Page 1
29 avenue Alain Savary - 1002 le Belvédère – Tunis
Tel: 71288688 - Fax: 71288844
Email: info@bkassocies.com
Site Web: www.bkassocies.com
Réflexion sur les modes alternatifs de règlement des conflits
post COVID-19
Maître Anissa BOUSSOFARA























Page 2
La suspension provisoire de la majeure partie des activités judiciaires et la
multiplication des difficultés rencontrées par les acteurs économiques, dues à la crise
sanitaire récente, ont engendré un flux important de litiges.
Face à ces litiges, les hommes d’affaires et leurs avocats ont le réflexe du recours au
contentieux, que ce soit devant les juridictions étatiques ou arbitrales.
Toutefois, au moment où la recherche de solidarité et de stabilité se fait sentir,
éléments essentiels pour faire face à toute sorte de crise, il est temps de pacifier les
relations économiques et de privilégier les modes alternatifs de règlement des conflits
(« MARC »), à savoir : la conciliation
1 et la médiation2.
Il est généralement admis que l’arbitrage n’est pas un MARC.3 En effet, il s’agit d’un
mode juridictionnel de règlement des litiges et la sentence qui est issue de la
procédure a valeur de chose jugée.
D’autres formes, moins courantes de MARC, venues de la pratique américaine,
existent: le « mini-trial » et plus récemment, est apparu le « med-arb ». Le premier est
« une forme de procès simulé destiné à permettre aux parties de se rapprocher en vue
de trouver un accord amiable » et le second « une forme de mélange entre médiation
et arbitrage » dont « la formule consiste à désigner une personne d’abord en qualité de
médiateur et, ensuite, si la médiation a échoué, en qualité d’arbitre (l’autre possibilité
étant de désigner un arbitre avec pour mission de tenter d’abord une médiation) ».
4
1 Le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu propose la définition suivante: « accord par lequel deux
personnes en litige mettent fin à celui-ci (soit par transaction, soit par abandon unilatéral ou réciproque
de toute prétention), la solution du différend résultant non d’une décision de justice (ni même de celle
d’un arbitre) mais de l’accord des parties elles-mêmes. »
2 Le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu propose la définition suivante : « mode de solution des
conflits consistant, pour la personne choisie par les antagonistes (en raison le plus souvent de son
autorité personnelle), à proposer à ceux-ci un projet de solution, sans se borner à s’efforcer de les
rapprocher, à la différence de la conciliation, mais sans être investi du pouvoir de le leur imposer
comme décision juridictionnelle, à la différence de l’arbitrage et de la juridiction étatique. »
3 Ph. Fouchard, « Arbitrage et modes alternatifs de règlement des litiges du commerce international »,
in
Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du XXème siècle, Mélanges en l’honneur de
Ph.Kahn
, Litec, 2000, p.95, spéc., p.96.
4 J-B. Racine, Droit de l’arbitrage, Thémis Droit, PUF, p.23/24.







Page 3
Ces méthodes de règlement amiable des
litiges présentent des avantages
considérables : la confidentialité dans le traitement des informations fournies ainsi
qu’au niveau de l’issue du litige, la préservation de la relation affectée, la célérité de
la résolution du litige et leur faible coût (en comparaison au règlement contentieux qui
peuvent durer inutilement en mobilisant avocats, conseils et experts ayant des
honoraires parfois élevés) ainsi que la possibilité de choisir une personne conduisant
la procédure qui soit spécialisée dans la question en litige. Ces avantages sont d’autant
plus précieux en temps de crise où de nombreux opérateurs économiques tendent à
être fragilisés.
Si une grande partie des contrats relevant du domaine économique contiennent une
obligation de tentative de règlement amiable préalable au recours au contentieux, cette
étape est souvent occultée par les contractants et ne semble pas suffisamment mise en
œuvre par leurs conseils et avocats.
Que prévoit le droit tunisien ?
La législation tunisienne prévoit des dispositions spécifiques proposant ou imposant le
recours à la conciliation lors de certains conflits dans des domaines particuliers
(notamment en droit bancaire, droit social, pour les affaires familiales ou encore en
matière pénale concernant les mineurs) mais aucune procédure générale pouvant être
adoptée lors des litiges civils et commerciaux.
L’alinéa 11 de l’article 40 du Code de procédure civile et commerciale dispose:
« Le président de la chambre commerciale peut charger l’un des membres de procéder
à une tentative de conciliation entre les parties, lesquelles peuvent, à toute phase de la
procédure, demander à la chambre de statuer sur le litige selon les règles de l’équité. »
Ainsi, en principe, un litige porté devant le juge consulaire pourrait être traité par la
conciliation à tout moment. Mais qu’en est-il des litiges non portés devant le juge
consulaire ?
Quid du règlement amiable avant d’arriver devant les tribunaux ?
Les professionnels du droit peuvent proposer aux opérateurs économiques d’avoir
recours au règlement amiable des litiges qui les concernent et mettre en œuvre les



Page 4
dispositifs nécessaires afin de mener à bien des procédures de médiation, de
conciliation ou conduire directement des transactions. En l’absence de législation
générale relative aux procédures de règlement amiable des différends, si besoin est,
les praticiens peuvent se référer aux réglementations proposées par les organismes
internationaux. Les règlementations proposées par la Commission des Nations Unies
pour le Droit Commercial International (Loi-type sur la médiation commerciale de
2018, Règlement de conciliation de 1980) ou par la Chambre de commerce
internationale (Règlement de médiation, 2014) peuvent être consultées à cette fin.
D’ailleurs, il n’est pas nécessaire d’adopter une règlementation spécifique pour régir
les MARC, leur essence étant liée à l’absence de juridisme inutile
5.
La contribution des MARC à une évolution sociétale
Privilégier et faciliter le recours au règlement amiable révèle un choix sociétal et une
certaine philosophie du droit contribuant à la pacification des relations économiques.
Ainsi, les MARC permettent de maintenir d’éventuelles relations entre les partenaires
et de limiter les dépenses de chacun liées au litige survenu.
De plus, en pratique, le recours aux MARC permet de désengorger les tribunaux qui
étouffent et de favoriser l’utilisation des moyens numériques.
En effet, loin du poids lié à la bureaucratie des tribunaux, les intervenants dans le
processus du règlement amiable n’auront aucune difficulté à organiser leurs échanges
à distance.
Le recours aux MARC se couple aisément à l’utilisation des nouvelles technologies
pour sa mise en œuvre, et pourrait ainsi accélérer l’entrée des praticiens du droit dans
l’ère digitale car si certains d’entre eux sont d’ores et déjà familiers avec ces
nouvelles technologies, d’autres, n’utilisent pas encore les moyens qui sont à leur
disposition et qui ont été fortement sollicités durant le confinement imposé comme
moyen de limiter la propagation de la COVID-19 (logiciels spécifiques, visio-
conférences, échanges électroniques…). En effet, si la digitalisation des procédures
judiciaires est actuellement discutée, l’enclenchement de ce changement et surtout sa
mise en place pourraient nécessiter un temps certain en raison des process inhérents
5 Ch. Jarrosson, « les modes alternatifs de règlement des conflits : présentation générale », Rev. int. dr.
comp
, 1997, p.327.



Page 5
aux institutions publiques. En revanche, le recours aux MARC est exempté des
lourdes procédures et leurs usagers peuvent donc librement choisir les moyens
digitaux pour les mettre en œuvre.
Anissa Boussofara
Avocate près la Cour d’appel de Tunis
Docteure en droit de l’Université Côte d’Azur




Page: 1, 2, 3, 4, 5