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rapport
Étude de référence sur la situation des minorités
et des groupes discriminés en Tunisie
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Hamdane Dali et sa fille Hedia à Djerba, octobre 2021. La famille
Dali a été la première à pouvoir supprimer le nom « Atig »
(“affranchi par”, faisant référence à l'héritage esclavagiste) de
leur nom de famille.
Photographie : Slim Kacem, Roots
Remerciements
Financé par :
Dans le cadre du projet :
En partenariat avec :
Dans ce cadre, MRG a réalisé en 2018 une étude sur la
situation des minorités et des peuples autochtones en
Tunisie à la suite de la révolution.
1 Également en 2018, MRG
a lancé un projet en partenariat avec Damj, sous le titre
« Points Anti-Discrimination », dont l’un des objectifs était de
collecter de données relatives aux divers cas de
discrimination en Tunisie. Ces données ont été analysées à
travers des études publiées en 2020 et 2021 visant à
permettre de connaître et comprendre les acteurs, victimes,
contextes et solutions de la discrimination en Tunisie.
2 Il
serait également intéressant de voir comment les pouvoirs
publics et les décideurs en Tunisie se positionnent par
rapport aux minorités et aux groupes discriminés. Cette
étude fera l’analyse de toutes ces données.
Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un nouveau projet de
MRG en partenariat avec l’Observatoire pour le droit à la
différence sous le titre « All 4 All », débuté en juillet 2020.
Contexte de l’étude
Minority Rights Group (MRG) est une organisation non
gouvernementale qui travaille depuis plus de 50 ans, avec
près de 150 partenaires dans plus de 60 pays, à défendre et
promouvoir les droits des minorités ethniques, religieuses et
linguistiques et des peuples autochtones par le biais de
formations stratégiques, d’actions de sensibilisation et de
litiges. A travers l’organisation de formations, d’actions en
justice, de publications et de soutien à des programmes
culturels, MRG soutient les minorités et les peuples
autochtones dans leurs efforts pour sauvegarder leurs droits
sur les terres où ils vivent et les langues qu’ils parlent, ainsi
que leur égalité des chances dans l’éducation et l’accès à
l’emploi, afin de leur permettre de participer pleinement à la
vie publique. MRG travaille avec une diversité de minorités
telles que les Batwas en Afrique centrale, les Roms en
Europe, les chrétiens en Irak et les Dalits en Inde et au
Népal, pour n’en citer que quelques-unes. MRG est membre
observateur du Conseil économique et social des Nations
unies (ECOSOC) et de la Commission africaine des droits de
l’homme et des peuples.
© Minority Rights Group International (MRG), novembre 2021
Tous droits réservés
Le contenu de cette publication peut être reproduit pour but d’enseignement ou à d’autres fins non commerciales. Aucune partie
de cette publication ne peut être reproduite sous quelque forme à des fins commerciales sans l’autorisation expresse préalable des
porteurs de copyright (droits d’auteurs). Pour plus d’informations, veuillez contacter MRG. Un enregistrement de catalogue CIP de
cette publication est disponible à la British Library. ISBN 978-1-912938-34-6. Publié novembre 2021.
Étude de référence sur la situation des minorités et des groupes discriminés en Tunisie est publié par MRG comme une
contribution à la compréhension publique de la question qui forme son sujet. Le texte et les opinions de l’auteur ne représentent
pas nécessairement dans tous les détails et tous les aspects, l’opinion collective de MRG.
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Étude de référence sur la situation des minorités
et des groupes discriminés en Tunisie
Table des matières
Clarification terminologique 2
Méthodologie 4
Introduction 5
L’associatif : la nouvelle voie des groupes discriminés et des minorités en Tunisie 6
Dix ans après la révolution de 2011 : bilan 9
Evolution du contexte relatif aux minorités et aux groupes discriminés en Tunisie 10
1. Contexte législatif 10
2. Contexte judiciaire 13
3. Contexte institutionnel 14
4. Contexte politique 17
Conclusion 19
Recommandations 20
Références 22
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Clarification terminologique
Le terme « minorité » n’a toujours pas de définition
légale en droit international. L’unique référence en la
matière reste la déclaration des Nations unies sur les
minorités de 1992.
3 Francesco Capotorti, qui était
Rapporteur spécial de la Sous-commission pour la lutte
contre les mesures discriminatoires et de la protection
des minorités, a proposé une définition en 1977. Selon
lui, une minorité serait :
« Un groupe numériquement inférieur au reste de la
population d’un État, en position non dominante, dont
les membres − ressortissants de l’État − possèdent du
point de vue ethnique, religieux ou linguistique des
caractéristiques qui diffèrent de celles du reste de la
population et manifestent même de façon implicite un
sentiment de solidarité, à l’effet de préserver leur
culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue ».
Cette définition n’est pas vraiment inclusive puisqu’elle
semble se contenter de ce qu’on pourrait appeler les «
minorités nationales » ; or, il existe une minorité en
Tunisie dont les membres ne sont pas des ressortissant.e.s
tunisien.ne.s et qui semblent vivre dans l’invisibilité
presque totale de la part des autorités tunisiennes. Les
migrant.e.s sub-saharien.ne.s constituent un groupe visible
numériquement considérable mais dont les données
(démographiques, religieuses, ethniques ou sexuelles) ne
sont nullement intégrées dans les politiques publiques ou
le débat national sur la non-discrimination. Bien que
n’étant pas la seule composante du groupe des migrant.e.s,
les subsaharien.ne.s – notamment ceux en situation
irrégulière – constituent néanmoins le groupe minoritaire
le plus discriminé au vu des rapports nationaux sur la
traite esclavagiste (les Ivoiriens constituent le premier
groupe de victimes de traite que nous citerons plus loin),
de discrimination raciale et plusieurs autres violations des
droits économiques, sociaux et culturels.
Les seules données disponibles sont celles fournies par
des organisations internationales.
4 Bien que figurant parmi
les premières victimes de discrimination, les migrant.e.s
semblent vivre depuis des années dans l’indifférence des
pouvoirs publics. Cette invisibilisation a été
particulièrement marquée au cours de la pandémie de
Covid-19 en Tunisie, lorsque plusieurs mairies ont
reconnu n’avoir aucune donnée sur les communautés
migrantes résidant dans leur territoire de compétence face
à la médiatisation des problèmes qui ont touché ces
communautés dans le cadre de la réponse de l’État
tunisien à la pandémie.
Outre l’absence de définition dans le droit
international, il est important de noter que dans le
contexte tunisien, le terme « minorité » ou « groupe
discriminé » englobe plusieurs réalités. Les deux
expressions couvrent un large groupe incluant les
minorités religieuses, ethniques et raciales, linguistiques,
les personnes LGBTQI+, les personnes autochtones, les
personnes porteuses de handicap, ou encore les personnes
vivant avec le VIH. Le fait que ces groupes, qui n’ont pas
les mêmes vécus et ne subissent pas la discrimination de la
même manière, soient couverts par le même vocable
contribue à une incompréhension du terme et de ses
différentes portées dans le monde en général et en Tunisie
en particulier, où le terme peut être très connoté et
négativement chargé au point que plusieurs minorités au
sens numérique du terme refusent de l’utiliser.
Nous allons au long de cette étude entreprendre un
travail de distinction des différents groupes. A des fins de
compréhension, nous estimons que ce tableau est
représentatif des groupes discriminés en Tunisie et des
bases de discrimination.
5
2
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
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Base de discrimination
Religion
Minorités /Groupes discriminés
– Musulmans :
• Chiites
• Ibadites
– Chrétiens : principalement les convertis
• Catholiques
• Protestants
– Juifs
– Bahaïs
– Athées
Ethnie / race / peuple autochtone
– Amazighs
– Personnes d’ascendance africaine (Tunisien.ne.s et migrant.e.s)
Orientation sexuelle et identité et expression de genre, et
caractéristiques sexuelles (OSIEGCS)
Personnes homosexuelles, bisexuelles, transsexuelles/transgenres,
queer, intersexuelles (LGBTQI+)
Langue
Handicap
VIH/SIDA
Tamazight
Langues des signes
Personnes handicapées
Personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVIH)
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
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Méthodologie
Cette étude s’appuie principalement sur une recherche
bibliographique basée sur les informations publiques
disponibles sur la situation des groupes discriminés et des
minorités en Tunisie, dont :
• Les rapports soumis par l’État tunisien aux organes des
traités des Nations unies lors de l’examen de la Tunisie
par les organes des traités et par le conseil des droits de
l’Homme pour l’Examen périodique universel (EPU) ;
• Le rapport de la commission COLIBE de 2018, ainsi
que plusieurs rapports produits par la société civile
tunisienne sur la question des minorités et des groupes
discriminés.
Cette étude s’appuie également sur des observations
faites sur le terrain dans le contexte de collaborations avec
les différentes associations et coalitions travaillant sur les
droits des groupes discriminés et des minorités en Tunisie,
notamment dans le processus d’adoption des lois. L’étude
intègre également des données collectées par le Réseau des
Points Anti-Discrimination (PAD) en Tunisie.
6
Afin d’avoir des données plus actuelles, un questionnaire
en ligne a été lancé via Google Forms7 le 18 janvier 2021,
auquel ont répondu 12 associations travaillant sur les droits
des groupes discriminés et des minorités, ainsi qu’un
collectif d’associations (l’Observatoire du droit à la
différence) regroupant plus de 70 associations travaillant sur
la thématique ou d’autres thématiques similaires, et
couvrant tout le territoire tunisien :
Initiative Mawjoudin pour l’égalité
• Association Attalaki pour la Liberté et l’Egalité
• Association By Lhwem
• Association Damj pour la justice et l’égalité

• Association Mnemty
• Association pour la promotion du droit à la différence
• Association Tamount
• Association Terre d’Asile Tunisie
• Association Tunisienne de la Culture Amazigh
• Association Tunisienne des Personnes Handicapées
• Association Tunisienne de Prevention Positive (ATP+)
• Association Unité Dans la Diversité (UDD)

Observatoire pour la défense du droit à la différence
Des interviews téléphoniques ont été menées de mars
à mai 2021 auprès de représentants des associations
travaillant sur les droits des minorités et des groupes
discriminés en Tunisie depuis 2011 et de quelques
parlementaires.
Un atelier de validation a été organisé en ligne avec les
répondants en août 2021, auquel 5 représentants des
associations ont assisté, afin d’informer les participants à
l’analyse des principaux résultats, constats et
recommandations de l’étude.
Le secteur associatif étant le champ où ce travail est le
plus visible, l’étude entend mettre particulièrement en
lumière le travail spécifique sur les droits des minorités et
groupes discriminés dans le cadre d’un projet plus large
mené par le secteur associatif tunisien dans le domaine des
droits humains. Les questionnaires et interviews ont pour
but de voir comment le travail sur ces questions se fait
entre le général et le spécifique, ainsi que de voir comment
éventuellement faire évoluer ce travail à travers un certain
nombre de recommandations.
Bien que les responsables de cette étude soient
conscients des limites de celle-ci quant au nombre de
répondants, les informations fournies servent
principalement à vérifier des données issues des données
collectées avant le lancement du questionnaire. Certaines
limites sont également inhérentes au contexte politique et
sanitaire dans lequel s’est déroulée l’étude, ce contexte
ayant eu une influence importante sur l’accès aux
décideurs politiques et au parlement. Depuis les élections
de 2019, la Tunisie a été plongée dans une crise politique
marquée par plusieurs changements au niveau du
gouvernement et empirée par la pandémie de Covid-19.
4
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
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Introduction
Après la révolution de 2011, la Tunisie semble avoir pris
conscience de sa véritable diversité, des composantes
multiples de sa société et des groupes qui y étaient et sont
toujours discriminés. Depuis l’indépendance du pays en
1956, la diversité tunisienne était officiellement limitée à
l’existence d’une minorité juive à Tunis et Djerba ainsi
qu’à quelques chrétiens, principalement européens.
Ethniquement, le pays était présenté comme homogène et
n’ayant aucun problème lié à l’appartenance ethnique,
raciale ou autre. Cette version officielle a été intégrée à la
propagande officielle du régime en place avant 2011,
notamment dans les rapports présentés aux instances
onusiennes dont le comité de la CERD lors de son dernier
rapport présenté en 2007 et discuté en 2009.
Le rapport de l’Etat tunisien indiquait que « la Tunisie,
pays de grande civilisation et d’histoire millénaire, dispose
d’un référentiel identitaire profond et homogène »
8 et que
« 5 000 Tunisiens environ ne sont pas musulmans. Sur ce
nombre, 3 000 citoyens sont juifs, le reste est constitué de
chrétiens ». Le rapport indiquait également que « en ce qui
concerne les Berbères de Tunisie, ...ils sont particulièrement
bien intégrés dans la société tunisienne, et …ils n’ont pas de
revendications. En outre, il n’y a pas de tribus nomades en
Tunisie »
. Et que « à propos des juifs de Tunisie, leur départ
vers la France (la plupart ayant un passeport français
lorsqu’ils sont de double nationalité) peut s’expliquer par leur
volonté de vivre en Occident, mais ils gardent des rapports
constants avec le pays où ils aiment revenir très souvent
comme pour se ressourcer. Il n’y a jamais eu de volonté
gouvernementale ou autre ayant visé ou provoqué le départ
des juifs de Tunisie ».10
On peut également lire dans le rapport que « il n’existe pas
en Tunisie de groupe racial en retard, dont la situation
nécessiterait l’adoption de mesures provisoires en vue de lui
garantir l’exercice des droits de l’homme et des libertés
fondamentales dans les domaines économique, social, culturel,
politique ou autre. La notion de « race » n’est pas d’usage, celle de
« tribu » ne l’est plus depuis l’indépendance du pays en 1956 »
.11
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
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L’associatif : la nouvelle voie
des groupes discriminés et des
minorités en Tunisie
La révolution de 2011 a donné lieu à une ouverture de la
société et une libération de la parole. Cela a créé un espace
où revendiquer ses droits, en toute égalité avec les autres
citoyen.ne.s du pays, ne comportait pas de risques et ne
constituait pas un délit aux yeux du système politique.
C’est dans ce contexte qu’un texte particulier allait se faire
l’allié de toutes les revendications : le décret-loi n°2011-88
du 24 septembre 2011, portant organisation des
associations.
12 Le décret « garantit la liberté de constituer des
associations, d’y adhérer, d’y exercer des activités et le
renforcement du rôle des organisations de la société civile ainsi
que leur développement et le respect de leur indépendance »
.13
Pour reprendre les termes du professeur Nathalie Ferré,
qui s’est intéressé de près à la société civile tunisienne, le
décret-loi de 2011 sur les associations a permis à la société
civile en général et à certains groupes en particulier d’être
«
sur le devant de la scène, à la fois comme catégorie d’action
publique des bailleurs internationaux et comme catégorie de
présentation de soi et d’action »
.14 Nous allons voir si ce
constat est vrai pour les associations qui représentent les
minorités et les groupes discriminés.
La représentation de soi :
Plusieurs associations travaillent en Tunisie sur les
droits des groupes discriminés et des minorités ethniques,
religieuses, linguistiques, des personnes LGBTQI+ et des
personnes vivant avec le VIH. L’analyse des objets sociaux
de plusieurs associations nous indique cependant que
travailler ouvertement sur plusieurs questions n’est pas
encore garanti, comme dans le cas des associations
travaillant sur les droits des personnes LGBTQI+ ou de
certaines minorités religieuses se situant en dehors des trois
monothéismes officiellement reconnus par l’Etat tunisien
– à savoir l’islam, le judaïsme et le christianisme.
D’après les données collectées, plusieurs restrictions
pour l’enregistrement des associations auprès des autorités
tunisiennes continuent à constituer un obstacle à la pleine
existence de plusieurs groupes et donnent lieu à un
contentieux que nous verrons plus loin.
Ce que nous constatons également dans le paysage de
la société civile tunisienne, et comme confirmé par les
répondants au questionnaire, c’est que ce travail est
partagé entre des associations génériques qui travaillent sur
les questions de non-discrimination ou des libertés
individuelles et des associations spécifiques travaillant sur
les droits d’un ou plusieurs groupe(s) spécifique(s).
Ce partage est également visible au niveau de la
composition des membres des associations, où l’on trouve
des associations composées de personnes appartenant elles-
mêmes aux groupes sur lequel l’association travaille et
d’autres où les membres sont principalement issus de
groupes majoritaires.
Questionnées sur la représentation des groupes
discriminés sur lesquelles elles travaillent, plusieurs
associations ont estimé qu’elles représentaient les groupes
sur lesquelles elles travaillent.
Lors d’une des interviews, un représentant de
Mawjoudin a estimé que l’association
« ne pouvait pas
représenter toute la communauté sur laquelle [elle] travaille
mais qu’elle était assez représentative des victimes de
discrimination basée sur l’identité de genre et l’orientation
sexuelle ».
En termes d’auto-perception, les graphiques nous
indiquent que :
« Notre organisation est reconnue par tous
les acteurs nationaux sur son pouvoir
d’interagir avec les différentes commu-
nautés religieuses en Tunisie, et sa
représentation équitable de ses derniers »
Association Attalaki
« Mnemty est devenue une référence par
rapport à la question raciale en Tunisie »
Mnemty
6
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
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Quel est/sont le/les groupes sur le/les quel/s votre association
travaille ? (12 réponses)
16,7%
25%
16,7%
16,7%
25%
A Minorités
ethniques/raciales
A Minorités religieuses
A Minorités linguistiques
A Peuples autochtones
A Identité de genre et
Orientation Sexuelle
(IGOS)
A Tous
A Aucun
Pensez-vous repésenter le/s groupe/s sur lequel/lesquels vous
travaillez ? (13 réponses)
S’agissant de la représentation géographique, le travail
associatif est principalement centré sur la capitale (90,9%
des répondants sont à Tunis ou l’Ariana).
Quant à la portée, une majorité des associations ayant
répondu au questionnaire en ligne ont indiqué une portée
nationale (61,5% des répondants), et à moindre échelle
une portée locale, régionale (Maghreb) pour certaines, ou
internationale, notamment en raison d’interactions
directes avec les mécanismes internationaux de protection
des droits humains à travers les communications ou la
participation aux travaux des organes des traités onusiens
ou en raison de bénéficiaires de plusieurs nationalités
étrangères. Les associations travaillant sur les droits des
minorités et groupes discriminées se sont fortement
manifestées depuis 2011, tant au niveau de la production
de données et de rapports sur les cas de discrimination en
Tunisie dans un contexte où l’Etat ne semble pas intégrer
les spécificités de ces groupes à ses statistiques nationales
ainsi que lors des examens de la Tunisie par les organes
onusiens. L’examen périodique universel de 2017 reste un
exemple très clair de la participation active de ces
associations, notamment à travers le rapport alternatif
envoyé au Conseil des droits de l’homme.
Le pouvoir d’action et de mobilisation :
Comment estimez-vous votre pouvoir de mobilisation ?
(13 réponses)
7,7%
23,1%
30,8%
92,3%
38,5%
7,7%
A Oui
A Non
A Mauvais
A Moyen
A Bon
A Trés bon
A Excellent
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
7
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Le rapport au politique :
Plusieurs répondants ont indiqué avoir été impliqués
dans le processus législatif en tant qu’acteurs ou actrices de
plaidoyer :
La Constitution tunisienne de 2014, dans son article
6215 relatif à l’initiative des lois, permet que des
propositions de loi puissent être faites par dix députés au
moins. L’article distingue ses propositions des projets de
loi qui émanent du chef du gouvernement ou du président
Avez-vous déjà été impliqué.e dans des activités de plaidoyer pour un changement d’ordre législatif ? (13 réponses)
Oui
Non
0,0
2,5
5,0
7,5
10,0
12,5
de la République, qui ont priorité sur les propositions.
Plusieurs propositions ont émané de la société civile avec
l’appui de plusieurs députés. Nous pouvons citer ici les
exemples de la proposition de loi sur la lutte contre la
discrimination raciale faite en 2016.
16 Le site officiel de
l’Assemblée des Représentants du peuple y consacre une
rubrique spéciale (en arabe).
17 Les réponses des associations
ont indiqué différentes positions quant à leur relation avec
les décideurs politiques.
« Une relation très faible avec les décideurs
politiques »
Mawjoudin
« Un bon rapport »
ATP+
« Mitigé, très compromis »
UDD
« Notre organisation œuvre à une relation
constructive avec les autorités publiques,
au niveau central et local. Cela se traduit à
la fois par une collaboration continue sur
les différents volets de la migration en
Tunisie, tout en les questionnant lorsque
les droits des migrants sont bafoués.
Cette souplesse de notre approche nous
permet de mieux atteindre les objectifs de
protection et de plaidoyer qui varient
selon le contexte migratoire dans le pays »
Terre d’asile Tunisie
« Nos pouvons mobiliser et convaincre cer-
tains décideurs qui soutiennent et suppor-
tent la cause »
Mnemty
« Aucun »
Association Tamount
8
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
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Dix ans après la révolution
de 2011 : bilan
En 2021, la Tunisie célèbre les dix ans de sa révolution et
de la transition démocratique encore en construction qui a
suivi. Plusieurs chantiers ont été initiés dans le but de
reformer le système mis en place depuis l’indépendance
dans plusieurs domaines – notamment le domaine
législatif. L’adoption d’une nouvelle Constitution en 2014
a été en soi une clôture pour le processus constituant et
l’ouverture du processus d’harmonisation des anciens
textes, puisque la majorité des codes et lois était devenue
inconstitutionnelle, mais elle peut aussi être considérée
une phase de mise en œuvre.
S’agissant du champ de la non-discrimination, qui
couvre à la fois les minorités et les groupes discriminés en
Tunisie, beaucoup a été fait pendant cette décennie,
faisant de la Tunisie un pays qui se distingue en la matière
dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
L’Etat tunisien a cependant encore du chemin à parcourir,
notamment quand on examine les attentes de la société
civile et des personnes appartenant aux groupes
discriminés et minorités en Tunisie. Un travail important
reste à faire au niveau de :
• L’harmonisation du cadre législatif des droits et libertés ;
• L’accès effectif et sans discrimination aux droits garantis ;
• La mise en place totale des mécanismes nationaux de
protection des droits humains.
Cette étude fera – entre autres – le bilan de ces acquis
et des attentes de la société civile, tant au niveau législatif
qu’au niveau de la justice et des institutions.
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
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Evolution du contexte relatif
aux minorités et aux groupes
discriminés en Tunisie
1. Contexte législatif
La Constitution de 2014
La Constitution tunisienne de 2014, adoptée suite au
soulèvement de 2011 par l’Assemblée nationale
constituante, a permis de créer un meilleur contexte
législatif pour les minorités et les groupes discriminés.
En effet, la Constitution tunisienne de 2014 reconnait
que la Tunisie est un Etat civil fondé sur la citoyenneté
(article 2
18) où les citoyens sont tous égaux devant la loi
(article 21
19), où le droit à la vie est sacré (article 2220), et
où la dignité humaine est protégée contre la torture
morale ou physique (article 23
21). La Constitution garantit
également la liberté de religion et de conscience (article 6
22),
la liberté d’opinion (article 31
23) ainsi qu’une protection
de la vie privée (article 24
24) et vient constitutionnaliser les
droits de certains groupes comme les femmes (article 46
25) et
les personnes porteuses de handicap (article 48
26).
Bien qu’elle garantisse un certain nombre de droits aux
groupes discriminés, qu’il faudra prendre en considération
pour harmoniser les textes et lois inférieurs, il nous semble
que la Constitution tunisienne de 2014 n’offre pas de
réelles garanties. Lu sous le prisme des droits des minorités
et groupes discriminés, le texte se révèle porteur de
certaines ambiguïtés et contradictions pouvant s’avérer
dangereuses pour ces groupes.
Certains articles peuvent avoir plus d’une lecture,
laissant place à une marge d’interprétation pour les juges,
ce qui pourrait léser les groupes discriminés. A titre
d’exemple, nous pouvons citer l’article 6, qui est censé
garantir la liberté de conscience mais dont la formulation
laisse planer le doute sur cette liberté. En effet, l’article
commence avec
« l’Etat protège la religion » et parle plus
loin de
« protéger le sacré et empêcher qu’on y porte atteinte »,
au lieu de dire que c’est la liberté religieuse qui est
protégée et non la religion elle-même, tout en omettant de
préciser de quelle religion il s’agit et de quel sacré il est
question. Le sacré étant une notion très volatile, cet article
lu, en parallèle avec l’article 1er relatif à l’islam en tant que
religion de l’Etat ou de la Tunisie (aussi ouvert à
interprétation), risque de laisser place à une interprétation
peu favorable à la liberté religieuse.
Le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté
de religion et de conscience avait estimé après sa visite en
Tunisie en 2018 que
« en dépit de l’engagement
constitutionnel en faveur de la liberté de religion et de la non-
discrimination, l’ambiguïté de certaines dispositions
constitutionnelles en matière de religion ou de conviction ne
doit pas être ignorée parce que ces dispositions pourraient
donner lieu à une discrimination »
.27
On peut également citer l’article 9, selon lequel « la
préservation de l’unité nationale et la défense de son intégrité
constituent un devoir sacré pour tous les citoyens »
. L’unité
nationale a souvent été utilisée dans le passé pour étouffer
les demandes des groupes discriminés, notamment les
minorités ethniques, religieuses et linguistiques qui ont été
accusées de vouloir nuire à l’unité du pays. On peut dans
ce sens penser à la situation des Amazighs de Tunisie que
certains accusent de vouloir porter atteinte à l’unité
nationale.
28 Il en est de même pour l’article 3929 de la
Constitution, relatif à l’instruction obligatoire mais dans
lequel une obligation est créée pour l’Etat tunisien
d’enraciner les jeunes générations dans leur identité arabe
et islamique et leur appartenance nationale. Ces articles
qui reprennent l’idée d’une suprématie arabo-islamique
déjà présente dans la première Constitution tunisienne de
1959 sont confirmés à la fois par l’article 74
30 relatif à la
candidature à la présidence de la république où l’islamité
est exigée et par le préambule de la Constitution, qui
aborde également l’identité exclusivement
« arabo-
islamique »
et de « l’appartenance culturelle et
civilisationnelle à l’Ummah arabe et islamique »
. Sachant
que l’Article 146 de la Constitution tunisienne de 2014
dispose que « les dispositions de la présente Constitution sont
comprises et interprétées les unes par rapport aux autres,
comme une unité cohérente »
, nous sommes en droit de
nous poser des questions sur les véritables intentions des
10
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
Page 13
constituants en matière de droits et libertés et
particulièrement en matière de droits des minorités et des
groupes discriminés.
A ce jour, la Cour constitutionnelle (articles 118 à 124
de la Constitution) n’est pas encore une réalité en Tunisie
mais nous pouvons supposer que le contentieux relatif aux
droits des minorités et groupes discriminés sera prolifique en
raison de ces contradictions et ambigüités constitutionnelles.
Les instruments internationaux
La Tunisie est signataire de la majorité des traités
internationaux relatifs aux droits des minorités et des
groupes discriminés, à commencer par la Convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale qu’elle a ratifié le 13 janvier 1967.
Bien que les ratifications se soient faites avant le
soulèvement de 2011, en matière de droits des minorités
et groupes discriminés, la transition démocratique a
permis de ratifier certains textes favorables aux droits des
groupes discriminés et des minorités tels que :
• Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques31 qui
reconnaît que le Comité relatif aux droits civils et
politiques a compétence pour recevoir et examiner des
communications émanant de particuliers relevant de sa
juridiction qui prétendent être victimes d’une
violation, par cet Etat partie, de l’un des droits énoncés
dans le Pacte.
• Le Protocole facultatif à la Convention contre la
torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants
32 qui a pour objectif
l’établissement d’un système de visites régulières,
effectuées par des organismes internationaux et
nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent
des personnes privées de liberté, afin de prévenir la
torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants. La ratification de ce
Protocole a permis la création de l’instance nationale
de prévention de la torture et relancer le débat national
sur la pratique du test anal touchant particulièrement
les personnes LGBTQI+.
• Le Traité de Rome, constitutif du Statut de la Cour
pénale internationale (CPI).
(NB : La Tunisie n’a pas
demandé à ce que le Statut puisse s’appliquer à partir du
1er juillet 2002, comme elle en avait la possibilité, mais à
partir du 1er septembre 2011)
La Tunisie a également levé ses réserves sur la
Convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW).
Le conseil des ministres du Gouvernement de transition a
adopté, le mardi 16 août 2011, lors de sa réunion
périodique, le projet de décret-loi relatif à la levée des
réserves du Gouvernement tunisien formulées en 1985,
lors de la ratification de la Convention avec maintien de la
déclaration générale
33 et le décret-loi n°103 est apparu sur
le Journal officiel à la date du 24 octobre 2011. Cette levée
n’est devenue officielle qu’en avril 2014
34 lors du dépôt
officiel de la levée des réserves auprès des Nations unies.
A l’échelle régionale, la Tunisie post-2011 a fait la
déclaration nécessaire pour accepter la compétence de la
Cour africaine des droits de l’homme et des peuples pour
recevoir les requêtes des individus ainsi que des organisations
non gouvernementales en 2017 et a ratifié le Protocole de
Maputo à la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples (Protocole de Maputo) en juillet 2018.
Outre ces ratifications, la Tunisie s’est dotée d’un
mécanisme national de reporting et de suivi des
recommandations en matière de droits humains, appelé
Commission nationale de coordination, d’élaboration et de
présentation des rapports et de suivi des recommandations
dans le domaine des droits de l’Homme. Cette Commission
fut créée par le décret gouvernemental n° 2015-1593 du 30
octobre 2015
35 ayant pour principale mission « la
coordination, […] l’élaboration et la discussion des rapports que
l’Etat Tunisien soumet, de manière périodique, aux instances,
comités et organes onusiens et régionaux dans le domaine des
droits de l’Homme. Elle est également chargée du suivi des
observations et recommandations émanant de ces instances,
comités et organes »
. Depuis sa création, cette Commission
interministérielle a entrepris un travail important pour
rattraper le retard pris par la Tunisie en matière de
soumission des rapports périodiques et a soumis et discuté
plusieurs rapports
36 où la question de la discrimination et des
minorités a maintes fois été abordée et des recommandations
ont été faites à la Tunisie dans ce sens.
Depuis 2019, la Tunisie s’est également dotée d’un
Comité national pour l’harmonisation des textes
juridiques relatifs aux droits de l’Homme avec les
dispositions de la Constitution et les conventions
internationales. Crée par le décret gouvernemental n°
2019-1196 du 24 décembre 2019 , le comité est chargé de
• Fixer la cartographie des textes juridiques relatifs aux
droits de l’Homme exigeant l’harmonisation avec la
Constitution et les obligations découlant des traités
internationaux ratifiés,
• Développer un plan d’action comprenant les objectifs,
les axes, les thèmes, les étapes, la durée d’achèvement et
le suivi de la mise en œuvre de ce plan,
• Coordonner les différentes parties prenantes dans la
mise en œuvre du plan d’action et fournir, le cas
échéant, un soutien technique en fonction des moyens
disponibles,
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
11
Page 14
• Orienter et suivre les travaux des sous-comités du comité
national, qui peuvent être formés conformément aux
dispositions de l’article 8 du décret gouvernemental en
question et approuver les résultats de ces travaux,
• Proposer la révision et la modification des textes
juridiques,
• Émettre son avis à propos des projets des textes
législatifs et réglementaires en relation avec les droits
humains qui lui sont obligatoirement soumis,
• Préparer les rapports périodiques sur l’avancement des
travaux et les propositions du Comité national.
Lors de la création de ces sous-comités en application de
l’article 8 du décret de création du Comité national pour
l’harmonisation, ce dernier a mis en place un sous-comité
propre aux groupes discriminés en plus des trois autres,
dont l’objectif sera de travailler sur l’harmonisation des
textes juridiques relatif aux droits humains en Tunisie (sous-
comité pour les droits civils et politiques, sous-comité pour
les droits économiques, sociaux et culturels, sous-comité
pour les droits environnementaux et du développement).
Invitation permanente aux
procédures spéciales des Nations unies
En 2011,38 la Tunisie a également lancé une invitation
permanente aux procédures spéciales des Nations unies,
c’est-à-dire une invitation ouverte proposée par un
Gouvernement à toutes les procédures spéciales
thématiques. En proposant cette invitation permanente,
l’Etat annonce qu’il acceptera toutes les demandes de
visites des procédures spéciales.
Lors des visites, les titulaires des mandats, également
connus sous le nom de Rapporteurs spéciaux (SR) ou
Experts indépendants (IE), évaluent la situation générale
en matière de droits humains dans un pays donné, ainsi
que la situation particulière sur le plan institutionnel,
juridique, judiciaire, administratif et de fait dans le cadre
de leurs mandats respectifs. Ils rencontrent les autorités
nationales et locales, notamment des membres du système
judiciaire et des députés, des membres de l’institution
nationale des droits humains et, s’il y a lieu, des
organisations non-gouvernementales, des organisations de
la société civile et des victimes de violations des droits
humains, l’ONU et d’autres organismes intergouvern-
ementaux, ainsi que les médias lorsqu’ils tiennent une
conférence de presse à la fin de leur mission.
Depuis, plusieurs titulaires de mandats ont visité la
Tunisie, certains en lien direct avec les groupes discriminés
et les minorités tels que :
• Le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de
réunion pacifique et à la liberté d’association (2018)40
• L’Expert indépendant sur l’orientation sexuelle et
l’identité de genre41 (2021)
Les rapports des titulaires des mandats n’ont cessé de
mettre en lumière les discriminations restantes en Tunisie
dans la législation et en pratique. Ils ont indiqué que malgré
les avancées du pays, la discrimination avait toujours lieu
sur plusieurs bases et parfois sur des bases croisées, comme
les discriminations subies par les femmes tunisiennes
converties au christianisme qui sont mentionnées dans le
rapport sur la liberté de religion et de conscience ou
l’impact des règles successorales du code du statut personnel
sur les droits des femmes tunisiennes appartenant à des
communautés religieuses non-musulmanes.
Les lois nationales
Depuis 2011, la Tunisie a travaillé sur l’amélioration
de son cadre juridique et l’harmonisation de sa législation
avec ses engagements internationaux, ainsi qu’avec les
demandes de la société civile. Cela a permis l’adoption de
plusieurs lois qui offrent des garanties aux groupes
discriminés et aux minorités.
L’un des textes les plus significatifs reste la loi organique
n°50-2018 sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, qui est venue répondre à une
recommandation de la part du comité CERD adressée à la
Tunisie en 2009 ainsi qu’à une demande de la société civile
travaillant sur les droits des noir.e.s tunisien.ne.s et des sub-
saharien.ne.s en Tunisie. Bien que l’apport principal de cette
loi soit son apport d’un outil aux victimes de discrimination
raciale pour saisir la justice, le texte créa également de
nouvelles obligations pour l’Etat tunisien de prévenir la
discrimination raciale, poursuivre ses auteurs et protéger ses
victimes. L’article 11
42 de la loi crée une Commission
nationale de lutte contre la discrimination raciale. Un décret
gouvernemental fixant les modalités de création de la
Commission nationale de lutte contre la discrimination
raciale, ses attributions, son organisation, son mode de
fonctionnement, ses mécanismes de travail et sa composition
a été adopté le 7 avril 2021 (décret gouvernemental n° 2021-
203). L’article 3 de ce décret prévoit la sélection de cinq
représentants de la société civile parmi les associations les
plus actives dans la lutte contre la discrimination raciale. A
l’heure de publier ce rapport, le processus de nomination des
membres de la Commission était en cours.
Avant la loi de 2018, la Tunisie a adopté :
• Le Rapporteur spécial sur la liberté de religion et de
conscience (2018)39
• En 2016 : la loi organique n° 2016-61 du 3 août 2016,
relative à la prévention et la lutte contre la traite des
12
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
Page 15
personnes,43 qui a permis de créer un cadre favorable
aux victimes de la traite, notamment en fournissant
protection et assistance
44 aux victimes prévues par le
chapitre IV de la loi. Les données nationales de 2019
45
indiquent que les personnes subsahariennes sont les
premières victimes de la traite. Elles sont souvent
victimes de multiples formes de discrimination en
raison de leur statut migratoire, de leur appartenance
ethnique et de leur situation économique.
• En 2017 : la loi organique n° 2017-58 du 11 août
2017, relative à l’élimination de la violence à l’égard
des femmes,
46 qui a permis d’apporter une meilleure
protection aux femmes contres plusieurs formes de
violence et de discrimination. Cette loi adopte une
définition inclusive de ce qui s’apparente à de la
violence à l’égard des femmes :
« Toute distinction,
exclusion ou restriction qui a pour effet ou pour but de
porter atteinte à la reconnaissance aux femmes, des droits
de l’Homme et des libertés, sur la base de l’égalité complète
et effective, dans les domaines civil, politique,
économique, social et culturel, ou de compromettre cette
reconnaissance ou la jouissance ou l’exercice de ces droits
par les femmes, quel que soit la couleur, la race, la
religion, la pensée, l’âge, la nationalité, les conditions
économiques et sociales, l’état civil, l’état de santé, la
langue ou le handicap. Ne sont pas considérées
discriminatoires, les procédures et mesures positives visant
à accélérer l’instauration de l’égalité entre les deux sexes »
.
NB : Toutes ces lois sont des lois organiques, ce qui
signifie que tous les textes inférieurs doivent y être
conformes, notamment les circulaires qui régissent
plusieurs domaines et qui posent encore problème
aujourd’hui quant à leur accessibilité, souvent internes à
certaines administrations.
• On peut citer ici l’exemple de la circulaire n° 1965-85
relative à l’interdiction pour les mairies d’enregistrer
des prénoms non-arabes au registre de l’état civil.
Pendant des décennies, cette circulaire a empêché
les Amazighs d’inscrire les prénoms amazighs de
leurs enfants dans les registres de l’état civil.
L’harmonisation avec la loi n° 50-2018 s’est faite en
juillet 2020 par la promulgation de la circulaire n° 13
du 15 juillet 2020 par le ministère des affaires locales,
qui a été adressée aux mairies tunisiennes mettant fin
à la circulaire de 1965.
• On peut également citer l’exemple de la circulaire n°
216 du 5 novembre 1973 relative à l’interdiction de
célébrer le mariage d’une tunisienne avec un non-
musulman, qui a été annulée en 2017.
2. Contexte judiciaire
Malgré l’évolution du cadre législatif dans un sens
relativement favorable à certains groupes, nous constatons
qu’il existe en Tunisie un type particulier de contentieux
relatif aux droits des minorités et des groupes discriminés,
notamment relatif à la liberté associative et à la liberté
religieuse, la discrimination raciale et un contentieux
important visant la communauté LGBTQI+.
Ces affaires jugées par les tribunaux tunisiens montrent
qu’il y a eu depuis 2011 une jurisprudence propre aux
groupes discriminés et aux minorités. Ces affaires
permettent également de voir comment le gouvernement a
encore tendance à limiter les libertés et les droits humains
de certains groupes, tout en mettant en lumière la manière
dont la justice – principalement la justice administrative –
a rendu plusieurs décisions favorables aux droits des
minorités et des groupes discriminés, notamment pour la
liberté d’association. En témoignent les affaires suivantes :
• L’association LGBT Shams
• L’association des bahaïs de Tunisie
47
Pendant plusieurs années et jusqu’en 2020, date à
laquelle la circulaire sur les prénoms fut abrogée, la justice
constituait l’unique recours possible pour les personnes
désirant donner un prénom non-arabe à leur enfant et
s’étant heurtées à un refus de la part des mairies
tunisiennes. On peut citer ici le cas de Massine, que la
mairie de Sfax a refusé d’inscrire en 2018 mais a été
obligée à le faire par la justice,
48,49 ou celui de la polémique
ayant émergé suite à l’affichage public à la mairie de
Bizerte d’une liste de prénoms « non-arabes » qu’elle
n’acceptait pas d’enregistrer à l’état civil.50
En ce qui concerne la discrimination raciale, la réponse
de la justice reste très significative d’une sorte de non-
reconnaissance ou de banalisation des discriminations
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
13
Page 16
subies par les victimes, même après la promulgation de la
loi 50-2018. Le choix des peines par les juges est un
indicateur significatif d’une position presque stable de la
jurisprudence tunisienne. Une des premières affaires
enregistrées et médiatisées a été celle de l’enseignant
victime d’une agression raciale de la part d’une parente
d’élève à Sfax, en janvier 2019. Dans un jugement daté du
5 février 2019, le tribunal cantonal de Sfax a condamné
l’auteure de l’agression à une amende de 300 dinars
(environ 100€) et une peine de trois mois de prison avec
sursis. Le montant de l’amende, situé en deçà du minimum
prévu par la loi, et la peine de prison avec sursis suscitèrent
le mécontentement d’associations travaillant sur la
discrimination raciale. Les données des cliniques juridiques
du réseau PAD Tunisie indiquent que les avocats des PAD
ont eu à traiter 12 affaires de discrimination raciale portées
devant les tribunaux tunisiens en 2019 et 8 en 2020, dont
très peu aboutirent en raison de manque de preuves ou de
retard des procédures. Le manque de preuves reste un
obstacle de taille, conjointement à la peur des représailles
notamment chez les personnes migrantes en situation
irrégulière. L’un des rebondissements les plus parlants de
cette loi reste sans nul doute la décision du tribunal de
Médenine du 14 octobre 2020, qui permit la suppression
dans les patronymes de la mention
« Atig » ayant trait à
l’esclavage.
51
Au niveau judiciaire, c’est le contentieux impliquant
les personnes LGBTQI+ qui reste le plus prolifique et le
plus significatif des cas de discrimination dans la loi et
dans la pratique. L’article 230 du code pénal continue à
constituer un motif de poursuites contre les personnes
LGBTQI+ en Tunisie, comme en témoignent les données
collectées par plusieurs ONG dont Minority Rights
Group et son réseau de PAD en 2019 et 2020.
52 Les
poursuites contre les personnes LGBTQI+ sur la base des
articles 230 ou 226 et 226 bis du code pénal sont
intéressants de plusieurs points de vue, notamment
lorsqu’il s’agit d’analyser la logique de certains jugements
qui dénotent une immixtion de la justice dans la vie privée
des personnes au nom de l’ordre public au point de
poursuivre certaines personnes sur la base de leur
orientation supposée au lieu d’un cas de flagrant délit, ce
dernier étant exigé par le Code pénal.
Outre les poursuites des personnes sur la base de leur
orientation sexuelle, les personnes transsexuelles et
transgenres restent invisibilisées en Tunisie en raison du
refus de la justice de reconnaitre leur identité de genre et
de changer leur état civil. Cette situation les condamne à
vivre dans une situation de discrimination permanente
les empêchant d’accéder à certains services relevant de
leurs droits humains tels que les soins de santé ou
l’emploi, ou même d’avoir un compte en banque en
raison de l’inadéquation entre leurs identités sociale et
légale. Ces personnes font face à un déni de justice pour
les mêmes raisons, ne pouvant porter plainte au risque
d’être poursuivies.
3. Contexte institutionnel
Le ministère des droits de
l’Homme
Au niveau institutionnel, la Tunisie s’est dotée d’un
Ministère des droits de l’Homme en 2011, témoignant
d’un intérêt de la part de la « nouvelle Tunisie » pour les
droits humains. Depuis lors, la dénomination de ce
ministère n’a pas arrêté d’évoluer. D’abord appelé
Ministère des droits de l’Homme et de la justice
transitionnelle (2011-2015), il devint en 2016 le
Ministère chargé des relations avec les instances
constitutionnelles, la société civile et des droits de
l’Homme. Le Ministère instaure de nouvelles relations en
matière de droits humains à l’échelle nationale et
internationale. A l’échelle nationale, plusieurs
consultations sont organisées sur des questions de droits
humains (par exemple la justice transitionnelle) et sur les
propositions de loi (par exemple la loi 50-2018, à
l’occasion de laquelle le Ministère organisa trois
consultations nationales sur les attentes de la société
civile à l’égard d’une loi sur la pénalisation de la
discrimination raciale) ainsi que sur le contenu des
rapports nationaux aux organes des traités. Le Ministère
est également chargé des relations avec la société civile, ce
qui a permis à plusieurs acteurs de la société civile de
participer à des réunions de travail sur des questions liées
aux droits humains.
A l’échelle internationale, le ministre chargé des droits
de l’Homme est le Président de la Commission nationale
de coordination, d’élaboration et de présentation des
rapports et de suivi des recommandations dans le
14
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
Page 17
domaine des droits de l’Homme et préside en tant que tel
la Délégation officielle tunisienne qui discute les
différents rapports devant les organes des traités et le
Conseil des droits de l’Homme. L’une des discussions
majeures au sein de cette Commission se tint au sujet du
rapport de l’examen périodique universel (EPU) de 2017,
lors duquel plusieurs recommandations relatives aux
droits des groupes discriminés et des minorités ont été
acceptées par le gouvernement tunisien, notamment celle
sur l’arrêt de la pratique du test anal à l’encontre des
personnes LGBTQI+.
53
En 2020, le terme « droits de l’Homme » fut supprimé
de la dénomination officielle du Ministère et en 2021, le
Ministère fut officiellement supprimé suite au
remaniement ministériel de janvier 2021. Bien que les
services du ministère soient aujourd’hui rattachés à la
Présidence du Gouvernement, il est légitime de se
demander si la suppression d’un tel ministère n’est pas un
indicateur de régression pour les droits humains en général
et pour les droits des minorités et des groupes discriminés
en particulier.
L’instance nationale des droits
de l’Homme et le mécanisme national de
prévention de la torture
Au niveau institutionnel, la Tunisie s’est dotée de
plusieurs instances garantes des droits humains, dont deux
en particulier jouent un rôle préventif et de suivi des
violations pouvant toucher les droits des groupes
discriminés et des minorités : l’Instance nationale des
droits de l’Homme (INDH) et le Mécanisme national de
prévention de la torture (MNPT).
L’Instance nationale des droits de l’Homme fut créée
par l’article 128 de la Constitution de 2014 – ce qui en
fait une instance constitutionnelle. L’article 128 dispose
que
« l’Instance des droits de l’Homme contrôle le respect des
libertés et des droits de l’Homme et œuvre à leur renforcement
; elle formule des propositions en vue du développement du
système des droits de l’Homme. Elle est obligatoirement
consultée sur les projets de loi se rapportant à son domaine de
compétence. L’Instance enquête sur les cas de violation des
droits de l’Homme, en vue de les régler ou de les soumettre
aux autorités compétentes. L’Instance est composée de
membres indépendants, neutres, choisis parmi les personnes
compétentes et intègres qui exercent leurs missions pour un
seul mandat de six ans »
.
En 2018, le Parlement adopta la loi organique n°
2018-51 du 29 octobre 2018, relative à l’Instance des
droits de l’Homme54 qui en fixe le mandat et la
composition. L’article 6 vient mettre en place un système
d’auto-saisine de l’instance, même en l’absence de plainte
de la part de la victime puisqu’il prévoit que
« l’Instance se
saisit de toute question relative au respect, à la protection et à
la promotion des droits de l’Homme et des libertés dans leur
universalité, exhaustivité, interdépendance et
complémentarité conformément aux chartes, déclarations et
conventions internationales ratifiées. Elle observe le degré de
leur application et de leur concrétisation dans la réalité vécue
et mène les enquêtes nécessaires sur tout ce qu’elle reçoit
comme données sur des violations des droits de l’Homme
quelles que soient leur nature et leur source »
. Pour les droits
des groupes discriminés et des minorités, la loi organique
vient également créer deux commissions permanentes :
une Commission générique pour l’élimination de toutes
les formes de discrimination et une spécifique aux droits
des personnes handicapées.
55
A l’heure de publier ce rapport, l’instance n’est pas
encore mise en place en raison du retard du processus de
sélection des membres par le Parlement, bien que la liste
des candidats soit définitive.
Quant au Mécanisme national de prévention de la
torture, il a été créé en vertu de la ratification par la
Tunisie du Protocole facultatif à la Convention contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants (OPCAT) en juin 2011. Conformément au
Protocole, la Tunisie a adopté en 2013 la loi organique n°
2013-43 du 21 octobre 2013 relative à l’Instance nationale
pour la prévention de la torture, créant ainsi son
Mécanisme national, plus connu sous l’acronyme INPT.
Dans son mandat de visite des lieux de privation de
liberté, l’INPT accorde depuis sa création un intérêt
particulier aux groupes discriminés et aux minorités, avec
un intérêt particulier pour la Commission qui s’occupe des
femmes, personnes porteuses de handicap et groupes
vulnérables.
56 L’instance y a accordé un intérêt particulier
lors d’ateliers de réflexion organisés en 2019 avec
l’administration carcérale pour réfléchir à la situation de
plusieurs groupes vulnérables face à la privation de liberté.
Ces ateliers ont donné lieu à plusieurs recommandations.
En 2020, un atelier a été organisé sur la situation des
groupes vulnérables dans la privation de la liberté au cours
de la pandémie de Covid-19.
La Haute autorité indépendante de la
Communication audiovisuelle (HAICA)
A moindre échelle, cet organe contribue à la lutte
contre la discrimination que peuvent connaitre les
personnes appartenant à une minorité ou à un groupe
discriminé, notamment dans les médias. Le traitement
médiatique des questions liées à la diversité et à la non-
discrimination est encore à un stade peu avancé, où même
la terminologie usitée est très discriminante. L’HAICA
57
est une instance constitutionnelle, créée par le décret-loi
n°2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
15
Page 18
communication audiovisuelle, et a été annoncée
officiellement le 3 mai 2013, à l’occasion de la Journée
mondiale de la liberté de la presse. L’article 5 du décret-loi
stipule que la communication audiovisuelle en Tunisie
doit se faire en respectant les principes suivants :
• Le respect des conventions et pactes internationaux
relatifs aux droits de l’Homme et aux libertés publiques,
• La liberté d’expression,
• L’égalité,
• Le pluralisme d’expression des idées et opinions,
• L’objectivité et la transparence.
Le mandat de l’HAICA58 couvre tous les médias du
pays, qu’ils soient publics ou privés. L’HAICA s’auto-saisit
pour règlementer le paysage audiovisuel tunisien et reçoit
également des plaintes des personnes ou associations
relatives au traitement médiatique de la différence. Le site
de l’instance consacre une rubrique aux plaintes en ligne.
59
Parmi les motifs de plainte, on trouve :
• L’atteinte à la liberté d’expression,
• L’atteinte à la liberté de religion et de conscience,
• L’atteinte à la dignité humaine et aux données
personnelles,
• L’incitation à la haine,
• Le discours discriminant,
• La discrimination basée sur le genre,
• Le non-respect des règles de pluralité.
L’HAICA peut décider de sanctionner les médias
contrevenants. L’article 30
60 du décret-loi prévoit même la
possibilité d’une suspension immédiate du programme.
La Commission COLIBE
La Commission des libertés individuelles et de l’égalité
(COLIBE) est une commission ad hoc créée par le
Président Beji Caied Essebsi en août 2017, qui la chargea
de préparer un rapport concernant les réformes législatives
nécessaires en matière de libertés individuelles et d’égalité
conformément à la Constitution de 2014 et aux normes
internationales des droits humains. La Commission a
dressé un état des lieux des lois portant atteinte aux
libertés individuelles et à l’égalité ; pour cela, elle a choisi
de s’ouvrir à plusieurs acteurs, dont les organisations de la
société civile, les universités et les organisations
internationales. Les consultations et les contributions ont
permis de faire avancer les travaux de la Commission et la
production de son rapport du 8 juin 2018,
61 qui fait l’état
des lieux de la discrimination à l’égard des femmes, des
enfants, des personnes appartenant à des minorités
(notamment religieuses) et des personnes LGBTQI+ dans
la législation tunisienne, ainsi que plusieurs propositions
pour y remédier.
Le rapport de la Commission COLIBE avait en effet
révélé l’existence de plusieurs dispositions discriminatoires
dans :
• Le code des obligations et des contrats relatifs à des
contrats permis ou interdits en fonction de
l’appartenance religieuse
• Le code du statut personnel
• Le code pénal
• Les circulaires
L’unique proposition retenue par le Président Beji
Caied Essebsi a été la réforme du Code du statut personnel,
qui reste à ce jour un projet de loi pas encore à l’ordre du
jour de l’Assemblée des représentants du peuple. La
proposition de réforme du code mettrait fin à plusieurs
types de discrimination religieuse contenues dans la version
actuelle du Code, comme l’interdiction de transmission
d’héritage entre des personnes de religion différentes ainsi
que les inégalités successorales entre hommes et femmes
basées sur la religion, entre enfants « légitimes » et «
illégitimes » et entre personnes de religions différentes.
Une proposition de loi a également été introduite pour
examiner le Code des libertés individuelles, mais fut retirée
après les élections de 2019 en raison de l’absence du parti
à l’origine de la proposition.
16
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
Page 19
4. Contexte politique
Les partis politiques
Un premier constat s’impose : aucun parti politique n’a
avancé les droits des groupes discriminés ou des minorités
de manière claire dans son programme électoral. Un suivi
des programmes électoraux a été fait par l’Observatoire du
droit à la différence et le Collectif des libertés individuelles
pendant les élections de 2019 en ce qui concerne les
dispositions relatives aux droits humains et libertés
individuelles dans les différents programmes électoraux.
Sept questions ont été posées aux candidat.e.s aux
élections législatives et présidentielle :
• Abolition de la peine de mort
• Consécration de la liberté de conscience
• Egalité dans l’héritage
• Projet de loi sur le code des libertés individuelles
• Abrogation des articles du Code pénal relatifs à la
pénalisation de l’homosexualité et à l’atteinte à la
pudeur
• Dépénalisation de la consommation de cannabis
• Harmonisation de la législation nationale avec les
engagements internationaux de la Tunisie
Les résultats de cette analyse sont disponibles dans un
rapport produit par l’Association de défense de libertés
individuelles (ADLI).
62
L’Assemblée des
Représentants du peuple
Lors de sa transition démocratique, la Tunisie a opté
pour un régime parlementaire. Le Parlement joue un rôle
important dans la promulgation de nouvelles lois, pour la
ratification de nouvelles conventions, etc. Il existe
plusieurs indicateurs relatifs au degré d’ouverture de ce
dernier à la société civile et à la question de la non-
discrimination.
On peut d’abord voir que le Parlement est ouvert aux
propositions législatives émanant de la société civile.
D’après le règlement intérieur de l’Assemblée des
Représentants du peuple, les propositions de lois peuvent
en effet être soumises par au moins dix députés.
Le Bureau de l’Assemblée doit transmettre les
propositions et projets de loi à la Commission chargée de
leur étude dans un délai de quinze jours à compter de la
date de leur dépôt. Bien qu’ayant peu de chances d’aboutir
en comparaison avec les projets de lois – qui sont, eux,
proposés par le Gouvernement – les propositions
législatives permettent de créer un espace de dialogue sur
des thématiques particulières.
La loi n° 50-2018 a été précédée d’une proposition
législative émanant de la société civile. Il est à noter que les
propositions législatives ne sont pas maintenues après
chaque élection si les députés signataires ne sont plus à
l’Assemblée des Représentants du peuple. Cela fragilise de
facto toute initiative de la société civile par rapport aux
projets de loi gouvernementaux.
Le second indicateur est celui des Commissions
parlementaires. L’existence d’une Commission
permanente spécifique aux droits de l’Homme est un
indicateur de l’intérêt que porte le Parlement à cette
question. Une résolution du Conseil des droits de
l’Homme sur la contribution des parlements à l’Examen
Périodique Universel, adoptée en 2017,
63 crée un nouveau
rôle pour ses Commissions parlementaires spécifiques aux
droits de l’Homme, notamment pour le suivi des
recommandations d’ordre législatif. Outre la Commission
permanente précitée, le Parlement s’est également doté
d’une Commission spéciale pour les personnes porteuses
de handicap et des groupes vulnérables.
64 Il est à noter que
cette Commission ne compte aucun membre qui
appartienne aux groupes qui font l’objet de son travail.
Contrairement aux élections municipales qui ont permis
l’accès aux fonctions politiques locales, les élections
législatives en Tunisie n’ont pas permis d’améliorer la
visibilité des personnes porteuses de handicap au sein du
Parlement. L’unique signe positif de la diversité reste la
présence d’une unique députée afro-descendante, qui est
aujourd’hui la conseillère du Président du Parlement
chargée de la relation avec la société civile et les
organismes internationaux.
Interviewée par téléphone pour les besoins de cette
étude, Mme Jamila Ksiksi, du parti Ennahdha, a indiqué
une ouverture et un appui aux initiatives de la société
civile et a rappelé que le Parlement tunisien avait mis en
place en 2018 une plateforme électronique
65,66 permettant
à la société civile d’interagir directement avec les
parlementaires. Mme Ksiksi a également rappelé que les
lois étaient précédées de plusieurs auditions avec les
représentants de la société civile afin de connaitre leurs
attentes, et que le Parlement avait des protocoles d’accord
avec plusieurs ONG tunisiennes et internationales dans le
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
17
Page 20
but de coopérer en vue d’une meilleure mise en œuvre de la
transition démocratique tunisienne. La Tunisie reste
néanmoins le seul pays de la région où la candidature aux
élections présidentielles d’un candidat ouvertement
homosexuel a été enregistrée bien qu’invalidée plus tard par
la haute instance pour les élections (ISIE). La candidature
de Mounir Baatour, ancien Président de l’association
LGBT Shams et président du parti libéral tunisien, se
présenta aux élections présidentielles anticipées de 2019
avec un programme axé sur les droits humains notamment.
Sa campagne fut marquée par les éléments suivants :
• « L’égalité réelle femme-homme »,
• La « défense des minorités »,
• La « reconnaissance des droits des Amazighs et des
personnes LGBTI+ ».67
18
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
Page 21
Conclusion
Au terme de cette étude, il apparait évident que la
situation des minorités et des groupes discriminés en
Tunisie a connu une certaine amélioration au niveau du
cadre législatif, notamment en raison de la transition
démocratique initiée dans le pays après 2011. La nouvelle
Constitution de 2014 constitue un socle solide en matière
de garantie des droits et libertés en Tunisie, et
s’accompagne de lois permettant en principe aux victimes
de discrimination de saisir la justice et d’obtenir
réparation. La nouvelle orientation du législateur tunisien
à reconnaitre comme victimes les personnes ayant subi des
discriminations raciales ou celles qui sont victime de traite
ou de torture permet de voir qu’il y a une volonté réelle
d’améliorer la prise en charge de ces personnes et de
reconnaitre les spécificités de certaines agressions verbales
ou physiques. Dans le cadre de son invitation ouverte aux
procédures spéciales, la Tunisie devint en 2021 le premier
et unique pays musulman à accueillir une visite de l’Expert
indépendant sur l’orientation sexuelle et l’identité de
genre. Malgré cette ouverture et les engagements pris lors
de l’EPU de 2017 sur la pratique du test anal, les articles
du Code pénal utilisés pour justifier les cas de
discrimination à l’égard de la communauté LGBTQI+
restent en vigueur.
Néanmoins, la Tunisie semble manquer sérieusement à
son obligation de mettre en œuvre les lois qu’elle
promulgue et le suivi nécessaire afin que les droits garantis
par ces lois deviennent une réalité pour toutes les
personnes vivant sur le territoire tunisien sans
discrimination. Il est également clair que le manque
d’harmonisation de la législation avec les engagements
internationaux et la Constitution de 2014 constitue un
obstacle de taille à la pleine jouissance de ces droits. Il en
est de même du manque d’harmonisation entre une
législation progressiste et des comportements abusifs ou
discriminants qui restent souvent impunis.
L’état des lieux des formes de discrimination perpétrées
en Tunisie indique également un écart entre la société
civile – qui défend les droits des minorités et des groupes
discriminés et travaille à améliorer leur visibilité en tant
que citoyen.ne.s – et une partie de la société (et par
extension de la classe politique et de la justice) qui
continue à n’y voir qu’un nombre réduit de personnes non
conformes aux normes sociales.
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
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Page 22
Recommandations
1. Contexte législatif
• Harmoniser les lois avec les instruments internationaux des droits humains à vocation générale et/ou spécifique et la
Constitution de 2014.
• Abroger les dispositions pénales incompatibles avec les droits humains.
• Améliorer le cadre juridique relatif à la liberté d’association en Tunisie.
• Reconnaitre l’homophobie et la transphobie comme circonstance aggravante tout comme le racisme et la haine entre
les religions.
• Mettre en place une procédure de suivi de mise en œuvre des lois promulguées et adopter dans des délais brefs les
textes d’application.
• Ratifier la Convention internationale sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.
• Mettre en place, dans les plus brefs délais, une Cour constitutionnelle.
2. Contexte judiciaire

Former les juges et les agents de police aux questions de droits humains, plus spécifiquement le cadre juridique
international et national relatif à la non-discrimination.
• Appliquer les normes internationales dûment ratifiées, même en l’absence de texte national en application de l’article
20 de la Constitution tunisienne de 2014.
• Promouvoir et appliquer les décisions de justice qui entérinent les droits humains et la non-discrimination en Tunisie.
3. Contexte institutionnel
• Réviser la politique des médias dans le but de promouvoir la culture de lutte contre toutes les formes de
discrimination.
• Renforcer le rôle des institutions créées par la Constitution et les textes internationaux.
• Coordonner le travail de différents acteurs sur la thématique de la non-discrimination (sur toutes les bases et en
adoptant une approche intersectionnelle).
• Optimiser le choix des membres des institutions en intégrant des personnes appartenant aux groupes cibles.
20
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
Page 23
4. Contexte politique
• Mettre en place des politiques publiques de lutte contre toutes les formes de discrimination et lutter contre le

discours de haine.
Former les enseignants de l’enseignement primaire, secondaire et universitaire aux questions de droits humains, avec
une attention toute particulière portée sur les thématiques des personnes discriminées.
• Analyser en continuité la mise en œuvre du rapport de la COLIBE et des recommandations qui y figurent.
• Mettre en place des politiques d’inclusion permettant une meilleure participation politique des personnes issues des
minorités et des groupes discriminés.
5. Contexte associatif
• Mieux coordonner le travail de différents acteurs sur une même thématique.
• Pallier le déséquilibre associatif entre capitale et régions.
• Opter pour des actions communes de plaidoyer.
• Optimiser les formations par la formation de formateurs pairs et le suivi sur le temps.
• Travailler sur la pérennité des associations et non des personnes.
• Travailler sur la participation politique des groupes minoritaires (mesures positives comme pour la participation des
personnes handicapées).
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
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Page 24
Références
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3
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9
Identity and Citizenship in Tunisia: The Situation of Minorities
after the 2011 Revolution, https://minorityrights.org/
publications/identity-and-citizenship-in-tunisia-the-situation-
of-minorities-after-the-2011-revolution/
Analysis Report of the cases of discrimination collected by
the Anti-Discrimination Points, https://minorityrights.org/
publications/tunisie-rapport-danalyse-des-cas-de-
discrimination-recoltes-par-les-points-anti-discrimination/ ;
Cas de discriminations collectés par les Points Anti-
Discrimination et l’Observatoire pour la Défense du Droit à la
Différence, https://minorityrights.org/publications/pad-report-
2020/
Déclaration des droits des personnes appartenant à des
minorités (ohchr.org), https://www.ohchr.org/fr/professional
interest/pages/minorities.aspx#:~:text=Article%204-,1.,pleine
%20%C3%A9galit%C3%A9%20devant%20la%20loi.
https://migrationdataportal.org/fr?i=stock_abs_&t=2020&
cm49=788
Concernant le handicap, la définition utilisée en Tunisie est
très générique et elle se base uniquement sur la détention
d’une carte d’handicapé. Nous sommes conscients de la
diversité que ce groupe rassemble et il sera impossible de
toucher toutes ses composantes dans cette étude.
Concernant les personnes vivant avec le VIH, elles ne font
pas l’objet de cette étude.
Analysis Report of the cases of discrimination collected by
the Anti-Discrimination Points, https://minorityrights.org/
publications/tunisie-rapport-danalyse-des-cas-de-
discrimination-recoltes-par-les-points-anti-discrimination/.
https://docs.google.com/forms/d/12Q4x6eBBx5r4e4STeD6
9HhQwriwpAwOgiYpIpOAl0o/edit?ts=5feb9f41&gxids=7628
CERD/C/TUN/19, paragraphe 463.
Le peuple autochtone de Tunisie – et d’Afrique du nord –
privilégie la dénomination « amazighs » et non « berbères »
qui peut être connotée.
10 CERD/C/TUN/19, paragraphe 11.
11 CERD/C/TUN/19, paragraphe 24.
12 http://www.acm.gov.tn/upload/1410083987.pdf
13 Article 1er.
14 Ferré, N. (2018). La fabrique de la « société civile » entre
évitement du politique et politisation : usages d’un dispositif
de l’action extérieure européenne en Tunisie. Revue
Gouvernance, 15 (1), 15–42. https://doi.org/10.7202/1056259ar
15 Article 62 : L’initiative des lois est exercée par des
propositions de loi émanant de dix députés au moins ou par
des projets de loi émanant du Président de la République ou
du Chef du Gouvernement. Le Chef du Gouvernement est
seul habilité à présenter les projets de loi d’approbation des
traités et les projets de loi de finances. Les projets de loi ont
la priorité.
16 https://www.bfmtv.com/international/afrique/tunisie/tunisie-
la-societe-civile-presente-une-proposition-de-loi-contre-le-
racisme_AN-201606140048.html
17 http://www.arp.tn/site/servlet/ResultProjet?type=61
&langue=1&num=&annee=&titre=&lajna=
discrimination. L’État garantit aux citoyens et aux citoyennes
les libertés et les droits individuels et collectifs. Il leur assure
les conditions d’une vie digne.
20 Article 22 : Le droit à la vie est sacré. Il ne peut y être porté
atteinte, sauf dans des cas extrêmes fixés par la loi.
21 Article 23 : L’État protège la dignité de l’être humain et son
intégrité physique et interdit la torture morale ou physique.
Le crime de torture est imprescriptible.
22 Article 6 : L’État protège la religion, garantit la liberté de
croyance, de conscience et de l’exercice des cultes. Il assure
la neutralité des mosquées et des lieux de culte de
l’exploitation partisane. L’État s’engage à diffuser les valeurs
de modération et de tolérance et à protéger le sacré et
empêcher qu’on y porte atteinte. Il s’engage également à
prohiber et empêcher les accusations d’apostasie, ainsi que
l’incitation à la haine et à la violence et à les juguler.
23 Article 31 : Les libertés d’opinion, de pensée, d’expression,
d’information et de publication sont garanties. Aucun
contrôle préalable ne peut être exercé sur ces libertés.
24 Article 24 : L’État protège la vie privée, l’inviolabilité du
domicile et le secret des correspondances, des
communications et des données personnelles. Tout citoyen
dispose de la liberté de choisir son lieu de résidence et de
circuler à l’intérieur du territoire ainsi que du droit de le
quitter.
25 Article 46 : L’État s’engage à protéger les droits acquis de la
femme et veille à les consolider et les promouvoir. L’État
garantit l’égalité des chances entre l’homme et la femme
pour l’accès aux diverses responsabilités et dans tous les
domaines. L’État s’emploie à consacrer la parité entre la
femme et l’homme dans les assemblées élues. L’État prend
les mesures nécessaires en vue d’éliminer la violence contre
la femme.
26 Article 48 : L’État protège les personnes handicapées contre
toute discrimination. Tout citoyen handicapé a droit, en
fonction de la nature de son handicap, de bénéficier de
toutes les mesures propres à lui garantir une entière
intégration au sein de la société, il incombe à l’État de
prendre toutes les mesures nécessaires à cet effet.
27 https://undocs.org/fr/A/HRC/40/58/Add.1
28 Cf. Stéphanie Pouessel, « Premiers pas d’une « renaissance
» amazighe en Tunisie. Entre pression panamazighe, réalités
locales et gouvernement islamiste », Le Carnet de l’IRMC, 7
décembre 2012. [En ligne]
29 Article 39 : L’instruction est obligatoire jusqu’à l’âge de seize
ans. L’État garantit le droit à l’enseignement public et gratuit
à tous ses niveaux. Il veille à mettre les moyens nécessaires
au service d’une éducation, d’un enseignement et d’une
formation de qualité. L’État veille également à l’enracinement
des jeunes générations dans leur identité arabe et islamique
et leur appartenance nationale. Il veille à la consolidation de
la langue arabe, sa promotion et sa généralisation. Il
encourage l’ouverture sur les langues étrangères et les
civilisations. Il veille à la diffusion de la culture des droits de
l’Homme.
18 Article 1er : La Tunisie est un État civil, fondé sur la
30 Article 74 : La candidature à la présidence de la République
citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit. Le
présent article ne peut faire l’objet de révision.
19 Article 21 : Les citoyens et les citoyennes sont égaux en
droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans
est un droit pour toute électrice ou tout électeur de
nationalité tunisienne par la naissance et de confession
musulmane. Le candidat doit être âgé de 35 ans au moins au
jour du dépôt de sa candidature. S’il est titulaire d’une
22
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
Page 25
nationalité autre que la nationalité tunisienne, il doit inclure
dans son dossier de candidature, un engagement de
renoncer à l’autre nationalité dès après la proclamation de
son élection en tant que Président de la République. Le
candidat est présenté par un nombre de membres de
l’Assemblée des représentants du peuple, de présidents de
conseils de collectivités locales élues ou d’électeurs inscrits,
et ce, conformément à la loi électorale.
31 https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/
opccpr1.aspx
32 https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/
opcat.aspx#:~:text=Le%20pr%C3%A9sent%20Protocole%2
0a%20pour,traitements%20cruels%2C%20inhumains%20ou
%20d%C3%A9gradants
33 La Déclaration générale précise que « le gouvernement
tunisien déclare qu’il n’adoptera en vertu de la Convention,
aucune décision administrative ou législative qui serait
susceptible d’aller à l’encontre des dispositions du chapitre
premier de la constitution ».
34 https://treaties.un.org/doc/Publication/CN/2014/CN.220.
2014-Eng.pdf
aux victimes en vue de faciliter leur réinsertion sociale et leur
hébergement, et ce, dans la limite des moyens disponibles.
Ces mesures sont prises en tenant compte de l’âge des
victimes, leur sexe et leurs besoins spécifiques.
Article 61 - L’instance nationale de lutte contre la traite des
personnes prend en charge de renseigner les victimes sur les
dispositions régissant les procédures judiciaires et
administratives permettant de les aider à régulariser leur
situation et obtenir l’indemnisation appropriée des préjudices
subis, et ce, par une langue que la victime comprenne.
L’instance assure également le suivi de leurs dossiers auprès
des autorités publiques, en coordination et en collaboration
avec les organisations non gouvernementales, et leur
apporter assistance, en cas de besoin, pour lever les
obstacles qui entravent l’accès à leurs droits.
Article 62 - L’aide juridictionnelle peut être accordée aux
victimes de la traite des personnes pour engager les
procédures judiciaires civiles ou pénales les concernant.
45 https://www.justice.gov.tn/fileadmin/medias/pdf/lutte_
contre_la_traite_des_etres_humains/Rapport_2019_lutte_cont
re_la_traite_des_etres_humains.pdf
35 http://www.legislation.tn/sites/default/files/fraction-journal-
46 http://www.legislation.tn/sites/default/files/news/
officiel/2015/2015F/088/Tf2015015933.pdf
tf2017581.pdf
36 L’état du reporting peut être consulté sur cette page :
47 Pour l’association LGBT Shams, l’Etat tunisien a voulu retirer
https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/TreatyBodyExternal/c
ountries.aspx?CountryCode=TUN&Lang=FR
37 https://legislation-securite.tn/fr/node/104703
38 28 Février 2011
39 https://www.ohchr.org/fr/issues/freedomreligion/pages/
freedomreligionindex.aspx
40 https://www.ohchr.org/fr/Issues/AssemblyAssociation/
Pages/SRFreedomAssemblyAssociationIndex.aspx
41 https://www.ohchr.org/FR/Issues/SexualOrientation
le visa accordé à l’association en considérant que
l’administration chargée de l’enregistrement légal des
associations n’avait pas compris l’acronyme LGBT indiqué
dans les statuts de l’association comme un terme désignant
les minorités sexuelles. Pour l’association Baha’i,
l’administration a conditionnée l’obtention de ce visa par la
suppression du mot baha’i du nom de l’association et l’Etat
s’est basé dans cette affaire sur des fatwas religieuses
hostiles aux bahaïs.
Gender/Pages/Index.aspx
48 https://www.businessnews.com.tn/Pour-choisir-un-pr%C3
42 Article 11 – Une commission nationale dénommée « la
%A9nom-non-arabe,-il-faut-passer-par-la-justice-!,537,82105,3
commission nationale de lutte contre la discrimination raciale
», rattachée au ministère chargé des droits de l’Homme, est
chargée de la collecte et du suivi des différentes données y
afférentes, de concevoir et proposer les stratégies et les
politiques publiques à même d’éliminer toutes les formes de
discrimination raciale.
Un décret gouvernemental fixe les modalités de sa création,
ses attributions, son organisation, son mode de
fonctionnement, ses mécanismes de travail et sa
composition, tout en tenant en compte le principe de parité
et la représentation de la société civile.
La commission nationale de lutte contre la discrimination
raciale transmet son rapport annuel à la commission
intéressée à l’assemblée des représentants du peuple.
43 http://www.legislation.tn/sites/default/files/news/
tf2016611.pdf
44 D’après le rapport de l’instance nationale de lutte contre la
traite des personnes pour l’année la Tunisie a enregistré 1313
victimes de traite. 89% de ces victimes sont des personnes
étrangères et 83% de ces dernières sont des personnes
venant de l’Afrique subsaharienne ( principalement de la
Cote d’Ivoire).
Section II - Des mesures d’assistance Art. 59 - L’instance
nationale de lutte contre la traite des personnes veille en
coordination avec les services et les structures concernés à
fournir l’assistance médicale nécessaire de manière à
garantir le rétablissement physique et psychologique des
victimes qui en ont besoin. Les victimes bénéficient le cas
échéant de la gratuité des soins et de traitement dans les
établissements publics de santé. Les conditions et les
modalités de prise en charge des frais de soins des victimes
sont fixées par décret gouvernemental.
Article 60 - L’instance nationale de lutte contre la traite des
personnes veille en coordination avec les services et les
structures concernés à fournir l’assistance sociale nécessaire
49 https://www.jeuneafrique.com/615637/societe/tunisie-les-
discriminations-envers-les-amazighs-persistent/
50 http://www.slate.fr/story/194313/tunisie-etat-civil-choix-
prenom-enfant-parents-bizerte-fin-circulaire-1965-lotfi-zitoun
51 https://minorityrights.org/2020/10/15/court-decision-tunisia/
52 Analysis Report of the cases of discrimination collected by
the Anti-Discrimination Points, https://minorityrights.org/
publications/tunisie-rapport-danalyse-des-cas-de-
discrimination-recoltes-par-les-points-anti-discrimination/
53 https://www.ohchr.org/FR/HRBodies/UPR/Pages/
tnindex.aspx
54 https://legislation-securite.tn/fr/node/104424
55 Article 41 – Pour l’accomplissement de ses missions,
l’Instance crée des commissions permanentes et prend en
compte dans leurs formations les différents domaines des
droits de l’Homme, dont obligatoirement :
• Une commission des droits de l’enfant,
• Une commission des droits civils et politiques,
• Une commission des droits des personnes handicapées,
• Une commission pour l’élimination de toutes les formes de
discrimination,
• Une commission des droits économiques, sociaux,
culturels et de l’éducation et de l’enseignement.
• Une commission des droits environnementaux et de
développement,
• Une commission des forces armées.
L’Instance peut également créer des commissions ou des
groupes de travail, ou faire appel à tout organisme ou toute
personne ayant de l’expérience et de la compétence.
56 LGBT/Migrants/mineurs/PVVIH
57 https://haica.tn/fr/
58 Article 15 : La HAICA veille à l’organisation et à la régulation
de la communication audiovisuelle, conformément aux
principes suivants : - Le renforcement de la démocratie et
des droits de l’Homme et la consécration de la suprématie
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
23
Page 26
de la loi, - Le renforcement et la protection de la liberté
d’expression, 10 - Le renforcement du secteur audiovisuel
national public, privé et associatif, - Le renforcement du droit
du public à l’information et au savoir, à travers la garantie du
pluralisme et de la diversité dans les programmes se
rapportant à la vie publique, - La consécration d’un paysage
médiatique audiovisuel pluraliste, diversifié et équilibré de
nature à respecter les valeurs de liberté, de justice et
d’exclusion de la discrimination de race, de sexe ou de
religion. - La promotion de la programmation d’une
information précise et équilibrée, - L’encouragement de
programmes éducatifs de haute qualité, - Le renforcement
de la diffusion des services de communication audiovisuelle
sur la plus large échelle géographique possible, aux plans
national, régional et local, - La promotion d’une
programmation et d’une émission exprimant et renforçant la
culture nationale, - Le renforcement de la maîtrise de
l’utilisation des nouvelles technologies, - La consolidation
des capacités financières et compétitives des établissements
de communication audiovisuelle dans la république
tunisienne, - Le renforcement de la formation des ressources
humaines à hautes compétences.
59 https://haica.tn/fr/porter-plainte/
60 En cas d’infraction grave constituant une violation des
dispositions de l’article 5 du présent décret-loi pouvant
occasionner un grave préjudice difficilement réparable, la
HAICA peut décider la suspension immédiate du programme
en question, par décision motivée, après avoir invité le
contrevenant à comparaitre, et lui avoir notifié l’objet de
l’infraction.
61 https://colibe.org/wp-content/uploads/2018/06/Rapport-
COLIBE.pdf
62 http://adlitn.org/download/rapport-les-libertes-individuelles-
et-legalite/
63 https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G17/
190/93/PDF/G1719093.pdf?OpenElement
64 Sans pour autant donner une définition précise des groupes
vulnérables sur lesquels travaille la commission.
65 Cette plateforme a été réalisée dans le cadre du projet d’appui
à l’Assemblée des Représentants du Peuple du Programme
des Nations unies pour le Développement avec l’appui du
gouvernement de Grande Bretagne et du Danemark
66 https://www.leconomistemaghrebin.com/2018/07/04/
lancement-plateforme-ligne-societe-civile/
67 https://www.france24.com/fr/20190708-tunisie-presidentielle-
mounir-baatour-candidat-homosexualite-lgbt-shams
24
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE SUR LA SITUATION DES MINORITÉS ET DES GROUPES DISCRIMINÉS EN TUNISIE
Page 27
assurer les droits des minorités
et des peoples autochtones
Étude de référence sur la situation des minorités et des groupes discriminés en Tunisie
Dix ans après le soulèvement de 2011, la Tunisie fait encore
face à plusieurs défis en matière de non-discrimination et de
respect des droits des minorités et des groupes discriminés.
Bien que le changement de régime politique et la transition
démocratique aient permis à plusieurs groupes de devenir
plus visibles et de revendiquer plusieurs changements,
d’autres continuent aujourd’hui à subir des discriminations
dans la loi et dans les faits.
Les progrès réalisés par la Tunisie en matière de non-
discrimination sont visibles à travers plusieurs indicateurs
comme l’appropriation par l’Etat de la question de la non-
discrimination à travers la mise en place de la Commission
des libertés individuelles et de l'égalité (COLIBE) en 2017,
le nombre croissant d’acteurs de la société civile sur la non-
discrimination et l’adoption d’une loi nationale contre la
discrimination raciale en 2018. Néanmoins, plusieurs
discriminations persistent contre certains groupes et les
solutions qui existent semblent être inaccessibles pour
plusieurs raisons aux victimes avérées et potentielles.
Cette étude de référence se propose de faire un état des
lieux des avancées et réalisations dans plusieurs domaines
ainsi que des défis qui restent pour une Tunisie non
discriminante. L’étude se propose également de mettre en
lumière des groupes qui continuent aujourd’hui à souffrir de
plusieurs discriminations et de proposer des
recommandations.
Minority Rights Group International 54 Commercial Street, London E1 6LT, United Kingdom
Tel +44 (0)20 7422 4200 Fax +44 (0)20 7422 4201 Email minority.rights@minorityrights.org Website www.minorityrights.org
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