Synthèse 
21 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
22
Introduction
Introduction
1. L’ÉTRANGER DANS L’HISTOIRE DE LA TUNISIE
Les étrangers, qu’ils soient conquérants, envahisseurs, colons, réfugiés, migrants, 
aventuriers  ou  simples  visiteurs,  ont  forgé  l’histoire  de  la  Tunisie  et  formé  sa 
population.  L’histoire  de  la  Tunisie  est  fortement  marquée  par  la  présence 
étrangère  et  par  les  mouvements  migratoires.  Plusieurs  civilisations  et  peuples 
se  sont  succédés  en  Tunisie  et  ont  fait  sa  particularité3.  La  Tunisie  fût  punique, 
romaine, vandale, byzantine puis arabo-musulmane. 
À l’aube de l’instauration du Protectorat français en 1881, la Tunisie est un véritable 
«désert démographique», avec à peine plus d’un million d’habitants, en raison des 
crises frumentaires et sanitaires qu’elle a connues et des conflits civils qui l’ont 
secouée4. 
À cette époque, les pays de la rive nord de la Méditerranée déversent des milliers 
d’immigrants  fuyant  la  misère  du  Mezzogiorno  italien,  de  la  Grèce  et  de  Malte. 
« En même temps que sa population a diminué, la Tunisie est devenue une terre 
d’accueil pour une partie du trop plein que connaissent les régions déshéritées de 
l’Europe du sud »5.
23 
En 1881, entre 20 000 et 25 000 Européens sont installés en Tunisie, dont à peine 
plus de 700 Français. Les Italiens d’abord, puis les Maltais constituent la majorité 
de  cette  population.  Le  nombre  de  Français  ne  cesse  d’augmenter  durant  les 
premières  décennies  du  Protectorat,  pour    atteindre  54  476  personnes  selon  le 
recensement de 19216. 
Avec l’acquisition de l’indépendance en 1956, la configuration de la population se 
modifie. La population européenne diminue, et le nombre de Tunisiens augmente. 
Entre 1958 et 1962, la guerre d’Algérie provoqua le départ de milliers d’Algériens 
vers  la  Tunisie  et  le  Maroc.  En  1959,  on  compte  151.903  réfugiés  algériens  en 
Tunisie7. 
3  LIAUZU (C), Histoire des migrations en Méditerranée occidentale, éditions Complexe, 1996.
4  BESSIS (S), Histoire de la Tunisie de Carthage à nos jours, Tallandier, Paris, 2019, p. 266, DESPOIS (J), L’Afrique du 
Nord, PUF, Paris, 1949, JERFEL (K), «Siciliens et Maltais en Tunisie aux XIXème et XXème siècles. Le cas de la ville de 
Sousse», Mawarid, Revue de la Faculté des lettres et des sciences humaines de Sousse, 2013, p. 159.
5  BESSIS (S), Histoire de la Tunisie de Carthage à nos jours, précité, p. 267.
6 Ibidem, p. 269.
7  On compte 110245 réfugiés au Maroc, Les réfugiés dans le monde, cinquante ans d’action humanitaire, UNHCR, 1er
janvier 2000, V° La décolonisation en Afrique, p. 41.  
     https://www.unhcr.org/fr/publications/sowr/4b66d4fb9/refugies-monde-cinquante-ans-daction-humanitaire.html
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Entre  1982  et  1993,  Tunis  accueille  le  siège  de  l’OLP  (Organisation  de  libération 
de  la  Palestine).  Plusieurs  dirigeants  et  des  centaines  de  réfugiés  palestiniens 
s’installent en Tunisie8.
  Au  début  des  années  quatre  vingt-dix,  de  nombreux  migrants  maghrébins  se 
tournent  vers  la  Tunisie.  La  «décennie  noire»  en  Algérie  pousse  des  milliers 
d’Algériens vers l’exil. Certains s’installent en Tunisie, malgré l’hostilité du régime 
en place à leur égard. 
La  Tunisie  est  aussi  devenue,  au  début  des  années  quatre  vingt-dix,  un  pays  de 
transit pour les migrants nord-africains et subsahariens irréguliers qui projettent 
de se rendre en Europe. Dans la région du pourtour méditerranéen, les migrations 
clandestines  sont  le  résultat  de  deux  phénomènes  inconciliables :  d’une  part,  la 
fermeture  progressive  des  frontières  de  l’Europe  face  aux  migrations  et,  d’autre 
part, l’accroissement des conditions qui la favorisent en Afrique9. La plupart des 
migrants  irréguliers  quittant  la  Tunisie  vers  les  côtes  italiennes  sont  Tunisiens. 
Mais  un  nombre  important  d’étrangers  transitent  par  la  Tunisie  pour  se  rendre 
en  Italie.   Le  nombre  global  des  migrants  irréguliers  arrivés  en  Italie,  au  départ 
24
des côtes tunisiennes,  entre 2011 et 2017 est de 38.114. Le nombre de migrants 
tunisiens arrêtés avant leur départ, pendant la même période est de 12.922, contre 
3.533 étrangers10. 
2. L’ÉTRANGER AUJOURD’HUI 
Le terme étranger partage la même racine étymologique que le terme «étrange» 
qui signifie ce qui est anormal, inhabituel, voire inquiétant.
L’étranger  est  l’autre.  Selon  une  approche  sociologique,  l’étranger  est  celui  qui 
n’appartient pas à un groupe déterminé, qui lui est extérieur. En droit, l’étranger 
se définit généralement de façon négative comme étant celui qui ne fait pas partie 
de la communauté des nationaux, celui qui n’a pas la nationalité du pays où il se 
trouve11.  
8  AL HUSSEINI (J), « Le statut des réfugiés palestiniens au Proche-Orient : facteur de maintien ou de dissolution de l’idenn-
tité nationale palestinienne ? », Les Palestiniens entre État et Diaspora - Le temps des incertitudes, 2011, Karthala, p.37.
     https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00719909/document
9  BOUBAKRI (H), « Migrations de transit entre la Tunisie, la Libye et l’Afrique subsaharienne : Étude à partir du cas du 
grand Tunis », Rapport pour le Conseil de l’Europe, Conférence régionale,  Les migrants dans les pays de transit : partage 
des responsabilités en matière de gestion et de protection, Strasbourg, septembre 2004, p. 3 et 4.
10  ITES  (Institut  tunisien  des  études  stratégiques), Le  phénomène  de  la  migration  irrégulière,  octobre  2017,  (en  langue 
arabe).  http://www.ites.tn/fr/publications/
11  CARLIER (J-Y) et SAROLEA (S), Droit des étrangers, Larcier, Bruxelles, 2016, n° 10.
Introduction
Au  regard  du  droit  tunisien,  l’étranger  est  donc  celui  qui  n’a  pas  la  nationalité 
tunisienne.  Ce  qui  nous  renvoie  à  deux  concepts :  l’étranger  est  celui  qui  a  une 
autre nationalité ou qui n’a pas du tout de nationalité, qui est apatride.
L’article 1er de la loi du 8 mars 1968 relative à la condition des étrangers12 reprend 
cette définition en disposant que « sont considérés comme étrangers, au sens de 
la présente loi, toutes les personnes qui ne sont pas de nationalité tunisienne, soit 
qu’elles aient une nationalité étrangère, soit qu’elles n’aient pas de nationalité ».
La  notion  d’étranger  doit  être  distinguée  de  certaines  notions  voisines.  Elle  doit 
notamment  être  distinguée  de  la  notion  de  migrant.  Ainsi  le  migrant  est  toute 
personne qui migre d’un pays vers un autre, ou d’une région vers une autre. Ainsi 
les Tunisiens qui quittent leur pays sont des migrants. Les étrangers qui quittent 
leur pays et viennent en Tunisie sont aussi des migrants. La notion d’étranger doit 
aussi être distinguée de celle de réfugié. Le réfugié se définit comme la personne 
qui a obtenu le droit d’asile. La personne 
Le  nombre  d’étrangers  qui  résident  en  Tunisie  s’élevait,  selon  les  dernières 
statistiques de l’INS (L’Institut national des statistiques) effectuées en  2014, à 53.490 
personnes13. La population étrangère est constituée par plusieurs nationalités. Le 
25 
tableau ci-après reflète  la présence étrangère en Tunisie selon la nationalité. 
Nationalité 
Nombre de personnes en 2014
Algériens
Libyens
Français
Marocains
Italiens
Allemands 
Egyptiens
Syriens
Maliens 
Camerounais 
Ivoiriens 
Américains 
Irakiens
Nigériens 
9996
8772
8284
5565
2118
1393
1093
1024
958
689
607
584
550
522
12  Loi du 8 mars 1968 relative à la condition des étrangers, JORT. 1968, des  8-12 mars 1968, p. 251.
13  INS (Institut national des statistiques), Recensement général de la population et de l’habitat, 2014, 
    http://www.ins.tn/fr/publication/recensement-g%C3%A9n%C3%A9ral-de-la-population-et-de-l%E2%80%99habitat-
2014-volume-8
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Mauritaniens
Palestiniens
Sénégalais
Autres pays africains
Autres pays européens 
Autres pays du monde
Autres pays arabes
508
494
394
4354
3212
1895
478
Les chiffres ci-dessus ne reflètent cependant pas la réalité de la présence étrangère 
en Tunisie, car ils ne tiennent compte que des étrangers régulièrement entrés et 
résidants en Tunisie.
Selon Madame Lorena LANDO, Chef de mission à l’Organisation internationale pour 
les migrations (OIM) à Tunis, le nombre des migrants se trouvant actuellement en 
Tunisie s’élève à 75.500. Ce chiffre englobe tous les étrangers quelle que soit leur 
situation14. Le nombre de réfugiés est estimé à 777 personnes, dont une  majorité 
de syriens.  
Le terme étranger renvoie, en Tunisie, à des réalités extrêmement variées. Certains 
26
étrangers sont en situation régulière au regard de la loi tunisienne, d’autres sont 
dans une situation irrégulière. Certains étrangers sont installés en Tunisie depuis 
très  longtemps,  ont  des  rapports  de  famille,  d’autres  viennent  pour  une  période 
plus ou moins courte. Certains étrangers, notamment européens, vivent dans une 
certaine  aisance  financière,  d’autres,  notamment  les  réfugiés  venant  d’Afrique 
subsaharienne ou de Syrie, connaissent de très grandes difficultés matérielles et 
n’arrivent pas à subvenir à leurs besoins. Certains étrangers habitent les quartiers 
chics de la banlieue nord, d’autres sont dans des camps ou des centres de rétention. 
14  « 75.500 migrants et 700 réfugiés vivent en Tunisie selon l’OIM », HUFFPOST Tunisie avec TAP, daté du 17 
juillet 2018.
Introduction
3. QUEL EST AUJOURD’HUI LE STATUT DE L’ÉTRANGER ?
Malgré  une  importante  présence  étrangère  sur  le  sol  tunisien,  les  droits  des 
étrangers  restent  limités.  L’examen  des  sources  du  droit  des  étrangers  révèle 
une certaine inadéquation entre les textes relatifs aux droits humains  (a) et les 
dispositions du droit tunisien (b). 
a. L’étranger dans les textes relatifs aux droits humains
La  Constitution  tunisienne  du  27  janvier  201415  ne  consacre  pas  une  place 
particulière à l’étranger16. Il est cependant possible de distinguer, au sein de la 
Constitution tunisienne de 2014, entre les droits garantis à tous,  indépendamment 
de la nationalité, et les droits  attachés à la citoyenneté tunisienne, donc réservés 
aux nationaux.
C’est ainsi que le droit à la vie17, le droit à la dignité18, et le droit au respect de la vie 
privée19 sont garantis à toute personne. L’article 31 protège « les libertés d’opinion, 
de pensée, d’expression, d’information et de publication » indépendamment de 
toute condition de citoyenneté ou de nationalité. Le droit à la santé est garanti « à 
27 
tout être humain » par l’article 38.
D’autres droits semblent réservés aux nationaux. Tel est le cas de l’article 40 qui 
garantit à « tout citoyen et toute citoyenne » un droit au travail. 
Un  seul  article,  dans  la  Constitution  de  2014,  est  spécifiquement  destiné  aux 
étrangers. Il s’agit de l’article 26 qui garantit l’asile politique et interdit l’extradition 
des réfugiés politiques.
Les  droits  fondamentaux  de  l’étranger  sont  également  protégés  par  les 
instruments internationaux relatifs aux droits humains et ratifiés par la Tunisie20.
15  Décision du Président de l’Assemblée constituante du 31 janvier 2014 relative à l’autorisation de publier la Constitution 
de la République tunisienne, JORT. 2011, n° 10, p. 316. La version française de la Constitution a été publiée au JORT. 
2015, numéro spécial daté du 20 avril 2015, p. 3.  
16  On peut comparer avec la Constituion marocaine de 2011 qui réserve une disposition spécifique à la garantie des droits 
fondamentaux de l’étranger. L’article 30 de la Constituion marocaine dispose en effet que « les étrangers jouissent des 
libertés fondamentales reconnues aux citoyennes et citoyens marocains, conformément à la loi ». 
17  Article 22 de la Constittution du 27 janvier 2014.
18  Article 23 de la Constittution du 27 janvier 2014.
19  Article 24 de la Constittution du 27 janvier 2014.
20  JAZI (D), BEN ACHOUR (R) et LAGHAMANI (S), Les droits de l’homme par les textes, CPU, 2004, p. 342.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
C’est ainsi que la Tunisie a adhéré à la  Convention de Genève du 28 juillet  1951 
sur le statut des réfugiés21. Cette Convention définit le réfugié, et lui reconnait un 
droit à l’asile. 
Les deux Pactes du 16 décembre 1966 relatifs aux droits civils et politiques et aux 
droits économiques, sociaux et culturels22 garantissent des droits fondamentaux 
à toute personne humaine.  L’article 2 du Pacte relatif aux droits civils et politiques 
pose le principe de non-discrimination. Son article 7 interdit la torture, les peines 
ou traitements cruels,  inhumains ou dégradants. L’article 12 protège la liberté 
de quitter n’importe quel pays, et le droit d’entrer dans son propre pays. L’article 
2 du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels stipule que « les 
États  s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans 
discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, 
l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, 
la naissance ou toute autre situation ».
La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains 
et  dégradant  du  10  décembre  198423  développe  la  protection  contre  la  torture. 
28
Son article 3 interdit l’expulsion vers un autre pays où il y a des motifs sérieux de 
croire que la personne risque d’être soumise à la torture.
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard 
des  femmes  du  18  décembre  197924  apporte  une  protection  particulière  à  la 
femme en interdisant toute forme de discrimination à son égard. 
La  Convention  relative  aux  droits  de  l’enfant  du  20  novembre  198925comprend 
également  des  dispositions  pertinentes.  Cette  Convention  pose  le  principe  de 
21  La Tunisie a adhéré à la Convention de Genève par voie de succession en vertu du décret du 2 juin 1955, la Tunisie a 
déposé les instruments de succession le 24 octobre 1957. 
22 Loi n° 68-30 du 29 novembre 1968 autorisant l’adhesion de la Tunisie au Pacte international relatif aux droits écono-
miques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, JORT. 1968, n° 51, du 29 
novembre 1968, p. 1260.
23  Loi n°88-79 du 11 juillet 1988 portant ratification de la Convention des Nations Unies de 1984 contre la torture et les 
autres peines ou traitements cruels, inhumaines ou degradants, JORT. 1988, n°48, p. 1035, décret n°88-1800 du 20 
octobre 1988 portant publication de la Convention des Nations-Unies de 1984 contre la torture et les autres peines ou 
traitements cruels, inhumains ou degradants, JORT. 1988, n° 72, p. 1470.
24  Loi n°85-68 du 12 juillet 1985 portant ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimi-
nation à l’égard des femmes, JORT. 1985, n° 54 du 12-16 juillet 1985, p. 919, publiée par le décret du 91-1851 du 25 
novembre 1991, JORT. 1991, n° 85, p. 1956. Sur cette Convention, La non-discrimination à l’égard de femmes entre la 
Convention de Copenhague et le discours identitaire, Colloque, Tunis 13-16 janvier 1988, UNESCO-CERP, 1989.
25  Loi n°91-92 du 29 novembre 1991 portant ratification de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, 
JORT. 1991, 3 décembre 1991, n°82, p. 1890, et décret n°91-1865 du 10 décembre 1991 portant publication, JORT. 
1991, 10 décembre 1991, n° 84, p. 1946.
Introduction
l’intérêt  supérieur  de  l’enfant  « dans  toutes  les  décisions  le  concernant ».  La 
Convention  énonce  des  droits  en  matière  de  regroupement  familial,  et  attire 
l’attention des États sur la situation des enfants réfugiés. 
Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel 
à la Convention des Nations-Unies contre la criminalité transnationale organisée 
du 15 novembre 200026, permet de lutter contre le trafic illicite de migrants et de 
combattre les réseaux de passeurs.
La  Convention  sur  la  protection  des  droits  de  tous  les  travailleurs  migrants  et 
des membres de leur famille du 18 décembre 1990 reconnait non seulement des 
droits au migrant régulier, mais aussi au migrant irrégulier. Elle n’a cependant 
pas été ratifiée par la Tunisie. 
La protection des étrangers résulte également de certains instruments régionaux 
tels que la Convention de l’OUA du 10 octobre 196927 régissant les aspects propres 
aux  problèmes  des  réfugiés  en  Afrique,  et  la  Charte  africaine  des  droits  de 
l’homme et des peuples du 26 juin 198128.
D’autres  textes,  en  droit  tunisien  interne,  assurent  une  protection  des  droits 
29 
fondamentaux à la personne humaine, quelle que soit sa nationalité. C’est ainsi 
que le  Code de protection de l’enfant du 9 novembre 199529 assure une protection 
aussi bien à l’enfant délinquant, qu’à l’enfant en danger, indépendamment de sa 
nationalité. 
Depuis  la  promulgation  de  la  Constitution  de  2014,  se  sont  succédé  plusieurs 
lois garantissant à certaines catégories de personnes vulnérables une protection 
particulière. La loi du 3 août 2016 met en place des mécanismes de  prévention et 
de lutte contre la traite30. 
26  Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air, additionnel à la Convention des Nations Unies 
contre la criminalité transnationale organisée, a été approuvé par la loi n°2003-6 du 21 janvier 2003 (JORT. 2003, 
n°7 du 24 janvier 2003, p. 195), ratifié par le décret n° 2003-777 (JORT. 2003, n°28 du 8 avril 2003, p. 871) et  
publié par le décret n° 2004-1400 du 22 juin 2004 (JORT. 2004, n° 52 du 29 juin 2004, p. 1699).
27  Loi n° 89-77 du 2 septembre 1989 portant ratification de la Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux 
problèmes des réfugiés en Afrique, JORT. 1989, n° 60, p. 1341. 
28  Loi n° 82-64 du 6 août 1982 autorisant l’adhésion de la Tunisie a la Charte africaine des droits de l’homme et des 
Peuples, JORT. 1982, du 10 août 1982, n° 54, p. 1689.
29  Loi no 95-92 du 9 novembre 1995 relative a la publication du Code de la protection de l’enfant, JORT. 90, du 10 
novembre 1995, p. 2097.
30  Loi n° 2016-61 du 3 août 2016 relative à la prévention et la lutte contre la traite des personnes, JORT. 2016, n° 66, 
du 12 août 2016, p. 2524.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Elle  s’applique  aux  Tunisiens  et  permet  leur  protection,  mais  s’adresse  tout 
spécialement aux migrants qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité les 
exposant à la traite31. 
Elle vise, selon son article 1er, à « prévenir toute forme d’exploitation auxquelles 
pourraient être exposées les personnes, notamment les femmes et les enfants, 
à  lutter  contre  leur  traite,  en  réprimer  les  auteurs…  protéger  et  assister  les 
victimes ».
 La loi du 11 août 2017, relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes32
met  en  place  des  mécanismes  civils  et  pénaux  afin  de  garantir  une  protection 
des femmes, qu’elles soient tunisiennes ou étrangères, contre toutes formes de 
violence. 
Enfin, la loi du 11 octobre 2018 s’adresse tout spécialement aux étrangers33, car 
elle instaure une protection contre toutes les formes de discrimination raciale. 
Elle  permet  de  protéger,  de  façon  particulière,  les  étrangers  venant  d’Afrique 
subsaharienne. 
30
Outre  ces  textes  entrés  en  vigueur,  un  rapport  retentissant,  suscitant  un  débat 
passionné  en  Tunisie  et  à  l’étranger,  présenté  le  1er  juin  2018  par  la  COLIBE 
(Commission des libertés individuelles et de l’égalité) 34 propose de nombreuses 
mesures  destinées  à  éliminer  toute  les  formes  de  discriminations  et  les 
atteintes aux libertés individuelles qui existent en droit tunisien. Certaines de ces 
propositions concernent les droits des étrangers. 
31  OIM (Organisation internationale des migrations), Étude exploratrice sur la traite des personnes en Tunisie, Consultante 
Élodie BROUSSARD, 2013. 
     https://tunisia.iom.int/sites/default/files/resources/files/TIPTunisia_baseline%20report_fran%C3%A7ais_LR.pdf
32  Loi oraganique n° 2017-58 du 11 août 2017, relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, JORT. 
2017, n° 65, du 15 août 2017, p. 2604.
33  Loi organique n° 2018-50 du 23 octobre 2018, relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 
JORT. 2018, n° 86, du 26 octobre 2018, p. 3582.
34  COLIBE (Commission des libertés individuelles et de l’égalité), Rapport de la Commission des libertés individuelles 
et de l’égalité, Présidence de la République, 1er juin 2018. 
     https://colibe.org/wp-content/uploads/2018/06/Rapport-COLIBE.pdf
Introduction
b. Le droit tunisien des étrangers 
Les dispositions applicables à l’étranger sont-elles conformes aux textes relatifs 
aux  droits  fondamentaux ?  Sans  prétendre  à  l’exhaustivité,    la  présente  étude 
se  propose  de  d’analyser,  sous  le  prisme  des  droits  fondamentaux,  les  droits 
individuels des étrangers en Tunisie.
Il convient, avant de poursuivre, de tracer les contours de cette étude.  
Tout d’abord, la présente étude s’intéressera à l’étranger en tant que personne 
physique. Elle ne concerne pas les personnes morales étrangères, et n’englobe 
donc  pas  les  aspects  économiques  liés  à  leur  activité35.  L’étude  ne  s’intéresse 
donc pas au droit des sociétés, ou au droit des investissements. 
Ensuite, cette étude revêt un aspect juridique. Elle consiste en une analyse des 
textes juridiques régissant la condition de l’étranger en droit tunisien, d’une part 
et  un  examen  de  leurs  applications  par  les  tribunaux  et  par  l’administration, 
d’autre part. 
L’examen du droit tunisien permet de constater que l’étranger est soumis à un 
31 
traitement  discriminatoire.  Le  droit  tunisien  apparait  comme  un    droit  sévère, 
intolérant  à  l’égard  de  l’étranger.  Plusieurs  règles  mettent  l’étranger  dans  une 
situation  d’infériorité  par  rapport  aux  nationaux.  En  effet,  le  franchissement 
de  la  frontière  par  l’étranger  est  strictement  contrôlés  (Première  partie),  son 
installation en Tunisie est  précaire (Deuxième partie), et son intégration dans la 
société plutôt difficile (Troisième partie).
35  Sur cette question, BETTAÏB (A), L’entreprise étrangère en Tunisie, Thèse, Faculté de droit et des sciences politiques de 
Tunis, 2018, Le nouveau droit de l›investissement en Tunisie : Regards croisés sur l›Europe et l›Afrique, sous la direction de 
N. BRAHMI-ZOUAOUI, CPU, Tunis, 2018.
Première partie 
Le contrôle du franchissement
de la frontière par l’étranger
Première partie : Le contrôle du franchissement de la frontière par l’étranger
Le  déplacement  de  l’étranger  vers  le  territoire  tunisien  et  à  partir  du  territoire 
tunisien est soumis à des règles assez restrictives posées par des textes anciens 
(A),  dont  le  non-respect  l’expose  à  des  sanctions  sévères  (B).  Cette  répression 
s’étend également à l’aide qui pourrait lui être apportée (C).
A. Les règles applicables au franchissement de la frontière par 
l’étranger
Le déplacement de l’étranger vers le territoire tunisien pour y entrer, ou à partir du 
territoire tunisien pour en sortir, obéit à des règles qu’il convient d’exposer. L’examen 
des règles applicables permet de constater que l’entrée reste relativement aisée 
(1), tandis que la sortie est difficile, du moins pour certains étrangers (2).
1. Une entrée relativement aisée  sur le territoire tunisien
L’entrée de l’étranger sur le territoire tunisien est réglementée par deux principaux 
textes : la loi du 8 mars 1968 relative à la condition des étrangers36, et le décret du 
22 juin 1968 réglementant l’entrée et le séjour des étrangers en Tunisie37.
La  combinaison  des  deux  textes  emporte  trois  obligations  principales  l’égard  de 
33 
l’étranger souhaitant entrer sur le territoire tunisien.
Tout d’abord, l’entrée de l’étranger doit se faire à partir des points spécifiques de la 
frontière. En effet, selon l’article 4 de la loi du 8 mars 1968,  « l’entrée et la sortie 
de Tunisie ne peuvent s’effectuer que par les points de la frontière déterminés par 
arrêté du Secrétaire d’État à l’intérieur »38. 
Ensuite,  l’étranger  doit  être  muni  d’un  document  de  voyage.  En  effet,  l’article  5 
de la loi du 8 mars 1968 dispose que « tout étranger doit, à son entrée en Tunisie, 
présenter  un  passeport  national,  en  cours  de  validité,  ou  un  titre  de  voyage  qui 
permet à son porteur de retourner au pays qui l’a délivré ». 
Enfin, le même texte dispose que l’étranger doit être muni d’un visa d’entrée dont la 
demande est faite auprès des autorités diplomatiques ou consulaires tunisiennes 
à  l’étranger,  et  doit  comporter  des  justificatifs  de  subsistance  pour  la  durée  du 
séjour envisagé, et doit préciser les raisons du séjour. L’octroi du visa est soumis à 
l’appréciation discrétionnaire de l’administration, son refus n’est pas motivé. 
36   Loi du 8 mars 1968 relative à la condition des étrangers, JORT. 1968, n° 11, des  8-12 mars 1968, p. 251.
37   Décret n°68-198 du 22 juin 1968 réglementant l’entrée et le séjour des étrangers en Tunisie, JORT. 1968, n° 26, des 
21-25-28 juin 1968, p. 694
38   Le Ministère de l’Intérieur aujourd’hui. 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Cependant,  plusieurs  exemptions  de  visa  sont  prévues.    Ces  exemptions,  qui 
résultent soit des accords bilatéraux, soit de la pratique administrative facilitent 
en réalité l’entrée des étrangers sur le territoire tunisien et favorisent donc la libre 
circulation des personnes. 
La  loi  du  8  mars  1968  prévoit  ainsi  que  « sont  dispensés  de  visa  d’entrée…les 
ressortissants des États ayant conclu avec l’État tunisien  des conventions pour la 
suppression de cette formalité, à l’exception de ceux qui ont fait l’objet d’une mesure 
d’expulsion du territoire tunisien, soit d’une décision de refus d’autorisation de séjour, 
soit d’une interdiction de résider en Tunisie à l’occasion d’un précédent séjour ». 
Ainsi, sont exemptés de l’exigence du visa, les ressortissants des pays maghrébins. 
Les conventions d’établissement signées entre la Tunisie et les pays maghrébins, 
avant  ou  après  l’entrée  en  vigueur  de  la  loi  du  8  mars  1968,  dispensent  les 
ressortissants  de  ces  pays  de  l’obligation  d’obtenir  un  visa  avant  l’entrée  sur  le 
territoire tunisien39.
La pratique administrative des autorités tunisiennes permet aussi l’exemption de 
visa. La consultation du site officiel de l’aéroport de Tunis-Carthage40, montre que 
plusieurs nationalités étrangères sont exemptées de visa, du moins lorsqu’il s’agit 
34
d’un séjour de courte durée41. 
L’exemption  de  visa  facilite  l’entrée  d’un  nombre  important  de  ressortissants 
étrangers  sur  le  territoire  tunisien,  et  s’inscrit  dans  un  principe  de  libre 
circulation  des  personnes.  On  remarquera  cependant  que  le  visa  reste  imposé 
aux ressortissants de plusieurs pays arabes. Cette exclusion s’explique soit pour 
39   Loi n° 66-34 du 3 mai 1966 portant ratification de la Convention d’établissement conclue entre la Tunisie et l’Algérie, 
JORT. 1966, n°20 du 3 mai 1966, p. 723, Loi n° 66-35 du 3 mai 1966 portant ratification de la Convention d’éta-
blissement conclue entre la Tunisie et le Maroc, JORT. 1966, n° 20, p. 724, Loi n°74-13 du 18 mars 1974 portant 
ratification de la Convention relative au droit de propriété, au droit du travail, à l’exercice des professions et métiers, au 
droit d’établissement et au droit de circulation signée le 6 juin 1973, entre la République tunisienne et la République 
arabe libyenne, JORT. 1974, n° 21, du 19 mars 1974, p. 579.
40 https://www.aeroportdetunis.com/visa
41  Nationalités  exemptées  de  visa  :Pour  un  séjour  inférieur  à  4  mois  : Canada,  Allemagne,  États-Unis,Pour  un  séjour 
inférieur à 2 mois : Bulgarie,Pour un séjour inférieur à 1 mois : Grèce,
    Pour un séjour inférieur à 90 jours : autres pays de l’Union européenne (excepté Chypre), Algérie, Andorre, Angola, 
Antigua et Barbuda, Argentine, Australie, Bahrain, Barbade, Bosnie, Brésil, Brunei, Burkina Faso, Cap Vert, Chine, 
Comores, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Guinée équatoriale, Fiji, Gabon, Gambie, Guinée, Guinée Bissau, Hong Kong, 
Honduras, Islande, Japon, Jordanie, Kiribati, Corée du Sud, Koweit, Libye, Liechtenstein, Macédoine, Malaisie, Mal-
dives,  Mali,  Mauritanie,  Maurice,  Mexique,  Moldavie,  Monaco,  Montenegro,  Maroc,  Namibie,  Nouvelle-Zélande, 
Niger, Norvège, Oman, Qatar, Russie, Saint Kitts et Nevis, Sainte-Lucie, San Marin, Arabie saoudite, Sénégal, Serbie, 
Seychelles, Singapour, Afrique-du-Sud, Suisse, Turquie, Emirats arabes unis, Vatican,
     Pour un séjour de moins de 90 jours avec une carte d’identité en cas de voyages organisés : Autriche, Belgique, France, 
Australie, Allemagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Suède, Suisse.
Première partie : Le contrôle du franchissement de la frontière par l’étranger
des raisons de sécurité, soit par application de la règle de la réciprocité. En effet, 
des  raisons  de  sécurité  expliquent  le  maintien  du  visa  d’entrée  à  l’égard  des 
ressortissants syriens et irakiens.  Les ressortissants libanais ou égyptiens sont 
soumis, quant à eux, à l’obligation d’obtenir un visa d’entrée, par application de la 
règle de la réciprocité, puisque leurs pays imposent aux Tunisiens le visa d’entrée.  
2. Une  sortie difficile du territoire tunisien
Le droit de sortir de n’importe quel pays, y compris le sien, est garanti par l’article 
12 du Pacte relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.
Les règles imposées aux étrangers pour quitter le territoire tunisien résultent soit 
du droit tunisien, soit des législations du pays de destination.
Les  règles  issues  du  droit  tunisien  ne  sont  pas  très  sévères  et  ne  violent  pas 
l’article 12 du Pacte. Ces  règles sont précisées dans la loi du 8 mars 1968 relative 
à la condition des étrangers, et le décret du 22 juin 1968, réglementant l’entrée et le 
séjour des étrangers en Tunisie42. La sortie doit ainsi se faire obligatoirement « par 
les points de la frontière déterminés par arrêté du Secrétaire d’État à l’intérieur »43, 
selon l’article 4 de la loi du 8 mars 1968.
35 
L’étranger  doit  également  être  muni  d’un  document  de  voyage.  Cette  obligation 
n’est pas clairement prévue par la loi, mais elle découle de l’obligation d’obtenir 
un visa de sortie qui sera apposé sur le document de voyage. En effet, le décret du 
22 juin 1968, réglementant l’entrée et le séjour des étrangers en Tunisie44 institue 
un visa de sortie pour les étrangers qui désirent quitter le territoire tunisien. Mais 
ce visa ne constitue pas une autorisation préalable, il est délivré automatiquement 
à l’étranger en situation régulière, lors du passage de la frontière, et correspond 
tout simplement à un tampon apposé sur le passeport. Pour certaines catégories 
de personnes, comme les réfugiés et les apatrides, le passeport est remplacé par 
un autre type de document45.
42   Décret n°68-198 du 22 juin 1968 réglementant l’entrée et le séjour des étrangers en Tunisie, précité.
43   Le Ministère de l’intérieur aujourd’hui. 
44   Décret n°68-198 du 22 juin 1968 réglementant l’entrée et le séjour des étrangers en Tunisie, précité.
45  L’article 23 de la loi de 1975 relative aux passeports et documents de voyage prévoit que des titres de voyage (laissez passer 
de type « C ») sont délivrés aux personnes bénéficiant du statut de réfugié d’une durée de validité de deux ans et ne pouvant 
être prorogés ou renouvelés que pour les réfugiés qui résident encore en Tunisie. Des titres de voyage de type « D » sont 
délivrés aux personnes bénéficiant du statut d’apatride, d’une durée de validité de trois mois à deux ans maximum et qui 
ne peuvent pareillement être prorogés ou renouvelés que pour les apatrides qui résident d’une façon régulière en Tunisie.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Le droit de quitter le territoire tunisien est, en réalité, limité par les règles imposées 
par  le  pays  de  destination.  Ainsi,  l’étranger  ne  pourra  pas  se  rendre  en  Europe 
s’il n’est pas muni d’un «visa Schengen». Les autorités tunisiennes sont chargées 
de  contribuer  au  contrôle  des  flux  migratoires  vers  l’Europe.  Le  développement 
du  phénomène  des  migrations  irrégulières    dans  le  pourtour  méditerranéen 
occidental a projeté les pays nord-africains dans le rôle de « zones tampons » ou 
« ceintures de sécurité » entre l’Afrique et l’Europe. Soumis à de fortes pressions 
européennes, ces pays se sont vus contraints de partager, avec les pays européens, 
le contrôle de leurs frontières internationales46. 
B. Les sanctions encourues par l’étranger
Le  non-respect  des  règles  relatives  au  franchissement  de  la  frontière  expose 
l’étranger  à  un  ensemble  de  sanctions.  Ces  sanctions  s’appliquent  surtout 
aux  migrants  qui  se  rendent  illégalement  en  Europe.  Outre  les  sanctions 
d’emprisonnement  et  d’amendes  prévues  par  le  droit  interne  (1),  les  migrants 
irréguliers  risquent  la  réadmission  sur  le  territoire  tunisien  par  application  des  
36
accords de réadmission conclus entre la Tunisie et l’Italie (2). De même, le migrant 
dont    l’entrée  ou  la    sortie  sont  irrégulières  au  regard  du  droit  tunisien  risque 
l’enfermement dans les camps de rétention (3). 
1. L’emprisonnement et les amendes
En cas d’entrée ou de sortie  irrégulière, l’étranger s’expose à des sanctions pénales 
prévues par les articles 23 et 24 de la loi du 8 mars 1968 relative à la condition des 
étrangers en Tunisie. L’article 23 de cette loi  prévoit une peine d’emprisonnement 
d’un mois à un an et d’une amende de 6 à 120 dinars…à l’encontre de tout étranger 
qui entre en Tunisie ou en sort sans se conformer aux conditions prévues aux articles 
4 et 5 de la loi du 8 mars 1968. L’article 24 de la loi du 8 mars  1968 dispose qu’« est 
passible d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d’une amende de 20 à 240 dinars 
l’étranger qui présente des documents falsifiés ou donne de faux renseignements 
dans le but de cacher son identité, sa profession ou sa nationalité» 47. L’étranger peut 
également faire l’objet d’une mesure d’expulsion si « sa présence sur le territoire 
tunisien constitue une menace pour l’ordre public »48. 
46  BEN ACHOUR (S), « Le cadre juridique des migrations clandestines en droit tunisien », Annales des sciences juridiques, 
2008, p. 105.
47  Le texte ajoute que ces sanctions sont applicables sans préjudice de l’application des sanctions  prévues par le Code 
pénal. Il vise notamment l’article article 193 qui concerne l’usage de faux passeport.  
48  Article 18 de la loi du 8 mars 1968.
Première partie : Le contrôle du franchissement de la frontière par l’étranger
2. La réadmission en Tunisie : les  accords conclus avec l’Italie
Les accords de réadmission sont des conventions bilatérales qui obligent chacun 
des  États  contractants  à  réadmettre  sur  son  territoire  les  migrants  entrés 
illégalement, sur le territoire de l’autre État. 
La Tunisie a signé de nombreux accords de réadmission avec l’Italie, la France et 
l’Union européenne49. 
Les accords signés avec l’Italie présentent deux spécificités au moins. Tout d’abord, 
ces accords intéressent un nombre très important de migrants irréguliers, puisque 
l’immigration irrégulière à partir de la Tunisie se dirige essentiellement vers l’Italie. 
Ensuite, ces accords permettent non seulement de réadmettre les nationaux, mais 
aussi les étrangers qui ont transité par la Tunisie pour se rendre en Italie.
Un premier accord a été signé entre la Tunisie et l’Italie en date du 6 août 199850. Cet 
accord prévoyait la réadmission des migrants tunisiens et des migrants étrangers 
ayant  transité  par  la  Tunisie,  et  arrivés  en  Italie,  en  échange  de  quotas  d’entrée 
pour les travailleurs tunisiens en Italie. 
D’autres  accords  sont  venus  compléter  l’accord  de  1998.  Un  second  accord 
de  coopération  policière  été  signé  le  13  décembre  200351.  Cet  accord  avait  pour 
principal objet de former les forces de police tunisienne au contrôle des frontières 
maritimes italiennes, au moyen d’une assistance technique. 
Le 27 janvier 2009, un troisième accord est conclu entre les Ministres tunisien et 
italien  de  l’intérieur.  Il  avait  pour  objectif  d’accélérer  la  délivrance  des  laissez-
passer aux personnes dépourvues de documents de voyage et identifiées comme 
étant de nationalité tunisienne52. 
49  BEN ACHOUR (S) et BEN JEMIA (M), « Plaidoyer  pour  une  réforme  des  lois  relatives  aux  migrants, 
aux étrangers et à la nationalité en Tunisie », REMDH-CETUMA, décembre 2014, p. 17 à 22.
  https://euromedrights.org/wp-content/uploads/2015/07/REMDH_CETUMA_Monia-BJ_Souhayma-BA_Plaidoyer_r-
-forme-des-lois-sur-la-migration-les---trangers-et-la-nationalite_fr-2.pdf
50  L’accord de réadmission tuniso-italien a été conclu le 6 août 1998. Il a été publié en Italie à la Gazetta Ufficiale  n° 11 
du 15 janvier 2000. Il n’a pas été publié au Journal officiel de la République tunisienne. Il est entré en vigueur le 23 
septembre 1999.
51   NERI (K), «Le droit international face aux nouveaux défis de l’immigration clandestine en mer »,  Revue québécoise de 
droit international, volume 26-1, 2013. p. 143.
https://www.persee.fr/doc/rqdi_0828-9999_2013_num_26_1_1302
52  BENOUARET (N), « Onze camps d’enfermement secrets de harragas en Tunisie », El watan, 4 juillet 2009, www.
algeria-watch.org, PRESTIANNI (S), « La politique italienne de signature des accords d’expulsion », Migreueup, Ac-
cords de réadmission, « liaisons dangereuses» entre aide au développement et gestion des flux migratoires, le 3 avril 2009, 
    http://www.migreurop.org/IMG/doc/CR_reunion_accords_readmission_040409.doc
37 
38
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
L’accord de 2009 prévoyait également l’expulsion graduelle de migrants irréguliers  
tunisiens, mais aussi étrangers ayant transité par la Tunisie et se trouvant  dans 
le  centre  de  Lampedusa.  Concrètement,  le  gouvernement  tunisien  acceptait  
l’expulsion de 500 migrants, à la condition qu’elle soit « diluée» dans le temps, 150 
migrants expulsés par mois les deux premiers mois et ensuite 100 personnes par 
mois, par petits groupes de 7 personnes maximum.  
Un quatrième accord est conclu en date du 5 avril 2011. Intervenu après l’importante 
vague de migrations irrégulières de jeunes tunisiens et étrangers vers l’île italienne 
de  Lampedusa  après  le  14  janvier  2011,  cet  accord  renforce  le  contrôle  des  flux 
migratoires irréguliers et facilite le rapatriement53. 
Le 9 février 2017, un « accord de coopération renforcé » est signé entre le Ministre 
des affaires étrangères tunisien et son homologue italien54. 
Le premier accord de réadmission de 1998, met à la charge de l’État tunisien deux 
types d’obligations. En premier lieu, il l’oblige à réadmettre, sans formalités, ses 
propres ressortissants entrés illégalement sur le territoire italien ou y séjournant 
de  façon  irrégulière.  Plusieurs  moyens  permettent  de  prouver  la  nationalité 
tunisienne  de  l’immigré  clandestin :  passeport,  extrait  d’état  civil,  informations 
fournies par l’autorité officielle, coopération entre les deux États en vue d’échanger 
les  informations  relatives  aux  empreintes  digitales  et  les  photographies  de 
l’intéressé…Une  fois  la  nationalité  établie,  les  autorités  consulaires  tunisiennes 
doivent délivrer un laissez-passer à l’intéressé pour être réadmis sur le territoire 
tunisien. Les frais de transport sont à la charge de l’État italien.
En second lieu, l’accord de 1998 oblige les autorités tunisiennes à réadmettre sur 
le territoire tunisien tout ressortissant d’un État tiers, dès lors qu’il est établi qu’il 
est entré en Italie en transitant par la Tunisie ou après avoir séjourné en Tunisie. 
L’accord  ne  concerne  cependant  pas  les  ressortissants  des  pays  membres  de 
l’UMA  (Union  du  Maghreb  arabe).  Cette  exclusion  des  ressortissants  de  l’UMA 
s’explique par deux raisons essentielles. Elle s’explique, d’une part, par la volonté 
de la Tunisie de préserver la relative libre circulation des personnes qui existe avec 
les autres pays de l’UMA et surtout avec le Maroc. D’autre part, elle s’explique par 
le fait que l’Italie a conclu avec les autres pays de l’UMA des accords prévoyant la 
53  BEN JEMIA (M) et BEN ACHOUR (S), « Révolution tunisienne et migration clandestine vers l’Europe, Réactions 
européennes et tunisiennes », CARIM, Notes d’analyses et de synthèse 2011/65, Module juridique, Institut universi-
taire européen, Robert Schuman Center for advanced studies, 2011, https://core.ac.uk/download/pdf/45679935.pdf
54   « Migrations clandestines, La Tunisie et l’Italie signent un accord de coopération renforcé », HUFFPOST Maghreb, du 
9 février 2017, www.huffpostmaghreb.com
Première partie : Le contrôle du franchissement de la frontière par l’étranger
réadmission de leurs ressortissants. La preuve du transit ou du séjour en Tunisie 
peut être établie par plusieurs moyens, et notamment les titres de séjour, les notes 
d’hôtels, les ordonnances médicales, les déclarations de l’intéressé et des agents 
officiels…La réadmission doit être effectuée dans un délai de 3 mois à partir de la 
notification de la demande par les autorités italiennes.
3. L’enfermement dans les camps : l’exemple du camp d’El Wardiya 
Les étrangers qui enfreignent les règles relatives au franchissement de la frontière 
peuvent se retrouver dans les centres de rétention tunisiens. Il existerait plusieurs 
centres  de  rétention  en  Tunisie,  dont  le  «Centre  d’accueil  et  d’orientation  d’El 
Wardiya»55, et le «Centre de détention de Ben Guerdane» à Médenine56. Ce dernier 
a récemment été fermé par décision ministérielle, en mars 2019, en raison « des 
conditions inhumaines »57dans lesquels les migrants se trouvaient. 
Le camp d’El Wardiya est le plus important de ces centres. Une étude effectuée au 
mois d’avril 2015 révèle que la situation du Centre de rétention pour étrangers d’El 
Wardiya est particulièrement alarmante58. 
Des  centaines de migrants, dont des réfugiés syriens ou des réfugiés sous mandat 
39 
du HCR y sont détenus. Les détenus « ont décrit une situation lamentable due à 
l’absence  de  possibilités  de  contact  avec  le  monde  extérieur,  à  la  situation  dans 
les cellules, à la pression de la part des policiers et au chantage subi pour chaque 
demande, à la carence de vrais soins médicaux », et à une situation déplorable « du 
point de vue de la nourriture et de l’hygiène des locaux de détention » 59. 
Selon  cette  étude,  les  migrants  détenus  au  Centre  d’El  Wardiya  n’ont  que  deux 
possibilités  pour  quitter  le  camp.  La  première  consiste  à    payer  eux  même  le 
billet  pour  leur  rapatriement,  ce  qui  est  évidemment  difficile  pour  eux  étant 
donné  la  précarité  dans  laquelle  ils  vivent. La  seconde  possibilité  est  d’accepter 
la déportation vers l’Algérie. « Chaque semaine, il y a des déportations pendant la 
nuit ou aux premières heures du matin. Les migrants sont amenés dans un lieu 
55   Centre d’acceuil et d’orientation de Wardiya.
56    Site  de  Global  Detention  Project,  https://www.globaldetentionproject.org/countries/africa/tunisia,  mis  à  jour  en 
juillet 2014. 
57  Décision de Monsieur Fadhel MAHFOUDH, Ministre chargé auprès du chef du gouvernement des relations avec les 
instances constitutionnelles, la société civile et organisations des droits de l’homme « Tunisia has decided to close the 
Medenine center for migrants, refugees, and asylum seekers due to overcrowding and inhumane conditions», https://
www.infomigrants.net,  du 25 mars 2019.
58 GARELLI (G), SOSSI (F), TAZZIOLI (M), « Réfugiés en Tunisie, entre détention et déportation », Étude effectuée 
par, avril 2015, publié sur Tunisia in red, 18 avril 2015,
 http://www.tunisiainred.org/tir/?p=5241
59 Ibidem.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
de frontière près de la ville de Kasserine et laissés de l’autre côté, dans une zone 
désertique.  Souvent  il  y  a  des  cas  de  décès,  parce  que  les  migrants  se  perdent 
avant d’arriver dans un lieu habité »60. 
C.  La  répression  de  l’aide  au  franchissement  de  la  frontière    par  
l’étranger
L’aide  qu’un  tiers  pourrait  accorder  à  l’étranger  afin  de  franchir  la  frontière  est 
passible de sanctions pénales. Antérieurement à la loi du 3 février 2004 «relative 
aux migrations irrégulières», les sanctions prévues n’étaient pas particulièrement 
sévères, et ne permettaient  de dissuader ni les migrants, ni les passeurs (1). Les 
autorités décident alors de s’attaquer au phénomène des migrations irrégulières 
par la loi du 3 février 2004 «relative aux migrations irrégulières»,  en instituant un 
régime répressif très sévère (2).
1. Le régime «léger» antérieur à 2004
L’article 25 de la loi du 8 mars 1968 relative à la condition des étrangers prévoit des 
40
sanctions à l’encontre de  « toute personne qui  sciemment,  aide  directement ou 
indirectement ou tente de faciliter l’entrée, la sortie…d’un étranger en Tunisie ». 
Toute personne qui  aide le migrant est passible d’une peine d’emprisonnement 
de 1 mois à 1 an et d’une amende de 6 à 120 dinars. Les peines prévues sont assez 
légères, ce qui les empêche de jouer un rôle de dissuasion61. 
D’autres textes sanctionnent des formes marginales d’aide que pourraient donner 
les passeurs. Il en est ainsi de l’article 76 du Code disciplinaire et pénal maritime62 ou 
de l’article 146 du Code de l’aéronautique civile63.
60   GARELLI (G), SOSSI (F), TAZZIOLI (M), déjà cité.
61  Afin d’infliger des sanctions plus lourdes aux passeurs, les tribunaux tunisiens se sont tournés vers l’article 291 du Code 
pénal relatif à l’escroquerie. Mais ce texte n’était pas vraiment adéquat, car il supposait notamment l’usage d’un faux nom 
ou d’une fausse qualité ou l’emploi de ruses ou d’artifices propres à persuader de l’existence de fausse entreprise, d’un 
pouvoir ou d’un crédit imaginaire…Or la traversée clandestine pouvait réussir et échapper à l’application de ce texte. Sur 
cette question, El HAMMAMI (M), « Les migrations clandestines », RJL.  octobre 2004, p. 257 (en langue arabe).
62  Loi n° 77-28 du 30 mars 1977 portant promulgation du Code disciplinaire et pénal maritime (JORT, n° 23 du 5 avril 
1977, p. 830). L’article 76 du Code disciplinaire et pénal maritime prévoit que « toute personne qui, soit à bord, soit à 
terre a favorisé l’embarquement ou le débarquement d’un passager clandestin, l’a dissimulé ou lui a fourni des vivres à 
l’insu du capitaine est passible d’une amende de 300 dinars et d’un emprisonnement de 6 mois ou de l’une de ces deux 
peines seulement ». Le champ d’application de l’article 76 du Code disciplinaire et pénal maritime est très restreint. Il 
ne s’applique que si le migrant clandestin est embarqué ou débarqué à l’insu du capitaine, ce qui suppose que la taille 
du navire soit assez importante pour que son capitaine ne s’aperçoive pas de la présence du clandestin. Or les traversées 
clandestines se font presque toujours à bord de petites embarcations conduites par les migrants eux-mêmes.
63  Loi n° 99-58 du 29 juin 1999, portant promulgation du Code de l’aéronautique civile (JORT. n° 54, du 6 juillet 
1999, p. 1091). L’article 146 du Code de l’aéronautique civile prévoit qu’« est  puni de 6 mois d’emprisonnement 
et de 24.000 dinars d’amende tout commandant de bord qui embarque ou débarque, en contravention avec la régle-
mentation en vigueur, des passagers ». Il est très difficile d’imaginer des cas d’application de l’article 146 du Code de 
l’aéronautique civile. On voit mal un commandant de bord embarquer un passager clandestin. 
Première partie : Le contrôle du franchissement de la frontière par l’étranger
2.  Le  régime  sévère  institué  par  la  loi  du  3  février  2004  «relative  aux 
migrations irrégulières»  
Le  franchissement de la frontière par le migrant, qu’il soit d’ailleurs tunisien ou 
étranger, a été soumis à un contrôle accru depuis la promulgation de la loi du 3 
février 2004  modifiant et complétant la loi n° 75-40 du 14 mai 1975 relative aux 
passeports  et  aux  documents  de  voyage.  S’annonçant  de  façon  timide  comme 
une simple modification de la loi du 14 mai 1975, la loi du 3 février 2004 institue 
en réalité une législation pénale spécifique à l’aide aux migrations  irrégulières et 
dérogatoire au droit commun64. 
La nouvelle législation issue de la loi du 3 février 2004 n’abroge pas les textes 
qui lui sont antérieurs. Elle s’y superpose. L’article 52 de la loi prévoit, en effet, 
qu’en plus des peines prévues par la loi de 2004, le juge peut faire application des 
peines prévues par le Code pénal ou par d’autres textes spécifiques en vigueur. 
L’objet de la loi du 3 février 2004 dépasse de très loin ce que son intitulé suggère. 
Il ne s’agit pas seulement d’instituer une nouvelle réglementation des passeports 
et des documents de voyage, ni de réorganiser les conditions de leur obtention ou 
de leur délivrance par les autorités compétentes. Cette loi vise, d’abord et avant 
41 
tout, à combattre les passeurs. 
Mais le législateur tunisien est allé très loin dans la répression. En voulant lutter 
contre les passeurs et leurs pratiques immorales, il a, en même temps, incriminé 
toute  forme  d’aide,  d’assistance  ou  de  soutien  qui  pourrait  être  apportée  au 
migrant irrégulier  (a), et a imposé  un devoir de signalement (b).
a. La répression de toute forme d’aide au migrant
L’article 38 de la loi du 3 février 2004 punit «  de trois ans d’emprisonnement et 
d’une amende de huit mille dinars quiconque aura renseigné, conçu, facilité, aidé 
ou se sera entremis ou aura organisé par un quelconque moyen, même à titre 
bénévole, l’entrée ou la sortie clandestine d’une personne du territoire tunisien, 
par voie terrestre, maritime ou aérienne, soit des points de passage soit d’autres 
points.
64  Loi organique n° 2004-6 du 3 février 2004, modifiant et complétant la loi n° 75-40 du 14 mai 1975, relative aux 
passeports et aux documents de voyage (JORT. 2004, n° 11 du 6 février 2004, p. 252). Sur cette loi, BEN ACHOUR 
(S), « Le cadre juridique des migrations clandestines en droit tunisien », précité.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Rédigé de façon extrêmement large et utilisant des notions floues et imprécises, 
l’article 38 de la loi laisse une place importante à l’interprétation du juge65. 
Que signifie au juste l’action de renseigner, de concevoir, de faciliter ou d’aider 
l’entrée  ou  la  sortie  clandestine  d’une  personne  du  territoire  tunisien ?  La 
rédaction  de  ce  texte  permet  d’ajouter  aux  actes  particuliers  visés  par  la  loi 
d’autres  actes.  Par  la  généralité  des  termes  qu’il  utilise,  l’article  38  permet 
d’incriminer toute forme d’aide qui pourrait être apportée au migrant irrégulier,  
quel que soit le but recherché par l’auteur de l’infraction. 
Les solutions de l’article 38 sont certes conformes aux principes généraux du droit 
pénal puisque le mobile n’a pas d’importance au niveau de l’incrimination66, mais 
semblent  contestables  sur  un  plan  humain.  L’aide  aux  migrations  clandestines 
prend des formes très diverses et variées. Les personnes qui aident le migrant 
clandestin n’ont pas toujours le même intérêt et ne visent pas le même but. L’aide 
apportée au clandestin peut être le fait d’un passeur peu scrupuleux qui n’hésite 
pas à soutirer une somme d’argent importante au clandestin, comme elle peut 
être le fait d’une personne désintéressée. 
42
L’aide au migrant clandestin peut également émaner d’une personne qui ignore 
totalement la situation de ce dernier, par exemple, une personne qui aurait loué 
une barque, prêté un local ou vendu des vêtements au migrant étranger qui entend 
quitter le territoire tunisien. Cette personne tomberait sous le coup de la l’article 
38 de la loi du 3 février 2004. Les tribunaux semblent appliquer rigoureusement 
la loi du 3 février 2004. C’est ce qui ressort, par exemple, d’une décision rendue 
en date du 10 juillet 2008 par la Cour d’appel de Monastir67. Il s’agissait, dans cette 
affaire, d’un groupe de jeunes tunisiens et étrangers qui avaient tenté de franchir 
illégalement la frontière afin de rejoindre les côtes italiennes à bord d’une petite 
embarcation. La tentative avait échoué suite au naufrage de l’embarcation  et 4 
jeunes  étaient  décédés.  La  Cour  d’appel  de  Monastir  sanctionne,  en  plus  des 
65   BEN JEMIA (M), « L’aide à l’entrée ou la sortie clandestine du territoire tunisien, À propos de la loi de 2004 portant 
réforme de la loi de 1975 sur les passeports », La diversité dans le droit, Mélanges offerts à la doyenne Kalthoum MEZIOU-
DOURAÏ, CPU, 2014, p. 117. 
66  On enseigne, en général, que le mobile est sans incidence sur l’incrimination. Cette indifférence du droit pénal à l’égard 
des  mobiles  doit  cependant  être  nuancée.  Il  peut  ainsi  intervenir  au  niveau  de  l’appréciation  de  la  peine.  Sur  cette 
question, CONTE (P) et MAISTRE DU CHAMBON (P), Droit pénal général, 6ème édition, Armand Collin, 2002, n° 
383 et 384.
67   CA. Monastir, n° 238/2, 10 juillet 2008, inédite, rapportée par BOUBAKRI (H), avec la collaboration de LAGHA 
(N) et LABIDI (R), « Compréhension des migrations irrégulières et des flux mixtes en Afrique du nord, Regard à partir 
de la Tunisie », Rapport UNHCR, Tunis office, mars 2010, p. 80, étude non publiée.
Première partie : Le contrôle du franchissement de la frontière par l’étranger
jeunes qui avaient tenté de migrer clandestinement, des personnes indirectement 
impliquées dans cette affaire en les assimilant ainsi à des trafiquants. C’est ainsi 
qu’un  dentiste,  qui  avait  loué  une  barque  à  l’un  des  membres  d’un  groupe  est 
condamné à une peine de 8 ans de prison ferme pour homicide involontaire et 
franchissement illégal de la frontière. De même, une personne qui avait loué un 
studio à deux des membres du groupe est condamnée à une  amende de 8000 
dinars.
De plus, l’aide au migrant clandestin peut être donnée par une association à but 
humanitaire  qui  essaie  d’apporter  un  soutien  moral  et  matériel  au  clandestin. 
On sait que plusieurs associations ou ONG, comme le Croissant rouge tunisien, 
le Haut commissariat aux réfugiés ou encore l’association Caritas interviennent 
pour  secourir  les  migrants  irréguliers    en  les  hébergeant,  en  leur  prodiguant 
certains  soins,  en  les  aidant  à  trouver  un  emploi  provisoire  ou  en  essayant  de 
rétablir le contact avec leur pays d’origine68.
L’aide  apportée  au  migrant  irrégulier    peut  aussi  être  apportée  par  un  simple 
citoyen  charitable  qui  héberge  et  nourrit  pendant  quelques  jours  le  clandestin. 
Elle peut être donnée par un parent du clandestin.  Elle peut  être  apportée  par 
43 
un  médecin  qui  donnera  des  soins  urgents  au  clandestin.  Elle  peut  être  le  fait 
d’un avocat qui tentera de régulariser la situation du clandestin ou essayera de 
demander le droit d’asile conformément à la Convention de Genève du 28 juillet 
1951 sur le statut des réfugiés, que la Tunisie a ratifiée.
L’incrimination  des  actes  émanant  d’un  passeur  ou  d’un  réseau  de  passeurs 
pourrait parfaitement se comprendre, car elle vise à sanctionner les personnes qui 
font des migrations clandestines une source de revenus et qui n’hésitent souvent 
pas à exposer la vie et la sécurité des candidats aux migrations clandestines à un 
danger important. En revanche, l’incrimination de l’aide charitable et généreuse, 
de  l’aide  à  but  social  ou  de  l’aide  humanitaire  peut  sembler  contestable,  voire 
choquante. 
68   BOUBAKRI (H), « Migrations de transit entre la Tunisie, la Libye et l’Afrique subsaharienne : Étude à partir du cas du 
grand Tunis », Rapport pour le Conseil de l’Europe, Conférence régionale, Les migrants dans les pays de transit : partage des 
responsabilités en matière de gestion et de protection, Strasbourg, septembre 2004, p. 17, BOUBAKRI (H) et MAZELLA (S), 
« La Tunisie entre transit et immigration : politique migratoire et conditions d’accueil des migrants africains à Tunis », in. 
Migrations entre les deux rives du Sahara, Autrepart, Revue des sciences  sociales  du Sud, 2005, p. 152.
    https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-01217289/document
    BOUBAKRI (H) et MAZELLA (S), « La Tunisie entre transit et immigration… », précité, p. 162.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
b. L’instauration d’un devoir de signalement :
    la lutte contre les migrations irrégulières par la délation
L’idée que la loi du 3 février 2004 vise toute forme d’aide aux migrations clandestines 
se trouve confirmée par le contenu du scandaleux article 45. Cet article instaure 
un  devoir  de  signalement  pénalement  sanctionné.  Il  essaie  de  combattre  les 
migrations  clandestines  par  la  délation.  Il    punit  de  3  mois  d’emprisonnement 
et de 500 dinars d’amende toute personne qui se sera abstenue de signaler aux 
autorités  compétentes  les  informations,  renseignements  ou  actes  dont  elle  a 
eu connaissance et concernant les infractions visées par la loi69. L’incrimination 
instituée par l’article 45 contredit le devoir de respecter le secret professionnel, 
puisqu’elle s’applique même si la personne concernée « est tenue par le secret 
professionnel ». 
Or la violation du secret professionnel est pénalement sanctionnée. L’article 254 
du  Code  pénal  punit  de  6  mois  d’emprisonnement  et  de  120  dinars  d’amende 
toute personne qui, de part sa profession, est dépositaire d’un secret et le révèle. 
Cette  disposition  s’applique  dans  deux  domaines  qui  peuvent  nous  intéresser : 
44
celui des professions de santé : médecins, chirurgiens, pharmaciens ou sages-
femmes…et celui de la profession d’avocat.   
La  répression  de  la  violation  du  secret  professionnel  connaît  cependant  une 
exception  notable.  En  effet,  les  personnes  visées  par  l’article  254  n’encourent 
pas  les  peines  prévues  lorsque  la  loi  les  autorise  ou  les  oblige  à  se  porter 
dénonciateurs.
C’est,  précisément,  de  cette  exception  autorisée    par  l’article  254  que  la  loi  de 
2004  a  fait  usage.  Elle  permet  la  violation  du  secret  professionnel  lorsque  le 
professionnel  de  santé  ou  l’avocat  a  eu  connaissance  de  l’une  des  infractions 
visées  par  la  loi.  Indirectement,  l’article  45  empêche  l’immigré  d’avoir  recours 
aux services d’un médecin, d’une sage-femme ou d’un avocat. Bien évidemment, 
rien n’empêche le médecin de soigner le clandestin malade, rien n’empêche le 
pharmacien de lui délivrer un médicament, rien n’empêche l’avocat de défendre 
ses intérêts juridiques. Mais en obligeant le médecin, le pharmacien ou l’avocat 
à  signaler,  sous  peine  de  sanction  pénale,  les  infractions  visées,  la  loi  de  2004 
empêche indirectement le clandestin d’avoir recours à leurs services.
69   L’alinéa 2 de l’article 45 excepte cependant les ascendants, descendants, frères et sœurs et conjoints de la personne.
Première partie : Le contrôle du franchissement de la frontière par l’étranger
La  loi  de  2004  prive  ainsi  le  clandestin  des  droits  fondamentaux  reconnus  à  la 
personne humaine. Elle contredit notamment le droit à la vie, le droit à l’égalité, 
le droit à l’intégrité physique, le droit à la liberté, à la sécurité…qui sont  reconnus 
par  les  instruments  internationaux  ratifiés  par  la  Tunisie  comme  le  Pacte 
international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, la Charte 
africaine  des  droits  de  l’homme  et  des  peuples  du  26  juin  1981  ou  encore  la 
Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements 
cruels, inhumains et dégradants du 10 décembre 1984. 
45 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
46
Deuxième partie
L’installation précaire de l’étranger 
en Tunisie
Deuxième partie : L’installation précaire de l’étranger en Tunisie
Une fois entré sur le territoire tunisien, l’étranger se heurtera à un régime restrictif 
rendant son séjour précaire. En effet, le séjour de l’étranger en Tunisie se heurte à 
deux difficultés d’ordre juridique : les restrictions du droit au séjour régulier (A) et 
l’ignorance du droit d’asile par la législation tunisienne (B).
A. Les restrictions du droit au séjour
Le  séjour de l’étranger en Tunisie est soumis aux règles issues de la loi du 8 mars 
1968 relative à la condition des étrangers, et du décret du 22 juin 1968 réglementant 
l’entrée et le séjour des étrangers en Tunisie. 
Le séjour de l’étranger est soumis à l’obligation d’obtenir un visa de séjour et une 
carte de séjour. Le visa de séjour ainsi que la carte de séjour ne sont exigés que 
si le séjour de l’étranger dépasse une durée de trois mois consécutifs, ou de six 
mois non consécutifs durant une année, selon l’article 9 de la loi du 8 mars 1968. 
Selon l’article 11 du décret, les visas et les cartes de séjour sont de deux sortes : 
le visa et la carte ordinaires (1), et le visa et la carte temporaires (2). L’obtention 
de la carte de séjour constitue s’avère particulièrement difficile pour les étudiants 
venant d’Afrique subsaharienne (3). 
1. Le visa et la carte de  séjour ordinaires
Le  visa  et  la  carte  de  séjour  ordinaires  ne  sont    accordés  qu’aux  étrangers  qui 
entretiennent des liens assez étroits avec la Tunisie. En effet, selon l’article 35 du 
décret 22 juin 1968 réglementant l’entrée et le séjour des étrangers en Tunisie, la 
carte de séjour ordinaire est délivrée « aux étrangers titulaires du visa de séjour 
ordinaire, et aux étrangers nés en Tunisie et qui y ont résidé sans interruption ». 
Le visa de séjour ordinaire est accordé, selon les articles 13 de la loi du 8 mars 1968 
et 18 du décret 22 juin 1968 aux étrangers résidant en Tunisie en séjour temporaire 
depuis cinq années sans interruption, aux étrangères mariées à des Tunisiens, aux 
étrangers ayant des enfants tunisiens, et aux étrangers ayant rendu des services 
appréciables à la Tunisie. 
La durée de validité de la carte de séjour ordinaire est de deux années renouvelables 
selon l’article 36 du décret du 22 juin 1968 réglementant l’entrée et le séjour des 
étrangers en Tunisie. Elle peut être retirée, selon l’article 37 du même décret, « à 
l’étranger si les raisons qui ont motivé sa délivrance ont disparu ou si un arrêté 
47 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
d’expulsion a été pris à son encontre ». L’étranger qui s’est vu retirer sa carte de 
séjour  ordinaire  doit  quitter  le  territoire  tunisien  dans  un  délai  de  8  jours,  sous 
peine des sanctions, selon l’article 38 du même décret.
Les règles ainsi fixées présentent deux défauts majeurs. Tout d’abord, elles sont 
très restrictives, et ne permettent l’octroi de la carte de séjour ordinaire qu’à un 
nombre très limité de ressortissants étrangers souhaitant s’établir en Tunisie.
Ensuite, elles ont un caractère discriminatoire. En effet, seule l’épouse étrangère 
du Tunisien peut obtenir la carte de séjour ordinaire. Ce droit n’est pas reconnu au 
conjoint étranger de la Tunisienne. Outre qu’elle renferme une discriminatoire entre 
les étrangers, cette règle renferme également une discrimination entre Tunisiens, 
et reflète l’idée selon laquelle la femme tunisienne n’est pas «intégratrice» de son 
conjoint dans la société. L’attraction de l’étranger vers la société tunisienne se fait 
ainsi  plus  facilement  à  travers  les  hommes  qu’à  travers  les  femmes.  Dans  son 
rapport présenté le 1er juin 2018, la COLIBE a proposé de modifier cette disposition 
discriminatoire afin de reconnaitre le droit à l’obtention du visa et de la carte de 
séjour ordinaires  aussi bien à l’épouse étrangère du Tunisien, qu’à l’époux étranger 
48
de la Tunisienne et de rétablir ainsi l’égalité entre les sexes70. 
Certains  étrangers,  ressortissants  d’États  ayant  conclu  une  convention  avec  la 
Tunisie, bénéficient d’une carte de séjour «longue durée» de dix années. C’est le 
cas des Français dans les hypothèses prévues par l’accord conclu entre la Tunisie 
et la France en date du 17 mars 198871. 
2. Le visa et la carte de séjour temporaires
Le visa de séjour temporaire est délivrée aux étrangers « qui n’ont pas l’intention 
de  se  fixer  définitivement  en  Tunisie,  ou  à  ceux  qui  se  voient  refuser  le  visa  de 
séjour ordinaire par les autorités compétentes », selon l’article 12 du décret du 22 
juin 1968 réglementant l’entrée et le séjour des étrangers en Tunisie.
Afin d’obtenir le visa de séjour temporaire, l’intéressé doit présenter une demande auprès 
des autorités tunisiennes. Il doit  « préciser les raisons de son séjour » prouver  « qu’il 
est entré légalement en Tunisie » et « qu’il y dispose de ressources », selon l’article 13 du 
décret 22 juin 1968, réglementant l’entrée et le séjour des étrangers en Tunisie.
70   COLIBE (Commission des libertés individuelles et de l’égalité), Rapport précité, 1er juin 2018, p. 194. 
71   Décret n°2004-819 du 29 mars 2004 qui porte publication de l’avenant à l’accord du 17 mars 1988, tel que modifié 
par l’avenant du 19 décembre 1991, entre le gouvernement de la République tunisienne et le gouvernement de la 
République Française en matière de séjour et de travail, JORT 2004, du 2 avril 2004, n°27. L’accord a été également 
modifié par l’accord de gestion concertée des migrations conclu en 2008. L’accord n’a cependant pas été publié, du 
moins en Tunisie. 
Deuxième partie : L’installation précaire de l’étranger en Tunisie
L’étranger auquel le visa de séjour temporaire est refusé doit quitter le territoire 
tunisien dans le délai imparti par la décision de refus aux termes de l’article 14 du 
décret précité. La durée de validité du visa de séjour temporaire est la même que 
la durée de validité des documents qui ont servi pour le délivrer. Elle ne peut être 
supérieure à un an.
Une fois que le visa de séjour ordinaire est accordé, la carte de séjour est délivrée à 
l’étranger. Sa  validité ne dépasse pas la durée de validité du visa. Elle ne peut être 
renouvelée que si son titulaire a obtenu un nouveau visa de séjour. 
La carte de séjour peut lui être retirée si l’étranger « a commis des actes qui sont 
de nature à nuire à l’ordre public » ou si « les raisons qui ont motivé l’octroi du visa 
et de la carte de séjour venaient à disparaître », selon l’article 33 du décret-loi de 
1968. L’étranger qui s’est vu retirer sa carte  de  séjour  temporaire  doit  quitter  le 
territoire tunisien dans un délai de 8 jours selon l’article 34 du décret précité.
Ce texte autorise un large pouvoir d’appréciation en faveur de l’administration, et 
ouvre la porte à de multiples dépassements. 
Le non-respect des dispositions relatives au séjour expose l’étranger à des sanctions 
49 
pénales prévues par l’article 23 de la loi de 1968. Ce texte  dispose qu’« est passible 
d’un  emprisonnement  d’un  mois  à  un  an  et  d’une  amende  de  6  à  120  dinars… 
l’étranger qui ne sollicite pas dans le délai légal un visa de séjour et une carte de 
séjour ou leur renouvellement à l’expiration de la durée de leur validité…l’étranger 
qui continue de séjourner en Tunisie après le rejet de sa demande tendant à obtenir 
un visa et une carte de séjour ou après le refus de les renouveler ou l’expiration de 
la durée de leur validité ou le retrait de sa carte de séjour ».
3. Les difficultés rencontrées par les  étudiants subsahariens
Les  règles  de  droit  applicables  au  séjour  des  étrangers,  conjuguées  à  une 
pratique  défaillante,  mettent  très  souvent  certains  étrangers  dans  une  situation 
difficile. On s’intéressera en particulier au cas des étudiants originaires d’Afrique 
subsaharienne qui se heurtent à trois principales difficultés72. 
Tout d’abord, les étudiants se trouvent très souvent dans une situation irrégulière 
avant de pouvoir procéder au renouvellement de  la carte de séjour. La carte de 
72  KPOLO (D), « Le parcours du combattant des étudiants étrangers pour obtenir leur titre de séjour », HUFFPOST 
Maghreb, du 6 avril 2015,
     https://www.huffpostmaghreb.com/2015/04/06/etudiants-etrangers-carte_n_6998800.html
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
séjour  délivrée  aux  étudiants  est  généralement  valable  du  30  septembre  de 
l’année en cours, au 30 septembre de l’année suivante. Or les étudiants ne peuvent 
entamer la procédure de renouvellement auprès de leur commissariat de résidence 
qu’à partir du moment où les établissements dans lesquels ils sont inscrits leur 
délivrent une attestation de présence. Or les établissements universitaires, publics 
ou privés délivrent tardivement cette  attestation, au cours du mois d’octobre ou 
même plus tard. Ce qui met les étudiants dans une situation d’irrégularité, car la 
validité de la carte de séjour de l’année précédente est expiré, et l’obtention de la 
nouvelle carte ne peut se faire que si une attestation de présence est donnée par 
l’établissement universitaire.
Ensuite,  les  commissariats  de  police  tardent  à  délivrer  les  cartes  de  séjour 
définitives.  En  effet,  une  fois  le  dépôt  validé,  une  carte  de  séjour  provisoire  est 
délivrée rapidement, généralement au bout de deux jours.  Mais la carte définitive 
n’est obtenue qu’au bout de plusieurs mois, six, voire neuf mois dans certains cas. 
Or la carte provisoire, « ce bout de papier, que les étudiants brandissent en cas de 
contrôle »73, est en principe valable trois mois. Les étudiants risquent alors d’être 
50
inquiétés par les autorités à tout moment, y compris lors d’un contrôle de routine, 
sous prétexte qu’ils n’ont pas de titre de séjour valide.
Enfin,  les  étudiants  doivent  s’acquitter  de  pénalités  en  cas  de  retard  auprès  du 
commissariat si le dépôt du dossier se fait hors délai, ce qui sera presque toujours  
le cas, car les attestions de présence sont délivrées tardivement, après l’expiration 
du délai de validité de la carte de séjour de l’année précédente. Les pénalités sont 
calculées  à  raisons  de  20  dinars  par  semaine  de  retard  et  300  dinars  pour  les 
frais de renouvellement hors délais. « C’est ce montant-là qui effraie le plus les 
étudiants et certains se contenteront de la carte de séjour provisoire toute l’année. 
En  effet,  entre  le  moment  où  ils  entrent  en  Tunisie  et  celui  où  ils  effectuent  la 
demande de renouvellement, les frais…peuvent s’accumuler et par conséquent, les 
mois peuvent s’écouler »74.
En  raison  des    difficultés  rencontrées  par  les  étudiants  pour  régulariser  leur 
situation,  ils  tombent  dans  la  précarité,  et  s’exposent  à  l’exploitation.  Ainsi, 
certains policiers demanderaient des pots-de-vin, sommes d’argent ou téléphones 
portables, pour faciliter l’obtention de la carte.
73 Ibidem.
74   KPOLO (D), « Le parcours du combattant des étudiants étrangers pour obtenir leur titre de séjour », HUFFPOST 
Maghreb, du 6 avril 2015, 
     https://www.huffpostmaghreb.com/2015/04/06/etudiants-etrangers-carte_n_6998800.html. 
Deuxième partie : L’installation précaire de l’étranger en Tunisie
B. La restriction du droit d’asile
L’obligation  d’adopter  une  loi  relative  à  l’asile  découle,  pour  la  Tunisie,  de  la 
Constitution du 27 janvier 2014 et de ses engagements internationaux. 
En effet, l’article 26 de la Constitution garantit l’asile politique et interdit l’extradition 
des  réfugiés  politiques.  La  Tunisie  est  en  plus    signataire  depuis  1967  de  la 
Convention de Genève du 28 juillet  1951 sur le statut des réfugiés, du Protocole 
du 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés75, et de la Convention de l’OUA du 
10  octobre  196976  régissant  les  aspects  propres  aux  problèmes  des  réfugiés  en 
Afrique.
Pour le moment, aucune  loi ne réglemente le droit d’asile en Tunisie. L’octroi du 
statut de réfugié se fait par le biais du Haut commissariat aux réfugiés (1), car le 
projet de loi sur l’asile n’a toujours pas vu le jour (2).
1. La situation actuelle : l’octroi de l’asile par le HCR
À l’heure actuelle, le statut de réfugié ne peut être obtenu en Tunisie qu’auprès du 
HCR. Il n’existe pas encore une autorité nationale pour attribuer le statut de réfugié 
51 
aux demandeurs d’asile.
Après  avoir  travaillé  dans  l’ombre,  le  HCR  s’est  vu  reconnaitre  le  droit  à  une 
représentation officielle en Tunisie. Un accord de siège a été conclu entre la Tunisie 
et le HCR en juin 201177.
Le  statut  de  réfugié  résulte  aujourd’hui  d’une  intervention  du  HCR.  Le  HCR 
travaille en étroite collaboration avec le Croissant rouge tunisien. À l’arrivée des 
demandeurs  d’asile,  le  Croissant  rouge  tunisien  se  charge  de  leur  accueil et  de 
leur enregistrement. Ensuite, il transmet les demandes  au HCR. 
Une procédure, assez rapide, consiste pour le demandeur d’asile à prouver qu’il 
peut  prétendre  au  statut  de  réfugié.  Il  doit  produire  les  preuves  à  l’appui  de  sa 
demande :  récits,  témoignages,  photos,  documents…Un  entretien  est  ensuite 
organisé entre le demandeur d’asile et les personnes travaillant pour le HCR. 
Suite à cet entretien, et à l’examen du dossier du candidat, le HCR prend soit une 
décision positive, soit une décision négative.
75   Loi n° 68-26 du 27 juillet 1968 portant ratification du Protocole relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967, 
JORT. 1968, n°31, p. 862.
76   Loi n° 89-77 du 2 septembre 1989 portant ratification de la Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux 
problèmes des réfugiés en Afrique, JORT. 1989, n° 60, p. 1341. 
77   Site du Ministère tunisien des affaires étrangères, www.diplomatie.gov.tn
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Si la réponse est positive, la personne obtiendra le statut de refugié. Elle se verra 
attribuer un certificat de réfugié. Le nombre des personnes ayant obtenu le statut 
de réfugié auprès du HCR  était de 649 personnes au 31 décembre  201678. Certains 
d’entre  eux  étaient  déjà  en  Tunisie  avant  2011.  Parmi  ces  réfugiés,  on  comptait 
504 Syriens, 32 Soudanais, 18 Irakiens, 13 Somaliens, 7 Algériens,  7 Erythréens, 
6  Rwandais.  Le  nombre  de  demandeurs  d’asile  à  la  même  date  s’élève  à  33 
personnes79.  En  février  2019,  le  HCR  comptait  1144  réfugiés  et  349  demandeurs 
d’asile (1493 personnes au total), répartis comme l’indique le tableau ci-dessous80. 
Pays d’origine
Syrie
Erythrée
Côte d’Ivoire
Soudan
Palestine
Autres 
Total 
Nombre de réfugiés ou demandeurs d’asile
958
105
96
43
41
250
1493
Si la réponse du HCR est négative, la personne pourra exercer un recours. Si la 
52
réponse  est  encore  négative,  la  personne  n’aura  plus  aucun  recours  possible.    
Les personnes à qui le statut de réfugié a été refusé sont «les déboutés du droit 
d’asile»81. D’après Martina TAZZIOLI, « le critère adopté par le HCR pour refuser le 
statut de réfugié à certaines personne demeure secret »82. Certains responsables 
du  HCR  ont  déclaré  qu’ils  « n’étaient  plus  concernés  par  la  situation »  des 
«déboutés du droit d’asile»83. 
Plusieurs  personnes  ayant  fui  la  Libye  en  2011  se  sont  retrouvées  dans  cette 
situation.  En  2014,  elles  étaient  estimées  à  400  personnes  environ84.  Après  le 
rapatriement  de  plusieurs  personnes  vers  leur  pays  d’origine,  la  réinstallation 
d’autres personnes dans des pays développés, et l’octroi du statut de réfugié à 
quelques  personnes,  il restait  quelques  centaines  de  migrants  qui  se  sont  vus 
refuser le statut de réfugié. 
78   UNHCR, Statistical Yearbook, 2016. 
      https://www.unhcr.org/5a8ee0387.pdf
79 Ibidem. 
80   UNHCR, Operational Overview, Tunisia, 28 février 2019, 
      https://reliefweb.int/report/tunisia/unhcr-tunisia-operational-overview-28-february-2019
81   M. TAZZIOLI, « People not of our concern », Radical  philosophy, n° 184, march-april 2014. 
     https://www.radicalphilosophy.com/commentary/people-not-of-our-concern
82 Ibidem. 
83 Ibidem. 
84   À la fin de l’année 2012, l’aide apportée au camp par le HCR, le Croissant rouge tunisien et d’autres partenaires 
comme Danish relief diminuent. En juillet 2013, le HCR se retire du camp. 
Deuxième partie : L’installation précaire de l’étranger en Tunisie
Certains  déboutés  sont  néanmoins  restés  dans  le  camp  de  Choucha  après 
le  retrait  pour  faire  pression  sur  le  HCR,  l’OIM  et  les  autorités  tunisiennes.  Ils 
étaient 400 personnes en août 2013, et 200 personnes en janvier 201485. La Suisse 
et l’OIM ont proposé de financer leur retour dans leur pays d’origine86, mais ils 
ont refusé. Leur situation est particulièrement préoccupante. Ils sont dans une 
situation  de  non-droit.  Ils  sont  considérés  par  les  autorités  tunisiennes  et  par 
le HCR comme des migrants économiques irréguliers, et non des réfugiés. Les 
«déboutés du droit d’asile» ont mené plusieurs actions afin de protester contre 
leur  situation :  sit-in  devant  les  locaux  du  HCR,  manifestations,  déclarations  à 
la  radio,  blocage  de  routes  dans  le  sud…87  Ils  étaient  souvent  soutenus  par  les 
migrants qui n’ont pas pu être réinstallées dans les pays développés, mais qui ont 
obtenu le statut de réfugié en Tunisie. 
Les «déboutés du droit d’asile» encourent deux risques majeurs : la détention ou 
la rétention, et l’expulsion. Dès lors que le statut de réfugié est refusé par le HCR, 
la personne sera considérée en situation irrégulière au regard des lois relatives 
au séjour en Tunisie88. Plusieurs déboutés du droit d’asile sont détenus dans les 
centres de rétention. Le centre d’El Wardiya, au sud de Tunis, accueille d’ailleurs 
53 
de nombreux «déboutés du droit d’asile». 
Les «déboutés du droit d’asile» risquent également l’expulsion. Le témoignage 
de Bright Samson, un migrant originaire du Nigéria, qui s’est vu refuser le droit 
d’asile, est significatif des difficultés qu’ils vivent89. Bright a fui la guerre en Libye 
en 2011. Il a vécu dans le camp de Choucha de nombreuses années. Il était détenu 
depuis le 24 août 2015 dans le centre de rétention d’El Wardiya, près de Tunis. 
Le  2  septembre  2015,  les  forces  de  l’ordre  sont  venues  chercher  Bright,  avec 
12 autres personnes et les ont emmenées de force vers la frontière algérienne, 
auprès du poste algérien de Bouchebka. Quatre migrants décident de rentrer sur 
le territoire algérien. Les autres restent en Tunisie, dans une situation de non-
droit90. 
85 Ibidem. 
86   LE TALLEC (C), « Au camp tunisien de Choucha, l’interminable attente des réfugiés », La Croix, le 26 janvier 2012, 
    https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Au-camp-tunisien-de-Choucha-l-interminable-attente-des-refugies-_EP_-
2012-01-26-762445
87   TAZZIOLI (M), « People not of our concern »,  précité. 
88   Loi du 8 mars 1968 relative à la condition des étrangers, précitée.
89   SBOUAI (S), « Des migrants expulsés à la frontière algérienne », visité le 15 septembre 2015.
      https://inkyfada.com/fr/2015/09/01/expulse-frontiere-migrant-algerie-ouardiya-tunisie/
90 Ibidem.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
2. Le blocage du projet de loi de 2016 sur l’asile
Sous  la  pression  de  la  société  civile,  des  organisations  de  défense  des  droits  de 
l’homme,  et  du  HCR,  les  autorités  tunisiennes  ont  décidé  de  traduire  au  niveau 
législatif la nouvelle obligation constitutionnelle issue de l’article 26. En effet, un 
projet de loi a été préparé au cours de l’année 2014 par le Ministère de la justice, plus 
précisément par le Centre d’études juridiques et judicaires. Plusieurs spécialistes 
du domaine ont été appelés à contribuer à ce projet, et notamment le HCR. Au mois 
de mars 2016, une nouvelle version du projet, nettement améliorée, a été préparée. 
L’adoption  d’une  nouvelle  loi  relative  à  l’asile  permettra  à  la  Tunisie  d’exercer 
pleinement ses prérogatives d’État souverain.  L’attribution de la qualité de réfugié, 
dans chaque pays, relève en effet de la compétence de ses autorités. Le HCR devrait 
assister  les  autorités  tunisiennes  dans  cette  tâche,  et  non  pas  s’y  substituer.  Le 
projet de loi crée une nouvelle instance, l’INPR (l’Instance nationale de protection 
des réfugiés),  qui aura pour mission de déterminer la qualité de réfugié. 
Aux  termes  de  l’article  7 du  projet  de  loi,  « peut  demander  l’asile  politique  tout 
étranger  entré  sur  le  territoire  tunisien  et  ne  pouvant  ou  ne  voulant  retourner 
dans  le  pays  ou  les  pays  dont  il  relève  en  raison  d’un  crainte  sérieuse  et  réelle 
54
de  faire  l’objet  de  persécutions  en  raison  de  sa  race,  sa  religion,  sa  nationalité, 
son  appartenance  sociale  ou  ses  idées  politiques,  ou  tout  apatride  ne  pouvant 
ou  ne  voulant  retourner,  en  raison  de  cette  crainte,  dans  le  pays  où  il  résidait 
habituellement ». 
Ce texte reprend la définition de la Convention de Genève de 1951. La solution du 
projet n’est pas heureuse. Comme on le sait, la définition issue de la Convention est 
assez  restreinte.  Selon  Serge  BODART,  la  définition  adoptée  par  la  Convention  de 
Genève, « aurait pu s’arrêter à énoncer que le réfugié est une personne craignant 
avec  raison  d’être  persécutée.  Les  rédacteurs  de  la  Convention  de  Genève  en  ont 
voulu autrement »91. Elle n’englobe pas les réfugiés fuyant les conflits armés, et ne 
pourrait donc pas comprendre les demandeurs d’asile venant de Libye ou de Syrie. 
Sur un plan pratique, le HCR adopte une définition du réfugié plus large que celle 
du texte conventionnel  sur la base de l’extension de son mandat à toute personne 
déplacée  à  partir  de  1975  avec  la  Résolution  3454  de  l’Assemblée  générale  des 
91   BODART (S), « Qui est réfugié ? », in L’étranger face au droit, XXème journées d’études Jean DABIN, sous la direction 
de Jean-Yves CARLIER, Bruylant, 2010,  p. 402. 
Deuxième partie : L’installation précaire de l’étranger en Tunisie
Nations-Unies92.  Dès  lors,  « le  critère  décisif  de  la  protection  offerte  par  la  HCR 
n’est plus déterminé par un ensemble de critères formels, mais par la situation 
humanitaire dans laquelle se trouvent les personnes déplacées. C’est bien l’état de 
dénuement et de déracinement provoqués par les actions de l’homme qui amène 
les personnes à fuir la violence et à quitter leur foyer »93. 
Il est à remarquer que le projet de loi n’exige pas une entrée légale ou régulière sur 
le territoire tunisien94. Cependant, trois conditions doivent être réunies, aux termes 
de l’article 21 du projet de loi. En effet, la loi n’exige pas une entrée régulière sur le 
territoire tunisien si des raisons objectives la justifient, si la personne se présente 
immédiatement aux autorités tunisiennes et si elle présente une demande à l’INPR.
Le projet de loi sur l’asile s’inspire aussi de la Convention de Genève de 1951 en 
ce qui concerne les droits reconnus aux réfugiés. Ces droits peuvent être classés 
en  trois  catégories  selon  le  projet  de  loi.  Pour  certains  droits,  les  réfugiés  sont 
assimilés  aux  nationaux,  pour  d’autres,  ils  sont  assimilés  aux  étrangers.  Ils 
bénéficient, par ailleurs, de droits spécifiques. 
Les réfugiés sont assimilés aux nationaux selon l’article 11 du projet de loi pour 
certains  droits,  considérés  généralement  comme  des  droits  fondamentaux  de  la 
55 
personne humaine. L’article 11 dresse une liste de ces droits. Il s’agit notamment 
de la liberté de conscience et le libre exercice des cultes dans la mesure de leur 
conformité  à  l’ordre  public,  du  droit    à  l’assistance  publique,  à  l’enseignement 
de base, à la santé, à l’accès aux tribunaux et l’aide judiciaire. Le réfugié exerce 
d’autres droits dans les mêmes conditions que tous les étrangers, notamment le 
droit de propriété et le droit au travail.
L’adoption  du  projet  de  loi  relatif  à  l’asile  fait  l’objet  d’une  nette  résistance  qui 
pourrait s’expliquer par plusieurs raisons, et notamment l’importance du taux de 
chômage et la situation sécuritaire. En effet, le taux de chômage a atteint 15,2% 
en 201595. Il a encore grimpé ensuite, pour atteindre 15,5% encours du quatrième 
trimestre  de  l’année  201896.  Pour  certains,  comment  un  pays  qui  n’arrive  pas  à 
92   Sur cette question, BOUTEILLET-PAQUET (D), L’Europe et le droit d’asile, La politique d’asile européenne et ses consé-
quences sur les pays d’Europe centrale, Collection Logiques juridiques, L’Harmattan, 2001, p. 82 et 83.
93 Ibidem, p. 83
94   Les conditions exigées pour une entrée régulière sont régies par la loi du 8 mars 1968 relative à a  condition des étran-
gers, et la loi du 14 mai 1975 relative aux passeports et documents de voyage, précitées.
95  Institut national des statistiques, Statstiques par thème, Chômage, deuxième trimestre 2015, http://www.ins.nat.tn/fr/
themes/emploi
96  Institut national des statistiques, Statstiques par thème, Chômage, quatrième trimestre 2018, http://www.ins.nat.tn/fr/
themes/emploi
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
assurer  à  ses  nationaux  le  droit  au  travail  pourrait-il  accueillir  des  réfugiés ? 
Quelles perspectives de travail aurait un réfugié en Tunisie ? 
De  plus,  la  Tunisie  se  trouve  aujourd’hui  face  à  un  nouveau  défi  sécuritaire.  De  
nombreux  attentats  terroristes  ont  secoué  le  pays,  et  notamment  l’attentat  du 
Bardo en mars 2015 et celui de Sousse en juin 2015.  La fragilité de la situation 
sécuritaire  nécessite  un  contrôle  renforcé  des  frontières,  et  une  diminution  du 
nombre d’entrées sur le territoire tunisien. Les demandes d’asile peuvent, selon 
certains, cacher un projet terroriste.
56
Deuxième partie : L’installation précaire de l’étranger en Tunisie
57 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Troisième partie
58
L’intégration difficile de l’étranger 
dans la société
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
L’intégration  de  l’étranger  dans  la  société  tunisienne  se  heurte  à  de  nombreux 
obstacles inscrits dans le droit ou marquant le comportement social. 
L’intégration de l’étranger sera difficile en raison du caractère discriminatoire du 
droit tunisien. En effet, l’exercice des droits économiques par l’étranger se heurtera 
à  une  nette  discrimination  fondée  sur    la  nationalité  (A).  Les  discriminations 
d’origine religieuse, toujours consacrées par le droit positif, impacteront les droits 
familiaux des étrangers non-musulmans (B). Par ailleurs, de nombreux étrangers 
originaires  d’Afrique  subsahariennes  sont  victimes    d’actes  de  racismes,  qui 
empêchent leur intégration au sein de la société  (C).
A. La discrimination à l’égard de l’étranger en raison de la nationalité
L’intégration de l’étranger au sein de la société tunisienne se heurte à des obstacles 
fondés sur la nationalité. En effet, la combinaison entre les règles régissant le droit 
de la nationalité (1), et l’accès à certains droits économiques (2) placent l’étranger 
dans une situation d’infériorité.
59 
1. Un accès difficile à la nationalité tunisienne
La question de l’accès, par les étrangers, à la nationalité du pays qui les accueille a 
une forte connotation politique et sociologique97. Elle permet de mesurer l’aptitude 
de  la  nation  à  se  renouveler  et  la  capacité  de  la  société  à  intégrer  l’étranger. 
Elle  permet  de  jauger  le  degré  d’ouverture  de  l’État-nation  vers  les  autres.  Le 
traitement réservé par le droit de la nationalité à l’étranger permet de tester sa 
«modernité»98. 
Le droit tunisien de la nationalité a pour principale source le Code de la nationalité. 
Ce Code a été promulgué par le décret du 26 janvier 1956, quelques mois avant 
l’acquisition  de  l’indépendance  par  la  Tunisie.  L’essentiel  des  dispositions  de  ce 
Code a été repris, avec quelques modifications, par le décret-loi du 28 février 196399. 
97   BEN ACHOUR (S), « L’étranger et l’accès à la nationalité tunisienne », in. L’étranger dans tous ses états, sous la direction 
de S. BOSTANJI et F. HORCHANI, Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, DRIMAN, 2006, p. 99.
98   Sur cette question, MEZGHANI (A), « Le droit tunisien de la nationalité est-il moderne ? », Mélanges en l’honneur de 
Dali Jazi, CPU, 2010, p. 561.
99   Décret-loi n°63-6 du 28 février 1963 portant refonte du Code de la nationalité (JORT. 1963, n° 11,  du 5 mars 1963, 
p. 279).
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Comme  la  plupart  des  législations  modernes,  le  droit  tunisien  tolère  les  cas  de 
bi-nationalité,  voire  de  pluri-nationalités100,  même  s’il  tente  de  les  limiter101. 
Ainsi, l’épouse française d’un Tunisien sera en même temps une nationale et une 
étrangère, l’enfant né d’un père marocain et d’une mère tunisienne sera considéré 
comme un national et un étranger à la fois.
L’examen de la question de l’accès de l’étranger à la nationalité tunisienne désigne 
tous les cas où le droit tunisien de la nationalité permet d’accueillir, de différentes 
manières,  un  étranger102.  L’accès  à  la  nationalité  tunisienne  peut  être  antérieur, 
concomitant ou postérieur à l’accès à une nationalité étrangère103.
L’accès  de  l’étranger  à  la  nationalité  tunisienne  revêt  deux  caractéristiques 
essentielles. Le droit tunisien de la nationalité peut être considéré comme un droit 
fermé, plutôt hostile à l’accueil de l’étranger (a), et discriminatoire  (b).
a. Le caractère fermé du droit de la nationalité
Le droit de la nationalité est fermé à l’étranger, en ce sens qu’il sera difficile pour 
lui d’intégrer la communauté des nationaux. 
60
La  Code  distingue  entre  la  nationalité  tunisienne  d’origine  et  la  nationalité 
tunisienne acquise. La nationalité d’origine est attribuée automatiquement, dès 
la naissance, par le biais du jus sanguinis ou du jus soli. 
100  Sur cette question, VERWILGHEN (M), « Conflits de nationalités, plurinationalité et apatridie », RCADI. 1999, n° 
350 et s.
101  L’acquisition d’une nationalité étrangère peut ainsi, en vertu de l’article 30-2 du Code de la nationalité, entraîner la 
perte de la nationalité tunisienne. L’article 30-2 dispose, en effet, qu’« en cas d’acquisition volontaire d’une nationalité 
étrangère par un Tunisien, la perte de la nationalité tunisienne ne peut être prononcée que par décret ». De même, les 
dispositions de l’article 9 du Code de la nationalité tendent à limiter les cas de binationalité. Selon cet article, « est 
tunisien, l’enfant né en Tunisie de parents inconnus. Toutefois, il sera réputé n’avoir jamais été tunisien si, au cours de 
sa minorité, sa filiation est établie à l’égard d’un étranger et s’il a, conformément à la loi nationale de cet étranger, la 
nationalité de celui-ci ». La binationalité n’est interdite qu’au candidat aux élections présidentielles, selon l’article 74 de 
la Constitution du 27 janvier 2014.
102   La notion d’accès à la nationalité tunisienne se distingue de celle d’acquisition de la nationalité tunisienne. La première 
englobe la seconde. L’accès à la nationalité tunisienne peut avoir lieu soit par voie d’attribution, soit par voie d’acquisition.
103  L’accès à la nationalité tunisienne peut être antérieur à l’accès à la nationalité étrangère. C’est, par exemple, le cas du 
Tunisien qui acquiert, par voie mariage, la nationalité étrangère de son épouse. Notre étude ne concerne pas ce cas 
puisqu’il ne s’agit plus de l’accès, par l’étranger, à la nationalité tunisienne, mais du cas inverse, c’est-à-dire, de l’accès 
par le Tunisien à la nationalité étrangère. L’accès à la nationalité tunisienne peut également être concomitant à l’accès 
à la nationalité étrangère. C’est notamment le cas de l’enfant né d’un parent étranger et d’un parent tunisien et qui 
acquiert les deux nationalités de ses parents au même moment. L’accès de l’étranger à la nationalité tunisienne pourra 
également être postérieur à l’accès à la nationalité étrangère. C’est notamment le cas de la femme étrangère qui acquiert 
la nationalité tunisienne par voie de mariage ou celle de l’étranger qui acquiert la nationalité tunisienne par le biais de 
la naturalisation.
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
En  réalité,  la  transmission  de  la  nationalité  tunisienne  d’origine  se  fait 
essentiellement  par  voie  de  filiation,  par  voie  du  jus  sanguinis.  C’est  ainsi  que 
toute  personne  née  d’un  père  ou  d’une  mère  tunisienne  sera  de  nationalité 
tunisienne, en vertu de l’article 6 du Code de la nationalité. 
L’accès à la nationalité tunisienne d’origine par la voie du jus soli reste difficile. En 
effet,  en  vertu  de  l’article  7  du  Code,  l’étranger  ne  pourra  acquérir  la  nationalité 
tunisienne que s’il est né en Tunisie, et que son  père et son grand-père paternel y 
sont eux-mêmes nés. Le texte exige donc la succession de trois générations nées en 
Tunisie pour que l’étranger puisse intégrer la communauté des nationaux. Le texte 
n’a jamais été modifié depuis la promulgation du Code de la nationalité en 1956. 
Cet état du droit tunisien exclut de nombreuses personnes d’origine italienne ou 
maltaise104, nées en Tunisie et y résidant depuis leur naissance.
Quant  à  l’acquisition  de  la  nationalité  tunisienne,  elle  est  régie  par  des  règles 
plutôt difficiles à remplir. L’acquisition peut se faire soit par le bienfait de la loi, 
soit par voie de naturalisation. 
L’acquisition par le bienfait de la loi ne concerne qu’un seul cas : celui de l’épouse 
61 
étrangère du Tunisien. 
Quant  à  la  naturalisation,  elle  est  soumise  à  des  conditions  assez  restrictives. 
En  effet,  contrairement  à  l’attribution de  la  nationalité  tunisienne,  qui  se  fait 
automatiquement, son acquisition par voie de naturalisation revêt un caractère 
incertain. Le caractère incertain de ce mode d’accès à la nationalité tunisienne 
apparaît à trois niveaux.
Tout d’abord, il apparaît au niveau des « cas d’ouverture » de la naturalisation. 
Outre le cas de l’étranger qui justifie que sa nationalité d’origine était la nationalité 
tunisienne et celui de l’étranger marié à une Tunisienne, la naturalisation peut 
être accordée à l’étranger qui a rendu des services exceptionnels à la Tunisie et 
à celui dont la naturalisation présente un intérêt pour la Tunisie. Or ces notions 
sont tout à fait floues et rendent incertain l’accès à la nationalité tunisienne par 
voie de naturalisation.
Ensuite,  le  caractère  incertain  de  la  naturalisation  apparaît  au  niveau  de 
certaines  des  conditions  exigées.  L’article  23  du  Code  de  la  nationalité  soumet 
104  DE MONTETY (H), « Les Italiens en Tunisie», Politique étrangère, n°5, 1937, p. 409-425, JERFEL (K), «Siciliens 
et Maltais en Tunisie aux XIXème  et XXème siècles. Le cas de la ville de Sousse», précité.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
la  naturalisation  à  de  nombreuses  conditions.  Or,  l’appréciation  de  certaines 
de ces conditions relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration105. Ainsi, 
l’étranger désirant acquérir la nationalité tunisienne devra notamment justifier 
d’une  connaissance  suffisante,  selon  sa  condition,  de  la  langue  arabe,  être 
reconnu  sain  d’esprit,  ne  pas  constituer,  du  point  de  vue  de  sa  santé  physique 
une charge ou un danger pour la collectivité, et être de bonne vie et de bonnes 
mœurs106. 
Enfin, le caractère incertain de la naturalisation apparaît au niveau des pouvoirs 
accordés  au  Président  de  la  République.  L’article  45  du  Code  de  la  nationalité 
accorde, en effet, des pouvoirs quasi absolus au Président de la République pour 
décider du sort de la naturalisation. Il ressort de ce texte que « le Président de la 
République décide s’il y a lieu d’accorder ou de rejeter la naturalisation sollicitée. 
Il peut également prononcer l’ajournement de la demande, en imposant un délai 
ou  des  conditions…Les  décisions  du  Président  de  la  République  ne  sont  pas 
motivées ».
b. Le caractère discriminatoire du droit de la nationalité
62
Le droit tunisien de la nationalité n’est pas égalitaire. Tous les étrangers n’accèdent 
pas  de  la  même  façon  à  la  nationalité  tunisienne.  Dans  l’accueil  qu’il  réserve 
à  l’étranger,  le  droit  tunisien  de  la  nationalité  se  distingue  par  de  nombreuses 
discriminations  entre  les  sexes107.  Ces  discriminations  se  regroupent  autour 
d’une idée principale : la nationalité tunisienne se transmet, plus facilement, par 
les hommes que par les femmes108.
Depuis la réforme du 1er décembre 2010109, l’enfant né d’un père tunisien et d’une 
mère étrangère et l’enfant né d’une mère tunisienne et d’un père étranger ont 
les mêmes droits.  En effet, d’après l’article 6 du Code de la nationalité, l’enfant 
né  d’un  père  tunisien  ou  d’une  mère  tunisienne  sera  tunisien.  Aucune  autre 
105  Sur cette question, BEN ACHOUR (Y), Droit administratif, CPU, 2000, 2ème édition refondue et augmentée, n° 387.
106  Article 23 du Code de la nationalité.
107  Sur cette question, CHARFI (M), « L’égalité entre l’homme et la femme dans le droit de la nationalité tunisienne », 
RTD. 1975, p. 73.
108  On doit cependant excepter le cas de l’enfant étranger adopté par une personne de nationalité tunisienne. Il accédera, 
de la même façon, à la nationalité tunisienne que l’adoptant soit un Tunisien ou une Tunisienne. L’article 18 du Code 
de  la  nationalité  dispose  que  « l’étranger  mineur  adopté  par  une  personne  de  nationalité  tunisienne,  acquiert  cette 
nationalité à la date du jugement d’adoption, à condition de ne pas être marié ».  
109  Loi n° 2010-55 du 1er décembre 2010, modifiant certaines dispositions du Code de la nationalité, JORT. 2010,  du 3 
décembre 2010, n° 97, p. 3276.
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
condition n’est exigée110.
D’autres discriminations fondées sur le sexe persistent cependant dans le Code 
de la nationalité. 
En  effet,  l’attribution  de  la  nationalité  tunisienne  en  raison  de  la  naissance  en 
Tunisie renferme une discrimination fondée sur le sexe. L’article 7 du Code de la 
nationalité reconnaît une sorte de supériorité des ascendants paternels sur les 
ascendants maternels. Ainsi, pourra se voir attribuer la nationalité tunisienne, en 
vertu de l’article 7 du Code, l’étranger né en Tunisie et dont le père et le grand-
père paternel y sont eux-mêmes nés. Ce droit n’est pas reconnu à l’étranger né 
en Tunisie et dont la mère et les ascendants maternels y sont eux-mêmes nés. La 
COLIBE, dans son rapport présenté le 1er juin 2018 a proposé de supprimer cette 
discrimination flagrante111. 
De plus, l’époux étranger d’une Tunisienne et l’épouse étrangère d’un Tunisien 
n’obtiendront  pas  la  nationalité  tunisienne  dans  les  mêmes  conditions,  car  le 
la  nationalité  tunisienne  est  plus  facilement  transmise  par  le  Tunisien  que  par 
la  Tunisienne.  Les  solutions  retenues  par  le  Code  ont  pour  « présupposé  la 
vulnérabilité  de  l’épouse »112,  qu’elle  soit  d’ailleurs  tunisienne  ou  étrangère. 
63 
L’épouse  étrangère  d’un  Tunisien  est    «intégrable» dans  la  communauté  des 
nationaux, l’épouse tunisienne d’un étranger n’est pas «intégratrice» dans cette 
communauté113.
En  effet,  le  mari  tunisien  attire  assez  facilement  son  épouse  étrangère  vers 
la  nationalité  tunisienne.  L’étrangère  acquiert  la  nationalité  tunisienne  par 
« le  bienfait  de  la  loi ».  L’article  13  du  Code  de  la  nationalité  dispose  que  « la 
femme  étrangère  qui  épouse  un  Tunisien  acquiert  la  nationalité  tunisienne  au 
moment de la célébration du mariage, lorsque, en vertu de sa loi nationale, elle 
perd  sa  nationalité  d’origine  par  le  mariage  avec  un  étranger ».  L’article  14  du 
110 Antérieurement à cette loi, l’enfant né d’une mère étrangère et d’un père tunisien et l’enfant né d’un père étranger et 
d’une mère tunisienne n’accédaient pas de la même façon à la nationalité tunisienne. Il y avait là non seulement une 
discrimination entre étrangers, mais aussi, en même temps, une discrimination entre Tunisiens.
     Ainsi, l’enfant né d’une mère étrangère et d’un père tunisien était automatiquement, en vertu de l’article 6-1 du Code de 
la nationalité, tunisien. Aucune autre condition n’était requise. Le jus sanguinis jouait ici de façon autonome. Par contre, 
l’enfant  né  d’un  père  étranger  et  d’une  mère  tunisienne  n’était  pas  automatiquement  tunisien.  D’autres  conditions 
doivent être remplies. En effet, pour obtenir la nationalité tunisienne de sa mère, l’enfant devait être né, aux termes de 
l’article 6-3 du Code de la nationalité, en Tunisie. Il y avait là une combinaison entre le jus sanguinis et le jus soli. Le 
second venait renforcer le premier pour l’attribution de la nationalité tunisienne.
111  COLIBE, Rapport, 1er juin 2018, p. 222.
112  MEZGHANI (A), « Le droit tunisien de la nationalité est-il moderne ? », précité, p. 570.
113 Ibidem.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Code  prévoit  que  la  femme  étrangère  qui  épouse  un  Tunisien  et  qui,  en  vertu 
de sa loi nationale, conserve sa nationalité d’origine peut réclamer la nationalité 
tunisienne  par  voie  de  déclaration,  si  le  ménage  réside  en  Tunisie  depuis  deux 
ans. Cette acquisition « par le bienfait de la loi » est soumise à l’obligation de faire 
une déclaration faite auprès du Ministère de la justice114. 
En revanche, l’époux étranger d’une Tunisienne ne pourra acquérir la nationalité 
tunisienne  que  par  voie  de  naturalisation.  Or  la  naturalisation,  comme  on  l’a 
mentionné, est soumise à des conditions difficiles à remplir. 
Notons que la COLIBE a proposé la suppression totale de cette discrimination. Ainsi 
selon la proposition,  le nouvel article 13 du Code de la nationalité, pourrait prévoir 
que « tout étranger, homme ou femme qui épouse un Tunisien ou une Tunisienne 
acquiert la nationalité tunisienne au moment de la célébration du mariage, lorsque, 
en  vertu  de  sa  loi  nationale,  il  perd  sa  nationalité  d’origine  par  le  mariage  avec 
un  étranger ».  De  même,  l’article  14  nouveau  pourrait  prévoir  que  « l’étranger 
qui  épouse  un  Tunisien  ou  une  Tunisienne  et  qui,  en  vertu  de  sa  loi  nationale, 
conserve sa nationalité d’origine peut réclamer la nationalité tunisienne par voie 
64
de déclaration, si le ménage réside en Tunisie depuis deux ans ».
2. Les implications : un accès difficile des étrangers aux droits économiques
Les droits économiques des étrangers sont doublement limités par une restriction 
du droit au travail (a) et de l’accès à la propriété (b).
a. La limitation  du droit au travail
Le droit de l’étranger au travail est limité sur trois niveaux : par une interdiction 
de  l’accès  à  la  fonction  publique  (a-1),  et  une  limitation  de  l’accès  à  l’activité 
libérale (a-2), et salariée (a-3).
a.1. L’interdiction de l’accès à la fonction publique
L’accès à la fonction publique est interdit aux étrangers. La fonction publique est 
réservée aux nationaux115. Le recrutement de personnel de nationalité étrangère 
peut  cependant  se  faire  par  voie  contractuelle  et  pour  une  durée  déterminée. 
Ce  recrutement    est  régi  par  les  dispositions  du  contrat  et  les  conventions 
internationales de coopération technique ou administrative116.
114  La déclaration doit être faite conformément aux conditions précisées à l’article 39 du Code de la nationalité.
115  Loi n°83-112 du 12 décembre 1983 portant statut général des personnels d’État, des collectivités publiques locales et 
des établissements publics à caractère administratif, JORT. 1983, n° 82, du 13 décembre 1983, p. 3214.
116  Article 108 de la loi du 12 décembre 1983.
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
a.2. La limitation de l’accès à l’activité libérale
La  plupart  des  professions  libérales  sont  réservées  aux  nationaux.  Ainsi, 
il  faut  être  tunisien  depuis  5  ans  au  moins  et  résider  en  Tunisie  pour  exercer 
la  profession  d’avocat  selon  l’article  3  de  la  loi  du  7  septembre  1989  portant 
organisation de la profession d’avocat 117. 
Il  faut  également  être  de  nationalité  tunisienne  pour  exercer  la  profession 
d’architecte aux termes de l’article 2 de la loi 22 mai 1974 portant organisation 
de  la  profession  d’architecte  en  Tunisie  118.  Les  architectes  étrangers  peuvent 
cependant être autorisés à exercer leur profession. Cette autorisation peut être 
accordée par le ministre de l’équipement et de l’habitat après avis du conseil de 
l’ordre des architectes, aux étrangers qui le demandent et qui sont ressortissants 
d’États ayant conclu des conventions d’établissement avec la Tunisie. 
De même, la nationalité tunisienne est exigée par l’article 1er de la loi du 13 mars 
1991  relative  à  l’exercice  et  à  l’organisation  des  professions  de  médecin  et  de 
médecin dentiste119. Cependant les médecins étrangers peuvent être autorisés 
à exercer pour l’exercice libéral de la profession ou dans les hôpitaux publics. 
L’autorisation,  accordée  par  le  ministre  de  la  santé  publique  après  avis  du 
65 
Conseil de l’ordre des médecins, « est temporaire et révocable » selon l’article 2 
de la loi du 13 mars 1991.
Quant  à  l’exercice  d’une  activité  commerciale  par  un  étranger,  elle  est  soumise 
à  autorisation  préalable  du  ministre  de  l’économie    par  le  décret-loi  du  30  août 
1961  relatif  aux  conditions  d’exercice  de  certaines  activités  commerciales120. 
Une  fois  celle-ci  obtenue,  une  carte  de  séjour  temporaire  peut  être  octroyée. 
Certaines  activités  commerciales  sont  interdites  aux  étrangers  selon  ce  texte, 
sauf dérogations spéciales, comme celui d’agent d’immeuble, commissionnaire, 
courtier, agent commercial, agent général ou spécial des entreprises d’assurance, 
concessionnaire,  représentant  général,  agent  général  ou  de  vente  quelle  que 
soit  la  dénomination  sous  laquelle  s’exerce  cette  activité,  voyageur,  placier, 
représentant  de  commerce.  D’autres  activités  sont  interdites  aux  étrangers, 
117  Loi n°89-87 du 7 septembre 1989 portant organisation de la profession d’avocat, JORT. 1989, n° 61, du 12 septembre 
1989, p. 1385.
118  Loi n°74-46 du 22 mai 1974 portant organisation de la profession d’architecte en Tunisie, JORT. 1974, n° 36, du  24 
mai 1974, p. 1103.
119  Loi n°91-21 du 13 mars 1991 relative à l’exercice et à l’organisation des professions de médecin et de médecin dentiste, 
JORT. 1991, n° 19, du 15 mars 1991, p. 408.
120  Décret-loi n° 61-14 du 30 août 1961 relatif ax conditions d’xercice de certaines activités commerciales,  JORT, 1961, 
n° 35, du 1er septembre 1961, p. 1152.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
comme  les  intermédiaires  en  bourse121,  l’activité  d’études  et  d’entreprises  de 
télécommunications122, les chauffeurs de taxi et de louage123. 
a.3. La limitation de l’accès à l’activité salariée
L’accès à l’activité salariée des étrangers est soumis à des conditions drastiques
(a-3-1), qui  les  pousse  souvent  vers  la  précarité.  L’exemple  de  la  servitude 
domestique  dans  laquelle  se  trouvent  les  femmes  originaires  d’Afrique 
subsaharienne est significatif (a-3-2).
a.3.1. Un accès soumis à des règles  drastiques
Les règles régissant le travail des étrangers sont restrictives et limitent le droit 
au travail. En effet, l’emploi des travailleurs étrangers est soumis à des règles 
de fond et de forme. Sur le plan du fond, le contrat de travail obéit au principe 
de la préférence nationale. La règle est clairement prévue par l’article 258-5 du 
Code du travail selon lequel « le recrutement d’étrangers ne peut être effectué 
lorsqu’il existe des compétences tunisiennes dans les spécialités concernées 
par  le  recrutement ».  Le  principe  de  la  préférence  nationale,  bien  qu’étant 
66
discriminatoire,  n’est  pas  contraire  aux  conventions  de  l’OIT  (L’organisation 
internationale  du  travail)124.  De  plus,  plusieurs  exceptions  au  principe  de  la 
préférence nationale ont été prévues125. 
Concernant  les  règles  de  forme,  tout  étranger,  qui  veut  exercer  en  Tunisie 
un travail salarié, de quelque nature qu’il soit, doit être muni d’un contrat de 
travail et d’une carte de séjour portant la mention «autorisé à exercer un travail 
salarié en Tunisie» selon l’article 258-2 du Code du travail. 
Selon le même texte, le contrat de travail est conclu pour une durée n’excédant 
pas une année renouvelable une seule fois126. Ce contrat et son renouvellement 
doivent être visés par le Ministre chargé de l’emploi.
121 Décret n°99-2478 du 1er novembre 1999 portant statut des intermédiaires en bourse, JORT. 1999, n°93, p. 2442. 
122  Décret n°98-268 du 2 février 1998 fixant les conditions et les modalités d’octroi et le retrait d’agrément pour l’exercice 
d’activités dans le domaine d’études et d’entreprises de télécommunications, JORT. 1998, n°12, p.315.
123  Décret n°98-2554 du 28 décembre 1998 réglementant les transports publics de personnes par voiture de taxi, de louage 
et le transport public rural, JORT. 1999, n°3, p.82. 
124   En  ce  sens, TARCHOUNA  (M),  «  Le  travailleur  étranger  »,  in    L’étranger  dans  tous  ses  états,  sous  la  direction  de  S. 
BOSTANJI et F. HORCHANI, Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, DRIMAN, 2006, p. 59. Les deux  
Convention de l’OIT (Organisation internationale du Travail) n° 97 concernant les travailleurs migrants (révisée), adoptée 
à Genève le 1er juillet 1949 et n° 143 sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l’égalité de 
chances et de traitement des travailleurs migrants adoptée à Genève le 24 juin 1975) n’ont pas été ratifiées par la Tunisie. 
125  TARCHOUNA (M), « Le travailleur étranger », précité, p. 60.
126  L’article 258-2 dispose que « le contrat de travail peut-être renouvelé plus d’une fois lorsqu’il s’agit d’emploi d’étrangers 
dans leurs entreprises exerçant en Tunisie dans le cadre de la réalisation de projets de développement agréés par les 
autorités compétentes ».
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
Le refus de visa n’est pas motivé. La carte de séjour délivrée est une carte de 
séjour  temporaire  d’une  validité  d’un  an.  Elle  peut,  si  le  contrat  de  travail  a 
été renouvelé et a obtenu le visa du ministère,  être renouvelée pour la même 
durée. 
Le  travailleur  étranger  dont  la  carte  de  séjour  arrive  à  expiration  doit  en 
demander  le  renouvellement.  Il  ne  peut  l’obtenir  que  dans  la  mesure  du 
renouvellement de son contrat et de l’obtention de l’autorisation de travailler. 
Il perd donc son séjour, dès lors qu’il perd son travail. La carte de séjour lui est 
retirée quand les raisons de son octroi disparaissent. Même dans le cas d’une 
perte  involontaire  du  travail,  comme  un  licenciement  abusif,  l’étranger  perd 
son droit au séjour. 
Certaines  conventions  bilatérales  apportent  un  régime  plus  favorable.  C’est 
- Plus de références et documents sur Legaly Docsainsi que la Convention d’établissement du 9 décembre 1964 conclue  entre la 
 République tunisienne et le Royaume du Maroc dispense de la carte de séjour 
les ressortissants de chacun des États signataires127. L’article 5 de la Convention 
dispose  que  « les  ressortissants  de  chacun  des  deux  pays  jouiront  sur  le 
territoire de l’autre du droit de travailler…ainsi que d’exercer tous les métiers 
67 
industriels,  commerciaux,  agricoles  et  toute  autre  profession  réglementée ». 
Il est accordé, « au même titre que les nationaux et avec les mêmes droits et 
devoirs »128. 
L’accord tuniso-français du 17 mars 1988129 prévoit la possibilité d’exercer une 
activité  professionnelle  salariée  pour  les  ressortissants  français,  dans  des 
conditions plus favorables que celles du droit commun.
Ces conventions ne sont cependant pas toujours appliquées par les tribunaux 
tunisiens. C’est ainsi que la Cour de cassation a refusé, dans un arrêt rendu le 
8 octobre 1999130, de faire application des dispositions de la Conventions tuniso-
marocaine  du  9  décembre  1964.  La  même  solution  ressort  d’un  arrêt  du    7 
février 2005131 . 
127  Loi n° 66-35 du 3 mai 1966 portant ratification de la Convention d’établissement conclue entre la Tunisie et le 
Maroc, JORT. 1966, n° 20, p. 724
128  La Convention tuniso-algérienne,  est muette sur le principe d’égalité de traitement avec les nationaux. Il en résulte 
que les dispositions du Code du travail relatives à l’emploi de main d’œuvre étrangère devraient continuer à s’appliquer 
aux ressortissants algériens et libyens à l’exclusion des ressortissants marocains. 
129  Loi n°88-127 du 8 novembre 1988 portant ratification de l’accord conclu a Paris le 17 mars 1988 entre le gouver-
nement de la République tunisienne et le gouvernement de la Republique française en matière de séjour et de travail, 
JORT. 1988, n° 76, du 8 novembre 1988, p. 1552.
130  Cour de cassationn°71941, 8 octobre 1999, cité par HAKIM (A), La condition des travailleurs étrangers en Tunisie, 
régime de droit commun, Faculté des sciences juridiques de Tunis, 2005-2006.
131  Cour de cassation, n°6587, 7 février 2005, publié in annexes mémoire A. HAKIM, précité. 
68
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
De  même,  dans  une  décision  du    27  décembre  1999132,  la  Cour  de  cassation 
refuse de faire application de l’accord  tuniso-français du 17 mars 1988 en raison 
de l’absence de réciprocité, exigée par l’article 32 de l’ancienne  Constitution. 
Le  non-respect  des  règles  applicables  à  l’emploi  des  étrangers  entraine  la 
mise en œuvre de sanctions disciplinaires, pénales, administratives et civiles.
Le  salarié  étranger  qui  n’a  pas  respecté  les  exigences  légales  encourt  ainsi 
une sanction disciplinaire. En effet, l’article 266 du Code du travail prévoit que 
« les travailleurs étrangers indûment employés doivent être mis à pied dès la 
constatation de l’infraction » 
Le  Code  du  travail  prévoit  également  des  sanctions  pénales  à  l’encontre 
de  l’employeur  et  du  salarié.  Il  ressort  ainsi  de  l’article  265  que  l’employeur 
encourt « une amende de 12 à 30 dinars par jour, et par travailleur à compter 
de la date où l’infraction a commencé jusqu’à celle où elle a été constatée ». Le 
travailleur qui continuerait à travailler, malgré la mise à pied « sera puni d’une 
peine de 1 à 15 jours de prison et d’une amende de 120 à 300 dinars ou de l’une 
de ces deux peines seulement », selon l’article 266 du Code du travail.
Le  salarié  étranger  s’expose  aussi  à  une  sanction  administrative.  Il  encourt 
ainsi  une  mesure  de  refoulement  selon  l’article  267  du  Code  du  travail  « par 
décision du directeur chargé de la sûreté nationale. La décision fixe en outre les 
délais accordés aux travailleurs concernés pour quitter le pays.
Enfin, le contrat de travail irrégulier peut être frappé par une sanction civile : 
la  nullité.  La  Cour  de  cassation  a  considéré,  dans  un  premier  temps,  que  le 
contrat de travail de l’étranger doit être sanctionné par la nullité absolue s’il 
est  irrégulier.  C’est  ce  qui  ressort  de    trois  arrêts,  rendus  le  21  avril  1994133, 
le    2  février  1998134,  et  le  7  février  2005135.  La  nullité  était  fondée  dans  la 
première  décision  sur  le  défaut  d’obtention  du  visa  du  ministre  de  l’emploi. 
Elle était justifiée, dans la seconde décision, par le fait que  la carte de séjour 
de l’intéressé, qui a obtenu ce visa, ne comportait pas la mention « autorisé à 
travailler ». Dans le troisième arrêt, la Cour de cassation avait annulé le contrat 
de  travail  de  l’étranger,  de  nationalité  marocaine,  faute  pour  celui-ci  d’avoir 
132  Cour de cassation, n°73767, précité.
133  Cour de cassation, n°31873, 21 avril 1994, n°31873, RJL.  1994, p.65
134  Cour de cassation, n° 59828, 2 février 1998, Bull. civ. , p.440
135  Cour de cassation, n°6587,  7 février 2005, publié in annexes mémoire A. HAKIM, précité. 
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
prouvé  la  régularité  de  sa  situation.  Dans  les  trois  espèces,  les  travailleurs 
étrangers  n’avaient  pas  pu  bénéficier  de  l’indemnité  due  pour  licenciement 
abusif.
Un  arrêt  rendu  par  la  Cour  de  cassation  le  1er  décembre  2007136  a  mis  fin  à 
cette jurisprudence. En  l’espèce, un travailleur de nationalité belge, employé 
sans le respect des conditions exigées par le Code du travail par une entreprise 
tunisienne  avait  été  licencié.  La  Cour  accepte  d’octroyer  au  salarié  tous  les 
droits garantis par le Code du travail aux travailleurs tunisiens, et notamment 
l’indemnité due en cas de licenciement abusif. 
La Cour se base, dans cette décision, sur les dispositions du Code du travail 
relatives  à  l’emploi  d’une  main  d’œuvre  étrangère  qui  ne  prévoient  pas  la 
sanction  de  la  nullité  en  cas  d’emploi  irrégulier  et  justifie  le  paiement  de 
l’indemnité  de  licenciement    par  référence  aux  articles  77  et  325  du  Code 
des obligations et des contrats137. Elle considère que l’emploi d’un travailleur 
étranger  « sans  le  respect  des  dispositions  relatives  à  l’emploi  d’une  main 
d’œuvre  étrangère  entraîne  comme  conséquence  l’indemnisation  de  celui-ci 
en contrepartie du travail fourni, conformément au contrat établi entre les deux 
69 
parties ». 
a.3.2. Des règles poussant vers la précarité : la servitude domestique des 
femmes subsahariennes
Les  règles  drastiques  imposées  aux  étrangers  pour  accéder  au  marché  du 
travail  les  poussent  vers  la  précarité  et  les  expose  à  la  traite.  La  servitude 
domestique  constitue  l’une  des  figures  les  plus  importantes  de  la  traite  en 
Tunisie. Elle touche les Tunisiennes, mais  surtout  les étrangères. Les chiffres 
avances par l’OIM en 2012 sont significatifs : sur les 45 victimes de traite reçues 
par le bureau en 2012, 38 étaient des victimes de la traite domestique, et 23 
jeunes femmes étaient originaires de Côte d’Ivoire138. 
Des réseaux d’intermédiaires entre le pays d’origine et la Tunisie sont derrière 
ce  trafic.  Les  jeunes  femmes  sont  généralement  dans  une  situation  de 
vulnérabilité et de dépendance qui les empêche de se libérer.  
136  Cour de cassation, n°13014, 1er décembre 2007, Bull. civ. 2007, T.1, p.367.
137  L’article 325 du Code des obligations et des contrats dispose que : « L’obligation nulle de plein droit ne peut produire 
aucun effet, sauf la répétition de ce qui a été payé sans indûment en exécution de cette obligation. L’obligation est nulle 
de plein droit...lorsqu’elle manque d’une des conditions substantielles de sa formation ; 2/ lorsque la loi en édicte la 
nullité dans un cas déterminé ».
138  OIM, Étude exploratrice sur la traite des personnes en Tunisie, Consultante Élodie BROUSSARD, 2013, p. 65. 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Sana SBOUAI rapporte le témoignage  de Sophie, jeune ivoirienne arrivée en 
Tunisie au cours de l’année 2015139. 
La  jeune  femme  raconte  qu’on  lui  avait  promis,  dans  son  pays  d’origine,  un 
emploi  bien  payé  en  Tunisie,  avec  « de  bonnes  conditions  de  vie  et  de  travail 
et la possibilité de rentrer au pays » quand elle le voulait.  Le contact se fait 
généralement de bouche à oreille. Sophie raconté avoir payé 250. 000 francs 
CFA  (environ  800  dinars  tunisiens)  à  «l’agence»,  en  Côte  d’Ivoire,  qui  lui  a 
promis un travail en Tunisie. 
En  réalité  l’agence  n’existe  pas.  Il  s’agit  d’un  simple  réseau  d’intermédiaires 
entre la Tunisie et la Côte d’Ivoire. La moitié de la somme est donnée en avance 
pour  l’obtention  d’un    passeport,  une  fois  le  passeport  obtenu,  le  reste  est 
donnée à l’intermédiaire. 
Dès  son  arrivé  à  l’aéroport  de  Tunis  Carthage,  son  passeport  est  pris  par  la 
personne qui vient la récupérer. Elle est ensuite conduite dans  un appartement 
avec d’autres jeunes filles qui avaient fait le voyage avec elle. 
70
Les  employeurs  viennent  dans  les  jours  qui  suivent  chercher  Sophie  et  les 
autres  jeunes filles. 
Différents causes empêchent les  jeunes femmes migrantes de retrouver leur 
liberté et les placent dans une situation de servitude: confiscation du passeport, 
manque d’informations, irrégularité du séjour en Tunisie…
La confiscation du passeport constitue un moyen pour exercer une pression sur 
la jeune femme. Sophie raconte avoir réclamé son passeport dès les premiers 
jours  à  sa  patronne,  mais  celle-ci  le  lui  refusait.  Ousmane  FALL,  second 
conseiller politique auprès de l’ambassade du Sénégal à Tunis en 2015, explique 
que  l’ambassade  du  Sénégal  essaie  d’entrer  en  contact  avec  les  employeurs 
pour récupérer les passeports des jeunes femmes sénégalaises, mais que cela 
est presque impossible car « certains employeurs nient connaitre la jeune fille, 
changent  de  numéro  de  téléphone,  d’autres  insultent »  les  fonctionnaires  de 
l’ambassade140. 
Les jeunes femmes ignorent généralement l’endroit où elles se trouvent. Elles  
ignorent également les conditions légales relatives au séjour et au travail en 
Tunisie. Une fois les trois mois (90 jours) du  séjour touristique passés, elles 
139  SBOUAI (S),  «Esclave en Tunisie», Inkyfada, reportage, le 15 août 2015, http.inkifada.com
140  SBOUAI (S),   «Esclave en Tunisie», Inkyfada, précité.
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
sont normalement obligées d’obtenir un permis de séjour selon la législation 
en vigueur141. Après le délai de trois mois, les jeunes femmes se retrouvent dans 
une  situation  irrégulière,  car  elles  n’ont  pas  fait  les  démarches  nécessaires, 
étant privées de sortie et de documents. Les pénalités, à hauteur de 100 dinars 
par mois, commencent alors à courir. Les jeunes filles sont alors piégées, car 
elles doivent travailler davantage pour pouvoir retourner dans leur pays. 
 Sophie voulait récupérer son passeport et partir après quelques jours de travail. 
Mais sa patronne lui a expliqué qu’elle devait d’abord travailler six mois afin de 
rembourser l’argent avancé. Sophie a travaillé durant six mois pour payer sa 
dette, mais sa patronne ne voulait toujours pas lui rendre son passeport en lui 
expliquant qu’elle était dans une situation irrégulière au regard de la législation 
tunisienne. Sophie se rend compte qu’elle doit encore travailler pour payer les 
pénalités liées à l’irrégularité de son séjour ainsi que son billet d’avion. 
Certaines    jeunes  femmes  disent  avoir  été  victimes  de  violence  verbales  et 
physiques. Elles se lèvent avant tous les membres de la famille, et se couchent 
après, elles se nourrissent des restes et ne reçoivent pas de soins médicaux 
quand elles sont malades142. Les jours de congé sont rares, voire inexistants. 
71 
Sophie  raconte  avoir  été  enfermée  dans  une  pièce  au  sous-sol  après  une 
dispute avec sa patronne durant deux jours. 
Les  conditions  de  travail  décrites  sont  très  mauvaises.  Les  jeunes  femmes 
doivent toujours être à la disposition des membres de la famille qui l’emploie. 
Sophie raconte : « quand ma patronne sortait, il fallait que je m’occupe de sa 
fille qui ne travaillait pas et qui était en dépression…Quand la fille sortait, c’est 
la mère qui restait. Il fallait toujours que je sois disponible si l’une d’elles avait 
besoin de moi ».
b. La limitation de l’accès à la propriété immobilière
Le droit fondamental à la propriété est consacré par l’article 41 de la Constitution 
tunisienne de 2014 selon lequel « le droit de propriété est garanti, il ne peut y être 
porté atteinte que dans les cas et avec les garanties prévues par la loi ». 
Le  texte  ne  distingue  pas  entre  les  nationaux  et  les  étrangers  et  utilise  une 
formule générale qui pourrait signifier que le droit de propriété est garanti, quelle 
141  BEN JEMIA (M) et BEN ACHOUR (S), Plaidoyer pour une réforme des lois relatives aux migrants, aux étrangers, et à la 
nationalité en Tunisie, précité.
142  SBOUAI (S),  «Esclave en Tunisie», précité.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
que soit la nationalité de la personne concernée. Pourtant, l’accès de l’étranger 
à  la  propriété  immobilière  agricole  est  interdit  (b-1),  et  accès  à  la  propriété 
immobilière non-agricole est strictement contrôlé (b-2).
b.1. Un accès interdit à la propriété immobilière agricole
Afin  de  retrouver  une  pleine  souveraineté,  le  jeune  État  tunisien  opère  une 
nationalisation  des  terres  agricoles  par  la  loi  du  12  mai  1964  relative  à  la 
propriété agricole en Tunisie143. Cette loi a réalisé ce qu’il est convenu d’appeler 
« une évacuation agricole ».
L’article 1er de cette loi dispose qu’à compter de sa promulgation, « la propriété 
des terres à vocation agricole ne peut appartenir qu’à des personnes physiques 
de  nationalité  tunisienne ».  La  règle  ne  s’appliquait  pas  seulement  de  façon 
immédiate, elle avait aussi un effet rétroactif144. 
Cette  interdiction  pour  les  étrangers  d’accéder  à  la  propriété  immobilière 
agricole connait une petite atténuation en 1969. En effet, la loi du 22 septembre 
1969145 modifie la loi du 12 mai 1964 et autorise « les personnes physiques de 
72
nationalité étrangère » à acquérir, par voie de décret, « une ou plusieurs parcelles 
déterminées en vue d’y établir une résidence ». Mais l’accès des étrangers à la 
propriété  immobilière  agricole  restait  limité  pour  deux  raisons  au  moins.  Tout 
d’abord, il était obligatoirement soumis à l’obligation de résider en Tunisie. En 
plus, il était soumis à une autorisation, accordée par voie de décret, qui assurait 
le  contrôle  de  l’administration  sur  les  biens  appartenant  aux  étrangers.  En 
pratique, l’autorisation a très rarement été accordée146. 
b.2. Un accès contrôlé à la propriété immobilière non-agricole
L’accès  à  la  propriété  immobilière  non-agricole  par  l’étranger  est  en  principe 
contrôlé au moyen d’une autorisation préalable du gouverneur. Cependant des 
dérogations ont été apportées à cette exigence.
L’acquisition  par  l’étranger  d’un  bien  immobilier  non-agricole  est  soumise 
à  l’obligation  d’obtenir,  au  préalable  une  autorisation  du  gouverneur.  Cette 
obligation découle de deux textes : le décret du 4 juin 1957 relatif aux opérations 
143  Loi n°61-5 du 12 mai 1964 relative à la propriété agricole en Tunisie, JORT. 1964, n° 24, du 12 mai 1964,  p. 575. 
144  En effet, l’article 3 de la loi du 12 mai 1964 énonce que « sont transférés au domaine privé de l’État les propriétés 
agricoles appartenant à des étrangers ».
145  Loi n° 69-56 du 22 septembre 1969 relative à la réforme des structures agricoles, JORT. 1969, n°37, du 23 septembre 
1969, p. 1143.
146  CHARFEDDINE (M-K), « L’étranger propriétaire d’immeubles en Tunisie », in L’étranger dans tous ses états, sous la 
direction de F. HORCHANI et S. BOSTANJI, p. 30.
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
immobilières147  et  le  décret-loi  du  21  septembre  1977  relatif  aux  opérations 
immobilières 148. 
Le  domaine  d’application  de  l’autorisation  du  gouverneur  est  très  large,  il 
englobe tous les actes juridiques permettant l’accès à la propriété : cession à titre 
onéreux, cession à titre gratuit, baux de plus de deux ans, cession d’hypothèque, 
cession de parts sociales.
L’autorisation  du  gouverneur  est  une  formalité  préalable  à  la  conclusion  de 
l’acte. Son absence entraine la nullité de l’acte, et empêche son enregistrement 
auprès de la recette des finances et son inscription au livre foncier. 
Deux exceptions ont été apportées à l’exigence de l’autorisation du gouverneur. 
La  première  vise  à  encourager  l’investissement,  la  seconde  tend  à  accorder  à 
certains « étrangers ressortissants de pays amis » un régime de faveur.
Tout d’abord, afin d’encourager l’investissement étranger en Tunisie, la loi du 11 
mai 2005 complétant le décret du 4 juin 1957, relatif aux opérations immobilières149
dispense de l’autorisation préalable du gouverneur « l’acquisition, ou le bail par 
des étrangers, des terrains et des locaux bâtis dans les zones industrielles et 
73 
des  terrains  dans  les  zones  touristiques,  et  ce  pour  la  réalisation  de  projets 
économiques ». 
Ensuite, certains  étrangers ressortissants de pays considérés comme proches 
ont été dispensés de l’autorisation du gouverneur150. Les ressortissants libyens, 
algériens et marocains ont ainsi été dispensés de l’autorisation du gouverneur 
par les conventions bilatérales d’établissement : la Convention tuniso-libyenne 
du  14  juin  1961151,  la  Convention  tuniso-algérienne  du  26  juillet  1963152,  et  la 
Convention tuniso-marocaine du 9 décembre 1964153.
147  Décret du 4 juin 1957 relatif aux opérations immoblières, JORT. 1957, n° 45, du 4 juin 1957, p. 659.
148  Décret-loi n° 77-4 du 21 septembre 1977, relatif aux opérations immobilières, JORT. 1977, n°63, p. 2530 et loi n° 
77-64 du 26 octobre 1977 le ratifiant,  JORT. 1977, n°70, 28 octobre 1977, p. 2957.  
149  Loi n° 2005-40 du 11 mai 2005, complétant le décret du 4 juin 1957, relatif aux opérations immobilières, JORT. 
2005, n° 38, p. 1062.
150   Sur  cette  question,  CHARFEDDINE  (M-K),  «  Le  droit  de  propriété  immobilière  en Tunisie  et  l’application  des 
conventions bilatérales d’établissement maghrébines », in La diversité das le droit, Mélanges en l’honneur de Kaltoum 
MEZIOU-DOURAI, CPU, 2013, p. 163, (en langue arabe).
151  Loi n°62-1 du 9 janvier 1962, portant approbation des Conventions conclues le 14 juin 1961, entre le gouvernement 
de la République tunisienne et le gouvernement du Royaume-Uni de Libye, JORT. 1962, n° 2, p. 44.
152  Loi n° 66-34 du 3 mai 1966 portant ratification de la Convention d’établissement conclue entre la Tunisie et l’Algérie, 
JORT. 1966, n°20 du 33 mai 1966, p. 723.
153  Loi n° 66-35 du 3 mai 1966 portant ratification de la Convention d’établissement conclue entre la Tunisie et le Maroc, 
JORT. 1966, n° 20, p. 724.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
De  même,  deux  échanges  de  lettres  entre  la  Tunisie  et  la  France  en  date  du 
20  octobre  1997154,  et  entre  la  Tunisie  et  l’Italie  en  date  du  24  juillet  1999155, 
dispensent  les  ressortissants  français  et  italiens  de  l’obligation  d’obtenir  une 
autorisation du gouverneur.
Cependant,  l’effectivité  des  conventions  bilatérales  d’établissement    a  été 
suspendue par une série de circulaires156. Une première circulaire émanant du 
Ministère des finances en date du 1er juillet 1994157 rappelle que l’application des 
dispositions conventionnelles est soumise à la condition de réciprocité, et que 
dans la mesure où les autorités libyennes et algériennes ne respectent pas la 
réciprocité, l’autorisation préalable du gouverneur est exigée des ressortissants 
libyens et algériens. Une seconde circulaire de la Conservation de la propriété 
foncière datée du 30 juin 1995158 réaffirme la suspension de l’exemption à l’égard 
des  ressortissants  algériens  et  libyens.    Deux  autres  circulaires  du  Ministère 
de l’intérieur du 18 septembre 1995159 du Ministère du domaine de l’État du 19 
septembre 1995160 étendent la suspension aux ressortissants marocains. 
Les tribunaux se sont opposés quant à l’application de ces circulaires. Certains 
74
tribunaux ont ainsi  considéré que les circulaires s’imposent à l’administration, 
tandis  que  d’autres  ont  estimé  que  les  circulaires  ne  peuvent  suspendre 
l’application des conventions bilatérales d’établissement161.
L’application effective des conventions bilatérales a récemment été réactivée par 
l’administration162. En effet, deux notes de la Conservation de la propriété foncière 
datées du 16 juillet 2012163 et du 31 octobre 2016164 dispensent respectivement 
les  ressortissants  algériens  et  les  ressortissants  libyens  de  l’autorisation  du 
gouverneur. 
154  Loi n° 98-104 du 18 décembre 1998 portant ratification d’un échange de lettres en date du 20 octobre 1997 entre la 
République tunisienne et la République française, concernant le règlement de la question des biens immobiliers français 
en Tunisie, JORT. 1998, n°102, p. 2451. 
155   Loi n° 2000-5 du 24 janvier 2000 portant ratification de l’échange de lettres en date du 24 juillet 1999 entre le gouvernement 
de la République tunisienne et le gouvernement de la République italienne relatif au règlement définitif de la question des 
biens immobiliers italiens en Tunisie acquis ou construits avant 1956, JORT. 2000, n° 8, du 28 janvier 2000, p. 144.
156  Sur ces circulaires, V. CHARFEDDINE (M-K), « Le droit de propriété immobilière en Tunisie et l’application des 
conventions bilatérales d’établissement maghrébines », précité, p.165.
157  Circulaire n° 6218 du 1er juillet 1994 du Ministère des finances.
158  Circulaire n° 45 du 30 juin 1995, de la Conservation de la propriété foncière.
159  Circulaire n°55 du 18 septembre 1995, du Ministère de l’intérieur.
160  Circulaire n° 78/8 du 19 septembre 1995 Ministère du domaine de l’État.
161  CHARFEDDINE (M-K), « Le droit de propriété immobilière en Tunisie et l’application des conventions bilatérales 
d’établissement maghrébines », précité, p.166.
162  MARZOUK (H), « Biens immobiliers: vente libre aux étragers », L’économiste maghrébin, 11 mai 2018, https://www.
leconomistemaghrebin.com/2018/05/11/immobilier-autorisation-gouverneur/
163  Conservateur de la propriété foncière, note n°14-2012 du 16 juillet 2012.
164  Conservateur de la propriété foncière, note n° 27-2016 du 31 Octobre 2016 sur l’exemption des citoyens Libyens de 
la présentation de l’autorisation du gouverneur dans les opérations immobilières.
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
B. La discrimination en raison de la religion 
Le  droit  tunisien  de  la  famille  est  considéré  comme  l’un  des  plus  progressistes 
dans  le  monde  arabo-musulman.  Le  13  août  1956,  le  jeune  législateur  tunisien 
promulgue  un  Code  du  statut  personnel  novateur  qui  s’écarte  des  solutions 
traditionnelles  du  droit  musulman165.  Le  législateur  interdit  la  polygamie  et  en 
fait  une  infraction  pénale.  Il  abolit  l’institution  du  tuteur  matrimonial  et  exige  le 
consentement des deux époux. Il prohibe la répudiation et  impose la dissolution 
judiciaire du mariage sur des bases totalement égalitaires.
La réforme se poursuivra ensuite par petites touches. La loi du 1er août 1957166 fait 
du contrat de mariage un acte solennel. La  loi du 4 mars 1958167 institue l’adoption 
et en fait un mode privilégié de protection de l’enfant dépourvu de famille. Celle du 
3 juin 1966168 supprime l’ordre des dévolutaires de la garde, directement puisé dans 
le rite malékite, et fait de l’intérêt de l’enfant l’unique critère pour son attribution. 
Les réformes intervenues en 1981169 et en 1993170 accordent à la mère certaines 
prérogatives de la tutelle. Le 28 octobre 1998, est promulguée une loi qui fait place 
en droit tunisien à la filiation naturelle en permettant de prouver la paternité sur la 
base du test d’empreinte génétique et en dehors de tout lien de mariage171.
Cependant,  malgré  cet  élan  progressiste,  le  droit  tunisien  renferme,  aujourd’hui 
encore, de nombreuses discriminations fondées sur la religion ou le sexe172. 
Certes,  les  étrangers  sont  en  principe  soumis  en  ce  qui  concerne  leur  statut 
familial,  à  leur  loi  nationale.  La  règle  est  clairement  consacrée  par  l’article  39 
du  Code  de  droit  international  privé.  Mais  le  jeu  des  différentes  règles  de  droit 
international privé permet souvent de faire application de la loi interne tunisienne, 
165  Décret du 13 août 1956 portant promulgation du Code du statut personnel (JOT. 1956, n° 104, p. 1742).
166  Loi n°57-3 du 1er août  1957 réglementant l’état civil,  JORT. 1957, n°2 et 3 des 30 juillet et 2 août 1957, p. 10.
167  Loi n° 58-27 du 4 mars 1958 relative à la tutelle publique, à la tutelle officieuse et à l’adoption, JORT. 1958,  n° 19, 
p.236.
168  Loi n° 66-42 du 3 juin 1966 portant modification du Code du statut personnel, JORT. 1966,  n° 24, du 03 juin 1966, 
p. 880.
169  Loi n° 81-7 du 18 février 1981 portant modification de certains articles du Code de statut personnel, JORT. 1981, n° 
11, du 20 février 1981, p. 334.
170  Loi n° 93-74 du 12 juillet 1993 portant modification de certains articles du Code de statut personnel, JORT. 1993, 
n° 53, du 20 juillet 1993, p. 1004.
171  Loi n° 98-75 du 28 octobre 1998 relative à l’attribution d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filia-
tion inconnue, JORT. 1998, n° 87, du 30 octobre 1998, p. 2119
172 Soixantenaire du Code du statut personnel, Ouvrage collectif codirigé par Souhayma BEN ACHOUR et  Rachida JE-
LASSI, actes du colloque organisé par la Faculté de droit de Tunis à l’occasion du soixantième anniversaire du Code du 
statut personnel, CPU, 2019. 
75 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
et  notamment  ses  dispositions  discriminatoires,  aux  étrangers173.  Ces  règles 
discriminatoires concernent aussi bien les rapports extrapatrimoniaux (1), que les 
rapports patrimoniaux (2).
1. La discrimination au niveau des rapports familiaux extrapatrimoniaux
Les  discriminations  issues  du  droit  tunisien  peuvent  concerner  les  rapports    de 
couple (a), ainsi que les rapports entre parents et enfants (b).
a.  Les  rapports  de  couple :  les  entraves  à  la  liberté  matrimoniale  de 
l’étranger
Malgré  son  caractère  progressiste,  le  droit  tunisien  de  la  famille  continue  à 
consacrer de nombreuses inégalités dans les rapports de couple. L’interdiction 
du mariage de la Tunisienne musulmane avec le non-musulman constitue la plus 
importante de ces discriminations.
Certes,  l’interdiction  du  mariage  entre  la  musulmane  et  le  non-musulman 
se  fonde  sur  une  discrimination  religieuse.  Elle  frappe  la  femme  considérée 
comme musulmane, qu’elle soit tunisienne ou étrangère. Elle frappe également 
76
tout  homme  non-musulman,  qu’il  soit  tunisien  ou  étranger.  Cependant,  dans 
la  pratique,  une  telle  discrimination  concernera  essentiellement  les  étrangers 
non-musulmans  qui  souhaitent  se  marier  aux  Tunisiennes  musulmanes  ou 
considérées comme telles. 
En réalité, aucun texte n’interdit clairement, en droit tunisien, le mariage entre 
la  musulmane  et  le  non-musulman.  La  question  de  savoir  si  la  disparité  de 
culte constitue ou non un empêchement matrimonial dépend de l’interprétation 
à  donner  à  l’article  5  du  Code  du  statut  personnel.  Ce  texte  dispose,  dans  sa 
version française, que « les futurs époux ne doivent pas se trouver dans l’un des 
cas d’empêchements au mariage prévus par la loi ». La version arabe utilise les 
termes « d’empêchements charaïques », qui signifie relatifs à la chariâa ou droit 
musulman174.
173  BEN ACHOUR (S), La réception des décisions étrangères dans l’ordre juridique tunisien, CPU, 2017, CHEDLY (L) et 
GHAZOUANI (M), Code de droit international privé annoté, CEJJ, 2008 (en langue arabe), MEZGHANI (A), Droit 
international privé. États Nouveaux et relations privées internationales, CERES, CERP, Tunis 1991, MEZGHANI (A), 
Commentaires du Code de droit international privé, CPU, 1999, MEZIOU (K), « Migrations et relations familiales », 
RCADI. 2009, vol. 345, p. 13.
174  L’article 1er de la loi du 5 juillet 1993 relative à la publication des textes au Journal officiel et à  leur exécution (JORT. 
1993,  p.  931)  prévoit  que  « les  lois,  les  décrets-lois,  les  décrets  et  les  arrêtés  sont  publiés  au  Journal  officiel  de  la 
République tunisienne en langue arabe. Ils sont publiés également dans une autre langue, et ce uniquement à titre 
d’information ». Cet article a été interprété comme signifiant qu’en cas de divergence entre la version arabe du texte 
et sa version française, c’est la première qui l’emporte. Ce texte n’était pas en vigueur au moment où le Code du statut 
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
Or,  tout  le  problème  tourne  autour  du  sens  de  ces  termes.  Le  terme  arabe  de 
« charaïques »  est  susceptible  de  recevoir  deux  interprétations.  On  peut,  en 
effet, interpréter le terme de « charaïques », comme visant les empêchements 
religieux,  c’est-à-dire  prévus  par  la  chariâa  ou  le  droit  musulman,  ou  comme 
visant seulement les empêchements légaux, c’est-à-dire ceux prévus par le Code 
du statut personnel dans ses articles 14 à 20. 
Si on considère que la version arabe du texte vise les premiers, le mariage d’une 
femme musulmane avec un étranger non-musulman serait considéré comme nul 
au regard de la loi tunisienne. En revanche, si on considère que le texte vise les 
seconds, seuls les empêchements mentionnés dans les articles 14 à 20 du Code 
du statut personnel seraient admis en droit tunisien. Le mariage ne serait donc 
considéré  comme  nul,  au  regard  du  droit  positif  tunisien,  que  s’il  contrevient  à 
l’un des empêchements provisoires ou définitifs limitativement énumérés par les 
articles  14  à  20  du  Code  du  statut  personnel175.  Ce  qui  signifie  que  le  mariage 
d’une femme musulmane avec un étranger un non-musulman, qui ne constitue 
nullement un cas d’empêchement prévu par le Code du statut personnel, serait 
valable.
77 
La doctrine tunisienne s’est partagée entre les deux interprétations. Considérant 
que  le  droit  musulman  constitue  une  source  du  droit  positif  tunisien,  certains 
ont  pu  estimer  que  l’article  5  vise  les  empêchements  religieux176.    Un  courant 
moderniste,  considérant  que  le  droit  positif  tunisien  a  rompu  avec  le  droit 
musulman,  estime  que  l’article  5  ne  vise  que  les  empêchements  légaux,  car 
« si  le  législateur  voulait  faire  de  la  disparité  de  religion  un  empêchement  au 
mariage  et  une  cause  d’indignité  successorale,  il  l’aurait  certainement  fait  car 
ces empêchements ne lui étaient pas inconnus. Son silence suffit à écarter toute 
référence au droit musulman »177.  
Jusqu’à une époque très récente, le mariage de l’étranger non-musulman avec la 
Tunisienne pouvait être entravé en raison de l’empêchement matrimonial fondé 
sur  la  différence  de  culte  (a-1).  La  tendance  a  cependant  été  remise  en  cause 
aujourd’hui, mais il n’est pas du tout certain qu’elle soit confirmée (a-2).
personnel a été promulgué, mais en pratique, on faisait toujours prévaloir la version arabe du texte puisque l’arabe est, 
d’après l’article 1er de la Constitution, la langue officielle du pays. 
175  Les articles 14 à 20 du Code du statut personnel déterminent les empêchements provisoires, comme l’existence d’un 
mariage non dissous ou le délai de viduité et les empêchements définitifs, comme la parenté ou l’alliance.
176  KERROU (H), « Le mariage de la musulmane avec un non-musulman et la ratification par la Tunisie de la Convention 
de New York de 1962», RJL. 1971, p.11 (en langue arabe).
177  MEZGHANI  (A),  « Réflexions sur les relations entre le Code du statut personnel avec le droit musulman classique », 
RTD, 1975, II,  p. 73.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
a.1. Le  refus  du  mariage  entre  la  Tunisienne  musulmane  et  l’étranger  non-
musulman 
La jurisprudence ainsi que la pratique administrative se sont longtemps ralliées 
à l’interprétation traditionaliste. 
Le célèbre arrêt Houria  rendu le 31 janvier 1966 par la Cour de cassation178 donne 
le ton et marque de sa conception des rapports entre droit musulman et droit 
tunisien plusieurs décennies de jurisprudence. Il est  souvent présenté comme 
la  première  décision  ayant  déclaré  nul  le  mariage  entre  la  musulmane  et  le 
non-musulman. Mais le mariage en question avait été conclu, dans cette affaire, 
avant l’entrée en vigueur du Code du statut personnel. C’est donc par application 
directe du droit musulman, en vigueur avant la promulgation du Code du statut 
personnel, et non de l’article 5 de ce Code que la Cour de cassation avait jugé. 
Il  fallût  attendre  1973  pour  que  la  Cour  de  cassation  se  prononçât  sur 
l’interprétation à donner à l’article 5 du Code du statut personnel. Voyant dans le 
terme « charaïques » employé par ce texte un renvoi à la chariâa, elle  déclare, 
dans un arrêt rendu le 27 juin 1973, que le mariage d’une musulmane et d’un 
78
non-musulman était nul179. 
L’interdiction du mariage entre la musulmane et le non-musulman s’est surtout 
faite au moyen des  circulaires administratives. Ces circulaires ont constitué une 
véritable  arme  entre  les  mains  de  l’administration  pour  entraver  la  liberté  de 
mariage180.
En effet, une série de circulaires souvent non publiées, ont interdit le mariage 
entre  la  musulmane  et  le  non-musulman.  La  première  de  cette  série  est  une 
circulaire  du  secrétariat  d’État  à  l’intérieur  datée  du  17  mars  1962181.  Elle  se 
réfère  à  l’article  5  du  Code  du  statut  personnel,  pour  interdire  formellement 
aux officiers d’état civil de célébrer le mariage entre la musulmane et le non-
musulman. 
Plus notoire, car publiée dans une revue juridique spécialisée, une circulaire du 
ministère de la justice du 5 novembre 1973182 interdit également le mariage entre 
178  Cour de cassation, n° 3384, 31 janvier 1966, RJL. 1967, p. 43, RTD. 1968, p. 114.
179  Cour de cassation, Chambre criminelle, n° 7795, 27 juin 1973, Bull. Civ. 1973, p. 21.
180   Sur  cette  question,  Les  circulaires  liberticides,  Un  droit  souterrain  dans  un  État  de  droit,  sous  la  direction  de Wahid 
FERCHICHI, ADLI, 2018.
181  État civil, Recueil de textes et circulaires relatifs à l’état civil, au nom et au livret de famille, Ministère de l’intérieur, 
Imprimerie officielle de la République tunisienne, 1976, p. 82.
182  Circulaire n° 216, du 5 novembre 1973 portant interdiction de célébrer le mariage d’une tunisienne musulmane avec 
un non musulman, RJL. novembre 1973, n° 9, p. 83. 
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
la musulmane et le non-musulman et étaie une justification assez développée. 
Après  s’être  référée  à  l’article  5  du  Code  du  statut  personnel,  la  circulaire 
déclare  que  « le  législateur  a  considéré  que  la  disparité  de  culte  constitue  un 
empêchement charaïque et a visé à préserver l’identité musulmane de la famille 
tunisienne », et ajoute que « les mariages conclus en Tunisie ou à l’étranger par 
des Tunisiennes musulmanes contredit la politique législative tunisienne ».
Une  circulaire  du  Premier  Ministre  datant  du  14  mai  1988183  déclare  que  le 
certificat d’islamisation délivré par le Mufti de la République constitue l’unique 
preuve de la conversion à l’Islam et que le mariage ne peut être célébré que si 
l’intéressé produit un tel certificat.
Ces circulaires introduisent d’abord une discrimination fondée sur l’appartenance 
confessionnelle  entre  les  Tunisiens.  Le  Tunisien  pourra  épouser  une  non-
musulmane,  la  Tunisienne  ne  le  pourra  pas.  À  l’égard  des  citoyens  tunisiens, 
il  s’agit  d’une  discrimination  à  l’égard  des  femmes.  Ces  circulaires  instaurent 
également une discrimination  entre les étrangers. Ainsi l’étranger musulman 
pourra épouser la Tunisienne, tandis que l’étranger non-musulman ne le pourra 
pas. Ces circulaires introduisent également une nette discrimination entre les 
79 
sexes puisque l’interdiction ne touche que les étrangers, et non les étrangères. 
Ces circulaires sont contraires à de nombreux droits fondamentaux reconnues 
par la Constitution et par les conventions internationales. 
Ces circulaires contredisent donc les principes fondamentaux affirmés dans la 
Constitution du 1er juin  1959, puis celle du 27 janvier  2014. Ils contredisent ainsi 
l’article 6 de la Constitution de 2014, qui garantit la liberté de conscience, l’article 
21 qui consacre l’égalité entre les citoyens, l’article 24, qui consacre la protection 
de la vie privée, l’article 46 selon lequel l’État « s’engage à protéger les droits 
acquis de la femme, et veille à les consolider et à les promouvoir ». 
Les circulaires enfreignent également les conventions internationales ratifiées 
par  la  Tunisie.  En  effet,  la  Convention  de  New  York  du  10  décembre  1962  sur 
le  consentement  au  mariage,  l’âge  minimum  du  mariage  et  l’enregistrement 
du  mariage  garantit  la  liberté  matrimoniale184.  Son  préambule  énonce  qu’« à 
183 Circulaire  n°39  du  Premier  Ministre  datant  du  14  mai  1988  (Recueil  des  circulaires  émanant  du  Premier  Ministère, 
Imprimerie officielle, p. 67). Cette circulaire se réfère à trois autres circulaires émanant du Ministère de l’intérieur et 
interdisant le mariage entre la musulmane et le non-musulman. Il s’agit de la circulaire du 17 mars 1962 (n°23), de la 
circulaire du 21 août 1974 (n° 81) et de la circulaire du 30 mars 1987 (n° 20).
184 La Convention de New York de 1962 sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement 
du mariage a été ratifiée par la loi n° 67-41 du 21 novembre 1967 (JORT. 1967, 21-24 novembre 1967, n° 10). Elle a 
été publiée par le décret du 4 mai 1968 (JORT. 1968, 10 mai 1968, p. 476). 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
partir  de  l’âge  nubile,  l’homme  et  la  femme,  sans  aucune  restriction  quant  à 
la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une 
famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors 
de sa dissolution ». De même, le principe d’égalité entre les sexes est garanti 
par  l’article  16-1  de  la  Convention  de  Copenhague  du  18  décembre  1979  sur 
l’élimination  de  toute  forme  de  discrimination    à  l’égard  des  femmes185.  Ce 
texte dispose que « les États parties prennent toutes les mesures appropriées 
pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions 
découlant du mariage et dans les rapports familiaux et assurent, sur la base de 
l’égalité entre l’homme et la femme…Le même droit de contracter mariage…Le 
même droit de choisir librement son conjoint ».
a.2. L’admission  «incertaine»  du  mariage  de  la  Tunisienne  musulmane  et 
l’étranger non-musulman
Le mariage entre la Tunisienne musulmane et l’étranger non-musulman est-il 
aujourd’hui clairement autorisé en droit tunisien ? 
80
Les tribunaux semblent avoir choisi une voie libérale depuis une dizaine d’années. 
En effet, un revirement important a lieu à la fin des années quatre vingt-dix. Le  
Tribunal de première instance de Tunis adopte une position libérale pour valider 
le mariage entre une musulmane et un non-musulman dans une décision du  29 
juin 1999186. Se penchant sur la question de l’interprétation de l’article 5 du Code 
du statut personnel, le Tribunal décide, pour la première fois, que la disparité de 
culte ne constitue pas un empêchement matrimonial et valide le mariage entre 
une Tunisienne musulmane et un Belge non-musulman.
Le  Tribunal  puise    le  principe  d’égalité  entre  l’homme  et  la  femme  dans  la 
Convention de New York du 10 décembre 1962 sur le consentement au mariage, l’âge 
minimum du mariage et l’enregistrement du mariage187. Après avoir déclaré que la 
Convention permet à « chaque personne, homme ou femme de choisir librement 
son  conjoint »,  le  Tribunal  rappelle  le  principe  de  la  hiérarchie  des  normes  qui 
185 Loi n° 85-68 du 12 juillet 1985 portant ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discri-
mination à l’égard des femmes, JORT. 1985, n° 54 du 12-16 juillet 1985, p. 919. Sur cette Convention, La non-discri-
mination à l’égard de femmes entre la Convention de Copenhague et le discours identitaire, Colloque, Tunis 13-16 janvier 
1988, UNESCO-CERP, 1989.
186  TPI. Tunis, n°26-855,  29 juin 1999, RTD. 2000, p.403, note S. BEN ACHOUR.
187  La Convention de New York de 1962 sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement 
du mariage a été ratifiée par la loi n° 67-41 du 21 novembre 1967 (JORT. 1967, 21-24 novembre 1967, n° 10). Elle a 
été publiée par le décret du 4 mai 1968 (JORT. 1968, 10 mai 1968, p. 476). 
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
place les traités dûment ratifiés au-dessus des lois. Cet appel à la Convention de 
New York de 1962 signifiait que l’article 5 du Code du statut personnel ne pouvait 
plus, à partir du jour où la Tunisie l’avait ratifiée, poser un empêchement fondé 
sur la disparité de culte. En effet, la Convention reprend, dans son préambule, le 
principe de la liberté matrimoniale sans aucune restriction, notamment religieuse. 
Pour être en conformité avec le principe posé dans le préambule de la Convention, 
l’article 5 ne peut viser que les empêchements légaux.
La Cour d’appel de Tunis  valide également le mariage entre la musulmane et 
l’étranger  non-musulman dans deux décisions : celle du 6 janvier 2004188 et celle 
du  15  juillet  2008189.  La  Cour  de  cassation  confirmera  cette  tendance  dans  un 
arrêt du 12 décembre 2004190. 
La tendance est confirmée par une intervention politique du chef de l’État. Dans 
son discours du 13 août 2017, à l’occasion de fête de la femme, le Président Béji 
CAÏD ESSEBSI déclare que l’interdiction  du mariage de la musulmane avec un 
non-musulman  sera  levée191.  Le  discours  soulève  un  débat  passionné  tant  en 
Tunisie qu’à l’étranger entre partisans et opposants. 
À  peine  un  mois  plus  tard,  le  discours  est  suivi  d’effet.  La  circulaire  du  5 
novembre  1973 est abrogée par une circulaire du Ministère de la justice datée 
du  8  septembre  2017192.  Cette  dernière  s’adresse  aux  juges  et  aux  officiers  de 
81 
l’état civil. 
Le rapport de la COLIBE vient renforcer cette mise à l’écart de l’empêchement 
matrimonial. En effet, la COLIBE propose une modification de l’article 5 du Code 
du statut personnel afin de barrer la route à toute interprétation tendancieuse. 
Le  terme  « charaïques »,  autour  duquel  a  tourné  toute  la  controverse,  serait 
supprimé dans la version arabe du  nouvel article 5 du Code du statut personnel 
qui  disposerait  que    « les    époux  ne  doivent  pas  se  trouver  dans  l’un  des 
empêchements prévus par la loi »193.
188  CA. Tunis, n°120, 6 janvier 2004. JDI. 2005, n°4, p.1193, note S. BEN ACHOUR.
189  CA. Tunis, n° 73928, 15 juillet 2008, RJL. 2009, p. 203
190  Cour de cassation, n° 3843.2004, 20 décembre 2004, JDI. 2005, n°4, p. 1193, note S. BEN ACHOUR.
191 BELLAMINE (Y), « Béji Caïd Essebssi promet de relancer la question de l’égalité dans l’héritage et appelle à abroger la 
circulaire interdisant à une femme tunisienne d’épouser un non-musulman», HUFFPOST Tunisie, 13 août 2017,
     https://www.huffpostmaghreb.com/2017/08/13/beji-caid-essebsi-fete-de_n_17743578.html
192 Circulaire  n°  164,  Ministère  de  la  justice,  8  septembre  2017,  CRÉTOIS  (J),  «Tunisie:  Arogation  de  la  circulaire 
empêchant les Tunisiennes d’épouser un non-musulman», Jeune Afrique, 14 septembre 2017, 
https://www.jeuneafrique.com/474380/societe/tunisie-abrogation-de-la-circulaire-empechant-les-tunisiennes-depouser-
un-non-musulman/
193  COLIBE (Commission des libertés individuelles et de l’égalité), Rapport précité, 1er juin 2018, p. 122. 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Cependant,  une  certaine  résistance  à  la  nouvelle  circulaire  «libératrice» 
s’exprime  rapidement.  En  effet,  le  maire  de  la  commune  du  Kram,  a  annoncé 
qu’il n’autorisera pas, au niveau de sa commune, le mariage de la musulmane et 
du non-musulman194. 
b.  Les  rapports  parents-enfants :  le  droit  de  garde  de  la  mère  étrangère 
non-musulmane
Le  droit de garde de la mère étrangère non musulmane constitue une question 
particulièrement  sensible  en  droit  tunisien195.  L’hypothèse  classique  qui  se 
présente  devant  les  juges  tunisiens  est  celle  d’un  jugement  étranger  ayant 
accordé à la mère étrangère résidente à l’étranger le droit de garde sur un enfant, 
généralement de père tunisien et se trouvant en Tunisie. L’enfant est très souvent 
déplacé en Tunisie au mépris du jugement étranger. Afin de faire valoir ses droits, 
la mère se présente devant les tribunaux tunisiens pour obtenir l’exequatur de la 
décision étrangère. 
Un  repli  identitaire  et  une  argumentation  d’ordre  confessionnel  et  culturel  a 
82
marqué  plusieurs  décennies  de  jurisprudence,  aboutissant  à  nier  à  la  mère 
étrangère non-musulmane le droit de garde. Plusieurs décisions rendues, tant 
par les juridictions du fond que par la Cour de cassation en Tunisie, ont refusé 
l’exequatur  aux  jugements  étrangers  relatifs  à  la  garde  en  raison  de  leur 
contrariété à l’ordre public international (b-1). 
Mais  il  est  permis  de  penser  que  cette  jurisprudence    a  été  remise  en  cause. 
La Cour de cassation fonde aujourd’hui l’ordre public sur l’intérêt de l’enfant, et 
admet donc le droit de garde de la mère étrangère non-musulmane (b-2).
b.1. La négation du droit de garde de la mère étrangère non-musulmane
Plusieurs décisions rendues par les Tribunaux tunisiens ont refusé d’accorder 
l’exequatur à des jugements étrangers accordant à la mère étrangère le droit de 
garde sur son enfant pour contrariété à l’ordre public international. 
194  BELLAMINE (Y), «Le maire du Kram annonce qu’il n’autorisera pas de mariages entre Tunisiennes et non musulmans 
dans sa commune, malgré l’annulation de la circulaire de 1973 depuis près d’un an », HUFFPOST Tunisie, 16 août 2018, 
https://www.huffpostmaghreb.com/entry/fathi-laayouni-annonce-quil-nautorisera-pas-de-mariages-entre-tuni-
siennes-et-non-musulmans-dans-sa-commune-malgre-lannulation-de-la-circulaire-de-1973-depuis-pres-dun-an_
mg_5b756511e4b02b415d75e52f
195  BEN ACHOUR (S), Enfance disputée, les problèmes juridiques relatifs aux droits de garde et de visite après divorce dans les 
relations franco-maghrébines, Préface de Mme Kalthoum MEZIOU, CPU, 2004.
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
Le refus d’exequatur pour contrariété à l’ordre public international tunisien est 
souvent le fait de la Cour de cassation, mais parfois aussi des juges du fond. 
Ainsi, dans une affaire tranchée par la Cour de cassation le 15 mai 1979196, un 
jugement allemand avait prononcé le divorce entre un Tunisien et une Allemande 
et  accordé  à  la  mère  le  droit  de  garde.  Celle-ci  demande  l’exequatur  de  la 
décision  auprès  des  tribunaux  tunisiens.  Le  Tribunal  de  première  instance  de 
Tunis fait droit à sa demande et accorde un droit de visite au père. Le jugement 
est confirmé par la Cour d’appel de Tunis. Sur pourvoi du mari, la décision est 
cassée. 
La  Cour  de  cassation  déclare  la  décision  allemande  contraire  à  l’ordre  public 
en  affirmant  que  « la  conformité  du  jugement  étranger,  dont  l’exequatur  est 
demandé,  aux règles d’ordre public s’apprécie sous l’angle des valeurs contenues 
dans Constitution et auxquels adhérent la famille et la société, et notamment les 
valeurs religieuses et linguistiques et l’amour de la patrie».
Cette même conception de l’ordre public est adoptée dans une décision rendue 
par  la  Cour  de  cassation  en  date  du  3  juin  1982197.  En  l’espèce,  une  décision 
française avait prononcé le divorce entre un Tunisien et une Française et avait 
accordé  à  la  mère  le  droit  de  garde.  La  mère  demande  auprès  du  Tribunal  de 
première  instance  de  Tunis  l’exequatur.  Les  juges  du  premier  degré  le  lui 
accordent. Leur décision est confirmée par la Cour d’appel de Tunis. Sur pourvoi 
83 
du père, l’arrêt d’appel est cassé. 
La  Cour  de  cassation  déclare  contraire  à  l’ordre  public  la  décision  française. 
Elle  énonce  que  « l’appréciation  de  la  conformité  du  jugement  étranger,  dont 
l’exequatur  est  demandé,  aux  règles  d’ordre  public…se  fait  sur  la  base  de  sa 
conformité    aux  attributs  essentiels  du  pays  dont  les  plus  importants,  pour  la 
Tunisie, sont l’Islam et l’authenticité arabe ». La Cour de cassation ajoute que « le 
déracinement de l’enfant du milieu dans lequel il a grandi et dont il parle et écrit 
la langue, de ses habitudes et traditions, de même que son détachement de son 
milieu social arabe et musulman sont de nature à faire de lui un exilé permanent, 
coupé de sa religion et donc un apostat. Un tel jugement viole…l’ordre public du 
pays et s’oppose à sa Constitution ». 
196  Cour de cassation, n°2000, 15 mai 1979, RJL. 1980, n°10, p. 79.
197  Cour de cassation, n°74223 juin 1982, Bull. civ. 1982, p.143.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Les mêmes arguments sont repris par la Cour de cassation dans un arrêt du 19 
octobre 1985198, du 4 janvier 1999199 et du 22 septembre 1999200. 
Se ralliant à la position traditionnelle de la Cour de cassation, certaines décisions 
des  juridictions  du  fond  ont  pu  développer  une  argumentation  religieuse  et 
culturelle afin de refuser l’exequatur des décisions étrangères en raison de leur 
contrariété à l’ordre public tunisien201. 
C’est, par exemple, le cas d’un arrêt rendu en date du 27 décembre 1996 par la 
Cour  d’appel  de  Tunis202.  En  l’espèce,  un  Tunisien  et  une  Française  résidaient 
en  France  avec  leurs  enfants.  Suite  à  une  mésentente  dans  le  couple,  le  père 
quitte la France et s’installe en Tunisie avec ses enfants. Le Tribunal de grande 
instance de Nanterre, par jugement du 26 mai 1994, prononce le divorce, accorde 
l’autorité  parentale  à  la  mère,  fixe  chez  elle  la  résidence  des  deux  enfants 
communs  et  accorde  au  père  un  droit  de  visite.  La  mère  demande  devant  les 
juridictions  tunisiennes  l’exequatur  du  jugement  français.  Le  Tribunal  de 
première  instance  de  Grombalia,  dans  une  décision  du  8  mai  1995203,  accorde 
l’exequatur à la décision française, et considère qu’elle est conforme à l’ordre 
84
public. Le mari forme alors appel contre ce jugement. 
La Cour d’appel de Tunis déclare la décision française contraire à l’ordre public 
au motif que « les deux enfants se trouvent en Tunisie avec leur père qui exerce 
une garde effective…ce qui leur a permis de s’habituer aux principes de l’Islam et 
à ses règles. Les arracher à leur milieu familial serait, indéniablement, très nocif 
pour eux. Il convient donc d’accorder la garde au père ».
b.2. L’admission du droit de garde de la mère étrangère non-musulmane
Un revirement important a lieu relativement à la conception de l’ordre public en 
matière de garde, dans un arrêt décisif rendu en date du 2 mars 2001 par la Cour 
de cassation204. 
Dans cette affaire, la Cour d’appel de Tunis, dans un arrêt rendu en date du 29 
novembre 2000205, avait accepté d’accorder l’exequatur à une décision belge qui 
198  Cour de cassation, n°14220, 19 octobre 1985, Bull. civ. 1985, p. 61.
199  Cour de cassation, n°69523-98, 4 janvier 1999, RJL. 2002, n° 1, p. 167, RTD. 2001, p. 210, note M. GHAZOUANI.
200  Cour de cassation, n°72212-99, 22 septembre 1999, inédite, citée par BEN ACHOUR (S), Enfance disputée, op. cit., 
p. 229.
201  CA. Sousse, n° 2412 et n° 2891, 20 juin 1995, inédites.
202  CA. Tunis, n° 25429, 27 décembre 1997, inédite.
203  TPI. Grombalia, n°16790, 8 mai 1995,  inédite. 
204  Cour de cassation, n° 7286-2000, 2 mars 2001, RJL. janvier 2002, p. 183.
205  Tunis, 29 novembre 2000,  n° 62925, inédite, rapportée par S. BEN ACHOUR, Enfance disputée, précité, p. 234.
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
avait attribué la garde d’un enfant issu d’un père tunisien et d’une mère danoise 
résidante en Belgique à cette dernière 
Le père, qui avait exercé un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel soutenait 
qu’il était contraire à l’ordre public, car « la garde doit être accordée dans l’intérêt 
de l’enfant. Or il est dans l’intérêt de l’enfant, qui est tunisienne et musulmane, 
qui vit en Tunisie et qui a connu les spécificités familiales et nationales de son 
pays, de rester en Tunisie ». 
La Cour de cassation rejette le pourvoi et ne déclare pas le jugement étranger 
contraire à l’ordre public international tunisien. La Cour de cassation estime que 
la décision étrangère remplit l’ensemble des conditions exigées pour l’exequatur. 
Analysant ensuite la condition de la conformité de la décision étrangère à l’ordre 
public  international,  elle  décide  que  « le  droit  tunisien  prend  en  considération 
l’intérêt de l’enfant pour l’attribution de la garde…les juges du fond ont accordé 
la garde de l’enfant à sa mère étrangère en tenant compte de son intérêt. Rien, 
dans la décision étrangère, ne contredit l’ordre public international tunisien ou la 
politique législative tunisienne. Seul l’intérêt de l’enfant doit être pris en compte 
sans  autre considération ».
85 
C’est bien la première fois que la Cour de cassation n’adopte pas l’argumentation 
classique.  La  Cour  de  cassation  semble  choisir  une  nouvelle  voie.  À  une 
appréciation  in  abstracto  fondée  sur  des  principes  généraux  et  des  directives 
impersonnelles,  la  Cour  de  cassation  semble  préférer  une  appréciation  in 
concreto  fondée  sur  des  circonstances  particulières  et  des  données  concrètes 
qui  permettent  de  mesurer    l’intérêt  de  l’enfant.  L’intérêt  de  l’enfant  justifiait, 
vraisemblablement, que la garde soit accordée à la mère danoise résidente en 
Belgique et non au père tunisien résident en Tunisie. 
2.  La  discrimination  au  niveau  des  rapports  familiaux  patrimoniaux : 
l’héritage du parent étranger non-musulman
Le droit successoral tunisien est fortement influencé par le droit musulman206. Il 
reprend  la  distinction  entre  héritiers  universels  (aceb)  et  héritiers  réservataires 
(fardh),  et  referme  de  nombreuses  discriminations  sur  la  base  du  sexe  et  de  la 
religion.
206   MEZGHANI (A) et MEZIOU-DOURAÏ (K), L’égalité entre hommes et femmes en droit successoral, Sud éditions, Tunis, 2006.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
C’est  ainsi  que  les  parts  héréditaires  des  hommes  et  des  femmes  ne  sont  pas 
égales. De même, le droit successoral contient des discriminations en raison de 
l’appartenance confessionnelle. 
Comme pour le mariage, aucun texte ne prévoit, de façon claire, que la disparité 
de  culte  constitue  un  empêchement  successoral  en  droit  tunisien.  En  fait,  la 
question se ramène à un problème d’interprétation de l’article 88 du Code du statut 
personnel. 
Dans  sa  version  française,  ce  texte  prévoit  que  « l’homicide  volontaire  est  un 
empêchement à la successibilité ». La version arabe du texte prévoit que l’homicide 
volontaire  est  l’un  des  empêchements  à  succession207.  Un  tel  empêchement 
se  fonde  sur  la  confession,  et  non  la  nationalité.  Elle  concerne  cependant  plus 
spécifiquement  l’étranger  car,  très  souvent  le  non-musulman  dans  les  rapports 
familiaux sera aussi un étranger. 
La  jurisprudence  a  connu  trois  étapes  à  propos  de  cette  question.  Au  cours 
d’une  première  étape,  les  tribunaux  tunisiens  se  référaient  de  façon  quasiment 
86
systématique  au  droit  musulman  pour  interpréter  l’article  88  du  Code  du  statut 
personnel, refusant ainsi à l’héritier son droit à l’héritage (a). Dans une seconde 
étape, la Cour de cassation hésite entre une interprétation fidèle au droit musulman 
et  une  interprétation  sécularisée  du  droit  tunisien  (b).  Une  interprétation 
sécularisée marque une troisième étape  (c). 
a. Première étape : le refus 
Rendu  célèbre  en  raison  de  l’influence  qu’il  a  pu  exercer  sur  la  jurisprudence, 
l’arrêt Houria rendu le 31 janvier 1966 par la Cour de cassation avait affirmé que 
la disparité de culte est un empêchement à la fois matrimonial et successoral.
Dans  le  sillage  de  cet  arrêt,  un  nombre  important  de  décisions  refusent 
d’admettre un parent non-musulman à la succession d’un parent musulman et 
inversement208, voyant ainsi dans le droit musulman une source du droit tunisien 
207  La version arabe du texte utilise les termes « ثرلإا عناوم نم ».
208 Pour une étude complète sur cette jurisprudence, BEN ACHOUR (Sana), « Figures de l’altérité, À propos de l’héritage 
du conjoint non musulman », in Mouvements du droit contemporain, Mélanges offerts au Professeur Sassi Ben Halima, 
CPU, 2005, p. 823, BEN ACHOUR (S), « L’interprétation du droit tunisien de la famille, entre référence à l’Islam 
et  appel  aux  droits  fondamentaux »,  in  L’interprétation  de  la  norme  juridique,  colloque  organisé  par  la  Faculté  des 
sciences juridiques, économiques et de gestion de Jendouba, les 5 et 6 avril 2010, Avec le soutien de la Fondation 
Hanss Seidel, 2011, p. 17, BONSTANJI (S), « Turbulences dans l’application judicaire du Code tunisien du statut 
personnel,  Le  conflit  de  référentiel  dans  l’œuvre  prétorienne »,  RIDC.  2009,  n°1,  p.  7,  https://www.persee.fr/doc/
ridc_0035-3337_2009_num_61_1_19838, DAOUD-YAAKOUB (M), « La différence de religions en matière succes-
sorale », Annales de la Faculté des sciences juridiques, économiques et de gestion de Jendouba,  n°1, 2007, p.81, (en langue 
arabe), SGHAÏR (K), L’héritage de la non-musulmane devant les tribunaux tunisiens, Mémoire DEA, Faculté des sciences 
juridiques, politiques et sociales, Tunis, 2002. 
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
et considérant que l’article 88 intégrait implicitement la disparité de culte parmi 
les empêchements successoraux. Tel est, par exemple, le cas de l’arrêt Louise 
Charlotte du 13 février 1985209.
Les  juges  du  fond,  comme  la  Cour  de  cassation  réitèrent  cette  position  dans 
plusieurs  décisions  ultérieures.  C’est  ce  qui  ressort  notamment  de  deux  arrêts 
rendus en date du 14 juillet 1993 par la Cour d’appel de Tunis et en date du 2 janvier 
1995  par  la  Cour  de  cassation210  dans  l’affaire  Rosaria-Kalthoum  Ben  Jbira  211. 
Deux décisions rendues le 12 janvier 1998 par la Cour d’appel de Tunis212 et le 6 
juillet 1999 par la Cour de cassation213 dans l’affaire Jemal réitèrent ces solutions 
traditionnalistes. Le Tribunal de première instance de Sfax adopte une position 
similaire  dans  l’affaire  Bhiri  le  11  octobre  1996214.  L’affaire  Janine-Stambouli 
donne lieu à une série de décisions qui retiennent aussi ces mêmes solutions. Le 
Tribunal de première instance de Ben Arous, adopte une lecture traditionnelle de 
l’article 88 du Code du statut personnel dans un jugement du 8 décembre 1997215, 
le jugement est confirmé par la Cour d’appel de Tunis le 14 juillet 1999216. La Cour 
de cassation adopte aussi cette lecture dans un arrêt du 28 avril 2000217. L’affaire 
Hans Schuler donne également lieu à plusieurs décisions se rangeant dans cette 
87 
tendance : celle du Tribunal de première instance de Tunis du 6 octobre 1997218, 
celle  de  la  Cour  d’appel  de  Tunis  du  19  janvier  2000219  et  celle  de  la  Cour  de 
cassation du 2 janvier 2001220.
Dans  toutes  ces  affaires,  une  question  principale  préoccupe  les  juges  et  les 
plaideurs : celle de savoir si le parent étranger non-musulman souvent converti à 
l’Islam peut être considéré comme un héritier et se voir, dès lors, reconnaître un 
droit dans la succession d’un parent musulman.
209 Cour de cassation,  n° 10160, 13 février 1985,  Louise Charlotte, RJL. 1993, n° 9, p. 102.
210  Cour de cassation, n°41316,  2 janvier 1995, rapporté par SGHAÏR (K), Mémoire précité, annexes, p. 74.
211  CA. Tunis, n° 8488,  14 juillet 1993, inédit, rapporté par DAOUD-YAAKOUB (M), « La différence de religions... », 
article précité, p. 95 et par SGHAÏR (K), Mémoire précité, annexes, p. 63.
212  CA. Tunis, n° 28377, 12 janvier 1998, inédit, rapporté par SGHAÏR (K), Mémoire précité, annexes, p. 46.
213  Cour de cassation, n°98-68443, 6 juillet 1999, inédit, rapporté par DAOUD-YAAKOUB (M), « La différence de 
religions... », article précité, p. 97 et par SGHAÏR (K), Mémoire précité, annexes, p. 58.
214  TPI. Sfax, n° 5470, 11 octobre 1996, inédite, rapporté par DAOUD-YAAKOUB (M),  « La différence de reli-
gions... », article précité, p. 96 et par SGHAÏR (K), Mémoire précité, annexes, p. 78.
215  TPI. Ben Arous, n° 6000, 8 décembre 1997, inédit, rapporté par SGHAÏR (K), Mémoire précité, annexes, p. 88.
216  CA. Tunis, n° 53020, 14 juillet 1999, inédit, rapporté par SGHAÏR (K), Mémoire précité, annexes, p. 92.
217 Cour de cassation,  n°99-76621, 28 avril 2000, inédit, rapporté par DAOUD-YAAKOUB (M),  « La différence de 
religions... », article précité, p. 98 et par SGHAÏR (K), Mémoire précité, annexes, p. 103.
218  TPI. Tunis, n° 22898, 6 octobre 1997, inédite, cité par SGHAÏR (K) , Mémoire précité, annexes, p. 122.
219  CA. Tunis, n° 52105, 19 janvier 2000, inédite, rapporté par SGHAÏR (K), Mémoire précité, annexes, p. 124.
220  Cour de cassation, n° 2000-3396,  2 janvier 2001, inédite, rapportée par DAOUD-YAAKOUB (M),  « La différence 
de religions... », article précité, p. 100 et par SGHAÏR (K), Mémoire précité, annexes, p. 133.
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
L’examen de ces décisions permet de se rendre compte que la qualité d’héritier 
était déniée au converti dans deux cas : lorsqu’il n’avait pas obtenu un certificat 
d’islamisation que délivrait le Mufti et lorsqu’il ne l’avait  obtenu qu’après le décès 
de l’auteur de la succession. Afin d’évincer le converti, généralement le conjoint, 
certains membres de la famille prétendaient que seul le certificat d’islamisation 
permettait de prouver la conversion et que ledit certificat  devait, de surcroit, être 
obtenu avant le décès de l’auteur de la succession, la qualité de successible étant 
exigée au moment de l’ouverture de la succession.
b. Deuxième étape : l’hésitation
Au  cours  d’une  seconde  étape,  la  Cour  de  cassation  oscille  entre  deux 
interprétations  totalement  opposées  de  l’article  88,  considérant  tantôt  qu’il 
renferme la disparité de culte comme empêchement successoral, tantôt qu’il ne 
contient pas un  tel empêchement. L’examen de six décisions rendues entre 2004 
et 2009 permet de le constater.
Elle refuse ainsi, dans la décision du 20 décembre 2004 de voir dans la disparité 
88
de culte un empêchement successoral. Deux années plus tard, elle opte, dans un 
arrêt du 8 juin 2006221 pour la solution opposée en refusant à l’épouse étrangère 
et chrétienne d’un Tunisien musulman le droit à l’héritage. 
La Cour de cassation revient, à peine quelques jours après, dans un arrêt Sophia 
du 19 juin 2006222, à une lecture sécularisée du droit tunisien en considérant que 
l’article 88 du Code du statut personnel ne renferme pas la disparité de culte parmi 
les  empêchements  qu’il  prévoit.  Dans  cette  affaire,  certains  parents  du  de  cujus 
déniaient à sa fille la qualité d’héritière au motif qu’elle ne connaissait pas la langue 
arabe, qu’elle était née en Allemagne et y avait été élevée par sa mère allemande.
Quelques mois après, la Cour de cassation adopte de nouveau une interprétation 
traditionnelle des textes. Dans un arrêt Georges-Jaber datant du 16 janvier 2007, 
elle décide que la disparité de culte constitue un empêchement de nature à faire 
obstacle  à  la  succession  d’un  Tunisien  musulman  par  des  héritiers  étrangers 
non-musulmans223. 
221  Cour de cassation, n° 9658,  8 juin 2006, RJL. 2009, n°3, mars, p. 135.
222  Cour de cassation, n° 4105, 19 juin 2006, Bull. civ., 2006, p.235
223  Cour de cassation, n° 4487, 16 janvier 2007, Annales de la Faculté des sciences juridiques, économiques et de gestion de 
Jendouba, 2007, n°1, p. 297
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
Un nouveau revirement a lieu le 5 février 2009224. En l’espèce certains des parents 
du de cujus entendaient évincer ses deux filles de sa succession au motif que l’une 
d’elles avait épousé un non-musulman, tandis que l’autre vivait, en concubinage, 
avec un non-musulman. 
La Cour de cassation refuse leurs prétentions et estime que la disparité de culte 
ne constitue pas un empêchement successoral. L’arrêt se veut éloquent et bien 
argumenté. Il se distingue tant par la position adoptée que par les fondements 
qu’il  retient.  C’est  la  première  fois  que  la  Cour  de  cassation  fait  appel  aux 
droits fondamentaux qu’elle puise dans la Constitution et dans les Conventions 
internationales.  Elle  estime  que  « l’article  88  du  Code  du  statut  personnel  doit 
être  interprété  par  référence  aux  principes  fondamentaux  consacrés  dans 
la  Constitution  et  les  Conventions  ratifiées  par  la  Tunisie ».  Pour  la    Cour  de 
cassation,  « la  liberté  de  conscience  telle  que  consacrée  dans  l’article  5  de  la 
Constitution ainsi que dans l’article 18 du Pacte sur les droits civils et politiques 
du 16 décembre 1966 implique de distinguer entre les droits civils et la croyance et 
cela en empêchant de conditionner l’acquisition de ces droits selon la croyance ». 
La  Cour  ajoute  « la  disparité  de  culte  ne  constitue  pas  un  empêchement 
89 
successoral au sens de l’article 88 du Code du statut personnel » et estime que 
« le principe d’égalité, énoncé dans l’article 6 de la Constitution ainsi que dans 
l’article 26 du Pacte international sur les droits civils et politiques, nécessite de 
ne pas distinguer entre les citoyens selon des considérations religieuses et, par 
conséquent, de ne pas conditionner le droit à la succession par la foi de l’héritier ».
Malgré la force des arguments utilisés, l’arrêt du 5 février 2009 ne semble pas 
avoir réussi à mettre fin à la valse hésitation de la Cour de cassation. Il est remis 
en cause quelques mois plus tard par un arrêt rendu en date du 30 juin 2009225 et 
dans lequel  la Cour voit de nouveau dans la disparité de culte un empêchement 
successoral. 
L’hésitation  de  la  Cour  de  cassation  est  très  gênante.  Elle  jette  le  justiciable, 
souvent  étranger,  dans  une  grande  insécurité  juridique  et  laisse  l’observateur 
désorienté. Comment est-il possible d’expliquer cette hésitation ? 
224  Sur cette décision, GHAZOUANI (M), « Renouveau dans la lecture des dispositions du Code du statut personnel, 
Commentaire de l’arrêt de la Cour de cassationn° 31115 du 5 février 2009 », RJL. 2009, n° 3, mars, p. 106.
225  Cour de cassation, n° 26905,  30 juin 2009, (inédite).
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
Certes,  on  pourrait  expliquer  l’hésitation  de  la  Cour  de  cassation  par  des 
raisons  sociopolitiques.  C’est  ainsi  que  M.  BOSTANJI  explique  l’incertitude 
jurisprudentielle par diverses raisons comme la dualité culturelle dans laquelle a 
évolué la Tunisie, la dichotomie de la réalité sociologique ou encore l’ambivalence 
du discours politique226.
Mais  il  est  également  possible  de  trouver  des  raisons  plus  simples  à  cette 
hésitation de la Cour de cassation.
On pourrait ainsi penser à une dissidence au sein de la Cour de cassation entre 
les juges. La position adoptée pourrait-elle différer en fonction de la composition 
de la Cour ? L’observation des arrêts rendus ne permet pas de le savoir. Il est ainsi 
surprenant  de constater que la décision du  8 juin 2006 qui considère la disparité 
de culte comme un empêchement successoral et celle du 19 juin 2006 qui adopte 
la solution opposée, ont été rendues par la huitième chambre civile de la Cour de 
cassation, sous la présidence du même magistrat, par les mêmes conseillers, et 
en présence du même procureur général et du même greffier. 
90
L’explication pourrait-elle être trouvée dans l’examen des faits de l’espèce ? Une 
lecture  attentive  des  décisions  de  la  Cour  de  cassation  montre  que  les  juges 
n’admettent  en  réalité  que  la  successibilité  entre  musulmans.  Dans  toutes  les 
décisions qui ont adopté une lecture sécularisée du droit tunisien de la famille, 
toutes les parties étaient musulmanes, ou du moins considérées comme telles par 
les juges. Elles étaient soit nées d’un père musulman et donc présumées elles-
mêmes musulmanes, soit converties à l’Islam et donc considérées comme ayant 
intégré, par leur propre volonté, la communauté des Musulmans. Cette lecture 
sécularisée du droit tunisien cache donc mal une fidélité au droit musulman.
Dans  l’arrêt  du  20  décembre  2004,  la  Cour  de  cassation  entérine  la  position 
libérale adoptée par la Cour d’appel de Tunis dans sa décision du 6 janvier 2004, 
mais éprouve le besoin de monter qu’il n’y avait pas, en réalité, disparité de culte 
puisque le mari étranger s’était converti à l’Islam. Adoptant, comme elle l’a fait 
précédemment,  une  conception  souple  de  la  conversion,  la  Cour  de  cassation 
affirme  que  « le  certificat  d’islamisation  ne  constitue  pas  l’unique  moyen  pour 
prouver  la  conversion  à  l’Islam »  et  que  « la  conversion  à  l’Islam  est  un  fait 
juridique  qui  peut  être  prouvé  par  tous  les  moyens ».  La  Cour  ajoute  ensuite 
que « rien dans le dossier ne prouve l’absence de la conversion du défendeur au 
226  BOSTANJI (S), « Turbulences dans l’application judiciaire du Code tunisien du statut personnel, Le conflit de 
référentiel dans l’œuvre prétorienne », précité,  p. 25 à 31.
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
pourvoi à l’Islam » et que « la qualité d’héritier s’apprécie au moment du décès et 
non au moment du mariage ».
C’est également l’islamité, cette fois présumée, de la fille du de cujus, Sophia, à 
la fois tunisienne et étrangère qui pourrait expliquer que  la Cour de cassation ait 
opté pour une interprétation laïcisée de l’article 88 du Code du statut personnel 
dans l’arrêt du 19 juin 2006. La Cour de cassation commence par se placer sur le 
terrain de l’appréciation de l’islamité de la fille en considérant que « si le père est 
musulman, il y a une présomption que son enfant soit également musulman ». 
Pour la Cour de cassation, « il n’est pas possible de renverser cette présomption 
en rapportant la simple preuve que la mère est chrétienne, que l’enfant est née 
dans un pays occidental,  y a été élevée et ne connait pas la langue arabe ». 
Comme celle du 20 décembre 2004, la décision du 19 juin 2006 trahit un ralliement 
de la Cour de cassation à la conception traditionnaliste du droit de la famille. Il 
y a, dans les deux décisions, une certaine contradiction à affirmer le rejet de la 
disparité de culte par le droit tunisien et à rechercher, en même temps, l’islamité 
de l’héritier contesté.
A  l’opposé,  c’est  la  certitude  que  l’héritier  contesté  n’est  pas  musulman  qui  a 
justifié, dans les autres décisions, le refus de la successibilité pour disparité de 
culte. C’est ainsi la confession chrétienne de l’épouse du de cujus qui  a justifié 
le refus de la Cour de cassation de lui reconnaitre un droit dans la succession de 
son mari dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 juin 2006. C’est aussi le fait 
incontesté que les héritiers soient non musulmans qui permet d’expliquer leur 
mise à l’écart dans la succession d’un musulman converti dans les arrêts du 17 
janvier 2007 et du 30 juin 2009. Dans ces trois décisions les prétendus héritiers 
ne  pouvaient  bénéficier  de  présomption  d’islamité,  puisqu’ils  n’étaient  pas  nés 
d’un père musulman et ne pouvaient pas non plus être considérés comme ayant 
embrassé la foi musulmane puisqu’ils ne s’étaient pas convertis à l’Islam.
Parmi toutes les décisions examinées, seule celle du 5 février 2009 refuse d’aborder 
la question de la preuve de l’islamité et choisit d’affronter directement la question 
de l’interprétation de l’article 88 en détachant le texte du droit musulman. 
Mais il est vrai que les deux filles du de cujus, dont les qualités d’héritières était 
contestées, étaient nées d’un père musulman et bénéficiaient de la présomption 
d’islamité.
91 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
c. Troisième étape : vers l’acceptation ?
Les tribunaux semblent s’être orientés, au cours d’une troisième étape, vers une 
interprétation sécularisée du droit tunisien, considérant ainsi que la disparité de 
culte ne constitue pas un empêchement successoral.
C’est  ce qui ressort d’une décision rendue en date du 28 octobre 2014 dans l’affaire 
Madeleine  Rousseau227.  En  l’espèce  un  litige  oppose    le  chef  du  contentieux  de 
l’État, en tant que représentant du Ministère du domaine de l’État et des affaires 
foncières,  à  la  veuve  italienne  du  défunt.  Il  contestait  sa  qualité  d’héritière,  et 
réclamait la totalité de la succession. En effet, le droit tunisien attribue à l’État la 
totalité de la succession de la personne qui ne laisse pas d’héritiers228. Pour ce 
faire, le chef du contentieux de l’État estimait que la veuve du défunt ne pouvait 
hériter, puisqu’elle n’était pas musulmane. 
Les juges du fond lui donnent raison. Mais la Cour de cassation refuse de suivre 
ces arguments. La Cour de cassation reprend les fondements sur lesquels elle 
s’était basée dans l’arrêt du 5 février 2009. Elle se fonde sur l’article 5 de l’ancienne 
92
Constitution tunisienne, sur la Pacte sur les droits civils et politiques de 1966, et 
sur la Convention relatif à l’élimination de toutes les formes de discrimination à 
l’égard des femmes de 1979.
Sur renvoi, la Cour d’appel de Tunis suit la même position dans un arrêt du 1er
novembre 2016229.
Il est permis de penser que ces décisions,  intervenues  dans  une  même  affaire 
et rendues par la haute juridiction et par la plus importante des cours d’appels 
signent la fin de la disparité de culte en tant qu’empêchement successorale en 
droit tunisien. Il est important de constater que la Cour de cassation, comme la 
Cour d’appel ne tentent pas de prouver que la veuve était musulmane. Il s’agit, 
pour la première fois, d’un rejet clair de la disparité de culte.
Le rapport de la COLIBE, rendu le 1er juin 2018, s’inscrit dans ce mouvement de 
libération des carcans religieux. En effet, la COLIBE propose une modification de 
l’article 88 du Code du statut personnel. C’est ainsi que la version arabe du texte ne 
mentionnerait plus que l’homicide est l’un des empêchements successoraux. Le 
nouvel article 88 stipulerait ainsi que « l’auteur de l’homicide volontaire n’hérite 
227  Cour de cassation,  n° 4266, 30 juin 2014, inédite. 
228  Article 115 du Code du statut personnel. 
229  CA. Tunis, n° 91659, 1er novembre 2016, inédit. 
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
pas, qu’il soit auteur  principal ou complice ou faux témoin, dont le témoignage 
aurait conduit à la condamnation à mort du de cujus, et son exécution ». Faisant 
de  l’homicide  volontaire  le  seul  empêchement  successoral,  la  solution  choisie  
par  la  COLIBE  et  claire  et  précise  et  empêche  toute  velléité  d’interprétation 
fondée sur le texte religieux230. 
C. La discrimination en raison de la race :
    cas des étrangers originaires d’Afrique subsaharienne
Le racisme anti-noir est un phénomène déplorable bien connu en Tunisie. Il touche 
aussi bien les Tunisiens de couleur noire, que les étrangers qui sont généralement 
originaires d’Afrique subsaharienne. 
Les  étrangers  originaires  d’Afrique  subsaharienne  sont  souvent  victimes  de 
comportements  racistes  allant  jusqu’à  la  violence  (1).  Devant  ce  phénomène  de 
plus  en  plus  répandu,  le  législateur  a  réagi  en  promulguant  la  loi  du  23  octobre 
2018 relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale231 (2).
1.  Les  comportements  racistes  à  l’égard  des  étrangers  originaires  d’Afrique 
subsaharienne
93 
Les  étrangers  originaires  d’Afrique  subsaharienne  ont  souvent  été  victimes  de 
comportements racistes. Les médias tunisiens et étrangers rapportent souvent 
des  incidents  racistes  qui  se  produisent  en  Tunisie.  Ainsi,  le  23  août  2018,  une 
femme enceinte originaire de Côte d’Ivoire,  est agressée en pleine rue par des 
Tunisiens  d’une  vingtaine  d’années.  Elle  est  attaquée  à  coups  de  pierres.  Son 
conjoint  et  un  passant,  lui  aussi  Ivoirien,  tentent  de  la  défendre.  Très  vite,  les 
choses dégénèrent et une bagarre éclate. Les deux hommes sont sérieusement 
blessés232. 
Herman NAOUNOU, secrétaire général de l’association des Ivoiriens de Tunisie 
dénonce  le  caractère  ordinaire  et  régulier  de  ce  type  de  comportement  en 
déclarant  que  cela  est  courant  et  que  « les  jeunes  gens  ici,  sans  raison,  sans 
motif valable, quand ils  te voient passer… peuvent te lancer une pierre, et puis 
230  COLIBE (Commission des libertés individuelles et de l’égalité), Rapport précité, 1er juin 2018, p. 122. 
231  Loi organique n° 2018-50 du 23 octobre 2018, relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 
JORT. 2018, n° 86, du 26 octobre 2018, p. 3582.
232 CARRETERO (L), « Actes racistes en Tunisie : «Certains policiers ne prennent même pas les plaintes», INFOMII-
GRANTS, du 30 août 2018,
     www.infomigrants.net/fr/post/11630/actes-racistes-en-tunisie-certains-policiers-ne-prennent-meme-pas-les-
plaintes?ref=tw_i
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
quand  tu  te  retournes,  ils  se  mettent  à  se  moquer  de  toi,  à  rire…c’est  régulier 
ici »233. Laurent, un habitant témoigne « quand tu sors, tu ne te sens pas trop en 
sécurité.  Tout  au  plus,  19h,  20h,  tu  ne  te  permets  plus  de  sortir.  Chacun  reste 
chez soi »234.
Le  fait,  pour  les  étrangers  venant  d’Afrique  subsaharienne,  d’être  en  situation 
irrégulière au regard de la loi tunisienne relative au séjour aggrave leur situation. 
L’irrégularité  du  séjour  constitue,  en  effet,  un  frein  au  dépôt  des  plaintes  et  à 
l’exercice des poursuites. Comme le rappelle Henri-Michel ETIENNE, président 
de l’association des Ivoiriens actifs de Tunisie, les étrangers subsahariens  qui 
n’ont pas de papiers ont « peur d’aller à la police, même quand ils sont violés, 
quand ils sont tabassés »235.
Selon  Ghayda-Jeanne  THABET,  chargée  de  communication  de  l’association 
tunisienne  de  soutien  des  minorités  (ATSM),  « ce  n’est  pas  la  première  fois 
qu’une  telle  agression  raciste  a  lieu  en  Tunisie,  cela  arrive  souvent ».  Elle 
dénonce les agressions physiques courantes, et les insultes à caractères racistes 
très  fréquentes.  Très  souvent,  des  termes  racistes,  tels  que  «  «Singe»,  «sale 
94
nègre» ou «esclave» sont adressés aux  personnes à la peau noire quand ils se 
promènent dans la rue »236. Samuel, un migrant témoigne  « dans le train, j’ai dû 
rester debout car les Tunisiens ne voulaient pas qu’un Noir s’assoie à côté d’eux. 
Pourtant il y avait des places assises vides ».
2. La réponse tardive du droit : la loi du 23 octobre 2018 relative à l’élimination 
de toutes les formes de discrimination raciale
Devant la recrudescence des agressions racistes contre les étrangers originaires 
d’Afrique  subsaharienne,  les  autorités  tunisiennes  décident  enfin  de  réagir  en 
promulguant la loi du 23 octobre 2018 relative à l’élimination de toutes les formes 
de discrimination raciale.
233  PICARD (M), « Tunisie, le ras-le-bol du racisme anti-Noir », RFI, le 28 septembre 2018, http://www.rfi.fr/
emission/20180926-tunisie-ras-le-bol-racisme-anti-noir
234 Ibidem.
235 Ibidem.
236  CARRETERO (L), « Actes racistes en Tunisie : «Certains policiers ne prennent même pas les plaintes», INFOMI-
GRANTS, du 30 août 2018, précité.
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
La promulgation de cette loi a été saluée par les militants des droits de l’homme, 
et  les  nombreuses  associations  impliquées  dans  la  lutte  contre  le  racisme  en 
Tunisie237.
L’objectif clairement affiché dans l’article 1er de la loi est ambitieux, elle vise en 
effet à « éliminer toutes les formes et manifestations de discrimination raciale 
afin  de  protéger  la  dignité  de  l’être  humain  et  de  consacrer  l’égalité  entre  les 
individus  en  ce  qui  concerne  la  jouissance  des  droits  et  l’accomplissement 
des  devoirs,  et  ce,  conformément  aux  dispositions  de  la  Constitution  et  des 
conventions internationales ratifiées par la République tunisienne ».
L’article 2 de cette loi définit de façon élargie la discrimination raciale, comme 
« toute distinction, exclusion, restriction ou préférence opérée sur le fondement 
de la race, la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique ou toute autre 
forme de discrimination raciale au sens des conventions internationales ratifiées, 
qui est à même d’empêcher, d’entraver ou de priver la jouissance ou l’exercice, 
sur la base de l’égalité, des droits et libertés, ou entraînant des devoirs et des 
charges supplémentaires ».
La loi se veut cependant prudente en excluant de la définition de la discrimination 
raciale    « toute  distinction,  exclusion,  restriction  ou  préférence  établie  entre 
les  tunisiens  et  les  étrangers  à  condition  de  ne  cibler  aucune  nationalité  au 
détriment des autres, tout en prenant en compte les engagements internationaux 
de la République Tunisienne ». La réserve ainsi énoncé vise à ne pas mettre la 
loi  relative  à  la  lutte  contre  la  discrimination  raciale  en  porte-à-faux  avec  les 
règles  limitant  l’exercice  de  certains  droits,  essentiellement  économiques,  par 
les étrangers.
La  loi  du  23  octobre  2018  prescrit    à  l’État  l’obligation  de  mettre  en  place  
mécanismes  de  prévention  contre  les  agissements  racistes.  Il  ressort  ainsi  de 
l’article 3 de la loi que « L’État fixe les politiques, les stratégies et les plans d’actions 
à même de prévenir toutes formes et pratiques de discrimination raciale et de 
lutter contre tous les stéréotypes racistes courants dans les différents milieux. Il 
s’engage également à diffuser la culture des droits de l’homme, de l’égalité, de 
237  BOBIN (F), « Loi pénalisant le racisme en Tunisie : une première victoire pour la minorité noire », Le Monde du 11  
octobre 2018, 
     https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/10/11/loi-penalisant-le-racisme-en-tunisie-une-premiere-victoire-pour-
la-minorite-noire_5368149_3212.html
95 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
la tolérance et l’acceptation de l’autre parmi les différentes composantes de la 
société ».
La loi prévoit également des mécanismes de lutte contre les actes et comportements 
racistes. L’article 8 de la loi punit d’un mois à un an d’emprisonnement et d’une 
amende de cinq cent à mille dinars ou de l’une de ces deux peines, « quiconque 
aura  commis  un  acte,  ou  aura  émis  un  propos  contenant  une  discrimination 
raciale, au sens de l’article 2 de loi, dans l’intention du mépris ou de l’atteinte à la 
dignité ». La peine est portée au double dans certains cas et notamment lorsque  
la victime est un enfant, est en état de vulnérabilité en raison de son âge avancé, 
du handicap, de l’état de grossesse apparent, du statut d’immigrant ou de réfugié, 
ou si l’acte est commis par un groupe de personnes, quels qu’ils soient auteurs 
principaux ou coauteurs ». Le racisme à l’égard des étrangers constitue donc une 
circonstance aggravante au regard de la loi.
96
Troisième partie : L’intégration difficile de l’étranger dans la société
97 
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
98
Conclusion
À l’issue de cette étude, on ne peut que faire un constat et émettre un souhait.
Tout d’abord, on fera un constat. Le droit tunisien des étrangers est un droit fermé, 
intolérant, et inhospitalier. Il est en totale inadéquation avec les droits fondamentaux 
qui  doivent  être  reconnus  à  toute  personne  humaine,  et  que  consacrent  la 
Constitution de 2014 et les conventions internationales ratifiées par la Tunisie. La 
transition  démocratique  et  le  changement  radical  du  climat  politique  en  Tunisie 
depuis 2011, n’ont pas eu d’effet sur les droits des étrangers. Des textes, parfois 
très anciens, véhiculant l’idée d’une méfiance à l’égard de l’étranger continuent à 
s’appliquer. Les étrangers se heurtent à de nombreuses discriminations fondées 
sur la nationalité, la religion ou la race.
Les  discriminations  fondées  sur  la  nationalité  sont  nombreuses,  et  les  atteintes 
aux droits fondamentaux des étrangers concernent toutes les catégories sociales. 
Le  réfugié  syrien  obtiendra  difficilement  le  droit  d’asile,  le  migrant  économique 
ivoirien ne pourra pas facilement accéder à un travail lui permettant de vivre dans 
la dignité, et le poussera vers la précarité, et l’étranger aisé, venant d’Europe, de 
Libye ou du Golf se heurtera à de multiples obstacles pour  accéder à la propriété 
immobilière. 
99 
Des  discriminations  religieuses  frappent  également  les  étrangers,  et  les 
empêchent de jouir pleinement de leurs droits familiaux. Le mariage de l’étranger 
non-musulman  avec  la  Tunisienne  reste  incertain,  dépendant  du  bon  vouloir  de 
l’administration.  L’empêchement  matrimonial,  fondé  sur  la  disparité  de  culte, 
risque  de  réapparaitre  tant  que  les  textes  n’ont  pas  changé.  L’héritier  non-
musulman risque toujours d’être évincé de la succession d’un proche parent. La 
mère étrangère risque d’être privée de son droit de garde, et de perdre à jamais les 
liens avec son enfant.
L’étranger  venant  d’Afrique  subsaharienne  subira,  en  plus,  une  discrimination 
raciale allant jusqu’à la violence physique. 
Ensuite,   on  émettra  un  souhait.  Le  droit  tunisien  des  étrangers  doit  être 
profondément modifié. L’accueil que chaque pays offre aux étrangers permet de 
vérifier sa modernité. La Tunisie a connu, depuis 2011, un renforcement des droits 
fondamentaux. L’amélioration de la situation des étrangers ne peut que contribuer 
à  l’essor  économique,  social  et  culturel  de  la  Tunisie.  Il  est  aujourd’hui  tout 
simplement inadmissible que les étrangers soient les métèques de la République…
Les libertés individuelles des étrangères et des étrangers en Tunisie : Les métèques de la République
100
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