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JUSTITIA ET PACE
INSTITUT DE DROIT INTERNATIONAL
Session d'Edimbourg – 1969
Les obligations délictuelles en droit international privé
(Vingt-sixième Commission, Rapporteur : M. Otto Kahn-Freund)
(Le texte français fait foi. Le texte anglais est une traduction.)
L'Institut de Droit international,
Estimant qu'en raison du développement de la technique, les principes qui gouvernent la
responsabilité délictuelle en droit international privé ont déjà pris et continuent à prendre une
grande importance pratique ;
Constatant qu'une des conséquences de ce développement est la mise en question, dans de
nombreux pays, de 1'application traditionnelle de la loi du lieu du délit, par les tribunaux et par la
doctrine ;
Etant convaincu que le principe selon lequel s'applique la loi du lieu du délit devrait être
maintenu, mais que ce principe devrait faire 1'objet d'exceptions lorsque le lieu du délit est
purement fortuit ou lorsque 1'environnement social des parties est différent de 1'environnement
géographique du délit ;
Estimant en outre que l'étendue et les modalités de la substitution à la loi du lieu du délit
d'un autre système juridique doivent faire 1'objet d'une étude particulière pour chaque type de
delit (accidents de la circulation, accidents du travail, diffamation et violation de la sphère privée
par les moyens de communication, concurrence déloyale et autres délits économiques, délits
commis en haute mer, dans l'air, dans 1'espace, etc.), et excède le cadre d'une Résolution générale
sur la responsabilité délictuelle ;
Et estimant aussi que le moment n'est pas encore venu pour 1'Institut de se prononcer
pour ou contre l'opportunité d'appliquer des lois distinctes aux différents aspects de la
responsabilité délictuelle ;








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Considérant que la différence entre 1'obligation résultant de la faute et 1'obligation
résultant du risque, et que la différence entre les finalités de prévention et de répartition des
risques, sont des différences de degré et non de nature, qu'il est impossible d'établir des principes
de droit international privé distincts pour les deux genres de responsabilité et pour les deux
genres de buts poursuivis et que les mêmes règles doivent s'appliquer aussi bien aux règles de
prévention que celles de répartition des risques ;
Considérant en outre qu'il n'est pas opportun d'établir des règles permettant de définir
d'une manière abstraite le lieu d'un délit, la détermination de ce lieu dépendant dans chaque cas
de la force du lien existant entre le problème à résoudre et le lieu dans lequel un fait considéré
comme délictuel a été commis ou dans lequel les conséquences d'un fait délictuel se sont
produites ;
Estimant qu'il est inopportun d'établir, dans une Résolution consacrée à la responsabilité
délictuelle, des règles de qualification de 1'objet du litige, cette matière ne pouvant être abordée
que dans le cadre des principes généraux de droit international privé ;
Mais considérant que le domaine des règles suivantes, concernant la responsabilité
délictuelle, ne devrait pas s'étendre à la responsabilité contractuelle, ni aux obligations résultant
de 1'enrichissement sans cause, ni aux exceptions à la responsabilité délictuelle dont peuvent
bénéficier les membres d'une famille dans leurs relations mutuelles, ni à la transmission aux
ayants cause de la victime du droit à demander réparation, ni à la transmission de la
responsabilité délictuelle aux ayants cause de 1'auteur de 1'acte ;
Considérant en outre que les droits de 1'assureur de la victime à être subrogé aux droits de
celle-ci contre la personne responsable de 1'accident, et que le droit de la victime de réclamer
directement à 1'assureur de la personne responsable la réparation du préjudice sont si étroitement
liés au domaine du contrat d'assurance qu'il ne serait pas judicieux pour 1'Institut d'exprimer,
dans cette Résolution sur la responsabilité délictuelle, une opinion quelconque quant à la loi
applicable à ces droits ;
Et considérant qu'en raison du développement rapide et souvent contradictoire du droit
dans de nombreux pays, le temps n'est pas venu de formuler un projet de législation précise mais
que des directives générales de nature à orienter la jurisprudence et la doctrine sont requises ;
A pris la Résolution suivante :
Article premier
Les obligations délictuelles sont en principe soumises à la loi du lieu où le délit a été
commis.
Article 2
Aux fins de l'article premier, un délit est considéré avoir été commis dans le lieu auquel la
situation est la plus étroitement liée, eu égard à tous les faits reliant le délit à un lieu donné,
depuis le commencement du comportement délictuel jusqu'à la réalisation du préjudice.
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Article 3
En 1'absence de tout lien substantiel entre la question soulevée et le lieu ou les lieux où le
délit a été commis, on applique, par exception aux règles établies aux articles 1 et 2, la loi dont la
détermination résulte d'une relation spéciale entre les parties ou entre celles-ci et 1'événement :
a)
ainsi la loi de la résidence habituelle commune pourrait être appliquée entre membres
d'une même famille, la loi du siège de 1'entreprise à la responsabilité entre employeurs et
employés et entre employés de la même entreprise ;
b)
ainsi la loi du lieu d'enregistrement d'un véhicule pourrait être appliquée à la
responsabilité entre le conducteur ou le propriétaire et son passager, que le transport soit à titre
onéreux ou gratuit, et entre les passagers eux-mêmes ; la loi du lieu de 1'organisation d'une
expédition aux délits commis au cours de celle-ci.
Dans le même esprit, la loi du pavillon pourrait être appliquée aux délits commis à bord
d'un navire qui se trouve dans des eaux territoriales étrangères, et la loi du lieu de
1'enregistrement aux délits commis à bord d'un aéronef.
Article 4
Les principes exprimés aux articles premier, 2 et 3 s'appliquent à toutes les questions que
soulève la responsabilité délictuelle, et notamment :
a)
aux critères de la responsabilité, y compris la question de savoir si une personne rendue
responsable l'est en raison du risque créé ou pour faute de sa part, pour faute lourde ou pour faute
légère, et à toute présomption concernant cette responsabilité ;
à la question de savoir si, et à quel point, le fait de la victime modifie la responsabilité de
b)
1'auteur de 1'acte ;
à la question de la capacité délictuelle, y compris celle des mineurs et aliénés, et des
c)
personnes morales ;
d)
aux immunités dont peuvent jouir les organisations charitables, ou les syndicats ;
e)
aux questions de la responsabilité du fait d'autrui, y compris celle d'un commettant du fait
de ses préposés et d'une personne morale du fait de ses organes, mais sans comprendre
nécessairement la responsabilité du mari du fait de sa femme ou des parents du fait de leurs
enfants, ni celle des instituteurs et des maîtres du fait de leurs élèves et apprentis ;
la détermination de la personne ou des personnes ayant droit à la réparation, à la
f)
détermination du préjudice pour lequel réparation peut être demandée, y compris la question du
dommage moral, et à la fixation de la réparation, y compris les limitations de son montant.
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La loi applicable d'après les règles précédentes ne peut être écartée que dans la mesure où
son application serait manifestement incompatible avec 1'ordre public du for.
Article 5
(11 septembre 1969)
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