des indemnités sont dues par le propriétaire
de  l'immeuble, qui  doivent se  compenser  avec les loyers impayés; il était légitime
pour la locataire de tenir ce propos au bailleur : "vous n'exécutez pas vos obligations;
je   n'exécute   pas   les   miennes   non   plus".   Me   V   conclut   qu'il   plaise   au   tribunal   de
recevoir son appel et de le déclarer fondé, de réformer le jugement entrepris et de
dire la demande initialement introduite par Monsieur X non fondée.
Le   tribunal   entend   les   parties   à   l'audience   de   plaidoirie   prévue   et   fixe   la   date   du
prononcé du jugement (souvent, un mois plus tard). Cette fois, la partie qui n'aura pas
obtenu satisfaction devra s'incliner devant la décision et l'exécuter6.
6 S'il existe une possibilité de se pourvoir en cassation, l'article 147 de la Constitution énonce que la cour de cassation
ne connaît pas du fond des affaires. Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire. " La Cour de
cassation est chargée, au sommet de la hiérarchie judiciaire, d'une haute mission de contrôle et de coordination. Elle
apprécie la légalité des décisions des juges, elle réprime les violations de la loi commises par les juridictions de l'ordre
13
Le dossier X contre  Y était de la compétence  exclusive du juge de paix, s'agissant
d'une "contestation relative aux louages d'immeubles"7.
Nous aurions pu imaginer un litige commercial opposant un fournisseur impayé à un
commerçant acheteur, contestant la qualité du produit vendu au prix de 10.000 euros.
Le  dossier aurait alors été  soumis au tribunal  de commerce  et les parties auraient
plaidé   devant   trois   magistrats   :   le   président   de   telle   chambre   du   tribunal   de
commerce   (un   magistrat   professionnel),   assisté   de   deux   assesseurs   (les   juges
consulaires8).
Le jugement du tribunal de commerce aurait pu faire l'objet d'un appel, soumis à la
cour d'appel. 
Les   parties   auraient   alors   plaidé   devant   trois   nouveaux   magistrats,   appelés
"conseillers" et dont la décision se nomme "arrêt".
Nous   avons   ainsi   rencontré   la   plupart   des   acteurs   du   monde   judiciaire   en   nous
familiarisant avec la terminologie qu'ils emploient.
6. Doctrine et jurisprudence
Traditionnellement, ces notions sont étudiées dans le chapitre des sources du
a)
droit (après la loi au sens large du terme, la coutume et les traités internationaux).
Mais s'agit-il vraiment en Belgique, aujourd'hui, de sources de règles générales ?
Reprenons d'abord les définitions.
Selon   les   Professeurs   RENARD   et   HANSENNE   (Sources   du   droit   et   méthodologie
juridique,   P.U.L.G.   1973,   pages   52   et   suivantes),   "il   faut   qualifier   de   jurisprudence
toute opinion qui se dégage, sur un point de droit donné, de l'activité judiciaire, cette
opinion résultât-elle d'une seule décision. (...) On entend par doctrine l'ensemble des
écrits   qui   traitent   des   matières   juridiques   de   manière   théorie   ou   synthétique.   La
doctrine   groupe   l'ensemble   de   l'oeuvre   de   ceux   que   l'on   a   coutume   d'appeler   les
auteurs : professeurs, avocats, magistrats, etc... ".
judiciaire. Saisie par un pourvoi, elle ne se prononce pas sur les faits du procès, ceux-ci sont souverainement appréciés
par les juges du fond. Elle ne peut statuer sur le fond de la cause et doit, après une cassation, ordonner le renvoi à la
cour ou au tribunal compétent pour en connaître (...). Néanmoins, si seul le juge du fond constate les faits sur lesquels
il fonde la décision, il revient à la Cour de cassation de vérifier si les conclusions tirées de ces faits au plan juridique
peuvent en être logiquement déduites. Le contrôle de la cohérence de la motivation prolonge celui de la légalité et en
assure l'efficacité " (A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, 1987, page 542).
La Constitution a été modifiée le 16 mai 2000. Jusqu'alors, l'article 147 énonçait que la Cour de cassation " ne connaît
pas du fond des affaires sauf le jugement des ministres ". C'est ainsi que l'on a vu récemment d'anciens ministres
poursuivis devant la cour de cassation (procès INUSOP et AGUSTA - DASSAULT).
7 Selon les termes de l'article 591, 1° du code judiciaire.
8  L'article   205   du   code   judiciaire   stipule   que   "pour   pouvoir   être   nommé   juge   consulaire,   effectif   ou   suppléant,le
candidat doit être âgé de 30 ans accomplis et avoir, pendant 5 ans au moins, avec honneur, exercé le commerce ou
participé soit à la gestion d'une société commerciale ayant son principal établissement en Belgique, soit à la direction
d'une organisation professionnelle ou inter-professionnelle représentative du commerce ou de l'industrie ou avoir de
l'expérience en matière de gestion d'entreprises et de comptabilité. (...)"
14
En Belgique, les  décisions judiciaires n'ont de force obligatoire que pour les
b)
parties au litige (voir les articles 6 et 23 du code judiciaire).
Ainsi, un juge ne sera pas lié par une décision antérieure prononcée par lui-même ou
par   un   autre   juge,   fut-il   membre   d'une   juridiction   "supérieure",   dans   une   espèce
analogue à celle dont il est saisi.
Il   n'empêche   :   si   la   jurisprudence   n'est   pas   source   de   droit,   elle   constitue   une
référence,   une   autorité.   Les   étudiants   le   comprendront   mieux   à   la   lecture   des
chapitres suivants.
La connaissance de la jurisprudence est indispensable aux juristes. Connaître une loi,
mais ignorer son interprétation jurisprudentielle serait dangereux.
Bien souvent, le législateur lui-même tirera profit de la jurisprudence pour compléter,
modifier   ou   améliorer   les   lois,   tandis   que   les   praticiens,   avocats   ou   juristes
d'entreprises,   l'utiliseront   pour   conseiller   plus   efficacement   leurs   clients   ou
employeurs. Et les juges s'appuieront sur elle pour résoudre les dossiers qui leur sont
soumis.
L'intensité de l'autorité d'une décision dépendra de la richesse de sa motivation, de la
juridiction dont elle émane et aussi de son caractère isolé ou au contraire répété.
Nous verrons bientôt que la jurisprudence n'est ni univoque, ni intangible.
Ainsi,   la   cour   d'appel   de   LIEGE   a-t-elle   pu   considérer   qu'un   contrat   relatif   au
placement d'un bingo dans un café est licite, alors que, dans le même temps, la cour
d'appel de MONS déclarait un tel contrat illicite9.
La mission essentielle de la Cour de cassation mérite d'être soulignée ici.
"Le rôle de la Cour est unique et primordial, non seulement parce qu'elle interprète la
loi, mais aussi parce qu'elle peut et doit remplir une mission méta-législative lorsque
la loi comporte des zones d'ombre ou lorsque la portée de la loi doit être précisée ou
lorsque des lacunes doivent être remplies, dès lors que le législateur ne peut prévoir
toutes les implications de ses lois ou parce que certaines matières se prêtent moins à
une   réglementation   stricte   et   complète,   laissant   ainsi   une   place   plus   large   à
l'interprétation.   Les   arrêts   complètent   la   loi   selon   la   formule   du   procureur   général
HAYOIT de TERMICOURT"10.
"La tâche la plus spécifique et, dès lors, la plus importante (de la Cour de cassation)
est (...) d'assurer l'unité de la jurisprudence ainsi que l'évolution du droit et la sécurité
juridique   qui   en   sont   les   corollaires.   A   cet   égard,   le   rôle   de   la   Cour   est   unique   et
irremplaçable : l'interprétation de la règle de droit par le juge de cassation constitue
un point d'appui pour l'ensemble des juges du fond et assure la sécurité juridique à
tous les justiciables "11.
9 Voir infra. Aujourd'hui, l'article 5 de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard
et la protection des joueurs devrait mettre fin à cette discordance puisqu'il stipule : " la nullité des contrats conclus en
vue   de   l'exploitation   des   jeux   de   hasard   et   des   établissements   de   jeux   de   hasard   autorisés   conformément   à   la
présente loi et à ses arrêtés d'exécution ne peut être invoquée en s'appuyant sur le seul motif que ces jeux de hasard
ou ces établissements de jeux de hasard seraient illicites ".
10 Discours prononcé par Monsieur Jean du JARDIN, procureur général près la Cour de cassation à l'audience solennelle
du 3 septembre 2001, J.T. 2001, p. 641 et s.
11 Discours prononcé par Monsieur le procureur général LENAERTS le 2 septembre 1991, cité par Monsieur le procureur
général du JARDIN, op. cit.
15
c)
Quant  à  la  doctrine,  elle  ne  constitue  bien  sûr  pas non  plus  une  source   de
droit. Il s'agit aussi d'une référence et souvent d'une autorité. Celle-ci sera fonction de
l'auteur, de l'ampleur, de l'utilité, de la pertinence de son travail.
La   doctrine   influence   souvent   la   jurisprudence,   mais   l'on   constate   aussi   une
interaction entre elles. 
La doctrine peut aussi susciter des modifications législatives12.
Bref, l'examen de la doctrine et de la jurisprudence est indispensable en toute matière
juridique, quelle que soit la formation de celui qui s'y frotte.
Chapitre 3. Quelques notions fondamentales et principes de
base
7. Le droit
Pris dans  son  sens le plus général, le droit  est un  ensemble  de  règles,  de  normes
sociales   qui   gouvernent, qui  régissent  l'activité  dans  une   société   et  qui   s'imposent
sous l'effet de la contrainte, de la menace de sanctions.
Il s'agit là du droit envisagé du point de vue de son objet: le droit objectif.
Les présentes notes seront consacrées  à l'étude - très succincte  - d'une partie des
règles   de   droit   applicables   aujourd'hui   en   Belgique,   c'est-à-dire   du  droit   positif
belge. Il est à peine besoin de dire que le droit varie dans le temps et dans l'espace.
Ainsi, jusqu'il y a peu, le code pénal belge connaissait la peine de mort 13  qui existe
encore aujourd'hui aux Etats-Unis ou en Chine. S'il y a longtemps que les ordalies et
les   bûchers   réservés   aux   hérétiques   ont   disparu   de   nos   contrées,   les   châtiments
corporels, la torture, la lapidation sont des pratiques légales aujourd'hui dans certains
pays14.
.
Notre examen ne concernera que certaines règles de droit civil, qui est "l'ensemble
des   règles   de   droit   positif   qui   déterminent   la   situation   juridique   de   tous   les
particuliers, sans distinction et qui régit les rapports que ceux-ci peuvent avoir entre
eux"15.
12 Voy. par exemple la proposition de loi tendant à insérer dans le code civil un article 1383bis : Jacques VERHAEGEN,
Vers l'abandon d'une jurisprudence séculaire, à propos de la proposition de loi n° 298/2000 abolissant la théorie de
l'unité des fautes pénale et civile, J.T. 2001, p. 516.
13 La peine de mort a été abolie en Belgique par la loi du 10 juillet 1996, mais si elle était encore prononcée par les
cours d'assises, elle n'était plus exécutée depuis plus de 50 ans. En France, l'abolition date de 1981 et la guillotine a
fonctionné jusqu'alors.
14 Il s'agit là d'exemples de règles de droit pénal.
15 Le droit civil, aussi, bien sûr, varie dans le temps et dans l'espace. Hier, le code Napoléon ne faisait pas la part belle
à la femme, à l'épouse. Aujourd'hui, le concubinage est organisé par la loi. Et depuis la loi du 13 février  2003, le
mariage est ouvert à des personnes de même sexe chez nous. Ici, la polygamie est une infraction pénale ; là, un mode
de vie courant.
16
Cette notion de droit civil et les exemples cités nous font comprendre d'emblée qu'il
existe différentes catégories de règles juridiques applicables à un moment et dans un
endroit donnés.
Les   textes   qui   régissent   le   mariage,   le   divorce,   la   filiation,   ceux   qui   réglementent
l'activité commerciale, ceux qui répartissent les compétences de l'Etat, des Provinces,
des   Communes,   des   Régions   et   des   Communautés,   ceux   qui   interdisent   le   vol,
l'escroquerie   ou   le   meurtre,   ceux   qui   déterminent   les   revenus   imposables   et   le
montant de l'impôt, ... ne sont, de toute évidence, pas du même type.
Les juristes ont donc créé des subdivisions, des classifications : les branches du droit.
Bien sûr, ces classifications revêtent un certain caractère artificiel.
On oppose traditionnellement le droit public au droit privé, les règles qui organisent la
constitution de l'Etat et les rapports entre celui-ci (et ses différents rouages) et ses
citoyens à celles qui régissent les relations entre les particuliers.
Dans   la   première   catégorie,   figurent   notamment   le   droit   constitutionnel,   le   droit
administratif, le droit pénal, le droit fiscal.
Dans   la   deuxième,   notamment,   et   traditionnellement,   le   droit   civil,   le   droit
commercial, le droit des assurances, le droit rural ...
Mais la réalité concrète ne se laisse cependant pas toujours couler dans un moule : il
arrive qu'elle en déborde; aussi, certaines matières du droit relèvent-elles et du droit
privé et du droit public. Les juristes parlent alors de droits mixtes.
Nous n'examinerons, dans les pages qui suivent, que certaines règles de droit privé,
classées   dans   la   branche   appelée   droit   civil.   Celle-ci   fait   l'objet   de   subdivisions   et
notre   étude ne  concernera,  pour l'essentiel, que  la théorie des obligations (le  droit
civil   se   subdivise   en   droit   des   personnes,   droit   des   biens,   droit   des   successions,
donations   et   testaments,   droit   des   obligations   et   droit   des   régimes   matrimoniaux,
essentiellement).
8. Les droits
Nous avons jusqu'à présent envisagé le droit comme un ensemble de normes.
Changeons d'optique. Lorsque l'on dit: le propriétaire a le droit de jouir et de disposer
de   son   bien   de   la   manière   la   plus   absolue,   pourvu   qu'il   n'en   fasse   pas   un   usage
prohibé par les lois ou par les règlements, la victime d'un dommage causé par la faute
d'un tiers a le droit de lui en demander réparation, le locataire d'un appartement a le
droit d'exiger du bailleur qu'il effectue les grosses réparations, le prêteur a le droit de
réclamer   à   l'emprunteur   le   remboursement   du   prêt,   les   parents   ont   le   droit   (et   le
devoir) d'éduquer leurs enfants, ... on envisage le droit du point de vue du titulaire de
celui-ci.   On   parle   alors   de  droits   subjectifs  :   les   facultés,   les   pouvoirs   et   les
prérogatives reconnus par le droit positif aux sujets de droit.
17
Les juristes distinguent, parmi les droits subjectifs, les droits patrimoniaux, ceux qui
ont  une valeur essentiellement pécuniaire et les droits extra-patrimoniaux, qui ont,
eux, une valeur essentiellement morale.
Les   premiers,   au   contraire   des   seconds,   sont   en   principe   cessibles,   saisissables,
transmissibles et prescriptibles16; on y distingue les droits réels, les droits de créance
et les droits intellectuels. Nous réserverons ci-dessous de brefs développements aux
droits réels et aux droits de créance. Les droits intellectuels sont ceux qui portent sur
les   créations   de   l'esprit   (droits   d'auteur,   dessins   et   modèles,   brevets   d'invention,
marques et signes distinctifs ... ).
Quant aux droits extra-patrimoniaux, on citera simplement, pour illustrer cette notion,
quelques exemples : droit au nom, droits  résultant de  l'autorité  parentale, droit  au
respect   de   la   vie   privée,   droit   à   son   image,   droit   au   choix   de   la   forme   de   ses
obsèques, libertés de pensée, d'expression, de culte, d'aller et venir, ...
En résumé, nous pouvons établir une classification sous forme de tableau
a) selon le point de vue
 organisation de la vie en société
o le droit objectif en général
o le droit positif belge
 au regard des titulaires de prérogatives
o les droits subjectifs
b) selon la matière
le droit public
le droit privé
o le droit civil
 extra-patrimonial 
 patrimonial:
les droits réels
les droits de créance
les droits intellectuels
o le droit commercial
o le droit des assurances
o le droit rural, ...
les droits mixtes.
9. Les droits réels
Les   droits   réels,   selon   une   conception   classique,   établissent   un   rapport   entre   une
personne et une chose17. La conception classique fait l'objet de critiques 18; les droits
réels permettent à leur titulaire de retirer tout ou partie de l'utilité que peut comporter
une chose.
16 Ces termes seront explicités au fil des pages qui suivent.
17 En latin, res signifie la chose
18 Voir J. HANSENNE, Introduction au droit privé, Story-Scientia 1990, n° 41 à 48
18
Citons, parmi ces droits : la propriété (art. 544 C.C.), la copropriété (art. 577bis C.C.),
l'usufruit (art. 578 C.C.), l'usage et l'habitation (art. 625 et s. C.C.), les servitudes ou
services fonciers (art. 637 C.C.), la superficie (loi du 10 janvier 1824), l'emphytéose
(loi du 10 janvier 1824). Il s'agit là des droits réels dits principaux.
Ils   sont   opposés   aux   droits   réels   dits   accessoires   (à   un   droit   de   créance),   parmi
lesquels figurent le gage-nantissement (art. 2071 à 2073 C.C.); le gage sur fonds de
commerce (loi du 25 octobre 1919) ou le droit d'hypothèque (art. 41 de la loi du 16
décembre 1851, dite loi hypothécaire, formant le titre XVIII du troisième livre du Code
civil). Ces droits réels accessoires n'ont pas d'existence autonome, au contraire des
droits réels principaux, car ils assortissent une créance dont ils constituent la garantie.
Aux droits réels correspondent des dettes réelles, des charges réelles, des charges qui
grèvent   un   bien,   qui   y   sont   attachées.   Nous   en   verrons   bientôt   une   conséquence
essentielle.
Au contraire des droits de créance, les droits réels sont en nombre limité.
Les   droits   réels   se   caractérisent   par   deux   avantages,   deux   attributs   qui   leur   sont
attachés : le droit de suite (faculté pour le titulaire du droit réel d'exercer son droit sur
la   chose   qui   en   est   l'objet   en   quelque   main   qu'elle   se   trouve;   droit   de   suite   du
créancier  hypothécaire  en cas  de vente de l'immeuble  hypothéqué, du propriétaire
d'une chose volée à l'égard du receleur, du propriétaire d'une chose prêtée à l'égard
des créanciers de l'emprunteur ayant procédé à une saisie mobilière...) et le droit de
préférence   (faculté   d'opposer   le   droit   réel   à   quiconque   sans   subir   la   concurrence
d'autres droits; droit de préférence du créancier hypothécaire à l'égard des créanciers
ordinaires, dits chirographaires, de l'acquéreur d'un immeuble à l'égard du locataire
de cet immeuble - sous réserve notamment de l'application de l'article 1743 C.C., ... ).
Certaines   restrictions   existent   à   l'exercice   de   ces   droits   de   suite   et   de   préférence
(notamment les art. 2279 C.C.; 2219 et s. C.C.; 1 de la loi hypothécaire; ... ).
Compte tenu du cadre restreint du présent ouvrage, nous devrons nous limiter à ce
très superficiel aperçu et renvoyer le lecteur à la doctrine, spécialement à l'ouvrage
de J. Hansenne, déjà cité, n° 39 et s. ; voyez également N. Verheyden-Jeanmart, G.
Coppens et C. Mostin, Examen de jurisprudence, les biens, RCJB 2000, p. 59 et s., p.
291 et s.
10. Les droits de créance
Ce   seront   essentiellement   les   droits   de   créance   qui   retiendront   dorénavant   notre
attention.   Les   titulaires   des   droits   de   créance   se   nomment   créanciers.   Le   droit   de
créance est le pouvoir d'exiger d'une personne l'accomplissement d'une prestation ou
une abstention. A ces droits de créance, correspondent, dans le chef des débiteurs,
des obligations.
Le débiteur a le devoir d'effectuer la prestation (positive ou négative) : il a une dette,
une obligation, dite obligation personnelle.
19
Les   droits   de   créance   existent   en   nombre   illimité   et   l'imagination   des   juristes
s'exprime ici largement.
Les créanciers disposent d'un droit de gage général sur le patrimoine de leur débiteur:
l'article 7 de la loi hypothécaire stipule que "quiconque est obligé personnellement est
tenu   de   remplir   ses   engagements   sur   tous   ses   biens   mobiliers   ou   immobiliers,
présents et à venir". L'article 8 de la même loi ajoute que "les biens du débiteur sont
le gage commun de ses créanciers, et le prix s'en distribue entre eux par contribution,
à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence".
Le droit de gage général est celui dont dispose tout créancier. Il s'agit, en quelque
sorte,   d'un   droit   qui   plane   au-dessus   du   patrimoine   du   débiteur   et   qui   menace
l'ensemble   des   biens   de   celui-ci.   Cette   menace   ne   se   concrétisera   que   lorsque   le
créancier aura pu procéder à des saisies.
Le   créancier   impayé,   pour   autant   qu'il   dispose   d'un   titre   exécutoire   (voir   infra)   -
supposons qu'il ait obtenu un jugement, que le jugement ait été signifié et qu'il n'ait
pas fait l'objet d'un recours - chargera un huissier de justice de saisir (au besoin avec
le concours de la force publique) les biens de son débiteur - par exemple, un divan,
une armoire, des tableaux, une chaîne stéréophonique ... - et de les vendre en vente
publique. Le prix obtenu permettra peut-être le paiement du créancier (après celui des
frais engagés : huissier, serrurier, déménageur, salle de vente, ... ).
Le   créancier   qui   ne   dispose   que   du   droit   de   gage   général   pour   garantir   le
recouvrement de sa créance est dit chirographaire. Nous traiterons, dans le chapitre
relatif   aux   sûretés,   des   créanciers   dont   la   situation   est   plus   favorable   (par   ex.,
créanciers privilégiés, hypothécaires, gagistes, ... ).
Mais le patrimoine n'est-il qu'un ensemble de biens, qu'un ensemble de valeurs, qu'un
actif ? C'est ce qu'il nous faut maintenant préciser.
11. Le patrimoine
La notion de patrimoine peut paraître difficile à appréhender et donc à définir.
En   effet,   le   patrimoine   n'est   pas   seulement   un   ensemble   de   biens   :   il   comporte
également des dettes. Et cet ensemble se modifie sans cesse. Il s'agit d'une masse
mouvante.
Le patrimoine existe indépendamment de son contenu, de ses composantes. Il s'agit
donc plus d'un contenant que du contenu.
Ainsi,   hier,   ai-je   remboursé   la   dette   que   j'avais   à   l'égard   de   tel   fournisseur.
Aujourd'hui, mon patrimoine se compose, pour l'essentiel, d'une part, d'un immeuble
grevé   d'une   hypothèque,   des   meubles   qui   le   garnissent,   d'une   automobile,   de
quelques   économies   placées   à   la   banque   et   d'une   créance   de   réparation   d'un
préjudice qui m'a été causé par une infraction; j'ai d'autre part une dette à l'égard des
sociétés de financement qui m'ont prêté l'argent destiné à acquérir mon immeuble et
mon   véhicule.  Demain, je  vendrai  tel  meuble  ancien  dont  je  suis  propriétaire   et je
20
contracterai en outre un nouvel emprunt afin de faire réaliser certains aménagements
de ma maison. Mon patrimoine varie donc quotidiennement.
Tout   sujet   de   droit,   toute   personne   dispose   d'un   patrimoine   et   d'un   seul   (voyez
cependant l'article 1, al. 2 du code des sociétés qui stipule qu'une société peut être
constituée par un acte juridique d'affectation de biens émanant de la volonté d'une
seule personne; voyez également les articles 793 et suivants du code civil, relatifs à
l'acceptation d'une succession sous bénéfice d'inventaire et spécialement l'article 802
qui   précise   que   le   bénéfice   d'inventaire   a   pour   effet   d'empêcher   la   confusion   des
patrimoines) et le conserve jusqu'à son décès.
Durant toute la vie de son titulaire, ce patrimoine - le contenu de l’"enveloppe" - se
modifie   :   achat   et   vente   de   biens,   héritages,   apurement   de   dettes,   nouveaux
engagements, donations ...
Ces fluctuations ont évidemment une incidence directe sur le droit de gage général
des   créanciers,   puisque   l'assiette   de   ce   droit   de   gage   général   se   modifie.   Les
créanciers devront en principe subir les diminutions de l'actif et les augmentations du
passif   du   patrimoine   de   leur   débiteur.   Ils   pourront   bénéficier   en   revanche   des
accroissements de l'actif et réductions du passif.
La situation du créancier chirographaire n'est pas toujours confortable. Ne disposant
pas d'un droit de suite - au contraire du titulaire d'un droit réel - il devra accepter - en
principe,   et   nous   verrons   plus   loin   des   exceptions   -   que   le   débiteur   cède   un   ou
plusieurs de ses biens qui disparaîtra ainsi de l'assiette de son droit de gage général.
N'étant pas titulaire d'un droit de préférence - au contraire du propriétaire d'un droit
réel - il devra subir les conséquences de l'insuffisance du patrimoine de son débiteur
en venant en concours avec les autres créanciers chirographaires.
Dans ce cas, l'article 8 de la loi hypothécaire s'applique, qui énonce que les biens du
débiteur sont le gage commun de ses créanciers et que le prix s'en distribue entre eux
par  contribution, à  moins  qu'il  n'y  ait  entre  les créanciers  des  causes  légitimes   de
préférence.
Distribution par contribution ou partage au marc le franc, tel est le sort des créanciers
chirographaires   lorsque   le   patrimoine   de   leur   débiteur   est   insuffisant   à   les
désintéresser intégralement tous.
Voici un exemple
Primus est débiteur de Secundus, Tertius et Quartus. La créance de Secundus s'élève
à 60.000 euros. Celle de Tertius à 30.000 euros.
Celle de Quartus à 90.000 euros.
Aucun de ces trois créanciers ne peut faire valoir une cause légitime de préférence.
Ces   trois   créanciers   ont   fait   saisir   et   vendre   les   biens   de   Primus.   Le   produit   de   la
vente, frais déduits, s'élève à 60.000 euros. Cette somme doit être répartie.
Le passif total s'élève à 180.000 euros; l'actif à répartir à 60.000 euros, soit 1/3 du
passif.
La répartition proportionnelle se fera comme suit : chaque créancier recevra 1/3 de sa
créance, soit 20.000 euros pour Secundus, 10.000 euros pour Tertius et 30.000 euros
pour Quartus.
21
La totalité du produit de la vente aura ainsi été distribuée.
Les trois créanciers ont été placés sur un pied d'égalité. Aucun n'a été préféré aux
autres puisqu'ils sont tous trois chirographaires.
Ainsi, le droit de gage général ne constitue-t-il qu'une garantie relativement aléatoire.
Les créanciers souhaiteront donc pouvoir disposer d'une cause légitime de préférence
(aux termes de l'art. 9 de la loi hypothécaire, les privilèges et les hypothèques), d'un
droit réel accessoire, muni comme tel du droit de suite et du droit de préférence.
Une illustration fera comprendre la portée et l'importance de la constatation.
Primus est débiteur de Secundus, Tertius et Quartus.
La   créance   chirographaire   de   Secundus   s'élève   à   60.000   euros.   La   créance
chirographaire de Tertius est de 30.000 euros. Quartus est créancier hypothécaire à
concurrence de 90.000 euros.
Les  créanciers  font saisir et vendre  les biens  de Primus,  en  ce   compris  l'immeuble
hypothéqué.   Le   produit   net   de   la   vente   de   l'immeuble   est   de   60.000   euros.   Celui
résultant   de   la   vente   des   autres   biens,   de   30.000   euros.   Quartus,   créancier
hypothécaire,   dispose   d'une   cause   légitime   de   préférence   et   recevra   la   totalité   du
produit de la vente de l'immeuble, soit 60.000 euros.
Quartus n'est cependant pas totalement désintéressé. Il reste créancier chirographaire
à concurrence de 30.000 euros.
Le solde du passif s'élève ainsi à 120.000 euros, tandis que l'actif à répartir est de
30.000 euros, soit 1/4 du passif.
Chaque créancier chirographaire recevra donc 1/4 de sa créance, soit 15.000 euros
pour Secundus, 7.500 euros pour Tertius et 7.500 euros pour Quartus.
Ce dernier aura donc reçu au total 67.500 euros.
12. Droit de gage général et droit de gage-nantissement
Parmi   les   droits   réels   accessoires,   nous   avons   cité   (supra   n°   9)   le   droit   de   gage-
nantissement.
Il   faut   attirer   l'attention   du   lecteur   sur   le   risque   de   confusion   provoqué   par   la
similitude des termes.
Il ne faut pas confondre le droit de gage général et le droit de gage-nantissement régi
par les articles 2071 et suivants du Code civil.
Le   droit   de   gage   général   est   l'effet   du   droit   personnel   de   créance   du   créancier
chirographaire.   Le   droit   de   gage-nantissement   est   une   sûreté   réelle   (voir   infra).   Il
22
s'agit d'un droit réel accessoire attribué à un créancier sur une chose déterminée qui
lui   a   été   remise   (ainsi,   l'épouse   de   Jean   de   Florette   a-t-elle   remis   son   collier   à   un
prêteur sur gage pour obtenir un prêt d'argent). Ce droit confère à son titulaire des
avantages. Le créancier gagiste a en mains le ou les biens faisant l'objet de son droit
réel accessoire de gage. En cas de concours avec d'autres créanciers du débiteur, il
sera préféré à ceux-ci sur cette partie du patrimoine de celui-ci qu'il détient. Ce droit
de   gage,   en   tant   que   droit   réel,   est   nanti   du   droit   de   suite,   outre   ce   droit   de
préférence.
Lorsqu'il s'agit du droit de gage général, le débiteur garde la possession de ses biens.
Au contraire, le gage-nantissement implique une dépossession.
Le   droit   de   gage   général   n'emporte   pas   de  droit   de  préférence,  à   la  différence   du
nantissement. Les créanciers sont, rappelons-le, soumis à la loi du dividende, à la loi
du concours.
Le droit de gage général n'emporte pas droit de suite, à la différence du nantissement.
Les créanciers ne peuvent saisir que les biens qui se trouvent dans le patrimoine du
débiteur : les créanciers subissent, nous l'avons vu, les fluctuations du patrimoine de
leur débiteur.
Aussi, le droit de gage général n'assure-t-il pas la totale sécurité des créanciers, loin
de là.
La   loi   a   toutefois  prévu   certaines   parades   à   différentes   attitudes   de   débiteurs   peu
soucieux des intérêts de leurs créanciers, et cela, afin  de mieux protéger ceux-ci :
nous   examinerons   plus   loin   l'action   oblique,   l'action   paulienne   et   l'action   en
déclaration de simulation.
Nous nous bornerons à évoquer ici les saisies conservatoires. Elles seront exercées
par les créanciers ne disposant pas d'un titre exécutoire (les titres exécutoires sont,
pour l'essentiel, les décisions de justice, les actes notariés délivrés en grosse et les
actes   authentiques   administratifs   auxquels   la   loi   donne   force   exécutoire   -
avertissement-extrait de rôle et contrainte par exemple -; pour être exécutoires, les
décisions de justice doivent, en principe, être coulées en force de chose jugée. Voir
cependant   le   bénéfice   de   l'exécution   provisoire)   et   à   certaines   conditions   dans   le
détail desquelles nous ne pouvons entrer ici (ces questions relèvent du droit judiciaire
privé19).
Les saisies conservatoires ont pour effet de mettre les biens saisis sous la protection
de la justice : sous peine de commettre une infraction pénale, le débiteur ne peut plus
s'en dessaisir.
Lorsque   le   créancier   disposera   d'un   titre   exécutoire,   il   pourra   procéder   à   la
transformation   de   ces   saisies   conservatoires   en   saisies-exécutions.   Les   biens   saisis
seront alors vendus et le prix distribué.
Soulignons   que  le  créancier   premier   saisissant   ne  dispose  ni  d'un  privilège  ni   d'un
droit de préférence. Le principe reste donc la loi du concours.
19 Voir les ouvrages spécialisés et notamment le Manuel de procédure civile de A. FETTWEIS et le Traité des saisies de
G. de LEVAL
La précarité de la situation des créanciers chirographaires met en lumière l'utilité des
sûretés   (sûretés   réelles,   privilèges,   hypothèques,   gages-nantissements,   gages   sur
fonds de commerce, et sûretés personnelles - cautions, avals, ...; voir infra).
23
13. Le patrimoine au décès de son titulaire. La transmission des droits
et obligations
Qu'advient-il du patrimoine au décès de son titulaire ? Qu'advient-il de l'actif, mais
aussi du passif ?
En principe, toute personne physique peut disposer librement de son patrimoine "pour
le temps où (elle) n'existera plus" en rédigeant un testament (art. 895 C.C.).
La   liberté   de   la   volonté   n'est   cependant   pas   totale,   car   la   loi   protège   certaines
personnes, les héritiers réservataires (art. 913 et s. C.C.), en interdisant au testateur
de disposer de la totalité de ses biens au détriment de ceux-ci. La loi crée une réserve
héréditaire au bénéfice des descendants, des ascendants et du conjoint survivant du
testateur.
Ainsi, si le disposant laisse à son décès deux enfants, n'aura-t-il pu léguer valablement
à d'autres que 1/3 de ses biens : il s'agit là de la quotité disponible.
Lorsqu'aucun testament valable n'existe, la loi règle les divers ordres de succession
(art. 731 et s. C.C.).
Supposons qu'une personne n'ayant pas rédigé de testament laisse à son décès un
seul héritier, par exemple son frère. En principe, le patrimoine du défunt lui échoit.
Est-il tenu d'accepter cette succession ? La question se posera à peine si le défunt
était fortuné. Mais qu'en sera-t-il si celui-ci n'avait que peu de biens et beaucoup de
dettes ?
L'héritier sera-t-il tenu d'accepter un éventuel "cadeau empoisonné" ? Non, il dispose
d'une option :
accepter purement et simplement la succession et dès lors recevoir l'actif, mais
supporter  également le passif  : les deux patrimoines se fondent alors en  un
seul;
refuser   la   succession   (par   exemple   lorsque,   de   toute   évidence,   le   passif   est
supérieur à l'actif); 
accepter la succession sous bénéfice d'inventaire (art. 793 et s. C.C.); dans ce
cas, il n'y a pas confusion des patrimoines (art. 802 C.C.); la loi fixe des délais
pour faire l'inventaire, puis pour délibérer sur l'acceptation ou la renonciation.
Examinons ensuite cet exemple : par testament, Primus lègue tel immeuble à son ami
Secundus et le reste de son patrimoine à son fils unique Tertius. Le legs de l'immeuble
n'excède   pas   la   quotité   disponible   et   Tertius   est   le   seul   héritier   légal   de   Primus.
L'immeuble   légué   à   Secundus   est   grevé   d'une   hypothèque   au   profit   de   Quartus,
créancier de Primus.
Au décès de Primus, Secundus et Tertius acceptent le legs et la succession qui leur
échoient. Quelles en seront les conséquences ?
24
Secundus devient propriétaire de l'immeuble tel qu'il se trouvait dans le patrimoine de
Primus, c'est-à dire grevé d'une hypothèque, d'une charge réelle (charge à laquelle
correspond le droit réel accessoire d'hypothèque dont est titulaire Quartus).
Mais,   soyons   y   attentifs,   Secundus   ne   sera   pas   pour   autant   tenu   de   la   dette
personnelle   qu'avait   feu   Primus   à   l'égard   de   Quartus.   Cette   dette   personnelle   se
trouve aujourd'hui dans le patrimoine de Tertius, patrimoine dans lequel s'est fondu
celui de Primus, à l'exception de l'immeuble légué à Secundus.
Dégageons maintenant les règles qui viennent d'être appliquées.
D'une façon générale - qu'il s'agisse d'une transmission entre vifs (vente ou donation)
ou   à   cause   de   mort   (succession   testamentaire   ou   succession   légale)   -   celui   qui
bénéficie de la transmission d'un droit se nomme ayant cause; celui qui le transmet,
auteur.
On distingue trois types d'ayants cause : les ayants cause universels, à titre universel
et à titre particulier.
Les premiers ont vocation à recevoir la totalité du patrimoine d'un sujet de droit; les
deuxièmes   ont   vocation   à   recevoir   une   quote-part   mathématique   (moitié,   tiers,
quart,   ...)   du   patrimoine   d'un   sujet   de   droit;   les   troisièmes   ne   reçoivent   qu'un   ou
plusieurs biens déterminés.
Soulignons   que   les   transmissions   universelles   et   à   titre   universel   ne   peuvent   se
réaliser que par décès. En revanche, les transmissions à titre particulier se réalisent
entre vifs ou par décès.
Les ayants cause universels et à titre universel, recevant un patrimoine ou une quote-
part   d'un   patrimoine,  sont   tenus   des   dettes   personnelles,  en   proportion   de   la   part
reçue.
Dans   l'exemple   ci-dessus,   Primus   est   l'auteur,   Secundus   l'ayant   cause   à   titre
particulier et Tertius l'ayant cause universel.
L'ayant cause se retrouve dans la situation juridique qui était jusque-là celle de son
auteur. Personne ne pouvant transmettre à autrui plus de droits qu'il n'en a lui-même,
tous les ayants cause seront tenus des dettes réelles, des charges qui grèvent le bien
transmis, qui y sont attachées (ainsi, les hypothèques, les servitudes, les gages sur
fonds de commerce, ... sont-ils transmis avec les biens sur lesquels ils portent). Cette
règle s'applique aux transmissions entre vifs et à cause de mort.
Les dettes personnelles (auxquelles correspondent les droits de créance) ne peuvent
se transmettre qu'au décès du débiteur et exclusivement aux ayants cause universels
et à titre universel. La distinction est donc fondamentale entre les ayants cause à titre
particulier d'une part et les ayants cause universels ou à titre universel de l'autre (voy.
les art. 870 et 871 C.C.).
Deux remarques doivent encore être faites à propos de la transmission des droits (à
cause   de   mort   ou   entre   vifs)   :   les   droits   extra-patrimoniaux   sont   en   principe
intransmissibles   (voir   supra,   n°   8)   et   certains   droits   patrimoniaux   ne   peuvent   être
transmis à cause de mort parce que, par définition, ils s'éteignent au décès de leur
titulaire:   il   s'agit   des   droits   viagers   (ainsi   en   va-t-il   du   droit   d'usufruit   qui   est   au
maximum viager - article 617 C.C. - ou du droit du crédirentier en cas de vente avec
rente viagère).
25
14. La personnalité juridique
La   personne   ou   le   sujet   de   droit   est   un   être   apte   à   la   titularité   de   droits   et
d'obligations.
Parmi   les   êtres   vivants,  l'homme  est  le   seul   à  posséder   la  personnalité   juridique 20.
Mais les hommes ne sont pas les seuls sujets de droit : certains groupements sociaux
ont, en vertu de la loi, la personnalité juridique. On distinguera ainsi les personnes
physiques et les personnes morales.
a)  Tous   les   êtres   humains   sont   des  personnes   physiques.   Leur   personnalité
juridique commence en principe à la naissance et prend fin au décès. Les personnes
physiques   sont   individualisées   par   un   nom   et   un   prénom.   Elles   ont   en   outre   un
domicile, c'est-à-dire le lieu du principal établissement.
Un   ensemble   de   qualités   définit   la   position   d'une   personne   dans   la   Cité,   dans   la
famille et comme individu: c'est l'état des personnes physiques.
Parmi ces qualités constitutives de l'état, citons : la nationalité (belge, français, ... ),
l'état civil (célibataire, marié, divorcé, veuf, ... ), la capacité.
Il   faut   distinguer   la   capacité   de   jouissance   -   aptitude   à   être   titulaire   de   droits   et
obligations - de la capacité d'exercice - aptitude à exercer seul les droits dont on est
titulaire.  Tant pour l'exercice  des droits que pour leur jouissance, la capacité  est le
principe et l'incapacité l'exception. Il ne faut pas confondre la capacité d'exercice qui
est l'aptitude à mettre personnellement en oeuvre des droits dont on est titulaire et le
pouvoir  qui   est   la   faculté   d'agir   pour   le   compte   d'autrui   (voir   infra,   les
développements relatifs au mandat).
Il existe diverses exceptions au principe de la capacité de jouissance et à celui de la
capacité d'exercice.
A   propos   des   premières,   citons   l'article   31   du   code   pénal   qui   stipule   que   la
condamnation à certaines peines graves d'emprisonnement emporte l'interdiction à
perpétuité d'être titulaire de certains droits (droit de remplir des fonctions, emploi ou
office publics; droit d'éligibilité; droit d'être juré ou expert; droit de porter un titre de
noblesse; ... ). Citons encore l'article 727 du code civil qui stipule que "sont indignes
de succéder, et, comme tels, exclus des successions : 1. Celui qui serait condamné
pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt; 2. Celui qui a porté contre le
défunt une accusation capitale jugée calomnieuse, ... ".
20 Cette affirmation n’a pas toujours été vraie : en droit romain, il y a 2000 ans et plus, les esclaves étaient considérés
comme des choses et non comme des personnes.
26
Quant aux  exceptions au principe de la capacité d'exercice, citons les articles
488bis   et   suivants   du   code   civil   relatifs   à   l'administration   provisoire   des   biens
appartenant   à   un   majeur   qui,   en   raison   de   son   état   de   santé,   est   totalement   ou
partiellement hors d'état de gérer ses biens; les articles 489 et suivants du code civil
relatifs   à   l'interdiction   du   majeur   qui   est   dans   un   état   habituel   d'imbécillité   ou   de
démence et qui doit être pourvu d'un conseil; les articles 513 et suivants du code civil
relatifs à la mise sous conseil judiciaire du prodigue; les articles 487 bis et suivants du
code civil relatifs au placement sous statut de minorité prolongée de l'arriéré mental
grave.
La  minorité  constitue  la plus remarquable  des exceptions à la règle de la capacité
d'exercice (voir les art. 371 et s. C.C. relatifs à l'autorité parentale ainsi que les art.
388 et s. C.C. relatifs à la minorité, à la tutelle 21  et à l'émancipation). La loi du 19
janvier 1990, modifiant notamment l'article 388 C.C. a abaissé l'âge de la majorité à
18 ans.
L'incapable   (entendez   "incapacité   d'exercice")   est,   en   principe,   titulaire   de   droits
(dispose   de   la   capacité   de   jouissance)   qu'il   ne   peut   mettre   en   oeuvre   seul;   la   loi
organise   donc   des   procédés   propres   à   assurer   la   vie   juridique   de   l'incapable   :   la
représentation, l'assistance et l'autorisation.
La sanction d'une incapacité d'exercice  est en principe la nullité de l'acte accompli
irrégulièrement.
La matière de la capacité, vaste et complexe, ne peut être examinée ici22.
b)  L'homme   est   un   animal   social,   écrivait   Aristote.   De   tous   temps,   il   a   formé   des
groupes, des groupements. Le droit devait nécessairement prendre en considération
ce phénomène.
Les   ordres   juridiques   reconnaissent   donc   à   certains   groupements   une   personnalité
juridique  distincte  de  celle  des  membres  de  ceux-ci  :  ces groupements deviennent
alors  des personnes  morales  dotées d'un patrimoine propre  et bénéficiant d'une
autonomie de  gestion, d'un pouvoir d'action  propre,  agissant par l'intermédiaire  de
leurs organes.
Il   faut   être   attentif   au   fait   que   tous   les   groupements   ne   jouissent   pas   de   la
personnalité juridique; l'attribution de cette qualité doit procéder de la loi.
On   distingue   les   personnes   morales   de   droit   public   :   l'Etat,   les   Provinces,   les:
Communes, les Régions, les Communautés, les Etablissements publics, les Régies, ...
et   les   personnes   morales   de   droit   privé   les   associations   sans   but   lucratif,   les
établissements   d'utilité   publique   (voy.   La   loi   du   17   juin   192123  accordant   la
personnalité  civile aux associations  sans  but lucratif  et aux établissements d'utilité
publique) et les sociétés commerciales (voir le code des sociétés)24.
21 Voir la loi du 29 avril 2001 " modifiant diverses dispositions légales en matière de tutelle des mineurs ".
22  Voir not. J.P. Masson et N. Massager, Droit des personnes, Chronique de jurisprudence 1994-1998, Les dossiers du
J.T., n°25, Larcier 2000.
23  Modifiée par la loi du 2 mai 2002 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but
lucratif et les fondations. Moniteur belge du 11 décembre 2002.
24 L'article 1 al. 1 du code des sociétés édicte : " une société est constituée par un contrat aux termes duquel deux ou
plusieurs personnes mettent quelque chose en commun, pour exercer une ou plusieurs activités déterminées et dans
le but de procurer aux associés un bénéfice patrimonial direct ou indirect ".
27
15. Naissance des droits subjectifs
Comment naissent les droits subjectifs, quels sont les événements, les situations, qui
les créent, quelles sont leurs sources ?
Une distinction s'impose : la naissance du droit procède-t-elle ou non d'une intention
de produire des effets juridiques ?
Dans le premier cas, le droit subjectif a pour source un acte juridique, c'est-à-dire un
acte accompli volontairement, dans le but de produire des effets juridiques, c'est-à-
dire de faire naître, transmettre, modifier ou éteindre un droit.
Dans le second, le droit subjectif a pour source un  fait juridique, c'est-à-dire un acte
ou un événement de nature à produire des effets juridiques, mais accompli ou réalisé
sans intention juridique, sans intention de produire de tels effets.
Les actes juridiques sont unilatéraux (accomplis par une personne dénommée auteur
de l'acte; par exemple : le testament, la reconnaissance d'un enfant, la renonciation à
un droit, le renvoi pour motif grave d'un travailleur, l'acceptation d'une succession, la
résiliation   unilatérale   –   fautive   ou   non   –   d’un   contrat   ...)   ou   bilatéraux,   voire
multilatéraux   :   il   s'agit   alors   des   contrats   ou   des   conventions,   conclus   par   des
personnes dénommées parties.
Les faits juridiques sont des actes volontaires ou involontaires,  des événements ou
des situations qui produisent des effets de droit sans que cela soit le résultat d'une
intention   :   le   fait   de   frapper   quelqu'un,   d'endommager   par   inadvertance   le   bien
d'autrui, de décéder, de devenir majeur, de voisiner, ...
L'importance   de   la   distinction   faits   juridiques   -   actes   juridiques   nous   apparaîtra.
lorsque   nous   envisagerons   la   matière   de   la   preuve.   En   effet,   puisque   les   actes
juridiques,   procédant   de   la   volonté,   sont   susceptibles   de   faire   l'objet   d'une   preuve
écrite,   ils   devront   en   principe   être   prouvés   par   écrit.   Les   faits   juridiques   seront
prouvés par toutes voies de droit, y compris les témoignages et les présomptions (voir
infra).
Constatons qu'un acte juridique peut exister indépendamment d'un écrit. L'existence
de l'acte n'est en principe pas subordonnée à la réalisation d'un écrit, mais celui-ci
sera souvent nécessaire pour prouver l'existence de l'acte juridique.
Développons ce principe à propos des actes juridiques bilatéraux.
Des contrats sont conclus tous les jours de façon parfaitement valable, sans qu'aucun
écrit ne soit dressé. Que l'on songe simplement aux achats quotidiens (contrats de
vente), aux travaux effectués par les garagistes (contrats d'entreprise), aux transports
en commun (contrats de transport), ...
Une confusion est souvent commise, dans le langage courant, où l'on parle de contrat
en  pensant "contrat écrit". Les romains, dont le système juridique perfectionné est
28
l’un des fondements de notre droit civil, distinguaient le  negotium, l'acte juridique,
l'opération en elle-même et l’instrumentum, le document qui constate celle-ci.
Ces termes conservent leur actualité et facilitent la distinction essentielle à opérer.
Le negotium existe valablement, en principe, sans qu'il soit nécessaire de rédiger un
instrumentum.   Mais   un   instrumentum   sera   utile,   voire   nécessaire   pour   prouver
l'existence du negotium en cas de contestation.
Voici   un   exemple   :   Primus   conclut   avec   Secundus,   propriétaire   d'une   maison   à   la
campagne,   l'accord   suivant:   Primus   occupera   à   titre   de   résidence   secondaire,   la
maison que met à sa disposition Secundus, contre paiement mensuel de 500 euros,
cela à partir du 1er  janvier 2004 et jusqu'au 31 décembre 2005. Un bail verbal a été
conclu. Si un litige surgit, dans le cours de l'exécution du contrat, relatif à la durée de
cette location, le problème de la preuve va se poser. Quel était le contenu de l'accord
des   parties   ?   Comment   convaincre   le   juge   saisi   du   dossier   du   bien-fondé   de   ses
prétentions ? Quelles sont les règles qui gouvernent la matière de la preuve ? Ah, si
les parties avaient pris la précaution de rédiger un instrumentum ...
L'écrit aura donc, de toute évidence, un rôle probatoire à jouer. Mais il y a plus.
16. Les formalismes
Nous venons de voir un principe essentiel de notre droit des contrats, et dont nous
reparlerons   : le  consensualisme  (le  seul  accord  des volontés donne naissance  au
contrat). Il n'est pas nécessaire que l'accord des parties soit réalisé dans des formes
particulières   pour   que   le   contrat,   le   negotium,   soit   valable.   Mais   à   cette   règle   de
principe existent des exceptions.
Certains textes de loi imposent la rédaction d'un écrit (acte authentique ou acte sous
seing privé) pour que tel contrat soit valablement formé. Dans ce cas, l'écrit constitue
une   condition   de   validité   de   la   convention   (voir   par   exemple   l'article   1392   C.C.   et
l'article 76 de la loi hypothécaire ; les contrats de remplacement intérimaire ou les
contrats   de   travail   d’étudiants   doivent   être   constatés   par   écrit).   On   parle   de
formalisme de validité.
Si le contrat ne se réalise pas dans la forme prescrite par la loi, il sera annulable.
D'autres   dispositions   prescrivent   des   formes   à   respecter   dans   la   rédaction   d'un
instrumentum pour que celui-ci puisse constituer une preuve écrite valable en tant
que telle. Il s'agit d'un formalisme probatoire (voir les articles 1325 et 1326 C.C.).
Enfin, il existe des règles imposant un formalisme d'opposabilité. Un contrat peut
être valable entre parties sans qu'aucune forme soit prescrite, mais il n'existera aux
yeux des tiers que lorsqu'une formalité aura été réalisée qui le leur rendra opposable.
Un exemple fera comprendre ce mécanisme
Primus vend son immeuble à Secundus. Acheteur et vendeur se mettent d'accord sur
le prix et la chose. La vente est réalisée (art. 1138 et 1583 C.C.). Le negotium existe
29
dès l'échange des consentements, quand bien même aucun instrumentum n'aura été
dressé. Voilà Secundus devenu propriétaire de l'immeuble ... Mais cependant, pas aux
yeux   de   tous.   Une   formalité   doit   être   accomplie   pour   que   Secundus   devienne   le
propriétaire à l'égard des tiers au contrat : l'article 1 de la loi hypothécaire dispose
qu'un acte translatif (notamment) de droits réels immobiliers ne peut être opposé aux
tiers de bonne foi que lorsqu'il aura été transcrit dans un registre ad hoc du bureau de
la conservation des hypothèques.
Supposons que la formalité d'opposabilité n'ait pas été réalisée et que Primus, peu
scrupuleux, vende une deuxième fois son immeuble, à Tertius, qui ignore l'existence
de   la   première   vente.   Secundus   ne   pourra   pas   se   prévaloir   de   sa   qualité   de
propriétaire à l'égard de Tertius : la première vente n'est pas opposable à celui-ci. Si
Tertius   fait   transcrire   à   la   conservation   des   hypothèques   son   titre   translatif   de
propriété,   il   deviendra,   aux   yeux   de   tous,   le   propriétaire   de   l'immeuble.   Secundus
disposera d'un recours contre Primus, mais il ne pourra espérer que des dommages et
intérêts.
Nous examinerons plus loin les effets des contrats entre parties et à l'égard des tiers
et nous reviendrons sur le principe de l'opposabilité des contrats aux tiers et sur les
exceptions imposant le respect d'un formalisme d'opposabilité.
17. La preuve
a) Introduction
En justice, nul n'est, en règle, cru sur parole. Chacun doit démontrer le bien-fondé de
ses demandes, de ses affirmations.
Prouver, c'est établir la réalité d'une prétention; c'est fournir au juge appelé à trancher
la   contestation,   des   éléments   de   conviction   susceptibles   d'établir   légalement   le
fondement de l'allégation d'un droit.
L'article   870   du   Code   judiciaire   édicte   que   "chacune   des   parties   a   la   charge   de
prouver les faits qu'elle allègue". L'article 1315 du Code civil énonce, de façon moins
générale,   la   même   règle   :   "celui   qui   réclame   l'exécution   d'une   obligation,   doit   la
prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le
fait qui a produit l'extinction de son obligation".
La matière de la preuve apparaît donc d'emblée essentielle : celui qui ne peut prouver
l'existence   et   le   contenu   du   droit   dont   il   se   prétend   titulaire   sera   dans   la   même
situation que s'il n'avait pas le droit invoqué.
Nous  donnerons,  dans  les  lignes  qui   suivent,  un   aperçu  de  la  preuve  en  droit   civil
belge.   Il   existe  d'autres  règles  de   preuve,  en   droit  commercial,  fiscal   ou   pénal   par
exemple.
Le Code civil a déterminé les procédés de preuve recevables et leur force probante,
leur force de conviction (voy. les art. 1316 et s. C.C.) : on parle de système de preuve
légal.
30
Par ailleurs, un procédé de preuve ne peut être utilisé que s'il est licite. Ainsi, une
pièce   produite   en   violation   du   secret   professionnel   devrait-elle   être   écartée   des
débats.
Une   autre   règle   essentielle   assure   la   loyauté   du   procès   civil   et   la   bonne   foi   des
débats : tous les éléments de preuve invoqués par une partie au litige doivent pouvoir
être examinés et discutés par les autres parties.
Si   chacun   a   la   charge   de   prouver   les   faits   qu'il   allègue,   en   pratique,   on   constate
souvent une "collaboration" des parties à la preuve en justice.
Il vaut en effet mieux « empêcher une conviction de se former que de renverser une
conviction qui a déjà pris corps ».
La   détermination   des   éléments   à   prouver   appartient   aux   parties   litigantes   qui
circonscrivent les limites de leur litige et le juge ne pourrait exiger la preuve d'un droit
ou d'un fait qui ne ferait pas l'objet d'une contestation.
Cependant, le juge civil ne se cantonne pas dans un rôle passif d'arbitre : le Code
judiciaire l'investit de pouvoirs importants. 
Il peut ordonner à toute partie litigante, voire à des tiers, de produire les éléments de
preuve   dont   ils   disposent   (art.   871   et   878   C.J.),   requérir   le   ministère   public,   dans
certains cas, de recueillir des renseignements sur des objets limitativement précisés
(art. 872 C.J.), ordonner d'office la tenue d'une enquête (art. 916 C.J.), charger des
experts de procéder à des constatations ou de donner un avis d'ordre technique (art.
962   C.J.),   ordonner   d'office   la   comparution   personnelle   des   parties   (art.   992   C.J.),
ordonner d'office une descente sur les lieux (art. 1007 C.J.), ...
b) Les modes de preuve
L'article 1316 du Code civil énumère les modes de preuve (en droit civil, cela va de
soi) : preuve littérale (par écrit), testimoniale, présomptions, aveu et serment.
1. La preuve écrite
Il ne s'agit ici que des écrits établis en vue de servir de preuve préconstituée. Ne sont
donc pas visés les écrits qui constituent en réalité des aveux ou des témoignages. Il
existe deux catégories de preuve écrite : les  actes sous seing privé  et les  actes
authentiques.
Les   premiers   sont   rédigés   et   signés   par   les   particuliers.   La   signature   permet
l'identification de l'auteur, des parties ou des représentants et traduit l'adhésion du
signataire à l'acte.
31
La loi du 20 octobre 2000 a introduit un alinéa 2 à l'article 1322 C.C., ainsi rédigé :
"peut satisfaire à l'exigence d'une signature, pour l'application du présent article, un
ensemble   de   données   électroniques   pouvant   être   imputées   à   une   personne
déterminée et établissant le maintien de l'intégrité du contenu de l'acte".
En principe, la signature suffit pour que l'écrit constitue, au sens juridique du terme,
un acte sous seing privé. Nous connaissons cependant déjà l'existence d'exceptions à
cette règle : les articles 1325 et 1326 du Code civil (il s'agit là d'exceptions de taille; si
l'instrumentum   ne   respecte   pas   le   prescrit   de   ces   articles,   la   sanction   en   sera   la
nullité; cette nullité ne sanctionne que l'instrumentum, mais non le negotium). L'acte
sous seing privé a donc un rôle probatoire, mais il peut arriver que la rédaction d'un
écrit sous signature privée soit une condition de validité d'un acte juridique ou encore
une   condition   de   l'opposabilité   de   l'acte   juridique   aux   tiers   (voir   par   exemple   les
articles 2074 et 2075 C.C. relatifs au contrat de gage).
A propos de l'opposabilité, il nous faut encore préciser que  la date  des actes sous
seing privé ne sera opposable aux tiers que si elle est certaine (voy. l'art. 1328 C.C.).
Les actes authentiques sont les actes écrits, dressés et signés par un officier public
dans   le   lieu   et   dans   les   cas   où   la   loi   lui   permet   d'instrumenter,   et   respectant   les
solennités requises (voy. l'art. 1317 C.C.).
Parmi les officiers publics, citons les notaires, les juges, les greffiers, les huissiers de
justice, les officiers d'état civil.
L'acte   authentique   a   un   rôle   probatoire,   mais   il   peut   aussi   être   requis   comme
condition   de   validité   de   l'acte   juridique   ou   comme   préliminaire   à   la   formalité
d'opposabilité de l'acte juridique aux tiers (voir supra n° 16).
Quelle est la force probante des écrits, leur force de conviction ?
La réponse varie selon qu'il s'agit d'un acte sous seing privé ou d'un acte authentique,
que l'on envisage la provenance, le contenu ou la date de l'acte (voy. les art. 1319 et
s. C.C.; voy. également J. Hansenne, op. cit., 193 et s.).
2. Les témoignages
Il   s'agit   de   déclarations   de   personnes   qui   relatent   des   faits   dont   elles   ont   eu
connaissance personnellement.
Le témoignage peut être oral ou écrit.
Sa force probante sera appréciée librement et souverainement par le juge.
3. Les présomptions
32
Une   distinction   s'impose   :   l'article   1349   du   Code   civil   énonce   en   effet   que   "les
présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à
un fait inconnu".
La présomption légale, conséquence que la loi tire d'un fait connu à un fait inconnu,
dispense d'apporter une preuve difficile à établir - celle du fait inconnu - pour autant
que   l'on   établisse   se   trouver   dans  la  situation  prévue   par  la  loi,  que  l'on  établisse
l'existence du fait connu (voy. l'art. 1352, al. 1 C.C.).
Illustrons le propos.
La paternité n'est pas aisée à prouver. La loi édicte donc une présomption : l'article
315 du Code civil stipule que "l'enfant né pendant le mariage ou dans les trois cents
jours qui suivent la dissolution ou l'annulation du mariage, a pour père le mari". Le
père   prétendu   n'aura   qu'à   établir   qu'il   était   le   mari   de   la   mère   au   moment   de   la
naissance ou au moment de la conception (voy. à ce sujet l'art. 326 C.C. qui édicte
une autre présomption, celle-là relative à la période de conception).
Deux types de présomption légale existent : celles qui ne souffrent aucune preuve
contraire, les présomptions irréfragables (voy. par ex. les articles 1384, al. 3 et 1282
C.C.)   et   celles   dont   la   preuve   contraire   peut   être   apportée,   les   présomptions
réfragables (voy. notamment les articles 1384, al. 2, 4 et 5; 1283, 653, 326 et 315
C.C.).
Les  présomptions  qui  ne  sont point établies par  la loi, dénommées  présomptions
humaines  sont celles qui résultent des indices soumis au juge par les parties. Elles
sont, aux termes de l'article 1353 du Code civil , abandonnées aux lumières et à la
prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et
concordantes.
Le Code utilise le pluriel, mais n'interdit cependant pas au juge de se fonder sur une
présomption unique. Le pouvoir d'appréciation de celui-ci est souverain.
Les présomptions humaines constituent une "catégorie ouverte" qui peut accueillir les
modes de preuve nouveaux généralement issus des évolutions techniques (songeons
aux   photocopies,   aux   enregistrements   de   sons   et   d’images   fixes   ou   animées,   aux
télex, aux téléfax,... ), lorsqu’ils ne font pas l’objet de législations spécifiques 25. 
4. L'aveu
25  Voyez   par   exemple   la  loi  du   11   mars   2003 :   « Loi   sur   certains   aspects   juridiques   des   services  de  la   société   de
l’information », en particulier les articles 16 et 17. Sur cette loi, voyez ci-après : d) Preuves et nouvelles technologies,
une matière en pleine évolution ; et le n°28bis « Conclusion de contrats par voie électronique ».
Voir également les actes du Colloque de la Faculté de Droit de l’Université de Liège et la Conférence Libre du Jeune
Barreau de Liège le 19 avril 2001, « Le commerce électronique : un nouveau mode de contracter ? », Editions du Jeune
Barreau  de Liège 2001  et spécialement  la contribution de Pascale Lecocq, « La preuve du contrat conclu  par voie
électronique ».
33
Il   s'agit  de  la  déclaration   par  laquelle  une  personne  reconnaît   pour vrai  et  comme
devant être tenu pour avéré à son égard un fait de nature à produire contre elle des
conséquences juridiques.
Cette déclaration doit être volontaire : le silence conservé par une partie à l'encontre
d'une affirmation faite par l'autre partie n'emporte pas l'aveu de l'exactitude de cette
affirmation.
L'aveu qui est opposé à une partie est ou extra judiciaire ou judiciaire (art. 1354 C.C.).
Le premier, fait en dehors du prétoire, écrit ou verbal et, dès lors, dans ce cas, établi
par témoignage, ne lie pas le juge.
Le second, fait devant le juge, lie celui-ci.
5. Le serment
Le   serment   judiciaire,   l'affirmation   solennelle   de   la   véracité   d'un   fait,   est   de   deux
espèces (art. 1357 C.C.)
Celui qu'une partie défère à l'autre pour en faire dépendre le jugement de la cause; il
est appelé décisoire ou litisdécisoire. Sa force probante est absolue.
Celui qui est déféré d'office par le juge à l'une ou à l'autre des parties; il est appelé
supplétoire. Le juge en appréciera souverainement la valeur et la force probante (voy.
les art. 1358 et s. C.C.)26.
c) Recevabilité des procédés de preuve
Les modes de preuve que nous venons de passer en revue ne peuvent être utilisés
dans tous les cas. Le code édicte des règles de recevabilité. Nous savons déjà (supra
n°  15)  qu'en  principe   un   acte   juridique  doit  être   prouvé   par  écrit tandis  qu'un   fait
juridique   peut   être   prouvé   par   toutes   voies   de   droit,   c'est-à-dire   notamment   par
présomptions et témoignages.
Cette règle essentielle figure dans l'article 1341 du Code civil : "Il doit être passé acte
devant notaire ou sous signature privée, de toutes choses excédant une somme ou
valeur de 375 euros. (...)".
Les actes juridiques d'une valeur supérieure à 375 euros doivent donc être prouvés en
principe par écrit, le cas échéant, en respectant le prescrit des art. 1325 et 1326 C.C.
Ils peuvent cependant l'être également par aveu judiciaire, aveu extra judiciaire écrit
ou serment litisdécisoire.
26  Voyez   par   exemple   l'article   2275   C.C.   :   "néanmoins,   ceux   auxquels   ces   prescriptions   seront   opposées,   peuvent
déférer le serment à ceux qui les opposent, sur la question de savoir si la chose a été réellement payée. Le serment
pourra   être   déféré  aux   veuves   et   héritiers,   ou   aux   tuteurs   de  ces   derniers,   s'ils   sont   mineurs,   pour   qu'ils   aient   à
déclarer s'ils ne savent pas que la chose soit due".
34
Les   autres   actes   juridiques   et   les   faits   juridiques   peuvent   être   prouvés   par   toutes
voies de droit (c'est-à-dire par tous les procédés énumérés à l'article 1316 C.C.). La
force de conviction sera fonction du procédé invoqué.
Bien sûr, nous en avons maintenant l'habitude, à toute règle de principe, il existe des
exceptions.
Les   articles   1347   et   1348   du   Code   civil   édictent   que   les   règles   vues   ci-dessus
reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit (c'est-à-
dire "tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée,
ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué", selon les termes
de l'article 1347, al. 2 C.C.) ou lorsqu'il y a eu impossibilité matérielle, ou morale, de
se constituer une preuve écrite. Dans ces cas, la preuve pourra être rapportée par
toutes voies de droit.
Il faut encore relever que les règles de la preuve n'étant pas d'ordre public, le juge ne
pourra pas, d'office, soulever un moyen d'irrecevabilité de procédé  de preuve et le
défendeur pourra ne pas invoquer ce moyen.
Une remarque encore : les tiers, n'ayant pas eu l'occasion de se préconstituer une 
preuve écrite de l'acte auquel ils ne sont pas - par définition - partie ou dont ils ne 
sont pas l'auteur, pourront établir l'existence de cet acte par toutes voies de droit.
d) Preuves et nouvelles technologies, une matière en pleine évolution.
L'évolution   technologique   de   ces   dernières   années   a   profondément   modifié   nos
pratiques. 
Comment les auteurs du Code civil auraient-ils pu, en 1804, imaginer des contrats
conclus par fax, des commandes passées par courrier électronique, des confirmations
par SMS ?
Dans une économie globalisée, le recours aux services de la société de l'information
constitue   un   enjeu   important   pour   nos   entreprises.   Ainsi,   la   directive   européenne
2001/31 du 8 juin 200027, transposée en droit belge par la loi du 11 mars 200328 sur
« certains   aspects  juridiques des services  de  la  société   de   l'information  »,  dessine,
avec la loi du 9 juillet 2001 sur la signature électronique et la loi du 14 juillet 1991 sur
les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, le
cadre juridique de cette activité29.
Certaines de ces dispositions seront abordées dans le cadre de ce cours :
dans la présente section consacrée aux preuves,
dans la section 28bis sur la conclusion de contrats par voie électronique,
27 J.O., 17 juillet 2000, L. 178, p.1.
28 M.B., 17 mars 2003, p. 12962.
29 Laquelle sera examinée plus en détails dans le cadre du cours de Droit commercial, en deuxième candidature.
35
Au niveau de la preuve, le formalisme strict du code est adapté pour certains contrats
conclus dans le cadre de la loi du 11 mars 2003.
En effet :
   « Article   16.  §   1er.   Toute   exigence   légale   ou   réglementaire   de   forme   relative   au
processus   contractuel  est   réputée   satisfaite  à   l'égard   d'un   contrat   par   voie
électronique lorsque les qualités fonctionnelles de cette exigence sont préservées.
  § 2. Pour l'application du § 1er, il y a lieu de considérer :
que l'exigence d'un écrit est satisfaite par une suite de signes intelligibles et
accessibles   pour   être   consultés   ultérieurement,   quels   que   soient   leur
support et leurs modalités de transmission;
que   l'exigence, expresse  ou tacite, d'une  signature  est satisfaite  dans  les
conditions prévues soit à l'article 1322, alinéa 2, du Code civil, soit à l'article
4, § 4, de la loi du 9 juillet 2001 fixant certaines règles relatives au cadre
juridique pour les signatures électroniques et les services de certification;
que l'exigence d'une mention écrite de la main de celui qui s'oblige  peut
être satisfaite par tout procédé garantissant que la mention émane de ce
dernier. (…) »
Cet   ensemble   de   présomptions   permet   de   transposer   des   qualités   fonctionnelles
caractérisant   un   dispositif   électronique   en   éléments   susceptibles   de   rencontrer   les
exigences formelles, légales ou réglementaires, notamment en matière de preuve.
Tous les contrats ne sont pas visés par cette disposition car deux séries d’exclusions
de nature très différentes peuvent être déduites du dispositif : 
d'une   part   la   loi   ne   vise   que   des   conventions   conclues   par   ou   avec   des
prestataires   de   services   agissants   dans   la   sphère   de   leurs   activités
professionnelles30 et ce moyennant une contrepartie économique
d'autre   part,   des   catégories   entières   de   contrats   sont   explicitement   exclues
(article 17) :
1° les contrats qui créent ou transfèrent des droits sur des biens
immobiliers, à l'exception des droits de location;
2°   les   contrats   pour   lesquels   la   loi   requiert   l'intervention   des
tribunaux, des autorités publiques ou de professions exerçant une
autorité publique;
3° les contrats de sûretés et garanties fournis par des personnes
agissant à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de leur activité
professionnelle ou commerciale;
4°   les   contrats   relevant   du   droit   de   la   famille   ou   du   droit   des
successions. 
Un contrat conclu par courrier électronique entre deux particuliers pour la vente d'une
voiture d'occasion n'est dès lors pas visé par la loi, et les exigences formelles de l'écrit
(articles 1341 C.C., 1325 C.C., ...) restent d'application.
L’adaptation   du   formalisme   probatoire   aux   nécessités   du   commerce   électronique
30 BIQUET-MATHIEU C., Contrat à distance et protection du consommateur, CUP n°64, septembre 2003, p. 22.
36
pourrait   donner   le   sentiment   que   les   conventions   conclues   dans   ce   cadre   ne
bénéficieraient   pas   d’une   sécurité   juridique   équivalente   à   celle   des   conventions
classiques.   
Il   n’en   n’est   rien,   car,   s’adressant   aux   prestataires   de   services   de   la   société   de
l'information   dans   la   sphère   de   leurs   activités   professionnelles,   le   législateur   a   pu
exiger de ceux-ci qu'ils délivrent des informations spécifiques 31 (article 7 de la loi du
11   mars   2003)   et   adoptent   une   « procédure   de   commande   contractuelle »
particulière32 (article 10), tout en précisant, par ailleurs, que la charge de la preuve de
leur   réalisation   incombe   à   ces   mêmes   prestataires   et   non   aux   consommateurs
particuliers (article 12).
*
*      *
31 Voyez à ce sujet infra n° 38a
32 Voyez à ce sujet infra n° 28bis
37
Illustrations de la partie I. Introduction générale.
1. Droit réel -propriété -revendication - manoeuvre frauduleuse du débiteur.
Jugement du Juge des Saisies de Liège du 31 octobre 1994 (R. G. 92/3953)
Attendu que la demanderesse revendique la propriété des objets mobiliers saisis le 13
septembre 1991 à la requête du receveur du premier bureau des recettes de la T. V.A.
de Liège dans le cadre d'une exécution à charge du défendeur Joseph P. ;
Attendu qu'elle se fonde sur une facture du 10 avril 1987 (...) émanant du débiteur et
par   laquelle   celui-ci   vend   à   la   demanderesse   différents   objets   mobiliers   pour   la
somme de 100.000F;
Attendu qu'il est exact que la jurisprudence admettait le principe d'une telle vente ;
Attendu qu'en ce qui concerne la destination du prix aux créanciers, la demanderesse
fait   valoir   qu'en   1987,   le   débiteur   n'avait   pas   de   créanciers;   qu'en   admettant   ce
postulat, on n'aperçoit pas dès lors pourquoi le débiteur aurait vendu à sa concubine
son mobilier dans lequel ils vivaient tous les deux; qu'une telle opération est vide de
sens et que la seule explication est que le débiteur avait bien des créanciers et que la
vente avait pour but de créer son insolvabilité mobilière ;
Attendu   que   la   vente   du   10   avril   1987   apparaît   dès   lors   comme   fictive   et   que   la
facture produite n'a guère de force probante;
Par ces motifs,
Nous, (...),juge au Tribunal de première instance séant à Liège, juge des saisies à ce
Tribunal, assisté de (...), greffier,
Statuant contradictoirement,
Disons l'action en revendication recevable, mais non fondée ;
En déboutons la demanderesse et la condamnons aux dépens, liquidés à (...)F (... ) "
2. Droit de gage-nantissement
Règlement organique du Mont de Piété de la ville de Bruxelles (tel qu’il existait en
2000)
Article 1 : le Mont de Piété est un établissement public à caractère social qui a pour
objet notamment l'octroi de prêts nominatifs sur nantissements de valeurs et objets
mobiliers réputés appartenir au déposant.
Article 2 : dans le cas des demandes de prêts sur valeurs mobilières, le Mont de Piété
prête exclusivement sur les valeurs émises ou garanties par l'Etat, les Communautés,
les Régions, les Provinces et les Communes (...).
38
Article 3 : sont exceptés du nantissement permis
les objets dont la valeur estimative ne permet pas de prêter au minimum 1.000 F
indexés (...).
Les outils des ouvriers
Les armes et les effets d'équipement appartenant notamment à des militaires, des
gendarmes, des douaniers ...
Article 5 : toute opération doit être effectuée par une personne majeure capable ou
par un mineur émancipé.
Article   8   :   les   objets   présentés   en   nantissement   sont   reçus   sur   l'estimation   des
appréciateurs. Les prêts sur les objets d'or, d'argent et les bijoux ne peuvent excéder
les   4/5   de   la   valeur   estimée   en   vente   publique.   Pour   tous   les   autres   objets,   cette
limite est réduite aux 2/3.
Article 17: la durée initiale des prêts est fixée à six mois.
Article   24:   à   l'expiration   du   délai   de   validité   des   prêts,   hormis   prolongation   ou
renouvellement, le Mont de Piété procède à la vente des objets engagés. (...)
3. Vente - ventes successives d'un même immeuble - acquéreur de bonne foi
- Article 1 de la loi hypothécaire
Jugement du Tribunal de Première Instance de Bruxelles, 9 avril 1991 (J. T. 1991, page
620)
" (...) Règlement du conflit entre les deux ventes.
Attendu   que   les   deux   ventes   du   même   bien   intervenues   le   5   septembre   1988   au
profit de M. Louis et le 13 octobre 1988 au profit de la sprl Roosevelt, étant parfaites,
il convient de décider laquelle des deux doit être préférée à l'autre; Attendu que ni
l'antériorité ni la bonne foi ne permettent de trancher le nceud gordien posé par le
cas d'espèce;
Que, d'une part, en effet, on peut se poser la question de savoir qui fut réellement le
premier parmi les acheteurs puisque, si M. Louis signa un compromis cinq semaines
avant la levée d'option de la sprl Roosevelt, le droit de celle-ci à exercer cette option
et à acquérir le bien préexistait ;
Que, d'autre part, il fut relevé ci-avant que M. Louis n'était pas de mauvaise foi lors de
la  signature  du  compromis,  ignorant tout du pacte  de préférence conféré à la sprl
Roosevelt. 
Inversément,   il   ne   saurait   être   reproché   à   celle-ci   d'avoir   levé   l'option   tout   en
connaissant   l'existence   d'un   compromis   antérieur   puisqu'elle   fut   expressément
invitée à exercer son droit de préférence par le vendeur et que l'existence d'un autre
amateur   et   même   d'un   compromis   était   précisément   prévue   par   le   pacte   de
préférence et faisait partie du mécanisme imaginé par les parties dans l'article 12 de
l'acte du 29 janvier 1987 qui énonce: " tout compromis de vente sera notifié ...délai
de trente jours pour faire connaître leur adhésion audit compromis... " ;
39
Qu'en levant l'option le 13 octobre 1988, la sprl Roosevelt était, dès lors, elle aussi de
bonne foi et ne faisait que faire jouer légitimement le mécanisme conventionnel de
l'article 12 précité qui supposait l'existence d'un compromis conclu avec un tiers ;
Attendu que la solution ne peut être trouvée que dans les formes de publicité des
mutations immobilières organisées par la loi hypothécaire;
Qu'en effet, seule la transcription, prescrite par l'article ler de cette loi, de l'une des
deux ventes, peut servir de critère permettant de départager les parties, toutes deux
de bonne foi et titulaires d'un droit réel immobilier valide;
Que l'on ne décèle en l'espèce nulle fraude dans le chef de la sprl Roosevelt qui était
de bonne foi lors de la naissance de son droit et s'est ensuite bornée à faire transcrire
son   titre,   antérieurement   à   celui   de   M.   Louis,   faisant   ainsi   jouer   à   son   profit   la
protection légale qui était, du reste, à la portée des deux parties, mais ne bénéficie
qu'à la plus diligente;
Attendu qu'il peut être déduit de ces considérations que le titre de la sprl Roosevelt
doit être préféré à celui de la partie Louis et que seule la première peut revendiquer
la propriété du duplex litigieux ;
4. Preuve - acte authentique -force probante
Jugement du juge des saisies de Liège, le, mars 2000 (R. G. 2000/364)
" (...) Que le contrat de mariage est toutefois un titre ayant date certaine, de telle
sorte qu'il constitue un mode de preuve conforme aux articles 1399, al. 2 et 1468, al.
1er du code civil ;
Attendu que cette question doit être soigneusement distinguée de la force probante
de l'acte; qu'à cet égard, la liste contenue dans le contrat de mariage n'a qu'une force
probante relative dans la mesure où elle n'est que l'expression des dires des parties ;
Attendu que la demanderesse doit dès lors expliquer, documents à l'appui, d'une part,
pourquoi   son   mari   n'a   pas   apporté   de   mobilier   et,   d'autre   part,   pourquoi   certains
meubles se trouvent en double exemplaire, qu'une comparution personnelle est de
nature à faire apparaître une réponse à ces questions (...) ".
40
PARTIE II. LES OBLIGATIONS
18. Introduction: Les sources des obligations33.
Nous   avons   défini   (supra   n°   10)   l'obligation   comme   étant   le   lien   qui   unit   deux
personnes et qui permet à l'une d'elles, le créancier, d'exiger de l'autre, le débiteur,
une prestation.
Plusieurs classifications des obligations ont été opérées. On citera notamment celles
fondées sur leur objet (d'une part, les obligations de dare, facere, non facere; d'autre
part, les obligations de moyens et celles de résultat : sur ces notions, v. infra n° 50) et
celles fondées sur leur source.
Comment naissent les obligations ? Nous avons distingué jusqu'ici deux sources de
droits   subjectifs   :   les   actes   juridiques   et   les   faits   juridiques.   Traditionnellement,   la
doctrine propose une classification plus détaillée. La voici :
Le contrat;
Le   quasi-contrat   (gestion   d'affaires,   paiement   indu,   enrichissement   sans
cause) ;
L'engagement par volonté unilatérale ;
Le délit et quasi délit civils (art. 1382 et s. C.C.) ; 
La loi seule (spécialement, les obligations découlant de la filiation);
La théorie de l'apparence ou de la confiance légitime.
Notre   attention   se   portera   principalement   sur   les   contrats   et   dans   une   moindre
mesure,   sur   les   délits   civils,   les   autres   sources   n'étant   que   très   superficiellement
abordées.
Nous   étudierons   ensuite   certaines   règles   applicables   en   principe   à   toutes   les
obligations, à tous les droits de créance, indépendamment de leur source. Enfin, nous
donnerons   un   bref   aperçu   de   la   matière   des   sûretés,   ces   mécanismes   destinés   à
donner aux créanciers plus de chances d'être payés.
*
*   *
33 Quant aux sources des obligations, voyez Stijns, Van Gerven et Wéry, "Chronique de jurisprudence, Les obligations :
les sources (1985-1995); J.T.1996, p. 689 et s.
41
Chapitre 1. Les contrats
19. Plan de l'exposé
D'une   manière   générale,   nous   respecterons   pour   l'essentiel   les   subdivisions
traditionnellement proposées par la doctrine. Nous diviserons la matière en 11
sections :
Section 1 : définitions et principes; 
Section 2 : formation du contrat, 
Section 3 : conditions de validité du contrat; 
Section 4 : effets du contrat entre parties; 
Section 5 : effets des contrats à l'égard des tiers; 
Section 6 : exécution des obligations contractuelles; 
Section 7 : inexécution des contrats;
Section 8 : inexécution fautive des contrats (en général); 
Section 9 : inexécution fautive des contrats synallagmatiques; 
Section 10 : inexécution fortuite des contrats;
Section 11 : Quelques questions particulières.
Une   nouvelle   fois,   rappelons   que   les   pages   qui   suivent   n'ont   pas   la   prétention
d'exposer   de   façon   complète   ni   originale   la   matière   des   contrats,   ni   d'envisager
l'ensemble   des   questions   posées   par   le   droit   contractuel,   fut-ce   même   par   simple
référence à leur existence, encore moins d'entrer dans les détails des controverses qui
peuvent parfois diviser doctrine et jurisprudence.
A côté de ce que le juriste pourra, à juste titre, considérer comme des lacunes, on
s'étonnera   peut-être   de   trouver   certains   développements   "disproportionnés".   Ils
résultent   d'un   choix   justifié   par   le   caractère   jugé   formatif   de   telle   matière   pour
l'étudiant.
*
*   *
Section 1 : Définitions et principes
20. Définitions et classifications
Le contrat ou la convention est un accord de deux ou plusieurs volontés conclu dans
le   but  de   produire  des  effets dans  le  domaine  du  droit  (créer,  modifier, transférer,
éteindre des droits).
Le   contrat   est   un   acte   juridique,   c'est-à-dire   un   acte   accompli   dans   l'intention   de
produire des effets juridiques, de se lier juridiquement34.
Le contrat est un acte juridique bilatéral ou multilatéral.
34 II se distingue ainsi du "gentlemen's agreement"
Diverses classifications et qualifications des contrats ont été établies. L'intérêt de ces
classifications   est   variable,   et   un   même   contrat   peut   relever   de   plusieurs   de   ces
catégories.
On citera notamment :
42
le   contrat   synallagmatique,   dénommé   également   contrat   bilatéral   (art.   1102
C.C.) : c'est celui qui engendre des obligations réciproques des parties (par ex.,
la   vente,   le   louage,   le   contrat   de   travail,   le   contrat   d'entreprise,   le   contrat
d'assurance ... );
le contrat unilatéral (art. 1103 C.C.) : c'est celui qui ne crée d'obligation que
dans   le   chef   d'une   seule   partie   (par   ex.,   le   prêt,   le   dépôt   non   rémunéré,   la
promesse unilatérale de vente, ... ). Il faut être attentif au fait qu'il s'agit bien
d'un contrat (acte juridique bilatéral) qui est unilatéral du point de vue de ses
effets;
le contrat commutatif (art. 1104, al. l, C.C.) : c'est celui par lequel chacune des
parties s'engage à exécuter une prestation qui est regardée comme l'équivalent
de ce qu'on lui donne ou de ce qu'on fait pour elle (par ex., la vente, le louage,
l'entreprise, le contrat de travail ... );
le contrat aléatoire (art. 1104, al. 2 C.C.) : c'est celui dans lequel la prestation
d'une   des   parties   dépend   d'un   événement   incertain   de   telle   sorte   qu'il   y   a
chance de gain et risque de perte pour chacune des parties (par ex., le contrat
d'assurance, la vente avec rente viagère, la vente d'une nue-propriété, ... );
le contrat consensuel : c'est celui qui se forme par le simple consentement des
parties, ce consentement ayant une efficacité juridique, quelle que soit la forme
dans laquelle il s'est manifesté (par ex., la vente, voy. l'art. 1583 C.C. ; le bail, le
contrat d'entreprise, ... );
le   contrat   solennel   :   c'est   celui   dont   la   validité   est   subordonnée   au   respect
d'une   forme   déterminée   en   l'absence   de   laquelle   le   consentement   n'a   pas
d'efficacité juridique (par ex., le contrat de mariage, le contrat de constitution
d'hypothèque, la subrogation conventionnelle prévue par l'article 1250, 2° C.C.,
le contrat de crédit à la consommation…)
le contrat à exécution instantanée : c'est celui qui a pour objet une ou plusieurs
obligations susceptibles d'être exécutées par une seule prestation (par ex., la
vente d'un bien déterminé, l’entretien d’un véhicule par le garagiste,…);
le   contrat   à   exécution   successive   :   c'est   celui   qui   implique   des   prestations
échelonnées   dans   le   temps   (par   ex.,   le   bail,   le   contrat   de   travail,   le   contrat
d'assurance, ... ).
le contrat intuitu personae : c'est celui qui est conclu en considération de la
personne du cocontractant, celui-ci étant, pour l'autre, l'élément déterminant
de la convention; le contrat doit être exécuté par ce cocontractant, eu égard à
sa personnalité, à ses aptitudes, à ses capacités (par ex contrat conclu avec tel
chirurgien, tel architecte, tel avocat, contrat d’ouverture de crédit, prêt à usage,
concession d’un service public, bail d’un logement social35,...).
35 JP, Grâce Hollogne, 23-9-03, JLMB 2005, p. 797.
43
Nous aurons bientôt l'occasion de constater que ces types de contrats peuvent se voir
appliquer des régimes distincts. Nous étudierons, dans les pages qui suivent les règles
générales applicables aux contrats.
Nous nous inspirerons du plan du code civil, dont l'article 1107 stipule :
"Les contrats, soit qu'ils aient une dénomination propre, soit qu'ils n'en aient pas, sont
soumis à des règles générales, qui sont l'objet du présent titre.
Les   règles   particulières   à   certains   contrats   sont   établies   sous   les   titres   relatifs   à
chacun d'eux ; et les règles particulières aux transactions commerciales sont établies
par les lois relatives au commerce."
Nous   allons   maintenant   examiner   trois   principes   fondamentaux   en   matière
contractuelle
Le principe de l'autonomie des volontés ou de la liberté contractuelle
Le principe du consensualisme (nous en avons déjà dit l'essentiel)
Le principe de la convention-loi
21. L'autonomie des volontés. Les lois supplétives, impératives 
et d'ordre public
Le   principe   de   l'autonomie   des   volontés,   encore   appelé   principe   de   la  liberté
contractuelle, implique que chacun est libre tout d'abord de contracter ou de ne pas
contracter,   ensuite   de   choisir   son   cocontractant,   enfin   de   déterminer   librement   le
contenu de l'accord.
Bien sûr, à ce principe, il existe de nombreuses restrictions ou exceptions. Elles se
justifient parfois par le souci du législateur de protéger telle partie considérée comme
plus vulnérable et parfois par des considérations tenant à l'ordre public.
Ainsi, la liberté contractuelle se voit-elle restreinte par l'obligation de respecter des
lois à caractère obligatoire renforcé : les lois impératives et les lois d'ordre public. En
revanche,   lorsqu'une   loi   sera   supplétive,   elle   n'entamera   en   rien   l'autonomie   des
volontés.
Quelques développements s'imposent.
44
Notre Code civil36 est imprégné de trois idées maîtresses : liberté, égalité, respect de
la propriété et accès de tous à celle-ci. Ce principe de liberté se traduit notamment
par le fait que de nombreux textes du Code ne sont là que pour suppléer la volonté
des parties. Celles-ci ont-elles omis de convenir, dans leur contrat de bail, du sort des
réparations   à   effectuer   au   bien   loué   en   cours   d'occupation   ?   Le   code   complète   la
convention   :   les   grosses   réparations   sont   à   charge   du   bailleur   (art.   1720   C.C.),   le
menu   entretien   incombe   au   locataire   (art.   1754   C.C.).   Mais   si   les   cocontractants
entendent que le locataire  réalise, en cours de bail, toutes les réparations, qu'elles
soient "locatives" ou non, ils peuvent parfaitement en convenir, car les textes du code
en la matière sont supplétifs.
Les  lois   supplétives  sont   donc   celles   auxquelles   les   contrats   peuvent   valablement
déroger. En d'autres termes, la loi supplétive ne s'impose qu'à défaut de convention
contraire.
En revanche, les textes impératifs ou d'ordre public s'imposent sans qu'il soit possible
d'y déroger par convention. Ils ont une force obligatoire renforcée.
L'article   6   du   Code   civil   stipule   :   "on   ne   peut   déroger,   par   des   conventions
particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs".
Les lois seront d'ordre public si elles touchent aux intérêts essentiels de l'Etat ou de la
collectivité,   si   elles   sont   relatives   aux   fondements   de   l'ordre   économique,
philosophique   ou   moral   d'une   société   déterminée   (lois   fiscales,   pénales,   loi   sur   la
réglementation économique et les prix, dispositions relatives au mariage, au divorce,
…).
Les lois seront impératives lorsqu'elles viseront à protéger une partie contre l'autre ou
des tiers à une convention.
Comment distinguer ces trois types de loi ? Il faudra voir égard :
soit à la rédaction du texte, 
soit à l'objectif qu'il poursuit.
La distinction essentielle doit cependant être faite entre d’une part les lois supplétives
et d'autre part les lois impératives et d'ordre public.
Plus   accessoirement,   on   distinguera   ces   deux   types   de   lois   à   caractère   obligatoire
renforcé,   car le régime de la nullité qui frappe les dispositions contractuelles qui y
sont   contraires,   n'est   pas   identique   (auparavant,   l'intérêt   de   la   distinction   résidait
notamment dans la matière de la prescription ; dorénavant, le délai est de dix ans,
tant   pour  la   prescription   de   l'action   en   nullité   relative   -   article   1304   -   que   pour   la
prescription de l'action en nullité absolue - article 2262bis -).
36 Promulgué en 1804, le code civil, dit aussi Code Napoléon, trouve ses origines notamment dans le droit romain, dans
le droit coutumier et dans diverses lois révolutionnaires. La codification répondait à un besoin d'unification. De très
nombreuses dispositions de ce code ont survécu jusqu'à ce jour. Les textes que nous étudierons dans les pages qui
suivent sont, pour l'essentiel, ceux de 1804. Comment expliquer la longévité de nombre d'articles du code civil ? Leur
rédaction souple, d'une grande plasticité, a permis l'adaptation des textes à l'évolution des conceptions, de la société,
du droit. Songeons par exemple à l'article 1382 : il exige la réunion de trois conditions : la faute, le dommage et le lien
causal. Si les termes de cet article sont restés identiques depuis 1804, le contenu des notions de faute, dommage et
lien   causal   a,  en   revanche,  fortement   évolué.   Bien   sûr,   à  côté   de  ces   textes   qui  ont  traversé  les  ans,  différentes
matières du code civil ont été complètement modifiées, bouleversées en près de deux siècles. Ce sont essentiellement
celles qui ont trait aux personnes (mariage, divorce, régimes matrimoniaux, filiation, adoption, ... ).
La contrariété à l’ordre public est un moyen qui peut être soulevé d’office par le juge
(c'est-à-dire, même si aucune partie n’a invoqué cette contrariété à l’ordre public).
45
*
*   *
Revenons-en au principe de l'autonomie des volontés. Le nombre croissant de textes
impératifs   ou   d'ordre   public   a   bien   sûr   apporté   autant   de   limitations   à   la   liberté
contractuelle, mais celle-ci reste cependant l'un des piliers de notre droit contractuel.
Depuis  quelques  années,  on   constate   une  inflation   de   l’interventionnisme   étatique,
liée à l’essor du consumérisme. Le principe de la liberté contractuelle se réduit chaque
jour un peu plus.
La   pratique   des   contrats   dits   d'adhésion37  va-t-elle   à   l'encontre   de   ce   principe
fondamental ? Non, puisque le choix demeure de contracter ou non38.
37 Les contrats d'adhésion sont ceux auxquels l'on adhère sans possibilité d'en discuter le contenu: par ex., les contrats
proposés par le prêteur à tempérament, la compagnie d'assurance, le vendeur professionnel de voitures, ...
38 Qu'en est-il de l'obligation légale d'assurer la responsabilité civile à laquelle peut donner lieu l'usage d'un véhicule
automoteur? Le propriétaire d'une automobile conserve le libre choix du cocontractant, de l'assureur.
46
Le législateur fait preuve d'une méfiance certaine à l'égard des contrats d'adhésion :
voyez   par   exemple   les   articles   31   et   suivants   de   la   loi   du   14   juillet   1991   sur   les
pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur (article
relatif   aux   clauses   abusives)   ;  voyez   également  la  loi   du   3  avril  1997  relative   aux
clauses   abusives   dans   les   contrats   conclus   avec   leurs   clients   par   les   titulaires   de
professions libérales, dont l'article 3 §2 stipule :
"   Est   abusive   toute   clause   contractuelle   n'ayant   pas   fait   l'objet   d'une   négociation
individuelle et qui crée, au détriment du client, un déséquilibre significatif entre les
droits   et   obligations   des   parties,   à   l'exception   des   clauses   qui   reflètent   des
dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou
principes   des   conventions   internationales   auxquelles   la   Belgique   ou   l'Union
Européenne est partie ".
Enfin,   la  question  se   pose  de  savoir   si  l'on   peut toujours  refuser  de  contracter.   En
d'autres termes, la liberté de ne pas contracter est-elle absolue ? La réponse négative
s'impose.   Des   restrictions   à   cette   liberté   résultent   de   règles   de   droit   économique,
national   ou   européen.   La   théorie   de   l'abus   de   droit   (voir   infra   n°   38)   peut   être
également   invoquée,   par   exemple   lorsque   la   rupture   de   relations   d'affaires   suivies
sera réalisée dans des conditions fautives et causant préjudice.
*    *   *
*
22. Le consensualisme
Nous   connaissons   déjà   ce   principe   essentiel   de   notre   droit   contractuel,   relatif   à   la
forme des conventions (supra n° 16 et 20) : le contrat se forme valablement par le
simple échange des consentements. L'accord des volontés n'est, en principe, soumis à
aucune forme pour être efficace.
Le consentement s'exprime valablement par écrit ou verbalement, par courrier ou par
téléphone,   par   e-mail,...  (attention   cependant   au   problème   de   la  preuve...).   Parfois
même, le consentement sera tacite ou pourra résulter du silence (voy. infra n° 25).
Ce principe assure  la rapidité, l'efficacité  des relations contractuelles39. On sait que
consensualisme s'oppose  à formalisme  (de validité). Les exceptions à la règle  sont
nombreuses. Rappelons simplement deux exemples : la validité du contrat de mariage
est   subordonnée   à   la   rédaction   d'un   acte   notarié   (art.   1392   C.C.);   celle   de
l'hypothèque conventionnelle à la rédaction d'un acte authentique ou sous seing privé
reconnu en justice ou devant notaire (art. 76 de la loi hypothécaire).
Souvenons-nous également du fait que le formalisme d'opposabilité ne constitue pas
une   exception   à   la   règle   du   consensualisme.   Un   contrat   peut   parfaitement   exister
entre   parties,   mais   non   aux   yeux   des   tiers   tant   que   telle   formalité   n'aura   pas   été
accomplie.
39  Songeons   également   qu'il   est   né   avec   le   code   civil,   à   une   époque   où   n'existaient   pas   la   machine   à   écrire,   la
photocopieuse, le téléfax, intemet, ...
47
23. La convention-loi
a) Le principe
" Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ".
Telle est la règle fondamentale énoncée par le premier alinéa de l'article 1134 du code
civil.
Le contrat a force obligatoire. Lorsque l'on a entendu se lier par convention, on doit
exécuter   ses   engagements,   respecter   la   parole   donnée.   Le   contrat   lie   les   parties
comme le ferait une loi.
Cette   règle   assure   une   certaine   sécurité   juridique   :   le   cocontractant   doit   pouvoir
compter sur son partenaire, sur le respect des obligations de celui-ci.
L'alinéa   2   de   l'article   1134   ajoute   :   "elles   ne   peuvent   être   révoquées   que   de   leur
consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise". Ce que l'on a fait à
deux,   on   ne   peut   le   défaire,   ni   le   modifier   seul.   Le   juge   ne   pourra   pas   non   plus
apporter   de   modification   au   contrat,   en   fonction   par   exemple   de   ses   conceptions
juridiques ou de l'équité.
Le contrat devra donc être exécuté tel qu'il a été conclu. Nous verrons plus loin (n° 52
et s.) les sanctions de l'inexécution du contrat.
Corollaire du principe, ce qui fut noué à deux peut être dénoué ou modifié de commun
accord. De même, les parties peuvent-elles convenir de la faculté pour l'une ou pour
chacune d'elles, de révoquer unilatéralement le contrat dans telles conditions ou d'en
modifier unilatéralement telle clause.
Les exceptions et tempéraments au principe de la convention-loi sont nombreux. Nous
en   citerons   quelques-unes   ci-dessous   après   avoir   évoqué   la   question   de
l'interprétation des contrats.
b) L'interprétation des conventions
Un éminent auteur a judicieusement relevé qu'"il est souvent difficile de préciser la
frontière entre l'interprétation de la convention - qui peut consister à compléter une
convention à la lumière de la recherche de l'intention des parties - et la violation de
l'article   1134,   al.   1,   consistant   à   ajouter   à   une   convention   des   clauses   ou   des
conditions que celle-ci ne contient pas40".
Le   juge   ne   peut   ajouter   une   clause   au   contrat   ni   refuser   de   donner   effet 41  à   une
convention sous couleur d'interprétation, en faisant ainsi prévaloir ses conceptions de
l'équité ou de la raison.
Le juge peut seulement rechercher la commune intention des parties au moment de la
formation du contrat (art. 1156 C.C.).
40 Van Ommeslaghe, Examen de jurisprudence cité, n° 4.
41 Voyez cependant, supra n°21, les développements relatifs aux lois impératives et d'ordre public.
48
Les articles 1156 à 1164 du Code civil donnent au magistrat les lignes directrices de
l'interprétation d'une convention. Nous retiendrons ici deux règles. Le juge n'est pas
tenu   par   la   qualification   donnée   par   les   parties   à   leur   convention.   Si   celles-ci   ont
dénommé  "bail  à loyer"  ce  qui apparaît en réalité être  un bail  commercial, le  juge
pourra, sans violer l'article 1134, "requalifier" le contrat et en tirer les conséquences
juridiques qui s'imposent (respect des dispositions impératives de la loi sur les baux
commerciaux).
Ensuite, dans le doute, la convention s'interprétera contre celui qui a stipulé, c'est-à-
dire  le créancier, le bénéficiaire  de la clause douteuse, et en faveur de celui qui a
contracté l'obligation, le débiteur (art. 1162 C.C.)42.
Lorsque   le   juge   dépassera   les   limites   de   l'interprétation,   il   violera   la   règle   de   la
convention-loi. Tel ne sera pas le cas, bien entendu, lorsque la loi 43  ou le contrat lui
conférera un pouvoir de modification, d'adaptation, de révision de la convention.
Observons  que  nous  sommes  aujourd'hui  bien  loin  de  Montesquieu  pour  lequel   les
jugements   ne   doivent   jamais   être   « qu'un   texte   précis   de   la   loi.   S'ils   étaient   une
opinion   particulière   du   juge, on   vivrait  dans  la  société   sans  savoir  précisément   les
engagements que l'on y contracte »44.
c) Tempéraments et exceptions
LA LOI ELLE-MÊME PEUT FAIRE EXCEPTION À L'ARTICLE 1134 DU CODE CIVIL.
Ainsi,   le   législateur   a-t-il,   il   y   a   quelques   années,   adopté   des   lois   temporaires   en
matière de bail à loyer, qui, notamment, prorogeaient la durée conventionnelle de la
location.   Et   l'article   11   des   règles   particulières   aux   baux   relatifs   à   la   résidence
principale   du   preneur   permet   au   juge   d'accorder   une   prorogation   du   bail   pour
circonstances exceptionnelles.
L'article   2004   du   Code   civil   stipule   que   le   mandant   peut   révoquer   sa   procuration
quand bon lui semble.
L'article 1944 du Code civil énonce que le dépôt doit être remis au déposant aussitôt
qu'il   le   réclame,   lors   même   que   le   contrat   aurait   fixé   un   délai   déterminé   pour   la
restitution.
L'article   32   de   la   loi   du   3   juillet   1978   relative   aux   contrats   de   travail   autorise   les
parties à mettre fin unilatéralement au contrat lorsqu'il a été conclu pour une durée
indéterminée (démission, licenciement) ou lorsqu'il existe un motif grave de rupture
(voy. également l'art. 1780 C.C.).
L'article 18 de la loi relative au crédit à la consommation offre au consommateur la "
faculté de repentir ".
Enfin,   l'article   1794   mérite   un   développement   particulier.   Il   s'agit   d'une   disposition
relative aux contrats d'entreprise ou louages d'ouvrage. Elle énonce : " le maître peut
42 A propos de  l’interprétation des contrats d’assurance, voy. Liège, 25 avril 1996, JLMB 1996, p. 1369 et s. et obs. P.
WERY, L’interprétation des contrats d’adhésion en cas d’ambiguïté ou d’obscurité de leurs clauses.
43 Voy. par ex. l'article 1244, al. 2 du code civil, l'article 6 de la loi sur les baux commerciaux.
44 Montesquieu, L'esprit des lois, cité par A. Juppé, op. cit., page 207
49
résilier,   par   sa   seule   volonté,   le   marché   à   forfait,   quoique   l'ouvrage   soit   déjà
commencé,  en  dédommageant   l'entrepreneur  de   toutes  ses  dépenses,  de  tous   ses
travaux et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise ".
Dans leur examen de jurisprudence relatif au contrat d'entreprise, M.A. Flamme, PH.
Flamme,   A.  Delvaux   et  F.   Pottier  écrivent  sous   le  titre  "  résiliation   unilatérale   pour
convenance personnelle du maître de l'ouvrage "45 : " L'article 1794 s'applique à tous
les louages d'ouvrage, qu'ils aient trait ou non à la construction (...), qu'ils soient ou
non passés à forfait - et cela, selon la jurisprudence belge (...), malgré le texte formel
de   l'article   1794   -,   que   leur   objet   soit   matériel   ou   intellectuel   (...),   pourvu   que
l'entreprise soit déterminée par son objet (...) sinon par sa durée (...).
On ne saurait assez répéter que le fait pour le maître de recourir à l'article 1794 n'est
pas   constitutif   de   faute   et   que   l'exercice   de   la   faculté   de   résiliation   unilatérale   ne
saurait être subordonné à une quelconque justification (...).
Toutefois,   quoique   cette   faculté   puisse   s'exercer   à   tout   moment,   même   avant   le
commencement des travaux (...) et bien que l'ouvrage soit déjà commencé (article
1184),   la  dénonciation  d'un  marché  quasi  pratiquement achevé  pourrait  révéler un
abus de droit (...) ".
LA JURISPRUDENCE TEMPÈRE ÉGALEMENT LA RIGUEUR DE L'ARTICLE 1134
Ainsi, le principe d'exécution de bonne foi que nous verrons bientôt permet-il au juge
de procéder, dans une certaine mesure, à un " rééquilibrage " du contrat.
" L'article 1134 est l'une des pierres angulaires de notre droit des obligations et des
contrats. II est construit sur une tension et un équilibre devant exister entre les deux
pôles   énoncés   par   cet   article,   que   sont   la   convention-loi   d'une   part,   impliquant   la
référence à, et surtout le nécessaire respect de la volonté des parties, et le principe
d'exécution de bonne foi des conventions, d'autre part "46.
Citons   encore   ici,   pour   mémoire,   d'autres   types   d'exceptions   (parfois   objet   de
controverses) sur lesquels nous reviendrons: la théorie de l'imprévision, la réduction
du salaire du mandataire et, dans certains cas, la résolution unilatérale d'un contrat
synallagmatique.
Enfin, un principe général – le respect des droits de la défense – peut fonder le droit
de résiliation unilatérale du contrat conclu entre un avocat et son client :
« Les rapports entre un avocat et son client procèdent d’un contrat intuitu personae,
la liberté de choix de l’avocat ressortissant fondamentalement à l’exercice des droits
de   la   défense   et,   partant,   à   l’ordre   public ;   la   nécessaire   confiance   qui   fonde   ces
rapports explique l’usage constant selon lequel le client peut, à tout moment, décider
d’y   mettre   fin,   sans   avoir   à   en   justifier   et   sans   commettre   la   moindre   faute,   les
45  Le contrat d'entreprise, chronique de jurisprudence, 1990-2000, Les  dossiers du joumal des  tribunaux, LARCIER,
2001.
46  J.F.   Romain,   Le   principe   de   la   convention-loi   (portée   et   limites)   :   réflexions   au   sujet   d'un   nouveau   paradigme
contractuel, in Les obligations contractuelles, Ed. du Jeune Barreau de BRUXELLES, 2000, p. 43 et s., spéc. p. 45. La
doctrine  considère  depuis  longtemps  qu'il  y a  "lieu  d'étendre  une telle   faculté  de résiliation   unilatérale,  même  en
l'absence de texte, à tous les contrats successifs dans lesquels aucun terme n'a été prévu ", Weill et Terre, op. cit., p.
358; voy. ég. De Page, première édition, tome II, n° 763
50
raisons qui l’y déterminent fussent-elles manifestement erronées »  (Conseil d’Etat, 5
septembre 1997, R.C.J.B. 1999, p. 5 et s.).
Illustrations de la section 1
    : contrats – définitions et principes
1. Ordre public
 Tribunal correctionnel de HASSELT, 13 juillet 1889
Attendu   que   l'ordre   moral   et   l'ordre   social   ne   sont   pas   définis   par   la   loi   ;   qu'ils
reposent   sur   des   principes   généralement   reconnus,   sur   des   idées   universellement
admises, parmi lesquelles l'une des principales est la croyance à l'existence d'un Etre
suprême;(…)   Attendu   qu'il   suit   de   ce   qui   précède   qu'on   blesse   l'ordre   public   et   la
morale   en   niant   l'existence   de   Dieu,   qui   en   est   la   base   fondamentale   "   (Tribunal
correctionnel   de   HASSELT,   13   juillet   1889,   Livre   du   centenaire   de   la   J.L.M.B.   et
observations de P. MARTENS, Transcendance, concupiscence et orgueil, pg. 242 et s.).
2. Bonnes mœurs 
 Cour d'Appel de LIEGE, 22 novembre 1979, J.L. 1980, page 1 :
"   (...)   Attendu   en   effet   que   la   location   de   chambres   meublées   à   des   couples   de
passage a manifestement un but contraire aux bonnes mœurs en ce qu'elle facilite
des relations sexuelles qui sont illégitimes, le plus souvent adultères et habituelles ou
de   prostitution   cachée   ;   qu'elle   favorise   d'autant   plus   ces   relations   illicites   et
clandestines qu'elle les protège par la discrétion tant du tenancier que de la publicité
que celui-ci fait en faveur de son établissement ;
Qu'il   est   sans   pertinence   de   les   comparer   à   des   hôtels   ayant   pignon   sur   rue   et
poursuivant le même but, dès lors qu'il n'est pas établi que leur exploitation n'est pas
aussi contraire aux bonnes moeurs ; Attendu, certes, que la notion de bonnes moeurs
correspond à une morale coutumière, faite d'habitudes et de traditions d'un peuple et
est en évolution constante avec l'état d'esprit d'une civilisation ;
Mais que le relâchement des mœurs, pas plus que l'amoindrissement de la loyauté ou
l'aggravation de la criminalité ne suffisent à légitimer;
Qu'il est outrancier d'affirmer que le concubinage, l'adultère et les relations sexuelles
hors   mariage   sont   reconnus,   si   pas   encouragés   ;   que,   pour   se   multiplier
éventuellement,   ils   n'en   restent   pas   moins   le   fait   d'une   minorité,   étrangère   à   la
majorité saine des citoyens,
Qu'en outre, il ne suffirait pas qu'il soit dans les moeurs pour entrer dans les bonnes
dont seules le juge a pour mission d 'assurer fermement le respect ;
Que   n'est   pas   frappé   d'immoralité   que   la   débauche   ou   la   prostitution   notoires   et
publiques et que l'absence de celles-ci ne peut donc être invoquée ;
Attendu   que   le   propriétaire   ne   pouvait   ignorer,   au   moment   de   la   convention,   la
destination   réelle   et   antérieure   à   son   acquisition   de   la   propriété   puisque   le   bail
donnait au preneur " la faculté de louer des chambres meublées ou autres " et qu'il en
tirait profit, même si le loyer était modéré;
Que   la   poursuite   dans   une   convention   d'un   but   contraire   aux   bonnes   moeurs
empêche, non seulement de postuler l'exécution des obligations (…), mais encore de
se prévaloir d'un quelconque de ses effets ".
51
52
3. Textes impératifs et supplétifs
 Article 3 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre : 
" Sauf lorsque la possibilité d'y déroger par des conventions particulières résulte de
leur rédaction même, les dispositions de la présente loi sont impératives ".
 Article 1231, §3 C.C. :
  " Toute  clause  contraire  aux dispositions du présent  article est réputée non
écrite ".
 Article 1728ter, §1°` C.C. : 
" Sauf le cas où il a été expressément convenu que les frais et charges imposés au
preneur sont fixés forfaitairement, ils doivent correspondre à des dépenses réelles ".
53
Section 2. La formation du contrat
24. Les pourparlers contractuels
Dans la  vie des affaires, dans le domaine des contrats  commerciaux, la conclusion
d'une convention est souvent précédée de contacts, de négociations, de propositions,
de contre-propositions plus ou moins fermes. Des accords partiels, conditionnels, sont
pris;   des   étapes   sont   franchies   dans   le   cours   de   la   négociation   qui   aboutissent
finalement, du moins en est-ce le but, à la conclusion du contrat. Avant que l'accord
des volontés soit parfait, il y a donc souvent une phase précontractuelle, une période
de pourparlers.
Il   se   peut   cependant   que   cette   phase   soit   quasi   inexistante   :   telle   firme   offre   tel
produit   ou   service   à   tel   prix.   Le   contrat   peut   parfaitement   se   conclure   par
l'acceptation de cette offre dans le chef de celui ou de l'un de ceux à qui elle était
destinée. Nous examinerons la question de l'offre ci-dessous (n° 25).
Poursuivons   l'examen   de   la   période   de   négociations   précontractuelle   et   constatons
d'emblée l'existence d'une difficulté : le Code civil ne l'a pas envisagée. Il faut dès lors
appliquer   les   règles   et   principes   généraux.   Parmi   ceux-ci,   celui   de   la   liberté
contractuelle   implique   une   liberté   de   négocier,   de   mener   les   pourparlers   et,   par
corollaire, de les rompre.
Cependant,   cette   liberté   ne   peut   s'exercer   de   façon   anarchique,   sans   limites,  sans
souci du partenaire. La conduite de pourparlers nécessite rectitude et loyauté, bref,
bonne   foi.   Aussi,   les   parties   aux   négociations   ont-elles   l'obligation   de   s'informer
réciproquement, complètement, loyalement, de ne rien dissimuler, volontairement ou
non, de ne pas entamer ni poursuivre de pourparlers à la légère, de ne pas divulguer
les secrets qui auraient été appris au cours de cette phase, ...
Quelle   pourrait   être   la   sanction   d'un   manquement   à   ces   obligations   ?   Le   contrat
n'étant   pas   conclu,   seule   l'application   des   règles   de   la   responsabilité   extra-
contractuelle (art. 1382 et s., voyez infra n°75) peut être envisagée.
Liberté de négocier, liberté de rupture des pourparlers. Le principe de l'autonomie des
volontés   impose   cette   affirmation.   Mais   comme   tout   droit,   celui   de   rompre   des
négociations peut s'exercer parfois de manière fautive, abusive47.
La sanction d'un tel abus réside également dans la mise en oeuvre des règles de la
responsabilité délictuelle.
Prudence donc dans la phase précontractuelle. Il n'est pas nécessaire d'avoir rompu
les  pourparlers  avec  intention  de  nuire  au  partenaire  pour  encourir  le  risque  de  la
sanction judiciaire. 
47  Sur l'abus de droit en matière contractuelle, voy. infra n° 38 et en matière extracontractuelle, voy. infra n° 75. Tel
serait le cas d'une rupture de pourparlers entamés dans le but exclusif de détourner l'attention du partenaire d'une
proposition   intéressante   émanant   d'un   tiers.   On   pourrait   également   évoquer   la   rupture   de   fiançailles   dans   des
conditions légères et à la veille du mariage (v. Coipel, op. cit. p. 35)
54
Il suffit par exemple d'avoir pris à la légère  l'initiative des négociations, sans avoir
réellement l'intention de conclure, ou de rompre celles-ci dans des conditions portant
atteinte   au   crédit   commercial   du   partenaire   :   la   faute   dans   l'exercice   du   droit   de
rupture   engage   la   responsabilité   de   son   auteur.   Tel   est  encore   le   cas   si   la   rupture
intervient alors que les pourparlers n'ont été engagés que dans l'intention de soutirer
des renseignements au "partenaire".
Le dommage subi par la victime de cette rupture abusive peut être énorme. Songeons
que   les   négociateurs   ont   probablement   engagé   des   frais   d'étude   du   dossier
(ingénieurs, architectes, juristes, géologues, informaticiens, ...) et que la rupture peut
intervenir   après   des   mois   de   discussions,   de   contacts,   de   réunions   diverses,
d'échange de courrier, de projets d'accord, ...
L'auteur de la faute a l'obligation de réparer le préjudice qu'il a causé (art. 1382 C.C.).
Mais la victime n'obtiendra pas le dédommagement des conséquences négatives de
sa légèreté, de son imprudence ou de sa naïveté.
Les partenaires ne peuvent ignorer, lorsqu'ils engagent les pourparlers, la possibilité
que ceux-ci n'aboutissent pas à la conclusion  du contrat  envisagé. La rupture  peut
être   parfaitement   légitime,   et   causer   pourtant   préjudice   à   l'un   ou   l'autre   des
partenaires   (intervention  de  bureaux  d'étude,  établissement de   plans,  rédaction   de
projets   de   contrat,   ...   ).   En   principe,   chacun   négocie   à   ses   risques   et   périls.   Les
négociateurs peuvent cependant convenir de certaines modalités de prise en charge
ou remboursement de frais dans l'hypothèse où la convention ne pourrait voir le jour.
La naissance d'un contrat n'est pas toujours précédée de cette phase de négociations.
Parfois, le contrat résulte simplement de l'acceptation d'une offre.
Mais qu'est-ce qu'une offre ?
25. L'offre de contracter
a) Notion
L'offre, ou pollicitation, est une déclaration unilatérale de volonté adressée par une
personne   à   une   autre,   et   par   laquelle   l'offrant   propose   la   conclusion   d'un   contrat.
L'offre   doit   être   ferme   et   précise;   elle   ne   suppose   plus   que   l'acceptation   de   son
destinataire pour que le contrat se forme.
L'offre   doit   porter   sur   tous   les   points   sur   lesquels   l'accord   des   parties   est
indispensable48 pour que le contrat puisse voir le jour.
Parfois,   l'offre   ne   sera   pas   acceptée   telle   quelle   et   une   contre-proposition   sera
formulée. Le contrat se formera si celle-ci, ferme, complète et précise, est acceptée
par son destinataire.
Parfois encore, l'offre sera faite à tout venant (par ex., marchandise exposée en vente
à tel prix déterminé).
48  Il a été jugé que le désaccord qui porte sur des conditions accessoires ou secondaires auxquelles les parties - ou
l'une d'elles - n'ont pas attaché une importance déterminante et qui ne sont dès lors pas, pour ce motif, substantielles,
n'empêche pas la naissance d'un contrat (Bruxelles, 18 avril 1990, JL.M.B., 1991, 69).
55
Dans   certains   cas,   la   question   se   posera   s'il   s'agit   d'une   offre   ou   d'une   simple
proposition, avec, bien sûr, la conséquence suivante : le contrat a-t-il ou non pu se
former ?
Il arrive que la loi apporte une solution à cette question.
Voyez   les   articles   10   et   suivants   de   la   loi   du   12   juin   1991   relative   au   crédit   à   la
consommation, les articles 77 et suivants de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques
du commerce et sur l'information et la protection du consommateur (" des contrats à
distance ") et l'article 4 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.
b) Force obligatoire de l'offre non encore acceptée
L'offre   parvenue   à   son   destinataire,   mais   non   encore   acceptée,   peut-elle   être
révoquée ou modifiée par l'offrant ?
Non.  L'offre   a  un  caractère  obligatoire;  elle  lie  l'offrant  pendant le délai  qu'il  a  lui-
même fixé ou, du moins, pendant un délai raisonnable si l'offrant n'a pas indiqué le
délai pendant lequel il s'engageait à maintenir son offre.
Quel  sera alors ce  délai "raisonnable" ? La réponse  à cette question dépendra des
circonstances   de   fait,   les   usages   ou   la   matière,   et   donc   des   juridictions   devant
lesquelles elle sera posée.
Quel est le fondement du caractère obligatoire de l'offre ? Une controverse a divisé les
civilistes à ce sujet. Sans entrer dans le détail, retenons la justification généralement
présentée aujourd'hui : la force obligatoire de l'offre trouve son fondement dans un
engagement par volonté unilatérale49".
Puisque l'offre est obligatoire dès qu'elle est parvenue à son destinataire, il faut donc
que   son   retrait   pendant   le   délai   de   réflexion   entraîne   une   sanction.   Ici   aussi,   une
controverse existe. Une des solutions consiste à considérer que le retrait irrégulier de
l'offre doit être privé d'effet; dès lors, si le destinataire de l'offre l'a acceptée après le
retrait, mais dans le délai initialement proposé ou jugé raisonnable, on admettra que
le contrat est formé.
c) Acceptation de l'offre
L'acceptation   de   l'offre,   c'est-à-dire   son   agrément   sans   réserves,   qui   entraîne   la
formation de la convention, peut être expresse ou tacite (c'est-à-dire être déduite du
comportement du destinataire de l'offre).
Le  silence  -   qu'il   faut   distinguer   de   l'acceptation   tacite   -   opposé   à   une   offre   et
l'adoption d'une attitude passive n'implique en principe aucune acceptation de cette
offre. En d'autres termes, le silence ne vaut pas consentement : en droit, qui ne dit
mot n'a pas nécessairement consenti.
49 Cass. 9 mai 1980, Pas. 1980, 1, 1127 ; Cass. 16 mars 1989, Pas. 1989, 1, 737
56
Cependant, il peut arriver que le silence s'entoure  de circonstances particulières et
qu'il   puisse   être   interprété   comme   l'acceptation   d'une   offre   :   on   parle   de  silence
circonstancié. Tout reste question d'espèce.
Ainsi,   on   admettra   que   le   silence   vaut   consentement   lorsqu'en   raison   de   relations
d'affaires ou d'un contrat antérieur qu'il s'agit de continuer, le destinataire de l'offre
qui se tait devait parler s'il ne voulait pas consentir.
Il a été jugé que le silence d'un importateur de voitures face à la commande de son
distributeur peut s'interpréter comme une acceptation compte tenu de leur relations
d'affaires habituelles (Liège, 28 mars 1991, J.L.M.B, 1992, p. 77).
d) Moment de la formation du contrat
Le contrat se forme lors de la réunion des deux consentements.
Une difficulté se pose lorsque le contrat naît à la suite de l'envoi d'une offre et de la
manifestation de son acceptation. A quel moment précis la convention existe-t-elle ?
Traditionnellement, on considère que le contrat se forme au moment où l'offrant aura
pris connaissance de l'acceptation du destinataire de l'offre.
Il se peut cependant que, l'acceptation étant arrivée à destination, l'offrant n'en ait
pas   connaissance   immédiatement,   pour   une   raison   ou   l'autre.   La   solution   retenue
consiste dès lors à présumer cette prise de connaissance dans le chef de l'offrant au
moment de la réception de l'acceptation.
Les  nouvelles dispositions relatives aux contrats  conclus par voie électronique  sont
particulièrement intéressantes à ce sujet.
La loi du 11 mars 200350 organise en effet une « procédure de commande » spécifique
(article   10),   permettant   de   matérialiser   les   caractéristiques   de   l’offre   et   de
l’acceptation,   ainsi   que   leur   rencontre.   Voyez   infra,   n°   28bis,   l’examen   de   cette
intéressante procédure.
26. Offre et promesse unilatérale de vente
La   promesse   unilatérale   de   vente   est   un   contrat   par   lequel   une   personne,   le
promettant, s'engage à vendre une chose aux conditions stipulées, à l'autre partie,
dénommée le bénéficiaire de l'option, si celle-ci manifeste l'intention d'acheter dans
un délai déterminé.
La manifestation de volonté par laquelle le bénéficiaire de l'option décide d'acheter
s'appelle la levée d'option.
La promesse unilatérale de vente est un contrat (acte bilatéral du point de vue de sa
formation)   unilatéral   (du   point   de   vue   des   effets).   Il   ne   s'agit   pas   d'un   contrat   de
50 M.B., 17 mars 2003, p. 12962 ; déjà évoquée dans la section consacrée à la preuve.
57
vente, puisque le bénéficiaire de l'option n'est pas acheteur, il n'a pas consenti à la
vente. 
Il   convient   d'y   être   attentif,   car   en   pratique,   on   rencontre   fréquemment   des   actes
intitulés   "promesse   de   vente"   ou   "compromis   de   vente".   Il   s'agira   généralement
d'actes sous seing privé constatant la vente d'un immeuble, rédigés par les parties
avant de procéder à la passation de l'acte authentique devant notaire.
Le   promettant   s'oblige   à   maintenir   sa   promesse   pendant   un   certain   délai51  durant
lequel le bénéficiaire de l'option a le droit de former, par sa seule volonté, le contrat
de   vente,   en   levant   l'option.   La   vente   n'existera   que   lorsque   le   bénéficiaire   lèvera
cette option, lorsque les deux consentements quant à la vente coexisteront.
La levée d'option agit sans effet rétroactif, à la différence d'une condition52.
Il arrivera souvent qu'une clause de dédit soit insérée dans les promesses unilatérales
de   vente,   prévoyant   en   cas   de   non   levée   de   l'option   la   débition   d'une   somme
conventionnellement fixée, destinée à compenser le préjudice subi par l'offrant du fait
de l'indisponibilité de son bien durant le délai de réflexion53.
27. Les contrats d'adhésion
Les auteurs du Code civil, imprégnés des préceptes révolutionnaires - liberté, égalité -
considéraient le contrat comme l'oeuvre de deux parties égales en droit et discutant
librement des clauses de leur accord.
Rapidement, la pratique démontra au contraire que, souvent, le contrat est imposé
par l'une des parties, économiquement plus puissante que l'autre, à laquelle s'offre le
seul choix d'adhérer ou de ne pas adhérer aux conditions qui lui sont proposées.
Les contrats d'adhésion se caractérisent ainsi par le fait que leur contenu ne résulte
pas de la libre discussion des parties contractantes; ce contrat a été rédigé à l'avance
par l'une des parties, souvent la plus puissante économiquement ou socialement, qui
l'a proposé à l'adhésion des candidats cocontractants.
Nous le savons, la pratique des contrats d'adhésion ne contrarie pas le principe de
l'autonomie des volontés. Adhérer, c'est aussi consentir.
Néanmoins,   les   contrats   d'adhésion   ont   donné   lieu   à   divers   abus,   donc   à   de
nombreuses critiques et réactions.
51 Ce que le bénéficiaire accepte - ce sera d'ailleurs souvent lui qui l'aura demandé - : il y a formation d'un contrat. Le
fondement du caractère obligatoire de l'offre faite en l'espèce est ainsi contractuel (comp. ci-dessus, n° 25, b)
52 Les obligations conditionnelles seront examinées infra n° 86. Voy. ég. les articles 1168 et s. La condition accomplie a
un effet rétroactif au jour auquel l'engagement a été contracté (art. 1179). Gardons-nous donc de confondre promesse
unilatérale de vente et contrat de vente sous condition (achat subordonné à l'obtention d'un financement, par ex.) : le
consentement de l'une des parties ne peut être mis sous condition (art. 1174).
53  Il faut éviter la confusion entre cette clause de dédit et la clause pénale qui est une sanction conventionnelle de
l'inexécution d'une obligation. 
A propos des clauses de dédit et de la distinction à faire entre elles et les clauses pénales, voir Cass. 22 octobre 1999,
RCJB 2001, p. 103 et s. et note critique d’I. Moreau-Margrève :  « Quel sort réserver aux clauses reconnaissant à une
partie une faculté de ne pas exécuter le contrat moyennant le paiement d’une somme d’argent  ? ». L’arrêt de la Cour
de cassation est relatif à une clause de dédit insérée dans un contrat synallagmatique.
58
Comment éviter ou sanctionner les éventuels abus ? Bien entendu, le législateur est
intervenu fréquemment et de nombreuses lois assurent impérativement la protection
de   parties   particulièrement  vulnérables  (voy.   par  ex.  P.  Wéry,  Les   clauses  abusives
relatives à l’inexécution des obligations contractuelles dans les lois de protection des
consommateurs du 14 juillet 1991 et du 2 août 2002, J.T. 2003, p. 797).
En outre, les juges ont trouvé dans notre arsenal juridique le moyen de sanctionner
des comportements abusifs : principe de l'exécution de bonne foi des contrats, théorie
de   l'abus   de   droit,   règles   relatives   à   l'interprétation   des   conventions,   lésion
qualifiée, ...
Il   est   à   noter   que   surtout   à   propos   des   contrats   d'assurances,   la   jurisprudence   se
montre de plus en plus encline à interpréter les contrats d'adhésion à l'encontre de la
partie dont ils sont issus, et que cette interprétation tend à gagner d'autres domaines.
28. Les conditions générales
Il s'agit de clauses standardisées émanant d'une des parties contractantes, destinées
à compléter le contenu du contrat et figurant, imprimées, sur des offres, des bons de
commande, du papier à lettre, des factures, des panneaux destinés à l'attention d'une
clientèle, des tickets d'entrée, ...
L'acceptation des conditions générales est régie par les règles de droit commun.
La  question  essentielle  qui  se  pose  à  propos  des conditions générales est celle   de
savoir si elles ont été agréées. En d'autres termes, font-elles partie du contrat, sont-
elles entrées dans le champ contractuel ?
Il faut se demander au préalable si les conditions générales ont pu être connues par la
personne   à   qui   elles   sont   destinées  et   contre   qui   on   entend   les  invoquer,   si   cette
connaissance a été antérieure à la conclusion du contrat, à l'acceptation d'une offre et
enfin, si ces conditions connues antérieurement à l'accord ont été agréées.
Dans   l'affirmative,   les   conditions   générales   font   partie   du   contrat   et   ont   effet
obligatoire, en vertu de l'article 1134 du Code civil, sous réserve de contrariété à une
loi impérative ou d'ordre public. 
Lorsque les conditions générales figurent sur les factures, des règles spécifiques de
droit commercial s'appliqueront le cas échéant.
Et en matière commerciale, la jurisprudence va plus loin.
Ainsi, par exemple, il peut être raisonnablement présumé qu'un commerçant connait
les conditions générales standard généralement usitées dans son secteur d'activité.
La   référence   aux   dites   conditions   générales   figurant   sur   les   bons   de   commande
envoyées   à   ce   commerçant   laisse   présumer   qu'il   en   a   pris   connaissance   et   les   a
acceptées (Com. Gand, 12 octobre 1989, R.D.C., 1991, 548 et note)
59
Enfin, de même que pour les contrats d'adhésion, les abus éventuels peuvent être
corrigés   par   la   mise   en   oeuvre   des   règles   d'interprétation   et   notamment   celle
contenue dans l'article 1162 du Code civil : le doute profite au débiteur de l'obligation.
Le   principe   d'exécution   de   bonne   foi   des   contrats,   en   pleine   expansion,   peut
également venir au secours d'une des parties.
28bis. Conclusion de contrats par voie électronique.
Pour la conclusion d’un contrat par voie électronique (dans les cas visés par la loi du
11   mars   200354),   la   procédure   de   commande   contractuelle   organise   de   manière
originale   la   rencontre   de   l’offre   du   prestataire   de   services   et   l’acceptation   d’un
consommateur. 
Préalablement,  le  prestataire  doit  assurer   un  accès  facile,  direct   et  permanent  aux
informations   permettant   de   l’identifier   (nom   ou   dénomination   sociale,   coordonnées
électroniques et géographique, numéro d’identification ou d’immatriculation,….) 55, les
langues proposées pour la conclusion du contrat, les différentes étapes à suivre, les
moyens techniques pour identifier et corriger les erreurs dans la saisie des données. 
En   outre,   les   clauses   contractuelles   et   les   conditions   générales   doivent   être
accessibles  d’une   manière  qui   permette   au   destinataire  de  les  conserver  et de  les
reproduire56.
Lorsque  le  destinataire   du  service   passe  une  commande  par   voie  électronique,   les
principes suivants s'appliquent57 :
le   prestataire   accuse   réception   de   la   commande   du   destinataire   sans   délai
injustifié et par voie électronique;
l'accusé de réception contient, notamment, un récapitulatif de la commande;
la   commande   et   l'accusé   de   réception   sont   considérés   comme   étant   reçus
lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès.
La   procédure   de   commande   permet   la   matérialisation   de   l’offre,   de   la   réception
détaillée de la commande et de l’adhésion du client. 
Ainsi, associée à l’exigence de mise à disposition préalable des clauses contractuelles
et des conditions générales, cette procédure organise non seulement les modalités de
conclusion  de tels contrats, mais permet également au destinataire de se constituer
une   preuve   aujourd’hui   réputée   équivalente58  à   un   écrit   au   sens   de   l’exigence   de
l’article 1341 C.C.
La   procédure   de   commande   n’est   impérative   que   lorsque   le   client   est   un
consommateur   (au   sens   « business   to   consumer »,   par   opposition   à   une   relation
« business to business »), et n’est pas applicable aux contrats conclus exclusivement
au moyen d’un échange de courriers électroniques59. 
54 M.B., 17 mars 2003, p. 12962
55 Article 7 de la loi.
56 Articles 8 et 9 de la loi.
57 Article 10
58 Article 16
59 Article 11
Illustrations de la section 2
    : Contrat – Formation – Offre
60
Formation du contrat
Civil Mons 15 mars 2000, JLMB 2001, p. 1309
(…)b. La formation du contrat de vente
Attendu qu'il convient d'examiner si le contrat de vente du véhicule litigieux a été
valablement formé;
Qu'il est constant que si le bon de commande est signé par les deux parties, il y a
naissance   d'un  contrat  (voy. E. DIRIX  et G.-L. BALLON, La facture, Diegem, Kluwer,
1996, n° 329, et les nombreuses références);
Qu'en   outre,   lorsqu'une   des   parties   au   contrat   n'est   pas   commerçante,   le   bon   de
commande est une preuve valable de l'existence du contrat s'il est établi en autant
d'exemplaires   qu'il   y   a   de   parties   et   si   chaque   exemplaire   mentionne   le   nombre
d'exemplaires établis (article 1325 du code civil);
Que chaque exemplaire doit être un original;
Que toutefois, pour qu'on puisse parler d'original, chaque exemplaire doit être revêtu
de la signature des parties et, en tout cas, de la signature de toutes les parties autres
que le détenteur de l'écrit (N. VERHEYDEN-JEANMART, Droit de la preuve, Précis de la
Faculté de droit de Louvain, Bruxelles, Larcier, 1991, p. 52, n° 532);
Attendu qu'il est établi que le bon de commande n'a pas été signé en l'espèce par le
vendeur   Autoprécision,   de   sorte   que   l'exemplaire   du   bon   de   commande   remis   à
Gérard L. n'est pas un original au sens de l'article 1325 du code civil et ne peut faire
preuve de la conclusion d'un contrat de vente;
Attendu que l'article premier des conditions générales du vendeur dispose que : "la
commande lie l'acheteur dès l'acceptation par le vendeur";
Qu'en insérant cette clause, le vendeur entend subordonner la formation du contrat à
son consentement exprès;
Que   la   validité   de   cette   clause   est,   en   règle   générale,   admise   lorsqu'elle   ressort
clairement du bon de commande (Cass. fr., 9 décembre 1980, Dalloz, 1981, I.R., p.
441, cité par E. DIRIX et G.-L. BALLON, op. cit., Diegem, Kluwer, 1996, n° 329);
Qu'en l'espèce, vu que le vendeur n'a pas signé le bon de commande, on ne peut pas
considérer,   comme   l'a   décidé   à   tort   le   premier   juge,   que   le   vendeur   a   accepté
immédiatement la commande de l'acheteur et qu'un contrat de vente a été formé dès
le 5 octobre 1994;
Que l'acceptation tacite par le vendeur de l'offre de l'acheteur n'est pas suffisamment
établie par l'envoi d'une offre de crédit de FinRenault établie au nom de Gérard L.;
Attendu que le tribunal se rallie à la position adoptée par la doctrine la plus autorisée
et  considère  que le bon de commande  a, en  l'espèce, uniquement la valeur d'une
offre   du   client-acheteur   soumise   à   l'acceptation   du   vendeur   (L.   CORNELIS",   het
aanbod bij het totstand komen van overeenkomsten", R.D.C., 1983(6), p. 43, n° 40; E.
DIRIX et G.-L. BALLON, op. cit., Diegem, Kluwer, 1996, n°330):
Attendu que lorsqu'aucun délai n'a été fixé conventionnellement pour l'acceptation de
l'offre, comme en l'espèce, on admet que l'offrant doit maintenir son offre durant un
délai raisonnable, qui est apprécié par le juge en fonction du cas d'espèce (Mons, 10
décembre   1985,   J.L.M.B.,   1987,   p.   1122)   et   du   temps   raisonnablement   nécessaire
pour étudier utilement l'offre (FR. T'KINT, "Négociation et conclusion du contrat", in
Les obligations contractuelles, Editions du Jeune barreau de Bruxelles, 1984, p. 37, n°
53);
61
Qu'en   d'autres  termes,   le   bon   de  commande  a,   en  l'espèce,   valeur  d'une   offre   du
client (qui ne pouvait donc être annulée par Gérard L. qu'après un délai raisonnable et
sans mise en demeure;
Qu'en retirant son offre pour des raisons personnelles par lettre recommandée du 10
octobre 1994, Gérard L. n'a pas respecté ce délai raisonnable et a commis une faute
quasi   délictuelle  engendrant  éventuellement  un   manque   à  gagner  dans  le   chef   du
vendeur;
Qu'à titre comparatif, lorsqu'une vente au consommateur est conclue en dehors de
l'entreprise   du   vendeur,   l'article   88   de   la   loi   du   14   juillet   1991   dispose   que   le
consommateur a le droit de renoncer sans frais à son achat à condition d'en prévenir
le vendeur par lettre recommandée à la poste, dans les sept jours ouvrables à dater
du lendemain du jour de la signature du contrat;
Que le législateur considère dans cette hypothèse que le délai de sept jours est le
délai raisonnable pour renoncer à la vente;
Qu'en   l'espèce,   l'acheteur   n'a   laissé   au   vendeur   qu'un   délai   de   cinq   jours   pour
accepter son offre, ce qui n'est pas raisonnable;
Attendu qu'en conséquence, il convient de considérer que le contrat de vente n'a pas
été valablement formé;
Que, cependant, la responsabilité quasi délictuelle de Gérard L. est engagée, et qu'il y
a   lieu   de   le   condamner,   le   cas   échéant,   à   des   dommages   et   intérêts   qui   doivent
réparer la perte d'une chance de conclure le contrat (voy. FR. T'KINT, "Négociation et
conclusion du contrat", in Les obligations contractuelles, Editions du Jeune barreau de
Bruxelles, 1984, p. 46, n° 71 et n° 71bis).
*
*      *
62
Section 3. Les conditions de validité du contrat
29. Introduction
Il   ne   s'agit,   dans   ce   chapitre,   que   des   conditions   requises   pour   la   validité   de   tout
contrat, des règles de principe applicables à tous les actes juridiques bilatéraux.
L'article   1108   du   Code   civil   énonce   « quatre   conditions   sont   essentielles   pour   la
validité d'une convention »
le consentement de la partie qui s'oblige;
sa capacité de contracter;
un objet certain qui forme la matière de l'engagement;
une cause licite dans l'obligation.
Nous   savons   déjà   qu'outre   ces   conditions,   certains   contrats   doivent   respecter   les
formes déterminées par une loi pour être valables (formalisme de validité).
Lorsqu'une des conditions que nous allons étudier ici fait défaut ou est affectée d'un
vice, le contrat sera annulable.
Voici le plan que nous suivrons
le consentement et ses vices (n° 30);
la capacité (n° 31);
l'objet (n° 32);
la cause (n° 33);
la licéité (n° 34);
les sanctions (n° 35).
30. Le consentement et ses vices
a) Principe
Rappelons une nouvelle fois le principe du consensualisme : le contrat se forme par le
simple échange des consentements. Il importe que ces consentements soient sains,
donnés   librement,   en   parfaite   connaissance   de   cause,   qu'ils   ne   soient   entachés
d'aucun vice (art. 1109 C.C.).
Nous verrons que l'accord des parties ne doit pas nécessairement porter sur tous les
éléments du contrat. Il suffit qu'il y ait consentement sur les éléments essentiels et
substantiels de celui-ci (Cass. 12 juin 1980, Pas., 1980, 1, 1248)
Soulignons enfin qu'un "consentement" donné par une personne en état d'aliénation
mentale ou d'ébriété totale n'aurait aucune efficacité : le contrat pourrait être annulé
faute de consentement. (Voy. Civ. Bruxelles, 11 juin 1999, J.L.M.B. 2000, p. 321)
63
Examinons maintenant les vices du consentement.
b) L'erreur
Nous   n'aurons   égard   ici   qu'à   l'erreur   commise   à   l'occasion   de   la   conclusion   d'une
convention. 
D'une manière générale, l'erreur est ainsi une idée fausse ou inexacte que se fait un
contractant d'un des éléments du contrat.
Il existe plusieurs types d'erreur possibles.
-
L'ERREUR-OBSTACLE
Il ne s'agit pas à proprement parler d'une erreur-vice du consentement mais plutôt
d'un malentendu les volontés ne se rencontrent pas; elles se croisent : vous croyez
prendre en location ou m'acheter telle parcelle de terrain  et je crois vous louer ou
vous vendre telle autre parcelle.
L'erreur-obstacle - qui peut porter sur la nature du contrat ou sur son objet - détruit le
consentement.
-
L'ERREUR SUBSTANTIELLE
L'article   1110   du   Code   civil   stipule   :   "l'erreur   n'est   une   cause   de   nullité   de   la
convention   que   lorsqu'elle   tombe   sur   la   substance   même   de   la   chose   qui   en   est
l'objet. Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne
avec  laquelle  on a l'intention de contracter,  à moins que  la considération  de cette
personne ne soit la cause principale de la convention".
L'erreur doit donc avoir porté sur un élément qui a déterminé principalement la partie
à contracter; en l'absence d'erreur, elle n'aurait pas conclu.
L'erreur sera prise en considération si elle porte sur une qualité déterminante de la
chose qui fait l'objet de l'obligation ou sur une qualité déterminante de la personne du
cocontractant (tel pourra être le cas dans les contrats intuitu personae).
Il   faut   encore   que   l'erreur   soit   commune,   c'est-à-dire   que   les   deux   parties   soient
informées   de   l'aspect   déterminant   des   caractéristiques   de   la   chose   sur   lesquelles
l'erreur a porté pour la victime de l'erreur le contractant doit connaître ou, du moins,
ne peut ignorer l'importance primordiale attachée à l'existence de telle qualité par son
cocontractant.
En revanche, l'erreur inexcusable (voy. par ex. Civ. Liège, 10 avril 1989, J.L.M.B. 1990,
p. 224), grossière, impardonnable, sera écartée et ne pourra entraîner l'annulation du
64
contrat (à l'exception toutefois de l'erreur inexcusable provoquée par un dol : voyez ci-
dessous). Le caractère inexcusable se détermine par rapport au comportement du bon
père de famille, du bonus pater familias, cet homme normalement prudent, soigneux
et diligent, placé dans les mêmes conditions que celui dont on apprécie la gravité de
l'erreur.
Voici   quelques   illustrations   de   l'application   de   l'article   1110,   fournies   par   la
jurisprudence
annulation du contrat de vente d'une parcelle que les parties considéraient
erronément comme terrain à bâtir;
annulation de la vente d'un tableau attribué à tort à tel artiste célèbre;
 mise   à   néant   de   l'achat   de   meubles   garantis   par   des   certificats   d'expert
comme étant d'époque Louis XV, alors qu'ils dataient de Napoléon III ;
annulation   de   la   vente   d'une   maison   située   sur   le   futur   trajet   d'une
autoroute, ce que l'acheteur et le vendeur ignoraient ;
Voir également : Bruxelles, 23 novembre 1998, J.L.M.B. 2000, p. 910 (vente
d’un moutardier en argent gravé) ; Bruxelles, 6 octobre 1997, J.L.M.B. 2000,
p. 917 (vente de la poubelle du sculpteur César).
-
L'ERREUR SUR LA VALEUR
L'erreur sur le prix ou sur la valeur de l'objet du contrat ne constitue pas une erreur
substantielle puisqu'elle ne porte pas sur la substance de la chose vendue (Anvers, 27
août 1993, R.W. 1994-1995, 1194)
Elle ne peut être prise en considération, car "la lésion ne vicie les conventions que
dans certains contrats ou à l'égard de certaines personnes" (art. 1118 C.C.).
La sécurité juridique serait en effet mise en péril si les parties pouvaient agir en nullité
de contrats qui se révèlent en définitive pour elles de "mauvaises affaires".
De même, l'erreur sur la solvabilité du cocontractant est indifférente.
-
L'ERREUR DE DROIT
Sauf dans les contrats de transaction (art. 2052 C.C.), l'erreur de droit peut constituer
une cause de nullité, pour autant que les conditions vues ci-dessus soient réunies.
La  maxime "nul n'est censé ignorer la loi" ne s’applique en principe qu'en matière
pénale.   Mais   on   peut   cependant   se   poser   la   question   si   la   fin   du   Moniteur   papier
n’implique pas celle de cette règle60.
Ainsi,   pourrait   être   annulable   l'engagement   de   payer   une   somme   d'argent   à   tel
organisme dans la croyance erronée - résultant d'une mauvaise interprétation de la loi
- de l'existence d'une obligation légale (voy. ég. Liège, 29 juin 1988, F.J.F. 89/198).
60 Ch. Clesse, De la fin du « Moniteur » papier à la mort de  « nemo censetur… », J.T. 2002, p. 835.
Observons   aussi   qu’un   acte   unilatéral   pourrait   être   vicié   par   une   erreur   de   droit
(Liège,
2 mars 1999, J.L.M.B. 1999, p. 1768 : acquiescement à une décision judiciaire).
65
-
PRISE EN CHARGE DES RISQUES D'ERREUR
Lors   de   la   conclusion   du   contrat,   les   parties   peuvent   convenir   que   l'une   d'elles
supportera   les   risques   d'erreur   et   qu'elle   ne   pourra   donc   pas   agir   en   nullité   s'il
apparaît qu'une erreur a été commise.
Une telle clause se rencontre fréquemment dans les ventes publiques d'œuvres d'art :
le   candidat   acheteur   a   eu   le   loisir   d'examiner   l'objet   mis   en   vente.   Il   assumera
contractuellement les risques d'erreur (voy. par ex., Liège, 28 juin 1994, J.L.M.B. 1995,
p. 398).
-
PREUVE DE L'ERREUR
L'erreur étant un fait juridique, elle peut se prouver par toutes voies de droit.
c) Le dol
- NOTION
Il   s'agit  de  toute   espèce  d'artifice   utilisé   pour tromper  quelqu'un,  de   manœuvres   -
machination,   tromperie,   mensonge,   ou   même   réticence   lorsqu'il   existe   un   devoir
caractérisé de parler - pratiquées par une partie pour amener l'autre à contracter (art.
1116 C.C.).
La victime du dol a été trompée. Elle mérite donc une certaine indulgence. Aussi, le
dol   est  pris   en  considération   même  s'il  a  provoqué  une  erreur   inexcusable   ou   une
erreur sur la valeur61.
Le "dolus bonus" - exagérations permises par l'usage - n'est pas une manœuvre au
sens de l'article 1116 et ne peut non plus, en principe, constituer une faute au sens de
l'article 1382 du Code civil. (par exemple le " baratin " du vendeur de foire).
En outre, le dol ne doit pas se confondre avec le délit pénal d'escroquerie62.
-
DOL PRINCIPAL
61 Voy. J. MATTIJS, Des effets de la négligence ou de l'imprudence de la victime du dol, RCJB., 1980, 38 et s. et Mons,
1er décembre 1983, Pas. 1984, I, 62, note J.S.)
62 Voy. l'article 496 du Code pénal. Il arrive qu'un dol soit constitutif d'une escroquerie, mais cette coïncidence n'est pas
nécessaire. Ainsi, de simples allégations mensongères ne peuvent, à elles seules, constituer le délit, d'escroquerie.
66
Il y a dol principal lorsque la manœuvre est pratiquée pour obtenir le consentement
du   cocontractant.   Dans   ce   cas,   la   manœuvre   est   telle   que   sans   celle-ci,   le
consentement n'aurait pas été donné; le dol principal détermine l'engagement.
Aux  termes   de  l'article   1116, le  dol  doit  émaner  de   l'une  des  parties  (et  non  d'un
tiers).
Ainsi, a été annulée la vente d'actions d'une société, car l'acheteur avait été trompé
par   la   production   de   faux   bilans   faisant   apparaître   une   entreprise   prospère,   au
contraire de la réalité.
Le dol principal constitue assurément une faute.
Cette   faute,   intervenant   dans   la  phase   précontractuelle,   sera   sanctionnée,   le   cas
échéant, par l'article 1382 du Code civil.
On s'aperçoit donc qu'à côté de la sanction propre au dol, la nullité de la convention
affectée d'un vice du consentement, il en existe une autre possible : l'allocation de
dommages et intérêts en application des règles de la responsabilité civile lorsque la
mise à néant du contrat n'aura pas réparé tout le préjudice subi par le contractant
abusé. Illustrons ce propos.
Supposons que Primus vende à Secundus une voiture d'occasion après avoir falsifié
les   documents   relatifs   à   l'année   de   la   mise   en   circulation,   modifié   le   compteur
kilométrique,   réduisant   des   2/3   le   nombre   de   kilomètres   parcourus,   et   repeint
superficiellement de graves attaques de rouille. Après quelques semaines d'usage du
véhicule, Secundus, qui a découvert les manoeuvres dont il a été la victime, agit en
nullité.   La   vente   est   annulée   et   les   prestations   réciproques   sont   en   conséquence
restituées.   Cependant,   Secundus   a   pu   subir   un   préjudice   que   ne   répare   pas
totalement la mise à néant du contrat; notamment, il a exposé en pure perte des frais
de réparations diverses, payé des taxes et assurances. Il invoquera alors l'article 1382
du Code civil.
-
DOL INCIDENT - CULPA IN CONTRAHENDO
Le dol incident consiste lui aussi en une manœuvre fautive, exercée à l'égard du futur
partenaire contractuel.
Mais ici, à la différence de l'hypothèse du dol principal, la manœuvre n'entraîne pas la
décision de consentir : elle a pour résultat d'amener le cocontractant à accepter des
conditions désavantageuses.
Le dol incident constitue également une faute précontractuelle, une faute antérieure à
la naissance de la convention, une culpa in contrahendo.
La   nullité   du   contrat   ne   peut   sanctionner   cette   manoeuvre,   car   le   dol   n'a   pas   été
déterminant.
L'application de l'article 1382 du Code civil assurera à la victime du dol incident la
réparation de son préjudice.
67
Voici un exemple
Primus vend à Secundus une voiture d'occasion, après en avoir modifié le compteur
kilométrique. Croyant acheter un véhicule ayant roulé 30.000 km, Secundus acquiert
en réalité une automobile qui a parcouru 40.000 km. La manoeuvre de Primus n'a pas
déterminé le consentement de Secundus - du moins supposons-le - mais l'a amené à
payer   un   prix   plus   élevé   que   celui   qui   eut   été   convenu   sans   la   faute   de   Primus.
Secundus pourra obtenir des dommages et intérêts sur base de l'article 1382 du Code
civil   ...   pour   autant   qu'il   puisse   prouver   l'existence   de   la   faute   (voy.   ég.   Comm.
Charleroi, 22 novembre 1995, J.L.M.B. 1997, p. 1668).
-
PREUVE DU DOL
Le dol, et son caractère principal ou incident, étant des faits juridiques, leur preuve
peut être rapportée par toutes voies de droit.
d) La violence
En cas d'erreur ou de dol, le consentement est vicié parce qu'il n'a pas été donné en
parfaite   connaissance   de   cause.   En   cas   de   violence,   le   vice   consiste   en   ce   que   le
consentement   n'a   pas   été   donné   librement   :   il   a   été   extorqué   sous   l'effet   d'une
contrainte.
En réalité, ce vice du consentement procède de la crainte, née d'une violence, d'un
mal - physique, moral ou pécuniaire -, crainte qui altère la liberté du consentement.
Les articles 1111 à 1115 du Code civil régissent la matière.
La violence doit avoir une certaine gravité, être de nature à faire impression sur une
personne raisonnable, être déterminante.
Pour entraîner l'annulation, la violence doit revêtir un caractère  injuste  ou illicite. Tel
ne serait pas le cas de la menace de l'exercice légitime d'un droit (par ex., convention
de remboursement signée par un employé indélicat sous la menace du dépôt d'une
plainte au parquet pour détournement et d'un renvoi pour motif grave).
En revanche, commet une violence illicite, le créancier qui menace son débiteur de
procès et de saisie pour lui extorquer des engagements exorbitants (voy. par ex. Civ.
Liège, 22 juin 1994, J.L.M.B. 1994, p. 1106).
La  violence,   au   contraire  du   dol,  peut  émaner  d'un   tiers   au   contrat  et  être  source
d'annulation  (comp.  les  art.   1111  et  1116  C.C.).  En  outre,   la  violence  est  prise   en
considération   même   si   elle   est   exercée   sur   le   conjoint,   les   descendants   ou   les
ascendants du contractant (art. 1113).
L'annulation de la convention sanctionne la violence. Si cette sanction ne répare pas
tout le préjudice causé au cocontractant, une demande de dommages et intérêts peut
être   formulée   sur   base   de   l'article   1382   du   Code   civil,   car   la   violence,   elle   aussi,
constitue une faute précontractuelle, une culpa in contrahendo.
La violence, fait juridique, se prouve par toutes voies de droit.
68
e) L'état de nécessité
Dans   l'hypothèse   de   la   violence,   la   contrainte   sur   le   consentement   émane   d'une
personne. Il arrive par ailleurs que la contrainte résulte d'une situation de péril due à
des événements extérieurs. On parle alors d'état de nécessité.
Devant quitter précipitamment tel endroit en raison de la guerre et des persécutions
auxquelles   elle   donne   lieu   telles   personnes   cherchent   à   vendre   sans   délai   leur
patrimoine.   Un   amateur   en   propose   un   prix   dérisoire,   cependant   accepté,   compte
tenu des nécessités, de l'urgence et du péril grave qui menace les vendeurs. La vente
pourra-t-elle un jour être annulée ?
On admet généralement aujourd'hui qu'un contrat soit annulable du chef de violence
lorsqu'un consentement est obtenu sous l'effet d'une contrainte résultant d'un danger
né de circonstances extérieures, dont le contractant a abusé.
Le concept doit cependant être manié avec prudence, car, d'une certaine façon, on
est toujours en état de nécessité de contracter (nécessité de se loger, de se nourrir,
de se faire soigner, de contracter un emprunt, ... ).
En   guise   d'illustration,   citons   encore   le   sauvetage   d'un   navire   en   perdition   par   un
bateau   dont   le   capitaine   se   fait   promettre   telle   "récompense"   par   son   homologue
secouru. Le législateur a envisagé cette hypothèse puisque l'article 262 du livre II du
Code de commerce stipule : "toute convention d'assistance et de sauvetage passée
au moment et sous l'influence du danger peut, à la requête de l'une des parties, être
annulée ou modifiée par le juge, s'il estime que les conditions convenues ne sont pas
équitables".
f) La lésion
La   lésion,   édicte   l'article   1118   du   Code   civil,   "ne   vicie   les   conventions   que   dans
certains contrats ou à l'égard de certaines personnes".
Fort bien, mais en quoi consiste-t-elle ?
La lésion consiste dans le préjudice pécuniaire causé par une  disproportion  entre les
prestations   réciproques   des   cocontractants.   Cette   disproportion,   à   supposer   qu'elle
puisse être prise en considération, devrait s'apprécier au moment de la formation du
contrat.
La lésion est donc un déséquilibre économique entre les obligations réciproques des
parties, lequel est contemporain de la formation du contrat.63 64
63 Civ. Ypres, 18 mai 1990, R.G.C.D. 1991, 403.
69
Imaginons l'hypothèse suivante :
Une maison achetée il y a quelques années pour telle somme en vaut aujourd'hui le
double, parce que le quartier mal famé dans lequel elle se situait est devenu le lieu
d'établissement de nombreux commerces de luxe. La lésion s'appréciant au moment
de   la   vente,   on   ne   pourrait   songer   un   instant   à   l'invoquer   si,   à   cette   époque,
l'immeuble a été acquis à son juste prix.
La lésion, en soi, n'est en principe pas cause d'annulation. Le législateur n'a pas voulu
mettre   en   péril   la   stabilité   des   contrats,   principe   essentiel   de   la   vie   économique.
L'existence d'une disproportion ne suffit pas à établir une erreur ou l'existence d'un
dol, bref un vice du consentement dans le chef du lésé : on peut faire une "mauvaise
affaire" sans s'être trompé ni avoir été trompé.
Par exception, et à certaines conditions strictes, la lésion pourra entraîner la mise à
néant du contrat, sa rescision.
Quels sont les cas de lésion annoncés par l'article 1118 du Code civil ?
Voici :
"si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d'un immeuble,
il a le droit de demander la rescision de la vente" (art. 1674 C.C.);
"il   peut   aussi   y   avoir   lieu   à   rescision   lorsqu'un   des   cohéritiers   établit,   à   son
préjudice, une lésion de plus du quart" (art. 887, al. 2 C.C.);
"la simple lésion donne lieu à la rescision en faveur du mineur non émancipé,
contre toutes sortes de conventions" (art. 1305 C.C.); en outre, le mineur ne
devra restituer au contractant que ce qu'il a conservé dans son patrimoine, ce
qui a "tourné à (son) profit" (art. 1312 C.C.).
g) La lésion qualifiée
Construction de la doctrine et de la jurisprudence, la théorie de la lésion qualifiée tend
à neutraliser une disproportion, une lésion, qui résulte d'un type particulier de culpa in
contrahendo, de dol (principal ou incident).
La lésion qualifiée suppose que soient réunies les conditions suivantes :
l'existence   d'un   déséquilibre   manifeste   entre   les   prestations   réciproques   des
parties ;
le   déséquilibre   doit   résulter   de   l'abus,   par   un   contractant,   des   circonstances
d'infériorité   dans   laquelle   l'autre   se   trouve   et   plus   particulièrement   de   ses
passions, sa faiblesse, son inexpérience, son ignorance ou ses besoins ;
l'effet   déterminant   sur   le   consentement   qu'a   eu   l'exploitation   de   cette
infériorité.
64  Il   ne   faut   pas   confondre   la   lésion   avec   l'imprévision   qui   a   trait   à   un   déséquilibre   survenant   pendant   la   phase
d'exécution du contrat. (Voyez n° 37)
La faute consiste ici dans l'abus, dans l'exploitation de l'infériorité, de l'inexpérience,
des besoins, de la faiblesse, de la légèreté, de l'ignorance de l'autre partie.
70
Tel agent immobilier, peu scrupuleux, explique à ce candidat vendeur qu'il ne peut
espérer vendre sa maison pour plus de 50.000 euros. L'agent se voit confier la tâche
de  rechercher des acquéreurs éventuels. Le  contrat  d'entreprise  qu'il a proposé  au
propriétaire de l'immeuble prévoit que sa rémunération sera de 3 % du prix de vente
sur  les  premiers  50.000 € et de  35 % au  delà. Quelques jours plus tard,  l'agent a
découvert un amateur au prix de 75.000 €. ... La vente se conclut et l'intermédiaire
réclame sa commission au vendeur. La théorie de la lésion qualifiée va permettre à
celui-ci de faire obstacle - partiellement du moins - à la demande de cet agent : l'abus
de l'inexpérience et de l'ignorance du marché immobilier se voit ainsi sanctionné.
La sanction de la lésion qualifiée est soit l'annulation dans le cas où le contrat n'aurait
pas   été   conclu   sans   le   comportement   fautif   de   l'une   des   parties   (cette   annulation
étant éventuellement accompagnée de dommages et intérêts sur base de l'art. 1382
C.C.), soit l'application seule de l'article 1382 du Code civil et la condamnation à la
réparation du dommage de la façon la plus adéquate, la plus appropriée possible.
En 1935, la lésion qualifiée entre dans le Code civil65 par la matière du prêt à intérêts.
Le législateur y a prévu une sanction spécifique de l'abus des besoins, des faiblesses,
des passions ou de l'ignorance de l'emprunteur, à savoir la réduction des obligations
de celui-ci au remboursement du capital prêté et au paiement de l'intérêt légal (art.
1907 ter C.C.).
La jurisprudence a aujourd'hui généralisé la notion de lésion qualifiée, même si des
controverses subsistent quand à ses fondements (voy. J.F. Romain, Regain de la lésion
qualifiée en droit des obligations, J.T. 1993, p. 749 et s.).
31. La capacité
Il faut être capable pour contracter valablement.
"Toute personne peut contracter, si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi" (art.
1123 C.C.).
La capacité (d'exercice) est, nous le savons, l'aptitude à faire seul, en son nom, des
actes juridiques, à exercer seul les droits dont on est titulaire (supra n° 14).
La sanction de l'incapacité, prononcée par le juge, est la nullité ou la rescision (cas du
mineur lésé) de l'acte accompli par l'incapable.
La capacité ne peut se confondre avec le pouvoir, l'aptitude à agir au nom et pour le
compte d'autrui. Nous y reviendrons lorsque nous étudierons la notion de "partie au
contrat" (infra n° 39).
65 Voy. l'article 1907ter du Code Civil introduit dans le Code par l'A.R. n° 148 du 18 mars 1935, conf. par la loi du 4 mai
1936
Traditionnellement, la capacité est étudiée dans la matière des "personnes". Nous n'y
réserverons pas d'autres développements.
71
72
32. L'objet
Le   contrat   doit   avoir   un   objet   déterminé   ou   déterminable,   qui   soit   réalisable   ou
possible et licite (art. 1129).
a) Notion et conditions
L'article 1126 stipule que tout contrat a pour objet une chose qu'une partie s'oblige à
donner, ou qu'une partie s'oblige à faire ou à ne pas faire. En réalité, le Code vise là
l'objet des obligations qui sont elles-mêmes les effets du contrat.
L'objet   du   contrat   doit   être  déterminé,   ou,   à   tout   le   moins,  déterminable  (par   ex.,
obligation   de   livrer   pendant   tel   laps   de   temps,   le   carburant   nécessaire   au
fonctionnement de telle machine).
Illustrons la nécessité de respect de cette condition.
Un   contrat   de   travail   doit   avoir   pour   objet   l'engagement   d'exécuter   un   travail
déterminé. L'adhésion d'une religieuse à une congrégation impliquant l'engagement
d'accomplir "certaines tâches" non précisées ne permet pas de considérer qu'existe
un contrat de travail portant sur l'enseignement dans une école.
L'objet de la convention est déterminable lorsque la lecture ou l'analyse de celle-ci
permet de définir la nature et l'étendue des prestations réciproques des parties.
L'objet   du   contrat   peut   être   une  chose   future  (art.   1130   C.C.).   Par   exemple,
l'engagement pris par un locataire de payer toutes taxes, redevances, présentes et
futures, est valable parce que suffisamment déterminé. De même, une créance future
peut faire l'objet d'une cession pour autant qu'elle soit déterminable (voir infra n° 90 ;
voir également, à propos de l’engagement d’une caution, Civ. Charleroi, 3 avril 1992,
J.T. 1993, p. 71).
L'objet   du   contrat   doit   être  possible  :   à   l'impossible,   nul   n'est   tenu.   Cette
caractéristique doit s'apprécier au moment de la conclusion de la convention.
Illustrons le propos en imaginant la conclusion d'un contrat de bail commercial en vue
de   permettre   l'exploitation   d'un   magasin   au   rez-de-chaussée   d'un   immeuble   à
appartements   multiples   dont   l'acte   de   base   interdit   la   location   à   des   fins
commerciales. Ce contrat, dont l'objet pourrait être jugé impossible, serait annulable.
Il faut se garder de confondre objet impossible au moment de la formation du contrat
et impossibilité d'exécution (pour quelque cause que ce soit) survenant dans le cours
du contrat valablement formé.
L'objet du contrat doit en outre être licite.
73
Ne peuvent faire l'objet de convention les choses hors commerce (art. 1128 C.C.) 66 et
les successions futures (art. 1130, al. 2 C.C.)67.
Enfin, citons cette amusante décision du Juge de Paix de Grivegnée (19 février 1997,
J.L.M.B.   1998,   p.   130)   qui   annule,   pour   défaut   d’objet,   le   contrat   conclu   entre   une
personne désireuse de suivre une cure  anti-tabac et une société qui commercialise
divers   produits   dans   le   domaine   de   la   santé,   au   motif   qu’il   s’agit   en   réalité   de
« poudre de perlimpinpin ».
b) Détermination de l'objet par un tiers
En   principe,   l'objet   du   contrat   doit   être   déterminé   au   moment   de   la   formation   du
contrat, par les parties. Il arrive cependant que les parties puissent laisser à un tiers le
soin de déterminer l'objet du contrat (voy. les art. 1591 et 1592 C.C. en matière de
vente et l'art. 31 du code des sociétés).
Ainsi,   un   tiers   -   un   expert   par   exemple   -   peut-il   être   chargé   par   les   parties   de
déterminer   le   prix   d'une   vente   sur   base   d'éléments   de   référence   dont   ces   parties
seraient convenues au préalable.
Cependant, le prix ne serait pas jugé déterminable si la convention renvoyait à cet
égard à des experts à désigner par un tiers sans mention des éléments de référence à
prendre en considération. Voy. VAN OMMESLAGHE, op. cit., n° 29; voy. ég. SIMONT, DE
GAVRE et FORIERS, op. cit., n°4.
La relation entre le tiers et les parties sera généralement analysée comme un contrat
de mandat.
c) Détermination de l'objet par l'une des parties
Le contrat d'entreprise (par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose
pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles : art. 1710 C.C.) laisse souvent la
possibilité à l'entrepreneur de déterminer seul un ou plusieurs des éléments essentiels
de la convention : les prestations à accomplir et le prix, par exemple.
Songeons au garagiste chargé de réparer un véhicule, au médecin non conventionné,
à l’avocat.
Le contrat de travail permet aussi, dans certaines limites strictes (voyez l'article 25 de
la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail), une détermination (partielle)
unilatérale de l'objet (à condition que le contrat ne définisse que de façon générale
l'objet de la prestation  de travail), par exemple, la modification  par l'employeur de
certaines tâches confiées à l'employé.
66  Par   ex.,   les   biens   du   domaine   public   dans   la   mesure   nécessaire   pour   assurer   leur   affectation   au   service   public
(routes, édifices publics ... ), ou des animaux destinés à la consommation et élevés avec des substances hormonales,
ou encore de la cocaïne, ... ainsi encore, la clientèle d'un cabinet médical a-t-elle été jugée hors commerce.
67 Serait un pacte sur succession future prohibé, la convention conclue entre deux héritiers présomptifs qui s'engagent
à considérer comme nul tout testament qui attribuerait à l'un d'eux plus qu'à l'autre.
74
Le débiteur de l'obligation déterminée par le créancier est protégé notamment par le
principe de l'exécution de bonne foi inscrit dans l'article 1134 du Code civil (voir infra
n° 38).
Ainsi, supposons qu'un garagiste détermine seul la nature des prestations à accomplir
et   leur   prix,   le   principe   de   l'exécution   de   bonne   foi   des   contrats   entraîne   pour   lui
l'obligation d'informer son client, en cours d'exécution, des difficultés exceptionnelles
rencontrées dans l'accomplissement du travail confié et de leur incidence sur le prix
(en l'espèce, réparation du moteur pour un prix approchant celui d'un moteur neuf) 68.
33. La cause
Le contrat doit avoir une cause.
L'article 1131 du Code civil énonce que l'obligation doit avoir une cause, laquelle doit
être licite.
La   Cour   de   cassation   a   décidé   que   la   validité   d'une   opération   juridique   est
subordonnée  à   l'existence   d'une  cause.   Cette  règle   est  applicable  à   tous  les  actes
juridiques, tant unilatéraux que bilatéraux et ne reçoit d'exception que dans les cas où
la loi admet que l'acte se suffit à lui-même et peut être abstrait de sa cause69.
La notion de cause a fait couler beaucoup d'encre et suscité de vives controverses.
D'une façon  schématique, nous retiendrons  simplement ceci  : dans les contrats,  la
cause est le mobile déterminant ayant animé les parties au moment de la conclusion
de   leur   accord.   La   cause   est   la   raison   d'être   de   l'obligation.   Dans   les   contrats
synallagmatiques,   les   obligations   de   l'une   des   parties   constituent   la   cause   de
l'engagement de l'autre.
Lorsque   la   raison   déterminante   pour   laquelle   on   a   contracté   se   révèle   fausse   ou
inexistante, le contrat sera annulable.
Ainsi, serait annulable parce qu'entachée d'une fausse cause, la reconnaissance  de
dette souscrite envers un organisme pour rectifier une erreur administrative dont il
apparaît   par   la   suite   qu'elle   n'a   pas   été   commise.   Serait   sans   cause,   le   contrat
d'assurance relatif à un immeuble acquis sous condition d'obtention d'un prêt en cas
de non réalisation de cette condition (voy. ég. Liège, 18 juin 1991, J.L.M.B. 1991, p.
1402).
La cause, si elle existe, doit encore être licite.
Ainsi sont nulles des libéralités qui constituaient dans la réalité la rémunération de la "
gentillesse   professionnelle   "   d'une   entraîneuse   de   bar,   parce   qu'ayant   une   cause
contraire aux bonnes moeurs (Civ. Liège, 19 février 1991, J.L.M.B. 1992, 620).
Qu'en   est-il   de   la  preuve   de   l'existence   d'une   cause   ?   L'article   1132   du   Code   civil
édicte   une   règle   de   preuve   et   fait   bénéficier   le   créancier   d'une   présomption
d'existence   de   cause   dans   un   instrumentum   non   causé,   c'est-à-dire   dans   lequel   la
68 J.P. 3ème canton Liège, 25 mars 1988, JL.M.B., 1988, 1052.
69 A titre d'exemple d'acte abstrait, citons le chèque, la lettre de change ou le billet à ordre.
cause n'est pas exprimée. De la sorte, il appartient à celui qui prétend que le contrat
est dépourvu de cause, de démontrer le bien-fondé de son allégation.
Dans le cas d'une reconnaissance de dette dont la validité dépend d'une cause licite,
lorsque la cause n'est pas mentionnée, il appartient au juge de la rechercher (Cass. 17
mai 1991, Pas. 1999, I, 813).
75
34. Licéité
Le contrat doit être licite.
L'article 1108 du Code civil subordonne à l'existence d'une cause licite la validité du
contrat. En réalité, c'est au contrat lui-même que s'attache cette exigence de licéité.
Il convient donc également d'apprécier la licéité de la convention dans son ensemble.
Rappelons   le   prescrit   de   l'article   6   du   Code   civil   :   "on   ne   peut   déroger,   par   des
conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs".
Dès lors, la question se pose : quand un contrat est-il contraire à l'ordre public ou aux
bonnes mœurs ? Et que sont l'ordre public et les bonnes mœurs ?
Nous   avons   fait   la   distinction   -   parfois   délicate   -   (supra   n°   21)   entre   les   lois
impératives   et   celles   touchant   à  l'ordre   public.   Précisons   ce   concept.   Les   règles
d'ordre   public   "s'insèrent   dans   une   politique   économique   ou   sociale   intéressant   la
généralité des citoyens ou certaines catégories d'entre eux" ;
"La loi d'ordre  public est celle qui touche aux intérêts essentiels de l'Etat ou de la
collectivité, ou  qui  fixe,  dans le  droit privé, les bases  juridiques fondamentales sur
lesquelles repose l'ordre économique ou moral d'une société déterminée"70 71.
La notion de bonnes mœurs correspond à une morale coutumière faite d'habitudes, de
traditions,   d'un   peuple   et   est   en   évolution   constante,   avec   l'état   d'esprit   d'une
civilisation. Les bonnes mœurs, concept élastique, varient donc dans le temps et dans
l'espace. Telle convention jugée illicite il y a un siècle ne heurterait peut-être personne
aujourd'hui.
Pensez qu'il y a un siècle, un tribunal a pu juger " que l'on blesse l'ordre public et la
morale en niant l'existence de Dieu qui en est la base fondamentale "72.
Les  conventions contraires à l'ordre  public ou aux bonnes mœurs - et le juge  peut
avoir égard aux motifs du contrat pour apprécier la licéité - sont annulables.
70 DE PAGE, op. cit., Tome I, n° 91.
71  Citons,   à   titre   exemplatif,   les   lois   fiscales   ou   celles   relatives   au   budget   de   l'état,   les   lois   pénales,   les   lois   de
procédure   pénale,   les   dispositions   relatives   au   divorce,   au   mariage,   à   la   protection   de   la   rémunération   des
travailleurs, ...
72 Corr. Hasselt, 13 juillet 1889, Livre du Centenaire de la JL-JLMB, 1988, p. 242 et s. et obs. de P. Martens.
76
Voici quelques exemples de contrats jugés illicites : convention de prêt consenti pour
permettre de jouer ou de continuer à jouer (v. aussi la loi du 7 mai 1999 sur les jeux
de   hasard,   les   établissements   de   jeux   de   hasard   et   la   protection   des   joueurs);
engagement de rembourser une dette de jeu; convention relative à l'exploitation de
chambres meublées destinées à abriter les ébats de couples de passage, en ce qu'elle
favorise  des relations sexuelles illégitimes et clandestines; contrat  de "pot de  vin";
convention   entre   un   médecin   généraliste   et   un   médecin   spécialiste   relative   au
partage des honoraires de ce dernier, demandés au patient adressé par le premier.
La convention conclue entre un maître d’ouvrage et un entrepreneur qui ne dispose
pas de l’accès à la profession requis pour réaliser les travaux convenus est frappée de
nullité absolue (Comm. Namur, 28 octobre 1999, J.L.M.B. 2000, p. 1304 ; le tribunal a
estimé qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner les restitutions réciproques en application
des adages cités infra, note 73).
35. Sanctions
a) Nullité du contrat
- NOTION ET EFFETS
En   règle,   la   sanction   du   non   respect   d'une   condition   de   validité   du   contrat   est   la
nullité,   la  mise  à néant de  celui-ci  ab  initio. Le  contrat  sera  dès lors  censé  n'avoir
jamais existé.
Mais cette sanction doit bien sûr procéder d'une décision de justice : elle n'a aucun
caractère d'automaticité.
L'acte annulé est anéanti tant à l'égard des parties qu'à l'égard des tiers.
L'annulation   entraîne   en   principe   l'obligation   de   restituer   en   nature   les   prestations
déjà effectuées.
En   cas  d'impossibilité de restitution  en nature, la restitution  se fait par équivalent,
c'est-à-dire en argent.
Notons aussi que dans les contrats à exécution successive (par ex., le contrat de bail
ou   le   louage   de   travail),   l'annulation   joue   sans   effet   rétroactif   :   les   restitutions
réciproques ne se conçoivent pas.
Enfin,   lorsque   le   contrat   est   annulé   pour   illicéité,   le   juge   peut,   à   titre   de   sanction
complémentaire, ordonner qu'il n'y aura pas de restitutions (notre Cour de cassation a
accueilli deux adages romains qui autorisent cette solution)73.
73 In pari causa turpitudinis, cessat repetitio; Nemo auditur allegans turpitudinem suam. A propos de ces adages, voy.
WEILL et TERRE, op. cit., 339 et s., VAN OMMESLAGHE, n° 40bis et 41.
77
- DISTINCTION ENTRE LES NULLITÉS RELATIVES ET LES NULLITÉS ABSOLUES
Traditionnellement, on distingue les nullités relatives et les nullités absolues, cela en
fonction de la réponse aux questions suivantes.
Quel était l'intérêt protégé par la norme violée ? Quel était le but de cette règle ?
Nous   ne   pouvons   ici   faire   état   des   nombreux   développements   réservés   à   cette
matière par la doctrine et la jurisprudence. Retenons simplement - de façon très, voire
trop schématique - cette idée : la règle violée protégeait-elle un intérêt d'ordre privé ?
La   nullité   sera   relative.   Protégeait-elle   un   intérêt   d'ordre   public   ?   La   nullité   sera
absolue.
En voici les conséquences à trois égards :
Celui qui peut invoquer la nullité, qui dispose du droit de critique de l'acte est,
dans   le   premier   cas,   celui   ou   ceux   dont   l'intérêt   était   protégé   par   la   norme
violée. Dans le second, toute personne intéressée.
La nullité est-elle susceptible de confirmation, peut-on renoncer à l'invoquer ?
La réponse sera affirmative dans le premier cas et négative dans le second.
Le   délai   de   prescription74  des   actions   en   nullité   est   de   10   ans,   mais   les
fondements  sont   différents  :   dans  la  première  hypothèse,  l’art.  1304  C.C.  et
dans la deuxième, l’art. 2262bis C.C.
Sans   entrer   dans   plus   de   détails,   retenons   que   les   conventions   illicites   sont
sanctionnées de nullité absolue. Dans les autres cas, il s'agira généralement d'actions
en nullité relative.
b) Nullité des clauses illicites
Il arrivera souvent que la nullité ne frappe pas l'ensemble du contrat, mais seulement
telle clause illicite. Dans quels cas ? Bien sûr, lorsque la loi le prévoit ainsi.
L'article 36 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail énonce que "sont
nulles les clauses prévoyant que le mariage, la maternité ou le fait d'avoir atteint l'âge
de la pension légale ou conventionnelle mettent fin au contrat".
La   loi   a   ici   consacré   une   solution   jurisprudentielle   sanctionnant   les   clauses
restreignant la liberté de mariage insérées dans les contrats de travail (notamment la
clause de célibat des hôtesses de l'air).
74 Sur la notion de prescription, voy. infra n° 99.
78
D'une manière maintenant plus générale, le législateur est intervenu récemment par
la   loi   du   14   juillet   1991   "sur   les   pratiques   du   commerce   et   sur   l'information   et   le
protection du consommateur", pour limiter l'effet d'une série de clauses abusives dans
le   domaine   de   la  vente   (pas   nécessairement   commerciale).   L'article   31   donne   une
définition générale de la clause abusive en la décrivant comme étant celle qui crée un
déséquilibre   manifeste   entre   les   droits   et   les   obligations   des   parties.   En   vertu   de
l'article 33 paragraphe 1° de la loi, le juge pourra annuler les clauses et conditions,
ainsi que les combinaison de clauses et conditions définies à l'article 31. L'article 32
énumère 30 catégories de clauses qui sont nécessairement abusives et, par voie de
conséquence, en vertu de l'article 33 paragraphe 1, " nulles et interdites " 75.
La   jurisprudence   a   par   ailleurs   fréquemment   l'occasion   d'annuler   des   clauses
contractuelles pour contrariété à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, pour illicéité.
Nous parlerons plus loin des clauses de non responsabilité tendant à l'exonération de
la faute intentionnelle.
Voici d'autres exemples. Les tribunaux ont annulé la clause d'un cahier des charges
qui exonérait l'architecte de sa responsabilité et la transférait à l'entrepreneur pour
des   prestations   qui   relevaient   de   sa   mission   légale,   à   savoir   l'étude   du   sol   et   des
fondations   ainsi   que   le   calcul   du   béton,   la   clause   contractuelle   prévoyant   la
désignation de l'architecte par l'entrepreneur ou la prise en charge des honoraires du
premier par le second.
c) L'article 1382 du Code civil
L'annulation prononcée par le juge peut ne pas réparer intégralement le préjudice subi
par   l'un   des   contractants.   A   la   condition   qu'il   établisse   une   faute   dans   le   chef   du
"partenaire", un dommage et un lien de cause à effet entre ces deux éléments, ce
contractant pourra obtenir des dommages et intérêts en application de l'article 1382
du Code civil.
Prouver   une   faute   précontractuelle,   telle   sera   une   des   conditions   essentielles   de
l'obtention de cette sanction complémentaire à l'annulation.
Dans   certains   cas,   il   n'y   a   pas   de   difficulté   particulière;   la   faute   a   déjà   dû   être
démontrée dans le cadre de la demande d'annulation de l'acte litigieux : rappelons-
nous le dol principal ou la violence.
Il   se   peut   également   que   les   dommages   et   intérêts   soient   accordés   par   le   juge   à
l'exclusion de l'annulation. Tel sera le cas en présence d'un dol incident.
75 Voy. par ex., P. Wéry et G. Gathem, Vue d’ensemble sur le régime des clauses abusives de la loi du 14 juillet 1991, in
La protection du consommateur, Ed. Jeune barreau de Liège, 2006, p. 7 et s.
79
d) Autres sanctions
Différentes lois impératives ou d'ordre public édictent des sanctions qui ne consistent
plus dans l'annulation du contrat ni de certaines de ses clauses qui seraient contraires
à   ces   textes,   mais   par   exemple,   dans   la   réductibilité   ou   dans   la   possibilité   de
modification de certaines obligations.
A   titre   d'exemple,   citons   l'article   262   du   livre   II   du   Code   de   commerce,   relatif   au
sauvetage maritime, l'article 1907ter du Code civil, et ce qui a été dit ci-dessus sur la
loi   du   14   juillet   1991   "   sur   les   pratiques   du   commerce   et   sur   l'information   et   le
protection du consommateur ", et surtout la loi du 23 novembre 1998 qui a modifié -
notamment - l'article 1231 C.C. (v. infra, les clauses pénales).
*
*      *
80
Illustrations de la section 3
    :  Conditions de validité du contrat
1. Contrat - Vente - Formation - Défaut de consentement - Preuve - Nullité
du contrat
Tribunal civil de Bruxelles - 8e ch. - 11 juin 1999, J.L.M.B. 2000 p. 921
Il n'y a pas de consentement libre et conscient lorsqu'une partie en état d'instabilité
psychologique   avec   épisodes   de   démence   commençante   vient   de   subir   un   choc
psychologique avec décompensation. Le défaut de consentement libre et conscient
peut être prouvé par tous moyens de droit par la partie qui s'en prévaut. A défaut
d'un tel consentement, le contrat n'est pas valablement conclu.
2.   Contrat   -   Vente   -   Formation   -   Vice   du   consentement   -   Erreur   -   Qualité
substantielle   -   Erreur   excusable   -   Erreur   sur   le   prix   (non)   -   Photocopieur
d'occasion - Appareil révisé - Nombre de photocopies déjà effectuées modifié
Cour d'appel de Liège - 7e ch. - 17 mars 2000, J.L.M.B. 2000 p. 919
Pour fonder la nullité, l'erreur doit porter sur un élément substantiel, c'est-à-dire sur
un   élément   qui   a   principalement   déterminé   la   partie   à   contracter,   le   qualificatif
substantiel devant être apprécié au plan psychologique in concreto. Il faut aussi que
l'erreur  soit excusable, en d'autres termes susceptible  d'avoir été commise  par  un
homme   raisonnable   placé   dans   les   mêmes   circonstances   objectives   et   même
subjectives.
L'acheteur,   qui   ne   peut   être   considéré   comme   profane,   d'un   photocopieur   dit   "de
démonstration"  et présenté  comme  ayant  effectué  soixante  mille  copies alors   qu'il
s'agit en réalité d'un photocopieur d'occasion qui en a réalisé quatre fois plus, mais
qui a été révisé et qui, compte tenu des accessoires qui y ont été ajoutés, ne peut
être considéré comme ayant été vendu à un prix manifestement surfait, ne rapporte
pas la preuve qu'il n'aurait pas contracté aux mêmes conditions s'il avait connu les
caractéristiques réelles dudit photocopieur.
De   toute   manière,   l'erreur   sur   le   prix   ou   la   valeur   de   l'objet   du   contrat   ne   peut
entraîner   la   nullité   du   contrat,   pour   le   motif   qu'il   ne   s'agit   pas   d'une   qualité
substantielle et que si l'on admettait ce type d'erreur, tout contrat qui présente une
lésion pourrait être annulé, ce qui serait contraire à l'article 1118 du code civil.
3. Contrat – Causes illicite – Football – Manager
Commerce Liège, 15 septembre 1999, J.L.M.B. 1999 p. 1791
Le Standard de Liège conteste la débition de la somme réclamée en se fondant
sur l'illicéité de la convention du 6 novembre 1996 et, à titre subsidiaire, sur la
perte   par   European   Football   Consulting   de   sa   qualité   d'agent   de   Gunther
Schepens.
L'article 1131 du code civil dispose que "l'obligation sans cause, ou sur une fausse
cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet".
81
La   Cour   de   cassation   a   défini   la   cause   comme   devant   s'entendre   du   mobile
déterminant ayant animé les parties lors de la conclusion  de la convention (P. Van
OMMESLAGHE, « Observations sur la théorie de la cause dans la jurisprudence et dans
la doctrine modernes ». R.C.J.B., 1970, p. 328).
En l'espèce, le mobile déterminant ayant amené les parties à conclure la convention
du 6 novembre 1996 résulte, d'une part, de l'activité d'European Football Consulting
et, d'autre part, des termes d'un courrier de celle-ci du 11 décembre 1997.
European Football Consulting a pour activité la recherche de contrats pour les joueurs
de football et singulièrement les opérations de transfert.
Dans sa lettre précitée du 11 décembre 1997, European Football Consulting indiquait
du reste qu'elle avait négocié le taux de commission en cas de transfert de Gunther
Schepens - avec la ventilation de ce qui devait lui revenir et de ce qui devait revenir
au   joueur   -   et   que   c'est   grâce   à   son   intervention   que   Gunther   Schepens   avait   pu
conclure un nouveau contrat.
L'activité   relative   au   transfert   de   joueurs   de   football   est   du   reste   reprise   à
l'immatriculation d' European Football Consulting au registre du commerce d'Anvers.
La convention du 6 novembre 1996 a donc pour cause l'attribution ou la négociation
du potentiel de travail d'autrui - en l'espèce celui de Gunther Schepens - moyennant
rémunération en faveur de l'agent. soit European Football Consulting.
Or,   l'arrêté   royal   du   28   novembre   1995   relatif   à   l'exploitation   des   bureaux   de
placement payants interdit pareille activité (article 2)_ une dérogation n'étant prévue
que Pour l'exploitation de, bureaux de placement payants pour artistes du spectacle.
L'activité   prohibée   est   celle   de   « toute   personne   physique   ou   morale   qui,   sous
quelque dénomination que ce soit, sert d’intermédiaire pour procurer un emploi à un
travailleur soit à l’effet de tirer du travailleur ou de la personne qui l’engage un profit
matériel,   direct ou  indirect,  soit, tout  en  ne  poursuivant  pas un  profit matériel,  de
percevoir de l’un ou de l’autre pour son intervention une cotisation, un droit d’entrée
ou d’inscription ou une rétribution quelconque ».
L’activité   d'European   Football  Consulting,  s'inscrit  dans  le   cadre  de   cette  définition
d’autant   que   "l'interdiction   des   bureaux   de   placement   payant   s'applique   (...)   à   n
importe   quelle   activité   rémunérée   de   placement   de   personnes   engagées   dans
n’importe quel type de louage de services alors même que pour certains de ces types,
il   existe   des dérogations  à tout  ou  partie  des prescriptions  en  matière  de  sécurité
sociale   proprement   dite   (assurance   maladie-invalidité,   allocations   familiales   ...)"
(Bruxelles, -1 mai 1977. J.T, 1977. p.491).
L'activité ainsi exercée par European Football Consulting, est ainsi illicite d'autant que
l'arrêté royal du 28 novembre 1975 contient une sanction pénale en cas de violation
de l'interdiction d'exploitation des bureaux de placement payants.
L'illicéité de l'activité d'European Football Consulting, entraîne de plein droit la nullité
de la convention du 6 novembre 1996 au titre de contrariété à l’ordre public. (…).
4. Contrat d’assurance – Clause – Nullité – Termes clairs et précis – Notion
Cass. 9 avril 1992 (R.G. 9315)
Par application de l’article 19, §2 de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des
entreprises d’assurances et de l’article 21 de l’arrêté royal du 12 mars 1976 portant
règlement général relatif au contrôle des entreprises d’assurances, est réputée nulle,
pour n’être pas rédigée en termes clairs et précis, la clause d’un contrat d’assurance
dont la rédaction est obscure et dont l’obscurité est de nature à induire en erreur la
partie contractante.
82
5. Contrat d’assurance – clause ambiguë – Sanctions
Cour d’Appel de MONS, 6 mai 2003, J.L.M.B. 2003, page 1811
Les éléments (…) ne permettent pas en l’espèce de déterminer précisément la portée
de la clause litigieuse.
La clause litigieuse viole ainsi le prescrit de l’article 14 de l’arrêté royal du 22 février
1991   portant   règlement   général   relatif   au   contrôle   des   entreprises   d’assurances,
lequel dispose que « les conditions des contrats doivent être rédigées en termes clairs
et   précis.   Elles   ne   peuvent   contenir   aucune   clause   de   nature   à   porter   atteinte   à
l’équivalence entre les engagements de l’assureur et ceux du preneur ».
Si cette disposition reproduit l’article 21 de l’arrêté royal du 12 mars 1976 dont la
violation pouvait être sanctionnée de nullité (Mons, 31 mai 1989, R.G.A.R., 1992, n°
11.967), la sanction applicable en vertu de la législation actuelle s’inscrit dans une
optique de correction, en ce sens qu’aux termes de l’article l9bis, alinéa premier, de la
loi du 9 juillet 1975 sur le contrôle des entreprises d’assurances, telle que modifiée
par   la   loi   du   19   juillet   1991:   «Toutes   clauses   et   tous   accords   qui   ne   sont   pas
conformes aux dispositions de la présente loi ou des arrêtés et règlements pris pour
son exécution sont censés avoir été établis dès la conclusion du contrat en conformité
avec ces dispositions».
Autrement   dit,   la   constatation   qu’une   clause   est   entachée   d’un   manquement   aux
dispositions de la loi du 19 juillet 1991 et de ses arrêtés d’exécution emporte que
cette   clause   soit   réputée   non   écrite,   sans   qu’il   faille   l’annuler,   et   que   lui   soit
substituée une disposition conforme à la loi.
(…)
Dans   le   cas   d’espèce,   à   défaut   de   disposition   légale   déterminant   le   contenu   des
obligations réciproques de l’assureur et de l’assuré quant à l’objet et au sens de la
clause litigieuse, il convient dès lors, devant le doute généré par la rédaction de cette
clause, d’interpréter la convention litigieuse selon les principes imposés par l’article
1162  du   code   civil,  à   savoir   contre   celui   qui   a   stipulé   et   en   faveur   de   celui   qui   a
contracté l’obligation.
Au sens de l’article 1162 du code civil, la partie qui invoque une clause qui tend à
réduire son engagement doit être considérée comme celle qui a stipulé (Cass., 23 juin
1983, Pas., I, 1196).
S’agissant d’une clause destinée à limiter la couverture d’assurance, l’assureur doit
être considéré comme la partie qui a stipulé (…).
Cet arrêt est commenté par Madame C. PARIS (L’interprétation des clauses d’une police 
d’assurance en cas de doute, op. cit.).
83
6. Vente – vice de consentement – erreur sur le kilométrage d’un véhicule 
d’occasion.
Cour d’Appel d’ANVERS, 24 juin 2002, R.G.D.C. 2004, page 43
Lorsque l’achat d’un véhicule d’occasion  fait suite à une annonce mentionnant son
kilométrage, l’erreur commise par l’acheteur quant au kilométrage réel du véhicule
porte sur une qualité substantielle de la chose et justifie l’annulation de la vente.
L’erreur sur le kilométrage d’un véhicule d’occasion est excusable lorsque l’acheteur,
en   tant   que   non   professionnel,   ne   devait   pas   raisonnablement   se   douter   que   le
kilométrage indiqué était inexact au regard de l’état du véhicule.
La clause du contrat de vente selon laquelle le véhicule est vendu « dans l’état dans 
lequel il se trouve et bien connu de l’acheteur » ne rend pas inexcusable l’erreur de 
l’acheteur.
N.B. : Certaines des décisions citées ci-dessus et infra sont présentées sous forme de
« sommaire », c’est-à-dire de résumé rédigé par le rédacteur de la revue dans laquelle
la décision a été publiée initialement.
D’autres décisions sont citées par extraits.
84
Section 4. Les effets du contrat entre parties
36. Force obligatoire du contrat
Fondement   de   notre   droit   contractuel,   le   principe   de   la   convention-loi   signifie   que
l'accord des parties lie celles-ci comme le ferait une loi : le contrat a force obligatoire.
Valablement conclu, il doit être exécuté.
Telle est la règle de l'article 1134 du Code civil; nous la connaissons déjà, de même
que ses corollaires.
Les romains affirmaient déjà cette règle il y a plus de 2000 ans : Pacta sunt servanda
(une récente étude définit la portée et les limites de cette règle qui, si elle demeure
incontestablement   un   principe   fondamental   de   notre   système,   connaît   de   très
nombreux tempéraments : P.A. Foriers, Pacta sunt servanda, Portée et limites, in Le
droit des affaires en évolution, La modification unilatérale du contrat, BRUYLANT et
KLUWER 2002, p. 3 et s.).
37. Quelques considérations et exceptions
Bis repetita placent : à tout principe juridique correspondent des exceptions. La règle
de l'article 1134 n'échappe pas à la constatation.
Nous avons vu certains tempéraments et exceptions au principe de la convention-loi
(supra n° 23). 
Nous   en   avons   annoncé   d'autres.   Les   voici,   étant   précisé   qu'à   côté   d'exceptions
acquises en doctrine et jurisprudence, d'autres sont restées à l'état de tentatives plus
ou moins bien accueillies...
a) La théorie de l'imprévision : une exception ?
Construction doctrinale et jurisprudentielle, la théorie de l'imprévision tendrait à faire
admettre   qu'une   convention   puisse   être   soit   résiliée,   soit   modifiée   lorsque   les
conditions économiques en cours au moment de sa conclusion, que les parties avaient
envisagées   comme   fondement   de   leurs   rapports   contractuels,   se   trouvent
bouleversées au delà de toute prévision, dans des conditions telles que la poursuite
de l'exécution du contrat par l'une des parties, sans être complètement impossible,
serait cependant de nature à entraîner sa ruine76.
Les arguments invoqués par les tenants de la théorie de l'imprévision peuvent, très
schématiquement, se résumer comme suit : les parties auraient entendu s'engager
76 Dans les années 1970, de nombreux contrats ont subi les conséquences de la crise pétrolière. De même, dans les
années 1930, la grande crise économique avait bouleversé les relations contractuelles.
85
"toutes autres choses restant égales" : une clause "rebus sic stantibus" serait donc
sous-entendue dans tous les contrats à exécution successive ou de longue durée.
En   outre,   l'équité   imposerait   de   permettre   le   réajustement   d'un   contrat   dont   les
obligations réciproques viennent à subir un déséquilibre important.
Enfin, l'exercice du droit du créancier pouvant entraîner la ruine du débiteur en cas de
bouleversement profond de l'économie du contrat serait constitutif d'un abus de droit
ou serait contraire au principe de l'exécution de bonne foi des conventions (voy. infra
n° 38).
Dans sa majorité, la jurisprudence belge a condamné la théorie de l'imprévision, qui
se heurte au principe de la convention-loi. Diverses décisions ont cependant accueilli
cette   théorie   et   il   faut   constater   qu'elle   connaît   aujourd'hui   un   certain   renouveau,
mais la Cour de cassation a réaffirmé le principe de la convention-loi.77
Quoi   qu'il   en   soit,   nous   retiendrons   que   l'article   1134   exclut   la   dissolution   ou   la
modification du contrat dès lors que les bouleversements des conditions économiques
invoqués   ne   constituent   pas   une   cause   étrangère   libératoire   qui   en   rendrait
l'exécution complètement impossible (sur cette notion de cause étrangère, voy. infra
n° 66).
Pour pallier les inconvénients de l'application rigoureuse du principe de la convention-
loi,   les   parties   prévoient   souvent,   dans   les   contrats   à   exécution   successive   ou   à
prestations différées, des clauses permettant la révision du contrat, sa renégociation
ou sa résiliation, voire sa modification à l'intervention d'un tiers, en cas de survenance
de circonstances imprévisibles qui en bouleversent l'économie : il s'agit des clauses
dites de hardship ou de sauvegarde.
Il arrive également, nous l'avons vu, que des lois particulières prévoient la possibilité
de révision du contrat en cas de modification des circonstances économiques (voy. par
ex.   l'art.   6   de   la  loi   sur   les  baux   commerciaux   permettant   la  révision   triennale   du
loyer).
La   théorie   de   l'imprévision   n'est   pas   accueillie   par   la   majorité   de   la   jurisprudence,
mais elle pourrait l'être, dans certains cas, par le législateur. En voici l'illustration.
b) Imprévision et marchés publics
Les   marchés   publics   sont   des   contrats   conclus   par   l'administration   et   qui   tombent
sous le coup d'exigences spécifiques78  tant quant à leur conclusion que quant à leur
exécution, le Code civil jouant un rôle supplétif pour combler les "vides" laissés par la
législation spéciale qui les régit.
Citons, à titre d'exemple, les marchés de travaux (contrats d'entreprise immobilière :
construction de ponts, d'autoroutes, de bâtiments destinés à telle administration, ...)
et les marchés de fournitures (achats de biens meubles : acquisition, par le Service
public   fédéral   de   la   Justice,   de   2000   ordinateurs   destinés   à   être   installés   dans   les
différentes juridictions du royaume).
77 Cass. 7 février 1994, Pas 1994, 1, 150; Cass. 14 avril 1994 (JLMB 1995, 1591)
78 Car de nombreux contrats conclus par l'administration obéissent aux règles du droit civil : par ex. des locations ou
des achats d'immeubles par des personnes morales de droit public.
86
Le cahier général des charges des marchés publics a, en quelque sorte, contractualisé
la   théorie   de   l'imprévision.   L'A.R.   du   26   septembre   1996,   établissant   les   règles
générales   d'exécution   des   marchés   publics   et   des   concessions   de   travaux   publics,
ainsi que son annexe, le cahier général des charges des marchés publics de travaux,
de fournitures et de services et des concessions de travaux publics, fixent les règles
générales   applicables   à   ces   contrats   spécifiques   que   sont   les   marchés   publics.
L'adjudicataire peut soit pour demander une prolongation des délais d'exécution, soit
s'il a subi un préjudice très important, pour demander la révision ou à la résiliation du
marché,  se prévaloir de circonstances  qu'il ne pouvait raisonnablement pas prévoir
lors du dépôt des soumissions ou de la conclusion du marché, qu'il ne pouvait éviter
et   aux   conséquences   desquelles   il   ne   pouvait   obvier,   bien   qu'il   ait   fait   toutes   les
diligences nécessaires (art. 16 du cahier des charges).
Cette disposition peut être invoquée par le cocontractant de l'administration victime
d'un   bouleversement   économique.   En   vertu   de   cet   article,   l'entrepreneur   ou   le
fournisseur   dispose   d'un   droit   contractuel   à   obtenir   la   révision   ou   la   résiliation   du
marché.
Voilà donc la théorie de l'imprévision applicable aux marchés publics.
c) Les sujétions imprévues
Dans le même ordre d’idée que la théorie de l’imprévision, la théorie des sujétions
imprévues tend à atténuer la rigueur du principe de la convention-loi dans les contrats
d’entreprise   ou   de   fourniture   à   forfait   lorsqu’apparaissent   des   difficultés   d’ordre
technique,   inconnues   des   parties   au   moment   de   la   conclusion   du   marché   et   que
celles-ci ne  pouvaient découvrir  lors des vérifications  préalables à la conclusion  du
marché, si ces difficultés rendent l’exécution du contrat beaucoup plus onéreuse que
les parties n’avaient pu l’envisager.
Mais à la différence de l’imprévision - bouleversement de l’économie du contrat dû à
des  circonstances  d’ordre   économique   -  il  s’agit  ici  de  difficultés  d’ordre  technique
résultant d’éléments préexistants et légitimement ignorés des parties.
Il   faut   également   distinguer   d’une   part,   théorie   de   l’imprévision   et   théorie   des
sujétions  imprévues -  exécution  du  contrat  rendue  plus onéreuse  -  et d’autre  part,
survenance   d’un   événement   de   force   majeure   -   exécution   du   contrat   rendue
impossible - (voy. infra).
Si la théorie des sujétions imprévues trouve application dans les marchés publics, la
disposition du cahier général des charges en constituant le fondement, s’applique-t-
elle aux contrats d’entreprise, en dehors des marchés publics ?
La réponse de principe devrait être négative, car cette théorie se heurte également à
la règle de la convention-loi et au prescrit de l’article 1793 du Code civil : «lorsqu’un
architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment,
d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander
aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte d’augmentation de la main-d’œuvre
ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan,
si   ces   changements   ou   augmentations   n’ont   pas   été   autorisés   par   écrit,   et  le   prix
convenu avec le propriétaire».
Cependant, la doctrine observe que les tribunaux prennent de plus en plus souvent en
considération   la   survenance   des   sujétions   imprévues   pour   atténuer   la   rigidité   du
forfait convenu (FLAMME, FLAMME, DELVAUX et POTTIER, op. cit., page 313).
87
d) Réduction du salaire du mandataire
Le mandat est un contrat par lequel une partie donne à l'autre la charge et le pouvoir
de la représenter pour l'accomplissement d'un ou plusieurs actes juridiques, l'autre
partie s'obligeant à remplir la mission qui lui est confiée et à rendre compte de sa
gestion. En principe, l'obligation de payer un salaire n'existe que s'il en a été promis
un (art. 1986 et 1999 C.C.).
Pendant de nombreuses années, une controverse a divisé la jurisprudence : le juge
peut-il, par dérogation à l'article 1134, réduire ou non le salaire du mandataire ? La
Cour de cassation a tranché la controverse en 1980 79 et consacré le droit pour le juge
de réduire le salaire du mandataire s'il l'estime excessif.
Cet   arrêt   de  la  Cour  de   cassation   a  fait  l'objet   de  très  nombreuses   critiques  de   la
doctrine.   L'arrêt   se   fonde   sur   une   tradition   venue   de   l'ancien   droit,   à   laquelle   les
auteurs du Code civil n'auraient pas entendu déroger.
Les   critiques   de   la   décision   de   notre   cour   suprême   se   fondent   sur   le   caractère
incertain   de   la   tradition   invoquée,   sur   le   fait   qu'aucune   disposition   du   Code   civil
relative au mandat (art. 1984 et s.) n'exclut l'application de l'article 1134 à ce type de
convention et sur l'article 1999 du Code civil qui dispose que le mandant doit payer au
mandataire "ses salaires lorsqu'il en a été promis".
Il faut en tout cas constater que la jurisprudence actuelle des juridictions de fond est
conforme à l'enseignement de la Cour de cassation.
Nos tribunaux ont souvent eu à connaître de litiges opposant un agent immobilier au
propriétaire vendeur d'un immeuble et relatifs au paiement des rémunérations, des
commissions   dues   au   premier   par   le   second.   Il   faut   cependant   distinguer   deux
hypothèses, car l'accord conclu entre ces deux parties sera soit une convention mixte
- entreprise et mandat de vendre- soit un contrat d'entreprise seul80. 
En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation n'autorise la réduction du salaire que
s'il est dû en vertu d'un mandat. Si la rémunération procède d'un contrat d'entreprise,
le juge ne pourra appliquer la jurisprudence évoquée ici. En revanche, le magistrat
pourrait   songer   à   recourir   à   d'autres   arguments :   dol   incident,   lésion   qualifiée,
exécution de bonne foi des conventions, interprétation, ...
79  Cass.,   6   mars  1980,  Pas.,  l,   832   et  R.CJB.,  1982,  519   et   note   DIRIX,  La  réductibilité   du   salaire   du   mandataire   :
survivance d'une tradition.
80 Le mandat a pour objet des actes juridiques à accomplir pour le compte du mandant, tandis que le contrat de louage
de services a pour objet de simples faits.
88
38. Le principe de l'exécution de bonne foi
a) Le principe
Formées de bonne foi (supra n° 24), les conventions doivent être exécutées de bonne
foi (art. 1134, al. 3 C.C.).
L'article   1135   du   Code   civil   fait   application   de   ce   principe   en   édictant   que   les
conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les
suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature. La bonne
foi a ici une fonction interprétative.
La jurisprudence donne quotidiennement de nouveaux exemples de l'application 81 de
ce   principe   de   l'exécution   de   bonne   foi,   "concept   d'une   rare   plasticité",   depuis
quelques années, en pleine expansion.
Il implique notamment une obligation de loyauté, de pondération et de collaboration
des parties dans l'exécution du contrat. Ainsi existe-t-il une obligation d'information et
de   conseil   dans   l'exécution   des   conventions.   La   bonne   foi   joue   alors   un  rôle
supplétif, elle impose aux parties des règles de comportement.
b) Abus de droit en matière contractuelle
Pendant longtemps, on a considéré qu'il n'était pas possible de commettre une faute
en  exerçant  un  droit.  Cette  idée  a  laissé  la place  à une  conception  beaucoup  plus
exigeante : tout droit doit être exercé dans certaines limites, sans abus.
La Cour de cassation fonde aujourd'hui l'application de la théorie de l'abus de droit en
matière contractuelle82 sur le principe de l'exécution de bonne foi.
Il est interdit à une partie à un contrat d'abuser des droits que lui confère celui-ci. Les
critères de l'abus sont déterminés par référence aux règles dégagées et tracées par la
jurisprudence à propos de l'abus de droit en matière extra-contractuelle.
Notons que l'usage d'un droit par le titulaire de celui-ci, dans son intérêt, n'est pas, en
soi,   abusif.   Il   en   serait   peut-être   autrement   si   les   inconvénients   subis   par   le
cocontractant   étaient   sans   commune   mesure   avec   les   avantages   retirés   par   le
créancier de l'exercice du droit que lui confère la convention.
La sanction d'un abus de droit ne consiste pas dans la déchéance complète du droit,
mais dans la réduction de celui-ci à un usage normal ou la réparation du dommage
que son abus a causé.
Il s'agit ici de la fonction restrictive de la bonne foi.
81 Voy. par ex. La bonne foi, actes du colloque organisé le 30 mars 1990 par la Conférence Libre du Jeune Barreau de
Liège, Editions du Jeune Barreau de Liège. Voy. ég. J. VAN RIJN, et X. DIEUX, La bonne foi dans le droit des obligations, J.
T., 1991, 289 et s.
82 L'abus de droit en matière extra-contractuelle sera sanctionné par l'article 1382 du Code Civil
89
c) La bonne foi, principe général ?
Selon certains auteurs, il existerait en droit belge, un principe général de droit selon
lequel les obligations doivent s'exécuter de bonne foi, qui serait applicable à toute la
matière   des   obligations   et   non   point   seulement   à   celle-   des   contrats   et   dont   les
articles 1134, al. 3 et 1135 seraient simplement des applications.
Cette thèse ne fait pas l'unanimité de la doctrine. N'existe-t-il pas en effet dans notre
arsenal   juridique   des   règles   qui   permettent   de   "faire   l'économie"   de   ce   prétendu
principe   général   ?   En   matière   contractuelle,   les   articles   1134,   al.   383  et   1135,   les
notions de bon père de famille ou de bon professionnel et les règles d'interprétation;
en matière extra-contractuelle, l'article 1382 du Code civil ?
*
*     *
83 Le projet du Code civil prévoyait que "les conventions doivent être contractées et exécutées de bonne foi". Pour une
raison de forme, le projet a été modifié et est devenu le texte que nous connaissons, mais tout le monde s'accorde à
dire que la bonne foi doit, au voeu des auteurs du code, présider à la formation du contrat.
90
De la section 4
    : Les effets du contrat entre parties (n° 36 à 38)
Illustrations
1. Contrat – exécution de bonne foi – sanction d’un abus de droit
Liège, 4 décembre 1998, J.L.M.B. 1999, page 1732
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi aux parties et doivent être
exécutées de bonne foi, sans abus de droit; le fait d'avoir adopté un comportement
inconciliable   avec   le   droit   exercé   ne   constitue   pas   en   soi   un   motif   pour   exonérer
l'autre partie de l'exécution de son obligation (Cass., 5 juin 1992, Pas., 1992, 1, 876).
Mais, lorsque, comme en l'occurrence, la passivité de la partie demanderesse a donné
à croire au débiteur que son créancier n'agirait pas ou plus et que c'est en raison de
cette passivité qualifiée qu'il s'est défait des pièces du dossier initialement constitué,
aucune   faute   ne   pouvant   être   reprochée   au   débiteur,   la   déperdition   des   pièces
apparaît   être   la   conséquence   du   comportement   de   la   partie   demanderesse.   En
poursuivant   la   procédure   dans   ces   conditions   après   de   nombreuses   années   de
passivité, celle-ci a violé le principe d'exécution de bonne foi des conventions (article
1134, alinéa 3, du code civil) et commis un abus de droit. Tout marché public est un
contrat   régi   par   les   principes   généraux   du   droit   et,   en   particulier,   par   le   principe
d'exécution de bonne foi des conventions, lequel interdit à une partie d'abuser des
droits que lui confère un contrat. L'abus d'un droit consiste en son mauvais usage,
sans   franchir   les   limites   imposées   par   la   loi,   les   usages   ou   le   contrat,   mais   en
excédant  manifestement les limites dans lesquelles se  comporte  normalement une
personne   prudente   et   diligente.   La   sanction   de   l'abus   de   droit   n'est   alors   pas   la
déchéance du droit mais la réparation du dommage que l'abus a causé (voy. Liège, 30
novembre 1993, J.L.M.B., 1994, p. 298).
Au cas où il est constaté que le créancier a abusé de son droit, la sanction d'un tel
abus réside dans la réduction dudit droit à son usage normal (voy. Cass., 18 février
1988, R.D.C., 1998, p. 696);
Dans le cas présent, il y a dès lors lieu de réduire les intérêts moratoires comme dit
au dispositif du présent arrêt.
En   effet,   les   intérêts   moratoires   visent   à   compenser,   d'une   part,   la   dépréciation
monétaire et, d'autre part. le dommage subi par le créancier en raison du retard mis à
l'exécution  de la dette à son égard. En raison  de son  comportement, la Régie des
bâtiments ne peut prétendre à l'octroi d'intérêts, considérés sous ce second angle, et
il convient donc de ramener le taux des intérêts forfaitairement à cinq pour-cent pour
compenser la seule dépréciation monétaire.
... Par ces motifs,...
2. Contrat – Exécution de bonne foi – Sanctions d’un abus de droit
Cour d’Appel de Liège, 17 juin 2002, R.G.D.C. 2003, page 446
Attendu que les intérêts moratoires, contrairement aux intérêts compensatoires dont
le   régime   est   laissé   à   la   libre   appréciation   du   juge,   sont   dus   par   le   seul   effet   de
l’article 1153 du Code civil au taux légal, à partir du jour de la sommation de payer et
sans   que   le   créancier   soit   tenu   de   justifier   d’aucune   perte ;   que   la   règle   souffre
néanmoins   « exception   au   cas   où   il   est  constaté   que   le   créancier   a   abusé   de   son
droit »
17 février 1988, R.D.C. 1988, p. 696).
(Cass.
91
Que   les   intérêts   moratoires   réparant,   « dans   les   conditions   que   cette   disposition
détermine, le préjudice subi par le créancier ensuite du retard dans l’exécution par le
débiteur de son obligation de payer la somme due » (Cass. 27 septembre 1990, Pas.
1991, p. 1200), le droit qu’a en règle toute victime à la réparation intégrale de son
préjudice a pour corollaire l’obligation qu’elle a de prendre les mesures raisonnables
de nature à limiter celui-ci, comme l’eût fait un homme diligent et prudent (Cass. 14
mai 1992, J.L.M.B. 1994, p. 52) ;
Qu’un homme diligent et prudent n’eût pas abandonné une procédure durant plus de
seize années avant de la ranimer et de réclamer le paiement des intérêts de retard à
partir du jour de la citation ;
Qu’ « en vertu de son pouvoir modérateur envers l’usage abusif des droits, le juge
peut décider de modérer l’exercice incriminé et de le ramener dans les limites de son
usage normal » (D. STIJNS, D. VAN GERVEN et P. WERY, o.c., J.T. 1999, n° 95, p. 853) ;
Qu’en conséquence, le cours des intérêts sera suspendu pour la période du 13 juin
1972 au 27 décembre 1988 ; que pour la période ultérieure, aucune négligence ne
peut être reprochée au créancier poursuivant (…).
3. Agent immobilier – Rémunération – Réductibilité ? – Contrat d’entreprise
et non contrat de mandat
Cour d’Appel de BRUXELLES, 4 décembre 2002, J.T. 2003, page 213
Comme indiqué ci-dessus, la vente est intervenue à la suite de l’intervention de Mme
E. et la commission de 1,25 % du prix de la vente prévue dans la convention du 23
mai 1995 lui est due.
D’autre   part,   il   n’appartient   pas   à   la   cour   d’apprécier   s’il   faut   ou   non   réduire   la
rémunération due à Mme E. En effet, la convention signé le 23 mai 1995 s’analyse
comme un louage d’ouvrage, la convention ayant pour objet des actes matériels (faire
visiter   le   bien   immobilier,   servir   d’intermédiaire   en   transmettant   au   vendeur   et
éventuels   acquéreurs   les   offres   respectives),   et   non   des   actes   juridiques.   « La
jurisprudence admet la réductibilité de la rémunération excessive du mandataire en
dehors du cas de la lésion qualifiée. A l’inverse, ce droit de modération du juge n’est
pas admis par la jurisprudence en matière de louage d’ouvrage » (Bernard Tilleman,
Le  mandat,  Kluwer,  1999,  p. 15,  n°16 ;  voy.  égalem.  M-A Flamme,  Ph.  Flamme,  A.
Delvaux et F. Pottier, Le contrat d’entreprise – Chronique de jurisprudence 1990-2000,
2001, n° 8).
4. a) Le silence ne constitue pas nécessairement un acquiescement, même
en matière commerciale
92
b)   Imprévision   –   Bouleversement   de   l’économie   contractuelle   –
Prévisibilité – Principe d’exécution de bonne foi
Cour d’Appel de LIEGE, 21 décembre 2001, J.T. 2002, page 564
a)
Attendu que l’absence de réaction immédiate de l’appelante aux lettres
des   2   et   24   avril   ne   suffit   pas   à   établir   que   l’appelante   aurait   renoncé   à
réclamer l’exécution du contrat du 26 janvier 1995 ;
Que   si,   en   matière   commerciale,   le   silence   peut   être   interprété   comme   un
acquiescement,   il   ne   s’agit   pas   cependant   d’une   règle   absolue :   « les
commerçants   ne   sont   pas   obligés   de   répondre   à   toutes   les   lettres   qu’ils
reçoivent s’ils ne les approuvent pas » (Van Ryn et Heenen, t. 3, 2° éd., n° 15,
p. 20) ;
b)
Que   l’intimée  ne  peut se  prévaloir d’un  cas  de  force  majeure  puisque
l’exécution de son obligation de paiement n’était pas devenue impossible mais
simplement plus difficile ;
Que l’appelante est donc fondée à réclamer l’indemnisation du préjudice qu’elle
a subi en raison de la revente des marchandises à un prix inférieur ainsi que les
frais exposés pour la conservation de la chose (De Page, t. 4, vol. 1, 4° éd., par
A. Meinertzhagen-Limpens, 1997, n° 238, p. 324) ;
Attendu que pour ce qui est de la perte du bénéfice qu’elle aurait pu réaliser
sur   les   20.000   tonnes   de   margarine   qui   n’ont   pas   été   produites,   cette
réclamation ne saurait être accueillie ; qu’en effet, le principe d’exécution de
bonne   foi   des   conventions   s’oppose   à   ce   que   le   créancier   malgré   le
bouleversement   de   l’économie   contractuelle   que   les   deux   parties   pouvaient
prévoir (la chute du dollar et la modification des tarifs douaniers dans les pays
de la Communauté des Etats Indépendants issue de l’ex-U.R.S.S. ne constituant
pas  des phénomènes imprévisibles  pour des   commerçants  avisés habitués   à
traiter avec les pays étrangers) continue d’exiger le respect de l’accord primitif
« allant jusqu’à la ruine du débiteur » (P. Wéry, L’imprévision et ses succédanés,
observations sous Liège, 27 juin 1995, J.L.M.B. 1996, p. 108) ; qu’ « une partie
poursuivant   l’exécution   d’un   contrat   devenu   radicalement   déséquilibré   dans
son économie, au grand désavantage du cocontractant, pourrait en effet être
considérée, comme abusant de son droit, dans les circonstances précises du
cas d’espèce » (J.F. Romain, Le principe de convention-loi (portée et limites) :
réflexions   au   sujet   d’un   nouveau   paradigme   contractuel   –   Les   obligations
contractuelles, éditions du Jeune barreau de Bruxelles, 2000, n° 38.1, p.142).
93
39. La relativité des contrats
a) Principe
Disposition fondamentale de notre droit contractuel, l'article 1165 du Code civil stipule
que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes 84.
En principe, les contrats ne peuvent ni nuire, ni profiter aux tiers. En d'autres termes,
les contrats ne sauraient faire naître un droit à l'encontre ou au profit d'un tiers. Seule
la volonté d'un individu peut le lier, restreindre sa liberté.
L'article 1119 du Code civil énonce la règle différemment : "on ne peut, en général,
s'engager ni stipuler en son propre nom, que pour soi-même".
Mais une question essentielle se pose qu'il faut résoudre pour appliquer correctement
la   règle   de   l'article   1165   :   qui   est   tiers   au   contrat   et   qui   sont   les   parties
contractantes ?
b) Notion de partie contractante
Il s'agit en premier lieu et d'évidence des personnes qui ont manifesté leur volonté par
elles-mêmes et pour elles-mêmes.
Il   s'agit   ensuite   des   personnes   qui   ont   été   représentées   puisque   les   effets   de   la
représentation se produisent directement et uniquement dans le chef du représenté.
Notre droit connaît plusieurs formes de représentation :
la représentation contractuelle, le mandat (le contrat par lequel un mandataire
est  chargé   par un mandant d'accomplir un acte  juridique  au nom et pour le
compte de celui-ci);
la représentation légale (par ex., les parents représentent, en vertu de l'art. 376
C.C., leurs enfants mineurs d'âge);
la représentation judiciaire (la loi confère dans certains cas au juge le pouvoir
de désigner le représentant : voy. par ex. les art. 112 et 113 C.C. ou 488bis et s.
C.C.).
Rappelons ici que les personnes morales agissent nécessairement par l'intermédiaire
de leurs organes.
Il s'agit enfin des ayants cause universels et à titre universel : ceux qui recueillent
l'universalité   des  biens  d'une   personne   ou  une  quote-part   de   cette  universalité;  ils
succèdent aux droits et obligations du défunt. En conséquence, et en principe 85, les
contrats   conclus   par   celui-ci   continuent   à   produire   leurs   effets   à   l'égard   des
successeurs universels et à titre universel.
84  Les  romains  formulaient   la règle  de  cette  façon  :  res  inter   alios  acta  alii  neque nocere  neque  prodesse potest.
Aujourd'hui, la formule res inter alios acta est encore régulièrement utilisée par les juristes.
85 Il existe toutefois certaines exceptions. Par ex., un contrat de bail pourrait prévoir que celui-ci prendra fin au décès
du locataire. En outre, les contrats conclus intuitu personae donnent naissance à des rapports strictement personnels
et prennent fin, en principe, au décès de la partie dont la personnalité a été prise en considération.
94
Le contrat de mandat mériterait quelques développements.
Le   mandat   est   le   contrat   par   lequel   une   partie,   le   mandant,   donne   à   l'autre,   le
mandataire,  la  charge  et  le   pouvoir   de  la  représenter   pour  l'accomplissement   d'un
acte   juridique.   Le   mandataire   s'oblige   à   remplir   la   mission   qui   lui   est   confiée   et   à
rendre compte de sa gestion. Les effets de l'acte juridique conclu par le mandataire
avec un tiers se produisent directement dans le chef du mandant. L'acte juridique lie
le mandant et le tiers.
Dispositions applicables : art. 1984 et s. C.C.
Personnes en présence : le mandant, le mandataire et le tiers (au contrat de mandat,
mais il est partie au contrat que le mandataire est chargé de conclure au nom et pour
le compte du mandant).
Contrat de mandat
Mandant
Mandataire
acte juridique
Tiers
c) Le mandat apparent
Puisque   nous   venons   d'évoquer   la   représentation   conventionnelle,   le   mandat,
attardons-nous un instant à l'examen de la théorie du mandat apparent.
Il peut arriver qu'une personne dépourvue de pouvoir contracte avec un tiers en se
faisant passer pour mandataire d'un supposé mandant (ou bien, hypothèse voisine, il
y   a   contrat   de   mandat,   mais   le   mandataire   excède   les   pouvoirs   qui   lui   ont   été
conférés). Il y a alors apparence de mandat.
Voici un exemple : un employé indélicat, se faisant passer pour mandataire de son
employeur,   et   utilisant   à   cette   fin   des   documents   à   en-tête   de   l'entreprise   qui
l'emploie, achète divers objets pour lui même en invitant le vendeur à adresser les
factures à la firme pour compte de laquelle il prétend agir.
La   question   se   pose   de   savoir   si   le   tiers,   victime   des   agissements   du   mandataire
apparent, dispose d'un recours contre le prétendu mandant.
La théorie du mandat apparent implique qu'une personne soit engagée par les actes
accomplis en son nom et prétendument pour son compte par une autre qui n'avait
pourtant  pas  à cette  fin  les pouvoirs  nécessaires,  mais dont les tiers  pensaient ou
pouvaient penser qu'elle en était investie.
Quel est le fondement de cette théorie ?
95
Puisque, par hypothèse, il n'y a pas de contrat de mandat, on ne peut envisager de
fondement contractuel, cela va de soi.
Pendant longtemps, la jurisprudence a fondé le recours du tiers sur l'article 1382 du
Code   civil   et   a   exigé   que   ce   tiers   rapporte   la   preuve   d'une   faute   dans   le   chef   du
prétendu mandant. Ainsi, la théorie trouvait à s'appliquer lorsque, par la suite d'une
faute   imputable   au   mandant,   les   tiers   avaient   légitimement   pu   croire   que   le
mandataire avait pouvoir d'agir.
Il fallait  démontrer une faute à l'origine  de  la croyance  erronée des tiers. La faute
consistait à créer ou à permettre que se crée une apparence trompeuse pour ces tiers
(par ex., le défaut de précision dans la collation des pouvoirs à un mandataire ou la
carence dans la surveillance de celui-ci).
On   exigeait   en   outre   que   les   tiers   aient   légitimement   pu   croire   à   l'existence   du
mandat.
En application de l'article 1382 du Code civil, le juge prononçait la condamnation à
réparer le dommage des tiers de la façon la plus adéquate possible, celle-ci consistant
à considérer que le pseudo-mandant était engagé comme s'il y avait eu réellement
mandat.
Aujourd'hui, et depuis un arrêt prononcé par notre Cour de cassation le 20 juin 1988,
la théorie du mandat apparent ne repose plus uniquement sur l'article 1382 du Code
civil.
La  Cour   a   en  effet  jugé   que   "le   mandant  peut   être   engagé  sur  le   fondement  d'un
mandat apparent, non seulement dans le cas où il a fautivement créé l'apparence,
mais   également   en   l'absence   d'une   faute   susceptible   de   lui   être   reprochée,   si   la
croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime".
La jurisprudence considère que quatre conditions doivent être réunies :
l'existence d'une situation qui ne correspond pas à la situation réelle ;
la confiance ou la croyance erronée du tiers que l'apparence correspond à la
réalité doit avoir un caractère légitime, ce qui ne peut exister que si le tiers est
de bonne foi, ce qui veut dire qu'il ne connaît pas, ou ne pouvait pas connaître
la situation réelle ;
il   faut   que   l'apparence   invoquée   soit   « imputable »   à   la   personne   à   qui   l'on
oppose  cette  apparence,  c’est  à dire  qu’une  certaine  relation  existe  entre  le
pseudo-mandant et la situation trompeuse ;
il   faut qu'il  y ait un  préjudice  dans le  chef  de  tiers  dans l'hypothèse  où  l'on
n'accorderait pas d'effet à la situation apparente.
Ainsi,   l'apparence  est   devenue  source   autonome   d'obligations  en   droit   belge,
mais la jurisprudence ne refuse cependant pas toute protection au pseudo-mandant :
« Une   personne   peut   être   engagée   sur   le   fondement   d’un   mandat   apparent   si
l’apparence lui est imputable, c'est-à-dire si elle a, librement, par son comportement,
même non fautif, contribué à créer ou à laisser subsister cette apparence  » (Cass. 25
juin 2004).
d) Les tiers
96
Nous avons examiné la notion de partie contractante. A celle-ci s'oppose la notion de
tiers.
Les   tiers   au   contrat   sont   toute   personne   autre   que   les   parties,   les   personnes
représentées et les ayants cause universels ou à titre universel. Parmi les tiers, citons
les créanciers, les ayants cause à titre particulier et les penitus extranei, c'est-à-dire
les tiers complètement étrangers.
40. Exceptions au principe de la relativité des contrats
a) La stipulation pour autrui
Cette exception au principe de la relativité des effets internes du contrat, annoncée
par l'article 1165 in fine, renvoyant à l'article 1121, à l'origine, constituait réellement
une   règle   à   caractère   exceptionnel.   Sous   l'effet   de   la   jurisprudence,   le   champ
d'application de la stipulation pour autrui a connu une extension considérable, telle
qu'aujourd'hui, l'on peut affirmer l'efficacité de principe de la stipulation pour autrui.
L'article 1121 appelle développements et précisions.
La stipulation pour autrui est un contrat par lequel une personne, appelée stipulant
obtient d'une autre, appelée  promettant, un engagement au profit d'une troisième,
appelée tiers bénéficiaire.
Il est essentiel qu'existe dans le contrat entre le stipulant et le promettant, l'intention
de conférer un droit à un tiers contre le promettant.
                                                      Stipulant                      Promettant
  Tiers bénéficiaire
Quelques  illustrations   feront   comprendre   la  notion   et   l'utilité   de   la  stipulation   pour
autrui :
Assurance prise par une société en faveur de ses dirigeants ou de leurs ayants
cause en cas d'accident survenant à ces dirigeants;
Donation avec charges au profit d'un tiers;
Assurance-vie au profit d'un tiers;
Clause de reprise d'assurance incendie en cas de vente d'immeuble;
Clause d'un contrat de cession de fonds de commerce prévoyant le maintien du
personnel occupé par le cédant;
97
Clause insérée dans le contrat de vente d'un immeuble donné en location, en
faveur du locataire dont le bail n'a pas date certaine, permettant le maintien de
ce locataire dans les lieux.
Sans entrer dans le détail de l'institution, nous en donnerons les principales conditions
et caractéristiques.
La stipulation ne peut faire naître qu'un droit, qu'un bénéfice dans le chef du tiers au
contrat. Ce tiers bénéficiaire doit être déterminé ou à tout le moins déterminable. Le
droit dont il deviendra titulaire aura les caractéristiques suivantes :
droit  immédiat  contre   le   promettant:   il   n'est   pas   nécessaire   que   le   tiers
bénéficiaire  manifeste  son  accord  pour  que   le   droit  naisse  dans  son  chef;  le
droit naît en effet au moment de la formation du contrat;
droit direct contre le promettant: la créance du tiers bénéficiaire ne passe pas
par le patrimoine du stipulant; elle naît directement dans le patrimoine du tiers,
de telle sorte que cette créance échappe aux créanciers éventuels du stipulant;
droit  irrévocable  lorsque le tiers "a déclaré vouloir en profiter" (art. 1121 in
fine) : cette déclaration ne fait pas naître le droit, puisque celui-ci est déjà né;
l'adhésion du tiers a pour effet de consolider le droit de créance qui existe à son
profit; jusqu'à cette adhésion, le stipulant peut, en principe, révoquer le droit;
droit  dépendant du contrat : le promettant peut opposer au tiers bénéficiaire
les exceptions nées de sa relation contractuelle avec le stipulant 86; le droit du
tiers procède en effet du contrat conclu entre le stipulant et le promettant; ce
droit dépend donc du sort de ce contrat qui en constitue à la fois la source et la
mesure.
b) Les actions directes
La   stipulation   pour   autrui   constitue   une   exception   contractuelle   à   la   règle   de   la
relativité du contrat. Certaines exceptions ont une origine légale : en vertu d'une loi,
des tiers se voient investis d'un droit né d'un contrat auquel ils ne sont pas partie. En
voici des illustrations.
Le propriétaire bailleur d'un immeuble dispose d'un droit direct contre le sous-
locataire   de   son   bien,   alors   que   le   contrat   de   sous-location   (conclu   entre   le
locataire   principal   et   ce   sous-locataire)   constitue   pour   lui   une  res   inter   alios
acta (voy. art. 1753 C.C.).
Les   maçons,   charpentiers,   ouvriers,   artisans   et   sous-traitants   qui   ont   été
employés   à   la   construction   d'un   bâtiment   ou   d'autres   ouvrages   faits   à
l'entreprise   ont   une   action   directe   contre   le   maître   de   l'ouvrage   jusqu'à
concurrence   de   ce   dont   celui-ci   se   trouve   débiteur   envers   l'entrepreneur   au
moment où leur action est intentée. Les maçons peuvent ainsi espérer obtenir
paiement  par  un  tiers  de  ce  que  leur cocontractant,  l'entrepreneur, reste  en
défaut de leur payer (voy. art. 1798 C.C.).
Maître de l’ouvrage                                                Entrepreneur
86 Le promettant pourrait ainsi faire valoir une cause de nullité du contrat conclu avec le stipulant ou encore l'exception
d'inexécution
98
                           Action directe
                                                                                   Sous-traitants
Le mandant peut agir directement contre la personne que le mandataire s'est
substituée   alors   pourtant   que   le   mandant   est   tiers   au   contrat   conclu   par   le
mandataire et cette troisième personne (voy. art. 1994, al. 2 C.C.).
Mais l'action directe la plus connue de chacun - à tel point qu'on en oublie qu'il s'agit
d'un mécanisme exceptionnel - se trouve dans la loi du 21 novembre 1989, relative à
l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, dont
l'article 12 énonce
"L'assurance   fait   naître   au   profit   de   la   personne   lésée   un   droit   propre   contre
l'assureur".
L'article 16, al. 1 et 2, de cette même loi ajoute : "Sans préjudice des dispositions de
la   section   2   du   présent   chapitre,   aucune   nullité,   aucune   exception   ou   déchéance
dérivant de la loi ou du contrat d'assurance ne peut être opposée par l'assureur à la
personne lésée.
L'assureur peut se réserver un droit de recours contre le preneur d'assurance et, s'il y
a lieu, contre l'assuré autre que le preneur, dans la mesure où il aurait été autorisé à
refuser ou à réduire ses prestations d'après la loi ou le contrat d'assurance".
Assuré fautif                                                           Assureur R.C.
1382
                                                    action directe
Victime
Ainsi, cette action directe de la victime d'un accident dont la responsabilité incombe à
un   automobiliste   assuré,   est-elle   assortie   du   bénéfice   de   l'inopposabilité   des
exceptions.   Cela   signifie   que   quand   bien   même   l'assuré   aura   commis   une   faute
lourde,   justifiant   la   déchéance   ou   fondant   l'assureur   à   refuser   sa   couverture,   cet
assureur devra indemniser la victime. Mais dans ce cas, la compagnie d'assurances
pourra exercer, dans un second temps, une action dite récursoire, contre son assuré,
pour obtenir la condamnation de celui-ci au remboursement des sommes décaissées
au profit de la victime. On le constate, ces actions directes confèrent à leur titulaire
une sorte de garantie : un deuxième débiteur se voit adjoint au premier qui reste, bien
sûr, tenu à l'égard du créancier87.
87 Voy. infra n° 88, les obligations à débiteurs multiples.
Il faut encore citer l'art. 86 de la loi du 25 juin 1992 sur les assurances terrestres qui
généralise   le   mécanisme  de   l'action  directe  aux   assurances  de   responsabilité   (R.C.
familiale p.ex.).
99
c) Autres exceptions
Outre les stipulations pour autrui et les actions directes, il existe d'autres exceptions à
la règle res inter alios acta alii neque nocere neque prodesse potest.
L'article 1743 du Code civil confère au locataire dont le bail a date certaine, le droit de
se prévaloir de ce bail à l'égard de l'acquéreur de l'immeuble donné en location. Cet
acquéreur, ayant cause à titre particulier du vendeur, succède donc à une dette (les
obligations incombant au bailleur) de son auteur, en même temps qu'il acquiert les
droits de celui-ci dérivant du contrat de bail auquel il n'était pas partie.
L'article 1615 du Code civil édicte que "l'obligation de délivrer la chose comprend ses
accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel". La jurisprudence et la
doctrine ont étendu le champ d'application de cette disposition relative à l'une des
obligations du vendeur. Aujourd'hui, l'acquéreur d'un bien peut à l'occasion invoquer,
contre le cocontractant de son auteur, certaines actions contractuelles dont disposait
celui-ci. Ainsi, l'acheteur d'un immeuble peut-il se prévaloir de la garantie décennale
due   par   les   entrepreneurs   et   architectes,   parce   que   celle-ci   lui   a   été   transmise
accessoirement   à  l'immeuble.  Pourtant,   il   s'agit  bien  d'une  action  contractuelle   qui
appartenait au cocontractant des entrepreneurs et architectes, le maître de l'ouvrage,
le vendeur de l'immeuble, mais pour lequel elle ne présentait plus guère d'intérêt, une
fois son bien vendu.
41. La promesse de porte-fort
En   application   de   l'article   1119   du   Code   civil,   la   promesse   pour   autrui   ne   lie   pas
autrui.   En   revanche,   l'article   1120   permet   que   l'on   se   porte   fort   pour   un   tiers,   en
promettant le fait de celui-ci.
Malgré les apparences88, la promesse de porte-fort ne constitue pas une exception à
la règle de l'article 1165.
Le contrat conclu entre le porte-fort et son cocontractant n'engage pas le tiers, car "se
porter fort pour un tiers, c'est promettre soi-même qu'un tiers s'engagera". Si le tiers
ne   fait   pas   ce   qu'on   attend   de   lui,   seul   le   porte-fort   sera   tenu   à   l'égard   de   son
cocontractant. Mais, soyons-y attentifs, le porte-fort ne sera tenu qu'à des dommages
et intérêts et non à l'exécution de l'obligation que le tiers n'a pas voulu assumer. Le
porte-fort a promis de rapporter un consentement; le manquement à cette obligation
ne peut donner lieu qu'à des dommages et intérêts (voy. art. 1120 in fine).
Le porte-fort a rempli son engagement si le tiers ratifie la promesse. Dans ce cas, ce
tiers est tenu à l'égard du bénéficiaire de la promesse.
88 L'article 1120 est introduit par le terme "néanmoins".
100
La pratique donne de nombreux exemples d'application de la clause de porte-fort et
spécialement   lorsque   des   incapables   sont   intéressés   dans   des   ventes   ou   des
partages89.
42. L'action oblique
Aux termes de l'article 1165 du Code civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre les
parties contractantes. "Néanmoins, les créanciers peuvent exercer tous les droits et
actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la
personne", affirme l'article 1166 du Code civil.
Serions-nous en présence d'une nouvelle exception à la relativité des contrats ?
Pour répondre à cette interrogation, analysons brièvement la nature et les conditions
de cette action dénommée action oblique ou indirecte.
L'article 1166 permet au créancier d'agir à la place du débiteur et d'exercer un droit
que celui-ci néglige de mettre en oeuvre.
Tel débiteur, redoutant par exemple une saisie de ses biens, néglige de poursuivre un
débiteur qui ne le paie pas ou d'accepter une succession qui lui est échue ou encore
de faire annuler tel acte qui lui a été préjudiciable parce qu'il sait qu'il ne profiterait
guère du résultat de l'action : ses propres créanciers ne tarderaient pas, dans ce cas,
à fondre sur son patrimoine redevenu consistant.
Afin   d'éviter   le   dépérissement   du   gage   général   des   créanciers,   l'article   1166   leur
permet d'agir en lieu et place du débiteur négligent.
Soulignons que les créanciers ne peuvent cependant pas exercer les droits qui sont
exclusivement attachés à la personne du débiteur. Ainsi, un créancier ne pourrait-il
pas mettre en œuvre un droit extra-patrimonial de son débiteur, quand bien même ce
droit aurait une certaine valeur pécuniaire (par exemple, le droit de demander une
pension alimentaire à des parents ; voy. cependant l’art. 4 de la loi du 26 mars 2002
concernant le droit à l’intégration sociale).
Pour   pouvoir   exercer   l'action   oblique,   le   créancier   doit   être   titulaire   d'une   créance
certaine quant à son existence, liquide, c'est-à-dire déterminée quant à son montant,
et exigible.
De plus, le créancier doit avoir intérêt à agir, ce qui ne serait pas le cas si le débiteur
était   solvable.   Il   faut   en   outre   que   ce   débiteur  néglige  ou   refuse   d'agir
personnellement.
Si le créancier réussit dans son action oblique, celle-ci profitera à tous les créanciers
du débiteur, et non pas seulement à celui qui aura intenté l'action : le fruit de l'action
entrera   dans   le   patrimoine   du   débiteur   et   constituera   le   gage   commun   de   ses
créanciers.
89 Pour éviter des lenteurs ou des frais élevés, les personnes capables se portent alors fort de l'adhésion de l'incapable.
Pareil procédé n'offre aucun danger, puisque la situation de l'incapable n'est aucunement influencée par la convention
de porte-fort et que celui-ci demeure entièrement libre de ratifier ou de ne pas ratifier. D'ailleurs, si l'opération est
correcte   (et   c'est   le   cas   le   plus   fréquent),   l'incapable   devenu   capable   n'aura,   le   plus   souvent,   aucun   intérêt   à   la
critiquer. D'autre part, le créancier (que celui-ci soit un tiers ou un copartageant) ne court guère de risques, puisqu'en
cas de non ratification, il conserve son recours contre celui qui s'est porté fort" (DE PAGE, op. cit., Tome Il, n° 732).
La   réponse   à   la   question   posée   ci-dessus   apparaît   donc   maintenant   clairement   :
l'action oblique ne constitue pas une exception à la règle de l'article 1165.
101
Créancier                                                  Débiteur négligent
                                                                    débiteur
Voy. Patrick Wéry, L’action oblique et les actions directes, in La Théorie générale des
obligations, suite, Formation permanente CUP, vol. 57, octobre 2002, p. 5 et s.
De la section 4
    : Les effets du contrat entre parties (n° 39 à 42)
Illustrations
102
1. Mandat apparent -  Conditions – Effets
Cour d’Appel de BRUXELLES, 9 juin 1992
Attendu   que   c’est   manifestement   à   bon   droit   que   le   premier   juge   a   rejeté   la
contestation tirée de l’absence de pouvoir de Chantal D. pour engager la SPRL VAN
DEN B... alors qu’il est constant que cette personne est non seulement un des deux
associés de la SPRL mais également l’épouse de son gérant statutaire ;
Qu’ainsi, le sieur R., délégué de la S.A. P…, avait toutes les raisons de supposer que
Chantal D. avait mandat pour passer ces deux ordres de publicité qu’elle signa au
nom de la SPRL VAN DEN B… après avoir fait précéder sa signature de la mention « lu
et approuvé » ;
Attendu   qu’en   supposant   même   que   Chantal   D.   n’avait   pas   reçu   effectivement
mandat du gérant de la SPRL VAN DEN B… pour passer ces ordres de publicité, encore
faudrait-il constater que la SPRL VAN DEN B… resterait tenue envers la S.A. P… dès
lorsque celle-ci a pu, raisonnablement et légitimement, croire qu’elle traitait avec une
personne   ayant   le   pouvoir   d’engager   cette   société   –   le   gérant   étant   en   droit   de
mandater son épouse ;
Que la sécurité des affaires commande, en effet, que la situation du tiers de bonne foi
dont le comportement n’est pas fautif – et tel est le cas de la S.A. P… - soit préférée à
celle du mandant présumé qui, même sans faute de sa part, a contribué à créer une
apparence   de   droit   ayant   induit   le   tiers   en   erreur   –   quitte   à   ce   que   le   mandant
présumé se retourne, ensuite contre celui qui a dépassé ou usurpé ses pouvoirs de
l’engager (Cass. 20 juin 1988, J.T. 1989, p. 541 et note Foriers ; Simont, De Grave et
Foriers, Les contrats spéciaux, in R.C.J.B. 1986, p. 397, n° 232).
2. Mandat apparent – Conditions – Naïveté fautive du tiers
Cour d’Appel de LIEGE, 25 octobre 1991
Attendu   qu’à   peine   de   paralyser   la   vie   des   affaires,   l’on   ne   peut   raisonnablement
exiger   qu’un   commerçant   qui   se   trouve   confronté   à   une   proposition   de   contrat
apparemment raisonnable et n’ayant rien d’extraordinaire, émanant d’une personne
se disant envoyée par une société commerciale et disposant au surplus du papier à
en-tête de celle-ci, aille vérifier par le menu les pouvoirs de ladite personne ;
Que   toutefois,   l’engagement   souscrit   le   10   septembre   1986   par   le   sieur   D.   était
manifestement exorbitant puisque, d’une part, il était soumis à une condition dont la
réalisation dépendait de la volonté du seul acheteur et que, d’autre part, le vendeur
pouvait être amené à devoir supporter une somme très largement supérieure au prix
d’acquisition de l’appareil puisque la redevance payée mensuellement par l’utilisateur
ne représente pas seulement la rémunération de la jouissance de l’appareil, mais est
égale à l’amortissement du prix du matériel majoré d’un chargement comprenant la
rémunération de la société de leasing et celle des capitaux investis ;
103
(…)
Que même si, avec une certaine naïveté, l’appelant a pu penser un instant que sa
cocontractante   « envisageait   de   supporter   pareil   risque   commercial   plutôt   que   de
perdre une commande non négligeable », il était de la plus élémentaire précaution
qu’il   s’assure   au   préalable   que   son   interlocuteur   avait   qualité   pour   engager   une
société commerciale sur une base aussi inhabituelle et à ce point incompatible avec
les nécessités d’une saine gestion qu’elle devait éveiller la suspicion.
3.   Stipulation   pour   autrui   –   Contrat   de   brasserie   –   Cession   de   fonds   de
commerce
Cour d’Appel de LIEGE, 5 décembre 2000, J.L.M.B. 2001, page 1513
Le 8 juin 1990, M.C.A. s’est engagée à s’approvisionner exclusivement pendant dix
années en bière commercialisée par la brasserie Interbrew.
Le 31 juillet 1992, M.C.A. a cédé son fonds de commerce à l’enseigne « Taverne » à la
S.C. QUENTIN. La convention de cession de fonds de commerce stipule que la S.C.
QUENTIN a connaissance de l’obligation d’approvisionnement exclusif souscrite le 8
juin 1990 par M.C.A. à l’égard de la S.A. INTERBREW BELGIUM et qu’elle s’oblige à
respecter   cette   obligation   dans   les   termes   et   conditions   dans   lesquelles   elle   fut
signée.
Le 26 septembre 1994, la S.C. QUENTIN a cédé son fonds de commerce à l’enseigne
« Taverne » à un tiers.
Attendu   que   l’obligation   d’approvisionnement   initialement   souscrite   par   M.C.A.
s’analyse en une stipulation au profit de la brasserie jusqu’au 8 juin 2000 et fonde
celle-ci   à exiger directement de la S.C. QUENTIN  qu’elle  la respecte, ce  qu’elle fit,
mais aussi, qu’elle l’impose à son successeur, ainsi que M.C.A. le lui avait imposé en
exécution de l’article … des conditions générales de la convention du 8 juin 1990 ;
4. Action oblique – Contribuable négligent ne diligentant pas la procédure de
recours en appel en matière d’impôt sur les revenus
Cour d’Appel de BRUXELLES, 4 février 2000, J.L.M.B. 2000, page 647
L’administration soutient à tort que les conclusions déposées par Madame W., en sa
qualité d’ex-épouse du requérant, sont irrecevables.
Le fait que la cotisation a été enrôlée au nom de Monsieur K. seul, qui était divorcé de
son   épouse   depuis   décembre   1980,   n’empêche   pas   l’ex-épouse,   dont   la   créance
d’aliments n’est pas contestée, d’agir devant la cour d’appel sur la base de l’action
oblique ; la loi fiscale ne contient pas de dispositions dérogatoires à l’article 1166 du
code civil, de telle sorte que Madame W., en sa qualité de créancière d’aliments à
charge   de   son   ex-époux,   peut   intervenir   à   la   cause   pour   diligenter   les   droits   du
requérant qui est resté inactif depuis le dépôt de son recours.
L’action oblique permet seulement au créancier d’agir en lieu et place de son débiteur
négligent ; en exerçant cette action, le créancier ne fait que mettre en mouvement,
par son initiative personnelle, l’action du débiteur lui-même.
104
(…)
Par ces motifs,
Déclare le recours recevable et fondé.
Dit l’intervention volontaire sur la base de l’action oblique de Madame W. recevable.
Prend   acte   de   l’accord   de   l’Etat   belge   d’allouer   des   dégrèvements   en   faveur   du
requérant, Monsieur K., de …
Condamne l’Etat belge à rembourser au requérant toutes sommes qui auraient été
indûment perçues (…).
105
Section 5. Les effets des contrats à l'égard des tiers
43. L'opposabilité des contrats aux tiers
Le   principe   de   l'opposabilité   des   contrats   aux   tiers,   contenu   implicitement   dans
l'article 1165 du Code civil, signifie que, pour les tiers, le contrat est un fait juridique
dont ils peuvent se prévaloir et qui peut être invoqué contre eux. Lorsqu'un fait existe,
il existe pour tous; il en est ainsi d'un contrat et de la situation de fait ou de droit qui
en découle.
Quelques exemples feront comprendre cette règle.
Le contrat de mariage crée entre les époux une situation juridique que ceux-ci
pourront opposer aux tiers.
Les contrats conclus sans fraude par une personne entraînent des fluctuations
de son patrimoine, qui sont opposables en principe à ses créanciers.
Lorsqu'un héritier vend un bien de la succession, les tiers peuvent se prévaloir
de ce contrat pour prétendre à l'acceptation tacite de cette succession.
La victime d'un dommage corporel causé par la faute d'un tiers peut réclamer à
celui-ci la réparation de son préjudice calculé en fonction de la rémunération
fixée dans le contrat de travail qui la lie à son employeur.
Nous   allons   maintenant   examiner   une   illustration   intéressante   du   principe   de
l'opposabilité des effets externes du contrat avant d’évoquer deux actions constituant
des exceptions au principe.
44. La tierce complicité : illustration du principe
La question de la tierce complicité se pose en ces termes : un contractant dispose-t-il
d'un   recours   contre   un   tiers   qui,   connaissant   les   obligations   contractuelles   du
cocontractant,   agit   néanmoins   sans   tenir   compte   de   celles-ci   et   contribue   à   leur
violation ?
Si le contrat est en principe opposable aux tiers et existe à leurs yeux sans qu'aucune
formalité   n'ait   à   être   respectée,   le   principe   de   la   relativité   du   contrat   impose
néanmoins que ces tiers ne puissent se voir imposer aucune obligation née de cette
convention à laquelle ils ne sont pas partie.
Aussi, il faudra que le contractant prouve l'existence d'une faute dans le chef du tiers
s'il veut exercer avec succès un recours contre celui-ci.
Supposons   qu'une   brasserie   A   conclut   avec   l'exploitant   d'un   débit   de   boissons   un
contrat   d'approvisionnement   exclusif   en   bière   A   pour   une   durée   de   cinq   ans.
Supposons ensuite que la brasserie B, qui ne peut ignorer l'existence de ce contrat 90,
90 L'existence du negotium se traduit par la présence d'enseignes, de publicités et de matériel sur lesquels figurent la
marque A
106
propose néanmoins à l'exploitant du café de contracter avec elle et de vendre de la
bière   B.   Si  le  cafetier  contracte  avec  la brasserie  B  alors  qu'il  est toujours lié  à  la
brasserie A, il viole assurément ses obligations, fondant ainsi l'action contractuelle de
son cocontractant évincé. 
Mais la brasserie A pourra-t-elle formuler un reproche à l'adresse de la brasserie B ?
Dans  l'affirmative,   la  brasserie  A   disposerait   d'un  recours  contre  le   tiers,   contre   B,
outre son recours contractuel contre le cafetier.
Manifestement, le comportement de la brasserie B prête le flanc à la critique. Certes,
elle n'est pas tenue par un contrat auquel elle reste étrangère, mais ce contrat existe
et s'impose à elle comme étant une réalité dont il lui faut tenir compte. En agissant au
mépris   de   cette  convention, la brasserie  B a participé  à  la violation  de  l'obligation
contractuelle de l'exploitant du débit de boissons. Elle a commis une faute.
Le recours de la brasserie A sera donc fondé sur l'article 1382 du Code civil, car il n'y
a pas de relation contractuelle entre les deux brasseries et il ne peut donc s'agir que
d'une action en responsabilité extra-contractuelle ou délictuelle.
                           Responsabilité contractuelle
Cafetier                         (1)                                    Brasserie A
(2)
                                                                       art. 1382 C.C.
  Brasserie B
Quelles sont aujourd'hui les conditions de la tierce complicité ?
Une controverse a divisé longtemps la doctrine et la jurisprudence belges qui semble
maintenant définitivement tranchée.
Notre Cour de cassation  a en effet jugé qu'il suffit que le tiers ait connaissance du
contrat ou même qu'il ne puisse l'ignorer et qu'il coopère malgré cela à sa violation
par le cocontractant pour qu'il y ait tierce complicité de la violation d'une obligation
contractuelle et donc possibilité de condamner ce tiers à réparer le dommage causé,
en application de l'article 1382 du Code civil.
Dans notre exemple, la brasserie A sera donc confrontée à deux débiteurs, l'un tenu
sur base du contrat, l'autre sur base des règles de la responsabilité délictuelle 91.
45. L'action paulienne : action en inopposabilité du contrat
Le contrat peut, en principe, être opposé aux tiers. Ceux-ci doivent en accepter les
effets externes. Les créanciers doivent donc admettre, par exemple, que les contrats
91 Voy. infra n° 88, les obligations à débiteurs multiples.
107
conclus par leur débiteur puissent avoir pour effet la réduction de l'assiette de leur
droit de gage général.
Mais il serait trop aisé pour un débiteur aux abois de faire disparaître impunément son
actif en vendant ou donnant ses biens à des tiers, par exemple, à des membres de sa
famille, en se retranchant ensuite derrière le principe de l'opposabilité des contrats
aux tiers, en l'occurrence, ses créanciers.
Aussi,  l'article 1167  du Code civil a-t-il consacré  une action  en inopposabilité des
actes   accomplis  par  un  débiteur en  fraude  des  droits  de  ses  créanciers.  Ces actes
peuvent être attaqués par la voie de l'action paulienne ou révocatoire. Celle-ci a pour
but   de   faire   rentrer   dans   le   patrimoine   du   débiteur   une   valeur   qui   en   est
frauduleusement sortie  de  telle  sorte  qu'elle  puisse  faire  l'objet d'une  saisie  par  le
créancier qui a exercé l'action.
Créancier                                                  Débiteur
vente
                                                                  Tiers
L'action paulienne suppose donc un acte juridique accompli frauduleusement.
Les créanciers ne peuvent attaquer, sur base de l'article 1167, que les actes qui leur
causent   un   préjudice.   L'acte   accompli   par   le   débiteur   doit   donc   être   un   acte
d'appauvrissement qui crée ou aggrave une insolvabilité.
Toutefois,   certains   actes,   quoique   constituant   un   appauvrissement   du   débiteur,   ne
sont   pas   susceptibles   d'être   attaqués   par  la  voie   de  l'action   paulienne   (par  ex.   un
paiement, une constitution de sûreté ou des engagements nouveaux, à moins qu'ils
n'aient été pris dans le but principal de créer l'insolvabilité de celui qui les souscrit, au
préjudice des autres créanciers).
Pour mener à bien l'action paulienne, le créancier doit prouver que le débiteur a agi
frauduleusement, c'est-à-dire qu'il a accompli l'acte préjudiciable en connaissance de
cause, conscient du préjudice qu'il causait à ses créanciers. Il y a fraude lorsque le
débiteur a agi en vue de soustraire à ses créanciers tout ou partie de leur droit de
gage général, sans que cette intention soit nécessairement le but exclusif poursuivi.
Le créancier exerce l'action révocatoire non seulement contre son débiteur, mais aussi
contre la personne qui a profité de l'acte accompli frauduleusement par celui-ci (par
ex., l'acheteur ou le donataire).
Le   demandeur   doit   démontrer   la  complicité   de   ce   tiers.   Cela   sera   chose   faite
lorsqu'il sera établi que ce tiers avait connaissance de l'insolvabilité du débiteur et du
préjudice qui résultait de l'acte pour les créanciers. Il faut donc que le "complice" ait
aidé   sciemment le  débiteur à  frustrer   ses  créanciers.   Cette   exigence   ne   s'applique
toutefois pas aux actes à titre gratuit92.
92 L'acte à titre gratuit sera révoqué sans qu'il soit nécessaire d'établir la complicité du tiers dont la situation apparaît
moins digne d'intérêt que celle du créancier victime de l'acte frauduleux
108
Pour   exercer   l'action   paulienne,   le   créancier   doit   être   titulaire   d'une   créance
antérieure   à   l'acte   d'appauvrissement   frauduleux93.   En   effet,   les   créanciers   dont   le
droit est né postérieurement à l'acte d'appauvrissement n'ont jamais pu compter sur
le bien aliéné dans l'assiette de leur droit de gage général.
En outre, le créancier doit disposer d'une créance exigible.
Si ces différentes conditions sont remplies, l'action révocatoire, exercée en vertu d'un
droit propre, aboutira et le bien aliéné par le débiteur rentrera dans son patrimoine, ce
qui permettra au créancier ayant exercé l'action, et à lui seul, de mettre en oeuvre
son droit de gage général. L'action ne profite en effet qu'au créancier poursuivant : il
s'agit   d'une   action   individuelle   en   inopposabilité   d'un   contrat   et   non   d'une   action
intentée au nom de tous les créanciers collectivement.
Cette   observation   nous   amène   à   attirer   l'attention   sur   l'existence   de   règles
particulières en matière de faillite. La loi sur la faillite (v. les art. 17 et s. de la loi du 8
août 1997) organise en quelque sorte une action paulienne à caractère  collectif au
nom de la masse des créanciers, représentée par le curateur.
Notons enfin qu’un acte unilatéral – une renonciation à une succession bénéficiaire –
pourrait être attaqué par un tiers.
46. L'action en déclaration de simulation : action en 
inopposabilité du contrat
D'emblée, une remarque s'impose : simulation ne signifie pas fraude (mais il y aura
néanmoins coïncidence le plus souvent).
Le   contrat   simulé   masque   la   véritable   intention   des   parties.   Derrière   cet   accord
simulé, apparent, se cache l'acte que les contractants ont entendu réaliser. On parle
de contre-lettre pour qualifier cet accord clandestin, cette convention secrète qui, au
fond, constitue le seul contrat réellement intervenu.
La simulation implique trois conditions :
l'accord des parties;
la contemporanéité94 de l'acte apparent et de l'acte traduisant la volonté réelle
des parties; 
le caractère secret de cet acte modificatif.
Voyez   VAN   OMMESLAGHE,   « La   simulation   en   droit   des   obligations »,   in   « Les
obligations contractuelles », Editions du Jeune Barreau de BRUXELLES, 2000, p. 147 et
s.
Souvent, la simulation est réalisée dans un but frauduleux (ainsi en ira-t-il lorsque le
prix   de   vente   d'un   immeuble   sera   partiellement   dissimulé   afin   de   payer   un   droit
93 La créance doit être antérieure à l'acte d'appauvrissement à moins que cet acte n'ait été réalisé en vue d'éluder une
créance à naître.
94 On distingue ainsi la contre-lettre de l'acte postérieur qui révoque ou modifie un acte antérieur réellement intervenu.
109
d'enregistrement moins élevé), mais tel n'est pas nécessairement le cas (la doctrine
cite souvent l'hypothèse d'une simulation permettant à un bienfaiteur de dissimuler
sa donation pour garder l'anonymat; la jurisprudence n'en donne guère d'exemple ...).
Il arrive fréquemment qu'un débiteur poursuivi par ses créanciers accomplisse un acte
simulé pour frauder les droits de ceux-ci. Tel débiteur craignant la saisie de ses biens
les   vend   fictivement   à   un   "complice",   une   contre-lettre   démentant   par   ailleurs   la
réalité   de   cette   opération   :   le   débiteur   reste   bien   entendu   le   propriétaire   desdits
biens95.
Ainsi, on se trouve en présence d'une part, d'un acte ostensible, mais fictif, destiné à
être invoqué contre les tiers et d'autre part, d'un acte secret, d'une contre-lettre qui
constate l'opération réellement conclue par les parties.
Les   tiers   sont-ils   sans   recours   ?   L'acte   apparent   leur   est-il   opposable   ?   Fort
heureusement, non, car il existe une action en déclaration de simulation permettant
aux tiers  d'invoquer la contre-lettre  et la situation  juridique  qui  en résulte. Il s'agit
d'une action en inopposabilité des effets externes du contrat apparent.
A l'inverse, il se peut aussi que les tiers aient intérêt à invoquer non pas la contre-
lettre, mais l'acte apparent. Dans ce cas, les parties au contrat ne pourraient opposer
à   ces   tiers   la   contre-lettre   en   invoquant   le   fait   que   celle-ci   constate   la   réalité   de
l'opération   conclue   :   l'article   1321  du   Code   civil   dispose   en   effet   que   les   contre-
lettres n'ont point d'effet contre les tiers96.
Voici un exemple : afin d'obtenir un meilleur prix de la vente de son immeuble, Primus
conclut avec Secundus, son locataire, un bail apparent doublant le montant du loyer.
Un acte secret précise en même temps qu'il est entendu que le loyer réel reste fixé à
son montant initial. Tertius acquiert l'immeuble et souhaite en jouir par la perception
du   loyer.   La   contre-lettre   lui   étant   inopposable,   il   pourra   exiger   de   Secundus   le
paiement du loyer stipulé dans l'acte apparent.
On le voit, les tiers peuvent donc, à leur meilleure convenance, invoquer la contre-
lettre ou l'acte apparent.
Les tiers pourront prouver l'existence d'une contre-lettre, pour démontrer le caractère
simulé d'un acte qu'on leur oppose, par toutes voies de droit, puisque la simulation
constitue pour eux un fait.
47. Formalisme d'opposabilité
Le principe que nous venons d'examiner, selon lequel les contrats  sont opposables
aux tiers, souffre bien évidemment des exceptions et nous le savons déjà (supra n°
16).
Certaines conventions ne seront opposables aux tiers, n'existeront à leurs yeux que
moyennant le respect de formalités.
95  Les   actions   en   revendication   devant   le   juge   des   saisies   confrontent   souvent   les   créanciers   saisissants   à   cette
question   :   le   contrat   invoqué   par   le   revendiquant   pour   justifier   sa   propriété   des   objets   saisis   est-il   réel,   mais
frauduleux, ou simulé et frauduleux ? Il pourrait aussi être réel et licite...
96 En l'espèce, les tiers visés sont les créanciers des parties et leurs ayants cause à titre particulier.
110
Ainsi en va-t-il de la vente d'immeubles (art. 1 de la loi hypothécaire) ou de la cession
de créance (art. 1690, al. 2 C.C.).
48. Cas particuliers
a) Clause de réserve de propriété dans la vente de meubles
En   principe,   l'obligation   de   transférer   la   propriété   s'exécute   par   l'effet   du   simple
consentement des parties (art. 1138 C.C.; voir infra n° 51).
Cet article étant supplétif, les parties peuvent insérer dans leur convention une clause
de   réserve   de   propriété   qui   retarde   le   moment   de   l'exécution,   de   l'obligation   de
transférer la propriété par exemple jusqu'au paiement intégral du prix. Le but d'une
telle clause est clair : si le vendeur n'est pas payé, il peut récupérer le bien vendu
dont il est resté propriétaire.
La   Cour   de   cassation   déclarait   cependant   de   telles   clauses   inopposables   aux
créanciers de l'acheteur en cas de concours, c'est-à-dire lorsque la clause pourrait se
révéler la plus utile pour le vendeur...97. La loi du 8 août 1997 sur les faillites rétablit, à
certaines conditions, le droit de revendication (v. art. 101 et s.).
b) Contrats emportant, au profit du locataire d'un immeuble, mise à 
disposition de biens introduits dans les lieux loués
Supposons   un   bail   conclu   entre   un   propriétaire   et   un   commerçant,   relatif   à   tel
immeuble   à   usage   de   débit   de   boisson.   Une   brasserie   prête   divers   meubles   (une
machine à glace et une chaîne stéréo) au commerçant qui les introduit dans les lieux
loués.   Après   quelques   mois   d'occupation,   le   locataire   reste   en   défaut   de   payer
certains loyers et le propriétaire procède à la saisie du mobilier garnissant l'immeuble,
en ce compris les meubles appartenant à la brasserie.
La   brasserie   invoque   le   contrat   de   prêt,   parfaitement   conforme   à   la   réalité   de
l'opération intervenue entre le locataire et   elle, et entend empêcher ainsi la vente
publique de ses biens à la requête du propriétaire.
Malheureusement   pour   elle,   la   brasserie   n'opposera   vraisemblablement   pas
victorieusement ce contrat au propriétaire.
En effet, la loi accorde au bailleur, pour le paiement des loyers, un privilège sur tout
ce qui garnit l'immeuble (voy. infra n° 106) et la jurisprudence considère en général
que   ce   privilège   peut   aussi   s'exercer   sur   des   biens   n'appartenant   pas   au   preneur,
mais   qu'il   détient   dans   les   lieux   loués   à   quelque   titre   que   ce   soit   (dépositaire,
emprunteur, locataire ...). Cependant, « échappe au privilège ce que le bailleur sait ou
doit savoir ne pas appartenir au preneur »98.
97  Sur   la   notion   de   concours,   voy.   infra   n°   102.   En   ce   qui   concerne   la   clause   de   réserve   de   propriété,   cons.   J.
CAEYMAEX, Manuel des sûretés mobilières, titre II, chapitre 46. Voy. ég. infra, n° 50.
98 Sur cette question, cons. J. CAEYMAEX, Manuel des sûretés mobilières, titre II, chapitre 1, 8 et s.
111
De la section 5
    : Les effets du contrat à l’égard des tiers
Illustrations
112
1.   Tierce   complicité   –   Contrat   de   placement   de   jeux   dans   un   fonds   de
commerce – Eviction du placeur de jeux à l’occasion de la cession du fonds
de commerce
Cour d’Appel de MONS, 9 octobre 2000
(…)
Attendu qu’il résulte des bordereaux de recette produits par l’appelante que les jeux
(flippers et vidéos) fonctionnent encore le 8 février 1989 et ont été enlevés par ses
soins le 22 février 1989 (cf. pièce 7 bis du dossier de l’appelante) ;
Attendu que feu Patrick C. a cédé son fonds de commerce au sieur T. le 1 er  février
1989 et que le même jour, ce dernier a convenu d’une exclusivité de placement de
jeux de divertissement avec la SA D.
Qu’ainsi, avant de conclure les conventions du 1er   février 1989, les intimés ont dû
nécessairement constater que des jeux se trouvaient dans le café  exploité par feu
Patrick C.
Qu’en effet, il apparaît invraisemblable que le sieur T. n’ait pas visité le café avant son
acquisition, de même que la SA D… avant de conclure avec le sieur T. une exclusivité
de placement de ses propres jeux, moyennant un prêt conséquent de 650.000 F en
vue de permettre à celui-ci d’acquérir le fonds de commerce ;
Attendu qu’en outre, lors de ces visites, l’on ne peut concevoir que les intimés ne se
soient pas enquis auprès de feu Patrick C. de la propriété des jeux se trouvant dans
les lieux, d’autant plus qu’il n’a jamais été prétendu que ceux-ci faisaient partie du
fonds de commerce ;
Attendu   qu’enfin,   le   sieur   T.   qui   est   un   cafetier   professionnel,   devait   savoir   que
lorsqu’un l’exploitant d’un café n’est pas propriétaire des jeux de divertissement qui
s’y   trouvent,   ceux-ci   appartiennent   généralement   à   un   placeur   qui   les   met   à   la
disposition de l’exploitant moyennant un devoir d’exclusivité ;
Qu’il en va a fortiori de même pour la SA D… en sa qualité de placeur qui, plus que
quiconque, connaît les règles régissant le secteur qu’elle applique au demeurant elle
même dans ses relations commerciales avec les cafetiers ;
Attendu que dans ces conditions, force est d’admettre que les intimés ne pouvaient
ignorer que les jeux se trouvant dans le café exploité par feu Patrick C. n’étaient pas
sa propriété et étaient susceptibles d’appartenir à un placeur détenant à leur sujet un
droit d’ exclusivité ;
Que rien n’indique que les intimés ont pris la moindre précaution en vue de s’assurer
de   l’existence   d’une   quelconque   convention   liant   à   ce   sujet   feu   Patrick   C.   et   un
placeur et ont donc contracté sans se soucier des droits d’autrui ;
Attendu que de surcroît, l’existence et l’identité de ce placeur ne pouvaient échapper
aux   intimés   étant   donné   qu’il   n’a   jamais   été   contesté   que   le   nom   de   l’appelante
113
figurait de manière parfaitement visible sur chacun des jeux existant dans le café de
feu Patrick C. ;
Attendu   qu’en   conséquence,   force   est   d’admettre   que   les   intimés   ne   pouvaient
ignorer   l’existence   de   la   clause   d’exclusivité   conclue   entre   feu   Patrick   C.   et
l’appelante   et ont donc agi  en sachant  que  l’acte  juridique  auquel  ils participaient
porterait nécessairement atteinte aux intérêts de celle-ci ;
Attendu   qu’il   s’ensuit   qu’ils   se   sont   ainsi   rendus   coupables   de   la   faute   de   tierce
complicité dans la violation de l’obligation d’exclusivité contractée par feu Patrick C. à
l’égard de l’appelante ;
2. Action paulienne – Conditions 
Tribunal de Première Instance de LIEGE, 1er décembre 2000
Les défendeurs arguent que le demandeur n’a aucun intérêt à agir, car l’acte litigieux
ne lui a pas causé de préjudice, compte tenu de l’existence d’un gage sur le fonds de
commerce au profit de la SA ADEA.
Les conditions d’exercice de l’action paulienne peuvent être synthétisées comme suit:
1.   existence   d’une   créance   antérieure   à   l’acte   querellé   (cette   antériorité   peut
connaître des exceptions);
2. la fraude du débiteur;
3. l’appauvrissement du débiteur et le préjudice du créancier;
4. un tiers complice.
L’existence   d’une   créance  dans   le   chef   de   l’Etat   belge   antérieure   à   l’acte   querellé
n’est pas contestée.
L’exposé des motifs relève ainsi la contrainte du 16 avril 1981 et celle du 15 mars
1996,  ainsi qu’une  contrainte  délivrée  le 3 juillet 1997 relative  à la débition d’une
somme due pour la période du 31 octobre 1995 au 30 avril 1996. La débition de ces
montants n’est d’ailleurs pas contestée par Madame B.
La  fraude  doit être  entendue  dans une  acception  objective. Il  y a fraude  quand  le
débiteur pose un acte dont il ne peut ignorer qu’il va préjudicier ses créanciers. Or, en
l’espèce, la cession du fonds de commerce intervient le 1 er juillet 1996, alors qu’une
contrainte fut notifiée à Madame B. le 10 avril 1996 et qu’elle savait, en outre, qu’elle
devait   encore   une   somme   élevée   sur   base   d’une   contrainte   délivrée   en   1981,   les
délais de paiement qui lui avaient été accordés à cet égard étant annulés suite à la
création   de   nouvelles   dettes   (contrainte   1996);   de   plus,   la   cession   du   fonds   de
commerce est conclue par Madame B. avec son époux, séparé de biens, pour un prix
de 1.600.000 francs qui n’est pas versé à celle-ci puisqu’il est simplement spécifié
que Monsieur R. reprendra l’emprunt en cours alors qu’aucune évaluation n’est faite
du fonds de commerce qui justifierait ce montant et alors qu’il appert des documents
que Monsieur R. était déjà co-emprunteur et que Madame B. n’a pas été désolidarisée
du prêt; par contre, elle ne perçoit plus les revenus du fonds de commerce !
Dans   ces   circonstances,   l’ensemble   des   éléments   mis   ainsi   en   exergue   conduit   à
considérer  que  Madame   B.  a   volontairement  posé   l’acte   incriminé   dont  elle  devait
114
savoir qu’il frustrerait le créancier, l’Etat belge, par la sortie du fonds de commerce
hors du patrimoine de Madame B.
Il n’y a donc pas lieu de s’appesantir sur l’appauvrissement de Madame B. Il importe
cependant   que   le   demandeur   établisse   que   l’acte   querellé   lui   a   causé   un   réel
préjudice.
L’existence d’un préjudice existe lorsque l’acte contesté ne permet plus au créancier,
s’il   est   maintenu,   d’exercer   l’intégralité   de   ses   droits,   c’est-à-dire   de   récupérer   la
totalité de sa créance sans trop de difficultés (Cass. 15 mai 1992, Pas. 1992, p. 813).
En l’espèce, la cession du fonds de commerce par Madame B. à son époux séparé de
biens  a   pour   conséquence   d’entraver   considérablement   l’exercice   de   son   droit.  En
effet, la réduction du gage général du créancier rend aléatoire la récupération de sa
créance   puisqu’un   bien   saisissable   est   soustrait   aux   possibilités   concrètes   de
poursuite ou de réalisation forcée.
Le fait qu’en cas de réalisation forcée du fonds de commerce, le créancier gagiste (la
SA ADEA) soit préféré à l’Etat belge, ne suffit pas à prouver l’absence d’intérêt de ce
dernier au moment de l’intentement de l’action.
Encore faudrait-il que les défendeurs établissent que la créance de la SA ADEA est
supérieure à la valeur du fonds de commerce, ce qu’ils ne font pas.
Enfin   et   dernièrement,   l’action   fondée   sur   l’article   1167   du   Code   civil   nécessite   la
complicité d’un tiers. Il suffit pour qu’il y ait faute dans le chef d’un tiers que le tiers
ait   agi   en   sachant   que   l’acte   juridique   auquel   il   participe   porterait   atteinte   aux
intérêts des créanciers de son cocontractant. La seule déloyauté, sans circonstance
aggravante, et quel qu’en ait été le mobile, constitue d’emblée une faute (J. Dabin,
note sous Cass. 30 janvier 1965, R.C.J.B. 1966, p. 91).
Or, en l’espèce, le tiers est l’époux de Madame B. ; il était, de plus, intervenu aux
côtés   de   son   épouse   en   qualité   de   co-emprunteur   lors   de   la   conclusion   de   la
convention de crédit destinée à la reprise du fonds de commerce.
Dans ces conditions, Monsieur R. ne pouvait ignorer les circonstances dans lesquelles
son épouse lui cédait son fonds de commerce.
Partant, l’action paulienne exercée par l’Etat belge est fondée contre l’acte de cession
du fonds de commerce du 1er juillet 1996.
(…)
Par ces motifs,
Dit   que   l’acte   de   cession   du   fonds   de   commerce   intervenu   entre   Monsieur   R.   et
Madame B., le 1er  juillet 1996, portant sur la « Taverne … », est inopposable à l’Etat
belge ;
3.   Simulation   -   Vente   immobilière   –   Supplément   de   prix   occulte   au   profit
d’un des indivisaires
Cour d’Appel de MONS, 20 février 2001, J.L.M.B. 2001, page 1694
115
Attendu   qu’il   y   a   simulation   lorsque   les   parties   font   un   acte   apparent   dont   elles
conviennent de modifier ou de détruire les effets par une autre convention, demeurée
secrète ;  la  simulation  suppose  deux conventions, contemporaines l’une  de l’autre,
mais   dont   l’une   n’est   destinée   qu’à   donner   le   change ;   la   convention   apparente
s’appelle   acte   ostensible,   la   convention   secrète,   contre-lettre   (DE   PAGE,   Traité
élémentaire de droit civil belge, tome II, p. 618, n° 618) ;
Attendu   qu’en   l’espèce,   l’acte   apparent   (le   compromis   de   vente   avenu   entre   les
sœurs Hen. et M. en nom personnel et pour la S.A. BUKSIL) cache une convention qui
assortit la vente d’une condition absolument différente : le prix se trouve augmenté
de six millions, payables uniquement à l’une des parties venderesses et ce paiement
conditionne la vente autant qu’il est conditionné par elle ;
Attendu que si la simulation est en principe, et dans certaines conditions, licite entre
parties, les tiers de bonne foi et qui justifient d’un intérêt légitime, sont fondés soit à
se prévaloir de l’article 1321 du code civil, lequel dispose que les contre-lettres n’ont
point d’effet contre eux, soit par l’action en déclaration de simulation, à se prévaloir
de l’acte réel ;
Que, pour aboutir, celui qui intente l’action en déclaration de simulation, ne doit pas
prouver la fraude ; il lui suffit de prouver la simulation (DE PAGE, op. cit., p. 549, n°
642) ;
Attendu que la simulation suppose la volonté de simuler ; que le juge du fond peut
déduire   de   présomptions   appréciées   souverainement   le   caractère   simulé   de   la
convention ;
Attendu   qu’en   l’espèce,   la   preuve   du   caractère   fictif   de   l’ « indemnité »   versée
exclusivement à Andrée Hen. ressort à suffisance des éléments suivants : (…).
116
Section 6. L'exécution des obligations contractuelles
49. Principes. Exécution en nature
La convention fait la loi des parties : le contrat doit être exécuté - et de bonne foi -.
Quoi de plus normal ? C'est d'ailleurs à cette fin qu'il a été conclu.
« C’est   en   permettant   au   créancier   d’obtenir   l’exécution   en   nature   de   l’obligation,
malgré les réticences de son cocontractant, que le législateur consacre la solution la
plus   respectueuse   du   principe   de   la   convention-loi »  (Patrick   WERY,   « L’exécution
forcée   en   nature   des   obligations   contractuelles   non   pécuniaires »,   KLUWER,   1993,
page 1).
L'exécution doit se faire en nature, qu'il s'agisse d'obligations de faire (facere), de ne
pas faire (non facere) ou de donner (dare) : le débiteur doit accomplir la prestation
convenue.
Exécuter en nature, c'est faire ce à quoi on s'est engagé (livrer un bien, effectuer une
réparation, accomplir un travail, ... ), s'abstenir de réaliser ce que l'on a promis de ne
pas faire (ne pas construire à tel endroit, ne pas faire concurrence dans tel rayon, ...)
ou transférer la propriété de ce que l'on doit donner (le terme "donner", traduction
littérale   du   terme   latin   "dare",   doit   être   entendu   essentiellement   dans   le   sens
"transférer la propriété"; les obligations de "dare" naissent des contrats de vente ou
des donations par exemple ; nous les examinerons dans un point particulier, voyez le
n°51, car elles présentent des caractéristiques spécifiques).
Le créancier a le droit d'exiger l'exécution directe, en nature et il peut, le cas échéant,
demander au juge de condamner le débiteur en défaut à l'exécution forcée en nature.
Ce créancier n'est pas tenu, en principe, d'accepter une proposition du débiteur de
verser  des dommages  et intérêts  plutôt que  d'accomplir  la prestation  telle  qu'il   l'a
promise.   Nous   préciserons   bientôt   les   règles   applicables   à   l'inexécution   des
obligations (infra, section 7 et ss.).
Accomplir la prestation due au créancier, exécuter son obligation, c'est payer.
Le   paiement   doit   donc   être   entendu   ici   dans   son   sens   le   plus   large   :   l'acception
juridique   de   ce   terme   ne   se   limite   pas   à   celle   du   langage   courant.   La   lecture   du
paragraphe du Code civil intitulé "du paiement en général", le confirmera (voy. les art.
1235 et s., notamment les art. 1237 et 1245). 
Quelques   développements   consacrés   au   paiement,   qui   est   aussi   le   mode   principal
d'extinction des obligations, seront faits au n°96, " le paiement ".
50. L'étendue des obligations
Affirmer  que  les obligations doivent être  exécutées en nature  ne suffit pas. Encore
faut-il savoir ce que l'on doit attendre exactement du débiteur.
117
A quoi s'est-il, au juste, engagé ? Quelle est l'étendue de ses obligations ? A-t-il promis
un  résultat ? Construire un bâtiment, livrer une machine, ne pas faire  concurrence,
transporter une marchandise, ... Ou bien s'est-il seulement engagé à mettre tout en
oeuvre pour donner satisfaction au créancier ? Donner des conseils d'ordre juridique,
soigner,   trouver   un   acquéreur   pour   tel   immeuble   et   à   tel   prix,   informatiser   une
entreprise, garder des enfants,...
On distingue ainsi les obligations de résultat des obligations de moyens.
Le débiteur des premières s'engage à fournir un résultat dont l'inobtention implique la
faute contractuelle.
Le débiteur des secondes promet de mettre en oeuvre tous les moyens pour obtenir le
résultat recherché, de faire toutes les diligences voulues à cet effet. Il ne suffira plus,
dans   ce   cas,   au   créancier   n'ayant   pas   obtenu   ce   qu'il   attendait   de   l'exécution   du
contrat, de démontrer qu'il y a inexécution : il devra de plus prouver la faute dans le
chef   du  débiteur, en établissant  que  celui-ci  ne s'est pas conduit en  bonus  pater
familias (voyez art. 1137 C.C.) ou en bon professionnel soigneux, diligent, honnête et
compétent.
La   distinction   présente   un   intérêt   du   point   de   vue   de   la   preuve   de   la   faute   :   si
l'obligation est de résultat, il suffit au créancier d'établir la non obtention du résultat
promis,   si   l'obligation   est   de   moyen,   ce   créancier   devra   démontrer   que   le
comportement du débiteur n'a pas été adéquat, conforme à celui qu'aurait adopté cet
homme standard, le bon père de famille99. Cet intérêt apparaîtra avec plus d'acuité
lorsque la cause de l'inexécution de l'obligation contractuelle demeurera inconnue.
Comment distinguer les obligations de moyens des obligations de résultat ?
Il se peut que l'intention des parties résulte clairement de leur contrat. Il se peut aussi
qu'une loi impérative règle la question100.
Dans les autres cas, il faudra recourir au  critère de l'aléa  : le résultat attendu de
l'exécution   du   contrat   est-il   aléatoire,   dépend-il   d'événements,   d'éléments   qui   ne
peuvent être tous maîtrisés par le débiteur ou, au contraire, ce résultat dépend-il de la
seule diligence du débiteur ? Dans la première hypothèse, il s'agira d'une obligation
de moyens et dans la seconde, d'une obligation de résultat.
Nous verrons cependant plus loin que le débiteur de l'obligation non exécutée ou mal
exécutée   peut   échapper   à   sa   responsabilité   quand   bien   même   il   s'agirait   d'une
obligation de résultat. Le débiteur peut en effet établir que l'inexécution est due à une
cause étrangère qui ne lui est pas imputable (voy. infra n° 66).
99 Qui ne doit être ni Superman, ni même parfait.
100  Ainsi,   l'article   4   de   la   loi   du   25   août   1891   relative   au   contrat   de   transport,   stipule   que   le   transporteur   "est
responsable de l'avarie ou de la perte des choses, ainsi que des accidents survenus aux voyageurs, s'il ne prouve pas
que l'avarie, la perte ou les accidents proviennent d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée".
118
51. L'obligation de dare
Les obligations de dare sont essentiellement celles qui engendrent une obligation de
transférer la propriété.
L'article 1138 du Code civil stipule que "l'obligation de livrer la chose est parfaite par
le seul consentement des parties contractantes".
Cet article signifie que l'obligation de transférer la propriété est exécutée par l'effet du
simple échange des consentements des parties contractantes. L'alinéa 2 de l'article le
confirme   :   le   créancier   de   l'obligation   de   dare   devient   propriétaire   encore   que   la
tradition, la livraison de la chose, n'ait point été faite.
L'article  1583  du Code civil, relatif à la vente, applique le principe général contenu
dans l'article 1138: la vente "est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise
de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du
prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé".
Ainsi, l'obligation de donner est-elle exécutée en même temps que formée. Il ne reste
à charge du vendeur que l'obligation de livrer, qui est une obligation de faire.
Le système instauré par le Code civil s'explique historiquement. Il n'est pas à l'abri de
critiques   et   fait   d'ailleurs   fréquemment,   nous   le   verrons,   l'objet   de   dérogations
conventionnelles. Le transfert de propriété dès l'accord des consentements n'est pas
une solution retenue, tant s'en faut, dans tous les ordres juridiques.
Il faut distinguer soigneusement, et l'article 1583 nous y rend attentifs, le transfert de
propriété entre parties et l'opposabilité de la convention aux tiers101.
L'article 1138 ne s'applique qu'aux choses qui sont déterminées, individualisées, qui
ont fait l'objet d'une spécification (au contraire des choses dites de genre, c'est-à-dire
des choses librement interchangeables)102. En outre, il est impossible de transférer la
propriété d'une chose future103. 
Ce transfert ne pourra avoir lieu, en principe, que lorsque la chose existera.
Les articles 1138 et 1583 n'étant  pas impératifs, les parties peuvent convenir, soit
que le transfert de propriété ne se fera pas dès l'échange des consentements (clause
de réserve de propriété), soit que la charge des risques sera dissociée de la propriété.
101  Voy. à cet égard les articles 1141 (ventes successives d'un meuble par le même vendeur) et 1690 du Code civil
(cession d'une créance), ainsi que l'article 1 de la loi hypothécaire (vente d'immeuble).
102 Voici un exemple dans lequel l'obligation de dare ne peut s'exécuter au moment de la formation de la convention :
vente ayant pour objet un immeuble non encore identifié, à savoir 100 m2 de terrain à prendre dans une parcelle plus
grande : le vendeur est tenu d'une obligation de dare tant que la partie vendue n'a pas été déterminée.
103 Mais une chose future peut cependant constituer l'objet d'une obligation: voy. supra n° 32.
119
La  clause   de   réserve   de   propriété  consiste   en   ceci   :   les   parties   décident   de
retarder l'exécution de l'obligation de transférer la propriété, le plus souvent jusqu'au
paiement  total du prix de vente (mais parfois aussi, jusqu'à la passation  d'un acte
authentique   ou   jusqu'à   la   livraison   de   l'objet   vendu).   Le   vendeur   reste   donc
propriétaire   du   bien,   mais,   en   contrepartie,   il   continue   à   supporter   la   charge   des
risques...
La clause de réserve de propriété constitue une garantie - du moins en est-ce souvent
le   but  -   pour   le   vendeur  qui  reste   propriétaire   du  bien  vendu.  Nous   avons   évoqué
(supra,   n°48a)   la   question   de   l’opposabilité   de   cette   clause   aux   tiers,   en   cas   de
situation de concours de créanciers (spécialement, la faillite).
Les parties pourraient convenir d'ajouter à une clause de réserve de propriété, une
clause relative au transfert des risques à l'acheteur.
L'article 1138, al. 2 nous indique, en effet, que propriété et charge des risques sont
liées.   En   conséquence,   lorsque   l'obligation   de   dare   est   exécutée,   l'acheteur   est
devenu propriétaire,... et, sauf clause contraire, il supporte la charge des risques. Cela
signifie, par exemple, nous le verrons104, qu'en cas de perte de la chose vendue par
cas   fortuit  (au   sens   le   plus   large   du   terme)   entre   le   moment   de   l'échange   des
consentements   et   celui   de   la   livraison,   le   débiteur   de   l'obligation   de   délivrance
devenue impossible à exécuter, en est libéré, mais qu'il conserve néanmoins le droit
de réclamer le paiement du prix à l'acheteur. La chose a donc péri aux risques de
l'acquéreur !.
Les   parties   pourraient   convenir   d'une   clause   relative   au   transfert   des   risques   à
l'acheteur   par   laquelle   lorsque   celui-ci   est   mis   en   possession   du   bien   vendu,   le
vendeur   reste   propriétaire   du   bien   par   exemple   jusqu'à   complet   paiement,   mais
l'acheteur supporte la charge des risques pendant cette période.
Les  parties  pourraient  également convenir  que  les risques  sont  laissés   au  vendeur
jusqu'à   ce   que   celui-ci   ait   livré   la   chose   vendue,   l'acheteur   étant   déjà   devenu
propriétaire par l'effet de l'article 1138. Dans ce cas, si la chose périt par cas fortuit
entre   le   moment   de   la   vente   et   celui   de   sa   livraison,   l'acheteur   est   libéré   de
l'obligation de payer le prix.
La question de savoir qui est propriétaire du bien vendu et à quel moment présente
donc un intérêt évident relativement à la question de la charge des risques.
En outre, les créanciers des parties contractantes sont également intéressés par la
solution   de   cette   question.   Dans   quel   patrimoine   se   trouve   l'objet   vendu   ?   De   la
réponse à cette question dépend l'assiette du droit de gage général des créanciers du
vendeur et des créanciers de l'acheteur.
*
*         *
104 Voyez sur ce point la section 10 : Inexécution fortuite des contrats.
120
De la section 6
    : L’exécution des obligations contractuelles
Illustrations
1. Obligation de moyens ou de résultat – Médecin
Cour d’Appel de MONS, 29 juin 1998, J.L.M.B. 1999, page 307
Si la plupart des obligations professionnelles des médecins sont des obligations de
moyen,   certains   devoirs   doivent   toutefois   être   considérés   comme   étant   des
obligations de résultat du fait qu’ils ne comportent aucun aléa ou un aléa très faible.
Tel est notamment le cas de l’obligation de discrétion ou de fournir certains appareils
ou instruments en bon état de fonctionnement. Il en est également ainsi des tâches
professionnelles qui apparaissent être de la pratique usuelle et courante du médecin
et   ne   comportent   pas   le   moindre   risque,   comme   la   réalisation   des   examens
prénataux.
Le   créancier   de   l’obligation   de   résultat   doit   prouver   uniquement   l’existence   de
l’obligation,   l’absence   d’obtention   du   résultat,   la   faute   du   débiteur   étant   alors
présumée à moins qu’il ne démontre l’existence d’une force majeure ou d’une cause
étrangère.
Dès   lors,   le   gynécologue   qui   ne   peut   produire,   pour   toute   trace   des   examens
prénataux   qu’il   prétend   avoir   effectués,   qu’une   fiche   non   datée,   reproduisant
quelques  données  dont  l’exactitude  est  invérifiable   et  qui   ne   sont  corroborées   par
aucun   document   médical   objectif   (telles   des   analyses   de   sang   ou   d’urine   ou   des
échographies),   doit   être   tenu   pour   responsable   des   graves   complications   qui   sont
survenues   à   la   naissance   du   fait   que   l’enfant   s’est   révélé,   contre   l’attente   du
médecin, être macrosome, alors que ces complications eussent pu être évitées si la
décision   de  pratiquer  une  césarienne  avait  été  prise, ce  qui  se  serait imposé  si  la
situation avait été correctement évaluée.
2. Obligation de moyens ou de résultat – Médecin
Cour d’Appel de LIEGE, 29 septembre 1998, J.L.M.B. 1999, page 307
Dans l’exercice de sa profession, le médecin ne s’engage, en règle générale, qu ‘à
une obligation de moyens car l’acte thérapeutique comporte très souvent un risque
résultant de facteurs impondérables liés à la mise en oeuvre de la science médicale.
Il peut, cependant en être autrement dans les cas où le résultat de l’intervention du
médecin ne pose scientifiquement, dans le domaine de la pure technique médicale,
aucun   problème,   ces   actes   n   ‘ayant   aucun   caractère   aléatoire.   Dans   ce   cas,
l’obligation du médecin devient une obligation de résultat.
S’il peut arriver que l’intervention médicale ait un résultat tellement anormal qu’une
présomption   de   faute   puisse   en   découler,   en   principe   l’acte   qui,   techniquement,
constitue une erreur peut ne pas être fautif car il convient de le replacer dans son
cadre   concret,   en   tenant   compte   du   milieu   et   des   circonstances.   La   faute   ne   naît
qu’avec le caractère anormal de l’erreur.
Une césarienne n’est pas nécessairement et automatiquement une intervention qui
ne pose scientifiquement aucun problème. Le fait qu’au cours de l’opération un coup
de bistouri ait touché et blessé la joue de l’enfant n ‘implique pas nécessairement un
manquement fautif.
121
3. Obligation de moyens ou de résultat – Organisateur d’un spectacle
Tribunal de Première Instance de LIEGE, 2 juin 1997
Attendu qu’il est exact qu’il est généralement admis tant par la doctrine que par la
jurisprudence   que   l’obligation   de   sécurité   incombant   à   l’organisateur   d’une
manifestation   ou   d’un   spectacle   est   une   obligation   de   moyens   et   non   de   résultat
(Robert André, Les responsabilités, p. 1003) ;
Attendu qu’il s’ensuit que les moyens à mettre en œuvre pour garantir la sécurité des
participants ou spectateurs est, bien entendu, fonction du risque prévisible ;
Attendu  qu’en  l’espèce,   il   s’agissait   d’une   manifestation   publique   interculturelle   se
déroulant dans un quartier populaire, comprenant un spectacle donné par des jeunes
immigrés venus d’horizons différents ainsi que de la vente de boissons alcoolisées ;
Attendu que cette énumération seule suffit à faire comprendre qu’il s’agissait là d’une
manifestation à hauts risques où les incidents étaient grandement prévisibles, voire
probables ;
Attendu   pourtant   que   la   première   défenderesse   n’avait   pris   aucune   précaution
particulière,   comptant   sur   la   bonne   volonté   et  l’initiative   des   organisateurs   en   cas
d’incidents ;
Attendu qu’il s’ensuit que tous les reproches formulés par les demanderesses sont
justifiés (…).
4. Obligation de moyens ou de résultat – Transport de personnes
Cour d’Appel de LIEGE, 31 mai 1999, R.G.A.R. 2000, n° 13.273
Attendu qu’en règle, si le conducteur d’un autobus doit s’assurer avant de remettre
en marche son véhicule que les opérations de descente et de montée des voyageurs
sont terminées et que les portes sont fermées, en revanche on ne peut exiger dudit
conducteur, avant de remettre le véhicule en mouvement, de surveiller les allées et
venues des passagers à l’intérieur du bus, lesquels restent libres de prendre ou non
place  assise, ni de vérifier s’ils ont pris attitude afin de conserver leur équilibre, à
peine de rendre impossible la circulation des bus suivant un horaire dont le respect
est garant d’un service efficace;
Que, dès lors qu’ils sont à l’intérieur du bus, il appartient aux usagers d’assurer au
plus tôt leur propre sécurité, soit en occupant les places assises, soit en saisissant les
divers   éléments   prévus   pour   la   garde   de   l’équilibre   (Liège,   23   juin   1997,   T.E.C.   c.
Badou, inédit);
Attendu qu’il a encore été décidé que si le règlement énonce que le conducteur du
bus ne peut remettre le véhicule en marche qu’après s’être assuré que les opérations
122
de   descente   ou   de   montée   des   voyageurs   sont   terminées   et   que   les   portes   sont
fermées, il n’est pas tenu de vérifier que les voyageurs, même âgés et chargés, ont
pu prendre place, d’autant qu’en cas d’affluence il n’y a pas nécessairement de place
assise pour chacun d’eux (Liège, 15 déc. 1994, La Tartara c. T.E.C., inédit);
Attendu   qu’il   est   constant   qu’au   moment   des   faits,   l’intimée   ne   se   tenait   pas   aux
mains courantes, ni aux barres d’appui prévues à cet effet; que cette abstention est
d’autant plus fautive dans le chef de l’intimée que, de son propre aveu, elle avait
constaté que « le sol était particulièrement glissant et mouillé »;
Attendu   qu’il   suit   des   considérations   qui   précèdent   que   l’appelante   renverse   avec
succès la présomption juris tantum établie par l’article 4 de la loi du 25 août 1891
relative au contrat de transport.
5. Obligation de moyens ou de résultat – Garagiste
Cour d’Appel de LIEGE, 17 novembre 1992
Le contrat par lequel une personne confie un véhicule à un garagiste pour y effectuer
un entretien ou une réparation contre rémunération constitue un contrat d’entreprise.
L’obligation de restitution qui résulte d’un tel contrat est une obligation de résultat
dont le débiteur ne peut s’exonérer qu’en prouvant une cause étrangère libératoire –
un cas fortuit ou une force majeure - , laquelle suppose dans son chef  l’absence de
toute faute.
La   responsabilité   du   garagiste   est   engagée   dès   lors   que   le   rapport   d’expertise   ne
permet   pas   d’exclure   que   l’incendie   accidentel   ayant   occasionné   la   destruction   du
véhicule   confié   pour réparation  soit  dû  à  une  faute, négligence   ou  imprudence   du
débiteur ou de ses préposés.
6. Obligation de moyens ou de résultat – Banque – Secret bancaire
Cour d’Appel de LUXEMBOURG, 2 avril 2003, J.T. 2003, page 315
Selon   la   société   Kredietbank   Luxembourg   s.a.   l’obligation   au   secret   pour   une
personne morale n’est pas une obligation de résultat, mais une obligation de moyens,
la personne morale ayant seulement pour obligation de prendre toutes les mesures et
de  mettre   en  place  tous les mécanismes  qui  à un  moment donné  sont  considérés
comme   aptes   à   protéger,   dans   les   meilleures   conditions   possibles,   le   caractère
confidentiel.
(…)
Il   est   dans   le   cours   normal   des   choses   que   les   renseignements   confiés   lors   de   la
conclusion d’un contrat de dépôt avec une banque puissent être gardés secrets. Il n’y
a pas d’aléa particulier que ce résultat, qui rentre dans les prévisions des parties au
contrat et que le législateur protège par des sanctions pénales, ne soit pas atteint.
L’obligation au secret de la banque est donc une obligation de résultat.
123
En cas d’inexécution de l’obligation de résultat, le débiteur est présumé responsable
et   ce   sans   que   le   créancier   ait   à   prouver   l’existence   d’une   faute   dans   le   chef   du
débiteur.
Si le débiteur ne peut s’exonérer en prouvant son absence de faute, il peut cependant
s’exonérer par le fait du tiers.
En   l’occurrence,   la   société   Kredietbank   Luxembourg   s.a.   est   par   l’existence   de   la
violation du secret bancaire présumée responsable.
Pour   s’exonérer   de   cette   présomption,   la   société   Kredietbank   Luxembourg   s.a.   ne
peut se prévaloir de son absence de faute. Elle ne saurait donc faire état des mesures
et mécanismes mis en place pour protéger le secret bancaire.
Son   offre   de   preuve   par   expertise   en   vue   d’établir   l’existence   de   ces   mesures   et
mécanismes est partant à rejeter pour n’être pas pertinente.
La personne morale agit nécessairement par l’intermédiaire de personnes physiques.
Vis-à-vis de ses cocontractants, la personne morale agit à travers ses préposés. L’acte
répréhensible commis par le préposé est donc à considérer comme acte commis par
la personne morale elle-même (cf. Paris, 26 févr. 1986, D., 1986, p. 397 ; Cass. Civ. 18
janv. 1989, Bull. civ. 1989, I, n° 32 ; Luxembourg, 15 janv. 1997, n° 16643 et 16484
du rôle ; Le Tourneau, Droit de la responsabilité, 1998, n° 1595 et 1596).
Les   préposés   n’étant   pas   à   considérer   comme   des   tiers,   la   société   Kredietbank
Luxembourg s.a. ne peut également –pour s’exonérer – faire état d’agissements de
ses préposés. (…)
7. Clause de réserve de propriété – Opposabilité
Cour de cassation, 9 février 1933
Attendu que la clause par laquelle les parties conviennent de retarder le transfert de
la   propriété   n’a   rien   d’illicite ;   qu’elles   sont   libres   de   subordonner   ce   transfert   à
l’arrivée d’un terme ;
Attendu, toutefois, que cette clause, valable entre les parties contractantes, n’est pas
opposable   aux   créanciers   de   l’acheteur   en   concours   avec   le   vendeur   d’effets
mobiliers lorsque l’acheteur a été mis en possession de la chose vendue ;
(…)
Attendu que lorsqu’il se trouve en concours avec les créanciers de l’acheteur et que la
chose vendue est en possession de celui-ci, le vendeur d’objets mobiliers non payés
n’est donc jamais fondé, pour revendiquer en dehors du cas prévu par la loi, à se
prévaloir de la clause de réserve de propriété ;
Remarque. 
Cette jurisprudence de la Cour de cassation est depuis peu remise en cause par l’article 101 de la loi
du   8   août   1997   sur   les   faillites.   Néanmoins,   la   question   de   savoir   si   la   solution   de   l’article   101
124
s’applique aux autres situations de concours que la faillite est discutée. Peut-être, cette intéressante
question fera t’elle l’objet d’un nouvel arrêt de la Cour ou d’une modification de la législation.
8 AOUT 1997. – Loi sur les faillites (extrait)
Art. 101 (al.1) La faillite ne porte pas atteinte au droit de revendication du propriétaire des biens
détenus par le débiteur. Toutefois, les biens meubles vendus avec une clause suspendant le transfert
de propriété jusqu'au paiement intégral du prix ne peuvent être revendiqués auprès du débiteur,
conformément à cette clause, que si celle-ci a été établie par écrit au plus tard au moment de la
délivrance de ces biens. En outre, ces biens doivent se retrouver en nature chez le débiteur. Ainsi, ils
ne peuvent être devenus immeubles par incorporation ou être confondus à un autre bien meuble. A
peine de déchéance, l'action en revendication doit être exercée avant le dépôt du premier procès-
verbal de vérification des créances.
125
Section 7. L'inexécution des contrats
52. Introduction et plan
Tout   serait   pour   le   mieux   si   le   contrat,   valablement   formé,   était   exécuté   à   la
satisfaction parfaite des parties.
Heureusement pour les professeurs de droit et les avocats, les incidents de parcours
dans la vie du contrat sont nombreux.
Que   peut   faire,   demander,   exiger   le   créancier   dont   le   débiteur   reste   en   défaut
d'exécuter ses obligations ?
Les hypothèses d'inexécution de ses obligations par le débiteur étant diverses, nous
aurons à faire des distinctions :
L'inexécution est-elle fautive ou exempte de faute dans le chef du débiteur ?
Le   créancier,   peut-il   encore   espérer   obtenir   la   condamnation   du   débiteur   à
accomplir la prestation promise ?  Autrement dit, l’exécution en nature reste-t-
elle possible et utile ?
Existe-t-il des palliatifs à l'exécution en nature ? 
Le   créancier   devra-t-il   se   contenter   d'un   dédommagement   financier,   de
dommages et intérêts ?
Le lien contractuel peut-il être rompu pour cause d'inexécution ?
Nous allons tenter de répondre à ces questions – et à d’autres.
Nous adopterons le plan suivant après avoir examiné les règles relatives à la mise en
demeure (n° 53)
Section 8 : Inexécution fautive des contrats (n° 54 à 65)
(Contrats synallagmatique et unilatéral)
L'exécution en nature est encore possible  (55 et s.)
L'exécution   en   nature   n'est   plus   possible ;   l’exécution   par
équivalent (60) 
Section 9 : Inexécution fautive des contrats synallagmatiques
Exception d'inexécution (62) 
Résolution-Résiliation (63, 64) 
Faculté de remplacement (65)
Section 10 : Inexécution fortuite (n°66 à 69) 
Contrats synallagmatiques
o Obligation de facere : Théorie des risques (67) 
o Obligation de dare : L'article 1138 al2 (68) 
Contrats unilatéraux
Section 11 : Quelques questions particulières (n° 70 à 73)
53. La mise en demeure.
126
L'hypothèse de départ est le constat fait par le créancier : le débiteur n'exécute pas
son obligation.
Il va de soi que le créancier doit adresser une réclamation au débiteur soit sous une
forme amiable essayant de préserver la qualité des relations entre parties soit dans la
forme d'une mise en demeure.
La   mise   en   demeure,   acte   juridique   unilatéral,   consiste   en   l'interpellation   du
 en   vue   d'obtenir   l'exécution   en   nature   de
débiteur  par   le   créancier,
l'obligation. C'est la manifestation de l'intention ferme d'exiger cette exécution. A
partir de cette réclamation, le débiteur sera considéré comme légalement en retard et
sera passible de dommages et intérêts (moratoires ou compensatoires).
Aux termes de l'article 1139 du Code civil, "le débiteur est constitué en demeure, soit
par  une   sommation  ou   par  autre  acte  équivalent, soit  par  l'effet  de   la convention,
lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin d'acte, et par la seule échéance du terme,
le débiteur sera en demeure".
L'article 1139 régit la forme de la mise en demeure. Elle doit donc procéder d'un acte
d'huissier, à moins que la convention ne prévoie expressément qu'elle résultera de la
seule échéance du terme, c'est-à-dire que le débiteur sera en demeure, par le seul fait
de l'inexécution à la date convenue pour exécuter. Soyons attentifs à ce qu'il ne suffit
cependant   pas   qu'un   terme   soit   arrêté   conventionnellement   pour   que   sa   seule
échéance vaille mise en demeure: il faut en outre que le contrat le précise de façon
expresse (par exemple par la formule " de plein droit, sans mise en demeure et par la
seule échéance du terme ").
La rigueur de l'article 1139, d'application  lourde et coûteuse  lorsque les parties ne
sont convenues de rien quant à la mise en demeure, a toutefois été atténuée par la
jurisprudence   et   d’abord   en   matière   commerciale.   Cette   tendance   à   simplifier   les
formes de la mise en demeure s’est manifestée ensuite en droit civil. La jurisprudence
admet   en   effet   aujourd’hui   qu'une   mise   en   demeure   résulte   d'un   écrit   qui   fasse
connaître   au   débiteur   de   manière   suffisamment   impérative   et   sans   équivoque
l'intention du créancier de faire valoir ses droits, d'obtenir le paiement de l'obligation,
et  qui   invite ce  débiteur à s'exécuter.  Ainsi, il a été  jugé qu'une  mise  en  demeure
puisse, dans certains cas, résulter d'une simple lettre, non recommandée, même en
matière civile105.
Parfois, la mise en demeure ne sera pas nécessaire :
comme cela vient d'être vu, lorsque la convention le stipule expressément;
lorsque l'exécution en nature n'est plus possible ou plus utile (voir infra n° 60),
la mise en demeure étant alors sans utilité (voy. notamment art. 1146 C.C. in
fine);
lorsque la loi fait courir les dommages et intérêts dès que la dette est exigible.
L'article 1153, al. 3 stipule en effet que les dommages et intérêts "sont dus à
105 Il arrive qu’une loi détermine elle-même des formes particulières, ainsi la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la
consommation,   articles   29,   1°   et   36   ou   la   loi   du   4   août   1992   relative   au   crédit   hypothécaire,   en   son   article   45,
prévoient-elles une lettre recommandée à la poste. D’une manière générale, la prudence conseille d’adresser la lettre
de mise en demeure tant par courrier simple que par envoi recommandé ; l’expéditeur veillera à conserver un double
de sa lettre, accompagné du récépissé postal.
127
partir du jour de la sommation de payer, excepté dans le cas où la loi les fait
courir de plein droit" (voy. par ex. art. 1145 et 1657 C.C.).
Quel est le rôle et quels sont les effets de la mise en demeure ?
La mise en demeure constitue le préalable à l'exécution forcée (après obtention d’un
jugement),   aussi   bien   pour   une   exécution   en   nature   que   pour   une   exécution   en
équivalent. Mais n’oublions pas son rôle premier : obtenir du débiteur l’exécution en
nature volontaire, ce qui n’implique pas nécessairement un retard puisqu’une mise en
demeure ad futurum est possible (Cass. 19 juin 1989, JLMB 1989, page 1186).
"Les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de
remplir son obligation (...)", édicte l'article 1146 du Code civil ; la mise en demeure
fait  courir  les intérêts   moratoires  (art.  1153 C.C. ; voy.  aussi  les art.  1230 et 1656
C.C.).
En principe, les sanctions applicables en cas d’inexécution fautive sont subordonnées
au préalable de la mise en demeure.
L’exemple suivant démontrera toute l’importance de mettre son débiteur en demeure.
Une   convention   entre   deux   voisins   prévoyait   que   l’un   d’eux   devait   effectuer   des
travaux pour réduire les inconvénients nés de l’exercice d’une servitude de passage.
Les travaux devaient être réalisés pour telle date, à défaut de quoi, une indemnité
journalière de 10 euros serait due. Les travaux n’ont pas été faits dans le délai mais
seulement   deux   ans   après   la   date   convenue.   Le   créancier   a   demandé   l’indemnité
alors que les travaux étaient exécutés et sans avoir adressé de mise en demeure au
débiteur. Le Tribunal de 1ère instance de Liège a déclaré la demande non fondée après
avoir rappelé le prescrit de l’article 1230 C.C. (Civ. Liège, 7 ème ch., 13 novembre 2007,
inédit, frappé d’appel).
Notons encore que cette mise en demeure déplace la charge des risques de la perte
d'un corps certain (art. 1138, al.2 C. C. ; voy. ég. art 1302 C.C.).
La mise en demeure pose de délicates questions et a fait l’objet d’une étude récente
de   P.   WERY,   à   laquelle   nous   renvoyons   (« La   mise   en   demeure   en   matière
d’obligations contractuelles », in Les obligations contractuelles, Ed. Jeune Barreau de
BRUXELLES, 2000, pages 285 et suivantes).
Section 8. Inexécution fautive des contrats (en général).
54. La preuve de la faute
Rappelons que la faute contractuelle dont il s’agit ici est une faute dans l’exécution du
contrat   et   ne   doit   pas   être   confondue   avec   la   faute   précontractuelle   sanctionnée
notamment sur base de l’article 1382 C.C. (voir supra).
La preuve du caractère fautif de l'inexécution incombe au créancier.
128
Une différence essentielle sera faite selon que le débiteur sera tenu d'une obligation
de moyens ou de résultat (voy. supra n° 50).
Le créancier de l'obligation de moyens doit démontrer le manque de diligence et de
soin du  débiteur dans  l'exécution  de  son  obligation. Le créancier  de  l'obligation   de
résultat ne doit établir, a priori, que la non-obtention du résultat promis.
La   faute   paraissant   ainsi   établie,   le   débiteur   pourra   cependant   échapper   à   sa
condamnation en prouvant que l'inexécution n'est pas due à une faute de sa part, ce
que nous étudierons ci-dessous dans la section consacrée à l'inexécution fortuite.
Parmi les possibilités s'offrant au créancier, certaines ne sont concevables ou ne sont
permises   que   pour   les   contrats   synallagmatiques   voire   pour   certains   d'entre   eux
seulement. Ces possibilités seront examinées après la présente section.
55. L'exécution en nature
Comme nous l'avons vu, le contrat doit être exécuté, et l'exécution doit se faire en
nature.
Tout créancier a le droit d'exiger et d'obtenir -en principe- l'exécution en nature de
l'obligation du débiteur; le débiteur doit accomplir la prestation convenue.
A cet égard, la rédaction de l’article 1142 C.C. est trompeuse : « toute obligation de
faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la
part du débiteur ».
Les juristes s’accordent à considérer que l’exécution en nature doit toujours prévaloir
sur l’exécution par équivalent.
P. WERY écrit que « l’article 1142 doit se lire comme suit : le débiteur est condamné à
exécuter en nature son obligation contractuelle de faire ou de ne pas faire dans un
certain délai, passé lequel délai le débiteur sera, en cas d’inexécution de sa part, tenu
de   payer   des   dommages   et   intérêts.   Comme   on   peut   le   constater,   dans   cette
présentation   des   choses,   les   dommages   et   intérêts   dont   traite   l’article   1142   sont
seulement   accordés   à   titre   subsidiaire,   c’est-à-dire   pour   parer   à   l’éventualité   où   la
condamnation à l’exécution en nature ne serait pas obéie. Il ressort de cette relecture
que l’article 1142 (…) n’est pas incompatible avec la reconnaissance du droit pour le
créancier   d’obtenir,   même   pour   les   obligations   de   faire   et   de   ne   pas   faire,   une
condamnation   à   l’exécution   en   nature »   (L’exécution   en   nature   des   obligations
contractuelles in « Les obligations contractuelles », Ed. Jeune Barreau de BRUXELLES,
2000, pages 341 et suivantes, spécialement page 356).
Il arrivera que le débiteur ne puisse accomplir la prestation promise, que l'exécution
en nature soit impossible. Dans ce cas, le créancier ne pourrait obtenir satisfaction
que par l'octroi de dommages et intérêts – on parle d’exécution par équivalent - (voir
infra n°60).
Cependant,   s'il   est   clair   qu'en   cas   de   disparition   ou   de   destruction   de   la   chose
déterminée faisant l'objet de l'obligation, l'exécution  en nature  sera matériellement
impossible, elle sera également réputée impossible, dans les hypothèses suivantes:
129
le   moment   de   l'exécution   était   essentiel,   il   y   a   inexécution   dans   le   délai
convenu, l'exécution ne présente plus d'intérêt pour le créancier.
violation d'une obligation de ne pas faire: " le mal est fait! ".
exécution   forcée   impliquant   une   contrainte   (physique   ou   morale)   jugée
inadmissible106 sur le débiteur.
Le   débiteur   ne   peut   pas   choisir   d'exécuter   le   contrat   par   équivalent   plutôt   qu'en
nature.   De   même,   le   créancier   ne   peut   pas   demander   l'exécution   par   équivalent
lorsque l'exécution en nature est toujours possible. L’exécution en nature est un droit
pour   le   débiteur.   Cependant,   selon   les   circonstances,   ce   créancier,   victime   de
l'inexécution, pourrait exposer au juge les raisons qui, d'après lui, font que l'exécution
en   nature   ne   lui   donnerait   pas   satisfaction   et   demander   en   conséquence   des
dommages et intérêts (par exemple, l’exécution en nature est toujours possible, mais
la confiance entre les parties est définitivement rompue).
La   théorie   de   l'abus   de   droit   peut   constituer   une   limite   à   l'exercice   du   droit   de
demander   l'exécution   en   nature   lorsque   celle-ci   causerait   au   débiteur  un   préjudice
hors   de   toute   proportion   avec   l'avantage   poursuivi   par   le   créancier   (l’argument
pourrait être opposé au bailleur qui voudrait obtenir du locataire qui a quitté les lieux
et rompu le bail fautivement, qu’il réintègre l’immeuble loué et exécute le bail jusqu’à
son terme; voy. cependant Cass. 30 janvier 2003, R.G.D.C. 2004, p. 405).
L'exécution   en   nature   ne   peut   se   cumuler   avec   l'octroi   de   dommages   et   intérêts
compensatoires  (ceux-ci   consistent   en   la   compensation   du   préjudice   causé   par
l'inexécution autre que le retard).
En   revanche,   des   dommages   et   intérêts  moratoires  (qui   réparent   le   dommage
résultant du retard dans l'exécution) peuvent être accordés au créancier en plus de la
condamnation du débiteur à exécuter en nature.
56. Les dommages et intérêts moratoires
a) Les dommages et intérêts moratoires ne constituent qu'un aspect des dommages 
et intérêts qui peuvent être dus par le responsable de l'inexécution contractuelle et 
dont nous étudierons bientôt le régime juridique (voir n° 60).
Les dommages et intérêts moratoires ont pour objectif l'indemnisation du préjudice
causé par le retard (en latin " mora ") de l'exécution en nature de l'obligation.
Ils courent à partir de la mise en demeure ou du moment où le débiteur est réputé mis
en demeure.
b) Le régime juridique des dommages et intérêts moratoires connaît une particularité
importante: 
106  Il est toutefois admis qu'une certaine contrainte puisse être exercée sur la personne du débiteur puisque celui-ci
pourrait,   par   exemple,   être   expulsé   d'un   immeuble   occupé   après   l'expiration   du   contrat   de   bail,   en   vertu   d'un
jugement exécutoire.
130
"Dans   les   obligations   qui   se   bornent   au  paiement  d'une   certaine   somme,   les
dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que
dans les intérêts légaux, sauf les exceptions établies par la loi" (art. 1153 C .C.).
Le   champ   d'application   de   cette   disposition   se   limite   aux   obligations   de   sommes
d'argent dont l'inexécution ne consiste que dans le retard. Il est, en effet, toujours
possible d'exécuter une obligation de somme.
Dès  lors,  les dommages et intérêts résultant du  retard  consistent dans les intérêts
légaux (actuellement107, le taux légal est de 7% l'an), sauf les exceptions établies par
la loi et sauf convention contraire.
Contrairement   aux   principes   qui   seront   exposés   dans   l'études   générale   que   nous
ferons des dommages et intérêts (voyez n° 60), le créancier n'est pas tenu ici d'établir
l'existence et le montant du dommage (art. 1153 C.C.).
Cependant,   l'article   1153   C.C.   n'étant   ni   impératif,   ni   d'ordre   public,   les   parties
peuvent   y   déroger   et   insérer   dans   leurs   conventions,   une   clause   pénale   afin   de
déterminer   forfaitairement   le   montant   du   dommage   (sur   le   régime   des   clauses
pénales, voyez ci-après le n° 60).
57. L'astreinte
Un   jugement   de   condamnation   à   exécuter   en   nature   une   obligation   pourrait,   dans
certains   cas,   rester   lettre   morte,   le   débiteur   refusant   de   se   plier   à   la   décision
judiciaire.
Un moyen existe d'inciter le récalcitrant à l'exécution : l'astreinte.
Introduite en droit belge en 1980 (art. 1385bis et s. C.J.), l'astreinte  a pour but de
favoriser   l'exécution   en   nature   des   obligations,   du   moins   lorsqu'elle   est   encore
possible.
L'astreinte   est   une   condamnation   au   paiement   d'une   somme   d'argent,   prononcée
(pour autant que le créancier en ait fait la demande) à titre accessoire par le juge,
pour   exercer   une   pression   sur   le   débiteur   et   l'inciter,   le   forcer   à   exécuter   la
condamnation principale mise à sa charge. En matière de contrat, l'astreinte suppose
donc une inexécution fautive de l'obligation, sanctionnée à titre principal par le juge.
L'astreinte, utilisée fréquemment pour assurer l'exécution d'obligations de faire ou de
ne   pas   faire,   qu'il   s'agisse   d'obligations   contractuelles   ou   légales,   constitue
assurément   un   moyen   de   pression   efficace   et   permettra   souvent   au   créancier
d'obtenir satisfaction rapidement.
L'astreinte est prononcée par unité de temps (tant par jour de retard à exécuter la
décision) par contravention ou globalement.
107 Et depuis le 1er septembre 1996. Il a été de 6% durant toute l’année 2007. Il est de nouveau de 7% depuis le 1 er
janvier 2008.
131
Elle ne peut commencer à courir qu'à partir de la signification de la décision qui la
prononce108.
Le juge détermine le montant de la condamnation accessoire de telle sorte qu'il fasse
pression   sur  le   débiteur  et que   celui-ci  ait  intérêt  à  exécuter  l'obligation   principale
plutôt que d'encourir le paiement de l'astreinte.
En  cas   d'inexécution   de  l'obligation   dans  les  conditions   prévues   par  la  décision   de
justice,   la   récupération   de   l'astreinte   par   le   créancier   pourrait   être   faite   sur   le
patrimoine du débiteur, en vertu de cette décision.
Retenons également que  certaines condamnations  ne  peuvent être  assorties d'une
astreinte. Ainsi en va-t-il des condamnations au paiement d'une somme d'argent (il
existe d'autres exceptions: voy. les art. 1385bis et suivants C.J.).
Enfin, notons que, tout comme les personnes physiques et les personnes morales de
droit   privé,   les   personnes   morales   de   droit   public   peuvent   être   condamnées   sous
astreinte.
58. L'exécution en nature indirecte
Nous allons examiner ici une « forme de contrainte par substitution ».
« Le remplacement judiciaire est consacré, pour les obligations contractuelles de faire
et de ne pas faire, par les articles 1143 et 1144 C.C. Le juge condamne le débiteur à
exécuter en nature son obligation (terminer des travaux, détruire un mur, etc…), tout
en   ajoutant   que,   passé   un   certain   délai,   le   créancier   sera   autorisé,   en   cas
d’inexécution de cet ordre, à effectuer lui-même ou à faire effectuer par autrui cette
prestation aux dépens de son débiteur, avec, s’il échet, l’aide de la force publique  » (P.
WERY, « L’exécution en nature des obligations contractuelles », op. cit., page 363).
Le   créancier   a   le   droit   de   demander   au   juge   que   ce   qui   aurait   été   fait   par
contravention à l'engagement du débiteur soit détruit (art. 1143 C. C.)
Le créancier peut aussi se faire autoriser à détruire ce qui a été fait en violation
d'une   obligation   de   ne   pas   faire,   aux   dépens   du   débiteur;   il   peut   en   outre
obtenir des dommages et intérêts s'il y a lieu (art. 1143 Code civil).
L'article   1144 du   Code   civil   permet  au  créancier,  en  cas   d'inexécution   d'une
obligation   de   faire,   de  demander  au  juge  l'autorisation   de  faire   exécuter  lui-
même l'obligation, aux dépens du débiteur.
Le créancier peut donc, dans certains cas, obtenir de manière indirecte l'exécution en
nature des obligations de son débiteur.
Monsieur WERY observe (op. cit., page 365) que le remplacement judiciaire  accuse
plusieurs faiblesses. Outre qu’il nécessite le recours préalable aux tribunaux, il peut
engendrer   un   contentieux   « après-dire-droit »   (les   opérations   de   remplacement   se
sont-elles déroulées correctement ?). Ensuite, le créancier doit en principe avancer les
frais du remplacement qu’il ne récupérera que dans un deuxième temps, à charge du
débiteur, s’il est solvable.
L’astreinte pourrait être utilement couplée à l’application du remplacement judiciaire.
108  La  signification   est   l'acte   par   lequel   l'huissier   de  justice   communique  officiellement  une  copie   du   jugement  au
débiteur.
132
Existe-t-il des dérogations à l’exigence de l’autorisation préalable d’un juge ?
La faculté de remplacement est un usage qui fait incontestablement partie des cas
d'exécution   en   nature   indirecte.   Cependant,   cette   faculté,   actuellement   réservée   à
certains   contrats   synallagmatiques,   présente   des   spécificités   (l'inexécution   par   le
débiteur ne doit pas être nécessairement fautive, le recours préalable au juge n'est
pas la règle, ...) lesquelles justifient un examen distinct dans une section qui lui sera
consacrée. (voy. infra n° 65)
59. Le référé
L’article 584 C.J. édicte :
« Le Président du Tribunal de première instance statue au provisoire dans les cas dont
il   reconnaît   l’urgence,   en   toute   matière,   sauf   celles   que   la   loi   soustrait   au   pouvoir
judiciaire ».
Le référé est une procédure d'urgence permettant qu'il soit rapidement statué " au
provisoire   "(sur   cette   notion,   voir   les   illustrations   ci-dessous).   Cette   procédure
judiciaire,   dans   ses   développements   récents,   s'est   révélée   efficace   en   matière
d'exécution des contrats.
En   outre,   comme  nous verrons  plus tard, le référé  pourrait avoir  un  rôle  important
lorsque   le   créancier   demandera   le   remplacement   du   débiteur   à   l’occasion   de
l’inexécution d'un contrat synallagmatique.
Dans le cadre plus général de l'exécution en nature, il est possible dans certains cas
de demander une décision en référé pour que le débiteur soit tenu:
- Plus de références et documents sur Legaly Docsd'exécuter son obligation
de continuer à exécuter son obligation
de cesser une exécution contraire à son obligation
de   toute   mesure   permettant   de   faire   cesser   immédiatement,   ou   limiter   le
préjudice que pourrait causer l'inexécution à l'égard du créancier109.
 109 Civ.Liège, (ref) 6 juin 1995, JLMB, 1995 p. 1034. Voy. ég. L. du CASTILLON, «  Aspects actuels du référé en matière
contractuelle », in Les procédures en référé, volume 25 de la CUP, septembre 1998.
133
De la section 8
    : Inexécution fautive des contrats (n° 57 et 59)
Illustrations 
1. Astreinte (en matière non contractuelle)
Président du Tribunal de Première Instance de Namur, référés, 9 janvier 2004
Attendu que la Ville de NAMUR conteste l’existence d’un droit suffisamment apparent
pour justifier une mesure de référé ;
Attendu que les éléments invoqués plus haut sont de nature à établir à suffisance la
violation d’un droit apparent en matière de troubles anormaux de voisinage ;
Que de surcroît, à titre surabondant et sans préjudice au fond du litige, la mise en
place, pour une durée indéterminée, d’un local container de 30 m² sur un terrain situé
à   proximité   d’habitations,   sans   obtention   préalable   d’un   permis   d’urbanisme,   ne
paraît   pas   conforme   au   prescrit   des   articles   84   et   262   du   Code   Wallon   sur
l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme ;
Par ces motifs,
(…) Condamnons la Ville de NAMUR à faire procéder, à ses frais, à l’enlèvement du
hangar métallique de 10 m de long sur   3 m de large, implanté sur une parcelle de
son territoire et situé sur le parking de la piscine de JAMBES qui jouxte le terrain de
sport en synthétique ;
Disons qu’à défaut de s’exécuter dans un délai de 48 heures à compter de la date de
signification de la présente décision, la Ville de NAMUR sera tenue au paiement d’une
astreinte   de   1250   €   par   jour   calendrier   de   retard,   à   majorer   des   frais   de   constat
d’huissier.
2. Référé – Urgence – Provisoire – Principes
Président Tribunal civil de Liège, 2 décembre 2002
Il y a urgence au sens de l’article 584 alinéa 1 du Code judiciaire dès que la crainte
d'un préjudice d'une certaine gravité, voire d'inconvénients sérieux, rend une décision
immédiate souhaitable.
Le juge statuant en référé apprécie l'urgence de la cause au moment de sa décision
(Cass., 11 mai 1998, Pas., 1998, I, 536).
Le   demandeur,   qui   suscite   par   sa   propre   négligence   l'urgence,   n'établit   qu'une
urgence artificielle et ne peut obtenir de mesure. Toutefois, le retard du demandeur à
porter   le   différend   en   justice   n'exclut   pas   nécessairement   l'urgence   au   sens   de
l'article   584   du   Code   judiciaire;   tel   est   le   cas   lorsqu'il   est   justifié   par
l'accomplissement préalable de démarches, par hypothèse infructueuses, effectuées
en   vue   de   mettre   un   terme   au   litige   autrement   que   par   l'intervention   du   pouvoir
judiciaire ou encore lorsque des faits nouveaux ont récemment aggravé la situation
existante ou encore si celle-ci empire sous l'effet de la durée (Liège, 19 mai 1996,
R.G.A.R., 1996, n° 12.763 et note J.F. Van Drooghenbroeck; Bruxelles, 27 janvier 2000,
J.T.   2001,   28;   civ.   Namur,   réf.   31   juillet   2000,   J.T.   2001,   33;   civ.   Bruxelles,   réf.   15
septembre 2000, J.T., 2001, 30; civ. Bruxelles, réf., 21 octobre 1999, J.T., 2001, 35) .
134
L'urgence n'est pas établie si le juge normalement compétent peut intervenir avec la
même efficacité.
Le caractère provisoire de la mesure prise par le juge des référés n'implique pas une
interdiction pour le juge d'examiner les droits des parties. Celui-ci peut donner une
appréciation superficielle et provisoire des droits en conflit et prendre des mesures
que justifient les apparences de droit suffisantes (Cass., 21 mars 1985, Pas., 1985, I,
908).
Le   juge   des   référés,   sur   base   des   droits   apparents   des   parties,   peut   prendre   des
mesures d'anticipation, soit des injonctions de faire, de ne pas faire, de payer une
somme d'argent.
Les mesures ordonnées en référé ne s'imposent pas au juge du fond. La circonstance
même   que   les   mesures   ordonnées   auraient   des   conséquences   irréversibles
n'empêche pas l'intervention du juge des référés pour autant qu'une réparation par
équivalent demeure possible (civ. Bruxelles, réf., 4 mars 1996, J.T., 1997, p. 54) (…).
3. Référé – Exécution en nature d’une convention à durée déterminée
Cour d’Appel de Mons, 5 mars 2003, J.T. 2004, page 12
Attendu qu’il est désormais acquis en droit belge que le juge de référé peut prendre
toutes les décisions que l’urgence justifie, pour autant qu’il n’excède pas les limites
de ce qu’un juge du fond pourrait décider à propos d’un tel litige ;
Que   si   l’urgence   le   justifie   vraiment,   le   juge   de   référé   peut   prendre   des   mesures
urgentes ayant un effet irréversible ;
Attendu   que   le   juge   de   référé,   prenant   en   compte,   outre   l’urgence,   le   degré
d’apparence   des   droits   des   parties,   peut   déterminer   des   mesures   adaptées   à   la
protection urgente et efficace des dits droits apparents, avec la particularité qu’en cas
de   saisine   ultérieure   du   juge   du   fond,   l’appréciation   de   celui-ci   reste   entièrement
libre ;
Que si le cas d’espèce le justifie, le juge de référé peut ordonner l’exécution en nature
d’une convention dans les limites où pourrait le faire le juge du fond ;
(…)
Attendu   que   la   faculté   de   renonciation   unilatérale   à   un   contrat   tel   qu’une   mise   à
disposition de hall à durée déterminée, n’est pas de règle en droit belge ;
Qu’aucun élément du dossier ne permet de justifier que l’appelante se serait réservée
pareille faculté exceptionnelle ;
Que   par   ailleurs,   en   droit   belge,   c’est   au   créancier   et   non   au   débiteur   défaillant
qu’appartient   le   choix   entre   l’exécution   forcée   en   nature   et   des   dommages   et
intérêts, pour autant notamment que cette exécution forcée en nature reste possible
(ce qui est le cas en l’espèce) et que le choix opéré ne puisse constituer un abus de
droit (abus inexistant en l’espèce) ;
135
(…)
Attendu   que   c’est   en   vain,   et   au   demeurant   de   mauvaise   foi,   que   l’appelante
argumente de l’absence de contrat écrit pour en déduire l’absence de tout negotium
et souligne l’absence d’accord sur des éléments essentiels du contrat d’occupation du
hall ;
Qu’en effet, dès lors que l’intimée entend faire preuve contre un commerçant et que
la   liberté   de   la   preuve   s’applique,   la   Cour   ne   peut   que   constater   le   faisceau   de
présomptions particulièrement précises, graves et concordantes que constituent tous
les documents produits (…).
4. Référés – Matière contractuelle
Liège, 28 octobre 2003, J.T. 2004, page 204
L’intervention   du   juge   des   référés   en   matière   contractuelle   est   permise   afin
d’empêcher qu’une partie puisse se faire justice à elle-même en recourant à ce qui
constitue une véritable voie de fait. Elle peut prendre la forme d’un contrôle marginal
des conditions dans lesquelles un droit de rétention a été exercé par une partie.
136
60. L'exécution par équivalent - La responsabilité contractuelle.
La   question   examinée   ici   se   pose   dans   le   contexte   d’une   inexécution   fautive   d'un
contrat   (synallagmatique   ou   unilatéral)   et   lorsqu’est   fait   le   constat   suivant   :
l'exécution en nature n'est plus possible, totalement ou partiellement.
Le débiteur n'a pas exécuté du tout son obligation ou ne l'a pas exécutée à temps. Il y
a   donc   inexécution   (encore   faut-il   préciser   que   l'exécution   en   nature   s'avère
impossible   ou   qu'elle   ne   présente   plus   d'intérêt   pour   le   créancier)   ou   retard
d'exécution, ou encore il y aurait abus de droit à l'exiger.
Il   va   de   soi   que   le   débiteur   a   été   mis   en   demeure   par   le   créancier,   ou   peut   être
considéré comme tel.
Voici l'hypothèse de départ.
Exiger   l'exécution   par   équivalent   de  l'obligation,  c'est,  pour  le   créancier,   exiger  du
débiteur que soit réparé le préjudice causé par l'inexécution contractuelle. Il s'agira
d'exiger du débiteur, le paiement de sommes d'argent.
Les dommages et intérêts que le créancier peut obtenir, sont de deux sortes:
Les dommages et intérêts compensatoires: ils réparent le préjudice causé par
l'inexécution contractuelle, lorsque l'exécution forcée en nature est impossible
ou jugée telle. C'est à ce titre que l'on parle d'exécution par équivalent.
Les dommages et intérêts moratoires: ils sont accordés à titre de réparation du
préjudice   résultant   du   retard   mis   par   le   débiteur   à   exécuter   son   obligation
(voyez n° 56).
Les   dommages   et   intérêts   moratoires   peuvent   se   cumuler,   cela   va   de   soi,   avec
l'exécution   en   nature   puisqu'ils   réparent   justement   le   retard   dans   cette   exécution,
mais également avec les dommages et intérêts compensatoires, car ceux-ci réparent
seulement le dommage dû à l'inexécution.
Le régime de la responsabilité contractuelle est proche du régime de la responsabilité
délictuelle (basée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil) que nous examinerons
plus loin (n° 74 et suivants) et qui suppose également:
une faute (imputable au débiteur)
un dommage (subi par le créancier)
un lien de causalité entre la faute et le dommage
137
a) La faute
La responsabilité implique en principe l'existence d'une faute.
Quel est le degré de diligence attendu du débiteur ? En principe, le débiteur doit agir
en bon père de famille ou en bon professionnel, normalement diligent et compétent.
Cela signifie que ce débiteur répond en règle de sa faute légère110 111.
La preuve de cette faute incombe au créancier.
Une différence essentielle sera faite selon que le débiteur sera tenu d'une obligation
de moyens ou de résultat (voy. supra n° 50).
Le créancier de l'obligation de moyens doit démontrer le manque de diligence et de
soin du  débiteur dans  l'exécution  de  son  obligation. Le créancier  de  l'obligation   de
résultat ne doit établir que la non-obtention du résultat promis.
Remarquons dès à présent, mais nous l'étudierons bientôt, que lorsque l'inexécution
provient d'une cause étrangère qui ne peut être imputée au débiteur, celui-ci ne devra
pas de dommages et intérêts.
b) Le dommage
Pour   obtenir   réparation,   la   victime   doit   justifier   d'un   dommage:   le   débiteur   est
condamné "s'il y a lieu" au paiement de dommages et intérêts (art. 1147 C. C.).
Les sources du dommage seront, selon les cas, le défaut d'exécution, total ou partiel,
et le retard dans l'exécution.
Ce dommage, le préjudice subi par le créancier, peut faire l'objet d'une évaluation par
le   juge,   par   la   loi   ou   par   les   parties   (voy.   Chr.   BIQUET-MATHIEU,   « Aspects   de   la
réparation du dommage en matière contractuelle », in  Les obligations contractuelles,
Ed. Jeune Barreau de BRUXELLES, 2000, pages 461 et suivantes).
Examinons les trois modes d’évaluation.
110 Le contenu de l'obligation de diligence varie cependant suivant les contrats: voy. par ex. les articles 1882, 1927 et
1992 du Code civil.
111 Voilà comment DE PAGE explique la notion de faute légère (op. cit., T. II, lère éd. n° 588): "Désormais, dans tous les
contrats - "soit que la convention n'ait pour objet que l'utilité d'une des parties, soit qu'elle ait pour objet leur utilité
commune" article 1137 - le débiteur est tenu de sa faute légère: culpa levis; et, pour préciser cette faute, le Code
recourt au critère traditionnel du "bon père de famille". Le débiteur est tenu d'apporter à l'exécution de son obligation
tous les soins qu'y apporterait un bon père de famille, c'est à-dire un homme normalement prudent et diligent. La loi
n'exige pas la prudence la plus extrême, les soins les plus minutieux qu'il serait possible d'apporter à l'exécution de
ses obligations (culpa levissima). Elle se contente - contrairement à ce qui est admis en matière aquilienne - d'un
critère, d'un point de comparaison moyen, suffisamment imagé par lui-même (le "bon père de famille"), pour donner,
mieux que toute définition théorique la note juste. Il faut, en un mot, agir en matière contractuelle, d'une manière
normalement diligente et prudente, ainsi qu'un homme honnête et loyal se conduit habituellement dans la vie. En
d'autres termes, la loi exige de la vertu, non de l'ascétisme."
138
-EVALUATION JUDICIAIRE DES DOMMAGES ET INTÉRÊTS
Lorsque ni la loi ni les parties n'auront prévu les modalités d'évaluation du dommage,
il appartiendra au juge de procéder à celle-ci.
Conformément   aux   principes   applicables   en   matière   de   preuve,   le   créancier   doit
prouver l'existence et le montant du dommage dont il réclame la réparation.
Cette preuve pourra être apportée par toutes voies. Il n’est pas rare qu’une mesure
d’expertise soit ordonnée, qui permettra de mieux apprécier le préjudice (en matière
comptable   par   exemple   ou   d’évaluation   du   préjudice   corporel   dans   le   cas   de
responsabilité contractuelle médicale notamment).
Le   juge   prononcera,   dans   la   mesure   où   les   autres   conditions   seront   remplies,   la
condamnation   du   débiteur   à   réparer   intégralement   le   préjudice:   les   dommages   et
intérêts dus au créancier sont "de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé"
(art. 1149 C.C.). Un dommage moral pourrait même être pris en considération pour
déterminer le montant des dommages et intérêts.
Le juge évalue le dommage non au jour de sa naissance, mais au jour où il statue, et
cela, en ayant égard notamment aux variations de valeur de la monnaie.
L'article 1150 du Code civil limite l'obligation du débiteur à la réparation du dommage
prévu ou prévisible112  lors de la formation du contrat. Selon la Cour de cassation, le
dommage prévisible est celui dont la cause ou dont le principe a pu être prévu, et non
pas seulement celui dont la quotité ou le montant a pu être prévu.
Toutefois, cette limitation de l'obligation du débiteur n'est pas applicable en cas de
dol. Un risque de confusion naît ici de l'emploi, par l'article 1150 (voy. ég. art 1153, al.
4 et infra, n° 76, le commentaire de l’article 18 de la loi sur le contrat de travail) du
terme "dol" dans un sens tout différent de celui où l'entendent les articles 1109 et
suivants. Dans un cas, il s'agit d'une faute dans l'exécution, dans l'autre, d'une faute
dans   la   formation   du   contrat.   Le   dol   dans   l'exécution   est   une   inexécution
intentionnelle de l'obligation.
Une autre limitation existe qui implique que seul le dommage direct soit réparé (art.
1151 C.C.). Il s'agit en réalité d'une question touchant au lien de causalité et nous
l'examinerons donc plus loin.
Soulignons   également   que   le   créancier   a   l'obligation   de   veiller   à   limiter,   dans   la
mesure   du   possible,   son   préjudice.   Le   principe   d'exécution   de   bonne   foi   des
conventions commande cette solution.
La   jurisprudence   indique   en   général   que   le   créancier   a   seulement   l’obligation   de
prendre   les   mesures   raisonnables   pour   limiter   le   préjudice   subi.   La   victime   du
dommage doit se comporter comme un créancier prudent et diligent, placé dans les
mêmes circonstances. Le préjudice que la bonne exécution de cette obligation aurait
permis d’éviter ne serait pas réparé.
-EVALUATION LÉGALE DES DOMMAGES ET INTÉRÊTS
112 Cette limitation constitue une des différences existant entre le régime de la responsabilité contractuelle et celui de
la responsabilité délictuelle ou extra-contractuelle.
139
« Dans   les   obligations   qui   se   bornent   au   paiement   d'une   certaine   somme,   les
dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que
dans les intérêts légaux, sauf les exceptions établies par la loi » (art. 1153 C. C.).
Le   champ   d'application   de   cette   disposition   se   limite   aux   obligations   de   sommes
d'argent,   dont   l'inexécution   ne   consiste   jamais   que   dans   le   retard   :   il   est   en   effet
toujours possible113 d'exécuter une obligation de somme. (Voyez le n° 56 et ce qu'il y a
été dit des intérêts moratoires dans le cas où l'exécution en nature sera tardive).
Les   dommages   et   intérêts   résultant   du   retard   dans   l'exécution   consistent   dans   les
intérêts légaux, sauf les exceptions établies par la loi et sauf convention contraire.
Aujourd'hui, le taux légal de l'intérêt est de 7% l'an. (Voy. supra note 107).
Contrairement au principe exposé ci-dessus relatif à la charge de la preuve dans le
cadre de l'évaluation judiciaire du dommage, le créancier n'est pas tenu ici d'établir
l'existence et le montant d'un dommage. L'alinéa 2 de l'article 1153 le dispense en
effet de justifier d'une perte.
L'article 1153, al. 3 stipule que les dommages et intérêts sont dus à partir de la mise
en demeure, excepté le cas où la convention (art. 1139 in fine) ou la loi les fait courir
de plein droit (voy. par ex. les art. 1145 et 1652 C.C.).
Le   quatrième  alinéa  de  l'article   1153 envisage   l'hypothèse   du   dol  du  débiteur  (dol
dans   l'exécution,   c'est-à-dire   faute   intentionnelle).   Dans   ce   cas,   le   juge   pourrait
condamner le débiteur à réparer l'intégralité du préjudice subi par le créancier si celui-
ci  démontre  que  ce  préjudice  n'est pas  compensé  par l'octroi  des intérêts  au   taux
légal (par ex., en raison du retard doleux dans le paiement, le créancier a été obligé
d'emprunter à un taux onéreux, plus élevé que l'intérêt légal, pour faire face à ses
engagements).
Sauf en ses alinéas 4 et 5, l'article 1153 n'est ni impératif, ni d'ordre  public et les
parties peuvent donc y déroger et insérer dans leur convention une clause pénale,
c'est-à-dire procéder à l'évaluation conventionnelle du dommage pouvant résulter en
l'espèce du retard dans l'exécution de l'obligation de somme.
Dans  ce  cas,  en vertu du  dernier alinéa de  l'article  1153 introduit par la loi  du  23
novembre   1998,   le   juge   peut   éventuellement   réduire   l'intérêt   stipulé   si   cet   intérêt
excède manifestement le dommage subi à la suite de ce retard, sans cependant le
réduire en deçà de l'intérêt légal.
Le créancier peut-il exiger du débiteur le paiement d'intérêts sur les intérêts ?
L'article 1154 du Code civil régit l'anatocisme. 
Cet article, d'ordre public, protège le débiteur contre un accroissement rapide de sa
dette résultant de la capitalisation des intérêts. Cette capitalisation ne sera permise
que pour les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, et à condition qu'il
y ait eu une sommation judiciaire ou qu'une convention ait été conclue à ce sujet114.
113 Même si la sagesse populaire veut que l'on ne puisse faire saigner une pierre.
114 Voy. à ce sujet Cass. 27 février 1930, JLMB 2000, p. 27 et obs. PARMENTIER.
140
- EVALUATION CONVENTIONNELLE DES DOMMAGES ET INTÉRÊTS: LA CLAUSE PÉNALE
Aux termes de l'article 1226 du Code civil, la clause pénale est celle par laquelle une
personne s'engage à payer, en cas d'inexécution de la convention, une compensation
forfaitaire pour le dommage éventuellement subi par suite de ladite inexécution.
En réalité, la clause pénale consiste en une convention sur les dommages et intérêts,
par   laquelle   les   parties   évaluent,   au   moment   de   la   formation   du   contrat,
forfaitairement, les dommages et intérêts, compensatoires et/ou moratoires, auxquels
pourra donner lieu l'inexécution fautive.
La clause pénale est une clause accessoire au contrat principal.
Le forfait convenu par les parties vise tant l'existence que le montant du préjudice.
La clause pénale ne pourra être appliquée par le juge que lorsque l'inexécution sera
imputable   au   débiteur,   ce   qui   ne   serait   pas   le   cas   si   celui-ci   pouvait   justifier   de
l'existence d'un cas de force majeure l'ayant empêché d'exécuter son obligation ou,
plus généralement, d'une cause étrangère libératoire.
L'article 1230 du Code civil subordonne la débition de l'indemnité conventionnelle à la
mise en demeure du débiteur d'exécuter son obligation, mais la convention pourrait
stipuler que la seule échéance du terme vaut mise en demeure.
Conformément aux principes vus ci-dessus, le créancier n'a pas le choix de demander
la condamnation   du   débiteur  au   paiement  de   la clause   pénale  ou   de   demander  la
condamnation   de   celui-ci   à   l'exécution   forcée   en   nature:   celle-ci   doit   être   exigée
lorsqu'elle est encore possible.
Le caractère à la fois conventionnel et forfaitaire de la clause pénale pourrait inciter
son   bénéficiaire   à   lui   faire   jouer   un   double   rôle:   le   rôle   indemnitaire   dont   il   est
question ici, ou un rôle de pression sur le débiteur par une menace, légitime ou non,
qu'elle pourrait constituer.
Dans ce dernier cas, au delà de son caractère indemnitaire, la clause pénale pourrait
apparaître comme une peine privée, en cas d'inexécution de l'obligation.
Cette tentation coercitive a toujours été combattue par la jurisprudence sur ce point
quasiment   constante,   maintenant   en   quelque   sorte   entérinée   par   la   récente
modification des articles 1153, 1226 et 1231 C.C.115.
Nous avons déjà évoqué l’article 1153, dernier alinéa. L’article 1226 définit la clause
pénale.
L’article 1231 confère au juge un pouvoir de réduction :
§1er
« Le juge peut, d'office ou à la demande du débiteur, réduire la peine qui consiste
dans   le   paiement   d'une   somme   déterminée   lorsque   cette   somme   excède
115 Loi du 23 novembre 1998
141
manifestement le montant que les parties pouvaient fixer pour réparer le dommage
résultant de l'inexécution de la convention.
En   cas   de   révision,   le   juge   ne   peut   condamner   le   débiteur   à   payer   une   somme
inférieure à celle qui aurait été due en l'absence de clause pénale.
§2
La peine peut être réduite par le juge lorsque l'obligation principale a été exécutée en
partie ».
Ces nouvelles dispositions ont déjà fait couler beaucoup d’encre. Voyez par exemple P.
WERY,   « Du   neuf   en   matière   de   clause   pénale »,   in   CUP,   volume   XXVII,   La   théorie
générale   des   obligations ;   « La   clause   pénale »,   in   Les   clauses   applicables   en   cas
d’inexécution   des   obligations   contractuelles,   LA   CHARTE,   2001 ;   « Les   pouvoirs   du
juge   dans   la   nouvelle   loi   relative   aux   clauses   pénales »,   J.T.   2000,   page   616 ;   Ch.
BIQUET-MATHIEU, « La loi   du  23 novembre  1998 et le nouveau régime des clauses
pénales », J.T. 1999, page 709).
Avant l’adoption de cette loi, quel était le régime des clauses pénales ? Quels étaient
les pouvoirs des tribunaux ? Comment concilier en effet le principe de l'article 1134 de
Code civil (principe de la convention-loi) et le contrôle du caractère indemnitaire de la
clause ?
Si   le   juge   estimait  que   la  clause   était  excessive,  pouvait-il   annuler  la  seule   clause
litigieuse   et   non   tout   le   contrat   ?   Pouvait-il   unilatéralement   modifier   le   contrat   en
réduisant la clause ?
La nouvelle législation a finalement, et pour l’essentiel, retenu la solution adoptée par
la pratique.
Observons   cependant   qu’auparavant,   les   clauses   pénales   excessives   étaient
considérées   comme   illicites   et   annulées,   après   quoi   le   juge   pouvait   déterminer   le
dommage dont la preuve était apportée par le créancier.
En résumé, retenons ceci de la nouvelle loi :
La clause pénale a un caractère exclusivement indemnitaire. Il ne peut s'agir
que d'une réparation et non d'un moyen de pression.
Le juge peut légalement réduire la clause s'il décide que la somme stipulée est
excessive et ne peut pas constituer une réparation du dommage.
Pour statuer, le juge doit virtuellement se placer au jour où les parties se sont
accordées sur la clause litigieuse.
Le   juge   exerce   ce   pouvoir   soit   lorsque   le   débiteur   en   fera   la   demande,   soit
même d’office et le cas échéant, par défaut (lorsque le débiteur est défaillant à
l’audience).
En   ce   qui   concerne   les   pouvoirs   des   juges,   il   faut   souligner   une   différence   -
probablement due à une distraction  du législateur - entre  les clauses relatives aux
intérêts moratoires et les clauses pénales proprement dites :
142
La clause visant les intérêts moratoires (qui s’analyse également en une clause
pénale)   peut   faire   l’objet   d’une   réduction   lorsque   l’intérêt   stipulé   excède
manifestement le dommage subi à la suite du retard (art. 1153, al. 5).
La   clause   pénale   sensu   stricto   peut   être   réduite   lorsqu’elle   excède
manifestement   le   montant   que   les   parties   pouvaient   fixer   pour   réparer   le
dommage (art. 1231, §1).
Ces dispositions appelleraient encore bien d’autres commentaires.
Pour terminer, nous ferons référence à un arrêt prononcé par la Cour de cassation le 6
décembre   2002,   qui   met   fin   à   une   hésitation   engendrée   par   le   nouveau   texte   de
l’article 1231. Certains considéraient que l’article 1231 nouveau n’empêchait pas le
juge d’annuler, comme par le passé, la clause excessive, sur pied des articles 6, 1131
et 1133 C.C.
La Cour de cassation a tranché la controverse :
Attendu que, en vertu de l’article 1231, §1er, al. 1er du code civil, le juge peut réduire
d’office ou à la demande du débiteur la peine qui consiste dans le paiement d’une
certaine   somme   d’argent,   lorsque   cette   somme   excède   manifestement   ce   que   les
parties   pouvaient   fixer   pour   indemniser   le   dommage   résultant   de   l’inexécution   du
contrat ;
Que, selon le deuxième alinéa de cette disposition, le juge ne peut condamner à une
somme inférieure à celle qui aurait été due en l’absence de clause pénale ;
Que le juge ne peut dès lors annuler une clause pénale parce que son montant est
plus haut que celui du dommage potentiel ;
Attendu que l’article 1231 précité a été introduit par la loi du 23 novembre 1998 qui
est entrée en vigueur le 23 janvier 1999 ; que cette loi qui est impérative, est aussi
applicable aux contrats conclus avant son entrée en vigueur ;
Attendu   qu’en jugeant que  la clause  pénale stipulée  dans l’article  5 du contrat  de
cession   de   fonds   de   commerce   est   nulle,   étant   donné   qu’elle   couvre   plus   que   le
dommage potentiel, les juges d’appel violent l’article 1231 §1er, al. 1er du code civil ;
Par ces motifs,
La Cour casse l’arrêt attaqué ;
Cette décision a fait l’objet d’un commentaire de P. WERY, « La sanction des clauses
pénales comminatoires », JLMB 2003, pages 1485 et suivantes.
- ÉVALUATION CONVENTIONNELLE DES DOMMAGES ET INTERETS : LES CLAUSES PENALES DERISOIRES
La  pratique   donne  parfois   des   exemples  de   contrats   contenant  des  indemnisations
forfaitaires dérisoires des dommages et intérêts.
143
L’article 1134 C.C. s’oppose à une majoration de semblable « clause pénale », tandis
que l’article 1231 ne permet que la réduction et non la majoration.
Jusqu’à présent, spécialement en examinant la notion de loi impérative, nous avons
envisagé   la   relation   entre   un   débiteur   faible   à   protéger   et   un   créancier
économiquement plus puissant. 
Et   s’il   arrivait   pourtant   que   ce   soit   le   créancier   qu’il   faille   protéger   d’un   débiteur
économiquement ou socialement plus puissant ?
Une loi vient d’être votée, le 2 août 2002, qui concerne la lutte contre le retard de
paiement   dans   les   transactions   commerciales.   Cette   loi   est   applicable   à   tous   les
professionnels indépendants et non pas exclusivement aux commerçants. Elle est la
mise en œuvre d’une directive européenne dont l’objectif essentiel était d’assurer une
meilleure protection des petites et moyennes entreprises contre les abus de puissance
économique   de   la   part   d’entreprises   débitrices   puissantes,   mais   aussi   de   pouvoirs
publics.
La   loi   prévoit   notamment   que   le   paiement   qui   doit   avoir   lieu   en   exécution   de   la
fourniture de biens ou de la prestation de services doit être effectué dans un délai de
trente  jours. Le  non  respect  de ce délai emporte  de  plein droit, à compter du  jour
suivant,  et sans mise en demeure, obligation  au paiement d’un intérêt. Cet intérêt
sera supérieur au taux de 7 % dont il a été question ci-dessus.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, les clauses pénales dérisoires, l’article 7 de
la
2 août 2002 permet au créancier d’attaquer le forfait conventionnel dérisoire que le
juge pourra ainsi majorer.
du
loi
Cette   loi   a   fait   l’objet   d’une   récente   étude   de   P.   WERY :   « La   loi   du   2   août   2002
concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales
et   ses   incidences   sur   le   régime   des   clauses   pénales »,   J.T.   2003,   pages   869   et
suivantes.
c) Le lien de causalité
L'exigence d'un lien de cause à effet entre faute et dommage résulte de l'article 1151
du Code civil. 
Cette disposition stipule en effet que les dommages et intérêts ne doivent comprendre
que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention.
La   jurisprudence   estime   qu'il   faut   entendre   cet   article   comme   signifiant   que   le
débiteur n'est tenu de réparer que le dommage qui constitue la suite nécessaire de
l'inexécution, c'est-à-dire le dommage qui, sans la faute, ne se serait pas réalisé.
Voici une illustration: un marchand de bétail vend à un fermier un mouton souffrant de
fièvre   aphteuse   ou   une   vache   atteinte   de   brucellose,   qui   contamine   le   cheptel   de
144
l'acheteur. Toutes les bêtes doivent être abattues. Outre ce préjudice, le fermier en
subit d'autres en cascade: il ne peut plus payer ses créanciers, il est poursuivi par
ceux-ci, sa ferme est saisie et vendue, il en fait une dépression nerveuse,...
L'exemple nous montre que l'on ne peut faire supporter au débiteur fautif toutes les
conséquences de son inexécution. Il appartiendra au juge de déterminer où s'arrête la
chaîne des conséquences réparables de la faute. Nous retrouverons la même question
en matière de responsabilité délictuelle (infra n° 75).
Du n° 60
    : la responsabilité contractuelle
Illustrations
145
1. Intérêts moratoires – Obligation du créancier de limiter son dommage
Cour d’Appel de Liège, 4 juin 2002, JLMB 2003, page 1498
Le créancier doit assumer les conséquences d’une tactique que lui seul a décidée et
qui l’a amené à privilégier un dossier au détriment d’un autre, au point de laisser ce
dernier   en   souffrance   durant   près   de   12   ans.   Réclamer   le   bénéfice   des   intérêts
moratoires pendant toute la durée de sa volontaire inertie heurte tant l’exigence de
bonne   foi   que   l’obligation   qu’a   toute   victime   de   limiter   raisonnablement   son
dommage   et   constitue   un   abus   de   droit.   Suspendre   temporairement   le   cours   des
intérêts moratoires permet la réparation du dommage causé par l’abus.
2.   Clause   pénale   –   Appréciation   du   caractère   excessif   ou   non   grâce   au
dommage réel
Cour d’Appel de Liège, 21 mars 2002, JLMB 2003, page 1496
Dans l’appréciation d’une clause pénale, le dommage réel peut servir à vérifier si, en
estimant le préjudice potentiel au moment où la clause pénale est insérée dans la
convention,   les   parties   ont   fait   preuve   d’une   juste   mesure   et,   notamment,   si   le
créancier n’a pas abusé de la dépendance de son débiteur.
3. Clause pénale – Intérêts conventionnels – Cumul possible
Cour d’Appel de Liège, 9 janvier 2003, JLMB 2003, page 1507
Clause pénale et intérêts conventionnels ont des fonctions différentes et peuvent se
cumuler.   Les   intérêts   couvrent   la   privation,   pour   le   créancier,   de   la   jouissance   du
capital   qui   lui   est   dû.   Les   dommages   et   intérêts   sont   censés   réparer   le   préjudice
découlant de la nécessité, pour le créancier, d’affecter du personnel à l’établissement
de   rappels,   à   vérifier   les   paiements   en   tentant   de   donner   l’imputation   adéquate,
comme aussi par les démarches nécessaires pour obtenir éventuellement un crédit
bancaire,   celles-ci   s’accompagnant   parfois   de   la   fourniture   de   garantie.   La   clause
pénale s’entend du dommage prévisible au moment de la conclusion du contrat et ne
doit pas se calquer a posteriori sur le dommage réel. Des intérêts à 15 % l’an n’ont
pas un caractère manifestement excessif autorisant le juge à en réduire le taux. Les
circonstances   démontrent   qu’une   clause   pénale   fixée   à   10   %   du   montant   de   la
créance est tout à fait raisonnable.
4. Clause pénale – Clause de dédit – Notion
Cour de cassation, 22 octobre 1999, JLMB 2000, page 476
La   stipulation   conventionnelle   d’une   somme   d’argent   qui   ne   constitue   pas   la
réparation d’un dommage, mais la contrepartie d’une faculté de résiliation unilatérale
prévue   par   le   contrat   (clause   de   dédit),   n’est   pas   une   clause   pénale   au   sens   de
l’article 1229 du code civil. En ce cas, il n’appartient pas, en règle, au juge d’apprécier
le   rapport   entre   le   montant   convenu   et   le   dommage   susceptible   d’être   causé   par
cette   résiliation   unilatérale  (cet   arrêt   a   fait   l’objet   d’une   note   critique   de   Madame
MOREAU-MARGREVE   intitulée  « Quel  sort   réserver  aux  clauses  reconnaissant  à  une
partie une faculté de ne pas exécuter le contrat moyennant le paiement d’une somme
d’argent ? », RCJB 2001/2, pages 124 et suivantes).
146
5. Crédit à la consommation – Clause pénale excessive – Réduction en deçà
des limites légales
Cour de cassation, 5 mars 2004, J.L.M.B. 2004, page 1045
L’article 90, alinéa 2 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation
dispose que, si le juge estime que les pénalités ou les dommages et intérêts convenus
ou appliqués, notamment sous la forme de clause pénale, en cas d’inexécution de la
convention,   sont   excessifs   ou   injustifiés,   il   peut   d’office   les   réduire   ou   en   relever
entièrement le consommateur.
Cette   disposition   légale   autorise   notamment   le   juge   à   réduire   en   deçà   des   limites
légales des intérêts de retard conventionnels qu’il estimerait excessifs ou injustifiés.
Le   juge   peut,   à   cet   égard,   tenir   compte   des   circonstances   extérieures   au   contrat,
comme la situation malheureuse du débiteur.
147
Section 9. Inexécution fautive des contrats synallagmatiques
61. Introduction
Il   existe   des   règles   particulières   applicables   aux   contrats   synallagmatiques   en   cas
d'inexécution des obligations de l'une des deux parties (les deux cocontractants sont
tenus d'obligations réciproques).
Les   règles   que   nous   avons   vues   jusqu'à   présent   s'appliquent   en   principe   tant   aux
contrats synallagmatiques qu'aux contrats unilatéraux.
Le   contrat   synallagmatique   fait   naître   des   obligations   réciproques   dans   le   chef   de
chacune des parties contractantes: les obligations de chacun se servent mutuellement
de   contrepartie.   Du   point   de   vue   de   l'exécution   des   obligations,   le   contrat
synallagmatique   constitue   un   ensemble   que   l'on   ne   peut   dissocier.   Il   existe   une
corrélation, une connexité étroite entre les droits et les obligations réciproques des
parties. Celles-ci s'exécutent en principe trait pour trait.
L'interdépendance   des   obligations   contractées   par   les   parties   engendre   des
mécanismes   particuliers   applicables   en   principe   aux   seuls   contrats
synallagmatiques116.
Nous   examinerons   l’exception   d’inexécution   d’abord   et   la   résolution   du   contrat
ensuite. Nous verrons que cette résolution peut être ordonnée par le juge, qu’elle peut
avoir été prévue par les parties ou même qu’elle peut, dans certains cas, procéder
d’une   initiative   unilatérale   du   créancier.   Nous   examinerons   enfin   une   création
jurisprudentielle et doctrinale dénommée « la faculté de remplacement ».
62. L'exception d'inexécution
Aucune   disposition   du   Code   civil   ne   consacre   l'exception   d'inexécution   de   façon
générale, sous forme de principe. Plusieurs applications117 s'y trouvent cependant et la
jurisprudence et la doctrine ont généralisé le mécanisme en cas d'inexécution fautive
dans le chef de l'une des parties contractantes118.
Cette exception, aussi appelée exceptio non adimpleti contractus119, constitue un
moyen   préventif   dont   dispose   le   créancier   de   l'obligation   inexécutée,   à   caractère
essentiellement suspensif, et qui permet de refuser d'exécuter ses propres obligations
tant   que   le   cocontractant   n'exécute   pas   les   siennes:   "vous   n'exécutez   pas   vos
obligations; je n'exécuterai pas les miennes non plus".
116  Une remarque peut toutefois être faite ici à propos de la résolution, la mise à néant du contrat pour inexécution
fautive. Si une partie de la doctrine et de la jurisprudence (voy. not. S. DAVID-CONSTANT, Op. cit., fascicule 1, n° 146;
Bruxelles,   le   12   novembre   1990,   J.T.,   1991,   145)   estime   que   la   résolution   judiciaire   ne   peut   sanctionner   que
l'inexécution   fautive   d'un   contrat   synallagmatique,   des   auteurs   (  Voy.   not.   WEILL  et   TERRE,  Op.   cit  n   482   et   483)
considèrent en revanche que certains contrats unilatéraux peuvent faire l'objet d'une résolution: ainsi en irait-il par
exemple   du  contrat de prêt à intérêts  en  cas  de non  paiement  des  intérêts  ou  de  non  respect des  échéances  de
remboursement.
117 Voy. par ex. les articles 1612, 1613, 1653 et 1704 du Code civil.
118 Il existe une grande similitude entre l'exception d'inexécution et le droit de rétention.
119  On aura constaté, à diverses occasions, la survivance dans notre vocabulaire juridique, d'expressions et adages
latins.   Pourrait-on   adresser   aux   juristes   cette   savoureuse   remarque   de   Marcel   PAGNOL,   relative   aux   "curés"   :"La
mauvaise foi des "curés" était d'ailleurs prouvée par l'usage du latin, langue mystérieuse, et qui avait, pour les fidèles
ignorants, la vertu perfide des formules magiques" (La gloire de mon père) ?
148
En d'autres termes, le lien contractuel momentanément mis en veilleuse, le créancier
de l'obligation inexécutée reste sur la défensive, attendant que son débiteur s'exécute
lui-même.
Cette exception tient à l'essence même du contrat synallagmatique 120. Elle constitue à
la fois un moyen de pression sur le débiteur et un moyen de se rendre justice à soi-
même.
En plus, cette exception peut devenir une garantie pour le créancier. Ainsi en ira-t-il
par exemple lorsque le cocontractant aura invoqué l'exception d'inexécution à l'égard
d'un   débiteur   déclaré   par   la   suite   en   faillite.   Le   cocontractant   se   place   dans   une
situation privilégiée par rapport aux autres créanciers du failli.
Le   créancier   de   l'obligation   non   exécutée   invoquera   l'exception   d'inexécution   sans
devoir au préalable recourir à la justice, mais à ses risques et périls : le juge pourra
être amené à vérifier, après coup, si l'exception a été invoquée ou non à bon escient.
Le créancier qui aura invoqué à tort l'exception aura commis une faute contractuelle.
En   effet,  le  créancier   qui  prétend   à  l'existence  d'une  rupture   de   l'équilibre   dans le
rapport   synallagmatique   ne   peut,   en   croyant   rétablir   cet   équilibre,   créer   un
déséquilibre   inverse.   La   défense   doit   être  proportionnée  à   la   non   exécution   et
l'exception être invoquée dans le respect du principe de l'exécution de bonne foi des
contrats.
En   outre,   il   va   de   soi,   d'une   part   que   le   créancier   ne   pourra   invoquer   l'exception
d'inexécution   que   lorsqu'il   n'aura   pas   encore   exécuté   lui-même   ses   obligations   et,
d'autre part, que, si les parties sont convenues d'écarter la règle de la simultanéité
des prestations, l'exception ne pourra être invoquée.
En principe, l’exception d’inexécution ne peut être invoquée lorsque les obligations du
cocontractant   ne   doivent   être   exécutées   qu’après   celles   de   la   partie   qui   invoque
l’exception. L’exception d’inexécution peut toutefois être invoquée malgré le caractère
différé des obligations lorsqu’il est certain que l’exécution de l’obligation réciproque
différée ne sera jamais exécutée, en raison de la faillite du débiteur (Cour d’Appel de
Mons,   10   septembre   2001,   RDC   2003,   page   329   et   observations   critiques   de
Stéphanie CARON).
Enfin,   l'exception   d'inexécution   n'étant   pas   d'ordre   public,   les   parties   peuvent
convenir de renoncer à l'invoquer ou en organiser l'exercice. Ainsi, un contrat de bail
pourrait-il  prévoir  que  le locataire  ne  peut  se  prévaloir de  l'exceptio non  adimpleti
contractus  pour refuser de payer le loyer en cas de manquement du bailleur à ses
obligations121.
Cas particulier : le droit de rétention
Il ne s'agit pas, dans tous les cas, d'un exemple d'exception d'inexécution, mais ses
effets  en  sont proches  et leur examen mérite d'être  conjoint (voyez  M. GREGOIRE,
120  L'exception,  tenant à l'essence même du contrat synallagmatique, pourra être invoquée par le débiteur cédé à
l'égard   du   cessionnaire   de   la   créance   née   de   ce   contrat,   même   si   l'inexécution   de   l'obligation   du   cédant   est
postérieure à la signification de la cession: voy. infra.
121  A propos de l'exception d'inexécution, de son origine, de ses conditions d'application et de son exercice dans le
cadre du contrat de bail, voy. J.H. HERBOTS, L'exception d'inexécution et la mesure à garder dans le contrat de bail,
note sous Cass., 6 mars 1986, R.C.J.B., 1990, 563 et s.
149
« L’exception d’inexécution et le droit de rétention », in Les obligations contractuelles,
Ed. Jeune Barreau de BRUXELLES, 2000, pages 525 et suivantes).
Le   droit   de   rétention   n'est   reconnu   par   aucune   disposition   générale,   mais   divers
articles du Code civil122  notamment l'attribuent à tel créancier et la jurisprudence en
fait application même en l'absence de texte exprès.
Ce droit constitue un moyen de défense du créancier à l'égard du débiteur lorsque ce
créancier détient une chose appartenant à son débiteur: la restitution de cette chose
sera différée jusqu'à ce que le débiteur ait exécuté les obligations relatives à celle-ci.
L'existence   et   l'exercice   de   ce   droit   de   rétention   sont   subordonnés   aux   conditions
suivantes : 
le créancier doit avoir la chose à retenir en mains et cela de façon licite
il   doit   exister   une   corrélation,   une   connexité   entre   la   chose   à   restituer   et
l'obligation du débiteur, la créance du rétenteur
cette créance doit être exigible123
Ainsi,   un   entrepreneur   chargé   d'effectuer   des   transformations   à   un   bien   pourrait-il
invoquer   le   droit   de   rétention   jusqu'au   paiement   du   prix   de   ses   travaux.   Dans   un
contrat unilatéral - et l'on aperçoit mieux la différence entre l'exception d'inexécution
et le droit de rétention - ce droit pourrait être invoqué, par exemple, par l'emprunteur
qui aurait fait réparer à ses frais la chose prêtée endommagée fortuitement.
63. La résolution
a) Principe
On a vu que le créancier d'une obligation contractuelle pouvait, en cas d'inexécution
fautive   dans   le   chef   du   débiteur,   demander   au   juge   de   condamner   ce   débiteur   à
l'exécution forcée (en nature ou par équivalent). Lorsque l'on se trouve en présence
d'un contrat synallagmatique, le créancier de l'obligation non exécutée est par ailleurs
débiteur   d'une   obligation   qu'il   doit   lui-même   exécuter.   Lorsque   le   créancier
demandera l'exécution forcée, il devra se tenir prêt à exécuter ses propres obligations.
Le   créancier   pourrait   souhaiter   cependant   ne   plus   être   lié   au   débiteur   en   défaut
d'exécuter ses engagements. Mais ce créancier ne peut - en principe - pas décider de
reprendre   sa   liberté   de   sa   propre   initiative:   il   doit   obtenir   une   décision   de   justice.
L'article 1184 du Code civil lui confère le droit de demander au juge de mettre fin au
contrat.
Cet article ne peut s'appliquer que lorsqu'il y a inexécution  fautive  (et non fortuite)
d'une des obligations nées du contrat synallagmatique.
La   jurisprudence   donne   aussi   des   exemples   de   résolution   de   contrat   aux   torts
réciproques des parties.
122 Voy. par ex. les articles 1612, 1613, 1749, 1948 et 2082 ; voy. ég. La loi sur les faillites.
123 A propos du droit de rétention, voy. CAEYMAEX, op. cit., chapitre 47; VAN OMMESLAGHE, Examen de jurisprudence
cité, n° 138 et s.
b) Le droit d'option du créancier
150
L'article 1184 édicte que le contrat n'est pas résolu de plein droit lorsque l'une des
parties   à   un   contrat   synallagmatique   n'exécute   pas   ses   engagements:   "la   partie
envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à
l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution
avec dommages et intérêts".
Le   créancier   peut   donc   choisir   de   demander   au   juge   de   mettre   fin   au   contrat,   de
prononcer   la   résolution,   plutôt   que   de   solliciter   la   condamnation   du   débiteur   à
l'exécution forcée.
On remarquera que l'option ouverte au créancier ne consiste pas à lui permettre de
choisir entre l'exécution en nature ou l'exécution par équivalent: l'exécution en nature
doit   être   demandée   lorsqu'elle   est   possible,   à   moins   que   le   créancier   ne   préfère,
lorsqu'il s'agit d'un contrat synallagmatique, demander la résolution judiciaire.
Notons aussi que le créancier seul a le choix de demander la résolution plutôt que
l'exécution   forcée   et   le   juge   ne   pourrait   pas   prononcer   la   résolution   d'un   contrat
lorsque le créancier en demande l'exécution forcée, sous réserve de l’application de la
théorie de l’abus de droit.
En règle, la mise en demeure est un préalable à l’action en résolution. Cependant,
quand   le   créancier   assigne   le   débiteur   en   résolution   du   contrat,   cette   assignation
pourra,   selon   les   circonstances,   être   considérée   elle-même   comme   une   mise   en
demeure.
c) Le rôle du juge
Le juge dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation: il n'est pas tenu de prononcer
la résolution lorsque le créancier la lui demande.
En effet, l'article 1184, al. 3 stipule que "la résolution doit être demandée en justice et
il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances".
Le juge ne prononcera la résolution du contrat que s'il estime que le manquement du
débiteur   est   suffisamment   grave   pour   entraimer   cette   sanction.   Le   juge   pourra
notamment   se   demander   si   l'inexécution   est   telle   que   le   créancier,   demandeur   en
résolution, n'aurait pas contracté s'il avait prévu le manquement.
Cette   question   mériterait   de   plus   amples   développements.   Voyez   S.   STIJNS,   « La
résolution pour inexécution des contrats synallagmatiques, sa mise en œuvre et ses
effets »,   in   Les   obligations   contractuelles,   Ed.   Jeune   Barreau   de   BRUXELLES,   2000,
pages 375 et suivantes, spécialement pages 408 et suivantes.
151
d) Dommages et intérêts
L'article 1184, al. 2 prévoit que le juge peut prononcer la résolution accompagnée de
dommages et intérêts. En effet, la résolution pourrait ne pas réparer tout le préjudice
causé au créancier. Dans ce cas, celui-ci pourrait obtenir des dommages et intérêts s'il
justifiait de l'existence d'un préjudice.
Mutatis mutandis, nous avons vu une règle semblable à propos de l’annulation des
contrats pour vice de consentement, assortie de dommages et intérêts sur pied de
l’article 1382 C.C.
e) Les effets de la résolution
La résolution, qu'il faut distinguer de l'annulation (sanction d'un vice contemporain de
la formation du contrat) est l'anéantissement de la convention avec effet rétroactif.
Non   seulement,   le   contrat   ne   devra   plus   être   exécuté,   mais   encore   il   sera   censé
n'avoir   jamais   existé.   Il   y   aura   donc   restitutions   réciproques   en   nature   (ou   par
équivalent en cas d'impossibilité de restitution en nature) des prestations effectuées
par les parties.
Il existe cependant des cas dans lesquels une restitution des prestations réciproques
est inconcevable: il s'agit des contrats à exécution successive (le bail ou le contrat de
travail par ex.). Dans ce cas, l'anéantissement du contrat se fera sans effet rétroactif
et   on   parlera   de   résiliation:   on   considère   que,   pour   le   passé,   les   prestations
accomplies par les parties s'équilibrent.
Mais   cette   règle   suscite   elle   aussi   d’intéressantes   réflexions   de   la   doctrine   (voy.
STIJNS, op. cit., pages 450 et suivantes).
f) Exceptions
La   règle   de   l'article   1184   souffre   diverses   exceptions   parmi   lesquelles   figurent   les
articles 1978 (vente avec rente viagère) et 1657 du Code civil (vente de denrées et
effets mobiliers).
g) Le pacte commissoire exprès
Les   parties   peuvent   insérer   dans   leur   convention   une  clause   expresse   de
résolution,   appelée   pacte   commissoire   exprès:   si   l'une   des   parties   n'exécute   pas
fautivement   ses   obligations   ou   l'une   d'elles,   l'autre   aura   le   droit   de   déclarer
unilatéralement la résolution ou la résiliation du contrat et, en cas de litige, le juge ne
pourra plus apprécier la gravité du manquement invoqué par le créancier.
152
Le   contrôle   du   juge   se   limite   à   la   conformité   des   agissements   du   créancier   aux
dispositions contractuelles.
L’intervention   du   Tribunal   est   seulement   éventuelle   et   le   contrôle   s’effectue   a
posteriori.
Il faut souligner que pour supprimer l'intervention préalable du juge et son pouvoir
d'apprécier  la  gravité  du  manquement  invoqué  par   le  demandeur  en   résolution,   la
clause contractuelle doit nécessairement énoncer que le contrat sera résolu de plein
droit ou être rédigée en des termes similaires. Si les parties se sont contentées de
prévoir que le contrat serait résolu dans le cas où le débiteur n'exécuterait pas ses
obligations, le tribunal considérerait que la clause n'ajoute rien à l'article 1184 dont
elle constitue en fait la simple reproduction.
Même dans le cas où la convention prévoit que le contrat sera résolu de plein droit en
cas de manquement d'une des parties, l'autre doit procéder à une mise en demeure (à
moins   que   le   contrat   ne   prévoie   une   résolution   de   plein   droit   et   sans   mise   en
demeure) (voy. Cass. 24 mars 1995, R.G.D.C. 1997, page 98 et note K. CREYF).
Malgré   l'existence   d'un   pacte   commissoire   exprès,   le   créancier   conserve   le   droit
d'opter entre la demande de l'exécution des obligations du débiteur et la déclaration
de résolution.
Enfin, il arrive que le législateur réglemente les clauses résolutoires expresses ou les
déclare nulles compte tenu du danger qu'elles représentent pour le débiteur (voy. par
ex. l'art. 1762bis C.C. en matière de bail).
64. La résolution unilatérale à l'initiative du créancier
a) Nous savons (supra, n° 23, c) que la loi peut permettre à une partie de mettre fin
seule à un contrat synallagmatique. Nous devons aussi évoquer une « possibilité de
résiliation unilatérale imposée par l’ordre public » (P.A. FORIERS, Pacta sunt servanda,
in   « Le   droit   des   affaires   en   évolution,   la   modification   unilatérale   du   contrat »,
BRUYLANT   2003,   page   38).   Les  contrats   à   durée   indéterminée  « peuvent   être
résiliés unilatéralement par chacune des parties moyennant un préavis raisonnable.
Le   principe   tient   à  la   prohibition   des  engagements   perpétuels »   (FORIERS,   op.   cit.,
page 39).
Ces possibilités de résiliation unilatérale existent indépendamment d’une faute dans
le chef du partenaire contractuel.
b) Le créancier, s'il constate l'inexécution du débiteur, peut-il, en dehors d'une clause
résolutoire   expresse   et   des   cas   prévus   explicitement   par   la   loi 124,   déclarer
unilatéralement   que   le   contrat   est   résolu   ?   En   principe,   il   faudrait   répondre   par   la
négative, mais la jurisprudence, encouragée par la doctrine, a évolué...
124 Par exemple le droit, donné par la loi sur le contrat de travail, à l'employeur, de rompre unilatéralement la relation
de travail avec un employé, pour motif grave ou moyennant préavis.
153
Il   semble   aujourd'hui   que   la   réponse   soit   affirmative   pour   l'ensemble   des   contrats
synallagmatiques, à condition :
Que le créancier invoque des circonstances exceptionnelles réelles, telles que
l’urgence ou la disparition irrémédiable de la confiance entre parties ;
Que le débiteur ait commis des fautes graves et/ou flagrantes ;
Que le créancier veille à s’en ménager la preuve ;
Que le débiteur ait été mis en demeure de s'exécuter, avec octroi d'un dernier
délai,   sauf   si   celui-ci   est   sans   objet   parce   que   l'exécution   de   l'obligation   est
objectivement impossible ou désormais inutile
Si le débiteur n’obtempère pas à la mise en demeure, que le créancier notifie sa
décision de résoudre le contrat de manière non équivoque.
Mais la prudence reste de mise. Le créancier userait de cette faculté à ses risques et
périls.   Le   créancier   qui   aurait   déclaré   abusivement   cette   résolution,   pourrait,   à
l'initiative du débiteur, faire l'objet d'une condamnation à l'occasion d'un contrôle " a
posteriori " du juge.
65. La faculté de remplacement
Nous avons évoqué (supra n° 58) le remplacement judiciaire et annoncé la présente
faculté.
Nous   l’examinons   ici,   dans   la   section   relative   à   l’inexécution   fautive   des   contrats
synallagmatiques,   mais   il   se   pourrait   que   cette   faculté   soit   mise   en   œuvre
valablement   alors   même   que   l’inexécution   du   cocontractant   n’est   pas   fautive.
L’urgence justifiera cette solution.
Il arrive que les usages125 permettent au créancier d'assurer le remplacement de son
débiteur défaillant sans recours préalable au juge126.
En matière de vente commerciale de marchandises, l'usage, justifié par les nécessités
de   la   vie   des   affaires,   permet   à   l'acheteur   confronté   à   un   vendeur   défaillant,
d'acquérir sur le marché les marchandises que le cocontractant reste  en défaut de
livrer. Bien sûr, afin d'éviter d'éventuels abus, ce remplacement doit s'effectuer dans
le   respect   de   règles   strictes:   l'acheteur   doit   avoir   mis   rapidement   le   vendeur  en
demeure  d'exécuter;   il   doit   "se   remplacer"   aux   meilleures   conditions   possibles   à
l'expiration du délai accordé par la mise en demeure, puis adresser promptement sa
demande de dommages et intérêts au vendeur, afin de lui permettre de vérifier les
conditions du remplacement.
En cas de contestation, un contrôle pourrait être exercé a posteriori par le juge. Le
créancier   agit   donc   ici   aussi   à   ses   risques   et   périls.   L’urgence  est   une   condition
essentielle à laquelle il sera attentif.
Un   usage   analogue   existe   en   matière   de   contrat   d'entreprise,   justifié   par   de
semblables exigences d'efficacité et de rapidité. L'absence de recours préalable à la
justice explique que des conditions comparables à celles qui existent en matière de
125 A propos de cette source du droit, voy. J. HANSENNE, op. cit, n° 34, spécialement 41 et 42.
126 En ce qui concerne le recours préalable au juge, voy. supra n° 58 ainsi que, concernant le rôle du référé, n° 59.
154
vente commerciale de marchandises doivent être respectées par le créancier afin de
protéger l'entrepreneur contre d'éventuels abus. 
Le   maître   de   l'ouvrage   doit   mettre   l'entrepreneur   en   demeure   d'exécuter   (si
l'exécution   est   encore   possible)   et   procéder   à   une   constatation   contradictoire   ou
judiciaire de l'état des travaux avant le remplacement, pour éviter, par ce clichage de
la situation, toute contestation ultérieure sur ce point. Le remplacement se fera aux
meilleures conditions possibles.
Ici   encore,   le   créancier   agit   à   ses   risques   et  périls:   le   juge   exercera   un   contrôle   a
posteriori, en cas de contestation.
Qu'en est-il de la possibilité de "se remplacer" en cas d'inexécution d'autres contrats?
La jurisprudence a admis l’exercice de cette faculté de remplacement lorsqu’il existe
une urgence particulière ou lorsque le cocontractant a renoncé à l’exécution de ses
obligations,   ou   encore   lorsque   ce   cocontractant   se   trouve   dans   l’impossibilité
d’exécuter le contrat.
Un   locataire   pourrait   exercer   la   faculté   de   remplacement   et   effectuer   ou   faire
effectuer, aux frais du bailleur, des réparations qui incomberaient à celui-ci (songeons
par exemple à la nécessité de réparer une chaudière d’urgence en hiver)
La liberté  contractuelle implique la possibilité  pour les parties de prévoir dans  leur
contrat que le créancier disposera de la faculté de remplacement en cas d'inexécution
de l'obligation du débiteur, et cela à telles ou telles conditions.
Section 10. Inexécution fortuite des contrats
66. La cause étrangère libératoire
a) Le créancier doit apporter la preuve de l’inexécution contractuelle. Il le fera plus ou
moins facilement selon que le débiteur sera tenu d’une obligation de moyens ou d’une
obligation de résultat.
L'inexécution établie, le débiteur pourra cependant échapper à sa condamnation en
prouvant   que  l'inexécution  n'est   pas  due  à   une  faute   de  sa  part,   mais  bien  à  une
cause étrangère.
Les articles 1147 et 1148 du Code civil le confirment, qui édictent que "le débiteur est
condamné,   s'il   y   a   lieu,   au   paiement   de   dommages   et   intérêts,   soit   à   raison   de
l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard  dans l'exécution, toutes les fois
qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui
être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part et qu'il n'y a lieu à
aucuns   dommages   et   intérêts   lorsque,   par   suite   d'une   force   majeure   ou   d'un   cas
fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a
fait ce qui lui était interdit".
Pour échapper à sa responsabilité, le débiteur de l'obligation devra démontrer soit de
façon directe l'existence de la cause étrangère qu'il invoque, soit, indirectement, que
les circonstances excluent toute possibilité de faute dans son chef.
155
Ces règles, relatives à la preuve de la faute et à celle de la cause étrangère, sont
applicables   qu'il   s'agisse   de   contrats   synallagmatiques   ou   de   contrats   unilatéraux
lorsqu'il y a inexécution d'une obligation.
b) La cause étrangère est un événement indépendant de la volonté du débiteur, qu'il
n'a pu ni prévoir, ni surmonter, et qui rend totalement impossible l'exécution de
l'obligation.   Cette   impossibilité   doit   donc   être   absolue,  c'est-à-dire   que   l'obstacle   à
l'exécution  doit être  insurmontable. De plus, la cause  étrangère suppose que toute
faute du débiteur soit exclue.
Le Code civil ne cite que les cas de force majeure ou les cas fortuits, mais ce ne sont
pas les seules causes étrangères libératoires.
Nous ne ferons pas de distinction entre les cas fortuits et les cas de force majeure.
Citons,   à   titre   d'exemple   de   ce   type   de   cause   étrangère   libératoire,   certains
événements atmosphériques graves, à caractère soudain, qui n'ont pu être prévus et
contre lesquels le débiteur ne pouvait rien: cataclysme, foudre, tremblement de terre,
inondation, ... D'autres événements peuvent être considérés comme des cas fortuits
ou   de   force   majeure   pour   autant   qu'il   s'agisse   bien   d'événements   imprévisibles   et
irrésistibles   qui   rendent   totalement   impossible   l'exécution   de   la   convention:   une
guerre, une maladie, un incendie, une grève, pourraient être, selon les circonstances,
considérés comme des causes étrangères libératoires.
Outre le Code civil et aux mêmes conditions, pourront être considérés comme cause
étrangère libératoire, le  fait d'un tiers  dont le débiteur n'est pas responsable, par
exemple le voleur ; le fait du créancier qui rend lui-même l'exécution impossible, en
dehors de toute faute du débiteur, et le fait du prince, c'est-à-dire un ordre ou une
prohibition émanant de l'autorité publique (et par ex., une réquisition, un embargo ou
une loi nouvelle empêchant de façon absolue l'exécution de l'obligation).
Enfin, en vertu du principe de la liberté contractuelle, les parties pourraient convenir
de considérer tel ou tel événement comme un cas de force majeure, alors que si l'on
appliquait strictement les principes cet événement ne devrait pas être jugé tel.
En   principe,   lorsqu'il   y   a   cause   étrangère,   l'inexécution   de   l'obligation   n'est   pas
imputable   au   débiteur   et   il   ne   peut   donc   y   avoir   lieu   à   débition   de   dommages   et
intérêts (voy. par ex. les art. 1147, 1148 et 1245 C.C.).
Afin de percevoir l'importance que peut avoir la survenance d'une cause étrangère,
distinguons:
l'inexécution d'une obligation de facere
l'inexécution d'une obligation de dare
67. Obligation de facere : la théorie des risques dans les contrats
synallagmatiques
Qu'advient-il des obligations de l'une des parties à un contrat synallagmatique lorsque
les obligations de l'autre partie ne peuvent être exécutées par suite de la survenance
d'un cas fortuit au sens large, d'une cause étrangère libératoire ?
156
Rappelons   tout   d'abord   que   le   cas   de   force   majeure,   événement   imprévisible   et
irrésistible,   rend   l'exécution   de   l'obligation   impossible,   sans   qu'il   y   ait   faute   du
débiteur.   Le   cas   fortuit   exclut   la   responsabilité   et   il   ne   peut   être   question   de
dommages et intérêts.
Le débiteur de l'obligation sera en principe libéré, mais qu'en est-il des obligations de
l'autre partie au contrat ?
Les   solutions   données   à   cette   question   sont   commandées   par   la   nature   même   du
contrat   synallagmatique   en   ce   qu'il   engendre   des   obligations   réciproques   et
interdépendantes :
Si   le   cas   fortuit   rend  totalement   impossible  l'exécution   de   l'obligation   de
l'une des parties, l'obligation de l'autre partie sera éteinte.
Si le cas fortuit n'entraîne qu'une impossibilité partielle d'exécuter l'une des
obligations nées du contrat, le juge appréciera: il pourra imposer une réduction
proportionnelle des obligations de l'autre partie.
Si   le   cas   fortuit   crée   un  obstacle   temporaire  à   l'exécution   de   l'obligation
d'une des parties, le contrat sera suspendu à moins que l'obstacle temporaire
ne   doive   être   considéré,   compte   tenu   des   circonstances,   comme   rendant
totalement   et   définitivement   impossible   l'exécution   du   contrat,   auquel   cas,
celui-ci ne serait pas seulement suspendu, mais dissous.
La théorie des risques n'est pas consacrée de façon explicite et générale par le Code
civil,  mais  on y en  trouve  diverses applications  (voy. par ex. les art. 1722 et 1790
C.C.).
Cette théorie ne s'applique pas, en principe, aux contrats engendrant le transfert de la
propriété d'une chose certaine. En effet, lorsque la chose vendue périt par cas fortuit
entre le moment de l'échange des consentements et celui de la livraison, le vendeur
est libéré de son obligation de délivrance, mais l'acheteur reste tenu de payer le prix
(voy. art. 1138 C. C.).
68. Obligation de dare une « species »
La   question   peut   s'exprimer   comme   suit:   qui,   de   l'acheteur   ou   du   vendeur,   doit
supporter   la   perte   de   la   chose   certaine   vendue   survenue   par   cas   fortuit,   ou,   plus
largement, par suite d'une cause étrangère, entre le moment de la vente et celui de la
délivrance ?
Nous   avons   déjà   largement   abordé   cette   question   en   étudiant   l'étendue   des
obligations   pouvant   naître   d'une   convention   (voyez   n°   51,   l'obligation   de   dare).
Rappelons (art. 1138 et 1583 C.C.)
que la propriété et la charge des risques sont liées (sauf convention contraire)
que la propriété se transmet au moment de l'accord de volonté (sauf pour les
choses de genre et sauf clause contraire)
que la chose périt aux risques du propriétaire (sauf clause contraire).
Les articles 1138 et 1583 n'étant pas impératifs, les parties peuvent convenir, soit que
le transfert de propriété ne se fera pas dès l'échange des consentements (clause de
réserve de propriété), soit que la charge des risques sera dissociée de la propriété.
157
69. Inexécution fortuite d'un contrat unilatéral
Dans les contrats unilatéraux, une seule des deux parties est tenue d'exécuter une
obligation.   La   cause   étrangère   libérera   donc   le   débiteur   envers   le   créancier,   tout
simplement.
Supposons que l'échelle empruntée au voisin soit détruite par la foudre tombée sur
l'arbre où vous alliez commencer votre cueillette. Vous serez libéré de votre obligation
de restitution.
De même, le Tribunal civil de NAMUR (23 avril 2002, JLMB 2003, page 658) a décidé
qu’une averse de grêle, pourtant potentiellement envisagée par l’I.R.M., revêtait les
caractéristiques de la cause étrangère libératoire dans le chef de l’emprunteur d’une
voiture mise gracieusement à sa disposition par un garagiste, lorsque cette averse est
d’une   violence   et   d’une   soudaineté   rares   (le   véhicule   avait   été   endommagé   et   le
garagiste demandait des dommages et intérêts à l’emprunteur ; il ne les a donc pas
obtenus).
*
*     *
Des sections 9 et 10
    : l’inexécution des contrats
Illustrations
158
1. Contrat – Non exécution – Résiliation
Cour de cassation, 2 mai 2002, R.G.D.C. 2003, pages 337 et suivantes
L’article 1184, al. 3 C.C. qui stipule que la résiliation d’un contrat synallagmatique du
chef de non exécution doit être poursuivie en justice, a pour but, en l’absence d’une
clause   résolutoire   expresse,   de   soumettre   la   résiliation   au   contrôle   du   juge,   dans
l’intérêt de la sécurité juridique et de l’équité. La règle ne s’oppose pas à ce que l’une
des parties à un contrat synallagmatique décide de sa propre autorité et à ses risques
et périls de ne pas satisfaire à ses engagements et informe le cocontractant qu’elle
considère le contrat comme terminé.
L’examen de la licéité de cette décision unilatérale relève du juge du fond lors d’une
action ultérieure en résiliation judiciaire.
Cet   arrêt   a   été   analysé   par   Monsieur   WERY   dans   une   note   intitulée   « La   résolution
unilatérale des contrats synallagmatiques, enfin admise ? », in R.C.J.B. 2004, pages 300
et suivantes.
2. Contrat – Obligation de résultat – Cause étrangère ?
Cour d’Appel de Bruxelles, 20 octobre 1998, J.L.M.B. 1999, p. 1729
Attendu   que   le   garagiste,   qui   s'est   vu   confier   un   véhicule   pour   y   effectuer   des
réparations, s'engage (entre autres) à restituer le véhicule (voy. les articles 1915 et
suivants du code civil);
Attendu que l'article 1927 du code civil stipule que le dépositaire doit apporter, dans
la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses
qui   lui   appartiennent;   que   cette   règle   est   appliquée   avec   plus   de   rigueur   si   le
dépositaire   a   stipulé   un   salaire   pour   la   garde   du   dépôt   ou   si   le   dépôt   a   été   fait
uniquement pour l'intérêt du dépositaire (voy. l'article 1928 du Code civil);
Attendu que le dépositaire n'est tenu, en aucun cas, des accidents de force majeure
(article 1929 du code civil);
Attendu   qu'il ressort  des règles mentionnées ci-dessus que  le  dépositaire  porte  en
principe   la   charge   de   la   preuve   de   la   cause   extérieure   qui   l'empêche   de   restituer
l'objet déposé; qu'il ne lui suffit pas de prouver la force majeure invoquée pour se
libérer de son obligation de rendre identiquement la chose même qu'il a reçue (voy.
l'article 1932 du code civil); qu'il faut en plus que le dépositaire n'ait commis aucune
faute ou négligence dans la garde de la chose déposée;
Attendu  que   le   vol   (et   les  dégradations   causées  par   le  voleur)   non  contesté  de   la
voiture constitue en soi une cause extérieure susceptible de libérer le garagiste de
son devoir de restitution; qu'en l'occurrence, la preuve est apportée que le garagiste
159
n'a pas fermé la voiture à clé au moment où elle a été entreposée sur le parking à ciel
ouvert attenant au garage, étant donné que la voiture retrouvée ne portait aucune
trace d'effraction;
Attendu   que   même   si   le   dépôt   n'est   pas   explicitement   salarié   et   n’est   qu’un
accessoire   de   l'obligation   principale   du   garagiste,   le   garagiste   doit   répondre   aux
exigences   rigoureuses   de   l'article   1928.   alinéa   2.   du   Code   civil   (voy.   T.P.R.,   1985,
"Overzicht rechtspraak bijzondere overeenkomsten, n° 148);
Attendu que le garagiste doit donc prendre toutes les dispositions utiles pour prévenir
le vol du véhicule, en manière telle qu'il puisse être conclu que le vol n'a pas été
rendu possible par son fait (voy. SIMONT et DE GAVRE, "Chronique de jurisprudence -
Les   contrats   spéciaux".   R.C.J.B.,   1976,   p.   445,   et   R.C.J.B.,   1986.   p.   372);   que   la
première  disposition  utile  pour prévenir le vol de la voiture entreposée  au  parking
extérieur   du   garage,   non   surveillé   et   librement   accessible   pendant   les   heures   de
travail, est de fermer le véhicule à clés, ce qui, in casu, n'a pas été le cas; qu'une telle
mesure de sécurité peut être raisonnablement attendue du garagiste ; 
Attendu que, in casu, le garagiste doit répondre de sa négligence;(…)
3. Contrat – Clause résolutoire – Choix entre l’application de cette clause et
l’exécution forcée
Cour d’Appel de LIEGE, 27 novembre 2000, J.T. 2001, page 736
Le   créancier   peut   renoncer   au   bénéfice   d’une   clause   résolutoire   pour   demander
l’exécution forcée du contrat. Le choix opéré par le créancier est cependant soumis à
l’appréciation du juge et l’exercice par le créancier de son pouvoir d’option ne peut
être abusif.
Il   n’est   notamment  pas   possible  de   cumuler   les  avantages  de   l’exécution   et  de   la
résolution de l’intégralité du contrat.
4. Contrat – Bail – Théorie des risques
Justice de Paix de LIEGE, 11 mars 1994, J.L.M.B. 1994, page 793
Un étudiant a quitté les lieux qu’il prenait en location et restitué les clés au bailleur
plusieurs mois avant l’expiration du terme conventionnel.
Ce locataire soutenait que les co-locataires voisins avaient adopté un mode de vie qui
troublait à ce point sa jouissance des lieux qu’il était devenu impossible de continuer
à vivre et à travailler dans l’immeuble.
Le Juge de Paix a estimé que l’on était en présence d’une « impossibilité juridique de
jouissance paisible des lieux » qui constituait un cas de force majeure pour le bailleur
(faute des co-locataires) et libérait l’étudiant locataire, de telle sorte que le contrat
était dissout.
5. Contrat – Exécution forcée demandée – Abus de droit - Résolution
160
Justice de Paix de MARCHE-EN-FAMENNE, 30 novembre 1993, J.L.M.B. 1994, page 786
Attendu   que   l’article   1184,   al.   2   C.C.   précise   que   la   partie   envers   laquelle
l’engagement n’a point été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la
convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages
et intérêts ;
Attendu qu’on peut raisonnablement douter de la possibilité d’une exécution forcée
dans le cas d’espèce, alors que les locataires ont quitté les lieux et ont manifesté, par
leur   départ,   un   refus   absolu   de   poursuivre   l’exécution   de   leurs   obligations ;   qu’en
réalité, seule une exécution par équivalent sous forme de dommages et intérêts doit
être retenue, la résolution judiciaire étant prononcée à titre de peine ;
Attendu   que   la   résolution   pour   inexécution   fautive   sera   prononcée   au   jour   de   la
citation   du   …,   laquelle   constitue   un   acte   unilatéral   de   rupture   de   bail   et   les
dommages et intérêts fixés conformément à la clause  contractuelle prévoyant  une
somme équivalente à trois mois de loyer en cas de résiliation « pour quelque cause
que ce soit » (sic) ; (…)
161
Section 11. Quelques questions particulières
70. La responsabilité sans faute
Responsabilité sans faute. Voilà une conjonction a priori surprenante. Jusqu'ici, nous
avions   associé   le   terme   "responsabilité"   à   l'idée   de   faute.   Il   existe   pourtant,   en
matière contractuelle, comme en matière délictuelle des hypothèses où l'on peut être
tenu   à   réparation,   ou   plus  généralement,  encourir  une  sanction  (civile),  sans   avoir
commis de faute127.
Pour illustrer notre propos, nous citerons les articles 1641 et suivants du Code civil
relatifs à l'obligation de garantie des vices cachés dont est tenu le vendeur à l'égard
de l'acheteur. Spécialement, l'article 1643 stipule que le vendeur "est tenu des vices
cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait
stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie".
On le voit, même en l'absence de faute, le vendeur sera tenu à garantie de telle sorte
que   l'acheteur   pourra,   à   son   choix,   demander   la   résolution   de   la   vente   ou   une
diminution du prix (art. 1644 C.C.). 
Mais la question de l'existence d'une faute revient au premier plan lorsque l'acheteur
réclame en outre des dommages et intérêts: le vendeur ne sera en principe 128 tenu au
paiement de dommages et intérêts que s'il connaissait les vices de la chose vendue
(art. 1645).
71. La responsabilité contractuelle pour autrui
Nous   savons   que   les   fautes   commises   par   les   personnes   dont   le   débiteur   est
responsable ne constituent pas pour lui une cause étrangère libératoire (art. 1245 C.C.
et supra, n° 66).
Quelles peuvent être ces personnes ? Notamment des agents d'exécution, préposés
ou   soustraitants,   que   le   débiteur   se   substitue   pour   assurer   l'exécution   de   ses
obligations contractuelles.
127  Il   existe   également   une   hypothèse   où   le   contractant   n'est   pas   tenu   de   réparer   le   dommage   causé   à   son
cocontractant dans le cadre de l'exécution du contrat, alors même qu'il y a eu commission d'une faute. L'article 18 de
la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail stipule en effet: "en cas de dommages causés par le travailleur à
l'employeur (ou à des tiers) dans l'exécution de son contrat, le travailleur ne répond que de son dol et de sa faute
lourde.   Il   ne   répond   de   sa   faute   légère   que   si   celle-ci   présente   dans   son   chef   un   caractère   habituel   plutôt
qu'accidentel".   L'ouvrier   et   l'employé   jouissent   donc   d'une   certaine   immunité   contractuelle   à   l'égard   de   leur
employeur. De même bénéficient-ils d'une immunité relative à l'égard des tiers (voy. infra n° 71). L'article 18 précité
fait   une   distinction   entre   faute   légère,   faute   lourde   et   dol.   Nous   avons   défini   la   faute   légère   et   le   dol,   la   faute
intentionnelle. "La faute lourde est une faute non intentionnelle, mais tellement grossière, tellement excessive, qu'elle
rend le débiteur inexcusable. Il a omis d'apporter à l'exécution de son obligation les soins que personne ne néglige"
(DE PAGE, op. cit., T. Il, lère éd., n° 59 Ibis).
128  Mais la jurisprudence de la Cour de cassation considère que les vendeurs fabricants et le marchands de choses
semblables sont censés avoir connu au moment de la vente les vices dont la chose était affectée, à moins qu'ils ne
prouvent que, quelle qu'ait été leur diligence, ils n'eussent pu en avoir connaissance. Bref, les vendeurs fabricants et
les  marchands  de choses  semblables  doivent  prouver  leur  ignorance  invincible du  vice.  Voy.   SIMON, DE GAVRE  et
FORIERS, Examen de jurisprudence, Les contrats spéciaux, La vente, R.C.J.B., 1985, 156, n° 42.
162
Voici deux illustrations : 
-
-
un vendeur de mazout fait effectuer la livraison à l'acheteur par un
tiers désigné par lui, vendeur. Lors du transvasement, du mazout se
répand, causant ainsi des dégâts aux biens de l'acheteur. Contre qui
cet acheteur peut-il diriger sa réclamation et sur quelle base?129
Un entrepreneur fait effectuer spontanément une étude de béton par
un ingénieur conseil. 
Celui-ci   commet   certaines   fautes.   Qui   le   maître   de   l'ouvrage   va-t-il
assigner et sur quel fondement?130
Tout d'abord, l'on ne s'étonnera pas que le créancier victime de l'inexécution dispose
d'un   recours   contractuel   contre   son   cocontractant,   dans   un   cas   le   vendeur,   dans
l'autre   l'entrepreneur.   Le   débiteur   de   l'obligation   encourt   donc   une   responsabilité
contractuelle du fait d'autrui (voy. d'ailleurs art. 1245 C.C. qui implique cette solution).
Ensuite, se pose la question du recours du créancier contre l'agent d'exécution - le
livreur   ou   l'ingénieur-conseil   -.   Le   créancier   de   l'obligation   dispose-t-il   d'un   recours
contractuel   contre   cet   agent   d'exécution   que   le   débiteur   s'est   substitué   ?   L'article
1165   du   Code   civil   s'oppose   à   ce   qu'un   recours   fondé   sur   le   contrat   puisse   être
exercé:   le   créancier   de   l'obligation   n'a   d'action   contractuelle   que   contre   son
cocontractant, le débiteur de l'obligation.
Entrepreneur
Vendeur
Maître de l’ouvrage
Acheteur
                                                                            ?
Ingénieur conseil
livreur
Disposerait-il alors, ce créancier, d'un recours extra-contractuel, délictuel, contre les
préposés   ou   sous-traitants   ?   De   façon   surprenante,   la  jurisprudence   de   la  Cour   de
cassation131  refuse   en   principe   au   créancier   de   l'obligation   inexécutée   ce   recours
délictuel,   fondé   sur   l'article   1382   du   Code   civil,   à   l'égard   des   agents   d'exécution.
Ceux-ci bénéficient donc d'une immunité à l'égard du cocontractant préjudicié, mais le
débiteur   contractuel,   lié   également   par   contrat   avec   eux,   pourrait   disposer,   à   leur
égard, d'une action en garantie.
129 Cass., 5 octobre 1990, J.T., 1991, 128.
130 Comm. Anvers, 13 janvier 1977, Entr. et dr., 1978, 33 et note VER BERNE.
131 Voy. par ex. Cass., 7 décembre 1973, R.C.J.B., 1976, 20 et note R.O. DALCQ, et F. GLANSDORFF. Voici les règles qui
se dégagent de cet arrêt: le préposé ou l'agent d'exécution que le cocontractant se substitue pour exécuter tout ou
partie du contrat n'est pas un tiers au regard de l'exécution du contrat et à l'égard du cocontractant; la responsabilité
quasi délictuelle du préposé ou de l'agent d'exécution qui intervient dans l'exécution du contrat ne peut être engagée
que si la faute qui lui est reprochée constitue la violation, non d'une obligation contractuelle, mais d'une obligation qui
s'impose à tous, et si cette faute a causé un autre dommage que celui résultant seulement de la mauvaise exécution
du contrat.
72. Les clauses de non responsabilité
163
Les clauses de non responsabilité sont des conventions qui tendent à supprimer la
responsabilité.   Plus   précisément,   il   s'agit   de   clauses   contractuelles 132  en   vertu
desquelles  le débiteur d'une obligation  est exonéré de responsabilité malgré  le fait
que l'imputabilité de l'inexécution de l'obligation soit établie dans son chef.
De   telles   clauses   se   rencontrent   fréquemment,   par   exemple   dans   les   contrats   de
transport, les contrats de dépôt, les contrats de vente, ...
La   validité   de   principe   de   ces   clauses   n'est   pas   contestée;   la   règle   de   la   liberté
contractuelle s'applique en effet, même s'il peut paraître contradictoire de se lier par
contrat en se réservant de ne pas respecter la loi des parties.
La jurisprudence regarde cependant avec une certaine méfiance les clauses de non
responsabilité. Aussi écarte-t-elle celles par lesquelles le débiteur s'exonère  de  son
dol,   de   sa   faute   intentionnelle   dans   l'exécution.   En   revanche,   nos   tribunaux
admettent   que   le   débiteur   puisse,   mais   à   la   condition   que   la   clause   le   prévoie
expressément, être exonéré de sa faute lourde.
Par ailleurs, il a été fréquemment jugé que les clauses exonératoires de responsabilité
ne   peuvent   sortir   leurs   effets   lorsqu'elles   auraient   pour   conséquence   de   vider
l'obligation  du débiteur de tout contenu, de toute substance, lorsqu'elles  enlèvent
toute portée sérieuse à l'engagement.
En outre, ces clauses peuvent être interdites ou réglementées par une loi impérative
(voy. par ex. l'art. 36 de la loi du 25 août 1891, relatif au contrat de transport par
chemin de fer).
Enfin, il y a lieu de distinguer les clauses de non responsabilité des pactes de garantie
et des assurances de responsabilité.
Le pacte de garantie est une convention entre le débiteur de l'obligation et un tiers
par rapport à la victime potentielle du dommage, aux termes de laquelle le fautif, qui
reste   responsable   et   doit   en   conséquence   réparer   le   préjudice   qu'il   a   causé   ou
contribué   à   causer,   se   fait   garantir   par   son   cocontractant:   celui-ci   supportera   en
définitive le poids de la réparation.
Ainsi,   un   entrepreneur   de   travaux   publics   pourrait-il   être   tenu   à   garantir
contractuellement   la   personne   morale   de   droit   public   pour   laquelle   il   réalise   tel
chantier en cas d'accident survenu à un tiers (un automobiliste par ex.) lorsque celui
ci recherche la responsabilité de cette personne morale pour avoir manqué à l'une de
ses obligations (par ex., l'obligation d'assurer la sécurité sur les voies publiques).
132  Du  moins   la question  du  caractère  contractuel  ou  non   de la  clause invoquée  devra-t-elle  être   résolue dans   un
premier temps.
164
Entrepreneur de travaux publics                                                      Région Wallonne
C.C.
                                                                                                                  Automobiliste
victime
Art. 1382 et/ou
        1384, al. 1
Le   contrat   d'assurance   de   responsabilité  est   celui   par   lequel   l'assuré,   contre
paiement d'une prime périodique, convient avec l'assureur que celui-ci supportera le
poids   de   la   réparation   dans   l'hypothèse   où   la   responsabilité   de   l'assuré   serait
engagée133.
Assureur
          Assuré fautif
Action en responsabilité
Contractuelle (ou délictuelle)
          Victime
Rappelons au passage que l’article 86 de la loi du 25 juin 1992 sur les assurances
terrestres,   fonde   la   victime   à   agir   directement   contre   l’assureur   de   responsabilité
(supra n°40b). La victime pourrait ainsi avoir deux débiteurs tenus in solidum (voir
infra n°88d).
73. Le concours des responsabilités
Nous   ne   ferons   ici   qu'évoquer   la   question   dite   du   concours   ou   de   l'option   des
responsabilités. Elle se pose dans les termes suivants : la victime d'un dommage peut-
elle parfois disposer d'un recours contractuel et d'une action délictuelle fondés sur un
fait dommageable unique de son cocontractant ?
Ou   encore,   la   victime   dispose-t-elle   d'une   action   contractuelle   contre   son
cocontractant  responsable   d'une   faute   commise  par   un  agent  d'exécution  et  d'une
action délictuelle contre cet agent d'exécution que le débiteur s'est substitué ?
Nous   soulignerons   essentiellement   ici   l'intérêt   de   s'interroger   sur   l'existence   d'une
éventuelle   option:   les   règles   de   la   responsabilité   délictuelle   et   celles   de   la
133  Les   médecins,   les   avocats,   les   architectes,   les   entrepreneurs,   ...   assurent,   voire   sont   tenus   d'assurer,   leur
responsabilité professionnelle.
responsabilité contractuelle ne sont pas identiques à tous égards (notamment en ce
qui concerne les délais de prescription).
165
La réponse de principe à la question de l'existence ou non d'une option est négative:
lorsque l'on s'est lié par contrat, on doit agir sur base de ce contrat et en application
des   règles   de   la   responsabilité   contractuelle   (bien   sûr,   lorsque   la   faute   invoquée
constitue   la   violation   d'une   obligation   contractuelle).   Nous   ne   pouvons,   pour   le
surplus,   entrer   ici   dans  le  détail  de   cette  matière,   ni   développer   les  dérogations   à
cette règle de principe134.
*
*      *
134 Nous renvoyons le lecteur notamment à R.O. DALCQ, Traité de la responsabilité civile, Tome 1, 2ème édition, Larcier,
1967, n° 32 et s.; Examen de jurisprudence, La responsabilité délictuelle et quasi délictuelle, R.C.J.B., 1980, 355 et s.;
R.O. DALCQ, et F. GLANSDORFF, Note sous Cass., 7 décembre 1973, R.C.J.B., 1976, 20.
166
De la section 11
    : quelques questions particulières
Illustrations
1. Vente - Garantie - Vices cachés - Véhicule d'occasion - Défaut du système
de freinage - Clause d'exonération - Portée - Vendeur non professionnel
Tribunal civil de VERVIERS, 4ème chambre, 9 novembre 1998, J.L.M.B. 2000 page 920
Le  véhicule d'occasion  affecté  d'un défaut dans le système  de  freinage est atteint
d'un vice caché.
La  clause "véhicule vendu dans l'état où il se trouve  et connu de l'acheteur", à  la
supposer opposable à l'acheteur, ne peut avoir pour effet d'exonérer le vendeur qu'en
ce qui concerne les défauts auxquels l'acheteur doit légitimement s'attendre, ce qui
n'est pas le cas d'un système de freinage qui ne survit que quelques jours après la
vente.
La mention "véhicule d'occasion dans l'état bien connu de l'acheteur" ne permet pas
d'exonérer un vendeur de toute garantie, ce vendeur fût-il un particulier.
2. Clause de non responsabilité – Objet du contrat – Annulation
Tribunal de Commerce de BRUXELLES, 29 juillet 1993, J.L.M.B. 1993, page 1437
La clause des conditions générales exonérant de responsabilité la société détenant le
monopole   de   la   publication   des   pages   d’or   de   l’annuaire   des   téléphones,   en   cas
« d’éventuelles erreurs, fautes d’impression ou de composition » notamment, a pour
effet de vider le contrat de sa substance. 
En   effet,   l’obligation   principale   de   cette   société   est   d’assurer   la   publication   des
insertions   commandées   et   la   clause   est   rédigée   de   telle   manière   que   le   débiteur
s’exonère de toute erreur, quelle qu’elle soit, dans la publication de l’insertion, sauf
celle qui résulte de son dol. L’objet même du contrat s’en trouve fondamentalement
affecté et l’économie normale des obligations réciproques bouleversée.
Une telle clause doit être annulée.
3. Bail – Obligations du bailleur – Défaillance d’un agent d’exécution – Force
majeure (non)
Justice de Paix de JUMET, 8 décembre 2000, J.L.M.B. 2001, page 1279
Le bailleur ne peut être exonéré de sa responsabilité fondée sur l’article 1720, al. 2
C.C. au motif que l’homme de métier avec lequel il avait contracté pour réaliser des
travaux n’a pas exécuté ceux-ci.
En   effet,   le   bailleur   est   tenu   à   l’égard   de   son   locataire   des   fautes   commises   par
l’agent d’exécution à qui il a fait appel pour exécuter ses propres obligations.
Il est admis que le cocontractant (ici le locataire) qui subit un préjudice en raison de
cette inexécution fautive ne peut se retourner, tant sur la base de la responsabilité
contractuelle que sur la base de la responsabilité extra-contractuelle, contre l’agent
d’exécution, à moins que celui-ci ait violé une obligation qui s’impose à tous et que sa
faute ait causé un autre dommage que celui résultant de l’inexécution du contrat qui
lui avait été confié.
167
Dans   ce   cas,   la   partie   victime   des   manquements   de   son   agent   d’exécution   (ici   le
bailleur)  peut, bien  évidemment, agir contre  celui-ci  pour réclamer  éventuellement
des   dommages   et   intérêts.   La   défaillance   d’un   agent   d’exécution   ne   pourrait
constituer un cas de force majeure que si elle conférait un caractère insurmontable à
l’obligation de réparer du bailleur, ce qui n’est pas le cas, dans la mesure où celui-ci
avait la possibilité de faire appel à quelqu’un d’autre, même si de ce fait, l’exécution
des travaux s’avérait plus onéreuse pour lui.
168
Chapitre 2. Les délits et quasi-délits civils
74. Introduction
Après les développements réservés aux contrats, première source d'obligations, nous
entamons   maintenant   l'examen   de   la   deuxième   source   d'obligations   :   les   délits   et
quasi-délits civils. Il ne pourra s'agir, dans les lignes qui suivent, que d'un survol très
général   de   la   matière   de   la   responsabilité   délictuelle   ou   quasi   délictuelle,   encore
appelée   responsabilité   civile,   responsabilité   aquilienne   ou   responsabilité   extra-
contractuelle135.
L'ampleur et la complexité de la matière de la responsabilité civile contrastent avec la
brièveté des textes légaux qui datent, pour l'essentiel, de 1804 (art. 1382 à 1386bis
C.C.). Ici, moins qu'ailleurs, il ne peut donc être question de trouver la solution de tous
les litiges dans la loi.
Avant d'aborder l'examen des textes du Code civil, une remarque s'impose : il importe
de distinguer responsabilité civile et responsabilité pénale.
La responsabilité pénale ne peut exister que si un texte prévoit expressément que tel
acte constitue une infraction pénale et est donc puni par la loi pénale. Cette loi ne vise
pas à réparer un dommage, mais à sanctionner un comportement.
Il se pourra que telle infraction, constitutive d'une faute civile 136, cause un dommage
engendrant   ainsi   tant   la   responsabilité   pénale   que   la   responsabilité   civile   de   son
auteur,   tenu   alors   de   réparer   le   préjudice   causé   par   sa   faute 137.   Mais   cette
superposition n'existe pas nécessairement : l'infraction pénale n'est pas en elle-même
source   d'un   préjudice138.   De   même,   les   fautes   civiles   ne   sont   pas   uniquement   les
infractions   pénales139.  Si  les  secondes  n'existent   qu'en   vertu   d'un  texte  exprès,   les
premières ne peuvent faire l'objet d'une énumération limitative et leur nombre varie à
l'infini.
75. La responsabilité personnelle : les articles 1382 et 1383 du Code
civil
L'article 1382 énonce :
"Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la
faute duquel il est arrivé, à le réparer".
135 Nous renvoyons le lecteur aux ouvrages spécialisés et essentiellement au Traité de la responsabilité civile de R.O.
DALCQ,   (2   volumes,   Editions   Larcier,   extrait   des   NOVELLES).   Voy.   ég.   les   examens   de   jurisprudence   relatifs   à   la
responsabilité civile cités.
136 Nous définirons la notion de faute ci-dessous, n° 75.
137 Coups et blessures entraînant une incapacité, vol, escroquerie, diffamation, ...
La victime de l'infraction pénale pourra demander aux juridictions répressives la condamnation du fautif à réparer son
préjudice, en se constituant partie civile.
138 Détention illégale d'armes, d'explosifs, de stupéfiants, excès de vitesse, délit de fuite, ...
139 Le fait d'endommager par maladresse ou négligence le bien d'autrui peut entraîner la responsabilité civile du fautif,
mais en principe, pas sa responsabilité pénale.
169
Et l'article 1383 ajoute :
"Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais
encore, par sa négligence ou par son imprudence".
Les éléments constitutifs de la responsabilité civile personnelle sont donc la faute, le
dommage et le lien de causalité entre ces deux éléments.
a) La faute
La faute est tout manquement volontaire ou involontaire aux dispositions législatives
ou réglementaires interdisant ou prescrivant certains actes, et aux règles de conduite
que doit observer un homme honnête, diligent, soigneux et prudent.
Indépendamment de la violation d'une disposition législative au sens large, le critère
est   donc   le   suivant   :   une   personne   normalement   honnête,   soigneuse,   prudente   et
avisée, placée dans les mêmes conditions140 aurait-elle agi comme l'a fait celui dont la
responsabilité est mise en cause ?
La réponse dépend de l'appréciation souveraine du juge du fond.
Il importe peu que la faute résulte d'un acte positif ou d'une omission. De même, la
gravité   de   la   faute   n'a   pas   d'incidence   sur   le   principe   de   l'existence   d'une
responsabilité.   Que   cette   faute   soit   grave,   volontaire   ou   bénigne,   il   y   aura
responsabilité (si du moins les autres conditions sont réunies : dommage et lien de
causalité) et obligation de réparer tout le dommage.
Toutefois, le juge pourra tenir compte du degré de gravité de la faute dans les deux
cas suivants :
la victime elle-même a également commis une faute, source de son dommage;
elle   n'obtiendra   qu'une   indemnisation   partielle,   fonction   de   la   gravité   de   sa
faute   par   rapport   à   celle   du   responsable   du   dommage   (ex.  :   l'automobiliste,
victime d'un accident causé par un chauffard, a omis d'attacher sa ceinture de
sécurité ;   or,   il   a   été   blessé   à   la   tête,   celle-ci   ayant   heurté   le   pare-brise   du
véhicule) ;
deux fautifs causent un dommage à un tiers : ils seront tous deux obligés de
réparer tout le dommage (obligation à la dette), la victime pouvant s'adresser à
l'un ou à l'autre pour réclamer le tout (obligation in solidum); si l'un des deux
fautifs indemnise la victime, il sera fondé à se  retourner contre  l'autre  fautif
pour   obtenir   un   remboursement   partiel,   fonction   de   la   gravité   des   fautes
(contribution à la dette)141.
Ainsi, les magistrats disposent d'un important pouvoir d'appréciation, tant au
point de vue de l'existence de la faute qu'à celui de sa gravité.
140 Conditions de temps, de lieu, de profession, ...
141 Sur ces notions d'obligation à la dette, de contribution à la dette et d'obligation in solidum, voy. infra n° 88.
170
Cette   réflexion   nous   amène   à   évoquer   ici   une   construction   jurisprudentielle   :   la
théorie de l'abus de droit.
Nous avons déjà examiné (supra n° 38) l'abus de droit en matière contractuelle. En
matière extracontractuelle, la théorie de l'abus de droit repose sur l'article 1382 du
Code civil.
Pendant  longtemps, on   a  estimé   qu'il  n'était  pas  possible  de  commettre  une   faute
simplement   en   mettant   en   œuvre   l'un   de   ses   droits.   On   a   ensuite   admis   que
commettait   une   faute   le   titulaire   d'un   droit   qui   l'exerçait   exclusivement   dans
l'intention   de   nuire   à   autrui.   L'évolution   s'est   poursuivie   :   a   été   jugé   fautif,   le   fait
d'exercer  son  droit de manière  dommageable pour autrui, sans profit  proportionnel
pour   soi-même,   alors   qu'il   existe   une   autre   façon   d'utiliser   ce   droit.   On   a   ensuite
admis que l'usage d'un droit sans avantage en proportion avec le désavantage causé
à un tiers pouvait donner lieu à l'application de l'article 1382.
Aujourd'hui, on applique la théorie de l'abus de droit et l'article 1382 dès lors qu'une
faute, quelle qu'elle soit, est commise à l'occasion de l'exercice d'un droit142.
Ce trop bref aperçu de la faute doit encore être précisé, car cette notion présente en
réalité deux aspects :
l'un  objectif,   l'acte   que   l'on   ne   pouvait   pas   commettre   (acte   objectivement
illicite);
l'autre subjectif, c'est-à-dire la conscience de ce que l'acte ne pouvait pas être
accompli (imputabilité, discernement dans le chef de l'auteur)143.
Ainsi, si un dément commet une faute, il n'y aura pas de responsabilité sur base des
articles   1382   et   1383.   De   même,   si   un   enfant   de   3   ou   4   ans   commet   un   acte
objectivement illicite parce qu'il ne se rend pas compte de la portée de son acte, il
n'encourra pas de responsabilité personnelle. En général, on considère que l'âge du
discernement est atteint à 6 ou 7 ans. C'est donc à partir de ce moment que l'enfant
peut en principe engager sa responsabilité civile personnelle.
Nous   pouvons   d'ores   et   déjà   noter   que   l'enfant   non   doué   de   discernement   peut
cependant,  en  commettant  un  acte  objectivement illicite, engager la responsabilité
civile de ses parents144.
Enfin, conformément aux principes en matière de preuve, il appartient à celui qui se
prétend lésé de  prouver  l'existence de la faute invoquée (ainsi que la réalité d'un
dommage et l'existence du lien de causalité entre ces deux éléments).
142 Aucun droit n'est absolu. La théorie de l'abus de droit constitue l'une des limites apportées à l'exercice des droits
subjectifs. Une autre construction jurisprudentielle constitue, elle aussi, une limite à l'exercice des droits :  la théorie
des troubles du voisinage. Brièvement, voici en quoi consiste cette théorie.
L'article   544   du   Code   civil   reconnait   à   tout   propriétaire   le   droit   de   jouir   normalement   de   son   bien.   En   matière
immobilière, les propriétaires voisins ont un droit égal à la jouissance de leur propriété. Certes, certains désagréments
sont   inévitables   (à   charge   de   réciprocité).   Il   y   a   donc   des   charges   "normales"   résultant   du   voisinage.   Un   certain
équilibre s'établit.
Une fois fixés  les rapports entre les propriétés  voisines compte tenu des charges normales résultant du voisinage,
l'équilibre ainsi établi doit être maintenu entre les droits respectifs des propriétaires.
Le propriétaire d'un immeuble qui, par un fait non fautif, rompt cet équilibre, en imposant à un propriétaire voisin un
trouble excédant la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage, lui doit une juste et adéquate compensation,
rétablissant l'égalité rompue.
143  Signalons   en   outre   qu'il   existe   des   circonstances   élisives   de   responsabilité   :   tel   serait   le   cas   si   une   personne
commettait une infraction pénale causant un préjudice à un tiers, en état de légitime défense ou sous l'effet d'une
contrainte irrésistible.
144 Voy. infra n° 76.
171
b) Le dommage
Le dommage est la lésion d'un intérêt légitime, c'est-à-dire digne de considération.
La définition du dommage a évolué fortement depuis 1804. Si cette définition semble
aujourd'hui bien arrêtée, les difficultés ne sont toutefois pas pour autant supprimées,
puisque le caractère légitime de l'intérêt est susceptible d'être apprécié différemment
selon les magistrats ou selon les époques145.
Le dommage peut consister en un préjudice physique (blessure, incapacité de travail,
décès,   ...)   ou   moral   (atteinte   à   l'honneur,   souffrance   pendant   une   hospitalisation,
perte d'un être cher, préjudice esthétique, impossibilité de continuer à se livrer à son
hobby, ... ). Il peut s'agir d'un préjudice matériel, financier (frais médicaux, perte de
rémunérations, frais de  réparation  d'un  véhicule, ... ). Le préjudice peut également
consister en la perte d'une chance (de terminer ses études, de trouver un conjoint,
d'obtenir une promotion, ... ).
La   question   de   la   détermination   du   dommage   et   de   son   évaluation   se   révèle   très
délicate   et   nous   ne   pouvons   bien   sûr   y   réserver   ici   les   développements   qu'elle
appelle.
c) Le lien de causalité
Il faut que le dommage dont on demande réparation ait été causé par la faute, cela va
de soi.
Mais il n'est cependant pas toujours aisé de savoir si ce lien de causalité existe ou
non.   Sans   entrer   dans   le   détail,   retenons   la   solution   de   principe   qu'il   y   aura   lieu
d'appliquer.
Sans la faute commise, le dommage tel qu'il s'est produit se serait-il réalisé ? Dans la
négative, la faute sera déclarée en relation causale avec le dommage.
Quatre exemples feront apparaître la difficulté de la question du lien de causalité :
La   faute   du   conducteur   qui   oublie   ses   clés   sur   le   tableau   de   bord   de   son
véhicule, garé à Liège, est-elle en relation causale avec le dommage subi par le
piéton renversé à Bruxelles par le voleur du véhicule ?
Le décès d'une personne victime d'un accident de la circulation, en soi bénin,
décès   dû   à   des   prédispositions   pathologiques   et   à   une   crise   cardiaque
provoquée par l'émotion de l'accident, est-il en relation de cause à effet avec la
faute du responsable de cet accident ?
La  faute   de  l’automobiliste  est-elle  en  relation  avec  le  dommage  subi  par  le
piéton renversé qui a été transfusé avec du sang infecté par le virus du sida ?
La faute du responsable de l’accident survenu à un fonctionnaire sur le chemin
du travail, est-elle la cause du paiement des traitements sans contrepartie de
travail   par   l’employeur   public   et   cet   employeur   peut-il,   à   titre   personnel,
invoquer l’article 1382 C.C. ? Cette question fait actuellement couler beaucoup
145 Ainsi, il y a quelques années, une concubine ne pouvait pas demander la réparation d'un préjudice moral causé par
le décès de son concubin : l'intérêt n'était pas considéré comme légitime
d’encre depuis des arrêts de la Cour de cassation des 19 et 20 février 2001 (v.
La   rupture   du   lien   causal   ou   l’avènement   de   l’action   directe   et   le   déclin   du
recours   subrogatoire ?,   Actes   du   Colloque   du   Jeune   Barreau   de   Liège,   23
novembre 2007, Edition du Jeune Barreau de Liège).
172
173
76. La responsabilité du fait d'autrui
Afin   d'assurer  davantage  l'indemnisation  des dommages  et de prévenir autant  que
possible leur réalisation, le législateur de 1804 a institué un système de responsabilité
pour autrui.
L'article 1384, al. 1 stipule que "on est responsable non seulement du dommage que
l'on   cause   par   son   propre   fait,   mais   encore   de   celui   qui   est   causé   par   le   fait   des
personnes dont on doit répondre (...)".
Certaines  personnes (parents,  enseignants,  employeurs), en  principe  plus solvables
que   ceux   dont   elles   répondent   (enfants   mineurs,   élèves,   préposés)   et   sur   lesquels
elles ont autorité, seront obligées à réparer les dommages causés à des tiers par ceux
qui dépendent d'eux (art. 1384, al. 2, 3 et 4).
Les   tiers   n'auront   pas   à   prouver,   et   ce   point   est   essentiel,   que   les   parents,   les
enseignants, les commettants ont commis une faute.
La loi présume l'existence de cette faute.
Lorsque la responsabilité dans le chef de l'enfant mineur, de l'élève, du préposé, sera
établie   en   application   des   articles   1382   et   1383,   la   responsabilité   du   garant,   du
civilement responsable, sera engagée146.
Toutefois, les parents et les enseignants pourront échapper à leur responsabilité (au
contraire   des   commettants   et   des   employeurs)147  en   prouvant   "qu'ils   n'ont   pu
empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité" (art. 1384, al. 5).
La victime du dommage peut, en principe, diriger son action en responsabilité contre
le garant d'une part, et celui dont le garant répond d'autre part. Ainsi, des parents
pourront-ils   être   condamnés   in   solidum148  avec   leur   enfant   mineur.   Ainsi   encore,
l'enseignant pourrait-il être condamné in solidum avec son élève à dédommager la
victime de l'accident dont est responsable cet élève. Toutefois, seule sera engagée la
responsabilité du civilement responsable lorsque l'enfant mineur, l'élève ou le préposé
aura agi sans être doué de discernement ou en état de démence (acte objectivement
illicite).
146 Encore faut-il attirer l'attention sur les conditions figurant dans le texte de l'article 1384 : le dommage doit avoir été
causé   "dans   les   fonctions   auxquelles   ils   les   ont   employés"   (al.   3)   ou   "pendant   le   temps   qu'ils   sont   sous   leur
surveillance" (al. 4).
147  "Dès lors que les conditions d'application de l'article 1384, al. 3 se trouvent réunies, le commettant ne peut en
aucun cas se décharger de la responsabilité que la loi met à sa charge, pas même en prouvant qu'il y a force majeure
dans   son   chef.   Mais   s'il   y   a   force   majeure   dans   le   chef   du   préposé   et   non   faute   de   sa   part,   il   va   de   soi   que   la
responsabilité du commettant ne sera pas engagée puisqu'une des conditions d'application de la présomption, la faute
du préposé, fera défaut" (R.O. DALCQ, Traité de la responsabilité civile, T. I, 1967, n° 1984).
148 Sur cette notion, voy. infra n° 88 .
174
En   outre,   l'article   18   de   la   loi   du   3   juillet   1978,   relative   aux   contrats   de   travail 149,
édicte une limitation qui constitue une exception à la règle de l'article 1382 du Code
civil : "en cas de dommages causés par le travailleur à l'employeur ou à des tiers dans
l'exécution   de   son   contrat,   le   travailleur   ne   répond   que   de   son   dol   et   de   sa   faute
lourde.   Il   ne   répond   de   sa   faute   légère   que   si   celle-ci   présente   dans   son   chef   un
caractère habituel plutôt qu'accidentel".
La Cour d’arbitrage a été amenée à ce prononcer à diverses reprises 150 sur la rupture
d’égalité engendrée par cette disposition et à la dénoncer. Le législateur a donc élargi,
petit à petit, le champ d’application de la dérogation à l’article 1382 C.C. : voyez par
exemple la loi du 10 février 2003 relative à la responsabilité des et pour les membres
du   personnel   au   service   des   personnes   publiques   ou   la   loi   du   5   août   1992   sur   la
fonction de police.
Enfin, il faut souligner que la Cour de cassation a réaffirmé le caractère limitatif de
l’énumération des garants cités à l’article 1384 : il n’existe pas un principe général de
responsabilité du fait d’autrui (Cass., 19 juin 1997, J.L.M.B. 1997, p. 1122 et note T.
Papart).
77. La responsabilité du fait des animaux
Aux termes de l'article 1385 du Code civil, "le propriétaire d'un animal, ou celui qui
s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a
causé, soit que l'animal fut sous sa garde, soit qu'il fut égaré ou échappé".
Cet article édicte une responsabilité151 qui pèse sur le gardien d'un animal, c'est-à-dire
sur la personne qui a le pouvoir de direction et de surveillance de cet animal pour son
propre compte.
Quelques   exemples   mettront   en   évidence   la   question   de   la   détermination   du
gardien152 et donc, du responsable du fait de l'animal :
un chien mord une fillette alors que son propriétaire, parti en vacances, l'avait
confié à la garde d'un ami.
un cheval, confié au maréchal-ferrant, s'échappe et provoque un accident de
circulation.
un   troupeau   de   bovidés,   mené   par   le   préposé   du   fermier,   endommage   des
véhicules en stationnement sur une chaussée.
149 Il a déjà été question de cet article 18, supra n° 70.
150 Voir arrêt du 18.12.1996 n°77/96, R.C.J.B. 1998, p. 222 et note Ph. Coenraets.
151  On parle en l'espèce d'une responsabilité à base de risque car le gardien  ne peut y échapper en prouvant par
exemple   qu'il   a   parfaitement   surveillé   l'animal   et   qu'il   a   pris   toutes   les   précautions   voulues,   bref   en   démontrant
l'absence de faute. Le gardien  ferait cependant obstacle à l'application de l'article  1385 s'il démontrait l'existence
d'une cause étrangère au fait générateur de responsabilité, au fait de l'animal (par ex., le dommage serait dû à la
faute de la victime ayant voulu jouer avec un chien inconnu).
152 Le propriétaire d'un animal n'est pas nécessairement le gardien de celui-ci.
175
78. La responsabilité du fait d'un bâtiment en ruine
Le   propriétaire   d'un   bâtiment   est   responsable   du   dommage   causé   par   sa   ruine,
lorsqu'elle   est   arrivée   par   une   suite   du   défaut   d'entretien   ou   par   le   vice   de   sa
construction153, édicte l'article 1386 du Code civil.
Cette disposition énonce quatre conditions
il faut tout d'abord qu'il s'agisse d'un bâtiment, c'est-à-dire d'une construction
incorporée au sol;
il faut ensuite que ce bâtiment soit affecté d'un vice de construction ou d'un
défaut d'entretien;
le bâtiment doit être en ruine, celle-ci étant causée par ce défaut d'entretien ou
ce vice de construction;
il faut enfin que le dommage soit causé par ladite ruine.
Si   ces   conditions   sont   réunies,   le   propriétaire   du   bâtiment   sera   condamné   à
indemniser le préjudicié.
79. La responsabilité du fait des choses
Au départ de l'article 1384, al. 1 du Code civil154, la jurisprudence et la doctrine ont
créé   de   toutes   pièces   un   système   de   responsabilité   pesant   sur   le  gardien  d'une
chose affectée d'un vice, lorsque ce vice a causé un dommage155.
Le gardien, qui ne s'identifie pas au propriétaire de la chose, est la personne qui a
l'usage, la direction et le contrôle de la chose pour son propre compte.
La notion de chose est très large : il peut s'agir d'une chose mobilière ou immobilière,
fabriquée   ou   non   par   l'homme.   La   seule   exclusion   porte   sur   les   choses   visées   par
l'article 1386 du Code civil.
Le vice est un défaut ou une imperfection qui enlève à la chose ses qualités propres,
de telle sorte que cette chose devient inapte à l'usage auquel elle était destinée ou à
son usage normal156.
153  Il   s'agit   ici   aussi   d'une   responsabilité   à   base   de   risque,   sans   faute.   Le   propriétaire   ne   peut   échapper   à   la
responsabilité en prouvant qu'il n'a pas commis de faute. Seule la preuve d'une cause étrangère serait libératoire (par
ex. ouragan qui aurait entraîné la ruine d'un bâtiment en bon état).
154 Cet alinéa stipule en effet que l'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait,
mais encore du dommage causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou par le fait "des choses que l'on a
sous sa garde".
155 Signalons que le Moniteur belge du 22 mars 1991 a publié une loi du 25 février 1991 relative à la responsabilité du
fait des produits défectueux. Il ne peut être question d'examiner ici cette loi voy. M. FALLON, La loi du 25 février 1991
relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, J. T., 1991, 465 ; P. HENRY, La responsabilité du fait des
produits défectueux : derniers développements, in Droit de la responsabilité, Morceaux choisis, C.U.P. 2004, p. 129 et
s.
156  Cons.   l'étude   de   M.   VAN   QUICKENBORNE,   Le   vice   d'une   chose   complexe   :   sa   caractéristique   intrinsèque   et
anormale, R.CJB., 1990, 50 et s.
176
Les   questions   délicates   de   la   preuve   du   vice   et   de   sa   causalité   par   rapport   au
dommage ne peuvent être examinées ici.
Quelques illustrations feront comprendre le grand intérêt pratique de la construction
fondée sur l'article 1384, al. 1 du Code civil. La responsabilité du gardien d'une chose
prétendument affectée d'un vice a été recherchée dans les hypothèses suivantes :
chaussée dont le revêtement, affecté de "nids de poules", ou rendu glissant par
la présence d’hydrocarbure, est source d'un accident de circulation;
ascenseur dont la porte palière a pu s'ouvrir sans que la cabine soit arrêtée en
face de celle-ci, provoquant ainsi la chute d'un utilisateur;
voiture équipée au gaz, qui explose en provoquant des dommages à des tiers.
Sol d’un rayon de grand magasin vicié par la présence imprévisible d’une tache
d’huile.
80. La réparation des dommages causés par les anormaux
L'article 1386bis, inséré dans le Code civil en 1935, est destiné à éviter que la victime
d'un dommage causé par une personne se trouvant en état de démence ou dans un
état  grave  de  déséquilibre  mental  ou   de   débilité  mentale, la  rendant  incapable   du
contrôle   de   ses   actions,   se   retrouve   démunie   de   tout   recours   contre   celle-ci   et   ne
puisse dès lors obtenir l'indemnisation de son préjudice.
Rappelons en effet que le recours fondé sur l'article 1382 nécessite que l'auteur de
l'acte   objectivement   illicite   soit   doué   de   discernement.   Tel   n'est   pas   le   cas   d'un
dément ou d'un déséquilibré mental incapable du contrôle de ses actions.
L'article 1386bis ne fait pas obligation au juge de condamner le dément à réparer le
dommage. Le juge peut condamner ce dément à réparer tout ou partie du préjudice.
*
*     *
Illustrations 
Du chapitre 2
    : les délits et quasi délits civils
177
1. Responsabilité pour autrui – Parents – renversement de la présomption
Cour d’Appel de LIEGE, 10ème chambre, 9 septembre 2002
Attendu que la responsabilité des époux précités, en leur qualité de civilement 
responsables de leur fils mineur d'âge sur base de l'article 1384 alinéa 2 du Code 
civil, n'est pas établie ;
Attendu que la responsabilité, établie à l'égard des parents sur base de cette 
disposition, repose soit sur une faute dans l'éducation, soit sur une faute dans la 
surveillance, l'existence concomitante des deux fautes n'étant pas requise (cons. 
Cass. 05.04.1995, Pas. 1995, I, 390) ;
Attendu que nul ne leur reproche, en l'espèce, un défaut de surveillance, l'accident 
étant survenu alors que leur fils se trouvait confié à l'établissement scolaire ; Attendu,
pour le surplus, que le contexte même de la survenance de l'accident au cours d'un 
jeu innocent, initié sans malice ni intention de nuire, qui n'a occasionné un dommage 
qu'en raison d'un concours de circonstances (action du vent) ou d'une maladresse 
involontaire, n'emporte nullement la démonstration d'un défaut d'éducation dans le 
chef des parents ;
Attendu qu'au contraire il apparaît de l'information répressive que l'auteur du geste 
malheureux s'est immédiatement précipité vers son camarade blessé et qu'il l'a 
accompagné auprès d'un enseignant (Mr.L., chef d'atelier) pour qu'il reçoive les soins 
requis, ce qui témoigne de son sens des responsabilités et de la camaraderie, signes 
évidents d'une bonne éducation;(…)
2. Responsabilité du fait des choses 
Cour d’Appel de LIEGE, 17 décembre 2001, Dr. circulation 2003, page 55
Attendu qu’une chose est affectée d’un vice lorsqu’elle présente une caractéristique
anormale qui la rend, en certaines circonstances, susceptible de causer un dommage
sans   qu’il   soit   requis   que   le   vice   de   la   chose   soit   exclusivement   un   élément
permanent ou inhérent à la chose elle-même (…) ;
Attendu que celui qui demande, sur la base de l’article 1384, al. 1 C.C., la réparation
du dommage causé par le fait d’une chose doit uniquement prouver que le défendeur
à l’action a sous sa garde une chose affectée d’un vice, que le demandeur a subi un
dommage et qu’il existe une relation de cause à effet entre ce dommage et le vice de
la chose ;
Que la présomption de faute qui pèse alors sur le gardien ne peut être renversée que
s’il prouve que non pas le vice de la chose, mais le dommage est dû à une cause
étrangère ;   que   l’ignorance   même   invincible   du   vice   de   la   chose,   quelle   que   soit
l’origine de ce vice, ne peut exonérer le gardien de sa responsabilité (…)
178
3. Théorie des troubles de voisinage
Cour d’Appel de LIEGE, 16 juin 1989, J.T. 1990, page 134
Si le propriétaire d’un immeuble qui, par un fait non fautif, rompt l’équilibre entre les
droits   respectifs   des   propriétaires   en   imposant   à   un   voisin   un   trouble   excédant   la
mesure  des inconvénients ordinaires du voisinage, lui est redevable d’une juste  et
adéquate   compensation,   semblable   obligation   s’impose   également   aux   pouvoirs   et
établissements publics.
La   réduction   de   la   période   d’ensoleillement   dont   bénéficiait   un   bien   foncier   avant
l’érection   sur   le   terrain   voisin   d’un   immeuble  haut  de   16  mètres  et  la  survenance
d’humidité et de froid qui en résultent, constituent un préjudice anormal excédant la
mesure des inconvénients ordinaires du voisinage.
A   défaut   d’éléments   probants,   le   rapport   dressé   unilatéralement   par   le   conseil
technique des appelants contenant des outrances, il y a lieu de fixer le dommage des
appelants,   ex   aequo   et   bono,   une   mesure   d’expertise   n’étant   pas   opportune,   à   la
somme de 200.000 F.
4.   Responsabilité   –   Réparation   du   dommage   –   Perte   de   rémunérations
provenant d’un travail au noir
Cour de cassation, 14 mai 2003, J.L.M.B. 2003, page 1493
Les articles 1382 et 1383 C.C. obligent l’auteur d’un acte fautif à réparer le dommage
causé par cet acte, dès lors que le dommage est certain et qu’il ne consiste pas en la
privation d’un avantage illicite.
Toutefois, la perception de rémunérations provenant d’un travail au noir constitue, en
règle, un avantage illicite qui ne peut donner lieu à réparation.
5. Responsabilité extra-contractuelle – Obligation de réparer le dommage –
Victime fautive – Principe général du droit fraus omnia corrumpit
Cour de cassation, 6 novembre 2002, J.T. 2003, page 310 ; voy. ég. R.C.J.B. 2004, page
267, les observations critiques de F. Glansdorff.
Attendu qu’en vertu des articles 1382 et 1383 C.C., lorsqu’un dommage a été causé
par les fautes concurrentes de la victime et du prévenu, celui-ci ne peut, en règle,
être condamné envers la victime à la réparation entière du dommage ;
Attendu   que,   toutefois,   le   principe   général   du   droit   « fraus   omnia   corrumpit »,   qui
prohibe  toute  tromperie  ou  déloyauté  dans le  but de  nuire  ou  de  réaliser un  gain,
exclut que l’auteur d’une infraction intentionnelle engageant sa responsabilité civile
puisse prétendre à une réduction des réparation dues à la victime de cette infraction
en raison des imprudences ou des négligences qu’elle aurait commises ;
Attendu qu’après avoir constaté que le préjudice résultant des préventions C (faux en
écriture et usage de faux) et D (escroquerie) ayant entraîné la condamnation pénale
du défendeur, sur la base desquelles la demanderesse s’était constituée partie civile,
s’élevaient   à   183   millions   de   francs,   l’arrêt   condamne   le   défendeur   à   payer   à   la
demanderesse les 2/3 seulement de ce montant, au motif que celle-ci avait commis
des négligences et des imprudences en relation causale avec le dommage tel qu’il
s’est réalisé ;
Qu’ainsi, la Cour d’Appel n’a pas justifié légalement sa décision ; 
Par ces motifs, La Cour casse l’arrêt attaqué …
179
6. Responsabilité – Discernement – Port d’une casquette en classe
Justice de Paix de FLERON, 6 mai 2003
Attendu   que  Y.A.  est né  le  9 juillet  1993, qu’âgé  de  14 ans, il était donc  doué  de
discernement lors des faits ;
Attendu  qu’il n’est pas contesté qu’il n’est pas permis de porter une casquette  en
classe ;
Attendu que l’attitude de Y.A. a manifestement été fautive puisque, même à suivre
son   copain   M.E.,   il   a   été   grossier   en   tutoyant   la   surveillante   et   il   l’a   poussée
suffisamment fortement pour que la casquette tombe à terre ;
Attendu enfin que le certificat médical, qui date du premier jour ouvrable suivant les
faits,   révèle   des   traces   attestant   de   la   violence   indiscutable   et   inadmissible   de
l’élève ;
Attendu que Y.A. doit dès lors être déclaré responsable du dommage causé par son
comportement   qui   n’est   pas   celui   qu’aurait   adopté   l’élève   normalement   prudent,
diligent et respectueux de ses enseignants ;
Attendu par ailleurs, à supposer que l’éducatrice, qui soutient avoir demandé à Y.A.
d’ôter sa casquette, ce que contestent Y.A. et M.E. dans leurs déclarations faites plus
d’un an après les faits, ait commis une faute en retirant la casquette de Y.A., cette
faute est sans relation causale  avec le dommage subi, lequel a été causé par une
réaction excessive de l’élève qui a bousculé et contusionné l’éducatrice ;
Attendu,   quant   à   la   responsabilité   de   la   mère   de   l’élève,   que   celle-ci   ne   dépose
aucune pièce susceptible de renverser la présomption légale de l’article 1384, al. 2
C.C. ; qu’au contraire, l’attitude de Y.A. démontre un manque de respect caractérisé à
l’égard d’un enseignant et révèle un défaut d’éducation dans le chef de la maman (…)
180
Chapitre 3. Les autres sources d'obligations
81. Les quasi-contrats
Troisième   source  d'obligations,  les  quasi-contrats  sont   régis  par   les  articles   1371  à
1381 du Code civil.
Le   terme   "quasi-contrat"   prête   à   confusion.   La   source   d'obligation   n'est   pas   le   fait
qu'une   personne   ait   presque   conclu   un   contrat.   En   réalité,   si   une   similitude   existe
avec les contrats, c'est uniquement au point de vue des effets des obligations.
Les   quasi-contrats   constituent   des   faits   juridiques,   des   événements   ou   des   actes
accomplis   sans   intention   de   produire   des   effets   juridiques,   mais   qui   en   produisent
néanmoins.
Le Code civil traite d'une part, de la gestion d'affaire (art. 1372 à 1375) et d'autre
part, du paiement indu (art. 1376 à 1381). Il existe de plus un principe général de
droit selon lequel nul ne peut s'enrichir sans cause aux dépens d'autrui, principe dont
les articles 1372 à 1381 sont inspirés.
a) La gestion d'affaire
La gestion d'affaire est l'acte d'une personne qui, sans avoir reçu de mandat à cet
effet,   agit   pour   le   compte   d'un   tiers,   s'ingère   dans   l'administration   du   patrimoine
d'autrui pour lui éviter un préjudice. Le Code civil soumet le gérant d'affaire et le géré,
dénommé maître de l'affaire, à certaines obligations.
La gestion d'affaire ne peut avoir pour objet que des actes urgents, propres à assurer
la conservation ou l'entretien de biens ou de droits appartenant au maître de l'affaire.
A titre d'illustration, citons cet exemple classique : voulant rendre service à un parent
absent, une personne effectue une réparation urgente à la maison de celui-ci, ou paie
une   dette   de   ce   parent   afin   d'éviter   une   saisie.   Voyez   également   J.P.   GRACE-
HOLLOGNE, 11 juillet 2000, J.L.M.B. 2001, page 1544.
b) Le paiement indu
"Tout   paiement   suppose   une   dette   :   ce   qui   a   été   payé   sans   être   dû,   est   sujet   à
répétition", édicte l'article 1235 du Code civil.
Les articles 1376 et suivants développent ce principe : celui qui a reçu (l'accipiens)
indûment un paiement est obligé de restituer l'indu à celui qui a fait ce paiement (le
solvens).
181
c) L'enrichissement sans cause
Nul ne peut, sans juste cause, s'enrichir aux dépens d'autrui. Ce principe général de
notre droit est sanctionné par l'action de in rem verso qui permet à l'appauvri d'agir
contre l'enrichi pour réclamer une indemnisation157.
L'équité constitue assurément le fondement de l'action de in rem verso. Les conditions
d'application de cette action sont au nombre de quatre :
un appauvrissement du demandeur;
un enrichissement corrélatif du défendeur;
l'absence d'une juste cause de cet enrichissement aux dépens d'autrui 158
l'absence de tout autre fondement à la réclamation du demandeur : l'action de
in rem verso a un caractère subsidiaire.
Les exemples sont nombreux dans lesquels une action de in rem verso a été intentée.
Le   plus   souvent,   ces   actions   ont   été   déclarées   non   fondées   parce   qu'un   élément
juridique justifiait soit l'enrichissement, soit l'appauvrissement. L'action a en revanche
été accueillie en faveur de personnes ayant exécuté une obligation alimentaire contre
des débiteurs d'aliments principaux dont il était établi qu'ils auraient été à même de
faire   face   à   leurs   obligations,   les   circonstances   d'espèce   excluant   une   intention
libérale dans le chef des demandeurs.
82. L'engagement unilatéral
Voyez supra, n° 25.
Voyez   également   Stijns,   Van   Gerven   et   Wéry,   Chronique   de   Jurisprudence,   « Les
obligations : les sources », J.T. 1996, pages 692 et 693.
83. L'apparence
Voyez supra n° 39.
Voyez également Stijns, Van Gerven et Wéry, op. cit., pages 693 à 696.
84. La loi
Voyez par exemple les articles 203, 205, 213, 334 et 336 C.C.
157  Le droit de l'appauvri connaît une double limite : le montant de l'appauvrissement et celui de l'enrichissement.
L'appauvri ne peut donc espérer obtenir que la plus faible des deux sommes.
158  Il   existera   une   juste   cause   lorsque   l'enrichi   trouvera   le   droit   de   conserver   l'enrichissement   soit   dans   un   acte
juridique, soit dans la loi elle-même.
182
Chapitre 4. Les modalités des obligations
85. Introduction
Les modalités des obligations sont des éléments qui, n'étant pas de l'essence, de la
nature des obligations, en modifient, en modalisent le caractère, le régime. Ce sont
des   éléments   accidentels   qui   affectent   une   obligation   et   engendrent   des   règles
particulières.
Les  modalités peuvent avoir trait à l'existence de l'obligation  (conditions) ou à son
exigibilité (termes).
Elles peuvent aussi être relatives aux objets ou aux sujets de l'obligation (il ne sera
question ci-dessous que des obligations à débiteurs multiples).
Les  modalités des obligations seront examinées indépendamment de la source  des
obligations   modalisées   (obligations   légales,   contractuelles,   délictuelles,   quasi
contractuelles).
86. La condition
Les obligations conditionnelles sont régies par les articles 1168 et suivants du Code
civil.
La condition est événement futur et de réalisation incertaine. Il en existe de deux
types
La condition résolutoire
La condition suspensive
La   condition   résolutoire159
:   l'événement   futur   et   incertain  suspend
l'anéantissement  de l'obligation. Si l'événement se réalise, l'obligation disparaît et
est censée n'avoir jamais existé. La condition agit avec effet rétroactif : les choses
seront remises dans leur pristin état (art. 1179 C.C.).
Un exemple illustrera ce type de condition : une société placeur de jeux de café prête
une installation stéréophonique à un cafetier sous la condition que celui-ci obtienne la
licence   prévue   par   la   loi   du   7   mai   1999   sur   les   jeux   de   hasard,   qui   lui   permettra
d'exploiter   des   jeux   dans   son   établissement.   Si   la   licence   n'est   pas   obtenue,
l'installation musicale devra être restituée (et la société prêteuse ne pourra pas placer
ses jeux de hasard dans l'établissement).
Voici un autre exemple : contrat de collaboration conclu entre un avocat et un jeune
confrère, sous la condition résolutoire que celui-ci obtienne dans l’année une licence
spéciale en droit fiscal.
159 Que l'on se gardera de confondre avec la clause résolutoire expresse (voy. supra n° 63).
183
Les   étudiants   examineront   la   condition   résolutoire   au   cours   de   droit   social
notamment160.
La condition suspensive : l'événement futur et incertain suspend l'exécution de
l'obligation   (et   non,   selon   l'enseignement   traditionnel,   la   naissance   de   celle-ci)   qui
s'en trouve affectée.
Citons, pour illustrer ce type de condition, l'hypothèse fréquente du contrat de vente
d'un   immeuble   sous   la   condition   suspensive   de   l'obtention   par   l'acheteur   d'un
financement,   ou   la   condition   suspensive   légale   de   surenchère   dans   les   ventes
publiques ou la condition d’obtention d’un permis d’urbanisme affectant la vente d’un
terrain ou encore la condition d’introduction en bourse d’une société insérée dans une
convention entre les actionnaires de cette société.
La Cour de cassation a jugé161 que lorsqu'une obligation est contractée en vertu d'une
convention  sous condition  suspensive, la convention  existe  bien  que  l'exécution   de
l'obligation   soit   suspendue.   Ainsi,   l'obligation   conditionnelle   et   le   contrat   dont   elle
procède peuvent produire certains effets alors que la condition est pendante.
Dans l’exemple de la vente immobilière sous condition d’obtention d’un financement,
l'acheteur   commettrait   donc   une   faute   contractuelle   susceptible   d'entraîner   la
résolution   du   contrat   à   ses   torts,   avec   dommages   et   intérêts,   s'il   négligeait   de
s'occuper activement d'obtenir le prêt.
La   réalisation   de   la   condition   suspensive   entraîne   l'exigibilité   de   l'obligation   qui
devient pure et simple. La condition suspensive, comme la condition résolutoire, agit
avec effet rétroactif (art. 1179).
En   cas   de   défaillance   de   la  condition   suspensive,  l'obligation   ne   devra   jamais   être
exécutée.
Retenons encore que la condition suspensive (la condition résolutoire n’est pas visée
par   l’article   1174   C.C.),   dont  la   réalisation   dépend   exclusivement  de   la   volonté   du
débiteur (condition purement potestative) rend nulle l'obligation modalisée (art. 1174
C.C.) : en effet, dans ce cas, le débiteur ne s'oblige pas réellement; son consentement
fait défaut.
87. Le terme
Les obligations à terme sont régies par les articles 1185 à 1188 du Code civil.
Le terme est un événement  futur  et de  réalisation certaine. Il en existe de deux
types :
le terme  suspensif  : il suspend l'exécution de l'obligation; celle-ci ne devient
exigible   qu'à   l'arrivée   du   terme   (par   ex.,   le   bail   prendra   cours   le   1er  janvier
2009);
160 Voy. J.Clesse, La dissolution du contrat de travail par le jeu de la condition résolutoire, R.C.J.B., 1995, p. 37.
161  Cass.,   15   mai   1986,   R.C.J.B.,   1990,   106   et   note   Gérard,   Ph.,   Vers   une   définition   nouvelle   de   l'obligation   sous
condition suspensive ?
184
le terme  extinctif  : il suspend l'extinction d'une obligation; celle-ci s'éteint à
l'arrivée du terme (par ex., le bail prendra fin au décès du locataire, ou le 31
décembre 2010).
L'article 1187 énonce que le terme est toujours présumé stipulé en faveur du débiteur
(sauf   convention   contraire);   le   débiteur   pourra   donc   en   principe   se   libérer   avant
terme, s'il le souhaite.
L'article 1188 déchoit du terme suspensif le débiteur qui a fait faillite ou qui, par son
fait, a diminué les sûretés qu'il avait données par le contrat à son créancier 162.
Evoquons enfin l'article 1244, al. 2 du Code civil : le juge peut accorder un délai au
débiteur malheureux et de bonne foi, en tenant compte de la situation du créancier et
de celle du débiteur ainsi que des délais dont le débiteur a déjà usé. On parle alors du
terme de grâce (voir infra n° 96).
88. Les obligations à débiteurs multiples
a) Principe : débiteurs conjoints
Lorsqu'il y a pluralité de débiteurs envers un même créancier, la dette se divise en
principe entre les codébiteurs. Ceux-ci sont tenus conjointement et donc divisément,
chacun pour leur part.
La pluralité de débiteurs peut exister dès la naissance de l'obligation ou résulter du
décès d'un débiteur unique.
Lorsque trois personnes s'engagent envers un créancier, par exemple à rembourser
30.000 Euros, sans qu'il soit rien précisé quant à l'obligation à la dette, chacune est
tenue à concurrence de 10.000 Euros.
Un autre exemple fera comprendre que la pluralité de débiteurs ne constitue pas en
elle-même une garantie pour le créancier.
Croyant   se   prémunir   contre   le   risque   de   n'être   pas   intégralement   remboursé,   tel
prêteur demande au gérant d'une SPRL emprunteuse de signer le contrat de prêt en
qualité de représentant de la société d'une part, et en son nom personnel d'autre part.
Aucune mention relative à l'obligation à la dette ne figure dans la convention. Quelque
jour, les remboursements du prêt ne sont plus effectués. Le créancier s'adresse à la
société;   elle   se   révèle   totalement   insolvable.   Le   créancier   dirige   également   sa
demande   à  l'égard  du  gérant  de  la SPRL. Celui-ci  invoque  le  caractère  conjoint  de
l'obligation. La convention ne stipulant rien à ce sujet, il ne doit rembourser que la
moitié de la dette.
Les créanciers ont donc intérêt à être attentifs à la rédaction des contrats. Il eut été
indiqué,   en   l'espèce,   de   préciser   que   le   gérant   s'engageait   solidairement   avec   la
société.
Et nous en venons ainsi aux exceptions à la règle de principe de la division de la
dette en présence de débiteurs multiples.
162  Les   parties   contractantes   pourraient   prévoir,   par   une   clause   expresse   de   leur   convention,   des   causes
supplémentaires de déchéance du terme suspensif .
185
b) La solidarité
Les obligations solidaires sont régies par les articles 1200 et suivants du Code civil163.
La solidarité permet à un créancier ayant plusieurs débiteurs d'une même dette de
réclamer à chacun d'eux la totalité de celle-ci, étant entendu que le créancier ne peut
recevoir qu'une seule fois le paiement. Les débiteurs sont obligés à une même chose,
de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité et que le paiement fait
par un seul libère les autres envers le créancier (art. 1200).
L'obligation   solidaire   est   donc   multiple   en   ce   qui   concerne  les  engagements   des
codébiteurs, mais unique quant à la prestation qui fait l'objet de l'obligation.
En  matière   civile164,  la  solidarité   a  deux  sources  :  la  loi165  ou  la  convention166  (art.
1202). La solidarité n'existe donc que si une loi ou une clause expresse la prévoit.
Du point de vue des effets, on distingue l'effet principal et les effets dits secondaires
de la solidarité.
Effet principal de la solidarité : tous les codébiteurs sont tenus au tout envers le
créancier (obligation à la dette); celui-ci peut s'adresser à celui des débiteurs
qu'il veut choisir, et lui réclamer le paiement intégral.
Effets   secondaires  de   la   solidarité   :   l'article   1206   stipule   que   les   poursuites
faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard
de   tous   et   l'article   1207   que   la   demande   d'intérêts   formée   contre   l'un   des
débiteurs   solidaires   fait   courir   les   intérêts   à   l'égard   de   tous167  (voy.   ég.   les
articles 1205 et 1365 al. 4 C.C.)
L'article 1208 consacre l'opposabilité - par un débiteur au créancier - de moyens de
défense. Le débiteur poursuivi par le créancier peut faire valoir à l'égard de celui-ci
divers arguments pour échapper à une condamnation. Une distinction s'impose :
 moyens de défense communs à tous les débiteurs : le paiement ou la dation en
paiement fait par l'un d'eux, la nullité absolue de l'obligation (illicéité), ...
(Cass.,
163 Nous ne traitons que de la solidarité passive, la solidarité entre les débiteurs. Les articles 1197 à 1199 traitent de la
solidarité entre les créanciers.
164  En  matière commerciale, la Cour de Cassation a consacré le principe de la  solidarité coutumière  des dettes
contractuelles
3 avril 1952, Pas., 1952, l, 498).
165  Voy.   par   ex.   l'article   50   du   Code   Pénal:   "tous   les   individus   condamnés   pour   une   même   infraction   sont   tenus
solidairement des restitutions et des dommages et intérêts". Voy. ég. l’article 222 C.C. ; voy. encore Pierre Moreau,
L’enregistrement des entrepreneurs sous son aspect solidarité, in Le droit des sûretés, CUP octobre 2000, vol. 41, p.
35 : « En vertu de l’article 30bis, §3, de la loi du 27 juin 1969 et de l’article 402, §1 er  du code des impôts sur les
revenus 1992, tels qu’ils ont été modifiés par l’arrêté royal de base de 1998, le commettant qui, pour l’exécution d’un
travail immobilier, fait appel à un entrepreneur qui n’est pas enregistré au moment de la conclusion de la convention,
est solidairement responsable du paiement des dettes fiscales et sociales de ce dernier à concurrence de 85% du prix
total des travaux, hors T.V.A., qui lui sont confiés (35% au profit du fisc et 50% au profit de l’O.N.S.S.).
La   responsabilité   solidaire   est   subordonnée   à   l’absence   d’enregistrement   de   l’entrepreneur   au   moment   de   la
conclusion de la convention. C’est donc la date de l’accord des parties sur l’objet et sur le prix des travaux et non la
date d’entrée en vigueur de cette convention ou celle du début d’exécution des travaux qu’il convient de prendre en
considération pour apprécier l’impact de la législation sur la situation du commettant. »
166 Ou encore, l'engagement unilatéral.
167 En ce qui concerne les notions de prescription et d'interruption de prescription, voy. infra n° 99.
186
 moyens de défense propres à certains débiteurs : le vice de consentement à
l'égard   d'un   des   débiteurs,   la   condition   résolutoire   ou   suspensive   insérée   au
profit d'un des codébiteurs, ...
En revanche, l'article 1294, al. 3 du Code civil énonce que le débiteur solidaire ne peut
pas opposer la compensation de ce que le créancier doit à son codébiteur.
Enfin, les articles 1284 et 1285 du Code civil sont relatifs à la remise de dette et à la
remise du titre faite par le créancier à l'un des débiteurs solidaires et aux effets de
cette remise à l'égard des codébiteurs168.
Une dernière question doit être examinée. Que se passe-t-il en cas de décès d'un des
codébiteurs solidaires ? La règle de principe s'applique : la dette se divise entre les
héritiers.   Supposons   maintenant   que   deux   des   trois   codébiteurs   solidaires   soient
insolvables et que le troisième décède, laissant deux héritiers dont un seul se révèle
solvable. Le créancier ne pourra récupérer, dans ce cas, que la moitié de sa créance.
Illustrations :
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Existe-t-il un palliatif à cette situation ? Voici.
c) L'indivisibilité
Les   articles   1217   et   suivants   du   Code   civil   traitent   des   obligations   divisibles   et
indivisibles.   L'article   1217   énonce   :   "l'obligation   est   divisible   ou   indivisible   selon
qu'elle   a   pour   objet   ou   une   chose   qui,   dans   sa   livraison,   ou   un   fait,   qui   dans
l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle".
Nous distinguerons l'indivisibilité naturelle d'une part et l'indivisibilité conventionnelle
d'autre part :
L'indivisibilité naturelle  : l'obligation n'est pas susceptible d'exécution partielle
en raison de son objet : ainsi en va-t-il de l'obligation de livrer telle machine, tel
168 La matière de la remise de la dette et de la remise du titre sera évoquée dans le chapitre relatif à l'extinction des
obligations (infra n° 97).
187
animal,   de   construire   une   maison,   de   restituer   telle   chose,   ...   On   le   voit,   la
source de l'indivisibilité réside dans la nature des choses.
L'indivisibilité conventionnelle : les parties peuvent convenir de considérer une
obligation   comme   indivisible   alors   que   son   objet   n'est   pas,   à   l'origine,
naturellement   indivisible,   telle   une   obligation   au   paiement   d'une   somme
d'argent.
L'effet de l'indivisibilité consiste en ce que chacun des débiteurs indivisibles est tenu
au   tout   envers   le   créancier   et   il   en   va  de   même   à   l'égard   des   héritiers  des
codébiteurs indivisibles (art. 1222 et 1223).
Nous retrouvons donc l'obligation au tout, effet principal de la solidarité, mais apparaît
en outre un  effet essentiel supplémentaire  qui explique l'intérêt de stipuler dans
les   conventions   la   solidarité   et   l'indivisibilité   des   débiteurs   :   les   héritiers   des
codébiteurs seront également tenus au tout.
Enfin,   l'article   1223   justifie   qu'un   seul   débiteur   puisse   s'engager   indivisiblement   à
l'égard de son créancier. Celui-ci ne devra pas subir, au décès de son débiteur, les
effets de la division du patrimoine et donc, des dettes entre les héritiers.
Illustrations :
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d) Les obligations in solidum
On a constaté qu'il existait des situations dans lesquelles des débiteurs étaient tenus
chacun   au   tout   envers   le   créancier,   sans   qu'il   y   ait   ni   solidarité   (légale   ou
conventionnelle), ni indivisibilité (naturelle ou conventionnelle), et cela en vertu des
règles applicables aux obligations de ces débiteurs169.
169  Voy.   par   ex.   Stijns,   Van   Gerven,   Wéry,   Chronique   de   jurisprudence,   Les   obligations,   J.T.   1999,   p.   831 :
« Contrairement   à   l’unicité   d’objet,   qui   est   typique   de   l’obligation   solidaire,   une   pluralité   d’objets   et   de   liens
obligataires caractérise l’obligation in solidum, chaque dette distincte pouvant avoir sa propre cause et pouvant être
de natures et de montants différents (J.- L. Fagnart, L’obligation in solidum dans la responsabilité contractuelle, sous
Cass.,  15 févr.  1974, R.C.J.B.,  1975, p. 233, n°8). Le  Tribunal de 1ère  instance de Liège rappelle  que l’obligation  in
solidum n’a pas sa source exclusive dans la responsabilité plurale mais qu’elle peut découler de la nature des choses
(ou : « de la nécessité des situations »), et estime que la victime d’un accident tire le droit unique de conserver ses
revenus professionnels malgré son incapacité de travail résultant de la faute d’un tiers, d’une part des règles de la
responsabilité aquilienne et, d’autre part, de son statut d’enseignant de l’Etat ou subventionné par lui (Civ. Liège, 2
févr. 1989, J.L.M.B., 1989, p. 628). »
188
Il en est ainsi, par exemple dans les cas suivants :
obligations   de   deux   personnes   ayant   commis   des   fautes   concurrentes,   de
réparer le dommage causé à la victime (l'art. 1382 C.C. est applicable dans le
chef de chaque fautif);
obligations du conducteur fautif d'un véhicule automobile et de sa compagnie
d'assurance R.C. auto envers la victime (l'un est tenu en vertu de l'art. 1382
C.C.   et   l'autre   en   vertu   de   la   loi   créant   une   action   directe   au   profit   de   la
victime : voir supra n° 40, b);
obligations d'un enfant mineur doué de discernement, ayant causé par sa faute
un dommage à un tiers (art. 1382 C.C.) et des parents de cet enfant envers ce
tiers (art. 1384 C.C.);
obligations des cautions (art. 2025 C.C.; voir infra n° 108);
obligations   du   cocontractant   fautif   (responsabilité   contractuelle)   et   du   tiers
complice (art. 1382 C.C.) envers le créancier de l'obligation contractuelle violée
(voir supra n° 44);
obligations au paiement du loyer du locataire cédant et du cessionnaire du bail
envers le bailleur (voir infra n° 95 ); 
obligations du cédant et du cessionnaire  d'un fonds de commerce  lorsque le
premier a fait promettre au second de payer une dette contractée par le cédant
envers un fournisseur.
Dans ces différents cas, on parle d'obligations in solidum. Les débiteurs sont tenus
chacun au tout envers le créancier, celui-ci n'ayant bien sûr le droit d'obtenir qu'une
seule fois satisfaction. L'effet des obligations in solidum est donc identique à l'effet
principal   de   la   solidarité   et   de   l'indivisibilité,   mais   les   autres   effets   de   ces   deux
institutions leur restent spécifiques.
Tableau comparatif résumé
O° CONJOINTES
O° SOLIDAIRES O° INDIVISIBLES O° IN SOLIDUM
O° in totum
Effets
secondaires
Héritiers
-
-
-
1200 C.C.
1222 C.C.
1206-1207 C.C.
-
-
1223 C.C.
Oui
-
-
e) Obligation à la dette et contribution à la dette
Dans les obligations solidaires, indivisibles et in solidum, les débiteurs sont chacun
tenus   au   tout   envers   le   créancier   et   celui-ci   n'a   droit   qu'à   obtenir   une   seule   fois
satisfaction. Le paiement effectué par un seul des codébiteurs libère les autres envers
le créancier.
Chaque débiteur est donc obligé au tout envers le créancier. C'est ce que l'on appelle
l'obligation à la dette.
189
Un des codébiteurs, interpellé par le créancier, ne pourrait opposer à celui-ci le fait
qu'il existe d'autres codébiteurs avec la conséquence que le créancier devrait diviser
son recours contre ceux-ci170 (Voy. article 1203 C.C.).
La   question   des   relations   des   codébiteurs   entre   eux   n'intervient   que   dans   un
deuxième temps. A concurrence de combien chaque codébiteur doit-il contribuer au
paiement   de   la   dette   ?   C'est   la   question   de   la   contribution   à   la   dette   entre   les
codébiteurs d'une obligation in totum.
Va donc se poser la question du recours exercé par le débiteur solvens (ayant payé) à
l'égard de ses codébiteurs.
Il convient de déterminer la part contributive de chaque codébiteur et le fondement
juridique du recours exercé par le solvens.
En   ce   qui   concerne   les   obligations   solidaires   et   indivisibles,   et   sauf   stipulation
contraire, l'obligation se divise entre les débiteurs qui n'en sont tenus entre eux que
chacun pour sa part et portion (voy. les art. 1213, 1214 et 1216 C.C.).
La question est plus délicate en ce qui concerne les obligations in solidum. Différentes
hypothèses existent dans le détail desquelles nous ne pouvons entrer171.
Quels sont les fondements du recours entre codébiteurs ?
S'il existe un contrat entre les codébiteurs, celui-ci pourrait fonder le recours, fonction
des parts contributives convenues.
Dans les autres cas, le codébiteur solvens disposera d'un recours fondé sur l'article
1251,   3°   du   Code   civil,   relatif   au   paiement   avec  subrogation  (il   s'agit   d'une
subrogation personnelle légale). Le solvens prend la place du créancier désintéressé
et exerce l'action que celui-ci détenait à l'égard des autres codébiteurs.
Si   le   créancier   disposait   de   garanties   de   paiement   à   l'égard   de   certains   des
codébiteurs, le solvens, qui se retrouve à la place du créancier, disposera des mêmes
avantages.
En principe172, l'opposabilité de la subrogation n'est subordonnée au respect d'aucune
formalité.   Le   solvens,   subrogé,   a   toutefois   intérêt   à   avertir   les   codébiteurs   de
l'existence de cette subrogation afin qu'un deuxième paiement ne soit pas effectué au
bénéfice   du   créancier   subrogeant   maintenant   désintéressé   (voy.   infra   n°   96b,   le
commentaire relatif à l'art. 1240 C.C.).
170 Voy. toutefois l'article 2026 du Code Civil relatif au cautionnement, infra n° 108.
171 Voy. par ex. les articles 2028 et s. du Code Civil à propos du cautionnement; l'action récursoire de l'assureur R.C.
automobile en cas de faute grave de l'assuré; le recours entre deux fautifs, fonction de la gravité de leur faute.
172 Voy. toutefois l'article 5 de la loi hypothécaire.
190
Illustration :
C 
D1
D2
D3
D4
Recours de D1 contre D2, D3 et D4 ?
voir article 1214, al. 1 C.C. 
Quid si D2 est insolvable ? 
voir article 1214, al. 2 C.C.
Quid si D1 était le seul débiteur intéressé à la dette ? 
voir article 1216 C.C.
Du Chapitre 4
    : les modalités des obligations
Illustrations
1. Vente immobilière -   Condition suspensive – Octroi d’un prêt – Condition
non réalisée – Faute des acquéreurs
Cour d’Appel de MONS, 18 novembre 1998
Attendu   que   lorsqu’une   obligation   est   contractée   en   vertu   d’une   convention   sous
condition suspensive, la convention existe, bien  que  l’exécution  de  l’obligation  soit
suspendue (Cass., 15 mai 1986, R.C.J.B., 1990, pp. 106 et s.); que si cette obligation
conditionnelle et, a fortiori, le contrat dont elle fait partie produisent certains effets,
même  pendente conditione, encore doit-on considérer qu’en vertu de la suspension
de l’exécution de l’obligation, le créancier ne peut agir contre le débiteur, lequel ne
peut toutefois, par son fait, empêcher la réalisation de la condition et doit même y
collaborer de bonne foi (P. Van Ommeslaghe, « Les obligations », R.C.J.B., 1988, n°
173, p. 71);
Attendu   que   cette   convention   fait   donc   naître   des   droits   et   des   obligations   entre
parties;   que   la   partie   qui   ne   remplit   pas   ses   obligations   peut   être   redevable   de
dommages   et   intérêts   (observations   J.-F.   Jeunehomme   sous   Liège,   30   janv.   1990,
J.L.M.B., 1990, p. 1236);
Attendu   qu’en   l’espèce,   s’imposait   aux   appelants   au   principal   l’obligation
d’entreprendre toutes les démarches utiles à l’obtention du prêt, ce qu’ils ne firent
pas, puisque, de toute évidence, ils ne prirent contact qu’avec la banque d’épargne «
C.O.B.   »,   en   sollicitant   non   un   prêt   hypothécaire   de   600.000   F   mais   bien   un
financement professionnel de 800.000 F, non assorti de garantie particulière, lequel
fut refusé;
191
Attendu   que   dans   de   telles   conditions,   les   appelants   au   principal   ont   commis   une
faute qui, en principe, autorise l’allocation aux vendeurs de dommages et intérêts, la
vente étant de ce fait devenue irréalisable; que ceux-ci doivent être fixés au montant
de 10 % du prix de vente, tel que prévu à l’article 8, alinéa 3, du compromis de vente,
soit 60.000 F;
2. Solidarité – Dommages et intérêts fondés sur une même infraction
Cour d’Appel de LIEGE, 16 janvier 2003, J.T. 2003, page 317
Attendu que le premier juge a estimé que les dettes devaient être divisées entre les
deux   prévenus,   seule   la   moitié   pouvant   être   réclamée   à   M…   M…   faute   de
condamnation solidaire (…)
Attendu   que  l’article  50, alinéa  1er  du  code  pénal  dispose  que  « tous les individus
condamnés pour une même infraction sont tenus solidairement des restitutions et des
dommages-intérêts »;
Attendu   qu’ « une   obligation   est   solidaire   de   la   part   des   débiteurs   lorsque   chacun
d’eux  est  tenu  de  la dette  pour le  tout. Ce  principe  appliqué  aux  restitutions,  aux
dommages-intérêts est de la plus grande équité (voy. Cass., 24 janv. 1924, Pas.,  I,
159).   Il   faut,   avant   tout,   que   la   partie   lésée   soit   indemnisée;   si,   parmi   les   divers
agents d’une même infraction, il se trouve un insolvable, ce n’est certainement pas la
victime   de   l’infraction   qui   doit   en   souffrir   »   (RPDB,   compl   .   IV,   « Infractions   et
répression en général », n° 416); qu’il résulte des termes mêmes de l’article 50 que la
solidarité qu’il établit entre tous les individus condamnés pour une même infraction
s’applique à la totalité des dommages-intérêts dus en réparation du préjudice causé
par cette infraction (…) (idem, n° 420);
Que   «   la   solidarité   pour   les   diverses   réparations   civiles   (...)   existe   de   plein   droit
lorsque les conditions (...) se trouvent réunies. Elle résulte de la loi même et doit être
appliquée aux prévenus, encore bien que le jugement ait omis d’en faire mention. Ce
principe était admis sous le Code pénal de 1810 dont l’article 55 s’énonçait dans les
mêmes termes que notre article 50. Ces deux articles disent, en effet, que tous les
individus condamnés pour  un même crime ou pour un même délit (pour une même
infraction)   seront   tenus   solidairement.   La   loi   ne   dit   pas   seront   condamnés
solidairement (…)
3.   Solidarité   –   Décharge   d’un   codébiteur   moyennant   paiement   partiel   –
Remise de dette
Cour d’Appel de LIEGE, 9 septembre 2003, J.L.M.B. 2004, page 390 et observations S.
BAR
Lorsqu’un   créancier   libère   entièrement   l’un   des   codébiteurs   solidaires   moyennant
paiement   partiel   de   la   dette,   il   s’agit   d’une   remise   de   dette   à   laquelle   s’applique
l’article   1285  du  code  civil.  Les  autres   codébiteurs   solidaires  sont  donc  également
déchargés de leur dette si le créancier n’a pas expressément réservé ses droits contre
eux.
192
Chapitre 5. La transmission des obligations
89. Introduction
Nous   connaissons   maintenant   les   sources   des   obligations   et   nous   savons   que   les
obligations peuvent être pures et simples ou affectées d'une modalité. Il nous faut à
présent nous interroger sur la possibilité de transmettre une obligation, de transférer
une créance ou de céder une dette.
Le Code civil n'a pas édicté des règles générales quant à la cession des créances. Il
n'envisage le transport des créances que dans le cadre de la vente. En effet, ce sont
les  articles   1689   et   suivants,   compris   dans   le   titre   de   la   vente,   qui   régissent   la
matière. Pourtant, une cession de droit entre vifs peut se réaliser à titre onéreux ou à
titre gratuit.
Une créance est un élément du patrimoine et est en principe cessible, comme tout
droit   patrimonial.   Le   transfert   peut   procéder   d'une   vente   ou   d'une   donation,   mais
encore d'une dation en paiement ou d'un échange.
En ce qui concerne la cession de droits à cause de mort, nous renvoyons supra, n° 13.
Quant à la transmission des dettes, elle n'existe, dans notre système juridique, qu'à
titre   universel,   à   cause   de   mort.   Nous   verrons   toutefois   que   certains   mécanismes
permettent d'aboutir à des résultats proches de ceux que pourrait avoir une cession
de dette.
90. La cession de créance
a) Notion
La cession de créance est un contrat par lequel un créancier, le  cédant, transfère sa
créance à une personne, le cessionnaire, qui devient titulaire de la créance à la place
du   premier   et   peut   ainsi   exiger   le   paiement   du   débiteur,   le  cédé,   celui-ci   restant
étranger, tiers, à la convention.
Schématiquement, l’opération peut être représentée ainsi :
Créancier cédant 
cession 
2 
Cessionnaire 
1 
créance 
3 
Débiteur cédé 
193
b) L'objet de la cession
Toutes   les   créances   sont   en   principe   cessibles173.   La   cession   peut   porter   sur   une
créance pure et simple, à terme, conditionnelle ou même future, pour autant qu'elle
soit déterminable.
La créance est cédée telle quelle, pour son montant nominal174, avec ses avantages,
ses qualités, ses accessoires (voy. l'art. 1692 C.C.) et ses inconvénients, c'est-à-dire
les exceptions que peut faire valoir le débiteur cédé (voir infra, d.).
c) Moment du transfert et opposabilité aux tiers
1. Entre les parties
Le transfert se fait, conformément au principe édicté par l'article 1138 du Code civil,
dès l'accord des consentements (Voy. ég. l’art. 1593 C.C.).
2. A l'égard des tiers
Il s'agit ici de la question dite de l'opposabilité de la cession aux tiers.
L'article 1690 C.C. distingue deux types de tiers : le débiteur cédé et les autres tiers.
Il édicte : « La cession de créance est opposable aux tiers autres que le débiteur cédé
par la conclusion de la convention de cession.
La   cession   n'est   opposable   au   débiteur   cédé   qu'à   partir   du   moment   où   elle   a   été
notifiée au débiteur cédé ou reconnue par celui-ci. »
3. Conséquences du défaut d'accomplissement des formalités 
d'opposabilité
L'article 1691 C.C. énonce : « Le débiteur qui a payé de bonne foi avant que la cession
ne lui ait été notifiée ou qu'il l'ait reconnue, est libéré.
Le débiteur de bonne foi peut invoquer à l'égard du cessionnaire les conséquences de
tout acte juridique accompli à l'égard du cédant, avant que la cession ne lui ait été
notifiée ou qu'il l'ait reconnue » (Voy. ég. l’art. 1240 C.C.).
173 Certaines créances sont cependant incessibles (voy. par ex., l'art. 1410, § 2 C.J.). D'autres créances sont cessibles
dans certaines limites seulement (voy. infra n° 93, La cession de rémunération). Voy. ég. l'article 31 de la loi du 12
juillet 1976 relative à la réparation de certains dommages causés à des biens privés par des calamités naturelles. En
outre, certaines règles spéciales sont applicables aux titres dits négociables (titres nominatifs, au porteur et à ordre;
actions et obligations).
174  S'il   s'agit   d'une   vente,   le   prix   de   cession   est   souvent   inférieur   au   montant   nominal   de   la   créance,   mais   le
cessionnaire peut évidemment exiger le paiement intégral de la créance acquise.
194
d) Opposabilité des exceptions (par le cédé au cessionnaire)
Le   cédé   peut   opposer   au   cessionnaire   les   exceptions   qui   sont   nées   avant   que   la
cession ne lui soit devenue opposable. En effet, la créance est transmise par le cédant
au   cessionnaire   telle   qu’elle   est,   avec   ses   avantages   et   ses   inconvénients   (les
exceptions que le cédé pouvait faire valoir à l’égard du cédant). 
Une fois la cession devenue opposable au débiteur, les nouvelles exceptions nées à
l’égard du cédant (par ex., le cédant est devenu débiteur du cédé : voy. l’art. 1295
C.C.) ne peuvent plus être invoquées utilement à l’encontre du cessionnaire.
Voici quelques exemples d’exceptions qu’un débiteur cédé peut songer à invoquer :
le paiement (art. 1691 et 1240 C.C.) 
la remise de dette
la prescription 
la compensation (voy. cependant l’art. 1295 C.C.)
l’exception d’inexécution175.
e) Vente d'une créance - garanties
La   vente   d’une   créance   est   soumise   à   des   règles   particulières   en   ce   qui   concerne
l’obligation de garantie du vendeur, du cédant.
Lorsque la convention de cession ne contient aucune clause particulière à cet égard,
le   cédant   doit   garantir   au   cessionnaire   l’existence   de   la   créance,   mais   non   la
solvabilité du cédé (art. 1693 C.C.).
La convention peut contenir une clause extensive de garantie, le cédant s’engageant
à garantir la solvabilité du débiteur cédé au moment de la cession (art. 1694 C.C.),
voire  la  solvabilité  future  du  cédé  (art. 1695 C.C.). Mais cette  garantie  ne  peut  en
aucune   façon   être   donnée   à   concurrence   d’un   montant   supérieur   au   prix   de   la
cession176.
91. L'endossement de factures
Les articles 13 s. de la loi du 31 mars 1958 (modifiée le 6 juillet 1994) énoncent : 
Art. 13. Toute créance née d'activités professionnelles, commerciales ou civiles et qu'il
est   d'usage   de   constater   par   une   facture   peut   être   cédée   ou   donnée   en   gage   par
endossement de cette facture ou d'une copie certifiée conforme de celle-ci.
175  L’exception   d’inexécution   est,   selon   la   jurisprudence   de   la   Cour   de   cassation,   inhérente   aux   contrats
synallagmatiques et peut être opposée par le cédé au cessionnaire, quand bien même l’inexécution de l’obligation du
cédant à l’égard du cédé serait postérieure au moment où la cession est devenue opposable au cédé : cette exception
existe en germe, en puissance, dès la conclusion du contrat et donc avant que la cession d’une des créances nées de
ce contrat soit réalisée et rendue opposable aux tiers.
176 L’article 1694 est d’ordre public ou à tout le moins impératif. Un exemple illustrera notre propos : un cédant vend sa
créance de 250 euros au prix de 200 euros, avec clause de garantie de solvabilité. Le cessionnaire est en droit d’exiger
250 euros du cédé. Celui-ci se révèle insolvable. Le cessionnaire ne pourra faire valoir la clause de garantie à l’égard
du cédant qu’à concurrence de 200 euros, quand bien même la garantie serait donnée à concurrence de 250 euros.
195
La facture doit être datée et mentionner l'identité du créancier et du débiteur, ainsi que
le prix de chaque fourniture ou prestation dont résulte la créance et le montant total de
celle-ci.
Art. 14. L'endossement doit, à peine de nullité  :
a) Mentionner le nom de l'endossataire;
b) Etre daté et signé par l'endosseur;
c) S'il constitue un nantissement, l'indiquer expressément.
Art.  15.  L'endossement   n'est   valable   que   s'il   est   fait   initialement   au   profit
d'établissements   de   crédit   agréés   dans   un   Etat   membre   de   la   Communauté
européenne ainsi qu'à des établissements financiers définis par arrêté royal.
Les endossements successifs sont interdits.
Art. 16. L'endossement de la facture est notifié au débiteur par un avis d'endossement
écrit.   Cet   avis   mentionne   que,   dès   sa   réception,   le   débiteur   ne   peut   se   libérer
valablement qu'entre les mains de l'endossataire.
La cession et la mise en gage de la créance sont opposables aux tiers par le seul fait
de l'endossement de la facture.
L'article 1690, alinéas 3 et 4, du Code civil est applicable.
92. Le factoring ou affacturage
Certaines entreprises font profession «d’acheter» des créances 177.
Sans entrer dans les détails et nuances d’une matière qui relève du droit commercial178,
retenons que le factoring est essentiellement une opération par laquelle, dans le cadre
d’une  convention, un  organisme  spécialisé, la société  de  factoring, le  factor,  gère   les
comptes   clients   de   commerçants,   d’entreprises   (les   fournisseurs)   en   acquérant   leurs
créances,   en   assurant   leur   recouvrement   pour   son   propre   compte   en   supportant   les
pertes   éventuelles   provoquées   par   des   débiteurs   insolvables.   Ce   service   permet   aux
entreprises qui y recourent d’améliorer leur trésorerie et de réduire leurs frais de gestion.
Il est rémunéré par une commission sur le montant des factures. Les factors assurent
généralement le financement de l’opération dès le transfert de la créance.
En Belgique, la cession de créance, support juridique du factoring, se fait dans le cadre de
la loi du 31 mars 1958 relative à l’endossement des factures.
93. La cession de rémunération
L’examen de cette question relève à la fois du droit judiciaire et du droit social, mais
son intérêt est tel qu’il nous paraît nécessaire de l’évoquer brièvement ici.
177  Plusieurs   modes   de   transmission   des   créances   s’offrent   à   ces   entreprises,   à   ces   factors.   Voy.   D.   P HILIPPE,  La
subrogation : support juridique du factoring en Belgique ?, J.T., 1980, 233 et s.
178 Nous renvoyons au Traité pratique de droit commercial, op. cit, 439 et s.
196
La   matière   revêt   en   effet   une   importance   pratique   considérable,   car   la   créance   à
l’égard de l’employeur, la créance de rémunération, est assurément une créance dont
une multitude de personnes est titulaire.
Peut-on, sans limite, céder en paiement ou en garantie cette créance à ses propres
créanciers et risquer ainsi de ne plus percevoir de rémunération, peut-être pendant
plusieurs mois ? (Voy. infra n° 96 c, le mécanisme de la saisie arrêt).
Le législateur a entendu protéger le créancier de rémunérations contre lui-même et
contre ses propres créanciers.
Nous renvoyons le lecteur aux articles 27 à 35 de la loi du 12 avril 1965 concernant la
protection   de   la   rémunération   des   travailleurs.   Il   constatera   que   la   cession   de
rémunération   est   réglementée   de   façon   stricte   et   que   des   formalités   et   délais
assurent la protection du cédant.
On se gardera de confondre le mécanisme de la cession de rémunération et celui de la
saisie-arrêt. Ces deux mécanismes entrent fréquemment en concours : en pratique, il
n’est   pas   rare  qu’une   même   personne  soit   à  la  fois  débiteur  saisi  à   l’égard  de   tel
créancier et cédant de rémunération  à l’égard  de tel autre, l’employeur étant tiers
saisi   et  débiteur   cédé.  La   réponse  à   la  question   de   savoir   qui   du   saisissant   ou   du
cessionnaire sera payé par l’employeur dépend du moment auquel saisie et cession
ont été réalisées.
Signalons   enfin   que   l’article   1409   du   Code   judiciaire   détermine   les   quotités
saisissables et cessibles de la rémunération (Voy. infra, n° 96).
Illustration :
créance 
cession de rémunération 
Créancier 
saisissant 
Employé 
Banque 
cessionnaire 
saisie-arret 
Employeur 
notification 
de la cession 
94. La cession de dette
Si la cession de créance s'opère sans le concours du débiteur (il lui est en principe
indifférent   d'être   débiteur   du   cédant   ou   du   cessionnaire),   on   ne   conçoit   pas   qu'un
débiteur   puisse   céder,   entre   vifs,   sa   dette   et   imposer   à   son   créancier   un   autre
débiteur, peut-être moins solvable.
La cession de dette entre vifs n'existe donc pas en droit belge.
Certains mécanismes permettent cependant d'aboutir à des résultats proches de ceux
que pourrait produire une cession de dette.
197
a) La délégation simple
La délégation simple ou délégation imparfaite est l'acte par lequel une personne, le
délégant,   obtient   d'une   autre   personne,   le  délégué,   qu'elle   s'engage   envers   une
troisième, le délégataire, qui accepte cet engagement.
Lorsque   le   délégant   est   initialement   débiteur   du   délégataire   et   que   le   délégué
s'engage à payer la dette du premier à l'égard du deuxième, ce qu'accepte celui-ci,
l'opération   ainsi   réalisée   ressemble   à   une   cession   de   dette.   Mais   la   différence
fondamentale   entre   la   délégation   et   une   cession   de   dette   consiste   en   ce   que   le
débiteur initial, le délégant, reste tenu à l'égard du créancier, le délégataire (voy. l’art.
1275 C.C.).
Celui-ci a dorénavant deux débiteurs tenus in solidum.
L'engagement pris par le délégué envers le délégataire est abstrait, détaché de sa
cause, indépendant de l'accord  conclu entre délégué et délégant, ainsi que du lien
initial   délégataire-délégant.   En   conséquence,   le   délégué   ne   peut   opposer   au
délégataire les exceptions tirées de sa relation avec le délégant : il y a inopposabilité
des exceptions.
Certaines institutions commerciales ont été analysées comme étant constitutives de
délégation   (la   lettre   de   change,   le   chèque,   les   garanties   à   première   demande,   les
cartes de crédit, ... ).
b) La délégation novatoire ou novation par changement de 
débiteur
Il   y   a   novation   par   changement   de   débiteur179,   délégation   novatoire   ou   encore,
délégation parfaite lorsque le débiteur demande à une tierce personne de s'obliger
personnellement envers le créancier à payer sa dette et que ce créancier accepte le
nouveau débiteur en déchargeant l'ancien (art. 1271, 2° et 1275 C.C.).
La   novation,   à   la   différence   de   la   délégation   imparfaite,   implique   que   le   créancier
libère, décharge expressément l'ancien débiteur.
Le mécanisme, dont l'effet s'apparente à celui qu'aurait une cession de dette, n'est
pas   fréquemment   utilisé   :   le   créancier   préfère   évidemment   conserver   le   premier
débiteur et avoir dès lors deux débiteurs tenus in solidum (délégation simple).
179 Il existe aussi une novation par changement de créancier et une novation par changement de dette.
c) La stipulation pour autrui
198
Nous avons examiné ce mécanisme (supra n° 40).
Supposons qu'une personne, dénommée le cédant, vende son fonds de commerce à
un acheteur, dénommé le cessionnaire, qui s'engage, à l'égard du premier, à prendre
en charge toutes les dettes de celui-ci, relatives au commerce cédé, et existant au
moment de la cession. Nous sommes en présence d'une stipulation pour autrui, les
tiers bénéficiaires étant les créanciers du cédant. Ceux-ci voient naître dans leur chef,
par l'effet de la stipulation pour autrui, un droit direct contre le promettant, contre le
cessionnaire, qui est dorénavant tenu à leur égard de payer les dettes du cédant. Mais
ce cédant n'est évidemment pas libéré de ses obligations à l'égard des créanciers, de
telle sorte que l'on ne peut parler en l'espèce de cession de dette.
L'opération   ressemble,   sous   certains   aspects,   à   la  délégation   imparfaite,   mais   s'en
différencie   notamment   en   ce   qui   concerne   la   question   de   l'opposabilité   des
exceptions.
Illustration :
cession du fond de commerce 
Stipulant 
Cédant 
Promettant 
Cessionnaire 
Créancier 
Tiers bénéficiaire 
droit direct... 
95. La cession de contrat synallagmatique
Notre   droit  ne   comprend  pas  de  dispositions  générales applicables à  la  cession   de
contrat   synallagmatique180.   Il   existe   cependant   de   nombreuses   situations   dans
lesquelles un ou plusieurs contrats synallagmatiques est ou sont cédés.
Ainsi en va-t-il lorsqu'il y a cession d'un fonds de commerce comprenant les contrats
en cours, lorsqu'il y a cession d'un contrat de bail, ...
180 Certaines lois comportent cependant des dispositions spécifiques relatives à la cession de contrat: voy. la loi du 30
avril 1951 sur les baux commerciaux (art. 10 et 11), la loi du 7 novembre 1988 sur les baux à ferme (art. 30 et s.),
l'article 1717 du Code civil (modifié par la loi du 20 février 1991), l'article 4 des règles particulières aux baux relatifs à
la résidence principale du preneur, formant la section 2 du chapitre du Code civil relatif au louage de choses, la loi du 9
juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances (art. 25), l’AR. du 19 avril 1978 rendant obligatoire la
convention collective de travail n° 32 du 28 février 1978 relative au maintien des droits des travailleurs en cas de
changement d'employeur du fait d'un transfert conventionnel d'entreprise.
199
Certaines lois spéciales pourraient organiser la cession. Il en va ainsi des articles 759
et  suivants   du   code   des   sociétés   relatifs   aux   apports   d’universalité   ou   de   branche
d’activité d’une société à une autre. La matière relève du droit commercial.
De   notre   point de vue de civiliste, il convient de  distinguer, dans cette cession  de
contrats synallagmatiques, les composantes actives des composantes passives. Une
telle   cession   de   contrat   synallagmatique   comporte   donc   un   aspect   "cession   de
créance" et un aspect "cession de dette"181.
Illustrons notre  propos et examinons la  cession d'un contrat de bail  d'un immeuble
non affecté à la résidence principale du locataire.
Ce locataire souhaite céder son bail à un cessionnaire, c'est-à-dire lui transférer les
créances et les obligations résultant du contrat de bail.
Entre les parties, le nouveau locataire, le cessionnaire, devient créancier à la place du
premier locataire, le cédant. Le cessionnaire est dorénavant tenu des obligations du
cédant, à la place de celui-ci. Puisqu'il s'agit d'une cession, le cédant n'est pas tenu, à
l'égard   du cessionnaire, des obligations d'un bailleur. La situation  est, à cet égard,
différente de celle qui naît d'une sous-location.
Telle est donc la situation entre les parties à la cession de bail. Vis-à-vis des tiers, et
spécialement à l'égard du  bailleur, la cession de bail doit être décortiquée : il s'agit
d'une   part,   d'une   cession   de   créances   (droit   de   jouir   des   lieux,   droit   d'exiger   du
bailleur qu'il effectue les grosses réparations,...)   et d'autre  part, d'une "cession de
dettes"   (obligation   de   payer   le   loyer,   obligation   d'entretenir   les   lieux,   de   faire   les
petites réparations, ... ).
Le bailleur conservera le droit de réclamer le paiement du loyer au cédant, qui n'est
pas libéré. Le bailleur a-t-il le droit de réclamer le paiement des loyers au cessionnaire
et d'exiger de lui qu'il effectue certaines réparations ? Quel serait le fondement d'une
telle réclamation ? Il pourra s'agir de la délégation simple ou de la stipulation pour
autrui, en fonction des éléments de fait.
181 Il a été jugé que la fusion d'une société par absorption entraînait de plein droit et sans formalités, transfert de tout
l'actif et de tout le passif de la société absorbée à la société absorbante, en ce compris les contrats en cours. La
société absorbante est donc l'ayant cause universel de la société absorbée. Cette solution ne s'applique pas à l'apport
d'une branche d'activités consenti par une société à une autre.
Illustrations
Du chapitre 5
200
1. Cession de créance – Endossement de factures – Effets
Cour d’Appel de LIEGE, 6 janvier 2004, J.T. 2004, page 199
Attendu que l’endossement de factures notifié régulièrement au facturé oblige celui-ci
à se libérer de l’incontestablement dû entre les mains du cessionnaire de la créance à
compter du jour où le cédé a connaissance de la cession de créance ;
Que cependant, la cession de créance, par endossement de facture, ne prive pas le
débiteur cédé du droit d’opposer à la demande de paiement tous les moyens nés de
l’inexécution ou de la mauvaise exécution de l’objet facturé, quelle que soit la date où
le débiteur découvre ce défaut ;
Attendu que la cession de créance ne transfère au cessionnaire que les droits que le
cédant détient contre le cédé, affectés de tous les éventuels moyens que le cédé peut
opposer au cédant du fait du contrat dont sa dette est cédée ;
Que la cession de créance ne peut donner au cessionnaire plus de droits que n’en
avait le cédant ;
Qu’elle ne peut pas plus mettre à charge du cédé plus d’obligations qu’il n’en avait
envers le cédant ;
Attendu que la cession de créance, conclue entre le cédant et le cessionnaire, sans le
concours   du   cédé   qui   en   reçoit   notification,   ne   peut   faire   naître   une   obligation
contractuelle nouvelle du cédé envers le cessionnaire.
(…)
2.   Délégation   –   Honoraires   d’avocat   –   Assurance   protection   juridique   –
Obligations du client et de l’assureur
Tribunal civil de NIVELLES, 12 décembre 1991, JLMB 1992, page 1024
Lorsque l’avocat a été investi de sa mission directement par le client, un contrat s’est
noué et le client est incontestablement débiteur d’honoraires.
Le fait que l’assureur puisse aussi être considéré comme débiteur des honoraires de
l’avocat   n’est   en   rien   susceptible   de   décharger   le   client   de   ses   obligations
personnelles   de   cocontractant,   à   défaut   de   novation   et   donc,   notamment,   de   la
preuve de l’intention, dans le chef de l’avocat, de libérer le client de toute obligation.
La relation client assuré, assureur de protection juridique, avocat, peut s’analyser en
une délégation (article 1275 C.C.).
Le   fait   pour   l’avocat   d’adresser   son   état   de   frais   et   honoraires   directement   à
l’assureur   n’emporte   pas   renonciation   de   l’avocat   à   considérer   son   client   comme
restant débiteur de ses honoraires.
201
3. Novation – Changement de débiteur – Accord du créancier nécessaire 
Justice de Paix de TOURNAI, 7 janvier 2003, JLMB 2003, page 1518
La circonstance que les paiements de certaines mensualités d’un prêt à tempérament
furent effectués à partir d’un compte ouvert au nom de la société constituée par le
débiteur   postérieurement   à   l’octroi   du   crédit,   ne   constitue   pas   une   présomption
sérieuse ou grave de la volonté et de l’accord de la banque de lui substituer cette
société en qualité de débiteur.
202
Chapitre 6. L'extinction des obligations
INTRODUCTION
Les règles que nous examinerons ou évoquerons ici s'appliquent en principe à toutes
les obligations, quelle que soit leur source.
C'est cependant dans le titre III du livre III du Code civil, consacré aux contrats et aux
obligations   conventionnelles   en   général,   que   se   trouvent   les   articles   relatifs   à
l'extinction des obligations (art. 1234 et s.).
L'article   1234   énumère   les   modes   d'extinction   des   obligations,   "Les   obligations
s'éteignent :
par le paiement,
par la novation,
par la remise volontaire,
par la compensation,
par la confusion,
par la perte de la chose,
par la nullité ou la rescision,
par l'effet de la condition résolutoire, qui a été expliquée au chapitre précédent,
par la prescription qui fera l'objet d'un titre particulier".
A cette énumération pourraient être ajoutés la dation en paiement, l'arrivée du terme
extinctif182, la renonciation183, la survenance d'une cause étrangère libératoire 184, dans
certains cas le décès185, les déchéances186 et la caducité187
96. Le paiement
Le paiement constitue le mode normal d'extinction des obligations puisque celles-ci
sont nées pour être exécutées, du moins lorsqu'il s'agit d'obligations contractuelles.
182 Voy. supra n° 87.
183 "La renonciation peut être définie comme un acte juridique, procédant d'une manifestation unilatérale de volonté,
par lequel une personne abandonne un droit qui lui appartient" (P. VAN OMMESLAGHE-, Rechtsverwerking en afstand
van recht, T.P.R., 1980, 735 et s).
184 Voy. supra n° 66..
185 Voy. supra n° 13.
186  Les   déchéances   peuvent   se   définir   comme   la   perte   d'un   droit   ou   d'une   prérogative   à   titre   de   sanction   d'un
comportement jugé fautif. Elles doivent être prévues par un texte de loi (voy. par ex. l’art. 792 C.C., ainsi que les art.
32   à   34   de   la   loi   du   8   avril   1965   relative   à   la   protection   de   la   jeunesse,   concernant   la   déchéance   de   l'autorité
parentale) ou une disposition conventionnelle (de telles clauses figurent dans les polices d'assurances).
187 P.A. FORIERS, « La caducité des obligations contractuelles par disparition d’un élément essentiel à leur formation »,
BRUYLANT 1998.
Nous n'entrerons pas ici dans le détail de la matière et nous nous contenterons de
répondre brièvement, et de façon incomplète, à quelques questions :
203
Par qui le paiement peut-il être fait ?
Qui peut le recevoir ?
Un tiers peut-il s'opposer au paiement ?
Le créancier peut-il refuser le paiement ?
Que faut-il payer ?
Comment les paiements s'imputent-ils ?
a) Par qui le paiement peut-il être fait ?
Le débiteur, bien sûr, ou son représentant. Mais l'article 1236 énonce en outre qu'"une
obligation   peut   être   acquittée   par   toute   personne   qui   y   est   intéressée,   telle   qu'un
coobligé   ou   une   caution".   Et   l'alinéa   2   de   cet   article   ajoute   que   "l'obligation   peut
même être acquittée par un tiers qui n'y est point intéressé (...)".
Toutefois, "l'obligation de faire  ne peut être  acquittée par un tiers contre  le gré du
créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu'elle soit remplie par le débiteur lui-même"
(art. 1237 : rappelons-nous les obligations intuitu personae).
b) Qui peut recevoir le paiement ?
Le   créancier,   pour   autant   qu'il   soit   capable   de   recevoir   (art.   1241),   ou   son
représentant.   Le   paiement   fait   erronément   à   une   personne   dénuée   du   droit   de   le
recevoir ne libère pas le débiteur envers le créancier ("qui paie mal, paie deux fois").
Ce   débiteur   disposera   cependant   d'une   action   en   répétition   de   l'indu   contre
l'accipiens.
Par exception, dans trois cas, le paiement fait à une personne sans qualité pour le
recevoir sera valable :
si le créancier ratifie ce paiement (art. 1239, al. 2) : la ratification équivaut à un
mandat;
si le créancier en a profité (art. 1239, al. 2);
si   le   débiteur   a   payé   de   bonne   foi   à   un   tiers   qui   était   en   possession   de   la
créance (art. 1240 C.C.). 
La   bonne   foi   consiste   ici   dans   la   croyance   du  solvens  à   la   qualité   de   véritable
créancier  de l'accipiens.  Etre   en  possession  de  la créance  ne signifie   pas  posséder
l'instrumentum constatant la créance, mais bien passer aux yeux de tous pour être le
titulaire de la créance alors qu'on ne l'est pas (voici une nouvelle illustration du rôle de
l'apparence en droit civil). Un héritier apparent peut passer aux yeux des tiers pour
être   créancier.   Le   cédant   d'une   créance,   de   même,   peut   être   considéré   comme
créancier du débiteur cédé par les tiers auxquels la cession ne serait pas opposable.
c) Un tiers peut-il s'opposer au paiement ?
204
Exceptionnellement, oui. Nous ne ferons ici allusion qu'à la saisie-arrêt, mécanisme
d'une   utilité   pratique   considérable,   et   quotidiennement   mis   en   oeuvre   par   les
créanciers dont les débiteurs ont eux mêmes un débiteur188.
La saisie-arrêt permet aux créanciers de s'opposer à ce qu'un débiteur de leur propre
débiteur   paie   ce   qu'il   doit   à   celui-ci.   Mais   cette   opposition   ne   donnerait   pas
satisfaction aux créanciers s'ils ne pouvaient espérer obtenir directement le montant
dû à leur débiteur.
Une banque exige de Primus le remboursement de telle dette échue. Primus reste en
défaut   de   s'exécuter.   Supposons   en   outre   que   Primus   soit   employé   au   service   de
Secundus. Celui-ci est donc débiteur de rémunérations à l'égard de Primus. Deux liens
de droit apparaissent, le premier qui unit la banque à Primus, la créance cause de la
saisie, le second, qui unit Primus à Secundus, la créance objet de la saisie.
La banque pourra, en exerçant une saisie-arrêt, faire défense à Secundus de payer à
Primus ce qu'il lui doit et demander que le paiement lui soit fait directement 189.
BANQUE
Créancier saisissant
    créance
PRIMUS
débiteur saisi
                                                    saisie-arrêt                               contrat d’emploi
SECUNDUS
Tiers saisi
On   peut   ainsi   définir   la   saisie-arrêt   comme   étant   l'acte   par   lequel   un   créancier,  le
saisissant, fait défense au débiteur, le tiers saisi, de son débiteur, le débiteur saisi, de
se dessaisir de ce qu'il doit en d'autres mains que celles du créancier saisissant. La
saisie-arrêt   constitue   le   mode   de   saisie   des   créances 190  d'un   débiteur   puisque   ces
188 Il faut se garder de confondre saisie-arrêt et action oblique. Les développements consacrés ici à la première et ceux
réservés
n° 42 à la seconde mettent en évidence leurs différences essentielles.
189 L’article 1409 du Code judiciaire stipule que les sommes payées en exécution d’un contrat de louage de travail (...)
ne peuvent être cédées ou saisies que dans certaines limites. Celles-ci ont fait l’objet de modifications successives
tenant compte notamment du coût de la vie. Au 1er janvier 2008, l’on peut résumer l’article 1409 du Code judiciaire en
dressant le tableau suivant :
supra
Rémunération mensuelle nettePartie cessible / saisissableMaximumJusqu’à 944,00 eurosAucune retenue-De 944,01 à
1014,00 euros20% de la somme comprise entre ces deux montants14,00 eurosDe 1014,01 à 1119,00 euros30% de la
somme comprise entre ces deux montants31,50 eurosDe 1119,00 à 1224,00 euros40% de la somme comprise entre
ces   deux   montants42,00   eurosPlus   de   1224,00   eurosToutillimitéSoulignons  encore   que  ces  limitations   ne  sont   pas
applicables lorsque la cession ou la saisie sont opérées en raison d’obligations alimentaires prévues par les articles
énumérés à l’article 1412 du Code judiciaire.
190 Les meubles font l’objet de saisies mobilières (conservatoires, art. 1422 à 1428 C.J. ou exécution, art. 1499 à 1528
C.J.) et les immeubles, de saisies immobilières (conservatoires, art. 1429 à 1444 C.J. ou exécution, art. 1560 à 1626
C.J.)
205
créances font partie du patrimoine de ce débiteur et peuvent donc en principe être
saisies par les titulaires du droit de gage général que sont les créanciers.
Nous ne pouvons envisager de détailler ici les règles applicables à la saisie-arrêt. Il
nous   faut   cependant   distinguer   d'une   part,   la   saisie-arrêt  conservatoire  et   d'autre
part,   la   saisie-arrêt  exécution.   La   première,   comme   le   qualificatif   l'indique,   tend   à
empêcher le débiteur de percevoir sa créance  et d'en disposer à sa guise. Le tiers
saisi ne peut plus se dessaisir de ce qu'il doit au débiteur saisi et devra adresser au
créancier   saisissant   une   déclaration   précise,   énonçant   avec   exactitude   tous   les
éléments utiles à la détermination des droits des parties (art. 1452 C.J.).
 191 et lui permettra
La seconde sera exercée par le créancier nanti d'un titre exécutoire
de  percevoir  directement les sommes dues par le tiers saisi  au  débiteur saisi. Une
saisie-arrêt   conservatoire   ne   doit   pas   nécessairement   précéder   la   saisie-arrêt
exécution.
Dans   les   deux   cas,   la   créance   saisie,   mise   sous   la   main   de   la   justice,   est   rendue
indisponible. Le tiers saisi ne peut plus valablement payer le débiteur saisi. Le tiers
saisi ne pourrait non plus prétendre, à l'égard du créancier saisissant, que sa dette
s'est   éteinte   par   compensation   avec   une   créance   qu'il   aurait   acquise   contre   le
débiteur saisi postérieurement à la saisie-arrêt (art. 1298 C.C.).
Enfin,   la   saisie-arrêt   ne   confère   pas   de   droit   de   préférence   au   premier   créancier
saisissant; aussi l'indisponibilité résultant de la saisie est-elle totale.
d) Le créancier peut-il refuser le paiement ?
Le créancier pourrait refuser le paiement offert par son débiteur en faisant valoir sa
non conformité aux termes de l'obligation, parce  qu'il craindrait qu'une acceptation
soit interprétée comme constitutive d'une reconnaissance préjudiciable. Ce refus peut
être   de   nature  à   aggraver  la  situation  du  débiteur.   Aussi,  le  code  organise-t-il   une
procédure permettant au débiteur de se libérer : ce sont les offres réelles de paiement
et la consignation (art. 1257 à 1264 C.C.).
e) Que faut-il payer ?
Les articles 1243 et 1244, al. 1 nous donnent la réponse : "le créancier ne peut être
contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de la
chose offerte soit égale ou même plus grande" et "le débiteur ne peut point forcer le
créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette, même divisible".
Bien entendu, le créancier pourrait renoncer à exiger du débiteur le respect de ces
textes  et  accepter  en  paiement  une   chose   autre   que   la chose  due  (il   y aura   alors
dation en paiement) ou accorder des délais de paiement au débiteur.
En outre, le juge, par exception à la règle de l'article 1244, al. l, "peut néanmoins,
nonobstant toute clause contraire, eu égard à la situation des parties, en usant de ce
pouvoir avec une grande réserve et en tenant compte des délais dont le débiteur a
déjà   usé,   accorder   des   délais   modérés   pour   le   paiement   et   faire   surseoir   aux
191 Cette notion a été précisée supra n° 12.
206
poursuites,   même   si   la   dette   est   constatée   par   un   acte   authentique,   autre   qu'un
jugement" (art. 1244, al. 2).
L'article 1220 du Code civil énonce une règle identique à celle contenue dans l'article
1244,  al.  1 "l'obligation  qui  est susceptible  de  division, doit être  exécutée  entre   le
créancier et le débiteur comme si elle était indivisible".
Le   principe   de   l'indivisibilité,   consacré   par   ces   dispositions,   souffre   cependant,   lui
aussi, diverses exceptions.
Nous savons déjà que le juge peut accorder des termes et délais de paiement
au débiteur dit malheureux et de bonne foi.
Une deuxième exception réside dans le mécanisme de la compensation.
Une troisième trouvera à s'appliquer en cas de décès du débiteur : la dette se
divisera en principe entre les héritiers (art. 1220 C.C. in fine).
Enfin,   les   règles   du   cautionnement   peuvent   imposer   au   créancier   de   recevoir   un
paiement partiel (voy. art. 2026 relatif au bénéfice de division).
f) Comment les paiements s'imputent-ils ?
Les   articles   1253   à   1256   du   Code   civil   règlent   la   façon   dont   il   faut   imputer   les
paiements   faits   par   un   débiteur   tenu   de   plusieurs   dettes   de   même   objet
(essentiellement de l'argent) envers un créancier. Nous y renvoyons.
*
*               *
Remarques quant à différents modes d'extinction des obligations.
Nous avons évoqué l'institution du paiement avec subrogation (supra n° 88, obligation
à la dette et contribution à la dette, recours du codébiteur  solvens). Il y aurait bien
d'autres  développements à consacrer  à la subrogation  personnelle, conventionnelle
(art. 1250 C.C.) ou légale (art. 1251 C.C.).
La   matière   de   la  novation  n'a   été   que   très   partiellement   abordée   (supra   n°   94)
puisque nous n'avons envisagé qu'un seul type de novation, et que l'article 1271 du
Code civil annonce qu'elle peut s'opérer de trois manières : par changement de dette,
de débiteur ou de créancier. Nous nous contenterons cependant du bref aperçu que
nous avons donné de la novation par changement de débiteur.
L'article 1300 du Code civil définit la confusion et son effet : la réunion des qualités de
créancier et de débiteur dans le chef d'une même personne provoque l'extinction de
la dette192.
Nous avons  traité  incidemment de  la perte  de la chose. Nous renvoyons  à l'article
1302 du Code civil.
192 Supposons qu'un locataire hérite de la propriété de l'immeuble loué au décès du bailleur.
207
La nullité et la rescision ont fait l'objet des numéros 35 et 36.
La condition résolutoire a été définie supra n° 86.
La  remise   volontaire,  la  compensation  et la  prescription  extinctive  feront l'objet de
brefs développements (infra n° 97, 98 et 99).
97. La remise volontaire
D'emblée, une distinction en forme de mise en garde s'impose. Sous un titre unique -
de la remise de la dette - le Code civil traite en réalité, aux articles 1282 et suivants,
de  deux  choses bien  distinctes : de  la  remise  de  dette  d'une part, et de la  remise
d'écrits  constatant   une   créance,   en   édictant   alors   des   présomptions   de   libération,
d'autre part.
La  remise   de  dette  entre  vifs193  est un contrat  (voy. les termes de  l'art.  1285 : "la
remise   ou   décharge   conventionnelle");   elle   suppose   l'accord   du   débiteur   sur   la
libéralité que le créancier propose de lui faire en ne réclamant pas son dû.
Il faut constater que le Code civil ne définit pas la remise de dette et qu'il ne fournit
d'indications à son égard qu'incidemment. Essentiellement, il traite des effets de la
remise de dette en cas de pluralité de débiteurs (solidarité ou cautionnement).
Les  articles  1282 et 1283  ne   concernent  pas  la remise   de   dette   et l'on   peut  donc
s'étonner   de   leur   présence   dans   la   section   du   Code   civil   qui   y   est   consacrée.   Ces
articles  édictent des présomptions, non pas de remise de dette, mais de  libération
(celle-ci pouvant provenir bien sûr d'une remise de dette, mais aussi d'un paiement ou
d'une dation en paiement).
L'article 1282 édicte : "la remise volontaire du titre original sous signature privée, par
le créancier au débiteur, fait preuve de la libération".
Il   s'agit   là   d'une   présomption   irréfragable   de   libération.   Si   le   créancier   a   remis
volontairement à son débiteur la seule preuve qu'il détenait contre lui, c'est donc qu'il
n'en a plus l'usage, c'est donc que le débiteur est libéré.
Quant   à   l'article   1283,   il   stipule   :   "la   remise   volontaire   de   la   grosse   du   titre   fait
présumer la remise de la dette ou le paiement, sans préjudice de la preuve contraire".
Cet article édicte une présomption réfragable de libération : le créancier qui ne remet
pas l'original du titre, mais seulement la grosse de celui-ci (la grosse 194 est la première
expédition, revêtue de la formule exécutoire, d'un acte notarié ou d'un jugement; en
principe, elle n'est délivrée qu'une fois au créancier) peut encore tenter d'établir que
le débiteur n'est pas libéré.
193 La remise de dette peut aussi être réalisée par testament : il s'agit alors d'un legs.
194  Le terme trouve son origine dans le fait que jadis cette copie exécutoire de l'acte authentique était rédigée en
écriture grossoyée.
208
98. La compensation
a) Notion
La   compensation   est   un   mode   d'extinction   des   obligations   qui   suppose   que   deux
personnes   soient   respectivement   débiteur   et   créancier   l'une   de   l'autre,   de   choses
fongibles, essentiellement de sommes d'argent.
La coexistence des deux dettes entraîne leur extinction à concurrence de la plus faible
d'entre elles, et à certaines conditions que nous allons préciser.
Double   paiement   abrégé,   la   compensation   simplifie   les   rapports   entre   les   deux
parties,   leur   évitant   un   double   déplacement   de   valeurs,   et   confère   à   celui   qui   en
bénéficie l'équivalent d'un privilège à l'égard  des autres  créanciers  du débiteur.  En
effet,   le   créancier-débiteur   est   désintéressé   grâce   à   sa   propre   dette   qui   solde   sa
créance, tandis que les autres créanciers subissent la loi du concours.
Cet   avantage   explique   que   le   législateur   écarte   la   possibilité   d'invoquer   la
compensation lorsqu'elle porterait atteinte à des droits acquis à des tiers (voy. l'art.
1298 C.C. qui cite, à titre exemplatif, l'hypothèse de la saisie-arrêt, et à laquelle on
peut ajouter celle de la faillite).
La compensation peut être légale (art. 1289 et s. C.C.), conventionnelle (en l'absence
de réunion des conditions de la compensation légale et en vertu de l'art. 1134 C.C.) ou
judiciaire   (prononcée   par   le   juge   lorsqu'un   débiteur   poursuivi   introduit,   en   cours
d'instance, une demande dite reconventionnelle contre son créancier et que celle-ci
est déclarée fondée).
Nous ne traiterons ici que de la compensation légale.
b) La compensation légale
 - Automaticité
"La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des
débiteurs; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent
exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives" (art. 1290 C.C.).
L'extinction s'opère donc de façon automatique195, dès la coexistence des deux dettes
réciproques196.
- Conditions
195 Voy. cependant les articles 1295 et 1299 du Code civil.
196 Dans certains cas, la compensation est cependant exceptionnellement exclue : voy. l'article 1293 du Code civil.
209
Bien   sûr,   la   compensation   ne   peut   se   réaliser   que   si   les   obligations   réciproques
existent entre les deux mêmes personnes.
En outre, la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes fongibles, liquides et exigibles
(art. 1291 C.C.).
Enfin, les créances doivent être saisissables (arg. de l'art. 1293, 3° C.C.).
Deux   dettes   sont  fongibles  lorsqu'elles   ont   pour   objet   des   choses   identiques,
librement   interchangeables,   essentiellement   des   sommes   d'argent;
 liquides
lorsqu'elles sont certaines quant à leur existence et que leur montant est déterminé;
exigibles  lorsqu'elles   sont   actuellement   payables   (la   compensation   ne   pourrait
s'opérer si l'une des deux dettes était à terme, sous peine de priver le débiteur du
bénéfice du terme).
99. La prescription extinctive
a) Notion
La prescription extinctive ou libératoire197  est un mode d'extinction de l'obligation198,
résultant de l'écoulement d'un certain laps de temps fixé par la loi199, pendant lequel
son titulaire ne l'a pas exercée200.
Cette institution protège l'intérêt général et assure une certaine sécurité juridique en
évitant des procès dont la solution serait rendue difficile en raison de l'éloignement
des   faits   dans   le   temps;   elle   dispense   le   débiteur   de   conserver   indéfiniment   les
éléments de preuve de sa libération.
Lorsqu'un   créancier   demeure   trop   longtemps   sans   exercer   son   droit,   c'est
probablement en raison de l'extinction de ce droit. Si tel n'est pas le cas, le créancier
n'a qu'à s'en prendre à lui-même d'avoir négligé d'agir plus tôt. L'intérêt général et
celui du débiteur sont ainsi préférés à l'intérêt du créancier.
Tels sont les fondements de la prescription.
La prescription ne joue pas automatiquement : elle doit être invoquée par le débiteur.
"Les juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription" (art.
2223 C.C.). Le débiteur pourrait en effet renoncer à invoquer une prescription acquise
(art. 2220 et 2221 C.C.).
En outre, le moyen tiré de la prescription peut être invoqué pour la première fois en
degré d'appel (art. 2224 C.C.).
197  Il existe également une prescription acquisitive, ou usucapion, qui ne s'applique qu'en matière de droits réels. Il
s'agit d'un mode d'acquisition de la propriété ou d'un autre droit réel par la possession légale prolongée pendant un
laps de temps fixé par la loi.
198  Et   des   droits   réels,   à   l'exception   du   droit   de   propriété   qui   ne   peut   s'éteindre   par   non   usage.   En   revanche,   la
propriété peut s'éteindre par voie de conséquence au jeu de la prescription acquisitive ou de l'article 2279 du Code
civil.
199 Il est cependant licite d'abréger (mais non d'allonger) contractuellement les délais de prescription.
200  Il   ne   faut   pas   confondre   prescription   et   délais   préfix.   Ceux-ci,   imposés   sous   peine   de   déchéance,   ne   sont   pas
susceptibles   d'être   allongés   par   une   cause   de   suspension   ou   d'interruption   (voir   infra).   Tels   sont   les   délais   en
procédure civile (délai d'appel, d'opposition, de pourvoi en cassation).
210
Enfin,   lorsqu'un   débiteur   a   payé   alors   que   la   prescription   était   acquise,   et   sans
opposer ce moyen, il ne peut agir en répétition de l'indu. Plus, si le débiteur a invoqué
avec succès la prescription, et que le jugement déboute le créancier, le paiement que
ferait néanmoins le débiteur serait le paiement d'une dette et ne pourrait donner lieu
à répétition.
Cela   étant,   lorsque   la   prescription   est   opposée   victorieusement   au   créancier,   le
débiteur n'est plus tenu au paiement de la dette, même s'il a reconnu ne pas l'avoir
payée (sous réserve des prescriptions basées sur une présomption de paiement ; voir
par ex. M. MARCHANDISE, « La prescription libératoire en matière civile », Les dossiers
du Journal des Tribunaux, LARCIER, 2007, pg. 68 et ss.) et qu'il n'existe aucune autre
cause d'extinction.
b) Les différentes prescriptions
Voyez spécialement les articles 2262, 2262 bis, 2270, 2271 et suivants du code civil.
Il   existe   par   ailleurs   d’innombrables   textes   de   loi   déterminant   des   délais   de
prescription qui pourraient être de six mois, un an, trois ans, cinq ans, … (en matière
de   transports   terrestre,   maritime,   aérien,   international   ou   national,   en   matière
d’assurance, …).
c) Le cours de la prescription
- Point de départ de la prescription
Tant que l'action du créancier n'est pas ouverte, son droit ne peut pas se prescrire
puisque   la   prescription   suppose   l'inaction   du   créancier.   Le   cours   de   la   prescription
commence donc, en principe, le jour où le créancier a pu intenter sa demande, le jour
de l'exigibilité de l'obligation. Voyez  cependant attentivement les alinéas 2 et 3 de
l’art. 2262bis C.C.
L'obligation   sous   condition   suspensive   ne   peut   se   prescrire   qu'à   dater   du   jour   où
l'événement mis sous condition se produit (art. 2257, al. 1 C.C.).
L'obligation   affectée   d'un   terme   suspensif   ne   peut   se   prescrire   avant   l'arrivée   du
terme (art. 2257, al. 3 C.C.).
Connaissant le point de départ de la prescription et le délai de celle-ci, il devrait être
aisé de déterminer le jour où l'action du créancier sera prescrite. La question se révèle
pourtant   plus   délicate   qu'il   y   paraît   à   première   vue,   car   existent   des   causes   de
suspension et d'interruption de la prescription.
- Suspension de la prescription
211
La suspension, mise en  veilleuse  de la prescription  en vertu de  la loi, a pour effet
d'empêcher   que   la   prescription   coure   durant   un   certain   temps,   contre   certains
débiteurs, dans certaines circonstances.
En  cas  de  suspension, le calcul  de la prescription  se  fait comme  suit : addition  du
temps couru avant la cause de suspension à celui couru après la cessation de cette
cause.
Quelles sont les causes de suspension ? Essentiellement, la minorité et l'interdiction
(art. 2251 C.C.), sauf exceptions (voy. not. l'art. 2278 C.C.) et le mariage (art. 2253
C.C.). La jurisprudence admet également que la prescription ne court pas contre celui
qui est dans l'impossibilité d'exercer son action par suite d'un empêchement résultant
de la loi.
- Interruption de la prescription
L'acte   interruptif   de   prescription   est   le   fait   qui,   survenant   dans   le   cours   de   la
prescription,   rend   inutile   le   temps   écoulé   jusque-là   :   pour   le   débiteur,   tout   est   à
recommencer.
Quelles   sont   les   causes   d'interruption   de   la   prescription?   L'acte   de   poursuite   du
créancier, spécialement la citation en justice et la reconnaissance de la dette faite par
le débiteur, même tacitement (voy. les art. 2244 à 2248 C.C.).
Le lendemain du jour où la cause d'interruption a cessé d'agir ou du jour de l'acte
interruptif, la prescription recommence à courir, en principe pour une durée identique
à celle du délai interrompu.
Il existe des exceptions à cette règle dont voici les deux principales
lorsque l'acte interruptif est une citation en justice et que l'instance se termine
par   un   jugement   de   condamnation,   l'action   qui   résulte   de   cette   décision   se
prescrit par dix ans;
lorsque c'est une courte prescription basée sur une présomption de paiement
qui fait l'objet d'une interruption.
Illustration
Du chapitre 6
212
Prescription – Assurances – Suspension du cours de la prescription 
Cour d’Appel de BRUXELLES, 24 mai 2000 (R.G. 1995/AR/3538)
Attendu qu’il n’est pas contesté que les rapports entre parties sont régis par la loi du
11juin 1874 sur les assurances en général dont l’article 32, alinéa 1er est rédigé dans
les termes suivants:
«   Toute   action   dérivant   d’une   police   d’assurance   est   prescrite   après   trois   ans,   à
compter de l’événement qui y donne ouverture »;
Que   l’appelante   ne   conteste   plus   que   cette   prescription   a   pris   cours   le   jour   de
l’accident, soit le 31 mai 1988 ; que, par ailleurs, il est constant que la citation a été
introduite le 14 janvier 1992 seulement, soit plus de trois ans après l’accident
Que l’appelante soutient que la prescription a été suspendue du 13 mars 1990, date
de  la lettre de l’assureur demandant la communication  du dossier répressif, au 10
avril 1991, date d’envoi de la copie de ce dossier à l’assureur
Attendu qu’une convention suspendant le cours de la prescription est valable (Cass.,
4 octobre 1894, Pas., I, 291 et les conclusions de l’avocat général Bosch) ; que cette
convention trouve sa légitimité et sa force obligatoire dans l’article 1134, alinéa 1er
du Code civil; qu’il faut toutefois que la convention de suspension ne soit pas conclue
avant la prise de cours de la prescription (Cass., 14 novembre 1968, Pas., I, 270)
Qu’un   échange   de   correspondance   entre   l’assureur   et   l’assuré   peut   suspendre   la
prescription à condition que cet échange revête la forme de pourparlers tels qu’ils
font   apparaître   la   volonté   de   l’assureur   d’arrêter   momentanément   le   cours   de   la
prescription (Anvers, 24 avril 1990, Bull.Ass., 1990, p 467, note Denoël)
Qu’il importe peu à cet égard que le délai de prescription soit légal ou conventionnel;
Que   le   comportement   de   l’assureur   peut   également,   dans   certaines   conditions,
entraîner la suspension de la prescription ; qu’il en va ainsi particulièrement lorsque
l’assureur, par son attitude, amène l’assuré à retarder l’intentement de son action ; 
Que cette solution a été consacrée par la Cour de cassation (Cass., 22 juin 1984, Pas.,
I, 1287)
Attendu qu’en l’espèce, l’assureur a répondu, le 13 mars 1990, au conseil de M. Henry
qui demandait le paiement de l’indemnité prévue au contrat, qu’il souhaitait obtenir
une copie de l’information judiciaire ouverte par le parquet de Manille et connaître les
suites y réservées, ajoutant « à la réception de ce document, nous ne manquerons
pas de vous fixer sur nos intentions définitives dans le cadre du certificat émis »
Que,  par  cette  lettre, l’assureur a accepté  tacitement de  suspendre  le cours  de  la
prescription pendant le délai nécessaire à la transmission du dossier répressif
213
Qu’en effet, il a clairement exprimé la possibilité de faire droit à la demande de M.
Henry après avoir pris connaissance de ce dossier répressif; qu’il ne serait conforme
ni  à  l’intérêt de l’assuré  ni à celui  de l’assureur d’obliger l’assuré  à introduire  une
action en justice alors même que l’assureur a connaissance de l’existence du sinistre
et n’a pas encore refusé de prendre celui-ci en charge
Que   la   lettre   du   13   mars   1990   de   l’assureur   ne   peut   donc   être   interprétée
logiquement que comme une acceptation de suspendre le cours de la prescription
Attendu que les documents demandés ont été envoyés à l’assureur le 10 avril 1991 ;
que la suspension de la prescription a pris fin à cette date
Que la prescription a donc été suspendue du 13 mars 1990 au  10 avril 1991, soit
pendant un an et vingt-huit jours ; qu’elle a ainsi été prolongée jusqu’au 28juin 1992
de   sorte  que   l’assignation  du  15  janvier  1992 a  été  signifiée  avant  l’expiration  du
délai de prescription
214
Chapitre 7. Les sûretés
Section 1. Introduction
100. Notions201
"Quiconque est obligé personnellement est tenu de remplir ses engagements sur tous
ses biens mobiliers ou immobiliers, présents et à venir" (art. 7 de la loi hypothécaire).
La   loi   confère   aux   créanciers   un   droit   de   gage   général   dont   nous   connaissons   les
limites   en   cas   d'insolvabilité   du   débiteur   ou   en   cas   de   concours   de   plusieurs
créanciers du même débiteur (voir supra n° 12).
Lorsqu'un   débiteur   a   plusieurs   créanciers   et   que   son   passif   excède   son   actif,   ces
créanciers subissent une répartition proportionnelle, au marc le franc (art. 8 de la loi
hypothécaire); il y a en principe égalité des créanciers.
Certains   mécanismes   permettent   cependant   aux   créanciers   qui   en   bénéficient,
d'échapper  à  la  loi   du  concours  :  ce   sont  les  sûretés  réelles.  Elles  consistent   en
l'affectation au paiement d'une dette, d'un ou plusieurs biens, sur le prix desquels le
créancier titulaire de cette sûreté sera payé par préférence.
Les sûretés réelles sont à distinguer des sûretés personnelles qui, sans déroger à la
règle du partage proportionnel, confèrent aux créanciers qui peuvent s'en prévaloir,
non pas un droit de préférence, mais un  droit de gage général s’étendant à d'autres
patrimoines que celui du débiteur principal. Une ou plusieurs personnes sont adjointes
au débiteur et répondront de la même dette.
D'une manière générale, les sûretés sont des mécanismes qui ont pour but et pour
effet de donner au créancier plus de chances d'obtenir l'exécution de l'obligation. Elles
présentent un intérêt évident pour le créancier.
De l'autre point de vue, la possibilité de donner des sûretés à son créancier augmente
le crédit du débiteur et peut constituer aussi pour lui un avantage.
101. Classification
Une  distinction  fondamentale doit être  faite entre  les sûretés  réelles et les sûretés
personnelles.
Il   existe   en   outre   des   mécanismes   qui,   sans   constituer   à   proprement   parler   des
sûretés, confèrent néanmoins au créancier le bénéfice d'une situation préférentielle à
201 D'une manière générale, nous renvoyons le lecteur au Manuel des sûretés mobilières de J. CAEYMAEX, Editions du
Jeune Barreau de Liège, 1985.
215
l'égard des autres créanciers du même débiteur. Nous en avons examiné certains :
exception   d'inexécution   et   droit   de   rétention   (supra   n°   62),   clause   de   réserve   de
propriété   (supra   n°   51),   clause   résolutoire   expresse   (supra   n°   63),   résolution,
compensation (supra n° 98), actions directes (supra n° 40), obligations solidaires et
indivisibles (supra n° 88), ...
Nous n'évoquerons dans les lignes qui suivent que les sûretés réelles et les sûretés
personnelles. 
Parmi les premières, on peut encore distinguer les sûretés mobilières et les sûretés
immobilières ainsi que celles qui emportent dépossession du bien affecté à la garantie
et celles qui n'impliquent pas cette dépossession.
Section 2. Les sûretés réelles
102. Notion
Lorsque   plusieurs   créanciers   poursuivants   ont   des   prétentions   concurrentes   et
simultanées sur un même actif insuffisant à les désintéresser tous, il y a concours  202.
La sûreté réelle confère à son titulaire un droit de préférence sur le prix de vente d'un
bien ou d'un ensemble de biens affecté au paiement de la dette du débiteur.
Voici les principales règles applicables aux sûretés réelles :
il n'existe pas d'autres sûretés réelles que celles créées par la loi;
en   cas   de   remboursement   partiel   de   la   dette,   le   débiteur   ne   peut   exiger   la
diminution, la réduction de la sûreté qu'il a donnée (indivisibilité de la sûreté);
la sûreté réelle ne garantit que la ou les obligations initialement déterminées; 
il faut rendre la sûreté réelle opposable aux tiers.
Nous n'examinerons pas ici toutes les sûretés réelles et ne dirons que quelques mots
des principales.
103. Le gage-nantissement
Le gage203 est un contrat par lequel un débiteur204 remet une chose mobilière205 à son
créancier206  pour   sûreté   de   la   dette   (art.   2071   et   2072,   al.   1   C.C.).   Il   confère   au
créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l’objet par préférence aux
autres créanciers (art. 2073 C.C.).
202 La faillite d'un commerçant, la liquidation d'une société commerciale, le concordat judiciaire, les saisies communes
à plusieurs créanciers, ... sont des situations de concours.
203 Il ne sera question dans la présente section que du gage civil, par opposition au gage commercial.
204 En principe, car «le gage peut être donné par un tiers pour le débiteur» (art. 2077 C.C.). On est alors en présence
d’un tiers garant réel, généralement appelé « caution réelle ».
205 Si, par contre, le nantissement porte sur une chose immobilière, on parle d’ »antichrèse ».
206 Le gage peut aussi être remis à un tiers convenu entre les parties (voy. l’art. 2076 C.C.).
216
Outre   l’accord   des   volontés,   la  validité  du   contrat   de   gage   exige   la  remise
simultanée de la chose207. Le gage est un contrat dit réel.
Cette exigence de dépossession se justifie par la nécessité d’informer les tiers ou à
tout le moins de ne pas les induire en erreur et de protéger le créancier gagiste contre
l’invocation   éventuelle   de   l’article   2279   du   Code   civil   (supra   n°9)   par   un   tiers   de
bonne foi que le débiteur aurait mis en possession du meuble gagé.
Puisque le gage a pour effet d’accorder un avantage à un créancier par rapport aux
autres, il y a lieu de respecter un formalisme d’opposabilité. Le contrat de gage fait
exception au droit commun (art. 1165 C.C., voir supra     n° 43 et 47) parce qu’il est
destiné à être invoqué contre les tiers.
La   remise   de   la   chose,   condition   de   validité   du   contrat,   constitue   également   une
condition   de   son   opposabilité.   De   plus,   l’article   2074   du   Code   civil   exige 208  que   le
contrat, pour être opposable, fasse l’objet d’un écrit, authentique ou sous seing privé
enregistré, précisant la somme due et la nature des choses remises en gage.
Il se peut que le débiteur veuille remettre en gage un meuble incorporel (une créance
constatée par un titre par exemple). Dans ce cas, pour être opposable au débiteur de
la créance, la mise en gage doit être notifié à ce débiteur ou avoir été reconnue par lui
(art. 2075 C.C.).
Quels sont les effets du contrat de gage ?
Il faut distinguer deux périodes :
— avant l’échéance de la créance :
Le   créancier   gagiste   a  un  droit  de rétention  (art.   2082  C.C.)  :  tant   que   la  dette
garantie n’est pas payée, il a le droit de conserver le bien et d’opposer son droit au
constituant du gage comme aux tiers.
Le droit de rétention est indivisible : même si la dette a été payée partiellement et si
la chose donnée en gage est divisible, le créancier gagiste a le droit de la conserver
intégralement.
Ce droit de rétention n’autorise cependant pas le créancier gagiste à se servir du bien
ni   à   l’aliéner.   Il   doit   veiller   à   la   conservation   du   bien   remis   en   gage   :   il   en   est
responsable aux termes de l’article 2080 du Code civil.
Le créancier gagiste dispose également d’un droit de suite : il peut saisir le bien en
quelques mains qu’il se trouve, à condition que ce bien ait été perdu ou volé, car en
cas de dépossession volontaire, le gage devient caduque.
— à l’échéance de la créance :
Le créancier doit rendre le gage au débiteur qui a exécuté son obligation.
Lorsque la créance  garantie reste impayée, le créancier peut mettre en œuvre son
droit   réel   de   gage   (art.   2078   C.C.),   mais,   soyons-y   attentifs,   il   ne   devient   pas
207 En ce qui concerne le gage sur créance, l’article 2075 du Code civil remplace l’exigence de dépossession par une
fiction.
208 L’alinéa 2 précise cependant que l’écrit n’est prescrit qu’en matière excédant 375 euros.
217
automatiquement propriétaire du bien remis en gage. Il doit agir en justice et dispose
alors d’un choix :
demander que le bien lui demeure en paiement et verser, s’il échet, une soulte
au débiteur,
demander   la   mise   en   vente   publique   du   bien   pour   être   ensuite   payé   par
préférence sur le prix obtenu, la soulte éventuelle revenant au débiteur.
Le   gage   constitue   une   garantie   importante   pour   le   créancier,   mais   présente   aussi
divers inconvénients : formalisme d’opposabilité, responsabilité du créancier gagiste
en   possession   du   bien   et   caractère   anti-économique   dû   à   l’indisponibilité   du   bien
gagé.
Répondant   aux   vœux   des   praticiens,   le   législateur   a   créé   d’autres   mécanismes,
d’autres types de gages, qui remédient, du moins partiellement, à ces inconvénients.
Voici.
104. Les autres gages
Si le gage-nantissement présente certains inconvénients, les autres formules de mise
en   gage   créées   par   le   législateur   dans   un   souci   de   pragmatisme,   n’en   sont   pas
totalement exemptes.
Leur exposé ne peut trouver sa place dans une introduction à la théorie générale des
obligations. Il relève essentiellement du droit commercial.
Nous ne ferons que citer les principaux textes de loi, en renvoyant pour le surplus aux
auteurs209.
Loi du 5 mai 1872, formant le titre VI du Livre premier du Code de commerce,
sur le gage commercial.
Loi du 15 avril 1884 sur les prêts agricoles, créant un privilège agricole.
Loi   du   25   octobre   1919   sur   la   mise   en  gage   du   fonds   de   commerce,
l’escompte  et le  gage de la facture  ainsi que l’agréation et l’expertise des
fournitures faites directement à la consommation.
Loi du 18 novembre 1862 portant institution du système des warrants.
Loi du 15 décembre 2004 sur les sûretés financières, régissante les gages sur
instruments financiers ou « espèces ».
105. L'hypothèque
L’article 9 de la loi hypothécaire édicte que «les causes légitimes de préférence sont
les privilèges et hypothèques».
209 J. CAEYMAEX, op. cit.; I. MOREAU-MARGREVE, Les sûretés, Chronique de droit à l’usage du Palais, Tome III, Story-Scientia,
1987 et Traité pratique de droit commercial, Tome I, op. cit.
218
Les articles 12 à 40 de la loi hypothécaire traitent des privilèges. Les articles 41 et
suivants de cette loi concernent les hypothèques.
L’article   41,   al.   1   définit   l’hypothèque   :   «l’hypothèque   est   un   droit   réel   sur   les
immeubles  affectés  à  l’acquittement d’une  obligation».  Ce  texte  nous rappelle   que
l’hypothèque est un droit réel, et comme tel, assorti du droit de suite (art. 41, al. 3) et
du droit de préférence (art. 9).
Droit réel accessoire à un droit de créance, l’hypothèque «est légale, conventionnelle
ou testamentaire» 210 (art. 43) :
l’hypothèque   légale  :   la  loi  confère   d’office   une   hypothèque   à   certains
créanciers, sans le consentement de celui dont le bien est ainsi grevé211;
l’hypothèque conventionnelle : l’hypothèque naît d’un contrat conclu entre
un créancier et un constituant qui consent au premier ce droit réel sur un ou
plusieurs   immeubles212  dont   il   est   propriétaire   et   qu’il   a   la   capacité   d’aliéner
(art.   73).   Le   constituant   n’est   pas   nécessairement   le   débiteur   de   l’obligation
garantie par cette sûreté réelle.
La convention d’hypothèque est un contrat solennel, c’est-à-dire dont la validité est
subordonnée à la réalisation d’une forme déterminée, en l’espèce, l’acte authentique
(art. 76) (solennel quant au contenant). Le contrat constitutif d’hypothèque doit en
outre préciser la nature et la situation des immeubles sur lesquels le droit est consenti
(art. 78) ainsi que la créance garantie (art. 80) (solennel quant au contenu).
Qu’elles   soient   légales,   conventionnelles   ou   testamentaires,   les   hypothèques   sont
soumises   à   une   mesure  d’opposabilité  et   de   publicité,  l’inscription  à   la
conservation des hypothèques (voy. les art. 82 et s.). 
L’inscription, reproduction de certains extraits de l’acte d’hypothèque dans un registre
ad hoc, faite au nom du titulaire du bien grevé, fixe le  rang213  de l’hypothèque (art.
81), la rend opposable aux tiers et la conserve pendant quinze ans (art. 90)214 215.
Quels sont les effets de l’hypothèque ?
Ici encore, il faut distinguer deux périodes :
— avant l’échéance de la créance :
Le propriétaire du bien grevé peut continuer à l’occuper, à le donner en location, à en
percevoir les loyers, ... Il peut même l’aliéner, puisque l’hypothèque, droit réel, est
assortie du droit de suite. Quant au candidat acquéreur de l’immeuble grevé, il est
210 Le testament, troisième source d’hypothèque, n’est guère utilisé à cet effet.
211  Voy. par ex. l’article 47 de la loi hypothécaire qui confère une hypothèque aux mineurs et interdits sur les biens
immeubles de leur tuteur (pour les garantir contre une mauvaise gestion de leur patrimoine par ceux-ci); les articles
316 et s. du Code des impôts sur les  revenus qui accordent une hypothèque à l’Etat sur les immeubles situés en
Belgique appartenant aux redevables de l’impôt (pour garantir le paiement de l’impôt).
212 Voy. cependant l’article 45 de la loi hypothécaire.
213 Le rang détermine l’ordre des créanciers ayant un droit d’hypothèque sur le même immeuble.
214 L’inscription peut être renouvelée.
215 Lorsque la créance garantie aura été payée, il y aura lieu de procéder à la radiation de l’inscription (voy. les art. 92
et s.).
219
averti de l’existence de cette hypothèque grâce au formalisme de publicité qui a dû
être respecté.
Est-ce   à   dire   que   le   propriétaire   peut   agir   à   sa   guise,   qu’il   dispose   des   mêmes
pouvoirs   avant   et   après   la   constitution   d’une   hypothèque   ?   Pas   exactement.   Les
articles 79 et 45, al. 3 et 4 de la loi hypothécaire, ainsi que 1188 et 1167 du Code civil
offrent   au   créancier   hypothécaire   une   protection   à   l’égard   d’actes   du   débiteur   de
nature à diminuer la valeur de l’assiette du droit d’hypothèque.
— à l’échéance de la créance hypothécaire :
Lorsque   l’obligation   garantie  a   été   exécutée,   le   droit   d’hypothèque   du   créancier
s’éteint,   mais   l’inscription   à   la   conservation   des   hypothèques   subsiste   jusqu’à
radiation ou jusqu’à l’échéance du terme de 15 ans (art. 90 de la loi hypothécaire).
L’utilité   de   la   radiation   apparaît   lorsque   le   propriétaire   de   l’immeuble   souhaite   le
vendre ou consentir une nouvelle hypothèque afin d’obtenir un crédit216.
Lorsque l’obligation garantie n’a pas été exécutée, une distinction doit être faite :
l’immeuble hypothéqué se trouve dans le patrimoine du débiteur : le créancier,
muni d’un titre exécutoire, fait saisir et vendre l’immeuble en vente publique;
un notaire sera chargé de la répartition du prix de vente entre les différents
créanciers;   s’il   existe   plusieurs   créanciers   hypothécaires   sur   ce   même
immeuble, la répartition se fera en fonction du rang; le créancier hypothécaire
non   entièrement   désintéressé   par   le   prix   de   vente   de   l’immeuble   restera
créancier chirographaire pour le surplus;
l’immeuble hypothéqué se trouve dans le patrimoine d’un tiers 217 : le créancier,
muni d’un titre exécutoire, fait saisir l’immeuble, en quelques mains qu’il soit,
en  vue  de   le faire  vendre.  Le  tiers détenteur dispose  néanmoins de  moyens
d’éviter   cette   saisie   et   la   vente   forcée   de   son   immeuble   :   payer   la   dette
garantie   exigible,   conserver   l’immeuble   et   être   subrogé   dans   les   droits   du
créancier   désintéressé   à   l’égard   du   débiteur218;   abandonner   l’immeuble219;
exercer la faculté de purge220, réservée aux tiers acquéreurs d’un immeuble.
106. Les privilèges
216 D’une part, le droit de suite qui assortit l’hypothèque rend théoriquement dangereuse l’acquisition d’un immeuble
hypothéqué,   d’autre   part,   le   prêteur   sollicité   hésitera   à   accorder   le   crédit   souhaité   au   débiteur   propriétaire   d’un
immeuble déjà hypothéqué et dont la valeur ne serait pas suffisante à désintéresser tous les créanciers hypothécaires
(rappelons   que  le  rang  des  créanciers  hypothécaires   est  fonction   de la  date  de  l’inscription   à la  conservation  des
hypothèques).
217 Voy. les articles 96 et s. de la loi hypothécaire.
218  Voy. l’article 1251, 2° et 3° du Code civil et DE  PAGE,  op. cit.,  tome III, n° 544. Le tiers deviendra donc créancier
hypothécaire sur son propre immeuble ... ce qui présente un intérêt s’il existe une deuxième hypothèque, en deuxième
rang, au profit d’un autre créancier.
219 Il s’agit du délaissement (art. 100 de la loi hypothécaire). Pour le tiers, dont l’immeuble sera quand même vendu au
profit des créanciers, la différence entre le délaissement et la saisie suivie de vente forcée réside dans le fait que le
caractère forcé de la vente n’apparaît plus.
220  Le   mécanisme   de   la   purge   (voy.   les   art.   109   et   s.   de   la   loi   hypothécaire)   permet   à   l’acquéreur   de   devenir
propriétaire d’un immeuble dégrevé d’hypothèque. En cas de vente sur saisie immobilière, la purge opère de plein
droit.
220
Le privilège, sûreté réelle d’origine exclusivement légale221, «est un droit que la qualité
de   la   créance   donne   à   un   créancier   d’être   préféré   aux   autres   créanciers,   même
hypothécaires»222.
Lorsqu’un texte de loi crée un privilège, il précise la créance garantie et l’assiette
du droit.
On distingue quatre types de privilèges :
les privilèges généraux sur les meubles et les immeubles (voy. art. 17 de la loi
hypothécaire);
les privilèges généraux sur les meubles (voy. art. 19 de la loi hypothécaire);
les privilèges spéciaux sur les meubles (voy. art. 20 de la loi hypothécaire);
les privilèges spéciaux sur les immeubles (voy. art. 27 de la loi hypothécaire).
Les  privilèges spéciaux  portent  sur  un   ou  plusieurs  biens déterminés  alors  que  les
privilèges   généraux   concernent   l’ensemble   des   biens   meubles   ou   immeubles   du
débiteur. Les privilèges sur les immeubles sont soumis à un formalisme d’opposabilité
(voy.   les   art.   29   et   s.   de   la   loi   hypothécaire)   :   l’inscription   à   la   conservation   des
hypothèques.   En   principe,   les   autres   privilèges   sont   opposables   sans   qu’il   faille
accomplir de formalité223.
Lorsque,   sur   un   même   bien,   plusieurs   créanciers   prétendent   exercer   un   droit   de
préférence,   se   pose   la   question   du  rang  des   privilèges224.   Le   législateur   a   réglé
différents conflits de rang225, mais n’a pas prévu toutes les hypothèses. C’est alors à la
jurisprudence que revient le rôle de fixer le rang des privilèges226.
Section 3. Les sûretés personnelles
107. Notion
A la différence de la sûreté réelle, nous le savons, la sûreté personnelle ne constitue
pas une dérogation à la loi du concours. Elle consiste en l'adjonction au patrimoine du
débiteur d'un ou plusieurs autres patrimoines qui répondront du paiement de la dette.
Le   créancier   bénéficiaire   d'une   sûreté   personnelle   ne   dispose   pas   d'un   droit   de
préférence;   il   est   créancier   chirographaire   de   deux   (ou   plusieurs)   personnes
juridiques.
221 Si les privilèges se trouvent essentiellement dans la loi hypothécaire (art. 17, 19, 20 et 27), ils sont aussi disséminés
dans diverses lois (voy. CAEYMAEX, op. cit.). Les textes créant les privilèges sont de stricte interprétation.
222 Le privilège est donc un «super droit de préférence».
223 Voy. toutefois, par ex., l’article 20, 5°, al. 3 de la loi hypothécaire.
224  La question ne se pose réellement  que si le prix de réalisation  du bien  est insuffisant à désintéresser  tous  les
créanciers faisant valoir un droit de préférence.
225 Par ex., le privilège spécial sur immeuble prime l’hypothèque (art. 12 de la loi hypothécaire); voy. ég. les articles 19,
al. 1 et 21 et s. de la loi hypothécaire.
226 Sur cette question, cons. not. I. MOREAU-MARGREVE, op. cit., spéc. 135 et s.
221
Les   sûretés   personnelles,   ne   dérogeant   pas   à   la   règle   du   partage   proportionnel,
peuvent naître de la seule volonté des parties. Tel n'est pas le cas des sûretés réelles
qui n'existent qu'en vertu d'une loi227.
Certaines sûretés personnelles ont été créées par le législateur (cautionnement : art.
2011 et s. C.C.; aval : art. 30 et s. des lois coordonnées sur la lettre de change et le
billet à ordre, constituant le titre VIII du Livre premier du Code de commerce); d'autres
sont le fruit de la pratique et ont été systématisées par la doctrine (voir infra n° 109).
En outre, divers mécanismes peuvent permettre d'aboutir à un résultat analogue à
celui   d'une   sûreté   personnelle   (délégation   simple,   stipulation   pour   autrui,   action
directe, solidarité, indivisibilité, ...), même s'ils n'ont pas pour but ou pour seul but de
constituer une garantie pour le créancier.
Nous   nous   bornerons   à   l'examen   succinct   du   cautionnement   (n°   108)   et   à   citer
quelques-unes des autres sûretés personnelles (n° 109).
108. Le cautionnement
Le cautionnement fait l’objet du titre XIV du Livre III du Code civil (art. 2011 à 2043). Il
s’agit   d’un  contrat  par   lequel   une   personne   -   la   caution   -   s’engage   envers   un
créancier à garantir l’exécution de la dette d’un débiteur et se soumet à satisfaire à
cette obligation si le débiteur n’y satisfait pas lui-même (art. 2011 C.C.). Le débiteur
n’est pas partie au contrat de cautionnement, à tel point qu’on peut se rendre caution
à l’insu de celui-ci (art. 2014, al. 1 C.C.).
Le terme de caution peut être source de confusion. Il est en effet souvent utilisé dans
une autre  acception  : le dépôt d’une somme d’argent en vue de garantir la bonne
exécution d’obligations, par exemple, celles d’un locataire. Dans ce cas, il s’agit en
réalité   d’une   sûreté   réelle.   On   emploie   encore   le   mot   caution   dans   l’expression
«caution   réelle»,   lorsqu’une   personne   donne   en   gage   ou   en   hypothèque   un   bien
propre pour garantir la dette d’autrui, sans s’obliger personnellement. Ici aussi, on se
trouve en présence d’une sûreté réelle.
Le   cautionnement   est   un   contrat  consensuel228,  unilatéral  et  accessoire  à   une
dette principale.
Le caractère accessoire du contrat emporte les conséquences suivantes :
le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable (art. 2012, al. 1
C.C.)229;
227 Le contrat de gage ou le contrat d'hypothèque sont certes des conventions, source de sûreté réelle, mais prévues et
organisées strictement par une loi.
228 L’article 2015 du Code civil stipule : «le cautionnement ne se présume point; il doit être exprès, et on ne peut pas
l’étendre au delà des limites dans lesquelles il a été contracté». Cet article n’implique pas le respect d’une quelconque
forme. (Comp. Avec le régime du cautionnement à titre gratuit régi par les articles 2043bis à 2043 octies du Code
civil.)Simplement, le cautionnement ne peut être tacite; la gravité de l’engagement  le justifie. Un ancien adage dit en
effet : «qui cautionne paie».
229 A ce principe existe une exception  : voy. l’alinéa 2 de l’article 2012 C.C.
222
le   cautionnement   ne   peut   excéder   ce   qui   est   dû   par   le   débiteur,   ni   être
contracté sous des conditions plus onéreuses (art. 2013, al. 1 C.C.)230;
l’extinction de l’obligation principale entraîne l’extinction de 1’obligation de la
caution231;
la   citation   en   justice   donnée   au   débiteur   principal,   ou   sa   reconnaissance   du
droit du créancier, interrompt la prescription contre la caution (art. 2250 C.C.);
la caution qui a payé la dette du débiteur est subrogée à tous les droits qu’avait
le créancier contre celui-ci (art. 2029 et 1251, 3° C.C.)232.
Si le contrat de cautionnement est accessoire à une dette principale, il est cependant
autonome  et peut  ainsi  s’éteindre  par les mêmes causes   (mais pas forcément en
même   temps)   que   les   autres   obligations   (art.   2034   C.C.),   être   contracté   pour   une
partie de la dette seulement ou sous des conditions moins onéreuses (art. 2013, al. 2
C.C.).
Quels sont les effets du contrat de cautionnement entre le créancier et la caution ?
Le créancier doit-il, à l’échéance de la dette, poursuivre d’abord le débiteur principal
et attendre, s’il échet, que son insolvabilité soit établie pour s’adresser ensuite à la
caution ? Non. L’action peut être dirigée directement contre la caution, avant toute
poursuite   contre   le   débiteur   (voy.   art.   2022   C.C.).   Cependant,   la   caution   pourrait
invoquer, sauf si elle y a renoncé, une exception, suspensive de l’effet des poursuites
dirigées   contre   elle,   appelée  bénéfice   de   discussion.  Ce   bénéfice   consiste   en   la
faculté pour la caution de demander au créancier de s’adresser d’abord au débiteur
principal pour le discuter, c’est-à-dire pour saisir et vendre ses biens 233 234. La caution
pourra   également   invoquer,   pour   contrer   le   recours   du   créancier,   toute   exception
inhérente à la dette garantie (art. 2036, al.1)
Lorsque plusieurs cautions d’un même débiteur se sont engagées envers le créancier
pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette (art. 2025 C.C.),
mais elles peuvent, en principe235, invoquer, en réponse à l’interpellation du créancier,
le bénéfice de division (art. 2026 C.C.). Ce bénéfice consiste à exiger du créancier
qu’il divise son action et la réduise à la part et portion de chaque caution.
Enfin, la caution pourrait opposer au créancier l’exception dite de cession d’actions,
appelée encore bénéfice de subrogation. L’article 2037 du Code civil édicte en effet
que : «la caution  est déchargée, lorsque la subrogation  aux droits, hypothèques et
privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de
la caution».  Le  fait que  le  créancier  se  dépouille  d’une  sûreté  risque  de  nuire   à la
caution qui doit pouvoir compter sur les garanties attachées à la créance : en cas de
paiement, la caution est subrogée dans les droits du créancier. Aussi, à moins que la
caution   n’ait   renoncé   à   ce   bénéfice236,   pourra-t-elle,   à   la   condition   d’établir   un
préjudice, faire obstacle à l’action du créancier qui aurait, par son fait 237, provoqué la
perte d’une sûreté.
230  La   sanction   de   cette   exigence   consiste   en   la   réductibilité   de   l’engagement   de   la   caution   à   la   mesure   de
l’engagement principal (art. 2013, al. 3 C.C.).
231  Voy. not. les articles 2036, 1287, al. 1, 1294, al. 1, 1301, al. 1, 1281, al. 2 (voy. ég. l’art. 1281, al. 3) et 2038 du
Code civil.
232 Voy. ég. l’art. 2031 du Code civil.
233 Ce bénéfice est soumis à des conditions rigoureuses. Voy. les articles 2021 à 2024 du Code civil.
234 La caution solidaire, celle qui s’est engagée solidairement avec le débiteur principal, ne peut invoquer le bénéfice
de discussion (art. 2021 C.C.). Voy. ég. l’article 2042 du Code civil.
235  L’article 2026 du Code civil, comme l’article 2021 du Code civil, réserve expressément la faculté de renoncer au
bénéfice qu’il accorde aux cautions.
236 Nous constatons, ici encore, que les articles du Code civil relatifs au cautionnement sont essentiellement supplétifs.
223
Quels sont les rapports de la caution et du débiteur principal ?
«La caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal» (voy. l’art. 2028 C.C.
dont   l’alinéa   2   précise   l’étendue   du   recours).   Il   s’agit   d’un   recours   personnel.   La
caution bénéficie également d’un recours subrogatoire (art. 1251, 3° et 2029 C.C.). La
caution solvens désireuse d’exercer utilement ce recours devra avertir rapidement le
débiteur principal du paiement effectué (voy. l’art. 2031 C.C.). Signalons encore que
les articles 2032 et 2039 du Code civil énumèrent des cas dans lesquels la caution
peut, même avant d’avoir payé, agir contre le débiteur.
Qu’en   est-il   des   rapports  entre   les   cautions  d’un   même   débiteur,   pour   une   même
dette, lorsque l’une d’elles a acquitté la dette?
L’article 2033 du Code civil répond à la question : «lorsque plusieurs personnes ont
cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette,
a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion; «mais ce recours
n’a   lieu   que   lorsque   la   caution   a   payé   dans   l’un   des   cas   énoncés   à   l’article
précédent»238.
On notera que, dans la pratique, le cautionnement est souvent combiné à la solidarité
(art.   1200   et   s.,   spécialement   1216   C.C.   –   « solidarité   sûreté »),   ce   qui   soulève
d’épineuses questions dans le détail desquelles nous ne pouvons entrer ici 239.
Enfin, on relèvera l’insertion par une loi du 3 juin 2007 d’un nouveau chapitre dans le
Code   civil,   régissante   spécifiquement   le   cautionnement   à   titre   gratuit.   Les   articles
2043bis  à   2043octies  instaurent   notamment   un   régime   strict   de   validité   de
l’engagement de la caution à titre gratuit : conditions de forme (comp. avec la nature
en principe consensuelle du cautionnement), absence de disproportion  manifeste 240,
limites contractuelles au montant de l’engagement et à sa durée, …
109. Les autres sûretés personnelles
L’examen   des   nombreuses   sûretés   personnelles,   essentiellement   créées   par   la
pratique, mettant en œuvre le principe de l’autonomie des volontés, ne peut trouver
237 Par ex., le créancier pourrait remettre au débiteur un objet donné en gage ou consentir une mainlevée d’inscription
hypothécaire, ou encore négliger de renouveler une inscription hypothécaire.
238 Voy. l’étude de M. VAN QUICKENBORNE, M., La caution solvens doit-elle diviser son recours contre les cofidéjusseurs ?,
R.C.J.B., 1983, 39 et s.
239  A   propos   du   cautionnement   solidaire,   institution   complexe   et   hybride,   voy.   M.  V AN  QUICKENBORNE,  note   citée   ci-
dessus, spécialement n° 13 et 14 et les références citées; voy. ég. le Traité pratique de droit commercial, op. cit., 543
et s.
240 Comp. avec la possibilité, en cas de faillite ou de règlement collectif de dettes du débiteur principal, de décharge de
la caution à titre gratuit dont l’engagement est manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine.
224
sa place dans la présente introduction à la théorie générale des obligations. Il relève
principalement du droit commercial.
Nous ne ferons que citer quelques-unes de ces sûretés, en renvoyant le lecteur à la
doctrine :
l’aval (art. 30 et s. des lois coordonnées sur la lettre de change et le billet à
ordre, constituant le titre VII du Livre premier du Code de commerce)241;
le crédit documentaire irrévocable242;
l’assurance crédit243;
les garanties bancaires indépendantes dites à première demande244;
les lettres de patronage ou lettres d’intention245.
*
*       *   
Illustrations
Du chapitre 7
1. Cautionnement
Cour de Cassation, 21 mars 2003, R.D.C. 2003, page 391
La caution qui a payé la dette peut exercer un recours contre le débiteur principal
pour être remboursé et vient aux droits du créancier. La créance est transmise à la
caution avec tous ses accessoires à concurrence du paiement, y compris les intérêts
conventionnels échus à l’époque du paiement.
2. Cautionnement – Pluralité de cautions
Cour de Cassation, 18 novembre 1999
Lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette,
la caution qui a acquitté la dette a un recours contre  les autres cautions, chacune
pour   sa   part   et   portion.   Sauf   stipulation   dérogatoire,   lorsque   les   cautions   sont
engagées   dans   une   même   mesure,   leur   obligation   de   contribuer   est   identique ;
lorsqu’elles cautionnent la dette principale dans différentes mesures, leur obligation
de contribuer dépend de l’étendue de leur cautionnement respectif 
241 Voy. Traité pratique de droit commercial, op. cit., 579 et s.
242 Voy. Traité pratique de droit commercial, op. cit., 595 et s. et I. MOREAU-MARGREVE, op. cit., 27 à 42.
243 Voy. Traité pratique de droit commercial, op. cit., 587 et s.
244 Voy. Traité pratique de droit commercial, op. cit., 611 et s., I. MOREAU-MARGREVE, op. cit., 43 à 58.
245 Voy. Traité pratique de droit commercial, op. cit., 623 et s.
225
PARTIE I. INTRODUCTION GENERALE.................................................3
Chapitre l. Préambule et bibliographie...................................................................3
1. Préambule........................................................................................................................... 3
Chapitre 2. L'organisation judiciaire......................................................................9
3. Introduction......................................................................................................................... 9
4. La pyramide des institutions judiciaires............................................................................10
5. Les acteurs et la terminologie usuelle...............................................................................10
6. Doctrine et jurisprudence.................................................................................................. 13
Chapitre 3. Quelques notions fondamentales et principes de base........................15
7. Le droit.............................................................................................................................. 15
8. Les droits........................................................................................................................... 16
9. Les droits réels.................................................................................................................. 17
10. Les droits de créance...................................................................................................... 18
11. Le patrimoine.................................................................................................................. 19
12. Droit de gage général et droit de gage-nantissement.....................................................21
13. Le patrimoine au décès de son titulaire. La transmission des droits et obligations.........22
14. La personnalité juridique................................................................................................. 24
15. Naissance des droits subjectifs........................................................................................ 26
16. Les formalismes.............................................................................................................. 27
17. La preuve........................................................................................................................ 29
a) Introduction................................................................................................................... 29
b) Les modes de preuve.................................................................................................... 30
c) Recevabilité des procédés de preuve............................................................................33
PARTIE II. LES OBLIGATIONS...........................................................39
18. Introduction: Les sources des obligations........................................................................39
Chapitre 1. Les contrats......................................................................................40
19. Plan de l'exposé.............................................................................................................. 40
Section 1 : Définitions et principes........................................................................................ 40
20. Définitions et classifications........................................................................................ 40
21. L'autonomie des volontés. Les lois supplétives, impératives et d'ordre public............42
22. Le consensualisme...................................................................................................... 44
23. La convention-loi......................................................................................................... 45
Section 2. La formation du contrat........................................................................................ 50
24. Les pourparlers contractuels.......................................................................................50
25. L'offre de contracter.................................................................................................... 51
26. Offre et promesse unilatérale de vente.......................................................................53
27. Les contrats d'adhésion............................................................................................... 54
28. Les conditions générales............................................................................................. 55
28bis. Conclusion de contrats par voie électronique.........................................................56
Section 3. Les conditions de validité du contrat....................................................................59
29. Introduction................................................................................................................. 59
30. Le consentement et ses vices......................................................................................59
31. La capacité.................................................................................................................. 67
32. L'objet......................................................................................................................... 68
33. La cause...................................................................................................................... 70
34. Licéité.......................................................................................................................... 71
35. Sanctions..................................................................................................................... 72
Section 4. Les effets du contrat entre parties........................................................................80
36. Force obligatoire du contrat......................................................................................... 80
37. Quelques considérations et exceptions.......................................................................80
38. Le principe de l'exécution de bonne foi.......................................................................84
226
39. La relativité des contrats............................................................................................. 89
40. Exceptions au principe de la relativité des contrats.....................................................92
41. La promesse de porte-fort........................................................................................... 95
42. L'action oblique........................................................................................................... 95
Section 5. Les effets des contrats à l'égard des tiers...........................................................100
43. L'opposabilité des contrats aux tiers.........................................................................100
44. La tierce complicité : illustration du principe.............................................................100
45. L'action paulienne : action en inopposabilité du contrat............................................101
46. L'action en déclaration de simulation : action en inopposabilité du contrat..............103
47. Formalisme d'opposabilité......................................................................................... 104
48. Cas particuliers.......................................................................................................... 105
Section 6. L'exécution des obligations contractuelles.........................................................111
49. Principes. Exécution en nature..................................................................................111
50. L'étendue des obligations.......................................................................................... 111
51. L'obligation de dare................................................................................................... 112
Section 7. L'inexécution des contrats..................................................................................112
52. Introduction et plan................................................................................................... 112
53. La mise en demeure.................................................................................................. 112
Section 8. Inexécution fautive des contrats (en général).....................................................112
54. La preuve de la faute................................................................................................. 112
55. L'exécution en nature................................................................................................ 112
56. Les dommages et intérêts moratoires.......................................................................112
57. L'astreinte................................................................................................................. 112
58. L'exécution en nature indirecte.................................................................................112
59. Le référé.................................................................................................................... 112
60. L'exécution par équivalent - La responsabilité contractuelle.....................................112
Section 9. Inexécution fautive des contrats synallagmatiques............................................112
61. Introduction............................................................................................................... 112
62. L'exception d'inexécution.......................................................................................... 112
63. La résolution.............................................................................................................. 112
64. La résolution unilatérale à l'initiative du créancier....................................................112
65. La faculté de remplacement......................................................................................112
Section 10. Inexécution fortuite des contrats......................................................................112
66. La cause étrangère libératoire...................................................................................112
67. Obligation de facere : la théorie des risques dans les contrats synallagmatiques.....112
68. Obligation de dare une « species »............................................................................112
69. Inexécution fortuite d'un contrat unilatéral...............................................................112
Section 11. Quelques questions particulières......................................................................112
70. La responsabilité sans faute......................................................................................112
71. La responsabilité contractuelle pour autrui...............................................................112
72. Les clauses de non responsabilité.............................................................................112
73. Le concours des responsabilités................................................................................112
Chapitre 2. Les délits et quasi-délits civils..........................................................112
74. Introduction................................................................................................................... 112
75. La responsabilité personnelle : les articles 1382 et 1383 du Code civil.........................112
a) La faute....................................................................................................................... 112
b) Le dommage............................................................................................................... 112
c) Le lien de causalité...................................................................................................... 112
76. La responsabilité du fait d'autrui...................................................................................112
77. La responsabilité du fait des animaux...........................................................................112
78. La responsabilité du fait d'un bâtiment en ruine...........................................................112
79. La responsabilité du fait des choses..............................................................................112
80. La réparation des dommages causés par les anormaux................................................112
Chapitre 3. Les autres sources d'obligations.......................................................112
81. Les quasi-contrats......................................................................................................... 112
a) La gestion d'affaire...................................................................................................... 112
b) Le paiement indu........................................................................................................ 112
c) L'enrichissement sans cause.......................................................................................112
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82. L'engagement unilatéral............................................................................................... 112
83. L'apparence................................................................................................................... 112
84. La loi............................................................................................................................. 112
Chapitre 4. Les modalités des obligations..........................................................112
85. Introduction................................................................................................................... 112
86. La condition................................................................................................................... 112
87. Le terme........................................................................................................................ 112
88. Les obligations à débiteurs multiples............................................................................112
a) Principe : débiteurs conjoints......................................................................................112
b) La solidarité................................................................................................................. 112
c) L'indivisibilité............................................................................................................... 112
d) Les obligations in solidum........................................................................................... 112
e) Obligation à la dette et contribution à la dette............................................................112
Chapitre 5. La transmission des obligations.......................................................112
89. Introduction................................................................................................................... 112
90. La cession de créance................................................................................................... 112
a) Notion.......................................................................................................................... 112
b) L'objet de la cession.................................................................................................... 112
c) Moment du transfert et opposabilité aux tiers.............................................................112
d) Opposabilité des exceptions (par le cédé au cessionnaire).........................................112
e) Vente d'une créance - garanties..................................................................................112
91. L'endossement de factures........................................................................................... 112
92. Le factoring ou affacturage........................................................................................... 112
93. La cession de rémunération.......................................................................................... 112
94. La cession de dette....................................................................................................... 112
a) La délégation simple................................................................................................... 112
b) La délégation novatoire ou novation par changement de débiteur.............................112
c) La stipulation pour autrui............................................................................................. 112
95. La cession de contrat synallagmatique.........................................................................112
Chapitre 6. L'extinction des obligations..............................................................112
96. Le paiement.................................................................................................................. 112
97. La remise volontaire...................................................................................................... 112
98. La compensation........................................................................................................... 112
a) Notion.......................................................................................................................... 112
b) La compensation légale............................................................................................... 112
99. La prescription extinctive.............................................................................................. 112
a) Notion.......................................................................................................................... 112
b) Les différentes prescriptions.......................................................................................112
c) Le cours de la prescription........................................................................................... 112
Chapitre 7. Les sûretés......................................................................................112
Section 1. Introduction........................................................................................................ 112
100. Notions.................................................................................................................... 112
101. Classification........................................................................................................... 112
Section 2. Les sûretés réelles.............................................................................................. 112
102. Notion...................................................................................................................... 112
103. Le gage-nantissement............................................................................................. 112
104. Les autres gages..................................................................................................... 112
105. L'hypothèque........................................................................................................... 112
106. Les privilèges........................................................................................................... 112
Section 3. Les sûretés personnelles....................................................................................112
107. Notion...................................................................................................................... 112
108. Le cautionnement.................................................................................................... 112
109. Les autres sûretés personnelles..............................................................................112
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