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Le droit international privé
I. Définition du droit international privé
L e droit international privé (DIP) est défini comme l’ensemble des règles
applicables aux personnes privées dans leurs relations internationales. Une
relation entre deux individus est considérée comme internationale dès lors
qu’intervient un élément étranger, que l’on appelle élément d’extranéité.
Par exemple, si deux personnes de nationalités différentes désirent se marier, il
s’agira d’une relation dite internationale car susceptible d’être régie par plusieurs
lois nationales se trouvant en concurrence (loi nationale respective des futurs
époux, loi du lieu de célébration du mariage).
Les règles du droit international privé peuvent avoir une origine nationale (loi, ju-
risprudence, doctrine) ou internationale (traités bilatéraux ou multilatéraux). Si la
ratification des conventions internationales a pour objectif d’uniformiser les règles
entre les pays, leur multiplication et les nombreuses réserves qu’elles contiennent
rendent souvent leur application difficile.
Le DIP n’est pas une matière homogène, il existe plusieurs DIP notamment un
DIP “à la française” que les juges étrangers ne sont pas tenus de respecter. En effet,
chaque pays élabore ses propres règles pour déterminer quelle loi appliquer lorsque
une situation présente un caractère international. Chaque État édicte donc son
propre droit international privé. Ainsi, lorsque le juge français est confronté à un
litige ou à une situation présentant un élément d’extranéité, il se réfère au droit
international privé français pour identifier la loi applicable.
Le droit international privé est une matière complexe et mouvante que nous allons
tenter de présenter.
II. Contenu du droit international privé
A vant d’appliquer des règles de droit international privé, le juge doit se
poser deux questions : quel est le tribunal compétent et quelle est la loi
applicable ? Ces deux questions distinctes relatives à la compétence de ju-
ridiction et à la loi applicable doivent être examinées pour chaque litige car la
solution sera différente selon qu’il s’agisse de mariage, de divorce, etc.
A. Quel est le tribunal compétent ?
Chaque État définit en droit interne les règles de compétence de ses juridictions ;
cependant en cas de conflit de juridictions, le juge doit se référer aux règles du DIP
pour définir la juridiction compétente.
Exemple : deux époux tunisiens résidant en France désirent divorcer. Quel juge
peut être saisi de leur demande de divorce ? Le juge tunisien ou le juge français ?
Nous sommes en présence d’un
conflit de juridictions. Dans cette situation deux
juges peuvent être saisis : le juge français qui siège au tribunal du domicile des
époux et le juge tunisien en raison de la nationalité des époux.

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B. Quelle loi doit-on appliquer ?
Sur la base du même exemple : deux époux tunisiens qui vivent en France désirent
divorcer. Le divorce doit-il être prononcé en application de la loi française ou en
application de la loi tunisienne ?
Nous sommes en présence d’un
conflit de lois : les règles de résolution du conflit
de lois découlant du DIP détermineront la loi applicable à ce litige. Ainsi un juge
français peut être amené à appliquer une loi étrangère, mais il pourra aussi écarter
cette loi si son application porte atteinte à l’ordre public.
III. Statut personnel et droit international privé
A. Définition du statut personnel
Le statut personnel recouvre à la fois le statut individuel (état civil, nom, nationa-
lité, capacité, domicile) et le statut familial de la personne (mariage, dissolution
du mariage, filiation).
En droit français, la notion de statut personnel renvoie exclusivement à des droits
extrapatrimoniaux. Les relations patrimoniales entre membres de la famille n’en-
trent pas dans la définition du statut personnel français. Ainsi les dispositions
relatives aux régimes matrimoniaux, aux successions ou aux libéralités sont exclues
de la notion de statut personnel.
Ce qui détermine l’élément de rattachement du statut personnel est soit la natio-
nalité soit le domicile. Chaque État choisit son propre élément de rattachement en
fonction de différents arguments.
Les arguments en faveur de la loi de la nationalité sont les suivants :
– son adaptation à ses nationaux (la loi nationale est le résultat d’une his-
toire et de mœurs qui sont différentes d’un pays à l’autre) ;
– sa permanence (alors que la loi du domicile change lors des déménage-
ments) ;
– sa certitude, il est plus facile de déterminer la nationalité d’un individu
que son domicile.
Les arguments en faveur de la loi du domicile sont les suivants :
– sa meilleure adaptabilité ou accessibilité à la personne étrangère qui a
plus facilement connaissance de la loi du pays où elle réside ;
– sa facilité pour les magistrats et les avocats qui ne peuvent pas connaître
l’ensemble des législations étrangères.
En France, le statut personnel est rattaché à la nationalité des individus. Toutefois
en pratique, c’est souvent une combinaison des deux éléments de rattachement qui
donnera une solution.
B. Solution retenue par le droit international privé français
En droit français, le statut personnel est soumis à la loi nationale de l’individu
ou loi personnelle. Ce principe est énoncé à l’article 3 alinéa 3 du Code civil, qui
dispose que « les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les
Français, même résidant en pays étranger. » Les ressortissants français sont ainsi
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soumis aux dispositions du Code civil lorsqu’il s’agit de leur statut personnel. Par
réciprocité, toute personne étrangère vivant en France reste soumise, quant à son
statut personnel, à la loi du pays dont elle possède la nationalité
1.
Exemple : les ressortissantes algériennes vivant en France sont soumises aux
dispositions du Code de la famille algérien.

L’article 3 du Code civil vise l’état et la capacité des personnes. À partir de ce
principe, la jurisprudence a créé des règles pour résoudre les conflits de lois en ma-
tière de statut familial. Ces conflits peuvent naître, par exemple, en cas de divorce
entre époux de nationalités différentes, de mariage mixte et de filiation lorsque les
parents n’ont pas une nationalité commune.
Le rattachement du statut personnel à la loi nationale implique de déterminer la
nationalité de la personne ce qui peut être délicat dans certaines situations notam-
ment en cas de binationalité (voir le chapitre sur la binationalité, p.13).
Pour les personnes apatrides, dont le statut est régi par la Convention de New York
du 24 septembre 1954 (ratifiée par la France le 23 décembre 1958
2), c’est la loi du
domicile qui sera appliquée
3. La même solution est apportée s’agissant des réfugiés
(Convention de Genève du 28 octobre 1933 et du 28 juillet 1951).
Lorsqu’une personne a plusieurs nationalités dont la nationalité française, le juge
français applique la loi française (principe de la loi du for)
4.
Si les deux nationalités en cause sont étrangères : le choix pour l’une ou l’autre des
nationalités par le juge se fera au cas par cas
5.
Si au sein d’une même famille on se trouve en présence de plusieurs nationalités,
la résolution du conflit de lois pourrait aboutir soit à l’application cumulative soit
à l’application distributive des lois nationales. La jurisprudence actuelle rejette les
deux solutions. La solution la plus adaptée paraît être celle qui impose de recher-
cher une loi unique qui sera celle du lien familial, comme par exemple la loi du
domicile.
IV. L’ordre public, moyen d’éviction d’une loi étrangère
L e juge français est parfois amené à appliquer la loi étrangère et le juge étran-
ger peut appliquer la loi française. Pourtant, le juge français peut toujours
écarter une loi étrangère au regard de l’atteinte à l’ordre public ou refuser
de reconnaître une situation qui ne serait pas conforme aux droits de l’homme et
aux libertés fondamentales.
La notion d’ordre public est difficile à définir car son contenu est très variable à la
fois dans le temps et dans l’espace. On peut toutefois dire qu’elle englobe à la fois
les notions de bonnes mœurs, de sécurité publique, de salubrité et de tranquillité
publiques. Il existe également un ordre public international.
Exemple : un juge français refuserait, s’il était saisi d’une demande de répu-
diation, d’appliquer la loi étrangère qui l’autorise car la répudiation est considérée
comme contraire à l’ordre public en vertu du principe d’égalité entre époux.

1. CA Paris,
13 juin 1814, Grands
arrêts de la jurispru-
dence française de droit
international privé, B.
Ancel et Y. Liquette, D.
1998, n° 1 : la première
décision appliquant la
loi nationale au statut
personnel d’un étranger.
2. Décret du
4 oct. 1960, JO,
6 oct. 1960.
3. Cass. civ.,
12 avr. 1932, S. 1932,
I, 361, note Audimet ;
DP 1932, I, 89, note
Basdevant ; RCDIP
1932, 549, concl.
Matter.
4. Arrêt Kasapyan
17 juin 1968, RCDIP
1969, p. 59, note
Batiffol : solution réaf-
firmée par une jurispru-
dence constante / Cass.
civ. 1ère, 12 oct. 1992
RCDIP 1993, p. 41,
note Lagard / Cass. civ.,
17 mai 1993, D. 1993,
som. 349, obs. Aubit ;
RCDIP 1993, p. 684,
note Courbe ; JCP
1994, II, 22172, note
J. Deprez ; JDI 1994,
p. 115, note Lequette,
9 nov. 1993, JCPN
1994, p. 107 / Cass.
civ. 1ère, 3 juin 1998,
JDI 1999, p. 781, note
Lequette.
5. Arrêt Martinelli
15 mai 1974, RCDIP
1975, p. 260, note
Nizard.
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