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Ministère de la Femme,
de la Famille et de l’Enfance
INÉGALITÉS ET DISCRIMINATION
À L'ENCONTRE
DES FEMMES & DES FILLES
DANS LA LÉGISLATION TUNISIENNE
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Conception et Réalisation :
Tél. : +216 73 822 909
+216 50 585 157
Crédit photo : Fathi BELAID
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Consultante :
Monia Ben Jémia,professeure à la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis (FSJPST)
Comité de Suivi :
Dalenda Larguèche, Directrice, CREDIF
Seynabou Dia, Chargée de projet, HCDH
Avec la participation du Programme National de ONU-Femmes, Tunisie
Février 2016
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2
Sommaire
Introduction
o La consécration de l’égalité des citoyens et des citoyennes dans la Constitution du 27
janvier 2014
o Les engagements internationaux de la Tunisie en matière d’égalité entre les hommes et
les femmes
Chapitre I – Inégalité et discrimination dans la jouissance et l’exercice effectif des
droits politiques
1.1 - L’égalité des droits : droit de vote et renforcement des droits d’éligibilité.
1.2 - La possibilité d’accès à la plus haute charge : la présidence de la République
1.3 - La parité dans les assemblées élues. Sous-représentation des femmes dans les instances
collectives de délibération
1.4 - Une présence marginale dans les gouvernements
1.5 - Une présence marginale dans la direction des partis politiques
Recommandations
Chapitre II – Inégalités et discriminations dans la jouissance et l’exercice effectif
des droits civils et familiaux
2.1 - Constitution Tunisienne et conventions internationales ratifiées relatives aux questions de
nationalité
2.2 - Les inégalités dans le Code la Nationalité
o Les inégalités entre les hommes et les femmes dans l’accès et le maintien à la
nationalité tunisienne
o Inégalité dans l’accès à la nationalité tunisienne et au séjour en Tunisie entre les époux
et les épouses étrangères de tunisiens et de tunisiennes
Recommandations
2.3 – Inégalités et discriminations dans le mariage et la famille. Le Code du Statut personnel et
les lois qui y sont annexées
o Mariage et famille dans la Constitution et dans les conventions internationales ratifiées
o Inégalités dans le mariage
- l’interdiction du mariage d’une tunisienne musulmane à un non-musulman
- l’âge du mariage et les mariages précoces
- le maintien de la dot
- le mari, seul chef de la famille
- tutelle du père sur les enfants mineurs
- obligation alimentaire et inégalité dans l’héritage
o Des mères vulnérables : les mères-célibataires
Recommandations
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne




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Chapitre III – Inégalités et discriminations dans la jouissance et l’exercice effectif
du droit à la sureté : les violences à l’égard des femmes & des filles
3.1 - Prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux violences : des engagements pris par
la Tunisie au niveaux national et international
o Violences sexuelles
- la discrimination quant à l’âge du consentement possible à une activité sexuelle et
majorité sexuelle
- absence des violences physiques et de la notion de consentement
- le harcèlement sexuel et la possibilité de porter plainte contre la victime pour
dénonciation calomnieuse en cas de non-lieu ou d’acquittement
o Les violences dans le couple
o Les violences familiales : l’inceste
3.2 - Absence de mesures positives de protection des victimes
3.3 – Pour aller au-delà de la répression et protection
o Prévenir
o Des enquêtes nationales régulières
Recommandations
Chapitre IV – Inégalités et discrimination dans la jouissance et l’exercice effectif
des droits économiques et sociaux
4.1 – Le Droit au travail et le Droit à la sécurité sociale
o Des droits garantis dans la Constitution et par les Conventions internationales ratifiées
o Une législation interne insuffisamment protectrice
- des incitations légales à l’abandon de leur travail par les femmes
- absence de couverture sociale des chômeurs et du travail temporaire et informel
o Faible représentativité dans les instances de prise de décision et les syndicats
o Les femmes les plus vulnérables :
- les femmes vivant en milieu rural, victimes d’une double discrimination
- les travailleuses domestiques
Recommandations
4.2 – Inégalités et discrimination dans le droit à la santé et les droits sexuels et reproductifs
o Constitution et traités ratifiés
o Un congé de maternité dont la durée ne correspond pas aux standards internationaux
o
Un accès aux services de santé souvent difficile
o La santé sexuelle et reproductive : un engagement pris par l’Etat tunisien
Recommandations
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne

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Introduction
P ionnière dans la consécration de l’égali-
té entre hommes et femmes lors de l’in-
dépendance en 1956, la Tunisie accuse au-
jourd’hui des retards. Selon le Gender Gap
(2015)
1 , la Tunisie est classée 127ème sur 145
pays, en matière d’égalité de genre. Elle est
133
ème en matière de participation économique
et opportunités de travail, 107
ème en matière
d’éducation, 111
ème en matière de santé et
69
ème en matière de participation politique.
Les femmes ne participent à la vie économique
qu’à hauteur de 25%, environ, souffrent le plus
d’analphabétisme, et le chômage touche deux
fois plus les diplômées du supérieur femmes.
Elles occupent le plus souvent des emplois
précaires ou dans des activités (industrie
manufacturière et agriculture) soumises plus
que d’autres aux aléas climatiques et écono-
miques. Elles souffrent de plus de pauvreté
que les hommes. L’inégalité a ainsi un impact
sur le développement économique et social, le
pays se privant d’une part importante de ses
forces vives
2 .
La discrimination a également un impact sur
les violences exercées à l’égard des femmes,
celles-ci étant une cause et une conséquence
de la discrimination de fait et de droit qu’elles
subissent. Or la violence contre les femmes,
non seulement porte atteinte à leur droit à la
sécurité, mais à la sécurité de l’ensemble de la
population. Les résolutions du Conseil de Sé-
curité de l’ONU « Femmes, Paix et Sécurité »
(1325 et suivantes) en attestent.
L’apport des femmes à une transition politique
pacifique a été démontré dans plusieurs ins-
truments régionaux et internationaux, comme
les résolutions du Parlement Européen ou du
Conseil de l’Europe3 , ou celles du Conseil de
sécurité de l’ONU,
« Femmes, Paix et sécurité ».
Or, en Tunisie, la participation des femmes à
la vie publique et politique reste faible. Sur les
1500 nominations à des postes de décision
qu’il y a eu après la révolution, seuls 7% ont été
dévolus aux femmes
4 . Aucune femme n’a été
4
nommée au poste de gouverneur, les femmes
ministres sont une infime minorité. Malgré l’ins-
cription de la parité dans la Constitution et les
lois électorales, elles n’occupent que 34% des
sièges au parlement et les postes de respon-
sabilité dans les syndicats restent exclusive-
ment masculins.
Ainsi, malgré des acquis5 indéniables, les
femmes ne jouissent pas encore de l’égalité
totale en droit et en fait avec les hommes alors
que la paix, la sécurité, le développement éco-
nomique et social, le renforcement de la dé-
mocratie en sont tributaires et que l’Etat s’est
engagé à la garantir tant sur le plan interne,
dans la Constitution, que sur le plan internatio-
nal, dans les traités régulièrement ratifiés.
Placée au sommet de la hiérarchie des normes,
la Constitution est la norme fondamentale à
laquelle doivent être conformes les lois, elles-
mêmes placées dans un rang inférieur à celui
des traités internationaux régulièrement ratifiés
par la Tunisie.
La discrimination étant entendue comme étant
« toute distinction, exclusion, restriction fondée
sur le sexe, portant atteinte, c'est-à-dire com-
promettant ou détruisant la reconnaissance,
la jouissance, l'exercice par les femmes des
droits de l'homme et des libertés fondamen-
tales, dans les domaines politique, écono-
mique, social, culturel et civil ou dans tout autre
domaine »
, il faut, pour l’éliminer, consacrer
une égalité en droit et en fait entre les hommes
et les femmes. Parce que les droits humains
fondamentaux sont interdépendants et indivi-
sibles, tout discrimination dans la jouissance
et/ou l’exercice d’un droit aura un impact sur
tous les autres. Cette élimination de toute
forme de discrimination, et donc d’inégalité,
est d’autant plus nécessaire aujourd’hui en
Tunisie que le pays s’est doté d’une nouvelle
Constitution qui stipule l’égalité entre hommes
et femmes et a levé les réserves qu’il avait ini-
tialement émises à la Convention sur l’Elimina-
tion des toutes les formes de discrimination à
1 The global gender gap, report 2015, http://reports.weforum.org/global-gender-gap-report-2015/
2 Opening Doors, gender equality and development in the Middle East and North Africa, the World Bank, 2011, 2012 et 2013
3 Ces résolutions sont applicables en Tunisie dans la mesure où elles relèvent de la politique européenne de voisinage (PEV) à laquelle la Tunisie
est associée.
4 Chiffres repris du « Profil genre de la Tunisie 2014», juin 2014, UE pour le programme de promotion de l’égalité homme-femme en Tunisie »,
Boutheina Gribaa et Georgia Depaoli.
5 Les acquis des tunisiennes, CREDIF, 2015
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
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5
• Les engagements internationaux de
la Tunisie en matière d’égalité entre
hommes et femmes
La Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme (1948)
affirme le principe de la
non-discrimination et proclame que tous les
êtres humains naissent libres et égaux en di-
gnité et en droit, et que chacun peut se préva-
loir de tous les droits et de toutes les libertés
qui y sont énoncés, sans distinction aucune,
notamment de sexe.
Les Pactes internationaux relatifs aux droits
de l'homme,
le Pacte international sur les
droits civils et politiques (PIDCP)
6 et le
Pacte international sur les droits écono-
miques, sociaux et culturels (PIDESC)
7 ,
ratifiés par la Tunisie en 1968, déclarent que
les Etats ont l'obligation d'assurer l'égalité
des droits de l'homme et de la femme dans
l'exercice de tous les droits économiques, so-
ciaux, culturels, civils et politiques. Il en est de
même de la
Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples
de 1981, ratifiée en
1982
8 .
Comme en dépit de ces divers instruments, les
femmes continuaient de faire l'objet d'impor-
tantes discriminations en droit ou en fait qui les
rendent plus vulnérables à la pauvreté dans la
mesure où elles ont un moindre accès à l'ali-
mentation, à la maladie dans la mesure où elles
ont un moindre accès aux services médicaux,
à l’analphabétisme du fait du moindre accès
à l'éducation et à la formation, au chômage
du fait de possibilités d'emploi moindres,
la
Convention sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard des
femmes (CEDAW)
a été adoptée en 1979.
Elle a été ratifiée en 1985 par la Tunisie qui y
a fait un certain nombre de réserves touchant
principalement les droits civils et familiaux,
avant de les lever en 20119 .
l’égard des femmes (CEDEF, plus connue sous
son acronyme Anglais CEDAW)
Sans prétendre à l’exhaustivité, cette revue
des textes juridiques discriminatoires précise-
ra d’abord les obligations de l’Etat en matière
d’égalité des droits entre hommes et femmes
conformément aux textes placés au sommet
de la hiérarchie des normes, à savoir : la Consti-
tution et les traités internationaux ratifiés. Les
développements seront par la suite consacrés
aux inégalités et discriminations dans la jouis-
sance et/ou l’exercice des différents droits et
comporteront des recommandations aux fins
de la pleine conformité de la législation interne
et des politiques publiques aux engagements
pris par l'Etat tunisien via les traités internatio-
naux qu’il a rétifié et la nouvelle Constitution
qu’il a adopté .
• La consécration de l’égalité des ci-
toyens et des citoyennes dans la Consti-
tution du 27 janvier 2014
La Constitution tunisienne reconnaît dans
son
préambule le rôle des tunisiennes dans
la construction de la Nation en proclamant
que les représentants du peuple, membres
de l’Assemblée Nationale Constituante sont
«
fidèles…aux sacrifices des tunisiens et tuni-
siennes
au fil des générations ». Elle y inscrit
également le principe de
« l’égalité de tous les
citoyens et citoyennes en droits et en devoirs. »
Dans le corps de la Constitution, l’article 21
placé dans le chapitre des droits et libertés dis-
pose que :
« les citoyens et les citoyennes sont égaux en
droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la
loi sans discrimination. L’Etat garantit aux ci-
toyens et aux citoyennes les libertés et les
droits individuels et collectifs. Il leur assure les
conditions d’une vie digne »
L’égalité est ainsi garantie pour tous les droits
et libertés accordés par la Constitution, les
droits politiques, civils et familiaux, écono-
miques et sociaux .
6 Loi de ratification n° 68-30 du 29-11-1968, J.O.R.T. n° 51 du 29-11/3-12 1968, p. 1260. Décret de publication n° 83-1098 du 21-11-1983,
J.O.R.T. n° 79 du 6-12-1983 p. 3143.
7 Loi n° 68-30 du 29-11-1968, J.O.R.T. n° 51 du 29-11/3-12 1968, p. 1260.
8 Loi de ratification n° 82-64 du 6-8-1982, J.O.R.T. du 10-13 août 1982, p. 1689.
9 Loi de ratification : n° 85-68 du 12-7-1985, J.O.R.T. n° 54 du 16 juillet 1985, p. 929. Décret de publication n° 91-1664 du 4-11-1991, J.O.R.T.
n° 81 du 29-11-1991, p. 1876. publication : n° 91-1821 du 25-11-1991, J.O.R.T. n° 85 du 13-12-1991, p. 1668. Réserves levées par le
décre- loi 103/2011 notifié le 17 avril 2014.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
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6
En inscrivant l’égalité et la non-discrimination
dans la Constitution et en ratifiant la CEDAW
notamment
10 , l’Etat tunisien s’est donc engagé
à inscrire le principe de l’égalité des hommes
et des femmes dans la loi et à modifier ou
abroger toute loi (y compris pénale), coutume
ou pratique qui constitue une discrimination à
l'égard des femmes. L’Etat s’est aussi enga-
gé à assurer l’application effective des lois, à
sanctionner toute discrimination à l'égard des
femmes quel que soit son auteur (autorités pu-
bliques, institutions publiques, personnes pri-
vées, organisations ou entreprises privées) et
à assurer aux femmes la possibilité de recourir
en justice.
Des mesures sont alors à prendre afin de réta-
blir l’égalité en fait et en droit entre les hommes
et les femmes, dans les droits politiques (I), les
droits civils et familiaux (II), le droit à la sureté
ou la lutte contre les violences subies par les
femmes (III), les droits économiques, sociaux
et culturels (IV)
10 D’autres Conventions internationales spécifiques ont été ratifiées par la Tunisie, elles seront évoquées lors de l’étude de chacun des droits
garantis.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
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8
I. Egalité et non discrimination
dans la jouissance et l’exercice
effectif des droits politiques
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
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Si la Tunisie a progressé dans la garantie effec-
tive de la participation politique, que la consti-
tution garantit ces droits et les a même ren-
forcés, les femmes restent encore faiblement
représentées dans les organes de décision et
les partis politiques.
1.1. L’égalité des droits :
Droit de vote et renforcement
des droits d’éligilibité. La pos-
sibilité d’accès à la plus haute
charge : la présidence de la
République
Si les tunisiennes ont accédé pour la première
fois à une assemblée constituante, celle qui a
élaboré la constitution du 27 janvier 2014, elles
bénéficient du droit de vote et d’éligibilité, de-
puis plus d’un demi siècle (1957).
Et ce droit a été consacré dans la constitution
dans les articles 34, 53 et 54.
L’article 34 garantit « les droits d’élire, de vo-
ter et de se porter candidat »
L’article 53 dispose que « la candidature à la
députation à l’assemblée des représentants
du peuple est un droit pour tout électeur de
nationalité tunisienne depuis 10 ans au moins,
âgé d’au moins 23 ans révolus, le jour de la
présentation de sa candidature et ne faisant
l’objet d’aucune mesure d’interdiction prévue
par la loi »
et l’article 54 : « Est électeur tout ci-
toyen de nationalité tunisienne, âgé de 18 ans
révolus et remplissant les conditions fixées par
la loi électorale »
Ces droits sont également garantis dans les
instruments internationaux ratifiés par la Tuni-
sie.
Dans la Convention internationale sur les
droits politiques de la femme de 195311
dont les articles 1, 2 et 3 disposent respecti-
vement que
« Les femmes auront, dans des
conditions d’égalité avec les hommes, le droit
de vote dans toutes les élections, sans aucune
discrimination», «Les femmes seront, dans
9
des conditions d’égalité avec les hommes
éligibles à tous les organismes publiquement
élus, constitués en vertu de la législation na-
tionale, sans aucune discrimination » et « Les
femmes auront, dans des conditions d’égali-
té, le même droit que les hommes d’occuper
tous les postes publics et d’exercer toutes les
fonctions publiques en vertu de la législation
nationale, sans aucune discrimination »
Ce droit de voter et d’être éligible est pareille-
ment consacré dans la CEDAW dans ses ar-
ticles 7 et 8 :
Article 7 : « Les Etats prennent toutes les
mesures appropriées pour éliminer la discrimi-
nation à l’égard des femmes dans la vie poli-
tique et publique du pays et, en particulier, leur
assurent, dans des conditions d’égalité avec
les hommes, le droit : a/ de voter à toutes les
élections et dans tous les referendums publics
et à être éligibles à tous les organismes publi-
quement élus ; b/ de prendre part à l’élabora-
tion de la politique de l’Etat et à son exécution,
occuper des emplois publics et exercer toutes
les fonctions publiques à tous les échelons du
gouvernement ; c/ de participer aux organisa-
tions et associations non gouvernementales
s’occupant de la vie publique et politique du
pays »
Article 8 : « Les Etats parties prennent toutes
les mesures appropriées pour que les femmes,
dans des conditions d’égalité avec les hommes
et sans aucune discrimination, aient la possibi-
lité de représenter leur gouvernement à l’éche-
lon international et de participer aux travaux
des organisations internationales »
1.2. La possibilité d’accès
à la plus haute charge :
la présidence de la République
Le droit d’éligibilité des femmes a été renforcé
dans la Constitution du 27 janvier 2014, par la
possibilité pour elles d’accéder à la plus haute
charge, la Présidence de la République, ce
que ne permettait pas l’ancienne Constitution
de 1959. L’article 74 de la Constitution dispose
11 Loi de ratification : n° 67-41 du 21-11-1967, J.O.R.T. n° 49 du 21-24 novembre 1967, p. 1441. Décret de publication : n° 68-114 du 4
mai 1968, J.O.R.T. n° 19 du 7-10 mai 1968, p. 476.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
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en effet que « la candidature à la présidence de
la République est un droit pour toute électrice
et électeur de nationalité tunisienne par la nais-
sance et de confession musulmane »
Aux premières élections présidentielles, en
2014, une femme, Kalthoum Kennou, s’est
ainsi présentée pour la première fois à ce
poste.
Cette participation politique des femmes a
été renforcée également par la consécration
constitutionnelle de la parité dans les
assemblées élues.
1.3. La parité dans les as-
semblées élues.
Sous-représentation des
femmes dans les instances
collectives de délibération
Le constat de la faible participation politique
des femmes a conduit à la constitutionnalisa-
tion de la parité. Mais seule la parité dans les
assemblées élues a été inscrite dans la Consti-
tution.
L’article 34 dispose que « L’Etat veille à ga-
rantir la représentativité des femmes dans les
assemblées élues » et l’article 46 que : « L’Etat
garantit l’égalité des chances entre l’homme
et la femme pour l’accès aux responsabilités
et dans tous les domaines » (alinéa 2) et «
L’Etat s’emploie à consacrer la parité entre
la femme et l’homme dans les assemblées
élues » (alinéa 3).
Sans évoquer expressément la parité, la CE-
DAW considère que :
« l’adoption par les Etats
parties de mesures temporaires spéciales
visant à accélérer l’instauration d’une égali-
té de fait entre les hommes et les femmes
n’est pas considéré comme un acte de dis-
crimination »
(Article 4 alinéa 1). La parité est
l’instrument permettant d’accélérer l’instaura-
tion d’une égalité de fait dans la participation
politique.
10
Le constat de l’insuffisance de la participa-
tion politique des femmes n’est pas nouveau,
malgré les progrès faits depuis 1959. Si, à
cette date, elles occupaient 1,1% des sièges
à la chambre des députés, en 2009, elles en
occupaient 27,4%, 15,18% des sièges à la
chambre des conseillers
12 et 25% au Conseil
constitutionnel. Ces progrès ont notamment
pu être obtenus grâce au quota de 30% adop-
té en 2009 par le parti au pouvoir (RCD)
13 .
Après la révolution de 2011, quatre instances
indépendantes chargées d’assurer la transi-
tion politique, ont été créées. Deux commis-
sions d’investigation, l’une sur les affaires de
corruption et de malversation
14 , l’autre sur les
violations graves commises durant la révolu-
tion , la Haute Instance pour la réalisation des
objectifs de la Révolution
15, de la réforme po-
litique et de la transition démocratique
16 (sorte de
mini parlement) et l’ISIE
17 , chargée d’organiser
les élections.
Dans ces quatre instances, les femmes sont
sous représentées, à l’exception de la Com-
mission d’investigation sur les exactions com-
mises durant la révolution. Elles sont toutes
présidées par des hommes, les femmes re-
présentent 18% des membres dans la Com-
mission d’investigation sur la malversation et
la corruption (présidée par A. Amor), 60% de
ceux de la Commission d’investigation sur les
exactions commises durant la révolution (pré-
sidée par T. Bouderbala). Et seules 2 femmes
ont siégé dans l’instance centrale de l’ISIE
(présidée par K. Jendoubi pour les élections
de l’ANC, puis par Ch. Sarsar pour les élec-
tions de l’ARP et des présidentielles).
Dans le mini-Parlement (la Haute Instance pré-
sidée par Y. Ben Achour et créée en 2011),
composé d’un comité d’expert et d’un conseil,
33% d’experts et 23% des conseillers étaient
des femmes.
Prenant acte de cette faible participation poli-
tique, sous la pression de la société civile, en
particulier les associations féministes dont les
représentantes siègent au sein de la Haute
Instance, la parité verticale par alternance est
adoptée pour l’élection de l’Assemblée Na-
12 Voir, sondage sur la perception des tunisiens de la participation de la femme à la vie politique en Tunisie, PNUD, décembre 2013,
http://www.tn.undp.org/content/dam/tunisia/docs/Publications/Rapport%20fr%20_%20web%20partie%201.pdf
13 Profil genre, Tunisie, 2014
14 Décret-loi n°7-2011 du 18/2/2011, JORT n°13 du 1/3/2011, p.201.
15 Décret-loi n°8-2011 du 18/2/2011, JORT n°13, du 1/3/2011, p.203.
16 Décret loi n°6-2011du 18/02/2011, JORT n°13 du 1er mars 2011, n°13.
17 Décret loi n°27-2011 du 18/4/2011
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
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tionale Constituante (ANC)18 . 67 femmes ont
siégé en son sein, soit sur 217 sièges, environ
30% ont été occupés par les femmes.
Parité verticale, mais aussi horizontale (autant
d’hommes que de femmes en têtes de listes) ?
La question s’est en particulier posée lors de
l’élaboration de la loi électorale de l’Assemblée
des Représentants du Peuple (ARP)
19 . La pa-
rité horizontale n’ayant pas été retenue
20 , un
recours
21 est effectué devant l’Instance Provi-
soire de Contrôle de la Constitutionnalité des
Lois qui refuse de considérer que la consécra-
tion de la seule parité verticale soit contraire à
la Constitution
22 . Celle-ci estime en effet, que
l’obligation qui pèse sur l’Etat est une simple
obligation de moyens
23 et n’exige pas néces-
sairement d’assemblées paritaires avec un
nombre égal d’hommes et de femmes, en se
basant notamment sur l’utilisation du verbe
« veiller à réaliser » utilisé respectivement dans
les articles 46 et 34 de la Constitution. Cette
décision peut d’autant plus être critiquée que
la parité, du fait de sa consécration dans la loi
électorale de l’ANC, puis dans la Constitution
elle-même, est devenue un droit acquis que
l’Etat non seulement protège, mais aussi sou-
tient et développe, conformément à l’article 46
alinéa premier :
« L’Etat s’engage à protéger
les droits acquis de la femme et veille à les
consolider et promouvoir».
Or, ce développement n’a pas été effectué
puisque la parité horizontale n’a pas été rete-
nue. Sans compter qu’on ne peut considérer
que les dispositions constitutionnelles soient
de simples recommandations, de simples obli-
gations de moyens et ce, quels que soient les
termes employés. La Constitution s’impose
aux pouvoirs publics, comme aux citoyens,
elle n’est pas un simple recueil de recomman-
dations.
L’actuel projet de loi organique portant modifi-
cation de la loi organique n°16 de l’année 2014
du 26 mai 2014 relative aux élections et au re-
ferendum prévoit dans son article 49/10 relatif
aux élections municipales et régionales la pari-
té verticale avec alternance et la parité horizon-
tale dans les listes électorales. Mais des voix
s’élèvent d’ores et déjà au sein de l’ARP pour
s’y opposer faisant état que dans certaines
régions, on n’accepterait pas femmes têtes
de listes et que les partis y auraient du mal à
trouver des femmes candidates et reprenant
les mêmes arguments de la parité, obligation
de moyens .
Au sein de l’ARP, les sièges occupés par les
femmes sont de 34%, légèrement plus qu’à
l’ANC, soit 73 femmes sur un total de 217 dé-
putés
24 .
Et bien que l’article 46 garantisse l’égalité des
chances dans les diverses responsabilités, la
présence des femmes reste marginale dans le
gouvernement et les partis politiques.
1.4. Une présence
marginale dans les
gouvernements
C’est seulement en 1983 que les femmes ont
accédé au gouvernement et elles n’ont jamais
accédé aux ministères de souveraineté (justice,
intérieur, défense nationale et des affaires
étrangères). Après la révolution, dans les deux
premiers gouvernements d’union nationale de
Mohamed Ghannouchi, deux femmes ont été
ministres (de la santé publique, des affaires
de la femme, de l’enfance et de la famille) et
une secrétaire d’Etat (auprès du ministère
de l’enseignement supérieur), celui qui lui
succède, Béji Caid Essebsi, ne fait guère mieux
avec une ministre et une secrétaire d’Etat.
Après les élections de l’ANC, dans le premier
gouvernement de la Troika, les femmes ont
occupé le poste de ministre des affaires de la
femme de l’enfance et de la famille, celui de
l’environnement et une secrétaire d’Etat a été
chargée de l’habitat (Gouvernement Jebali),
puis sous le gouvernement Laraiedh, une
femme est ministre (des affaires de la femme)
et deux sont secrétaires d’Etat (Habitat et
chargée d’affaires auprès du ministre des
affaires étrangères).
18 Décret-loi n°2011-35 du 10 mai 2011 relatif à l’élection de l’assemblée nationale constituante, JORT n°33 p. 647. L’article 16 du Décret loi
2011-35 portant organisation des élections de l’ANC : « les candidatures sont présentées sur la base du principe de la parité entre hommes
et femmes en classant les candidats dans les listes de façon alternée entre hommes et femmes. La liste qui ne respecte pas ce principe est
rejetée, sauf dans le cas d’un nombre impair de sièges réservés à certaines circonscriptions ».
19 Loi organique n°16 du 26 mai 2014 relative aux élections et referéndums http://www.chawki.gaddes.org/resources/code_electoral_bilingue.pdf
20 Article 24 de la loi du 26 mai 2014 dispose: “Les candidatures sont présentées sur la base du príncipe de parité entre hommes et femmes et
à la règle de l’alternance entre eux sur la liste. Toute liste ne respectant pas ce principe est rejetée, sauf le cas d’un nombre impair de sièges
réservés à quelques circonscriptions”
21 Voir le texte du recours présenté par des députés de l’opposition in: http://www.chawki.gaddes.org/resources/recours+IPCCL.pdf
Page 14
Le gouvernement de technocrates qui suit
celui de la Troika et dirigé par Mehdi Jomaa
comprend 2 femmes ministres (tourisme,
commerce et artisanat) et une secrétaire d’Etat
chargée des affaires de la femme, de l’enfance
et de la famille.
tourisme et de
Dans le premier gouvernement Essid, après
les élections de 2014, les femmes dans le
gouvernement sont au nombre de 3 ministres:
Ministre du
l’artisanat,
Ministre de la culture et de la sauvegarde du
patrimoine, Ministre de la femme, de l’enfance
et de la famille. 5 Secrétaires d’Etat (auprès
du Ministre des finances, auprès du Ministre
du développement, de
l’investissement
et de la coopération internationale, de la
production agricole, chargée du dossier des
martyrs). Dans le deuxième gouvernement
Essid (6janvier 2016), la fonction de Secrétaire
d’Etat étant abandonnée, il ne reste plus que 3
femmes ministres.
La parité qui a suscité débats et controverses,
tant lors de l’élaboration de la Constitution
que lors du vote des lois électorales montre
que seule cette action positive a permis une
relative participation des femmes à la vie
politique, à l’ANC et à l’ARP. Ailleurs, elles
sont bien plus faiblement représentées, dans
le gouvernement et dans toutes les institutions
publiques, y compris de l’enseignement dans
tous les cycles.
1.5. Une présence
marginale dans la direction
des partis politiques
Les partis restent encore des «clubs masculins»,
avec une infime minorité de femmes dans
leurs organes dirigeants, alors même que
les femmes sont entrées, après 2011, dans
l’action politique. Des partis existant avant
2011, seul el Joumhouri (ex PDP) avait à sa
tête une femme (Maya Jribi). Parmi la pléthore
de partis créés après 2 ,2011 seulement sont
présidés par des femmes. Il a été relevé que
12
c’est « la contrainte paritaire dans les listes
électorales »
qui « a imposé le recrutement
de candidates pour avoir un nombre égal
d’hommes et de femmes »
. Mais il s’agit d’une
« féminisation formelle », « les partis n’ont pas
été très actifs dans la promotion des adhésions
féminines
25 » .
La promotion de la participation à la vie publique
politique paritaire des femmes est importante,
mais elle ne saurait se limiter à cela. Ce sont
de véritables politiques publiques de genre qui
doivent être adoptées, dans tous les domaines
et notamment celui des médias, afin d’agir sur
les causes profondes qui font que la politique
reste un domaine masculin.
Recommandations
• Généraliser la parité
o à toutes les instances de prise
de décision, en particulier dans le
gouvernement et dans toutes les
institutions publiques
o aux instances constitutionnelles dont
la création est en cours :
• Le Conseil supérieur de la magistrature
• La Cour Constitutionnelle
• L’Instance Des droits de l’Homme
• L’Instance de la Communication Audiovisuelle
• L’Instance du Développement Durable et de
la Protection des Générations Futures
• Adopter le projet de loi de réforme de la
loi organique n2014-16° du 26 mai 2014
relative aux élections et referendums dans son
article 49 relatif aux élections municipales et
régionales qui consacre la parité verticale avec
alternance et la parité horizontale (dans les
têtes de liste)
• Prendre des mesures pour encourager les
partis à recruter et à avoir des femmes dans
leurs instances dirigeantes
22 Décision n°2014/02, JORT 23 mai 2014, n°041, disponible aussi in: http://www.chawki.gaddes.org/resources/DEC_IPCCL.pdf
Voir le journal Essabah du 4/2/2016.
23 Voir le journal Essabah du 4/2/2016.
24 http//majless.marsad.tn/2014/fr/assemblée.
25 Tunisiennes et action politique en contexte post-révolutionnaire, CREDIF, Ministère de la femme, de la famille et de l’enfance, 2015.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 15
13
• Prendre des mesures, notamment de
formation et de sensibilisation des médias afin
de mettre fin aux images stéréotypées des
femmes et de leur accorder une plus grande
participation aux débats politiques en inscrivant
ces mesures dans l’objet de l’Instance de la
Communication Audiovisuelle à créer et dont
les fonctions sont actuellement remplies par
la HAICA (Haute Autorité Indépendante de la
Communication Audiovisuelle).
Les droits humains et, notamment le droit
à l’égalité entre hommes et femmes, étant
indivisibles, cette égalité effective dans les
droits politiques ne peut réellement s’ancrer
que si dans les autres domaines on met fin
aux discriminations. Or des discriminations
persistent dans les droits civils et familiaux.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 16
II. Inégalité et discriminations
dans la jouissance et l’exercice effectif
des droits civils et familiaux
Page 17
Les Codes de la nationalité et du statut per-
sonnel comprennent aujourd’hui de nom-
breuses dispositions discriminatoires à l’égard
des femmes et ce, malgré la consécration de
l’égalité dans la jouissance de ces droits dans
la constitution et les traités
internationaux ratifiés.
2.1. Constitution tunisienne
et conventions internatio-
nales ratifiées relatives aux
questions de nationalité
Un seul article de la Constitution vise la natio-
nalité, il s’agit de l’article 25 qui dispose que :
« Aucun citoyen ne peut être déchu de sa na-
tionalité tunisienne, ni être exilé ou extradé ou
empêché de revenir dans son pays »
Mais la Tunisie, a, outre la CEDAW, ratifié la
Convention sur la nationalité de la femme
mariée de 195726 :
Article 1 : « Chaque Etat contractant convient
que ni la célébration ni la dissolution du ma-
riage entre ressortissants et étrangers, ni le
changement de nationalité du mari pendant le
mariage, ne peuvent ipso facto avoir d'effet sur
la nationalité de la femme ».
Article 2 : « Chaque Etat contractant convient
que ni l'acquisition volontaire par l'un de ses
ressortissants de la nationalité d'un autre Etat,
ni la renonciation à sa nationalité par l'un de
ses ressortissants, n'empêche l'épouse dudit
ressortissant de conserver sa nationalité »
Article 3: « 1. Chaque Etat contractant
convient qu'une étrangère mariée à l'un de ses
ressortissants peut, sur sa demande, acquérir
la nationalité de son mari en bénéficiant d'une
procédure privilégiée spéciale de naturalisa-
tion; l'octroi de ladite nationalité peut être sou-
mis aux restrictions que peut exiger l'intérêt de
la sécurité nationale ou de l'ordre public.
2. Chaque Etat contractant convient que l'on
ne saurait interpréter la présente Convention
comme affectant aucune loi ou règlement, ni
15
aucune pratique judiciaire, qui permet à une
étrangère mariée à l'un de ses ressortissants
d'acquérir de plein droit, sur sa demande, la
nationalité de son mari ».
La Tunisie a égélement ratifiée la CEDAW
en 1989 et levé les réserves qu’elles avaient
émises à l’article 9.2 portant sur le droit égal
des femmes à ceux des hommes en ce qui
concerne leur nationalité et celles de leurs en-
fants :
Article 9 : « 1. Les États parties accordent aux
femmes des droits égaux à ceux des hommes
en ce qui concerne l'acquisition, le change-
ment et la conservation de la nationalité. Ils
garantissent en particulier que ni le mariage
avec un étranger, ni le changement de natio-
nalité du mari pendant le mariage ne change
automatiquement la nationalité de la femme,
ni ne la rend apatride, ni ne l'oblige à prendre
la nationalité de son mari.
2. Les États parties accordent à la femme des
droits égaux à ceux de l'homme en ce qui
concerne la nationalité de leurs enfants
27 » .
2.2. Les inégalités dans le
Code de la nationalité
Des inégalités existent dans le Code de la
nationalité Tunisien entre les hommes et les
femmes dans l’accès et le maintien de la
nationalité et entre les époux et les épouses
étrangères de tunisiens et de tunisiennes dans
l’accès à la nationalité tunisienne et au séjour
en Tunisie
• Les inégalités entre les hommes et
les femmes dans l’accès et le main-
tien de la nationalité tunisienne
En 2010, avant même la levée de la réserve
faite à l’article 9 alinéa 2 de la CEDAW,
l’ar-
ticle 6 du Code de la nationalité
qui dispo-
sait : ‘est tunisien, l’enfant né d’un père tuni-
sien’ a été réformé. Il dispose désormais :
‘Est
tunisien, l’enfant né d’un père tunisien ou
d’une mère tunisienne’
26 Loi n°67-41 du 21/11/1967 portant ratification de la Convention sur la nationalité de la femme mariée, JORT n°49 du 21-24 novembre
1967, p.1441, Décret de publication n°68-114 du 4 mai 1968, JORT, n°19 du 7-10 mai 1968.
27 La Tunisie avait fait la réserve suivante à cet article 9 et plus précisément à son paragraphe 2 : « Le gouvernement tunisien émet la réserve
ci près : les dispositions figurant au paragraphe 2 de l’article 9 ne doivent pas aller à l’encontre des dispositions du chapitre 6 du Code de
la nationalité tunisienne » Cette réserve avait été levée avec le reste des réserves par le Décret 103/2011.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 18
Avant la réforme, le Code distinguait entre le
père et la mère et discriminait entre les deux.
L’enfant né d’une mère tunisienne n’était tu-
nisien que s’il remplissait deux conditions
énumérées dans l’article 6 : Soit le père était
inconnu ou n’avait pas de nationalité ou sa na-
tionalité était inconnue. Soit l’enfant était né en
Tunisie d’un père étranger. Dans les deux cas,
le sang de la mère n’était pas à lui seul suffi-
samment important pour l’attribution de la na-
tionalité tunisienne. Il lui fallait être renforcé par
le jus soli, la naissance en Tunisie et si dans le
premier cas l’enfant était tunisien malgré l’ab-
sence de ce lien, c’était pour éviter que l’enfant
ne soit apatride. Il y avait donc une inégalité
entre le père et la mère dans l’attribution de la
nationalité par le sang.
Mais cette réforme n’a pas mis fin à toutes les
discriminations, certaines persistent comme
celles de l’accès à la nationalité par la nais-
sance en Tunisie.
Ainsi, l’article 7 du Code de la nationalité
dispose que:
« Est tunisien, l’enfant né en Tunisie et dont
le père et le grand-père paternel y sont eux-
mêmes nés ».
La lignée maternelle n’est ainsi pas prise en
considération dans l’attribution de la nationali-
té par la naissance en Tunisie, ce qui constitue
une discrimination à l’égard des femmes.
De même, la nationalité de la femme reste dé-
pendante de celle du mari. Ainsi, la perte ou
la déchéance de la nationalité tunisienne du
mari peuvent être étendus à la femme et aux
enfants mineurs non mariés de l’intéressé,
conformément aux articles 31 et 35 du Code
de la Nationalité tunisienne.
Article 31 du Code de la nationalité : « La
perte de la nationalité tunisienne, par appli-
cation de l’article précédent peut être éten-
due par Décret à la femme et aux enfants mi-
neurs non mariés de l’intéressé, s’ils ont eux
mêmes une autre nationalité. Elle ne pourra
toutefois être étendue aux enfants mineurs si
elle ne l’est également à la femme »
28 .
16
Article 35 C.N : « la déchéance peut être
étendue par Décret à la femme et aux enfants
mineurs non mariés de l’intéressé, à condition
qu’ils aient -conservé une autre nationalité
étrangère. Elle ne pourra toutefois être éten-
due aux enfants mineurs si elle ne l’est égale-
ment à la femme »
La Constitution actuelle qui interdit de déchoir
un tunisien de sa nationalité devrait conduire à
abroger les dispositions du Code de la natio-
nalité relatives à la déchéance de la nationalité.
De même et, en raison du principe de non-dis-
crimination entre citoyens et citoyennes, la na-
tionalité de la femme devrait devenir autonome
et ne plus suivre celle du mari. Ainsi, la perte de
sa nationalité tunisienne par l’époux ne devrait
plus atteindre celle de sa femme.
En revanche, il sera plus difficile de réformer
l’article 7 du Code de la nationalité qui établit
une inégalité de genre en matière d’attribution
de la nationalité par la naissance en Tunisie.
Cette inégalité touche en effet à l’égalité des
étrangers et des étrangères dans l’accès à la
nationalité tunisienne, or l’égalité consacrée
dans la constitution vise uniquement les ci-
toyens et les citoyennes. Toutefois son main-
tien est de nature à perpétuer le caractère
patriarcal de la nationalité tunisienne (c’est la
lignée masculine qui fait la nationalité) et est
contraire aux traités internationaux ratifiés
par la Tunisie et, notamment à l’article 9 de
la CEDAW. Par ailleurs, il ne correspond pas
à la réalité des migrations internationales ca-
ractérisées par leur féminisation. Les femmes
migrent désormais de manière autonome et,
c’est cette réalité que le droit doit prendre en
compte.
Resté figé sur une migration masculine où la
femme suivait son époux, le droit de la natio-
nalité discrimine aussi dans les droits accordés
aux époux et épouses étrangers de tunisiens
et de tunisiennes, discrimination qui trouve son
prolongement dans la loi de 1968 relative à la
condition des étrangers en Tunisie
28 L’article 30 dispose : « la perte de la nationalité tunisienne ne peut être prononcée que par décret. En cas d’acquisition volontaire d’une
nationalité étrangère par un tunisien, la perte de la nationalité tunisienne ne peut être prononcée que par Décret. L’intéressé est libéré de son
allégeance à l’égard de la Tunisie, à la date du dit décret »
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 19
17
depuis cinq ans sans interruption;
-aux étrangères mariées à des tunisiens;
-aux étrangers qui ont des enfants tuni-
siens;
-aux étrangers qui ont rendu des services ap-
préciables la Tunisie ».
De même, la famille de l’épouse étrangère
est privilégiée, dans la mesure où l’obligation
d’informer les autorités de leur logement à son
domicile ne s’applique pas, conformément à
l’article 21 de la loi de 1968.
Art. 21. - « Toute personne logeant un étran-
ger à quelque titre que ce soit, même à titre
gracieux, est tenue d'en informer le Poste de
Police ou de la Garde Nationale du lieu de sa
résidence dans un délai maximum de 'qua-
rante-huit heures en ce qui concerne le public
et dans le délai prévu à l'article 7 du décret
du 12 novembre 1919, relatif à l'exercice de
profession de logeur en ce qui concerne les
hôteliers et les propriétaires de chambres
meublées. Les dispositions de l'alinéa précé-
dent ne sont pas applicables aux Tunisiens qui
logent provisoirement des ascendants, des
descendants ou collatéraux de leurs épouses
de nationalité étrangère, et qui ne résident pas
en Tunisie ».
Ainsi, la tunisienne mariée à un étranger aura
du mal à s’installer en Tunisie. Ses droits consti-
tutionnels, comme le droit au retour au pays
et le droit d’y résider, sont menacés. De telles
dispositions sont par ailleurs contraires à la ré-
alité des migrations internationales, caractéri-
sées par leur féminisation. Autant d’hommes
que de femmes migrent à l’étranger, pour faire
des études ou travailler. Leur droit au retour au
pays doit être pareillement garanti. Mais le droit
de la nationalité et de la migration s’est figé sur
la réalité des migrations des années 60, carac-
térisées pour être majoritairement masculine30 .
Il faudrait donc le réformer.
• Inégalité dans l’accès à la nationa-
lité tunisienne et au séjour en Tunisie
entre les époux et les épouses étran-
gères de tunisiens et de tunisiennes
Ainsi, la femme étrangère du tunisien peut ob-
tenir la nationalité tunisienne par bienfait de la
loi (sur simple déclaration), conformément à
l’article 13 du Code la nationalité, alors que le
mari étranger de la tunisienne ne peut l’obtenir
que par voie de naturalisation (Article 21).
Article 13 du Code de la nationalité: « la
femme étrangère
qui épouse un tunisien et
qui, en vertu de sa loi nationale, conserve sa
nationalité d’origine par le mariage avec un
étranger,
peut réclamer la nationalité tu-
nisienne par
déclaration dans les conditions
prévues à l’article 39 du présent Code, si le
ménage réside en Tunisie depuis au moins
deux ans »
Article 21 du Code de la nationalité: « Peut
être naturalisé
sans la condition de résidence
fixée à l’article précédent…2/
L’étranger ma-
rié à une tunisienne
, si le ménage réside en
Tunisie lors du dépôt de la demande… »
29
Or la procédure de naturalisation est plus com-
pliquée que celle prévue pour l’épouse étran-
gère. Il y a donc une inégalité entre les époux
étrangers de tunisiennes et les épouses étran-
gères de tunisiens qui porte encore une fois la
marque de ce que les femmes sont destinées
à suivre leur époux, y compris dans la nationa-
lité, l’inverse n’étant pas vrai. Destinée à suivre
son époux, l’étrangère mariée à un tunisien
peut obtenir une carte de séjour ordinaire, ce
n’est pas le cas de l’époux étranger de la tuni-
sienne qui ne peut l’obtenir que s’il est le père
d’un enfant tunisien, conformément à l’article
13 de la loi de 1968 relative à la condition des
étrangers en Tunisie :
Art. 13.« Le visa et la carte de séjour
ordinaire
peuvent être délivrés:
-aux étrangers nés en Tunisie et qui ont résidé
sans interruption.
aux étrangers résidant légalement en Tunisie
29 La condition de résidence est de 5 ans précédant le dépôt de la demande (article 20 du CN)
30 M.Ben Jémia, « Migration et genre, de, vers et à travers la Tunisie », www.carim.org
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne

Page 20
Recommandations
Réformer le Code de la nationalité afin de :
la
reconnaitre
o
lignée maternelle
dans l’attribution de la nationalité par la
naissance en Tunisie sur un pied d’égalité
et dans les mêmes conditions que la
lignée masculine
reconnaitre aux tunisiennes le droit de
o
transmettre leur nationalité à leur époux
étranger sur un pied d’égalité et dans
les mêmes conditions que les épouses
étrangères des tunisiens.
o Supprimer la possibilité de perte de sa
nationalité à la femme suite à la perte de
sa nationalité tunisienne par le mari
Réformer la loi sur la condition des étrangers
afin de :
o Reconnaître un droit au séjour aux
maris étrangers des
tunisiennes sur
un pied d’égalité et dans les mêmes
conditions que pour
étrangères de tunisiens.
les épouses
la Nation,
Tout comme
reste
patriarcale malgré les réformes introduites par
le Code du Statut personnel.
famille
la
2.3. Inégalités et discrimi-
nations dans le mariage et
la famille. Le Code du Sta-
tut personnel et les lois qui
y sont annexées
Lors de la promulgation du Code du Statut
Personnel (CSP), en 1956,
18
il a été mis fin aux inégalités les plus flagrantes
par l’abolition de la polygamie et de la répudia-
tion et, dans les réformes qui l’ont par la suite
jalonné, des progrès ont également été réali-
sés. Mais le train des réformes s’est ralenti et
le CSP représente aujourd’hui une législation
avec de très nombreuses dispositions discri-
minatoires à l’égard des femmes, et se trouve
ainsi en contradiction avec la Constitution et
les traités internationaux ratifiés.
• Mariage et famille dans la Consti-
tution et les Conventions interna-
tionales ratifiées
La Constitution tunisienne vise spécifique-
ment la famille dans son article 7.
Article 7 : « La famille est la cellule de base de
la société. Il incombe à l’Etat de la protéger »
L’égalité dans la famille et le mariage résulte
alors de l’égalité entre les citoyens et ci-
toyennes garantie dans le préambule et l’ar-
ticle 21. Mais elle découle aussi de l’article 46.
Les droits acquis des femmes ont fait l’objet
de l’article 46 alinéa premier qui dispose que:
Article 46.1 : « L’Etat s’engage à protéger
les droits acquis de la femme, les soutient et
œuvre à les améliorer »
La généralité des termes employés conduisent
à considérer que les droits acquis en matière
de statut personnel doivent non seulement être
consolidés, mais aussi améliorés, par la sup-
pression des inégalités et des discriminations.
L’enfant est de même protégé par la prise en
compte dans toutes les mesures prises à son
égard de son seul intérêt lequel est qualifié de
supérieur.
Article 47 : « La dignité, la santé, les soins,
l’éducation et l’instruction constituent des
droits garantis à l’enfant par son père et sa
mère et par l’Etat. L’Etat doit assurer aux en-
fants toutes les formes de protection sans dis-
crimination et conformément à l’intérêt supé-
rieur de l’enfant »
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 21
Les Conventions internationales ratifiées
La Tunisie a ratifié en 1967, la Convention In-
ternationale sur le consentement au ma-
riage, l’âge minimum du mariage et l’enre-
gistrement des mariages de 1962
31 .
La Convention rappelle dans son préambule
l'article 16 de la Déclaration universelle des
droits de l'homme qui stipule que:
" 1) A partir de l'âge nubile, l'homme et la
femme, sans aucune restriction quant à la
race, la nationalité ou la religion, ont le droit
de se marier et de fonder une famille. Ils ont
des droits égaux au regard du mariage, du-
rant le mariage et lors de sa dissolution; 2) Le
mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et
plein consentement des futurs époux »
Elle y réaffirme aussi que « les Etats (…)
doivent prendre toutes les mesures utiles en
vue d'abolir ces coutumes, anciennes lois et
pratiques, en assurant notamment une entière
liberté dans le choix du conjoint, en abolis-
sant totalement le mariage des enfants et la
pratique des fiançailles des jeunes filles avant
l'âge nubile, en instituant, le cas échéant, les
sanctions voulues et en créant un service de
l'état civil ou un autre service qui enregistre
tous les mariages »
Article 1:« 1. Aucun mariage ne pourra être
contracté légalement sans le libre et plein
consentement des deux parties, ce consen-
tement devant être exprimé par elles en per-
sonne, en présence de l'autorité compétente
pour célébrer le mariage et de témoins, après
une publicité suffisante, conformément aux
dispositions de la loi. 2. Nonobstant les dispo-
sitions du paragraphe 1 ci-dessus, la présence
de l'une des parties ne sera pas exigée si l'au-
torité compétente a la preuve que les circons-
tances sont exceptionnelles et que cette partie
a exprimé son consentement, devant une au-
torité compétente et dans les formes que peut
prescrire la loi, et ne l'a pas retiré ».
Article 2 : « Les Etats parties à la présente
Convention prendront les mesures législatives
19
nécessaires pour spécifier un âge minimum
pour le mariage. Ne pourront contracter léga-
lement mariage les personnes qui n'auront pas
atteint cet âge, à moins d'une dispense d'âge
accordée par l'autorité compétente pour des
motifs graves et dans l'intérêt des futurs époux ».
Article 3 : « Tous les mariages devront être
inscrits par l'autorité compétente sur un re-
gistre officiel ».
La CEDAW comprend pour sa part, deux ar-
ticles, les articles 15 et 16 qui concernent le
mariage et la famille sur lesquels la Tunisie avait
émis des réserves levées en 2011. Il s’agit du
paragraphe 4 de l’article 15.
Article 15 paragraphe 4 : « 1. Les États par-
ties reconnaissent à la femme l'égalité avec
l'homme devant la loi. 4. Les États parties
reconnaissent à l'homme et à la femme les
mêmes droits en ce qui concerne la législation
relative au droit des personnes à circuler libre-
ment et à choisir leur résidence et leur domicile »
32 .
Article 16
1. « Les États parties prennent toutes les me-
sures appropriées pour éliminer la discrimi-
nation à l'égard des femmes dans toutes les
questions découlant du mariage et dans les
rapports familiaux et, en particulier, assurent,
sur la base de l'égalité de l'homme et de la
femme :
• a) Le même droit de contracter mariage;
• b) Le même droit de choisir librement son
conjoint et de ne contracter mariage que de
son libre et plein consentement;
• c) Les mêmes droits et les mêmes respon-
sabilités au cours du mariage et lors de sa dis-
solution;
• d) Les mêmes droits et les mêmes respon-
sabilités en tant que parents, quel que soit leur
état matrimonial, pour les questions se rappor-
tant à leurs enfants; dans tous les cas, l'intérêt
des enfants est la considération primordiale;
• e) Les mêmes droits de décider librement et
en toute connaissance de cause du nombre
31 Loi n°67-41 du 21/11/1967, JORT n°49 du 21-24 novembre 1967, p.1444. Décret de publication n°68-114 du 4/5/1968, p.476.
32 La Tunisie avait émis la réserve selon laquelle « cette disposition ne doit pas être interprétée dans un sens qui irait à l’encontre des disposi-
tions des articles 23 et 21 du Code du statut personnel »
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 22
et de l'espacement des naissances et d'avoir
accès aux informations, à l'éducation et aux
moyens nécessaires pour
leur permettre
d'exercer ces droits;
• f) Les mêmes droits et responsabilités en
matière de tutelle, de curatelle, de garde et
d'adoption des enfants, ou d'institutions simi-
laires, lorsque ces concepts existent dans la
législation nationale; dans tous les cas, l'intérêt
des enfants est la considération primordiale;
• g) Les mêmes droits personnels au mari et
à la femme, y compris en ce qui concerne le
choix du nom de famille, d'une profession et
d'une occupation;
• h) Les mêmes droits à chacun des époux en
matière de propriété, d'acquisition, de gestion,
d'administration, de jouissance et de dispo-
sition des biens, tant à titre gratuit qu'à titre
onéreux.
2. Les fiançailles et les mariages d'enfants
n'ont pas d'effets juridiques et toutes les me-
sures nécessaires, y compris des dispositions
législatives, sont prises afin de fixer un âge mi-
nimal pour le mariage et de rendre obligatoire
l'inscription du mariage sur un registre officiel »
33 .
Il faut aussi signaler la Convention des Na-
tions-Unies sur les droits de l’enfant
(CIDE)
de 1989, ratifiée par la Tunisie en 1991
34 à la-
quelle la Tunisie avait fait des réserves et des
déclarations dont la plupart ont été levées par
la loi du 11 mars 2008
35 . La Convention a été
intégrée dans le Code des droits de l’enfant,
promulgué en 1995 qui, comme celle-ci, défi-
nit l’enfant comme étant toute personne âgée
de moins de 18 ans.
La consécration de l’égalité dans la constitu-
tion, comme la levée des réserves à la CEDAW
et à la CIDE nécessitent dès lors de modifier
toutes les dispositions législatives discrimina-
toires à l’égard des femmes et des fillettes afin
de les y rendre conformes.
• Les inégalités dans le mariage
Certaines discriminations persistent dans la loi
ou la pratique.
20
• L’interdiction du mariage d’une tunisienne
musulmane avec un non musulman
Une circulaire du Ministre de la justice de 1973
interdit aux officiers de l’état civil de célébrer un
mariage entre une tunisienne musulmane et un
non musulman et demande aux juges d’annu-
ler les mariages faits sans le respect de cette
condition d’islamité. La circulaire est appliquée
par les juges et les officiers d’état civil qui ne
célèbrent de tels mariages qu’au vu d’un cer-
tificat d’islamisation produit par l’époux. Au-
cun interdit d’ordre religieux ne pesant sur le
mariage des hommes tunisiens, il s’agit bien
là aussi d’une discrimination entre citoyens et
citoyennes.
Cette circulaire se base sur l’article 5 du CSP
qui dispose dans son alinéa premier :
« Les
futurs époux ne doivent pas se trouver dans
l’un des cas d’empêchements prévus par la
loi »
Le texte arabe qui seul fait foi emploie les
termes d’empêchements « charaiques ». Il est
interprété par la circulaire et la justice comme
renvoyant aux interdits religieux. Cette inter-
prétation se fonde aussi sur l’article 1 de la
Constitution.
Une telle interprétation est contraire à la liberté
de choix du conjoint, mais aussi au principe
de liberté de conscience et à l’obligation qui
pèse sur l’Etat de protéger la religion garantie
par
l’article 6 de la Constitution qui dispose
que :
« L’Etat protège la religion, garantit la liberté de
croyance, de conscience et de l’exercice des
cultes. Il assure la neutralité des mosquées et
des lieux de culte de l’exploitation partisane.
L’Etat s’engage à diffuser les valeurs de mo-
dération et de tolérance et à protéger le sacré
et empêcher qu’on y porte atteinte. Il s’engage
également à prohiber et à empêcher les accu-
sations d’apostasie, ainsi que l’incitation à la
haine et à la violence et à les juguler »
L’empêchement d’ordre religieux est tempo-
raire, il suffit pour le mari non musulman de
se convertir à l’Islam pour qu’il puisse se ma-
33 La Tunisie avait émis des réserves concernant les alinéas c, d, f, g, et h de l’article 16, ainsi formulées « Le gouvernement tunisien ne se
considère pas lié par les alinéas c, d, f, de l’article 16 de la Convention et déclare que les paragraphes g et h du même article ne doivent
pas être en contradiction avec les dispositions du Code du Statut personnel relatives à l’octroi du nom de famille aux enfants et à
l’acquisition de la propriété par voie de succession »
34 Loi n°91-92 du 29/11/1991, JORT n°84 du 10/12/1991. Décret de publication n°91-1865 du 10/12/1991.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 23
rier avec une tunisienne musulmane. De fait,
la conversion à l’Islam devient une formalité
parmi les autres formalités du mariage et s’op-
pose ainsi à l’obligation de protéger la religion,
garantie dans l’article 6 de la Constitution,
celle-ci ne pouvant en aucun cas être considé-
rée comme une formalité.
Le référent religieux est présent également
dans le préambule de la Constitution, dans
son paragraphe 2 : « Exprimant l’attachement
de notre peuple aux enseignements de l’Islam
et à ses finalités caractérisés par l’ouverture
et la tolérance, ainsi qu’aux valeurs humaines
et aux principes universels et supérieurs des
droits de l’homme, s’inspirant de notre patri-
moine civilisationnel tel qu’il résulte de la suc-
cession des différentes étapes de notre histoire
et des mouvements réformistes éclairés qui
reposent sur les fondements de notre identité
arabe et islamique et sur l’acquis civilisationnel
de l’humanité, attachés aux acquis nationaux
réalisés par notre peuple »
Le référent religieux (préambule et article pre-
mier) ne peut neutraliser l’égalité entre les ci-
toyennes et les citoyennes d’autant que l’ar-
ticle 146 de la Constitution impose une lecture
harmonieuse de la Constitution en disposant
que :
« Les dispositions de la présente Consti-
tution sont comprises et interprétées les unes
par rapport aux autres comme une unité co-
hérente »
Une conciliation entre les différentes disposi-
tions, entre le référent religieux et les autres
dispositions garantissant l’égalité entre ci-
toyens et citoyennes (préambule et article 21
et 46) est dès lors nécessaire.
• L’âge du mariage et les mariages
précoces
L’âge du mariage est fixé pour les hommes
et les femmes à 18 ans révolus (article 5 CSP
tel que modifié par la loi n°2007-32 du 14 mai
2007). Il correspond depuis la loi du 26 juillet
2010 à l’âge de la majorité.
Cependant, l’article 5 alinéa 2 du CSP prévoit
21
que : « Au-dessous de cet âge, le mariage ne
peut être contracté sans une autorisation spé-
ciale du juge qui ne l’accordera que pour des
motifs graves et dans l’intérêt bien compris
des futurs époux ».
Le mariage en dessous de
l’âge légal est généralement autorisé quand
les fillettes sont enceintes, et par application
de l’article 227 bis du Code pénal qui permet
le mariage de l’homme coupable d’acte sexuel
sur une mineure sans violence avec sa victime
et va même plus loin puisque ce mariage met
automatiquement fin aux poursuites ou à la
condamnation.
Article 227 bis du Code pénal (CP) : « Est puni
d’emprisonnement pendant six ans, celui qui
fait subir sans violence, l’acte sexuel à un en-
fant de sexe féminin âgé de moins de 15 ans
accomplis. La peine est de 5 ans si l’âge de la
victime est supérieur à 15 ans et inférieur à 20
ans accomplis. La tentative est punissable. Le
mariage du coupable avec la victime dans les
deux cas prévus par le présent article arrête les
poursuites ou les effets de la condamnation.
Les poursuites ou les effets de la condamna-
tion seront repris si, avant l’expiration de 2 ans
à dater de la consommation du mariage, ce
dernier prend fin par le divorce prononcé à la
demande du mari, conformément à l’article 31
3ème paragraphe du Code du statut person-
nel »
Avant l’âge de 13 ans et, l’article 227 du CP,
dernier alinéa stipule que « Le consentement
est considéré comme inexistant lorsque l’âge
de la victime est au-dessous de 13 ans ac-
complis »), l’article 227 bis vise donc les fillettes
et les jeunes adultes âgées entre 13 et 20 ans.
Le droit tunisien n’applique ainsi le principe de
non-consentement possible pour tout enfant
que pour les enfants de moins de 13 ans (au
lieu des 18 ans internationalement reconnus).
Ceci est une violation particulièrement grave
du droit international des droits de l’homme en
général, et des droits de l’enfant en particulier :
Les mariages d’enfants de moins de 18 ans ou
mariages précoces sont considérés comme
des mariages forcés, par le comité de la CIDE,
35 Déclarations : 1. Le Gouvernement de la République tunisienne déclare qu’il ne prendra en application de la présente Convention aucune
décision législative ou réglementaire en contradiction avec la Constitution tunisienne. 2. Le Gouvernement de la République tunisienne déclare
que son engagement pour l’application des dispositions de la présente Convention sera pris dans les limites des moyens dont il dispose.
3. Le Gouvernement de la République tunisienne déclare que le préambule ainsi que les dispositions de la Convention, notamment l’article
6, ne seront pas interprétés comme faisant obstacle à l’application de la législation tunisienne relative à l’interruption volontaire de la gros-
sesse.
Réserves : 1. Le Gouvernement de la République tunisienne émet une réserve sur les dispositions de l’article 2 de la Convention qui
ne peuvent constituer un obstacle à l’application des dispositions de sa législation nationale relative au statut personnel, notamment en ce
qui concerne le mariage et les droits de succession. 2. Le Gouvernement de la République tunisienne considère les dispositions de l’article
40 paragraphe 2-b-5 comme posant un principe général auquel la loi nationale peut apporter des exceptions comme c’est le cas pour les
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne

Page 24
car un enfant ne peut valablement consentir à
l’acte sexuel, sans compter que les effets de
tels mariages sont graves pour la santé phy-
sique et mentale des enfants et leur bien être
en général.
• Le maintien de la dot
Malgré que cette dernière soit devenue, dans
la plupart des cas, symbolique, son maintien
est problématique dans la mesure où l’article
13 qui dispose que: « Le mari ne peut, s’il n’a
pas acquitté la dot, contraindre la femme à la
consommation du mariage », incite à la vio-
lence et légalise le viol conjugal.
• Le mari, seul chef de famille
La famille, comme la nation a gardé sa struc-
ture patriarcale et hiérarchique, c’est le mari qui
a la direction morale et matérielle de la famille.
Article 23 CSP dernier alinéa : « Le mari en
tant que chef de famille, doit subvenir aux be-
soins de son épouse et des enfants dans la
mesure de ses moyens et selon leur état dans
le cadre des composantes de la pension ali-
mentaire »
Chef de famille, il fixe le domicile conjugal. La
femme qui le quitte sans son autorisation est
en état de « nouchouz », insubordination. Son
mari peut alors demander et obtenir le divorce
pour faute, conformément à une jurisprudence
constante et ce, malgré l’abolition du devoir
d’obéissance de la femme en 1993
36 .
• Tutelle du père sur les enfants
mineurs
Durant le mariage, c’est le père qui est le seul
tuteur de l’enfant sauf circonstances excep-
tionnelles
Article 154 du CSP : « Le père est le tuteur de
l’enfant mineur et, en cas de décès ou d’inca-
pacité du père, c’est la mère qui en est tutrice
légale… »
22
sur les passeports37 , la mère peut consentir
aux voyages de ses enfants mineurs et leur
faire leur passeport. En cas de décès ou d’in-
capacité, c’est la mère qui devient tutrice. En
cas de divorce, la mère gardienne a certains
attributs de cette tutelle (voyages, inscription à
l’école et gestion des comptes financiers), elle
peut avoir tous les attributs de la tutelle en cas
d’incapacité du père, déchéance ou exercice
abusif de la tutelle.
Article 67 CSP : « Au cas où la garde est at-
tribuée à la mère, cette dernière jouit des pré-
rogatives de la tutelle en ce qui concerne les
voyages de l’enfant, ses études et la gestion
de ses comptes financiers.
Le juge peut confier les attributs de la tutelle à
la mère qui a la garde de l’enfant, si le tuteur
se trouve empêché d’en assurer l’exercice, fait
preuve de comportement abusif dans sa mis-
sion, néglige de remplir convenablement les
obligations découlant de sa charge, ou s’ab-
sente de son domicile et devient sans domicile
connu, ou pour toute cause portant préjudice
à l’enfant »
Ce sont aussi les hommes (le plus proche pa-
rent agnat) qui consentent au mariage du mi-
neur et non la mère.
Article 8 : « Consent au mariage du mineur le
plus proche parent agnat… »
Ainsi, malgré les réformes qui ont jalonné le
Code du Statut personnel, avec en particu-
lier l’abrogation du devoir d’obéissance de la
femme à son époux (1993) et la limitation de la
tutelle du père sur ses enfants par l’obligation
par celui-ci de l’exercer dans leur intérêt, c’est
toujours le mari et le père qui sont aux com-
mandes de la famille. Responsable civilement
de ses enfants au même titre que le père :
« Le père et la mère sont solidairement respon-
sables de l’acte préjudiciable émanant de l’en-
fant »
(Article 93 bis du Code des Obligations
et des Contrats), la mère n’a cependant pas
de réel pouvoir sur ses enfants.
Depuis la loi modifiant en 2015 la loi de 1975
Les principaux obstacles à l’égalité sont cer-
jugements prononcés en dernier ressort par les tribunaux cantonaux et les Chambres criminelles sans préjudice du droit de recours devant la
Cour de Cassation chargée de veiller à l’application de la loi. 3. Le Gouvernement tunisien considère que l’article 7 de la Convention ne peut
être interprété comme interdisant l’application de sa législation nationale en matière de nationalité et en particulier les cas de la perte de la
nationalité tunisienne.
Retrait de la 1ère déclaration et de la 1ère et 3ème réserve par la loi du 11 mars 2008 (en gras, dans le texte)
36 Cour de cassation, chambre civile, arrêt n°6155 du 19/1/2006, Bulletin civil de la Cour de cassation, 2006, p.289 ; arrêt n°14649 du
13/12/2007, Bulletin civil de la Cour de cassation, 2007, I, p.263.
37 Loi organique n°2015-241 du 23 novembre 2015, modifiant et complétant la loi n°75-40 du 14 mai 1975, relative aux passeports (non
encore publiée au JORT), publiée in www.legislation-securite.tn
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 25
tainement la crainte que si l’autorité est parta-
gée entre l’homme et la femme, elle risque de
se diluer et partant, de menacer la stabilité de
la famille. Or les décisions sont prises par les
père et mère dans les familles unies et, dans la
mesure où elle est désunie, le recours au juge
permettra de résoudre les différends en tenant
compte de l’intérêt de l’enfant.
Enfin, la femme divorcée peut voir sa liberté
entravée. La garde des enfants lui est souvent
attribuée et l’article 61 dispose que
« Si celui
qui a la garde de l’enfant change de résidence
et s’installe à une distance qui empêche le tu-
teur d’accomplir ses devoirs envers son pu-
pille, il est déchu de son droit »
Cette disposition peut d’autant plus facilement
être levée qu’elle est ouvertement contraire au
droit pour la femme de fixer librement sa rési-
dence et peut, en limitant la mobilité des mères
gardiennes être un handicap pour l’exercice de
leur droit au travail et ainsi contribuer encore
plus à l’appauvrissement des femmes.
• Des mères vulnérables : les
mères célibataires
Le phénomène des mères célibataires est en
constante augmentation en Tunisie. Selon
l’ONFP, il y aurait environ 1600 naissances
hors mariage, chaque année en Tunisie
38 . Ces
mères sont particulièrement vulnérables et la
loi ne les protège pas, en ne les reconnaissant
pas.
La loi du 28 octobre 1998 relative à l’attribution
d’un nom patronymique aux enfants abandon-
nés ou de filiation inconnue et annexée au sta-
tut personnel permet une action en recherche
de paternité naturelle :
Article 3 bis alinéa 1: « La personne concer-
née, le père, la mère ou le ministère public peut
saisir le tribunal de première instance compé-
tent pour demander l’attribution du nom patro-
nymique du père à l’enfant de filiation incon-
nue, dont la filiation est prouvée par l’aveu, le
témoignage ou l’analyse génétique »
Dans la mesure où la filiation est établie à
l’égard du père, celui-ci devient alors son tuteur.
Article 3 dernier alinéa : « L’enfant dont la
paternité est établie, a droit à la pension ali-
mentaire et au droit de regard dont la tutelle et
la garde, et ce, jusqu’à l’âge de la majorité et
au-delà de la majorité dans les cas déterminés
par la loi »
Dans le cas où aucune action de recherche de
paternité n’est entreprise, la mère célibataire
qui garde son enfant n’a, légalement, aucun
droit sur l’enfant, la tutelle étant une préroga-
tive du seul père. Les deux seules hypothèses
où la tutelle peut être attribuée à la mère sont
celles du décès du père ou de son incapacité
et, en cas de divorce quand le père est inca-
pable, absent ou exerce de manière abusive
sa tutelle. Responsable de son enfant, confor-
mément à l’article 3 bis
« la responsabilité du
père et de la mère demeure engagée à l’égard
de l’enfant et des tiers », la mère célibataire
n’a cependant aucun pouvoir sur lui, et n’est
légalement pas sa tutrice légale. Elle est donc
soit contrainte à faire l’action en recherche de
paternité, soit à abandonner son enfant.
La mère célibataire peut aussi être contrainte
à abandonner son enfant, car si elle n’en-
tame pas l’action en recherche de paternité et
qu’elle déclare elle-même son enfant à l’état
civil, celui-ci aura son nom de famille (article 1
de la loi de 1998). Or, comme les enfants ont
le nom de famille de leur père, la mère céliba-
taire peut préférer abandonner son enfant afin
d’éviter sa stigmatisation.
Enfin, les mères célibataires sont, en pratique,
sous haute surveillance policière. Parce que la
loi de 1998 autorise le ministère public à agir en
recherche de paternité naturelle, les femmes
célibataires sont immédiatement interrogées
par la police judiciaire après leur accouche-
ment ou bien après, quand elles abandonnent
leurs enfants à l’Institut National de Protection
de l’Enfance (INPE). Cette pratique, justifiée
par la nécessité de lutter contre le trafic d’en-
fant et le viol de mineures, conduit en quelque
sorte à
« criminaliser » les mères célibataires et
38 Profil genre, Tunisie, 2013.
Page 26
à les pousser au pire à l’infanticide, au mieux
à accoucher clandestinement et à abandonner
leurs enfants dans les rues, de crainte d’être
interrogées par la police.
• L’obligation alimentaire pèse
principalement sur l’homme et
justifie ainsi l’inégalité dans l’héri-
tage
En matière d’aliments, la famille paternelle est
privilégiée et ce, conformément à l’
article 43
CSP : « Ont droit aux aliments : les père et
mère, les grands-parents paternels à quelque
degré qu’ils appartiennent et les grands-pa-
rents maternels appartenant au premier de-
gré… »
C’est le mari qui doit entretenir son épouse,
ce qui donne ainsi l’image d’une femme en-
tretenue et réduit
« le mariage pour la femme à
l’entretien par le mari »
Article 38 : « Le mari doit des aliments à la
femme après la consommation du mariage et
durant le délai de viduité »
Le CSP, s’il considère que la femme « doit
contribuer aux charges de la famille si elle a
des biens»
(Article 23), la jurisprudence, quant
à elle, en fait toujours une contribution faculta-
tive
39. Or la réalité est autre, les femmes contri-
buent aux charges du ménage, ne serait-ce
qu’avec leur travail domestique. Celui-ci n’est
pas pris en compte alors que cette charge qui
pèse essentiellement sur elles, doit, selon les
instruments internationaux, être prise en consi-
dération.
Il y a donc comme une volonté de rendre invi-
sible la participation des femmes aux charges
du ménage, ce qui permet de maintenir l’iné-
galité dans l’héritage. C’est parce que l’homme
est tenu de l’obligation alimentaire qu’il hérite
plus que la femme.
Cette inégalité dans l’héritage est double : à
l’égard des descendants :
24
Article 103 alinéa 3, CSP: « l’héritier de sexe
masculin a une part double de celle attribuée à
un héritier de sexe masculin »)
Mais aussi entre veufs et veuves : la veuve
hérite du tiers à défaut d’enfants (article 107,
CSP) alors que le veuf hérite, dans la même
hypothèse de la moitié (Article 101). Elle hérite
du sixième en présence d’enfants (article 107)
alors que le veuf hérite du quart (article 101),
dans la même hypothèse.
L’inégalité dans l’héritage est l’un des facteurs
d’appauvrissement des femmes
40 , la lutte
contre la pauvreté étant l’un des objectifs du
millénaire pour le développement (OMD), elle
nécessite réforme. Elle est aussi l’une des
causes de la faiblesse de l’entreprenariat des
femmes, faute de capital préalable
41 . Mais
elle est aussi l’une des causes de leur moindre
accès au logement. L’introduction d’un régime
facultatif des biens entre époux en 1998
42 n’a
pas non plus permis de corriger cette inéga-
lité, justement parce qu’il est facultatif et que
les époux n’y songent pas, conduisant à ce
que tous les biens immeubles acquis durant
le mariage,
« propres à l’usage familial » donc
y compris le logement familial, soient souvent
inscrits au nom du seul mari, ce qui laisse la
femme sans logement en cas de divorce ou
de décès en raison de sa part minime dans
l’héritage de son mari.

Recommandations
• Abolir la qualité de chef de famille de l’époux
(article 23 du CSP)
• Etablir une autorité parentale à l’égard des
enfants en lieu et place de la tutelle du père
(Article 154 du CSP)
• Etablir une filiation maternelle où la tutelle
sur les enfants est accordée à la mère, dans
toutes les hypothèses où l’enfant est né hors
mariage et où une action en recherche de pa-
ternité n’est pas engagée conformément à la
39 Cour de cassation,, chambre civile, arrêt n°521, 29/9/2005, Bulletin civil, 2005,II,p.425.
40 Egalité dans l’héritage et autonomie économique des femmes, cadre juridique, perceptions et pratiques sociales, les enjeux économiques,
enquête : attitudes et comportements économiques, Collectif 95 Maghreb Egalité, AFTURD, ONU FEMMES, novembre 2014.
41 Idem.
42 Loi n°98-94 du 9 novembre 1998 relative au régime de la communauté des biens entre époux, JORT n°91 du 13 novembre 1998, annexée
au Code du Statut Personnel.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 27
25
loi de 1998 relative à l’attribution d’un nom
patronymique aux enfants abandonnés ou de
filiation inconnue.
• Rendre visible la participation des femmes
à l’entretien de la famille, notamment par la
quantification et la valorisation du travail do-
mestique et considérer que la femme participe
aux frais du ménage et de la famille par son
travail y compris domestique (Article 23 du
CSP)
• Traiter sur un pied d’égalité et dans les
mêmes conditions la lignée paternelle et ma-
ternelle en matière d’obligation alimentaire (43
du CSP)
• Abroger l’article 13 du CSP qui est un per-
mis de viol conjugal
• Assurer l’égalité dans l’héritage des veufs et
veuves (Articles 101 et 107 du CSP), des des-
cendants des deux sexes (article 107 du CSP).
La réforme du CSP est donc nécessaire si l’on
veut une conformité de la légilsation tunisienne
avec ses engagaments en matuère d’Egalité et
e non-Discrimination hommes-femmes. C’est
probablement en raison du ralentissement du
train des réformes à partir des années 1970
que la situation des femmes ne s’améliore pas
vraiment et que la Tunisie, de pionnière à l’in-
dépendance est aujourd’hui si mal classée en
termes d’égalité de genre. Les violences, en
particulier dans le couple et la famille, sont,
dans l’enquête nationale faite en 2010, par-
ticulièrement élevées et atteignent plus de
47%. Le rapport de ladite enquête relève à
juste titre que
« l’éradication de la violence à
l’encontre des femmes n’a d’autre choix que
de s’attaquer aux racines du mal. Elle ne peut
triompher sans remettre en cause la répartition
des droits, des devoirs et des pouvoirs entre
hommes et femmes, en touchant au cœur de
la perception de leurs identités respectives et
sans combattre les stéréotypes qui marquent
la société. C’est pourquoi c’est un enjeu so-
ciétal »
43 .
43 Enquête nationale sur la violence à l’égard des femmes en Tunisie, Rapport de l’enquête, ONFP/AECID, Tunis, décembre 2010, p.62.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne

Page 28
III.
Inégalités et discriminations
dans la jouissance et l’exercice effectif
du droit à la sûreté : les violences à
l’égard des femmes & des filles
Page 29
Il ne fait pas de doutes que la Constitution
tunisienne accorde le droit à la sureté aux
femmes qui bénéficient du droit à la vie (Article
22), du droit à la protection de l’intégrité phy-
sique et morale par l’interdiction de toutes les
formes de torture morale et physique (article
23), comme elles bénéficient du droit d’ester
en justice en cas notamment d’atteinte à ce
droit à la sureté (article 105).
L’article 46 de
la Constitution
vient soutenir et améliorer
ce droit à la sureté par la reconnaissance de
l’inégalité dans l’exercice effectif de ce droit.
En disposant que l’Etat doit prendre des me-
sures nécessaires pour éradiquer la violence à
l’égard de la femme, le constituant reconnait
que les femmes subissent plus de violence que
les hommes, ce que ne démentent pas toutes
les enquêtes mondiales et les instruments in-
ternationaux pertinents
44 . L’enquête nationale
de 2010 qui a établi que 47, 6% des femmes
âgées de 18 à 64 ans ont au moins une fois
dans leur vie, connu une forme de violence,
n’a, en effet, pas comparé entre la violence su-
bie par les hommes et les femmes.
3.1. Les engagements de
l’Etat tunisien en matière
de violences faites aux
femmes
• La lutte contre les violences dans la
Constitution
Si la formulation adoptée par l’article 46 de la
Constitution ne retient que « la violence » contre
la femme, les premiers brouillons visaient «
toutes les formes de violence ». Ce change-
ment de formulation ne devrait pas avoir d’im-
pact sur les formes de violence à éradiquer et
autoriser que seules certaines formes de vio-
lence à l’exclusion des autres puissent l’être.
L’enquête nationale a établi que les femmes
subissent toutes les formes de violence (phy-
siques, sexuelles, morales et économiques),
en particulier dans l’espace privé et familial où
cette violence est généralement multiforme
c'est-à-dire composée de tous ces types de
violence.
27
On ne peut donc lutter contre la violence
sans s’attaquer à toutes ses formes; aussi
l’absence de maintien de la première version
« toutes les formes de violence », ne devrait
pas conduire à ne s’attaquer qu’à une seule
forme de violence. La violence contre la femme
couvre nécessairement toutes les formes de
violence qu’elles soient commises dans l’es-
pace public ou dans l’espace privé et familial,
qu’elles soient des violences physiques, mo-
rales, sexuelles ou économiques, et que l’au-
teur soit un agent public ou privé.
• les engagements internationaux de
la Tunisie
prendre des mesures pour éradiquer la violence
faite aux femmes,c’est ainsi que le préconisent
les instruments internationaux pertinents, rem-
plir une obligation de diligence raisonnable qui
consiste à enquêter sur la violence, la prévenir,
soutenir les victimes et leur accorder répara-
tion, mettre fin à l’impunité dont jouissent les
auteurs.
internationales ont
Plusieurs conventions
été ratifiées par la Tunisie, dans ce domaine

la Convention sur les droits de l’enfant
(1991, levée des réserves 2008) dont l’ar-
ticle 19 dispose que :
« 1. Les Etats parties prennent toutes les me-
sures législatives, administratives, sociales et
éducatives appropriées pour protéger l’enfant
contre toute forme de violence, d’atteinte ou de
brutalités physiques ou mentales, d’abandon
ou de négligence, de mauvais traitements ou
d’exploitation, y compris la violence sexuelle,
pendant qu’il est sous la garde de ses parents
ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants
légaux ou de toute autre personne à qui il est
confié.
2. Ces mesures de protection doivent com-
prendre, selon qu’il conviendra, des pro-
cédures efficaces pour l’établissement de
programmes sociaux visant à fournir l’appui
nécessaire à l’enfant et à ceux à qui il est
confié, ainsi que pour d’autres formes de pré-
vention, et aux fins d’identification, de rapport,
44 Voir le manuel de législation sur la violence à l’égard des femmes, ONUFemmes: http://www.un.org/womenwatch/daw/vaw/handbook/
Handbook%20for%20legislation%20on%20VAW%20%28French%29.pdf
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 30
de renvoi, d’enquête, de traitement et de suivi
pour les cas de mauvais traitements de l’en
fant
décrits ci-dessus, et comprendre également,
selon qu’il conviendra, des procédures d’inter-
vention judiciaire ».
Le protocole facultatif sur la vente d’en-
fants, la prostitution des enfants et la por-
nographie mettant en scène des enfants
ratifiée en 2002
45 , la Convention interna-
tionale sur les droits des personnes han-
dicapées (2008)
46 dont l’article 16 intitulé «
Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à
la violence et à la maltraitance » dispose que :
1. Les États Parties prennent toutes mesures
législatives, administratives, sociales, éduca-
tives et autres mesures appropriées pour pro-
téger les personnes handicapées, à leur domi-
cile comme à l’extérieur, contre toutes formes
d’exploitation, de violence et de maltraitance, y
compris leurs aspects fondés sur le sexe.
2. Les États Parties prennent également toutes
mesures appropriées pour prévenir toutes les
formes d’exploitation, de violence et de maltrai-
tance en assurant notamment aux personnes
handicapées, à leur famille et à leurs aidants
des formes appropriées d’aide et d’accompa-
gnement adaptées au sexe et à l’âge, y com-
pris en mettant à leur disposition des informa-
tions et des services éducatifs sur les moyens
d’éviter, de reconnaître et de dénoncer les cas
d’exploitation, de violence et de maltraitance.
Les États Parties veillent à ce que les services
de protection tiennent compte de l’âge, du
sexe et du handicap des intéressés.
3. Afin de prévenir toutes les formes d’exploi-
tation, de violence et de maltraitance, les États
Parties veillent à ce que tous les établisse-
ments et programmes destinés aux personnes
handicapées soient effectivement contrôlés
par des autorités indépendantes.
4. Les États Parties prennent toutes mesures
appropriées pour faciliter le rétablissement
physique, cognitif et psychologique, la réadap-
tation et la réinsertion sociale des personnes
handicapées qui ont été victimes d’exploi-
tation, de violence ou de maltraitance sous
28
toutes leurs formes, notamment en mettant à
leur disposition des services de protection. Le
rétablissement et la réinsertion interviennent
dans un environnement qui favorise la santé, le
bien-être, l’estime de soi, la dignité et l’autono-
mie de la personne et qui prend en compte les
besoins spécifiquement liés au sexe et à l’âge.
5. Les États Parties mettent en place une lé-
gislation et des politiques efficaces, y compris
une législation et des politiques axées sur les
femmes et les enfants, qui garantissent que les
cas d’exploitation, de violence et de maltrai-
tance envers des personnes handicapées sont
dépistés, font l’objet d’une enquête et, le cas
échéant, donnent lieu à des poursuites »
Enfin, la Tunisie a aussi ratifié le Protocole vi-
sant à prévenir, réprimer et punir la traite
des personnes, en particulier des femmes
et des enfants additionnel à la Convention
sur la criminalité organisée dit protocole
de Palerme (2003)47 .
Ces Conventions protégeant les enfants ainsi
que les personnes handicapées des violences
ou envisageant des violences spécifiques
comme la traite n’envisagent pas la violence en
général, pour laquelle il n’y a toujours pas de
conventions internationales si l’on excepte la
Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe
sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domes-
tique de 2011 (ouverte à signature par les pays
tiers, mais non ratifiée par la Tunisie)
48 .Mais la
communauté internationale s’est engagée à
protéger les femmes contre tous les types de
violence, considérés notamment par le Comité
de la CEDAW dans som fameux Commentaire
général n° 19 comme une violation de leurs
droits humains fondamentaux
49 .
La Conférence mondiale des droits de
l’homme (Vienne 1993)
a, à cet égard, ré-
affirmé le caractère universel et indivisible des
droits de l’homme. Elle a donné lieu à la dé-
signation d’une Rapporteure spéciale sur la
violence contre les femmes par la Commis-
sion des droits de l’homme de l’ONU en 1994
et a conduit à l’adoption de la
Déclaration
45 Loi n° 2002-42 du 07-05-2002, J.O.R.T. n° 37 du 7 mai 2002, p. 1116, Décret de publication n° 2003-1814 du 25 août 2003, J.O.R.T. n°
69 du 29 août 2003, p. 2651.
46 Ratifiée le 2 avril 2008, https:/ /treaties. un.org
47 Ratifié le 14 juillet 2003, https://treaties.un.org/
48 https://rm.coe.int/
49 Déclaration générale n°19 du Comité de la CEDAW, Violences à l’égard des femmes http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/recom-
mendations/recomm-fr.htm
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 31
sur l’élimination de la violence contre les
femmes
par l’assemblée générale. Cette dé-
claration énonce une série de mesures que
les Etats doivent prendre pour prévenir et éli-
miner cette violence et exige notamment des
Etats qu’ils condamnent la violence contre les
femmes et s’abstiennent d’invoquer quelque
coutume, tradition ou considération religieuse
que ce soit pour se soustraire à l’obligation de
l’éliminer.
La plateforme de Pékin adoptée en 1995 fait
de la lutte contre la violence de genre l’une
des priorités d’action, réitérée lors des Confé-
rences ultérieures (Pékin + 5 ; +10 ; +15 +20)
et demande aux gouvernements de prendre
les mesures appropriées pour l’éliminer et de
traiter toutes les formes de violence contre les
femmes et les filles comme une infraction pé-
nale.
Dans sa résolution 63/155 du 18 décembre
2008, sur l’intensification des efforts pour éli-
miner toutes les formes de violence contre les
femmes, l’assemblée générale des Nations
Unies invite instamment les Etats à mettre fin à
l’impunité des auteurs d’actes de violence par
une approche plus systématique, globale, mul-
tisectorielle et soutenue pour éliminer toutes
les formes de violence.
Plus récemment, la Commission de la condi-
tion de la femme de l’ONU a adopté, dans sa
cinquantième session (New York, mars 2013)
une déclaration portant sur « l’élimination et la
prévention de toutes les formes de violence
contre les femmes et les filles » qui fait de l’éli-
mination de cette violence une grande priorité
du programme de développement post-2015
et exhorte les États Membres à intensifier leurs
efforts en termes de prévention et de sanction.
De même, la déclaration, signée par la Tunisie,
exhorte les États à s’abstenir d’invoquer les
coutumes, la tradition ou des considérations
religieuses pour échapper à leurs obligations
telles qu’elles sont définies dans la Déclaration
sur l’élimination de la violence à l’encontre des
femmes adoptée en 1993
50 .
Ainsi, le législateur tunisien se doit de prendre
29
les mesures nécessaires afin de lutter contre
ces violences, en mettant fin à l’impunité, en-
soutenant les victimes, en prévenant les vio-
lences et en enquêtantr sur elles.
3.2. Mettre fin l’impunité :
des dispositions insuffi-
santes dans le Code pénal
Le Code pénal ne permet pas une lutte effi-
cace contre l’impunité en ce qui concerne
les violences subies dans l’espace public, en
particulier les violences sexuelles et celles su-
bies dans l’espace privé et familial, alors que
ce sont celles-ci qui sont, selon les données
nationales et mondiales,élevées.
• Les violences sexuelles
Le Code pénal distingue entre le viol et les at-
tentats à la pudeur qu’il classe dans un cha-
pitre intitulé « De l’attentat à la pudeur »
Le viol est incriminé dans l’article 227 du Code
pénal :
Article 227 du Code pénal Tunisien: « Est
puni de mort : 1°) Le crime de viol commis
avec violence, usage ou menace d'usage
d'arme. 2°) Le crime de viol commis même
sans usage des moyens précités sur une per-
sonne âgée de moins de 10 ans accomplis.
Est puni d'emprisonnement à vie, le crime de
viol commis en dehors des cas précédents. Le
consentement est considéré comme inexistant
lorsque l'âge de la victime est au-dessous de
treize ans accomplis ».
L’attentat à la pudeur est quant à lui incriminé
dans l’article 228 du CP.
Article 228 du Code pénal: « Est puni d'un
emprisonnement pendant six ans, l'attentat à
la pudeur, commis sur une personne de l'un ou
de l'autre sexe sans son consentement.
La peine est portée à douze ans de prison si
la victime est âgée de moins de dix-huit ans
accomplis. L'emprisonnement sera à vie si
50 http://www.un.org/News/fr-press/docs/2013/FEM1952.doc.htm
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 32
l'attentat à la pudeur précité a été commis par
usage d'arme, menace, séquestration ou s'en
est suivi blessure ou mutilation ou défiguration
ou tout autre acte de nature à mettre la vie de
la victime en danger »
Conformément au texte en arabe qui seul fait
foi, le viol est l’acte sexuel imposé à une per-
sonne de sexe féminin. Il n’y a de viol que celui
des femmes défini comme étant une péné-
tration vaginale non consentie par le pénis de
l’homme. Depuis l’arrêt des chambres réunies
de la Cour de cassation du 16 juin 1969, les
attentats à la pudeur sont « tout acte impu-
dique fait intentionnellement et directement
sur le corps de la victime, de sexe masculin ou
féminin » Ceux-ci regroupent alors les attou-
chements sexuels non consentis ainsi que les
autres types de pénétration sexuelle (fellation,
sodomie) non consentis, que la victime soit de
sexe féminin ou masculin.
Les peines sont différentes, le viol est plus sé-
vèrement puni que les attentats à la pudeur.
Mais cette différence n’a pas de conséquences
tangibles en pratique. Parce que le viol est trop
lourdement puni (peine de mort ou prison à
perpétuité), les juges donnent quasi systéma-
tiquement des circonstances atténuantes per-
mettant de descendre en dessous des peines
prévues, même en cas de viol collectif et par
des agents publics. Le procès très médiatisé
de « Meriem », violée par des agents de police
(2012) en atteste. Après avoir été initialement
condamnés à 7 ans de prison, ils écopent en
appel de 14 ans (2014).
La distinction entre viol et attentat à la pudeur,
outre qu’elle véhicule l’idée que l’incrimination
du viol a pour fondement la protection des fa-
milles contre les naissances illégitimes ne se
justifie pas. Sodomiser un garçon ou une fille
est tout aussi grave et entraîne les mêmes
traumatismes pour la victime que la violer. On
peut aussi reprocher à la catégorie attentats
à la pudeur de punir des mêmes peines des
actes de nature différente, comme la péné-
tration anale et buccale et les attouchements
sexuels.
30
Cette distinction abandonnée dans la plupart
des pays occidentaux et par la Turquie est
contraire au Statut de Rome ratifié par la Tuni-
sie
51 et dont les éléments du crime qui en dé-
finissent les diverses infractions définissent le
viol comme tout acte de pénétration sexuelle
non consenti.
Définition du viol dans les Eléments de Crimes
du Statut de Rome
52 : « L'auteur a pris pos-
session du corps d'une personne de telle ma-
nière qu'il y a eu pénétration, même superfi-
cielle, d'une partie du corps de la victime ou
de l'auteur par un organe sexuel, ou de l'anus
ou du vagin de la victime par un objet ou toute
partie du corps »
En ratifiant le Statut de Rome, la Tunisie s’est
engagée à harmoniser sa législation nationale
à sa définition du viol, ce qui nécessite l’aban-
don de la distinction entre viol et attentat à la
pudeur. Cette harmonisation devrait permettre
de baisser les peines du viol et de permettre
une meilleure lutte contre l’impunité en inscri-
vant des circonstances aggravantes, notam-
ment pour le viol en réunion.
• La discrimination quant à l’âge du
consentement possible à une activité
sexuelle et à la majorité sexuelle
Les femmes peuvent consentir à une activité
de type pénétration vaginale à partir de 13 ans,
à partir de 18 ans pour les autres actes sexuels.
En revanche, le garçon ne peut consentir qu’à
partir de l’âge de 18 ans. L’âge de la majorité
sexuelle pour les filles est de 20 ans pour les
actes de type pénétration vaginale, elle est de
18 ans pour les garçons. Ceci découle des ar-
ticles 227 bis et 228 bis du CP.
Article 227 bis « Est puni d'emprisonnement
pendant six ans, celui qui fait subir sans vio-
lences, l'acte sexuel à un enfant de sexe fé-
minin âgé de moins de quinze ans accomplis.
La peine est de cinq ans d'emprisonnement si
l'âge de la victime est supérieur à quinze ans
et inférieur à vingt ans accomplis. La tentative
est punissable. Le mariage du coupable avec
51 Le Tunisie a déposé son instrument d’adhésion au Statut de Rome le 24 juin 2011
52 Les éléments des crimes, https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/7730B6BF-308A-4D26-9C52-3E19CD06E6AB/0/ElementsOfCrimesFra.
pdf
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 33
la victime dans les deux cas prévus par le pré-
sent article arrête les poursuites ou les effets
de la condamnation.
La poursuite ou les effets de la condamnation
seront repris si, avant l'expiration de deux ans
à dater de la consommation du mariage, ce
dernier prend fin par le divorce prononcé à la
demande du mari, conformément à l'article 31,
3 du Code du Statut personnel »
Comme il a été précisé plus haut ce texte s’ap-
plique aux filles entre 13 et 20 ans.
Article 228 bis : « L’attentat à la pudeur com-
mis sans violence sur la personne d’un enfant
âgé de moins de 18 ans accomplis est puni de
5 ans d’emprisonnement »
Garçons et filles ne peuvent consentir pour
l’acte sexuel de type fellation, sodomie ou at-
touchements sexuels qu’à partir de l’âge de 18
ans.
Une telle distinction outre son incohérence,
dans la mesure où l’âge du consentement
possible à une activité sexuelle diffère selon la
nature de l’acte, perpétue les stéréotypes so-
ciaux selon lesquels les femmes sont présu-
mées consentantes ainsi que l’impunité. Dès
l’âge de 13 ans, elles sont présumées pouvoir
se défendre et si elles ne l’ont pas fait, c’est
qu’elles y ont consenties.
• Absence des violences physiques
et de la notion de consentement
On notera ainsi l’absence de précision de la
notion d’absence de consentement et la per-
pétration de stéréotypes selon lesquels viols
et attentats à la pudeur ne se font qu’avec
l’usage de la violence. Dans les deux articles
(227 bis et 228 bis), l’acte fait sans violence est
considéré comme un acte consenti.
La définition du non consentement n’est pas
non plus conforme aux Eléments des Crimes
(Statut de Rome) qui le définissent ainsi:
« L'acte a été commis par la force ou en usant
à l'encontre de ladite ou desdites ou de tierces
31
personnes de la menace de la force ou de la
coercition, telle que celle causée par la menace
de violences, contrainte, détention, pressions
psychologiques, abus de pouvoir, ou bien à la
faveur d'un environnement coercitif, ou encore
en profitant de l'incapacité de ladite personne
de donner son libre consentement. »
Les « Élé-
ments des crimes » prévoient également : « Il
est entendu qu'une personne peut être inca-
pable de donner un libre consentement si elle
souffre d'une incapacité innée, acquise ou liée
à l'âge. »
Enfin, il faut signaler que le viol ou l’attentat à
la pudeur perpétré par l’époux n’est pas incri-
miné. Il faut cependant préciser que les juges
sanctionnent civilement l’attentat à la pudeur
(sodomie) commis par l’époux sur son épouse
en permettant à la femme de demander et
d’obtenir le divorce pour faute. Quant au viol
conjugal, un arrêt inédit de la Cour de cassation
tunisienne en date du 5/12/1996 (n°79402,
non publié) a accepté de le sanctionner péna-
lement (l’article 227 ne l’interdit pas) au motif
que :
« On ne peut considérer que l’acte de
mariage donne au mari un pouvoir matériel et
moral sur le corps de son épouse l’autorisant
à en jouir sans le consentement de celle-ci »
De telles dispositions perpétuent l’impunité et
les stéréotypes sociaux selon lesquels un viol
sans violences physiques est un acte consen-
ti, alors que selon les données actuelles, 80%
des viols et des attentats à la pudeur se font
sans violence.
• Le harcèlement sexuel et la possi-
bilité de porter plainte contre la vic-
time pour dénonciation calomnieuse
en cas de non-lieu ou d’acquittement
Le harcèlement sexuel est incriminé dans une
section intitulée outrage public à la pudeur, et
ce, depuis 2004. Outre que le harcèlement
sexuel ne se fait généralement pas en public
au vu et au su de tout le monde, sa définition
est imparfaite dans la mesure où elle exige
des actes répétés ou des pressions morales,
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne

Page 34
quand le harcèlement peut se faire en une
seule fois par l’exercice d’une pression d’une
certaine gravité sur la victime.
Art.226 ter : « Est considéré comme harcè-
lement sexuel toute persistance dans la gêne
d'autrui par la répétition d'actes ou de paroles
ou de gestes susceptibles de porter atteinte
à sa dignité ou d'affecter sa pudeur, et ce,
dans le but de l'amener à se soumettre à ses
propres désirs sexuels ou aux désirs sexuels
d'autrui, ou en exerçant sur lui des pressions
de nature à affaiblir sa volonté de résister à ses
désirs.
La peine est portée au double lorsque l'infrac-
tion est commise à l'encontre d'un enfant ou
d'autres personnes particulièrement exposées
du fait d'une carence mentale ou physique qui
les empêche de résister à l'auteur du harcèle-
ment. ».
Le harcèlement sexuel est généralement diffi-
cile à prouver car il ne laisse que des traces
psychologiques et se fait à l’abri des regards.
Or comme pour décourager les victimes de
porter plainte, le législateur fait peser sur
celles-ci la menace de dénonciation calom-
nieuse en cas de non-lieu ou d’acquittement,
notamment pour défaut de preuves.
Art.226 quater: «Si une ordonnance de non-
lieu ou un jugement d'acquittement sont ren-
dus, la personne contre laquelle la plainte a
été dirigée peut demander, s'il y a lieu, la ré-
paration du dommage subi sans préjudice des
poursuites pénales du chef de dénonciation
calomnieuse »
Une telle disposition perpétue l’impunité car,
de crainte d’être poursuivie pour dénonciation
calomnieuse, la victime ne portera pas plainte.
• Les violences dans le couple
Les violences dans le couple sont incriminées
au titre de circonstances aggravantes quand
les coups et blessures volontaires sont portés
par le conjoint.
32
Article 218 du Code Pénal : « Tout individu
qui, volontairement, fait des blessures, porte
des coups, ou commet tout autre violence ou
voie de fait ne rentrant pas dans les prévisions
de l’article 319, est puni d’un emprisonnement
d’un an et d’une amende de mille dinars (1000
dinars).
Si l’auteur de l’agression est un descendant
ou un conjoint de la victime, la peine est de 2
ans d’emprisonnement et de deux mille dinars
(2000d) d’amende.
S’il y a eu préméditation, la peine est de trois
ans d’emprisonnement et de trois mille dinars
(3000d) d’amende.
Le désistement de l’ascendant ou du conjoint
victimes, arrête les poursuites, le procès ou
l’exécution de la peine.
La tentative est punissable »
Article 319: « Sont passibles des mêmes
peines, les auteurs de rixe et ceux qui se livrent
à des voies de fait ou à des violences n’en-
traînant pour la santé d’autrui aucune consé-
quence sérieuse ou durable.
Si la victime est un ascendant ou un conjoint
de l’auteur de l’agression, son désistement ar-
rête les poursuites, le procès ou l’exécution de
la sanction »
Les peines de l’article 319 sont prévues dans
l’article 315 du CP, soit 15 jours de prison et 4
dinars 800 millimes d’amende.
Seules les violences physiques (coups et bles-
sures) sont incriminées et constituent des
circonstances aggravantes quand elles sont
commises par le conjoint. Les peines pour les
violences les plus graves, comme celles pré-
vues par l’article 219, et « suivies de mutilation,
perte de l’usage d’un membre, défiguration,
infirmité ou incapacité permanente dont le taux
ne dépassent pas 20% » ne sont en revanche
pas aggravées quand elles sont commises par
le conjoint. Il en est de même du meurtre com-
mis par le conjoint.
Et ni les violences morales, ni sexuelles ne sont
punies et/ou aggravées quand elles sont com-
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 35
Par ailleurs, seul le conjoint est incriminé à l’ex-
clusion des autres partenaires intimes (fiancés,
compagnons) et de l’ex conjoint ou ex fiancé
ou compagnon.
Enfin, ces violences constituent des délits ou
contraventions privés dans la mesure où le
désistement de la victime arrête les poursuites,
le procès ou l’exécution de la peine. Avec pour
conséquences, la culpabilisation des femmes
rendues responsables de la rupture de la co-
hésion familiale en cas de plainte et la per-
pétuation des pressions sociales afin que les
femmes retirent leur plainte.
L’ensemble de ces dispositions perpétue
l’impunité. En n’incriminant que les violences
physiques légères, alors que selon l’enquête
nationale de 2010, les violences dans le
couple comportent d’autres types de violence,
comme les violences sexuelles et morales.
L’enquête montre aussi que les violences mo-
rales ont le taux de prévalence le plus élevé
et que les violences sexuelles existent dans le
couple et viennent en troisième place après les
coups et blessures et avant les violences éco-
nomiques. Et si l’enquête nationale n’a pas en-
visagé le meurtre par les conjoints, celles mon-
diales montrent que le meurtre des femmes
est le fait, principalement, du partenaire intime.
En n’incriminant au titre des circonstances
aggravantes que le conjoint, le Code Pénal
permet aux ex conjoints et autres partenaires
ou ex partenaires intimes de la femme d’être
condamnés à des peines plus légères que les
conjoints. Or l’enquête nationale montre que
ces violences ne sont pas seulement le fait des
conjoints, mais aussi des fiancés et compa-
gnons et que les femmes divorcées sont celles
qui sont le plus violentées, l’auteur de ces vio-
lences n’étant autre que l’ex conjoint.
• Les violences familiales : l’inceste
L’inceste est innomé. Il constitue un facteur
d’aggravation des peines prévues pour les vio-
lences sexuelles.
33
Article 229 CP: « La peine est le double de la
peine encourue, si les coupables des infrac-
tions visées aux articles 227 bis, 228 et 228
bis sont les ascendants de la victime, s’ils ont
de quelque manière que ce soit autorité sur
elle, s’ils sont ses instituteurs, ses serviteurs,
ses médecins, ses chirurgiens-dentistes ou si
l’attentat a été commis avec l’aide de plusieurs
personnes »
L’inceste est celui commis par les ascendants
ou une personne ayant un ascendant sur la
victime. Il est intégré au sein des autres vio-
lences sexuelles commises par les instituteurs,
serviteurs, médecins etc. Les peines vont va-
rier selon la qualification de viol ou attentats à
la pudeur et, comme l’inceste ne se fait gé-
néralement pas avec violence, il sera moins
puni quand la fille a entre 13 et 20 ans (article
227 bis) et plus sévèrement puni quand la fille
a moins de 13 ans (Article 227). Il sera moins
puni quand il s’agit d’une pénétration autre
que vaginale ou consiste en des attouche-
ments sexuels (Article 228 bis) sur des enfants
(fille ou garçon) de moins de 18ans. Il y a une
véritable incohérence et une nécessité de re-
voir le texte en distinguant l’inceste des autres
abus sexuels commis sur les enfants et en uni-
fiant les peines.
Parce que l’inceste se fait sans violences, il
est difficile à prouver. Or l’instruction pour les
crimes commis sur les enfants en général ne
diffère pas de celle des adultes : l’enfant est
écouté plusieurs fois et il est confronté à son
agresseur, ce qui le conduit à se rétracter et
la plupart des affaires d’inceste se soldent par
un acquittement, à défaut de preuves. Par ail-
leurs, parce que la prescription est identique
que pour les autres agressions sexuelles (10
ans à partir des faits pour le crime) et que c’est
généralement un enfant qui en est victime, s’il
veut porter plainte, un fois majeur, l’action sera
déjà prescrite.
Si l’attention du législateur doit être portée sur
l’inceste, c’est parce que ses conséquences
sont particulièrement graves sur la victime,
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 36
entrainant, en cas d’impunité de l’auteur et
d’absence de prise en charge de la victime
un phénomène de victimisation. Les victimes
d’incestes deviennent alors particulièrement
vulnérables à tout autre type de violences, en
particulier sexuelle.
• Prendre des mesures positives
de protection des victimes
La législation tunisienne ne prévoit pas d’or-
donnances d’éloignement de l’auteur des
violences, notamment dans le couple, afin de
protéger les femmes, souvent menacées dans
leur vie. L’absence de prise en charge finan-
cière et d’indemnisation de la victime, en cas
de condamnation de l’agresseur, l’insuffisance
des structures de prise en charge des victimes
de violence (Manque de formation des divers
intervenants : police, corps médical, justice,
manque de refuges et de centres d’écoutes
pour femmes violentées) ne permettent pas
non plus de lutter contre le fléau, ni de soutenir
les victimes qui ne bénéficient ni de soins gra-
tuits, ni d’aide à la réinsertion sociale.
3.3 - Pour aller au-delà de la
répression et protection
• Prévenir
Prévenir signifie agir sur les causes des vio-
lences. La prévention nécessite non seule-
ment de mettre fin aux inégalités de droit et
de fait, mais aussi d’éduquer dans l’égalité des
sexes. L’éducation dans « l’enracinement de
l’identité arabo-musulmane » (article 39 de la
Constitution) ne doit pas se faire par la sacrali-
sation de l’infériorité ou de la complémentarité
des hommes et des femmes, mais dans l’éga-
lité. Cela ne peut se faire par l’éducation dans
une lecture littérale de la charia, mais par une
éducation dans la pensée réformiste, seule à
même de permettre « de diffuser la culture des
droits de l’homme » (article 39 de la Consti-
tution) dans le respect de l’identité arabe et
musulmane. Celle-ci ne peut en effet pouvoir
34
légitimer aucune forme de violence à l’égard
de la femme.
• Des enquêtes nationales régu-
lières
Les enquêtes régulières sur le phénomène font
aussi partie des mesures nécessaires permet-
tant d’évaluer le taux de prévalence de ces
violences ainsi que l’efficacité des mesures
prises. Il n’y a pas eu d’enquête nationale de-
puis la transition politique et, certains crimes
devraient faire l’objet d’enquêtes nationales
spécifiques, comme l’inceste et le harcèlement
sexuel pour lesquels il n’existe actuellement
pas de données.
Recommandations
• Lutter contre l’impunité par une réforme du
Code Pénal et du Code de Procédure Pénale
o Mettre fin à la distinction entre le viol et
les attentats à la pudeur
o Abroger l’article 227 bis du Code Pénal
l’âge de
o Harmoniser
la majorité
sexuelle et celui du consentement
possible à une activité sexuelle pour les
filles et les garçons et le fixer à 18 ans
o Définir la notion de consentement à
une activité sexuelle en intégrant la notion
de contrainte morale
Intégrer le harcèlement moral suite à
o
une seule pression grave
o Abroger l’article 226 quater dans
sa disposition permettant le recours en
dénonciation calomnieuse en cas de
non-lieu dans les affaires de harcèlement
sexuel
o Faire des violences dans le couple
des circonstances aggravantes en cas de
meurtre et pour tous les types de coups
et blessures et incriminer les violences
morales et sexuelles
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne

Page 37
o Mettre fin à la possibilité de retrait de
sa plainte par le conjoint
o Elargir la notion de couple à tout
intime, actuel ou passé
partenaire
o Nommer l’inceste et en faire une
infraction autonome
tout
acte sexuel sur un enfant commis par un
proche ou parent par alliance ou vivant
habituellement avec
incriminant
lui
35
• Enquêter régulièrement sur les violences
o Etablir un observatoire chargé de
collecter toutes les données sur tous les
types de violences subies par les femmes
et les enfants
• Prévenir
de
o Lancer
sensibilisation régulières dans les médias
campagnes
des
o Former les enseignants dans tous les
cycles d’enseignement à la violence et
introduire des cours sur la question des
violences
o Eduquer dans l’égalité et le respect
de l’autre et de son intégrité physique et
morale
Les violences subies par les femmes ne
sont pas seulement physiques, morales ou
sexuelles, mais aussi économiques et sociales.
o
Instaurer une procédure spéciale
o Faire courir la prescription en matière
d’inceste à partir de la majorité et en
augmenter le délai
• Adopter une loi intégrale qui intégre len plus
es réformes mentionnées ci-dessus relatives
à l’impunité, envisage aussi les 3 aspects de
lutte contre les violences, à savoir : soutien
des victimes, prévention et enquêtes
Soutenir les victimes
o Prendre des mesures positives
de protection des victimes
(refuges,
centres d’écoute et d’orientation des
femmes victimes de violence, formation
des divers intervenants, ordonnances
d’éloignement)
Installation de cellules d’urgence
o
médico psychologiques pour soigner
les victimes sur tout le territoire de la
République
o Apporter une aide à la réinsertion
sociale des victimes par
l’installation
d’intervenants sociaux notamment dans
les locaux de la police et de la garde
nationale
l’intervention
sociale d’urgence et dont la mission
serait l’accueil et l’écoute afin d’établir les
besoins des victimes.
formés dans
o Etablir un
réseau de partenaires
(médecine légale, centres d’hébergement,
structures sociales et/ou médicales de la
région etc) afin de répondre aux besoins
immédiats des victimes.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 38
Inégalité et discrimination
IV.
dans la jouissance et l’exercice effectif
des droits économiques et sociaux
Page 39
Les droits au travail, à la sécurité sociale et
à la santé sont des droits garantis à égalité
entre les hommes et les femmes, tant dans
la Constitution que dans les Conventions in-
ternationales ratifiées ou la législation interne,
cependant ces droits ne sont pas toujours ef-
fectifs. Malgré les progrès faits dans la scola-
risation des filles, la participation des femmes
à la vie économique reste faible. Ainsi le taux
de scolarisation des filles au primaire tend à
s’égaliser avec celui des garçons, il est supé-
rieur dans le secondaire (53% des inscrits) et le
supérieur (Plus de 60%). Les filles réussissent
mieux leurs études que les garçons. Elles sont
aussi plus disponibles qu’avant pour le travail,
l’indice synthétique de fécondité passant de
7, 15 en 1966 à 2,2 en 2012 , avec cepen-
dant des inégalités flagrantes entre le nord et
le centre ouest notamment où celui peut at-
teindre plus du double.
4.1. Le droit au travail et le
Droit à la sécurité sociale
Des mesures sont à prendre afin de rendre ef-
fectif le droit au travail et à la sécurité sociale
car actuellement, la législation tout en garan-
tissant l’égalité s’avère insuffisamment protec-
trice.
• Un droit garanti dans la Consti-
tution et dans les instruments in-
ternationaux ratifiés par la Tunisie
Le Droit au travail et le Droit à la
sécurité sociale sont expressément
garantis dans la nouvelle Constitu-
tion Tunisienne de 2014:
Article 40: « Tout citoyen et citoyenne a droit
au travail. L’Etat prend les mesures néces-
saires afin de le garantir sur la base du mérite
et de l’équité.
Tout citoyen et citoyenne a droit au travail dans
des conditions favorables et avec un salaire
équitable »
37
Article 21 : L’Etat assure aux citoyens et ci-
toyennes « les conditions d’une vie digne »
En matière de droit international, la Tunisie a
ratifié le Pacte International sur les droits éco-
nomiques et sociaux et culturels (PIDESC de
1966) dont l’article 7 garantit le droit au travail
et la non-discrimination entre les femmes.
Article 7 du PIDESC
« Les Etats parties au présent Pacte recon-
naissent le droit qu'a toute personne de jouir
de conditions de travail justes et favorables,
qui assurent notamment: a) La rémunération
qui procure, au minimum, à tous les travail-
leurs: i) Un salaire équitable et une rémunéra-
tion égale pour un travail de valeur égale sans
distinction aucune; en particulier, les femmes
doivent avoir la garantie que les conditions de
travail qui leur sont accordées ne sont pas in-
férieures à celles dont bénéficient les hommes
et recevoir la même rémunération qu'eux pour
un même travail; ii) Une existence décente
pour eux et leur famille conformément aux
dispositions du présent Pacte; b) La sécurité
et l'hygiène du travail; c) La même possibilité
pour tous d'être promus, dans leur travail, à
la catégorie supérieure appropriée, sans autre
considération que la durée des services ac-
complis et les aptitudes; d) Le repos, les loisirs,
la limitation raisonnable de la durée du travail
et les congés payés périodiques, ainsi que la
rémunération des jours fériés ».
La CEDAW, également ratifiée par la Tuni-
sie,
consacre aussi le droit au travail (article
11)
en tant que droit inaliénable de tous les
êtres humains : Supprimer 'est garanti à ce
titre par la CEDAW
« Les mêmes possibilités
d'emploi, y compris l'application des mêmes
critères de sélection en matière d'emploi »
doivent être accordées aux femmes. L’Etat doit
dès lors leur garantir « le droit au libre choix de
la profession et de l'emploi, le droit à la pro-
motion, à la stabilité de l'emploi et à toutes les
prestations et conditions de travail, le droit à
la formation professionnelle et au recyclage, y
compris l'apprentissage, le perfectionnement
53 Profil genre, Tunisie, 2014, précité
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 40
professionnel et la formation permanente ». Il
doit aussi garantir
« le droit à l'égalité de traite-
ment pour un travail d'égale valeur aussi bien
qu'à l'égalité de traitement en ce qui concerne
l'évaluation de la qualité du travail ».
Le droit à la sécurité sociale (article 11), no-
tamment aux
« prestations de retraite, de chô-
mage, de maladie, d'invalidité et de vieillesse
ou pour toute autre perte de capacité de tra-
vail, ainsi que le droit à des congés payés »
est
garanti. Le droit à la protection de la santé et à
la sécurité des conditions de travail, y compris
« la sauvegarde de la santé de reproduction
avec l’interdiction, sous peine de sanctions,
du licenciement pour cause de grossesse ou
de congé de maternité et la discrimination
des licenciements fondée sur le statut matri-
monial»
. L'Etat doit aussi instituer « l'octroi de
congés de maternité payés ou ouvrant droit à
des prestations sociales comparables, avec la
garantie du maintien de l'emploi antérieur, des
droits d'ancienneté et des avantages sociaux
»
. Il doit aussi « encourager la fourniture des
services sociaux d’appui nécessaires pour
permettre aux parents de combiner les obliga-
tions familiales avec les responsabilités profes-
sionnelles et la participation à la vie publique,
en particulier en favorisant l'établissement et
le développement d'un réseau de garderies
d'enfants ».
Selon la CEDAW, une protection particu-
lière des femmes rurales
doit aussi être
assurée, notamment en ce qui concerne leurs
ddroits économiques et sociaux, à savoir leur
droit à la santé à l’accès au crédit et aux prêts
agricoles et de bénéficier de conditions de vie
convenables, notamment en ce qui concerne
le logement, l'assainissement, l'approvisionne-
ment en électricité et en eau, les transports et
les communications
(Article 14).
En ce qui concerne le droit au travail, les autres
textes internationaux ratifiés par la Tunisie im-
portants sont les conventions de l’OIT (Organi-
sation internationale du Travail).
La Convention n° 45 de l'O.I.T sur le Travaux
souterrains des femmes
54 , la Convention n°
38
89 de l'O.I.T sur le travail de nuit des femmes
(révisé)55, , la Convention n° 100 concernant
l'égalité de rémunération entre la main-d’œuvre
masculine et la main-d’œuvre féminine pour
un travail de valeur égale
56 et le Protocole re-
latif à la convention sur le travail de nuit des
femmes
57 sont les conventions spécifiques aux
femmes et ratifiées par la Tunisie. Ces diverses
Conventions ont été intégrées dans le Code
du travail qui interdit les discriminations entre
hommes et femmes (article 5 bis), les travaux
souterrains et dans les mines et carrières pour
les femmes (Article 77), ainsi que le travail de
nuit des femmes, sauf exception (article 68 du
Code du Travail)
• Une législation interne insuffi-
samment protectrice
En 1968, après avoir ratifié la Convention
n°100 de l’OIT sur l’égalité de rémunération,
« A travail égal, salaire égal », l’article 135 du
Code du Travail qui contenait des dispositions
inégalitaires concernant le salaire des femmes
dans l’agriculture a été amendé. La conven-
tion collective cadre de 1977 introduit le prin-
cipe de non-discrimination entre hommes et
femmes, puis la loi de juillet 1993 introduit le
principe dans le Code du travail (Article 5 bis)
qui couvre tous les aspects du droit du travail
(égalité dans l’accès au travail, la sécurité du
travail, les conditions de travail, la répartition
des horaires, le salaire etc.)
Cependant l’interdiction de la discrimination,
en raison de la sanction pénale dérisoire (une
amende de 24 à 60 dinars), n’est pas respec-
tée. Selon l’étude
« Réglementation du travail
et participation des femmes au marché du tra-
vail en Tunisie »
58 , il est indiqué que « Dans le
secteur privé, la grille des salaires des conven-
tions collectives de branche n’inclut pas des
critères suffisamment clairs et bien déterminés
pour le classement objectif du personnel ; de
sorte que l’employeur dispose d’une totale
liberté et sans aucun « garde-fou » contre la
discrimination des femmes dans la gestation
de son personnel, notamment dans la recon-
54 Décret de ratification du 25-4-1957, J.O.T., n° 34 du 26 avril 1957, p. 503 ; Décret de publication du 25-4-1957, J.O.T., n° 34 du 26 avril
1957, p. 503.
55 Décret de ratification du 25-4-1957, J.O.T., n° 34 du 26 avril 1957, p. 503. Décret de publication du 25-4-1957, J.O.T., n° 34 du 26 avril
1957, p. 503.
56 Loi de ratification n° 68-21 du 2-7-1968, J.O.R.T., 1968, p. 743. Décret de publication n° 68-301 du 23-9-1968, J.O.R.T., 1968, n° 40, p.
1045.
57 Loi de ratification n° 92-114 du 30-11-1992, J.O.R.T. n° 81 du 4 décembre 1992, p. 1539. Décret de publication n° 93-1917 du 13-09-
1993, J.O.R.T. n° 75 du 5 octobre 1993, p. 1690.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 41
naissance de la qualification des travailleuses
et des travailleurs et leur classement dans l’or-
ganigramme de l’entreprise selon des critères
qu’il est le seul à fixer de façon unilatérale ».
Ceci explique que dans le secteur privé, les
salaires des femmes soient inférieurs à ceux
des hommes. Et même si l’écart s’amoindrit
avec l’âge et le niveau d’instruction, le salaire
des femmes y est inférieur de 15% à celui des
hommes
59 .
Outre ces insuffisances relatives à l’absence
de contrôle de la discrimination dans le salaire
et de sanction dissuasive, le Code du travail a
introduit en 1996, la distinction entre contrats
à durée déterminée et contrats à durée indé-
terminée (CDI)(articles 6.2 et suivants du Code
du travail). Leur régime est différent et les ga-
ranties fondamentales du droit du travail sont
absentes dans les CDD. Parce que les licen-
ciements sont plus difficiles et contraignants
dans les contrats à durée indéterminée et que
les prestations d’assurance sociale ne sont
pas obligatoires dans les CDD, il est largement
fait appel à ceux-ci, en particulier pour l’emploi
féminin.
Par ailleurs, la législation du travail connait
des incitations multiples à l’abandon par les
femmes de leur travail, ce qui explique que
la courbe du travail des femmes est descen-
dante, dès qu’elles deviennent mères
60 , elles
abandonnent souvent leur travail.
• Les incitations légales à l’abandon
de leur travail par les femmes
Ainsi, le Code de la fonction publique permet
aux femmes d’obtenir une mise en disponibili-
té sur demande, de 2 ans renouvelable 2 fois,
pour élever un ou plusieurs enfants âgés de
moins de 6 ans ou atteints d’infirmité exigeant
des soins continus.
La loi n°2006-58 du 28 juillet 2006 institue
quant à elle, un régime spécial de travail à mi
temps avec le bénéfice des 2/3 du salaire pour
les mères
61 ayant un enfant de 16 ans ou un
39
enfant handicapé, pour une durée de 3 ans,
renouvelables deux fois.
Enfin, conformément à la loi n°85_112 du 5
mars 1985 portant régime des pensions civiles
et militaires de retraite et des survivants dans
le secteur public telle que modifiée et complé-
tée
62 , les femmes qui ont au moins 3 enfants
de moins de 20 ans et qui ont cotisé pendant
15 ans au minimum, peuvent jouir du droit à
une pension de retraite anticipée dès l’âge de
50 ans, soit 10 ans avant l’âge moyen de la
retraite.
De telles législations renforcent les stéréotypes
sociaux consacrant le travail domestique et
non rémunéré pour les femmes et le travail
rémunéré aux hommes. Elles encouragent les
femmes à renoncer à leur droit au travail au
profit du travail domestique et non rémunéré
et partant, accentuent leur dépendance éco-
nomique, leur marginalisation sociale et favo-
risent leur soustraction à la vie publique.
Et de fait, le travail domestique, non rému-
néré et invisible
pèse principalement, sinon
exclusivement sur les femmes. Selon les en-
quêtes disponibles,
« les femmes toutes ca-
tégories confondues, consacrent huit fois plus
de temps que les hommes à l’accomplisse-
ment du travail domestique et aux soins dis-
pensés aux enfants et aux personnes âgées
ou dépendantes vivant avec la famille, soit
5h16 minutes contre 39 minutes (respective-
ment 21,9% contre 2,7% d’une journée. La
valeur globale du travail domestique, des soins
et des services non rémunérés était estimée à
47,4% du PIB en 2006)
63 » .
Et si l’activité des femmes hors du foyer do-
mestique a légèrement augmenté dans la dé-
cennie 90, elle a pratiquement stagné depuis.
Entre 2005 et 2011, le taux global d’activité
des femmes est passé de 23,6% à 24, 9%,
alors que celui des hommes est de près 70%,
soit 3 fois le taux féminin.
Ces stéréotypes dont se fait écho la loi ex-
plique en partie le taux élevé du chômage des
58 « Réglementation du travail et participation des femmes au marché du travail en Tunisie »,
http://econowin.org/wp-content/uploads/2014/11/Reglementation-du-travail-et-participation-des-femmes-en-Tunisie.pdf
59 Profil genre Tunisie, 2014.
60 Ibid.
61 JORT du 4/8/2006, p. 2099 et le Décret d’application n°2006_3230 du 12/12/2006, JORT du 15/12/2006, p.4271.
62 http://www.e-justice.tn/fileadmin/fichiers_site_francais/magist_autres/L_1985_12_fr.pdf
63 Idem, p.10.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 42
femmes. La place de celles-ci étant au foyer,
les hommes sont privilégiés dans l’accès au
travail.
• Absence de couverture sociale des
chômeurs et du travail temporaire et
informel
Ainsi, le taux de chômage des femmes est
bien plus élevé que celui des hommes, en
2013 selon les données de l’Institut natio-
nal des statistiques, il est de 21,9%, près du
double de celui des hommes (12,8%). Il frôle
ou dépasse les 50% dans l’Ouest et le Sud
64 .
Les femmes diplômées du supérieur enre-
gistrent des records dans le taux du chô-
mage.
Si la moyenne nationale est de 39,1%
contre 15, 6% pour les hommes, il atteint le
taux de : 50,2% au Nord Ouest, 61,9% au
Centre Ouest, 62,5% au Sud Est et 69,5% au
Sud Ouest. Ainsi plus des 2/3 des chômeurs
diplômés du supérieur sont des femmes et
elles mettent plus longtemps que les hommes
à trouver du travail. En moyenne, la moitié
d’entre elles mettent plus d’un an à trouver du
travail contre 32% pour les hommes
65.
Il y a aussi, une faible diversification sec-
torielle de l’emploi féminin.
Les femmes
travaillent principalement dans le secteur des
services, l’industrie manufacturière et l’agri-
culture, emplois caractérisés par leur précarité
car soumis plus que d’autres aux aléas clima-
tiques et économiques. En revanche l’emploi
des hommes se déploie dans tous les secteurs
66.
L’emploi informel, sans congé payé ni
couverture sociale
, représenterait en Tunisie
entre 43% et 50% de l’emploi non agricole.
Selon une enquête faite par une ONG sur un
échantillon de 229 femmes, la précarité tou-
cherait plus de 84% des enquêtées, salariées
ou gestionnaires de leur propre projet
67 .
Or, le système de couverture sociale ne couvre
pas les chômeurs, dans la mesure il y n’y a
pas d’assurance chômage. La protection so-
ciale ne s’étend par ailleurs pas au travail tem-
poraire et informel, ni aux femmes au foyer. Un
40
autre facteur contribue au faible taux de cou-
verture effective semble résider dans les réti-
cences des employeurs à déclarer des sala-
riés et à verser des cotisations. L'UGTT (Union
générale tunisienne du travail) estime que 37
pour cent des travailleurs salariés ne sont pas
déclarés au régime de sécurité sociale. Enfin,
des raisons pratiques, comme la nécessité de
remplir des formulaires (pour les analphabètes
et les femmes sont celles qui souffrent le plus
d’analphabétisme) ou l'éloignement des bu-
reaux de la sécurité sociale ont également une
incidence sur les adhésions
68 .
Les femmes qui souffrent le plus de chômage
et sont le plus employées dans le secteur in-
formel et précaire vont d’autant plus en pâtir
69
. Dans le secteur agricole, les femmes ne vont
pas non plus pouvoir bénéficier de sécurité so-
ciale puisqu’il faut effectuer plus de 45 jours de
travail par trimestre pour être pris en compte,
ce qui est rarement le cas.
Les revenus des femmes sont par ailleurs si
faibles qu'elles ne peuvent pas se permettre
de cotiser, et leur priorité est souvent de sa-
tisfaire leurs besoins essentiels plutôt que de
préparer leur retraite.
Ces difficultés et la mauvaise posture des
femmes dans le monde du travail se retrouvent
aux niveaux des instances de prise de déci-
sions économiques et syndicales.
• Faible représentativité dans les
instances de prise de décision et
les syndicats
Dans les conseils d’entreprise, les femmes
sont faiblement représentées et, seulement
6,5% de la totalité des chefs d’entreprise sont
des femmes dont le plus grand nombre est
concentré au Sahel, le grand Tunis et le cap
bon
70 . Mais aussi, l’augmentation sensible du
niveau d’instruction des femmes (majoritaires
à être diplômées du supérieur) n’a pas pour
autant conduit à une plus grande représenta-
tivité des femmes dans les instances de prise
des décisions. Dans la fonction publique, leur
64 Objectifs du millénaire pour le développement, Rapport national de suivi, 2013, avril 2014, www.undp.org/content/dam/undp/library/MDG/
english/MDG%20Country%20Reports/Tunisia/Rapport%20Suivi%202013%200MD%20Tunisie%20final.pdf
65 Profil genre Tunisie, 2014.
66 Profil genre Tunisie, 2014.
67 Enquête AFTURD citée par Profil genre Tunisie.
68 Chaabane Mohamed, 2007. La réforme des régimes de retraite : cas de la Tunisie (Genève, BIT), cité in Tunisie un nouveau contrat social
pour une croissance juste et équitable, ILO, 2010.
http://www.ilo.org/public/french/bureau/inst/download/country_tf.pdf .
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 43
pourcentage dans les postes de décision par
rapport à la totalité des agents de la fonction
publique, est dérisoire (0,76%), selon le rap-
port
« profil genre Tunisie, 2014 ».
En 2010, il y avait 35% de femmes syndiquées
(UGTT), mais aucune dans les instances diri-
geantes. Après 2011, elles seraient devenues
« majoritaires à la base, minoritaires au som-
met »
71 et, au congrès de 2011, il y avait 12
femmes sur 513 congressistes, mais aucune
n’a cependant été élue au bureau exécutif. Sur
24 unions régionales, seules 2 comprennent
des femmes (Ben Arous et Ariana)
72 .
• Les femmes les plus vulnérables
• Les femmes vivant en milieu rural,
victimes d’une double discrimination
Les conditions de travail en milieu rural sont
rudes pour les hommes et les femmes. Le
secteur agricole reste peu développé et ce
déficit de développement atteint les conditions
de travail tout aussi bien des hommes et des
femmes. Cependant, les femmes sont vic-
times, en plus de la discrimination liée à leur
environnement, de discriminations dues au fait
qu’elles soient des femmes.
Dans le secteur agricole la discrimination sa-
lariale est systématique et, selon une enquête
récente effectuée par l’ATFD sur un échantillon
de 200 femmes rurales, il est indiqué que 90%
des femmes perçoivent un salaire journalier
compris entre 10 et 15 dinars, soit un salaire
mensuel ne dépassant pas 280 dinars, alors
que plus de 55% des hommes perçoivent un
salaire journalier supérieur à 15 dinars
73 .
Alors que selon l’article 83 du Code du travail,
la durée journalière de travail ne doit pas excé-
der 8 heures par jour, sauf exception autorisée
par l’inspection du travail, le travail agricole des
femmes dépasse souvent cette durée pour at-
teindre les 12 heures. Peu d’entre les travail-
leuses agricoles bénéficient d’un jour de repos
par semaine. Selon l’enquête précitée, 73,7%
travaillent sans contrat et donc sans couver-
ture sociale.
41
L’accès au travail est pénible. Selon la même
enquête,
« plus d’une femme sur trois (37%)
parcourt entre 1 à 5 kilomètres pour se rendre
sur le lieu du travail et plus d’une femme sur
cinq (22%) parcourt entre 5 et 20 kilomètres.
Certaines femmes parcourent même plus de
20 kilomètres »
Elles sont dès lors contraintes
à avoir recours à des transporteurs qui, pour
la plupart, ne respectent pas les règles minima
du transport routier.
« Durant la période 2013-
2014, souligne l’enquête, plusieurs accidents
graves et parfois mortels ont eu lieu lors du
transport des femmes travaillant dans l’agri-
culture ».
L’enquête recueille un témoignage d’une tra-
vailleuse agricole selon lequel « Nous rencon-
trons des problèmes énormes lors du transport
entassées les unes contre les autres, les pieds
dans l’eau pour nous contraindre à rester de-
bout tout au long du trajet, afin de transporter
le maximum de femmes. Ces conditions de
transport créent de fortes tensions entre nous
et nous épuisent avant même d’arriver sur les
lieux du travail…Parfois en hiver, les transpor-
teurs mettent de l’eau sur le plateau du camion
pour prendre le maximum et nous imposer de
rester debout tout au long du chemin »
Le même constat est fait dans l’étude explo-
ratoire sur la traite en Tunisie, effectuée par
l’OIM :
« Elles sont âgées de 30 à 65 ans et leur
journée de travail commence à 6 h du matin,
lorsqu´elles sont transportées par un individu
vers une destination qui leur est inconnue. Il
s’agit généralement d’une ferme située dans
un périmètre d’environ 60 km. Les conditions
de transports s’avèrent être dangereuses, car
le véhicule utilisé est prévu pour le transport de
marchandises. Deux accidents mortels ont eu
lieu en deux ans. Une fois arrivées à destina-
tion, le propriétaire de la terre leur apprend la
nature des tâches à accomplir (labourer, semer
ou récolter). Elles ne signent aucun contrat et
sont payées 6 dinars tunisiens par jour (soit 3
euros), moins que le salaire minimum légal. Il
arrive que le propriétaire ne les rémunère pas
en fin de journée et leur demande de continuer
69 Chaabane Mohamed, 2007. La réforme des régimes de retraite : cas de la Tunisie (Genève, BIT), cité in Tunisie un nouveau contrat social
pour une croissance juste et équitable, ILO, 2010.
http://www.ilo.org/public/french/bureau/inst/download/country_tf.pdf .
70 Idem
71 Tunisiennes et action politique en contexte post révolutionnaire, précité.
72 Chekir (H.), la participation politique des femmes entre le droit et la pratique, Juillet 2013, http://www.genderclearinghouse.org/upload/
Assets/Documents/pdf/La_participation_politique_des_femmes_entre_le_droit_et_la_pratique.pdf
73 Enquête sur les conditions de travail des femmes en milieu rural, observatoire Asma Fanni pour l’égalité des chances et la citoyenneté des
femmes, ATFD, 2014.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 44
à travailler pour une période de 10 à 20 jours,
leur faisant miroiter un salaire une fois le travail
accompli. Souvent, elles n’obtiennent que vio-
lences pour toute rémunération. Si les informa-
tions disponibles ne permettent pas d’affirmer
que ces femmes sont forcées de travailler dans
ces champs, il convient de préciser qu’elles se
trouvent dans une situation d’extrême pau-
vreté et n’ont parfois pas d’autres solutions
que d’accepter les conditions de travail les
plus indignes pour survivre. Il est par ailleurs
important de noter que les femmes dans le
secteur agricole représentent un vivier de vic-
times potentielles important pour la traite des
personnes ».
Le temps consacré par les femmes rurales aux
travaux domestiques est plus élevé que celles
vivant en milieu urbain. Ce sont les femmes et
les filles qui sont chargées de la corvée de l’eau
et les travaux agricoles dont elles se chargent
sont plus importants que ceux des hommes,
mais il n’est pas rémunéré et reste invisible,
intégré dans le travail domestique. Seul un
cinquième des femmes rurales disposent d’un
revenu propre contre plus de deux tiers des
hommes
74.
Leur absence ou faible participation dans l’en-
treprenariat agricole est ainsi directement lié à
la faible visibilité de leur travail, mais aussi à leur
faible accès à la propriété foncière, la propriété
revenant dans 85% des cas à l’homme. Les
raisons en reviennent en particulier à l’inégalité
dans l’héritage et à ce que les femmes sont
souvent contraintes de céder leur part d’hé-
ritage aux hommes
75 . Elles ont aussi moins
d’accès au crédit que les hommes, en rai-
son de l’absence de capital propre, alors que
lorsqu’elles y recourent elles sont plus régu-
lières dans le remboursement des échéances
(18,4% contre 9,9% des hommes)
76 .
Ce sont pour toutes ces raisons que dans son
article 14, la CEDAW requière des Etats signa-
taires une protection et des mesures particu-
lières pour les femmes vivant en milieu rural.
42
• Les travailleuses domestiques
L’âge minimum légal pour travailler en tant que
domestique est de 16 ans
77 . Une étude menée
auprès de 130 travailleuses domestiques par
l’AFTURD, en 2008, montre que
« la plupart
des employés de maison sont des jeunes filles
dont 17, 5 % ont entre 12 et 17 ans et 60,8
% entre 18 et 29 ans. Plus de 32 % n’ont ja-
mais été scolarisées et près de 31 % ont été
contraintes de quitter l’école ».
Principalement originaires du Nord-ouest du
pays, elles sont envoyées travailler en tant
que domestiques pour des familles aisées du
Grand Tunis et les grandes villes du littoral, ou
dans des familles du gouvernorat de Jendou-
ba. Certaines sont âgées de 6 ans lorsqu’elles
quittent le domicile familial
78.
Jeunes ou moins jeunes, ces travailleuses do-
mestiques sont corvéables à merci et ne bé-
néficient ni de temps de repos dans la journée,
ni de congés payés, ni de couverture sociale.
Elles sont aussi souvent victimes d’abus
sexuels de la part des membres masculins des
familles qui les emploie.
L’absence de contrôle de par les autorités et
de sanctions prévues pour le non respect des
exigences légales tenant notamment à l’âge
minimum de travail et les cotisations à la sé-
curité sociale n’ont pas permis de mettre fin à
cette servitude domestique.
➢Recommandations
Ratifier la Convention de l’OIT n°156 sur
les travailleurs ayant des responsabilités
familiales de 1981
qui recommande de « te-
nir compte des besoins des travailleurs ayant
des responsabilités familiales dans l'aménage-
ment des collectivités, locales ou régionales »
et de « développer ou promouvoir des ser-
vices communautaires, publics ou privés, tels
que des services et installations de soins aux
enfants et d'aide à la famille »
(article 5).
74 Budget temps des ménages ruraux et travail invisible des femmes rurales en Tunisie, CREDIF, Ministère des affaires de la femme et de la
famille, 2000.
75 Egalité dans l’héritage et autonomie économique des femmes, précité.
76 Profil genre Tunisie, 2013
77 Loi n°65-25 du 1/7/1965 relative à la situation des employées de maison, JORT 1965, n°35 du 2/7/1965, p.826, modifiée par la loi n°2005,
JORT 2005, n°27 du 5/4/2005, p.877.
78 Etude exploratoire sur la traite, OIM, 2013.
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 45
Ratifier la Convention n°189 sur le tra-
vail domestique (salarié) de 2011.
• Etablir un congé parental, permettant, au
choix du ménage, qu’il soit pris par le père
ou la mère devrait permettre non seulement
de mettre fin aux stéréotypes sociaux selon
lesquels l’éducation des enfants relève de la
seule responsabilité des mères, mais aussi de
permettre aux couples dont la femme occupe
le meilleur emploi de pouvoir opter pour un
congé du père.
• Généraliser la sécurité sociale dans les em-
plois informels et réexaminer le régime des
CDD afin que les garanties fondamentales du
droit du travail y soient garanties.
• Permettre aux travailleurs et aux femmes en
particulier de pouvoir porter plainte en cas de
licenciement abusif lié à une discrimination.
• Sanctionner plus sévèrement les discrimina-
tions dans l’emploi
• Renforcer le contrôle des autorités notam-
ment dans le secteur agricole
• Accélérer l’adoption du projet de loi de lutte
contre la traite des personnes actuellement en
discussion auprès de l’ARP afin que la servi-
tude domestique et toutes les autres formes
d’exploitation économique des femmes et des
fillettes en particulier, soient sanctionnées.
• Consacrer la parité dans les instances de
décision économique et dans les syndicats.
Pour aller plus loin :
• Fournir des soins gratuits et de qualité pour
les enfants, les personnes âgées et les han-
dicapés afin de soulager les personnes (les
femmes) qui s’occupent d’eux.
• Améliorer l’accès à l’infrastructure et à la
technologie (notamment à l’eau et aux instal-
lations d’assainissement, à l’électricité et aux
technologies domestiques), en particulier dans
les zones rurales.
• Fournir des services publics sociaux acces-
sibles (crèches, garderies, écoles etc.), adap-
tés aux besoins des familles (notamment quant
aux horaires) et financièrement abordables.
43
L’inégalité de fait dans le droit au travail s’ac-
compagne aussi d’une inégalité de fait dans
l’accès à la santé, en particulier quant aux
droits sexuels et reproductifs.
4.2. Inégalité et discrimina-
tion dans le droit à la santé
et les droits sexuels et re-
productifs
Malgré un droit garanti dans la Constitution et
les traités internationaux ratifiés par la Tunisie,
ainsi que dans la législation interne, l’accès aux
soins reste encore difficile pour les femmes.
• Le droit à la santé est garanti dans
la Constitution et les traités ratifiés
la nouvelle Constitution tunisienne stipule que :
Article 38 : « Tout être humain a droit à la san-
té. L’Etat garantit la prévention et les soins de
santé à tout citoyen et assure les moyens né-
cessaires au service à la sécurité et à la qualité
des services de santé.
L’Etat garantit la gratuité des soins pour les
personnes sans soutien ou ne disposant pas
de ressources suffisantes. Il garantit le droit à
une couverture sociale conformément à ce qui
est prévu dans la loi ».
Le droit à la santé, notamment sexuelle et re-
productive, est éhgalement garanti par un cer-
tain nombre de Conventions Internationales,
dont le PIDESC et La CEDAW.
Article 10 alinéa 2 du PIDESC
« Les Etats parties au présent Pacte recon-
naissent que : 2. Une protection spéciale doit
être accordée aux mères pendant une période
de temps raisonnable avant et après la nais-
sance des enfants. Les mères salariées doivent
bénéficier, pendant cette même période, d'un
congé payé ou d'un congé accompagné de
prestations de sécurité sociale adéquates ».
Article 12 de la CEDAW « 1. Les Etats par-
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne

Page 46
ties prennent toutes les mesures appropriées
pour éliminer la discrimination à l’égard des
femmes dans le domaine des soins de santé
en vue de leur assurer, sur la base de l’éga-
lité de l’homme et de la femme, les moyens
d’accéder aux services médicaux, y compris
ceux qui concernent la planification de la fa-
mille. 2. Nonobstant les dispositions du para-
graphe 1 ci-dessus, les Etats parties fourniront
aux femmes pendant la grossesse, pendant
l’accouchement et après l’accouchement, des
services appropriés et, au besoin, gratuits, ain-
si qu'une nutrition adéquate pendant la gros-
sesse et l’allaitement ».
S’il n’y a aucune discrimination dans la législa-
tion concernant l’accès à la santé, il reste que
les femmes sont insuffisamment protégées du
fait d’un congé de maternité dont la durée est
trop courte, mais aussi de l’insuffisance de
protection des droits à la santé sexuelle et re-
productive, même si des mesures sont actuel-
lement prises pour y remédier.
• Un congé de maternité dont la
durée ne correspond pas aux stan-
dards internationaux
Ainsi, dans le secteur privé, l’article 64 du
Code du travail (CT) limite le congé de mater-
nité à 30 jours, pouvant être prorogé une fois
d’une période de 15 jours sur justifications de
certificats médicaux. La Convention n°108 de
2000 de l’OIT sur la protection de la maternité
non encore ratifiée par la Tunisie fixe quant à
elle, le délai à 14 semaines au minimum.
Dans la fonction publique, l’article 48 de loi sur
la fonction publique fixe ce délai à 2 mois avec
une possibilité d’obtenir un congé postnatal
« destiné à lui permettre d’élever ses enfants »
de 4 mois maximum, à demi traitement. « Le
chef de famille »
, le père donc, selon l’article 40
de la même loi, a quant à lui droit à un congé
de 2 jours ouvrables, lors d’une naissance.
• Un accès aux services de santé
souvent difficiles
L’accès aux soins est plus difficile en Tunisie
44
pour les femmes pour deux raisons essentiel-
lement. Tout d’abord, les femmes sans emploi
ou n’ayant pas cotisé le nombre de jours né-
cessaires sont affiliées avec le mari ou le père,
« le chef de famille », à qui est remis le carnet
de soins. Certaines femmes sont donc dépen-
dantes du bon vouloir de celui-ci et, les centres
d’écoute et d’orientation des femmes victimes
de violence des ONG (ATFD, notamment) ont
eu souvent à connaître de cas de refus du mari
de donner le carnet de soins à sa femme à
titre de représailles. Aujourd’hui, le ministère
des affaires sociales donne un duplicata aux
femmes qui le demandent, mais cela ne suffit
pas, il faudrait modifier la loi afin que même
sans emploi ou occupant un emploi précaire,
la femme puisse bénéficier de son propre car-
net de soins.
La deuxième difficulté est
l’éloignement
des centres de soins, en particulier pour les
femmes rurales. Selon le profil genre qui cite
une recherche menée en février 2014 sur 2016
femmes rurales, l’accès aux soins par celles-ci
est difficile car
« ces dernières font en moyenne
4,12 km pour se rendre au dispensaire le plus
proche d’elles, en mettant en moyenne 1h12 ;
elles s’y rendent dans un cas sur deux à pied
ou prennent un moyen de transport rural ».
• La santé sexuelle et reproductive :
un engagement de l’Etat tunisien
La Conférence Internationale sur la Population
et le Développement (CIPD) du Caire (1994)
définit de la manière suivante la santé repro-
ductive
«Par santé en matière de reproduction,
on entend le bien-être général, tant physique
que mental et social, de la personne humaine,
pour tout ce qui concerne l’appareil génital ses
fonctions et son fonctionnement et non pas
seulement l’absence de maladies ou d’infir-
mités. Cela suppose donc qu’une personne
puisse mener une vie sexuelle satisfaisante en
toute sécurité, qu’elle soit capable de procréer
et libre de le faire aussi souvent ou aussi peu
souvent qu’elle le désire.»
Suite à l’engagement de la Tunisie dans le pro-
Etat des lieux des inégalités et de la discrimination dans la législation tunisienne
Page 47
gramme d’action de la CIPD, un Programme
National de Santé Sexuelle et Reproductive
(PN SSR) a été mis en place dès 1994, rempla-
çant le programme national de santé familiale.
L’ONFP est la structure en charge de la mise
en œuvre de ce programme mais il n’existe
pas de texte juridique qui le réglemente
79 .
Les principaux points et priorités établis
concernent la réduction du taux de mortalité
maternelle. Celui-ci, établi lors de l’enquête
sur la Mortalité Maternelle réalisée par l’Insti-
tut National de la Santé Publique en 2008, est
de 44,8 pour 100 mille naissances vivantes, il
représente une réduction de 35% par rapport
à celui de l’enquête nationale sur la mortalité
maternelle de 1994 (TMM : 68.9 pour 100 mille
naissances vivantes). Ce taux demeure élevé
au regard du développement sanitaire, et est
loin du 5ème objectif du millénaire pour le dé-
veloppement (OMD 5), dont la cible s’établit à
24,9 pour 100 mille naissances vivantes à l’ho-
rizon de 2015
80 . Figure aussi parmi les priori-
tés, la lutte contre le cancer du sein dont l’in-
cidence est en augmentation et qui continue à
être découvert à un stade tardif.
L’amélioration de la prise en charge des ado-
lescents et des jeunes en services de SSR, en
particulier la prévention et la prise en charge
des maladies sexuellement transmissibles et
des grossesses non désirées est aussi l’une
des priorités de ce programme d’action. Tout
comme l’amélioration de l’accès des popula-
tions essentiellement vulnérables aux services
de Santé Sexuelle et Reproduction et celle de
la prise en charge des maladies sexuellement
transmissibles et du VIH/SIDA, ainsi que de la
féminisation du VIH/sida, des grossesses non
désirées et des interruptions volontaires des
grossesses (avortement)
81 .
Enfin, l’accès à l’avortement, garanti dans
l’article 214 du Code pénal depuis 1973, de-
vient de plus en plus difficile pour les femmes,
en particulier dans les régions défavorisées
(Centre Ouest et Sud). En 2012, l’ONPF avait
relevé une baisse de 2% des IVG (chirurgicales
et médicamenteuses) effectuées dans ses cli-
45
niques et une baisse de plus de 55% dans les
services hospitaliers. La raison en est la fer-
meture des cliniques de l’ONFP offrant de tels
services dans certaines régions, mais aussi le
refus de certains médecins hospitaliers de le
faire pour des raisons religieuses
82 .
Recommandations
• Ratifier la Convention de l’OIT n°183 sur la
protection de la maternité de 2000, et allonger
le congé de maternité pour qu’il soit, dans le
privé et le public de 14 semaines au moins et
que les soins prénataux, de l’accouchement et
des soins post-nataux soient entièrement pris
en charge par la sécurité sociale.
• Réformer la loi sur la sécurité sociale afin que
chacun des membres de la famille puisse jouir
d’un carnet de soins individuel.
Mais aussi :
• Améliorer l’accès aux soins de proximité,
notamment par la multiplication des cliniques
mobiles (L’Office National de la Famille et de
la population (ONFP) en possède, mais pas en
nombre suffisant)
• Améliorer l’accès des femmes aux services
de SSR en les multipliant et en en facilitant
l’accès dans les régions défavorisées,
• Faire de l’éducation sexuelle une priorité
dans
les établissements d’enseignement
• Mettre des distributifs de préservatifs faciles
d’accès, en particulier pour les jeunes et dans
les endroits les plus fréquentés par eux, afin de
mieux combattre le virus HIV/SIDA
• Mieux informer, notamment sur le plan reli-
gieux, pour mieux faire admettre l’IVG dont le
nombre baisse dans les pays qui l’admettent
et permet de réduire sensiblement la mortalité
maternelle
79 Cadre de suivi de l’accès universel à la Santé Sexuelle et Reproductive en Tunisie, UNFPA, Tunisie, 2014, http://www.unfpa-tunisie.org/
images/stories/2015/publication/CadreaccesuniverselSSRTunisieop.pdf
80 Paquet essentiel des Services de Santé Sexuelle et Reproductive, ONFP, UNFPA, 2013, http://www.employabilite.tn/sites/default/files/
mdci-fnuap-rapportcaire_20_1.pdf
81 Paquet essentiel des Services de Santé Sexuelle et Reproductive, ONFP, UNFPA, précité.
82 Le droit à l’avortement en Tunisie, de 1973 à 2013, mars 2013, publication de l’ATFD ; Entretien avec S.Hajri, journal la presse, 28/9/2015
http://www.lapresse.tn/06012016/104501/apres-2011-il-y-a-eu-legitimation-du-rejet-de-lavortement.html
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