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LEÇON 1
LA PLACE
DU DROIT DES BIENS
DANS LE DROIT
I.
II.
La définition du bien en droit civil
L’unité de la notion de bien en droit interne
Existe-t-il une différence entre une chose et
un bien ? Les termes sont-ils synonymes ?
Parmi les définitions proposées par le diction-
naire, la chose est analysée comme une « réalité
concrète ou abstraite perçue ou concevable
comme un objet unique » ou comme une « réalité
matérielle non vivante » (
Le nouveau Petit Robert
de la langue française
, 2007). Il faut nécessaire-
ment écarter le sens selon lequel le bien est « ce
qui est avantageux, agréable, favorable, profi-
table, ce qui est utile à une fin donnée » car il
« évoque ce qui valorise moralement et socia-
lement la personne humaine » (A.-M. Patault,
« Biens », Dict. culture juridique, Lamy-PUF, coll.
« Quadrige », 2003).
Plus pertinente de l’approche juridique est
la définition du dictionnaire présentant le bien
comme une « chose matérielle susceptible d’ap-
propriation, et tout droit faisant partie du patri-
moine ». Il faut néanmoins approfondir la défini-
tion. Le droit civil a reçu cette mission du fait des
règles relatives aux biens contenues dans le Code
civil. Mais il faut considérer que la définition
proposée par ce droit est utilisée dans toutes les
branches du droit et dépasse le seul Code civil.
I. La définition du bien en droit
A. La définition des biens en droit civil
S’il ne revient pas au législateur de définir
toutes les notions du droit, il s’avère qu’il lui
arrive parfois de répondre à cet effort. L’espoir
est cependant très vite déçu pour les biens. En
effet, si le Code civil comporte un livre deuxième
intitulé « Des biens et des différentes modifica-
tions de la propriété », aucun article ne donne
une définition de la notion de bien. L’article 516
précise juste que « Tous les biens sont meubles ou
immeubles ». Dans ce texte, il s’agit de présenter
une classification légale des biens en deux caté-
gories distinctes et non de la définition de la
catégorie juridique elle-même. C’est à la lumière
de cette disposition qu’il convient de lire l’ar-
ticle 1384 du Code civil qui pose la règle d’une
responsabilité « des choses que l’on a sous sa
garde ». En effet, si l’alinéa 1
er de ce texte utilise
le terme de chose, l’alinéa suivant est plus précis.
Il mentionne la personne détenant tout ou partie
d’un immeuble ou des biens mobiliers. Par consé-
quent, la référence aux deux catégories de biens
visées à l’article 516 permet certainement de
considérer la « chose » de l’article 1384 alinéa 1
er
comme synonyme du « bien ». Cette réflexion
Leçon 1. La place du droit des biens dans le droit
9

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est adoptée par la jurisprudence qui établit que
l’article 1384 alinéa 1
er ne distingue pas entre
les choses mobilières et les choses immobilières
(Cass. Req., 6 mars 1928,
DP, 1928, 1, 97, note
L. Josserand).
À défaut de trouver dans un texte de droit
écrit une définition claire, simple et précise du
bien, il est indispensable de se rapprocher de la
doctrine pour en cerner le sens. Les approches
apparaissent alors fort diverses et fluctuantes
selon les époques et les perspectives d’approche.
Le plus souvent c’est la considération de l’uti-
lité d’une chose pour l’homme ainsi que la possi-
bilité de la transmettre à titre gratuit ou onéreux
qui est la plus à même de caractériser la notion de
bien. Ainsi, Demolombe relève que le Code civil
s’intéresse aux « choses qu’autant qu’elles peuvent
revêtir la qualité de biens, c’est-à-dire qu’autant
qu’elles peuvent entrer dans le patrimoine privé
du citoyen » (
De la distinction des biens, T. 1,
A. Durand et L. Hachette & Cie, 1854, n° 4).
Il définit alors les biens comme « les choses qui
sont susceptibles de procurer à l’homme une
utilité exclusive et de devenir l’objet d’un droit de
propriété ». Les biens sont ainsi « les choses qui
peuvent être utiles à l’homme pour la satisfaction
de ses besoins ou de ses jouissances » (n° 8). Pour
Aubry et Rau le terme de bien reste une abstrac-
tion. Néanmoins, ils acceptent la définition
précédente pour considérer que « L’expression
“bien” désigne l’utilité qu’une personne peut
retirer des objets sur lesquels elle a des droits à
exercer, et par conséquent, une simple qualité
de ces objets, ou, si l’on veut, le résultat des
droits dont ils sont la matière » (
Cours de droit
civil français
, T. 2, par E. Bartin, Lib. Marchal
et Billard, Paris, 6
e éd., 1935, n° 162). Capitant
précise, quant à lui, que « toutes ces choses
rentrent dans la sphère du droit, dans la mesure
où leur appropriation présente quelque avantage
pour les hommes, et c’est parce qu’il les envi-
sage sous cet aspect particulier que le Droit leur
donne le nom de biens » (
Introduction à l’étude
du droit civil
, A. Pédone, 5e éd., 1927, n° 204).
Ces approches se distinguent par la forme de
leur expression mais tendent à proposer une
définition commune de la notion de bien quant
à son contenu c’est-à-dire quant à son utilité pour
une personne. Il est possible d’ajouter l’approche
selon laquelle « Extérieures aux personnes, les
choses n’ont cependant vocation à être appré-
hendées par le droit que dans les rapports
qu’elles entretiennent avec elles », ce qui semble
contester l’idée que les critères de l’acquisition
privative ou de la commercialité soient essentiels
(W. Dross,
Droit civil. Les choses, LGDJ, 2012,
n° 1 et s. ; W. Dross, « Une approche structurale
de la propriété »,
RTDCiv., 2012, p. 419 ; Civ., 3,
31 oct. 2012, n° 10-17851,
RTDCiv., 2013, p. 157,
note W. Dross, « Les quotas laitiers sont-ils des
biens ? ») et que la saisissabilité des biens soit
prise en compte (P. Berlioz,
La notion de biens,
LGDJ, 2007).
Néanmoins, l’approche la plus simple est celle
retenue par le Vocabulaire juridique qui définit
le bien comme toute chose susceptible d’une
appropriation et constituant une partie du patri-
moine du sujet de droit. Cette définition accepte
toutes les formes possibles de biens. Il s’agit tout
naturellement du bien corporel composé d’une
matière appréhensible et évaluable selon des
critères physiques. Il s’agit également des biens
intelligibles mais dépourvus de réalité matérielle.
Il en est ainsi des droits qui, comme le relève
R. Libchaber, constituent un « lien juridique
[…] entre deux personnes, au terme duquel l’un
(appelé débiteur) doit quelque chose à un autre,
nommé créancier » (« Biens », Répertoire de droit
civil
, Dalloz, 2011, n° 46). Conformément à cette
approche, l’article 529 du Code civil incorpore à
la catégorie des meubles par détermination de la
loi les obligations et certaines actions (J. Henriot,
« De l’obligation comme chose »,
Les biens et les
choses en droit
, APD, T. 24, 1979, p. 235). Ces
droits s’ajoutent aux biens incorporels qui font
l’objet d’une propriété intellectuelle c’est-à-dire
littéraire, artistique ou industrielle. Si le Code
civil juxtapose parfois les termes de biens et
de droits (c. civ., art. 2260, 2267), il s’agit d’une
différence d’espèce et non de genre.
10 Leçon 1. La place du droit des biens dans le droit
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La question s’enrichit des interrogations
relatives à la nature des « quotas » suscités par
la Politique agricole commune de l’Union euro-
péenne ou encore par la lutte contre la pollu-
tion atmosphérique. La nature juridique de ces
droits d’exploiter ou de polluer est discutée (Civ.,
31 oct. 2013, n° 10-17851,
RDTCiv., 2013, p. 157,
note W. Dross, « Les quotas laitiers sont-ils des
biens ? »). Toutefois, la directive communau-
taire établissant un système d’échange de quotas
d’émission de gaz à effet de serre au sein de la
Communauté crée sans doute un nouveau bien,
le quota d’émission de gaz, afin de protéger
une chose commune (directive 2003/87/CE du
Parlement européen et du Conseil du 13 octobre
2003 ; c. env., art. L.229-5 et s. Voir également :
Ord., n° 2012-827, 28 juin 2012, relative au
système d’échange de quotas d’émission de gaz
à effet de serre (période 2013-2020). Ce nouveau
bien peut être soumis à un régime juridique
spécifique mais à partir du moment où il peut
être échangé ou acquis, il entre dans la catégorie
des biens.
B. Les nouvelles perspectives de la notion
Dans le silence de la Convention euro-
péenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, l’article 1
er du
Protocole n° 1 à la Convention du 20 mars 1952
dispose
in limine que « Toute personne physique
ou morale a droit au respect de ses biens ». Le
texte ne définissant pas le sens qu’il faut donner
au terme « bien », la Cour européenne des
droits de l’homme est conduite à construire
la notion au fil de ses décisions (F. Sudre, « La
protection du droit de propriété par la Cour
européenne des droits de l’homme »,
D., 1988,
chron., p. 71 ; O. Matuchansky, « L’application de
l’article 1
er du premier protocole additionnel à la
Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales par la
Conseil d’État et la Cour de cassation »,
Justice et
Cassation
, Dalloz, 2005).
Agissant conformément à ses habitudes, la
Cour indique avant tout que la notion de bien
« a une portée autonome qui ne se limite pas à la
propriété de biens corporels et qui est indépen-
dante par rapport aux qualifications formelles
du droit interne ». Cette affirmation lui permet
d’échapper aux différentes interprétations natio-
nales qui permettraient d’écarter l’application de
la règle conventionnelle et d’empêcher une inter-
prétation uniforme de la Convention à l’égard des
États membres. Libre de toute contrainte, autre
que celle résultant de l’article 1
er, la Cour avance
le concept d’« intérêt substantiel » dont la maté-
rialité juridique se résout parfois en une « espé-
rance légitime » d’être titulaire d’une créance.
Le bien est donc un intérêt substantiel de nature
patrimoniale. Plus largement, « à l’instar des
biens corporels, certains autres droits et intérêts
constituant des actifs peuvent aussi être consi-
dérés comme des « droits de propriété », et donc
comme des « biens » aux fins de cette disposi-
tion […]. La notion de « biens » ne se limite pas
non plus aux « biens actuels » et peut également
recouvrir des valeurs patrimoniales, y compris
des créances, en vertu desquelles le requérant
peut prétendre avoir au moins une « espérance
légitime » et raisonnable d’obtenir la jouissance
effective d’un droit de propriété » (CEDH,
30 nov. 2004, Öneryildiz c. Turquie, n° 48939/99,
§ 124). Il faut ainsi considérer comme bien un
« intérêt économique substantiel » consistant
dans le fait d’habiter et de demeurer dans une
habitation construite illégalement, une créance
d’origine contractuelle reconnue par une déci-
sion d’arbitrage non définitive (CEDH, 9 déc.
1994, Raffineries grecques Stran et Stratis
Andreadis c. Grèce, n° 13427/87, Série A,
n° 301-B,
AJDA, 1994, p. 16, obs. J.-F. Flauss), ou
encore une créance sur l’État pour un trop versé
de TVA dans des conditions contraires à une
directive communautaire (CEDH, 16 avr. 2002,
SA Dangeville c. France, n° 36677/97,
RUDH,
2002, p. 189). Cette approche originale de la
définition des biens semble désormais admise en
droit interne (Civ., 1, 8 juil., 2008, n° 0712159).
Leçon 1. La place du droit des biens dans le droit 11

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II. L’unité de la notion de bien
en droit interne
La définition des biens par le droit civil
s’impose à l’ensemble des branches du droit. Cela
ne signifie pas que tous les biens sont considérés
de manière identique par chacune d’entre elles.
Cela signifie uniquement qu’il n’existe pas de
définition particulière du terme « bien » propre à
chacune des branches du droit.
A. La référence aux biens en droit privé
1. Le droit pénal
Le code pénal adopte un plan distinguant les
crimes et délits contre les personnes (livre 2
e),
contre les biens (livre 3
e), contre la Nation, l’État
et la paix publique (livre 4
e). Ces derniers, si
l’on s’attache à leur élément matériel, accep-
tent pareillement des infractions contre les
personnes et contre les biens. Ainsi, l’acte de
terrorisme incriminé à l’article 421-1 du code
pénal est notamment constitué par des atteintes
volontaires à la vie, à l’intégrité de la personne
comme en des actes de vol, extorsion, destruc-
tion ou dégradation. Chacun de ces faits relève,
dans sa définition, soit des infractions contre les
personnes soit des infractions contre les biens.
Toutefois, une interrogation sémantique
surgit à la lecture concomitante de l’intitulé du
livre 3
e et de l’incrimination de vol, première
infraction contre les biens, définie à l’article 311-1
du code pénal. Ainsi, le livre s’intitule Des crimes
et délits contre les biens
alors que le vol se définit
comme « la soustraction frauduleuse de la chose
d’autrui ». La loi pénale étant d’interprétation
stricte (CP, art. 111-4), faut-il en conclure que
la chose diffère du bien et donc remettre en
question la définition des biens qui est donnée
par le droit civil ? La question de l’existence
d’une spécificité pénale quant à la définition du
bien est en réalité inutile. Certes, le législateur
aurait pu faire preuve de plus de rigueur dans les
termes utilisés. Mais en définissant le vol comme
la soustraction de la chose d’autrui, il renvoie
implicitement au critère d’appropriation par une
personne de la chose. C’est parce que la chose
appartient à quelqu’un qu’il y a vol. En l’ab-
sence de propriétaire, il n’y a pas vol. Le légis-
lateur caractérise de ce fait la qualification de la
chose en bien. Il n’y aurait donc aucun obstacle
à ce que le terme bien remplace celui de chose
tant que l’appartenance à autrui est établie. La
jurisprudence l’admet ainsi à l’égard d’une chose
abandonnée (Crim. 25 oct. 2000, n° 00-82152 ;
D., 2001, jp., p. 1052, note T. Garé ; JCP, 2001, II,
10566, note P. Mistretta) ou n’ayant appartenu à
personne (Crim., 23 oct. 1980, n° 79-93655).
Il en est de même pour le code de procédure
pénale. Les articles 41-4, 41-5 et 99 à 99-2 du code
comportent des dispositions relatives à la « resti-
tution des objets placés sous main de justice ». Le
terme objet est ici nécessairement synonyme de
bien. Le même texte dispose que la restitution
concerne les objets « dont la propriété n’est pas
contestée ». Par conséquent, l’objet doit avoir fait
l’objet d’une appropriation, ce qui est là encore
la marque distinctive du bien selon la définition
donnée par le droit civil. L’article 706-103 vise
quant à lui les « biens, meubles ou immeubles,
divis ou indivis » d’un mis en examen, laissant au
droit civil le soin de les définir.
2. Le droit commercial
À l’instar de la matière pénale, le code de
commerce connaît des choses et des objets. Ainsi,
l’article L.133-1 réglemente la garantie due par le
voiturier en matière de « perte des objets à trans-
porter » et au regard des avaries provenant « du
vice propre de la chose ». L’usage des deux termes
est sans conséquences sur la manière dont cette
branche du droit accueille les biens. En effet,
l’article L.110-1 du code de commerce dispose
in limine : « La loi répute actes de commerce : 1º
Tout achat de biens meubles pour les revendre,
soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis
en œuvre ; 2º Tout achat de biens immeubles aux
fins de les revendre, à moins que l’acquéreur n’ait
agi en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et
de les vendre en bloc ou par locaux ; […] ». Il est
12 Leçon 1. La place du droit des biens dans le droit
Page 5
à nouveau fait référence à la distinction entre les
meubles et les immeubles dont l’article 516 du
Code civil indique qu’ils sont des biens. Le droit
commercial utilise donc la catégorie des biens
en prenant un appui implicite sur la définition
donnée par le droit civil.
3. Le droit du travail
Des articles du code du travail se réfèrent
aux choses et aux biens. Ainsi, l’article L.143-8
mentionne successivement la conservation de
« choses » telles que des récoltes ou des ustensiles
agricoles et les « biens meubles » de débiteurs.
La distinction terminologique est ici destinée à
éviter les répétitions ou à signaler, selon la nature
différente de la disposition, que le législateur
aborde une autre question. Elle semble toutefois
trouver un écho doctrinal particulier lorsque sont
examinés les rapports entre le salarié et les objets
mobiliers corporels l’entourant dans le cadre de
son activité professionnelle (J.-P. Laborde, « Le
droit du travail et les choses »,
Mél. Savatier,
PUF, 1992, p. 267). La définition des biens en la
matière est conforme à celle du droit civil.
Il concerne les procédés d’acquisition des
propriétés publiques (achat, contrat de construc-
tion, droit de préemption, expropriation d’utilité
publique, nationalisation), les distinctions entre
les domaines publics et privés de l’État et des
différentes collectivités territoriales ou établis-
sements publics, le domaine public terrestre,
fluvial, maritime… (Y. Gaudemet, « L’avenir
du droit des propriétés publiques »,
Mél. Terré,
Dalloz-PUF-JurisClasseur, 1999, p. 567).
l’importance
L’adoption et l’entrée en vigueur en 2006
du code général de la propriété des personnes
publiques révèlent
juridique
de la matière mais également sa complexité
(C. Maugüé, G. Bachelier, « La codification du
droit des propriétés des personnes publiques »,
Dossier, AJDA, 2006, p. 1073). Le code définit
le domaine public, les modalités de son occupa-
tion ainsi que la circulation des biens mobiliers
et immobiliers au sein des patrimoines adminis-
tratifs comme vers des patrimoines relevant du
droit privé. Mais, en cette matière comme dans
les autres, la définition civiliste du bien n’est pas
remise en cause.
B. La référence aux biens en droit public
2. Le droit fiscal
La question de l’unité de la définition des
biens en droit se pose avec acuité lorsque le droit
privé est délaissé au bénéfice du droit public.
Existe-t-il une définition administrative des biens
dérogeant à la définition civiliste ? La réponse est
négative malgré des souhaits parfois contraires
(M.-J. Del Rey-Bouchentouf, « Les biens natu-
rels. Un nouveau droit objectif : le droit des biens
spéciaux »,
D., 2004, chron., p. 1615).
1. Le droit administratif des biens
De nombreuses études doctrinales et univer-
sitaires s’intéressent au droit administratif des
biens, consacré à « l’ensemble des biens immo-
biliers et mobiliers appartenant aux personnes
publiques. Le terme appartenance fait référence
au droit de propriété donc à un droit réel exercé
par une personne sur une chose » (C. Lavialle,
Droit administratif des biens, PUF, 1998, n° 4).
Cette branche du droit public s’intéresse
aux biens car ils constituent l’assiette de multi-
ples formes d’imposition. L’impôt sur le revenu
des personnes physiques s’attache aux rémuné-
rations comme aux bénéfices de capitaux mobi-
liers ou encore aux « plus-values de cession à
titre onéreux de biens ou de droits de toute
nature » (art. 1 A CGI). Les impôts fonciers
concernent les différents immeubles, bâtis et non
bâtis, ainsi que les différents droits dont ils sont
l’objet (art. 14 et s. CGI). L’article 28 définit le
revenu net foncier comme « la différence entre le
montant du revenu brut et le total des charges de
la propriété ». La référence à la propriété, c’est-à-
dire au droit réel constatant l’appropriation d’un
bien par une personne, est utilisée sans autre
forme de définition. Le droit civil sert de réfé-
rence pour la définition des biens fonciers ainsi
que des règles de propriété auxquelles le droit
Leçon 1. La place du droit des biens dans le droit 13

Page 6
fiscal est confronté. Il faut toutefois considérer
que si le droit fiscal procède parfois à des requa-
lifications des biens pour les soumettre à telle ou
telle imposition, il conserve les définitions civi-
listes des biens.
REPÈRES


Définition du bien en droit interne
: « Toute chose susceptible d’une appropriation et constituant une partie du patri-
moine du sujet de droit » (Vocabulaire juridique).
Définition du bien selon la Cour européenne des droits de l’homme (30
nov. 2004, Öneryildiz c. Turquie) : Tous
biens corporels, droits et intérêts constituant des actifs actuels, ainsi que les valeurs et créances patrimoniales en
vertu desquelles le sujet de droit peut prétendre avoir au moins une « espérance légitime » et raisonnable d’obtenir la
jouissance effective d’un droit de propriété.
POUR GAGNER DES POINTS
Les développements du droit des biens
Classiquement abordé sur la base du Code civil, le
droit des biens connaît des développements nombreux en
droit privé et en droit public. Un « droit des biens spécial »
apparaît à l’occasion d’une législation sectorielle codifiée
ou lors d’une construction doctrinale thématique.

Les codifications spéciales des biens
Le code de l’environnement concerne « Les espaces,
ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la
qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la
diversité et les équilibres biologiques auxquels ils parti-
cipent […] » (art. L.110-1). Cette branche du droit connaît
des développements spécifiques comme le droit des
déchets ou de la pollution (S. Courteix, « La pollution de
l’espace extra-atmosphérique par les débris spatiaux »,
Mél. Kiss, éd. Frison-Roche, 1998, p. 563 ; J.-P. Colson,
« L’environnement, les déchets et le droit », Mél. Apollis,
Pédone, 1992, p. 177).
Le code forestier est consacré à la définition du
régime juridique des immeubles que sont les bois, forêts
et terrains à boiser lorsqu’ils appartiennent au domaine
de l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements
publics, aux sociétés mutualistes, aux caisses d’épar-
gnes, aux groupements forestiers ou encore au domaine
national de Chambord.
Le code minier détermine les gîtes de substances
minérales ou fossiles (mines et carrières) et les modalités
de leur recherche et exploitation.
Le code du patrimoine concerne « […] l’ensemble des
biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété
publique ou privée, qui présentent un intérêt historique,
artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou
technique » (art. 1
er).
Le code de la propriété intellectuelle met en exergue
les biens résultant de la création intellectuelle : propriété
littéraire et artistique (droit d’auteur et les droits voisins),
et propriété industrielle (dessins et modèles, inventions
et connaissances techniques, marques de fabrique, de
commerce, de service et signes distinctifs).
Le code rural concerne l’aménagement et l’équi-
pement de l’espace rural agricole et forestier. Axé sur les
« fonctions économique, environnementale et sociale »
de l’espace rural (art. L.111-1), le code permet d’imposer
aux propriétaires fonciers des obligations d’aménagement
dont la plus connue est le remembrement.
Les dispositions du code relatives à la santé publique
vétérinaire et à la protection des végétaux s’intéressent,
14 Leçon 1. La place du droit des biens dans le droit
Page 7
sous l’angle sanitaire, à la définition du régime juridique
des animaux et des plantes.
- Plus de références et documents sur Legaly Docs
Le code de l’urbanisme comporte « Les règles
générales applicables, […], notamment en ce qui concerne
la localisation, la desserte, l’implantation et l’architecture
des constructions, le mode de clôture et la tenue décente
des propriétés foncières et des constructions, […] »
(art. L.111-1).

Les approches doctrinales
thématiques
Le droit de la drogue s’intéresse au régime juridique
de la consommation et de la répression des produits
stupéfiants illicites ou licites comme le tabac, l’alcool ou
les tranquillisants (F. Caballero, Y. Bisiou, Le droit de la
drogue, Dalloz, 2
e éd., 2000).
Le droit de la promotion immobilière définit le
régime juridique appliqué aux promoteurs immobiliers
(P. Malinvaud, P. Jestaz, P. Jourdain, O. Tournafond, Droit
de la promotion immobilière, Dalloz, 8
e éd., 2009, n° 1).
Le droit de l’espace « englobe à la fois le statut de
l’espace extra-atmosphérique et des corps célestes ainsi
que le régime des activités humaines conditionnées par
ce milieu » (L. Peyrefitte, « Droit de l’espace : droit public,
droit privé ou droit autonome ? », Mél. Goy, PU Rouen,
1998, p. 131).
Le droit financier des biens s’intéresse aux biens « en
tant qu’objets du droit financier » et concerne donc les
biens dématérialisés circulant sur un marché, comme les
valeurs mobilières ou les créances négociables (M. Jeantin,
« Le droit financier des biens », Mél. Jeantin, Dalloz, 1999,
p. 3). Il est proche du droit patrimonial qui regroupe les
règles relatives à la gestion fiscale du patrimoine. Ainsi
en est-il également en matière de droit de la construction
(H. Périnet-Marquet, « Le droit français de la construction
à la fin du
XXe siècle existe-t-il ? », Mél. Catala, Litec, 2001,
p. 669 ; P. Malinvaud, Droit de la construction, Dalloz, coll.
« Action », 4
e éd., 2007).
Leçon 1. La place du droit des biens dans le droit 15

Page 8
LEÇON 2
LE BIEN, LA CHOSE
ET LA PERSONNE
HUMAINE
I.
II.
Les choses hors commerce
La personne humaine n’est pas une chose
La définition du bien comme chose suscep-
tible d’une appropriation suppose,
a contrario,
qu’il existe des choses non susceptibles d’ap-
propriation. Ceci suppose l’antériorité de la
notion de chose par rapport à celle de bien
(J.-L. Vullierme, « La chose, (le bien) et la méta-
physique »,
Les biens et les choses en droit, APD,
T. 24, 1979, p. 31). La catégorie des choses hors
commerce démontre là son intérêt.
Parallèlement, la distinction adoptée par les
codes civil et pénal entre la personne et le bien
indique que les deux notions sont étrangères
l’une à l’autre. Néanmoins, cette remarque varie
selon la société observée et le moment de l’obser-
vation. C’est ainsi que considérer le droit français
jusqu’à l’abolition de l’esclavage, c’est admettre
que la personne humaine soit parfois un bien.
Aujourd’hui encore, la lutte contre la traite des
êtres humains et la prostitution démontre que
la distinction n’est pas universellement établie.
En outre, il faut résoudre les questions relatives
à la détermination de la nature juridique des
produits et des éléments du corps humain à une
époque où les greffes d’organe supposent des
dons préalables.
I. Les choses hors commerce
Les choses hors commerce sont les « choses
qui ne peuvent pas faire l’objet d’un contrat
entre les particuliers
» (Vocabulaire juridique).
La définition manque de précision sur la nature
de ces choses. C’est d’autant plus dommageable
que l’exclusion n’obéit pas à un critère objectif
immuable. Il est donc utile de dresser un inven-
taire de ces choses qui restera malgré tout provi-
soire car il est établi sur le fondement de motifs
d’exclusion variables.
A. Les motifs de l’exclusion
Une chose hors commerce n’est pas appro-
priable. L’interdit est nécessairement précisé
par une disposition juridique car il s’agit d’une
restriction imposée à la liberté de chaque
sujet de droit. Ainsi l’article 1128 du Code
civil dispose : « Il n’y a que les choses qui sont
dans le commerce qui puissent être l’objet des
conventions » (F. Paul,
Les choses qui sont dans
le commerce au sens de l’article 1128 du Code
civil
, LGDJ, coll. « Bib. Droit Privé », T. 377,
2002). En écho, l’article 1598 permet la vente
de tout ce qui est dans le commerce à condi-
tion que « des lois particulières n’en [aient] pas
16 Leçon 2. Le bien, la chose et la personne humaine

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