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Abderraouf Elloumi,
"La responsabilité délictuelle sur Internet",
Études juridiques, n° 14, 2007, p. 53







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LA RESPONSABILITE DELICTUELLE
SUR INTERNET
Abderraouf ELLOUMI
Maître-assistant à la
Faculté
de Droit de Sfax
Selon les dernières statistiques présentées par l’Agence
Tunisienne d’Internet (ATI) au mois de mars 2007
1, le nombre des
internautes en Tunisie frise le un million 295 milles, alors qu’il n’était
que 150 000 en 1999. L’augmentation du nombre des internautes
montre que l’internet, qui peut être défini comme étant : « (…) un
ensemble de réseaux informatiques interconnectés entre eux »
2, est en
train de devenir « (…) un nouvel Eldorado pour tous ceux (…) qui
souhaitent se servir de ce nouveau média pour commercialiser des
biens ou des services »
3.
Facteur incontestable d’une évolution technologique sans
précédente, et élément indispensable d’accès aux nouveaux marchés,
le réseau des réseaux est aussi le moyen le plus facile de diffusion des
informations portant préjudices aux tiers, tels que la diffamation, la
pornographie, la haine raciale, le terrorisme, l’atteinte aux droits
d’auteurs et d’autres…
4.
1 Voir le site de l’Agence Tunisienne d’ Internet, http://www.ati.tn.
2 A. BENSOUSSAN, Informatique et télécommunication : Réglementation,
contrats, fiscalité, réseaux, Paris, Francis LE FEBVRE, 1977, p. 829. V. aussi
la méthode de son fonctionnement, N.
sur
BOURDEAU, La formation du contrat de commerce électronique, mémoire de
D.E.A. Droit économique et de la communication, Université des Sciences
sociales- Toulouse III, 1998-1999, p. 8.
l’histoire de
l’internet et
3 M. J. BAPTISTE, Créer et exploiter un commerce électronique, Paris, Litec,
1998, préface.
4 V. Th. VERBIEST, « Quelle responsabilité pour les acteurs d’Internet ? »,
http://www.Club-internet.fr/cyberlexnet/COH/A990228.hbm, p.1
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Devant tous ces abus, la question qui se pose est de savoir qui
est le responsable des informations ayant causé des dommages ?5.
S’il est généralement admis qu’internet ne peut être un lieu de
non droit
6, la détermination de la personne responsable du préjudice
survenu est un grand problème
7 qui limite sérieusement l’évolution du
réseau des réseaux et qui confirme l’affirmation d’un auteur
qu’internet «
(…) inquiète plus qu’il n’épanouit »8.
L’une des causes qui rendent la détermination du responsable
du contenu illicite difficile, l’existence de plusieurs intervenants sur la
toile
9. Parmi eux on peut citer les intermédiaires techniques, appelés
aussi prestataires de services, comme les fournisseurs d’accès et
d’hébergement, les outils de recherche et le fournisseur de contenu,
qui est le premier responsable de la divulgation de l’information
litigieuse. Il existe presque un consensus selon lequel la personne
5 P. TRUDEL, « Les responsabilités dans le cyberspace, Paris, éditions UNESCO
et Economica, 2000, p.236 ; D. MAZEAUD, « La responsabilité sur la
« toile » », in., Etude offertes à Jacques Dupichot, Liber amicorum, Bruxelles,
Bruylant, 2004, p. 323 ; P. TRUDEL, « La responsabilité sur Internet »,
Séminaire Droit et Toile, organisé par l’UNITAR (Institut des Nations unies
pour la formation et la recherche), en association avec OSIRIS (Observatoire
sur les systèmes d’Information, les Réseaux et les Inforoutes au Sénégal) et
l’INTIF (Institut francophone des nouvelles technologies de l’information et de
la formation) de l’Agence intergouvernementale de la francophonie, Bamako,
27 mai 2002, http://www.droit-technologie.org, p. 1 ; M. LAVANCHY, La
responsabilité délictuelle sur Internet en droit suisse, Thèse de licence,
Université de Neuchâtel, faculté de droit, Session 2002, http://www.droit-
technologie.org/dossiers/respons-delictuelle-internet-droit-suisse.pdf, p. 20.
6 Anonyme « De la responsabilité sur Internet : un vide juridique ? », http://perso.
wanadoo.fr/Kamart/dpf/resnet.htm, p.1 ;
I. de LAMBERTERIE, « La
responsabilité sur Internet est un problème de qualification », Droit et
patrimoine, n°55, déc., 1997, p.70 ; E. DURIEUX, « La cyberpublicité
transfrontalière et la protection du consommateur en France et au Québec »,
D.I.T., 1999, n°4, p.19.
7 L. GRYNBRAUM, « Une immunité relative des prestataires de services
Internet », Com.-Com.Elec., sept., 2004, p. 36.
8 L. CADOUX, « Informatique et liberté, en 1997, vers où allons-nous ? éléments
de prospective », Gaz. Pal., 1997, 1, doct., p. 645.
9 CH. FERAL SCHUHL, Cyber droit Le droit à l’épreuve de l’Internet, Paris,
Dalloz, 2002, p.127.
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les
informations
responsable du préjudice survenu est celle qui a pris la décision de
diffuser
la
détermination de l’acteur responsable de la diffusion de l’information
délictueuse n’est pas toujours une tâche facile dans un monde
dématérialisé
11. La victime n’à donc de solution que de rechercher un
intermédiaire en responsabilité.
Internet10.Toutefois,
illicites sur
l’information aux
limite à communiquer
Le recours contre les intermédiaires techniques présente
plusieurs avantages puisqu’ils sont plus faciles à identifier et plus
solvables que la personne ayant pris la décision de diffuser le
document litigieux
12, même si l’intervention de certains intermédiaires
internautes
13. La
se
responsabilité des prestataires de l’internet a suscité un grand débat
doctrinal. Certains auteurs ont exigé d’exonérer ces prestataires de
toute responsabilité, vu la technicité de leur intervention et vu
l’impossible contrôle de l’information diffusée
14. D’autres auteurs ont
pris une position contraire, défendant l’idée de la possibilité d’engager
la responsabilité des intermédiaires dans tous les cas
15. Selon MR.
Michel VIVANT «
L’irresponsabilité de principe est inadmissible non
seulement d’un point de vue juridique mais encore d’un point de vue
10 P. TRUDEL, « La responsabilité sur Internet », article précité, p. 17.
11 Pour montrer la difficulté de déterminer l’acteur responsable de la diffusion de
l’information litigieuse on peut faire référence à certains groupes ou réseaux,
dont le réseau d’Alkaïda, qui peuvent divulguer n’importe quelle information à
tout moment, sans pouvoir déterminer avec précision la source de cette
divulgation.
12 La Th. VERBIEST, P. TRUDEL, article précité, loc. cit. ; P. TRUDEL, « La
responsabilité sur Internet », article précité, loc. cit.
13 V. O. CACHARD, « Droit du commerce électronique », RDAI, n° 3, 2004, p.
394.
14 V. notamment A. LUCAS, J. DEVEZE et J. FRAYSSINET, Droit de
l’informatique et de l’Internet, Paris, PUF, 2001, p. 453 ; P. TRUDEL, « La
responsabilité sur Internet », article précité, p. 2 ; M. LAVANCHY, thèse
précitée, loc. cit.
15 V. les références citées par A. LUCAS, J. DEVEZE et J. FRAYSSINET, op.
cit., p. 438 ;
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éthique comme sociétal. Mais la responsabilité « mécanique », « par
défaut
» (…) l’est tout autant »16.
Cette position montre la difficulté de la consécration de la
responsabilité délictuelle sur internet. En effet, d’une part, il faut
sanctionner tous ceux qui contribuent à la diffusion de la haine raciale,
le terrorisme, la pornographie… et d’une façon générale toute forme
d’extrémisme. D’autre part, les sanctions envisagées ne doivent pas
entraver ni l’exercice des libertés, ni le développement de l’internet
17.
La question que l’on peut poser, surtout en droit tunisien est la
juridiques existantes suffisent-elles pour
suivante : Les règles
l’encadrement de la responsabilité délictuelle sur internet ?
Il faut affirmer dès le départ qu’avant même l’apparition des
législations spéciales, les juges n’ont pas hésité à résoudre les litiges
survenus, surtout en Europe et aux Etats-Unis d’Amérique
18.
La consécration de
la responsabilité des
intermédiaires
techniques peut être un bon facteur pour l’instauration de la confiance
et de la sécurité sur internet. Le souci de la confiance ou de la sécurité
a suscité un grand débat politique
19, ce qui a entraîné l’émergence de
la
plusieurs
responsabilité des prestataires de services sur le net. On peut citer
ainsi,
juillet 1997, appelée
«
Teledienstgesetz » (TDG), qui est l’une des premières lois organisant
avec détail la responsabilité des intermédiaires techniques sur
internet
20.
loi allemande en date du 22
législations spéciales
le problème de
régissant
la
Aux Etats-Unis d’Amérique, la loi portant le nom de Digital
Millenium Copyright Act » (DMCA) a été promulguée le 28 octobre
1998. Cette loi concerne la responsabilité des fournisseurs techniques
16 M. VIVANT, « La responsabilité des intermédiaires de l’Internet », JCP, 1999,
éd. G., p. 2021.
17 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 30.
18 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 20.
19 V. L. THOUMYRE, « Les intermédiaires en stand-by », http://www.juriscom.
net/int/dpt/dpt17.htm, p. 1.
20 V. sur cette question M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 27.
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en cas de violation des droits d’auteur21. On doit citer aussi la
Directive européenne 2000/31/CE. du Parlement européen et du
Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des
services de la société de l’information et notamment du commerce
électronique, dans le marché intérieur
22. Cette Directive a détaillée la
responsabilité des prestataires surtout dans les articles 12 à 15. En
France, la loi n°2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans
l’économie numérique
23, a établi une responsabilité autonome des
prestataires de services internet après avoir été régie par la loi n°86-
1067 du 30 septembre 1986 telle que modifiée par la loi n°719-2000
en date du 1
er août 2000.
En Tunisie, les textes régissant la responsabilité délictuelle sur
Internet sont rares et dispersés. On peut citer les articles 6,7 et 20 de la
loi organique en date du 27 juillet 2004, relative à protection des
données à caractère personnel
24, et l’article 22 de la loi du 9 août
2000, relative aux échanges et au commerce électroniques
25. On va
écarter ces deux lois puisqu’elles sont générales et ne concernent pas
les prestataires de services internet. En l’absence donc de textes
spéciaux, on doit chercher des solutions en recourant aux règles
générales. Cette solution est temporaire puisque l’évolution rapide de
la responsabilité délictuelle sur internet exige l’organisation de ce
genre de responsabilité par des règles spéciales qui montrent son
autonomie
26.
21 Ibid., loc. cit. ; V. SEDALLIAN, « La responsabilité des prestataires techniques
sur Internet dans le Digital Millenium Copyright Act américaine et le projet de
directive européen sur le commerce électronique », http://www.juriscom.net/
pro/1/resp19990101.htm.
22 JOCE du 17 juill. 2000, n° L 178/1 à 16 ; Rev. crit. dr. internat. privé, oct.-déc.,
2000, pp. 901 et s.
23 J.O. du 22 juin 2004, pp. 11168 et s. ; Dalloz, 2004, n° 26, pp. 1868 et s.
24 Loi organique n° 2004-63 du 27 juillet 2004, relative à la protection des
données personnelles, JORT, 30 juillet 2004, n° 61, p. 2084.
25 Loi n°2000-83 du 9 août 2000, relative aux échanges et au commerce
électroniques, JORT., 11 août 2000, n° 64, p. 1887.
26 V. notamment, L. GRYNBAUM, « Loi « confiance dans
l’économie
numérique » : une version définitive proche de la version originale de la
directive « commerce électronique » », Com.- Com. Elec., juin, 2004, p. 38 ;
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L’examen des métiers des intervenants sur le réseau des
réseaux montre l’existence de deux fonctions principales. Certains
intermédiaires ont pour rôle de communiquer l’information aux
internautes, comme le fournisseur d’accès et les outils de recherche,
d’autres ont la possibilité de déterminer le contenu même de
l’information, comme les fournisseurs d’hébergement et de contenu.
On va, donc, analyser dans une première partie la responsabilité de la
communication de l’information litigieuse (
Première partie) et dans
une deuxième partie la responsabilité du contenu de l’information
litigieuse (
Deuxième partie).
PREMIERE PARTIE
LA RESPONSABILITE DE LA COMMUNICATION
DE L’INFORMATION LITIGIEUSE
Ordinairement, pour pouvoir naviguer sur internet, la personne
doit avoir un ordinateur, un téléphone et un abonnement qui lui permet
d’accéder au réseau des réseaux. Cet abonnement est établi par ce
qu’on appelle le fournisseur d’accès
27 ou fournisseur de prestations de
connexion. L’accès à la toile permet à tout chercheur de trouver
rapidement n’importe quelle information et ce par le biais de ce qu’on
appelle « les outils de recherche », qui amènent l’internaute aux
documents souhaités. Toutefois, les fonctions du fournisseur d’accès
et des outils de recherche posent certains problèmes, ce qui exige de
préciser dans un volet la responsabilité du fournisseur d’accès (
A) et
dans un autre la responsabilité des outils de recherche (
B).
JC. ZARKA, « La décision n°2004-496 DC du 10 juin 2004 du conseil
constitutionnel relative à la loi pour la confiance dans l’économie numérique »,
JCP., 2004, n° 29, G., p. 1334 ; L. GRYNBAUM, « Une immunité relative des
prestataires de services Internet », article précité, loc. cit.
27 Appelé en anglais « Access provider ».
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A- La responsabilité du fournisseur d’accès
Le fournisseur d’accès28 offre à ses clients les ressources
techniques permettant aux internautes d’accéder aux services de la
toile d’araignée et donc, à l’information souhaitée
29. Son rôle se
limite ainsi, à permettre à l’internaute de trouver un document avec
lequel le fournisseur n’a aucun rapport. Pour cette raison, le
fournisseur d’accès exige habituellement de lui consacrer une
irresponsabilité absolue face au préjudice survenu de l’information
diffusée sur la toile. Toutefois, le fournisseur d’accès joue, en réalité,
un rôle principal sur internet. En effet, à défaut de ses prestations
l’internaute ne pouvait accéder au document répréhensible. On ne peut
donc exclure sa responsabilité
30, surtout qu’il a les moyens lui
permettant de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la
divulgation de l’information qui ne correspond pas à ses principes. Sa
fonction ressemble sur ce point à celle de l’éditeur.
En Tunisie, la question qui se pose concerne la possibilité
d’invoquer la responsabilité du fournisseur d’accès en se basant sur le
décret n°97-501 du 14 mars 1997, relatif aux services à valeur ajoutée
des télécommunications
31. Ce décret précise dans l’article premier
alinéa deux que : « La production, la fourniture, la distribution et
l’hébergement d’informations, dans le cadre de la mise en oeuvre et de
l’exploitation des services à valeur ajoutée de télécommunications,
28 En Tunisie nous avons 12 fournisseurs d’accès dont 7 dans le secteur public qui
sont l’Agence Tunisienne d’Internet (A.T.I.), pour connecter les institutions
publiques (Ministères, offices...), l’IT.COM, pour connecter les centres de
recherches, le Centre de Calcul Khawarizmi (C.C.K.), pour connecter les
l’Institut National de Bureautique et de
institutions universitaires,
Microinformatique), pour connecter les institutions relevant du Ministère de
l’éduction, le Centre Informatique du Ministère de la Santé Publique (CIMSP)
pour connecter les institutions relavant du Ministère de la Santé, L’Institut de la
Recherche et de l’Enseignement Supérieur Agricole (IRESA), pour connecter
les institutions relavant du Ministère de l’agriculture et la Défense nationale. Il
existe aussi 5 fournisseurs d’accès dans le secteur privé, qui sont Planet Tunisie,
3S Global Net, Hexa Byte, Tunet et Topnet.
29 Voir notamment, Ch. F. SCHUHL, op. cit., p. 136 ; M. LAVANCHY, thèse
précitée, p. 39 ; A. LUCAS, J. DEVEZE et J. FRAYSSINET, op. cit., p. 453.
30 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, loc. cit.
31 JORT, 25 mars 1997, n° 24, p. 497.
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sont régis par le code de la presse et la loi relative à la propriété
littéraire et artistique susvisés ».
L’article 14 du même décret prévoit que : « Tout service à
valeur ajoutée des télécommunications doit avoir un directeur
responsable du contenu du
fourni aux utilisateurs
conformément aux dispositions du code de la presse ci-dessus visé ».
service
Ce qu’on peut déduire c’est que les conditions d’application de
ces deux articles ne sont pas réunies avec clarté, en ce qui concerne le
fournisseur d’accès, puisque l’article premier parle de production,
fourniture, distribution et hébergement, alors que
le rôle du
fournisseur d’accès se contente de communiquer l’information. De
même, l’article 14 parle du contenu du service fourni, alors que le
fournisseur d’accès se limite à connecter les internautes aux services.
Ce n’est que par référence à l’intitulé du décret du 14 mars
1997 ou à l’article 9 du cahier des charges
32, fixant les clauses
particulières à la mise en œuvre et l’exploitation des services à valeur
ajoutée des télécommunications de type INTERNET33, qu’on peut
concevoir la soumission du fournisseur d’accès au régime de
responsabilité prévu par ces deux textes
34.
Le droit comparé refuse généralement la consécration de la
responsabilité du fournisseur d’accès, sauf dans des cas exceptionnels.
La Directive européenne en date du 08 juin 2000 relative au
commerce électronique
35 pose le principe d’irresponsabilité du
32 L’organisation de la responsabilité des prestataires de services internet par un
décret et un cahier des charges, approuvé par arrêté, peut être critiquée, surtout
que ces textes datent de 1997 et font tout simplement des renvois à certaines
lois.
33 V. arrêté du ministre des communications du 22 mars 1997, portant approbation
du cahier des charges fixant les clauses particulières à la mise en œuvre et
l’exploitation des services à valeur ajoutée des télécommunications de type
INTERNET, JORT, 28 mars 1997, n° 25, pp. 519 et s.
34 L’art. 9 de ce cahier des charges prévoit dans des termes généraux que : « Les
dispositions du présent article s’appliquent aux fournisseurs des services de type
INTERNET, et à tous les clients abonnés des services de type INTERNET
propriétaires des pages et des serveurs web, hébergés dans leurs systèmes ».
35 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000,
relative à certains aspects juridiques du commerce électronique, dans le marché
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fournisseur d’accès. L’exception n’est prévue qu’en cas de
participation au fait dommageable
36.
De même, la loi américaine connue sous le nom « Digital
Millenium Copyright Act » en date du 28 octobre 1998
37, exonère le
fournisseur, dans le cas où son rôle se limite à transmettre le document
sans modifier son contenu et sans choisir les destinataires de cette
information
38.
En ce qui concerne la loi française, pour la confiance dans
l’économie numérique du 21 juin 2004, l’article 9, qui transpose les
articles 12-1 et 13-1 de la Directive de 2000, précise que le fournisseur
d’accès n’est pas responsable, en principe, du contenu sauf dans les
cas où il est soit à l’origine de la transmission préjudiciable, soit il
il
sélectionne
sélectionne ou modifie les contenus du document répréhensible
39. De
même, d’après l’article 6-I-8 de cette loi, la responsabilité du
fournisseur d’accès ne peut être engagée que s’il ne respecte pas le
la personne destinataire de
l’information, soit
intérieur (« directive sur le commerce électronique »), JOCE du 17 juillet 2000,
n° L178/1 à 16, Rev. crit. dr. internat. privé, oct.-déc., 2000, p. 901.
36 L’article 12 de la Directive prévoit que : « Les Etats membres veillent à ce que,
en cas de fourniture d’un service de la société de l’information consistant à
transmettre, sur un réseau de communication, des informations, fournies par le
destinataire du service ou à fournir un accès au réseau de communication, le
prestataire de service ne soit pas responsable des informations transmises, à
condition que le prestataire :
a) ne soit pas à l’origine de la transmission ;
b) ne sélectionne pas le destinataire de la transmission et
c) ne sélectionne et ne modifie pas les informations faisant l’objet de la
transmission ».
37 La loi sur le site suivant : http://leweb.loc.gov/copyrigh.
38 Voir sur cette question : V. SEDALLIAN, article précité, p. 2.
39 L’article 9 de la loi du 21 juin 2004 prévoit que : « Après l’article L.32-3-2 du
code des postes et télécommunications, il est rétabli un article L.32-3-3 et il est
inséré un article L.32-3-4 ainsi rédigés : « Art L.32-3-3.- Toute personne
transmission de contenus sur un réseau de
assurant une activité de
télécommunications
de
fourniture
de
télécommunications ne peut voir sa responsabilité civile ou pénale engagée à
raison de ces contenus que dans les cas où soit elle est à l’origine de la demande
de transmission litigieuse, soit elle sélectionne le destinataire de la transmission,
soit elle sélectionne ou modifie les contenus faisant l’objet de la transmission. ».
d’accès
réseau
ou
un
à
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jugement ordonnant la cessation des dommages ou la prise des
mesures propres
40.
Il est clair qu’il existe une tendance à la consécration de
l’irresponsabilité du fournisseur d’accès
41. La même position a été
retenue par le Conseil d’Etat français
42.
Pour consacrer
la responsabilité du fournisseur d’accès
plusieurs facteurs doivent être pris en considération. Parmi ces
facteurs, la détermination si le fournisseur peut ou nom contrôler les
informations diffusées et surtout sa connaissance du contenu
préjudiciable.
Par ailleurs, la responsabilité du fournisseur d’accès peut être
engagée en cas de manque à l’obligation d’utilisation des techniques
de filtrage. Cette obligation relève de la morale avant d’être imposée
par les textes juridiques
43. Dans une affaire célèbre44, le fournisseur
d’accès « yahoo ! » a été obligé, en référé, de mettre un programme
empêchant les internautes français d’accéder aux sites vendant aux
enchères des objets nazis.
Le problème c’est que
techniques de filtrage des
informations préjudiciables ne sont pas très efficaces. Ainsi, dans
les
40 L’article 6-I-8 prévoit que : « L’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou
sur requête, à toute personne mentionnée au 2 ou, à défaut, à toute personne
mentionnée au 1, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire
cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication
au public en ligne ».
41 Voir notamment : E. MONTERO, « La responsabilité des prestataires
intermédiaires sur les réseaux », in. Mireille ANTOINE et autres, Le commerce
électronique européen sur les rails ? Analyse et proposition de mise en oeuvre
de la directive sur le commerce électronique, Bruxelles, Bruylant, Crid, 2001, p.
286 ; V. SEDALLIAN, article précité, loc. cit. ; D. MAZEAUD, article précité,
p. 327.
42 Voir : L. GRYNBAUM, article précité, p. 38.
43 Voir : E. WERY, « Affaire J’accuse : les fournisseurs d’accès libérés de
l’obligation de filtrage », http://www.droit-technologie.org/1-2.asp?actu-
id=476, p. 2.
44 T.G.I. Paris (réf.). LICRA-UEJF c. Yahoo ! Inc-Yahoo ! France, 20 nov. 2000,
http://www.droit-technologie.org; T.G.I. Paris (réf.), 11 août 2000, http://www.
droit-technologie.org.
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certains cas, il est impossible de distinguer entre une information licite
et une autre illicite
45. Les personnes qui ont besoin des informations
préjudiciables trouvent, souvent des astuces qui les amènent à leur but
et ce nonobstant les obstacles posés par certains fournisseurs
d’accès
46. Ceci prouve
l’intérêt d’édicter une obligation de
surveillance pour les fournisseurs. Dans ce sens, l’article 9 du cahier
des charges, approuvé par l’arrêté du ministre des communications du
22 mars 1997 prévoit que le directeur désigné par le fournisseur de
services « (…) est tenu d’assurer une surveillance constante du
contenu des serveurs exploités par le fournisseur de services, pour ne
pas laisser perdurer des informations contraires à l’ordre public et aux
bonnes mœurs ». Cependant, il existe en droit comparé une tendance
vers l’écartement de l’obligation générale de surveillance des
informations transmis
47. C’est la position du législateur français dans
l’article 6-I-7 de la loi du 21 juin 2004
48.
En ce qui concerne certaines contraventions,
l’autorité
judiciaire peut imposer au prestataire de services une obligation de
surveillance.
Ces solutions législatives peuvent être justifiées en réalité
puisqu’il est quasiment impossible au fournisseur d’accès, quel que
soit ses capacités, de surveiller toutes les informations transmises sur
la toile d’araignée
49, qui peuvent être estimées à des centaines de
millions.
45 V. Sur cette question : M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 43.
46 Ibid., p. 45.
47 L’art. 15 § 1er de la Directive européenne prévoit que : « Les Etats membres ne
doivent pas imposer aux prestataires, pour la fourniture des services visée aux
articles 12,13 et 14, une obligation générale de surveiller les informations qu’ils
transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement
des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ».
48 L’art. 6-I-7 prévoit que : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas
soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu’elles
transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou
des circonstances révélant des activités illicites ».
49 V. Th. VERBIEST, article précité, p. 1.
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Pour toutes ces raisons, la Cour Suprême des Etats-Unis a jugé
le 22 juin 1998
50 dans une affaire qui opposait le fournisseur d’accès
American On Line (AOL) à Kenneth Zeran, que ce fournisseur n’est
pas responsable des informations préjudiciables diffusées sur son
serveur et émanant de tiers. Les juges ont refusé l’assimilation du
fournisseur d’accès à l’éditeur de presse dans le monde matériel. La
vitesse de transmission des documents répréhensibles sur la toile
rendait impossible l’exercice d’un contrôle efficace
51. Les décisions
jurisprudentielles se sont multipliées partout dans le monde refusant
de consacrer la responsabilité du fournisseur d’accès
52.
Toutefois, ce qui peut être constaté dans la plupart de ces arrêts
c’est que la jurisprudence dénie la responsabilité du fournisseur en cas
de son ignorance du contenu des informations préjudiciables. Quelle
est donc la solution en cas de sa connaissance du caractère illicite de
ces informations ?
Dans le cas où le fournisseur acquiert connaissance du
caractère illicite des informations, il est obligé d’agir promptement
afin d’empêcher l’accès à ces informations, pour ne pas voir sa
responsabilité engagée
53. La connaissance est présumée dans certains
cas précis. C’est l’exemple d’un tiers qui informe le fournisseur de
prestations des informations préjudiciables
54. Le législateur français a
fixé dans l’article 6-I-5 les conditions qui rendent la connaissance
présumée
55. En Allemagne, la jurisprudence a consacré la responsa-
50 Ibid., loc. cit.
51 V. N. BOULVARD, « Dérives sur Internet : immunité des fournisseurs
d’accès », http://.celog.fr/expertises/1998/som0898/immunité0898.htm.
52 V. Jugement d’un tribunal néerlandais du 12 mars 1996, cité par Th.
VERBIEST, article précité, loc. cit.
53 V. P. TRUDEL, « La responsabilité sur Internet », article précité, p.26 ; M.
LAVANCHY, thèse précitée, p. 44.
54 V. P. TRUDEL, « La responsabilité sur Internet », article précité, p. 23.
55 L’article 6-I-5 prévoit que : « La connaissance des faits litigieux est présumée
acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu’il leur est notifié les éléments
suivant :
- la date de la notification ;
- si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénom, profession,
domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requerrant est une personne
64





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ARCHIVES OUVERTES
bilité du directeur du fournisseur de prestations dans l’affaire « Compy
Serve
» et ce pour avoir diffusé des contenus pornographi-ques, en
connaissance de cause et tout en ayant les moyens de bloquer l’accès
aux documents illicites
56. Cette position reflète le courant majoritaire
dans plusieurs pays à l’exception des Etats-Unis d’Amérique
57.
La question qui peut être posée dans ce contexte est la
suivante : comment le fournisseur d’accès peut-il savoir le caractère
licite ou illicite des informations diffusées ? La question présente un
intérêt certain surtout que le problème nécessite dans certains cas,
pour être tranché, le recours au juge
58. N’importe quel fournisseur ne
peut trancher ces questions facilement même s’il se sert de certains
experts.
De ce qui précède découle l’intérêt de l’intervention d’une
partie autonome pour juger le caractère licite ou non des informations
diffusées. On peut concevoir, ainsi, l’action du fournisseur en vue
d’interrompre la diffusion des documents litigieux, ce qui pousse
l’éditeur de ces documents, qui pense qu’ils sont parfaitement licites, à
invoquer sa responsabilité
59.
Pour toutes ces raisons, le législateur français avait consacré un
procédé préalable avant d’engager la responsabilité du prestataire de
morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la
représente légalement ;
- les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa
dénomination et son siège sociale ;
- la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
- les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des
dispositions légales et des justifications de faits ;
- la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des
informations
- ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur
modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être
contacté ».
56 AG. Munich, arrêt du 28 mai 1998, NJW, 1998, pp. 2836 et s., cité par M.
LAVANCHY, Thèse précitée, p. 41.
57 V. position contraire : Cour suprême des Etats-Unis, 22 juin 1998, arrêt cité par
Th. VERBIEST, article précité, p. 1.
58 V. P. TRUDEL, « La responsabilité sur Internet », article précité, p. 2.
59 Ibid., p. 24.
65





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ARCHIVES OUVERTES
services60, qui consiste à recourir au juge de référé pour prendre les
mesures propres tendant à prévenir le dommage ou à lui faire cesser.
En cas où le fournisseur ne respecte pas la décision, sa responsabilité
sera engagée. La loi française considère que le contenu des
informations doit être « (…) objectivement illicite »
61.
La responsabilité du fournisseur d’accès peut être donc
engagée, même si à titre exceptionnel. La question qui peut être posée
dans ce cas c’est de savoir le fondement de cette responsabilité. Est-ce
qu’on peut agir sur la base de la faute ou sur celle du fait des choses ?
La jurisprudence comparée s’est dirigée vers la faute pour
dégager la responsabilité du fournisseur de son fait personnel. Cette
position essaye de concilier entre les exigences de sécurité et la
garantie des libertés
62.
La même solution peut être retenue en droit tunisien, et ce par
l’application de l’article 82 du code des obligations et des contrats
(COC) en cas de faute intentionnelle et l’article 83 du même code en
cas de faute non intentionnelle. Et si « la faute consiste, soit à omettre
ce qu’on était tenu de faire, soit à faire ce dont on était tenu de
s’abstenir (…) »
63, la faute du fournisseur d’accès est généralement
réalisée par omission. Ainsi, « (…) ne peut être fautif que celui qui
peut techniquement agir, sait qu’il doit agir, mais n’agit pas »
64.
Dans le cas pratique, le prestataire de services d’accès commet
une faute en cas de violation de son obligation de filtrage, ou au cas où
il ne prendrait pas les mesures nécessaires pour empêcher les
internautes d’accéder à l’information préjudiciable après la connais-
sance de son contenu
65. Toutefois, il n’est pas fautif s’il n’exerce pas
60 V. l’art. 6-I-8.
61 L. GRYNBAUM, « Une immunité relative des prestataires de services
internet », article précité, p. 38.
62 V. notamment : MAZEAUD, article précité, p. 325 : M. LAVANCHY, thèse
précitée, p. 21.
63 Art. 83 du COC.
64 M. VIVANT, article précité, p. 2023.
65 V. A. LUCAS, J. DEVEZE et J. FRAYSSINET, op. cit., p. 458.
66





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ARCHIVES OUVERTES
l’obligation de surveillance puisqu’il est impossible de surveiller tous
les documents diffusés
66.
S’il est possible théoriquement de lier le préjudice au fait des
choses, le gardien de celles-ci, en cas d’informations préjudiciables,
n’est pas le fournisseur d’accès, mais l’auteur responsable de l’édition.
Le rôle du fournisseur d’accès se limite à permettre à l’internaute
d’accéder à l’information. Pour cette raison on ne peut engager sa
responsabilité que sur la base de la faute. La même solution peut être
retenue pour les outils de recherche.
B- La responsabilité des outils de recherche
Etant donné que l’internet contient des centaines de millions
d’adresses et de pages, l’internaute se trouve incapable de trouver son
but sans la possession d’une adresse bien déterminée ou l’intervention
d’un outil de recherche efficace pour accéder à l’adresse souhaitée
67.
Les outils de recherche « (…) sont des mécanismes fournissant ou
utilisant des index pour retrouver les documents correspondants à
une requête qu’on lui fournit ou collection structurée et thématique de
répertoires résultant d’une compilation d’un domaine d’infor-
mation »
68.
Généralement, on distingue entre le moteur de recherche69, et
le répertoire ou l’annuaire
70. Le moteur de recherche est un logiciel,
appelé robot (spider) qui visite les pages web d’une manière
automatique. Celui qui a besoin de rechercher une donnée insère un ou
plusieurs mots-clés, puis il clique sur l’icône de recherche. Le robot
66 V. P. TRUDEL, « La responsabilité sur Internet », article précité, p. 19.
67 V. M.-I. CAHEN, « La responsabilité des outils de recherche », p.1 ;
http://www.juristic.net/article0090.html?var-recherche=+recherche+sur+juristic, p.
1; M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 80.
68 V. P. TRUDEL, « La responsabilité sur Internet », article précité, p.21.
69 Par ex. le moteur « mirago » accessible sur le site http://www.mirago.fr et le
moteur « Google » accessible via l’adresse suivante : http://www.google.net.
70 On peut citer les ex. de « Yahoo ! » et « voila » accessibles respectivement sur
les sites : http://www.hahoo.com et http://www.voila.fr.
67





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ARCHIVES OUVERTES
affiche ainsi tous les documents trouvés avec les liens hypertextes
correspondants
71.
L’annuaire, ou répertoire est un programme qui contient des
listes de sites internet, classés par thèmes et sous-thèmes. Celui qui
souhaite inscrire son site dans la base de données doit remplir un
formulaire contenant un titre, le contenu du site et les mots clés
permettant d’accéder au document. L’annuaire peut vérifier le contenu
du site, ou bien avant son introduction dans la base de données, ou
bien après et ce par le biais des observations présentées par les
internautes
72.
Il faut préciser que la confusion entre le moteur de recherche et
l’annuaire est très répandue chez les internautes et ce pour plusieurs
raisons, notamment parce que l’annuaire est ordinairement lié par un
moteur de recherche
73 pour combler l’insuffisance des informations
présentées
74. Toutefois, on peut distinguer entre les deux outils de
recherche par le recours à leurs méthodes de fonctionnement. Ainsi,
en ce qui concerne le moteur de recherche, les résultats de la recherche
sont présentés automatiquement sans
intervention du contrôle
personnel. Au contraire, pour pouvoir afficher une liste des sites
trouvés, l’annuaire recourt à un traitement manuel ce qui nécessite
l’intervention de personnes physiques (l’équipe de l’annuaire) afin
d’organiser et d’actualiser les références
75.
71 V. notamment : Th. VERBIEST et E. WERY, « La responsabilité des
fournisseurs d’outils de recherche et d’hyperliens du fait du contenu des sites
référencés », http://www.droit-technologie.org, p. 6 ; P. TRUDEL, « La
responsabilité sur Internet », article précité, loc. cit. ; M.-I. CAHEN, article
précité, loc. cit.
72 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, p.8 ; Th. VERBIEST et E. WERY, article
précité, loc. cit.
73 Par ex. l’annuaire « Yahoo ! » est lié avec le moteur de recherche « Google ».
74 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 80.
75 V. notamment : G. D. PASANAU et J. GIUSTI, « La guerre contre les moteurs
de recherche aura-t-elle lieu ? », http://www.droit-technologie.org/1-2.asp?actu-
id=388, p. 1 ; C. MANARA, « Un outil de recherche doit-il supprimer une
référence à un site litigieux ? », Observations sous Cour d’A. de Paris (14e ch.
A) 15 mai 2002, Dalloz, 2003, n° 9, p. 622.
68





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ARCHIVES OUVERTES
Le référencement automatique des sites, établi par le moteur de
recherche, a permis à certains de se demander quelle est la cause de
l’engagement de sa responsabilité ?
La responsabilité des moteurs de recherche, et d’une façon
générale des outils de recherche, peut être engagée en cas de refus
d’effacement de certains sites malgré la connaissance de leurs
caractères illicites
76. La connaissance peut être réalisée soit par le biais
d’un jugement, ce qui rend la réaction de l’outil de recherche
obligatoire, soit par le tiers lésé. Cette deuxième méthode pose la
question de savoir si l’outil de recherche est obligé de réagir après une
telle information. L’intervention du tiers lésé pour prévenir l’outil de
recherche peut avoir une force probante suffisante, surtout que
certains outils de recherche laissent aux internautes la possibilité
d’utiliser certaines fenêtres pour contacter l’administrateur en cas de
découverte d’un site illicite
77.
Toutefois, est-ce qu’on peut engager la responsabilité du
moteur de recherche s’il référence dans sa base de données certains
mots-clés suspects comme, la haine, le racisme, la pornographie, le
sexe… ?
Le problème reste posé surtout que le moteur de recherche a la
possibilité d’effectuer le filtrage et d’exclure ces concepts. En réalité,
le filtrage exercé par l’outil de recherche ne peut être fiable dans tous
les cas. En effet, un site peut être illicite sans pour autant utiliser un
mot suspect et ce pour égarer les outils de recherche. De même, le
filtrage par l’utilisation d’une liste noire de mots suspects, peut
conduire à l’interdiction d’accès à certains sites licites. Ainsi,
l’introduction du mot
l’internaute qui fait une recherche par
« racisme » sera empêché d’accéder aux sites vantant cette pratique,
mais aussi et en même temps, l’outil de recherche va exclure
l’indexation des sites
lutter contre ce
phénomène
78, ce qui constitue une violation du principe de la liberté
licites qui
tentent de
76 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 84.
77 La loi américaine en date du 28 oct. 1998 (D.M.C.A.) consacre ce qu’on appelle
« notice and take down » V. sur cette question : Th. VERBIEST et E. WERY,
article précité, p. 9.
78 Ibid., p. 8 ; M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 85.
69





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ARCHIVES OUVERTES
d’expression. Bloquant l’accès aux sites suspects pour ne pas voir sa
responsabilité engagée, l’outil de recherche sera probablement tenu
responsable, en empêchant le référencement des sites licites, et ce
pour atteinte à la liberté d’expression.
S’il est illogique de fonder la responsabilité des outils de
recherche sur la base de la violation de l’obligation de filtrage des
informations, est-ce qu’on pourrait engager leur responsabilité sur la
base de l’absence de contrôle des sites sélectionnés ?
Même si l’article 9 du cahier des charges, approuvé par l’arrêté
du ministre des communications du 22 mars 1997, exige une
surveillance constante du contenu des serveurs exploités par le
fournisseur de services, il est presque impossible de contrôler tous les
sites, dont le nombre dépasse les milliards et même s’il est possible de
les contrôler à un moment donné, des informations illicites peuvent
être introduites après ce contrôle
79. En ce qui concerne l’annuaire, la
situation est un peu différente, puisque l’indexation des sites se fait
manuellement. Une équipe spécialisée contrôle, normalement, le
contenu des sites, ce qui a poussé certains auteurs
80 à exiger
l’application de la responsabilité de l’éditeur à cet outil de recherche.
Cette position peut être concrétisée en Tunisie. La lecture des articles
1
er et 14 du décret du 14 mars 1997 et l’article 9 de l’arrêté du 22 mars
1997 rend l’application de l’article 68 du code de la presse, relatif à la
responsabilité de l’éditeur, possible
81. Toutefois, le grand nombre des
79 V. G. D. PASANAU et J. GIUSTI, article précité, p. 2.
80 V. Th. VERBIEST et E. WERY, article précité, p. 11.
81 L’art. 68 du Code de la presse prévoit que : « Seront punissables, comme
auteurs principaux, des peines qui constituent la répression des crimes de délits
commis par la voie de la presse, dans l’ordre ci-après, à savoir :
1) les directeurs des publications ou éditeurs, quelles que soit leurs professions
et leurs dénominations ;
2) a leur défaut, les auteurs ;
3) à défaut des auteurs, les imprimeurs ou les fabricants ;
4) à défaut des imprimeurs ou des fabricants, les vendeurs, les distributeurs ou
les afficheurs ».
Il est clair que cet article concerne la responsabilité pénale. Toutefois, en se
référant à l’article 70 du même Code on peut dire qu’il est possible d’appliquer
les règles de la responsabilité civile à ces personnes. L’article 70 prévoit, en
effet, que : « Les propriétaires des publications écrites, sonores ou visuelles sont
70





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ARCHIVES OUVERTES
sites répertoriés nous amène à déduire que l’application de la
responsabilité de l’éditeur à l’annuaire ne respecte pas les spécificités
de l’internet
82. Partant, le recours aux règles générales de la
responsabilité civile délictuelle, et surtout aux articles 82 et 83 du
COC, est plus cohérent, que ce soit pour le moteur de recherche ou
l’annuaire
83. Ceci nécessite la preuve de la faute de l’outil de
recherche, comme sa connaissance de l’illicéité du site sans empêcher
l’accès
84. La faute existe aussi en cas de négligence ou d’absence de
diligence
85. En l’absence de jurisprudence tunisienne sur la question,
on peut recourir à la jurisprudence comparée, qui consacre dans sa
majorité le principe d’irresponsabilité des outils de recherche.
C’est ainsi que dans une affaire, un politicien célèbre après
avoir constaté la reproduction des ses nom et prénom, sans
autorisation, sur un site à caractère pornographique, a assigné le
moteur de recherche « Altavista ». Le politicien reproche à ce moteur
l’absence de contrôle des sites référencés. Toutefois, le juge a refusé
de condamner cet outil de recherche en précisant que : « (…) la
responsabilité du moteur de recherche relève à l’évidence dans le cas
d’espèce d’un débat au fond, étant observé, et en tout état de cause,
que la société Altavista qui d’initiative a mis en place une procédure
d’alerte, a réagi très rapidement pour déférencer le site litigieux »
86.
civilement responsables avec les personnes désignées dans les deux articles
précédents, et, notamment, répondront solidairement avec les délinquants du
montant des amendes et des frais.
82 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 91.
83 En cas de non respect du droit d’auteur on peut appliquer l’article 51 de la loi n°
94-36 du 24 fév. 1994, relative à la propriété littéraire et artistique. Toutefois,
cet article parle de la possibilité d’obtenir des dommages et intérêts sans
déterminer le fondement du recours.
84 V. sur cette question Cabinet M.-I. CAHEN et O. ANDRIEU, « La responsa-
bilité des moteurs de recherche »,http://www.murielle-cahen.com/p-moteur.zsp,
p. 2.
85 Ibid., loc. cit.
86 V. sur cette question : T.G.I. de Paris, Ordonnance du 31 juill. 2000 ;
; Th. VERBIEST, « Responsabilité des
http://www.droit-technologie.org
moteurs de recherche : les hostilités ont commencé… », http://www.droit-
technologie.2.asp?actu-id=383, p. 1 ; G. D. PASANAU et J. GIUSTI, article
précité, p. 1.
71





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ARCHIVES OUVERTES
Dans une autre affaire une chanteuse avait assigné le moteur de
recherche « voilà.fr» après avoir remarqué l’existence des photos
montages la montrant dans des « poses obscènes et dégradantes ».
L’action était fondée notamment sur les articles 1382 et 1384 du code
civil français. Le juge a rejeté les prétentions de cette chanteuse vu
l’absence de faute
87.
L’exonération des outils de recherche peut être expliquée par
l’absence d’obligations renforcées à la charge de ces outils, ce qui
rend la preuve de la faute très difficile
88, et ce contrairement à d’autres
fournisseurs responsables du contenu de l’information.
DEUXIEME PARTIE
LA RESPONSABILITE DU CONTENU DE
L’INFORMATION LITIGIEUSE
Les informations qui circulent sur le web ont été composées
par certains auteurs, qui assument, logiquement, la responsabilité dans
le cas où elles causent un préjudice à un tiers (
B). Ces informations ne
peuvent, normalement, léser les internautes sans l’intervention du
fournisseur d’hébergement, qui les abrite, ce qui montre que sa
responsabilité peut être, le cas échéant, engagée (
A).
A) La responsabilité du fournisseur d’hébergement
87 T.G.I. Paris, référé, 12 mai 2003, Lorie c/M.G.S. et SA Wanadoo Portails,
http://www/Legalis.net.
88 C. d’A de Paris, 14e ch.A, 15 mai 2002, Dalloz, 2003, n° 9, p. 621 avec les
observations de Cédric Manara.
72













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ARCHIVES OUVERTES
Sont considérés fournisseurs d’hébergement89 toutes «(…)
personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit,
pour mise à disposition du public par des services de communication
au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons
ou de messages de toute nature (…) »
90. Ils permettent aussi aux
internautes d’accéder via internet à ces sources à tout moment, grâce
aux moyens techniques et informatiques
91.
le contrat qui
Certains pensent que
le fournisseur
d’hébergement avec le fournisseur de contenu peut être comparé à un
contrat de bail puisque le prestataire des services d’hébergement loue
des espaces sur son serveur pour tous ceux qui veulent stocker de
l’information
92.
lie
La responsabilité du fournisseur d’hébergement a été invoquée,
en France, depuis 1992 dans une affaire qui concerne l’hébergement
de prestations sexuelles
93. La responsabilité de ce prestataire peut être
engagée vu son influence directe sur le contenu de l’information
diffusée
94. Il est, ainsi, censé connaître les informations stockées sur
son site avec la possibilité d’éliminer toute information préjudiciable.
Toutefois, malgré cela les législations partout dans le monde tentent
d’exonérer le fournisseur d’hébergement soit par principe, comme le
Directive européenne du 08 juin 2000
95 et la loi française du 21 juin
2004
96, soit partiellement, comme la loi française en date du 30
septembre 1986, telle que modifiée par la loi du premier août 2000
97.
Comme tout prestataire de services, le fournisseur d’héber-
gement avait certaines obligations qu’il doit respecter. Ainsi, il est
tenu d’informer le fournisseur de contenu des droits des tiers qu’il ne
89 Le fournisseur d’hébergement est appelé en anglais « host provider ».
90 Voir l’article 6-I-2 de la loi française du 21 juin 2004.
91 V. notamment CHF. SCHUHL, op. cit., p. 130 ; A. LUCAS, J. DEVEZE et
J. FRAYSSINET, op. cit., p. 453.
92 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 61.
93 Extrait de crim., 17 nov. 1992, P. aff., 12 avril 1993, n° 44, p. 4.
94 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, loc. cit.
95 V. l’art. 14-1 de la Directive.
96 V. l’article 6-I-2 et l’art. 6-I-3 de la loi.
97 V. l’art. 43-8 de la loi.
73





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ARCHIVES OUVERTES
doit pas violer98. De même, parmi ses obligations on doit citer
l’obligation de vigilance
99, qui nécessite le contrôle des sites et des
informations hébergés. Cependant, le problème qui a été relevé pour
les autres prestataires se pose de nouveau pour le fournisseur
d’hébergement. Celui-ci ne peut contrôler toutes les informations
hébergées et même s’il le fait, elles peuvent être modifiées après ce
contrôle. Peut être pour cette raison on ne trouve pas en droit comparé,
contrairement au droit tunisien
100, une disposition qui consacre
l’obligation générale de contrôle
101. Dans ce même ordre d’idées
certains pensent que l’obligation de surveillance peut être imposée au
fournisseur d’hébergement dans un seul cas, qui est celui de la
déposition de l’information pour la première fois sur son serveur
102.
Afin de permettre à toute personne lésée d’intenter une action
contre les responsables, le prestataire d’hébergement doit vérifier
l’identité des personnes dépositaires de l’information qu’il héberge
103.
On peut affirmer que l’une des principales obligations du
fournisseur d’hébergement, l’obligation de diligence et de réaction en
cas de connaissance de l’existence d’informations préjudiciables sur
son serveur. Il est ainsi tenu dès la connaissance d’agir promptement,
soit par le fait d’obliger le fournisseur de contenu de retirer le
document à caractère dommageable, soit par l’interdiction d’accéder à
98 V. T.G.I. Paris, ordonnance de référé, 9 juin 1998, J.C.P., 1999, éd. E., p. 953,
Obs. M. VIVANT et Ch. LE STANC ; D. MAZEAU, article précité, p. 327 et
s. ; L. CAUSIN, et J.-C. PATIN, « La publicité et la responsabilité sur
Internet », http://www.juritel.com/Liste-des-chroniques-5.html, p. 1.
99 V. sur cette obligation : C.A. Versailles, 12e ch. Section1, 8 juin 2000,
Multimania c. Lynda Lacoste et autres, http://www.juriscom.net/txt/jrisfr/
img/caversailles20000608htm: L. CAUSIN. Et J.-C. PATIN, article précité, loc.
cit. : D. MAZEAU, article précité p. 327.
100 V. art. 9 du cahier de charges, approuvé par l’arrêté du ministre des
communications du 22 mars 1997, qui exige du directeur une surveillance
constante.
101 V. notamment G. D. PASANAU et J. GIUSTI, article précité, p.3 ; E.
MONTERO, article précité, p. 279 ; L. GRYNBAUM, « Loi « confiance dans
l’économie numérique » : une version définitive proche de la version originale
de la directive « commerce électronique » », article précité, p. 39.
102 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 69.
103 C’est ce que prévoit l’art. 43-9 de la loi du 30 sept. 1986.
74





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ARCHIVES OUVERTES
ces informations104. S’il n’agit pas, il assumerait la responsabilité
délictuelle. En effet,
il est généralement admis « (…) qu’un
propriétaire informé de la présence de propos dommageables sur les
murs de sa propriété et qui ne fait rien pour les enlever est considéré
comme les rediffusant : il est donc responsable des dommages
éventuels tout comme leur auteur »
105.
La condition principale pour engager la responsabilité du
fournisseur d’hébergement est sa connaissance du préjudice survenu
ou futur. Le problème qui se pose c’est la détermination de la
signification de la notion de connaissance. Si la constatation des
documents répréhensibles a été faite directement par le prestataire lui-
même, dans cette hypothèse le problème peut ne pas se poser. La
question devient délicate en cas d’information venue d’un tiers lésé.
La notification faite par ce dernier suppose-t-elle, dans ce cas, la
connaissance de l’information préjudiciable ?
Cette question a suscité un grand débat doctrinal106, même si la
jurisprudence a précisé dans plusieurs pays que l’information du tiers
lésé suffit à présumer la connaissance par le prestataire du dommage
réalisé
107. Cette position jurisprudentielle a été retenue par certaines
législations. L’article 6-I-5 de la loi française en date du 21 juin 2004
donne une présomption de la connaissance des faits litigieux par le
prestataire en cas de notification faite par une personne physique ou
morale et selon des conditions bien déterminées. La même position a
été adoptée par le « Digital Millenium Copyright Act »
108. La lecture
104 V. T.G.I. Paris, 11 février 2003, Amicale des déportés d’Auschwitz et des
camps de Haute Silésie, Mrap c/Timothy Koogle, Yahoo inc, http://www.
legalis.net. ; Com.- Com. Elec., 2003, com., n°121 ; D. MAZEAUD, article
précité, p. 329.
105 V. notamment : P. TRUDEL, « La responsabilité dans le cyberespace », article
précité, p. 243.
106 Ibid., p.253 ; M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 70.
107 V. sur cette question : C.A. Versailles, 12e ch. Section1, 8 juin 2000, arrêt
précité ; Tribunal d’arrondissement, La Hay, 9 juin 1999, Church of Spiritual
Technologiy cXS4 Allet autres, http://www.xs4all.n1/~KspainK/cos/verd2eng.
Html ; Trib. Comm. Bruxelles, 2 nov. 1999, IFPI et Polygram Records C.SA
Belgacom Skynet, cité par M. LAVANCHY, thèse précité, p. 71.
108 V. sur la position du droit américain M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 72.
75





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de la Directive du 08 juin 2000 montre que la volonté du législateur
européen est allée plus loin en distinguant entre la connaissance
faits ou des
effective de celle qui peut être déduite des
circonstances
109.
jurisprudentielle,
le problème serait
Comme c’était le cas pour le fournisseur d’accès et les outils
de recherche, la détermination de la signification de l’information
illicite ou préjudiciable pose certains problèmes. En cas d’intervention
d’une décision
tranché.
Cependant, en l’absence d’une telle décision la question reste soumise
au pouvoir discrétionnaire du prestataire, qui peut empêcher l’accès à
certains sites licites, suite à une constatation hâtive faite par lui-même
ou à cause d’une notification fautive émanant d’un tiers. Ce risque a
poussé le Conseil d’Etat français à suggérer que le caractère illicite de
l’information soit manifeste pour que la responsabilité de l’hébergeur
puisse être engagée
110. Visant à empêcher le prestataire de bloquer
l’accès à des sites licites, le législateur américain a prévu une sanction
en cas où la notification est utilisée abusivement
111.
La peur de certains fournisseurs d’hébergement d’interdire
l’accès à certains sites licites, malgré l’existence de la notification, a
conduit ces fournisseurs à assumer la responsabilité pour ne pas avoir
agi promptement à fin d’empêcher la réalisation du préjudice. C’est
ainsi que dans une affaire très connue aux Etats-Unis d’Amérique une
personne a rendu disponible un matériel protégé de l’Eglise de
scientologie. Malgré la demande de l’Eglise de retirer le matériel,
l’hébergeur « Netcom » n’a pas agi suggérant des preuves supplémen-
taires, ce qui a amené le juge à le condamner pour inaction
112.
S’il est donc possible d’engager
responsabilité de
l’hébergeur, même partiellement, il est nécessaire de déterminer le
fondement de cette responsabilité. La jurisprudence comparée a
adopté dans un premier temps une position ferme contre les héber-
geurs. Certains auteurs considèrent que l’arrêt de la cour d’appel de
la
109 V. L’art. 14-1-a de la directive.
110 V. J.-C. ZARKA, article précité, p. 1334.
111 V. sur la position du droit américain CH. F. SCHUHL, op. cit., p. 150.
112 Affaire citée par : P. TRUDEL, « La responsabilité dans le cyberespace »,
article précité, p. 254.
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Paris en date de 10 février 1999113 a consacré la théorie du risque,
apparue dès la fin du dix-neuvième siècle. Pour gagner l’argent,
l’hébergeur abrite sur son serveur des sites et des informations, sans
parfois divulguer les noms des auteurs, ce qui peut engager sa
responsabilité. Selon les données de la théorie du risque, là où il y a
gain, il y a aussi la charge. « Ubi emolumentum ibi onus »
114.
Toutefois cet arrêt a été critiqué car il met à la charge de l’hébergeur
une obligation générale de contrôle du contenu des sites hébergés
115,
ce qui diminue le développement des prestations de l’internet.
On peut poser la question de savoir s’il est possible d’agir
contre le fournisseur d’hébergement sur la base de la responsabilité
délictuelle du fait d’autrui ?
La réponse à cette question est claire en droit tunisien, qui ne
consacre pas un texte général pour la responsabilité délictuelle du fait
d’autrui et même le texte spécial qui peut être appliqué, qui est
l’article 117 du Code de la route, exige la survenance d’un accident de
la route
116. La question peut, cependant, avoir une importance dans les
pays qui consacrent un principe général de la responsabilité du fait
d’autrui, comme la France. Il semble que la doctrine critique le
recours à ce genre de responsabilité
117.
La
jurisprudence française a consacré
la faute comme
fondement de la responsabilité du fournisseur d’hébergement. Dans
une affaire très connue, une personnalité célèbre a découvert des
photographies diffusées sur internet, sans son consentement, la
représentant en tenue d’Ève. Elle intente une action en réparation
contre le fournisseur « Multimania » en se fondant sur l’article 1383
113 C.A. Paris, 1ère ch. A., réf, 10 février 1999, V. Lacambre C.E. Le fébure-
Hallyday, http://www.droit-technologie.org.
114 V. sur cette question : F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. Lequette, Droit civil Les
obligations, Paris Dalloz, 2002, p. 662.
115 V. Ch. FÉRAL SCHUHL, op. cit., p. 132.
116 L’art. 117 du Code de la route prévoit que : « Nonobstant les cas de
responsabilité civile prévus par le Code des Obligations et des Contrats, le
commettant garantit les dommages causés par son préposé pendant l’accomplis-
sement de son travail ».
117 V. G. VINEY, « Chronique de responsabilité civile », JCP., 1999, I, p. 147.
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du Code civil français118. Elle a obtenu gain de cause devant le
tribunal de première instance
119 et devant la cour d’appel120. Ce qui
peut être constaté dans ces décisions c’est qu’elles ont fondé la
responsabilité sur la faute et ont précisé les obligations que
l’hébergeur doit respecter pour que sa responsabilité délictuelle du fait
personnel ne soit pas engagée.
D’après l’article 14 de la Directive européenne du 08 juin
2000, le prestataire serait fautif si après la connaissance effective de
l’information litigieuse, il n’a pas agi promptement pour la retirer ou
rendre l’accès à celle-ci impossible
121.
Les articles 6-I-2 et 6-I-3 de la loi du 21 juin 2004 consacrent
presque la même position en précisant que les prestataires de services
ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée si dès le moment où
ils ont eu la connaissance, ils ont agi promptement pour retirer les
données ou rendre l’accès impossible.
Il semble que la cour d’appel de Paris122, dans son arrêt très
audacieux, qui a consacré pour la première fois en France et d’une
façon claire la responsabilité d’un intermédiaire technique, a appliqué
la
fournisseur d’hébergement.
Toutefois, cette solution a été critiquée car l’éditeur a une obligation
générale de contrôle, tandis que l’hébergeur ne peut exercer ce genre
de contrôle sur le contenu des documents diffusés
123.
responsabilité éditoriale sur
le
En Tunisie, les articles premier et 14 du décret du 14 mars
1997 et l’article 9 du cahier des charges, approuvé par l’arrêté du
ministre des communications du 22 mars 1997
124, font référence
118 L’art. 1383 du Code civil français est l’équivalent de l’art. 83 du COC.
119 T.G.I. Nanterre, affaire Lynda Lacoste, 8 déc. 1999, Com.- Com. Elec., 2000,
com., n° 40, A. Lepage.
120 C.A. Versailles, 12e ch., 8 juin 2000, arrêt précité.
121 La même solution a été consacrée dans l’article 43-8 de la loi française du 30
septembre 1986 telle que modifiée par la loi du août 2000.
122 C. d’A. de Paris, 10 fév. 1999, arrêt précité.
123 V. M. LAVANCIHY, thèse précitée, pp. 21 et s.
124 L’article 9 du cahier des charges prévoit que : « Le directeur désigné par le
fournisseur de services conformément à l’article 14 du décret n° 97-501 du 14
mars 1997 susvisé, et dont le nom doit être communiqué à l’opérateur public
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explicite au Code de la presse. On peut se demander dans ce cas s’il
est possible d’appliquer l’article 68 de ce Code ?
Même si l’application de cet article peut être envisagée, le
recours à la responsabilité de l’éditeur peut être critiqué, puisqu’il n’y
a pas prise en compte des spécificités de l’internet, surtout que le
décret et l’arrêté datent de 1997, c’est-à-dire à un moment où il n’était
pas possible de connaître toutes les caractéristiques de la toile
d’araignée. Le législateur tunisien doit édicter de nouvelles règles
adaptées au progrès technologique du web.
Enfin, on peut ce demander s’il est possible d’agir contre le
fournisseur d’hébergement en se fondant sur l’article 96 du COC ou
son équivalent l’article 1384 paragraphe premier du code civil
français ?
La question présente un grand intérêt puisque la responsabilité
du fait des choses n’exige pas la faute, ce qui peut atténuer la charge
de la preuve pour la personne lésée.
La responsabilité du fait des choses exige trois conditions à
savoir l’existence d’une chose, le fait de cette chose et la garde. En ce
qui concerne l’existence de la chose, la question est de savoir s’il est
possible de considérer les logiciels et l’information qui relèvent de
l’immatériel comme des choses pouvant engager la responsabilité du
fournisseur d’hébergement ?
Concernant le logiciel, malgré le fait que la question n’a pas
suscité un grand débat doctrinal, certains auteurs l’ont considéré
comme étant une chose
125. Cependant, la majorité des auteurs refuse
d’admettre l’information au rang des choses
126. Pour défendre leur
position, certains auteurs précisent que la chose doit être matérielle.
concerné, assume la responsabilité du contenu des pages et des serveurs Web
qu’il est appelé à héberger dans ses serveurs conformément aux dispositions du
code de la presse sus visé ».
125 V. notamment : A. LUCAS, J. DEVEZE et J. FRAYSSINET, op. cit., p. 441.
126 V. F. Bénac-SCHMIDT et C. LARROUMET, « Responsabilité du fait des
choses inanimées », Rép. civ. Dalloz, V°, n° 308 ; Ph. Le TOURNEAU et L.
CADIET, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, action, 3e éd., 2000,
n° 6740.
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La garde implique aussi, selon eux, nécessairement des choses
matérielles. En plus, il est impossible de distinguer entre la garde de la
structure et la garde du comportement dans le monde immatériel
127.
Cette position, défendable, peut être discutée pour trois raisons
au moins :
D’abord, les articles 96 COC. et 1384 paragraphe premier du
Code civil français parlent des choses sans distinguer entre les choses
matérielles et les choses immatérielles. L’article 533 du COC. prévoit
dans ce cas que « Lorsque la loi s’exprime en termes généraux il faut
l’entendre dans le même sens ». Le doyen CARBONNIER considère
dans ce sens que la notion de « chose » est l’une des notions les plus
larges dans la langue
128.
Ensuite, rien n’empêche de parler de la garde de l’information
tant qu’il est possible pour les fournisseurs d’hébergement de réunir
les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle.
Enfin, en ce qui concerne la transposition de la distinction
entre la garde de la structure et la garde du comportement à
l’information,
fournisseur
il est possible de considérer
d’hébergement comme étant gardien de la structure ou de la forme du
site
129 et le fournisseur de contenu gardien du comportement.
le
En réalité, on ne peut consacrer la responsabilité du fait des
choses inertes comme le sol, et la pierre… sans accepter l’application
de l’article 96 du COC à l’information.
Le refus d’appliquer la responsabilité du fait des choses à ce
domaine peut être expliqué par la difficulté de concilier entre la
nécessité de donner aux prestataires la liberté et le souci de développer
la sécurité et la confiance aux internautes. Ce ci a entraîné la
consécration de la faute comme fondement de la responsabilité
délictuelle sur internet pour les hébergeurs, et ce afin de ne pas
127 V. A. LUCAS, J. DÈVEZE et J. FRAYSSINET, op. cit., p. 444.
128 V. J. CARBONNIER, Droit civil Les obligations, 22e éd., 2000, p. 461.
129 V. mais sans analyse précise de la question : A. GITTON, « Responsabilité des
hébergeurs :« Coke en stork ? ». http://www.droit-technologie.org/1-2.asp?actu-
id=409, p. 6.
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entraver le développement du réseau des réseaux. Ce fondement laisse
le fournisseur d’hébergement libre de prouver l’absence de la faute. Il
permet aussi de protéger, au moins partiellement, les internautes.
Il est nécessaire de consacrer la responsabilité du fait des
choses pour l’information, surtout que la preuve de la faute par la
personne lésée reste une tâche difficile sur internet. Cette position
n’est pas isolée puisqu’une partie de la doctrine l’a adoptée
130. La
jurisprudence est aussi dans le même sens, en considérant que l’image,
susceptible de reproduction et de conservation, constitue une chose
conformément à l’article 1384 paragraphe premier du Code civil
131.
B- La responsabilité du fournisseur de contenu
Le fournisseur de contenu ou l’auteur est la personne qui met à
disposition sur internet l’information qu’il a crée que ce soit, écrite,
sonore ou visuelle. La spécificité de l’internet c’est qu’il permet à
toute personne de devenir, souvent sans contre partie, un auteur
132,
quel que soit son âge, sa race, sa fonction et son niveau intellectuel.
Partant, il est possible que l’auteur soit lui-même un fournisseur
d’accès ou un hébergeur ou même un outil de recherche.
En droit tunisien, les articles 1er et 14 du décret du 14 mars
1997 et l’article 9 du cahier des charges, approuvé par l’arrêté du 22
mars 1997
133, permettent l’application des articles 68 et 70 du Code de
la presse. L’article 68 de ce Code consacre la responsabilité des « (…)
directeurs de publications ou éditeurs, quelles que soient leurs
professions et leurs dénominations » et « à leur défaut, les auteurs
130 V. J. GALLOUX, « Ebauche d’une définition juridique de l’information », D.,
1984, chron., p. 97 : G. DANJAUME, « La responsabilité du fait de
l’information », J.C.P., 1996, n° 1, éd. G., p. 11.
131 T.G.I. Paris, 27 fév. 1991, J.C.P., 1992, éd. G., 11, 21809, note Ph. Le
Tourneau.
132 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 109.
133 L’art. 9 du cahier des charges prévoit que : « Les clients abonnés des services de
type INTERNET, propriétaires des pages et des serveurs hébergés sont
également responsables des infractions aux dispositions de la législation et de la
réglementation en vigueur ».
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(…) ». Cet article consacre une responsabilité en cascade134 de
manière à ce que la personne lésée trouve toujours une personne qui
supporte la responsabilité
135. Même si le recours à ce genre de
responsabilité a été critiqué puisque les rôles sur internet ne sont pas
délimités avec clarté
136, le problème réel que rencontre la victime,
dans l’engagement de la responsabilité de l’auteur, c’est la difficulté
de déterminer la personne qui est à l’origine de la création ou de
l’exposition de l’information préjudiciable sur internet. L’anonymat
constitue, ainsi, une caractéristique principale de la toile d’araignée
137.
Pour déterminer la personne qui est la cause principale du
préjudice, la solution idéale consiste en l’acquisition de l’adresse de
l’ordinateur connecté à internet, appelée « adresse I.P. », par le recours
au fournisseur d’accès. Cette solution, qui nécessite la coopération de
ce prestataire, n’est pas efficace dans tous les cas. Certains utilisent
des astuces pour préserver l’anonymat. Ils recourent ainsi, aux
services d’une partie indépendante, appelée « tiers de confiance » ou
« anonymizers », qui substitue l’adresse I.P. de l’internaute par son
adresse
138. L’auteur de l’information peut recourir aussi, pour
préserver l’anonymat, à certains logiciels spécialisés
139. La divulgation
des documents
répréhensibles à partir d’un « publinet » ou
« cybercafé » est l’une des solutions possibles. Dans ces lieux, la
détermination de la personne responsable est une tâche difficile
140.
En France, l’assimilation des sites internet aux services de
communication audiovisuelle a amené les juges à appliquer la loi du
30 septembre 1986. Les articles 43-9 et 43-10 de cette loi obligent
l’auteur de s’identifier devant les prestataires d’accès et d’héberge-
134 V. notamment : P. TRUDEL, « La responsabilité sur Internet », article précité,
p. 10 : A. LEPAGE, « Responsabilité en cascade sur l’Internet », Com.- Com.
Elec., Sept. 2003, p. 36.
135 V. A. LUCAS, J. DEVEZE et J. FRAYSSINET, op. cit., p. 457.
136 V. E. MONTERO, article précité, p. 278.
137 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 111.
138 V. comme exemple le site suivant : http://www.levillage.org/securité/securisurf.
139 V. les ex. suivants des logiciels : http://www.steath-anonymizer.com ou
http://www.anonymizer.com.
140 V. sur cette question : M. LAVANCHY, thèse précitée, loc. cit.
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ment. Toutefois, la réalité montre la possibilité d’utiliser des astuces
pour contourner le texte de la loi.
Les préjudices réalisés via internet ne peuvent être fixés dans
une liste limitative. On peut citer à titre d’exemples la divulgation des
données à caractère personnel ou des informations erronées, la
diffamation…
141.
Face aux développements réalisés dans le domaine des
communications et surtout l’internet, le législateur tunisien a choisi
l’application des règles classiques consacrées dans le COC et le Code
de la presse. Cette position ignore les spécificités du réseau des
réseaux, qui commandent dans certains cas des solutions différentes
de celles prévues dans les règles existantes. La non édiction de règles
nouvelles capables de sanctionner les parties responsables, peut
encourager celles-ci à continuer leurs actes surtout avec l’existence
d’une difficulté qui limite la possibilité d’intenter des actions. En
effet, la personne responsable de l’information préjudiciable peut se
trouver dans un pays différent de celui de la victime, ce qui pose un
problème de détermination de la loi applicable et de la juridiction
compétente. Le fait de savoir que le responsable se trouve dans un
autre pays gèle toute volonté de poursuite vu le coût de l’action et
l’aléa de ses résultats.
L’observation des législations actuelles qui organisent la
les
laisse entrevoir
responsabilité des prestataires de services
remarques suivantes :
D’abord, l’harmonisation entre les législations existantes est
quasiment absente, ce qui montre la nécessité d’une coopération à
l’échelle internationale
142.
Ensuite, il existe une tendance dans plusieurs pays d’atténuer
au maximum la responsabilité des prestataires de services internet, ce
qui prouve que la volonté de faire évoluer l’internet dépasse de loin le
souci de protéger les internautes.
141 V. P. BREESE et G. KAUFMAN, Guide juridique de l’Internet et du commerce
électronique, Paris, Vuibert, 2000, p. 336.
142 V. M. LAVANCHY, thèse précitée, p. 114.
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Enfin,
l’obtention des dommages et
intérêts suite aux
préjudices survenus sur internet n’est pas une chose facile
143, même si
les clauses limitatives de responsabilité ne peuvent être insérées en cas
de responsabilité délictuelle, qui concerne l’ordre public
144, et ce
contrairement à la responsabilité contractuelle dans laquelle il est
possible de trouver ce genre de clauses. Ceci exige, toutefois, la
présence d’un contrat ce qui constitue un problème différent.
143 V. D. MAZEAUD, article précité, p. 333.
144 V. P. BREESE et G. KAUFMAN, op. cit, p. 326.
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