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Ohadata J-07-133
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES –
INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER –
OPPOSITION – RECEVABILITE (OUI) – LETTRE DE CHANGE – PROTET FAUTE
DE PAIEMENT –
NULLITE DE LA LETTRE DE CHANGE – TIREUR –
IDENTIFICATION -
ETABLISSEMENT - PERSONNALITE JURIDIQUE (NON) – REPRESENTANT –
PERSONNE PHYSIQUE COMMERÇANTE – DISTINCTION (NON) –
DECHEANCE DES RECOURS CAMBIAIRE – LIBERTE DE PROCEDURE –
RECOURS DE DROIT COMMUN – PROCEDURE D'INJONCTION DE PAYER –
ARTICLE 1 AUPSRVE – CONDITIONS EXIGEES (OUI) –
FIN DE NON RECEVOIR – CHOSE JUGEE – DEBITRICE – PARTIE AU
JUGEMENT (NON) – ANNULATION DE LA TRAITE (NON) – OPPOSITION MAL
FONDEE.
Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude…
La déchéance d'un créancier de son recours cambiaire lui laisse encore la liberté de
procéder suivant le droit commun ou en tout cas suivant la procédure dont il peut être
éligible, notamment par la procédure d'injonction de payer. Il convient seulement de
vérifier que la créance remplit les conditions posées à l'article 1er AUPSRVE qui
organise cette procédure. Le moyen de l'opposant tiré de la déchéance du recours
cambiaire ne saurait donc prospérer. Pas plus que celui de la fin de non recevoir tirée
de la chose jugée. En effet, l'autorité de la chose jugée n'a en principe qu'un effet
relatif et ne saurait s'étendre aux tiers qui n'ont intervenu ni été appelés au jugement.
ARTICLE 1 AUPSRVE
ARTICLE 2 AUPSRVE
ARTICLES 7 ET SUIVANTS AUPSRVE
ARTICLES 147 ET 152 LOI N° 037/97/II/AN DU 17/12/1997 PORTANT LOI
UNIFORME RELATIVE AUX INSTRUMENTS DE PAIEMENT DANS L'UMOA
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO),
Jugement n° 109/06 du 1er mars 2006, Boulangerie 2000 SARL c/ BANK OF
AFRICA)
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces de dossier ;
Ouï les parties à l'audience du 28/01/2004 à laquelle l'affaire était renvoyée en
chambre de conseil pour tentative de conciliation puis reprogrammée devant le
tribunal pour défaut de diligence des parties où elle était successivement renvoyée
jusqu'au 18/01/2006, date à laquelle le tribunal constatait l'échec de la tentative de
conciliation puis mettait le dossier en délibéré pour jugement être rendu le 15 février
2006 ; Cette date advenue, le tribunal prorogeait le délibéré au 1er mars 2006 date à
laquelle il statuait en ces termes ;
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Attendu que par requête en date du 10/12/2003, la BANK OF AFRICA sollicitait
l'autorisation au président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou de faire
signifier à la Boulangerie 2000 SARL une injonction de payer la somme de trente
millions cinq milles (30.005.000) francs CFA ; Qu'elle exposait à l'appui de sa requête
être créancière de la Boulangerie 2000 SARL de ladite somme qui résulte de
l'émission d'une lettre de change tirée sur la Boulangerie susdite par OUEDRAOGO
Mahamadi ; Que cette lettre de change était escomptée auprès d'elle par le
bénéficiaire ; Qu'après présentation à l'échéance, elle est revenue impayée ainsi que
l'en atteste un protêt faute de paiement qu'elle faisait dresser conformément à l'article
147 de la loi n° 037/97/II/AN du 17/12/1997 portant loi uniforme relative aux
instruments de paiement dans l'UMOA (1) ; Qu'elle entend recouvrer la somme en
recourant à la procédure d'injonction de payer ;
Attendu que le 17 décembre 2003, une ordonnance aux fins de payer n°
785/2003/CAB/PRES était rendu au pied de la requête de la BANK OF AFRICA ;
Que par acte d'huissier de justice en date du 18 décembre 2003, cette dernière faisait
signifier l'ordonnance susdite à la Boulangerie 2000 SARL ;
Attendu que contre cette ordonnance la Boulangerie 2000 SARL a par acte d'huissier
en date du 31/12/2003 formé opposition ; Que par le même acte, elle a donné
assignation à la BANK OF AFRICA et au greffier en chef du Tribunal de grande
instance de Ouagadougou d'avoir à comparaître par-devant ledit Tribunal pour voir
statuer sur la procédure de recouvrement engagée contre elle ; Qu'elle invoquait pour
fonder son opposition la nullité de la lettre de change dont s'est prévalue la BOA pour
obtenir l'ordonnance d'injonction de payer qu'elle critique ; Qu'elle expliquait que
ladite lettre de change a été signée des Etablissement EMOF qui n'ont pas la
personnalité juridique encore moins la qualité de commerçant ;
Que pis la BOA n'ayant dressé aucun protêt faute de paiement perd le bénéfice de
tout recours cambiaire ; Qu'enfin la BOA la poursuit séparément contrairement à
l'article 152 de la loi n° 037/97/II/AN du 17/12/1997 portant loi uniforme relative aux
instruments de paiement dans l'UMOA qui postule la solidarité des débiteurs tireurs,
accepteurs ou endosseurs d'une
lettre de change ; Que par conclusions
additionnelles elle arguait en plus des motifs sus évoqués une fin de non recevoir
tirée de la chose jugée ; Qu'elle explique que la BOA avait précédemment utilisé la
même lettre de change contre OUEDRAOGO Mahamadi pour obtenir le paiement de
la même somme ; Que mais le Tribunal de grande instance de Ouagadougou avait
par jugement n° 308 du 17 novembre 2004 annulé l'ordonnance d'injonction de payer
rendue dans cette procédure pour violation des articles 1 et 2 de l'Acte uniforme sur
le recouvrement simplifié des créances et des voies d'exécution ; Que ce jugement a
autorité et qu'il y'a lieu en tirer les conséquences pour annuler la traite en cause et
subséquemment l'ordonnance d'injonction de payer la mettant en cause ;
MOTIFS DE LA DECISION
En la forme
Attendu que l'ordonnance d'injonction de payer rendue en faveur de la BOA est
intervenue le 17/12/2003 ; Qu'elle a été signifiée à la Boulangerie 2000 SARL le
18/12/2003 ; Que contre cette ordonnance celle-ci a formé opposition par acte
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d'huissier en date du 31/12/2003 ;
Attendu que les conditions de forme et de délai des articles 7 et suivants de l'acte
OHADA sur le recouvrement simplifié des créances et voies d'exécution ont été
respectées ; Qu'il convient donc recevoir l'opposition de la Boulangerie 2000 SARL
en la forme ;
Au fond
Attendu que l'opposant invoque de première part la nullité de la lettre de change
fondement de la créance dont s'est prévalue la BOA pour obtenir l'ordonnance
d'injonction de payer critiquée ainsi que la déchéance de la BOA de son recours
cambiaire et de deuxième part une fin de non recevoir tirée de la chose jugée ;
1. De la nullité de la lettre de change
Attendu que pour soutenir la nullité de la lettre de change, la Boulangerie 2000 SARL
excipe de ce que ladite lettre de change a été tirée par les établissements EMOF qui
n'ont pas la personnalité juridique et ne peuvent par conséquent valablement signer
une traite ;
Mais attendu que s'il est vrai que les établissements EMOF n'ont pas la personnalité
juridique, il est autant vrai que la personne commerçante identifiée sous ce nom
commercial est OUEDRAOGO Mahamadi ; Que le sigle EMOF est donc un simple
élément d'individualisation ou de caractérisation du commerçant que constitue la
personne physique exerçant sous cette enseigne ; Qu'il n'y a donc aucune distinction
entre OUEDRAOGO Mahamadi et EMOF, le premier répondant en ses nom et
patrimoine propres du second ; Qu'en tirant alors la traite sous ce nom, en raison de
la parfaite identité entre le représentant et le représenté, OUEDRAOGO Mahamadi a
agi personnellement en sa qualité de commerçant ; Que c'est d'ailleurs ce qui permet
de comprendre que la Boulangerie 2000 SARL ait accepté la traite par lui tirée ; Que
dans le cas contraire elle n'aurait pas pu se sentir concernée par la traite en se
reconnaissant par ce biais débitrice d'une structure qu'elle ne connaît pas ou qui n'a
aucune existence ; Que soutenir le contraire c'est prétendre à se prévaloir de sa
propre turpitude, ce qui ne saurait être admis ;
2. De la déchéance de son recours cambiaire par la BOA
Attendu qu'il convient de préciser que le recours cambiaire est une procédure
simplifiée comportant des règles propres qui protègent le porteur d'un effet de
commerce, permettant le recouvrement des créances ; Qu'il est à relever que c'est
une faculté pour le créancier qui dispose de plusieurs procédure tendant à la même
fin d'user de celle de son choix ; Que donc en conservant le choix de ce recours, le
créancier peut librement décider d'utiliser une autre à sa place ; Qu'il y est contraint si
ce recours ne lui est plus ouvert ; Qu'en l'espèce sans discuter sur la déchéance ou
non de son recours cambiaire par la BOA, il est à préciser que contrairement aux
allégations de la Boulangerie 2000 SARL, la déchéance d'un créancier de son
recours cambiaire lui laisse encore la liberté de procéder suivant le droit commun ou
en tout cas suivant la procédure dont il peut être éligible ; Qu'en l'espèce, par la
procédure d'injonction de payer, il convient seulement de vérifier que la créance
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remplit les conditions posées à l'article 1er de l'Acte uniforme qui organise cette
procédure, c'est-à-dire que la créance existe dans son principe contre celui qui est
poursuivie ; Qu'elle est déterminée ou déterminable ; Qu'enfin elle est exigible ; Que
ce moyen de la Boulangerie 2000 SARL tiré de la déchéance des recours cambiaire
mérite alors rejet ;
3. De la fin de non recevoir tirée de la chose jugée
Attendu que la Boulangerie 2000 SARL excipe de ce que la BOA ayant
précédemment utilisé la même lettre de change contre OUEDRAOGO Mahamadi
pour obtenir le paiement de la même somme ; Que le Tribunal de grande instance de
Ouagadougou avait par jugement n° 308 du 17 novembre 2004 annulé l'ordonnance
d'injonction de payer rendue dans cette procédure pour violation des articles 1 et 2 de
l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié des créances et des voies d'exécution ;
Que ce jugement a autorité et qu'il y'a lieu en tirer les conséquences pour annuler la
traite en cause et subséquemment l'ordonnance d'injonction de payer la mettant en
cause ;
Mais attendu que l'autorité de la chose jugée n'a en principe qu'un effet relatif et ne
saurait s'étendre aux tiers qui n'ont intervenu ni été appelés au jugement ; Que la
Boulangerie 2000 SARL ne peut être admis à invoquer le dispositif d'un jugement
dont les effets ne sont pas objectifs et dont elle n'a été partie d'aucune manière ; Que
du reste c'est en considération des effets de la lettre de change qui obligeait la BOA à
poursuivre d'abord la Boulangerie 2000 SARL accepteur de la lettre de change ou
OUEDRAOGO Mahamadi non plus au titre de son recours cambiaire mais de son
recours de droit commun que l'ordonnance d'injonction de payer dont il s'agit avait été
annulé ; Que pas plus que les précédents motifs ce dernier ne saurait prospérer ;
Attendu qu'en définitive aucun des moyens invoqués par l'opposant ne peut
prospérer ; Qu'il est pourtant à remarquer que ce dernier ne conteste pas réellement
la créance dont se prévaut la BOA ; Qu'il résulte des pièces du dossier que celle-ci
remplit toutes les conditions exigées par l'Acte uniforme OHADA sur le recouvrement
simplifié des créances et voies d'exécution pour faire l'objet de la procédure
d'injonction de payer, Que c'est donc en toute régularité que l'ordonnance critiquée a
été rendue, Qu'il convient alors condamner la Boulangerie 2000 SARL à payer le
montant fixé ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort ;
Reçoit la boulangerie 2000 SARL en son opposition ;
La déclare mal fondée ;
En conséquence condamne la Boulangerie 2000 SARL à payer à BOA la somme de
trente millions cinq milles (30.005.000) FCFA au principal, outre les intérêts de droit à
compter du prononcé de la présente décision ;
Condamne la Boulangerie 2000 SARL aux dépens.
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Observation.
l'UMOA a été en partie abrogée par
(1) La loi n° 037/97/II/AN du 17/12/1997 portant loi uniforme relative aux instruments
de paiement dans
le Règlement
15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres de
l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), fait à Cotonou le
19-09-2002. Aux termes de son article 244, ledit règlement "abroge et remplace
toutes dispositions de droit interne contraires ou traitant du même objet, notamment
celles de la loi uniforme relative aux instruments de paiement, à l'exception de ses
articles 83 à 90, 106 à 108 qui comportent des dispositions pénales…"
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