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Introduction générale
. Présentation — Le droit des obligations est parfois aussi appelé théorie générale des
obligations
(sur cette question et sur les doutes, cf. infra, n° ). Il est la base même
des études du droit privé, du droit en général et est souvent considéré comme le droit
commun du droit commun. Th éorique et pratique, élégant et rigoureux, sophistiqué
et fondé sur des principes élémentaires, technique et reposant sur des analyses extra-
juridiques importantes, etc., le droit des obligations est une matière centrale qu’il
n’est pas aisé d’aborder. Il forme la matière première du droit des contrats et du droit
de la responsabilité mais aussi propose un régime, des règles qui se présentent comme
l’outil de base des relations personnelles patrimoniales, la notion d’obligation. Il est
donc indispensable pour comprendre l’ensemble des questions qui fondent la vie
économique, dans ce qu’elle a de plus simple : l’acquisition banale d’un bien de
consommation courante, les conséquences d’une chute dans l’escalier d’une grande
surface, ou dans ce qu’elle a de plus sophistiqué : les relations de la distribution, les
contrats de longue durée de façon plus générale et le droit fi nancier. Nous verrons,
en le développant, que ce que nous appelons « droit des obligations » correspond
alors à trois logiques : le contrat, échange de volontés producteur d’eff ets juridiques,
dont des obligations, la responsabilité qui, partant du constat d’un dommage causé
par un fait générateur, proposera une indemnisation sous forme d’une obligation
de réparation, et enfi n, le « microcosme » juridique, l’obligation en tant que telle, à
travers son régime, son paiement, sa circulation essentiellement, où nous observerons
alors trois fonctions principales distinctes : la gestion des échanges volontaires entre
patrimoines, s’agissant des contrats, d’aff aires pour les plus intéressants, la gestion
des tragédies et des larmes pour la responsabilité, la gestion des mécanismes fi nan-
ciers et de garantie pour le régime des obligations. Reste alors, en admettant que cet
ensemble soit un ensemble cohérent, comme point commun, la notion d’obligation
(I) avant d’aborder les sources de ce droit des obligations (II).
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I. La notion d’obligation
A. Défi nition
. Définition — L’obligation, au centre de la matière étudiée, le droit des obliga-
tions, peut être entendue de plusieurs manières alternatives, par les juristes ou les
non-juristes : certains considéreront qu’ils sont soumis à des obligations religieuses,
sociales, fi nancières, morales, politiques, internationales, envers l’état, les autres ou
soi-même. Ce faisant, ils confondront
obligation et devoir (devoir envers la patrie
par exemple), et donc, eff et obligatoire et eff et normatif, ou
obligation et engagement
(engagement moral, engagement d’honneur) et, donc eff et obligatoire et eff et de la
volonté.
Pour le juriste, le terme « obligation » est aussi employé à de multiples égards.
Ainsi parle-t-on des obligations des époux nées du mariage, de l’obligation de respecter
le Code de la route et d’ailleurs le Code pénal en général, de l’obligation de déclarer
ses impôts, etc. Le terme n’est donc pas réservé au droit des obligations.
Cependant, l’ensemble de ces « obligations » ne correspond pas à la notion
d’obligation au sens où l’envisage le droit des obligations, elles correspondent à un
tissu de devoirs, d’exigences qui fondent la vie sociale.
Le droit des obligations en eff et utilise le terme obligation dans un sens très
étroit. L’obligation est défi nie comme un lien de droit (vinculum juris), un rapport
juridique, entre deux personnes par lequel une personne, appelée débiteur, doit
fournir à une autre personne, appelée créancier, une certaine prestation ou une
abstention.
. Description — Passée cette défi nition qui relève du consensus historique, on ne
sait pas grand-chose, d’un point de vue normatif, sur la notion d’obligation. Le Code
civil ne la décrit pas, pas davantage qu’il trace les éléments d’une théorie générale de
l’obligation, de telle manière que la frontière entre les obligations civiles, c’est-à-dire
juridiques, et d’autres liens de droit est parfois fl oue. Ainsi en est-il, de manière très
classique, entre les obligations juridiques et les obligations morales ou les obliga-
tions naturelles (cf. infra, n° ) mais encore avec les obligations légales : lorsque
la loi impose à un contractant d’exécuter telle ou telle obligation, une obligation
d’informer par exemple, est-ce encore une « obligation », est-ce un devoir, est-ce une
simple contrainte légale ? Et si ce contractant répète, ou améliore, cette « obligation »,
se transforme-t-elle en obligation juridique ? Qu’en est-il des rapports entre une
personne publique et un usager qui ressemblent trait pour trait à ceux, des rapports
d’obligation juridique, qui se nouent entre deux personnes privées, comme c’est le
cas entre un hôpital ou une clinique et un patient, ou bien entre un établissement
public, ou privé, d’enseignement et un étudiant ?
Pour rester dans le champ du Code civil, bien des incertitudes demeurent.
L’article  du Code civil dispose que les obligations peuvent être de donner (trans-
fert de propriété), de faire (livrer une marchandise) ou de ne pas faire (ne pas révéler
une information confi dentielle), ce qui est d’une part source de confusions et surtout
totalement insuffi sant. En premier parce l’existence de l’obligation de donner, résur-
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gence anachronique de l’obligation de dare du droit romain et de l’ancien régime, est
elle-même discutable à l’heure du consensualisme de principe en droit des obliga-
tions. En second parce que, par un singulier raccourci, l’article  du Code civil a
longtemps été, rapidement, lu comme si les conventions, modèles des sources d’obli-
gations, ne produisaient
que des obligations. Or, les conventions, les contrats sont
producteurs d’eff ets de droit très divers dont des obligations, les eff ets systématiques
et les plus remarquables, mais aussi des eff ets réels (transfert de propriété, constitu-
tion de droit réel, etc.), des options, des facultés, des délais, etc., question sur laquelle
nous reviendrons bien souvent.
De même, le lien que le droit français des obligations tisse entre droit des
contrats et droit de la responsabilité civile, sur le fondement d’un régime identique,
l’obligation, dont l’un comme l’autre seraient la source, est critiquable. S’il n’est pas
contestable que le contrat est directement porteur d’obligations, nous étudierons le
droit de la responsabilité à travers un mécanisme très complexe qui, d’un fait généra-
teur de responsabilité, fi ltré par les régimes de responsabilité (responsabilité pour
faute ou responsabilité sans faute) permet d’aboutir, éventuellement, à une obligation
de réparation. Mais ce lien n’a rien d’universel et le droit anglais, notamment, ne
connaît pas de droit des obligations, mais uniquement un droit des contrats (Contract
Law
) ou un droit de la responsabilité (Torts Law) sans aucun lien entre eux.
. Obligation civile, obligation naturelle — Lien de droit, l’obligation, dite
alors civile, se distingue de l’obligation naturelle, l’obligation morale, en ce sens que
l’obligation civile, seule, est à l’origine d’un lien juridique, qui peut faire l’objet d’une
action en justice. À l’inverse, l’obligation naturelle, qui n’est pas défi nie par le Code
civil, sinon par une simple allusion (C. civ., art. , al. ) n’est, précisément, pas
entrée dans le champ juridique, elle ne permet aucune action en justice.
Par exemple, une personne emprunte une somme d’argent à une autre.
L’emprunteur et le prêteur concluent un contrat, source d’obligations, dont l’une,
l’obligation de rembourser la dette, les lie en ce sens que l’emprunteur, débiteur
de cette obligation de rembourser, doit s’exécuter auprès du prêteur, le créancier
de l’obligation de rembourser. À l’inverse celui qui s’engage sur l’honneur à réaliser
quelque chose, ne s’engage, en principe, pas juridiquement. Toutefois, celui qui
s’engage par une obligation naturelle, et qui commence volontairement d’exécuter
cette obligation fait entrer son obligation, plus exactement ce qui a été commencé
(de ce point de vue, il ne pourra obtenir répétition de ce qui a été payé) ou qui
s’engage, ensuite, à exécuter cette obligation dans l’avenir s’oblige juridiquement :
mais par quelle technique, est-ce une transformation, une novation (cf.
infra, n° )
pensait-on pendant très longtemps, ce qui ne peut convenir car la novation suppose
l’extinction d’une obligation ancienne par remplacement d’une obligation nouvelle
.
.
Cf. M. Gobert, Essai sur le rôle de l’obligation naturelle, Sirey, .
En principe seulement, tant le régime juridique des engagements d’honneur est complexe (cf.
infra, n° ).
D’une manière plus générale, les obligations naturelles se rencontrent dans deux types de situations, d’une
part lorsqu’une obligation est imparfaite, parce qu’un obstacle quelconque a empêché la formation normale de
l’obligation (nullité, règle de forme non respectée, etc.) alors que l’obligation s’est éteinte sans avoir été payée
(par prescription notamment), et d’autre part, face à des obligations relevant de la morale, l’’honneur ou de la
conscience.
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alors même que précisément, aucune obligation préexistante n’est éteinte, ou création
d’une obligation civile, solution aujourd’hui privilégiée
par un engagement unila-
téral de volonté.
. Caractères — En ce sens, l’obligation présente deux aspects, deux faces d’une
même réalité : du côté actif, c’est-à-dire du côté du créancier, l’obligation est aussi
appelée
créance : la faculté qu’a le créancier de réclamer au débiteur l’exécution de
cette prestation ou de cette abstention. Inversement, du côté passif, c’est-à-dire du
côté du débiteur, l’obligation est appelée
dette : le devoir qu’a le débiteur d’exécuter
cette prestation ou cette abstention.
Se dégagent alors d’autres composantes de l’obligation, d’autres façons de l’envi-
sager. D’un point de vue économique, l’obligation se décompose : d’une part la
valeur
que représente celle-ci, la créance vue du côté actif, du côté du créancier, et d’autre
part, la contrainte qui lui est inhérente, vue du côté passif, du côté du débiteur.
Par conséquent, l’obligation se situe dans la catégorie des droits personnels, par
opposition aux droits réels, mieux des droits patrimoniaux, par opposition des droits
extrapatrimoniaux.
B. Distinction avec le droit réel
. Exemple — Un exemple permet d’illustrer cette diff érence, à partir de la situation
du propriétaire d’un immeuble soucieux d’accorder à une personne la jouissance de
son bien.
Ce propriétaire peut d’abord démembrer son droit de propriété, et remettre à
la personne bénéfi ciaire quelques-unes des prérogatives qui étaient incluses dans ce
droit de propriété : en l’occurrence les prérogatives d’usage et de jouissance. Cela
peut passer, par exemple par la constitution d’un droit d’usufruit, qui est un démem-
brement du droit de propriété et, par conséquent, comme lui, un droit réel : comme
le droit réel de propriété, le droit d’usufruit, droit réel, porte directement sur la chose
(C. civ. art. ). Dans ce cas, il y a, en eff et, assujettissement d’une chose à une
personne, création d’un droit portant sur une chose, une « res ». Dès lors si le proprié-
taire de la maison vend cette dernière, l’usufruitier qui détient un droit réel sur la
chose, conserve ce droit que le nouveau propriétaire doit supporter, l’usufruitier peut
exercer des actions réelles, par exemple une action en revendication.
Ce propriétaire peut aussi conserver intact son droit de propriété et être simple-
ment tenu vis-à-vis du bénéfi ciaire de lui assurer l’usage et la jouissance paisible
de l’immeuble, par la conclusion d’un contrat de bail. Il y a alors constitution, au
profi t du bénéfi ciaire, d’un droit de créance reconnu à une personne, le créancier, le
locataire, sur une autre personne, le débiteur, le bailleur. Le rapport s’établit entre
deux personnes (créancier et débiteur, locataire et bailleur) : c’est un droit personnel
(C. civ. art. ). Dans ce cas, il y a, en eff et, assujettissement d’une personne, le
.
.
Cass. civ. re,  oct. , Bull. civ. I, n° , D. , somm. , obs. R. Libchaber, D. , p. , note
G. Pignarre : « La transformation, improprement qualifi ée novation d’une obligation naturelle en obligation civile,
laquelle repose sur un engagement unilatéral d’exécuter l’obligation naturelle, n’exige pas qu’une obligation civile ait
elle-même préexisté à l’obligation »
. Adde : N. Molfessis, « L’obligation naturelle devant la Cour de cassation :
remarques sur un arrêt rendu par la première chambre civile le  octobre  »,
D. , Chr. .
Cf. D. Mainguy,
Introduction générale au droit, Litec, e éd., .
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débiteur, à une autre personne, le créancier ; il y a création d’un droit portant sur
une personne, point sur la chose. Les diff érences entre les deux types de droit concur-
rent se mesurent alors aisément.
. La nature de la relation est différente — La diff érence entre les droits
s’exprime de plusieurs manières.
Le droit réel lie une personne à une chose, tandis
que le droit personnel lie deux personnes. Le droit réel s’exprimant en un pouvoir
portant sur une chose, il faut que cette chose existe et soit déterminée au moment de
la naissance du droit qui la concerne (
« je suis propriétaire de cette maison »), tandis
que le droit personnel liant une personne à une autre et s’exprimant par un pouvoir
reconnu à une personne sur une autre personne peut intéresser des biens futurs (
« vous
me construirez une maison selon tel plan »
), et même des biens indéterminés, défi nis in
genere (« vous me livrerez un stère de bois »). Le droit réel s’exerçant sur la chose sans
intermédiaire peut s’éteindre par la volonté unilatérale de son titulaire (le principe de
l’abandon du droit par déguerpissement ou délaissement général est admis quel que
soit le droit réel concerné ; le Code civil en évoque diverses applications à propos du
droit d’un copropriétaire sur un mur mitoyen : C. civ. art.  et des hypothèques :
C. civ. art. ) ; tandis que le droit personnel liant une personne à une autre ne
peut s’éteindre qu’avec l’accord des deux personnes : le sujet actif et le sujet passif ;
en d’autres termes la remise de dette ne peut pas s’opérer par une manifestation
unilatérale de volonté du créancier. La remise de dette réglementée par le Code civil
(C. civ., art. ) est la convention par laquelle le créancier consent gratuitement au
débiteur qui l’accepte, l’abandon complet ou partiel de sa créance ; cette remise est
une convention qui suppose, par conséquent, l’accord des volontés du créancier et du
débiteur ; la volonté unilatérale du créancier renonçant spontanément et isolément
à sa créance est insuffi sante pour éteindre l’obligation : l’acceptation du débiteur est
nécessaire (cf. infra, n° ).
. L’autorité des deux types de droits est différente — Le droit réel s’impose
à tous ; il est opposable erga omnes tandis que le droit personnel ne s’impose qu’au
débiteur, il n’est opposable que inter partes. Le droit réel, s’exerçant directement sur
la chose, produit ses eff ets à l’égard de tous. Il est absolu dans ses eff ets (l’usufruitier
peut revendiquer la jouissance de son bien directement contre tout tiers ; il n’a pas à
s’adresser préalablement au nu-propriétaire du bien), tandis que le droit personnel,
pouvoir sur une personne, ne peut s’exercer que sur une personne bien déterminée :
l’article  du Code civil pose le principe de la relativité des eff ets des conventions
(c’est du bailleur et du bailleur seul que le locataire attend, par exemple, l’usage et la
jouissance paisibles du bien loué).
. Le régime des deux types de droits est différent — Le droit réel par la
combinaison des deux séries de caractères que l’on vient de souligner bénéfi cie de
deux techniques originales de protection qui font précisément son intérêt, à savoir le
droit de préférence et le droit de suite que le droit personnel ne connaît pas.
Le droit de préférence est le droit d’être payé avant tout autre sur le prix de vente
d’une chose : le titulaire d’un droit réel a sur la chose un droit lui permettant de la
soustraire à la poursuite de créanciers ordinaires. Ainsi, par exemple, le créancier
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titulaire d’un droit réel d’hypothèque pourra se faire payer sur le prix de vente du
bien hypothéqué avant tous les créanciers ordinaires dits « chirographaires », d’une
part, avant tous les créanciers privilégiés de rang inférieur ou de date postérieure
à la date de la prise d’hypothèque, d’autre part ; tandis que le titulaire d’un droit
personnel n’a aucun droit à être préféré aux autres créanciers. Tous les créanciers ont,
en eff et, un égal droit de gage général sur le patrimoine de leur débiteur commun ;
les créanciers seront, donc, payés dans l’ordre de présentation, le paiement étant
« le
prix de la course »
. S’ils interviennent en même temps, la loi du concours s’appliquera
et ils partageront entre eux le prix de vente de la chose.
Le droit de suite est le pouvoir de revendiquer un bien entre quelque main qu’il
se trouve. Le titulaire d’un droit réel a un droit direct sur la chose. Peu importent les
mains entre lesquelles se trouve cette chose. L’usufruitier a un droit sur la chose quel
que soit le nu-propriétaire, qu’il soit ou non celui dont il tire son droit réel. Il pourra,
donc, revendiquer la chose où qu’elle se trouve. De la même manière, le créancier
hypothécaire titulaire d’un droit réel a un droit de suite en raison non pas de son
titre de créance mais de son droit réel d’hypothèque sur l’immeuble hypothéqué ;
il pourra suivre le bien même dans un patrimoine autre que celui de son débiteur
initial, il pourra, notamment, saisir le bien hypothéqué entre les mains d’un tiers
acquéreur ; tandis que le titulaire d’un droit personnel a un simple droit à exécution
sur le patrimoine de son débiteur, tel qu’il sera au moment de la saisie. Lorsqu’un
bien est vendu par le débiteur entre la naissance de la créance et son exécution, le
créancier chirographaire ne peut pas le saisir entre les mains de l’acquéreur. Le bien
sorti du patrimoine du débiteur avant la saisie va échapper au créancier qui n’a pas de
droit de suite sur ce bien entre les mains d’éventuels acquéreurs et sous-acquéreurs.
. Relativité de la différence — Ainsi marquée, de manière classique, la diff é-
rence entre droit réel et droit personnel, entre propriété et contrat paraît irréductible
et défi nitive. Il n’est pas certain que cette distinction, didactique, refl ète la réalité
économique. Ainsi, la « propriété » et le « droit de propriété » sont une situation objec-
tive, un rapport entre une personne et une chose qui est présentée par l’article 
du Code civil comme un « pouvoir », le pouvoir de jouir de la chose de la manière la
plus absolue, ce qui est assez étrange pour un droit réel, à moins de ne pas confondre
propriété et chose, droit de propriété et objet de l’appropriation. En outre, bien des
techniques contractuelles permettent d’assurer une constitution de droit réel ou un
eff et acquisitif de propriété, un transfert de propriété ou une extinction d’un droit
réel. Enfi n, le rapport entre une personne et un bien, appelé droit de propriété ou
droit réel est parfois de source personnelle, par exemple lorsque le droit de propriété
est entièrement constitué par un contrat, comme une sûreté réelle. Les liens entre
droit des biens et droit des contrats sont, de ce point de vue, permanents.
Enfi n, la valorisation du contrat, des obligations, permet de les considérer
comme des biens appropriables
et ce faisant d’identifi er un rapport de propriété et
de droit réel sur un contrat ou une créance, permettant de les céder ou de les nantir
par exemple (cf.
infra, n°  s. et  et s.).
.
.
Cf. F. Zénati-Castaing et Th . Revet, Les biens, PUF, , n°  et les références.
Cf. par ex : Y. Emerich,
La propriété des créances : approche comparative, LGDJ, , C. Périssé, L’appropriation
du contrat
, th. Montpellier, , D. Mainguy, « Propriété et contrat », Dr. et Patr.
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II. Les sources du droit des obligations
. Théorie générale des obligations — Ce qu’on appelle droit des obligations
paraît être une
théorie générale des obligations, ayant vocation à s’appliquer à n’importe
quel type d’obligation, contractuelle, extracontractuelle, publique, privée… C’est
donc le plus petit dénominateur commun de laquelle on exclura les études de certains
contrats particuliers par exemple. Cette façon de présenter le droit des obligations
est très classique, très didactique, mais peut-être erronée ou en tout cas imparfaite,
à l’observation de la réalité contractuelle où les enjeux, les faits, les réalités écono-
miques au cœur des problèmes posés permettent de relativiser la
technicité du droit
des obligations et, en tout cas, de considérer que, au-delà des questions techniques
s’imposent des considérations autres, économiques, sociologiques, philosophiques
par exemple, qui permettent également d’apporter des solutions.
Le droit des obligations demeure cependant une matière globalement abstraite.
Le droit des obligations se distingue en eff et de l’étude du droit des contrats spéciaux,
les contrats usuels comme la vente, le bail, le mandat…, des contrats d’aff aires ou de
la pratique contractuelle.
C’est la raison pour laquelle le droit des obligations est une matière relativement
intemporelle : on dit souvent que le droit français des obligations est l’héritier direct
du droit romain des obligations. C’est vrai pour l’essentiel même si le droit des obliga-
tions est aussi et logiquement le produit de l’histoire bimillénaire du droit. Ainsi, le
droit romain des obligations se fondait sur l’existence d’un petit groupe de contrats,
auxquels était attachée une action en justice. Point de principe du consensualisme,
de liberté contractuelle, de force obligatoire des contrats, etc. Ce n’est que l’infl uence
du christianisme durant le Moyen Âge qui, tout en redécouvrant le droit romain et
en le transformant, l’a imposé : pacta sunt servanda : les contrats sont obligatoires en
raison d’un principe religieux de respect de la parole donnée. Il y a donc une tradi-
tion romaine, et plus exactement, romaniste, dans le droit des obligations, mais qui
doit être combinée avec bien d‘autres produits de l’évolution historique du droit,
pour parvenir à l’affi rmation de ce principe qui, lui, demeure.
Depuis , il est vrai que le droit des obligations a, longtemps, peu évolué et,
surtout, été épargné par l’infl ation législative. De sorte que le lecteur du Code civil
d’aujourd’hui peut être surpris de la constance du droit en la matière. En réalité, les
règles ont beaucoup évolué, mais sous l’infl uence de la jurisprudence, point de la loi
et souvent à côté de la loi, voire contre celle-ci, ce qui justifi e les projets de réforme du
droit des obligations (cf.
infra, n° ) mais également une nouvelle manière d’appro-
cher le droit des contrats (cf.
infra, n° ).
En revanche, l’infl ation législative n’a pas épargné les matières annexes au droit
des obligations. Une évolution notable s’est alors produite : le droit des obligations,
droit commun et donc résiduel des contrats et des obligations, s’est réduit au profi t
de la prolifération des statuts spéciaux des contrats et de nouvelles manières d’aborder
les relations d’obligations : de rapports de créancier à débiteur vers des rapports de
professionnel à consommateur, d’employeur à salarié, d’assuré à assureur…
Par ailleurs, le droit des obligations est une réalité multiquotidienne. Nous
concluons ou exécutons tous les jours plusieurs contrats ou obligations. De la sorte
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le droit des obligations est en prise directe avec les réalités économiques. Par exemple,
le droit de la responsabilité moderne suit largement les évolutions de la technique, le
« machinisme » dit-on souvent.
. Sources des obligations et sources du droit des obligations — Une
précision sémantique s’impose d’emblée. Les
sources des obligations peuvent s’entendre
de deux façons. Le droit des obligations lui-même envisage par ces termes l’ensemble
des conditions de la formation des obligations, et c’est ainsi que nous étudierons ces
règles mais de manière plus globale à l’observation que le contrat produit des eff ets
juridiques, dont des obligations. Ici ce sont les sources du droit des obligations au
sens normatif qui nous intéressent, d’autant plus qu’elles se sont multipliées, alors
qu’une réfl exion lourde et fructueuse sur une réforme du droit des obligations, dans
la suite logique des réformes récentes du droit civil, s’amorce.
. Code civil — Le Code civil d’abord, est la principale source du droit des
obligations : le titre III du Livre III du Code civil est entièrement consacré aux
obligations conventionnelles en général (C. civ., art.  et suivants) et le Titre IV se
consacre aux obligations qui se forment sans convention (C. civ., art.  et suivants),
un Titre IV bis s’est récemment ajouté, mais on peut évoquer aussi bien des règles
intéressant les contrats spéciaux. Observons en outre que l’ensemble s’insère dans le
Livre III du Code civil « des diff érentes manières dont on acquiert la propriété », logique
évocatrice de celle qui imprime le Code civil : les contrats y sont perçus comme
le développement du contrat de vente, conçu comme le modèle des contrats du
début du xixe siècle et, plus singulièrement encore, de la vente immobilière. Or, cette
conception, ce modèle, sont très largement dépassés : le contrat d’entreprise est large-
ment aussi important que la vente, sans compter les contrats de longue durée : nous
verrons que l’évolution du droit des obligations, de lege lata mais surtout ferenda,
tient compte de cette réalité nouvelle. Il fallait, alors, protéger l’acquéreur des Biens
nationaux ; il convient aujourd’hui de sécuriser ces contrats complexes dans une
logique de concurrence internationale.
. Hors le Code civil , nombreuses sont les règles qui intéressent le droit des
obligations. Les lois relatives au commerce, d’abord (cf. C. civ., art. ), les lois
codifi ées ou non qui gouvernent des contrats et qui ne seraient pas insérées dans le
Code civil. On songe alors au Code du travail, au Code des assurances par exemple.
Certaines de ces règles sont par ailleurs d’une importance majeure pour le droit
des obligations. C’est le cas notamment du droit de la consommation, et son Code,
ou du droit de la concurrence, interne (C. com., art. L. - et s.) ou communau-
taire (TCE, art.  et ), du droit des entreprises en diffi culté, des marchés fi nan-
ciers… Certaines de ces règles extérieures au Code civil ont tendance à revendiquer
une certaine autonomie, à se démarquer parfois très franchement, du droit commun
des obligations, du Code civil, le cas du droit du travail est à cet égard assez remar-
quable, sans y parvenir toutefois, en raison de caractère commun, donc subsidiaire
du droit des obligations, y compris s’agissant du droit du travail qui recourt volon-
tiers aux concepts du droit des obligations, par exemple en matière de force majeure
ou de mode atypique de rupture du contrat de travail. D’autres de ces matières, tout
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en justifi ant leur autonomie, comme le droit de la consommation, entretiennent
des rapports très étroits avec le droit commun des obligations : ainsi peut-on sans
diffi culté que le droit de la consommation a sans doute supplanté le droit commun
s’agissant des rapports contractuels usuels de tout un chacun : tous les contrats que
nous concluons tous les jours sont bien plus régis par le Code de la consommation
que par le Code civil.
. Droit constitutionnel civil — Les rapports entre le droit constitutionnel et
le droit des obligations sont assez lâches. Pourtant, la constitutionnalité de la liberté
contractuelle s’est posée à plusieurs reprises à l’occasion de la discussion de la consti-
tutionnalité de lois touchant au droit des contrats.
Le Conseil constitutionnel a systématiquement considéré que la liberté contrac-
tuelle n’était pas un principe à valeur constitutionnel, en sorte que la loi peut imposer
des restrictions à cette liberté, pour autant que ces restrictions soient proportion-
nées : « aucun principe de valeur constitutionnelle ne garantit le principe de la liberté
contractuelle »
avait décidé le Conseil constitutionnel, le  août .
En , cependant, le Conseil avait considéré que « le législateur ne saurait porter
à l’économie des conventions et contrats légalement conclus une atteinte d’une gravité telle
qu’elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l’article  de la déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de  »
. C’est dire que, bien entendu, le principe
de la liberté contractuelle n’est pas un principe de valeur constitutionnel, affi rmer le
contraire condamnerait toute loi d’ordre public, mais que le Conseil constitutionnel
en vérifi e tout de même les tenants. Demain, bien entendu, le mécanisme de l’excep-
tion d’inconstitutionnalité va bouleverser la question.
. Droit communautaire — Le droit communautaire n’infl uence, aujourd’hui
le droit des obligations que de façon plutôt marginale, parce que le droit commu-
nautaire est à l’origine de nombreuses directives d’harmonisation qui peuvent avoir
une infl uence directe sur les règles du droit des obligations, comme en matière de
responsabilité du fait des produits défectueux (Dir.  juil.  transposée par la loi
du  mai  : C. civ., art. - et s.), ou de manière indirecte par l’harmonisa-
tion des règles du droit de la consommation comme en matière de clauses abusives
par exemple (Dir.  mai , L. er fév.  : C. consom., art. L. - s.) ou de
garantie de conformité dans la vente (Dir.  mai , transposée par l’ord. du
 fév. )
. Cette infl uence demeure marginale car le droit communautaire n’a,
.
Déc. Cons. constit.  août , JCP, , II, , note Y. Broussole, RTD civ. ., obs. J. Mestre,
 mars ,
JCP , I, , obs. M. Fabre-Magnan, RTD civ. ., obs. J. Mestre. V. Ph. Terneyre,
« Le législateur peut-il abroger les articles  et  du Code civil ? Sur la valeur constitutionnelle de la liberté
contractuelle »,
Mélanges G. Peiser, PU Grenoble, , p. .
.
.
.
. Déc. Cons. constit.  juin , RTD civ. ., obs. N. Molfessis. V. Aussi Déc. Cons. constit.,  déc.
, n° - DC qui se réfère à l’article  de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen duquel
découlerait le principe de liberté contractuelle.
Cf. A. Duff y, « La constitutionnalisation de la liberté contractuelle »,
RDP , p. .
V. Cependant H. Aubry,
L’infl uence du droit communautaire sur le droit français des contrats, PUAM .
Varii actores, « Défauts, qualités et vices du nouveau régime de garantie dans la vente des biens de consomma-
tion », RDC /, p.  s. ; D. Mainguy, « Le nouveau droit de la garantie de conformité dans la vente au
consommateur »,
JCP éd. E, , , G. Paisant, « La transposition de la directive du  mai … », JCP
éd. G, , I,  ; O. Tournafond, « La nouvelle garantie de conformité des consommateurs »,
D. ,
chron. P. .
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pour l’instant (cf. infra, n° ), pas abordé de front la question de l’harmonisation des
règles communes et ne s’est intéressé qu’à des thèmes techniques.
. Droit européen — À l’opposé, l’infl uence des règles de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH) est de plus en plus
notable
. Cette infl uence se mesure en premier lieu s’agissant des obligations de la
France comme signataire de la CESDH et notamment, pour ce qui nous concerne,
l’article 
er du er Protocole additionnel lequel, à travers une formule proche de celle
de l’article  de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de , assure
la protection d’un droit au respect des biens, biens dont nul ne saurait être privé
à moins que soit respecté le
« juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et
les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens
», et la jurisprudence de la
CEDH considère qu’un droit de créance est un bien entrant donc dans le champ de
l’article er du er Protocole.
L’eff et direct vertical de la convention se mesure ainsi, notamment, dans les
arrêts de la Cour de cassation. Les suites de la célèbre aff aire Perruche en sont une
illustration presque humiliante pour le législateur français : les arrêts Perruche avaient
admis l’indemnisation d’un préjudice lié à la non-révélation du handicap d’un enfant
pendant la grossesse de sa mère à la suite d’une faute d’un professionnel de santé, ce
qui revient à indemniser le préjudice lié à la perte de chance de réaliser une inter-
ruption volontaire de grossesse. Au-delà de l’appréciation que chacun peut avoir de
cette question, qui touche le plus haut de la philosophie, de la morale et du droit,
le législateur avait crû utile de légiférer et l’article I- de la loi du  mars , dit
dispositif « anti-Perruche », disposait que « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice
du seul fait de sa naissance »
de telle manière que ce préjudice est compensé par une
indemnisation forfaitaire qui devait s’appliquer aux instances en cours. Mais la Cour
de cassation par trois arrêts majeurs du  janvier  dans des aff aires identiques
utilisait l’article er du er protocole de la CEDH pour distinguer, s’agissant de la
réparation du préjudice, entre celui de l’enfant et celui des parents devant supporter
des charges d’entretien de l’enfant handicapé tout au long de sa vie, pour écarter, sur
ce point l’article I- de la loi de .
En outre, l’eff et horizontal de la CEDH se mesure entre contractants, s’agissant
d’apprécier le caractère proportionné des éventuelles atteintes apportées à leurs droits
fondamentaux par une clause d’un contrat. Il est ainsi de plus en plus fréquent que
des contractants invoquent ces règles pour obtenir l’annulation de certaines clauses,
qui contrarient, par exemple, le droit au respect de la vie privée et familiale (CESDH,
.
.
Cf. J. Raynaud, Les atteintes aux droits fondamentaux dans les actes juridiques privés, PUAM, , A. Debet,
L’infl uence de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit civil, Dalloz, .
Cass. civ. 
re,  janv. , Bull. civ. I, n° , ,  : « si une personne peut être privée d’un droit de créance en
réparation d’une action en responsabilité, c’est à la condition selon l’article 
er du protocole n°  à la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que soit respecté le juste équilibre entre les exigences
de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; que tel n’est pas le cas en l’espèce, dès
lors que l’article 
er-I, en prohibant l’action de l’enfant et en excluant du préjudice des parents les charges particulières
découlant du handicap de l’enfant tout au long de la vie, a institué un mécanisme de compensation forfaitaire du
handicap sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale, quand les époux Z… pouvaient, en
l’état de la jurisprudence applicable avant l’entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur fi lle serait
indemnisée au titre du préjudice résultant de son handicap ».
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art. ) ou le droit à la liberté de réunion ou d’association (CESDH, art. ) dans un
contrat de bail
ou dans le contrat de travail.
. Droit international privé des obligations, des contrats, de la respon-
sabilité —
Plus complexe encore est la question des règles du droit international
privé des obligations, des contrats ou de la responsabilité qu’il n’y a pas lieu de traiter
ici
, sinon pour rappeler que ces questions justifi ent la résolution de confl its de
juridictions (cf. Règlement n° /, art. ) et surtout de confl its de lois portant
sur les contrats (et cf. Conv. de Rome du  juin  relative à la loi applicable
aux obligations contractuelles) ou sur la responsabilité où pour l’essentiel règne le
principe d’autonomie qui assure aux contractants le choix libre de la loi applicables
à leurs rapports. Plus rarement, des conventions établissent des règles matérielles
internationales (Convention de Vienne du  avril  sur la vente internationale
de marchandises). Mais, surtout, des sources privées, de nature et d’autorité parfois
assez fl oue, comme les Principes Unidroit ou les Principes pour un droit européen
des contrats ont vocation à profondément bouleverser sinon ces questions, du moins
les consciences des juristes européens et, peut-être surtout, français.
. Principes « Unidroit » — L’institut international pour l’unifi cation du droit
privé (Unidroit) a publié en  des « principes relatifs aux contrats du commerce
international » en , ensuite complétés en . Leur objectif est de proposer, par
une forme de concrétisation de la lex mercatoria dont les Principes Unidroit se récla-
ment, une unifi cation des règles matérielles en matière de commerce international,
par une technique alternative aux procédés traditionnels, conventions internatio-
nales ou lois-types. L’initiative permet de proposer un ensemble de règles directe-
ment accessibles, bien plus que la lex mercatoria classiquement entendue, mythique,
discutée et diffi cile d’accès. Elle s’inscrit ainsi dans un processus de codifi cation
voire de restatement à l’américaine, rejoignant en cela l’enseignement de Lambert, ce
.
.
.
.
Cass. civ. e,  mars , JCP éd. G, , I, , n° , obs. Ch. Jamin, RTD civ. , p. , obs.
J. Mestre, à propos d’une clause d’un bail d’habitation interdisant au locataire d’héberger ses proches ; Cass.
civ. e,  juin , JCP, éd. G, II, , note F. Auque, s’agissant d’une clause d’un bail commercial imposant
l’adhésion à une association.
Cf. Cass. soc.  janv. ,
D. , somm. , obs. J.-P. Marguénaud et J. Mouly, s’agissant d’une clause
de mobilité imposant au salarié de transférer son domicile dans la région de son lieu de travail, tel qu’imposé
par l’employeur.
Cf. D. Mainguy, « Les opérations du commerce international », in
Traité de droit du commerce international,
Litec, , n° s.
JCP , III, . V. J.-P. Béraudo, « Les Principes d’unidroit relatifs au droit du commerce interna-
tional »,
JCP , I,  ; F.-M. Bannes, « L’impact de l’adoption des principes unidroit  sur l’uni-
fi cation du droit du commerce international : réalité ou utopie »,
RRJ , p. , M. J. Bonell, « Th e
Unidroit Principles of International Commercial Contracts : Toward a New Lex Mercatoria ? »,
RDAI ,
p. , B. Fauvarque-Causson, « Les contrats du commerce international, une approche nouvelle : les principes
d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international »,
RIDC , p. , J. Huet, « Les contrats
commerciaux internationaux et les nouveaux Principes d’Unidroit : une nouvelle
lex mercatoria ? », Les petites
affi ches
,  nov. , p. , C. Kessedjian, « Un exercice de rénovation des sources du droit des contrats du
commerce international : les principes proposés par l’Unidroit », Rev. crit. DIP , p. , C. Larroumet,
« La valeur des principes d’Unidroit applicables aux contrats du commerce international »,
JCP , I, ,
D. Mazeaud, « À propos du droit virtuel des contrats : réfl exions sur les principes d’Unidroit et de la commis-
sion Lando »,
Mélanges M. Cabrillac, Dalloz-Litec, , p. .
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comparatiste qui estimait que le but du droit comparé était de parvenir à un droit
commun
.
Ces « Principes » résultent d’une initiative privée : ils ne bénéfi cient d’aucun
caractère obligatoire malgré leur présentation mais leur autorité et indéniable, dans le
champ de l’arbitrage international tout au moins. On y trouve un ensemble cohérent
et construit de règles applicables aux contrats internationaux de leur formation à leur
extinction, s’appuyant sur des techniques propres à la pratique des contrats interna-
tionaux telles que la recherche d’un certain équilibre contractuel, ainsi les « avantages
excessifs » sont sanctionnés, et à l’inverse, promues les obligations implicites qui
découlent de la nature et du but du contrat, des pratiques établies entre les parties et
des usages, de la bonne foi, de ce qui est raisonnable.
L’intérêt est alors multiple, bien que ces Principes, comme les Principes pour un
droit européen des contrats ne disposent pas de l’appui d’une institution publique de
telle manière qu’ils demeurent dans le champ des codifi cations savantes. Ils sont ainsi
une source non négligeable d’appui à des raisonnements, en matière d’arbitrage mais
aussi, quoique rarement, par des juridictions étatiques. Surtout, ils révèlent la possi-
bilité, non expressément formulée, de l’hypothèse d’un droit mondial des contrats,
comme réponse à la relative anarchie de la mondialisation des échanges.
. Principes pour un droit européen des contrats — Les « Principes pour un
droit européen des contrats » (PEDC : Principes pour un Droit européen des Contrats
ou PECL : Principles of European Contract Law) se présentent comme un ensemble de
règles concurrentes des « Principes Unidroit ». Élaborés sur la férule du Pr. Ole Lando
et d’universitaires reconnus des diff érents États membres, ces principes érigent un
système très voisin de celui proposé par les « Principes Unidroit ». Ils ont été publiés
en trois phases, en ,  et  pour enfi n présenter un visage complet. On
retrouve fort logiquement les mêmes objectifs que pour les Principes Unidroit, mais
dans un contexte européen largement revendiqué. En eff et, le Parlement européen
a aujourd’hui repris le fl ambeau universitaire de départ pour promouvoir un futur
Code européen des obligations. On retrouve les principes de liberté contractuelle, de
bonne foi, l’usage de standards juridiques comme le « raisonnable » ou le « propor-
tionné », comme dans les « Principes Unidroit » quoique les PEDC soient encore
plus développés que les « Principes Unidroit »,  articles environs, structurés en
 chapitres, intéressant un droit matériel des obligations et des contrats, éventuelle-
ment internationaux.
. Vers un Code européen des contrats ? — Les « Principes pour un droit
européen des contrats » signalent une « communautarisation » du droit des contrats
internationaux, déjà largement entamée avec le Convention de Rome, mais qui s’ins-
.
.
.
E. Lambert, La fonction du droit civil comparé. Études de droit commun législatif, re série, LGDJ, .
Cf. les résultats d’une recherche : P. Deumier, « L’utilisation par la pratique des conventions d’origine doctri-
nale »,
D. , Chr. p. .
Cf. C. Priéto (dir.) Regards croisés sur les principes du droit européen du contrat et sur le droit français, PUAM,
, dont une excellente introduction, « Une culture contractuelle commune en Europe » par C. Priéto,
p.  ; « Regards croisés avec le droit français »,
Dr. et Patrimoine, avril , p.  s. ; P. Rémy-Corlay et
D. Fenouillet (dir.),
Les concepts contractuels français à l’heure des Principes du droit européen des contrats, Dalloz,
.
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talle, ici, dans le droit matériel des contrats que les autorités communautaires ont
repris à leur compte depuis le début des années  avec, aujourd’hui, un objectif
clair et la constitution d’un « Cadre commun de référence » (CCR) dont l’objet est
de rassembler les textes existants afi n d’améliorer la qualité et la cohérence de l’acquis
communautaire
.
Le projet s’élargit cependant dans une perspective plus vaste de « Code civil
européen » voire plus modestement de « Code européen des contrats et des obliga-
tions », vœu relayé par les institutions communautaires
. On observera simplement
que les deux formules ne sont pas équivalentes. Les « Principes » instituent un corps
de règles souples et non normatives de règles intéressant les contrats internationaux
où un « Code » des contrats, qui pourtant prend sa racine dans les « Principes »,
intéresserait tous les contrats, intégrant les contrats intereuropéens. Deux formules
sont proposées par les autorités communautaires dans un document intitulé « plan
d’action » et diff usé début , soit pour imposer l’application de ces règles de
façon automatique, sauf clause d’exclusio juris, comme à propos de la CVIM (formule
« d’opt out »), soit pour les présenter de façon facultative, via une clause d’electio juris,
comme dans les formules traditionnelles du droit international privé (formule « d’opt
in
»).
Cette question n’est ni nouvelle ni consensuelle. Déjà, en , un projet de
Code civil franco-italien, dans la ligne de la pensée d’Édouard Lambert, auquel la
question de l’unifi cation des droits était chère, s’était heurté à l’incompréhension des
juristes français, peut-être, mais aussi, à l’idée d’unifi er le droit français avec celui de
l’Italie de Mussolini.
De même, mais pour d’autres raisons, l’unifi cation projetée et la perspective
d’un droit européen des contrats ne fait pas l’objet d’un consensus en doctrine, loin
.
.
.
C. Jamin, « Un droit européen des contrats » ?, in Le droit privé européen, Economica, , p. , D. Tallon,
« Vers un droit européen du contrat ? »,
Mélanges A. Colomer, p. , G. Alpa, « Les nouvelles frontières du
droit des contrats »
RIDC , p. , G. Rouhette, « La codifi cation du droit des contrats », Droits, ,
p. .
COM  (), fi nal,  oct. , COM ,  fi nal. Adde, D. Blanc, « La longue marche vers un droit
européen des contrats » D. , chron. , C. Aubert de Vincelles et J. Rochfeld (dir.), L’acquis communau-
taire, les sanctions de l’inexécution du contrat,
Economica,  ; A. Tenenbaum (dir.), B. Fauvarque-Causson
et D. Mazeaud (coord.),
Projet de cadre commun de référence, Terminologie contractuelle commune, Société de
législation comparée, coll. « Droit privé comparé européen », vol. , , G. Wicker et J.-B. Racine (dir.),
B. Fauvarque-Causson et D. Mazeaud (coord.),
Projet de cadre commun de référence, Principes contractuels
communs
, Société de législation comparée, coll. « Droit privé comparé européen », vol. , .
V. R. Schultz, « Le droit privé européen »,
RIDC , p. , D. Tallon, « Vers un droit européen des contrats »
art. cit., P. Legrand, « Sens et non sens d’un Code civil européen »,
RIDC , p. , J. Basedow, « Un
droit commun des contrats pour le marché commun »,
RIDC , p. , P. de Vareilles-Sommières (dir.),
Le droit privé européen, Economica, , C. Witz, « Plaidoyer pour un Code européen des obligations »,
D. , p. , C. Jamin et D. Mazeaud (dir.), L’harmonisation du droit des contrats en Europe, Economica,
, A, Chamboderon, « La texture ouverte d’un code européen du droit des contrats »,
JDI , p. ,
N. Charbit, « L’espéranto du droit ? La rencontre du droit communautaire et du droit des contrats. À propos
de la communication de la commission européenne relative au droit européen des contrats », JCP , I,
, Ph. Malaurie, « Le Code civil européen des obligations et des contrats, une question toujours ouverte »,
JCP , I, , G. Cornu, « Un Code civil n’est pas un instrument communautaire », D. , p. ,
Y. Lequette, « Quelques remarques à propos du projet de Code civil européen de M. von Bar »,
D. ,
p. , B. Fauvarque-Causson, « Faut-il un Code civil européen ? »,
RTD civ. , p. .
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s’en faut. La communauté des juristes est en eff et divisée entre partisans et adver-
saires
d’un tel projet.
. Rôle de la coutume ? — La coutume exerce un rôle mineur et discuté. Citée
comme exemple typique, la solidarité dans les obligations civiles exclue par principe
(C. civ. art. ) ou commerciales où une coutume justifi erait, au contraire, que les
obligations conclues par plusieurs débiteurs ou plusieurs créanciers soient conclues
de façon solidaire.
En revanche, les usages jouent un rôle important. C’est le cas d’abord lorsqu’il
s’agit d’
interpréter un contrat (cf. C. civ., art. , , ) mais aussi, et surtout,
pour
compléter un contrat, s’agissant notamment des contrats commerciaux, dans
lesquels certaines clauses sont réputées fi gurer, en vertu d’un usage professionnel.
. La jurisprudence, source majeure — La jurisprudence est en revanche, avec
la loi, l’autre grande source du droit des obligations.
C’est ainsi autant, voire bien davantage, la jurisprudence que la loi qui est à l’ori-
gine de notre droit de la responsabilité, à travers les grandes constructions jurispru-
dentielles du début du siècle : l’élaboration de la théorie de la concurrence déloyale
et du parasitisme économique qui vivifi e l’article , le mécanisme de la respon-
sabilité du fait des choses (C. civ., art. , al. er) inexistant au xixe siècle et qui
est devenue le mécanisme essentiel aujourd’hui, construit tout au long du xxe siècle,
la responsabilité du fait d’autrui, accompagnant et généralisant les règles posées par
l’article  du Code civil.
C’est aujourd’hui la jurisprudence qui, à coup de grands arrêts ou de séries
d’arrêts plus discrets, par une technique dite « des petits pas », assure l’adaptation du
Code civil au droit moderne des obligations, aujourd’hui tout autant fondé sur la
sécurité juridique, la force obligatoire des conventions, que sur la bonne foi, l’évic-
tion des abus, des déloyautés contractuelles, l’analyse de la proportionnalité de telle
clause d’un contrat avec les buts recherchés par ses promoteurs.
L’inconvénient est cependant de transformer le droit des obligations en un droit
prétorien et, donc, en un droit complexe, presque secret, un droit de savants et d’éru-
dits. En même temps, est-ce réellement un inconvénient, le droit des obligations,
spécialement le droit des contrats ou de la responsabilité peuvent-ils être régis par un
Code civil, des règles servant davantage de guide qu’autre chose, ce domaine relève-
t-il d’un système de
Civil Law ou de Common Law, par nature ? Poser la question
apporte, déjà, des éléments de réponse. Il est certain que le contrat, la responsabilité,
ne méritent et ne supportent pas des règles comme les autres.
. Réforme du droit français des obligations ? — Le droit français des
obligations, des contrats, de la responsabilité est-il obsolète, ou au contraire équilibré,
effi cace ? Un rapport conduit sous l’égide de la Banque mondiale
Doing business
(www.doingbusiness.org) avait ainsi considéré le droit français des contrats comme
peu effi cace, à ranger au fi n fond du classement des droits des pays du monde.
.
.
Cf. not. D. Mazeaud, « Faut-il avoir peur d’un droit européen des contrats ? », Mélanges X. Blanc-Jouvan,
, p.  ; Ch. Jamin, « Vers un droit européen des contrats ? »,
Rev. jur. com. , p. .
Cf. not. Y. Lequette, « Vers un Code civil européen ? »,
Pouvoirs, , n° , p. , « Quelques remarques à
propos du projet de Code civil européen de M. von Bar », art. cit.
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L’enjeu est fondamental : le choix du droit français dans les contrats internationaux
la référence au droit français dans les litiges internationaux ou dans les négociations
internationales, l’éventuelle exportation du droit français… si le droit français est
aussi épouvantable que ce rapport l’estime, alors il faut en changer très vite.
Certes, la méthode utilisée par le rapport est critiquable mais le constat posé
par ce rapport ne peut être nié. Si l’on envisage le droit français des obligations dans
son entièreté, avec les yeux d’un juriste français, c’est un droit globalement équilibré,
doté de principes forts, pertinents, pérennes qui répond sans aucune peine ni aucune
gêne apparente à la plupart des diffi cultés qui se posent.
D’un autre côté, les sources du droit des obligations sont multiples, pour l’essen-
tiel les règles telles que posées par le Code civil et le couple doctrine-jurisprudence.
Or, le premier est globalement obsolète : bien des questions qu’il traite mériteraient
une réforme profonde, bien des articles du Code civil reposent sur une conception
du contrat totalement dépassée. Tout se présente dans le Code civil de manière très
simple, le droit des obligations est le droit commun applicable à tous les contrats
(C. civ., art. ) sauf les réglementations particulières, ce qu’on appelle les contrats
spéciaux, mais l’ensemble reste fondé sur un modèle, celui de la vente, contrat à
exécution rapide, pour ne pas dire instantanée, alors que les besoins du droit des
contrats d’aujourd’hui reposent sur les contrats de longue durée.
Or, et c’est précisément là le problème, le Code civil a été rédigé pour traiter des
contrats usuels d’un propriétaire terrien, bon père de famille de , alors que les
questions qui se posent aujourd’hui sont celles des contrats de masse, les contrats de
consommation, qui disposent d’un Code à cet eff et, et surtout des contrats d’aff aires,
les contrats de longue durée. D’une part le Code civil est muet sur la question de
la gestion du temps dans le contrat mais surtout guère utile pour traiter les grandes
questions qui se posent à leur égard, assis sur une conception morale du droit alors
que les contrats d’aff aires ont besoin d’un droit pratique, économique, etc.
Par conséquent, l’ensemble des grandes questions posées aujourd’hui en droit des
contrats ne peuvent assurément trouver leur source dans le Code civil : la proportion-
nalité, la cohérence contractuelle, l’économie du contrat, les clauses déséquilibrées, le
jeu de l’action directe, la négociation du contrat, la cession de contrat, les causes et
les eff ets de l’extinction du contrat, etc. Rien dans le Code civil et c’est donc dans les
règles jurisprudentielles qu’il faut rechercher, avec l’aide de la doctrine qui l’explique,
l’organise, la met en œuvre. On avouera que ce n’est guère engageant pour un juriste
étranger et ça ne l’est souvent pas davantage pour les juristes français eux-mêmes.
Nulle trahison dans cette déconsidération du Code civil, bien au contraire, le vœu
que le Code se régénère et redevienne cet outil d’interprétation formidable qu’il a
été.
Quant au droit de la responsabilité, c’est encore pire, il s’est construit entière-
ment à côté du Code civil, par le travail massif de la jurisprudence.
.
.
Et V. la réponse de l’Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, sous la houlette de
M. Grimaldi et D. Mazeaud :
Les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports doing business de
la banque mondiale,
Soc. Leg comp. .
Cf. D. Mainguy,
Contrats spéciaux, Dalloz, e éd., .
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C’est dans cet esprit qu’un groupe de travail dirigé par le professeur P. Catala
s’est rassemblé de manière à proposer un rapport prenant la forme d’un avant-projet
de loi de réforme du droit des obligations (et de la prescription), en 
dont on
peut critiquer tel ou tel point, discuter tel autre, mais dont on doit souligner l’audace
et l’opportunité et souhaiter que ce projet aboutira.
. Au-delà des sources des obligations — Trouver un plan original pour
présenter la matière est sans doute impossible. L’étude des obligations impose de
rechercher leur origine : les obligations résultent soit d’actes juridiques, dont le
modèle est le contrat, soit de faits juridiques, sur le modèle de la responsabilité civile.
Elle impose ensuite d’observer leur régime.
Pourquoi chercher une autre distinction, alors que la plupart des manuels propo-
sent cette distinction fondée sur les sources des obligations et, ensuite, leur régime ?
D’une part, parce qu’elle est de notre point de vue artifi cielle, étant donné le
gouff re qui sépare les questions intéressant le droit des contrats et le droit de la
responsabilité civile, même si, évidemment, des liens importants existent : mais ces
liens ne s’expriment pas essentiellement du point de vue des sources des obligations
contractuelles et des obligations de réparer.
D’autre part, parce que si l’on envisage ces questions du point de vue de leur
fonction, dans un sens moderne, alors on observera que le droit des contrats est,
aujourd’hui, et comme son titre l’indique, le support des contrats, des contrats
d’aff aire pour l’essentiel, sans oublier tous les autres bien entendu, que le droit de la
responsabilité est le droit des larmes, du sang mais aussi des relations non contrac-
tuelles d’aff aire, et que le régime des obligations, est le droit au service du droit
bancaire, du droit fi nancier.
Enfi n parce que nous voudrions, dans cet ouvrage, et pour qu’il s’inscrive pleine-
ment dans son siècle, montrer les mouvements considérables qui aff ectent le droit
moderne des contrats, de la responsabilité, de l’obligation dans leur fonctionnalité.
. Classification des obligations — Quelques éléments de présentation du
problème de classifi cation des obligations peuvent, cependant, être présentés. Au
problème classique de connaître les sources des obligations, diff érentes réponses
ont été données qui se séparent moins qu’elles ne se complètent et ne se précisent.
Une distinction empruntée à Justinien et à Pothier est à l’origine des distinctions
actuelles : on trouve dans les compilations de Justinien la formule suivante :
« aut
ex contractu, aut quasi ex contractu, aut ex malefi cio (delicto) aut quasi ex malefi cio
(delicto) obligations nascuntur »
(les obligations naissent ou du contrat ou comme
du contrat ou du délit ou comme du délit, étant entendu que les contrats, actes
.
V. P. Catala, Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, La documentation française,
 ; « Bref aperçu sur l’avant-projet de loi de réforme du droit des obligations et de la prescription »,
D. , Chr. p.  ; B. Fauvarque-Causson et D. Mazeaud, « L’avant-projet de loi de réforme du droit des
obligations et de la prescription et les principes du droit européen des contrats : variations sur les champs
magnétiques dans l’univers contractuel »,
LPA , n° , p.  ; « La réforme du droit des contrats : projets
et perspectives », RDC , p.  (pour la partie concernant la réforme du droit des contrats), et « L’avant-
projet de loi de réforme du droit de la responsabilité », RDC , p. , adde Ph. Malaurie, « Avant-projet de
loi de réforme du droit de la prescription en droit civil », Defrénois, , p. , A. Bénabent, « Sept clés
pour une réforme de la prescription extinctive »,
D. , Chr.  (pour la partie de la réforme du droit de
la prescription).
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licites, emportaient exécution et les délits, actes illicites, réparation). La formule était
d’ailleurs singulièrement plus complexe puisque tous les contrats n’emportaient pas
en droit romain, obligation d’exécuter, pas plus que tous les délits n’emportaient
obligation de réparer.
Les distinctions en la matière ont largement évolué.
Une distinction classique identifi ait ce que l’on appelait, à la suite de Pothier,
qui avait largement emprunté à Justinien d’ailleurs, à la veille du Code civil,
la classi-
fi cation quadripartite des obligations
: le contrat, le quasi-contrat (gestion d’aff aires et
paiement de l’indu), le délit (faute intentionnelle), le quasi-délit (faute non inten-
tionnelle).
Mais Pothier y ajoutait la loi comme source supplémentaire d’obligation même
si la loi est une source ambiguë : ainsi lorsque la loi impose au vendeur profes-
sionnel une obligation particulière à l’attention de l’acheteur consommateur, est-ce
une obligation de source légale ou une obligation de source conventionnelle (il faut
un contrat) mais dont l’existence ou l’intensité est rendue obligatoire par la loi. C’est
sans doute cette deuxième acception qu’il faut ici retenir. En revanche, lorsque la loi
impose une obligation précontractuelle de renseignement, alors, plus de doute, c’est
bien la loi qui est la source de cette obligation.
La distinction proposée par le Code civil est quelque peu diff érente dans la
mesure où les auteurs du Code civil ont apporté quelques rectifi cations à la classi-
fi cation classique : les sources conventionnelles (contrat) : C. civ., art.  et s., les
sources non conventionnelles : C. civ., art.  et s. : quasi-contrats (gestion d’aff aires
et paiement de l’indu), actes illicites (délits et quasi-délits, C. civ., art.  s.) et la
loi. Les distinctions doctrinales postérieures ont conduit à certaines rectifi cations et
une nouvelle présentation, évoquant, de façon complémentaire, les rôles de l’acte
juridique unilatéral et de l’acte juridique collectif, le fait que le paiement de l’indu est
en réalité une application d’une source plus générale d’obligations, l’enrichissement
sans cause, que la loi n’est pas une source particulière d’obligations mais bien une
source générale du droit.
. Actes juridiques et faits juridiques — À cette complexifi cation croissante
s’oppose une simplifi cation extrême et une distinction identifi ant deux grandes
familles, celle des actes juridiques et celle des faits juridiques. Cette distinction est un
classique du droit privé, alors pourtant que le Code civil ne connaît pas la formule
« fait juridique » et que celle d’« acte juridique » est apparue, dans l’article - du
Code civil en  (et Comp. Avant-Projet, art. -). Il y aurait ainsi la famille
des actes juridiques : les actes juridiques conventionnels (le contrat, essentiellement),
les actes juridiques unilatéraux, les actes juridiques collectifs mais également celle des
faits juridiques, les quasi-contrats et la responsabilité civile. Pour autant, la distinction
est elle-même contestable : les actes juridiques sont classiquement défi nis comme des
manifestations de volonté productrices d’eff ets de droit, tandis que les faits juridi-
ques sont des faits, involontaires, producteurs d’eff ets de droit (possession, prescrip-
tion, fait générateur de responsabilité, etc.). Un contrat est, ainsi, un modèle des
actes juridiques, tandis qu’une faute est son pendant s’agissant des faits juridiques.
Toutefois, l’acquisition d’un ticket de métro, qui permet de conclure un contrat de
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transport terrestre aux eff ets très complexes qui contient notamment une stipula-
tion pour autrui tacite en cas d’inexécution par le transporteur de son obligation
de sécurité (sur cette question, cf.
infra, n° ) est-elle véritablement une manifes-
tation
de volonté ? Inversement, une faute commise dans l’intention délibérée de
commettre un préjudice est-elle toujours un fait
involontaire ?
En toute hypothèse, la distinction ne présente d’autre intérêt qu’en termes de
catégorie, de rangement, mais également en termes de preuve : la preuve des actes
juridiques s’eff ectue en principe par écrit tandis que la preuve des faits juridiques
est en principe libre. Cependant ces catégories sont beaucoup trop vastes pour être
utiles : un décret, une loi, un contrat sont des actes juridiques, une faute domma-
geable, la possession d’une chose, la naissance, sont des faits juridiques… et le tout
suppose une unité du
droit des obligations qui peut être contestée.
. Plan — Toutes ces raisons et celles déjà envisagées plaident donc en faveur
d’une séparation de l’étude en trois parties, correspondant aux trois fonctions que la
matière révèle :
Première partie — Les contrats
Deuxième partie — La responsabilité civile
troisième partie — Le régime des obligations
Bibliographie ____________________________________
Il est bien diffi cile de présenter à ce stade une bibliographie ; nous citerons,
toutefois, quelques approches en la matière.
A. Traités, ouvrages généraux
Outre les ouvrages cités en fi n d’ouvrage, des ouvrages plus anciens peuvent être
consultés.
Les ouvrages de l’Ancien régime de référence sont ceux de Domat, Les lois civiles
dans leur ordre naturel
, - et de Pothier, notamment son Traité des obligations,
.
Au xixe siècle, les auteurs ont commencé par étudier le Code civil et donc à
présenter celui-ci sous forme de Traités en plusieurs volumes, dont un ou plusieurs
présentaient les obligations, dans l’ordre des articles du Code, ce que refl ètent
les ouvrages des auteurs de l’époque (Marcadé, Demante et Colmet de Santerre,
Larombière ou Troplong, ce dernier étant le plus connu), puis en respectant l’organi-
sation du Code civil mais sans commenter article par article (Duranton, Demolombe,
Toullier), puis se sont détachés du Code civil, reprenant d’ailleurs les travaux des
auteurs allemands (Zachariae, dans la première édition d’Aubry et Rau de ), par
Aubry et Rau alors que le Code allemand, avant la réforme par le BGB en , était
précisément le Code civil français, puis faisant œuvre plus originale avec le traité de
Baudry-Lacantinerie (), ensuite réédité.
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Au xxe siècle, l’œuvre d’Aubry et Rau fut poursuivie (t. IV, Les obligations,
e éd. par E. Bartin, , t. VI Les obligations, e éd. par P. Esmein, , e éd. par
A. Ponsard, , 
e éd. par A. Ponsard et I. Fadlallah, , t. VI-, Responsabilité
délictuelle
par N. Dejean de la Batie). On observera également et plus spécifi quement
R. Demogue,
Traité des obligations en général,  vol., - et Les notions fonda-
mentales du droit privé
, , E. Gaudemet, Th éorie générale des obligations, Sirey ,
Beudant et Lerebourg-Pigeonnière,
Cours de droit civil français,  (not. t. VIII, IX
et IX bis) et enfi n les deux traités les plus « actuels » : ceux de M. Planiol et G. Ripert,
Traité pratique de droit civil français, t. VI, par P. Esmein, e éd ; , t. VII par
P. Esmein, J. Radouant et G. Gabolde, 
e éd., , avec une résurgence : Ripert
et Boulanger,
Traité élémentaire de droit civil de M. Planiol, t. II, , et celui de
G. Marty et P. Raynaud,
Les obligations,  vol., e éd. par Ph. Jestaz, -.
À la frontière entre ces ouvrages et les ouvrages ou traités régulièrement mis à
jour et fi gurant en fi n d’ouvrage, signalons celui de H., L., J. Mazeaud et F. Chabas,
Leçons de droit civil, t. II, vol. , Obligations (théorie générale),  éd.,  et celui de
J. Carbonnier, Droit civil, t. , Les obligations, PUF, e éd., .
B. Obligations, contrats et sciences humaines
Nous citerons ici l’Obligation, l.  des Archives de Philosophie du droit, Dalloz
 ; Le renouvellement des sources de l’obligation, Trav. Ass. H. Cap, LGDJ, Litec
, Droit et économie des contrats, (C. Jamin, Dir.), LGDJ,  pour l’étude de
l’implication de l’analyse économie du droit sur le contrat ; G. Davy, La foi jurée,
étude sociologique du problème du contrat,
Paris , F. Terré, Arch. Phil. Dr. t. XIII,
, p. , J.-G. Belley, Une typologie sociojuridique du contrat, sociologie du travail,
, n° , p.  s., « Max Weber et la théorie du droit des contrats », Droit et
société
, , p. , O. Filipo-Bouchaara, Le lien contractuel, Th . Orléans, ,
C. Guyot-Chavanon, L’entraide en droit privé, Th . Bordeaux, .
C. Histoire du droit des obligations
Outre le manuel de J.-L. Gazzaniga (Introduction historique au droit des obliga-
tions
), le cours de J.-Ph. Lévy a été joint à celui de A. Castaldo dans Histoire du droit
civil
, Dalloz,  auquel on peut ajouter E. Chevreau, Y. Mausen et C. Bouglé,
Histoire du droit des obligations, Litec, , dans lesquels les sources sont, comme
souvent avec les historiens, très largement citées et exploitées.
D. Sources des obligations et des contrats
1. Droit constitutionnel et droit des obligations
N. Molfessis, Le Conseil constitutionnel et le droit privé, LGDJ , M. Frangi,
Constitution et droit privé, PUAM , Ph. Terneyre, « Le législateur peut-il abroger
les articles  et  du Code civil ? Sur la valeur constitutionnelle de la liberté
contractuelle »,
Mélanges G. Peiser, PU Grenoble, , p. , P.-Y. Gadoun, La
liberté contractuelle à l’épreuve de la jurisprudence constitutionnelle
, Dalloz, .
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- Plus de références et documents sur Legaly Docs2. Droit international des contrats
B. Goldman, Frontières du droit et Lex mercatoria, Arch. Phil. Dr. , p ; ,
La Lex Mercatoria dans les contrats, Clunet, , p. , P. Lagarde, « Approche
critique de la Lex Mercatoria »,
Mélanges B. Goldman, p. , E. gaillard, Trente ans
de Lex Mercatoria,
pour une application sélective de la méthode des principes généraux du
droit, JDI
, , p.  ; F. Osman, Les principes généraux de la Lex Mercatoria, LGDJ,
.
Plus spécifi quement, s’agissant des Principes Unidroit ou des PEDC :
— Principes Unidroit : J.-P. Béraudo, « Les Principes d’Unidroit relatifs au
droit du commerce international »,
JCP , I,  ; F.-M. Bannes, « L’impact
de l’adoption des Principes Unidroit  sur l’unifi cation du droit du commerce
international : réalité ou utopie »,
RRJ , p. , M.J. Bonell, « Th e Unidroit
Principles of International Commercial Contracts: Toward a New Lex Mercatoria? »,
RDAI , p. , B. Fauvarque-Causson, « Les contrats du commerce interna-
tional, une approche nouvelle : les Principes d’Unidroit relatifs aux contrats du
commerce international », RIDC , p. , J. Huet, « Les contrats commerciaux
internationaux et les nouveaux Principes d’Unidroit : une nouvelle lex mercatoria ? »,
Les petites affi ches,  nov. , p. , C. Kessedjian, « Un exercice de rénovation des
sources du droit des contrats du commerce international : les principes proposés par
l’Unidroit », Rev. crit. DIP , p. , C. Larroumet, « La valeur des Principes
d’Unidroit applicables aux contrats du commerce international », JCP , I, ,
D. Mazeaud, « À propos du droit virtuel des contrats : réfl exions sur les Principes
d’Unidroit et de la commission Lando », Mélanges M. Cabrillac, Dalloz-Litec, ,
p. .
— PEDC : C. Priéto (dir.) Regards croisés sur les principes du droit européen du
contrat et sur le droit français,
PUAM,  dont une excellente introduction, « Une
culture contractuelle commune en Europe » par C. Priéto, p.  ; « Regards croisés
avec le droit français », Dr. et Patrimoine, avril , p.  s. ; P. Rémy-Corlay et
D. Fenouillet (dir.), Les concepts contractuels français à l’heure des Principes du droit
européen des contrats,
Dalloz, .
3. Droit européen des droits de l’homme
J. Raynaud, Les atteintes aux droits fondamentaux dans les actes juridiques privés,
PUAM, , A. Debet,
L’infl uence de la Convention européenne des droits de l’homme
sur le droit civil,
Dalloz, .
4. Droit communautaire
H. Aubry, L’infl uence du droit communautaire sur le droit français des contrats,
PUAM, .
5. Sur un éventuel Code européen des contrats
D. Tallon, « Vers un droit européen du contrat ? », Mélanges A. Colomer, p. ,
R. Schultz, « Le droit privé européen »,
RIDC , p. , G. Rouhette, « La codifi cation
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du droit des contrats », Droits, , p. , P. Legrand, « Sens et non-sens d’un Code
civil européen »,
RIDC , p. , C. Jamin, « Un droit européen des contrats ? »,
in
Le droit privé européen, Economica, , p. , G. Alpa, « Les nouvelles frontières
du droit des contrats » RIDC , p. , J. Basedow, « Un droit commun des
contrats pour le marché commun »,
RIDC , p. , P. de Vareilles-Sommières
(dir.)
Le droit privé européen, Economica,  ; C. Jamin et D. Mazeaud (dir.),
L’harmonisation du droit des contrats en Europe, Economica , A. Chamboderon,
« La texture ouverte d’un code européen du droit des contrats »,
JDI , p. ,
N. Charbit, « L’espéranto du droit ? La rencontre du droit communautaire et du
droit des contrats. À propos de la communication de la commission européenne
relative au droit européen des contrats »,
JCP , I, , Ph. Malaurie, « Le Code
civil européen des obligations et des contrats, une question toujours ouverte »,
JCP
, I, , G. Cornu, « Un Code civil n’est pas un instrument communautaire »,
D. , p. , Y. Lequette, « Quelques remarques à propos du projet de Code civil
européen de M. von Bar », D. , p. , B. Fauvarque-Causson, « Faut-il un
Code civil européen ? », RTD civ. , p. , D. Mazeaud, « Faut-il avoir peur d’un
droit européen des contrats ? », Mélanges X. Blanc-Jouvan, , p.  ; Ch. Jamin,
« Vers un droit européen des contrats ? », Rev. jur. com. , p. , C. Aubert de
Vincelles et J. Rochfeld (dir.), L’acquis communautaire, les sanctions de l’inexécution
du contrat,
Economica,  ; D. Blanc, « La longue marche vers un droit européen
des contrats », D. , Chron. , A. Tenenbaum (dir.), B. Fauvarque-Causson et
D. Mazeaud (coord.), Projet de cadre commun de référence, Terminologie contractuelle
commune
, Société de législation comparée, coll. « Droit privé comparé européen »,
vol. , , G. Wicker et J.-B. Racine (dir.), B. Fauvarque-Causson et D. Mazeaud
(coord.), Projet de cadre commun de référence, Principes contractuels communs, Société
de législation comparée, coll. « Droit privé comparé européen », vol. , .
6. Sur la réforme du droit des contrats et de la responsabilité
dans le Code civil
Nous citerons le travail dirigé par P. Catala, Avant-projet de réforme du droit
des obligations et de la prescription
, La documentation française,  de la façon
suivante : « Avant-projet ». Bien des commentaires ont été publiés, dont : P. Catala,
« Bref aperçu sur l’avant-projet de loi de réforme du droit des obligations et de
la prescription »,
D. , Chr. p.  ; B. Fauvarque-Causson et D. Mazeaud,
« L’avant-projet de loi de réforme du droit des obligations et de la prescription et les
principes du droit européen des contrats : variations sur les champs magnétiques dans
l’univers contractuel »,
LPA , n° , p.  ; « La réforme du droit des contrats :
projets et perspectives »,
RDC , p.  (pour la partie concernant la réforme du
droit des contrats), et « L’avant-projet de loi de réforme du droit de la responsabi-
lité »,
RDC , p. , adde Ph. Malaurie, « Avant-projet de loi de réforme du droit
de la prescription en droit civil »,
Defrénois, , p. , A. Bénabent, « Sept clés
pour une réforme de la prescription extinctive »,
D. , Chr.  (pour la partie
de la réforme du droit de la prescription).
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Et, sur la réponse de l’Association Henri Capitant des amis de la culture juridique
française, M. Grimaldi et D. Mazeaud :
Les droits de tradition civiliste en question, à
propos des rapports doing business de la banque mondiale,
Soc. Leg. comp. .
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. Qu’est-ce qu’un contrat ? — Les contrats tiennent une place considérable
dans notre vie de tous les jours, sous diverses formes, les contrats usuels, lorsque
j’achète mon pain le matin, contrat d’entreprise lorsque j’utilise un billet de train
ou un ticket de métro, etc., des contrats plus complexes ou plus rares comme un
contrat de crédit, une vente d’immeuble, un contrat de bail, voire des contrats
spécialisés, ceux utilisés par les entreprises, les contrats d’aff aires, contrats de distri-
bution, contrats de cession d’action, contrats relatifs à l’organisation d’une structure
sociale, contrats de production, de sous-traitance… une immense variété de contrats,
une immense palette de situations contractuelles diff érentes. Pas vraiment un contrat
donc, mais plutôt des contrats.
Ils sont en outre la pierre angulaire de nos sociétés et de notre droit plus globale-
ment. Carbonnier, par exemple, situait le contrat parmi les trois piliers du droit avec
les biens et la famille.
Sans contrat, comment réaliser des échanges économiques, c’est-à-dire des
transferts de patrimoine à patrimoine destinés à réaliser les besoins d’une personne :
bien entendu une vente pourrait être simplifi ée en deux dons et l’on pourrait élargir à
toute une série de contrats simples, comme l’expérience des SEL le montre, mais c’est
une forme archaïque d’échange. De même, des sociétés archaïques, utopiques ou
totalitaires envisagent la suppression de la propriété, de l’argent, donc des contrats.
Aucun n’a, pour l’heure, fonctionné effi cacement.
Le contrat donc, est cet outil juridique producteur d’un certain nombre d’eff ets
de droit qui assure, dans des considérations presque illimitées des échanges écono-
miques. Il devient tellement utile, ce contrat, qu’il est aujourd’hui le modèle même
permettant de résoudre bien des diffi cultés qui vont au-delà du champ du droit
des obligations : le contrat se diff use dans la famille (le PACS en est un exemple
mais aussi le divorce par consentement mutuel est essentiellement contractuel par
exemple et, depuis longtemps, on évoque la possibilité, comme sous la Révolution,
d’un divorce sans recours au juge), dans le procès, les relations de travail qu’il s’agisse
des relations collectives de travail à travers les conventions collectives et les relations
individuelles dont les licenciements économiques, les plans de retour à l’emploi par
exemple, les relations entre personnes publiques, entre États, la politique elle-même
,
la Police de la Cité se contractualise, des contrats sont conclus entre l’État et les
collectivités locales, etc. Même l’Université, cette noble et ancienne institution doit
J. Carbonnier, Flexible droit, LGDJ, .
.
. Quoique… Les promesses électorales n’engagent que ceux qui les écoutent, point ceux qui les font : cf. Paris,
 oct. , RTD civ. , p. , obs. J. Mestre.
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Première partie. Les contrats
sa légitimité grâce à un « contrat quadriennal » conclu avec le ministère de tutelle.
Tous ces contrats ne sont pas placés à la même échelle et tous n’ont pas la même
force, certains sont des contrats « Canada Dry », ils ressemblent à un contrat mais ce
ne sont pas des contrats, au sens où les juristes les entendent mais peu importe, l’idée,
le modèle contractuel sont plus que jamais présent : confrontation d’une liberté,
celle de conclure un engagement, dans une certaine réciprocité et est susceptible
d’emporter une certaine responsabilité.
Tout n’est pas contrat, bien entendu, mais le contrat se diff use, devient un
instrument utile et effi cace, au sein d’une société qui se rend compte, avec diffi culté
parfois, que les logiques économiques sont sinon essentielles, du moins très présentes
et que le meilleur outil de gestion des questions économiques est le contrat.
Les contrats sont aussi essentiels au droit privé dans la mesure où la plupart des
rapports juridiques valorisés sont des rapports contractuels, et donc d’obligation :
vente(s), bail, contrat de travail, de transport, d’entreprise, d’assurance, de prêt, de
dépôt, de mandat, médical : nous avons tous conclu de nombreux de ces contrats, et
s’ajoutent de nombreuses autres formules contractuelles, plus rares et plus complexes,
les contrats d’aff aires, contrats de distribution, contrats de la société (statuts, pactes
d’actionnaire), contrats de fi nancement…
L’étude des contrats n’est, alors, pas l’étude de ces contrats : elle relève de l’étude
du droit des contrats spéciaux ou de règles spéciales organisées autour de tel ou tel
contrat, comme le droit des assurances ou le droit du travail. L’étude des contrats
consiste à observer les règles communes à tous ces contrats, la théorie générale du
contrat, pour autant qu’elle existe véritablement ce dont certains doutent, sans doute
avec raison tant les situations sont diff érentes : peut-être faudrait-il parler de théorie
générale des contrats ou mieux encore des théories générales des contrats, voire pour
inverser le propos, de méthode plus que de théorie générale (cf. infra, n° ) : autant
une théorie générale des biens ou de la propriété est possible, susceptible d’embrasser
l’ensemble de l’institution qu’elle explique, autant une théorie générale du contrat
devient de plus en plus incapable de gérer, seule, toutes les diffi cultés posées face à la
diversité des situations contractuelles.
. Définition, description du contrat — On distingue plusieurs formules,
engagement2, contrat, convention, accord. La convention est un acte juridique formé
par plusieurs personnes qui produit des eff ets de droit, transférer la propriété, éteindre
un droit, et, surtout, créer des obligations.
Une telle convention qui produit des obligations est un contrat. Le contrat est
alors une forme particulière de convention, défi ni par l’article  du Code civil : «
le
contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou
plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose »
.
Nous avons déjà vu que cette présentation est erronée : l’article  présente
une vision déformée et réductrice du contrat comme une convention productrice
d’obligations, agencées autour de trois types d’obligations.
.
.
Cf. E. Savaux : « La théorie générale du contrat, mythe ou réalité, LGDJ, , Comp. Pour ou contre une
théorie générale des contrats spéciaux »,
RDC /.
Cf. C. Grimaldi,
Quasi-engagement et engagement en droit privé. Recherches sur les sources des obligations,
Defrénois, .
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Introduction
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D’une part, la doctrine montre parfois qu’il y en aurait quatre, dont l’obligation
de
praestere, resurgie du droit romain, défi nie comme une subdivision de l’obligation
de faire, considérée comme trop générale, obligation de mettre à la disposition une
chose ou un ouvrage.
Par ailleurs, le contrat produit bien d’autres eff ets, des eff ets réels (transfert de
propriété, constitution ou extinction de droit réel, etc.), des options, des facultés,
des délais, des libertés, il est constitué de conventions internes, que sont les clauses
d’un contrat dont certaines ont une vie propre, comme les clauses de non-concur-
rence post contractuelles, voire totalement autonomes du reste du contrat, comme
les clauses compromissoires (clause qui imposent la soumission d’un litige lié au
contrat qui la contient à arbitrage) et qui résistent à l’annulation du contrat (cf.
infra,
n° ).
Certains de ces contrats sont extrêmement connus, comme certains contrats
nommés (vente, louage, contrat de mariage…) ; d’autres sont plus confi dentiels
car réservés en pratique aux relations d’aff aires, comme les contrats de distribution
(franchise, concession commerciale…), les contrats de fi nancement (swaps, obliga-
tions, eurobonds, aff acturage, produits fi nanciers dérivés…), les contrats de transfert
de technologie (contrats de licence de marque, de communication de savoir-faire,
contrats de l’internet), les contrats intéressant l’organisation d’une entreprise (contrat
de cession de titres, contrat de fusion de sociétés, d’apport partiel d’actif, cession de
contrôle…).
Par ailleurs, la défi nition et la description du contrat font l’objet de discussions,
pour ne pas dire de querelles parfois, doctrinales majeures.
Pourtant, tous ces contrats diff érents sont régis par le même ensemble de règles
générales de principe. Cela ne signifi e nullement que tous les contrats sont soumis
à la même réglementation, puisque les règles des contrats spéciaux montrent au
contraire que de nombreuses réglementations déterminent des règles particulières
à certains contrats, mais que tous se fondent sur les mêmes principes, applicables
dès lors qu’une règle spéciale ne prévoit pas une autre règle. Cette diversité, exposée
dans un premier temps en une introduction au droit des contrats (chap. ) permettra
d’aborder eff ectivement les conditions de formation des contrats, en tant que source
d’obligations (chap. ), puis l’exécution des contrats (chap. ) et enfi n l’extinction des
contrats
(chap. ) et enfi n, parce qu’il est diffi cile de les classer mais que, au fond, leur
régime singe celui des contrats,
les quasi-contrats (chap. ).
.
Cf. G. Pignarre, « À la redécouverte de l’obligation de praestere, pour une relecture de quelques articles du
Code civil »,
RTD civ. , p. .
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Chapitre 1
Introduction au droit des contrats
. Le droit des contrats est une matière vivante , fondée sur l’observation
de contrats simples, la vente, le contrat d’entreprise, le bail mais aussi et surtout sur
des contrats sophistiqués, comme le sont les contrats d’aff aires, faits de conventions
qui s’imbriquent dans un moule contractuel plus vaste, les clauses, de non-concur-
rence, d’exclusivité, d’inaliénabilité, de confi dentialité, de résiliation, compromis-
soires, attributives de juridiction, de loi applicable, de non-responsabilité, etc., le
tout emporté par la logique de la théorie générale du contrat, ce droit commun qui
s’applique dès lors qu’un droit plus spécial ne s’applique pas et, plus exactement à
côté, au-dessus peut-être de ces droits spéciaux.
C’est en même temps une matière savante dont les sources sont particulièrement
diffi ciles à saisir : nous avons observé et reverrons ainsi que les grandes questions du
droit des contrats, la négociation, la circulation, les problèmes d’exécution, la gestion
de la durée du contrat, l’extinction, etc. ne sont pas traités par le Code civil mais par
la jurisprudence et la doctrine. Il est plus effi cace de lire un très bon ouvrage de droit
des contrats que le Code civil…
En termes de méthode alors, quelques généralités sur les classifi cations des obliga-
tions et des contrats (section ) puis de la théorie des contrats (section ) permettront
de saisir quelques éléments de méthode du droit des contrats (section ).
Section 1
Classifi cations des obligations et des contrats ____
. Présentation classique — On trouve plusieurs de ces classifi cations, classi-
ques, alors même que chaque manuel, chaque auteur, chaque juriste sans doute
trouvera une classifi cation qui lui convient. Ce n’est guère aisé car cette présenta-
tion se fonde sur les catégories du Code civil, en principe, dont nous avons déjà pu
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Première partie. Les contrats
observer sinon les lacunes du moins le caractère parfois obsolète. Ainsi le Code civil
confond très régulièrement contrat et obligation, dans ses sources, dans ses eff ets, ce
qui n’arrange pas celui qui souhaite proposer une classifi cation.
Nous proposons celle-ci, une première classifi cation oppose les obligations
juridiquement obligatoires de celles qui ne le sont pas (I), d’autres sont relatives à
l’origine de la règle applicable (II), et d’autres enfi n sont relatives au contenu de ces
règles (III). Il s’agit d’une simple présentation, à vocation essentiellement didactique,
sans aucune autre prétention. Cependant, nous présenterons aussi une autre classifi -
cation, entre les contrats, en termes de méthode (cf.
infra, n° ).
I. Classifi cations relatives au caractère obligatoire de l’obligation
. Tout ce qu’on appelle parfois un peu facilement « obligation » est-il
une obligation au sens du Code civil ?
C’est une question ancienne qui allie
droit et morale, droit et honneur, droit et ordre public qui permet d’écarter un certain
nombre d’engagements comme non juridiques.
A. Les obligations naturelles et les obligations civiles
. Certaines obligations, comme des obligations familiales, de
bienséance, morales, de politesse, de religion
ne sont pas considérées comme
des obligations juridiques (cf. supra, n° ). Ainsi nul n’est juridiquement obligé de
donner quelque argent à la quête, à la messe, ou de donner à un indigent. Ce ne
sont pas des obligations juridiques car nulle sanction étatique n’impose leur exécu-
tion ; elles demeurent dans le cadre de la morale ou de la religion, avec leur propre
régime de sanction (remord, réprobation publique…). On est en plein dans ce que
Carbonnier appelait le « non droit ».
. La distinction qui rend compte de cette dualité repose sur la distinction
entre obligation naturelle qu’on appelle parfois aussi obligation imparfaite, que le
Code civil n’évoque pas sinon au détour de l’article , al.  du Code civil, et
obligation civile.
Il peut s’agir d’une obligation de conscience comme la promesse de faire un cadeau
ou comme une obligation d’entraide entre parents, qui irait au-delà des obligations
alimentaires ou l’engagement pris par un ex-mari de verser une pension qui irait
au-delà de ses obligations légales
.
Il peut s’agir d’une obligation dégénérée ou ineffi cace, comme une dette qui
serait prescrite ou un engagement issu d’un acte annulé.
L’identifi cation de ces devoirs en obligation naturelle permet de les rapprocher
des obligations civiles : ces obligations naturelles ne sont pas obligatoires de sorte que
le « créancier » d’une obligation naturelle ne peut pas en exiger l’exécution par une
action en justice.
.
.
J. Carbonnier, Flexible droit, « L’hypothèse du non droit », LGDJ.
Cf. Civ. 
re,  mai , D. ., note J. Massip.
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Chapitre 1. Introduction au droit des contrats
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En revanche, si le « débiteur » de l’obligation naturelle exécute l’obligation ou
même eff ectue un simple commencement d’exécution, l’obligation naturelle devient
une obligation civile.
Il en résulte que :
— la répétition de l’indu est impossible : le débiteur ne peut exiger le rembour-
sement sur le fondement que l’engagement n’était pas obligatoire ; il l’est devenu.
— Le commencement d’exécution doit être poursuivi, de sorte que le créancier
peut alors poursuivre le débiteur, par une action en justice.
— L’obligation civile naît ex nihilo et non par novation comme on l’écrivait tradi-
tionnellement. La novation assure la création d’une obligation nouvelle par extinc-
tion d’une obligation ancienne. Le mécanisme ne peut s’appliquer aux obligations
naturelles puisque les obligations naturelles ne sont pas des obligations et, donc, ne
peuvent s’éteindre ; le mécanisme assurant cette « transformation » est la technique
de l’engagement unilatéral de volonté : l’obligation civile existe du fait de la volonté
du débiteur de s’engager civilement alors qu’il n’était que moralement engagé.
B. Les engagements à portée obligatoire discutée
. Bien des engagements, pour utiliser un autre terme que celui de
contrat, se présentent comme des contrats
, font parfois même l’objet d’écrits
et, pourtant, leur valeur contractuelle est discutée, comme l’exemple le plus topique
que sont les engagements d’honneur, et d’autres encore, assez fréquents : quelle est la
valeur juridique d’un document publicitaire, d’un protocole d’accord, d’en engage-
ment moral ou d’honneur, d’une clause indiquant que « cette photographie n’est
pas contractuelle » : dans le droit ou hors du droit, contractuel ou non contractuel,
c’est bien là toute la discussion à partir du constat que la tradition civiliste française
est profondément centripète, elle a tendance à tout attirer vers le champ du contrat,
à la diff érence de droits étrangers comme le droit anglais où prospèrent les « gentle-
man’s agreement »
ou autres clauses « subject to contract ». Observons en outre que
ces documents s’inscrivent parfois dans la question plus large de la négociation du
contrat (cf. infra, n°  et s.).
. GENTLEMANS AGREEMENT L’engagement d’honneur est une proposition par
laquelle son auteur entend exprimer sa volonté d’assumer un engagement sans pour
autant que cet engagement soit pourvu d’eff ets juridiques : c’est un engagement moral
a priori donc non obligatoire en ce sens que sa violation ne serait pas sanctionnée.
Utilisés dans les relations familiales ou dans les relations d’aff aires (engagement
d’honneur comme les
« clauses de retour à meilleure fortune » ou « gentleman’s agree-
ment »
, « binding in honour only », « honour clause » ou encore « no contractual agree-
ment »
), ils identifi ent une curieuse démonstration de la volonté de faire comme si il
y avait un engagement, d’énoncer une intention, mais de ne pas s’engager juridique-
.
.
Cf. Civ., re,  oct. , Bull. civ. I, n° , D. ., note G. Pignarre.
Cf. B. Oppetit, « L’engagement d’honneur », D. . chron.  et Droit et modernité, PUF, , p.  ;
v. aussi D. Ammar, Essai sur le rôle de l’engagement d’honneur, Th . Paris I,  ; B. Beignier, L’honneur et
le droit
, LGDJ, , J.-M. Mousseron, M. Guibal et D. Mainguy, L’avant-contrat, éd. F. Lefebvre, ,
n° s., D. Mainguy, « Les opérations du commerce international », in J. Béguin et M. Menjucq, (dir.),
Traité
de droit du commerce international
, Litec, , n° s.
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Première partie. Les contrats
ment, de rester au seuil du droit, soit par répugnance juridique, soit par manque de
confi ance, soit que l’engagement ne soit pas recevable juridiquement car illégitime
(
« l’honneur des voyous ») mais que les parties souhaitent cependant formaliser.
. Lettres d’intention — Ce qu’on appelle « lettre d’intention » identifi e des
engagements, unilatéraux, dans les relations d’aff aires, portant sur la négociation
d’un contrat, par lequel une partie fait part de son intention d’entrer en négociation
et délimite le champ de cette négociation
. D’autres fois, les lettres dites lettres de
confort, sont des garanties, plus ou moins juridiquement obligatoires, données par
une société mère à une banque pour rassurer cette dernière sur la santé fi nancière
de sa fi liale qui sollicite un crédit. Quel que soit le sens choisi, les lettres d’intention
sont très souvent exclues du champ juridique, de façon plus ou moins explicite, par
leurs auteurs et, comme pour les engagements d’honneur, sont considérées comme
des engagements juridiques
. Protocoles d’accord et autres accords de principe — Ces expressions
ambiguës sont censées désigner des bribes d’accords, des accords qui n’en seraient pas
ou n’en seraient que « par principe ». Le droit des contrats ne s’embarrasse guère de
ces ambiguïtés : il y a contrat ou il n’y a pas contrat, en fonction de l’existence des
éléments de nature à former le contrat de sorte que la plupart des protocoles d’accord
sont en réalité des accords, tout court.
Les accords de principe connaissent un régime particulier en raison d’une juris-
prudence célèbre qui les a identifi és. L’accord de principe peut être défi ni ainsi :
accord obligeant deux parties, l’une envers l’autre, non point à conclure mais à
négocier un second contrat dont ledit accord ne précise ni les clauses accessoires ni
les clauses essentielles.
L’aff aire ayant donné lieu à l’arrêt de  est suffi samment importante et
topique pour être évoquée. Un dénommé Marchal avait été employé jusqu’en 
dans les usines Renault et avait demandé après la Libération et quelques hauts faits
de résistance, sa réintégration par un courrier auquel il fut répondu « bien que nous
désirions vous donner satisfaction, nous avons répondu à votre demande faisant état des
titres que vous avez acquis dans la Résistance, que la marche actuelle de nos usines et
l’organisation de nos services déjà très chargés devant une production encore faible, ne
nous permettent pas de vous donner, pour l’instant, une réponse favorable »
puis dans
un autre courrier, adressé à Rol-Tanguy, héros communiste de la résistance, qui était
intervenu :
« Après un nouvel examen de la question, je puis vous indiquer que nos
intentions à l’égard de M. Marchal n’ont pas changé et que, dès que la reprise de l’activité
automobile le permettra, nous examinerons à nouveau la possibilité de le réintégrer dans
le personnel de la Régie »
. Belles paroles ! Mais non suivie d’eff et car si une place s’était
libérée et la reprise attendue était revenue, M. Marchal ne retrouva point son poste.
Le tribunal civil de la Seine avait considéré que les lettres contenaient
« l’engagement
de réintégrer Marchal »
. Cassation car, « en décidant que les lettres susvisées contenaient
un engagement ferme de la part de la Régie de réintégrer Marchal et ce dès le premier
poste vacant, le jugement attaqué a dénaturé le sens et la portée de leurs clauses claires et
.
.
X. Barré, La lettre d’intention, Economica, .
Cf. L. Rozès, « Le projet de contrat »,
Mélanges L. Boyer, p. .
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Chapitre 1. Introduction au droit des contrats
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précises selon lesquelles la Régie, désireuse de donner satisfaction à la demande de Marchal,
examinerait, selon la prospérité et l’évolution de la situation de l’entreprise, la possibilité
de le réintégrer, ce qui ne constituait qu’un accord de principe »
.
L’accord de principe est donc un contrat dans lequel un consentement est donné
sur le contrat projeté, sur le principe de ce contrat, d’où son appellation. Manquent
cependant les éléments essentiels qui permettraient de considérer que le contrat
projeté est déjà conclu, chose, prix, mission… Souvent, cette omission est involon-
taire mais elle peut être tout à fait souhaitée. On ne confondra alors pas l’accord de
principe, accord défi nitif avorté, et le contrat de négociation qui a pour but d’enca-
drer les conditions de la négociation (cf.
infra, n°  et s.).
. « PHOTO NON CONTRACTUELLE », clause « SUBJECT TO CONTRACT »Il est très
fréquent de se heurter à une formule, dans un document, du type, « cette photogra-
phie n’est pas contractuelle », « cette information n’a pas de valeur contractuelle »
alors qu’ils pourraient comme l’essentiel de ce qui va décider le contractant à conclure
le contrat. Le droit anglais généralise la formule avec les clauses « subject to contract »
ou « subject to contract and survey » et que l’on peut traduire comme « sujet à la condi-
tion de conclusion d’un contrat » ou bien « sous réserve de confi rmation ». Si par
exemple, un partenaire anglais envisage la conclusion d’un contrat de vente avec un
français et que les parties se mettent d’accord sur tout une série de conditions, dont
le prix, que l’anglais assortit cependant d’une telle clause « subject to contract », cela
signifi era, devant un juge anglais, que l’engagement défi nitif sur le prix est exclu, ce
qui posera quelque diffi culté au juge français.
. Sort de ces engagements : contractuels ou non contractuels ? — Toute
l’ambiguïté de ces engagements se pose face au caractère profondément juricentriste
de droit français des contrats. La tendance du droit français est de considérer ces
engagements comme juridiquement obligatoires dès lors que l’engagement, même
expressément considéré comme moral, exprime de manière non équivoque une
volonté de s’obliger. L’attraction juridique est alors plus importante que les choix
.
.
Cass. soc.  mars , JCP, .II. note J. Carbonnier. V. déjà Req.  novembre , D. ..,
note A. Rouast ; Req.  octobre , D.H. . à propos de sociétés ayant donné congé à un salarié
en lui promettant de le convoquer le mois suivant pour lui proposer un nouvel emploi ; trois mois plus tard,
une nouvelle situation était eff ectivement proposée mais à des conditions très inférieures ; les sociétés furent
condamnées pour avoir manqué à leurs engagements, qui étaient un accord de principe, au sens où il fut
ensuite donné par l’arrêt de  (cf. J.-C. Serna,
Le refus de contracter, LGDJ, , n°  s.). De même, mais
postérieurement à , la Cour de cassation a pu déduire de l’attitude d’un médecin qui avait pris contact
avec un architecte et les services de l’urbanisme un accord de principe relatif à un contrat de société à conclure
entre ce médecin et le propriétaire d’un immeuble pour l’exploitation d’une clinique (Cass. civ. 
re,  octobre
 :
Bull. civ. I, n° ) ou encore, l’engagement pris par le propriétaire d’un immeuble de consentir un
bail sous réserve de se mettre d’accord sur les conditions qu’il poserait à la conclusion, constitue lui aussi un
accord de principe (Cass. civ. 
re,  avril  : Bull. civ. III, n° ). Pour d’autres exemples, v. Cass. com.
 juin ,
Bull. civ. IV, n° , à propos d’une cession de clientèle ; Cass. civ. e,  novembre  : Bull.
civ.
III, n° , pour un contrat d’échange, V. aussi Cass. com.  octobre , Bull. civ. III p.  ; Cass.
com  octobre ,
D. ., note J. Schmidt-Szalewski ; Cass. soc.  décembre , D. ., note
J. Schmidt-Szalewski ; Cass. civ. 
re,  juillet , Bull. civ. I, n° , RTD civ. ., obs. J. Mestre.
V. aussi B. Gross, Pourparlers, J.-Class. Contr. distr., fasc. , , p.  et P. Jourdain, Responsabilité précontrac-
tuelle
, J.-Class. Contr. distr., fasc. , , p. .
Cf. Cass. com.  janv. ,
RTD civ. , p. , obs. J. Mestre et B. Fages, à propos d’un engagement
considéré par les parties comme «
exclusivement moral » de ne pas copier les produits commercialisés par le
créancier de l’engagement.
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