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Résumé
les termes et
principalement
Le juge de l’exécution est en charge d’un
les
contentieux dont
à
visent
normes
résoudre des difficultés afférentes -
voire inhérentes - aux titres exécutoires
et aux saisies conservatoires ou aux
voies d’exécution civile forcée.
Cela postule une exécution des décisions
de justice avec célérité et rigueur pour
rétablir dans ses droits tout créancier
lésé et disposant d’un titre exécutoire.
De plus,
il s’agit de contribuer au
nécessaire équilibre à établir entre les
intérêts (notamment patrimoniaux) du
créancier, du débiteur ou des tiers.
L’étude du statut du juge du contentieux
de
la
l’exécution révèle, cependant,
difficulté à en définir la nature. Elle
révèle également une pluralité et une
diversité d’institutions auxquelles ce
juge peut être identifié au niveau des
Etats membres de l’OHADA avec autant
de
nationaux
applicables ; ce qui peut être source
d’insécurité, à savoir :
forum shopping,
la zone
law shopping… au sein de
OHADA
.
juridiques
régimes
______________________
Le juge du contentieux
de l’exécution en droit
de l’OHADA
Guy-Auguste Likillimba
Table des matières
Introduction
1.
1.1
1.1.1
1.1.2
1.1.3
1.2
1.2.1
De l’identification du juge du contentieux de
l’exécution en droit OHADA
Le juge du contentieux de l’exécution en tant que
juridiction
Bref rappel de la définition de la notion de
juridiction
Le juge du contentieux de l’exécution, juridiction
d’exception ou de droit commun?
Le juge du contentieux de l’exécution, juridiction
collégiale ou à juge unique?
Le juge du contentieux de l’exécution, juridiction
présidentielle
De l’essai de définition de la juridiction
présidentielle
La juridiction présidentielle, juge des référés civils
1.2.2
1.2.2.1 Bref rappel du référé civil
1.2.2.2 L’urgence judiciaire
1.2.3
La juridiction présidentielle, juge des procédures
autres que le référé civil
1.2.3.1 Les procédures « en la forme des référés » ou
« comme en matière de référés »
1.2.3.2 La pratique de la « passerelle »
2.
2.1
2.2
2.2.1
2.2.2
Des attributions du juge du contentieux de
l’exécution
La compétence en matière de contentieux des titres
exécutoires
La compétence en matière de voies d’exécution et
de leurs avatars
La compétence en matière de voies d’exécution
Des avatars des compétences du juge du
contentieux de l’exécution
Conclusion
Maître de conférences HDR en droit à l’Université Rennes 1 ; membre du Centre de droit des affaires ;
membre associé du Centre de droit économique Université d’Aix-Marseille; avocat au Barreau de Paris.
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Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA
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pas,
semble-t-il,
Introduction
Dans sa chronique, publiée en 1455 et
restée célèbre, Mgr Thomas Bazin,
évêque de Lisieux et conseiller du roi
Charles VII, avait écrit : « Dans un
tribunal soumis à une
juridiction
supérieure et dont les erreurs peuvent
être réformées par voie d’appel, il n’y
aurait
grand
inconvénient à charger un individu seul
d’écouter et de juger les causes, pourvu
qu’on choisît des juges qui eussent du
droit écrit ou coutumier (…) la science
convenable et se recommandassent par
une bonne réputation ou une vie
méritoire
1 ».
Il en résulte que c’est depuis fort
longtemps que
l’on s’interroge – y
compris dans des systèmes juridiques à
« cultures
et
judiciaires
juridictionnelles éculées - sur le principe
juge unique ou, par
même du
extrapolation, sur le juge unique mué en
juridiction
entière ;
communément appelée « juridiction
présidentielle » ou « (…) juridiction du
président
3 ». Tel est le cas de l’actuel
juge du contentieux de l’exécution ou
juge de l’exécution (JEX), pouvant être
lui-même juge unique
4 , qui semble
part
»
à
2
la
1 Cité par Marcel ROUSSELET, dans Histoire de la
magistrature française des origines à nos jours
, t.
1, Paris, éd. Plon, 1957, p. 204 ; v. également
Nader HAKIM, « La collégialité : Histoire d’un
mode d’organisation de
justice », dans
Principe de collégialité et cultures judiciaires,
actes du colloque tenu à Bordeaux 20 et 21
septembre 2007 – Université Montesquieu-
Bordeaux IV, Bruylant, 2011, p. 19.
2 Rapport. Fabrice HOURQUEBIE (dir.), Principe de
judiciaires
, Bruxelles,
collégialité et cultures
Bruylant, 2011.
3 Xavier VUITTON, La juridiction du président,
Paris, LexisNexis, Litec, 2010, préface de Hervé
C
ROZE.
4
Nous disons « pouvant être (…) juge unique »,
car, en droit processuel français, par exemple,
l’article 11 de la loi n
o 2010-1609, du 22
longue
compréhension
ainsi 5 s’inscrire dans une
tradition en la matière.
Aussi, pour tâcher d’approcher une
meilleure
de
l’institution du juge du contentieux de
l’exécution en droit de l’organisation
pour
l’harmonisation en Afrique du
droit des affaires (OHADA), n’est-il pas
inintéressant d’en situer le principe
dans un contexte à la fois historique et
de droit comparé. Pendant longtemps,
en réalité depuis le 19
e siècle jusqu’aux
années 1970, le législateur français
6 de
l’exécution
forcée des décisions de
justice et des mesures conservatoires –
du moins en matière civile – semblait si
peu préoccupé par l’instauration d’un
JEX
civiles
d’exécution (anciennement dénommées
« voies d’exécution ») étaient réputées
assez déséquilibrées au détriment du
débiteur et, corrélativement, en faveur
du créancier, muni d’un titre exécutoire.
Plus
plusieurs
explications avaient pu être évoquées
pour réfuter l’institution du JEX. Parmi
elles,
l’on a redouté de nombreux
risques, à savoir : une judiciarisation de
l’exécution des décisions de justice et
des titres assimilés ; une remise en
cause d’un titre exécutoire délivré en
bonne et due forme par une (même)
juridiction ; une multiplication des voies
de
ou
tardives, par
parallèles ou encore
supplémentaires
prosaïquement,
procédures
recours
que
les
décembre 2010 (Journal officiel de la République
française
, du 23 décembre 2010), « relative à
l’exécution des décisions de justice », dispose,
in
fine
, que les fonctions de juge de l’exécution du
TGI peuvent être exercées par un ou plusieurs
juges de l’exécution du tribunal d’instance. Ce
qui participe de la collégialité.
5 Par
référence à
Monseigneur Bazin, M. R
OUSSELET préc., note 1.
6 Alors compétent également pour les colonies et
même longtemps après l’accession de celles-ci à
l’indépendance.
l’opinion émise par
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Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA
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l’une
françaises,
spécifiquement,
le titre exécutoire
lorsque
exemple,
devient définitif,
faute d’avoir été
attaqué dans les délais impartis au
débiteur ayant préalablement succombé
face au créancier dans le cadre du
contentieux initial y afférent.
Plus
des
principales explications techniques du
désintérêt du législateur à organiser le
contentieux de l’exécution tenait au
périmètre des pouvoirs du juge dont
l’office se limitait ou devrait se limiter
au prononcé de sa décision dès lors
qu’elle est assortie de la formule quasi-
sacramentelle, issue, en droit français
(et reprise en l’état par les anciennes
colonies
aujourd’hui
membres de l’OHADA), de l’article 1
er du
décret n° 47-1047, du 12 juin 1947,
« relatif à la formule exécutoire
7 ». Car,
termes de cet article : « Les
aux
jugements,
expéditions des arrêts,
mandats de justice, ainsi que les grosses
et expéditions des contrats et de tous les
actes susceptibles d'exécution forcée,
:
seront
“République française“. “Au nom du
peuple français“, et terminées par la
formule suivante : “En conséquence, la
République française mande et ordonne
à tous huissiers de justice, sur ce requis,
de mettre ledit arrêt (ou ledit jugement,
etc.) à exécution, aux procureurs
généraux et aux procureurs de
la
République près
tribunaux de
grande instance d'y tenir la main, à tous
commandants et officiers de la force
publique de prêter main-forte lorsqu'ils
en seront légalement requis“. “En foi de
quoi, le présent arrêt“ (ou jugement,
etc.) a été signé par (...).
intitulées ainsi qu'il suit
les
y
de
l’exécution
Les dispositions qui précèdent posent
en règle qu’une fois prononcée, une
décision de justice se suffit à elle-même.
Et l’intervention du juge l’ayant rendue
est d’autant plus inopportune ou – ce
qui revient au même - d’autant moins
nécessaire qu’outre
les principaux
concernés que sont les parties elles-
mêmes et leurs avocats respectifs (non
expressément visés dans l’article), les
acteurs
sont
limitativement énumérés
8. Le juge n’y
figure pas, puisque, par hypothèse, il a
déjà rempli son office.
Cependant, même avec l’assistance de
ces différents acteurs, la réalisation d’un
titre exécutoire alimente inévitablement
des tensions, déjà perceptibles dans les
le
précontentieux
rapports
créancier et le débiteur dont les intérêts
respectifs
fondamentalement
divergents. Aussi, étant en position de
force, à la faveur du titre exécutoire
dont
le créancier est-il
souvent enclin à en abuser, peu importe
qu’il paupérise, volontairement ou
involontairement, le débiteur, aggrave
ou non sa situation patrimoniale déjà
préoccupante. Pire, loin de rassurer le
débiteur, l’intervention d’un acteur de
l’exécution, qui plus
est officier
ministériel, tel que l’huissier de justice,
le
est redoutée et redoutable. Car
débiteur estime, à tort ou à raison, que
cette intervention est souvent partiale
et brutale ! Le doyen Carbonnier n’en
pensait pas moins, lorsqu’il rapportait,
dans « Flexible droit – Pour une
il dispose,
entre
sont
7 Décret pris sur le fondement de l'article 47 de
la Constitution du 27 octobre 1946 : « Le
président du Conseil des ministres assure
l'exécution des lois ».
8 Rappelons-les : les huissiers de justice, les
les procureurs de
procureurs généraux,
la
tribunaux de grande
les
République près
instance, les commandants et les officiers de la
force publique. Le juge n’y figure pas, puisque,
par hypothèse, il a déjà rempli son office.
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Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA
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d’une
juridiction
le créancier et
sociologie du droit sans rigueur 9 »,
qu’« une sociologue a pu dépeindre
l’huissier comme porteur du double
signe de l’intrusion et de la mort :
intrusion,
certes, car il pénètre, de force
au besoin, dans les logis ; et mort, car la
saisie, l’expulsion, préfigurent le vide,
l’arrachement du cadre de vie, de la vie
elle-même. Cependant, cet huissier est
dit de justice, et il ne refusera pas de
donner un conseil gracieux au saisi ».
Face à la contrariété des enjeux en
présence, entre
le
débiteur, et aux appréhensions de
chacun d’eux, le législateur s’est résolu –
timidement mais inexorablement – à
l’institution
de
l’exécution. C’est du contentieux de
l’exécution ; lequel a été adopté par la
plupart des États africains membres de
l’OHADA, ainsi que par le droit OHADA
10
l’expression
Toutefois,
lui-même.
« contentieux de l’exécution
11 » n’est
définie ni par
la
la
jurisprudence. L’on peut, néanmoins,
préconiser qu’il s’agit, notamment en
matière
civile, d’un ensemble de
procédures qui se rapportent à des
contestations,
des
difficultés
relatives à l’exécution de décisions de
justice ou actes processuels ; mais pas
seulement.
juge de ce
Parler de
contentieux, c’est envisager d’aborder –
mais
la
conception des pouvoirs du juge en
matière d’exécution. Selon le droit des
voies d’exécution ou procédures civiles
d’exécution, le « juge est un arbitre, un
gardien, un témoin, (certes) actif » ;
il n’est pas un « acteur de
mais,
loi, ni par
l’office du
seulement
d’aborder
ou

9 Librairie générale de jurisprudence (L.G.D.J.),
10
e éd., 2001, p. 328.
10 Infra.
11 René LAUBA, Le contentieux de l’exécution,
Paris, LexisNexis ENM, 12
e éd., 2014.
le
qui
ajoute
l’OHADA,
l’exécution » ; même en droit de
l’OHADA
« l’agent
d’exécution
12 » au nombre de ceux cités
précédemment.
juge du
À propos de
contentieux y a d’autant plus sa place
qu’il s’agit d’un droit ayant « pour
objet l’harmonisation
13 » – à défaut
d’uniformisation, nonobstant l’emploi, à
l’article 5 du traité OHADA, de l’adjectif
«
uniformes 14 » qualifiant « les règles
communes » aux États parties
15 dans les
cette
couvertes
matières
par
16
communes,
simples, modernes
12 AUPSRVE, articles 41 à 45, 48, 64, 65, 70, 71,
74, 77, 79, 80, 96, 98, 100, 101, 102, 104, 106,
107, 109, 110, 112, 114, 117, 118, 122, 123, 143,
156, 157, 160, 163, 214, 220, 224, 231, 232, 234,
254, 256, 259, 267, 278 et 318.
13 Article 1 du traité, du 17/10/1993, révisé, le
17/10/2008, « relatif à
l’organisation de
l’harmonisation du droit des affaires en
Afrique. » : « Le présent traité a pour objet
l'harmonisation du droit des affaires dans les
États Parties, par l'élaboration et l'adoption des
règles
et
adaptées à la situation de leurs économies, par
la mise en œuvre de procédures judiciaires
appropriées, et par l'encouragement au recours
à l'arbitrage pour le règlement des différends
contractuels »
ajouté, pour
(soulignement
insistance).
14 Aux termes de l’article 5 : « Les actes pris pour
l'adoption des règles communes prévues à
l'article premier du présent traité sont qualifiés
« actes uniformes » (soulignement ajouté, pour
insistance).
15 Ces États sont au nombre de dix-sept (17) à ce
jour : Bénin, Burkina
Cameroun,
Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire,
Guinée
Gabon,
Guinée
équatoriale,
République
démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.
16 Article 2 du traité précité : « Pour l'application
du présent traité, entrent dans le domaine du
droit des affaires, l'ensemble des règles relatives
au droit des sociétés et au statut juridique des
commerçants, au recouvrement des créances,
aux sûretés et aux voies d'exécution, au régime
du redressement des entreprises et de
la
liquidation judiciaire, au droit de l'arbitrage, au
droit du travail, au droit comptable, au droit de
Guinée,
Bissau,
Niger,
Faso,
Mali,
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Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA
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Page 5
la
des
fois dans
simplifiées
l’exécution
procédures
harmonisation – des législations pour
pouvoir optimiser la sécurité juridique
et judiciaire dans la zone géographique
considérée. Parmi les Actes uniformes
(AU), il y a celui « portant organisation
des
de
recouvrement et des voies d’exécution »
(AUPSRVE).
Sur l’ensemble du dispositif défini par
cet AU, l’on compte précisément le
contentieux des voies d’exécution ;
la
lequel s’inscrit à
thématique plus globale du contentieux
de
décisions
juridictionnelles et dans celle retenue
par
les organisateurs du présent
colloque, consacré au « Droit des
procédures judiciaires – Perspectives
comparatives et transnationales
».
L’intérêt du choix de traiter du juge du
contentieux de
l’exécution en droit
OHADA est si réel que celui-ci participe,
à n’en point douter, de la dynamique de
plus en plus pressante à
l’échelle
internationale - et même mondiale -,
notamment avec la réflexion (à haute
voix) sur le fameux « Code mondial de
l’exécution
17 ». À l’échelle de l’OHADA,
nous limiterons notre propos au juge du
contentieux des voies d’exécution,
conformément aux dispositions de
l’article 49 de l’AUPSRVE. De plus, un
autre intérêt du sujet traité tient à la
l’articulation du
problématique de
la vente et des transports et toute autre matière
que
le Conseil des Ministres déciderait, à
l'unanimité, d'y inclure, conformément à l'objet
du présent traité et aux dispositions de l'article
8 ».
17 Guillaume PAYAN, Le Code mondial de
l’exécution : un nouvel outil au service d’une
exécution équitable et efficace
, Le Lamy Droit de
l’exécution forcée, lettre d’actualités, no 94, p. 1 ;
Natalie F
RICERO, « Premier forum mondial sur
l’exécution : l’efficacité des procédures civiles
d’exécution en Europe », Union internationale
des huissiers de justice. (UIHJ)
l’essentiel,
termes de
même article 49 avec le droit interne de
certains États parties à l’OHADA.
Pour
la
les
problématique conduisent à s’interroger
sur l’identification du juge de l’exécution
concerné tel que consacré par cet article
et ce qu’il est en droit interne. En outre,
il convient de cerner les attributions de
ce juge érigé en véritable juridiction.
(voire
1. De l’identification du juge du
contentieux de l’exécution en droit
OHADA
Le terme « identification » est préférable
à celui d’identité. Car il s’agit d’un
processus
d’hypothèse)
d’harmonisation entre le droit OHADA
et les droits nationaux, en ayant présent
à l’esprit le primat du droit OHADA posé
à la fois par l’article 10
18 du traité
constitutif de cette organisation et les
articles 336
19 et 33720 de l’AUPSRVE. Le
processus d’identification conduit à
rappeler les termes mêmes de l’article
49
juridiction
compétente pour statuer sur tout litige
ou toute demande relative à une mesure
d'exécution
forcée ou à une saisie
conservatoire est le président de la
juridiction
en matière
d'urgence ou le magistrat délégué par
lui.
Sa décision est susceptible d'appel
dans un délai de quinze jours à compter
de son prononcé.
Le délai d'appel (et)
l'exercice de cette voie de recours n'ont
susmentionné : « La
statuant
18 « Les actes uniformes sont directement
applicables et obligatoires dans les États Parties
nonobstant toutes dispositions contraires de
droit interne, antérieure ou postérieure ».
19 « Le présent Acte uniforme abroge toutes les
dispositions
aux matières qu'il
concerne dans les États parties ».

20
« Le présent Acte uniforme sera applicable
conservatoires, mesures
aux mesures
d'exécution
de
recouvrement engagées après son entrée en
vigueur ».
procédures
relatives
forcée
et
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Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA
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pas un caractère suspensif, sauf décision
contraire spécialement motivée du
président de la juridiction compétente ».

À ce stade de notre réflexion,
les
dispositions du premier alinéa de
l’article 49 conduisent à s’interroger
successivement
la notion de
sur
juridiction, en ce qu’elle désigne, ici, le
juge de l’exécution, et sur la notion de
juridiction présidentielle ou juridiction
du président. Précisons qu’en droit
processuel
21 , la compétence de cette
juridiction se rapporte généralement à
des procédures particulières.
juridiction
présidentielle
1.1 Le juge du contentieux de
l’exécution en tant que juridiction
La
que
constitue le juge visé à l’article 49
implique de savoir, très succinctement,
si ce juge est une juridiction de droit
la
commun ou d’exception et si
composition de cette
juridiction est
collégiale et/ou à juge unique.
1.1.1 Bref rappel de la définition de la
notion de juridiction
La notion de juridiction peut avoir un
sens organique ou fonctionnel. Du point
de vue organique, la juridiction est
l’institution chargée de rendre des
décisions de justice. Du point de vue
fonctionnel, elle dit le droit, à travers les
celles-ci
décisions
22 qu’elle
rend ;
civile,
21 Xavier VUITTON et Jacques VUITTON, Les référés:
procédure
contentieux administratif,
procédure pénale
, Paris, LexisNexis, 2012.
22 Selon Pierre HEBRAUD, « La finalité profonde
de la mission du juge n’est pas d’être le porte-
parole de la loi, l’instrument d’une pure légalité,
mais d’apaiser les conflits. Une telle conception
de la fonction juridictionnelle a pour nécessaire
corollaire
latitude
la reconnaissance d’une
importante pour l’interprétation de la loi, la
finalité du
l’effet
d’apaisement qui en est attendu »,
cf. Loïc CADIET
(dir.),
Dictionnaire de la justice, v° Juridiction ;
étant dans
jugement
le
qu’une
juridiction
institutions
produisant des effets dans un cadre
juridique donné. C’est-à-dire tant dans
une procédure
contentieuse que dans
une procédure gracieuse.

Selon la lettre et l’esprit de l’article 49,
la notion de juridiction est possiblement
indépendante de la qualification retenue
en droit interne des États parties à
l’OHADA sur une juridiction considérée.
Les
juridictionnelles
internes peuvent n’avoir ni la même
même
ni
composition,
fonctionnement procédural que ceux
que vise cet article. Si celui-ci pose en
est
principe
composée d’un juge unique, des textes
législatifs ou réglementaires nationaux
peuvent donner compétence en
la
la
juridictions dont
matière à des
composition est collégiale. Or, une
formation juridictionnelle collégiale est
généralement source de lenteur ; ne
serait-ce que par le recueil de l’avis de

chaque juge ayant participé au délibéré
sur un projet de rédaction de la décision
à notifier aux parties. Le risque de
lenteur ne peut que contrarier l’objectif
recherché par le droit OHADA qui a
confié la compétence du contentieux des
voies d’exécution à un seul juge devant
rendre sa décision dans l’urgence.
De même, le renvoi à la législation
juridiction
nationale quant
compétente en matière d’urgence est ou
peut être, lui aussi, source d’incertitude,
législation
lorsque cette
notamment
la
à
Ethel GROFFIER, « Rapport canadien », dans
L'Interprétation par le juge des règles écrites,
Journées louisianaises de la Nouvelle-Orléans et
Bâton Rouge (travaux de l'Association Henri
Capitant des amis de
juridique
française), Economica, 1980, p. 311 et suiv. ;
Claude
S
LOSAR,
et
« L’application et l’interprétation des traités
internationaux par le juge canadien »,
id., p. 328
et suiv. ; Irma M
OREAU-MARGREVE, « Rapport
belge », p. 24 et suiv.
la culture
EMANUELLI
Stanislas
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Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA
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Page 7
de
deux
l’on appelle
donne compétence indifféremment à
des
juridictions étatiques ou à des
juridictions arbitrales
23 ; ces dernières
étant dorénavant régies par
l’AU y
afférent, en date du 11 mars 1999. Il
faut néanmoins préciser que l’article 8
de ce dernier AU prévoit la possibilité
d’une juridiction arbitrale collégiale ou à
arbitre unique.

Une autre incertitude qu’implique la
notion de juridiction désignée par la
concerne
nationale
législation
l’imprécision quant au degré de
juridiction. En conséquence, le juge de
le président d’une
l’urgence est-il
juridiction de première instance, telle
qu’un tribunal ou une juridiction du
second degré, à savoir la cour d’appel ;
juridiction
degrés
les
constituant ce que
les
juridictions du fond dans le système
française ou
judiciaire de tradition
francophone en vigueur dans la plupart
des États membres de l’OHADA ? Ou
alors faut-il considérer que le président
juridiction visée est celui de
de la
chaque degré de juridiction au gré des
voies de recours
le
président de la juridiction judiciaire
suprême nationale telle que la cour
suprême saisie en matière de voies
d’exécution ? Une
réponse positive
s’impose.
Comme le relève le professeur Rivier, à
propos du système judiciaire français,
outre
qu’engendre
l’acception précédente de la notion de
juridiction du
caractère
fond,
polysémique de ce dernier concept peut
être source de confusion. Ainsi, le terme
de « fond » accolé à celui de juridiction,
dont le président est compétent pour le
contentieux des voies d’exécution,
jusque devant
l’imprécision
le
les
sur
toutes
l’affaire,
telles que
commun et
« peut aussi renvoyer à la distinction
entre les juridictions statuant sur le
fond de
les droits
substantiels en cause, et les juridictions
la
dites du provisoire,
juridiction des référés ou celle rendant
des ordonnances sur requêtes, décisions
provisoires prenant des mesures et qui
n’ont pas d’autorité de chose jugée au
principal ; c’est-à-dire sur le fond du
droit. Si l’on s’intéresse à la compétence,
on peut distinguer les juridictions de
droit
juridictions
d’exception, le clivage n’ayant pas le
les
dans
sens
même
procédures
24 ».
Transposé en droit OHADA, le rappel
ainsi fait par l’auteur induit plusieurs
observations au regard du président de
la juridiction et faisant lui-même office
de juridiction compétente ; notamment
en matière de voies d’exécution. La
mention et la précision, en droit OHADA,
de la notion d’« urgence » laisseraient à
penser,
a priori, que
juge du
contentieux des voies d’exécution ne
saurait ni statuer sur le « fond » de
l’affaire dont il est saisi, ni sur « les
droits substantiels » ; mais uniquement
à titre « provisoire » ; ce qui emporterait
de dénier aux décisions de cette
juridiction toute autorité de la chose
juge du contentieux de
jugée. Le
l’exécution serait ou pourrait être classé
parmi les juridictions d’exception et non
pas parmi celles de droit commun.
Néanmoins, hormis que le juge des
référés peut aussi juger du fond d’une
affaire, alors même qu’il statue lui aussi
en urgence, le droit OHADA confère au
juge du contentieux de
l’exécution
compétence « pour tout litige ou toute
demande ». Or, dans
système
judiciaire de la plupart des États parties
le
le
23 Y compris en application d’une convention
d’arbitrage stipulée entre parties contractantes.
24 L. CADIET, préc., note 22.
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Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA
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à l’OHADA, la notion de litige se définit
par son objet, qui est identifié aux
prétentions respectives des parties et
fixées par l’acte introductif d’instance
ainsi que par les conclusions adverses.
Les prétentions se définissent, quant à
elles, comme des affirmations en
« justice tendant à réclamer quelque
chose, soit de la part du demandeur (par
demande principale ou additionnelle),
soit de la part du défendeur (par de
demande reconventionnelle) et dont
l’ensemble (prétentions respectives des
parties) détermine l’objet du litige
25 ».
Les expressions « tout litige » et « toute
demande »
les
employées
rédacteurs de l’article 49 visent donc
indistinctement tout contentieux tant
fond
sur
relativement aux voies d’exécution. Le
juge du contentieux de l’exécution est
la
donc
juge de
procédure
temps que
juridiction de l’urgence dont on peut se
demander si elle est d’exception ou de
droit commun.
forme que
en même
juge du
fond et
par
sur
la
le
1.1.2 Le juge du contentieux de
l’exécution, juridiction d’exception
ou de droit commun?
Selon
la doctrine, « Au civil, une
juridiction de droit commun est celle qui
a plénitude de juridiction, c’est-à-dire
qui a vocation à connaître outre son
propre champ de compétence, des
affaires qu’aucun texte ne réserve à une
juridiction particulière. A l’inverse, une
juridiction d’exception n’est compétente
que pour les affaires pour lesquelles un
texte lui a donné compétence
26 ».
Il s’agit, en l’occurrence, d’une part, de
savoir si la juridiction présidentielle de
simplement
l’article
est
49
dont
juridiction
spécialisée
rapportant
loi ou un
d’attribution
complémentaire de la juridiction de
droit commun. En pareil cas,
la
compétence juridictionnelle du juge de
l’exécution se limiterait au contentieux
des matières
à
se
limitativement énumérées par un texte
de
texte réglementaire
spécifique. Il s’agit, d’autre part, et au
contraire, de savoir si c’est une
juridiction compétente pour connaître
de tous les litiges pouvant donner lieu à
un ensemble de contentieux judiciaires.
Certes, il serait tentant de considérer
que
présidentielle
la
l’article 49 est une
instituée par
les
juridiction
compétences
se
limiteraient au seul contentieux des
voies d’exécution. « Cependant, (la)
référence à des juridictions spécialisées
n’est pas (…) sans ambiguïté : il existe,
l’intérieur même d’une
en effet, à
juridiction, une spécialisation interne
pour
d’une matière
particulière à un juge délégué à cet effet
par la loi. C’est le cas, par exemple, du
juge du tribunal de grande instance «
délégué aux affaires familiales
27 ».
Or, en apparence, l’on pourrait poser le
postulat suivant : de même que le juge
aux affaires familiales ne peut pas être
juridiction
comme une
considéré
juridiction
la
spécialisée, de même
présidentielle de l’article 49 ne saurait
être qualifiée de spécialisée. Elle l’est
d’autant moins que cet article dispose
président-
que
expressément
juridiction a pouvoir « pour statuer sur
tout litige ou toute demande relative à
une mesure d’exécution forcée ou à une
saisie conservatoire (…)
28 ».
l’attribution
le
25 « Vocabulaire juridique », v° Prétention.
26 L. CADIET, préc., note 22.
27
Francis
KERNALEGUEN,
« Juridictions
d’exception », dans L. CADIET, préc., note 22.
28 Id.
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Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA
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connaître
des
Mais, en définitive, c’est la précision
ainsi apportée, cantonnant la juridiction
présidentielle à des voies d’exécution,
qui en fait une juridiction d’exception,
pour
du
compétente
contentieux
voies
spécifique
d’exécution. Quant aux dispositions de
l’article 49 qui ratissent large, à travers
les expressions telles que « (…) tout
litige ou toute mesure (…) », loin d’être
caractéristiques ou qualificatives d’une
juridiction de droit commun, elles
traduisent plutôt
la volonté des
rédacteurs de l’AUPSRVE de confier à la
« juridiction du président » un bloc de
compétences dans le domaine des voies
d’exécution. Cette même volonté vise à
inciter les États parties à faire en sorte
législations
internes
que
respectives
au
puissent
regroupement des compétences et non
les disperser entre plusieurs
pas à
juridictions.
aussi d’une
juridiction spécialisée dans la mesure où
la fonction de juge de l’exécution est
confiée au président aussi bien des
juridictions de droit commun (tribunal
d’instance, tribunal de grande instance,
cour d’appel, cour suprême…) qu’à celui
des juridictions spécialisées que sont,
notamment : le tribunal de commerce, le
conseil de prud’hommes ou tribunal du
travail… peu importe qu’elles soient
collégiales ou à juge unique.
s’agit
aider
leurs
Il
1.1.3 Le juge du contentieux de
l’exécution, juridiction collégiale ou à
juge unique?
Préalablement à l’exposé de quelques
raisons du choix de confier le traitement
du contentieux de
la
juridiction du président, présentons, à
grands traits, les caractéristiques de
chacun des termes de l’alternative que
sont
la
juridiction à juge unique. Le rappel
juridiction collégiale et
l’exécution à
la
de
neutralité
préconisé est d’importance, parce qu’il
s’agit de montrer que le dévoiement de
l’une de ces juridictions contribue à
l’essor de l’autre ; en tant que juridiction
présidentielle.
La collégialité constitue, en principe, le
droit commun de la composition d’une
juridiction. Cela implique de réunir un
ensemble de juges pour statuer sur un
litige dont celle-ci est saisie ; plutôt
qu’une juridiction à juge unique, investi
du pouvoir de statuer seul.
Certes, une
juridictionnelle
entité
collégiale peut paraître comme un
rempart contre plusieurs écueils, à
savoir : - l’abus ou la tentation ou encore
la tentative d’abus du juge ; ce dernier
pouvant être plus porté à observer « ses
et
devoirs
le manque
d’indépendance
29 » ;
d’expérience
insuffisance
d’expérience professionnelle d’un jeune
magistrat, qui peut bénéficier de la
pratique professionnelle éprouvée de
ses collègues plus expérimentés ;
- des
pressions ou des velléités vindicatives
en ce que la collégialité est une entité
impersonnelle portée par la juridiction
qu’elle représente, même sous le sceau
du secret du délibéré ;
- le sentiment
d’un manque ou d’une insuffisance de
légitimité pouvant affecter une décision
que pourrait rendre le juge unique ;
- le
reproche parfois fait au juge unique
dont les audiences sont assez peu –
voire pas du tout – nimbées de solennité
la
la sacralisation de
nécessaire à
justice, notamment en
décision de
matière de
-
voies d’exécution ;
l’anathème selon lequel
le juge unique
serait inique

-
une
ou
29 Thierry LE BARS, « Juge unique/Collégialité »,
dans L. C
ADIET, préc., note 22.
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Page 10
se
des
révèle
certains
lui-même,
législateur
écueils
Mais,
susmentionnés sont à relativiser
30. De
surcroît, la collégialité peut apparaître
purement symbolique ; des
îlots de
juges uniques peuvent se constituer à
l’intérieur même de la collégialité à
cause de la pratique de la répartition
des dossiers « entre les magistrats au
stade du délibéré, après une brève
discussion sur chacun d’eux. Chaque
juge réfléchit aux affaires qui lui sont
confiées et élabore un projet de
décision
31 ».
la
Selon
le
purement
collégialité
symbolique également bien en amont du
délibéré. C’est le cas, en droit comparé,
avec l’article 786 du code de procédure
civile français : « Le juge de la mise en
état ou le magistrat chargé du rapport
peut, si les avocats ne s'y opposent pas,

tenir seul l'audience pour entendre les
plaidoiries
32 . Il en rend compte au
tribunal dans son délibéré
33 ». Au regard
à la fois de l’engorgement des tribunaux
et cours et du déficit en effectifs de
magistrats, cet article perd de plus en
plus son caractère dérogatoire pour
devenir presque le principe.

Les plaideurs le savent, le constatent, le
font constater, et parfois le contestent,
ainsi que les y autorisent d’ailleurs le
même article
34 786 et l’article 6 § 135 de
30
Eu
une
égard
inhérents
travers
à
aux
interne
à
l’organisation
formation
juridictionnelle et ses habitudes assez portées
vers des luttes d’influence entre magistrats
expérimentés plus enclins à
leurs
points de vue à des jeunes magistrats rappelés à
l’humilité pour pouvoir apprendre auprès de
ceux-ci.
31 T. LE BARS, préc., note 29.
32 Soulignement ajouté, pour insistance.
33 Soulignement ajouté, pour insistance.
34 D’où la précision « (…) si les avocats ne s'y
opposent pas
(…) ».
imposer
des
l'homme
la Convention de sauvegarde des droits
libertés
de
et
fondamentales
: nombreuses sont
les
audiences collégiales qui ne sont tenues
que par un seul juge. Des jugements et
arrêts rendus en pareille circonstance
sont assortis de la précision suivante :
« À l’audience du [ ] tenue en audience
publique devant [ ], juge rapporteur (ou
conseiller de la mise en état), qui, sans
opposition des avocats,
a tenu seule
l’audience
36, et, après avoir entendu les
conseils des parties, en a rendu compte
au
d’appel),
conformément aux dispositions de
l’article 786 du Code de Procédure
Civile ».

Au surplus, la collégialité se dévoie et
s’assimile de plus en plus à une
juridiction à juge unique à cause de la
pratique des prétoires appelée « dépôt
de dossiers de plaidoirie » à l'audience
ou au greffe par les avocats qui ne
plaident pas. Cette pratique pourrait
trouver son
légal dans
fondement
l’interprétation de l’article 779 du code
de procédure civile français et adopté
Tribunal
(cour
raisonnable, par un
35 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement, publiquement et dans
un délai
tribunal
indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera, soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil, soit du bien-fondé
de toute accusation en matière pénale dirigée
contre elle. Le
jugement doit être rendu
publiquement, mais l'accès de la salle d'audience
peut être interdit à la presse et au public
pendant la totalité ou une partie du procès dans
l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la
sécurité
société
démocratique, lorsque les intérêts des mineurs
ou la protection de la vie privée des parties au
procès
jugée
strictement nécessaire par le tribunal, lorsque
dans des circonstances spéciales la publicité
serait de nature à porter atteinte aux intérêts de
la justice ».
36 Soulignement, pour insistance.
l'exigent, ou dans
la mesure
nationale
dans
une
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il est
par certains États membres de l’OHADA.
Aux termes de cet article : « Sauf dans le
cas où
fait application des
dispositions du deuxième alinéa de
l'article 764, le juge de la mise en état
déclare l'instruction close dès que l'état
de celle-ci le permet et renvoie l'affaire
devant le tribunal pour être plaidée à la
date fixée par le président ou par lui-
même s'il a reçu délégation à cet effet.
La date de la clôture doit être aussi
proche que possible de celle fixée pour
les plaidoiries. S'il l'estime nécessaire
pour l'établissement de son rapport à
l'audience, le juge de la mise en état
peut demander aux avocats de déposer
au greffe
leur dossier, comprenant
notamment les pièces produites, à la
date qu'il détermine. Le président ou le
juge de la mise en état, s'il a reçu
délégation à cet effet, peut également, à
la demande des avocats, et après accord,
le cas échéant, du ministère public,
autoriser le dépôt des dossiers au greffe
de la chambre à une date qu'il fixe,
quand il lui apparaît que l'affaire ne
requiert pas de plaidoiries. Le juge de la
mise en état demeure saisi
jusqu'à
l'ouverture des débats ou jusqu'à la date
fixée pour le dépôt des dossiers des
avocats
».
Cet article prévoit, certes, in fine, qu’à la
demande des avocats, le président, le
les
juge de
tribunaux
de
les
prud’hommes) ou le conseiller chargé
de la mise en état (pour les cours
d’appel), ayant préalablement reçu
délégation à cet effet, peut autoriser le
dépôt des dossiers de plaidoirie au
greffe de la chambre à une date qu'ils
fixent. Généralement, ce dépôt de
dossiers peut avoir lieu soit séance
tenante, si les avocats en acceptent le
principe, soit quinze jours au moins
avant la date d’audience. Mais, parfois,
la mise en état (pour
conseils
et
une
cesser
les plaidoiries ou
et même de plus en plus souvent, c’est le
juge rapporteur ou le président qui en
prend l’initiative. Il en est ainsi lorsque
le magistrat estime que l'affaire ne
requiert pas de plaidoiries ! L’on est ici
tenté de recourir au droit comparé et
d’envisager
interprétation
combinée de l’article 779 avec l’article
440 du même code, puisque ce dernier
dispose, en effet, que « Le président
dirige les débats. Il donne la parole au
rapporteur dans le cas où un rapport
doit être fait. Le demandeur, puis le
défendeur,
invités à
sont ensuite
exposer leurs prétentions.
Lorsque la
juridiction s'estime éclairée, le président
fait
les
observations présentées par les parties
pour leur défense
37 ».
Sauf que, fort du pouvoir qu’il tient de la
loi de diriger « les débats », par des
échanges oraux ou de conclusions, le
président peut parfois décider de
n’avoir
faire « cesser des
plaidoiries ». En d’autres termes, le juge
saisi d’une affaire, avec représentation
obligatoire, peut statuer sans plaidoirie.
En pareil cas, il est difficile, pour les
plaideurs, de vérifier ou de s’assurer du
respect de la règle de collégialité. Un
seul juge peut statuer et en rendre
compte à son collègue ou au président
de chambre.

Eu égard à tous ces cas de dévoiement
l’on ne peut
de
la
qu’apprécier
des
rédacteurs d’avoir institué, aux termes
de
la
juridiction présidentielle, en tant que
juridiction à juge unique en charge du
contentieux de l’exécution.
collégialité,
le
l’article 49 de
pragmatisme
l’AUPSRVE,
jamais à
1.2 Le juge du contentieux de
l’exécution, juridiction présidentielle
37 Soulignement ajouté, pour insistance.
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Page 12
Après avoir esquissé une définition de la
notion de juridiction du président, il
sera apprécié la qualification de juge des
référés à l’aune de certaines procédures
qui lui sont connexes ou annexes en
droit interne telles que procédures « en
la forme des référés » ou « comme en
matière (de) référés
» et pratique de la
« passerelle ».
1.2.1 De l’essai de définition de la
juridiction présidentielle
juridiction présidentielle
L’expression
ou juridiction du président n’est définie
ni en doctrine, ni en jurisprudence. Nous
pouvons considérer que, tout compte
fait, cette expression désigne l’autorité
du magistrat à la tête d’une juridiction
qu’il incarne et auquel la loi,
lato sensu,
confère des pouvoirs juridictionnels et
administratifs spécifiques qu’il exerce,
en principe, lui-même ou par délégation,
en tant que juge unique
38 des référés,
des requêtes ou du fond dans une
procédure contentieuse ou gracieuse ;
conformément
compétence
légalement
matérielle et territoriale
attribuée à la juridiction qu’il dirige. La
juridiction présidentielle peut donc
connaître du contentieux de l’exécution.
En droit comparé, il est à signaler que la
qualification de juridiction du JEX à la
française est assez controversée. Dans
son « Bulletin d’information » de 2002,
la Cour de cassation a fait état d’un arrêt
rendu par la cour d’appel de Bordeaux,
le 12 juin 2001
39, en ce qu’elle a pris
la
à
38 Sauf, peut-être, pour l’instance de référés
prud’homale, encore appelée tribunal du travail
dans certains pays membres de l’OHADA ; où
juridictionnelle est
l’unicité d’une autorité
difficilement envisageable ; à moins que
la
législation nationale puisse permettre d’y
pourvoir.
39 Cour d’appel de Bordeaux, 1ère ch. section A, 12
juin 2001, arrêt n
o 01-533, affaire SCEA des vins
de France français
c. SCEA Château des Tours et
autres
.
y
être
suppléé,
indépendante de
position sur la nature juridique du JEX.
Il en ressort que « Le juge de l’exécution
ne constitue pas une « formation »
autonome et
la
juridiction collégiale d’un tribunal de
grande instance, dès lors que cette
fonction est dévolue par l’article L. 311-
12 du Code de l’organisation judiciaire
au président de ce tribunal qui en
exerce seul les attributions ou qui peut
la déléguer à un ou plusieurs juges pour
un certain temps et sur une certaine
fraction
territoriale du ressort du
tribunal, que tout juge de l’exécution
peut toujours renvoyer une affaire
devant la juridiction collégiale dont il
doit faire obligatoirement partie, et
qu’enfin
tribunal,
le président du
attributaire de droit de cette fonction,
peut
cas
d’empêchement, par un autre magistrat
de la juridiction dans les conditions
prévues par les articles R. 311-17 à R.
311-19 du Code de
l’organisation
judiciaire. Le président du tribunal de
grande instance exerçant la fonction de
juge de l’exécution ne constitue pas une
juridiction ou une formation justiciable
d’une demande de renvoi (…) ».
Telle n’est, cependant, pas la position de
la doctrine majoritaire
40. Ainsi, tout en
réaffirmant la réalité de la juridiction du
président, il est à reconnaître que « d’un
point de vue réaliste, ce qui fait le succès
de la juridiction présidentielle, c’est sa
rapidité et, pourrait-on dire,
son
économie qui tient notamment au juge
unique. C’est un truisme que de dire que
le juge unique économise les ressources
humaines de la justice. (…). Le juge
unique (ou la juridiction présidentielle)
ne délibère pas, sauf avec lui-même,
en
40 « Contentieux de l’exécution », dans Le Lamy
Droit de
forcée
, Étude 480 ; X.
V
UITTON, préc., note 3, p. 1.
l’exécution
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la
le décideur (ici
mais cette réflexion, qui relève du for
intérieur, ne constitue pas un débat. Or,
dans le cadre d’une prise de décision, il
peut y avoir deux niveaux de débats :
juridiction
entre
présidentielle) et les intéressés (ici les
parties), puis entre
les personnes
habilitées à décider, donc à l’intérieur de
la formation collégiale si elle existe. (…).
On comprend par là l’importance et la
difficulté de la juridiction présidentielle
qui est celle d’un homme (ou d’une
femme) seul(e) à qui l’on demande,
souvent en urgence, en tout cas à bref
délai, de prendre des mesures – plutôt
jugement dont
que de rendre un
l’impact
l’importance pratique
et
peuvent être considérables
41 ».
L’on doit également signaler que,
concernant spécifiquement la qualité de
président-juridiction ou de juridiction
présidentielle, la formulation du texte
JEX
42 n’est pas aussi
régissant
le
de
des
aux
titres
juridictions
exécutoires
41 H. CROZE, dans préface de l’ouvrage de X.
V
UITTON, préc., note 3.
42
Article L. 213-6 du Code de l’organisation
judiciaire français : « Le juge de l'exécution
connaît, de manière exclusive, des difficultés
et des
relatives
contestations qui s'élèvent à
l'occasion de
l'exécution forcée, même si elles portent sur le
fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la
l'ordre
compétence
judiciaire. Dans les mêmes conditions, il autorise
les mesures conservatoires et connaît des
contestations relatives à leur mise en œuvre. Le
la même
l'exécution connaît, sous
juge de
réserve, de la procédure de saisie immobilière,
des contestations qui s'élèvent à l'occasion de
celle-ci et des demandes nées de cette procédure
ou s'y rapportant directement, même si elles
portent sur le fond du droit ainsi que de la
procédure de distribution qui en découle. Il
connaît, sous la même réserve, des demandes en
réparation
ou
l'inexécution dommageables des mesures
d'exécution
des mesures
conservatoires. Le juge de l'exécution exerce
également les compétences particulières qui lui
l'exécution
fondées
forcée
sur
ou
la
de
ou
tribunal,
l’exécution
explicite que celle de l’article 49. En
le
effet, en ayant clairement confié
contentieux
et
de
précisément celui des voies d’exécution
le droit
au président du
OHADA vise, en réalité, un magistrat
expérimenté, en ce qu’il incarne ou
représente l’autorité morale et l’autorité
hiérarchiquement supérieure de
la
juridiction.
juridiction
C’est
présidentielle.
Sur celle-ci, les termes de l’article 49
sont sans équivoque : « La juridiction
compétente (…) est le président (...) ou
le magistrat délégué par lui ». L’on peut,
néanmoins, postuler que le « magistrat
délégué » par le président puisse offrir
les mêmes garanties d’ancienneté,
compétence
d’expérience
professionnelle que lui, surtout dans un
contexte économique dominé par la
nécessité de réduire la voilure ; ce qui se
traduit par la réduction du nombre de
magistrats expérimentés ou non à tous
les niveaux.
L’aspect budgétaire sous-
jacent constitue, assez paradoxalement,
l’un des atouts majeurs de la juridiction
à juge unique qu’est celle du président ;
contrairement à la juridiction collégiale.
De plus,
le président, en tant que
juridiction, se sent ou est censé se sentir
plus responsable au regard de la nature
de la décision à rendre et de ses enjeux,
ainsi que des
voies d’exécution
préconisées aussi bien pour le débiteur
et le créancier que pour les tiers.
Mais, l’institution de la juridiction à juge
unique par l’article 49 présente surtout,
pour le droit OHADA, des avantages
aussi importants que le gain de temps, la
rapidité et même la célérité. Le juge doit
statuer « dans l’urgence », afin de faire
gagner du temps et donc de l’argent aux
sont dévolues par le code des procédures civiles
d'exécution ».
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la
créance dont
plaideurs. Cette urgence s’explique –
voire se justifie – par le caractère non
sérieusement contestable des voies
d’exécution engagées ; selon que c’est
une exécution forcée, auquel cas il existe
un titre exécutoire, ou une mesure
conservatoire, auquel cas le juge est
persuadé du caractère certain, liquide et
exigible de
le
recouvrement serait menacé de manière
imminente
43.
Les avantages qui viennent d’être
évoqués pourraient, cependant, être
remis en cause si, au nom de leur
souveraineté en matière d’organisation
juridictionnelle, des États membres de
l’OHADA adoptaient ou venaient à
adopter des
législatifs ou
textes
rendre
règlementaires
collégiale la juridiction présidentielle. Il
en serait ainsi, pour ceux d’entre ces
États qui s’inspireraient – si ce n’est déjà
le cas - de la loi française n° 2010-1609,
du 22 décembre 2010
44, « relative à
l’exécution des décisions de justice ».
Car, aux termes de l’article 11 de cette
loi,
juge de
l’exécution du TGI peuvent être confiées
à un ou plusieurs juges de l’exécution du
tribunal d’instance. La
collégialité
devant en découler pourrait, nous
semble-t-il, alourdir (inutilement)
le
dispositif de l’article 49 sauf, peut-être,
si celui-ci est mis en branle dans le
cadre d’un référé !
les compétences du
tendant
à
1.2.2 La juridiction présidentielle,
juge des référés civils
L’idée d’urgence induit souvent – mais
pas toujours – celle de son pendant
procédural qu’est le référé civil, alors
43 Jacques NORMAND, « Dommage imminent et
trouble manifestement illicite », dans
La justice
civile au XXIème siècle
, Mélanges Pierre JULIEN,
Aix-En-Provence, Edilaix, 2003, p. 295 et suiv.
44 JO RF, du 23 décembre 2010.
les deux ne sont pas
même que
liées.
s’en
Pour
inéluctablement
convaincre,
convient d’évoquer
il
brièvement les concepts de référé et
d’urgence en matière civile.
1.2.2.1 Bref rappel du référé civil
Le référé civil est une procédure
contentieuse par laquelle une partie
demande, en l’absence de contestation
sérieuse de son contradicteur, à obtenir
d’une juridiction à juge unique – sauf en
matière prud’homale -, généralement le
président ou son délégué, de rendre une
décision rapide ordonnant des mesures
jugées nécessaires à la protection des
intérêts du demandeur. Ces mesures
peuvent également être ordonnées,
nonobstant une contestation sérieuse,
en vue de prévenir un risque imminent
ou de faire cesser un trouble manifeste
contraire aux lois et règlements en
vigueur.
Il est dès lors assez tentant de voir dans
la juridiction des référés, à travers ses
principaux traits caractéristiques ainsi
rappelés, une des variantes organiques
possibles. En effet, hormis les deux
conditions généralement exigées et
rappelées précédemment, la condition
de
demeurant

expressément visée par l’article 49 -,
celui-ci complète le tableau où l’on peut
afficher côte-à-côte le mécanisme décrit
et
juge des référés. En réalité,
l’urgence constitue le pendant même de
ces deux conditions. Le juge des référés
est juge de l’évidence, à la fois de
l’imminence d’un dommage ou d’un
illicite et de
trouble manifestement
l’absence d’une contestation sérieuse.
C’est cette double évidence qui constitue
le balisage de la procédure en urgence.
Cette notion d’urgence et son arrière-
plan procédural qu’est le référé sont
présents dans la plupart – voire dans la
l’urgence
au
le
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Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA
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fondement dans
quasi-totalité des législations – des États
parties à
l’OHADA. Il en est ainsi,
notamment, du Sénégal
45, du Mali46, de
la Côte d’Ivoire
47, du Cameroun48
L’irréductibilité et la distinction entre
trouvent par
les deux mécanismes
ailleurs
la
leur
juridique des
différence du régime
délais de recours, notamment entre le
texte de l’article 49 et les législations
nationales. Par exemple : l’article 221,
alinéa 4, du code de procédure civile,
commerciale et administrative de Code
d’Ivoire abrège à 8 jours les délais de
recours en appel des ordonnances du
juge des référés, contre le délai de
recours de quinze jours édicté à l’article
49, alinéa 2, de
l’AUPSRVE. Pire, l’article
496 du code de procédure civile,
commerciale et sociale du Mali dispose :
« L’ordonnance de référé peut être
frappée d’appel. Le délai d’appel est de
24
dispositions
contraires ». Ce qui laisse à penser qu’en
droit
il existerait plusieurs
régimes juridiques des délais de recours
en matière de référé ; en plus de la
contrariété du second alinéa de l’article
496 avec les dispositions de l’article 49 !
Bien qu’il ait en commun avec
la
juridiction instituée par l’article 49 la
notion d’urgence, celle-ci ne saurait ni
être réductible au juge des référés, ni
relever de sa compétence exclusive.
Plusieurs motifs permettent de postuler
cette
irréductibilité et même une
les deux
absence d’identité entre
juridictions. L’article 49 ne vise pas
expressément le concept de référé. Il ne
interne,
heures,
sauf
mentionne pas non plus le caractère
provisoire des décisions ou mesures
sollicitées dans le cadre des actions
judiciaires pour « tout litige ou toute
demande » ; les mesures à ordonner
pouvant être provisoires ou non, tant en
matière
qu’en
matière de procédures conservatoires
engagées en cas d’urgence judiciaire.
d’exécution
forcée
sa
demeure
judiciaire
référés et
1.2.2.2 L’urgence judiciaire
« critère
le
L’urgence
traditionnel de l’intervention du juge
des
raison d’être
initiale
49 ».
Il s’agit d’une situation qui requiert une
intervention
tellement
prompte qu’une « partie est exposée à
un préjudice imminent, qui pourrait être
irréparable
50 ».
Concrètement, l’urgence suppose qu’un
retard dans la prescription de la mesure
judiciaire sollicitée serait préjudiciable
aux intérêts du créancier.
Si la notion d’urgence reste incertaine,
requiert pas moins un
elle n’en
caractère objectif ou factuel en raison de
la nature du litige né.
C’est le sens que donne le droit OHADA
à la même notion, à travers l’article 49,
en investissant le juge du contentieux de
l’exécution de
tout pouvoir, pour
connaître de « tout litige » ou de « toute
demande »,
en matière de voies
d’exécution dans la zone couverte par ce
droit.
L’intervention ou la compétence du JEX
de
l’OHADA n’est, cependant, pas
subordonnée à une procédure de référé,
45 Les articles 247 à 252-2 du Code de procédure
civile
.
46 Article 490 du Code de procédure civile.
47 Articles 221 à 230 du Code de procédure civile,
commerciale et administrative
.
48 Articles 182 à 185 du Code de procédure civile
et commerciale.
49 Jacques VUITTON et Xaxier VUITTON, Les référés
– Procédure civile – contentieux administratif –
Procédure pénale
, 2e éd., Paris, LexisNexis, Litec,
2006, p. 12.
50 Philippe BONFILS, cité par J. VUITTON et X.
V
UITTON, id.
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en la forme de référés ou comme en
matière de référés.
1.2.3 La juridiction présidentielle,
juge des procédures autres que le
référé civil
Les mécanismes visés en l’occurrence
sont généralement considérés comme
des procédures alternatives aux référés
civils. Ce sont les procédures « en la
forme des référés » ou « comme en
matière de référés » et la pratique de la
« passerelle ».
est
par
portée
1.2.3.1 Les procédures « en la forme
des référés » ou « comme en matière
de référés »
Ce sont des procédures qui, sans être de
vrais référés, n’en ont pas moins des
caractéristiques. Ainsi, selon
l’article
485, alinéa 1
er, du code de procédure
français, par exemple : « La
civile
demande
voie
d'assignation à une audience tenue à cet
effet au jour et heure habituels des
référés ».
Le second alinéa du même article
semble d’ailleurs établir la proximité de
ces procédures avec les référés : « Si,
néanmoins, le cas requiert célérité, le
juge des
référés peut permettre
d'assigner, à heure indiquée, même les
jours fériés ou chômés ».
Sont précisées les conditions exigées en
matière de référé, à savoir :
« jour et
heure habituels des
la
« célérité » « même les jours fériés ou
chômés ».
De plus, « (…) lorsqu’il est prévu que le
juge statue comme en matière de référé
ou en la forme des référés (…) le juge
exerce les pouvoirs dont dispose la
juridiction au fond et statue par une
ordonnance ayant l’autorité de la chose
jugée relativement aux contestations
qu’elle tranche
».
référés »,

le
la
le
de
reconnaît
en matière de
le sens à donner 51 à
les pouvoirs conférés à
juge saisi à
Parce qu’il autorise
la
exercer
juridiction au
législateur
fond,
français, à travers les procédures ainsi
assimilées aux référés – sans en être
totalement
donc
implicitement à ce juge le droit de ne
pas se limiter à des ordonnances de
(simples) mesures provisoires. C’est
peut-être
la
première partie de
l’alinéa 1
er de
l’article 49 de l’AUPRSVE lorsqu’il donne
pouvoir à « la juridiction compétente
pour statuer sur tout litige ou toute
voies
demande
»
d’exécution. L’emploi des adjectifs
« tout » et « toute » semble emporter
non seulement possibilité pour
les
juridiction
saisir
parties
compétente au principal ou non de tout
type de litiges en rapport avec les voies
d’exécution, mais aussi pouvoir pour
cette juridiction d’y répondre, y compris
en
mesures
conservatoires sur le fond, provisoires
ou non ; sans préjudice des voies de
recours y afférentes.
Mais, cela risque de se heurter aux
États
nationales
législations
membres de l’OHADA sur l’organisation
judiciaire ou juridictionnelle. Car, dans
la plupart de ces États,
les textes
applicables sont ceux de la période
coloniale et que consacre, tout en les
pérennisant, la
summa divisio juge du
fond pour le principal et juge des référés
pour des mesures provisoires. Sauf à
espérer que le droit OHADA daigne
clarifier la lettre et l’esprit de l’article 49
quant à la nature des mesures que la
juridiction compétente peut ordonner
en statuant sur « tout litige » ou « toute
législateurs
demande » et que
faire
nationaux acceptent sinon de
ordonnant
des
des
les
51 En termes d’interprétations possibles.
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du
juridictionnelle,
entorse au sacro-saint principe de la
souveraineté des États en matière de
législation sur l’organisation judiciaire
moins
ou
- à
d’envisager une harmonisation
défaut d’uniformisation – de
ces
législations avec l’AU. Sinon, le dispositif
consacré par l’article 49 pourrait être
extensible à souhait, y compris à des
procédures telles que la pratique dite de
la « passerelle ».
: « A
français
1.2.3.2 La pratique de la passerelle
Il s’agit d’une pratique
52 procédurale
l’article 811 du code de
tirée de
procédure civile
la
demande de l'une des parties et si
l'urgence le justifie, le président saisi en
référé peut renvoyer l'affaire à une
audience dont il fixe la date pour qu'il
soit statué au fond. Il veille à ce que le
défendeur dispose d'un temps suffisant
pour préparer sa défense. L'ordonnance
emporte saisine du tribunal. Il est
ensuite procédé comme il est dit à
l'article 790
53 et aux trois derniers
alinéas de l'article 792
54 ».
La passerelle dont il s’agit correspond
au lien entre la procédure de référé et la
procédure au fond, entre la « justice
52 Jean-Baptiste RACINE, « La technique de la
« passerelle » en droit privé », dans
Mélanges
Pierre Julien,
préc., note 43, p. 354 et suiv.
53
« Le défendeur est tenu de constituer avocat
avant la date de l'audience ».
54 « Le jour de l'audience, le président s'assure
qu'il s'est écoulé un temps suffisant depuis
l'assignation pour que la partie assignée ait pu
préparer sa défense. Si le défendeur a constitué
avocat, l'affaire est plaidée sur-le-champ en
l'état où elle se trouve, même en l'absence de
conclusions du défendeur ou sur simples
conclusions verbales. En cas de nécessité, le
président de la chambre peut user des pouvoirs
prévus à l'article 761 ou renvoyer l'affaire
devant le juge de la mise en état. Si le défendeur
n'a pas constitué avocat, il est procédé selon les
règles prévues à l'article 760 ».
du
les
parmi
seraient
provisoire et la justice définitive55 ». Elle
compte
nombreuses
déclinaisons de l’article 6 §1 de la
« convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme » qui édicte la
règle
raisonnable »,
« délai
notamment du procès civil. Sont ici visés
les référés dits « généraux
56 » et les
référés « spéciaux
57 » ; lesquels peuvent
donner
lieu à une ordonnance de
passerelle dans le but de faire gagner du
temps aux parties, notamment au
demandeur. Car, « quand bien même ces
référés
organisés
différemment, ils n’en constituent pas
moins l’expression de diverses facettes
des pouvoirs d’un même juge, auquel ils
sont conférés dans tous ces cas en
raison de ce qui fait sa spécialité :
rapidité et efficacité dans le respect de
la contradiction
58 ».
la
En revanche, étaient exclus de
technique de la passerelle les référés
considérés
jadis comme des « faux
référés », en ce que la juridiction saisie
statue non pas en référé, mais « en la
forme des référés » ou « comme en
matière de référés ». Toutefois, il semble
le
que même en droit français, ni
raisonnement, ni la solution ne soient
plus les mêmes sous l’empire du décret
n° 2011-1043 du 1
er septembre 2011
qui aligne ces « vrais-faux » référés sur
la procédure des référés de droit
Jean-Marie COULON, La
55 Rapport COULON,
dépénalisation de la vie des affaires, collection des
rapports officiels, la Documentation française, 2008.

56 C’est-à-dire ceux pour lesquels pouvoirs et
compétence sont conférés au président de la
juridiction saisie aux fins de prendre des
décisions provisoires. J. V
UITTON et X VUITTON,
préc., note 49, p. 1 et suiv.
57 Ils sont ainsi appelés parce qu’ils sont régis
par des textes spécifiques dans des domaines
restreints et expressément visés par les textes
instituant ces référés :
Id., p. 9, 65 et suiv.
58 Id., p. 65, n° 420.
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ne
déclare
constitue ou peut
commun. En conséquence, le juge saisi
de
l’un quelconque de ces référés
assimilés peut, à défaut de pouvoir
expressément conférer à ce juge en la
matière, ordonner un renvoi à une date
fixe devant le juge du fond.
Le juge des référés qui ordonne une
pas
se
passerelle
incompétent. Il relève ou soulève un
défaut de pouvoir.
Par
côtés, appliquée au
certains
dispositif de l’article 49, la pratique de la
en
passerelle
constituer une déclinaison, par
le
recours à l’urgence, à la rapidité, au
référé,
procédures
assimilées au référé, sous les réserves
évoquées plus haut. Par d’autres côtés,
les deux pratiques se démarquent l’une
de l’autre sur le bloc de compétences
dont
contentieux de
l’exécution en droit OHADA est pourvu
par l’article 49 qui en fait à la fois le juge
du fond et le juge des référés ou des
mesures provisoires, sans avoir à
renvoyer les parties devant un autre
juge du fond ; en fonction de ses propres
attributions
légales en matière de
contentieux civil de l’exécution
juge du
qu’aux
ainsi
le
2. Des attributions du juge du
contentieux de l’exécution
Les attributions et la quasi-omnipotence
du juge du contentieux de l’exécution
découlent des termes mêmes de l’article
49, alinéa 1
er, lequel, il faut le rappeler,
donne compétence à ce juge « pour
toute
statuer
demande »
voies
d’exécution.
Or, l’examen de la jurisprudence et de la
doctrine sur l’interprétation du même
article permet de montrer que
la
généralité des termes de l’alinéa précité
la
implique
est
juridiction
litige ou
en matière de
contentieux
considérer
tout
que
sur
du
de
pour
connaître
des
compétente
contestations de fond et de forme en la
matière.
Les
visées
ainsi
les voies d’exécution ;
concernent
lesquelles sont consubstantielles aux
titres exécutoires.
contestations
les
recours
décisions
juridictionnelle,
2.1 La compétence en matière de
contentieux des titres exécutoires
Les titres exécutoires dont il s’agit sont
énumérés à l’article 33 de l’AUPSRVE :
« Constituent des titres exécutoires :
1)
juridictionnelles
revêtues de la formule exécutoire et
celles qui sont exécutoires sur minute ;
2) les actes et décisions juridictionnelles
étrangers ainsi que
les sentences
arbitrales déclarés exécutoires par une
décision
non
susceptibles de
suspensif
d'exécution, de l'État dans lequel ce titre
est invoqué ;
3) les procès-verbaux de conciliation
signés par le juge et les parties ;
4) les actes notariés revêtus de la
formule exécutoire
59 ;
5)
loi
nationale de chaque État partie attache
les effets d'une décision judiciaire ».
Ces titres sont donc de cinq catégories. Il
ne
fier à
l’apparente énumération, qui laisserait à
penser que celle-ci serait limitative. Bien
au contraire. La formulation de l’article
33 ratisse large et la typologie des
illustrations est particulièrement dense ;
au gré des particularités des législations
nationales qui s’y rapportent. Par
exemple, l’article 194, alinéa 3, du code
des obligations civiles et commerciales
du Sénégal, dispose : « Dans les
cas
prévus par la Loi, les titres de perception
les décisions auxquelles
faut, cependant, pas se
la
59 TRHC Dakar (Sénégal), 07/03/2000, affaire
Consorts c. Crédit sénégalais.
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le
la
de
les
réalité
et
délivrés par l'autorité administrative
ont force exécutoire par eux-mêmes ».
Ainsi,
juge du contentieux de
l’exécutions a décidé - et y a été
approuvé par la Cour commune de
justice et d’arbitrage (CCJA)
60 - : être
compétent pour
contestations
la réalité du caractère
concernant
exécutoire d’un titre ; du caractère
authentique ou non d’un titre ; de la
réalité de la signification d’un titre
61 ; de
la caducité ou non d’un titre
62 ; de
des
l’appréciation
conditions
non
cumulatives
alternatives d’une créance
63 portée par
un titre : créance certaine, liquide et
exigible ; de la prescription ou non des
intérêts d’un prêt bancaire adossé à un
de
titre
fondement
juridique à une saisie-
attribution ; de l’absence de défaut de
titre exécutoire en cas d’ordonnance
d’injonction de payer qui n’a été ni
signifiée, ni accompagnée d’un certificat
de non-appel
64 ; que ne constitue pas un
titre exécutoire une décision d’une
indépendante
autorité administrative
telle
des
que
télécommunications de Côte d’Ivoire dès
lors que cette décision ne met pas fin au
contentieux et n’a pas un caractère
judiciaire ou juridictionnel
65 ; qu’une
exécutoire
conseil
ayant
servi
le
arrêt
plén.,
27/04/2015,
60 Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA),
07/06/2012, arrêt n
o 065/2012, (2012) 12
Recueil CCJA 171.
CCJA Ass.
61
no 045/2015.
62 TPI Abengourou (Côte d’Ivoire), 21/09/205 :
affaire
Fonds de garantie des coopératives café &
cacao
.
63 Rapport. CCJA ass. plén., 04/11/2014, arrêt no
115/2014.
64 TGI Mfoundi
jugement n
o 483.
65 CCJA, ch. 2e, 27/03/2008, arrêt no 099/2008 :
affaire
Société Côte d’Ivoire Telecom c. Société
Loteny Telecom
.
(Cameroun), 24/05/2000,
attestation de plumitif ne constitue pas
un titre exécutoire
66 ; qu’un jugement de
donner acte ne constitue pas un titre
exécutoire.
La compétence du même juge s’étend à
des situations que nous pouvons
qualifier d’avatars des voies d’exécution.
2.2 La compétence en matière de
voies d’exécution et de leurs avatars

Outre des domaines de compétence
d’attribution que l’on peut qualifier de
classiques en matière de procédures
civiles d’exécution, d’autres, sans être
spécifiques à ces dernières, sont si
communs à l’ensemble de la procédure
civile qu’il convient de s’interroger sur
les transformations qu’ils connaissent
ici au point d’en être de simples avatars
complémentaires ou non des premiers.
les
toutes
sont donc
2.2.1 La compétence en matière de
voies d’exécution
La règle est posée par l’alinéa 1er de
l’article 49 dont il ressort que le juge est
litiges ou des
compétent pour des
demandes « relatives à une mesure
d’exécution
forcée ou à une saisie
conservatoire
».
Ce
voies
d’exécution et toutes les contestations
de fond et de forme ainsi que tous les
incidents de saisie en la matière qui sont
à attaquer devant le juge OHADA du
contentieux de l’exécution.
Néanmoins, les pouvoirs apparemment
sans borne de ce juge connaissent des
zones inexplorées et inexplorables. C’est
ainsi, par exemple, qu’aux termes de
l’article 30 de l’AUPSRVE :
« L'exécution
les mesures
forcée et
conservatoires ne sont pas applicables
66 TPI Abengourou (Côte d’Ivoire), 14/06/2006,
ordonnance n
o 20.
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si
lieu
elles
situent
résultent
lesdites personnes
la mission, donnent
aux personnes qui bénéficient d'une
immunité d'exécution.
Toutefois, les dettes certaines, liquides
et exigibles des personnes morales de
entreprises
droit public ou des
publiques, quelles qu'en soient la forme
et
à
compensation avec les dettes également
certaines,
liquides et exigibles dont
quiconque sera tenu envers elles, sous
réserve de réciprocité.
Les dettes des personnes et entreprises
visées à l'alinéa précédent ne peuvent
être considérées comme certaines au
sens des dispositions du présent article
que
d'une
reconnaissance par elles de ces dettes
ou d'un
titre ayant un caractère
exécutoire sur le territoire de l'État où
se
et
entreprises. ».
Sont écartées du champ d’application de
l’exécution
forcée et des mesures
conservatoires et subséquemment des
pouvoirs du juge de l’exécution les
personnes bénéficiaires d’une immunité
d’exécution. Sont ainsi concernés l’État
et ses démembrements, notamment les
Plus
entreprises
généralement, le droit OHADA semble
législateurs
laisser
le cadre des
nationaux de définir
l’immunité
à
personnes
d’exécution.
C’est le cas des dispositions de l’article
194, alinéa 2, du code des obligations
civiles et commerciales du Sénégal : « Il
n'y a pas d'exécution forcée contre
l'État,
les
établissements publics et les sociétés
nationales ni
sociétés
contre
d'économie mixte dont l'objet exclusif
libre cours aux
les collectivités
publiques.
éligibles
locales,
les
est l'exploitation d'une concession de
service public
67 ».
Mais cet article s’applique sous réserve
du respect de la primauté du droit
OHADA, en cas de conflit de normes
(entre le droit OHADA et une disposition
nationale).
La CCJA a décidé, par un arrêt en date du
27 février 2014
68, que quels que soient
la forme juridique choisie pour son
exploitation et son objet social, toute
de
entreprise
l’immunité d’exécution pour peu que ses
statuts puissent permettre d’établir sa
qualité de personne morale de droit
public. Même lorsque ses statuts la
soumettent aux règles de gestion de
droit privé, une entreprise publique
n’en jouit pas moins de l’immunité
d’exécution ou, à tout le moins, d’un
sursis à exécution
69 . La CCJA a
bénéficie
publique
du
est
sans
public
secteur
préjudice
essentiellement
67 Sur la notion de personnes morales de droit
public, susceptibles de bénéficier de l’immunité
d’exécution, en droit camerounais, article 3, loi
n
o 99/016 du 22 décembre 1999, portant
« statut général des établissements publics et
des
et
entreprises
secteur public et
parapublic » : « (1) Le
constitué
parapublic
d'établissements publics administratifs, de
sociétés à capital public et de sociétés
d'économie mixte,
des
dispositions de l'article 1er alinéa (2) ci-dessus.
(2) Les établissements publics administratifs
sont
activités
exercent
conformément aux dispositions de la présente
loi et de leurs statuts. (3) Les sociétés à capital
public et les sociétés d'économie mixte sont
créées et exercent leurs activités conformément
aux lois, règlements et usages régissant les
sociétés
des
dispositions de la présente loi. ». Pour une
illustration
l’immunité
jurisprudentielle de
d’exécution :
TPI Bafoussam, 28 janvier 2004,
ord. de référé, Ohadata J-05-01.
68 Arrêt no 009/2014 ; CCJA, 04 novembre 2014,
arrêt n
o 105/2014.
69 CCJA, 13 mars 2014, arrêt no 0024/2014.
anonymes,
réserve
créés
leurs
sous
et
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d’exécution
également décidé que bénéficie de
l’immunité
un
établissement de crédit ayant le statut
de banque centrale. Il en est ainsi de la
Banque centrale des États d’Afrique de
l’Ouest
70.
En revanche, plusieurs exceptions au
principe de l’immunité d’exécution des
personnes morales de droit public sont
retenues par la jurisprudence OHADA.
Ce sont, notamment : la suspension du
bénéfice de son immunité d’exécution
par un débiteur personne morale de
droit public
71 ; la renonciation, par elle,
au moyen de stipulation contractuelle, à
l’immunité d’exécution
72 ;
le non-
respect du délai légal imparti à la
personne morale de droit public de
saisie-
justice une
contester
attribution dont elle est l’objet.
Tels sont la lettre et l’esprit des termes
du jugement rendu par le tribunal de
première
instance de Bouaké (Côte
d’Ivoire), le 23 juin 2005 : « Attendu que
l’action en contestation de l’INP-HB est
essentiellement fondée sur les articles
28 et 59 de la loi n°08-338 du 02 juillet
1998 ; Attendu que s’il n’est point
édicte
contesté
l’insaisissabilité des EPN, donc de l’INP-
HB qui a cette qualité, elle n’exclut pas le
respect strict par ces établissements des
délais de procédure ; Que ce texte
n’exonère pas l’INP-HB de l’observation
du délai d’un mois imparti par l’article
l’AU OHADA)
portant
170 73 (de
cette
que
loi
en
70 CCJA, 26 novembre 2015, arrêt no 149/2015.
71 CCJA, 18 avril 2013, arrêt no 022/2013.
72 A contrario : CCJA, assemblée plénière, 11
novembre 2014, arrêt n
o 136/2014.
73 « À peine d'irrecevabilité, les contestations
sont portées, devant la juridiction compétente,
par voie d'assignation, dans le délai d'un mois à
compter de la dénonciation de la saisie au
débiteur. Le tiers saisi est appelé à l'instance de
contestation. Le débiteur saisi qui n'aurait pas
élevé de contestation dans le délai prescrit peut
nationales
juridictions
organisation des procédures simplifiées
de recouvrement et voies d’exécution
pour contester une saisie attribution de
créance dès lors que cela lui a été
régulièrement notifiée ; Qu’en l’espèce,
ce délai étant expiré, il y a lieu de
déclarer l’INP-HB irrecevable en son
action
74 ».
Il semble y avoir une apparente
divergence de vues
75 entre la CCJA et
des
sur
l’interprétation de l’alinéa 2 de l’article
30 précité. Car, nonobstant la clarté des
dispositions de cet alinéa,
la cour
d’appel de Dakar a décidé, par arrêt du
13 avril 2012, que : « s’il est possible
d’opposer
aux
personnes morales de droit public
conformément aux dispositions de
l’article 30, alinéa 2, de (l’AUPSRVE), le
principe selon lequel il ne peut y avoir
forcée et de mesure
d’exécution
conservatoire contre les personnes qui
bénéficient de l’immunité d’exécution
subsiste s’il s’agit (…) de mettre en
œuvre la compensation par le biais
d’une saisie-attribution de créance,
mesure
par
excellence (…) en vertu de l’article 194
du code des obligations civiles et
l’État du Sénégal
commerciales (…)
bénéficie
immunité
d’exécution
76 ».
compensation
d’exécution
forcée
d’une
la
agir en répétition de l’indu devant la juridiction
du fond compétente selon les règles applicables
à cette action ».
74 Jugement no 105/2005 du 23/06/2005.
75 Rapport Ndiaw. DIOUF, obs. ss article 30, in
Juriscope, 2016. Selon
fine, Code OHADA,
l’auteur : « Malgré la jurisprudence de la
CCJA,
les
juridictions nationales continuent à se
référer à la loi nationale en ce qui concerne la
liste des personnes
détermination de
bénéficiaires de l’immunité d’exécution
».
76 Arrêt no 138, rapporté par le professeur N.
D
IOUF, préc., note 75.
la
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le
des
dites
saisie-vente,
voies
et
l’exécution forcée,
d’exécution
S’agissant
proprement
leurs
de
contentieux respectifs, sont concernées
toutes les saisies conservatoires des
biens meubles corporels et incorporels
y compris la conversion de ces mesures
conservatoires
en
en
saisies-attributions.
Pour
juge du
contentieux peut être saisi de toutes les
contestations et tous les incidents en
matière de saisie-vente ; de saisie-
attribution des créances ; de saisie et
cession des rémunérations, de saisie-
appréhension et de saisie-revendication
des biens meubles corporels, des droits
d’associés et des valeurs mobilières ; de
saisie immobilière.
saisie
la
Concernant précisément
immobilière,
contentieux porte
généralement sur : les incidents nés de
la pluralité de saisies ; les demandes en
distraction ;
folle enchère mais
également sur leurs avatars respectifs.

la
le
comminatoires
2.2.2 Des avatars des compétences du
juge du contentieux de l’exécution
Il s’agit de mesures comminatoires, des
frais et débours, ainsi que des délais de
grâce.
Les mesures
sont
notamment des astreintes que le juge du
peut
contentieux
l’exécution
de
prononcer à
l’encontre du débiteur
récalcitrant. C’est le juge ayant prononcé
l’astreinte qui peut procéder à sa
liquidation.
Les frais sont ceux qui se rapportent au
coût
diligences
par
accomplies dans le cadre d’une voie
d’exécution. C’est également le juge du
contentieux de l’exécution qui peut en
le créancier et plus
être saisi par
toute personne
généralement par
intéressée.
généré
les
être
également
Le juge du contentieux de l’exécution
peut
saisi d’une
demande d’octroi de délai de grâce au
profit du débiteur saisi.
Le principe des délais de grâce ou de
l’échelonnement du paiement des dettes
échues et dues est posé par l’article 39
77
de l’AUPSRPVE.
Toutefois, cet article est assorti de
plusieurs
conditions nécessaires à
l’octroi d’un échéancier au profit du
débiteur qui en fait la demande.
Ce sont, notamment : la prise en compte
de la situation du débiteur défaillant ; la
prise en compte des besoins du
créancier poursuivant ou saisissant ; la
preuve à fournir par le débiteur d’actes
de nature à rassurer le créancier sur le
la dette ; une
paiement effectif de
possible imputation prioritaire sur le
capital, avant les intérêts capitalisés ou
non ; le délai de grâce est plafonné à un
an.
Sont
d’un
du
échéancier pour le débiteur : les dettes
d’aliments en raison de leur caractère
vital pour le créancier ou la créancière ;
les dettes cambiaires, en raison de
l’importance des effets de commerce
dans
affaires
(notamment en OHADA), puisque ce
sont des instruments de crédit et donc
de confiance ; et aussi en raison du
domaine
bénéfice
exclues
des
le
77 L’article 39 dispose que « Le débiteur ne peut
forcer le créancier à recevoir en partie le
paiement d'une dette, même divisible. Toutefois,
compte tenu de la situation du débiteur et en
considération des besoins du créancier,
la
juridiction compétente peut, sauf pour les dettes
d'aliments et les dettes cambiaires, reporter ou
échelonner le paiement des sommes dues dans
la limite d'une année. Elle peut également
décider que les paiements s'imputeront d'abord
sur le capital. Elle peut en outre subordonner
ces mesures à
le
débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir
le paiement de la dette. »
l'accomplissement, par
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consolidation du titre exécutoire et le
paiement de
sa créance ou par
l’obtention d’une autorisation judiciaire
à finalité comminatoire - si ce n’est pire
- en vue du paiement recherché. Au
second,
le même contentieux peut
conférer une ultime occasion sinon
d’échapper purement et simplement à la
vindicte du créancier, en évoquant la
défectuosité du titre exécutoire ou des
difficultés financières mettant à néant
les capacités contributives du débiteur,
du moins en s’opposant à une exécution
forcée immédiate.
Néanmoins, l’étude de ce contentieux
reste dominée par la question majeure
de l’identification du juge qui en a la
charge.
juridiction
Institué
juge (unique), ne
présidentielle, ce
correspond pas nécessairement
à
l’organisation
interne
aux États membres de l’OHADA. Il n’en
demeure pas moins que la primauté du
droit OHADA peut être de nature à
favoriser une gestion optimale des
procédures civiles d’exécution, pour un
meilleur commerce juridique au sein de
l’espace concerné. C’est en cela que le
dispositif adopté par les États membres
de l’OHADA à l’article 49 de l’AUPSRVE
semble être un puissant maillon de la
chaîne d’union en constitution pour un
de
véritable
l’exécution ».

juridictionnelle
mondial
« Code
en
de
l’indépendance
des
principe
signatures ; ce qui implique la solidarité
passive des signataires qui peuvent être
mis à contribution pour le règlement de
la dette cambiaire.
À l’instar des autres dispositions du
droit originaire
78 et du droit dérivé79 de
l’article 39 a une valeur
l’OHADA,
juridique supérieure à celle des lois et
règlements internes des États membres.
Aux termes de son avis rendu en date du
13 octobre 1999, la CCJA a rappelé que
« L’article 10 du traité (…) ayant affirmé
la force obligatoire des actes uniformes
et leur supériorité sur les dispositions
du droit interne des États partie et les
articles 336 et 337 de (l’AUPSRVE)
ayant
toute possibilité de
dérogation audit acte uniforme dans les
matières qu’il concerne, il s’en suit que
l’article 16 du projet de loi malien qui
déroge à l’article 39 de l’Acte uniforme
en ce qu’il édicte des conditions
nouvelles, impératives et restrictives
pour le bénéfice par le débiteur du délai
de grâce, est contraire et incompatible
avec l’article 39 précité
80 ».
exclu
innovant
Conclusion
L
’institution du juge du contentieux de
l’exécution constitue, assurément, un
dispositif
le
lequel
par
créé un
« législateur » OHADA a
véritable bloc de compétences au profit
d’un juge unique.
Ce contentieux tient compte des droits
et obligations bien compris du créancier
poursuivant et du débiteur poursuivi.
Au premier, le contentieux des voies
une
d’exécution
la
optimisation
peut
des
garantir
droits
par
78 Traité constitutif de l’OHADA.
79 Notamment les AU, ainsi que la jurisprudence
de la
CCJA.
80 Avis CCJA no 002/99/EP, 13/10/1999, OHADA
J-02002.
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