Page 1
La Lettre CRES
Périodique du Centre de Recherches et d’Etudes Sociales, Tunisie.
7 / Décembre 2015
Sécurité Sociale
Pauvreté et inclusion sociale
Redistribution des richesses
du
Les socles nationaux de protection sociale :
émergence du concept,
meilleures pratiques internationales
et pertinence pour la Tunisie
Introduction
En Tunisie, le système de protection sociale fait aujourd’hui
l’objet d’une grande réflexion afin de le réformer et en redéployer
les moyens et les dispositifs actuellement en place.
L’état des lieux
1, dressé depuis la révolution de 2011, a mis à
jour un certain nombre de lacunes quant à l’efficacité du
système de protection sociale en vigueur, dans ses composantes
contributive et non contributive, pour protéger les populations
les plus vulnérables, combattre l’extrême pauvreté, faire reculer
l'économie informelle, assurer la pérennité du financement des
caisses de sécurité sociale et proposer un système garantissant
l’équité.
Le contrat social signé entre les partenaires sociaux et le
gouvernement tunisien le 14 janvier 2013 a balisé cette volonté
qui a été relayée par la nouvelle constitution de 2014.
En effet, les principes de justice sociale (art 12), le droit à la santé
(art 38) le droit à l’éducation (art 39), le droit au travail (art 40),
les droits des enfants, des femmes et des personnes handicapées
(art 46,47et 48) sont désormais constitutionnalisés.
L’instauration d’un socle national de protection sociale s’impose
ainsi au gouvernement tunisien comme la solution idoine pour
désamorcer et dépasser la crise sociale latente et une opportunité
pour asseoir les préalables d’une relance économique et une
croissance équitable.
Dans ce cadre, cette lettre présente la genèse du concept de
socles nationaux de protection sociale, son contenu et quelques
expériences internationales abouties dont certaines données sont
comparées au processus naissant en Tunisie.
I- Le Socle de Protection Sociale :
un nouveau référentiel des politiques
sociales dans le monde
1. Le Socle de Protection Sociale: Historique
et genèse d’un nouveau paradigme
trouve son origine, d’une part, dans
Ce concept
la
consécration de la sécurité sociale en tant que droit humain
(Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, art 22 et 25),
et dans la reconnaissance internationale du rôle contracyclique
des dépenses de la sécurité sociale notamment lors des phases de
récession économique.
D’autre part, le rapport de l’OIT (2002) intitulé « Les origines
politiques des crises économiques et de la pauvreté
», relatif à
l’évaluation des politiques d’ajustement structurel dans le monde,
constitue réellement le point de départ de l’idée d’instaurer
un socle socio-économique pour pallier notamment les effets
pervers de la mondialisation et ses répercussions négatives.
Suite à la crise financière et économique internationale de
2008, le Conseil des Chefs de Secrétariat des Organismes des
Nations Unies pour la Coordination et les chefs d’Etat et de
gouvernement ont adopté en 2009 l’initiative mondiale du socle
de protection sociale prévoyant la mise en place d’un socle de
protection sociale à l'échelle nationale.
2. Définition du Socle de Protection Sociale
Le Socle de Protection Sociale (SPS) a été proposé, initialement,
par l’Organisation Internationale du Travail (OIT), comme un
ensemble de politiques sociales globales et cohérentes conçues
en faveur de l'ensemble de la population, et particulièrement, les
plus vulnérables :
Une sécurité du revenu assurée par les transferts sociaux
en nature ou en espèce en faveur des pauvres et vulnérables
pour assurer une sécurité de revenu minimum et les rendre
autonomes tout au long de la vie ;
Un accès aux services essentiels tel que l’eau, l’assainissement,
la santé et l’éducation...
La Conférence générale de l'Organisation Internationale du
Travail (Genève, juin 2012) a permis d’affiner davantage la
définition du socle de protection sociale en considérant qu’il
s’agit d’un ensemble de garanties élémentaires de sécurité sociale
définies au niveau national visant « à assurer au minimum à toute
personne dans le besoin, tout au long de la vie, l’accès à des
soins de santé essentiels et une sécurité élémentaire de revenu
qui, ensemble, garantissent un accès effectif aux biens et services
définis comme nécessaires à l’échelle nationale ».
1-Rapport du BIT : Tunisie un nouveau contrat social pour une croissance juste et équitable
Rapport de la mission d’évaluation du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de
l’Homme en Tunisie
Lettre du CRES, © Centre de Recherches et d'Etudes Sociales, Tunisie.
Directeur responsable : Hafedh Bouktif, Directeur Général du CRES
Numéro réalisé par : Mohamed Belhaj Hammada, Haythem Ben Sassi et Amen Allah Derouiche, chercheurs au CRES
Mehdi Ben Braham et Abderrahmane El Lahga, chercheurs associés au CRES


Page 2
Cette stratégie bidimensionnelle comporte un escalier à trois
paliers :
Le premier palier : vise à assurer un revenu minimum à toutes
les catégories sociales et une couverture sanitaire minimale qui
va être financée par la collectivité et non plus via la cotisation.
Le deuxième palier est celui des contributions sociales des
assurés sociaux du secteur public et du secteur privé qui cotisent
aux régimes gérés par les caisses de sécurité sociale.
Le troisième palier est complémentaire; il est ouvert à ceux
qui veulent garantir l’intégralité de leurs salaires et bénéficier de
toutes les prestations sociales par la souscription d’une assurance
complémentaire et volontaire réglementée par l’Etat.
II- Les meilleures pratiques
internationales dans l’élaboration
des Socles de Protection Sociale
Les pays d’Amérique latine ont mis en place des socles de
protection sociale faisant écho aux revendications sociales pour
plus d’égalité, de justice et d’équité, qui prennent en compte
les droits de l’Homme et qui insistent sur le développement
humain (principalement au niveau de l'éducation, de la santé et
des revenus).
Certains de ces pays tels que le Brésil et le Mexique ont élaboré
des systèmes innovants qui ont permis une extension horizontale
de la sécurité sociale couvrant la majorité de leurs populations
avec des garanties variées.
Nous présentons dans ce qui suit quelques données relatives à
ces deux pays qui servent de référence en Amérique Latine tout
en intégrant les données sur le Maroc, pays souvent comparé à
la Tunisie.
Graphique n°1 : Dépenses publiques de protection sociale en % du PIB en 2011
3. La nécessité d’un Socle de Protection Sociale
La nécessité de combattre la pauvreté, l’insécurité, l’inégalité
et de maintenir la paix sociale exige de chaque Etat d’œuvrer à
apporter des garanties minimales de protection à sa population.
Investir dans un socle de protection sociale, équivaut à un
investissement dans la justice sociale, la réalisation des droits
humains et le développement économique équitable.
En effet, réduire les inégalités, promouvoir l’inclusion sociale
et la dignité, faciliter l’accès à la santé et à l’éducation, sont des
aspects qui relèvent des droits de l’homme et permettent de
lutter efficacement contre la pauvreté et de briser sa transmission
intergénérationnelle en renforçant l’autonomie et les moyens de
subsistance de ces populations.
En s’engageant dans la mise en place d’un socle de protection
sociale, un pays peut libérer son potentiel économique et productif
et favoriser la croissance de la productivité et l’employabilité de
sa population.
Le socle de protection sociale peut jouer également le rôle
de stabilisateur automatique lors des crises économiques
en contribuant à assurer une demande intérieure minimale
permettant d’atténuer l’impact des récessions, renforcer la
résilience des familles et favoriser une reprise plus rapide.
Ainsi, le socle de protection sociale doit être appréhendé comme
un investissement et non comme un coût subi par les pouvoirs
publics.
4. Les stratégies d’extension
de la sécurité sociale
L’approche du socle de protection sociale selon l’OIT est
bidimensionnelle (figure 1). Elle comprend l’extension de
certaines garanties (dimension horizontale) telle que la sécurité de
revenus et l’accès aux soins de santé à l’ensemble de la population
même à un niveau de base modeste (recommandation n°202 du
BIT).
Ainsi, elle peut être définie comme l’ensemble minimum de
transferts, de droits et d’éligibilité qui donnent accès aux soins de
santé essentiels et assurent un revenu suffisant à tous les citoyens.
Par ailleurs, la dimension verticale cherche à fournir des niveaux
plus élevés de sécurité de revenu et l’accès à des soins de santé de
qualité qui protègent le niveau de vie notamment des catégories
sociales même lorsqu’elles sont confrontées à des risques graves
tels que le chômage, la maladie, la perte de soutien familial et la
vieillesse.
Cette dimension vise à améliorer le niveau de la protection
sociale pour le plus grand nombre de personnes conformément
à la convention 102 de 1952 (norme minimum du BIT).
Figure 1 : L’escalier de la sécurité sociale
1
1
0
2
T
I
O
:
e
c
r
u
o
S
3
1
0
2
e
s
a
B
a
t
a
D
O
L
I
:
e
c
r
u
o
S
L’évolution des dépenses publiques de protection sociale
dans ces pays traduit leurs engagements confirmés dans cet
investissement social.
En 2011, les dépenses du Brésil ont atteint 21.29% du PIB dont
7.76% consacrées aux personnes âgées.
N°7/Décembre 2015










Page 3
Pour le système de couverture santé marocain, le régime
gratuit d’assistance médicale aux personnes économiquement
démunies «RAMED» ne couvre que la population bénéficiaire
de l'assistance sociale publique non assujettie à aucun régime
d'assurance maladie obligatoire du régime contributif; leur
revenu annuel doit être inférieur à 578 $ (figure4).
En 2013, ce régime a couvert 74.6%3 de la population cible soit
6 millions de bénéficiaires.
Figure 4 : Système de couverture santé marocain (secteur public)
s
r
u
e
t
u
a
s
e
l
r
a
p
e
é
r
o
b
a
l
é
e
r
u
g
i
F
:
e
c
r
u
o
S
Concernant le système de couverture santé tunisien, il n’a pas
encore réussi le défi de l’universalité (figure 5).
La couverture des deux programmes d’assistance sociale
(AMGI
4 et AMGII5 ) est estimée respectivement à 7.3%
et 23.7% de la population
6 et les 64% restants sont couverts par
la sécurité sociale d’où un taux de couverture global de 94%.
Quant aux dépenses publiques de santé engagées en 2013, elles
ne représentaient que 4.4%7 du PIB.
Ce système souffre aussi d’un problème d’adéquation
économique, où les dépenses de santé sont considérées comme
une source d’appauvrissement de la population (37.5% du
financement du système de santé est supporté directement par
les ménages en 2013).
Le problème est aussi un problème d’accessibilité physique liée à
la mauvaise répartition géographique des unités sanitaires et des
médecins spécialistes qui sont beaucoup plus nombreux dans le
milieu urbain et manquent drastiquement en milieu rural.
Parallèlement, la qualité des soins est moindre en milieu rural
obligeant les patients à se déplacer vers les grandes villes pour
bénéficier de services de soin de meilleure qualité engendrant
des coûts monétaires et non monétaires conséquents, d’où une
accessibilité économique de plus en plus difficile.
Ces questions d’adéquation, d’accessibilité et de qualité
constituent en partie les critères de l’approche d'analyse basée
sur les droits de l’Homme en matière de protection sociale
8.
Figure 5 : Système de couverture santé tunisien (secteur public)
Le Mexique, a réussi à mettre en place un socle de protection
sociale quasi complet et cela malgré un niveau de dépenses
publiques de protection sociale de 7.7% du PIB (voir Graphique
n°1).
En Tunisie, les dépenses publiques de protection sociale pour
les personnes en âge de travailler (âgées de 15 à 65 ans) sont de
l’ordre de 3.36% du PIB, soit deux fois plus que le Maroc, ce qui
atteste d’un effort financier relativement important en Tunisie
pour cette catégorie de la population.
Les dépenses engagées de protection sociale pour les enfants
ne représentent cependant que 0.15% du PIB en Tunisie,
soit 4 fois moins que le Brésil et 7 fois moins que le Mexique
(respectivement 0.6% et 1.08% du PIB) et 3 fois plus que le
Maroc (0.06% du PIB).
1. Structure de la couverture de santé
En matière de santé, le système unifié de santé brésilien (SUS)
est universel (il couvre potentiellement 100%2 de la population
contributive et non contributive) : il la prend en charge de manière
uniforme par des prestations de soins bien définies (figure 2).
En 2011 ces dépenses ont représenté 5.79% du PIB.
Figure 2 : Système de couverture santé brésilien (secteur public)
s
r
u
e
t
u
a
s
e
l
r
a
p
e
é
r
o
b
a
l
é
e
r
u
g
i
F
:
e
c
r
u
o
S
L’approche du Mexique est différente, même si, l’objectif
recherché est également d’assurer la couverture des personnes
défavorisées.
Comme le montre la figure 3, le programme Seguro Popular est
ouvert seulement aux personnes non couvertes par la sécurité
sociale contributive ou par une assurance privée.
En 2012, le nombre de bénéficiaires de ce programme s’élevait à
52.7 millions de personnes.
Figure 3 : Système de couverture santé mexicain (secteur public)
s
r
u
e
t
u
a
s
e
l
r
a
p
e
é
r
o
b
a
l
é
e
r
u
g
i
F
:
e
c
r
u
o
S
2-Coordination institutionnelle et socles de protection sociale, Document ESS n°40, BIT 2014
3-Rapport global annuel 2013 et plan d’action 2014-2016 relatif au régime d’assistance médicale, Agence Nationale de l’Assurance Maladie du Maroc.
4-AMGI : Assistance Médicale Gratuite type1 ce qui donne le droit aux familles nécessiteuses à des cartes de soins gratuites.
5-AMGII : Assistance Médicale Gratuite type2 ce qui donne le droit aux familles à revenu faible à des cartes de soins à tarif réduit.
6-Enquête d’Evaluation des programmes d’assistance sociale, rapport préliminaire CRES 2015
7-Quels chemins vers la couverture sanitaire universelle ?, Ministère de la Santé 2014
8-
Ben Braham M. (2014), « Approche droit de l’Homme de la protection sociale » rapport du Haut-commissariat des droits de l’Homme, Bureau Tunisie.
s
r
u
e
t
u
a
s
e
l
r
a
p
e
é
r
o
b
a
l
é
e
r
u
g
i
F
:
e
c
r
u
o
S
N°7/Décembre 2015

























Page 4
2. Les programmes des transferts monétaires
Les transferts monétaires constituent un mécanisme de
redistribution et de garantie de revenu essentiellement pour les
familles pauvres.
Tableau n°1 : Les principaux programmes des transferts sociaux
Pays
Programme
Couverture
Coût
total
Programme National
d’Aide aux Familles
Nécéssiteuses

(PNAFN)
- 7,3% de la population
- 3,5% des enfants de
5 à 19ans
0,47%
du PIB
Bolsa Familia
26% de
la population
Benefício de Prestação
Continuada (BPC)
2% de la
population
0,5% du
PIB
0,7%
du PIB
Montant de l’allocation
75$/famille +
6.22$/enfant et par mois à
la limite de 3 enfants par
ménage
31.8$ famille+
allocation de 11 à 18 $/enfant
et par mois à la limite de 5
enfants par ménage
salaire minimum
Opportunidades /
progressa
24,6% de la
population
0,51% du
PIB
allocation par enfant de 13
à 74 $ par ménage chaque
2 mois
Tayssir
ciblage géographique
(434 communes )
812 milles enfants
79,5
millons
de dollars
Allocation de 6 à 10 $/enfant
selon le niveau d
étude pendant
10 mois à la limite de 3
enfants par ménage
e
i
s
i
n
u
T
l
i
s
é
r
B
e
u
q
i
x
e
M
c
o
r
a
M
Le Brésil et le Mexique ont été parmi les premiers pays à
développer des dispositifs de transfert monétaire conditionnel
comme moyen pour combattre la pauvreté et développer le
potentiel humain.
Le programme «Bolsa Família» constitue l’un des programmes
les plus connus à l’échelle internationale, il conditionne le transfert
par une fréquentation scolaire obligatoire, un suivi périodique
de l’assiduité des élèves, ainsi que des visites médicales régulières
pour les enfants et les femmes enceintes. En 2014, ce programme
couvrait 14.1 millions de familles
9 soit 29% de la population et ses
prestations s’élevaient à 0.5% du PIB.
En plus de Bolsa Família, il existe au Brésil une prestation
d’assistance monétaire «Benefício de Prestação Continuada»
(BPC) pour les personnes âgées de plus de 65 ans ayant un revenu
inférieur au quart du salaire minimum et pour les personnes
handicapées. Le coût de ces transferts est de 0.7% du PIB
et couvrait environ 4 millions de personnes en 2014
10.
Au Mexique, et sous la stratégie «Vivir Mejo» (vivre mieux),
le dispositif de transfert monétaire conditionné, nommé
«Oportunidades», vise à inciter les familles à s’investir le plus
longtemps possible dans la scolarisation de leurs enfants.
En 2008, ce programme a été renforcé par une nouvelle
composante dans le but d’apporter une aide financière aux
personnes âgées de 70 ans et plus. Il couvre 24.6% de la
population et génère un coût de 0.51% du PIB (2012). Cette aide
a été étendue depuis 2013 aux personnes âgées de 65 ans et plus.
A partir de septembre 2014, opportunidades s'est transformé
en «Prospéra» (Programme d’Inclusion Sociale), il renforce la
mise en œuvre effective des droits sociaux afin de contribuer à
briser le cycle intergénérationnel de la pauvreté. Ce programme
couvre 23.2 millions de personnes et présente un coût de 0.42%
du PIB
11.
De son côté le programme de transfert monétaire marocain
«Tayssir» a été mis en œuvre en deux phases et ne couvre qu’une
faible partie de la population.
9-http://www.mds.gov.br
10-http://www12.senado.gov.br/publicacoes/estudos-legislativos/tipos-de-estudos/boletins-
legislativos/bol16
11-Diagnóstico de PROSPERA Programa de Inclusión Social/ SEDESOL JUILLET 2015
12-Cette population est composée des personnes dont le revenu est inférieur au seuil de la pauvreté, des
handicapés et des invalides
13-L’intensité de la pauvreté est définie comme l’écart entre le revenu moyen des pauvres et le seuil de
pauvreté
14-La protection sociale en Amérique latine, Catherine Collombet, N°2013-03 juillet, Commissariat
général à la stratégie et à la prospective
15-Enquête d’Evaluation des programmes d’assistance sociale, rapport préliminaire. CRES 2015
La première phase a couvert la période (2008-2010) et a concerné
un échantillon d’écoles primaires rurales de 274 écoles mères et
satellites), ces écoles sont réparties sur 132 communes dans cinq
régions.
Ce programme a touché 300.000 élèves inscrits au primaire issus
de 160.000 ménages. Dans la deuxième phase, 434 communes
ont été ciblées et 812.000 élèves ont bénéficié de ce programme
soit 494.000 ménages avec un budget de 79.5 millions de dollars.
En Tunisie le Programme National d’Aide aux Familles
Nécessiteuses, «PNAFN», couvre 7.3% de la population
totale (4.38% des personnes âgées et 2.92% en âge d’activité12).
L’allocation octroyée représente 45% du SMIG en 2015.
A cette allocation s’ajoute un montant de 10 dinars par mois et
par enfant en âge de scolarité (dans la limite de trois enfants).
En 2014, 85 mille enfants ont bénéficié de cette allocation
représentant 3.5% des enfants tunisiens. Malgré l’importance
de ce programme et le large effort public qui lui est dédié, il
continue d’accuser un déficit essentiellement en matière de
ciblage. Les résultats de «l’enquête d’évaluation de la performance
des programmes d’assistance sociale en Tunisie» (PNAFN et
AMGII) réalisée par le Centre de Recherches et d’Etudes Sociales
(CRES) en 2015 ont montré que les erreurs de ciblage, notament
les erreurs d'inclusion, au niveau des deux programmes PNAFN
et AMGII sont relativement importants.
Conclusion
Les pays d'Amérique latine ont été les pionniers dans la mise
en place d’un SPS avec des dispositifs plus ou moins ciblés, qui
jouent un rôle important dans la réduction de la pauvreté et des
inégalités. En matière de pauvreté, la Bolsa Familia au Brésil a
engendré une réduction de l’intensité de la pauvreté
13 de 10%
et l’Oportunidades au Mexique de 19%
14. Les budgets alloués à
ces programmes sont assez modestes et ont un coût assez réduit
au niveau du PIB mais l’impact réel sur l’extrême pauvreté est
important.
En Tunisie, malgré l’existence de programmes d’assistance
sociale depuis l’année 1986, une partie de la population concernée
ne bénéficie pas encore d’une couverture sanitaire adéquate et
complète. L'impact du programme sur la réduction de la pauvreté
est minime (2.4%
15). Ceci exigerait notamment d’améliorer aussi
bien le ciblage que la gouvernance des programmes. La mise en
place d’un socle national de protection sociale pourrait constituer
une solution durable appropriée aux insuffisances du système
d’assistance sociale, et ce à côté d’autres bénéfices tels que la
couverture sanitaire universelle, le logement décent et la garantie
de revenu pour les enfants, les personnes âgées et les personnes
à besoins spécifiques. Une refonte globale de ce système est
nécessaire en vue de respecter les droits économiques et sociaux.
Cette refonte doit s’intégrer dans une logique de complémentarité,
de coordination et d’harmonisation des différents mécanismes
existants et s’accompagner de politiques de redistribution des
richesses plus justes et équitables afin de s’inscrire dans un
modèle de développement inclusif.
Bibliographie

Ben Braham M. (2014), « Approche droit de l’Homme de la protection sociale » rapport du Haut-commissariat des
droits de l’Homme, Bureau Tunisie

Coordination institutionnelle et socles de protection sociale, Document ESS n° 40 BIT 2014

Enquête d’Evaluation des programmes d’assistance sociale, rapport préliminaire CRES 2015

La protection sociale en Amérique latine, Catherine Collombet, N°2013-03 juillet, Commissariat général à la
stratégie et à la prospective

Quels chemins vers la couverture sanitaire universelle ?, Ministère de la Santé. 2014

Rapport de la mission d’évaluation du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme en Tunisie,
2011

Rapport sur la protection sociale dans le monde 2014/15 :Vers la reprise économique, le développement inclusif
et la justice sociale, BIT 2014

Socle de protection sociale : pour une mondialisation juste et inclusive, Rapport du groupe consultatif mis en place
par le BIT avec la collaboration de l’OMS, OIT 2011

Tunisie un nouveau contrat social pour une croissance juste et équitable, BIT (Institut International d’Etudes
Sociales) 2011
République Tunisienne
Minsitère des Affaires Sociales
Centre de Recherches et d’Etudes Sociales
5-7 Rue Khartoum 1002 Tunis, la Tunisie.
(+216) 71 845 355 (+216) 71 842 322
Lettre n°7 / Décembre 2015
Publication téléchargeable sur le site du centre : www.cres.tn
Page: 1, 2, 3, 4