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DEFENDING FREEDOM
OF EXPRESSION AND INFORMATION
Tunisie : Document de
référence sur la réglementation
relative à Internet
ARTICLE 19 Free Word Centre 60 Farringdon Road London EC1R 3GA
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Mai 2013
© ARTICLE 19


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ARTICLE 19
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ARTICLE 19 appelle organisations et particuliers à soutenir Le droit de partager. Nous appelons
également à témoigner sur la façon dont Le droit de partager est mis en œuvre. Merci de nous envoyer
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1) créditer ARTICLE 19;
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Ce document a été publie avec le soutien de la Fondation Adessium des Pays-Bas, laquelle soutient de
manière plus générale le travail d’ARTICLE 19 sur liberté d’expression et Internet.
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Résumé
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Entre février 2012 et février 2013, ARTICLE 19 a procédé à une analyse
globale de l’état de la liberté d’expression sur Internet en Tunisie, aux
niveaux de la législation et de la pratique. Nous avons notamment examiné
la compatibilité entre le cadre juridique tunisien régissant l’Internet et les
standards internationaux en vigueur dans ce domaine, s’agissant en particulier
des standards relatifs à la protection de la liberté d’expression, d’une part, et au
respect de la vie privée, d’autre part.
Notre analyse montre qu’une réforme est impérative dans ce domaine. En effet,
les restrictions imposées sur l’usage de l’Internet ont, certes, considérablement
régressé, en raison de la désactivation des mécanismes de censure et de
l’incapacité de l’instance qui exerçait le contrôle sur l’Internet de poursuivre
cette fonction. Toutefois, le système législatif et réglementaire répressif,
antérieur au 14 janvier 2011, mis en place par la dictature, est toujours en
vigueur. Il n’a pas subi de changements significatifs garantissant la liberté
d’expression sur Internet de manière effective, durable et irréversible.
De ce fait, ARTICLE 19 exprime ses profondes préoccupations face à la
persistance de certaines dispositions législatives et réglementaires qui
constituent des restrictions à la liberté d’expression sur Internet. Cela concerne,
notamment :

Les dispositions du code des télécommunications et en particulier:
– Ses articles 5 et 6 qui confient un pouvoir discrétionnaire au
gouvernement en matière d’attribution des autorisations préalables à la
fourniture des services de télécommunications;
– Ses articles 9 et 87 relatifs aux conditions et aux procédures
d’utilisation des moyens ou services de cryptage et à la sanction de
l’usage de ces moyens sans autorisation préalable ;
Le décret N° 97-501 du 14 mars 1997 relatif aux services à valeur ajoutée
des télécommunications et l’arrêté du 22 mars 1997 portant sur la mise en
œuvre et l’exploitation des services à valeur ajoutée des télécommunications
de type Internet. Ces deux textes de loi sont incompatibles avec les
standards internationaux, car ils rendent les fournisseurs d’accès à Internet
(FAI) entièrement responsables de la circulation de contenus produits par
des tiers.
La loi N°2004-5 du 3 février 2004 relative à la sécurité informatique.
Ce texte de loi a été adopté, théoriquement, pour garantir la sécurité des
systèmes et des réseaux informatiques publics et privés. Mais, dans la
pratique, il permet aux autorités, sous couvert de contrôle technique,
d’exercer une censure permanente sur l’Internet.


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En outre, ARTICLE 19 s’inquiète des lacunes qui existent dans le cadre
juridique tunisien concernant la protection de la liberté d’expression et la
protection de la vie privée sur internet, notamment :


L’absence d’un cadre juridique bien défini réglementant les opérations
d’écoute et d’accès au contenu des correspondances, y compris les
correspondances électroniques;
La loi organique N°2004-63 du 27 juillet 2004 portant sur la protection
des données à caractère personnel. Cette loi ne prévoit pas d’exemptions
ou de dérogations à l’application des dispositions de protection des
données dans le cadre du traitement de données effectué aux seules fins de
journalisme. Cette lacune expose les blogueurs et les journalistes citoyens à
des peines pénales dans certaines circonstances.

L’absence de protection explicite dans la loi du principe de la neutralité du
Net.
ARTICLE 19 se félicite de l’absence de réglementation d’Internet dans certains
domaines. En particulier, ARTICLE 19 juge inutile l’adoption d’une législation
spécifique aux contenus d’Internet pour la simple raison que les règles
régissant les contenus sont des lois d’application générale, c’est-à-dire régissant
indifféremment les communications en ligne et celles hors Internet. De la
même façon, il est inutile d’appliquer aux blogueurs et aux journalistes citoyens
d’autres lois que celles applicables à tous les autres individus. En revanche,
les blogueurs et les journalistes citoyens doivent bénéficier de la protection de
leurs sources, au même titre que les journalistes professionnels, l’objectif étant
de favoriser l’émergence d’une presse citoyenne libre et responsable. De même,
la législation relative à la protection des données à caractère personnel doit
nécessairement prendre en considération la nature des activités des blogueurs
et des journalistes citoyens.
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Recommandations clés
– Le régime de responsabilité des FAI, fixé par le décret N°1997-501 et par les
cahiers des charges prévus par l’arrêté du 22 mars 1997, doit être supprimé et
remplacé par des dispositions exonérant, de manière explicite, les FAI de toute
responsabilité pour la publication de contenus produits par les tiers, y compris leurs
clients, dans la mesure où les FAI ne sont pas intervenus sur ces contenus.
– Nécessité d’énoncer le principe de la neutralité de l’Internet et d’interdire aux FAI
de surveiller les contenus circulant sur leurs réseaux.
– La législation doit être amendée, de sorte que seuls des tribunaux ou autres organes
juridictionnels soient habilités à ordonner des mesures de blocage/filtrage/retrait de
contenu, dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité.
– L’article 8 du cahier des charges prévu par l’arrêté du 22 mars 1997 contraignant
les fournisseurs d’accès à Internet à communiquer chaque mois une liste de tous
leurs abonnés aux autorités doit être abrogé.
– L’article 11 du cahier des charges prévu par l’arrêté du 22 mars 1997 interdisant
l’utilisation de technologies de cryptage sans l’accord préalable des autorités
publiques doit être supprimé. Ces autorités doivent toutefois pouvoir demander les
codes de décryptage dans les affaires de lutte contre la criminalité, dans la mesure
où de telles demandes remplissent les conditions de nécessité et de proportionnalité
énoncées à l’article 17 du PIDCP.
– Nécessité de modifier la loi relative à la protection des données à caractère
personnel afin de protéger les blogueurs et les journalistes citoyens contre les
sanctions pénales prévues par cette loi.
– Nécessité de réviser la loi N°2004-5 relative à la sécurité informatique en vue de
définir étroitement le terme ‘sécurité informatique et de limiter les prérogatives de
l’Agence Nationale de sécurité informatique en matière de contrôle technique des
systèmes informatiques et des réseaux.
– Les blogueurs et les journalistes citoyens doivent être assujettis aux mêmes
législations civiles et pénales que les non-utilisateurs d’Internet, sous réserve de nos
recommendations ci-dessous relatives au Code de la Presse.
– Le Code de la Presse doit être amendé en vue d’accorder aux blogueurs le droit de
protéger leurs sources.
– Le Code de la Presse doit être amendé afin de dépénaliser la diffamation.
– Les dispositions relatives au discours de haine doivent être formulées conformément
aux “ Principe de Camden “ sur la liberté d’expression et l’égalité d’ARTICLE 19,
qui fournissent des précisions à ce sujet.
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A propos du programme
juridique d’ARTICLE 19
En février 2012, ARTICLE 19 a analysé l’état de la liberté
d’expression sur Internet en Tunisie. Nous avons notamment
examiné la compatibilité entre le cadre juridique tunisien
régissant l’Internet et les standards comparatifs relatifs à
la protection de la liberté d’expression et au respect de la
vie privée.
Le Programme juridique d’ARTICLE 19 plaide sur la scène internationale pour
le développement de normes progressistes sur la liberté d’expression et l’accès à
l’information et pour leur mise en oeuvre dans les législations nationales. Le Programme
juridique a publié plusieurs ouvrages recensant les normes du droit international et
comparé et les meilleures pratiques en matière de diffamation, accès à l’information et
réglementation de l’audiovisuel.
Se fondant sur ces publications et l’expertise juridique globale d’ARTICLE 19, le
Programme juridique publie chaque année un certain nombre d’analyses juridiques,
de commentaires sur des projets de loi et des législations en vigueur qui entravent
le droit à la liberté d’expression. Mené depuis 1998 en vue de soutenir des réformes
juridiques positives dans le monde entier, ce travail analytique aboutit fréquemment à
une amélioration substantielle des législations nationales en vigueur ou des projets de
loi. Toutes nos analyses sont disponibles sur le site http://www.article19.org/resources.
php/legal/.
Si vous souhaitez discuter de cette analyse, vous pouvez contacter Gabrielle Guillemin,
représentant juridique à gabrielle@article19.org. Si vous souhaitez avoir de plus amples
informations sur les travaux d’ARTICLE 19 en Tunisie, vous pouvez vous adressez à
Saloua Ghazouani Oueslati sur saloua@article19.org
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Introduction
L’Internet a radicalement transformé la façon dont les individus reçoivent et partagent
les informations et les idées. Il est devenu une nécessité fondamentale pour l’exercice
de la liberté d’expression, qui est le fondement même de toute société démocratique.
Le rôle d’Internet dans la révolution tunisienne en est une excellente illustration.
Deux ans et demi après la révolution tunisienne, ARTICLE 19 estime qu’il est grand
temps pour la Tunisie d’évaluer la situation de la liberté d’expression sur Internet.
Dans la mesure où le gouvernement de transition considère la réforme des médias
comme un objectif prioritaire, la protection de la liberté d’expression sur Internet
ne peut être ignorée.
Entre février 2012 et février 2013, ARTICLE 19 a procédé à une analyse globale de
l’état de la liberté d’expression sur Internet en Tunisie, aux niveaux de la législation
et de la pratique. Nous avons notamment examiné la compatibilité entre le cadre
juridique tunisien régissant l’Internet et les standards internationaux en vigueur dans
ce domaine, s’agissant en particulier des standards relatifs à la protection de la liberté
d’expression, d’une part, et au respect de la vie privée, d’autre part.
Ce document est une analyse critique de l’état de la liberté d’expression sur Internet en
Tunisie. Il procède d’une approche globale qui consiste à vérifier la compatibilité de la
législation tunisienne avec les standards internationaux en vigueur dans ce domaine.
ARTICLE 19 se fonde, en cela, sur son expertise très large en matière de défense de la
liberté d’expression dans le monde en général et en Tunisie en particulier. ARTICLE 19
avait, en effet, publié des analyses critiques de plusieurs projets de décrets adoptés en
Tunisie dont notamment:
– Le projet de décret-loi relatif à la liberté de la presse, de l’impression et de l’édition
– Le projet de décret-loi sur la liberté de la communication audiovisuelle et portant
création d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle
(HAICA)
– Le projet de décret-loi relatif à l’accès aux documents administratifs
– Le projet de décret-loi relatif au code électoral
Notre étude fait ressortir l’impératif d’introduire des réformes au niveau de la législation
régissant l’utilisation de l’Internet. L’élargissement du champ de la liberté dans ce
domaine, après la chute du régime de Ben Ali, ne doit pas occulter le fait qu’il existe
encore beaucoup de restrictions sur la liberté d’expression en ligne, en raison de la
persistance de certaines législations adoptées du temps de la dictature et qui n’ont pas
encore été abrogées ou amendées.
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Ce document s’efforce d’aider les législateurs tunisiens, le gouvernement de transition,
les défenseurs des droits de l’homme et autres parties prenantes d’Internet à examiner
comment il convient de protéger la liberté d’Internet en Tunisie. En particulier, il
propose des recommandations spécifiques pour atteindre au mieux cet objectif.
Ce document se divise en trois sections.
La Section I décrit brièvement l’état de la liberté d’Internet en Tunisie.
La Section II énonce les critères internationaux relatifs à la protection de la liberté
d’expression en ligne.
La Section III examine le cadre juridique tunisien régissant la liberté d’expression
sur Internet au regard de ces critères internationaux et propose un certain nombre de
recommandations pour réformer ce domaine.
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La liberté d’expression sur
Internet en Tunisie
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L’étude de l’état de la liberté d’expression sur Internet en Tunisie exige une
comparaison entre la situation sous le régime de Ben Ali et la situation post-révolution
I. Le musellement de la liberté d’expression sur Internet sous
le régime Ben Ali
Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur ambulant , s’est immolé
par le feu dans la ville de Sidi Bouzid pour protester contre la confiscation de ses
marchandises par la police et les humiliations infligées par des agents municipaux. Cet
événement a déclenché une vague de protestations sans précédent à travers le pays,
menant à la chute du régime du président Ben Ali.
Sous le régime de Ben Ali, la censure était largement répandue dans les médias.
L’Internet était, de ce fait, un forum comparativement plus ouvert à l’échange
d’informations et d’opinions sur des questions d’ordre social et politique. Il est
communément admis que la mort de Bouazizi et le soulèvement qui a suivi n’auraient
pas eu un tel impact dans le monde si des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ou
YouTube n’avaient pas diffusé des images des manifestations et des violences policières
contre les manifestants pacifiques.
Pour autant, l’Internet n’était pas libre sous le régime du président Ben Ali. Son
gouvernement avait instauré un système de filtrage d’Internet sophistiqué et complexe,
considéré comme l’un des plus répressifs au monde. Selon l’organisation américaine
Freedom House, l’Etat tunisien employait trois techniques de censure sur Internet: le
filtrage technique, l’effacement et la suppression post-publication, et la manipulation
proactive de l’opinion publique en ligne.
En particulier, l’Agence tunisienne d’Internet (ATI) – qui contrôle l’infrastructure
d’Internet en Tunisie – était chargée de mettre en place le système de filtrage d’Internet
du pays sur tout le réseau. Par ailleurs, en qualité d’autorité chargée de la gestion des
noms de domaines, l’ATI était habilitée à supprimer à volonté des domaines entiers. De
nombreux autres outils techniques étaient utilisés pour bloquer l’accès à des sites jugés
indésirables par les autorités.
L’Etat adressa par la suite des directives aux FAI sur les types de contenus devant
être bloqués ou supprimés : la pornographie, les discours critiques à l’égard de
l’Etat, les débats sur les droits de l’homme en Tunisie, et les technologies ou outils
de contournement de la censure sur Internet. En 2010, une envolée du nombre de
blocages arbitraires fut enregistrée. A titre d’exemple, des applications comme les sites
de partage de fichiers Flickr et YouTube furent temporairement bloquées en 2010.
Par ailleurs, des blogueurs et des journalistes opérant sur Internet furent
systématiquement arrêtés et accusés de délits fabriqués de toutes pièces, comme le
harcèlement ou l’agression, et des internautes ont été détenus arbitrairement et ont
subi des interrogatoires.
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Ce fut le cas notamment du cyberdissident Zouheir Yahyaoui, administrateur du site
Tunezine (www.tunezine.com) qui fut le premier blogueur arabe et africain à être
emprisonné pour ses écrits sur Internet.
Dans sa politique visant à contrôler la liberté d’expression sur Internet, l’Etat tunisien
s’appuyait sur un arsenal de textes juridiques qu’ARTICLE 19 considère comme étant
répressifs et restrictifs. Ces textes de loi et réglementations sont:
– Les dispositions du code des télécommunications et en particulier:
– Ses articles 5 et 6 qui confient un pouvoir discrétionnaire au gouvernement en
matière d’attribution des autorisations préalables à la fourniture des services de
télécommunications. Le fait de confier ce pouvoir discrétionnaire aux autorités
publiques leur permet, même de manière indirecte, de contrôler la liberté des
individus d’accéder au réseau Internet;
– Ses articles 9 et 87 relatifs aux conditions et aux procédures d’utilisation des
moyens ou services de cryptage et à la sanction de l’usage de ces moyens sans
autorisation préalable;
La loi N°2004-5 du 3 février 2004 relative à la sécurité informatique. Ce texte
de loi a été adopté, théoriquement, pour garantir la sécurité des systèmes et des
réseaux informatiques publics et privés. Mais, dans la pratique, il a permis aux
autorités, sous couvert de contrôle technique, d’exercer une censure permanente
sur l’Internet sous le régime Ben Ali. L’article 3 de cette loi confie à l’Agence
Nationale de Sécurité Informatique (ANSI) le contrôle général des systèmes et des
réseaux informatiques, publics et privés, et la charge de veiller à la mise en œuvre
des stratégies nationales dans ce domaine. En l’absence d’une définition précise
de la notion de sécurité de l’information, le législateur a confié au gouvernement
le pouvoir de charger l’ANSI d’effectuer toutes les activités en rapport avec son
domaine d’intervention. Le caractère général de cette loi et les larges pouvoirs
attribués à l’ANSI menacent la liberté d’expression, notamment en ce qui
concerne les possibilités de filtrage de contenus.
Le décret N° 97-501 du 14 mars 1997 relatif aux services à valeur ajoutée des
télécommunications et l’arrêté du 22 mars 1997 portant sur la mise en œuvre et
l’exploitation des services à valeur ajoutée des télécommunications de type Internet.
Ces deux textes de loi sont incompatibles avec les standards internationaux, car
ils rendent les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) entièrement responsables de
la circulation de contenus produits par des tiers. Ils leur imposent l’obligation de
contrôler et de supprimer tout contenu contraire à l’ordre public et aux « bonnes
mœurs » et les obligent à communiquer à l’opérateur public, c’est-à-dire à l’Agence
tunisienne d’Internet, une liste de tous leurs abonnés au début de chaque mois


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La loi organique N°2004-63 du 27 juillet 2004 portant sur la protection des
données à caractère personnel. A l’origine, ce texte de loi avait été promulgué pour
redorer l’image du régime de Ben Ali qui s’apprêtait alors à accueillir la deuxième
phase du Sommet Mondial sur la Société de l’Information (SMSI) et pour battre
en brèche les critiques de la communauté internationale contre ses pratiques
répressives. Cependant, la loi ne prévoit pas d’exemptions ou de dérogations à
l’application des dispositions de protection des données dans le cadre du traitement
de données effectué à des fins journalistiques, artistiques, littéraires ou culturelles.
Cette lacune expose les blogueurs et les journalistes citoyens à des peines pénales
dans certaines circonstances. En outre, les garanties de protection des données
personnelles, dont le consentement de la personne concernée, ne s’appliquent pas
au traitement des données personnelles effectué par les autorités publiques – ce
qui peut donc conduire les blogueurs et les journalistes citoyens à s’autocensurer,
par crainte des poursuites des autorités.
Enfin, il est à noter que l’absence d’un cadre juridique bien défini réglementant
les opérations d’écoute et d’accès au contenu des correspondances, y compris les
correspondances électroniques, afin de lutter contre la criminalité et de protéger la
sécurité nationale, a longtemps permis au régime Ben Ali d’exercer une surveillance
constante en Tunisie.
II. Liberté sur Internet après la Révolution
Quelques heures avant la chute de son régime, le Président Ben Ali a adressé à
l’opinion publique un dernier discours dans lequel il a, notamment, annoncé la
levée de la censure sur le réseau Internet. Tous les sites électroniques sont devenus
immédiatement accessibles. Le gouvernement de transition, qui a pris le pouvoir après
le 14 janvier 2011, a entériné ce choix et a mis fin à la censure sur Internet.
Cependant, ARTICLE 19 est préoccupé quant à l’avenir de la liberté d’expression
sur Internet en Tunisie, au regard de certains indices qui montrent que la censure
sur le réseau n’a pas complètement disparu. Parmi ces indices, Article 19 rappelle,
notamment:
– La décision de la Cour d’appel du 15 août 2011 interdisant l’accès à des sites à
caractère pornographique. La Cour a ordonné à l’ATI de mettre en place un système
de filtrage pour empêcher l’accès à ce type de contenu. Le groupe de blogueurs
tunisiens « Nawaat » s’est aussitôt inquiété d’un possible retour d’«#Ammar404»,
nom de code de l’ATI, sur la scène tunisienne. De même, l’organisation « Reporters
sans frontières » a annoncé la reprise des pratiques de filtrage sur Internet.
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La Cour de cassation a ultérieurement rejeté le jugement de la Cour d’appel, suite à la
procédure en cassation de l’ATI. Néanmoins, cela n’a pas apaisé les craintes d’un retour
de la censure, pour les trois raisons suivantes:
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la décision de la Cour d’appel a été cassée pour des raisons procédurales : la
décision de la Cour de cassation était fondée sur le principe de l’incompétence
de la justice judiciaire à traiter ce genre de litiges qui relèverait, plutôt, de la
justice administrative.
Dans son exposé des motifs, la Cour de Cassation s’est appuyée sur l’arrêté du
ministre des communications du 22 mars 1997 relatif aux cahiers des charges
fixant les clauses et les conditions de l’utilisation des services à valeur ajoutée
de type Internet. La Cour conclut que l’ATI a le droit d’exercer un pouvoir de
contrôle administratif sur le réseau Internet pour empêcher la diffusion par
les fournisseurs ou les usagers de contenus portant atteinte à l’ordre public
ou aux bonnes mœurs. Selon la décision de la Cour de Cassation, l’ATI aurait
donc le pouvoir de prendre les mesures qui s’imposent pour protéger l’ordre
public et de restreindre la liberté d’accès des individus au réseau Internet.
Implicitement, le Cour de Cassation considère que l’ATI a le pouvoir de filtrer
ou de bloquer certains sites électroniques, si le jugement est prononcé par le
tribunal administratif. En définitive, pour peu que la question de la compétence
juridique soit réexaminée pour une raison ou une autre, l’ATI aurait donc, sous
couvert de protection de l’ordre public, l’obligation de filtrer ou de bloquer
certains sites électroniques. Or le concept d’ « ordre public » est une notion très
vague, très large et évolutive en fonction des traditions, des pratiques sociales
et des croyances religieuses. Par conséquent, le fait de demander le filtrage
des sites à caractère pornographique et de confier cette mission à l’ATI risque
de conduire au filtrage de tous les sites qui ne conviennent pas aux autorités
publiques, à certaines catégories sociales, voire même à certains individus.
Le filtrage d’Internet risquerait de s’étendre à d’autres types de contenus, la
protection de la liberté d’expression restant encore fragile en Tunisie face aux
valeurs religieuses et morales du pays. Les poursuites pour blasphème engagées
contre Nabil Karoui, directeur d’une chaîne de télévision privée, après la
diffusion du film d’animation «Persépolis» sur la révolution iranienne de 1979,
en sont une parfaite illustration. Ce film a été sévèrement critiqué pour avoir
montré une représentation personnifiée de Dieu, interdite par l’islam.

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Le cadre juridique autorisant le contrôle et la censure sur le réseau Internet
est resté en vigueur après la chute du régime du Président Ben Ali. C’est,
notamment sur la base des législations en vigueur que le juge d’instruction
militaire a ordonné à l’ATI de filtrer des pages Facebook jugées hostiles à
l’institution de l’armée. Devant l’incapacité technique de l’ATI de procéder
à une telle opération qui risquait d’avoir un impact négatif sur la qualité des
services fournis par les autres fournisseurs d’accès à Internet, et après des
discussions entre l’ATI et la justice militaire, un constat s’est imposé quant
à l’inefficacité et l’impossibilité de maintenir le blocage. Ces pages sont
désormains accessibles.
Plusieurs autres demandes de filtrage ou blocage de sites électroniques ou retrait de
pages Facebook ont été adressées à l’ATI par des particuliers ou des institutions. C’est
le cas notamment de l’affaire N°289 du 4 juillet 2011 opposant l’ATI à la banque des
gènes. Dans cette affaire, la banque nationale des gènes a demandé à l’ATI de fermer
une page Facebook administrée par un particulier et contenant des critiques contre
l’institution. Le tribunal de première instance a refusé d’accéder à cette demande,
considérant que les critiques formulées sur cette page Facebook relevaient de la liberté
d’expression. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel (Affaire N°26217 du
24 novembre 2011) qui a précisé, toutefois, que l’auteur de cette page pouvait être
poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles et pour diffamation.
Il ressort des deux affaires précédentes que les tribunaux ne refusent pas,
par principe, de statuer, en référé, sur les demandes de filtrage ou blocage des
sites électroniques, que la liberté de navigation et d’expression sur Internet est
garantie et que l’acceptation des demandes de blocage ou filtrage des sites
électroniques est conditionnée par le respect du droit à la liberté d’expression qui
est un droit fondamental.
La jurisprudence en Tunisie se dirige donc vers l’appropriation des standards
internationaux avec, toutefois, une certaine extrapolation dans la définition des
conditions du filtrage ou blocage , en rapport avec les concepts d’ordre public et de
bonnes mœurs. Dans l’affaire relative au filtrage des sites pornographiques, la Cour
d’appel a indiqué, dans son jugement que «la liberté absolue de naviguer sur Internet
et d’accéder à tous les sites électroniques, y compris les sites pornographiques, a pour
conséquence directe la perte de certaines valeurs morales nécessaires à l’éducation des
jeunes générations et à l’édification d’une société saine et équilibrée, surtout que le
filtrage des sites pornographiques ne conduit pas nécessairement au filtrage des sites à
caractère scientifique ou autres».
Cette jurisprudence repose sur un système juridique et judiciaire hérité de l’ancien
régime et qui demeure en vigueur malgré la suspension de la constitution de 1959.
Malgré le consensus qui s’est dégagé, au niveau du discours du moins, autour de la
nécessité de réformer le système d’information, la question de la protection de la liberté
d’expression sur Internet n’a pas bénéficié de toute l’attention requise.
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Les actes de violence enregistrés depuis deux ans et demi, et qui ont connu leur
paroxysme avec l’assassinat, le 6 février 2013, d’un militant et opposant politique, ont
remis à l’ordre du jour la question de la liberté d’expression sur Internet, en raison de la
multiplication des discours de haine et de violence sur les réseaux sociaux. Des voix se
sont, en effet, élevées pour restreindre la liberté d’expression sur le réseau Internet.
Toutes les demandes de filtrage ou de blocage ont été adressées jusqu’à maintenant
à l’ATI, en sa qualité d’opérateur national, et aucune demande n’a été adressée aux
fournisseurs d’accès qui sont pourtant en mesure de procéder au filtrage. Cependant,
le ministère des communications a conclu, au début de l’année 2013, un accord avec
les FAI, en vertu duquel ces derniers sont désormais dispensés de passer par l’ATI pour
tout ce qui concerne la connexion et la navigation sur le réseau. Un tel accord risque
d’instituer un contrôle multiple exercé par les différents fournisseurs d’accès pour des
raisons diverses. Ces fournisseurs d’accès peuvent aussi succomber aux diktats du
pouvoir politique qui détient beaucoup de moyens de pression sur ces opérateurs de
services, alors que l’ATI est institution publique, régie par les législations en vigueur et
qui est, théoriquement, à l’abri des pressions politiques.
Il est aussi à signaler la difficulté d’exécuter les jugements de censure d’internet.
L’ATI a affirmé, à plusieurs reprises, qu’elle se trouve en état d’incapacité technique
d’exécuter ces jugements. Par ailleurs, la censure peut causer des perturbations sur
l’accès normal aux sites et les pages non censurées.
Enfin, il ne faut pas manquer de noter l’utilisation récente de la loi organique N°2004-
63 relative à la protection des données à caractère personnel comme moyen de recours
contre certains propos embarrassants des blogueurs. Il s’agit, plus particulièrement, de
la plainte déposée par le ministre tunisien des affaires étrangères contre la blogueuse
Olfa Riahi, en janvier 2013. Cette plainte a été déposée sur la base de nombreux textes
notamment les articles 89 et 90 de la loi organique N°2004-63 relative à la protection
des données à caractère personnel. La blogueuse en question avait évoqué une relation
suspecte entre le ministre et l’une de ses proches en mentionnant notamment le fait
que cette derniere avait passé une nuit dans le même hôtel que le ministre.
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Standards internationaux
relatifs à la liberté d’expression
sur Internet
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En février 2012, ARTICLE 19 a analysé l’état de la liberté d’expression sur Internet
en Tunisie. Nous avons notamment examiné la compatibilité entre le cadre juridique
tunisien régissant l’Internet et les standards comparatifs relatifs à la protection de la
liberté d’expression et au respect de la vie privée.
Le droit à la liberté d’expression et d’information est une condition fondamentale
et nécessaire pour la réalisation du principe de transparence et de l’obligation de
responsabilité, qui sont à leur tour essentiels pour la promotion et la protection de
tous les droits humains dans une société démocratique. Cette section identifie les
critères internationaux et régionaux relatifs à la protection de ces droits, en particulier
en relation avec la réglementation des contenus en ligne, les droits des blogueurs et
des journalistes citoyens, la responsabilité des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), la
surveillance d’Internet, la cybersécurité et l’accès à Internet. Ces critères sont à la base
de nos recommandations sur la protection de la liberté d’expression sur Internet en
Tunisie, figurant dans la Section III.
I. Les fondements du principe de la liberté d’expression
A - Déclaration universelle des droits de l’homme
L’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH)1 garantit la
liberté d’expression dans les termes suivants :
Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de
ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre,
sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen
d’expression que ce soit. 
En tant que Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, la DUDH
n’est pas juridiquement contraignante. Cependant, certaines de ses parties, dont
l’Article 19, ont fini par acquérir une force juridique en tant que droit international
coutumier depuis son adoption en 1948.
2
B - Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la Tunisie
par la loi n° 1968- 30 du 29 novembre 1968, développe et accorde une force juridique
à de nombreux droits énoncés dans la DUDH. Le PIDCP contraint ses 167 Etats parties
à respecter ses dispositions et à mettre en œuvre son cadre au niveau national.
3 Ayant
ratifié le PIDCP le 18 mars 1969, la Tunisie est tenue de respecter et garantir le droit à
la liberté d’expression comme stipulé dans l’Article 19 du PIDCP:
1
2
Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.
Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de
rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute
espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée
ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
Page 18
16
En septembre 2011, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, organe
de surveillance de l’application du PIDCP, a publié l’Observation générale n° 34 sur
l’Article 19.
4 Cette observation générale est une interprétation officielle des standards
minimaux garantis par l’Article 19 du PIDCP. ARTICLE 19 considère que cette
Observation est une interprétation progressiste de la législation internationale relative
à la liberté d’expression et l’accès à l’information.
5 Elle est particulièrement instructive
sur un certain nombre de questions liées à la liberté d’expression sur Internet.
Plus important encore, l’Observation générale n° 34 stipule que l’Article 19 du PIDCP
garantit toutes les formes d’expression et les moyens de les diffuser, y compris tous les
modes d’expression électroniques et l’Internet.
6 En d’autres termes, la protection de la
liberté d’expression est garantie de la même manière sur les réseaux en ligne et hors
Internet.
De même, l’Observation générale n° 34 contraint les Etats parties au PIDCP à tenir
compte de la mesure dans laquelle l’évolution des techniques de l’information comme
l’Internet et les systèmes de diffusion électronique de l’information ont transformé les
pratiques de la communication dans le monde entier.
7 En particulier, le cadre juridique
régissant les médias doit tenir compte des différences entre la presse écrite et les
services de radio et télédiffusion et l’Internet, tout en notant les points de convergence
entre tous les médias.
8
De même, les quatre mandataires spéciaux pour la protection de la liberté d’expression
ont souligné, dans leur Déclaration conjointe sur la liberté d’expression et l’Internet de
juin 2011, que les approches réglementaires dans les secteurs des télécommunications
et de la radio et télédiffusion ne peuvent être simplement transposées à l’Internet.
9 En
particulier, ils recommandent de développer des approches adaptées pour répondre aux
contenus illicites diffusés en ligne tout en soulignant que des restrictions spécifiques
aux contenus diffusés en ligne ne sont pas nécessaires..
10 Ils recommandent également
le recours à l’autorégulation, qui est un outil efficace pour obtenir réparation en cas de
discours préjudiciables.
11
En qualité d’Etat partie au PIDCP, la Tunisie doit garantir que toutes les lois destinées à
régir les modes d’expression électronique et l’Internet sont conformes à l’Article 19 du
PIDCP tel qu’il est interprété par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, et
qu’elles respectent les recommandations des mandataires spéciaux.
Page 19
17
II. Restrictions au droit à la liberté d’expression
Le droit à la liberté d’expression est un droit fondamental, mais il n’est pas garanti en
termes absolus.
L’Article 19(3) du PIDCP permet de restreindre ce droit de la façon suivante:
L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des
devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être
soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la
loi et qui sont nécessaires:
(a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui;
(b)
A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la
moralité publiques.
Les restrictions du droit à la liberté d’expression doivent être définies de manière stricte
et précise et ne pas compromettre l’essence même du droit. Pour qu’une restriction
de la liberté d’expression soit définie de manière stricte et précise, elle doit répondre
aux critères d’un triple test. Les restrictions doivent donc être: (i) fixées par la loi; (ii)
respecter un objectif légitime; et (iii) satisfaire aux principes stricts de nécessité et de
proportionnalité.
12
(i)
“Fixées par la loi”
L’Article 19(3) du PIDCP exige que les restrictions du droit à la liberté d’expression
soient precrites par la loi. En particulier, la loi doit être formulée avec suffisamment de
précision pour permettre à un individu d’adapter sa conduite en conséquence.
13 Les
restrictions ambiguës ou trop étendues de la liberté d’expression sont par conséquent
interdites par l’Article 19(3).
“Un objectif légitime”
(ii)
Les restrictions de la liberté d’expression doivent respecter un des objectifs légitimes
énumérés de manière exhaustive dans l’Article 19(3)(a) et (b) du PIDCP. Ainsi, il est
impossible d’interdire à des systèmes de diffusion de l’information de publier des
contenus au seul motif qu’ils sont critiques envers le gouvernement ou le système
politique et social épousé par le gouvernement.
14 De même, une restriction de la liberté
d’expression ne peut servir de prétexte pour sauver le gouvernement de l’embarras
ou éviter la publication de révélations sur des conduites illicites, pour dissimuler des
informations sur le fonctionnement des institutions publiques ou pour asseoir une
certaine idéologie.




Page 20
18
“Nécessité”
(iii)
Les Etats parties au PIDCP sont tenus de garantir que les restrictions légitimes du droit
à la liberté d’expression sont nécessaires et proportionnées. Le principe de nécessité
exige que la restriction réponde à un besoin social pressant. La partie qui demande
la restriction doit démontrer un lien direct et immédiat entre l’expression et l’intérêt
protégé. Le principe de proportionnalité signifie que la mesure la moins restrictive
possible doit être appliquée si elle peut permettre d’atteindre le même objectif.
Les mêmes principes s’appliquent aux expressions ou aux communications sous forme
électronique diffusées sur Internet. En particulier, le Comité des droits de l’homme des
Nations Unies a affirmé dans son Observation générale n° 34 que:
43. Toute restriction imposée au fonctionnement des sites web, des blogs et de tout
autre système de diffusion de l’information par le biais de l’Internet, de moyens
électroniques ou autres, y compris les systèmes d’appui connexes à ces moyens
de communication, comme les fournisseurs d’accès à Internet ou les moteurs de
recherche, n’est licite que dans la mesure où elle est compatible avec le paragraphe
3. Les restrictions licites devraient d’une manière générale viser un contenu
spécifique ; les interdictions générales de fonctionnement frappant certains sites et
systèmes ne sont pas compatibles avec le paragraphe 3. Interdire à un site ou à un
système de diffusion de l’information de publier un contenu uniquement au motif
qu’il peut être critique à l’égard du gouvernement ou du système politique et social
épousé par le gouvernement est tout aussi incompatible avec le paragraphe 3.
15
Ces principes ont été adoptés par le Rapporteur spécial des Nations unies pour la
promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Frank La Rue,
dans un rapport datant du 10 août 2011.
16 Dans ce dernier, le Rapporteur spécial a
également défini la portée des restrictions légitimes de différents types d’expression en
ligne. Ce point sera examiné plus en détail dans les chapitres suivants.
17
III. Réglementation des contenus diffusés en ligne
Face au développement exponentiel d’Internet et du nombre toujours croissant de ses
usagers, les gouvernements sont de plus en plus préoccupés par la disponibilité d’une
large gamme de contenus en ligne qu’ils ne peuvent contrôler. En effet, l’Internet
permet aux utilisateurs d’accéder à des informations et des idées hors de leur territoire
de résidence. Si de nombreux pays ont une opinion différente du caractère illicite
ou « préjudiciable » d’un contenu, fondée sur leurs traditions morales, culturelles ou
religieuses, la réglementation des contenus en ligne est devenue un enjeu essentiel
pour les gouvernements du monde entier.
Dans l’ensemble, les Etats sont préoccupés par la disponibilité de la propagande
terroriste, les contenus racistes, les discours haineux, les contenus sexuellement
explicites, y compris la pornographie infantile, les contenus blasphématoires, les
expressions critiques envers le gouvernement et ses institutions et les contenus non
autorisés par les détenteurs de droits de propriété intellectuelle.
Page 21
19
Toutefois, comme l’a justement remarqué le Rapporteur spécial des Nations Unies,
ces différents types de contenus exigent des réponses juridiques et technologiques
différentes.
18 Dans son rapport du 10 août 2011, le Rapporteur spécial sur la
promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a identifié trois
modes d’expression en vue de la réglementation en ligne : (i) ceux qui constituent une
infraction au regard du droit international et sont passibles de poursuites pénales ; (ii)
ceux qui ne sont pas passibles de poursuites pénales mais devraient faire l’objet de
restrictions et de poursuites au civil ; et (iii) ceux qui ne sont passibles ni de sanctions
pénales ni de sanctions civiles mais qui sont néanmoins inquiétants en termes de
tolérance, de civilité et de respect d’autrui.
19
En particulier, le Rapporteur spécial a identifié les modes d’expression devant être
interdits par les Etats en vertu du droit international : (a) la pornographie mettant
en scène des enfants ; (b) l’incitation directe et publique à commettre un génocide
; (c) l’apologie de la haine ; et (d) l’incitation au terrorisme. Il a également précisé
que la législation interdisant ces types d’expression doit être suffisamment précise
et prévoir des garanties suffisantes et réelles contre les excès ou les abus, y compris
la surveillance et l’examen par un tribunal ou un organisme de réglementation
indépendant et impartial.
20 Autrement dit, ces réglementations doivent également
répondre aux critères du triple test ci-dessus mentionné. Par exemple, une législation
interdisant la dissémination de la pornographie infantile sur les réseaux Internet
au moyen de technologies de blocage et de filtrage est tenue de se soumettre à ces
obligations.
De la même façon, les législations sur les discours de haine visant l’expression en
ligne ne doivent pas être ambiguës, et doivent poursuivre un but légitime et répondre
aux principes de nécessité et de proportionnalité. A cet égard, le Rapporteur spécial
s’est inquiété du caractère excessivement vague d’un grand nombre de dispositions
nationales visant à interdire les discours haineux, en violation des standards
internationaux relatifs à la protection de la liberté d’expression. Cela inclut des
expressions diverses telles que la lutte contre «l’incitation aux tensions religieuses»,
«encourager les dissensions entre croyants et non-croyants», «le dénigrement des
religions», «l’incitation à la commission d’infractions», «l’instigation à la haine et au
mépris du régime au pouvoir», «l’incitation à la subversion contre l’autorité de l’Etat» et
«les infractions de nature à troubler l’ordre public».
Le Rapporteur spécial a également précisé quelles restrictions en ligne ne sont pas,
selon lui, autorisées par le droit international. Il a notamment recommandé aux
Etats de fournir des détails précis sur la nécessité et la justification des mesures de
blocage décidées à l’encontre d’un site donné, soulignant que «les critères utilisés
pour déterminer les contenus devant être bloqués doivent être définis par une autorité
judiciaire compétente ou par un organe indépendant de toute pression politique ou
commerciale ou de toute autre influence injustifiée, afin d’éviter que le blocage ne soit
utilisé comme moyen de censure».
21
Page 22
20
Enfin, le Rapporteur spécial a précisé que d’autres modes d’expression tels que les
commentaires diffamatoires ne devaient pas être passibles de sanctions. Au contraire,
les Etats doivent promouvoir un usage plus large de l’expression afin de combattre
les propos offensants. A cet égard, avec les nouveaux types d’application Web 2.0,
y compris la zone de commentaires sur les sites de journaux, blogs et espaces de
dialogue en ligne, etc., il est dorénavant possible de répondre instantanément et
gratuitement à des propos offensants publiés sur le réseau. Pour cette raison, le
Rapporteur spécial a souligné que les sanctions disponibles pour la diffamation hors
Internet et des infractions similaires pourraient être inutiles et disproportionnées.
22
IV. Droits des journalistes citoyens et des blogueurs
L’Internet permet à chaque individu de publier lui-même ses opinions et ses idées sur
un blog ou un réseau social, soulevant la question de la définition du journalisme et
d’un «média» à l’ère du numérique. La question de savoir comment des «journalistes
citoyens» et des «blogueurs» doivent être réglementés, ou non, se pose également.
Au niveau international, il n’existe actuellement aucune définition reconnue du
journalisme ou d’un «média» à l’ère du numérique. Cependant, le Comité des droits
de l’homme des Nations Unies et le Conseil de l’Europe ont fourni des éléments de
réponses, que vous trouverez dans les chapitres suivants. Concernant la réglementation,
il semble évident que les blogueurs et les journalistes citoyens ne doivent pas être
soumis à une obligation d’enregistrement, et encore moins à s’enregistrer sous
leur véritable identité, selon le droit international (voir ci-dessous la section sur la
surveillance). Toutefois, deux questions se posent : premièrement, les journalistes
citoyens et les blogueurs sont-ils tenus de respecter des normes professionnelles et, le
cas échéant, lesquelles ; et deuxièmement, les journalistes citoyens et les blogueurs
ont-ils le droit de bénéficier de la protection des sources. 
A - Définition du journalisme et des nouveaux médias
Dans son Commentaire général n° 34, le Comité des droits de l’homme des Nations
Unies a défini le journalisme comme suit :
44. Le journalisme est une fonction exercée par des personnes de tous horizons,
notamment des reporters et analystes professionnels à plein temps ainsi que des
blogueurs et autres particuliers qui publient eux-mêmes le produit de leur travail,
sous forme imprimée, sur l’Internet ou d’autre manière. Les systèmes généraux
d’enregistrement ou d’octroi de licence pour les journalistes par l’État sont
incompatibles avec le paragraphe 3. Les régimes d’accréditation limitée peuvent être
licites uniquement dans le cas où ils sont nécessaires pour donner aux journalistes
un accès privilégié à certains lieux ou à certaines manifestations et événements.
Ces régimes devraient être appliqués d’une manière qui ne soit pas discriminatoire
et soit compatible avec l’article 19 et les autres dispositions du Pacte, en vertu de
critères objectifs et compte tenu du fait que le journalisme est une fonction exercée
par des personnes de tous horizons.
Page 23- Plus de références et documents sur Legaly Docs
21
Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a ainsi opté pour une approche
fonctionnelle du journalisme. En d’autres termes, le journalisme est une activité
consistant à rassembler des informations et à les diffuser auprès du public via
n’importe quel moyen de communication de masse.
Le Conseil de l’Europe a opté pour une approche similaire dans sa Recommandation
CM/Rec (2011)7 sur une nouvelle conception des «médias». Dans cette
Recommandation, le Comité des ministres appelle tous les Etats membres à:
23
– adopter une conception des médias, nouvelle et élargie, qui englobe tous ceux qui
participent à la production et à la diffusion, à un public potentiellement vaste, de
contenus (informations, analyses, commentaires, opinions, éducation, culture, art
et divertissements sous forme écrite, sonore, visuelle, audiovisuelle ou toute autre
forme) et d’applications destinées à faciliter la communication de masse interactive
(réseaux sociaux, par exemple) ou d’autres expériences interactives à grande échelle
basées sur des contenus (jeux en ligne, par exemple), tout en conservant (dans tous
les cas susmentionnés) la surveillance ou le contrôle éditorial de ces contenus;
[c’est nous qui soulignons]
– d’évaluer la nécessité d’interventions réglementaires pour tous les acteurs
fournissant des services ou des produits dans l’écosystème médiatique, pour garantir
à toute personne le droit de chercher, de recevoir et de transmettre des informations
conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme,
et pour étendre à ces acteurs les garanties applicables contre les ingérences
susceptibles de porter atteinte aux droits consacrés par l’article 10, notamment
dans des situations risquant d’aboutir à une autolimitation ou à une autocensure
injustifiées; [c’est nous qui soulignons]
Le Comité des ministres a proposé un certain nombre de critères à prendre en compte
pour déterminer si une activité ou un acteur particulier doit être considéré ou non
comme un média, à savoir: (i) l’intention d’agir en tant que média; (ii) la finalité et les
objectifs de médias; (iii) le contrôle éditorial; (iv) les normes professionnelles; (iv) le
rayonnement et la diffusion; et (v) les attentes du public.
Le Comité des ministres a fourni une série d’indicateurs permettant de déterminer si
un critère donné est respecté. Ainsi, une organisation ou un individu peut satisfaire
pleinement le critère relatif aux attentes du public si l’information qu’ils ont diffusée
est disponible, fiable, qu’elle fournit des contenus diversifiés et respectueux du
pluralisme et des normes professionnelles et éthiques, est responsable et transparente.
De même, le Comité des ministres a souligné que chacun de ces critères doit être
appliqué de façon flexible.
Page 24
22
Rappelons que le Comité a soutenu que les blogueurs peuvent être considérés comme
des médias s’ils respectent certaines normes professionnelles dans une mesure
suffisante. Toutefois, il est utile de savoir qu’au Royaume-Uni, le Code de pratique
(Code of Practice) s’applique aux journalistes citoyens uniquement dans la mesure où
ils communiquent des contenus à des journaux d’information et des magazines ayant
souscrit au Code.
24 La Commission de plaintes en matière de presse britannique (Press
and Complaints Commission ou PCC) a ainsi établi que «les rédacteurs en chef et les
éditeurs (qui endossent la responsabilité finale en vertu du système d’autorégulation)
sont tenus de s’assurer que le Code est respecté non seulement par le personnel
éditorial mais aussi par les collaborateurs extérieurs à la rédaction, y compris les non-
journalistes». Cela suggère fortement que les blogueurs sont assujettis aux mêmes
droits et devoirs que les journalistes professionnels, à la seule condition de collaborer
avec des journaux.
B - Réglementation relative aux blogueurs et aux journalistes citoyens
Enregistrement
La définition du journalisme donnée par le Comité des droits de l’homme des Nations
Unies montre clairement que, à l’instar des journalistes professionnels, les blogueurs
ne doivent pas être soumis à une obligation d’enregistrement ou de licence. De même,
ils doivent recevoir une accréditation uniquement quand celle-ci est nécessaire pour
bénéficier d’un accès privilégié à certains lieux et/ou événements.
Contrôle éditorial limité
Dans sa recommandation CM/Rec (2011)7 sur une nouvelle conception des médias
mentionnée ci-dessus, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a reconnu
que chaque niveau de contrôle éditorial exige un certain niveau de responsabilité
éditoriale. En particulier, elle affirme que «Une réponse différenciée et graduelle est
nécessaire en fonction du degré de contrôle éditorial ou des modalités éditoriales (par
exemple prémodération, par opposition à une postmodération).»
25. Cela suggère que
les blogueurs et les journalistes citoyens ont des obligations et des responsabilités
plus réduites que les journalistes professionnels car ils ne disposent pas des mêmes
ressources et des mêmes moyens techniques que les journaux.
Responsabilité civile et pénale
En règle générale, la législation n’établit aucune distinction entre les journalistes et
le reste de la population en matière de responsabilité civile ou pénale. De ce fait, les
blogueurs et les journalistes citoyens n’échappent pas à l’application de ces lois, dont
celles relatives à la diffamation. Néanmoins, la question est de savoir si les blogueurs
et les citoyens doivent bénéficier des mêmes protections juridiques que les journalistes
professionnels lorsqu’ils pratiquent une activité de journalisme.
Page 25
23
Protection juridique
Il n’existe à ce jour aucune norme juridique internationale protégeant les journalistes
citoyens et les blogueurs. Cependant, de même que les blogueurs doivent, comme tout
autre citoyen, respecter la loi, ils peuvent aussi bénéficier des défenses disponibles
dans la législation.
La question de savoir si les blogueurs et les citoyens journalistes peuvent bénéficier
des principes juridiques relatifs à la protection des sources est plus problématique.
Dans la Recommandation CM/Rec (2011)7 citée ci-dessus, le Comité des ministres
affirme que:
la protection des sources devrait s’étendre à l’identité des utilisateurs qui mettent à
disposition des contenus d’intérêt public sur des espaces partagés en ligne conçus
pour faciliter la communication de masse interactive (ou de groupe), y compris
les plateformes de partage de contenu et les services de réseaux sociaux. Des
dispositions peuvent être requises pour autoriser le recours à des pseudonymes
(par exemple dans des réseaux sociaux) lorsqu’une divulgation de l’identité risque
d’entraîner des mesures de rétorsion (par exemple en tant que conséquence de
l’activisme dans le domaine politique ou des droits de l’homme)
Toutefois, la Recommandation ne précise pas si un blogueur ou un journaliste citoyen
peut bénéficier de la protection des sources dans le cas d’informations reçues des
usagers d’Internet ou autres. Le Comité des ministres a également recommandé qu’une
certaine forme de soutien ou de protection soit fournie aux acteurs de médias non
totalement qualifiés comme tels selon un certain nombre de critères définis par le
Comité, dont les blogueurs, mais qui participent en même temps à «l’écosystème des
médias».
26
V. Rôle et responsabilité des prestataires
intermédiaires d’Internet
Des intermédiaires tels que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), les moteurs
de recherche, les plateformes de médias sociaux et les hébergeurs jouent un rôle
essentiel dans l’accès à Internet et la diffusion de contenus produits par des tiers.
Ces prestataires de services sont considérés comme des gardiens d’Internet. Pour
les défenseurs de la Toile, ce sont des leviers clés de l’exercice essentiel du droit
à la liberté d’expression en permettant la libre circulation de l’information et des
idées dans le monde entier. Pour les autorités chargées de l’application de la loi, ces
intermédiaires jouent un rôle essentiel dans toute stratégie de lutte contre les activités
criminelles sur la Toile.
Considérant le volume considérable d’informations disponibles sur Internet, dont
certaines peuvent être potentiellement illégales (mesures de protection des droits
d’auteur, règlementations relatives à la diffamation et à l’apologie de la haine, lois
pénales contre la pornographie infantile), les intermédiaires d’Internet ont grand intérêt
à être exemptés de responsabilité juridique sur Internet.
Page 26
24
Dans de nombreux pays occidentaux, les intermédiaires d’Internet ne sont pas
juridiquement responsables de la diffusion de contenus produits par des tiers, soit
en tant qu’hébergeurs, simples intermédiaires ou pour le stockage automatique,
intermédiaire et temporaire de l’information.
27 Ils ne sont pas tenus non plus de
surveiller les contenus publiés.
28 Toutefois, en tant qu’hébergeurs, ils sont assujettis
à des procédures de «notification et retrait» qui, en pratique, les contraignent à
supprimer des contenus notifiés comme illégaux par des parties privées ou des autorités
chargées de la mise en œuvre de la loi. Ce système a été mis en place notamment dans
la directive sur le commerce électronique («e-commerce») de l’Union européenne et le
Digital Copyright Millennium Act de 1998 aux Etats-Unis.
De nombreux problèmes liés à ces procédures de notification et retrait ont été
identifiés. Tout d’abord, elles manquent souvent de fondement juridique clair.
Par exemple, un récent rapport de l’OSCE sur la liberté d’expression et Internet
souligne que:
29
Les dispositions relatives à la responsabilité des fournisseurs de services ne sont pas
toujours claires et des mesures complexes de notification et retrait applicables aux
contenus diffusés sur Internet existent dans un certain nombre d’Etats parties.
Environ 30 Etats parties ont promulgué des lois inspirées de la directive e-commerce
de l’Union européenne. Toutefois, au lieu d’aligner toutes les politiques nationales,
les dispositions prévues dans la Directive e-commerce ont créé des divergences
d’interprétation lors du processus de mise en œuvre national. Ces différences
ont émergé après que ces dispositions ont été mises en œuvre par les tribunaux
nationaux. Consciente de ces problèmes, la Commission européenne a lancé
une consultation en 2010 sur l’interprétation des dispositions relatives à la
responsabilité des intermédiaires. Un rapport doit être publié au cours de
l’année 2011.
De plus, ces procédures manquent d’équité: plutôt que d’obtenir une décision du
tribunal ordonnant aux hébergeurs de retirer des contenus illicites (ce qui, au moins
en principe, implique que le contenu a été véritablement jugé illicite par une autorité
judiciaire indépendante), les hébergeurs doivent simplement se fier aux allégations
d’une partie privée ou d’un organisme public. Cela est problématique car les
intermédiaires tendent à privilégier la prudence et à retirer des contenus susceptibles
d’être parfaitement légitimes et licites. Comme l’a récemment noté le Rapporteur
spécial des Nations unies pour la promotion et la protection du droit à la liberté
d’opinion et d’expression:
30
42. Alors que le système de notification et retrait est un moyen d’empêcher des
prestataires intermédiaires de se livrer activement à des pratiques illicites sur leurs
services ou de les encourager, il peut faire l’objet d’abus à la fois de la part des
Etats et des acteurs privés. Les utilisateurs qui se voient notifier par un fournisseur
de services que leur contenu a été signalé comme illicite disposent souvent de
faibles recours ou de ressources insuffisantes pour s’opposer au retrait.
Par ailleurs, étant donné que les intermédiaires peuvent encore être tenus
responsables financièrement, et dans certains cas pénalement, du non-retrait
d’un contenu après réception de la notification par les utilisateurs, ils restent
Page 27
25
prudents et tendent à privilégier la sécurité en censurant exagérément des
contenus potentiellement illicites. Le manque de transparence qui prévaut dans le
processus de prise de décision des intermédiaires masque souvent des pratiques
discriminatoires ou des pressions politiques qui affectent les décisions prises par les
sociétés. Par ailleurs, en tant qu’entités privées, les intermédiaires ne sont pas les
mieux placés pour déterminer si un contenu particulier est illicite ou non, car cela
requiert un équilibre adéquat entre des intérêts divergents et un examen
des défenses.
En conséquence, les quatre mandataires spéciaux pour la liberté d’expression ont
recommandé dans leur Déclaration conjointe 2011 sur la liberté d’expression et
l’Internet que :
(i) Les simples fournisseurs de services techniques comme l’accès, la recherche,
la transmission ou le stockage automatique, intermédiaire et temporaire de
l’information («caching») ne doivent pas être tenus responsables de contenus
produits par des tiers et disséminés par le biais de leurs services, à moins qu’ils
ne soient intervenus dans le contenu concerné ou qu’ils aient refusé d’obéir
à une injonction de retrait d’un tribunal, quand ils ont la capacité de le faire
(«principe du simple transport»);
31
(ii) Les intermédiaires ne peuvent être tenus responsables que lorsqu’ils sont
intervenus dans le contenu concerné, qui est publié en ligne ;32
(iii) Les FAI et autres fournisseurs de services doivent retirer des contenus
uniquement sur injonction d’un tribunal, contrairement à la pratique de
notification et retrait.
33
De la même façon, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la
protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a déclaré que les mesures
de censure ne doivent jamais été déléguées à une entité privée, et que nul ne
peut être tenu responsable de la diffusion de contenus sur Internet dont il n’est
pas lui-même l’auteur. Aucun Etat ne doit utiliser des intermédiaires à des fins de
censure ou les forcer à la pratiquer en son nom.
34 Et afin d’éviter toute entrave au
droit à la liberté d’expression et au respect de la vie privée, le Rapporteur spécial a
également recommandé que les intermédiaires
35 mettent en place des restrictions à
ces droits uniquement après intervention d’une autorité judiciaire ; fassent preuve de
transparence pour les utilisateurs concernés par les mesures prises, et pour le grand
public le cas échéant; envoient, si possible, un avertissement aux utilisateurs avant la
mise en oeuvre de mesures restrictives; et réduisent l’impact des restrictions au seul
contenu concerné.
Enfin, le Rapporteur spécial a insisté sur la nécessité de réparations effectives pour
les utilisateurs concernés, y compris la possibilité d’engager une action en appel
par le biais de procédures fournies par les intermédiaires et les autorités judiciaires
compétentes.
36



Page 28
26
VI. Surveillance des communications
La protection du droit à la vie privée dans les communications en ligne est
indispensable pour permettre aux individus d’exercer librement et en toute confiance
leur droit à la liberté d’expression. La surveillance massive des communications en
ligne pose par conséquent des problèmes importants en termes de respect de la vie
privée et du droit à la liberté d’expression.
Le droit aux communications privées est fortement protégé par la législation
internationale, par le biais de l’Article 17 du PIDCP qui stipule:
1
2
Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée,
sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son
honneur ou à sa réputation.
Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de
telles atteintes.
Dans l’Observation générale n° 16 sur le respect de la vie privée, le Comité des droits
de l’homme des Nations unies a précisé que:
3
L’adjectif « illégal » signifie qu’aucune immixtion ne peut avoir lieu, sauf
dans les cas envisagés par la loi. Les immixtions autorisées par les États ne
peuvent avoir lieu qu’en vertu d’une loi, qui doit elle-même être conforme aux
dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte.
Le Comité poursuit avec les explications suivantes:
4
L’expression « immixtions arbitraires » se rapporte également à la protection du
droit prévu à l’article 17. De l’avis du Comité, cette expression peut s’étendre
aux immixtions prévues par la loi. L’introduction de la notion d’arbitraire a
pour objet de garantir que même une immixtion prévue par la loi soit conforme
aux dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte et soit, dans tous les cas,
raisonnable eu égard aux circonstances particulières.
Le Comité déclare ensuite :
8. Même pour ce qui est des immixtions qui sont conformes au Pacte, une loi
pertinente doit préciser dans le détail les cas précis dans lesquels elles peuvent être
autorisées. La décision de procéder à ces immixtions autorisées doit être prise par
l’autorité désignée par la loi, et cas par cas.
Le Rapporteur spécial pour la promotion et la protection des droits de l’homme et des
libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme a soutenu que les limitations
du droit à la vie privée fixées par l’Article 17 du PIDCP doivent être soumises au triple
test, à l’instar des restrictions au droit à la liberté d’expression prévues dans l’Article 19:
37
Page 29
27
L’Article 17 du Pacte peut être également interprété comme contenant lesdits
éléments d’un test relatif aux limitations admissibles. Les restrictions qui ne sont
pas prescrites par la loi sont « illégales » au sens de l’article 17, et les restrictions
qui ne sont pas nécessaires ou ne poursuivent pas un objectif légitime constituent
une immixtion «arbitraire» dans les droits prévus par l’Article 17.
Le Rapporteur spécial a défini ensuite la portée des restrictions légitimes au droit à la
vie privée comme suit:
38
Les Etats peuvent faire usage de mesures de surveillance ciblées, à condition que
ce soit une ingérence ponctuelle, sur la base d’une ordonnance délivrée par un juge
indiquant une cause probable ou des fondements raisonnables. Il doit y avoir un
fondement factuel, en rapport avec l’attitude d’un individu, qui justifie les soupçons
selon lesquels cet individu pourrait être impliqué dans la préparation d’une attaque
terroriste.
L’incapacité des individus à communiquer à titre privé compromet substantiellement
leur droit à la liberté d’expression. Dans son Rapport du 16 mai 2011, le Rapporteur
spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté
d’opinion et d’expression a exprimé ses inquiétudes à ce sujet :
53. L’Internet présente également de nouveaux outils et mécanismes au moyen
desquels les Etats ainsi que les acteurs privés peuvent surveiller et rassembler des
informations sur les communications privées et les activités de chaque individu sur
le réseau Internet. De telles pratiques peuvent constituer une violation du droit à la
vie privée des usagers d’Internet, et entraver la libre circulation des informations et
des idées en ligne en sapant les sentiments de confiance et de sécurité des usagers
sur Internet.
Le Rapporteur spécial a ensuite rajouté :
59. Le droit au respect de la vie privée peut faire l’objet de restrictions dans
certaines circonstances exceptionnelles. Cela peut inclure des mesures de
surveillance de l’Etat aux fins de l’administration de la justice pénale, de la
prévention du crime ou de la lutte antiterroriste. Toutefois, ces entraves ne
sont admissibles qu’à condition de respecter les critères de limitations prévus
par la législation internationale relative aux droits de l’homme. De ce fait, la
réglementation doit définir clairement les conditions dans lesquelles le droit à la
vie privée des individus peut être restreint dans des circonstances exceptionnelles.
Les mesures empiétant ce droit doivent être prises par une autorité publique
expressément habilitée par la loi à le faire, en général une autorité judiciaire, en vue
de protéger les droits d’autrui, par exemple dans le but d’empêcher l’exécution d’un
crime, et elles doivent respecter le principe de proportionnalité.
En particulier, le Rapporteur Spécial a recommandé aux Etats d’assurer que les
individus puissent conserver l’anonymat lorsqu’ils s’expriment sur Internet et d’éviter
d’adopter des systèmes d’enregistrement sous une véritable identité.
39
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28
VII. Cybersécurité et respect des droits de l’homme
Divers résolutions et instruments internationaux sur la cybersécurité reconnaissent
l’importance de préserver un équilibre adéquat entre les impératifs de sécurité et les
droits humains fondamentaux, notamment le droit à la liberté d’expression.
L’instrument international principal relatif à la cybercriminalité est la Convention sur
la cybercriminalité ETS No. 185 du Conseil de l’Europe, adoptée à Budapest le 23
novembre 2001. Avec ses 32 Etats parties, elle est l’instrument juridique international
sur cette question qui rassemble le plus grand nombre d’Etats membres. Elle est
également ouverte à des Etats qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe. Ainsi,
les Etats-Unis ont ratifié la Convention en 2006.
La Convention sur la cybercriminalité est remarquable dans le sens où elle ne prévoit
que des infractions limitées à des contenus spécifiques, à savoir la pornographie
enfantine (Article 9) et les atteintes à la propriété intellectuelle et aux droits connexes
(Article 10). De plus, alors que les autorités chargées de l’application de la loi sont
dotées de larges pouvoirs d’investigation sur ces délits et d’autres infractions commises
au moyen d’un système informatique, ces pouvoirs et toutes les procédures connexes
doivent être conformes aux obligations prévues par la Convention de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales telle qu’interprétée par la Cour
européenne des droits de l’homme. Ainsi, l’Article 15 stipule:
Article 15 – Conditions et sauvegardes
1
2
3
Chaque Partie veille à ce que l’instauration, la mise en œuvre et l’application
des pouvoirs et procédures prévus dans la présente section soient soumises
aux conditions et sauvegardes prévues par son droit interne, qui doit assurer
une protection adéquate des droits de l’homme et des libertés, en particulier
des droits établis conformément aux obligations que celle-ci a souscrites en
application de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des
Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe (1950) et du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies (1966), ou d’autres
instruments internationaux applicables concernant les droits de l’homme, et qui
doit intégrer le principe de la proportionnalité.
Lorsque cela est approprié, eu égard à la nature de la procédure ou du pouvoir
concerné, ces conditions et sauvegardes incluent, entre autres, une supervision
judiciaire ou d’autres formes de supervision indépendante, des motifs justifiant
l’application ainsi que la limitation du champ d’application et de la durée du
pouvoir ou de la procédure en question.
Dans la mesure où cela est conforme à l’intérêt public, en particulier à la bonne
administration de la justice, chaque Partie examine l’effet des pouvoirs et
procédures dans cette section sur les droits, responsabilités et intérêts légitimes
des tiers.
Page 31
29
De plus, la Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies portant sur la
«Création d’une culture mondiale de la cybersécurité»
40 stipule que «la sécurité doit
être assurée dans le respect des valeurs reconnues par les sociétés démocratiques,
notamment la liberté d’échanger des pensées et des idées, la libre circulation
de l’information, la confidentialité de l’information et des communications, la
protection adéquate de l’information à caractère personnel, l’ouverture et la
transparence».
VIII. Accès à Internet et neutralité du réseau
A - Accès à Internet
L’Internet est devenu une nécessité fondamentale pour l’exercice de la liberté
d’expression. Il est également indispensable à l’exercice d’autres droits et libertés
comme la liberté de réunion. Par conséquent, les Etats ont pour obligation positive
de promouvoir et encourager l’accès à Internet. Le Rapporteur spécial des Nations
Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a
récemment déclaré:
41
Etant donné que l’Internet est devenu un outil indispensable à la réalisation de
nombreux droits humains, au combat contre l’inégalité et à l’accélération du
développement et du progrès humain, la garantie d’un accès universel à Internet
doit être considérée comme une priorité par tous les Etats.
Le Rapporteur spécial a recommandé aux Etats de concevoir des politiques concrètes
impliquant toutes les parties prenantes en vue d’assurer un accès universel à Internet,
c’est-à-dire de rendre Internet largement disponible, accessible et abordable à tous
les segments de la population. Il a notamment proposé que les Etats travaillent en
partenariat avec le secteur privé afin de garantir un accès à Internet dans toutes les
localités habitées, y compris dans les zones rurales isolées. Il a également noté que les
Etats doivent accorder des subventions pour accéder aux services d’Internet et à des
matériels peu coûteux.
De la même façon, les quatre mandataires spéciaux pour la liberté d’expression ont
énoncé un certain nombre de principes sur l’accès à Internet dans leur Déclaration
conjointe en 2011 sur la liberté d’expression et l’Internet:
6. Accès à Internet
(a) La réalisation du droit à la liberté d’expression impose aux Etats l’obligation
de promouvoir un accès universel à Internet. L’accès à Internet est également
nécessaire pour promouvoir le respect des autres droits comme le droit à
l’éducation, à la santé et au travail, le droit de réunion et d’association, et le
droit de participer à des élections libres.
(b) La coupure de la connexion à Internet, ou à des parties de l’Internet, imposée
à des populations entières ou des segments du public (coupure d’Internet) ne
peut jamais se justifier, y compris pour protéger l’ordre public ou la sécurité
nationale. Il en est de même des ralentissements délibérés du trafic sur Internet
ou sur des parties d’Internet.


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30
(c) La sanction consistant à suspendre l’accès à Internet est une mesure extrême
qui ne peut se justifier que si des mesures moins restrictives ne sont pas
disponibles ou que la suspension a été ordonnée par un tribunal, en tenant
compte de l’impact de cette mesure sur la jouissance des droits humains.
(d) Les autres mesures qui entravent l’accès à Internet, comme l’obligation
d’enregistrement ou autres contraintes imposées aux fournisseurs de services,
ne sont légitimes qu’à condition d’être conformes aux critères prescrits par le
droit international.
(e) Les Etats sont tenus de faciliter un accès universel à Internet. Ils doivent, au
minimum:
– Mettre en place des mécanismes de régulation – qui peuvent inclure des
systèmes de tarification, des obligations de service universel et des contrats
de licence – qui favorisent un accès plus large à Internet, y compris pour les
populations démunies et dans les zones rurales «du dernier kilomètre».

Fournir un soutien direct pour faciliter l’accès, y compris en créant
des centres de technologies de l’information et de la communication
communautaires et d’autres points d’accès publics.
– Promouvoir une sensibilisation adéquate à l’utilisation d’Internet et
aux avantages qu’il peut procurer, notamment au sein des populations
démunies, des enfants et des personnes âgées, et des populations rurales
isolées.
– Mettre en place des mesures spéciales pour garantir un accès équitable à
Internet aux personnes handicapées et défavorisées.
(f) Pour mettre en œuvre ces mesures, les Etats doivent adopter des plans
d’actions pluriannuels détaillés visant à améliorer l’accès à Internet qui incluent
des cibles claires et spécifiques, ainsi que des critères de transparence, des
rapports publics et des,mécanismes de supervision.
Dans une perspective comparative, il convient de noter que certains pays occidentaux
ont expressément reconnu un droit d’accès à Internet dans leur législation nationale
ou par d’autres voies. Par exemple, le Conseil constitutionnel français a déclaré en
2009 que l’accès à Internet était un droit fondamental. En Finlande, un décret adopté
en 2009 spécifie que toute connexion à Internet doit être d’au moins 1 megabit
par seconde. L’accès à Internet est également reconnu comme un droit humain
fondamental en Estonie depuis 2000.
B - Neutralité du réseau
Le principe de «neutralité du réseau» ou «neutralité du net» est une composante
importante du droit d’accès à Internet. Il protège le droit des usagers à accéder aux
contenus, applications, services et équipements informatiques de leur choix sans
restrictions imposées par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou les Etats.




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31
Le principe de neutralité du net exige que tout le trafic sur Internet soit traité sur le
même plan d’égalité, c’est-à-dire sans discrimination basée sur le contenu, le matériel,
l’auteur, l’origine ou la destination du contenu, le service ou l’application. En d’autres
termes, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou les Etats ne doivent pas être
autorisés à exercer un contrôle sur l’infrastructure d’Internet ou à user de leur pouvoir
pour bloquer des contenus, ou privilégier ou ralentir l’accès à des applications et des
services, comme la transmission «peer-to-peer».
Autrement dit, la neutralité du net est indispensable pour préserver l’infrastructure
d’Internet et son ouverture. Elle est également essentielle pour partager des
informations et des idées sur Internet selon les termes prévus par les législations
internationales relatives aux droits de l’homme. De ce fait, les quatre mandataires
spéciaux pour la liberté d’expression ont adopté une série de principes sur la neutralité
du net dans leur Déclaration conjointe en 2011 sur la liberté d’expression et Internet.
En particulier, ils ont fait la déclaration suivante :
42
Neutralité du Net
(a) Doit être interdite toute discrimination dans le traitement des données et
le trafic sur Internet fondée sur un terminal, contenu, auteur, origine et/ou
destination du contenu, un service ou une application...
(b) Les intermédiaires d’Internet sont tenus de garantir la transparence dans la
gestion du trafic ou de l’information, et des informations pertinentes sur cette
gestion doivent être mises à disposition des parties prenantes sous une forme
accessible.
L’adoption de toute législation nationale relative à la neutralité d’Internet doit tenir
compte de ces critères. A cet égard, la récente loi chilienne sur la neutralité du net
offre un exemple positif de sauvegardes relativement complètes contre les pratiques
discriminatoires des FAI.
43
En particulier, il est important de prévoir des sauvegardes suffisantes contre la
discrimination entre différents types de services en ligne, tels que les bandes
passantes fixe et mobile. Par exemple, ARTICILE 19 a critiqué les règles adoptées en
décembre 2010 par la Commission fédérale des communications américaine (Federal
Communications Commission ou FCC) qui n’accordent pas de protections suffisantes
dans ce domaine.
44 L’Union européenne examine actuellement l’adoption de règles de
neutralité du net.


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La protection de la liberté
sur Internet en Tunisie :
la voie à suivre
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33
Cette section examine six domaines majeurs de la liberté d’expression sur Internet,
qui doivent être réformés par le gouvernement de transition, afin de satisfaire aux
obligations de la Tunisie en vertu du PIDCP. Ils comprennent:
– L’inscription de la protection de la liberté sur Internet dans la Constitution,
– la réglementation du contenu en ligne,
– la réglementation des blogueurs et des journalistes citoyens,
– la responsabilité des fournisseurs d’accès à Internet,
– la surveillance
– l’accès à Internet et la neutralité du réseau.
I. La Constitution et la liberté d’expression sur Internet
Le droit à la liberté d’expression était auparavant protégé par l’Article 8 de la
Constitution tunisienne de 1959. Bien évidemment, cet article ne contenait
aucune référence à Internet ni à toute autre technologie de l’information et de
la communication. La suspension de la constitution de 1959 et l’élection d’une
Assemblée Nationale Constituante qui a pour mission d’élaborer une nouvelle
constitution offrent une excellente occasion d’adopter des dispositions modernes sur la
protection de la liberté d’expression qui tiennent compte des nouvelles technologies de
l’information et de la communication, notamment Internet.
ARTICLE 19 a déjà proposé un certain nombre de recommandations sur le type de
mesures à inclure dans la nouvelle Constitution pour garantir une protection maximale
du droit à la liberté d’expression et d’information. Nous avons notamment proposé
de reconnaître le droit d’accès à Internet dans la Constitution, à l’instar d’un certain
nombre de pays qui ont officiellement reconnu ce droit comme un droit humain
fondamental. Ce document ne peut que réitérer cette recommandation déjà faite et
renvoyer aux standards internationaux pertinents sur l’accès à Internet mentionnés
ci-dessus. Par ailleurs, nous recommandons que la Constitution protège la liberté
d’expression tout en restant le plus neutre possible sur le plan de la technologie.
Recommandations:
Reconnaître le droit d’accès à Internet dans la Constitution.
Protéger la liberté d’expression dans la Constitution tout en
restant le plus neutre possible sur le plan technologique.
Etendre les dispositions de l’avant-projet de la constitution
à la liberté d’opinion et d’expression et énoncer le principe
que le contenu des restrictions doit être conforme aux
standards internationaux et répondre, dans tous les cas,
aux principes de la nécessité et de la proportionnalité.
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34
II. Réglementation des contenus en ligne
A la connaissance d’ARTICLE 19, la Tunisie n’a adopté aucune loi régissant
spécifiquement les contenus en ligne, en accord avec la législation de la plupart des
pays démocratiques qui ne tendent à avoir des réglementations différentes que pour
la diffamation, le discours de haine, l’incitation aux actes terroristes, etc. Ces lois sont
applicables à toutes les formes d’expression, indépendamment des médias.
De même, les standards internationaux relatifs à la protection de la liberté d’expression
sont applicables aux contenus, qu’ils soient imprimés, radiophoniques et télévisuels
ou en ligne. A cet égard, nous renvoyons à la section ci-dessus relative aux standards
internationaux sur la réglementation des contenus en ligne. Nous attirons notamment
l’attention sur les recommandations suivantes du Rapporteur spécial sur la liberté
d’expression :
– Les seuls types d’expressions exceptionnels devant être interdits par les Etats en
vertu de la législation internationale sont :
(a) la pornographie enfantine;
(b) l’incitation directe et publique à commettre un génocide;
(c) le discours de haine ;
(d) l’incitation à la violence.
– La législation pénalisant ces types d’expression doit être suffisamment précise
et prévoir des sauvegardes adéquates et effectives contre les abus, y compris par
la mise en place de mecanisme de protection et l’examen par un tribunal ou une
instance de régulation indépendante et impartiale.
– Les lois relatives au discours de haine visant l’expression en ligne ne doivent pas
être ambiguës, elles doivent viser un objectif légitime et respecter les principes de
nécessité et de proportionnalité.
– La diffamation doit être dépénalisée.
– Les autres infractions liées à l’expression, notamment la dissémination de fausses
nouvelles ou d’informations erronées, doivent être dépénalisées.
Concernant la pornographie enfantine diffusée en ligne, ARTICLE 19 note que la
Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe donne des indications utiles
sur la manière de formuler cette infraction. En particulier, l’Article 9 stipule:
Article 9 – Infractions se rapportant à la pornographie enfantine
1
Chaque Partie adopte les mesures législatives et autres qui se révèlent
nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à son droit interne,
les comportements suivants lorsqu’ils sont commis intentionnellement et sans
droit:
(a) la production de pornographie enfantine en vue de sa diffusion par le biais
d’un système informatique;






Page 37
35
(b) l’offre ou la mise à disposition de pornographie enfantine par le biais d’un
système informatique;
(c) la diffusion ou la transmission de pornographie enfantine par le biais d’un
système informatique;
(d) le fait de se procurer ou de procurer à autrui de la pornographie enfantine
par le biais d’un système informatique;
(e) la possession de pornographie enfantine dans un système informatique ou
un moyen de stockage de données informatiques.
2
Aux fins du paragraphe 1 ci-dessus, le terme «pornographie enfantine»
comprend toute matière pornographique représentant de manière visuelle:
(a) un mineur se livrant à un comportement sexuellement explicite;
(b) une personne qui apparaît comme un mineur se livrant à un comportement
sexuellement explicite;
(c) des images réalistes représentant un mineur se livrant à un comportement
sexuellement explicite.
Aux fins du paragraphe 2 ci-dessus, le terme «mineur» désigne toute personne
âgée de moins de 18 ans. Une Partie peut toutefois exiger une limite d’âge
inférieure, qui doit être au minimum de 16 ans.
Une Partie peut se réserver le droit de ne pas appliquer, en tout ou en partie,
les paragraphes 1, alinéas d. et e, et 2, alinéas b. et c.
3
4
Par ailleurs, nous réitérons les recommandations figurant dans notre analyse juridique
du Code de la Presse tunisien à propos des sanctions pénales visant en particulier la
presse écrite et les journalistes.
ARTICLE 19 note que la disponibilité de contenus pornographiques sur le réseau
Internet a créé de vives polémiques en Tunisie (voir la section I ci-dessus). ARTICLE
19 rappelle que la pornographie N’EST PAS un des types d’expression devant être
interdits selon le droit international. Par ailleurs, le Comité des droits de l’homme des
Nations Unies a récemment réaffirmé que les restrictions à la liberté d’expression en
vue de protéger les bonnes moeurs doivent être fondées sur une large compréhension
de la notion de « bonnes moeurs », c’est-à-dire des mœurs qui ne découlent pas
exclusivement d’une tradition sociale, philosophique ou religieuse donnée.
45
Néanmoins, nous reconnaissons les préoccupations légitimes des parents qui désirent
protéger leurs enfants des contenus pornographiques en ligne. Cependant, ils ne
doivent pas le faire aux dépens de la liberté d’expression et en particulier du droit
des adultes à accéder à ces contenus. Partant, des organisations internationales
comme le Conseil de l’Europe ont préconisé l’utilisation de filtres sous le contrôle des
utilisateurs finaux afin de préserver un équilibre approprié entre la liberté d’expression
et la protection des enfants.46 En revanche, les sytèmes de filtrage obligatoires imposés
par l’Etat ou des services commerciaux seraient incompatibles avec la législation
internationale et constitueraient une forme de censure préalable.47














Page 38
36
Recommandation:
Nous réitérons nos Recommandations figurant dans
notre analyse juridique du Code de la presse tunisien :
la diffamation doit être dépénalisée et les dispositions
relatives aux discours de haine figurant dans le Code doivent
être plus rigoureusement formulées.
III. Réglementation des journalistes citoyens et des blogueurs
ARTICLE 19 n’a pas connaissance d’un cadre juridique particulier régissant les
journalistes citoyens et les blogueurs en Tunisie. ARTICLE 19 considère que les blogueurs
doivent être assujettis aux mêmes législations civiles et pénales que les autres.
48 En
particulier, les blogueurs et les journalistes citoyens ne doivent pas être enregistrés
comme des sociétés de média accréditées. De plus, ils ne doivent pas en principe être
soumis aux mêmes contrôles éditoriaux que les médias.
Nous notons que les journalistes professionnels ont exprimé leur réserve quant au
principe de faire bénéficier les blogueurs et les journalistes citoyens des mêmes garanties
(dont bénéficient les journalistes professionnels) par crainte qu’une telle assimilation
puisse donner lieu à d’éventuels abus commis par les blogueurs et journalistes citoyens
et être utilisée comme motif d’introduction de nouvelles restrictions sur la liberté
d’expression.
Cependant, nous restons d’avis que, du point de vue des principes, la définition du
journalisme doit être suffisamment large pour englober les blogueurs et les journalistes
citoyens et leur accorder les mêmes droits et les mêmes protections juridiques que les
journalistes professionnels.
Enregistrement
ARTICLE 19 soutient totalement la définition du journalisme proposée par le Comité
des droits de l’homme des Nations Unies. Selon nous, le journalisme est une activité
(ou une fonction) et non une profession, ouverte à tout individu qui peut l’exercer
indépendamment de ses qualifications en vertu de son droit à la liberté d’expression.
Nous pensons par conséquent que les activités des blogueurs et des journalistes citoyens
doivent être protégées.
Fidèles à ce principe et persistant à rejeter toute réglementation de la presse écrite qui
permet aux gouvernements de restreindre excessivement le droit à la liberté d’expression
et d’information, nous sommes convaincus que les blogueurs et les journalistes citoyens
ne doivent être soumis à aucune obligation d’enregistrement.
Comme indiqué ci-dessus, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a rejeté
l’idée que les journalistes, y compris les journalistes citoyens et les blogueurs, doivent
être enregistrés ou obtenir une licence d’exploitation. De plus, le Rapporteur spécial a
appelé les Etats à s’abstenir d’adopter des systèmes d’enregistrement sous une véritable
identité.49 Autrement dit, l’anonymat doit être préservé. Nous soutenons pleinement cette
opinion.
Page 39
37
En conséquence, nous recommandons que les blogueurs et les journalistes citoyens
ne SOIENT PAS assujettis à une procédure d’enregistrement ou d’octroi de licence.
De même, les politiques d’enregistrement sous une véritable identité doivent être rejetées.
Contrôle éditorial
ARTICLE 19 considère que les blogueurs et les journalistes citoyens ne DOIVENT
PAS être assujettis aux mêmes obligations de contrôle éditorial que les journalistes.
Il est bien établi dans le droit international que les individus exerçant leur liberté
d’expression ont certains « devoirs et responsabilités ». Cependant, la portée de ces
devoirs et responsabilités doit toujours tenir compte de la situation de la personne, y
compris de ses ressources et des moyens techniques dont il dispose.
50 Par exemple, il
serait injuste d’obliger un individu qui crée un blog pendant son temps libre à vérifier
ses informations alors que ce critère est raisonnablement applicable à un journaliste
travaillant pour une grande société de média. Le Conseil de l’Europe a opté pour une
approche similaire en appelant les Etats à adopter des réponses différenciées selon les
niveaux de responsabilité éditoriale. Par conséquent, ARTICLE 19 préconise que les
devoirs et responsabilités des blogueurs et des journalistes citoyens soient limités aux
devoirs de tous les citoyens en matière de respect des lois (voir section ci-dessous).
Responsabilité civile et pénale
Comme indiqué ci-dessus, la législation ne fait généralement aucune distinction
entre les journalistes et le reste de la population en matière de responsabilité civile et
pénale.
51 Les blogueurs et les journalistes citoyens sont par conséquent assujettis à ces
mêmes législations, comme par exemple les lois relatives à la diffamation. Cependant,
quand ils exercent une activité journalistique, ils doivent bénéficier des mêmes
protections juridiques que les journalistes (voir ci-dessous).
Protection juridique
ARTICLE 19 pense que les journalistes citoyens et les blogueurs doivent bénéficier
des mêmes protections juridiques, y compris des défenses fondées sur les principes
d’opinion honnête, de véracité et d’intérêt public, disponibles pour les organisations
professionnelles des médias dans les procédures de diffamation. En effet, la plupart
des lois civiles et pénales relatives à la diffamation sont formulées en termes généraux
et ne désignent pas spécifiquement les journalistes comme les seuls bénéficiaires
de ces protections, bien qu’en pratique les lois relatives à la diffamation aient été
principalement appliquées à des déclarations faites par des médias.
De plus, considérant l’importance croissante d’Internet en tant que source de nouvelles
et d’informations, ARTICLE 19 pense qu’il serait irréaliste de limiter la portée des
défenses, et des mesures de protection juridiques en général, aux seuls journalistes
rémunérés. Cela s’applique aussi, à notre avis, à la protection des sources. De ce fait,
nous avons récemment noté dans notre analyse juridique du Code de la Presse tunisien
que la définition du «journaliste» était trop restrictive et devait englober également les
journalistes citoyens et tous les individus engagés dans la diffusion de l’information.
Cependant, nous reconnaissons qu’il n’y a actuellement aucun consensus au niveau
international sur la protection des sources pour les blogueurs et les journalistes citoyens.
Page 40
38
Recommandations:
Les blogueurs et les journalistes citoyens ne doivent
PAS faire l’objet d’une réglementation spécifique.
Les blogueurs et les journalistes citoyens ne doivent
PAS faire l’objet d’un enregistrement.
Les blogueurs et les journalistes citoyens ne doivent PAS
être tenus de s’enregistrer sous leur véritable identité.
Les blogueurs et les journalistes citoyens ne doivent
PAS être assujettis aux mêmes devoirs et responsabilités
que les journalistes.
Les blogueurs et les citoyens journalistes doivent bénéficier
de la protection des sources et de toutes les garanties
accordées aux journalistes professionnels, tant que l’objectif
de leur activité est de présenter au public un produit
journalistique.
IV. Responsabilité des fournisseurs d’accès à Internet
En Tunisie, la responsabilité des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) est régie par
le décret n° 97-501 du 14 mars 1997 relatif aux services à valeur ajoutée des
télécommunications et par l’arrêté du 22 mars 1997 fixant les clauses particulières à la
mise en œuvre et l’exploitation des services à valeur ajoutée des télécommunications
de type Internet, qui ont été tous deux promulgués sous le régime de Ben Ali.
Si ces législations semblent ne pas avoir été mises en œuvre depuis la révolution,
elles sont toujours en vigueur. Par ailleurs, les décrets d’application du code des
télécommunications, adopté en 2001 et amendé, depuis, à plusieurs reprises, n’ont
jamais été publiés.
De l’avis d’ARTICLE 19, les mesures régissant la responsabilité des FAI en Tunisie
sont très problématiques et ne respectent pas les standards internationaux relatifs à la
protection de la liberté d’expression.
Selon l’Article 1 du Décret n° 97- 501 du 14 mars 1997, la production, la fourniture
d’accès, la distribution et l’hébergement d’informations au moyen de services
informatiques sont régis par le Code de la presse. L’Article 14 prévoit également que
tous les fournisseurs de services doivent désigner un directeur responsable du contenu
du service fourni aux utilisateurs conformément aux dispositions du Code de la presse.
Lues conjointement, ces mesures signifient que les FAI sont responsables des contenus
publiés par des tiers. Le Décret ne prévoit aucune exception à cette règle.
Page 41
39
L’Article 9 de l’arrêté du 22 mars 1997 expose dans le détail les obligations des FAI
relatives au contenu des services. En particulier, le directeur responsable du contenu
en ligne est tenu d’assurer une surveillance constante des données pour ne pas laisser
perdurer des informations contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs. En outre, le
directeur doit conserver pendant une année sur des supports écrits et magnétiques une
copie du contenu des pages et des serveurs hébergés nécessaire à l’administration de la
preuve. Quand un FAI ferme ou cesse de diffuser ses services, le directeur responsable
du contenu en ligne doit remettre «sans délai» l’ensemble des supports d’archivage à
l’Agence tunisienne d’Internet.
Selon ARTICLE 19, les dispositions actuelles enracinent durablement la censure sur
Internet. Nous sommes particulièrement préoccupés par l’obligation imposée aux FAI
de surveiller et de retirer les contenus contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs.
Comme noté précédemment, les mandataires spéciaux pour la liberté d’expression
ont bien souligné que l’obligation imposée aux FAI et autres fournisseurs de services
d’Internet de surveiller les contenus équivalait à une censure préalable. Par ailleurs, ils
ont clairement établi que la responsabilité des intermédiaires ne pouvait être engagée
que s’ils étaient intervenus sur un contenu donné et que tout retrait d’un contenu
produit par un tiers devait être ordonné par un tribunal.
A cet égard, nous sommes satisfaits du fait qu’après la révolution, les retraits de
contenus aient été toujours ordonnés par des autorités juridiciaires.
52 Nous saluons
également la récente décision de la Cour de cassation qui a infirmé la décision de la
Cour d’Appel ordonnant à l’Agence tunisienne d’Internet de mettre en place un système
de filtrage et de blocage pour empêcher l’accès à des contenus pornographiques.
Néanmoins, nous regrettons que la décision de la Cour de cassation n’ait pas réussi
à établir que le filtrage ou le blocage total des contenus pornographiques était
disproportionné. Il convient de rappeler que tout ordre de blocage doit répondre aux
critères du test en trois volets établi par le droit international. En particulier, il doit avoir
un fondement juridique clair, poursuivre un objectif légitime et être proportionné au but
recherché. Par exemple, un ordre de blocage d’un site web entier au lieu d’une page
particulière serait très probablement contraire aux standards internationaux relatifs
à la protection de la liberté d’expression. Dans la mesure où les sites web pourraient
contenir des contenus à la fois licites et illicites, la suppression de la totalité du site
signifierait que le contenu licite serait lui aussi supprimé, ce qui serait disproportionné.
De même, il y a un risque inhérent de blocage total dans le filtrage obligatoire
de tous les contenus pornographiques. De ce fait, ce type de mesure est à la fois
disproportionné et contraire au droit international.
Pour toutes ces raisons, ARTICLE 19 recommande d’abroger immédiatement toutes les
dispositions relatives à la responsabilité des FAI. Cela serait également le signe que la
Tunisie s’est engagée à mettre un terme à la censure d’Etat. De plus, la législation doit
refléter le principe essentiel selon lequel les FAI, et tous les intermédiaires en général,
ne doivent être tenus responsables que des contenus dans lesquels ils sont directement
intervenus. Par ailleurs, ils ne devraient être contraints de retirer ou bloquer des
contenus uniquement que sur ordre d’un tribunal ou autre autorité juridictionnelle.
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40
Recommandations:
Les articles 1 et 14 du Décret sur les Télécommunications
spécifiant les responsabilités des fournisseurs d’accès à
Internet doivent être supprimés.
L’article 9 de l’arrêté du 22 mars 1997 précisant les
obligations des FAI en matière de contenus doit être
supprimé.
Les articles ci-dessus mentionnés doivent être remplacés
par de nouvelles mesures exemptant les intermédiaires de
responsabilité pour les contenus produits par des tiers.
La législation doit prévoir une disposition stipulant qu’il est
interdit aux intermédiaires de surveiller des contenus qui
circulent sur leurs réseaux.
La législation doit stipuler que seuls les tribunaux sont
habilités à ordonner des mesures de blocage/filtrage/retrait
de contenus, dans le respect des principes de nécessité et
de proportionnalité.
V. Technologies de cryptage, anonymat et
sécurité informatique
Technologies de cryptage
ARTICLE 19 est préoccupé par le fait que les articles 9 et 87 du code des
télécommunications contraignent les fournisseurs d’accès à Internet à obtenir
l’autorisation du ministre chargé des communications pour la transmission
d’informations cryptées et sanctionnent tout usage des moyens de cryptage par de
lourdes sanctions (emprisonnement y compris) pour quiconque utilise des moyens
de cryptage sans autorisation. Cela signifie que la capacité des usagers d’Internet à
préserver la confidentialité de leurs communications ou à accéder à Internet et d’autres
technologies de l’information et de la communication, sans ingérence ni surveillance,
est sévèrement limitée.
La protection du caractère privé des communications est essentielle pour créer un
environnement dans lequel les individus sont assurés de pouvoir s’exprimer librement.
Le Rapporteur spécial des Nations unies pour la liberté d’expression a clairement
spécifié que le droit à une correspondance privée engendre l’obligation de l’Etat de
garantir que les courriers électroniques et les autres formes de communication en ligne
parviennent véritablement aux destinataires désirés sans ingérence ou examen par des
organismes d’Etat ou des tiers.53
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41
L’interdiction totale des technologies de cryptage sans accord préalable du ministre
chargé des communications constitue une ingérence arbitraire et compromet le droit
des usagers d’Internet à préserver la confidentialité de leurs communications privées.
En sapant la confiance des utilisateurs d’Internet dans la confidentialité de leurs
communications, cette mesure a aussi un effet dissuasif sur la libre circulation de
l’information. De ce fait, les articles 9 et 87 susmentionnés violent clairement les
termes des Articles 17 et 19 du PIDCP.
Par conséquent, ARTICLE 19 recommande d’abroger ces dispositions ainsi que tous
les textes réglementaires afférents à ce sujet (décret N°2001-2727 du 20 novembre
2001 relatif aux conditions et procédures d’utilisation des technologies de cryptage,
tel qu’amendé par le décret N°2007-1070 du 2 mai 2007 fixant les restrictions
et les sanctions résultant de l’utilisation des technologies de cryptage). Toutefois,
cela ne devrait pas empêcher les autorités publiques de demander des juridictions
compétentes l’autorisation de décryptage des communications, dans des circonstances
soigneusement définies par la loi, comme l’investigation de crimes graves, dans
le respect des principes de nécessité et de proportionnalité garantis par le droit
international.
Anonymat
ARTICLE 19 est également préoccupé par l’Article 8 de la Réglementation d’Internet
qui contraint les fournisseurs de services à communiquer à l’opérateur public, c’est-
à-dire à l’Agence tunisienne d’Internet, une liste de tous leurs abonnés au début de
chaque mois. Cette obligation ne répond pas au critère de nécessité et, de ce fait, est
interdite par l’Article 17 du PIDCP (droit à la vie privée). Par ailleurs, ce type de mesure
peut mener à l’autocensure et, de ce fait, est contraire à l’Article 19 du PIDCP.
Cela ne signifie pas que ce type d’information ne doit jamais être mis à disposition
des autorités. En particulier, la législation doit définir les circonstances dans
lesquelles les autorités chargées de la mise en œuvre de la loi peuvent appliquer une
ordonnance autorisant la divulgation de l’identité des usagers d’Internet, ou, le cas
échéant, des données de leurs communications, ou permettant l’interception de leurs
communications. Toutefois, toute mesure de ce type doit être autorisée par un juge,
conformément aux principes de nécessité et de proportionnalité requis par le droit
international. En effet, dans la mesure où la Tunisie se démarque de l’ère Ben Ali et
de ses pratiques répressives, nous suggérons également l’adoption d’un nouveau cadre
juridique régissant strictement la surveillance d’Internet dans le respect des standards
internationaux énoncés ci-dessus.
Sécurité informatique
ARTICLE 19 s’inquiète, par ailleurs, de ce que la loi N°2004-5 relative à la
sécurité informatique reste en vigueur, dans la mesure où le caractère général de
cette législation et les larges pouvoirs attribués à l’agence nationale de la sécurité
informatique (ANSI) sont de nature à instituer une forme de censure d’Internet sous
couvert de responsabilités d’ordre technique. Il semblerait que cela ait d’ailleurs été le
cas sous le régime Ben Ali.
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42
En effet, la loi confie à l’ANSI la mission de contrôler les systèmes informatiques
publics et privés et de veiller à la mise en œuvre des stratégies nationales en
matière de sécurité informatique. En outre, l’ANSI est chargée d’établir les normes
techniques de sécurité informatique. Or, la notion de «sécurité informatique» n’est ni
définie dans la loi ni dans son décret d’application. De même ni la loi, ni son décret
d’application ne précise à quelles fins certains logiciels de filtrage peuvent être utilisés.
Etant donné le caractère vague de la loi, on ne peut que conclure qu’elle permet en
principe l’utilisation de techniques de filtrage telles que l’«Inspection des Paquets en
Profondeur» à des fins de censure.
54 
ARTICLE 19 relève également que l’ANSI est chargée de conduire un audit périodique
obligatoire de la sécurité informatique des réseaux informatiques publics et privés.
Ceci constitue, à notre avis, en tous cas en ce qui concerne les réseaux privés, une
ingérence injustifiée dans le droit à la vie privée et la liberté d’expression, d’autant plus
que l’ANSI dépend directement du ministère des technologies de la communication.
A cet égard, il est à noter que dans de nombreux pays, le contrôle technique des
réseaux informatiques privés est effectué par les opérateurs fournissant ce type de
services, c’est-à-dire sous forme d’auto-régulation.
Au vu de ce qui précède, et eu égard aux pratiques de surveillance sous le régime
Ben Ali, ARTICLE 19 considère que le risque d’utilisation de la loi N°2004-5 relative
à la sécurité informatique à des fins de censure ne saurait être écarté. Au minimum,
cette loi devrait donc être révisée en vue de définir étroitement le terme ‘sécurité
informatique’ et de limiter les prérogatives de l’ANSI, notamment en bornant son
domaine d’intervention à un contrôle purement technique des systèmes et réseaux
informatiques de l’Etat.
Recommandations:
Les articles 9 et 87 du code des télécommunications et 11
du décret n° 97-501 interdisant l’usage de technologies de
cryptage sans autorisation préalable des autorités doivent
être supprimés.
L’article 8 du décret n° 97-501 obligeant les fournisseurs
de services à communiquer une liste de leurs abonnés à
l’opérateur public, à savoir l’Agence tunisienne d’Internet,
doit être supprimé.
Nécessité de réviser la loi N°2004-5 relative à la sécurité
informatique en vue de définir étroitement le terme ‘sécurité
informatique et de limiter les prérogatives de l’Agence
Nationale de sécurité informatique en matière de contrôle
technique des systèmes informatiques et des réseaux.
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43
VI. Protection de la vie privée et des données à caractère
personnel
Protection de la vie privée
ARTICLE 19 est préoccupé par l’apparente absence d’un cadre juridique réglementant
les écoutes téléphoniques et l’accès aux communications électroniques en vue de
protéger la vie privée de manière compatible avec l’article 17 du PIDCP. A cet égard,
nous notons que le rapporteur spécial de l’ONU pour la protection et la promotion de
la liberté d’expression a tout récemment appelé les Etats à revoir leurs lois relatives
à l’accès aux données de communications afin de les aligner avec les standards
internationaux des droits de l’homme applicables en la matière.
55 ARTICLE 19 ne
peut que réitérer cette invitation et encourager le gouvernement tunisien à encadrer
strictement l’accès à ce type de données dans le respect du droit à la vie privée et du
droit à la liberté d’expression.
Protection des données à caractère personnel
ARTICLE 19 s’inquiète de l’utilisation récente de la loi N°2004-63 du 27 juillet 2004
portant sur la protection des données à caractère personnel contre les blogueurs.
En effet, le ministre tunisien des affaires étrangères a déposé une plainte contre la
blogueuse Olfa Riahi en janvier 2013 sur la base de nombreux textes notamment les
articles 89 et 90 de la loi organique N°2004-63 relative à la protection des données à
caractère personnel. La blogueuse en question avait évoqué une relation suspecte entre
le ministre et l’une de ses proches en mentionnant notamment le fait que cette derniere
avait passé une nuit dans le même hôtel que le ministre.
En vertu de l’article 89 de la loi, est puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende
de cinq mille dinars, celui qui «intentionnellement communique des données à
caractère personnel pour réaliser un profit pour son compte personnel ou le compte
d’autrui ou pour causer un préjudice à la personne concernée». En outre, l’article 90
punit d’un an d’emprisonnement et d’une amende de cinq mille dinars quiconque
effectue intentionnellement un traitement des données à caractère personnel sans
déclaration préalable ou sans l’obtention de l’autorisation préalable de l’instance
nationale de protection des données à caractère personnel ou communique les données
à caractère personnel sans le consentement de la personne concernée ou l’accord de
l’Instance dans les cas prévus par la loi.
Or, la loi ne prévoit pas d’exemptions ou de dérogations à l’application des dispositions
de protection des données dans le cadre du traitement de données effectué à des
fins journalistique, artistique, littéraire ou culturelle. Ces dérogations sont cependant
essentielles afin de permettre aux journalistes, blogueurs et journalistes citoyens de
procéder à des opérations d’investigation pour dévoiler certaines vérités.
Il ressort de ce qui précède que l’utilisation par un blogueur de certaines données à
caractère personnel pouvant rendre une personne physique quelconque identifiable,
sans avoir obtenu une autorisation préalable de l’instance nationale en la matière, le
rend immédiatement passible de sanctions en vertu des articles 89 et 90 de la loi
N°2004-63.
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44
Par conséquent, en l’absence de dérogations ou exemptions à l’application des
dispositions de protection des données dans le cadre du traitement de données effectué
à des fins journalistique, artistique, littéraire ou culturelle, ARTICLE 19 considère que
la loi N°2004-63 du 27 juillet 2004 est incompatible avec le droit international.
Enfin, il convient de noter que cette loi permet aux différentes autorités publiques
le traitement des données personnelles sans le consentement de la personnne
concernée et sans besoin de déclaration ou d’autorisation de l’instance nationale de
protection des données à caractère personnel: les pouvoirs larges que leur accorde la
loi peuvent pousser les blogueurs et journalistes citoyens à s’autocensurer par crainte
des poursuites des autorités, qui disposent de toutes les données personnelles les
concernants, pour un motif ou un autre.
Recommandations :
Les conditions d’accès aux contenus des correspondances
et de leur utilisation par les autorités publiques doivent être
clairement définies.
La loi sur la protection des données à caractère personnel
devrait contenir une exemption à l’application des
dispositions de protection des données dans le cadre du
traitement de données effectué à des fins journalistique,
artistique, littéraire ou culturelle.
VII. Accès à Internet et neutralité du réseau
Accès universel à Internet
ARTICLE 19 a déjà recommandé que l’accès à Internet soit reconnu comme un droit
à part entière (voir section sur la Constitution ci-dessus). De plus, les mandataires
spéciaux pour la protection de la liberté d’expression ont proposé de mettre en
place des politiques favorisant un accès universel à Internet. Par conséquent, nous
encourageons le gouvernement par intérim à examiner attentivement ces propositions,
qui sont reprises ci-dessus.
Octroi d’une licence d’exploitation aux fournisseurs de services
Comme indiqué ci-dessus, en Tunisie, les services d’Internet sont réglementés par le
décret N°97-501 du 14 mars 1997 et l’arrêté du 22 mars 1997, qui ont été tous deux
promulgués sous le régime de l’ancien président Ben Ali.
Selon l’article 7 du décret 501, les fournisseurs de services doivent obtenir une licence
d’exploitation délivrée par le ministre chargé des communications pour l’exploitation
des services d’Internet. L’article 7 de l’arrêté du 22 mars 1997 stipule que la licence
d’exploitation est délivrée à condition de satisfaire à un certain nombre d’obligations
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45
techniques et financières, certificats d’homologation de tous les équipements et
accessoires nécessaires, et avis favorable de la commission des services à valeur
ajoutée des télécommunications composée exclusivement de représentants du
gouvernement. De plus, ARTICLE 19 croit comprendre que les fournisseurs d’accès à
Internet sont tenus d’obtenir une autorisation de l’Agence tunisienne d’Internet (ATI)
pour exploiter des services électroniques.
Selon ARTICLE 19, le cadre juridique actuel régissant les services d’Internet
ne respecte pas les standards internationaux relatifs à la protection de la liberté
d’expression. En particulier, il ressort clairement du décret 501 et de l’arrêté du
14 mars 1997 que la fourniture de services Internet est sous le contrôle étroit du
gouvernement, en violation de ces standards.
Selon le droit international, l’enregistrement des fournisseurs de services n’est légitime
que s’il est conforme aux critères du triple test. A cet égard, le Rapporteur spécial des
Nations Unies a affirmé que contrairement au secteur de la télé et radiodiffusion, pour
lequel l’enregistrement ou l’octroi d’une licence d’exploitation a été nécessaire pour
permettre aux Etats de distribuer les fréquences limitées, ces obligations ne peuvent
être justifiées dans le cas d’Internet qui peut s’adapter à un nombre illimité de points
d’entrée et un nombre fondamentalement illimité d’utilisateurs.
56
Si ARTICLE adhère à cette opinion, nous reconnaissons qu’une législation limitée au
secteur des télécommunications peut être nécessaire afin d’éviter un monopole d’Etat
et de garantir un accès équitable à l’infrastructure d’Internet. De plus, des obligations
d’enregistrement techniques peuvent être admissibles sous certaines conditions:
(i) aucun pouvoir discrétionnaire ne peut refuser un enregistrement quand les
informations requises ont été fournies;
(ii) les obligations ne doivent pas imposer des contraintes importantes aux
fournisseurs d’accès à Internet;
(iii) les obligations ne doivent pas être excessivement lourdes; et
(iv) les obligations doivent être administrées par un organisme indépendant.
Nous notons, par exemple, que dans l’Union européenne, la fourniture de réseaux
ou de services de communication électroniques ne peut être assujettie qu’à des
autorisations générales. La société concernée peut ainsi être invitée à soumettre une
notification mais elle ne peut être tenue d’obtenir une décision expresse ou tout autre
acte administratif de l’autorité réglementaire nationale (ARN) avant d’exercer les droits
découlant des autorisations.
57
En revanche, selon les dispositions actuelles, les fournisseurs de services sont tenus
d’obtenir une licence d’exploitation directement auprès du ministre chargé des
communications, ce qui les prive de l’indépendance requise dans le cadre du droit
international. De plus, le ministre a le pouvoir de refuser d’octroyer une licence si,
par exemple l’avis de la commission composée de représentants du gouvernement
est défavorable.




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46
De ce fait, nous recommandons que le décret n° 97-501 du 14 mars 1997 régissant le
secteur des télécommunications soit réexaminé afin d’être plus conforme aux critères
internationaux relatifs à la protection de la liberté d’expression. En particulier, les
dispositions obligeant les fournisseurs de services à obtenir une licence d’exploitation
du ministre chargé des communications doivent être abrogées dans leur intégralité. A
la place, la supervision de la conformité des obligations techniques doit être confiée
à une autorité indépendante. Nous sommes prêts à fournir des recommandations
plus détaillées sur le cadre juridique le plus approprié à la réglementation des
intermédiaires. ARTICLE 19 recommande également d’accélérer le processus de
reforme du secteur des télécommunications dans le sens indique ci-dessus.
Neutralité du Net
ARTICLE 19 note que le principe de neutralité du net n’est pas actuellement reconnu
en Tunisie. ARTICLE 19 encourage par conséquent le gouvernement à épouser ce
principe, conformément aux recommandations des mandataires spéciaux pour la
protection de la liberté d’expression.
Recommandations:
L’article 7 du décret N°97-501 du 14 mars 1997
obligeant les fournisseurs de services à obtenir une
licence d’exploitation auprès du ministre chargé des
communications doit être abrogé.
Le décret 501 doit être réexaminé en vue de créer une
instance de régulation indépendante pour le secteur des
communications.
Le principe de neutralité du réseau doit être reconnu dans
le décret 501 et l’arrêté du 22 mars 1997.
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1 Résolution 217A(III) de l’Assemblée générale de
l’Organisation des Nations unies, adoptée le 10
décembre 1948.
2 Filartiga c. Pena-Irala, 630 F. 2d 876 (1980) (US
Circuit Court of Appeals, 2nd circuit).
3 Article 2 du PIDCP, GA res. 2200A (XXI), 21 UN GAOR
Supp. (No. 16) at 52, UN Doc. A/6316 (1966); 999
UNTS 171; 6 ILM 368 (1967).
4 Voir, CCPR/C/GC/3 sur: http://www2.ohchr.org/english/
bodies/hrc/comments.htm
5 Déclaration d’ARTICLE 19 sur l’Observation générale n°
34 du Comité des droits de l’homme de l’ONU, http://
www.article19.org/resources.php/resource/2631/en/
un:-article-19-welcomes-general-comment-on-freedom-
of-expression.
6 Observation générale n° 34 du Comité des droits de
l’homme de l’ONU, para. 12.
7 Ibid., para. 17.
8 Ibid., para. 39.
9 Voir Déclaration conjointe sur la liberté d’expression et
l’Internet, juin 2011, sur: http://www.article19.org/data/
files/pdfs/press/international-mechanisms-for-promoting-
freedom-of-expression.pdf.
10 Ibid.
11 Ibid.
12 Velichkin c. Biélorussie, Communication No.
1022/2001, U.N. Doc. CCPR/C/85/D/1022/2001
(2005).
13 Leonardus J.M. de Groot c. Pays-Bas, No. 578/1994,
U.N. Doc. CCPR/C/54/D/578/1994 (1995).
14 Observations finales du Comité des droits de l’homme
de l’ONU sur la République arabe syrienne (CCPR/
CO/84/SYR).
15 Observations finales sur la République arabe syrienne
(CCPR/CO/84/SYR).
16 Rapport établi par le Rapporteur spécial sur la
promotion et la protection du droit à la liberté
d’opinion et d’expression, A/66/290, 10 août 2011,
para. 16, http://www.ohchr.org/Documents/Issues/
Opinion/A.66.290.pdf.
17 Ibid., para. 18.
18 Voir note 35, ibid.
19 Ibid.
20 Ibid, para. 22.
21 Ibid, para. 38
22 Voir le rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies
sur la promotion et la protection du droit à la liberté
d’opinion et d’expression (A/HRC/17/27) du 16 mai
2011, para. 28.
47
23 La Recommandation est disponible sur: https://wcd.coe.
int/ViewDoc.jsp?id=1835645&Site=COE.
24 Voir le site de la Commission de plaintes en matière de
presse sur: http://www.pcc.org.uk/faqs.html#faq2_13
25 Voir la Recommandation CM/Rec (2011)7 sur le
concept de nouveaux médias précédemment cité.
26 Voir note 44 ci-dessus.
27 Voir, par exemple, la Directive 2000/31/EC du
Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000
relative à certains aspects juridiques des services de la
société de l’information, et notamment du commerce
électronique, dans le marché intérieur (directive
sur le commerce électronique). Voir également le
Communications Decency Act de 1996 aux Etats-Unis,
et à Singapour, l’Electronic Transaction Act 2010, qui
accorde des protections très fortes aux fournisseurs
innocents.
28 Voir Article 15 sur la directive sur le commerce
électronique. Dans l’affaire SABAM c. Scarlet Extended
SA, la Cour de justice de l’Union européenne a
considéré que l’injonction obligeant un FAI à mettre en
place un système de filtrage pour bloquer toute forme
d’envoi ou de réception par des clients de fichiers
contenant des œuvres musicales grâce à des logiciels
« peer-to-peer » sans autorisation des détenteurs de
droits obligerait le FAI à surveiller activement toutes
les données relatives à chacun de ses clients, ce qui
constituerait une violation du droit à la vie privée et
du droit à la liberté de recevoir et de disséminer des
informations. La Cour a noté que cette injonction
pourrait potentiellement entraver le droit à l’information
dans la mesure où le système de filtrage proposé
pourrait ne pas faire de distinction adéquate entre des
contenus licites et illégitimes, ce qui résulterait dans le
fait que son introduction pourrait aboutir au blocage de
communications licites.
29 Rapport de l’OSCE sur la liberté d’expression et Internet,
juillet 2011, p. 30.
30 Voir le rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies
pour la promotion de la liberté d’expression cité ci-
dessus, n° 41, para. 42.
31 Voir n° 28 ci-dessus.
32 Voir n° 28 ci-dessus, ibid.
33 Ibid.
34 Voir le rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies
sur la liberté d’expression cité ci-dessus, n° 41, para.
43.
35 Ibid. para 47.
36 Ibid.
37 Rapport du Rapporteur spécial pour la promotion et
la protection des droits de l’homme et des libertés
fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, Martin
Scheinin, A/HRC/13/37, 28 décembre 2009.
Page 50
55 A/HRC/23/40, disponible ici: http://www.ohchr.org/
Documents/HRBodies/HRCouncil/RegularSession/
Session23/A.HRC.23.40_EN.pdf.
56 Voir le rapport du Rapporteur spécial cité ci-dessus,
n° 41, para. 27. Ce dernier a toutefois noté que cela
ne s’appliquait pas à l’enregistrement de noms de
domaines pour des raisons purement techniques.
57 Pour obtenir un synopsis de la Directive « autorisation »,
voir http://europa.eu/legislation_summaries/information_
society/legislative_framework/l24164_en.htm. Il
convient de noter que la Directive « autorisation » fait
partie du « Paquet Télécom » qui régit le secteur des
télécommunications dans l’Union européenne. Vous
pouvez obtenir de plus amples renseignements sur :
http://europa.eu/legislation_summaries/information_
society/legislative_framework/index_en.htm.
48
38 Ibid, para. 21.
39 Voir n° 41, ibid, para 84.
40 Voir A/RES/57/239, 31 janvier 2003; disponible
sur http://www.itu.int/ITU-D/cyb/cybersecurity/docs/
UN_resolution_57_239.pdf.
41 Voir le rapport du 10 août 2011 du Rapporteur spécial
des Nations Unies pour la promotion et la protection du
droit à la liberté d’opinion et d’expression cité ci-dessus,
n° 35.
42 Voir Déclaration conjointe 2011, n° 28.
43 Voir http://www.subtel.gob.cl/prontus_subtel/site/
artic/20100826/pags/20100826145847.html
44 Pour en savoir plus sur les préoccupations d’ARTICLE
19 relatives aux règles de la FCC, voir http://www.
article19.org/resources.php/resource/2824/en/net-
neutrality:-stronger-rules-needed-in-us-and-eu
45 Voir Observation générale n° 34 du Comité des droits de
l’homme, para. 32.
46 Voir Recommandation CM/Rec(2008)6 relative aux
mesures visant à promouvoir le respect de la liberté
d’expression et d’information dans le cadre du filtrage
d’Internet.
47 Voir Déclaration conjointe 2011 citée ci-dessus, n° 28.
48 ARTICLE 19, cependant, s’oppose fermement aux
infractions liées à l’expression contenues dans le Code
de la presse tunisien comme la diffamation pénale.
Pour avoir de plus amples détails, voir notre analyse du
Code de la presse tunisien sur : http://www.article19.
org/resources.php/resource/2944/en/tunisia:-press-
regulation.
49 Voir n° 41 ci-dessus, ibid., para. 84.
50 Voir par exemple l’affaire Stoll c. la Suisse, [GC] no.
69698/01, para. 102, 10 décembre 2007.
51 Certaines dispositions du Code de la presse tunisien –
auxquelles nous nous opposons – sont une exception du
fait qu’elles distinguent des « crimes commis par des
journalistes » ou « par voie de presse ».
52 Ibid.
53 Voir le rapport du Rapporteur spécial des Nations
Unies pour la liberté d’expression cité ci-dessus, n° 41,
para.57.
54 L’inspection des paquets en profondeur ou “Deep packet
inspection” (DPI) permet d’analyser le contenu de
paquets de données de façon à détecter et filtrer des
intrusions, les ‘spams’ ou tout autre contenu prédéfini.
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