s’engageant dans une marche de plusieurs kilomètres les menant
de l’hôpital où fut soigné la victime à l’ambassade de Côte d’Ivoire.
Un rassemblement devant le théâtre municipal s’ensuivit ainsi que
des déclarations des représentants d’associations communautaires.
La communauté tunisienne de Côte d’Ivoire, par la voix de
la Présidente de l’Association des Tunisiens en Côte d’Ivoire
(aTunCI), appela quant à elle, dans un communiqué publié à
Abidjan, « les autorités tunisiennes à renforcer les mécanismes de
protection des étrangers, notamment d’Afrique subsaharienne,
en Tunisie et à leur faciliter le recours à la loi en cas de
discrimination ou de comportement raciste à leur endroit »37. Cette
manifestation sera la première d’une série de démonstrations
publiques témoignant du malaise et du besoin de protection d’une
communauté subsaharienne qui apparaît invisible tant les données
disponibles à son égard sont lacunaires et occultent une réalité
faite de clandestinité et de précarité non mesurée dans un contexte
global où la question migratoire est le levier d’Archimède de la
diplomatie méditerranéenne. Le questionnement porté dans cet
article était dès lors clair : décrire les mécanismes de protection
et l’infrastructure existants pour des populations de migrants
subsahariens sans existence officielle, en en définissant les rouages
et comprendre la politique migratoire aux sources d’une telle
situation en la situant dans son contexte régional d’intégration. Le
lien au territoire étant essentiel à révéler, une réflexion a été opérée
sur le lien entretenu entres ces populations vulnérables et leurs
quartiers d’élection.
Les communes de la banlieue Nord de Tunis (Raoued, La Soukra et
Bhar Lazrag) présentent la singularité d’accueillir une importante
communauté de migrants subsahariens dont on sait peu de choses.
À l’absence de statut juridique – le terme migrant n’étant jamais
utilisé – de données officielles et des statistiques relatives à la
population s’ajoute la fragmentation extrême des données détenues
par les organisations de la société civile et les organisations
humanitaires travaillant avec les migrants, réfugiés et demandeurs
d’asile rendant cette population invisible, car impossible à évaluer.
L’absence d’instance publique chargée de la discrimination raciale est à déplorer.
37 Communiqué publié dans le site en ligne Leaders : https://www.leaders.com.tn/
article/26217-meurtre-de-falikou-coulibaly-les-tunisiens-de-cote-d-ivoire-indignes-
solidaires-et-refusent-tout-amalgame
83
Une analyse de l’infrastructure de protection existante ainsi que
des principaux acteurs nationaux, internationaux et associatifs qui
participent aux activités de protection, a été développée afin de
déterminer les champs d’actions couverts et de révéler l’étendue
de l’architecture de protection existante et les différents types de
protection disponibles pour les victimes de torture et violences
assimilées ainsi que leur accès aux services primaires (santé et
éducation principalement). Cette analyse a été attentive à la
façon dont les victimes perçoivent l’action de l’État, ainsi que la
place qu’elle leur accorde dans leur récit de vie et leurs besoins
en matière de protection sans nous cantonner aux seuls cadres
juridiques et organisationnels. Enfin, la politique migratoire
tunisienne a été questionnée au regard des textes l’encadrant et
de leur mise en pratique dans un cadre régional largement dominé
par les préoccupations migratoires des pays du sud de l’Europe,
portées en puissance par l’Union européenne et formalisées dans
ses politiques d’externalisation des frontières.
Pour ce faire, la recherche a privilégié la méthode qualitative en
recourant à des entretiens semi-directifs et des groupes focaux
avec des acteurs impliqués dans la protection des victimes de
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants, et des membres de la population vulnérable (Veron
2020). Ainsi, douze entretiens individuels et un groupe focal ont
été menés avec des représentants d’administrations nationales,
d’ONG humanitaires et d’OIG répondant aux besoins des
migrants, un entretien
individuel avec un représentant
communal du territoire étudié, trois entretiens et deux groupes
focaux avec des migrants, un groupe focal avec les jeunes
hommes migrants adultes au chômage et un groupe focal avec
des jeunes migrants hommes adultes poursuivant leurs études
et ayant un emploi.
2. La protection par le haut. Réalités et limites de l’infrastructure
humanitaire
Les migrants n’ont pas d’existence en Tunisie. Ne perdez pas
votre temps à chercher ce terme dans l’arsenal juridique du pays.
Vous ne le trouverez pas. La législation tunisienne assimile en
84
effet les migrants à des étrangers dont les conditions d’entrée sur
le territoire, de séjour, de travail et d’accès à la sécurité sociale,
sont réglementées. Si le travailleur étranger bénéficiant des mêmes
droits que le travailleur tunisien, c’est en tant que résident régulier
sur le territoire tunisien, entré légalement sur le territoire et muni
d’un contrat de travail lui ayant permis l’obtention d’un titre de
séjour en Tunisie (Ben Cheikh F. & Chékir H., 2008). Pourtant, la
république tunisienne dispose d’une Stratégie nationale migratoire
(SNM), développée par le ministère des Affaires sociales, fruit d’un
long processus de réflexions et de concertations entamé en 2012 et
qui a été achevée en 2015. Le texte a été révisé depuis par deux fois,
en 2015 et en 2017, pour aboutir à un résultat des plus modestes.
Composée d’une dizaine de pages, la stratégie ne consacre qu’une
seule de ses sections, sous le numéro 4.7., à la protection des droits
des migrants, y compris les demandeurs d’asile, et des réfugiés
en Tunisie. Se contentant de généralités, telle la reconnaissance
et la garantie de la « protection des droits des immigrés, quel que
soit leur statut et leur situation », le document mentionne qu’une
attention particulière sera apportée « à la protection des migrants
les plus vulnérables, au travers notamment d’une approche sensible
aux questions de genre, ainsi qu’au travail informel des immigrés »
en renvoyant à l’article 26 de la constitution de 2014 qui reconnaît
le droit d’asile politique (OTE 2017).
Pourtant, dix années ont passé depuis la chute du régime de Zine
al Abidine Ben Ali, Président de la République tunisienne du 7
novembre 1987 au 14 janvier 2014. En ces dix années, la Tunisie
a connu trois élections législatives porteuses de rares évolutions
institutionnelles38 qui n’ont touché qu’indirectement la population qui
nous intéresse dans cet article. Dans un contexte post-révolutionnaire
marqué par des bouleversements sociopolitiques majeurs, le déclin
de la capacité de l’État à assurer la sécurité de tous les citoyens
(Clingedael, 2015) s’est accompagné d’une défiance accrue de la
population envers les services de sécurité (Zogby J., 2018, p.10).
38 Le parlement a failli à sa mission de constitution de la Cour constitutionnelle dont
la mise en place devait être effective en 2015 et a de même échoué à constituer les
autres autorités créées par la constitution, comme l’Instance des droits de l’homme et
l’Instance de la bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. La décennie de
transition démocratique reste essentiellement marquée par les travaux de l’Instance
Vérité et Dignité, mandatée en vertu par la loi sur la justice transitionnelle de 2013
pour enquêter et communiquer sur les violations des droits humains qui ont été com-
mises en Tunisie entre 1955 et 2013.
85
Cette situation a engendré une réticence de la part des citoyens et
des agents de sécurité à collaborer sur des questions sécuritaires qui
se sont ajoutées à la difficulté d’instaurer une gouvernance basée sur
la transparence et la redevabilité (Kimball S. 2019). Ce phénomène
est particulièrement visible dans les quartiers défavorisés de Tunis.
Ainsi, l’enquête sociologique menée dans les quartiers suburbains
d’Ettadhamen et de Douar Hicher (Lamloum O. & Ben Zina M.A.,
2015) a souligné l’imbrication de la stigmatisation et de l’exclusion
qui s’ajoutent à la violence, dans un contexte où la relation avec les
institutions publiques est problématique, ainsi que le rôle ambigu
du quartier en matière de construction de l’identité à la fois prison
et refuge des populations masculines marginalisées.
Parmi les réalisations de la décennie de transition démocratique,
et des instruments globaux (Anders G. & Zenker O., 2014 ;
Ticktin M., 2006 ; El-Issawi F., 2012 ; McCarthy R., 2019) de sa
mise en œuvre, les travaux de l’Instance Vérité et Dignité (IVD),
mandatée en vertu de la loi sur la justice transitionnelle de 2013
pour enquêter et communiquer sur les violations des droits humains
qui ont été commises en Tunisie entre 1955 et 2013, occupent
une place toute particulière. La publication au Journal officiel de
la République tunisienne (JORT) le 24 juin 2020 de son rapport
final, contenant des recommandations visant à empêcher un retour
de l’État répressif, et comprenant notamment la préservation de la
mémoire, la réconciliation et les réformes institutionnelles peut être
interprétée comme un engagement à ne pas varier de la voie tracée
en la matière. Bien que la loi impose au gouvernement la préparation
d’un plan d’action pour la mise en œuvre de ces recommandations
dans un délai d’un an à compter de la publication du rapport final, la
commission sur la réforme des institutions de l’État et la lutte contre
le terrorisme n’y a pas donné satisfaction à ce jour.
En matière de lutte contre les violences faites aux femmes39, l’action
de l’État s’est distinguée par l’extension des horaires de travail de
39 La loi de 2018 sur la violence contre les femmes répond en bonne partie aux stan-
dards internationaux et punit l’inceste, le harcèlement sexuel des femmes en public
et la discrimination fondée sur le genre. Fondé sur la dissuasion, le dispositif légal re-
pose sur des lois sanctionnent les agressions commises par le conjoint ou un membre
de la famille par des peines deux fois plus lourdes que celles infligées à un agresseur
tiers. En cas de violences familiales, la loi autorise les femmes à demander une ordon-
nance de protection contre leurs agresseurs sans pour autant devoir constituer un
dossier pénal ou déposer une requête de divorce.
86
la ligne d’écoute psychologique gratuite pour les femmes victimes
de violences ainsi que par l’inauguration d’un nouveau refuge
destiné à accueillir les femmes victimes de violences domestiques.
Au total, cinq centres fournissaient des services d’assistance aux
femmes victimes de violence, dont celui géré par le ministère, les
quatre autres étant gérés par des organisations de la société civile.
Vingt centres répartis sur tout le territoire fournissent assistance
et prise en charge aux femmes victimes de viols40 et viennent
s’ajouter aux cinq centres susmentionnés. Les femmes migrantes y
ont accès, mais sans faire l’objet d’une prise en charge spécifique,
eu égard à leur statut, et sans que l’existence du service leur ait été
communiquée.
Chargées d’instruire les affaires de violations des droits de l’Homme
portées devant elles par l’IVD dans le cadre du processus de justice
transitionnelle, les cours pénales spéciales (CPS) ont examiné
38 affaires en tout et organisé 108 audiences. La lenteur des
audiences, le déficit d’attention médiatique accordée au travail des
CPS en matière de poursuites des affaires de violations flagrantes
des droits de l’Homme se sont ajouté aux difficultés enregistrées
en matière de coopération avec différents organes de l’État.
Pour répondre à l’absence du droit d’asile et du statut de réfugié,
un projet de loi portant établissement d’un mécanisme national
de protection au bénéfice des réfugiés et des demandeurs d’asile
a été ébauché en 2014 avec le concours de l’UNHCR (le Haut-
Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) et l’appui
financier de l’Union européenne. L’Adoption d’une nouvelle
Constitution, en 2014, a entraîné l’amélioration de l’ébauche en
question du fait des dispositions favorables aux bénéficiaires
relevées par des organisations de la société civile, des militants
des droits de l’Homme et l’UNHCR. La nouvelle version a ainsi
été présentée au Parlement en 2018 sur initiative du Ministère
de la Justice et était accompagnée de la proposition de création
d’un nouveau corps constitué, l’Institut national de protection
des réfugiés (Bisiaux S-A., 2020, p.38) dont les missions auraient
englobé l’octroi du statut de réfugié et veillé à ce qu’ils puissent
40 L’appareil judiciaire s’est montré plus sévère que par le passé en matière de viol.
Ainsi, le tribunal de première instance de Tunis a condamné cinq individus à la réclu-
sion à perpétuité pour le viol en réunion d’une femme de 27 ans. L’exemplarité de la
sanction traduit la prise en compte de la gravité du crime.
87
accéder à l’éducation, aux soins de santé et au marché du travail
(Ben Achour I., 2018). La ratification ne vit jamais le jour, en
conséquence de quoi la législation ne prévoit pas l’octroi du droit
d’asile ni du statut de réfugié qui restent tous deux du ressort de
la représentation locale du HCR. L’agence onusienne est de ce
fait l’unique entité immatriculant les réfugiés ce qui leur permet
d’accéder aux soins de santé de base et à l’enseignement public.
L’épineuse question de la torture sera confiée par portions à des
instances créées dans le cadre de la transition démocratique (Teitel
R., 2003) dont l’action sera complétée par des associations locales
des sections nationales d’organisations internationales.
En amont, les décisions prises en la matière augurent une prise en
charge fragmentaire et une dispersion des efforts et des victimes.
La multiplication des acteurs chargés de compenser l’absence d’une
architecture globale de la protection ne pouvait qu’engendrer des
difficultés de coordination que les lettres de liaison, unifiées au
sein de certaines structures liées par des partenariats, permettent
de compenser en partie reste qu’il aurait été préférable, comme
le remarque l’administratrice d’une organisation de soutien aux
victimes de violences, d’offrir une prise en charge multidisciplinaire,
homogène et unifiée couvrant l’ensemble des aspects en amont :
« J’ai essayé d’inculquer la culture des mécanismes de suivi à
travers la mise en place de commissions restreintes, comprenant
les différents volets et les structures qui en assurent la charge et
le suivi. Ce genre de commission est à mettre en place et nous
n’avons pas de date effective à ce jour ». Pour les migrants, un
fort sentiment de déstabilisation voire, pour reprendre les propres
termes employés par un employé à l’Organisation internationale
pour les Migrations (OIM), de ballottage, prime : « les migrants
se retrouvent ballottés comme dans une partie de ping-pong entre
l’OIM et l’UNHCR ».
De fait, la principale réalisation de la décennie réside en la création
de deux instances41 chargées de la protection et prenant en charge,
41 Le Parlement a de même échoué à constituer les autres autorités créées par la constitu-
tion, comme l’Instance des droits de l’homme et l’Instance de la bonne gouvernance et de
lutte contre la corruption. En termes de protection, les rares réalisations de la décennie de
transition démocratique comprennent les travaux de l’Instance Vérité et Dignité, manda-
tée en vertu par la loi sur la justice transitionnelle de 2013 pour enquêter et communiquer
sur les violations des droits humains qui ont été commises en Tunisie entre 1955 et 2013.
88
par défaut, les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile. Pièce
maîtresse de la lutte contre la traite, l’Instance nationale de lutte
contre la traite des personnes (INLPT), a été créée en vertu de la
loi organique n°2016-61 du 3 août 2016 relative à la prévention
et la lutte contre la traite des personnes. Opérationnelle depuis
février 2017, elle se distingue par sa conception et sa mise en
œuvre d’un mécanisme complet de protection et s’est consacrée
au développement d’une stratégie nationale de prévention et de
lutte contre la traite ainsi qu’à de la mise en place de mécanismes
coordonnés d’identification, de prise en charge et de protection des
victimes, de réduction de la demande et aussi de poursuite judiciaire
des auteurs. L‘instance a produit la première stratégie nationale de
lutte contre la traite des personnes en Tunisie, quinquennale, en
2018. Seule structure à disposer d’un mécanisme de protection,
elle jouera de fait un rôle central dans la nationalisation dudit
mécanisme et dans sa standardisation, afin qu’il soit adopté par les
autres structures chargées de la protection.
Cette importance est toutefois sérieusement limitée par la faiblesse
des ressources humaines et financières qui pèse lourdement sur
les activités de l’instance. Dans ses choix opérationnels, l’instance
a misé sur la formation des avocats et des magistrats au détriment
de l’accès aux bénéficiaires, mais en assurant ainsi une protection
en amont des victimes présumées qui ont dès lors accès à une «
protection à tous les niveaux : protection sociale, protection
médicale, protection judiciaire, réintégration sociale » selon une
magistrate employée à l’instance.
Consciente du défaut de coordination existant entre les différents
acteurs impliqués, l’instance veille à l’améliorer. Elle a mis en place
des indicateurs d’identification et de détection des victimes, partant
du principe que « détection vaut protection ». Un cadre commun
de travail est développé sous forme de fiches de liaison utilisées
par tous les intervenants et traduisant de manière effective cette
quête de standardisation portée par l’instance. Toujours selon
cette même magistrate, l’instance, dans un souci d’efficacité en
matière de prise en charge et de protection des victimes, a veillé à
consolider les aspects relatifs à l’identification en couplant la chaîne
de prise en charge à une filière d’identification allant des officiers
de police judiciaire à la douane et comprenant les délégués de la
89
protection de l’enfant, les inspecteurs de travail, la police ainsi que
les magistrats.
De par ses statuts, l’instance a les capacités de mobiliser les
institutions de l’État et de les mettre à contribution ce qui est le cas
pour les ministères des Affaires sociales et de la Santé.
La prise en charge des victimes comprend un volet informatif
qui consiste, d’après un membre de l’instance, « à renseigner les
bénéficiaires […] pour les aider à régulariser leur situation et
obtenir l’indemnisation appropriée des préjudices subis » qui
est prolongé par l’assistance apportée au suivi de leurs dossiers
auprès des autorités publiques, en coordination et en collaboration
avec les institutions de l’État, la société civile et les partenaires
internationaux. Un conseil consultatif composé des migrants
a été institué afin d’officier comme relais pour transmettre les
préoccupations des migrants à l’instance et pour intégrer les
migrants au mécanisme de prise de décision.
Créée en vertu de la loi organique n°43 en date du 23 octobre
2013, l’Instance nationale pour la prévention de la torture (INPT),
est investie d’une triple mission : opérative d’un côté, elle consiste
en la surveillance des lieux de privation de liberté, à travers
l’organisation de visites aux centres d’arrêt et de détention ; morale
d’un autre via la diffusion d’une culture de lutte contre la torture,
la collecte des données et de protection via l’accueil des plaignants
et le recueil de leurs témoignages. Elle ne sera opérationnelle
qu’après l’élection par l’Assemblée des représentants du peuple
(ARP), les 29 et 30 mars 2016, des seize membres appelés à y
siéger. Les prérogatives dont elle jouit lui permettent de constater
les conditions réelles de détention, d’avoir accès aux dossiers
des détenus et de s’entretenir avec eux individuellement et en
toute confidentialité, en les préservant de représailles. Toutefois,
l’instance n’a toutefois pas le pouvoir juridique d’exiger le rapport
des faits ni l’audition du directeur de la prison ou de ses gardiens,
ainsi que nous le révèle un membre de la commission investigation
de l’instance.
Dans son architecture organisationnelle apparaît un manque de
coordination de ses commissions qui semble refléter la pratique
de deux métiers différents ; l’une, légaliste, est dominante au
90
sein de la commission d’investigation, tenue par des juristes ; la
seconde, sociale, est attentive à l’expérience du vécu et domine au
sein de la commission chargée des groupes vulnérables (minorités,
femmes, migrants et enfants). Le pragmatisme des juristes semble
l’emporter sur la perception de la violence subie par les victimes,
de même que l’absence d’intérêt pour la vie civile du plaignant. La
définition de la torture au niveau national implique que celle-ci
doit avoir pour objet l’obtention d’aveux. De facto, lorsqu’il n’est
pas démontré que ce fut le cas, la torture n’est pas reconnue et on
parle simplement de « violences ». Les conventions internationales
font quant à elles référence au « mobile » consistant en « obtention
d’aveux et de renseignements » élargissant ainsi la marge de
manœuvre des magistrats, mais conservant la limitation du
mobile qui s’oppose à une réalité de vécu bien différente. Or entre
« torture », « violences » et « mauvais traitements », les peines
encourues varient de manière importante et la reconnaissance de
la souffrance de la victime aussi. En Tunisie, aucun cas de torture
commis sur le territoire national à l’encontre de migrants n’a été
enregistré à ce jour.
Au défaut de « vision globale collective », s’ajoute l’absence d’un
mécanisme systématique de suivi des recommandations émises
dans les rapports de visite des centres de détention. En matière
de collecte d’informations, l’instance a une démarche passive,
fondée en partie sur les signalements effectués auprès d’elle via
les réseaux sociaux notamment - la page Facebook est privilégiée
- et les appels qui arrivent du standard téléphonique de l’instance.
Différents organes de l’État, d’autres instances nationales ainsi
que des acteurs de la société civile, des avocat(e)s peuvent être
les auteurs de ces signalements. Leur réception entraîne de facto
le déclenchement d’une première phase d’investigation consistant
en la création d’un dossier relatif à l’infraction. Un membre de la
commission d’investigation de l’instance précise que l’action sera
menée en priorité « où le nombre d’infractions est élevé ».
Autour de ces deux
instances gravite une constellation
d’organisations de nature diverses (internationales, organisations
non-gouvernementales internationales avec ou sans section locale,
agences onusiennes, associations locales,) traitant à un degré
ou à un autre de la torture et des populations de migrants. Afin
91
d’éviter une énumération fastidieuse, nous nous contenterons
d’en mentionner les principales incarnant différentes réponses
apportées en termes de protection et incluant les migrants parmi
les bénéficiaires.
Association de fait, fondée en 2003 par un groupe d’avocats
désireux de soutenir les victimes de torture dans les tribunaux et les
aider à porter plainte contre leurs bourreaux en faisant connaître
leur situation aux organisations et associations internationales,
l’Organisation contre la Torture Tunisie (OCTT) n’accédera au
statut légal d’association à la faveur des événements politiques
de 2011. Association à but non lucratif, l’accès à la légalité lui
permet de définir des tâches plus amples et plus ambitieuses en se
donnant pour objectif moral d’organiser et de soutenir toute action
entreprise en vue de lutter contre la torture et l’impunité, comme
objectif de protection de documenter et suivre des cas de torture,
ainsi que de porter assistance aux victimes de torture et opératif, de
monitoring des lieux de détention en plus de diffusion de la culture
des droits de l’Homme et de mener des actions de sensibilisation
et de plaidoyer en vue de réformer les lois et institutions. Selon
l’enquêté n°5, cette mise en protection était limitée, sous le joug
de Ben Ali, « à la protection juridique. Nous avions à nos côtés
des médecins bénévoles également qui prenaient en charge les
victimes sur le plan psychologique et médical. Les victimes étaient
principalement constituées de détenus politiques ».
Le passage de la clandestinité à la légalité ne semble pas s’être
accompagné de la stabilité financière nécessaire à la mise en
œuvre continue d’un programme de protection. Cette situation
a des conséquences sur les capacités de suivi des dossiers en
cours de l’association et d’entretien de sa base de données. La
démarche, essentiellement judiciaire, de cette association, fondée
par des avocats et des juristes, n’autorise qu’une faible latitude en
matière de protection, consistant essentiellement en orientation
des victimes, notamment en matière d’hébergement, et de prise
en charge de certaines affaires. Ne pouvant accéder aux lieux de
détention, l’OCTT voit sa mission d’assistance judiciaire réduite
depuis trois années environ du fait du traitement croissant des
plaintes par l’INPT et la LTDH. Le nombre de cas signalés, qui
variait de 250 à 300 par an selon un membre du comité supérieur
92
des droits de l’Homme enregistre une baisse significative et
continue depuis trois ans.
Inauguré officiellement le 05 décembre 2014, lors d’une cérémonie
d’ouverture marquée par la signature d’un Protocole d’Entente
avec le Ministère de la Santé, l’Institut Nebras, opère depuis
janvier 2015. Association fondée selon le décret-loi 88-2011,
elle a pour objectifs opérationnels de renforcer les capacités des
professionnels de la santé dans la prise en charge des séquelles
physiques et psychologiques de la torture, de développer la
recherche dans le domaine de la prise en charge en psychothérapie et
en physiothérapie des survivants de psycho traumatisme extrêmes,
de sensibiliser les survivants de la torture, les professionnels et
l’opinion publique sur l’importance de la réhabilitation, de plaider
auprès des instances publiques pour le soutien à la réhabilitation
et de lutter contre la pratique de la torture et les formes de mauvais
traitement.
Fonctionnant selon le principe du « consentement éclairé »,
décrit par un membre du directoire, comme étant le fait que « la
victime vient de son propre gré, nous n’allons pas vers eux sauf
sollicitation des institutions de l’État (délégué à la protection
de l’enfance par exemple) », l’institut accorde une attention
particulière au référencement des bénéficiaires. Celui-ci a lieu
après un premier entretien avec un(e) psychologue. S’ensuit la
production d’une lettre de liaison pour laquelle ce même membre
précise, qu’elle « varie selon les instances et n’est pas standardisée.
Certaines utilisent la nôtre, d’autres fonctionnent avec leur propre
modèle ». Les migrants y font l’objet d’un traitement spécifique
d’harmonisation de la lettre de liaison les concernant entre
partenaires du monde humanitaire assorti d’un outil de suivi
(monitoring), afin de déterminer les intervenants impliqués, le stade
d’implication ainsi que leur degré de contribution.
L’Observatoire National de la violence à l’égard des femmes est
créé par l’article 40 de la loi organique n° 2017-58 du 11 août
2017 relative à l’élimination de la violence contre la femme, soit
deux jours à peine avant l’annonce de la création sur initiative du
Président de la République Béji Caïd Essebsi de la Commission des
libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) à laquelle a été confiée
la rédaction d’un rapport portant sur les réformes législatives
93
relatives aux libertés individuelles et à l›égalité à apporter pour
se conformer aux normes internationales en matière de droits
de l’Homme. Il ne faut pas voir dans cette proximité de dates un
hasard de calendrier, mais bien plus une tentative de rapprocher
deux initiatives. L’Observatoire ne verra toutefois sa création
concrétisée que bien plus tard, par décret gouvernemental n°
2020-126 du 25 février 2020, l’article 40 de loi organique n°58
de 2017. Sa création vise à appuyer l’institutionnalisation de la
lutte contre le phénomène de la violence contre les femmes et la
mise en place de mécanismes permettant d’en analyser différents
aspects ainsi que l’impact économique. Placé sous la tutelle du
ministère chargé de la femme, en récupère la ligne verte d’urgence
pour les femmes victimes de violences que gérait l’État à l’origine.
C’est là la fonction opérative principale en termes de protection.
Un mécanisme national d’orientation des femmes victimes de
violence est à l’étude. Il sera probablement développé avec le
Conseil de l’Europe, sous la supervision du Ministère des Affaires
de la femme et de la famille et de l’Observatoire national de lutte
contre la violence à l’égard de la femme, sur le modèle de celui
réalisé pour l’assistance aux personnes victimes de traite.
3. La protection des migrants entre fragmentation des
mécanismes et
industrie migratoire
À cette architecture fragmentaire et multipolaire de la protection
fonctionnant selon un processus cumulatif et de superposition en
tâches d’huile, laissant de nombreuses zones à découvert, s’ajoute
la précarité des ressources techniques et financières, la faiblesse de
l’infrastructure humanitaire, ainsi que la difficulté à engager des
programmes de longue durée à même d’assurer une pérennité à
l’action de protection entreprise. Ainsi, pour un bénévole dans une
organisation humanitaire locale, « les projets pour les migrants ne
sont programmés que pour une durée déterminée. Une fois arrivé
à terme, il n’y a plus rien pour eux ». Ce jugement est conforté par
les témoignages des représentants d’organisations humanitaires
faisant état des difficultés à assurer des financements suffisants en
rapport avec les besoins réels. Cette précarité de l’aide apportée
ne peut que renforcer les faiblesses de populations vulnérables
dont les besoins fondamentaux fluctuent peu, mais ne peuvent être
94
assurés par les mécanismes existants, même superposés, en raison
de cette difficulté à sécuriser les financements des programmes les
plus élémentaires. Les grilles de classement broient littéralement
les récits biographiques des migrants et demandeurs d’asile en
forçant le trait selon la catégorie convenant le plus, créant ainsi des
sous-catégories telle que celle des jeunes dont l’âge oscille entre 13
et 18 ans.
Il y a lieu ici de questionner les dessous de « l’industrie de la
migration » (Gammeltoft-Hansen, T., & Nyberg Sorensen, N.,
2012) qu’elle soit motivée par une idéologie ou par les intérêts
d’États placés en première ligne des mouvements migratoires
agissant par le biais d’organisations locales et internationales ou
par les réseaux de passeurs dont le credo, fondé sur la rentabilité,
les met au service du plus offrant qu’il s’agisse d’une personne,
d’une organisation ou même d’un État (FitzGerald D.S., &
Arar R., 2018). Cette industrie se substitue ainsi aux réseaux
sociaux et aux démarches administratives pour les candidats à
l’immigration (Gammeltoft-Hansen, T., & Nyberg Sorensen,
N., 2012). Mobilisée de la sorte par des acteurs de premier plan
n’apparaissant et n’assumant leurs objectifs, la migration devient
une source supplémentaire de vulnérabilité pour les migrants,
vu que ces procédés, se substituant aux démarches légales, les
prive d’accès à l’exercice de leurs droits dans la rive nord de la
Méditerranée. Pris au piège de cette industrie, les migrants sont
livrés aux lourdes conséquences du vide juridique national signalé
plus haut en matière de migration et de droit d’asile. Le piège se
referme sur le migrant et sur le pays d’accueil devenu, malgré lui,
un centre de rétention géant de migrants subsahariens.
C’est ce que le Forum tunisien des droits économiques et sociaux
(FTDES) dénonce sous l’appellation de « politiques du non-
accueil en Tunisie » (Bisiaux S-A., 2020). Victime de sa position
géographique et de sa relative stabilité dans une région tremblant
sous les secousses du « printemps arabe », la Tunisie semble être
à la fois un pays de transit, facilitant un éventuel départ vers
l’Europe pour les migrants subsahariens, et un pays de destination
par la suite de son exposition dans les politiques d’externalisation
des frontières de l’Union européenne en Méditerranée (Lemberg-
Pedersen M., 2013) où elle semble être passée de variable
95
d’ajustement à pièce majeure plaçant la Tunisie au cœur des
politiques migratoires européennes et de son appareil de gestion et
contrôle des frontières. En effet, la Tunisie est employée comme
soupape de sécurité pour permettre l’accueil des migrants fuyant
la Libye voisine sans toutefois leur ouvrir les portes d’une Europe
qui ne veut pas d’eux et préfère les voir en Tunisie plutôt que dans
les îles grecques ou, pire, en Sicile ou en Sardaigne. Le « non-
accueil » semble être dès lors la seule réponse d’un État tunisien
pris au piège de son principal partenaire et argentier, l’Union
européenne (Dini S. & Giusi C., 2020). Les migrants sont quant à
eux traités en personnes encombrantes qu’il convient de contenir
sur le continent africain au prix du renforcement des capacités des
garde-côtes nationaux et du financement de la coûteuse agence
Frontex. À la fois, poste-frontière bon marché, centre de rétention
géant, la Tunisie semble même offrir désormais les qualités d’un
laboratoire permettant de tester in-situ et dans les conditions
réelles, la mise en œuvre opérationnelle des activités et technologies
déployées, sur terre et sur mer, de contrôle des frontières. La
diplomatie européenne s’évertue quant à elle à négocier l’accord
de réadmission, système d’expulsion dépourvu de cadre juridique
et même à rêver à une réserve extraterritoriale de migrants, les
« plate-forme de débarquement »42.
Avant le 14 janvier 2011, différents termes étaient usités pour
désigner des lieux d’hébergement de migrants, difficiles à définir
en l’absence d’une définition officielle tels que « centres d’attente
», « centres de détention », « centres de rétention », ou « centres
d’accueil», et sans qu’aucune vérification ne puisse être effectuée
sur le terrain pour savoir de quoi il en retournait (Planes-Boissac
V., 2012)43.
Les principales critiques adressées par les migrants enquêtés aux
organisations jouant un rôle en matière de protection des migrants
sont leur absence du terrain, la difficulté d’accès et la lenteur des
procédures administratives. Les associations de subsahariens
42 « L’UE propose de nouveau un camp de migrants irréguliers en Tunisie », Webdo,
21 juin 2018.
43 Le centre d’Ouardia y est désigné comme étant le seul lieu connu de détention des
migrants en situation irrégulière, mais il n’est pas désigné en tant que camp. L’auteur
précise (2012) que « ni les organisations internationales ni même les visiteurs de prison
ne sont autorisés à assister les migrants détenus dans ce centre ou à leur rendre visite ».
96
ainsi que les municipalités, de plus en plus sensibles au sort
des migrants et désireuses de leur ouvrir l’accès aux services
relevant de leurs attributions, tendent à remplacer sur le terrain
les organisations dont la vocation est de leur porter assistance. À
part les autorités locales, les instances et organisations tunisiennes
ne sont que rarement sollicitées et appelées à intervenir en leur
faveur. Cette critique touche aussi les organisations internationales
auxquelles les associations de migrants préfèrent la police lorsque
l’un des leurs est victime de violences. Ainsi, le porte-parole d’un
mouvement politique de migrants en Tunisie considère qu’« Il
faut que les organismes de défense des droits de l’Homme soient
plus actifs sur le terrain, qu’on voit plus leurs actions, des actions
concrètes […] on ne sait pas vers quelle structure se diriger en cas
de violations [...] on va rester dans cette démarche administrative,
cette lenteur administrative, te faire tourner et tourner, et tu laisses
tomber vers la fin ».
4. La non-politique migratoire à la source des violences ?
Absence de vision migratoire de l’État tunisien, arsenal juridique
obsolète et inadapté, immobilisme et pourrissement forment une
combinaison dangereuse pour la stabilité d’une société tunisienne
devenue homogène suite aux décisions politiques de la décennie
ayant suivi la proclamation de la République et visant à uniformiser
la société tunisienne en extirpant les éléments étrangers jugés non
assimilables44.
En matière migratoire, la loi de 1968 sur le séjour des étrangers en
Tunisie, qui n’a pas fait l’objet de modification majeure à ce jour,
prime. N’ayant jamais tranché sur la vocation migratoire du pays -
pays d’accueil ou de transit - son administration l’a laissé devenir l’un
et l’autre depuis 2011. Ce flou touche indistinctement les migrants
sub-sahariens quels que soient leurs parcours, qu’ils soient étudiants
ou hommes d’affaires, ils patienteront pour recevoir des cartes de
séjour qui ne leur sont pas données dans les temps impartis, et ne
pourront ouvrir de comptes bancaires sans difficulté, entraînant
ainsi la désaffection du pays comme destination d’investissement et
44 Il s’agit de l’opération de « tunisification » de la société tunisienne portant autant sur
l’économie que sur la population expurgée des minorités européennes et juives du pays.
97
même d’études. Les étudiants subsahariens boudent une destination
où ils peinent à trouver leur place et le pays accuse une baisse à 30
% des contingents d’avant la révolution45.
Selon un employé dans la section tunisienne d’une organisation
humanitaire européenne, les migrants en sont doublement victimes
car pris au piège : « En tant que migrant, puis-je faire ma vie en
Tunisie, oui ou non ? Il suffit d’être clair sur ce point ! On le laisse
dans le flou jusqu’à ce qu’il se trouve dans une situation inextricable
ici [en Tunisie], puis, lorsqu’il décide de quitter le pays, l’État exige
le paiement d’une pénalité de 3.000 dinars alors que la personne ne
trouve pas trente dinars pour vivre une journée ! ». Forcé de quitter
un pays dans lequel il est entré illégalement, via des passeurs ayant
des accointances avec les autorités, ou même légalement grâce aux
dispenses de visa accordées souvent sans charge de réciprocité à
des pays dont la liste a été largement étendue46 sous le mandat de
Béji Caïd Essebsi (2014-2019), le migrant continue à souffrir de
sa vulnérabilité en étant dans l’impossibilité matérielle de payer la
pénalité conditionnant son retour. La dispense de visa semble ainsi
avoir joué un rôle déterminant dans le choix de la Tunisie comme
pays de destination. Une fois sur place, et passé les trois mois de
résidence, les migrants se trouvent pris au piège de la précarité
du statut et de l’obligation de régler l’importante pénalité relative
au dépassement de la durée de séjour, plafonnée à 3.000 dinars
tunisiens, et exigée pour pouvoir quitter le territoire.
Il en va de même pour le droit au travail ; celui-ci est acquis et
n’est conditionné qu’à la seule restriction relevant du principe de
préférence nationale47 dont l’incompréhension par les migrants
45 Chiffres (UNESCO) des effectifs d’étudiants subsahariens par pays, pour l’an-
née 2019, par pays (hors UMA) : Cameroun, 697 ; Congo, RD, 499 ; Mali, 435 ;
Côte d’Ivoire, 414 ; Congo, 394 ; Gabon, 309. Voir http://uis.unesco.org/fr/uis-stu-
dent-flow#slideoutmenu. Le gros du contingent est fourni par les pays ne possédant
pas d’accord de dispense de visas avec la Tunisie.
46 Les ressortissants des pays africains suivants étant exemptés de visa pour un sé-
jour inférieur à 90 jours : Angola, Burkina Faso, Cap Vert, Comores, Côte d’Ivoire,
Guinée équatoriale, Gabon, Gambie, Guinée, Guinée Bissau, Mali, Namibie, Ni-
ger, Sénégal, Seychelles et Afrique-du-Sud auxquels il convient d’ajouter les pays
membres de l’Union du Maghreb Arabe (Algérie, Libye, Mauritanie et Maroc). A
noter que la Tunisie n’a pas exigé la réciprocité et que seuls onze des pays susmen-
tionnés ont aboli le visa pour les ressortissants tunisiens.
47 Celui-ci est clairement mentionné dans l’article 258-2 du code du travail qui sti-
pule que « le recrutement d’étrangers ne peut être effectué lorsqu’il existe des compé-
98
les conduisent à croire que le travail légal leur est purement et
simplement interdit.
Cette fragilité devant l’arbitraire administratif vient de l’absence ce de
motivation des refus et de leur communication parfois sans notification
officielle. Le refus, et l’ordre de quitter le territoire qui en découle, ne
peut donc pas être attaqué devant le tribunal administratif48. Pour
cet employé de la section tunisienne d’une organisation humanitaire
européenne, « Le visa de travail est donné au faciès ! Le fonctionnaire
a toute latitude et son pouvoir est discrétionnaire et absolu. […] Tout
dépend du fonctionnaire que l’on a face à soi ».
Cette situation est le fruit de l’ignorance dans laquelle sont les
migrants, fussent-ils clandestins, de leurs droits. De plus, la
diversité des statuts – allant de demandeur d’asile, migrant, réfugié,
détenteur d’un permis de travail, à étudiant – constitue un autre
facteur de vulnérabilité supplémentaire. La confusion engendrée
ne touche pas seulement les autorités locales, mais aussi les acteurs
économiques, sociaux et territoriaux qui ont des difficultés à
intégrer ces individus de par leur statut.
5. Aux sources de la vulnérabilité
La précarité des migrants illégaux qui ont choisi d’y rester,
de préférence à un transit risqué vers l’Europe, touche aussi
leurs enfants via la mise en danger de l’accès à l’éducation.
Selon une employée de la section tunisienne d’une organisation
humanitaire européenne, « L’éducation en Tunisie est menacée
et une catastrophe se profile à l’horizon. Les subsahariens ont
généralement beaucoup d’enfants. Il n’y aucune étude à ce sujet,
on ne sait pas combien ils sont. La plupart ne sont pas vaccinés.
Les enfants n’ont pas d’extrait de naissance, n’ont pas de vaccin
et, n’étant pas vaccinés, ne sont pas autorisés à fréquenter l’école.
[…] ? On ne voit pas aujourd’hui ces questions d’intégration, mais
bientôt ils seront un grand problème ».
tences [tunisiennes] dans les spécialités concernées par le recrutement ».
48 Aucun recours spécial n’est accordé aux étrangers en cas de refus d’octroi. Ceux-
ci ne disposent que du recours de droit commun devant le Tribunal administratif
pour « excès de pouvoir », conformément aux dispositions de la loi n° 72-40 du 1er
juin 1972 relative au tribunal administratif (JORT, n° 23, 2 juin 1972, p. 743).
99
Les suites d’une telle situation sont aisément prévisibles car les
ingrédients d’une marginalisation sociale sont là. Le processus
apparaît ainsi comme le résultat de trois phénomènes qui
s’enchevêtrent : désorganisation sociale, exclusion et domination.
De manière générale, la relation singulière entretenue avec le
quartier, seul espace que les jeunes possèdent et qu’ils maîtrisent,
prend une signification particulière pour ces migrants primo-
arrivants en faisant office, à la fois, lieu de refuge et lieu de
captivité. Cette relation, vu les difficultés de mobilité vécues au
quotidien, ne peut qu’être amplifiée, soit par la constitution de
ghettos communautaires soit par la pacification de l’environnement
immédiat comme seul espace de sérénité.
Devant l’échec de la mission d’intégration de l’école et l’absence
de construction par le travail (celui-ci se faisant rare et les emplois
journaliers, temporaires et non déclarés, ne pouvant être assimilés à
de l’emploi stable), l’identité se construit autour de l’appartenance
au quartier et du regroupement communautaire cultivant la
cohésion et la fierté d’appartenance au territoire ; l’économie
informelle (Dubet F. & Lapeyronnie D., 1992) en forme l’horizon
des possibles.
Cette situation engendre un besoin d’assistance psychologique
et traduit l’absence d’intégration sociale. Additionnés à l’absence
d’encadrement, la fragilité et la précarité produisent une profonde
frustration, renforcée par la déception de la réalité, beaucoup
tentent d’immigrer illégalement sur des embarcations de fortune.
L’État, de ce fait, renforce ses dispositifs de contrôle des frontières
et durcit les conditions d’octroi des titres de séjour. Dès lors,
la situation des migrants est intenable. Ne pas avoir de carte
de séjour49 signifie ne pas pouvoir voyager, ne pas pouvoir se
soigner et ne pas pouvoir se défendre face à employeur indélicat.
Que se passe-t-il ? « Ils se taisent la première fois, la deuxième,
puis, lorsque le quartier est entièrement peuplé de subsahariens,
d’Ivoiriens, on passe à la violence », regrette un employé dans la
section tunisienne d’une organisation humanitaire.
49 « La carte de séjour est la clé d’accès à tous les autres droits. Les aides accordées
par le HCR (et Caritas le cas échéant) ne servent qu’à pallier certains manques et
montrent à quel point le statut de réfugié ne suffit pas à garantir l’accès aux droits
économiques et sociaux élémentaires. » (Planes-Boissac V., 2012, p.31-33).
100
Pour ces communautés en souffrance, le destin partagé est un
facteur de solidarité et d’affirmation identitaire qui peut mener
à la production de démonstrations publiques, essentiellement
culturelles et plus rarement cultuelles. Ces démonstrations ne sont
pas seulement destinées à célébrer des évènements importants
des pays d’origine, mais aussi à fédérer les communautés autour
d’éléments structurants leur offrant un ancrage territorial, via
les démonstrations publiques. Il conviendrait d’y lire un élément
de légitimation de leur présence sur cette portion de territoire et
d’engendrement d’une identité locale qu’incarnent de fait leur
progéniture née en Tunisie. Ce procédé n’est pas propre aux
communautés de migrants, car il est observé au sein des populations
vulnérables des quartiers défavorisés pour lesquelles la relation
singulière entretenue avec leur quartier provient du fait qu’il s’agit
du seul endroit que les jeunes possèdent et qu’ils maîtrisent avec
le risque de ghettoïsation que cela comporte, le quartier étant à la
fois lieu de refuge et lieu de captivité (Chemlali A., El Ghali A. &
Turki Y., 2018).
L’identité se construit autour de l’appartenance au quartier et au
regroupement en communautés cultivant la cohésion et la fierté
d’appartenance à un territoire où des pans spécifiques de la culture
d’origine ont le droit de cité. Les défilés et commémorations jouent
ainsi le rôle d’appropriation du territoire et de pacification.
6. Conclusion : Réalités humaines à l’ombre d’une politique
migratoire qui tarde à émerger
En l’absence de politique migratoire tunisienne et face aux appétits
des intérêts européens engagés dans l’externalisation vers la rive sud
des frontières de l’Europe, les migrants se trouvent pris en tenailles
(Lucht H., 2015). Certaines des études réalisées sur la situation en
Tunisie ont mis en relief le rôle ambigu joué par la société civile
sur le terrain, pouvant à la fois constituer un obstacle à la mise en
œuvre de la politique européenne d’externalisation des frontières ou
un agent local d’appui à ces mêmes politiques (Cuttitta P., 2020 ;
Dini S. & Giusi C., 2020 ; Natter K., 2021). D’autres ont mis au
jour les développements des politiques migratoires dans un contexte
de transition démocratique en mettant en exergue l’adaptation du
101
discours à la continuité des politiques et des pratiques (Cassarini C.,
2020 ; Cassarino J.P., 2018b). Notre contribution, par cet article, a
été de mettre au jour les mécanismes de protection existants ainsi
que leurs lacunes en intégrant l’influence considérable exercée par
la prise en charge géopolitique du phénomène migratoire et de ses
effets au niveau national.
Perçue comme une terre de droits, mais considérée à tort comme
un pays de destination et d’asile, la Tunisie voit se cristalliser sur
son sol toutes les contradictions d’une situation où les migrants
sont pris au piège d’une précarité et d’une vulnérabilité les livrant
aux violences, celles de l’ordinaire et celles des administrations qui
ont - volontairement ou pas - échoué à les reconnaître et leur fait
payer leur invisibilité légale (Turner S. & Bjarnesen J., 2020). Face
à ces violences, les migrants se sont regroupés en communautés
d’intérêts, transcendant les cultes et les nationalités, pour former une
collectivité agissante et protectrice. Les mécanismes de protection
produits visent à pallier l’absence de mécanismes institutionnels
de protection et les insuffisances des acteurs étatiques et des
organisations humanitaires, perçus comme éloignés du terrain et des
réalités et privés de moyens d’action suffisants et efficaces.
La traduction spatiale de cette solidarité communautaire en
territorialisation de la protection est contre-productive par certains
aspects car engendrent une ghettoïsation dont les autorités ne
mesurent pas à ce jour la portée et renforce une criminalité de
bandes organisées qui fait de la vulnérabilité des migrants et de
l’atteinte portée à leurs droits humains son lit (Nah A.M., 2020 ;
Richter L., 2019).
En effet, la recherche a démontré que lorsqu’un groupe se retrouve
marginalisé, humilié, privé d’influence et de reconnaissance dans
une société, la violence surgit (Haugbølle R. & Chemlali A., 2019).
Dans de telles circonstances, elle est un moyen de survie. Danielle
Celermajer ajoute par ailleurs que les conséquences des violences
morales infligées par des agents de l’État à un groupe vulnérable
donné s’étendent à la famille, aux amis, à la communauté
d’appartenance et sapent la relation de confiance devant exister
entre les membres de ce groupe, les communautés locales et
les institutions de l’État, instaurant par là même une culture de
violence fragilisant l’État de droit (Celermajer D., 2018).
102
Face à ces réalités, l’existence d’une jeune génération d’enfants
de migrants, nés sur le sol tunisien, privée de scolarité et souvent
d’état-civil, fait peser le risque d’une aggravation des inégalités et
des discriminations avec, pour corollaire inévitable, l’émergence
d’un cycle de violences et d’insécurités. Doit-on voir dans cette
structuration de la communauté une opération naturelle de
reconstitution d’un cadre de vie conforme à celui perdu dans l’exil ?
Nous sommes enclins à le croire bien que l’évocation de l’apparition
de gangs subsahariens à Sfax et à Tunis (El Ghali A., 2022, en cours
de publication) fasse craindre que l’ancrage au territoire ne devienne
ghettoïsation et ne produise une criminalité propre à la ségrégation
des communautés vulnérables. Face à cette réalité, la politique du
pourrissement et de la non-action choisie visiblement par l’État
tunisien est en train de conforter, paradoxalement, la position du
pays comme destination migratoire majeure en Afrique du Nord.
Facilitant l’entrée sur son territoire tout en en pénalisant la sortie et
en refusant de régulariser en vertu d’un arsenal juridique inadapté,
l’État nourrit une permissivité confortant le pays comme destination
migratoire majeure tout en le privant des institutions de protection
et des mécanismes d’intégration adéquats.
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Adnen El Ghali est architecte, urbaniste et historien. Ancien boursier de
l’École française de Rome et de l’Academia Belgica, il est affilié au centre de
Recherches SociAAM de l’Université libre de Bruxelles et de l’unité de
recherche Sweden and the Mediterranean World de l’Université de Lund. Ses
travaux portent sur l’inscription des minorités dans l’espace urbain, la
sécurité urbaine et les migrations en Afrique du Nord et en Europe.
Ahlam Chemlali est doctorante au DIIS – Danish Institute for International
Studies, affiliée au département de Sciences politique de l’Université
d’Aalborg (Danemark). Ses recherches traitent des politiques et pratiques
de violences et de genre aux frontières nord-africaines en général et tuniso-
libyennes en particulier. Avant d’entamer ses recherches doctorales, A.
Chemlali a occupé pendant dix ans la charge de directrice de programmes
au sein de DIGNITY – Danish Institute Against Torture, se consacrant aux
problématiques liées aux droits de l’Homme, à la torture et à la prévention
de la violence urbaine en Afrique sub-saharienne, au Proche-Orient et en
Afrique du Nord.
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Il faut une science politique nouvelle
à un monde tout nouveau.
Alexis de Tocqueville
REVUE
S C I E N C E
TUNISIENNE DE
P O L I T I Q U E
N°7
Sem.1
2022
SPÉCIAL ACTION PUBLIQUE
ROMAIN PASQUIER
État-nation et politiques publiques
SADOK HAMMAMI
Le « moins d’État » et ses paradoxes. Enjeux de la
« politique publique médiatique » en Tunisie
GUY LACHAPELLE ET MATHILDE PONSON
Culture et pandémie. Les musées régionaux québécois
et la Covid-19
ADNEN EL-GHALI ET AHLEM CHEMLALI
Ne rien faire et ne rien laisser faire. Les enjeux de la
non-politique migratoire tunisienne
HATEM M’RAD
Quel changement de régime politique en Tunisie ?
Dysfonctionnements, finalisme et variables
SALIF CISSE
Les enjeux géostratégiques et géopolitiques de la crise
malienne de 2012
Revue semestrielle publiée par l’Association Tunisienne d’Etudes Politiques ATEP
Première édition
© mars 2022 Nirvana
Etablissement Boujmil d’Edition et de Publicité
Avenue de la communication,
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