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EUROPEAID/140677/DH/SER/TN
Instrument européen de voisinage
Assistance Technique pour le programme MediaUp2 (Tunisie)
Nouveau cadre juridique électoral et couverture
médiatique des élections en Tunisie

Novembre 2022
Un projet financé par l’Union européenne
Mis en œuvre par CFI et ses partenaires













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Cette analyse juridique a été réalisée par ARTICLE 19.
Avertissement
Le contenu de ce rapport relève de la seule responsabilité de ses auteurs et ne peut en aucune manière
être considéré comme reflétant les vues de l’Union européenne.
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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Résumé exécutif
Le cadre juridique électoral
1- Le décret-loi n° 2022-55 du 15 septembre 2022, modifiant et complétant la loi organique n° 2014-16 du
26 mai 2014, relative aux élections et référendums a été promulgué dans la perspective de l’organisations
des élections de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) en Tunisie le 17 décembre 2022. Il a
suscité déjà plusieurs critiques quant à la démarche de sa promulgation du fait de l’absence de consultations
préalables sur le texte d’autant plus qu’il introduit des changements d’une grande ampleur au système
électoral à l’intervalle de quelques semaines seulement des élections.
2- Des changements importants ont été ainsi apportés au mode de scrutin avec l’introduction du scrutin
uninominal à deux tours pour la première fois en Tunisie. Le découpage électoral a subi, à son tour, un
grand changement comme conséquence de l’adoption du scrutin uninominal et les larges circonscriptions
aux sièges multiples ont, ainsi, laissé la place aux circonscriptions à siège unique.
Les conditions de candidature aux élections de l’ARP ont été rendues plus exigeantes, car les candidats(es)
doivent avoir la nationalité tunisienne exclusivement s’ils se présentent dans les circonscriptions à
l’intérieur de la Tunisie. En plus, ils/elles doivent présenter une liste de soutien à la candidature signée par
400 électeurs(rices) au moins.
L’enregistrement des électeurs(rices) a subi un changement aussi avec le retour au système de 2011 qui
consiste à générer le registre électoral à partir de la base des cartes d’identité nationale, ce qui va assurer
un registre plus inclusif de tous les électeurs(rices) potentiels(les).
3- Par ailleurs, le décret-loi 2022-55 a été marqué par un changement important concernant le droit de vote
des militaires et des agents des forces de sécurité intérieure, les mesures spéciales concernant la
représentation de femmes et le financement de la campagne électorale.
La couverture médiatique des élections
4- Le principe de la liberté d’expression est un élément fondamental pour un processus électoral libre et
intègre qui nécessite aussi l’existence des autorités de régulation comme une garantie institutionnelle pour
protéger la liberté des médias en s’assurant de l’absence des interférences politiques ou économiques dans
le secteur médiatique. Elles veillent également à ce que les principes de diversité et du pluralisme soient
respectées par les médias ainsi qu’à leur transparence financière
Ils incombent aux médias, par ailleurs, des devoirs en matière de la couverture des élections dont l’accès
des candidats aux médias dans le respect des principes d’équité et d’égalité. De même, les électeurs(rices)
constituent le cœur même du processus électoral ce qui signifie que les programmes diffusés par les médias
devraient être intelligible en diffusant des débats contradictoires afin de permettre à l’électorat de prendre
des décisions éclairées.
5- Les règles relatives à la campagne électorale et à la couverture médiatique sont définies par les textes
composant le cadre juridique électoral, en plus des procédures spéciales établies. Depuis 2014, l’ISIE et la
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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HAICA ont publié, conformément à l’article 67 de la loi électorale, plusieurs décisions communes relatives
à la couverture de la campagne électorale par les médias audiovisuels.
Toutefois, les l’ISIE et le HAICA ont choisi, à l’occasion des élections législatives de 2022, de publier des
procédures différentes sans concertation pour organiser la campagne électorale et la couverture médiatique.
Or, cela n’est pas sans créer la confusion et de poser un problème de compétition entre les deux textes
publiés séparément alors que la loi oblige l’ISIE et le HAICA de publier un texte conjoint à ce sujet.
6- Afin d’éviter ce cadre juridique nébuleux, les médias audiovisuels pourraient assurer une couverture
médiatique conformément au décret-loi n° 116-2011 relatif à la liberté de communication audiovisuelle, à
la loi électorale ainsi que les cahiers de charges pour l’exploitation d’un média audiovisuel. Ces textes
contiennent les dispositions nécessaires pour assurer un contenu conforme à la loi.
Cependant, le problème se situe au niveau des règles relatives au calcul du temps qui sera attribué aux
différents candidats. En effet, les médias qui ont une portée régionale ou locale, pourraient, selon leurs
facultés financières, diffuser des programmes électoraux qui couvrent soit tous les candidats dans les
circonscriptions électorales couvertes par ces médias soit les candidats dans certaines circonscriptions
choisies sur la base des critères objectifs et rationnels.
Pour les médias à portée nationale, la tâche sera plus difficile dans la mesure où le nombre des candidats
est très élevé.
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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Table des matières
Résumé exécutif ............................................................................................................................................ 3
Le cadre juridique électoral ...................................................................................................................... 3
La couverture médiatique des élections ....................................................................................................... 3
1
2
Introduction .......................................................................................................................................... 6
Les changements introduits par le décret-loi 2022-55 ......................................................................... 7
2.1
2.2
2.3
2.4
2.5
2.6
2.7
Le mode de scrutin ........................................................................................................................ 7
Le découpage électoral ................................................................................................................. 8
La candidature .............................................................................................................................. 9
Le registre électoral .................................................................................................................... 10
Les restrictions au droit de vote ................................................................................................. 11
L’absence de dispositions spéciales relatives à la représentation de femmes ........................... 11
L’abandon du financement public de la campagne électorale .................................................... 12
3 Règles régissant la couverture médiatique des élections .................................................................... 13
3.1
Les standards internationaux et les bonnes pratiques ................................................................. 13
3.1.1
électoral libre et intègre .................................................................................................................... 14
Le principe de la liberté d’expression : Un élément fondamental pour un processus
4.1.2 L’indépendance des instances de régulation et l’autorégulation ........................................................ 16
4.1.3 Les obligations des médias ................................................................................................................ 17
3.1.4
Bonnes pratiques en matière la couverture médiatique des élections .......................... 19
3.2
Règles en vigueur régissant la couverture médiatique des élections .......................................... 20
3.2.1
les médias en Tunisie ?...................................................................................................................... 22
Quel est le cadre juridique actuel pour la couverture de la campagne électorale par
3.2.2
entre deux textes » en matière de couverture de la campagne électorale .................................... 25
La solution permettant aux médias audiovisuels de surmonter cette « concurrence
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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Introduction
Le décret-loi n° 2022-55 du 15 septembre 2022, modifiant et complétant la loi organique n° 2014-16 du 26
mai 2014, relative aux élections et référendums, a été promulgué pour régir les prochaines élections
législatives prévues le 17 décembre 2022 à la suite de la dissolution de l’Assemblée des Représentants du
Peuple (ARP) le 30 mars 2022.
Il s’agit précisément de nouvelles dispositions concernant le régime de candidatures aux élections de l’ARP
(articles 19-31 et 33) et le mode de scrutin (articles 106-110). Ainsi, les élections présidentielles et locales
ne sont pas affectées par ces amendements et elles demeurent soumises aux mêmes dispositions de la loi
organique 2014-16 sans changement pour le moment pour ce qui concerne ces deux éléments.
Le décret-loi 2022-55 apporte, en plus, des amendements aux dispositions communes à toutes les élections
qui portent, respectivement, sur les dispositions générales (art. 3), l’électeur et le registre électoral (art. 5-6
et 169), le financement de la campagne (art. 75-81), le déroulement de scrutin et les opérations de vote (art
104 et 123), et les infractions électorales. Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux élections législatives,
présidentielles et locales sauf disposition contraire prévue par le texte.
S’agissant du Conseil national des régions et des districts (CNRD), la deuxième chambre du Parlement
créée par la Constitution de 2022, le décret-loi 2022-55 ne prévoit pas de dispositions concernant l’élection
de ses membres. Toutefois, quelques dispositions sont prévues à cet effet par la constitution et qui devraient
être complétées et précisées par un texte législatif (art. 81-82, constitution 2022). D’un autre côté, le décret-
loi 2022-55 introduit des nouvelles dispositions concernant la révocation d’un membre de l’ARP (sous-
section 8, section 1, chapitre 1 sur la candidature aux élections législatives).
Il est clair que décret-loi 2022-55 apporte des changements substantiels au système électoral tunisien mis
en place depuis 2011 dans le cadre d’un processus des réformes politiques et institutionnelles assez large.
Trois éléments essentiels caractérisent le contexte dans lequel ce décret-loi a été promulgué et qui méritent
d’être signalés :
L’adoption d’une nouvelle constitution par le référendum du 25 juillet 2022 qui s’est substituée à la
constitution du 26 janvier 2014 et qui a introduit des changements majeurs concernant le système
politique et l’architecture institutionnelle, dont notamment :
o Un régime présidentiel qui remplace le régime semi-présidentiel établi par la Constitution de
2014 (chapitre IV, constitution 2022)
o Un Parlement bicaméral composé de l’ARP et du Conseil des Régions et des Districts (art. 56)
au lieu du Parlement monocaméral dans la Constitution de 2014. Les membres de l’ARP sont
élus au suffrage direct (art. 60), alors que ceux du Conseil sont élus au suffrage indirect (art.
81).
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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o La révocation du mandat des membres de l’ARP (art. 61-2). Un procédé qui permet aux
électeurs de mettre fin au mandat d’un membre de l’ARP selon certaines conditions définies
par le décret-loi 2022-55.
A l’inverse du décret-loi 2011-35 et de la loi organique 2014-16, le décret-loi 2022-55 n’a pas été
précédé par de consultations préalables avec les différents acteurs du processus électoral. Plus
particulièrement, les partis politiques et les organisations de la société civile n’avaient pas participé au
processus de l’élaboration de ce texte, et ce, contrairement à la pratique qui a prévalu en Tunisie depuis
2011 où ces acteurs ont pu jouer un rôle important dans les processus de préparation et d’adoption des
textes fondamentaux régissant les élections.
Le décret-loi 2022-55 a été promulgué trois mois seulement avant les élections de l’ARP prévues pour
le 17 décembre 2022 et un mois avant l’ouverture de candidatures annoncée par l’Instance Supérieure
Indépendante pour les Elections (ISIE) le 20 septembre 20221. Cela va clairement à l’encontre des
bonnes pratiques généralement admises en matière électorale et selon lesquelles le changement du cadre
juridique électoral peut se faire une année au minimum avant la date des élections. Un tel changement
pourrait arriver dans moins d’une année dans certaines circonstances, notamment en périodes de
transition démocratique. Mais cela nécessite un large consensus parmi les acteurs concernés sur le
principe du changement ainsi que sur son contenu.
L’objectif de ce document est d’analyser le nouveau cadre juridique électoral en Tunisie tel qu’il découle
du décret-loi 2022-55, ainsi que les règles régissant la campagne électorale des prochaines élections des
membres de l’ARP prévues le 17 décembre 2022, et ce, à la lumière des standards internationaux et des
bonnes pratiques en la matière.
2 Les changements introduits par le décret-loi 2022-55
Des changements importants ont été apportés au système électoral par le décret-loi 2022-55 qui portent
sur :
Le mode de scrutin
Le découpage électoral
La candidature
Le registre électoral
2.1 Le mode de scrutin
Le décret-loi 2022-55 a introduit, en vertu de son article 107 (nouveau), le scrutin uninominal à deux tours
qui présente une rupture par rapport au scrutin de listes en application en Tunisie depuis 1956 et, plus
particulièrement, au scrutin proportionnel des listes fermées avec les plus forts restes en application depuis
2011. Ainsi, les électeurs seront appelés à élire un seul candidat dans chaque circonscription où il y aura un
1 http://www.isie.tn/actualites/2022/09/22/le-calendrier-des-elections-legislatives-2022/
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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siège unique à pourvoir et qui sera attribué au/à la candidat(e) qui obtient la majorité absolue des suffrages
exprimés. A défaut de majorité absolue, un deuxième tour devrait avoir lieu, dans deux semaines suivant la
proclamation des résultats définitifs, et auquel seuls(es) les deux candidats(es) ayant obtenu le plus grand
nombre de voix participent selon l’article 110 (nouveau).
Ces dispositions impliquent les remarques suivantes :
Le texte ne définit pas la majorité absolue requise pour élire un membre de l’ARP. Toutefois, selon
la pratique de l’ISIE dans les élections présidentielles passées, où le même système s’applique, elle
signifie un nombre dépassant 50% des votes exprimés
2.
Le décret-loi 2022-55 parle dans son article 110 (nouveau) indifféremment de « suffrages » et de
« suffrages exprimés ». Or, ces deux termes ont des significations différentes. Les suffrages
incluent, à la fois, les bulletins valides et annulés ; alors que les suffrages exprimés incluent les
bulletins valides seulement à l’exclusion des bulletins nuls. Le problème se pose pour les bulletins
blancs que la loi organique 2014-16 a, explicitement, inclus dans la catégorie des bulletins
exprimés, alors que la décision de l’ISIE 2022-22 du 24 juillet 2022 les en a exclus
3.
Le délai de deux semaines pour l’organisation du deuxième tour ne peut pas être interprété comme
un délai de rigueur. Car le jour de scrutin est habituellement un dimanche ou un jour férié. L’ISIE
devrait avoir la latitude d’aller un ou plusieurs jours au-delà du délai prescrit pour organiser le
deuxième tour dans un dimanche ou, éventuellement, un jour férié. Logiquement, cette latitude ne
devrait pas aller au-delà de 6 jours du délai de deux semaines.
Par ailleurs, le nouveau mode de scrutin aura, certainement, un impact significatif sur la représentation au
sein de l’ARP et sur la vie politique en général. Certes, il permettra un meilleur ancrage des députés dans
leurs circonscriptions respectives, et assurera une certaine redevabilité envers leurs électeurs. Toutefois, ce
mode affaiblira davantage les partis politiques qui peinent déjà à assumer leur fonction efficacement dans
la vie politique et dans les élections à cause de plusieurs difficultés. Or, des partis politiques suffisamment
structurés qui présentent des programmes valables aux électeurs sont un élément clé pour le bon
fonctionnement de tout système démocratique et pour la stabilité politique d’un pays.
2.2 Le découpage électoral
Le découpage électoral consiste à établir les limites géographiques des circonscriptions électorales dans
lesquelles les électeurs(rices) votent pour choisir leurs représentants(es). Il doit se faire d’une manière juste
et équitable pour assurer le respect du principe d’un(e) électeur(rice), un vote et éviter, par-là même, des
distorsions à la compétition électorale.
2 Article 9 de la décision de l’ISIE 2022-22 du 24 juillet 2022 relative aux règles et aux procédures de calcul et de
proclamation des résultats,
Journal Officiel de la République Tunisienne, 14 novembre 2022, p. 3318 (en arabe).
Cette décision n’a pas modifié les dispositions de l’article 9 de l’ancienne décision de l’ISIE 2014-32 du 14 octobre
2014 abrogée par la décision 2022-22.
3 Article 4 paragraphe 8 de la loi organique 2014-16 et l’article 9 de la décision de l’ISIE 2022-22 du 24 juillet 2022.
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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Le décret-loi 2022-55 a introduit un changement très important au découpage électoral avec les
circonscriptions à siège unique comme conséquence évidente du mode de scrutin uninominal. Cela présente
une rupture par rapport à la tradition électorale en Tunisie marquée par les circonscriptions à sièges
multiples depuis l’indépendance.
La liste de nouvelles circonscriptions électorales est donnée par le tableau A annexé au décret-loi 2022-55
portant « Fixation des circonscriptions électorales dans le territoire tunisien et nombre de sièges qui leur
sont réservées ». Il en découle que la Délégation, une circonscription administrative à l’intérieur du
Gouvernorat, a été prise comme base de référence pour l’établissement de ce découpage. Ainsi, la nouvelle
circonscription électorale correspond, selon le cas, soit à une ou à plusieurs Délégations. A priori, cette
manière d’établir le nouveau découpage électoral pourrait paraitre neutre et sans effets négatifs sur le
processus. Cela n’est pas toujours le cas, car les Délégations ne correspondent pas forcément à des unités
géographiques et démographiques cohérentes. En fait, le nouveau découpage donne lieu, en fin de compte,
à des circonscriptions des magnitudes parfois très différentes les unes des autres.
A titre d’exemple, la circonscription de Ariana Ville compte 87 256 électeurs(rices), alors que celle de
Kerkennah compte 11 753 électeurs(rices) selon les statistiques de l’ISIE de 2019
4. L’écart entre elles est
énorme et cela crée des distorsions manifestes à la compétition entre les candidats(es) qui se traduiront par
des inégalités importantes notamment dans les coûts de la campagne. Ainsi, un(e) candidat(e) à Ariana
Ville devra dépenser pour 87 256 électeurs(rices), alors qu’un(e) candidat(e) à Kerkennah ne dépensera que
pour 11 753 électeurs(rices). De même, le principe un(e) électeur(rice), un vote ne sera pas respecté dans
ce cas, car il faudra beaucoup plus de votes pour élire un(e) candidat(e) à Ariana Ville qu’à Kerkennah.
2.3 La candidature
Les règles régissant la candidature aux élections de l’ARP ont subi, à leurs tours, des changements
importants nécessités par l’introduction du mode de scrutin uninominal à deux tours. Ces changements qui
semblent, d’une manière générale, être motivés par la rationalisation de la candidature aux élections de
l’ARP, se résument en ces éléments :
La nationalité : le décret-loi 2022-55 introduit une double restriction au droit à la candidature sur la
base de la nationalité.
o Ainsi, l’article 19 (nouveau) dispose : « (la) candidature à la députation à l’Assemblée des
représentants du peuple est le droit de tout électeur ou électrice de nationalité tunisienne, né(e)
de père tunisien ou de mère tunisienne et ne possédant pas une autre nationalité en ce qui
concerne les circonscriptions électorales dans le territoire national
»
Il n’est pas clair dans ces dispositions si la condition d’être né(e) à un(e) parent(e) de nationalité
tunisienne s’applique aussi aux candidats(es) à l’étranger.
o
4 http://www.isie.tn/elections/election-presidentielle-anticipee-2019/statistiques/
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o De toute façon, ces dispositions présentent, manifestement, une atteinte au principe d’égalité
entre les « citoyens et les citoyennes » prévu par la constitution de 2022 dans son article 23
5.
Car elles sont discriminatoires à l’égard des personnes de nationalité tunisienne qui sont nées
de deux parents étrangers et qui sont exclues de, de ce fait, du droit d’être candidat(e) aux
élections de l’ARP. Elles le sont aussi à l’égard des candidats(es) à l’intérieur de la Tunisie qui
sont soumis(es) à des conditions plus strictes par rapport aux candidats(es) à l’étranger.
Le parrainage : la candidature aux élections de l’ARP est, dorénavant, soumise à la condition du
soumettre à l’ISIE une liste de 400 électeurs(rices) au moins soutenant le/la candidat(e) selon l’article
21 (nouveau) du décret-loi 2022-55. Cette nouvelle condition vise à s’assurer que les candidatures
présentées sont sérieuses et qu’elles jouissent d’un minimum de soutien parmi les électeurs(rices).
Il est à noter que le nombre exigé de signatures est le même quel que soit la circonscription, et ce,
malgré le fait que les candidats(es) se présentent dans des circonscriptions à des magnitudes différentes.
Le paiement des impôts : l’article 21 (nouveau) du décret-loi 2022-55 exige une quittance de paiement
de l’impôt sur le revenu des personnes physiques au titre de l’exercice écoulé et un quitus municipal
justifiant du règlement des taxes municipales. Il s’agit là des dispositions louables car les candidats(es)
aux élections de l’ARP doivent être un exemple à suivre par les autres citoyens(nnes) s’agissant de
l’acquittement du devoir fiscal. Toutefois, le problème se pose concernant les taxes municipales dont
l’année de paiement n’est pas précisée dans le texte.
2.4 Le registre électoral
Le décret-loi 2022-55 a confirmé le rétablissement du système dit de « l’enregistrement systématique » des
électeurs(rices) en vertu de l’article 169 (nouveau). A l’origine, ce système était prévu par le décret-loi
2011-35 et consiste à créer et à mettre à jour le registre électoral à partir de la base de données des cartes
d’identité nationale gérée et maintenue par le ministère de l’Intérieur (art. 6). Pendant les élections de
l’Assemblée nationale constituante du 23 octobre 2011 ce système était à l’origine de beaucoup de
confusion parmi les électeurs(rices) qui ne comprenaient pas si l’inscription dans le registre électoral auprès
de l’ISIE est nécessaire pour voter. La confusion venait en grande partie d’un problème de communication
de la part de l’ISIE.
La loi organique 2014-16 dans sa version initiale avait mis fin au système de 2011 et les électeurs(rices)
avaient l’obligation de s’inscrire dans le registre électoral auprès de l’ISIE pour pouvoir voter6. Le décret-
loi 2022-55 confirme le changement déjà introduit à ce sujet par le décret-loi 2022-34 du 1
er juin 2022
modifiant la loi organique 2014-16. L’article 7 (nouveau) qui dispose à cet effet que « L'Instance tient le
registre des électeurs, elle est chargée de l'arrêter à partir de sa dernière mise à jour. L'inscription au registre
des électeurs est volontaire ou automatique. Il est loisible d'inscrire le conjoint, les ascendants et les
descendants selon des procédures fixées par l'Instance ».
5 Article 23 : « Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans
aucune discrimination », constitution 25 juillet 2022.
6 L’ancien article 7 ancien dispose à cet égard que « L’inscription au registre des électeurs est volontaire ».
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Le retour au système de 2011 permettra certainement à tous les électeurs(rices) de voter sans être obligés(es)
de s’inscrire auprès de l’ISIE. Toutefois, une bonne communication et une meilleure explication du système
aux électeurs(rices) seraient nécessaire pour éviter la confusion comme dans le passé.
2.5 Les restrictions au droit de vote
L’article 6 (nouveau) dispose dans son paragraphe 3 qu’ils « (ne) peuvent être inscrites au registre des
électeurs … les militaires et les civiles durant l’accomplissement de leur service militaire et les agents des
forces de sécurité intérieure en exercice au sens de la loi n° 82-70 du 6 août 1982, relative statut général
des forces de sécurité intérieure »
. Cela concerne précisément, selon l’article 4 de cette loi :
Les agents de la Sécurité Nationale
Les agents de la Police Nationale
Les agents de la Garde Nationale
Les agents de la Protection Civile et les agents des prisons et de la rééducation
Ces dispositions représentent un recul par rapport à la loi organique 2014-16 dans sa version révisée le 14
février 2017 et qui permettait le vote aux militaires et aux agents des forces de sécurité intérieure dans les
élections municipales et régionales (art. 6 bis). Or,, le vote de cette catégorie des électeurs(rices) n’a posé
aucun problème lors des élections municipales de 2018 qui serait de nature à justifier ces dispositions qui
dénient le droit de vote à une catégorie assez large de citoyens-ennes sans aucune raison.
2.6 L’absence de dispositions spéciales relatives à la représentation de femmes
L’un des acquis importants du décret-loi 2011-35 relatif aux élections de l’Assemblée nationale constituante
est l’introduction du principe de listes paritaires qui a permis l’élection de 49 femmes sur 217 lors des
élections du 23 octobre 2011, soit 24% de l’Assemblée nationale constituante (article 16). Ces mesures
spéciales en faveur de femmes ont été confirmées par la loi organique 2014-16 et renforcées par
l’amendement du 14 février 2017 qui a permis de réaliser un progrès remarquable dans la représentation de
femmes au sein des conseils municipaux.
Le nouveau système de scrutin uninominal introduit par le décret-loi 2022-55 ne prévoit aucune mesure
spéciale concernant la représentation de femmes. Du coup, les femmes candidates se trouvent exposées à
des situations d’inégalité qui les empêcheront d’être équitablement représentées au Parlement7.
Selon la Constitution de 2022 dans son article 51 (paragraphe 3), l’Etat « s’emploie à consacrer la parité
entre la femme et l’homme dans les assemblées élues
». Or, le décret-loi 2022-55 contredit clairement ces
dispositions et présente un retour sur un droit déjà acquis pour la femme, ce qui représente, en soi, une
violation du même article 51 (paragraphe 1) qui prévoit que l’État «
s’engage à protéger les droits acquis
de la femme et veille à les consolider et à les promouvoir
».
7 Salsabil Chellali, En Tunisie, la parité hommes-femmes piétinée à l’approche des élections législatives, Human
Rights Watch, 2 novembre 2022 ; disponible sur : https://www.hrw.org/fr/news/2022/11/02/en-tunisie-la-parite-
hommes-femmes-pietinee-lapproche-des-elections-legislatives
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Le décret-loi 2022-55 s’écarte, par ailleurs, de la Recommandation Générale (RG) n° 23 du Comité des
Nations Unies de l’élimination de la discrimination à l’égard de femmes sur la vie politique et publique
adoptée lors de sa 16
ème session dont le paragraphe 43 demande aux États parties à la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, dont la Tunisie, d’élaborer et de
mettre en œuvre des mesures temporaires spéciales qui garantissent aux femmes une représentation égale à
celle des hommes dans tous les domaines stipulés aux articles 7 et 8 de la Convention
8. En plus, il va à
l’encontre des recommandations de la Mission d’observation électorale de l’Union Européenne pour les
élections législatives de 2019 et qui a préconisé de renforcer la règle de la parité hommes-femmes dans la
loi électorale et d’élargir son application
9.
A priori, le mode de scrutin uninominal s’accommode mal aux mesures spéciales en faveur de femmes, et
ce, à l’inverse de scrutin de listes. Mais dans la réalité il y a toujours des solutions qui permettent de garantir
une représentation équitable pour les femmes même avec le scrutin uninominal à travers les différentes
options de quota. Des telles solutions dépendent d’une volonté politique en faveur de la représentation juste
et équitable des hommes et des femmes dans l’assemblée législative ainsi que dans toutes les autres
institutions du pouvoir politique.
2.7 L’abandon du financement public de la campagne électorale
Le décret-loi 2022-55 a choisi de mettre fin au financement public de la campagne électorale qui était
garanti par tous les textes juridiques régissant les élections depuis 2011. L’article 75 (nouveau) prévoit à
cet effet que «
(la) campagne électorale et la campagne référendaire sont exclusivement financées par
l’autofinancement et le financement privé
». Cette mesure pourrait être motivée par le souci de préserver
les deniers publics ainsi que par l’objectif de mettre fin aux abus constatés dans le passé et commises par
certaines listes candidates s’agissant de la subvention de l’Etat au titre de la campagne électorale prévue
par dans le décret-loi 2011-35 et la loi-organique 2014-16. Toutefois, elle ouvre la voie à l’influence de
l’argent privé sur la politique et elle crée, aussi, des conditions de compétition inégales entre ceux et celles
qui ont accès facile au financement et ceux et celles qui ne l’ont pas. En particulier, les femmes candidates
seront les premières victimes de ce système de financement de la campagne étant donné leur position
économique défavorable par rapport aux hommes.
La Cour des comptes dans ses rapports sur le financement de la campagne électorale de 2014 a proposé de
substituer le régime de l’avance de la subvention publique au titre de la campagne électorale par celui du
remboursement des frais sans aller, en revanche, jusqu’à la suppression de la subvention
10. Cela a été,
d’ailleurs, pris en compte par la loi organique 2017-7 du 14 février 2017 qui a introduit plusieurs règles
8 Disponible sur:
https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/TBSearch.aspx?Lang=en&TreatyID=3&DocTypeID=11
9 Rapport final de la mission d’observation électorale de l’Union Européenne : Tunisie 2019, p. 79.
10 Cour des comptes, Rapport de financement de la campagne des élections législatives de 2014, p. 85 ; Rapport de
financement de la campagne des élections présidentielles de 2014, p. 49. Textes en arabe disponibles sur :
http://www.courdescomptes.nat.tn
.
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
12






Page 13
visant la rationalisation de la subvention publique dont la règle de remboursement des frais et l’exigence
d’un seuil minimum de voix pour accéder au financement
11.
3 Règles régissant la couverture médiatique des élections
En Tunisie, la couverture médiatique des élections a suscité plusieurs réactions depuis les élections de
l’Assemblée Nationale Constituante en 2011 qui a été marquée par un déséquilibre flagrant surtout au
niveau médias audiovisuels privés.
12 Les rapports sur la couverture médiatique publiés par la Haute Autorité
Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) à l’occasion des élections législatives et
présidentielles de 2014 ou de 2019 ont montré également l’impact des médias sur le processus électoral.
13
Les électeurs(rices) constituent le but ultime de toute couverture médiatique des élections. Dans ce cadre,
les médias jouent un rôle important dans le processus électoral en garantissant aux citoyens un accès
suffisant aux informations. Quant aux journalistes impliqués dans le processus électoral, il est essentiel
qu’ils acquièrent une connaissance approfondie de la législation électorale ainsi que la législation relative
aux règles de couverture médiatique des élections et les standards internationaux y relatifs. La connaissance
de ces règles va permettre aux journalistes de préparer un contenu médiatique objectif, équilibré et équitable
ce qui habilitera les électeurs(rices) à prendre des décisions éclairées.
De même, les médias ont l’obligation de signaler les violations dans tous les domaines et d’informer les
électeurs(rices) sur les programmes des candidats. Ils doivent agir d’une manière indépendante par rapport
aux pouvoirs publics afin qu’ils puissent veiller au bon déroulement du processus électoral.
Avant de présenter les différentes règles juridiques et éthiques en matière de la couverture médiatique des
élections, il serait utile de faire une brève présentation des standards internationaux en la matière pour
permettre de mieux comprendre le cadre juridique national.
3.1 Les standards internationaux et les bonnes pratiques
Les standards internationaux relatifs aux médias et aux élections figurent dans plusieurs textes émanant des
organes internationaux comme le Comité des Droits de l’Homme ou bien régionaux comme les
recommandations adoptées par plusieurs organes de l’Union Africaine14 ou du Conseil de l’Europe.15
11 Loi organique n° 2017-7 du 14 février 2017, modifiant et complétant la loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014
relative aux élections et référendums,
Journal Officiel de la République Tunisienne, 17 février 2017, p. 731.
12 Rapport de l’Instance Supérieure Indépendante des Élections relatif aux élections de l’Assemblée Nationale
Constituante, pp.148-149. (En arabe)
13 Pour pouvoir consulter les différents rapports publiés par la HAICA en matière de la couverture médiatique des
élections (disponible seulement en arabe), veuillez visiter son site officiel : www.haica.tn
14 Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Lignes directrices sur l'accès à l'information et les
élections en Afrique 2017, pp.23-24.
https://www.achpr.org/fr_presspublic/publication?id=4
15 À titre d’exemple :
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
13






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Ces standards portent principalement sur les obligations des États de garantir la liberté d’expression et
l’indépendance des instances de régulation et d’autorégulation, d’un côté, et les devoirs et responsabilités
des médias en matière électorale.

3.1.1 Le principe de la liberté d’expression : Un élément fondamental pour un processus
électoral libre et intègre
Selon le droit international des droits humains, les États ont deux types d’obligations dans le domaine de la
liberté d’expression.
16 D’abord, une obligation négative ou de non-ingérence qui consiste en l’abstention
des pouvoirs publics de s’immiscer dans l’exercice du droit à la liberté d’expression des individus ou de les
menacer à cause de leurs opinions, idées ou informations exprimées.
17 D’un autre côté, les États ont une
obligation positive d’assurer l'effectivité de la liberté d'expression en prenant les mesures nécessaires pour
créer un environnement favorable à la participation au débat public par toutes les personnes concernées, et
en leur permettant d'exprimer leurs opinions et idées sans crainte. 18
La liberté d’expression constitue la pierre angulaire de toute société démocratique. Ce droit complexe se
compose du droit de rechercher, de communiquer et de recevoir librement des idées et informations. La
liberté d’expression est également un droit fondamental permettant l’exercice d’un large éventail d’autres
libertés, telles que celles de réunion et d’association qui constituent deux outils primordiaux pour un climat
électoral pluraliste et libre.
Comité des droits de l’homme, Observation générale no 34 portant sur l’article 19 du PIDCP.
Recommandation (1999) du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe concernant la couverture des campagnes
électorales par les médias.
Recommandation (2007) du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe concernant la couverture des campagnes
électorales par les médias.
Résolution (2017) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur les médias en ligne et le journalisme.
Commission européenne pour la démocratie par le droit, Code de bonne conduite en matière électorale.
16 Dans le même sens, selon une recommandation adoptée par le comité des ministres portant sur « la
communication électorale et la couverture médiatique des campagnes électorales », les États ont une obligation
négative à savoir la non-
intervention dans l’indépendance éditoriale des médias et une obligation positive en
instaurant des mesures qui permettent d’appuyer les médias dans leur mission de couverture des campagnes
électorales de manière équitable, équilibrée et impartiale.
Recommandation CM/Rec(2022)12 adoptée par le Comité des Ministres le 6 avril 2022, lors de la 1431e réunion
des Délégués des Ministres, la communication électorale et la couverture médiatique des campagnes électorales,
file:///Users/user/Downloads/066822FRA_Recommandation%20CM%20Rec(2022)12.pdf
17 Recommandation CM/Rec(2007)15 du Comité des Ministres aux États membres sur des mesures concernant la
couverture des campagnes électorales par les médias,
https://eos.cartercenter.org/uploads/document_file/path/220/Comit__des_Ministres_-
_Recommandation_du_Comit__des_Ministres_aux_Etats_membres_sur_des_mesures_concernant_la_couverture_d
es_campagnes__lectorales_par_les_m_dias.pdf

18 Le comité des droits de l’Homme, Observation générale n°34 relative à l’article 19 du PIDCP,
http://docstore.ohchr.org/SelfServices/FilesHandler.ashx?enc=6QkG1d%2FPPRiCAqhKb7yhsrdB0H1l5979OVGG
B%2BWPAXiks7ivEzdmLQdosDnCG8FaIrAe52sxDnAvPLlhVoGvFML3ewcPMK6fRYI%2BYkvgzp1xfm%2Fk
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Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
14






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De même, l’accès à l’information constitue un droit majeur pour les médias afin de pouvoir mener à bien
leur mission d’informer les électeurs(rices). Dans ce sens, les rapporteurs spéciaux pour la promotion du
droit à la liberté d’expression ont recommandé aux États de «
veiller à ce que les médias bénéficient d’un
accès solide aux sources d’information officielles et aux candidats à des fonctions publiques, et qu’ils ne
rencontrent pas d’obstacles excessifs à leur capacité de diffuser des informations et des idées
. »19
Selon le comité des droits de l’Homme, la liberté d’expression en matière politique revêt une importance
particulière. En fait, «
la communication libre des informations et des idées concernant des questions
publiques et politiques entre les citoyens, les candidats et les représentants élus est essentielle
. »20 De son
côté, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a affirmé à maintes reprises que «
l’article 10 § 2 de la
Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine
du discours politique ou de questions d’intérêt général
. »21
Quant aux restrictions du droit à la liberté d’expression, l’article 19 du PIDCP a prévu trois conditions à
savoir la légalité, la légitimité et la nécessité dans une société démocratique.
22
La première condition est la légalité qui signifie que la restriction doit être prévue par une loi claire et
précise permettant aux individus d’adapter leur comportement en fonction de la règle. Le comité des droits
de l’Homme a souligné l’importance de la clarté de la règle juridique afin de ne pas «
conférer aux
personnes chargées de son application un pouvoir illimité de décider de la restriction de la liberté
d’expression.
» 23
Quant à la condition de légitimité, la liberté d’expression pourrait être limité afin de protéger les droits ou
la réputation d’autrui, de sauvegarder la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques.
19 Déclaration conjointe sur la liberté d’expression et les élections à l’ère du numérique, Le Rapporteur spécial des
Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, le Représentant de
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la
liberté des médias et le Rapporteur spécial
de l’Organisation des États américains (OEA) pour la liberté d’expression, 2020,
https://www.ohchr.org/sites/default/files/JointDeclaration2020FRENCH.pdf
20 Le comité des droits de l’Homme, Observation générale n°34 relative à l’article 19 du PIDCP,
http://docstore.ohchr.org/SelfServices/FilesHandler.ashx?enc=6QkG1d%2FPPRiCAqhKb7yhsrdB0H1l5979OVGG
B%2BWPAXiks7ivEzdmLQdosDnCG8FaIrAe52sxDnAvPLlhVoGvFML3ewcPMK6fRYI%2BYkvgzp1xfm%2Fk
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21 Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Falzon c. Malte 2018.
22 La Cour Européenne des Droits de l’Homme applique un test tripartite pour apprécier la compatibilité de la
restriction aux dispositions de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Pour d’amples
détails :
Guide sur l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, mis à jour le 31 août 2022,
https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_10_FRA.pdf
23 Le comité des droits de l’Homme, Observation générale n°34 relative à l’article 19 du PIDCP,
http://docstore.ohchr.org/SelfServices/FilesHandler.ashx?enc=6QkG1d%2FPPRiCAqhKb7yhsrdB0H1l5979OVGG
B%2BWPAXiks7ivEzdmLQdosDnCG8FaIrAe52sxDnAvPLlhVoGvFML3ewcPMK6fRYI%2BYkvgzp1xfm%2Fk
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Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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Enfin, les restrictions doivent être nécessaires dans une société démocratique ce qui signifie qu’il faut
choisir la mesure la moins perturbatrice parmi celles qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché.
4.1.2 L’indépendance des instances de régulation et l’autorégulation
Les autorités de régulation constituent une garantie institutionnelle pour protéger la liberté des médias en
s’assurant de l’absence des interférences politiques ou économiques dans le secteur médiatique. Elles
veillent également à ce que les principes de diversité et du pluralisme soient respectées par les médias ainsi
qu’à leur transparence financière.
24
Les rapporteurs spéciaux pour la promotion du droit à la liberté d’expression ont recommandé, en 2020,
aux États de mettre en place «
un cadre réglementaire et institutionnel qui promeut des médias libres,
indépendants et pluralistes, à la fois dans le secteur traditionnel et dans le secteur numérique, et qui soit
capable de fournir aux électeurs
(rices) un accès à des informations complètes, précises et fiables sur les
partis, les candidats et le processus électoral plus large
. »25
Dans le même ordre d’idées, ils ont recommandé aux États de créer un organe « indépendant du
gouvernement et ses décisions devraient être soumises à un contrôle judiciaire en temps opportun
. »26
Selon le code de bonnes pratiques dans les affaires électorales publié par la Commission de Venice,27 il faut
respecter plusieurs principes afin de garantir l’égalité des chances entre les candidats. A titre d’illustration,
les pouvoirs publics doivent respecter une attitude neutre à l'égard de la campagne électorale et de la
couverture par les médias. L'égalité des chances peut être proportionnelle ou stricte selon la typologie des
élections et le nombre des candidats et s'applique notamment aux « temps d'antenne radio et télévision ».
Les pouvoirs publics ont l’obligation de garantir un accès minimum aux médias audiovisuels.
24 Voir dans ce sens : IRION Kristina et autres, L’indépendance des autorités de régulation des médias en Europe,
Observatoire Européen de l’Audiovisuel, Strasbourg, 2019.
25 Déclaration conjointe sur la liberté d’expression et les élections à l’ère du numérique, Le Rapporteur spécial des
Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, le Représentant de
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias et le Rapporteur spécial
de l’Organisation des États américains (OEA) pour la liberté d’expression, 2020,

https://www.ohchr.org/sites/default/files/JointDeclaration2020FRENCH.pdf
26 Déclaration conjointe sur la liberté d’expression et les élections à l’ère du numérique, Le Rapporteur spécial des
Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, le Représentant de
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias et le Rapporteur spécial
de l’Organisation des États américains (OEA) pour la liberté d’expression, 2020,

https://www.ohchr.org/sites/default/files/JointDeclaration2020FRENCH.pdf
27 Commission de Venice, Code of good practice in electoral matters, 2002,
https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdf=CDL-AD(2002)023rev2-cor-e&lang=FR
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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4.1.3 Les obligations des médias
Ils incombent aux médias des devoirs en matière de la couverture des élections. On peut mentionner dans
ce cadre les principes spécifiques relatifs à l’accès des candidats aux médias à savoir les principes d’équité
et d’égalité.
Durant les périodes normales dans plusieurs pays28, le principe est d’attribuer la parole un tiers du temps au
président de la République ou le Président du Gouvernement, ses collaborateurs et les membres du
gouvernement. Les deux autres tiers sont affectés aux partis politiques selon leur représentativité dans les
sondages d’opinion ou leurs résultats aux plus récentes élections.
Toutefois, durant les périodes électorales les médias devraient obéir à des conditions qui concernent le
respect des principes d’égalité et d’équité.
29 En effet, les autorités de régulation de la communication
audiovisuelle ont l’obligation de garantir l’accès des candidats aux médias audiovisuels afin de leur
permettre de participer aux débats et de permettre aux électeurs(rices) de construire une opinion éclairée
sur les différents programmes électoraux.
Il faut rappeler également que les partis politiques constituent un élément fondamental dans toutes ces
législations. La représentativité parlementaire constitue un facteur essentiel pour calculer les quotas des
partis politiques dans les débats électoraux. Les sondages d’opinions peuvent également constituent un
autre facteur pour diviser le temps entre les différents candidats.
A titre d’exemple, la couverture de l’élection présidentielle ou des élections législatives en France est
soumise à deux types de principes relatifs à l’attribution du temps à savoir l’équité et l’égalité.
Le principe d’équité implique que les médias audiovisuels attribuent aux candidats ou aux partis politiques
un temps qui sera déterminé sur la base de leurs résultats aux plus récentes élections ainsi que leur
implication effective dans la campagne électorale.
30 Par ailleurs, le principe d’égalité est appliqué dans le
cadre de la campagne présidentielle.
Dans le cadre du temps attribué, on distingue entre le temps de parole et le temps d’antenne. Par exemple,
la Recommandation n° 2016-2 du 7 septembre 2016 du Conseil supérieur de l'audiovisuel aux services de
radio et de télévision en vue de l'élection du Président de la République définit le temps de parole comme
étant le temps qui comprend toutes les interventions d’un candidat ou ses soutiens. Toutefois, le temps
28 Par exemple la France et la Belgique.
29 Recommandation CM/Rec(2007)15 du Comité des Ministres aux États membres sur des mesures concernant la
couverture des campagnes électorales par les médias,
https://eos.cartercenter.org/uploads/document_file/path/220/Comit__des_Ministres_-
_Recommandation_du_Comit__des_Ministres_aux_Etats_membres_sur_des_mesures_concernant_la_couverture_d
es_campagnes__lectorales_par_les_m_dias.pdf

30 Pour plus de détails, veuillez consulter le site de l’ARCOM,
https://www.csa.fr/Proteger/Garantie-des-droits-et-libertes/Proteger-le-pluralisme-politique/La-presidentielle-
2017
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
17






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d’antenne comprend le temps de parole d'un candidat, les interventions de soutien à sa candidature et
l'ensemble des extraits qui lui sont consacrés, dès lors qu'ils ne lui sont pas explicitement défavorables.31
La détermination des quotas de chaque candidat ou liste varie selon le mode de scrutin et l’échiquier partisan
dans chaque pays.
32 Cependant, le point commun entre ces différentes législations est de garantir une
couverture de la campagne électorale à travers des médias «
équitables, équilibrés et impartiaux dans leurs
programmes d'information et d'actualités, y inclus les programmes de discussion tels que les interviews ou
les débats. Aucun traitement privilégié ne devrait être accordé par les radiodiffuseurs aux pouvoirs publics
durant ces programmes.
»33
Il faut mentionner dans ce cadre que l’égalité entre les différents candidats n’est pas seulement
mathématique mais également substantielle dans la mesure où les médias sont tenus d’observer le principe
d’équilibre et d’impartialité. Ceci doit se traduire dans le ton et la qualité de la couverture. Le journaliste a
le droit de présenter une vision critique à l’égard d’un candidat. En effet, la Commission Européenne des
Droits de l’Homme a jugé que dans les interviews avec les candidats «
il est dans l’intérêt du libre jeu du
débat politique que l’intervieweur puisse aussi exprimer un point de vue critique et provocateur, sans se
borner à donner la réplique à son interlocuteur, celui-ci ayant la possibilité de répondre immédiatement

».
34
31 « 1° Le temps de parole comprend toutes les interventions d'un candidat, sauf si des circonstances exceptionnelles
conduisent à ne pas les comptabiliser, ainsi que les interventions de soutien à sa candidature.
2° Si le Président de la République est candidat déclaré ou présumé, toutes ses interventions relevant du débat
politique sont, sauf circonstances exceptionnelles visées au 1°, prises en compte. Celles qui relèvent de l'exercice de
sa charge ne sont pas prises en compte.
3° Lorsqu'un candidat déclaré ou présumé ou un soutien est investi de fonctions publiques, ses interventions sont
prises en compte si elles peuvent avoir une incidence sur le scrutin, notamment si elles contribuent à dresser un bilan
de l'action passée ou si elles exposent les éléments d'un programme.
4° Les propos critiques tenus à l'encontre d'un ou plusieurs candidats sont pris en compte dans le seul cas où leur
auteur soutient explicitement un autre candidat. Ces interventions sont incluses dans le temps de parole du candidat
à qui ce soutien est apporté.
5° Le temps d'antenne comprend le temps de parole d'un candidat, les interventions de soutien à sa candidature et
l'ensemble des séquences qui lui sont consacrées, dès lors qu'elles ne lui sont pas explicitement défavorables.
Les éditoriaux et les commentaires politiques, les revues de presse, les débats réunissant des journalistes, des experts
ou d'autres personnes, les analyses et les présentations de sondages d'opinion sont pris en compte dans le temps
d'antenne lorsque, pour l'essentiel de leur durée, ils concernent un seul candidat et ne lui sont pas explicitement
défavorables.
»
32 Pour plus de détails en ce qui concerne les règles de la couverture médiatique des élections en Europe, veuillez
consulter :
L’Observatoire Européen de l’Audiovisuel, La couverture médiatique des élections : le cadre légal en
Europe
, Strasbourg, 2017,
https://rm.coe.int/la-couverture-mediatique-des-elections-le-cadre-legal-en-europe/1680789459

33 ACE Electoral Knowledge Network, L’Encyclopédie ACE: Médias et élections, 1ère éd 1998 (révisée en 2012),
https://recef.org/wp-content/uploads/ACE-Medias-et-elections-2013.pdf
34 Haider c. Autriche (décision de la Commission), requête n° 25060/94, 18 octobre 1995, affaire mentionnée dans :
La couverture médiatique des élections : le cadre légal en Europe, Strasbourg, 2017, p. 12,

https://rm.coe.int/la-couverture-mediatique-des-elections-le-cadre-legal-en-europe/1680789459
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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Enfin, plusieurs législations prévoient une période de réserve ou de silence durant laquelle le débat électoral
est suspendu dans les médias même si les médias en ligne demeurent un territoire difficile à réguler et
nécessite par conséquent une réflexion particulière.
3.1.4 Bonnes pratiques en matière la couverture médiatique des élections
L’autorégulation constitue une bonne pratique à suivre de la part des médias afin de garantir le respect des
principes de diversité et du pluralisme. Elle peut prendre la forme de «
lignes directrices définissant de
bonnes pratiques pour une couverture responsable, exacte et équitable des campagnes électorales
. »35
En effet, les médias devraient développer des codes de conduite ou des chartes éthiques « concernant leur
couverture des campagnes électorales, incluant notamment le respect des principes de la dignité humaine
et de la non-discrimination. Ces normes devraient refléter leurs rôles et responsabilités dans les processus
démocratiques
. »36 Cependant, en cas où il y a un manquement grave à ces obligations, l’autorité de
régulation pourrait intervenir afin de mettre fin à cette conduite qui pourrait altérer l’intégrité du processus
électoral.
Dans le même ordre d’idées, la corégulation constitue une approche efficace pour garantir une couverture
médiatique sincère et équitable. L’implication des médias dans la prise de décision en matière des règles
applicables durant les périodes électorales est nécessaire pour leur appropriation par les éditeurs de services
audiovisuels et les journalistes.
L’éducation aux médias et à l’information, dont les compétences numériques et la réflexion critique,
constitue une politique incontournable pour minimiser les dégâts qui pourraient découler de la
désinformation en développement la réflexion critique chez les électeurs(rices) et de leur permettre une
prise de décision éclairée. L’éducation aux médias et à l’information permettent aux électeurs(rices) de
rechercher et d’évaluer les différents types de contenu publiés dans les supports numériques, audiovisuels
ou autres.
37
Il est également essentiel de tirer les conséquences après chaque échéance électorale afin d’améliorer le
climat électoral et de permettre d’éviter les différents obstacles. Dans ce cadre, en 2 novembre 2022,
35 Recommandation CM/Rec(2007)15 du Comité des Ministres aux Etats membres sur des mesures concernant la
couverture des campagnes électorales par les médias,
https://eos.cartercenter.org/uploads/document_file/path/220/Comit__des_Ministres_-
_Recommandation_du_Comit__des_Ministres_aux_Etats_membres_sur_des_mesures_concernant_la_couverture_d
es_campagnes__lectorales_par_les_m_dias.pdf

36 Recommandation CM/Rec(2007)15 du Comité des Ministres aux États membres sur des mesures concernant la
couverture des campagnes électorales par les médias,
https://eos.cartercenter.org/uploads/document_file/path/220/Comit__des_Ministres_-
_Recommandation_du_Comit__des_Ministres_aux_Etats_membres_sur_des_mesures_concernant_la_couverture_d
es_campagnes__lectorales_par_les_m_dias.pdf

37 Recommandation CM/Rec(2022)12 adoptée par le Comité des Ministres le 6 avril 2022, lors de la 1431e réunion
des Délégués des Ministres, la communication électorale et la couverture médiatique des campagnes électorales,
file:///Users/user/Downloads/066822FRA_Recommandation%20CM%20Rec(2022)12.pdf
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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l’ARCOM38 a publié un rapport sur les campagnes électorales 2022 : élection à la présidence de la
République et élection législatives. Dans ce rapport, l’autorité de régulation a déterminé plusieurs
recommandations destinées aux différents acteurs afin de remédier aux lacunes qui existent dans le cadre
normatif français.
39
3.2 Règles en vigueur régissant la couverture médiatique des élections
Les électeurs(rices) constituent l’objet principal de l’opération de la couverture médiatique des élections
pour les informer. Par conséquent, toute solution doit être centrée sur l’intelligibilité des programmes
électoraux par les électeurs(rices) et non pas se contenter de respecter une couverture formellement
égalitaire et équitable.
En Tunisie, la couverture médiatique des élections est soumise à plusieurs textes juridiques. Il s’agit du :
Décret-loi n° 2011-115 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la presse, de l’impression et de
l’édition.40
Décret-loi n° 2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et
portant création d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA).
41
Loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014, relative aux élections et référendums telle que modifiée et
complétée par le décret-loi n° 2022-55 du 15 septembre 2022.42
Décision de l'Instance supérieure indépendante pour les élections n°2022-31 du 18 novembre 2022
modifiant et complétant la décision n°2018-8 du 20 février 2018, fixant les règles et conditions
auxquelles les médias doivent se conformer durant la campagne électorale et référendaire.
43
Décision d’orientation de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle n°2022-
1 du 16 novembre 2022 fixant les règles d’accès et de couverture de la campagne électorale législative
dans les médias audiovisuels.
Décision conjointe de l’Instance supérieure indépendante pour les élections et de la Haute autorité
indépendante de la communication audiovisuelle du1 juillet 2022, fixant les règles et procédures
relatives à la campagne référendaire dans les médias audiovisuels.
44
Décision conjointe de l’Instance supérieure indépendante pour les élections et de la Haute autorité
indépendante de la communication audiovisuelle du 21 août 2019, fixant les règles et procédures
relatives aux campagnes présidentielles et législatives dans les médias audiovisuels.
45
38 En France, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel est devenu « Arcom » depuis le 1er janvier 2022 par fusion avec
Hadopi.
39 Le rapport est disponible dans le site officiel de l’ARCOM.
40 http://www.inric.tn/fr/Decret-loi_relatif_a_la_liberte_de_la_presse.pdf
41 http://www.inric.tn/fr/decret.pdf
42 Disponible seulement en arabe :
https://legislation-securite.tn/ar/law/105346
43 Disponible seulement en arabe :
http://www.isie.tn/wp-content/uploads/2022/11/%D9%82%D8%B1%D8%A7%D8%B1-
%D9%85%D8%AD%D9%8A%D9%86-%D8%B9%D8%AF%D8%AF-8-%D9%84%D8%B3%D9%86%D8%A9-2018.pdf
44 Disponible seulement en arabe :
https://haica.tn/wp-content/uploads/2022/07/CamScanner-07-01-2022-18.46.pdf
45 Disponible seulement en arabe :
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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Décision de l'Instance supérieure indépendante pour les élections n° 2014-27 du 10 Septembre 2014
fixant les règles régissant l'utilisation des médias audiovisuels étrangers par les listes de candidats dans
les circonscriptions à l'étranger.
46
Depuis les élections législatives et présidentielle de 2014, la HAICA et l’ISIE publient, avant le début de
la campagne électorale, une décision conjointe pour fixer les règles que les médias audiovisuels devraient
observer dans le cadre de la couverture de la campagne électorale.
En ce qui concerne la presse écrite et électronique, elle est soumise à la décision de l’ISIE n°2018-8 du 20
février 2018, fixant les règles et conditions auxquelles les médias doivent se conformer durant la campagne
électorale et référendaire. On peut lire dans son article 13 ce qui suit «
L’instance (ISIE) s'engage à
contrôler la couverture médiatique écrite et électronique de la campagne d'office ou sur la base des plaintes
qui lui sont soumises.
»
Cette décision a fait l’objet d’une modification de la part de l’ISIE, le 18 novembre 2022, 47 à la suite d’un
désaccord avec la HAICA qui, de son côté, a publié, deux jours avant, une décision d’orientation n°2022-
1 du 16 novembre 2022 fixant les règles d’accès et de couverture de la campagne électorale législative par
les médias audiovisuels.
Par ailleurs, il faut rappeler que le changement du mode de scrutin a eu des répercussions sur les principes
applicables en matière du calcul du temps alloué aux différents candidats. En effet, les deux principes
majeurs appliqués auparavant par les deux instances sont le principe d’égalité et le principe d’équité.
Le premier principe est presque impossible à respecter par les médias qui ont une portée de diffusion
nationale dans la mesure où le nombre très élevé des candidats (1055) constitue une réelle entrave pour
élaborer un plan de couverture qui respecte le principe d’égalité. Il faut ajouter tout de même que l’absence
de l’affiliation partisane au niveau des candidatures signifie que tous les candidats vont être traités comme
s’ils sont indépendants et par conséquent chacun a un droit à l’égalité d’accès aux médias publics et privés.
Le deuxième principe est celui de l’équité qui signifie que chaque formation politique aura un temps
d’antenne proportionnel en fonction d’un critère objectif et rationnel tel que par exemple la représentativité
parlementaire ou bien sa présence dans les différentes circonscriptions électorales. Ce critère est également
difficile à appliquer à cause de l’absence d’un critère référentiel relatif à la représentation parlementaire
(absence d’un parlement) ou la présence dans les circonscriptions électorales (la non-reconnaissance de
l’affiliation partisane au moment du dépôt des candidatures).
https://legislation-securite.tn/ar/law/104629
46 Disponible seulement en arabe :
https://legislation-securite.tn/ar/law/44415
47 Décision de l'Instance supérieure indépendante pour les élections n°2022-31 du 18 novembre 2022 modifiant et
complétant la décision n°2018-8 du 20 février 2018, fixant les règles et conditions auxquelles les médias doivent se
conformer durant la campagne électorale et référendaire.
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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3.2.1 Quel est le cadre juridique actuel pour la couverture de la campagne électorale par les
médias en Tunisie ?
Il faut, d’emblée, distinguer entre les médias écrits et électroniques et les médias audiovisuels. Les premiers
font l’objet, comme pour toutes les élections précédentes, d’un monitoring de la part de l’ISIE
conformément aux dispositions de la décision de l’ISIE n°2022-31 du 18 novembre 2022 modifiant et
complétant la décision n°2018-8 du 20 février 2018, fixant les règles et conditions auxquelles les médias
doivent se conformer durant la campagne électorale et référendaire.
Toutefois, pour les médias audiovisuels, il existe deux décisions qui ont vocation à être appliquées à savoir
la décision de l’ISIE du 18 novembre 2022 et celle de la HAICA du 16 novembre 2022.
La décision de l'Instance supérieure indépendante pour les élections n°2022-31 du 18 novembre
2022 modifiant et complétant la décision n°2018-8 du 20 février 2018, fixant les règles et
conditions auxquelles les médias doivent se conformer durant la campagne électorale et
référendaire
La décision de l’ISIE évoque dans son article premier que l’instance a une compétence intégrale sur tout le
processus électoral conformément aux dispositions de l’article 134 de la constitution qui prévoit dans son
premier paragraphe que «
L’Instance supérieure indépendante pour les élections est chargée de la gestion
des élections et des référendums, de leur organisation et de leur
supervision dans leurs différentes phases.
L’Instance garantit la régularité, l’intégrité et la transparence du processus électoral et proclame les
résultats
. »
Il s’ensuit du texte constitutionnel que l’ISIE a une compétence sur les différentes phases du processus
électoral sans pour autant avoir le droit d’étendre ses compétences aux médias audiovisuels qui sont soumis
à la compétence de la HAICA.
Cette lecture est renforcée à travers le recours à la loi électorale elle-même qui prévoit dans article 65 que
«
La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle garantit le droit d’accès aux médias
audiovisuels pour tous les groupements politiques pendant la phase pré-électorale ou préréférendaire, sur
la base du principe de pluralisme.
La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle garantit également le pluralisme et la
diversité des médias audiovisuels pendant la campagne électorale et la suppression de tout obstacle
incompatible avec le principe d’équité quant à l’accès aux médias audiovisuels entre tous les candidats,
listes de candidats ou partis
. »
De même l’article 67 de la loi électorale distingue entre les différents types de médias. Il prévoit que
«
L’Instance fixe les règles de la campagne concernant les médias écrits et électroniques. L’Instance et la
Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle, fixent par décision conjointe, les règles
et procédures de la campagne concernant les médias audiovisuels ainsi que les conditions relatives à la
production de programmes, de reportages et de rubriques relatives aux campagnes électorales. Les deux
instances déterminent la durée des émissions et programmes dédiés aux différents candidats, listes de
Nouveau cadre juridique électoral et couverture médiatique des élections en Tunisie
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candidats ou partis, ainsi que leur répartition et horaire à travers les différents médias audiovisuels, en se
basant sur le respect des principes de pluralisme, d’équité et de transparence. Les besoins spécifiques des
candidats handicapés doivent être pris en compte
. »
Elle impose plusieurs obligations telles que la neutralité, le respect de la dignité des candidats, la non-
diffusion des discours haineux ou de violents, l’interdiction de la publicité politique et de la diffusion des
sondages. (Articles 4 et suivants de la décision)
Concernant le temps d’antenne et le temps de parole qui devraient être attribués aux candidats, on ne trouve
pas une définition des deux notions. L’article 13 nonies nouveau prévoit que les médias audiovisuels
devraient respecter le principe d’égalité entre les différents candidats pour les élections législatives.
En réalité, cette disposition pose un sérieux problème pour les médias qui diffusent à l’échelle nationale
dans la mesure où ils sont appelés à diviser le temps alloué à la couverture de la campagne électorale entre
les 1055 candidats sur le même pied d’égalité. Cette situation pourrait obliger les médias soit à éviter d’être
impliqués dans les élections pour éviter les sanctions financières soit de prévoir des programmes dans
lesquels chaque candidat aura 2 minutes pour présenter son programme sans aucun débat contradictoire.
Selon l’article 13 quater nouveau « L'expression directe est adoptée comme moyen de communication par
les candidats aux élections présidentielles et législatives
(…) et les médias publics se chargent de la mise
en œuvre de cette forme d’expression.
» L’expression directe consiste en la diffusion d’une manière
continue des passages de 3 minutes de chaque candidat pendant toute la campagne électorale. Cette forme
de programmation permet aux médias de respecter le principe d’égalité mathématique mais elle n’est pas
efficace dans la mesure où la diffusion de deux heures et demie
48 d’expression directe chaque jour ne
permettra pas aux électeurs(rices) de poursuivre les débats politiques et les thèses des différents candidats.
Décision d’orientation de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle
n°2022-1 du 16 novembre 2022 fixant les règles d’accès et de couverture de la campagne électorale
législative dans les médias audiovisuels
La décision de la HAICA pose un problème quant à sa valeur juridique. Le mot « orientation » montre qu’il
s’agit d’un texte non contraignant pour les médias audiovisuels. Cependant, il faut distinguer entre deux
types de dispositions.
D’un côté, la décision contient des dispositions qui figurent dans des textes contraignants tels que le Décret-
loi n° 2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et portant
création d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) ou la loi
organique n° 2014-16 du 26 mai 2014, relative aux élections et référendums telle que modifiée et complétée
par le décret-loi n° 2022-55 du 15 septembre 2022.
48 Le nombre total des candidats est à l’ordre de 1058. Si chaque candidat aura 3 minutes d’expression directe cela
va donner un temps de parole totale de 3174 minutes qui devrait être divisé sur 21 jours (la période de la
campag
ne électorale) ce qui donne au final une diffusion quotidienne d’environ 150 minutes.
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Par exemple, les dispositions de l’article 7 de la décision, portant sur l’interdiction des propos diffamatoires
ou insultants, figurent dans l’article 5 du décret-loi n°2011-116 et l’article 52 de la loi électorale.
Par conséquent, si un média audiovisuel diffusait un contenu qui va à l’encontre de ces dispositions il serait
sanctionné non pas sur la base de la décision d’orientation mais sur la base du décret-loi 116 et les cahiers
des charges.
D’un autre côté, on trouve d’autres dispositions qui ne figurent pas dans des textes juridiques comme les
principes relatifs au calcul du temps de parole ou d’antenne alloué aux candidats.
Selon l’article 9 de la décision de la HAICA, les médias privés ou publics qui diffusent à l’échelle régionale
doivent respecter le principe d’égalité entre les candidats dans les circonscriptions électorales couvertes par
ces médias.
Pour les médias associatifs, ils sont tenus de respecter le principe d’égalité dans les circonscriptions
électorales choisies selon les capacités financières et humaines de ce type de médias qui connait de grandes
difficultés financières.
La HAICA a trouvé dans les médias régionaux et locaux une échappatoire afin d’assurer un minimum du
débat électoral contradictoire entre les différents candidats. En effet, les médias régionaux et locaux ont la
capacité de diffuser des programmes électoraux qui couvrent les différents candidats dans les
circonscriptions électorales couvertes par ces médias. Cependant, les médias locaux et régionaux vivent
dans une crise financière qui pourrait entraver le bon déroulé des opérations de production.
Enfin, les médias à portée nationale ont deux obligations : l’égalité et l’équilibre géographique. L’article 9
prévoit que ce type de média n’est pas obligé de préparer une couverture de la campagne électorale de tous
les candidats mais de choisir quelques circonscriptions électorales sur la base de l’équilibre et du pluralisme
géographique. Ensuite, il faut respecter le principe d’égalité entre tous les candidats dans les
circonscriptions électorales sélectionnées.
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3.2.2 La solution permettant aux médias audiovisuels de surmonter cette « concurrence entre
deux textes » en matière de couverture de la campagne électorale
Comme expliqué ci-dessus, les médias audiovisuels sont tenus par plusieurs règles qui figurent dans
différents textes tels que :
Décret-loi n° 2011-115 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la presse, de l’impression et de
l’édition.49
Décret-loi n° 2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et
portant création d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA).
50
Loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014, relative aux élections et référendums telle que modifiée et
complétée par le décret-loi n° 2022-55 du 15 septembre 2022.51
Les cahiers de charges pour l’obtention d’une licence d’exploitation d’une télévision ou une radio.52
Par exemple l’article 44 prévoit que «
Le titulaire de la licence s’engage à respecter les conditions
fixées par la HAICA relatives à la production et à la diffusion des programmes, des reportages et
émissions spéciales pendant les campagnes électorales.
»
Les obligations des médias au niveau du contenu diffusé :
La décision de la HAICA (article 7) et celle de l’ISIE (article 4) imposent aux médias de respecter
la vie privée des candidats et s’abstenir de diffuser tout discours incitant à la violence, à la haine,
à l’intolérance ou à la discrimination sur la base de la couleur, du sexe, de la religion, de
l’appartenance régionale ou de tout autre motif et tout ce qui pourrait porter atteinte aux valeurs
de l’État démocratique civil consacrées par la Constitution.
Cette obligation figure dans l’article 52 de la loi électorale qui prévoit que « La campagne est
régie par les principes essentiels suivants :



la neutralité de l’administration et des lieux de culte,
la neutralité des médias nationaux,
la transparence de la campagne électorale quant aux sources de son financement et
modalités de dépense des fonds qui lui sont alloués,
l’égalité des chances entre tous les candidats,
le respect de l’intégrité physique, de l’honneur et de la dignité des candidats et électeurs,


ne pas porter atteinte à la vie privée et aux données personnelles des candidats,
ne pas inciter à la haine, à la violence, à l’intolérance et à la discrimination . »
49 http://www.inric.tn/fr/Decret-loi_relatif_a_la_liberte_de_la_presse.pdf
50 http://www.inric.tn/fr/decret.pdf
51 Disponible seulement en arabe :
https://legislation-securite.tn/ar/law/105346
52 https://haica.tn/fr/cahiers-de-charge/
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De même, les médias n’ont pas le droit de diffuser les sondage s d’opinion (article 17 décision de
la HAICA/article 9 décision de l’ISIE) ou la publicité politique (article 30 décision de la HAICA/
article 7 décision de l’ISIE).
Ces deux obligations figurent, bel et bien, dans les articles 57 et 58 de la loi électoral e qui dispose,
respectivement, que «
La publicité politique est interdite dans tous les cas, durant la période
électorale
. » et « Il est interdit, pendant la campagne électorale ou référendaire ainsi que pendant
la période du silence électoral, de diffuser ou publier les résultats de sondages d’opinion
. »
Enfin, l’article 10 de la décision de la HAICA impose aux médias audiovisuels d’accorder le droit
de réponse aux candidats qui ont fait l’objet d’allégations inexactes ou de propos diffamatoires.
Cette même obligation figure dans les cahiers de charges pour l’obtention d’une licence
d’exploitation d’une chaîne de télévision ou de radio privée ou associative.
Les obligations des médias concernant le calcul du temps alloué aux candidats :
Ce sont les obligations relatives aux règles de calcul du temps qui sera attribué aux candidats qui posent le
vrai problème dans la mesure où les médias vont trouver un obstacle pour concilier entre l’intérêt des
électeurs(rices) d’avoir un débat contradictoire, d’un côté, et de respecter le principe d’égalité entre les
candidats de l’autre côté.
Les médias et les journalistes ont un devoir d’impartialité envers les acteurs politiques ce qui sera traduit par
un accès égal entre les différents candidats.
Concernant les médias qui ont une portée régionale ou locale, ils peuvent, selon leurs facultés financières
diffuser des programmes électoraux qui couvrent soit tous les candidats dans les circonscriptions électorales
couvertes par ces médias soit les candidats dans certaines circonscriptions choisies sur la base des critères
objectifs et rationnels. Par exemple, les médias locaux peuvent prioriser les circonscriptions où il y a plus
de candidats par rapport à celles où il y a un nombre faible afin de clarifier davantage les programmes
électoraux.
Pour les médias à portée nationale, la tâche sera plus difficile dans la mesure où le nombre des candidats
est très élevé. Il est nécessaire d’éviter les formats où le débat contradictoire est absent car la place des
électeurs(rices) sera marginalisée. Cependant, choisir certaines circonscriptions sur la base d’un équilibre
géographique et selon des critères rationnels et objectifs en totale concertation avec les différents médias
audiovisuels pourrait constituer une solution pour assurer une couverture médiatique de toutes les
circonscriptions électorales.
Enfin, les médias audiovisuels doivent respecter leurs obligations relatives aux contenus diffusés
conformément aux lois et décrets-lois en vigueur dans la mesure où la HAICA peut toujours prendre des
décisions administratives pour sanctionner toute violation de la réglementation de la communication
audiovisuelle. Par ailleurs, l’attribution du temps aux différents candidats et la couverture de leurs activités
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électorales doivent obéir principalement aux chartes éthiques de chaque média ainsi que les règles de la
déontologie journalistiques telles connues par les journalistes dignes de ce nom.
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