Février 2022
TITRE G
THÉORIE GÉNÉRALE DES OBLIGATIONS
Table des matières
LIMINAIRE …………………..………………………………………………………………………………………………….………. 3
G 100 LE CONTRAT ………………………………………………………………………………………………………..…. 4
G 110 GÉNÉRALITÉS…………………………………………………………………………..………………………….…….…. 4
G 111 Principes fondamentaux …………………………………………………………………………………….………… 4
G 120 LA FORMATION DU CONTRAT ……………………………………………………………..………………….….. 6
G 121 La conclusion du contrat …………………………………..…………………………………………..………..….. 6
G 122 La validité du contrat …………………………………………………………………………………………………... 8
G 123 La forme du contrat ………………………………………………………………………………………………..…..10
G 130 LES SANCTIONS ………………………………………………………………..…………………………..…………… 11
G 131 La nullité du contrat …………………………………..……………………………………………………….…….. 11
G 132 La caducité ……………………………………………………………………………………………………….………... 11
G 140 LES ACTIONS INTERROGATOIRES ………………………………………………………………………….……. 12
G 150 L’INTERPRÉTATION DU CONTRAT ………………………………………………………………………………. 12
G160 LES EFFETS DU CONTRAT ……………………………………………………………………………………………. 13
G 161 Les effets du contrat entre les parties ……………………………………………………..……….………... 13
G 162 Les effets du contrat à l’égard des tiers ………………………………………………….…………….….... 14
G170 LA DURÉE DU CONTRAT ………………………………………………………………………………..……………. 15
G 180 LA CESSION DU CONTRAT …………………………………………………………………………….…………… 15
G 190 L’INEXECUTION DU CONTRAT ……………………………………………………………………………………. 16
G 191 La force majeure …………………………………..…………………………………………………………...….….. 16
G 192 Les autres situation d’inexécution du contrat ……………………………………………………..……... 16
G 193 La réparation du préjudice par des dommages et intérêts ………………………………..………… 16
G 194 La résolution du contrat ………………………………………………………………………………………..……. 17
G 195 La réduction de prix ………………………………………………………………………………………….………… 17
G 196 L’exécution forcée en nature ……………………………………………………………………………………… 17
G 197 L’exception d’inexécution …………………………………………………………………………………..……… 18
G 198 La clause pénale …………………………………………………………………………………………………….…… 18
G 200 LA RESPONSABILITÉ EXTRACONTRACTUELLE ……….…………………..……………….…… 20
G 210 CONDITIONS D’EXISTENCE …………………………………………………………..…………….………..………….…. 21
G 220 ABUS DE DROIT …………………………………………………………………………………………………………..……….. 21
G 330 EXEMPLES DE JUGEMENTS ………………………………………………………………………..……………………….. 21
G 300 AUTRES SOURCES D’OBLIGATIONS ………………………………………………………………..…. 22
G310 GESTION D’AFFAIRES ………………………………………………………………………………………………………….… 22
G 320 RESTITUTITION DE L’INDÛ …………………………………………………………………………………..……………… 23
G 330 ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ …………………………………………………………………………………………….. 23
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G 400 LE RÉGIME DES OBLIGATIONS …………………………………………..………………………………. 23
G 410 LES MODALITES DE L’OBLIGATION ………………………………………………………………………..………… 23
G 411 Typologies des obligations ……………………………………………………………………………………….. 23
G 412 La solidarité ………………………………………………………………………………………………………….….. 24
G 420 LES OPÉRATIONS SUR OBLIGATIONS ……………………………………………………..………………………… 25
G 421 La cession de créance …………………………………………………………………………………………….…. 25
G 422 La cession de dette …………………………………………………………………………………………………… 25
G 423 La novation ………………………………………………………………………………………………………….…… 25
G 424 La délégation …………………………………………………………………………………………………….……… 26
G 430 LES ACTIONS OUVERTES AU CRÉANCIER ………………………………………………………………….……… 26
G 440 L’EXTINCTION DE L’OBLIGATION …………………………………………………………………………………….. 27
G 441 La paiement ………………………………………………………………………………………………………….….. 27
G 442 La compensation ………………………………………………………………………………………………………. 29
G 443 Autres modes d’extinction de l’obligation ………………………………………………………………... 30
G 450 LA PRESCRIPTION ET LES DÉLAIS PRÉFIX ……………………………………………….…………………………. 30
G 460 LES RESTITUTIONS ………………………………………………………………………………………………..…………. 31
G 500 LA PREUVE DES OBLIGATIONS ……………………..…………………………………..………… 32
G 600 ANNEXE I : Dispositions du code civil d’ordre public ou sanctionnables par la nullité .. 34
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Février 2022
Titre G
THEORIE GENERALE DES OBLIGATIONS
Liminaire
On ne peut traiter de la théorie générale des obligations sans faire, en liminaire, un rappel des
évolutions législatives récentes intervenues en cette matière.
Le droit des obligations trouve son origine dans le Code civil de 1804, lequel n’a quasiment pas été
modifié jusqu’à la promulgation de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 « Portant réforme du droit
des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ». Les dispositions de cette ordonnance sont
entrées en vigueur le 1er octobre 2016.
Cette ordonnance n’a pas significativement modifié le droit applicable, mais elle a réécrit les textes en y
intégrant l’abondante jurisprudence intervenue depuis 1804 ; dans quelques cas cependant elle a retenu une
solution contraire à une jurisprudence considérée comme obsolète. Elle a également modifié la numérotation
des articles.
A l’occasion de cette opération de jouvence, les auteurs ont également poursuivi d’autres objectifs,
notamment :
•
en cas de difficultés dans l’exécution du contrat, à l’instar d’autres droits européens, privilégier les
solutions facilitant la poursuite du contrat plutôt que sa résolution ou résiliation,
• mieux assurer l’équilibre entre les parties au contrat, en renforçant les droits de la partie faible, déjà
protégés pour certains contrats.
L’ordonnance du 10 février 2016 a été ratifiée par la loi n°2018-287 du 21 avril 2018 entrée en vigueur
le 1er octobre 2018. Cette loi de ratification a encore modifié la rédaction de certains articles issus de
l’ordonnance, certaines de ces modifications sont interprétatives et s’appliquent donc aux contrats conclus à
partir du 1er octobre 2016, d’autres sont substantielles et ne s’appliquent qu’aux contrats conclus après le 1er
octobre 2018.
En conséquence :
- Les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 sont soumis aux anciens textes du Code civil, tels qu’ils
avaient été interprétés par la jurisprudence,
- Les contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018 sont soumis à la version initiale
de l’ordonnance du 10 février 2016, telle qu’interprétée par la loi de ratification du 21 avril 2018,
- Les contrats conclus à partir du 1er octobre 2018 sont soumis aux dispositions de l’ordonnance du 10
février 2016, telle que modifiée par la loi de ratification.
Il conviendra donc, pendant plusieurs années encore, que les juges soient particulièrement vigilants à la
date de conclusion du contrat qui déterminera le droit applicable.
Cas particuliers :
- Un contrat conclu avant le 1er octobre 2016 et prorogé postérieurement demeurera soumis à la loi
ancienne, en revanche un contrat renouvelé, ou tacitement reconduit (ce qui est assimilé à un
renouvellement, cf. G 170), après cette date sera soumis aux dispositions en vigueur à la date du
renouvellement ou de la reconduction,
- Un contrat d’application conclu postérieurement au 1er octobre 2016 en application d’un contrat-cadre
conclu antérieurement à cette date sera soumis aux dispositions en vigueur à la date de sa conclusion,
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- Une cession de contrat intervenue postérieurement au 1er octobre 2016 sera soumise au droit nouveau,
en revanche le contrat cédé restera soumis à la loi applicable à la date de sa conclusion,
- Les dispositions d’un avenant conclu postérieurement au 1er octobre 2016 modifiant un contrat conclu
avant cette date sont seules soumises à la loi nouvelle, les dispositions contractuelles initiales
demeurant soumises à la législation antérieure ( sauf le cas exceptionnel où les modifications
apportées emporteraient novation, c’est-à-dire extinction d’une obligation ancienne et création d’une
obligation nouvelle, auquel cas les dispositions nouvelles s’appliqueraient à la totalité de l’ensemble
contractuel),
- Quelques articles du nouveau texte sont contraires, complètement ou partiellement, à la jurisprudence
antérieure à la réforme. Appliquant le droit ancien à la lumière du droit nouveau, le juge a la
possibilité de prendre en compte la disposition nouvelle, même dans un litige concernant un contrat
antérieur au 1er octobre 2016, mais sans faire référence au nouveau texte qui n’est pas formellement
applicable. La situation est similaire à un revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation.
Les principales dispositions relevant de ces points sont listées dans le Guide en G 700 - annexe 2.
Nous précisons que, dans ce qui suit, nous avons retenu la numérotation des articles actuellement en
vigueur : s’il y avait lieu de se référer aux anciens textes, il conviendrait de le préciser en usant d’une formule
telle que : « l’article XXX dans sa version alors en vigueur ».
Lorsqu’un numéro d’article est cité sans autre précision, il renvoie au Code civil actuellement
en vigueur.
Sources des obligations
Les obligations naissent :
1) de la loi,
2) d’actes juridiques, qui peuvent être synallagmatiques lorsqu’ils lient des personnes tenues à des
obligations réciproques dont les unes sont la contrepartie des autres, ou unilatéraux (donation,
cautionnement, etc.),
3) de faits juridiques initiant une responsabilité extracontractuelle (droit à réparation d’un dommage
subi ; droit à restitution d’un paiement indu, etc.).
Le présent titre est consacré aux obligations nées d’actes juridiques (notamment contrats), de faits
juridiques, et il est complété par un chapitre sur la preuve.
CHAPITRE 1
G 100 LE CONTRAT
Le présent chapitre traite essentiellement des obligations conventionnelles, ou contrats, qui sont à
l’origine de la plupart des litiges traités par les tribunaux de commerce. Il est organisé conformément au plan
du code civil issu de la réforme de 2016-2018, et suit sa logique : après le rappel de grands principes (art 1101
à 1111-1), ce chapitre présente la formation (art 1112 à 1187), l’interprétation (art 1188 à 1192), et les effets
du contrat (art 1193 à 1231-7), ces derniers incluant les conditions et les conséquences de la résolution du
contrat.
G 110 GENERALITES
G 111 Dispositions liminaires- Principes fondamentaux -Hiérarchies des règles
Dans la tradition du droit romain reprise par le code civil de 1804, le code civil met en exergue trois principes
essentiels :
1.
Le contrat résulte d’un accord de volonté (art 1101). La liberté contractuelle (forme et
contenu du contrat, choix du cocontractant ; etc.) n’est limitée que par les dispositions impératives de la loi et
l’ordre public ; c’est un principe constitutionnel (Décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 du Conseil
Constitutionnel).
2.
La force obligatoire du contrat : les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux
qui les ont faits (art. 1103, anciennement 1134). Il en résulte que, sauf exceptions prévues par les textes, le juge
ne peut modifier le contrat. Dans le souci de protéger la partie faible, les domaines d’intervention du juge ont
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été cependant un peu accrus par la réforme de 2016 (par exemple par l’introduction de la notion d’imprévision
Cf. G 161-2).
3.
L’obligation de bonne foi (art 1104) qui s’applique à la négociation, la formation et
l’exécution du contrat. Elle est d’ordre public, et les cocontractants ne peuvent convenir d’y déroger.
Le contrat doit être « légalement formé » (art 1103) et ne peut donc déroger à certaines règles
impératives ; ce sont les dispositions :
1)
2)
qualifiées d’ordre public
ou dont la violation est sanctionnée:
a. par la nullité du contrat ou de certaines de ses dispositions (art.1178 à 1185)
b. par la mise à l’écart de la clause (lorsqu’un texte prévoit que « toute clause contraire est
réputée non écrite »).
Les dispositions générales du code civil ayant un caractère impératif concernent notamment
l’obligation de bonne foi, et les règles de formation du contrat (consentement, capacité et représentation des
parties). La liste exhaustive de ces dispositions figure à l’annexe 1 G 600 (au total vingt-trois articles du code
sur plus de deux cents). D’autres dispositions figurant dans des règles particulières (contrats spéciaux du code
civil, codes spécialisés ou lois spéciales) ont également un caractère impératif (par exemple, la garantie des
vices cachés lors d’une vente d’un professionnel à un non professionnel ; les dispositions du code de la
consommation ; la loi sur la sous-traitance ; etc.). Enfin le juge peut qualifier « d’ordre public » certaines règles,
ou principes, répondant à des exigences fondamentales ou à des intérêts primordiaux ; par exemple la Cour de
cassation a qualifié d’ordre public les règles d’organisation judiciaire relatives à la spécialisation de certains
tribunaux. Ces règles qui relèvent de « l’ordre public virtuel » ont également un caractère impératif.
Sous réserve du respect des règles impératives, la liberté contractuelle est totale. Le juge, en dehors
des cas limitativement prévus par les textes (notamment modération d’une clause pénale, octroi de délais de
paiement, imprévision, …) n’a pas à s’immiscer dans le contenu du contrat.
Les dispositions générales du code civil ont donc pour l’essentiel un caractère supplétif ; sous réserve
des quelques exceptions du paragraphe suivant, elles ne s’appliquent que par défaut.
Les parties, dans le champ traité par tel ou tel article, peuvent retenir d’autres solutions que celles
proposées par le code, ou ne les retenir que partiellement, ou les préciser, ou les modifier. Par exemple, elles
peuvent adopter une autre définition de la force majeure que celle de l’article 1218 ou d’autres solutions que
celles prévues par le code dans l’hypothèse où la force majeure survient ; et il en est de même de toutes les
dispositions non impératives.
Cependant, dans le silence du contrat, et en l’absence de règles impératives, les dispositions légales,
et notamment les dispositions générales du code civil, trouvent à s’appliquer.
L’article 1105 du code confirme la hiérarchie des règles applicables :
1.
Le contrat, sous réserve des règles impératives du code civil et de certains codes particuliers.
Ses conditions particulières priment sur ses conditions générales.
2.
Les règles particulières applicables à certains contrats, édictées dans de nombreux codes
(code de commerce, de la consommation, code monétaire et financier, etc.) ou dans le code civil pour certains
« contrats spéciaux » (vente, mandat, louage, sûretés réelles, cautionnement) : ces règles particulières priment
les dispositions générales du code civil. Certaines d’entre elles sont impératives.
3.
Les règles générales du code civil ; elles ne trouvent à s’appliquer que si le contrat est
silencieux, ou si elles sont impératives. Cependant, elles sont écartées lorsqu’il est impossible de les appliquer
simultanément avec certaines règles prévues par le code civil pour régir les contrats spéciaux, ou celles résultant
d’autres codes tels que le code de commerce.
Les usages (voir H 113), sauf s’ils contreviennent à une disposition impérative, priment les
dispositions générales, puisque celles-ci n’ont qu’un caractère supplétif, (voir par exemple G 412 sur la
présomption de solidarité en matière commerciale). En toute hypothèse, l’obligation contractuelle s’étend à
toutes les suites que lui donnent les usages (art 1194) ; et un contrat s’interprète comme le ferait « une personne
raisonnable » (art 1188), laquelle se réfère nécessairement aux usages.
Les articles 1106 à 1111-1 définissent un certain nombre de caractéristiques des contrats (synallagmatique ou
unilatéral, onéreux ou gratuit, commutatif ou aléatoire, négocié ou d’adhésion, à exécution instantanée ou
successive).
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G 120 LA FORMATION DU CONTRAT
On distingue les contrats de gré à gré dont les stipulations sont librement négociées entre les parties,
et les contrats d'adhésion dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance
par l'une des parties (Cf. art. 1110 du code). Il s’agit notamment des très nombreux contrats dont le co-
contractant se contente de reconnaître avoir eu connaissance des conditions générales de vente et déclare les
accepter. Mais la définition des contrats d’adhésion est plus large et englobe tous les contrats dont les conditions
générales n’ont pu être librement négociées.
Les différentes catégories de contrats peuvent être distinguées en fonction de trois critères :
1) En fonction de la règlementation : contrats « nommés » se rattachant à un régime défini par la loi
(vente, bail commercial, ….) et contrats « innommés » ne se rattachant à aucun régime défini par la
loi ;
2) En fonction du mode de formation : l’article 1109 distingue les contrats consensuels (seul échange
des consentements), les contrats solennels dont la validité est subordonnée à des formes déterminées
par la loi (par exemple vente immobilière) et les contrats réels dont la validité est subordonnée à la
remise d’une chose ; l’article 1110 distingue les contrats d’adhésion et les contrats de gré à gré ;
3) En fonction du contenu : l’article 1106 distingue les contrats synallagmatiques (obligations
réciproques) et les contrats unilatéraux, l’article 1107 distingue les contrats à titre onéreux et ceux à
titre gratuit, l’article 1108 distingue les contrats commutatifs (chaque partie procure à l’autre un
avantage équivalent) ou aléatoires, l’article 1111 distingue le contrat cadre et le contrat d’application,
l’article 1111-1 distingue les contrats à exécution successive et ceux à exécution instantanée.
Les contrats peuvent également être à durée indéterminée ou déterminée, civils ou commerciaux (ce
qui détermine la compétence du tribunal de commerce).
G 121 La conclusion du contrat
G 121-1 La négociation
La phase de négociation précontractuelle est librement conduite par les parties. Elle peut être encadrée
par un précontrat (lettre d’intention) qui organise la négociation, ses étapes, sa durée, les conditions
d’exclusivité ou de confidentialité. Ce précontrat obéit lui-même au droit des contrats.
Les négociations précontractuelles obéissent à l’obligation de bonne foi. Si la rupture de la négociation
est libre, elle ne doit pas être abusive, survenant par exemple après une longue et coûteuse négociation. Une
rupture abusive est indemnisable sur le fondement de la responsabilité délictuelle (articles 1240 et suivants) ;
cependant le cocontractant lésé ne peut prétendre à une indemnisation des bénéfices qu’il espérait du contrat,
ni même d’une perte de chance, puisque l’engagement des négociations n’oblige nullement à leur
aboutissement (article 1112). L’indemnisation se limite en général aux frais engagés dans la négociation ; c’est
une consécration de l’arrêt Manoukian (Cass.Com. 26 novembre 2003 –n°06-10442). Les parties peuvent
déroger à cette règle par des clauses introduites dans des avant-contrats ou lettres d’intention, en instituant par
exemple une indemnité forfaitaire de rupture (« break up fee »).
Il découle également du devoir de bonne foi un devoir d’information. Ce devoir d’information qui
existait déjà pour certains contrats spéciaux avant la réforme de 2016 a été étendu à tous les contrats. Il porte
sur toute information déterminante du consentement, notion déjà utilisée par la jurisprudence (Cass.Com. 12
mai 2004, n°00-15618 ; Cass.Com. 11 juin 2013, n°12-22014). Une information déterminante a un lien direct
et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Cependant, elle ne porte pas sur l'estimation
de la valeur de la prestation ou du bien cédé : il n’y a pas d’obligation pour une partie d’expliquer à son co-
contractant qu’il fait une mauvaise affaire !
Il appartient à la partie qui invoque la disposition à son bénéfice de prouver que l’information ne lui
a pas été donnée, d’en établir le caractère déterminant et de montrer qu’elle pouvait légitimement l’ignorer.
L’appréciation du caractère déterminant dépend de la qualité des parties (professionnels de la même spécialité,
de spécialités différentes mais pour leur activité professionnelle, consommateurs). L’article 1112-1 fait une
mention particulière de la situation où une partie « connaît une information dont l’importance est déterminante
pour le consentement de l’autre » et doit alors l’en informer « dès lors que, légitimement, cette dernière ignore
cette information ou fait confiance à son cocontractant »; à la lettre du texte, l’obligation d’information s’étend
dans cette situation même aux informations déjà connues, ce qui peut paraître surprenant. Mais il faut plutôt
comprendre qu’une partie qui fait confiance à son cocontractant est toujours légitime à ignorer une information,
même déterminante. Les banques, avocats, experts comptables, etc. semblent entrer dans la catégorie des
cocontractants auxquels on fait confiance. La grande distribution qui met en avant la capacité de conseil de ses
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vendeurs (certaines enseignes de bricolage, électroménager) peut également rentrer dans cette catégorie. La
jurisprudence devra permettre de mieux cerner la définition de ces cocontractants auxquels on fait confiance,
et qui sont redevables d’une obligation d’information renforcée.
Le non-respect de l’obligation d’information est une réticence dolosive sanctionnée par la nullité si la
rétention d’information a été intentionnelle, et par des dommages et intérêts dans le cas contraire.
G 121-2 L’offre et l’acceptation
Une offre requiert la description de ses éléments essentiels (prix, consistance, etc.) et la volonté de
contracter si elle est acceptée (article 1114). Si la description des éléments essentiels est manquante, ou si la
volonté d’être engagé par son acceptation n’est pas exprimée, c’est une simple « invitation à entrer en
négociation ».
Le contrat est formé par la rencontre de l’offre, même n’exprimant que les éléments essentiels, et de
son acceptation (articles 1113 et 1114). Les dispositions légales (règles spéciales en premier lieu, ou règles
générales) suppléent alors à toutes les autres conditions non exprimées. Ce principe permet de caractériser
l’offre par ses seuls éléments essentiels. C’est la formulation juridique de l’adage : « la vente est parfaite dès
qu’il y a accord sur la chose et sur le prix ».
L’offre peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire (art 1115). Si
elle est parvenue à son destinataire « elle ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur
ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable » (art 1116).
Le contrat est formé dès que l’acceptation parvient à l’offrant (art.1121). La réforme de 2016 n’a pas
repris la jurisprudence antérieure qui considérait que la formation du contrat intervenait dès l’émission de
l’acceptation.
Le silence, en règle générale, ne vaut pas acceptation, à moins qu'il n'en résulte autrement de la loi,
des usages, des relations d'affaires ou de circonstances particulières (article 1120). Cependant, en matière
commerciale, et en fonction des usages ou relations d’affaires établies, le silence peut valoir acceptation en
phase de formation du contrat.
Si les deux parties conditionnent leur offre ou acceptation à des conditions générales contradictoires,
le contrat se forme néanmoins (sauf si la contradiction porte sur « des éléments essentiels »). Mais les clauses
incompatibles sont sans effet puisqu’il n’y a pas eu rencontre de volontés (article 1119 confirmant Cass. Com.
25 octobre 1994, n°92-21.807 et des arrêts ultérieurs).
G 121-3 Le pacte de préférence et la promesse unilatérale
Contrairement à l’offre qui ne devient contrat que par son acceptation, le pacte de préférence et la
promesse unilatérale sont des contrats. Par le pacte de préférence, une partie s'engage à proposer prioritairement
à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. Par une promesse unilatérale,
le promettant confère au bénéficiaire le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels
sont déterminés. Les promesses unilatérales sont fréquentes dans l’immobilier, et dans le droit des sociétés
(put- promesse d’achat de titres qui seront présentés, et call – promesse de vente de titres qui seront appelés).
Offre et promesse sont des notions très voisines, mais la sanction de la rétractation est très différente :
• Si une offre toujours valide est rétractée (avant son terme ou avant un délai raisonnable s’il n’y a pas
de terme), le contrat n’est pas formé mais la responsabilité extracontractuelle de l’auteur de la
rétractation est engagée, sans qu’il soit tenu à compenser la perte des avantages attendus du contrat.
Seuls donc des coûts directs peuvent être indemnisés (art. 1116).
• Si une promesse unilatérale est rétractée, le bénéficiaire peut néanmoins exiger la formation du
contrat, s’il exerce son option pendant la période de validité (art. 1124). La réforme de 2016 n’a pas
retenu la jurisprudence antérieure qui autorisait la rétractation de la promesse tant que l’acceptation
n’était pas intervenue.
Lorsqu'un contrat est conclu avec un tiers en violation d'un pacte de préférence, le bénéficiaire peut
obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du
bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au
tiers dans le contrat conclu (art 1123). L’action interrogatoire sur l’existence du pacte est ouverte au tiers dans
les conditions décrites au G 133.
G 121-4 Dispositions propres au contrat conclu par voie électronique
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Les dispositions relatives à la négociation et à la formation du contrat par voie électronique sont
précisées au chapitre I 230 (numérotation à confirmer). Les principes sont rappelés ci-après.
La transmission des stipulations contractuelles (y compris les conditions générales) doit permettre leur
archivage.
1)
2)
L’acceptation du contrat requiert un double clic pour ce qui concerne :
l’établissement des différents éléments de la commande ;
la vérification du détail de la commande et du prix total avec possibilité de corriger d'éventuelles
erreurs avant acceptation définitive.
Un simple clic est admis pour les contrats conclus entre professionnels.
G 122 La validité du contrat
La validité du contrat requiert (art 1128) :
1.
2.
3.
Le consentement des parties,
Leur capacité de contracter,
Un contenu licite et certain.
La violation d’une de ces conditions de validité est sanctionnable par la nullité du contrat. Si les motifs
de nullité n’affectent que certaines clauses de l’acte, ils n’entraînent pas la nullité de la totalité de l’acte, sauf
si ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement. La sanction devient alors similaire à celle
d’une clause « réputée non écrite ». L’appréciation de la violation s’effectue in concreto, au regard des
personnes et des circonstances : par exemple, les consommateurs, ou les profanes seront mieux protégés que
les professionnels.
Nota : La « cause » licite qui était le quatrième élément de validité d’un contrat dans le code civil de 1804 (art
1108 ancien) n’a pas été reprise par la réforme de 2016, au motif que c’était une notion mal définie, source
d’insécurité juridique. Mais les nullités qui pouvaient résulter de l’absence de cause licite sont, pour l’essentiel,
reprises par d’autres dispositions, notamment, le « but » du contrat (notion pas mieux définie) doit être
conforme à l’ordre public (art 1162).
G 122-1 Le consentement
C'est la preuve du consentement des parties qui permet d'établir la validité du contrat ou de l'une de
ses clauses (cf. G 500).
La volonté d’une partie peut se manifester par l’expression d’un représentant.
Le consentement peut être vicié par l’erreur (qui est celle d’une des parties), le dol (constitué par des
manœuvres d’une partie pour tromper l’autre) ou la violence d’une partie à l’encontre de l’autre.
L’article 1131 dispose que les vices du consentement sont une cause de nullité relative des contrats.
Il en découle que seul le contractant victime du vice du consentement peut invoquer la nullité.
L’erreur (art 1132)
L’erreur, pour être une cause de nullité, doit porter « sur les qualités essentielles de la prestation due
ou sur celles du cocontractant » et doit être excusable.
L’erreur sur la personne du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en
considération de la personne.
L’erreur est inexcusable si elle est trop grossière (ex : tailleur qui achète du tissu d’ameublement pour
confectionner des vêtements),
L’erreur sur la valeur (art. 1136) par laquelle une partie, sans se tromper sur les qualités essentielles
de la prestation, fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité.
L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative à cette qualité (art 1133
al3).
La démonstration du caractère excusable n’est requise que pour les erreurs de droit ou de fait.
L’erreur résultant d’un dol est toujours excusable, elle est une cause de nullité même si elle porte sur
la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat (art 1139).
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Le dol (art. 1137)
Le dol est défini comme « le fait pour un cocontractant d’obtenir le consentement de l’autre par des
manœuvres ou des mensonges » (art. 1137).
Le dol n’est une cause de nullité que s’il a été une cause déterminante du consentement (c’est-à-dire
si, en son absence, celui qui l’invoque n’aurait pas contracté).
Il existe trois types de dol :
- La manœuvre dolosive (c’est un acte : Ex trafiquer le compteur d’une voiture en vue de sa vente),
- Le mensonge (la simple exagération des qualités d’un produit n’est pas cause de dol),
- La réticence dolosive (silence volontairement gardé sur un élément substantiel), à mettre en regard
du devoir d’information (cf. G 121-1).
Le dol est également constitué s’il émane d’un représentant, d’un gérant d’affaires, d’un préposé ou
porte-fort du contractant ou d’un tiers de connivence.
La violence (art. 1140 à 1143)
La violence n’est une cause de nullité que si elle a été une cause déterminante du consentement en
l’absence de laquelle celui qui l’invoque n’aurait pas contracté. Le caractère déterminant est apprécié par le
juge du fond.
L’article 1140 dispose qu’« il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une
contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celle de ses proches à un mal
considérable ».
La violence peut être une pression physique ou morale. Elle peut émaner du cocontractant ou d’un
tiers.
La menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence, sauf si elle est détournée de son but ou
est invoquée pour obtenir un avantage manifestement excessif (art 1141).
La réforme de 2016 a reconnu une nouvelle forme de violence : l’abus de l’état de dépendance défini
par l’article 1143 qui pose des conditions strictes à la reconnaissance de la violence pour abus de l’état de
dépendance. Il faut que deux conditions cumulatives soient remplies :
-
-
que le contractant retire de l’abus un avantage manifestement excessif,
que le cocontractant ait fourni un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence de contrainte.
Si la violence est établie, la victime pourra demander l’annulation du contrat et / ou l’allocation de
dommages-intérêts pour réparation du préjudice subi.
G 122-2 La capacité et la représentation
La capacité
La loi considère les mineurs non émancipés et les majeurs protégés comme incapables de contracter.
L’article 1147 dispose que l’incapacité de contracter est une cause de nullité relative. Seul l’incapable
ou son représentant pourra donc s’en prévaloir.
L’article 1148 précise que qu’une personne incapable peut néanmoins accomplir seule les actes
courants autorisés par la loi ou l’usage.
Par ailleurs, il est interdit à certaines personnes de conclure certains contrats, par exemple, un
mandataire ne peut acheter un bien qu'il est chargé de vendre (art. 1596 C. civ) et un juge ne peut devenir
cessionnaire des droits et actions litigieux qui sont de la compétence du tribunal dans le ressort duquel ils
exercent leurs fonctions (art 1597).
L’article 1145 précise que la capacité des personnes morales est limitée « par les règles applicables à
chacune d’entre elles ». (La rédaction antérieure à la réforme de 2016 précisait « aux actes utiles à la réalisation
de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires »).
La représentation
En matière commerciale, de nombreux engagements ne sont pas pris par le représentant légal, mais
par un représentant disposant formellement, ou non, de pouvoirs.
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L’article 1156 donne un fondement légal à la théorie du mandat apparent (Cf. H 514) concernant la
validité des actes accomplis par un représentant dénué de pouvoirs ou les outrepassant (par exemple salarié
d’une société ou mandataire) : l’acte est opposable au représenté si le tiers contractant a légitimement cru en la
réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison de son comportement ou de ses déclarations. Mais
le tiers contractant qui peut prétendre à l’exécution de l’acte accompli par un représentant sans pouvoir peut
aussi en invoquer la nullité lorsqu'il ignorait l’absence de pouvoir (art. 1157).
L’article 1158 ouvre la possibilité d’une action interrogatoire (Cf. G 140) en cas de doute sur l’étendue
du pouvoir d’un représentant et en définit les modalités.
G 122-3 Le contenu du contrat
La notion de contenu du contrat visée à l’article 1128 regroupe les anciennes notions de « cause » et
d’« objet » qui figuraient à l’article 1108 dans la version du Code civil antérieure à 2016. La connaissance de
ces notions reste utile pour les anciens contrats.
L’actuelle notion de « contenu » recoupe, pour l’essentiel, l’ancienne notion d’ «objet », la notion de
« cause » étant devenue amplement obsolète car les solutions jurisprudentielles fondées sur elle sont, pour la
plupart, aujourd’hui codifiées de manière autonome dans le Code civil (par exemple art 1135 al 2 selon lequel
l’erreur sur le motif d’une libéralité en l’absence duquel son auteur n’aurait pas disposé est une cause de nullité
ou l’article 1169 selon lequel un contrat à titre onéreux est nul si la contrepartie convenue au profit de celui qui
s’engage est illusoire ou dérisoire).
Comme une déclinaison de l’obligation de bonne foi, plusieurs articles du code civil issus de la
réforme de 2016 sanctionnent un déséquilibre significatif d’un contrat, ou l’obtention d’un avantage
manifestement excessif :
• L’article 1143, applicable à tous les contrats, qualifie de violence l’abus d’état de dépendance d’une
partie, pour en tirer un avantage manifestement excessif,
• L’article 1170 répute non écrite toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du
débiteur,
• L’article 1171 permet d’écarter, dans les contrats d’adhésion, toute clause créant un déséquilibre
significatif entre les droits et obligations des parties. Les chapitres H 221 et H 224 (numérotation à
vérifier) de ce Guide procèdent à une analyse détaillée de ces articles et de leur articulation avec les
dispositions de code de commerce (art. L .420-2 et L. 442-6).
Le code dispose en outre, (art. 1163) que le contrat porte sur une obligation possible et déterminée ou
déterminable, présente ou future. A défaut d’être précisée par le contrat la qualité de la prestation doit être
« conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la
contrepartie » (art. 1166).
A noter que les articles 1164 et 1165 du code (en retrait sur la jurisprudence antérieure) autorisent la
fixation unilatérale du prix seulement pour les contrats-cadres. Cette faculté existe également pour les contrats
de prestations de services (services bancaires ou contrats d’entreprise, par exemple), à défaut d’accord explicite
des parties avant leur exécution. Dans tous les cas, le créancier doit en justifier le montant en cas de
contestation. L’abus est sanctionnable par le juge (art. 1164)
Bien que l’appréciation du déséquilibre significatif ne porte pas sur le prix, une exception prévue par
une loi particulière reste néanmoins admise (art 1674 et suivants) en matière de vente d’immeubles : la rescision
pour lésion. A noter que les ventes par décision de justice (par exemple dans le cadre d’une liquidation) ne
peuvent faire l’objet de rescision pour lésion (Cass.Com. 16 juin 2004, n° 01-17.185).
G 123 La forme du contrat
Le principe est que la loi n’exige aucune forme particulière pour la formation du contrat (art. 1172),
celui-ci est formé par la rencontre des consentements, donc par la rencontre d’une offre et d’une acceptation.
Il existe toutefois des exceptions à ce principe, notamment pour les contrats solennels prévus par la
loi pour lesquels s’impose un écrit et le respect de certaines formes particulières (par exemple : vente
immobilière, cautionnement, …).
Les parties, dans un avant-contrat ou une promesse, peuvent exiger qu’un contrat soit solennel, donc
soumis à un formalisme (en général acte authentique – pour leur contestation voir D 820). Si le formalisme est
requis par la loi à fin probatoire (contrat de mariage, etc.), il est une condition de validité du contrat. S’il n’est
requis que par la volonté des parties, il leur appartient de définir la sanction attachée à son non-respect. Si le
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formalisme n’est requis qu’à fin de publicité, il est sans effet sur la validité du contrat (art. 1173), mais celui-
ci n’est pas opposable aux tiers.
Certains contrats sont réels, c’est-à-dire qu’ils ne se forment que par le transfert de la chose objet du contrat.
Le prêt consenti par un particulier est un contrat réel (Cass.Civ. 1 - 7 mars 2006 – n°02-20.37). S’il est consenti
par un professionnel du crédit, ce n’est plus un contrat réel, mais un contrat consensuel ; il demeure cependant
que le prêteur doit apporter la preuve de l'exécution préalable de son obligation de remise des fonds (Cass.Civ.
1 - 14 janvier 2010-,n° 08-13160).
G 131 Les nullités
G 130 LES SANCTIONS
L’article 1179 pose le principe selon lequel il existe deux types de nullité :
-
la nullité absolue en cas de violation d’une règle ayant pour objet la protection de l’intérêt
général,
la nullité relative en cas de violation d’une règle ayant pour objet la sauvegarde d’un intérêt
privé.
-
Parmi les causes de nullité absolue, on peut citer l’objet ou le contenu illicite.
Parmi les causes de nullité relative, on peut citer les vices du consentement, l’absence de cause, la
lésion, l’incapacité.
La distinction entre nullité absolue et nullité relative introduite par la réforme de 2016 repose sur la
distinction entre intérêt général et intérêt privé, et la doctrine a fait observer que ces notions ne sont pas
précisément définies.
L’action en nullité fondée sur une nullité relative est réservée à celui qui estime en être victime. Le
juge ne peut pas la soulever d’office, sauf dans les cas exceptionnels où la loi lui en donne expressément le
pouvoir (par exemple en matière de droit de la consommation Cf. art R. 632-1 du code de la consommation).
L’action en nullité absolue peut être soulevée d’office par le juge, elle peut également l’être par le
ministère public ou tout tiers ayant un intérêt à agir.
La nullité peut être prononcée par le juge ou constatée par les parties d’un commun accord (art 1178).
L’action en nullité se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu, ou
aurait dû connaitre, les faits permettant de l’exercer (art 2224).
Le contrat déclaré nul, par le juge ou par les parties à leur initiative, est considéré comme n’ayant
jamais existé. La nullité ouvre droit à restitution pour les paiements et bénéfices consentis de part et d’autre.
« La confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce » (art. 1182).
« L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation …. » (art.
1183).
G 132 La caducité
L’article 1186, issu de la réforme de 2016, pose le principe selon lequel, si l’un des éléments essentiels
du contrat disparaît pendant son exécution, le contrat devient caduc. C’est le reflet du droit positif dans de
nombreuses circonstances (disparition matérielle de la chose objet de la prestation, s’il s’agit d’une mise à
disposition, d’un bail, etc. ; non accomplissement d’une condition suspensive, etc.). Mais la caducité peut
également résulter de situations qui étaient antérieurement caractérisées par la disparition ou l’impossibilité de
la « cause » (décès d’un cocontractant, etc.).
L’anéantissement d’un contrat entraîne la caducité des autres contrats interdépendants et donc
l’anéantissement de l’ensemble (Cass.Civ, 1ère, 4 avril 2006, n° 02-18277; Cass.Com., 5 juin 2007, n° 04-
20380, Cass. com, 12 juillet 2017 n° 15-27703). Un cas d’application fréquent est le contrat de location
financière qui devient caduc si le contrat de base n’est pas ou plus être exécuté (défaut de livraison du bien,
disparition de la maintenance, …) (cf. J 880 numérotation à vérifier)
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G 140 LES ACTIONS INTERROGATOIRES
La réforme de 2016 a introduit les actions interrogatoires dans le Code civil.
Ces actions interrogatoires sont au nombre de trois :
Sur l’existence d’un pacte de préférence (art 1123),
Sur l’étendue des pouvoirs d’un représentant (art 1158),
Sur l’exercice d’une action en nullité relative (art 1183).
-
-
-
Sur le pacte de préférence : l’article 1123 définit ainsi le pacte de préférence « Le pacte de préférence est le
contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour
le cas où elle déciderait de contracter ». Si celui qui a conclu un pacte de préférence contracte avec un tiers au
lieu de contracter avec le bénéficiaire du pacte, celui-ci pourra obtenir réparation du préjudice subi. S’il apparaît
que le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, le bénéficiaire pourra
demander l’annulation du contrat conclu avec le tiers ou demander au juge de le substituer au tiers dans le
contrat conclu.
L’action interrogatoire permettra au tiers non bénéficiaire qui souhaite contracter de prévenir le risque
de remise en cause ultérieure du contrat en interrogeant le bénéficiaire présumé du pacte. Celui-ci ne peut
s’abriter derrière une éventuelle clause de confidentialité pour excuser une non-réponse (mais il doit limiter
strictement sa réponse dans le respect de la disposition générale sur la confidentialité de l’article 1112-2).
L’article 1123 dispose en effet qu’en cas d’absence de réponse dans le délai fixé par le tiers, délai qui «doit
être raisonnable », le bénéficiaire du pacte « ne pourra plus demander sa substitution au contrat conclu avec
le tiers ou la nullité du contrat ».
L’ordonnance du 10 février 2016 n’étend pas l’action interrogatoire à la promesse unilatérale.
Sur l’étendue des pouvoirs d’un représentant : l’article 1158 dispose que le tiers qui doute de l’étendue des
pouvoirs d’un représentant conventionnel à l’occasion d’un acte qu’il s’apprête à conclure « peut demander
par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant
est habilité à conclure cet acte ».
A défaut de réponse dans le délai fixé, le représentant est réputé habilité à conclure cet acte.
Sur l’existence d’une nullité relative : l’article 1183 permet à celui qui découvre en cours d’exécution d’un
contrat que celui-ci est affecté d’une nullité relative dont pourrait se prévaloir son co-contractant, d’interroger
celui-ci par écrit sur ses intentions. Cet écrit devra préciser expressément qu’à défaut d’action en nullité exercée
dans le délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé.
G 150 L’INTERPRETATION DU CONTRAT
Ce sont les articles 1188 à 1192 qui traitent de l’interprétation des contrats. Leur rédaction a été
modernisée, mais pas substantiellement changée, par la réforme de 2016.
L’article 1192 encadre le pouvoir d’interprétation du juge en disposant qu’« on ne peut interpréter les
clauses claires et précises à peine de dénaturation ».
L’article 1188 dispose que le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en
s’arrêtant au sens littéral de ses termes et précise : « lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat
s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation ». En
particulier en matière commerciale, il existe un certain nombre d’usages, notamment transcrits en codes
professionnels, normes, etc. ; on peut penser que cette personne raisonnable – et donc le juge - connaît ces
usages, et s’y réfère.
L’article 1189 dispose que : « toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux
autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier » et précise : « Lorsque,
dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent
en fonction de celle-ci ».
L’article 1190 dispose que « dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et
en faveur du débiteur et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé ».
L’article 1191 dispose que « lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un
effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun ».
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G 160 LES EFFETS DU CONTRAT
G 161 Les effets du contrat entre les parties
G 161-1 La force obligatoire du contrat
La force obligatoire du contrat – principe premier – est affirmée à l’article 1103 (anciennement 1134,
très connu) dans les termes suivants : « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faits ».
Ce principe est conforté par les dispositions de l’articles 1193 selon lequel « les contrats ne peuvent
être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties et pour les causes que la loi autorise ».
Le juge se limitera donc à interpréter les contrats (cf G130) et ne pourra les modifier, sauf dérogation
expresse de la loi : par exemple, modération d’une clause pénale (cf. G 198), octroi de délais de paiement (cf.
G), imprévision (cf. G 161-2).
Cette force obligatoire s’applique non seulement à ce qui est exprimé dans le contrat, mais à toutes les
suites qui résultent de l'équité, l'usage ou la loi (article 1194).
« Le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties ». (art. 1199 - cf. G 162).
Selon les contrats, le débiteur d’une obligation s’engage d’une manière plus ou moins stricte ; la
jurisprudence distingue :
-
-
•
•
les obligations de résultat mettant à sa charge un résultat précis ;
les obligations de moyens, dans lesquelles il est tenu de faire tout son possible, mais seulement son
possible.
Le contrat peut être soumis à des conditions. On distingue :
la condition suspensive (art 1304) : le contrat n’entre en vigueur qu’après réalisation de la condition ;
la condition résolutoire (art. 1304) : son accomplissement entraîne l'anéantissement de l'obligation.
Un contrat synallagmatique peut toujours être résolu ou résilié si l’une des parties ne satisfait pas à
ses obligations, même en l’absence de condition résolutoire (art. 1226 - voir G 194).
Le principe selon lequel les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits
a deux corollaires : l’intangibilité et l’irrévocabilité.
Il existe toutefois la possibilité offerte par l’article 1193 d’une modification ou d’une révocation du
fait du consentement mutuel des parties.
Il existe deux cas possibles de modification consensuelle : celles prévues « ab initio », dès la
conclusion du contrat (par exemple une clause d’indexation), et celles décidées d’un commun accord en cours
d’exécution du contrat par un avenant.
Il existe deux cas possibles de révocation consensuelle : celle permise « ab initio » par une clause de
dédit (contrats à exécution immédiate) ou de résiliation (contrats à exécution successive), et celle convenue en
cours d’exécution par accord des parties. (Attention de bien distinguer les notions de « dédit » et de
« résolution-résiliation » dont les conséquences peuvent être différentes).
Il convient aussi de signaler :
-
-
la faculté de révocation unilatérale à tout moment admise par la loi pour les contrats à durée
indéterminée (art 1211), faculté qui est le corollaire de l’interdiction des contrats perpétuels (art 1210)
(ce qui ne dispense pas pour autant de respecter un préavis raisonnable).
la faculté de modification unilatérale prévue par l’article 1223 qui permet au créancier de consentir à
une exécution imparfaite de l’obligation de son débiteur en contrepartie d’une réduction du prix.
G 161-2 L’imprévision (art. 1195)
L’ordonnance de 2016, alignant le droit français avec le droit de la plupart des pays européens, a
introduit le changement de circonstances comme cause de révision du contrat (en droit civil ; la notion existait
déjà en droit administratif). C’est l’article 1195 qui prévoit et encadre strictement cette possibilité.
-
-
Le changement de circonstances doit cumulativement :
avoir été imprévisible lors de la conclusion du contrat,
rendre l’exécution excessivement onéreuse (ce qui ne veut pas dire impossible comme dans le cas de
force majeure),
13
-
pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque.
Le premier et le troisième critère sont à apprécier à la date de conclusion du contrat.
Il faut noter que le critère d’imprévisibilité défini par l’article 1195 est strict, le changement de
circonstances doit être « imprévisible » et pas seulement « raisonnablement imprévisible » comme dans le cas
de force majeure.
L’article 1195 précise les modalités de mise en œuvre de l’imprévision : en cas de changement
-
-
imprévisible de circonstances, une partie peut demander la renégociation du contrat :
si la renégociation réussit, le contrat est conventionnellement révisé,
si la renégociation est refusée ou échoue, les parties peuvent s’entendre pour une résolution
conventionnelle ou pour saisir le juge d’un commun accord,
si, à l’expiration d’un « délai raisonnable », aucun accord n’est intervenu pour une révision
conventionnelle, une résolution conventionnelle ou une saisine de juge d’un commun accord, une
partie peut saisir le juge pour lui demander la révision ou la résolution judiciaire du contrat : le juge
peut ainsi être amené à interférer dans le déroulement du contrat, mais à l’issue d’un processus de
négociation infructueuse entre les parties.
La loi ne définit pas le « délai raisonnable », ce sera à la jurisprudence de le préciser.
Pour éviter toute utilisation abusive, pendant la durée de la renégociation, la partie demanderesse est
tenue de continuer à assumer ses obligations (art. 1195).
L’article 1195 est supplétif et les parties peuvent contractuellement prévoir de l’écarter et d’assumer le risque
de changement de circonstances.
G 161-3 Effet translatif de propriété
L’effet translatif est régi par les dispositions des articles 1196 à 1198 « dans les contrats ayant pour
objet l'aliénation de la propriété ou la cession d'un autre droit, le transfert s'opère lors de la conclusion du
contrat ».
Le principe du droit romain selon lequel l’accord des parties entraine le transfert de propriété ou la
cession du droit est ainsi confirmé. Mais le contrat peut déroger à cette règle (par exemple : clause de réserve
de propriété - Cf. N 220).
En cas de conflit entre deux acquéreurs (art.1198), celui qui a pris possession d’un meuble en premier
est préféré, s’il est de bonne foi, même si son droit est postérieur.
En matière d’immeubles, c’est le premier qui a publié son droit au fichier immobilier de la
conservation des hypothèques qui est préféré, même si son droit est postérieur, à la condition qu’il soit de
bonne foi. Cette condition de bonne foi vient contredire la jurisprudence antérieure selon laquelle le premier
publiant était toujours préféré, même s’il savait que l’immeuble avait été antérieurement cédé par acte sous
seing privé.
G 162 Les effets du contrat à l’égard des tiers
G 162-1 Dispositions générales
Les effets du contrat à l’égard des tiers sont régis par les dispositions des articles 1199 à 1209.
Conformément au principe traditionnel de l’effet relatif des conventions, le contrat ne crée
d’obligations qu’entre les parties ; les tiers ne peuvent en solliciter l’exécution en nature. Cependant, l'effet
relatif des contrats n'interdit pas aux tiers d'invoquer la situation de fait résultant du contrat (par exemple : un
transfert de droits, un élément de preuve) : la situation née du contrat est opposable par les et aux tiers.
En outre, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle,
un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Cass.Ass. Plén. 6 octobre
2006, n°05-13.255).
L’existence d’un contrat entre deux parties crée une situation juridique nouvelle que les tiers doivent
respecter (art. 1200) si elle est publique ou portée à leur connaissance : une jurisprudence constante condamne
à des dommages intérêts le tiers qui, en connaissance de cause, s’est fait le complice d’une partie dans la
violation d’un contrat (par exemple, le commerçant qui embauche un salarié qui s’était engagé à ne pas entrer
au service d’un concurrent de son ancien employeur).
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La contre-lettre qui dissimule un contrat occulte derrière un contrat apparent est admise (art. 1201) ; mais elle
ne produit effet qu’entre les parties ; elle n'est pas opposable aux tiers, qui peuvent néanmoins s'en prévaloir.
Elle est nulle si elle a pour objet une augmentation du prix de cession d'un office ministériel ou de dissimuler
une partie du prix lors d’une vente d'immeuble, une cession de fonds de commerce ou de clientèle ou d'un
droit à un bail (art. 1202),
G 162-2 Dispositions particulières : porte fort et stipulation pour autrui
Ces dispositions particulières sont régies par les articles 1204 à 1209.
Porte-fort (art 1204)
Aux termes de l’article 1204, « On peut se porter fort en promettant le fait d’un tiers ».
-
-
le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le cas contraire,
il peut être condamné à des dommages-intérêts ;
lorsque le porte fort a pour objet la ratification d’un engagement, celui-ci est rétroactivement validé
à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit.
Stipulation pour autrui (art 1205 à 1209)
L’article 1205 pose le principe de la licéité de la stipulation pour autrui, qui n’était pas reconnue par
le Code civil de 1804, mais avait été admise, dans certains cas, par la jurisprudence, en particulier dans le cas
très courant de l’assurance-vie où le stipulant (le souscripteur) obtient du promettant (l’assureur) qu’il versera
une somme à un tiers étranger (le bénéficiaire).
Le bénéficiaire est investi d’un droit direct à l’égard du promettant, toutefois le stipulant peut
librement révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée (art 1206).
G 170 LA DUREE DU CONTRAT
La prohibition des engagements perpétuels cohérente avec la jurisprudence confirmée par le Conseil
Constitutionnel (9 novembre 1999, DC n° 99-419) est affirmée par l’article 1210.
Il peut être mis fin aux contrats à durée indéterminée en respectant le préavis contractuel ou, à défaut,
en respectant un « délai raisonnable ». La violation du préavis ou du délai raisonnable ouvre droit à réparation
par des dommages et intérêts.
•
•
•
Un contrat à durée déterminée doit être exécuté jusqu’à son terme. Il peut être (art. 1213 à 1215) :
prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration : c’est le même contrat qui
se poursuit pour une nouvelle durée (art. 1213),
renouvelé, si les parties en sont convenues à l’avance en l’absence de dénonciation : c’est un nouveau
contrat aux obligations identiques, mais à durée indéterminée (art. 1214).,
poursuivi par tacite reconduction, si les parties ne sont convenues ni d’une prorogation ni de
renouvellement mais poursuivent l’exécution du contrat (art. 1215). La tacite reconduction a le même
effet que le renouvellement (le contrat devient à durée indéterminée). Par définition, la tacite
reconduction ne fait pas l’objet d’un écrit ;
• La clause fréquemment rencontrée dans des contrats à durée déterminée : « à défaut de dénonciation
x mois avant l’échéance du contrat, celui-ci se poursuivra pour une nouvelle période de même durée »
est admise puisque les articles 1213 à 1215 sont supplétifs. Il s’agit alors d’un renouvellement. (Cass.
Civ 1, 17 juillet 1980 n°79-11869 et 18 janvier 1983 n°81-14860)
Le juge devra être attentif aux stipulations pour distinguer entre ces effets. Les contrats passés avant
le 1er octobre 2016 et prorogés après cette date resteront soumis au code civil ancien ; ceux qui seront
renouvelés ou reconduits par tacite reconduction relèveront du code civil de 2016.
G 180 LA CESSION DU CONTRAT
La cession de contrat est régie par les dispositions des articles 1216 à 1216-3.
La doctrine a longtemps été hésitante sur la cession de contrat qui était reconnue par la pratique, mais
pas par le code civil de 1804. Le code civil de 2016 a codifié la jurisprudence qui s’était progressivement
dégagée.
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La cession de contrat est possible avec l’accord du cédé ; elle nécessite un écrit. Cet accord peut avoir
été donné à l’avance par les parties au contrat initial ; c’est souvent le cas dans les opérations de location
financière.
Si le cédé s’oppose à la cession, celle-ci n’est pas nulle, mais le cédant reste solidairement tenu de
l’exécution du contrat. Si le cédé accepte la cession ou y a consenti à l’avance, le cédant est libéré.
Si le cédant n'est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas
contraire, les sûretés ne subsistent qu'avec l’accord de ceux qui les ont consenties (Cf. Titre N).
G 190 L’INEXECUTION DU CONTRAT
G 191 La force majeure
Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne
pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par
des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur (art 1218 C.civ.).
L’imprévisibilité s’apprécie au moment de la formation du contrat et non au moment du dommage (si
l’évènement n’était pas imprévisible lors de la formation, sa survenance ne saurait affecter le contrat). La force
majeure entraîne la suspension de l’obligation (mais pas nécessairement de la totalité du contrat) ; mais si le
retard est important ou l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit. Cette résolution ouvre
droit à restitutions réciproques.
Attention : de jurisprudence constante, la force majeure n’est pas admise lorsque l’obligation porte sur le
paiement d’une somme d’argent (en effet, sauf disparition de tout moyen de paiement, le paiement n’est pas
physiquement impossible).
G 192 Les autres situations d’inexécution
En l’absence de force majeure, l’inexécution peut donner lieu une gradation de sanctions possibles (art 1217) :
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réparation du préjudice par des dommages et intérêts (cf. G 193)
résolution du contrat (cf. G 194)
demande d'exécution forcée en nature de l'obligation (cf. G 196)
réduction du prix (cf. G195)
suspension par l’autre partie de l'exécution de sa propre obligation (dite exception d’inexécution)
(cf. G 197)
Ces différentes sanctions peuvent se combiner pour autant qu’elles ne sont pas contradictoires (par exemple,
on ne peut, à la fois, poursuivre le contrat avec réduction du prix et en prononcer la résolution). Elles peuvent
toujours être complétées par des dommages et intérêts.
G 193 Réparation du préjudice par des dommages et intérêts
Si la non-exécution ou la mauvaise exécution d'une obligation contractuelle crée à l'une des
parties un préjudice, celle-ci peut en demander réparation et solliciter la condamnation de la partie
responsab le de cette situation à lui payer des dommages intérêts en compensation du dommage subi
(art. 1231-1).
Le contractant qui s'estime lésé doit, tout d'abord, mettre en demeure l'autre partie
d'exécuter correctement le contrat en lui laissant un temps suffisant pour pouvoir le faire (art 1231).
Cependant la mise en demeure n’est pas requise en cas d’urgence, ou si la prestation due ne peut plus être
réalisée (Cass. Chambre. mixte, 6 juillet 2007, n° 06-13.823). Il doit ensuite :
•
•
•
prouver la faute de l’autre partie ;
justifier de l'existence et du quantum (montant) du préjudice qu'il allègue ;
prouver qu'il y a un lien de causalité entre la non-exécution de l'obligation contractuelle
et le préjudice invoqué. Ce lien de causalité doit être direct : un préjudice indirectement
causé par la faute de l’autre partie n’est pas susceptible d’indemnisation, sauf stipulation
contractuelle contraire. Il appartient au juge de procéder à l’appréciation de ce caractère
direct.
Les dommages intérêts étant la compensation d'un préjudice, le débiteur ne peut se retrancher
derrière sa bonne foi ; il ne peut s'exonérer que s'il peut prouver que l'inexécution n'est pas de son
fait mais est due à une cause étrangère.
16
Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme
d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ils sont dus sans
que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a
causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et
intérêts distincts de l’intérêt moratoire (art. 1231-6). Ainsi, contrairement à ce qui est souvent
demandé, le juge ne peut accorder des intérêts de retard et des dommages et intérêts sauf à motiver
un préjudice particulier indépendant du retard de paiement.
G 194 La résolution du contrat
La résolution met fin au contrat ; lorsque l’exécution du contrat s’est poursuivie un certain
temps (cas d’un contrat à exécution successive) et que l’on ne peut anéantir ce qui a déjà
été fait, elle est qualifiée de résiliation ; elle ne vaut donc que pour l’avenir. S’il est mis fin
au contrat dès sa naissance on parle de résolution. La mise en œuvre est la même dans les
deux cas.
a) La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat
(art 1225). Une mise en demeure est normalement nécessaire, sauf si la clause résolutoire prévoit qu’elle peut
intervenir de plein droit, dès lors que la condition (par exemple un défaut de paiement) est remplie. La mise en
demeure doit faire expressément référence à la clause résolutoire. Si l’acquisition de la clause résolutoire est
contestée devant le juge, celui-ci vérifie si ces conditions ont été remplies ou non.
b) La résolution à l’initiative unilatérale d’une partie a été d’abord admise par la jurisprudence (voir
par exemple : Cass. Civ. 1 ; 28 octobre 2003, n° 01-03662), puis par l’article 1226 du code civil qui prévoit
que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Elle n’est donc soumise
qu’a posteriori au contrôle du juge qui doit se prononcer en fonction de la gravité de l’inexécution.
Sa mise en œuvre est encadrée : 1) sauf urgence, mise en demeure préalable d’avoir à satisfaire
l’engagement en rappelant la perspective de résolution et en donnant un délai raisonnable pour y satisfaire; 2)
notification motivée de la résolution.
c) La résolution prononcée par le juge : la résolution peut, en toute hypothèse être demandée en justice
(art. 1227).
La résolution donne droit à restitutions dans les conditions de l’article 1229 du code civil (voir G 460 - pour
une vente par exemple, restitution réciproque du prix et du bien ; pour un contrat à exécution successive, pas
de restitution pour la période où les obligations réciproques ont été remplies).
La résolution ouvre en outre droit à des dommages et intérêts (Cf. G 193).
Si la résolution anéantit le contrat à compter de sa date d’effet, elle n'affecte ni les clauses relatives au
règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de
confidentialité et de non-concurrence (art. 1230).
G 195 La réduction du prix
La réduction du prix est une sanction intermédiaire entre l’exception d’inexécution et la résolution ;
elle permet de procéder à une révision du contrat à hauteur de ce qui a réellement été exécuté en lieu et place
de ce qui était contractuellement prévu. Elle a pour but de faciliter l’exécution du contrat et de proposer des
solutions souples en cas de difficultés.
En application de l’article 1223 du code civil le créancier doit préalablement avoir mis en demeure le
débiteur d’exécuter parfaitement son obligation, Le créancier, s’il n’a pas encore payé la totalité de la
prestation, doit ensuite notifier à son débiteur, dans les meilleurs délais, sa décision de réduire le prix, s’il n’a
pas encore payé. L’acceptation par le débiteur de la décision de réduction du prix du créancier doit être rédigée
par écrit. S’il a déjà payé le prix, à défaut d’accord sur la restitution, le créancier peut demander au juge la
réduction du prix.
G 196 L’exécution forcée en nature
La jurisprudence admet depuis longtemps, au nom de la force obligatoire du contrat, l’exécution forcée
en nature après mise en demeure (Cass. Civ.1. 16 janvier 2007, n° 06-13983 ; Cass.Civ.3, 11 mai 2005 n°03-
21136), les seules limites étant l’impossibilité ou l’abus de droit.
17
Cependant, l’article 1221 du code civil modifié par la loi n°2018-287 du 20 avril 2018 a ajouté un
critère économique : il n’admet l’exécution forcée en nature que si elle est possible et que son coût n’est pas
manifestement disproportionné par rapport à son intérêt pour le créancier.
Après mise en demeure, le créancier peut faire exécuter l’obligation par un tiers aux frais du débiteur,
dans un délai et à un coût raisonnables (art 1222). L’intervention du juge ne sera requise que pour obtenir le
paiement du débiteur s’il ne s’acquitte pas spontanément. En outre, l’autorisation du juge est requise pour
obtenir la destruction de ce qui a été réalisé en violation d’une obligation.
Selon l’article 1228 du code civil, le juge a le choix entre ces solutions ; il peut, selon les circonstances,
constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai
au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts. Il reste cependant tenu par les demandes des
parties.
G 197 L’exception d’inexécution
En cas d'inexécution de son obligation par l'une des parties, l'autre peut suspendre l'exécution de la
sienne. C'est l'exception d'inexécution. Reconnue par la jurisprudence depuis longtemps, elle est maintenant
codifiée (art. 1219 et 1220). Elle déroge au principe juridique selon lequel « nul ne peut se faire justice à soi-
même » et, à ce titre, le juge doit vérifier que ses conditions d’exercice sont réunies.
Une partie peut ne pas exécuter son obligation alors même qu’elle est exigible si l’autre partie
n’exécute pas la sienne. Celui qui l’invoque bénéficie ainsi d’un délai jusqu’à ce que son cocontractant exécute
sa propre obligation, le contrat subsistant dans son intégralité.
D’autre part, une partie peut suspendre l’exécution de son obligation, s’il est d’ores et déjà manifeste
que le débiteur ne s’exécutera pas à l’échéance. Il doit alors notifier sa suspension à l’instar d’une mise en
demeure (art. 1220).
Celui qui invoque l’exception ne doit pas être le premier défaillant au titre du contrat et, d’autre part,
l’inexécution par l’autre partie doit être effective et suffisamment grave. L’usage de mauvaise foi de l’exception
d’inexécution par un créancier, par exemple face à une inexécution insignifiante, constitue dès lors une faute
susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle.
Une des formes de la mise en œuvre de l’exception d’inexécution est constituée par l’exercice du droit
de rétention organisé par l’article 2286. Peut s’en prévaloir :
1° Celui à qui la chose a été remise jusqu'au paiement de sa créance (par exemple un réparateur avec
paiement comptant) ;
2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l'oblige à la livrer (par exemple le vendeur qui n’a
pas été payé - cf. N 220 – réserve de propriété) ;
3° Celui dont la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose (par exemple un
dépositaire) ;
4° Celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession (cf. N 210).
G 198 La clause pénale
G 198-1 Nature de la clause pénale.
La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention,
s’engage à quelque chose en cas d’inexécution (art. 1231-5, qui ne retient pas le terme de “clause pénale”).
•
•
Fréquente dans les contrats d’adhésion, la clause pénale a un double caractère :
comminatoire, en faisant peser sur le débiteur une menace de sanction dissuasive dans le cas où il ne
tiendrait pas ses engagements ;
indemnitaire, en fixant à l’avance, par un forfait indépendant du préjudice réellement subi, l’indemnité
qui sera versée au créancier en cas de non-exécution de la convention (étant ici précisé qu’une pénalité
égale au cumul des échéances impayées est bien forfaitaire même si elle résulte d’un calcul
arithmétique, parce que le montant de chaque échéance est une estimation forfaitaire du préjudice
causé par son non-paiement).
En principe, par leur caractère contractuel, les clauses pénales s’imposent au juge et leur montant n’est
pas soumis à restriction. Le juge peut cependant, au besoin d’office, en modifier le montant (art 1231-5), mais
seulement si celui-ci est manifestement excessif ou dérisoire. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
18
G 198-2 Application de la clause pénale
En cas de contestation ou d’absence du défendeur, le juge doit s’assurer que les conditions
d’application de la clause pénale sont bien remplies, notamment :
que le débiteur a été préalablement mis en demeure d’exécuter la convention avec rappel de
•
la sanction encourue (sauf en cas d’inexécution définitive) ;
•
au cas où elle est incluse dans des conditions générales imprimées au verso de factures ou
d’autres documents commerciaux, que l’obligé a formellement acceptée cette clause pénale lors de la
conclusion du contrat (cf. H 333).
G 198-3 Modification judiciaire du montant de la clause pénale
Les dispositions de l’article 1231-5 du code civil permettent au juge de redresser des abus manifestes
qui trouvent le plus souvent leur origine dans le rapport de force entre les parties. Elles contreviennent au
principe de non-ingérence du juge dans le contrat, et son exercice est strictement encadré. Elles sont d’ordre
public et toute stipulation contraire est réputée non écrite (art. 1231-5 4ème al.)
Le juge ne peut modérer qu’en cas de clause manifestement excessive (ou manifestement dérisoire)
; il n’a pas de pouvoir discrétionnaire et doit motiver sa décision sans se contenter d’une affirmation générale
; la motivation doit être faite par référence au caractère manifestement excessif par rapport au préjudice subi
(par exemple Cass. Com., 16 février 2010, n° 09-13380) et non par rapport aux facultés contributives des
parties (Cass. .Civ. 1, - 14 novembre 1995, n°9404.008 ).
Si le juge envisage de procéder d’office à la modération, il doit soumettre sa proposition à la
contradiction des parties (règle générale de l’article 16 du code de procédure civile).
Le juge des référés n’a pas le pouvoir de réduire le montant d’une clause pénale, mais il peut accorder
une provision d’un montant inférieur à la somme demandée (voir E 313).
Dans la fixation du montant de l’indemnité, le juge doit tenir compte du double caractère, indemnitaire
et comminatoire, de la clause pénale ainsi que, éventuellement, du degré d’exécution.
En cas d’exécution partielle de l’obligation, le juge peut, même d’office, diminuer la peine convenue
à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier (art. 1231-5).
Pour conserver le caractère comminatoire, le juge ne doit pas réduire la pénalité jusqu’au montant du
préjudice subi, sauf s’il justifie que la clause est manifestement excessive au moment où il statue (Cass. Civ.
3, 12 janvier 2011, n°09-70262). Il peut accepter la clause pénale en l’absence de tout préjudice (Cass. Civ. 3,
12 janvier 1994, n°91-19540) ; à l’inverse il peut en réduire le montant jusqu’à un euro (Cass.Com. 11 février
1997, n° 95-10851) ; cependant, il ne peut pas réduire en deçà du préjudice subi, fut-il symbolique (Cass.Com.
- 9 juin 1980, n°78-13.192).
De nombreux contrats de crédit-bail ou location financière prévoient qu’une résiliation anticipée rend
exigible le solde des loyers. De telles clauses et a fortiori une éventuelle majoration forfaitaire du solde sont
qualifiables de clause pénale (cf. J 800 crédit-bail et location financière).
L’ouverture d’une procédure collective ne fait pas échec à une clause pénale pour inexécution, dont
la jurisprudence indique qu’elle n’est pas contraire au principe de l’égalité des créanciers (Cass. Com., 3 mai
1994, n°91-20479), sauf si la pénalité est réservée au seul cas d’ouverture de procédure collective et non à tous
les cas de défaillance du débiteur (Cass.Com. 2 juillet 2013, n°12-22284).
G 198-4 Limites du champ d’application de l’article 1231-5 du code civil
C’est au juge de déterminer si, quelle que soit l’appellation qui lui a été donnée par les parties, une
indemnité contractuellement prévue est une clause pénale ou non.
Son pouvoir modérateur ne s’exerce en effet que sur les clauses ayant le caractère d’une peine et dont
le montant n’est pas fixé par un texte légal ou réglementaire.
C’est ainsi que la jurisprudence qualifie de clauses pénales les pénalités de retard dans l’exécution
d’un marché, les majorations du taux des intérêts en cas de retard de paiement, les indemnités pour non-respect
des spécifications techniques d’un matériel, les indemnités pour rupture de contrat (exemples : maintenance,
location, crédit-bail, etc.).
Les principales clauses contractuelles fréquemment rencontrées mais qui n’ont pas la nature de clause
pénale, et qui ne peuvent pas être modifiées par le juge, sont :
19
•
•
•
les clauses d’indemnisation forfaitaire d’un préjudice dû à un événement indépendant de la volonté
du débiteur (par exemple, perte ou destruction d’un bien prêté, loué ou mis en dépôt) ;
les clauses alternatives par lesquelles le débiteur est libre d’exercer un choix entre deux ou plusieurs
options (par exemple, les indemnités prévues en cas de remboursement anticipé d’un prêt bancaire ou
les indemnités d’immobilisation prévues en cas de non levée d’une promesse d’achat ou de vente ;
voir notamment Cass. Com - 2 avril 1996, n°94-13433 ; Cass. Civ. 3, - 29 juin 1994, n°92-19645 ;
Cass.Civ. 3 - 5 décembre 1984. n°83-11788) ; tel est le cas de la clause de dédit (cf. G 198-5) ;
les clauses réglementaires ayant fait l’objet d’une décision administrative qui en a fixé le montant de
façon autoritaire et intangible ; c’est le cas des majorations de retard appliquées par les caisses de
prévoyance sociale dont certaines ont confié le recouvrement des cotisations dues à des organismes
spécialisés (U.R.S.S.A.F. pour la Sécurité sociale, A.S.S.E.D.I.C. pour l’A.G.S., Caisse de congés et
intempéries du BTP, etc.).
G 198-5 Requalification d’une clause de dédit en clause pénale
La clause de dédit n’est définie par aucun texte. Son acception initiale était limitée aux promesses de
vente : la clause de dédit est une clause que vendeur et acquéreur peuvent prévoir dans une promesse de vente
et qui stipule que l'une ou l'autre des parties peut décider de se retirer de la vente avant la signature de l'acte
définitif, moyennant le versement d'une somme d'argent. Cependant, le concept de clause de dédit a été étendu
à d’autres cas de figure et on put en donner la définition suivante : la clause de dédit confère à une partie la
faculté unilatérale de se soustraire à l'exécution du contrat, moyennant le paiement d’une compensation ; ainsi
celui qui use de cette faculté de rétractation ne commet pas de faute contractuelle, il exerce seulement un droit
librement convenu par convention. Comme pour toute clause contractuelle, le juge n’a pas la faculté de
modifier un dédit.
Certains contrats à exécution successive comportent une clause intitulée « clause de dédit » aux termes
de laquelle, en cas de résiliation pour cause de non-paiement d’une échéance, le client est tenu d’acquitter un
dédit. Les tribunaux de commerce sont souvent confrontés à la demande de requalification de ces clauses en
clause pénale aux fins de réduction du montant manifestement excessif du dédit.
La Cour de cassation a longtemps refusé de requalifier des clauses de dédit en clause pénale, mais la
chambre commerciale semble avoir infléchi sa position depuis son arrêt n°13-27993 du 10 mars 2015, position
confirmée par deux arrêts qui retiennent une motivation analogue : Cass.com ; n° 17-22346 du 5 décembre
2018 et Cass. com. n° 18-14427 du 25 septembre 2019.
Ainsi, le juge peut, par application de l’article 12 du CPC, requalifier une clause qualifiée
contractuellement de dédit en clause pénale et, par conséquent, la modérer en application de l’article 1231-5
du code civil, sous la double condition qu’elle soit conçue pour contraindre le client à l’exécution du contrat
jusqu’à son terme (aspect comminatoire) et qu’elle évalue forfaitairement le préjudice subi par le prestataire
(aspect indemnitaire).
CHAPITRE 2
G 200 LA RESPONSABILITE EXTRACONTRACTUELLE
Une partie peut porter tort à une autre partie et, en raison de sa responsabilité civile, encourir
l’obligation de réparer le tort qu’elle a causé, même si c’est par simple négligence ou imprudence. Cette
responsabilité résulte, soit du fait de cette partie, soit du fait des personnes dont elle est responsable ou des
choses dont elle a la garde ; elle est dite délictuelle lorsque le fait dommageable est intentionnel et quasi
délictuelle lorsqu’il est non intentionnel ; dans tous les cas, elle peut également être dite extracontractuelle.
Cette obligation de réparer fait essentiellement l’objet des articles suivants du code civil :
•
Article 1240 : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
•
Article 1241 : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son
fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
•
Article 1242 alinéa 1 : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par
son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des
choses que l’on a sous sa garde ».
20
G 210 CONDITIONS D’EXISTENCE
Le défendeur poursuivi en responsabilité extracontractuelle, soit personnellement, soit par personnes
ou choses interposées, peut s’exonérer de la présomption qui pèse sur lui s’il apporte la preuve que le dommage
résulte d’un cas fortuit, de la force majeure, ou d’une cause qui ne lui est pas imputable ; en effet, la
démonstration de ne pas avoir commis de faute n’est pas suffisante.
La victime doit donc démontrer trois points :
•
•
•
une faute, même commise sans mauvaise foi ni intention de nuire, qui peut n’être qu’une simple
négligence ou imprudence ;
un préjudice qui doit être quantifié, le juge disposant dans ce domaine d’un large pouvoir
d’appréciation pour fixer les dommages intérêts qu’il allouera à la victime ;
un lien de causalité entre le préjudice et la faute ou le fait générateur.
Des parties liées par une convention ne peuvent mettre en jeu la responsabilité délictuelle ou quasi
délictuelle que pour des faits indépendants du contrat : aussi la jurisprudence a-t-elle édicté le principe du
non-cumul de ces responsabilités. Ainsi une partie ne peut mettre en jeu la responsabilité délictuelle ou quasi-
délictuelle de son cocontractant, quand bien même y aurait-elle intérêt – pour des faits qui se rattachent à
l’exécution du contrat (elle peut naturellement le faire pour d’autres faits qui en sont indépendants).
Les tribunaux de commerce ont à connaître de la responsabilité extracontractuelle dans un petit
nombre de situations, non limitativement énumérées ci-après:
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
la rupture abusive de négociations précontractuelles, et le manquement à l’obligation de bonne foi
dans ces négociations s’il n’y a pas eu formation du contrat (cf. G 121). Si le contrat s’est formé, c’est
la responsabilité contractuelle qui est en cause.
la concurrence déloyale (cf. H 230).
le préjudice subi dans l’activité commerciale du fait de l’exécution ou de la non-exécution par des
tiers d’un acte de commerce.
la participation à la violation d’une obligation contractuelle, même sans en être partie prenante. Par
exemple, l’embauche d’un salarié en connaissance d’une clause de non-concurrence.
la violation au bénéfice d’un tiers d’un pacte de préférence ou d’une promesse unilatérale (cf. G121).
la rétractation d’une offre reçue par son destinataire avant la fin de la période de validité ou avant un
délai raisonnable s’il n’y a pas de terme
l’abus de droit (cf. G 220).
G 220 ABUS DE DROIT
Un cas particulier est constitué par l’abus de droit, commis par une personne ayant causé un dommage à autrui
du seul fait de l’exercice d’un droit lui appartenant. Pour qu’un comportement puisse être qualifié de fautif au titre d’un
abus de droit, il faut que ce comportement traduise une volonté de nuire (et non de se procurer un avantage personnel) ou,
plus généralement, constitue un détournement de la finalité sociale du droit dont il est fait usage.
En ce qui concerne les tribunaux de commerce, la plupart des condamnations pour abus de droit se fondaient sur
l’ancien article 1382 du code civil et se fondent maintenant sur l’article 1240. L’abus de droit est invoqué essentiellement
en matière de droit des sociétés (abus de majorité ou de minorité, révocation d’un dirigeant, etc.), à l’occasion du non
renouvellement d’un contrat à durée déterminée (par exemple, concession) ou lorsqu’une procédure est considérée comme
abusive. Dans ce dernier domaine, l’abus peut se trouver réprimé tant dans le cadre de l’article 32-1 du C.P.C. (amende
civile) que par des dommages intérêts proprement dits.
L’appréciation par le juge du degré de gravité nécessaire pour qu’un comportement soit qualifié d’abus de droit
a un caractère subjectif ; il est donc essentiel que le juge motive très précisément toute décision prise en matière d’abus de
droit ou de procédure abusive.
G 230 EXEMPLES DE JUGEMENT
Quasi-délit
Accueil
Macaire assigne Xavier en paiement de la somme de 1.000 € de dommages intérêts sur le fondement de
l’article 1241 du code civil. Il expose qu’il exploite un magasin d’épicerie fine, et que Xavier, son voisin
parfumeur, à la suite d’une erreur du transporteur, a réceptionné un colis de denrées périssables qui lui était
21
destiné ; que Xavier ne lui a remis le colis litigieux que trois jours plus tard et qu’il est apparu à l’ouverture du
colis, faite en présence de Xavier, que les denrées étaient devenues impropres à la consommation.
Pour sa défense, Xavier fait valoir que c’est en raison d’une activité exceptionnelle à proximité des fêtes de
fin d’année qu’il n’a pas immédiatement porté à son voisin le colis litigieux
Motivation :
Le tribunal constate que Xavier a agi par négligence, ce qu’il ne conteste pas ;
Il résulte des articles 1240 et 1241 du code civil que l’on répond tout autant des fautes par négligence que
des fautes volontaires, des fautes par omission que des fautes par commission ;
Le dommage de Macaire est certain et son montant non contesté ;
Le lien entre la faute et le dommage est établi puisque la négligence de Xavier n’a pas permis à Macaire de
veiller à la conservation de la marchandise ;
En conséquence le Tribunal condamnera Xavier au paiement de la somme demandée ainsi qu’aux dépens.
P. C. M
Le Tribunal, statuant en dernier ressort par un jugement contradictoire
Condamne Xavier à payer à Macaire 1.000 € à titre de dommages intérêts,
Le condamne aux dépens.
Rejet
Nicolas assigne Norbert en paiement de la somme de 3.000 € à titre de dommages intérêts.
Norbert, à la barre, soutient que la demande n’est pas fondée.
Motivation :
Les débats ont permis d’établir que Nicolas a sollicité en mars 2018 la représentation à titre d’agent
commercial de la société Noëlla pour la région parisienne mais ne l’a pas obtenue ;
Par la suite, Norbert, que Nicolas avait fait connaître aux dirigeants de la société Noëlla, obtint cette
représentation en juin 2018 et a, depuis lors, reçu au titre de cette agence commerciale le paiement
d’importantes commissions .
Le fait d’obtenir une représentation qu’un tiers désirait pour lui ne constitue pas en lui-même une faute qui
puisse être reprochée à Norbert, à défaut de manœuvres abusives que Nicolas allègue mais dont il n’apporte
aucune preuve ;
En l’absence de faute, il n’y a pas lieu à application de l’article 1240 du code civil ;
En conséquence, le Tribunal déboutera Nicolas de sa demande.
P. C. M.
Le Tribunal, statuant en premier ressort par jugement contradictoire,
Déboute Nicolas de sa demande,
Le condamne aux dépens.
CHAPITRE 3
G 300 AUTRES SOURCES D'OBLIGATIONS
Il s’agit des quasi-contrats, qui naissent de faits volontaires d’une première partie et, bénéficiant à une
seconde partie, créent une obligation de la seconde envers la première.
G 310 GESTION D’AFFAIRES
C’est un acte d’immixtion dans les affaires d’autrui qui confère le droit d’être indemnisé des débours
engagés dès lors que l’intervention était justifiée et que l’affaire a été utilement gérée, (que le gérant en ait
retiré ou non un avantage personnel) par exemple, les frais de gardiennage du garagiste qui, sans aucun mandat,
a abrité un véhicule accidenté pour éviter qu’il ne soit pillé (art. 1301 à 1301-5. C. civ.).
22
L’article 1301-1 du code civil exige du gérant de l’affaire qu’il se comporte en « personne
raisonnable » (notion similaire à l’ancien « bon père de famille » du code civil).
G 320 RESTITUTION DE L’INDU (ancienne « répétition de l’indu »)
Celui qui reçoit, par erreur ou sciemment, ce qui ne lui est pas dû est obligé de le restituer à celui qui
l’a indûment payé : par exemple, l’assuré ayant encaissé une indemnité alors que la garantie ne lui était pas
acquise, le paiement d’une facture à un autre que le créancier, etc. Les dispositions des articles 1302 à 1302-3
du code civil reprennent des dispositions éparses de l’ancien code civil de 1804, en y incorporant la
jurisprudence.
Une possibilité d’action directe contre celui dont la dette a été acquittée par erreur est ouverte (art.
1302-2 ; antérieurement, elle existait sur le fondement de l’enrichissement sans cause).
Les règles de restitution sont fixées aux articles 1352 à 1352-9 ; en particulier, celui qui a reçu de
mauvaise foi doit les intérêts et les fruits à compte du paiement reçu, celui qui a reçu de bonne foi ne les doit
qu’à compter de la demande de restitution (art. 1302-7).
Le juge peut diminuer la somme répétée pour tenir compte de la réparation du préjudice causé à celui
qui a reçu le paiement (s’il y en a un), lorsque le paiement procède d’une faute ; dans son appréciation de la
réduction, il tient compte de la gravité de la faute et de l’importance du préjudice subi.
G 330 ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ
L’enrichissement sans cause était une construction jurisprudentielle (Cour de cassation du 15 juin
1892). Il a été codifié sous le nom d’enrichissement injustifié, la notion de cause ayant été abandonnée (art 1303
et suivants). L’enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement par l’appauvri d'une
obligation, ni de son intention libérale (art. 1303-1). L’action sur ce fondement est subsidiaire et ne peut
prospérer qu’à défaut de toute autre action ouverte au demandeur ; elle ne peut cependant être utilisée pour
échapper à la prescription d’actions qui étaient possibles (art. 1303-2).
L’enrichissement injustifié devient une dette de valeur : l’appauvrissement est constaté au jour de la
dépense, l’enrichissement au jour de la demande, et leur évaluation doit être faite au jour le plus proche du
versement. L’indemnité due est celle de l’appauvrissement, mais si l’enrichi a été de mauvaise foi, l’indemnité
est alors le plus élevé des deux montants, enrichissement ou appauvrissement.
Il n’y a cependant pas lieu à indemnisation si l’appauvri a retiré un bénéfice personnel de l’acte
accompli. Le juge peut modérer l’indemnisation si l’appauvrissement procède d’une faute de l’appauvri (art.
1303-2).
CHAPITRE 4
G 400 LE REGIME DES OBLIGATIONS (art 1304 à 1352-9 C. civ.)
G410 LES MODALITES DE L’OBLIGATION (art 1304 à 1320 C. civ.)
G 411 Typologie des obligations
Une typologie des obligations est proposée par le code civil :
l’obligation conditionnelle qui dépend d’un évènement futur et incertain ; elle est suspensive lorsque
la survenance de l’évènement rend l’obligation exigible ; elle est résolutoire lorsque sa survenance
anéantit l’obligation;
l’obligation à terme qui dépend de la survenance d'un événement futur et certain, dont la date de
survenance peut être incertaine (on distingue ainsi l’obligation à terme certain et l’obligation à terme
incertain) ;
l’obligation plurale, qui porte sur plusieurs objets, ou qui a plusieurs obligés.
•
•
•
La liberté contractuelle autorise évidemment à combiner ces diverses obligations ou à en créer de
nouvelles dans la limite des dispositions des droits spéciaux, ou des dispositions prescrites à peine de nullité.
La condition d’une obligation conditionnelle doit sous peine de nullité :
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•
•
être licite (mais elle n’a plus à être « conforme aux bonnes mœurs ») (Cf. G 111)
ne pas dépendre de la seule volonté du débiteur de l’obligation : il s’agirait alors d’une condition
« purement potestative ». Seul le créancier de l’obligation conditionnelle peut s’en prévaloir.
Les dispositions concernant l’obligation à terme (art 1305 et ss.) sont conformes à l’esprit des
dispositions du code dans sa rédaction antérieure et à la jurisprudence. Elles admettent que Le terme peut être
exprès ou tacite et, à défaut d’accord, le juge peut le fixer (art. 1305-1). L’obligation n’est pas exigible avant
le terme et celui qui l’a exécutée par anticipation ne peut agir en répétition de l’indu (art. 1305-2). Le terme est
présumé profiter au débiteur de l’obligation ; c’est une présomption simple (cf. D 130) ; si le terme a été fixé
au bénéfice exclusif d’une partie, celle-ci peut y renoncer sans le consentement de l’autre (art. 1305-3).
•
•
•
L’obligation plurale concernant plusieurs objets (art. 1306 à 1307-5) peut être :
cumulative lorsqu'elle a pour objet plusieurs prestations et que seule l'exécution de la totalité de
celles-ci libère le débiteur ;
alternative lorsqu'elle a pour objet plusieurs prestations et que l'exécution de l'une d'elles libère le
débiteur. Le choix entre les prestations appartient au débiteur ;
facultative lorsqu'elle a pour objet une certaine prestation mais que le débiteur a la faculté, pour se
libérer, d'en fournir une autre ?.
L’obligation plurale concernant plusieurs obligés, sauf si elle est solidaire ou indivisible, se divise de
plein droit entre eux, par parts égales, sauf si la loi ou le contrat en dispose autrement. (art. 1309)
On rappelle le caractère supplétif de ce type de dispositions auxquelles les parties peuvent déroger
par leur contrat, dans les limites indiquées au § G111.
G 412 Solidarité
L’obligation plurale, concernant plusieurs sujets, peut être solidaire ou non solidaire, à prestation
divisible entre les coobligés ou indivisible. On ne traite ici que de l’obligation solidaire.
En principe, la solidarité ne se présume pas (art. 1310) ; elle ne peut résulter que du contrat ou de la
loi. Cependant la jurisprudence a énoncé qu’en matière commerciale, la solidarité se présume (Cass. Civ.18
juillet 1929 ; Cass.Com. 2 mai 1967 ; 21 avril 1980 –n°78-14765) : si plusieurs commerçants sont tenus de la
même dette ayant un caractère commercial, ils sont solidaires et, l’article1310 du code civil n’étant pas
impératif, l’usage, consacré par la jurisprudence continue à s’appliquer. La présomption de solidarité entre
commerçants est simple (non irréfragable), et la preuve contraire peut être apportée par l’un des codébiteurs.
A noter que cette présomption est écartée en matière de cautionnement (art. 2290 et 2306) (cf. N 111-2).
La solidarité entre créanciers est dite active. Chaque créancier solidaire peut exiger mais également
recevoir le paiement de toute la dette, lequel libère le débiteur à l’égard de tous ; le débiteur est libre de payer
le créancier de son choix tant qu’il n’est pas poursuivi par l’un d’eux ; l’acte qui interrompt ou suspend la
prescription à l’égard de l’un des créanciers solidaires, profite aux autres créanciers.
La solidarité entre débiteurs est dite passive. Chacun des débiteurs est tenu pour le tout, le créancier
pouvant exiger de l’un des coobligés qu’il exécute tout ou partie de l’obligation (art. 1313). L’obligation
solidaire implique que les débiteurs renoncent au bénéfice de division (division de la dette entre eux par le
créancier).
Si les codébiteurs solidaires répondent chacun vis-à-vis du créancier de la totalité de l’obligation, ils
ont des recours entre eux à hauteur de l’inexécution de l’un d’entre eux. (art.1317).
L’engagement solidaire se distingue de l’engagement conjoint où les débiteurs ne sont engagés que
jusqu’à concurrence de la somme que chacun doit personnellement et ne sont pas tenus de l’ensemble de la
dette. Un engagement est, soit conjoint, soit solidaire, mais ne peut jamais être conjoint et solidaire.
Les créanciers solidaires tenus de la même dette se représentent les uns les autres et une demande
d’intérêts à l’égard de l’un vaut à l’égard de tous (art. 1312 et 1314).
Le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer les exceptions qui sont communes à tous
les codébiteurs et celles qui lui sont personnelles. Il ne peut, par contre, opposer les exceptions qui sont
personnelles à d'autres codébiteurs (art. 1315) (pour le cautionnement voir art. 2298 et N 112-3 b)).
La solidarité ne se présumant pas (sauf en matière commerciale), la jurisprudence a créé la notion
d’obligation in solidum ; le juge peut y recourir lorsque « l'obligation de chacun des débiteurs est identique à
celle des autres et que sa pleine exécution peut être réclamée par le créancier indifféremment à chacun »
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(Cass.Com. 8 janvier 1991, n°89-15439), alors même que les débiteurs n’ont jamais prévu de s’engager
solidairement. Faute de solidarité convenue, certaines dispositions propres aux codébiteurs solidaires, comme
la représentation des uns par les autres et ses conséquences sur l’interruption de prescription ou sur les effets
d’une demande d’intérêts, ne s’appliquent pas aux codébiteurs tenus in solidum.
Cette notion trouve notamment à s’appliquer en matière de responsabilité civile extracontractuelle (cf.
G 200), par exemple si plusieurs coauteurs ont contribué au même dommage.
La jurisprudence admet également qu’il y a obligation in solidum lorsque l’un des auteurs a une
responsabilité contractuelle, et l’autre une responsabilité extracontractuelle. Elle reconnait aussi une obligation
in solidum entre l’auteur d’un dommage et son assureur. De même deux cautions, séparément solidaires d’un
même débiteur mais qui n’ont pas convenu de solidarité entre elles, peuvent être tenues in solidum (Cass.Com.
9 janvier 1985 –n° 83-15800).
La distinction entre obligations solidaires et obligations in solidum est parfois ténue.
G 420 LES OPERATIONS SUR OBLIGATIONS
G 421 La cession de créance (art 1321 à 1326 C. civ.)
La cession de créance entre dorénavant dans le droit commun des obligations. Le transfert entre les
parties et l’opposabilité aux tiers sont immédiats, à la date de l’acte (même régime que celui du nantissement
de créance, de la cession de créance réalisée dans le cadre d’une fiducie ou de la cession de créance
professionnelle « Dailly »).
La cession doit être constatée par écrit à peine de nullité (art. 1322) ; elle est opposable aux tiers à la
date de l’acte (art. 1323).
L’opposabilité au débiteur ne requiert plus la lourde formalité de signification (art. 1324) qu’exigeait
l’ancienne rédaction du code civil. (art. 1690 ancien). Une notification par LRAR, ou contre récépissé (article
667 du code de procédure civile) est suffisante. Dès que cette notification a eu lieu, ou que le débiteur a pris
acte de la cession, il est tenu de payer le nouveau créancier et lui seul ; il peut agir en restitution de l’indu s’il
a payé à tort l’ancien créancier.
La cession de créance emporte celle de ses accessoires (et notamment les sûretés). Le débiteur peut
opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l'exception d'inexécution, la
résolution ou la compensation des dettes connexes ; il peut également opposer les délais et remises concédés
par le cédant.
Sauf stipulation contraire, le cédant garantit l'existence de la créance et de ses accessoires, mais il ne
garantit la solvabilité du débiteur que s’il s’y est expressément engagé.
Lorsque la cession porte sur des droits faisant l’objet d’un litige en cours (une contestation de dette
par exemple), la procédure de retrait litigieux demeure. Elle permet à l’autre partie au litige de mettre fin à
celui-ci en remboursant au cessionnaire (acquéreur du droit) le prix que celui-ci a payé au cédant. Cette
possibilité, qui vise à éviter la spéculation sur des décisions de justice, est confirmée par l’article 1699).
La cession de créances peut être, depuis le 1er janvier 2022, utilisée comme sûretés (cf. N 214).
G 422 La cession de dette (art 1327 à 1328-1 C. civ.)
Elle nécessite l’accord du créancier et doit être constatée par écrit à peine de nullité. En outre, le
débiteur cédant n’est libéré par la cession que si le créancier y consent expressément ; dans le cas contraire, il
reste tenu solidairement et les sûretés de la dette subsistent. En cas de libération du créancier, les sûretés
consenties par des tiers ne subsistent qu'avec leur accord. Le cessionnaire de la dette peut opposer au créancier
toutes les exceptions inhérentes à la dette, comme celles qui lui sont personnelles.
G 423 La novation (art 1329 à 1335 C. civ.)
La novation est une opération qui éteint une obligation et concomitamment lui en substitue une autre.
Elle constitue en elle-même un contrat, soumis aux règles de validité des contrats, de même que la nouvelle
obligation.
Elle peut s’opérer entre les mêmes parties par modification de l’obligation, ou par substitution d’une
partie – le créancier ou le débiteur – par une nouvelle partie -un nouveau créancier ou un nouveau débiteur.
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A la différence d’une cession de dette, la novation par changement de débiteur peut s'opérer sans le
concours du premier débiteur ; en revanche la substitution du créancier nécessite l’accord du débiteur.
La novation ne se présume pas, mais doit clairement résulter d’un acte. L’extinction de l’obligation
initiale s’étend aux accessoires, dont les sûretés, sauf acceptation par les garants de report de leur garantie sur
la nouvelle obligation.
Ne suffisent pas, en particulier, à caractériser une novation :
une simple modification du montant du contrat (Civ. 1, 25 mai 1981, n° 80-12494),
une modification de modalités de paiement (par exemple : substitution à un remboursement mensuel
direct du créancier d’un remboursement de dettes du créancier à l’égard de tiers (Com., 8 decembre
2009, n° 08-22103; changement de la monnaie de paiement);
une modification de la charge de remboursement d’un emprunt (par exemple : modification de la m
durée ou du taux (Civ. 1, 2 décembre 1997, n° 95-21315) , réaménagement d’un ensemble de dettes
(Civ. 1, 20 mai 2003, n° 01-00212),)
une transaction, sauf intention contraire des parties (Civ. 1, 21 janvier 1997, n° 94-13826 et 94-
13853),
une simple reconnaissance de dette (Civ. 1, 14 décembre 2004, n° 01-15734).
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La doctrine considère que la novation, en l’absence de changement du débiteur ou du créancier,
requiert une modification de l’objet, ou de la cause de l’obligation - en termes actuels, on parlera de
« contenu du contrat »).
Les privilèges et sûretés de l’ancienne créance ne passent pas à celle qui lui est substituée, d-san-f mention
expresse (art. 1278).
G 424 La délégation (art 1275 à 1277)
La délégation est une opération par laquelle le débiteur d’une obligation obtient d’un délégué qu’il
s’oblige envers le créancier. Si le créancier accepte expressément le nouveau débiteur, la délégation est dite
parfaite – le créancier n’a alors plus de recours contre le débiteur délégant, sauf réserve expresse ; sinon, elle
est imparfaite, n’opère pas novation et le premier débiteur reste tenu solidairement.
Une simple indication de paiement – le créancier désigne une autre personne pour recevoir le paiement
- ne constitue ni une novation ni une délégation. Il en est de même de l’indication par le débiteur d’une autre
personne qui paiera à sa place (« payer » étant ici entendu au sens large : exécuter son obligation) (art. 1277).
G 430 LES ACTIONS OUVERTES AU CREANCIER ( art. 1351-1 et 1341-2)
Le débiteur qui n’exécute pas son obligation peut y être contraint par voie de justice, en général soit
par une ordonnance d’injonction de payer soit par un jugement, et dans le cadre des mesures ouvertes par le
Code des procédures civiles d’exécution (cf. E 500).
Jusqu’à la réforme de 2016, l’action oblique et l’action paulienne étaient des constructions
jurisprudentielles ; désormais, elles sont définies par le code civil.
Le créancier peut aussi se substituer au débiteur pour exercer les droits de celui-ci vis-à-vis d’un tiers :
c’est l’action oblique. Si, par exemple, C doit de l'argent à B, et que celui-ci ne prend pas toutes les mesures
nécessaires pour obtenir le remboursement de ce qui lui est dû (condition essentielle), et que B doit de l'argent
à A, alors A dispose de l'action oblique afin d'intervenir directement à l’encontre de C.
L’article 1341-1 du code civil, toutefois, limite l’action oblique aux droits patrimoniaux non attachés
à la personne du débiteur (comme des droits familiaux), et à la condition que la carence du débiteur
compromette les droits du créancier. Les droits patrimoniaux sont des droits qui s’attachent à une personne et
qui ont une valeur pécuniaire : ils concernent son patrimoine, meubles ou immeubles, et s’opposent aux droits
extrapatrimoniaux qui sont non pécuniaires (droit à la vie, au mariage, etc.). Selon la jurisprudence il faut que
la créance soit certaine, liquide (sauf pour une créance non monétaire) et exigible. Le résultat de l’action
oblique ne profite cependant pas directement au créancier agissant mais intègre le patrimoine du débiteur, sur
lequel il viendra le cas échéant en concours avec les autres créanciers du débiteur.
Le créancier peut aussi mettre en œuvre l’action paulienne (art 1341-2) pour déclarer inopposables à
son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits. Ce peut être le cas, par exemple, d’actes
(cessions d’actifs par exemple) passés en période suspecte c’est-à-dire entre la date de cessation des paiements,
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telle que le tribunal la fixe, et la date de l’ouverture d’une procédure collective (qui peut être nettement
postérieure). Cependant le tiers cocontractant doit avoir eu connaissance de la fraude lorsqu’il s’agit d’un acte
à titre onéreux. La créance doit être certaine
L’action directe et l’action paulienne peuvent s’appliquer à des créances non monétaires.
G 440 L'EXTINCTION DE L’OBLIGATION (art 1342 à 1351-1 C. civ.)
L’extinction de l’obligation est la fin du contrat. Elle peut s’opérer par :
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le paiement,
la compensation, en présence d'obligations réciproques entre deux personnes ,
la confusion, si le créancier et son débiteur viennent à fusionner,
la remise de dette ,
l’impossibilité d’exécuter, qui résulte essentiellement d’une force majeure et prolongée.
L’obligation prescrite n’est pas éteinte mais la prescription éteint le droit d’action. Pour le créancier,
la différence n’est pas substantielle.
G 441 Le paiement
G 441-1 Le paiement
Le paiement est l’exécution volontaire de l’obligation ; ce terme doit être pris dans le code civil et
dans ce guide, dans son sens juridique : c’est l’accomplissement de l’obligation, même si celle-ci ne s’expriem
pas nécessairement sous forme d’une somme d’argent
Le paiement peut être fait par un tiers, non tenu de l’obligation, sauf refus légitime du créancier (art
1342-1) (Cf. G 424 - délégation de paiement). Il est valable s’il est fait à un créancier apparent et que le débiteur
est de bonne foi (art 1342-3) (théorie de l’apparence – G 122-2 – Représentation). Il se prouve par tout moyen
(art. 1342-8), conformément au régime général de la preuve.
Il est cependant souligné que la remise volontaire par le créancier au débiteur de l'original de son titre
ne constitue qu’une présomption simple de libération (art.1342-9)
Le paiement doit être fait au domicile du débiteur (art 1342-6), à l’exception du paiement d’une
somme d’argent qui doit être fait au domicile du créancier (art. 1343-4). Cependant, il est souligné le caractère
supplétif de cette disposition.
Le débiteur de plusieurs dettes peut choisir l’imputation de ses paiements ; à défaut d’indication, un
paiement s’impute prioritairement sur les dettes échues, en commençant par celles que le débiteur a le plus
intérêt d'acquitter, puis sur les plus anciennes (art. 1342-10). Un paiement partiel d’une somme d’argent
s’impute prioritairement sur les intérêts (art. 1343-1).
G 441-2 Intérêts de retard (ou moratoires)
Il convient de distinguer les intérêts de retard ou moratoires, qui sanctionnent un retard dans le
paiement de la somme d’argent due, et les intérêts proprement dits qui sont la rémunération d'un prêt. Seuls
les intérêts moratoires seront traités ici, les autres intérêts, presque tous liés à des opérations financières, l'étant
dans le Titre J qui traite de ces opérations (cf. J 210).
La mise en demeure fait courir les intérêts au taux légal ; ils sont dus sans que le créancier ait à
démontrer un préjudice (art.1231-6, 1344-1. La mise en demeure doit être très explicite (sommation de payer,
ou « interpellation suffisante », comportant par exemple la formule : « ceci est une mise en demeure » ; mais
le simple rappel de l’obligation de payer n’est pas une mise en demeure). A défaut, l’assignation elle-même
est une mise en demeure.
Le débiteur en retard et de mauvaise foi peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts
compensatoires distincts des intérêts moratoires si le créancier établit qu'il a subi un préjudice distinct de ce
retard (cf. G 250).
Les intérêts moratoires au taux légal, étant dus de plein droit, sont dus même si le créancier ne les a
pas expressément réclamés dans la lettre de mise en demeure, dans son assignation ou par un chef spécial de
ses conclusions (Cass.Com., 25 mai 1982, n° 80-10.108 et Cass. Soc., 28 janvier 2004, n° 01-46.447).
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Si le montant de la somme allouée est simplement constaté par le juge (facture, loyer …), les intérêts
moratoires au taux légal courent à partir de la mise en demeure (ou de l’assignation en l’absence de mise en
demeure), sauf si le jugement en dispose autrement (cf. H 135).
Si le montant de la somme allouées doit être fixé par le juge (dommages-intérêts indemnisant un
préjudice, par exemple, …), les intérêts moratoires au taux légal courent à compter du prononcé du jugement
qui en arrête le montant, à moins que le juge ne fixe une autre date. La part des intérêts moratoires que le juge
fixe pour une période antérieure au jugement constitue une réparation complémentaire faisant partie intégrante
des dommages-intérêts accordés à titre principal (Cass.Civ.1, 16 mars 2006, Cass.Civ.1, 18 janvier 1984, n°
82-15103). Il s’en déduit que, comme pour les dommages et intérêts principaux, il faut une demande pour
obtenir ce report en arrière des intérêts sur une indemnité fixée par le juge.
Le taux de l’intérêt légal est majoré de 5 points à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter
du jour où la décision de justice est devenue exécutoire (art. L. 313-3 du code monétaire et financier).
La complémentarité et l’articulation entre intérêt au taux légal et pénalités de l’article L. 441-6 du code de
commerce est traitée au H 135.
G 441-3 La capitalisation des intérêts, ou anatocisme
L'anatocisme est l’opération qui consiste à capitaliser les intérêts, c'est-à-dire que les intérêts accrus
portent intérêt au même titre et au même taux que le capital initialement dû. Elle peut être prévue par convention
ou être demandée en justice sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil, qui, notamment pour protéger
les débiteurs en période de forts taux d’intérêt, n’admet la capitalisation des intérêts que par année entière.
Le taux d'intérêt applicable (taux conventionnel, taux légal ou taux de l’article L. 441-10 du code de
commerce) et le point de départ des intérêts ayant été fixés par le juge, il convient de fixer la date de la première
capitalisation et des capitalisations ultérieures en respectant le principe de capitalisation par année entière :
si la demande de capitalisation est faite moins d'un an après la date de départ des intérêts, la
première capitalisation a lieu un an après la date de départ des intérêts ;
si la demande de capitalisation est faite plus d'un an après la date de départ des intérêts, la première
capitalisation a lieu à la date de cette demande.
•
•
La capitalisation des intérêts doit être demandée ; mais si elle est demandée, elle doit être accordée.
La date de la demande en justice, si la demande de capitalisation est formulée dans l’assignation, est
la date de l’assignation.
Si la demande de capitalisation est formulée dans des conclusions ultérieures, c’est la date de la
première audience où la demande de capitalisation est soutenue qui constitue le point de départ de la
capitalisation.
Cependant, si les parties ont été autorisées à présenter leurs prétentions et moyens par écrit avec
dispense de comparution (art. 446-1, al. 2. du code de procédure civile) ou si le juge arrête un calendrier en
prévoyant des échanges écrits entre les parties (art 446-2 al du code de procédure civile) la date à prendre en
compte sera celle de la communication entre elles de leurs écritures (CPC, art. 446-4.).
G 441-4 L’octroi de délais de paiement
L’article 1343-5 du code civil confère au juge le pouvoir d’accorder au débiteur des délais, souvent
appelés « délais de grâce », pour s’acquitter de sa dette, qui ne peuvent en aucun cas excéder 24 mois. Les
parties ne peuvent contractuellement limiter ou interdire ce pouvoir du juge.
L’octroi de délais doit être motivé et prendre en compte les possibilités de remboursement (faculté
contributive) du débiteur comme les besoins du créancier. Ils peuvent consister :
•
•
•
en un moratoire dans l’attente d’une rentrée de fonds attendue à une date prévue (par exemple, la
vente d’un immeuble) ;
en un échelonnement de la dette, avec ou sans intérêts (au minimum au taux légal), donnant au débiteur
la possibilité de s’en acquitter par des versements réguliers. Dans ce cas, il est prudent d’en
accompagner l’octroi d’une clause de déchéance du terme pour le cas où le débiteur ne respecterait
pas l’échéancier ;
il est aussi possible de subordonner les délais à la délivrance d’une garantie.
L’octroi de délais suspend l’exigibilité de la dette et, par voie de conséquence, les procédures
d’exécution engagées par le créancier.
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•
•
•
•
En pratique, le juge doit s’abstenir d’accorder des délais dans les cas suivants :
s’il est manifeste que le débiteur ne sera pas en mesure de faire face aux échéances ;
si le débiteur ne justifie pas d’une situation financière ne lui permettant pas de faire face à une
condamnation à paiement immédiat. ;
ou à l’inverse, s’il est évident que tout délai mettre le créancier en grandes difficultés ;
tout délai de paiement est exclu en matière d’effets de commerce (lettre de change, billet à ordre) sauf
cas de force majeure (art. L. 511-81 et L. 512-3)
G 441-5 Le paiement avec subrogation (art. 1346 à 1346-5)
La subrogation est un mécanisme largement utilisé, notamment dans l’affacturage. La "subrogation"
est un mode de transmission des créances par lequel le titulaire d'un droit de créance, appelé le subrogeant,
transmet au bénéficiaire de la subrogation, appelé le subrogataire, la créance que le premier détient sur un tiers
qui est son débiteur, dit le subrogé. Par exemple, la victime d’un accident détient une créance à l’encontre de
l’auteur de l’accident : si l’assureur de la victime l’indemnise, la victime peut subroger son assureur dans ses
droits à l’encontre de l’auteur ; la victime est le subrogeant, l’assureur est le subrogataire et l’auteur de
l’accident le subrogé.
La subrogation peut être :
•
légale : elle intervient de plein droit quand un tiers ( le subrogeant), qui y a un intérêt
légitime, a payé la dette et a libéré le débiteur subrogé ; la notion d’intérêt légitime n’est pas précisée et il
appartient au juge d’apprécier si cette condition est remplie ; d’autre part, la loi énumère un certain nombre de
cas de subrogation légale, telle que la subrogation de l’assureur qui a payé l’indemnité dans les droits de son
assuré contre les tiers qui ont causé le dommage (art. L. 121-12 du code des assurances);
•
conventionnelle, lorsque le créancier déclare expressément qu’il subroge celui dont il a reçu
le paiement dans les droits à l’encontre du débiteur. La subrogation conventionnelle doit être express et doit
être concomitante au paiement, concomitance qui peut être prouvée par tout moyen. L’accord de subrogation
peut être donné par anticipation, comme c’est le cas dans l’affacturage.
Ces deux régimes sont en réalité très proches, et le régime de la subrogation conventionnelle a été
maintenu à la demande des établissements de crédit.
La subrogation transmet au subrogeant, dans la limite de ce qu'il a payé, la créance et ses accessoires,
à l'exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier (art. 1346-4). Cependant, si le
créancier n’a reçu qu’un paiement partiel, il peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû (art. 1346-3), par
préférence à celui dont il n'a reçu qu'un paiement partiel. C’est le cas notamment lorsqu’un assureur a
indemnisé son assuré au-delà d’une franchise : les règlements effectués par l’auteur des dommages reviennent
à l’assuré à hauteur de la franchise et à l’assureur au-delà.
S’il y a eu subrogation de créancier (affacturage par exemple), le débiteur peut opposer au tiers
subrogataire les exceptions inhérentes à la dette (nullité, inexécution, compensation de dettes connexes, etc.)
et celles nées de ses rapports avec le subrogeant avant que la subrogation ne lui soit rendue opposable (tels :
l’octroi d’un terme, une remise de dettes, …).
G 442 La compensation (art 1347 à 1348-2)
La compensation est une opération par laquelle une créance et une dette récoiproques entre deux
personnes s'annulent mutuellement à concurrence de la somme la plus faible, de sorte que, si elles ne sont pas
d'un montant égal, seul le solde en devient exigible. Elle opère toujours à la date où ses conditions sont réunies.
Il en résulte donc un paiement complet de la dette la plus faible, et un paiement partiel de l’autre.
Alors qu’avant la réforme de 1976 elle s’opérait de plein droit, même à l’insu des débiteurs, elle doit
désormais être demandée (art 1347), en conformité avec la jurisprudence (Cass. Com. 3 mai 2011- n°1016758).
La compensation intervient sans autre condition entre dettes fongibles, certaines, liquides et exigibles.
Sont fongibles les sommes d’argent ou les choses de même genre (telles que farines, matériaux non
transformés).
Si le débiteur a pris acte de, la cession de la créance, il ne peut plus opposer au cessionnaire la
compensation qu’il n’avait pas opposée au cédant. Par contre, la caution peut opposer au créancier la
compensation avec ce que lui doit le débiteur principal (art. 1346-6 & 7).
Si l’une des obligations n’est pas liquide et exigible, le juge peut néanmoins ordonner la compensation,
dans le cadre de demandes reconventionnelles, dans les conditions suivantes :
29
•
•
il ne peut refuser la compensation de dettes connexes, au seul motif que l’une d’entre elles ne serait
pas liquide ou exigible ; il ne se prononce que sur la connexité. La connexité s’entend de dettes issues
d’un même rapport de droit (par exemple un paiement de contrat, et une demande de dommages et
intérêts en relation avec l’inexécution de ce contrat) ; elle s’étend à des obligations nées d’une même
chaîne de contrats. Si le juge fait droit à la demande, la compensation est réputée s'être produite au
jour de l'exigibilité de la première d'entre elles.
il peut ordonner la compensation entre dettes non connexes. Il faut que les dettes soient certaines, et
c’est lui qui prononce l’exigibilité de la ou des dettes, qui ne le sont pas encore. La compensation
intervient en principe à la date du jugement.
En application de l’article 70 du code de procédure civile, une demande reconventionnelle de
compensation est généralement recevable, même si elle est sans lien avec la demande principale, dès lors
qu’elle concerne la même partie. Cependant le juge peut la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le
jugement sur le tout.
G 443 Autres modes d’extinction de l’obligation
G 443-1 La confusion (art 1349 à 1349-1)
La confusion intervient lorsque deux créances mutuelles se retrouvent dans la même main, par
exemple à la suite d’une succession, ou d’une fusion de sociétés qui étaient mutuellement créancières l’une
envers l’autre. Elle éteint les créances et leurs accessoires.
G 443-2 La remise de dette (art 1350 à 1350-2 C. civ. )
La remise de dette est un contrat par lequel le créancier libère le débiteur de son obligation.
La remise de dette consentie à un codébiteur solidaire ne libère les autres qu’à concurrence de sa part
(art. 1350-1).
G 443-3 L'impossibilité d'exécuter (art 1351 à 1351-1)
L’impossibilité d’exécuter résulte notamment de la force majeure. Elle peut aussi résulter de la
disparition de la chose due si le débiteur prouve que la perte se serait pareillement produite si l'obligation avait
été exécutée. Elle libère le débiteur, sauf convention contraire
G 450 LA PRESCRIPTION ET LES DELAIS PREFIX
-
-
La prescription peut être :
extinctive : elle permet de libérer un débiteur de son obligation si le créancier qui invoque l’exécution
de cette obligation a laissé passer un délai pour faire valoir son droit ;
acquisitive : elle permet d'acquérir un droit, après l'écoulement d'un certain délai durant lequel on a
exercé de fait ce droit ; applicable pour l’essentiel à la possession ou à la propriété de droits réels, elle
n’est mentionnée ici que pour mémoire, étant peu rencontrée en matière commerciale.
La prescription ne peut pas être relevée d’office par le juge ; elle doit être opposée par celui qui entend
s’en prévaloir (art. 2247).
Les règles de prescription (réformées par la loi du 17 juin 2008) sont codifiée aux articles 2219 à 2278
du code civil. La prescription est désormais de cinq ans en matière d’action personnelle ou mobilière, courant
à compter du jour de la connaissance des faits par celui qui entend exercer son droit. Le précédent délai de
trente ans en matière civile ne perdure que pour les actions en revendication de droits immobiliers.
Ce délai de cinq ans s’applique dorénavant aux obligations des commerçants entre eux et envers les
non commerçants (art L. 110-4 du code de commerce), en remplacement du précédent délai qui était de 10 ans.
Mais les actions des professionnels à l’égard des professionnels, pour les biens et services qu’ils leur
fournissent, se prescrivent par deux ans (art L. 218-2 du code de la consommation).
En matière commerciale, des prescriptions plus courtes trouvent à s’appliquer, qui sont examinées à
propos des matières particulières auxquelles elles se rapportent (par exemples : codes des transports art L. 133-
6, lettres de change, droit des sociétés, droit maritime, code des assurances, communications électroniques,
construction, etc.).
30
Les titres exécutoires, et notamment les jugements, se prescrivent par dix ans (art L 111-4 code des
procédures civiles d’exécution).
Le point de départ du délai de prescription est fixé au jour où le titulaire d’un droit a connu, ou était
en mesure de connaître les faits permettant son exercice et non pas à la survenance d’un évènement.
La prescription extinctive peut être interrompue (effacement de la prescription acquise, et départ d’un
nouveau délai identique au délai initial) ou suspendue (prolongation du délai de prescription égale à la durée
de la suspension). Une action en justice interrompt la prescription ; une médiation ou conciliation la suspend.
L’article 2232 institue un délai butoir fixé à vingt ans pour la prescription extinctive qui court à compter du
fait générateur du droit et qui l’emporte sur toute suspension ou interruption de prescription.
En outre, la loi permet désormais un aménagement conventionnel des délais de prescription permettant
soit de réduire les délais légaux jusqu’à un an soit de les allonger, dans une limite fixée à dix ans. (art. 2254).
La loi consacre également la faculté des parties, et sous les mêmes exceptions, d’aménager les causes de
suspension ou d’interruption de la prescription. Ces aménagements ne sont toutefois pas possibles pour tous
les paiements périodiques de périodicité inférieure ou égal à un an.
Les articles 2238 et 2239 consacrent la médiation, la conciliation et les mesures d’instructions (comme
une expertise avant tout procès cf. D 211-2) ordonnées par le juge comme causes suspensives de la prescription.
Ces deux articles fixent à un minimum de six mois la durée de la prescription restant à courir à l’issue de la
médiation ou de la conciliation ou de la réalisation de la mesure d’instruction, en vue de laisser aux parties un
temps suffisant pour engager les actions qu’elles pourraient décider d’entreprendre.
Il ne faut pas confondre délais de prescription et délais préfix. Les délais préfix sont des délais
accordés pour accomplir un acte, dont l'expiration est sanctionnée par la forclusion ; ils doivent être relevés
d’office, et ne peuvent être ni interrompus ni suspendus (voir A 324).
G 460 LES RESTITUTIONS (art 1352 à 1352-9)
Lorsqu’une obligation a connu un début d’exécution, alors qu’elle s’avère nulle, caduque, interrompue
par la force majeure ou la résolution, les parties se doivent des indemnités réciproques pour les sommes qu’elles
se sont échangées et les services qu’elles se sont éventuellement rendus. Ces indemnités sont appelées
restitutions.
Si elle est possible, la restitution en nature est privilégiée (voir G 196 Exécution forcée en nature).
Cependant, le juge fera droit à une restitution en valeur si c’est ce qui lui est demandé, et non une restitution
en nature. Si la chose a été revendue, celui qui l’avait reçue de bonne foi en doit le prix mais, s’il est, de
mauvaise foi, il doit la plus élevée des sommes entre le prix et la valeur de la chose au jour de restitution.
En principe, celui qui a gardé la chose à restituer est tenu de réparer, en nature ou en valeur, les
dégradations et détériorations. Une exception est ouverte exclusivement au gardien de bonne foi qui est en
mesure de démontrer que les dégradations ne sont pas de son fait, étant rappelé qu’il se doit de garder la chose
comme le ferait « une personne raisonnable ».
La restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurés (art 1352-3), y
compris, s’il s’agit d’une somme d’argent, les intérêt au taux legal ; mais les frais de conservation de la chose
peuvent être déduits (pour un crédit-bail ou une location, on estime généralement la valeur de la jouissance au
montant des loyers). Les fruits et la valeur de la jouissance sont estimés à la date de la restitution en cas de
mauvaise foi, et à la date de la demande de restitution en cas de bonne foi.
On rappelle qu’en présence d’un vice caché la solution est différente (art 1641 et ss.) : l’acheteur a le
choix entre rendre la chose et se faire restituer le prix (« l’action rédhibitoire » ) ou garder la chose et se faire
rendre une partie du prix (art. 1644) ; ce choix appartient à l’acheteur seul et le juge n’a aucun pouvoir en la
matière. Le vendeur n’est pas fondé à obtenir une indemnisation pour utilisation ou usure de la chose rendue
(par exemple : Cass. Com., 22 mai 2012, n° 11-13086). Cette disposition, « spéciale » en présence d’un vice
caché n’est pas modifiée par la disposition générale de l’article 1352-3 du code civil.
31
CHAPITRE 5
G 500 LA PREUVE DES OBLIGATIONS
Les articles 1353 à 1386-1 du code civil régissent le droit substantiel de la preuve (les principes). Le
droit processuel de la preuve (comment l’administrer dans un procès) est développé aux articles 132 à 322 du
code de procédure civile, et présenté au chapitre D - Tome 1 de ce Guide.
Le principe fondamental du droit de la preuve (repris à l’article 9 du code de procédure civile) figure
à l’article 1353 du code civil : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son
obligation ».
La preuve, en toute matière, et pas seulement en matière commerciale, peut être apportée par tout
moyen, hors les cas où la loi en dispose autrement (art.1358).
Le nouvel article 1359 du code civil prévoit qu’un écrit est obligatoire pour prouver tout acte juridique
portant sur une somme d’argent si la somme est supérieure à 1 500 € (décret du 29 septembre 2016).
Cependant en matière commerciale, conformément à l’article 1105 al.3 du code civil, « les règles générales
s’appliquent sous réserve des règles particulières », il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article L. 110-
3 du code de commerce : « à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous
moyens ». En revanche, la preuve à l’égard des non commerçants est régie par l’article 1359.
La formation, et pas seulement la preuve de certains contrats commerciaux exige un écrit (cession de
contrat, de créance ou de dette, gage civil ou commercial, statut de société, cautionnement, etc.).
Il peut notamment être suppléé à l’écrit (outre l’aveu ou le serment judiciaire) par un commencement
de preuve par écrit (c’est-à-dire un écrit rendant vraisemblable ce qui est allégué) corroboré par un autre moyen
de preuve (un témoignage, un début d’exécution, etc.) (art. 1361 et 1362).
L’acte sous seing privé doit être fait en autant d’exemplaires originaux qu’il y a de parties art. 1375) ;
il n’acquiert date certain à l’égard des tiers que du jour où il a été enregistré ou sa substance constatée par acte
authentique (art. 1377).
Les contrats peuvent comporter des dispositions précisant les modalités de preuve (« contrats sur la
preuve »). De telles dispositions existent par exemple dans les contrats de fourniture d’eau, gaz ou électricité,
ou de services de télécommunications qui prévoient que les enregistrements de consommation par le
fournisseur font preuve ; les contrats de services bancaires comportent aussi fréquemment des dispositions
concernant les modalités de preuve (fixation de l’intérêt d’un compte courant, etc.). Ces dispositions sont
licites, sauf si elles stipulent une présomption irréfragable : l’autre partie doit toujours pouvoir apporter la
preuve contraire.
L'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, si son « émetteur » est
identifié et s’il a été conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité (art. 1366) (sur la signature
électronique – art. 1367 – cf. D 134). En matière commerciale, la preuve par écrit électronique est assez
facilement admise ; à défaut de preuve, c’est très souvent un début de preuve, mais il faut rester prudent un
écrit électronique étant facile à falsifier.
L’acte d’avocat – lorsqu’un acte authentique n’est pas exigé –c’est-à-dire l’acte contresigné par les
avocats de chacune des parties ou par l'avocat de toutes les parties – fait foi entre les parties, et leurs successeurs
(art. 1374) . Il ne peut être contredit que par la procédure de faux prévue par le code de procédure civile. Il est
dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi.
De manière générale, les registres obligatoires régulièrement tenus font preuve contre leur auteur (art.
1378). La comptabilité régulièrement tenue peut être admise pour faire preuve entre commerçants et pour des
faits de commerce ; par contre, si elle a été irrégulièrement tenue, sa comptabilité ne peut être invoquée par
son auteur à son profit (article L. 123-23 du code de commerce). C’est à l’autre partie de prouver que la
comptabilité a été irrégulièrement tenue, sachant qu’elle peut apporter un commencement de preuve en
opposant sa propre comptabilité (régulière=et tenue).
La valeur probante des déclarations faites par un tiers dans les conditions du code de procédure civile
est laissée à l'appréciation du juge. Une attestation ou un témoignage qui ne répond pas à toutes les exigences
de l’article 202 du code de procédure civile – par exemple si l’attestation émane d’un subordonné ou d’un
32
parent, ou si elle n’est pas intégralement manuscrite et accompagnée d’une pièce d’identité – n’est pas nulle,
et peut constituer un début de preuve (Cf. D 510).
33
G 600 Annexe 1
Dispositions du code civil d’ordre public ou sanctionnables par la nullité
(liste non exhaustive)
Disposition qualifiée « d’ordre public »
Art. 1104.-Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Dispositions pour lesquelles « toute clause contraire est réputée non écrite »
1.
2.
3.
4.
5.
6.
« Art. 1112-1 : Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure le devoir d’information (la
formulation est équivalente à « non écrit »)
« Art. 1170 : Clause privant de sa substance l'obligation essentielle du débiteur (inspiré de la
jurisprudence « Chronopost »)
« Art. 1171 : Clause créant un déséquilibre significatif dans un contrat d’adhésion
« Art. 1231-5 (2ème et 3ème alinéas) : Pouvoir du juge de modérer, même d’office, la clause pénale
« Art. 1245-14 : Limitation ou exonération de la responsabilité du fait des produits défectueux
« Art. 1343-5 : Pouvoir du juge d’octroyer des délais de paiement
Motifs de nullité relative (ne peut être demandée que par la partie que la loi entend
protéger)
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
« Art. 1123 : Violation consciente d’un pacte de préférence
« Art. 1131 : Vices du consentement dont :
•
•
•
« Art. 1132 : Erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, portant sur les
qualités essentielles de la prestation
« Art. 1139 : Erreur résultant d'un dol
« Art. 1142 et 1143 : Violence exercée par une partie ou par un tiers. L’abus de l’état de
dépendance pour obtenir un engagement, ou un avantage manifestement excessif, est une
violence
« Art. 1147 : Incapacité de contracter : concerne notamment les actes accomplis par une
personne morale s’ils ne sont pas utiles à la réalisation de son objet tel que défini par ses statuts
« Art. 1149 à 1151 : Incapacité d’un contractant mineur
« Art. 1156 et 1157 : Acte accompli par un représentant dépourvu de pouvoir
« Art. 1216 : Cession de contrat non constatée par écrit
« Art. 1304-2 : Obligation contractée sous une condition potestative
« Art. 1322 : Cession de créance non constatée par écrit
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