Indépendance et responsabilité du système judiciaire tunisien :  
Tirer les leçons du passé pour construire un futur meilleur 
Introduction 
Résumé 
Ce rapport de la Commission internationale de juristes (CIJ) sur l'indépendance du 
pouvoir judiciaire en Tunisie examine la nouvelle Constitution et les autres lois, 
institutions et politiques qui ont un impact sur l'indépendance de la justice à la 
lumière des normes internationales et régionales, y compris les traités dont la Tunisie 
est partie.1 En particulier, la CIJ analyse le Conseil Supérieur de la Magistrature, le 
statut des magistrats, les mécanismes de responsabilité judiciaire, les tribunaux 
militaires et le parquet, et évalue la façon dont ils protègent ou pas l'indépendance du 
pouvoir judiciaire et le respect de l’Etat de droit et des droits de l'homme. 
Il incombe à toutes les institutions gouvernementales et autres de « respecter 
l'indépendance de la magistrature ».2 Une magistrature indépendante est le 
fondement de l’Etat de droit et de la gouvernance démocratique. La Tunisie a ratifié le 
Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) en 1969. L'article 14 
du PIDCP garantit le droit à l'égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à 
un procès équitable et public devant un tribunal compétent, indépendant et impartial 
établi par la loi. Ceci est « un droit absolu qui ne souffre aucune exception ».3 En tant 
qu’Etat partie au PIDCP, la Tunisie a l’obligation de respecter ce droit, ainsi que de 
fournir les garanties nécessaires pour assurer sa réalisation.4
La Tunisie est dans une phase de transition. Le régime du parti unique du Président 
Zine El Abidine Ben Ali a consolidé le pouvoir dans les mains de l'exécutif et n’a pas 
garanti l'indépendance du pouvoir judiciaire, ni en droit ni en pratique.5 Les autorités 
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1 La Tunisie a ratifié la Convention contre la torture (CAT), le Pacte international relatif aux 
droits civils et politiques (PIDCP), la Convention internationale sur la protection de toutes les 
personnes contre les disparitions forcées, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de 
discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), la Convention internationale sur l'élimination de 
toutes les formes de discrimination raciale, le Pacte international relatif aux droits économiques, 
sociaux et culturels, la Convention relative aux droits des personnes handicapées, et la 
Convention relative aux droits de l'enfant. En outre, la Tunisie a reconnu les procédures de 
dépôt de plainte individuelle prévues par la CAT, le PIDCP, la CEDAW, et la Convention relative 
aux droits des personnes handicapées. 
2 Principes fondamentaux des Nations Unies relatifs à l’indépendance de la magistrature adoptés 
par le septième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des 
délinquants qui s’est tenu à Milan du 26 août au 6 septembre 1985 et confirmés par l’Assemblée 
générale des Nations unies dans ses résolutions 40/32 du 29 novembre 1985 et 40/146 du 13 
décembre 1985 (« Principes fondamentaux des Nations Unies relatifs à l’indépendance de la 
magistrature »); principe 1.  
3 Comité des Droits de l’Homme, Observation générale n° 32, article 14: Droit à l’égalité devant 
les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable (« Observation générale n° 32 »), 
CCPR/C/GC/32, 23 Août 2007, para. 17.  
4 PIDCP, article 2.  
5 Voir, par exemple, Commission Internationale des Juristes, Attack on Justice, 2005; Amnesty 
international, Des voix indépendantes réduites au silence, juillet 2010; IFEX Tunisia Monitoring 
Group, Judges who call for independent judiciary targeted for speaking out, septembre 2010; 
Comité des Droits de l’Homme, Observations finales sur la Tunisie, CCPR/C/TUN/CO/5, 23 avril 
2008, para. 17. 
!
1 
judiciaires ont systématiquement échoué d’enquêter ou poursuivre des allégations de 
violations graves des droits de l’homme.6
Dans les trois années qui ont suivi le soulèvement populaire qui a renversé le 
Président Ben Ali, les autorités de transition ont commencé à réformer le système 
politique et juridique du pays. En janvier 2014, l'Assemblée Nationale Constituante 
(ANC) a approuvé par une écrasante majorité, la nouvelle Constitution. La rédaction 
de cette constitution avait été l’activité principale de l'ANC, qui a été élue en octobre 
2011 lors des premières élections libres et régulières en Tunisie. La CIJ considère la 
Constitution comme étant le résultat d'un processus démocratique inclusif et la salue 
en tant que première étape vers l'établissement de l'Etat de droit et vers la protection 
des droits de l'homme en Tunisie. En particulier, la nouvelle Constitution élargit les 
droits prévus par la Constitution de 1959. Elle prévoit également de solides garanties 
pour la mise en place et l'application de l’Etat de droit, y compris en établissant une 
séparation plus équilibrée des pouvoirs au sein de l'exécutif et en mettant fin aux 
pouvoirs très étendus qui ont été concentrés dans les mains du Président en vertu de 
la Constitution de 1959. La nouvelle Constitution reconnaît également l'indépendance 
institutionnelle et individuelle du pouvoir judiciaire et de ses membres et institue un 
Conseil Supérieur de la Magistrature indépendant, chargé de surveiller la carrière des 
magistrats, marquant ainsi une étape importante vers la fin de l'ingérence de 
l'exécutif dans les affaires judiciaires. 
Cependant, dans certains domaines-clés, la Constitution n’est pas conforme au droit 
et aux normes internationales et elle ne se prononce pas par rapport à d'autres 
domaines.7
Ce qui est nécessaire maintenant c’est la mise en œuvre de la législation qui mettra la 
Tunisie entièrement en conformité avec ses obligations en matière de droits de 
l’homme et instaurera l’Etat de droit. 
A la lumière des efforts pour garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire, les 
événements récents sont préoccupants. En juillet 2012, le ministre de la Justice a 
révoqué d’un coup plus de 70 juges et procureurs accusés de corruption ou de loyauté 
envers l'ancien Président. Ces révocations étaient arbitraires, privées de toute 
apparence de procédure équitable, et sont contraires aux normes internationales 
relatives à une procédure régulière. Ils rappellent les jours du président Ben Ali, 
lorsque les magistrats étaient révoqués ou transférés sur la base des caprices de 
l’exécutif. En octobre 2013, le ministre de la Justice a ordonné le transfert de deux 
juges sans leur consentement et au mépris de la loi applicable. Une autre source de 
préoccupation pour l'indépendance du pouvoir judiciaire et son rôle dans la lutte 
contre l'impunité, est le fait que les autorités de transition ont eu recours à 
l’utilisation généralisée des tribunaux militaires pour juger des allégations de 
violations des droits de l’homme commises par le personnel des forces armées et des 
forces de l’ordre. Il est clair que si la Tunisie adopte des mesures visant à garantir 
l'indépendance du pouvoir judiciaire et la protection des droits de l'homme, 
notamment en limitant la juridiction des tribunaux militaires en conformité avec les 
normes internationales et en mettant fin à l’ingérence indue et injustifiée de l'exécutif 
dans les affaires judiciaires, la promesse du soulèvement du peuple tunisien restera 
lettre morte. 
Résumé des conclusions et recommandations  
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6 Comité des Droits de l’Homme, Observations finales sur la Tunisie, CCPR/C/TUN/CO/5, 23 avril 
2008, para. 11; Rapport du Rapporteur spécial sur la torture, Mission en Tunisie, 
A/HRC/19/61/Add.1, 2 février 2012, paras. 29 et 32.  
7 Voir, Commission Internationale de Juristes, La Constitution tunisienne à la lumière du droit et 
des normes internationales, 31 janvier 2014, disponible sur http://icj.wpengine.netdna-
cdn.com/wp-content/uploads/2014/02/ICJ-Tunisian-Constitution-Position-Paper-
310114FRENCH.pdf dernier accès 8 mai 2014.  
!
2 
Les conclusions et recommandations de chaque chapitre sont résumées ici. D'autres 
recommandations détaillées se trouvent dans les différents chapitres.  
I.
Conseil Supérieur de la Magistrature  
Afin de préserver l'indépendance du pouvoir judiciaire en tant qu’institution autant 
que l’indépendance individuelle des magistrats, les conseils judiciaires qui sont 
chargés de la nomination, de la gestion et de discipline des juges doivent eux-mêmes 
être indépendants dans leur composition et doivent disposer des pouvoirs nécessaires. 
Ainsi, par exemple, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe recommande: 
« L'autorité compétente en matière de sélection et de carrière des juges devrait être 
indépendante des pouvoirs exécutif et législatif. Pour garantir son indépendance, au 
moins la moitié des membres de l'autorité devraient être des juges choisis par leurs 
pairs. »8
Sous la présidence de Ben Ali, l'organisme de contrôle du pouvoir judiciaire, le Conseil 
Supérieur de la Magistrature (CSM), était fermement sous le contrôle de l'exécutif. Il 
était présidé par le Président et le ministre de la Justice était son vice-Président. La 
plupart de ses membres étaient nommés par l'exécutif. Le CSM a été suspendu en 
décembre 2011 avec l'adoption de la Constitution provisoire. Au milieu du 2013, une 
autorité judiciaire provisoire, appelée Instance Provisoire de la Justice Judiciaire (IPJJ), 
a été crée. 
Par sa composition et sa compétence, l’IPJJ actuelle représente une nette 
amélioration par rapport à son prédécesseur. Une majorité de ses membres sont des 
magistrats, dont la moitié sont élus par leurs pairs, et ni le ministre de la Justice, ni le 
Président ne dispose d'un siège. La loi organique n° 2013-13, qui régit l'IPJJ, réduit le 
pouvoir du ministère de la Justice de transférer les magistrats arbitrairement et 
garanti aux magistrats le droit de faire appel des décisions de promotion et de 
transfert devant l'IPJJ. Les décisions disciplinaires de l'IPJJ peuvent maintenant faire 
l’objet d’un appel devant le Tribunal administratif. 
La Constitution de 2014 exige la mise en place d'un nouveau conseil supérieur de la 
magistrature, composé de quatre organes distincts, afin de superviser le système 
judiciaire. Elle prévoit que les deux tiers des membres seront composés de magistrats, 
élus et nommés, dont les magistrats élus constitueront la majorité. Les autres 
membres seront des non-magistrats qui sont nommés par le pouvoir exécutif. La 
Constitution accorde l'indépendance financière et administrative du Conseil Supérieur 
de la Magistrature et déclare qu'il doit fonctionner de façon indépendante. Le Conseil 
Supérieur de la Magistrature devrait être établi à la suite des élections législatives à la 
fin du 2014.  
Afin d'assurer que la majorité des membres du Conseil Supérieur de la Magistrature 
soient des magistrats élus par leurs pairs, la CIJ recommande que les trois quarts des 
membres qui sont des magistrats soient élus. La nouvelle loi sur le Conseil Supérieur 
de la Magistrature devrait également définir des critères clairs et objectifs autant pour 
les candidats élus que pour ceux nommés. Il devrait y avoir une procédure équitable, 
inclusive et transparente à la fois pour l'élection et pour la nomination des membres. 
Les candidats à l'élection ou la nomination ne devraient pas être soumis à des 
entraves catégoriques sur la base de leur opinion or expression politique.  
Le Conseil Supérieur de la Magistrature devrait disposer de pleins pouvoirs pour 
prendre des décisions en ce qui concerne toutes les questions relatives à la carrière 
des magistrats, y compris la sélection, la nomination, la formation, l'évaluation, la 
promotion, le transfert, la discipline et l’inamovibilité. Le pouvoir exécutif ou législatif 
ne devrait avoir aucun rôle substantiel. En outre, les décisions du Conseil Supérieur 
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8 Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation (2010)12, adopté le 17 
novembre 2010, para. 46.  
!
3 
de la Magistrature concernant le transfert, la promotion et la cessation des fonctions 
des magistrats, doivent faire l'objet d'un contrôle ou appel judiciaire. 
Bien que la Constitution garantisse l'indépendance financière du Conseil Supérieur de 
la Magistrature, la loi de mise en œuvre des dispositions de la Constitution devrait 
accorder au Conseil le pouvoir de développer le budget de la justice, en consultation 
avec le parlement. 
II. Statut des Magistrats  
Sous l'ancien régime, la loi n° 67-29 régissait l'organisation du pouvoir judiciaire, le 
Conseil Supérieur de la Magistrature, et le statut des magistrats. Les magistrats 
étaient soumis à l'autorité du ministre de la Justice, qui contrôlait le processus de 
sélection ainsi que l'Institut de formation judiciaire. Les décisions relatives à la 
carrière des magistrats, y compris leur affectation, transfert et révocation, étaient 
souvent fondées sur des considérations politiques. L’évaluation professionnelle des 
magistrats n'était pas discutée avec le magistrat concerné et les promotions 
semblaient être fondées sur la loyauté au régime. Les magistrats qui dénonçaient les 
problèmes liés à l'indépendance de la magistrature faisaient l'objet de transferts 
arbitraires et punitifs, et les activités des associations de magistrats étaient limitées.  
Pourtant, l'exigence d'indépendance dans l'article 14 du PIDCP comprend non 
seulement l'indépendance effective de la magistrature par rapport à l'ingérence des 
pouvoirs exécutif et législatif, mais elle s'étend également aux procédures de 
nomination des magistrats et aux garanties relatives à leur inamovibilité ainsi que les 
conditions régissant leur promotion, transfert, suspension et cessation des fonctions.9
Il doit y avoir « des procédures claires et des critères objectifs en ce qui concerne la 
nomination, la rémunération, la durée du mandat, l’avancement, la suspension et la 
révocation des magistrats, ainsi que les mesures disciplinaires dont ils peuvent faire 
l’objet. »10
En vertu de la Constitution de 2014, il y aura un nouveau statut des magistrats. La 
CIJ recommande que la nouvelle loi prévoie des procédures équitables et 
transparentes et des critères objectifs pour la sélection et la nomination des 
magistrats. L'institut de formation judiciaire doit être supervisé par le Conseil 
Supérieur de la Magistrature plutôt que par le ministre de la Justice et la législation 
doit garantir que les magistrats aient à leur disposition une formation initiale et 
continue, adéquate et appropriée. Les évaluations des magistrats doivent être faites 
par des magistrats et devraient inclure des consultations avec le magistrat concerné 
et le droit de contester l’évaluation devant le Conseil Supérieur de la Magistrature. Les 
promotions devraient également être fondées sur des critères objectifs et des 
procédures équitables et transparentes. Les transferts des magistrats ne devraient 
pas se faire sans leur consentement et toutes les décisions concernant les transferts 
devraient être du ressort du Conseil Supérieur de la Magistrature.  
Le nouveau Statut des magistrats devrait en outre garantir l’inamovibilité pour les 
membres du pouvoir judiciaire, en prévoyant le mandat jusqu'à un âge fixe de retraite 
ou pour une durée adéquate fixe. Les cas dans lesquels un magistrat peut être 
révoqué de ses fonctions devraient être limités aux cas suivants : l'âge de retraite, si 
applicable, ou à la fin d'une période fixe de l'occupation ; démission ; la certification 
médicale de inaptitude ; ou à la suite de l'imposition d'une sanction de révocation 
légitime et proportionnée imposée à la suite d'une procédure disciplinaire complète et 
équitable. La loi devrait également garantir les conditions de mandat des magistrats, 
y compris des conditions adéquates de travail et de rémunération, et prévoir une 
protection médicale et sociale, et une pension de retraite. 
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9 Observation générale n° 32, para. 19. 
10 Ibid. 
!
4 
Enfin, le Statut des magistrats doit expressément garantir les droits des magistrats à 
la liberté d'association, de réunion et d'expression, y compris le droit de constituer 
des associations visant à représenter leurs intérêts professionnels. 
III. Mécanismes de responsabilité judiciaire 
Bien que le pouvoir judiciaire, et tant qu’institution ainsi que chacun de ses membres, 
doit être libre de toute influence extérieure, l'indépendance judiciaire ne doit pas être 
assimilée à un manque de responsabilité en cas de conduite inappropriée. 
L'indépendance judiciaire est fondée sur la confiance du public et, pour garder cette 
confiance, les magistrats doivent respecter les principes d'intégrité les plus élevés. 
Ces principes doivent être inscrits dans un code déontologique qui est lui-même 
compatible avec les normes internationales et les magistrats devraient répondre de 
toutes violations. 
Les Principes fondamentaux des Nations unies relatifs à l'indépendance de la 
magistrature prévoient, « Toute accusation ou plainte portée contre un juge dans 
l'exercice de ses fonctions judiciaires et professionnelles doit être entendue 
rapidement et équitablement selon la procédure appropriée. »11 Actuellement, la 
Tunisie ne dispose pas d'un code déontologique complet. La loi n° 67-29 prévoit que 
« Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur ou à la 
dignité constitue une faute disciplinaire. »12 Cette disposition est vague et peut être 
interprétée de façon arbitraire. Elle ne précise pas quel comportement est interdit et 
donne une grande latitude à l'exécutif pour décider ce qui constitue une infraction 
disciplinaire. 
La CIJ recommande aux autorités tunisiennes de veiller à ce qu’un code déontologique 
suffisamment détaillé et complet soit élaboré par les membres de la magistrature ou 
en étroite consultation avec ces derniers, et que ce code déontologique soit établi par 
la législation comme étant la base sur laquelle les magistrats devront répondre de 
leurs fautes professionnelles. Le système disciplinaire doit garantir aux magistrats le 
droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial. Le Conseil 
Supérieur de la Magistrature devrait superviser le processus disciplinaire, y compris le 
Service d'inspection générale, et les décisions du Conseil Supérieur de la Magistrature 
doivent pouvoir faire l’objet d’un appel devant une instance supérieure indépendante 
ou un tribunal. 
La législation doit également être modifiée afin de garantir que les magistrats ne 
puissent pas faire personnellement l'objet d'une action civile ou d’une poursuite 
pénale en raison d'abus ou d'omissions dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, 
et ceci à deux conditions : que cette immunité puisse être levée par un tribunal 
lorsque ce dernier juge qu’elle entraverait le cours de la justice, et que la levée de 
l’immunité ne porte pas atteinte à l'exercice des fonctions judiciaires, comme dans les 
cas de corruption présumée. Cependant, dans les cas où il y a des motifs raisonnables 
de mettre en cause la responsabilité pénale pour violation grave des droits de 
l'homme ou crime relevant du droit international, la loi devrait être modifiée pour 
assurer qu'il n'y a pas d'immunité. 
En outre, la loi devrait préciser que l'Etat garantit l'indemnisation des dommages 
subis par les particuliers en raison d'actes ou d'omissions de la part des magistrats 
dans l'exercice impropre ou illégal de leurs fonctions judiciaires. 
IV. Tribunaux militaires  
Avant le soulèvement populaire, la législation tunisienne donnait compétence aux 
tribunaux militaires sur des infractions non militaires, y compris des violations des 
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11 Principes fondamentaux des Nations Unies relatifs à l’indépendance de la magistrature, 
principe 17.  
12 Loi n° 67-29, article 50.  
!
5 
droits de l’homme, commises par le personnel des forces armées et des forces de 
l’ordre. En outre, les tribunaux militaires étaient utilisés pour poursuivre les opposants 
politiques en vertu de la loi contre le terrorisme. Durant la période de transition, la 
compétence des tribunaux militaires a même été élargie. Ces tribunaux ont 
maintenant compétence sur les crimes de droit commun commis conjointement par le 
personnel militaire et non-militaire. Des affaires de violations des droits de l'homme 
commises pendant le soulèvement qui a conduit à la chute du Président Ben Ali ont 
été transférées par les tribunaux ordinaires aux tribunaux militaires. En outre, les 
jugements et les peines prononcés par les tribunaux militaires ne sont pas soumis à 
un réexamen complet fait par une cour d'appel civile. 
Le jugement de civils et le jugement d’officiers militaires pour violations des droits de 
l’homme sont contraires aux principes du droit international. Il existe un consensus 
grandissant, attesté par les organes des traités, les rapporteurs spéciaux et les 
groupes de travail des Nations Unies ainsi que par les cours régionales des droits de 
l'homme telles que la Cour interaméricaine des droits de l'homme et la Cour 
européenne des droits de l'homme, que la compétence des tribunaux militaires doit 
être limitée aux jugements du personnel militaire pour manquements à la discipline 
militaire.13 Par exemple, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples 
a déclaré: « Les tribunaux militaires ont pour seul objet de connaître des infractions 
d’une nature purement militaire commises par le personnel militaire. »14 Ainsi, les 
tribunaux militaires « ne peuvent, en aucune circonstance, juger des civils. »15 Le 
Comité des droits de l'homme a souvent appelé les Etats parties à interdire le 
jugement de civils par des tribunaux militaires.16 Quant à la compétence des 
tribunaux militaires sur les violations des droits de l'homme, les Principes des Nations 
Unies sur l’administration de la justice par les tribunaux militaires (« Principes 
Decaux ») prévoient: « En toutes circonstances, la compétence des juridictions 
militaires doit être écartée au profit de celle des juridictions ordinaires. »17
La CIJ recommande aux autorités tunisiennes d’amender le Code de Justice Militaire 
et la loi n° 82-70 portant statut général des Forces de Sécurité Intérieure pour limiter 
la compétence des tribunaux militaires au jugement de membres de l'armée pour des 
manquements avérés à la discipline militaire. Les tribunaux militaires ne devraient 
pas avoir compétence sur les crimes de droit international ou les violations des droits 
de l'homme. En aucun cas, ils ne devraient avoir compétence sur les civils, même 
lorsque l'infraction présumée implique un membre de l'armée en tant que victime ou 
lorsqu’un civil est accusé d'avoir commis une infraction en collaboration avec un 
membre de l'armée.  
- Plus de références et documents sur Legaly DocsLorsque les tribunaux militaires jugent les membres de l'armée pour des infractions 
liées à la discipline militaire, la loi doit garantir le droit de faire appel à la décision 
devant un tribunal civil. En outre, les juges qui siègent dans les tribunaux militaires 
doivent être indépendants et impartiaux. En particulier, ils doivent rester à l’extérieur 
de la chaîne de commandement militaire et ne doivent pas être soumis à la discipline 
militaire dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires. 
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13 Voir par exemple, Rapport du Rapporteur Spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, 
E/CN.4/2004/60 (2003), para. 60 ; Principes sur l’administration de la justice par les tribunaux 
militaires (« Principes Decaux »), E/CN.4/2006/58, 13 janvier 2006, principe 5.  
14 Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Directives et Principes sur le 
Droit à un Procès Equitable et à l'Assistance Judiciaire en Afrique, (« Directives et Principes de 
l’ACHPR »), principe L(a).  
15 Directives et Principes de l’ACHPR, principe L(c). 
16 Observations finales du Comité des droits de l'homme sur la Slovaquie, CCPR/C/79/Add.79 
(1997), para. 20 ; Observations finales du Comité des droits de l'homme sur le Chili, 
CCPR/C/CHL/CO/5, para. 12 ; Observations finales du Comité des droits de l'homme sur le 
Tadjikistan, CCPR/CO/84/TJK, para. 18 ; Observations finales du Comité des droits de l'homme 
sur le Liban, CCPR/C/79/Add.78, para. 14 ; Observations finales du Comité des droits de 
l'homme sur l’Equateur, CCPR/C/ECU/CO/5, para. 5. 
17 Principes Decaux, principe 9.  
!
6 
V.
Parquet  
Les procureurs jouent un rôle essentiel dans l'administration de la justice. Ils doivent 
être indépendants et autonomes dans leurs prises de décisions.18 Les Principes 
directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet prévoient que, dans 
l'exercice de leurs fonctions, les procureurs « font preuve d'impartialité » et 
« protègent l'intérêt public ». Ils ne doivent pas engager ou continuer des poursuites 
« lorsqu'une enquête impartiale révèle que l'accusation n'est pas fondée ». En outre, 
ils s'attachent dûment « à engager des poursuites dans le cas de délits commis par 
des agents de l'Etat, notamment des actes de corruption, des abus de pouvoir, des 
violations graves des droits de l'homme et autres délits reconnus par le droit 
international. »19
En Tunisie, les procureurs font partie du corps judiciaire. La législation ne fait que 
quelques distinctions entre « magistrats du parquet » et « magistrats du siège » et 
les procureurs sont soumis au même système de nomination, transfert, promotion et 
discipline que les juges. Sous la présidence de Ben Ali, l'exécutif exerçait le même 
degré de contrôle sur les carrières des procureurs comme sur celle des juges. 
Selon la loi n° 67-29, le parquet était sous l'autorité du ministre de la Justice. En 
outre, le Code de Procédure Pénale accordait au ministre de la Justice un ensemble de 
pouvoirs relatifs à l’enquête et la poursuite des affaires. Le ministre de la Justice avait 
également le pouvoir de nommer des juges d'instruction pour des affaires 
particulières. Cette absence d'indépendance du parquet par rapport au pouvoir 
exécutif a conduit à une absence presque totale d’enquêtes et poursuites en cas de 
violations graves des droits de l'homme et a directement contribué au climat 
d'impunité qui continue à prévaloir en Tunisie. En effet, le Rapporteur spécial des 
Nations unies sur la torture a affirmé que dans la majorité des cas, « le juge 
d’instruction refusait d’enregistrer les plaintes pour torture de crainte de représailles 
et les plaintes déposées par les victimes auprès du ministère public étaient presque 
toujours classées sur-le-champ. »20
La CIJ estime que le renforcement du respect des droits de l’homme et l’Etat de droit 
nécessite une réforme complète du statut et de la structure du parquet. En particulier, 
la CIJ recommande que les autorités tunisiennes veillent à ce que les lois sur 
l'organisation du pouvoir judiciaire, le statut des juges, le Conseil Supérieur de la 
Magistrature et le Code de Procédure Pénale garantissent aux procureurs d’exercer 
leurs fonctions de façon indépendante et impartiale, et reconnaissent une séparation 
claire entre le rôle et les fonctions des juges et des procureurs. Le ministre de la 
Justice ne devrait plus avoir la capacité de prendre des décisions concernant la 
carrière individuelle des procureurs. Au contraire, tout pouvoir de décision à cet égard 
devrait être confié au Conseil Supérieur de la Magistrature. Le Conseil Supérieur de la 
Magistrature devrait également superviser la procédure disciplinaire applicable aux 
procureurs, qui doit inclure le droit à un procès équitable et d’appel auprès d’un 
organe indépendant. 
En outre, toutes les nominations de juges d'instruction dans des affaires particulières 
doivent être faites par les magistrats eux-mêmes et non par le ministre de la Justice 
ou le parquet.  
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18 Conseil consultatif de juges européens (CCJE) et Conseil consultatif de procureurs européens 
(CCPE), Juges et procureurs dans une société démocratique (« Déclaration de Bordeaux »), 
CM(2009)192,15 décembre 2009, para. 6.  
19 Principes Directeurs des Nations Unies applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés 
par le huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des 
délinquants qui s’est tenue à La Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre 1990, 
A/CONF.144/28/Rev.1 (1990), principes 13(a) et (b); 14 et 15.   
20 Rapport du Rapporteur spécial sur la torture, Mission en Tunisie, A/HRC/19/61/Add.1, 2 
février 2012, para. 32. 
!
7 
Si le ministre de la Justice garde le pouvoir de donner des instructions dans des 
affaires particulières, la législation devrait définir la nature et la portée de ce pouvoir, 
exiger que les instructions soient écrites, et elle devrait exclure la possibilité 
d’instruire les procureurs de poursuivre ou non poursuivre dans des affaires 
particulières. Toute décision du procureur de ne pas poursuivre une affaire doit être 
révisable par un tribunal.  
En outre, la législation doit garantir aux procureurs une rémunération adéquate, 
l’inamovibilité, de bonnes conditions de travail et au parquet des ressources humaines 
et financières suffisantes pour assurer son bon fonctionnement. 
Concernant ce rapport 
Ce rapport a été rédigé sur la base des résultats des missions effectuées par la CIJ en 
Tunisie en juillet 2012 et janvier 2013, ainsi que de la recherche sur le terrain 
effectuée par le personnel de la CIJ en Tunisie tout au long de l’année 2013. La 
recherche sur le terrain a inclus des réunions approfondies et des entretiens avec des 
magistrats tunisiens, dont beaucoup étaient révoqués de leurs fonctions en juillet 
2012 par une décision du ministre de la Justice. Au cours des missions menées en 
2012 et 2013, la CIJ a rencontré un grand nombre de fonctionnaires, y compris le 
Président de l'Assemblée constituante , M. Mustapha Ben Jaafar, le ministre de la 
Justice, M. Noureddine Bhiri, le ministre des Droits de l'Homme et de la Justice 
Transitionnelle, M. Samir Dilou, le ministre en charge des relations avec l'Assemblée 
constituante, M. Abderrazak Kilani, le Président de la Commission permanente sur le 
pouvoir judiciaire de l'Assemblée constituante, M. Mohamed Fadhel Moussa Elarbi, le 
Procureur général directeur des services judiciaires, M. Mohamed Affes, ainsi que des 
magistrats, des avocats et des représentants d'ONG nationales des droits de l'homme. 
Ce rapport analyse les dispositions de la Constitution de 2014 et les institutions 
qu'elle établit, ainsi que les lois et les mécanismes existants qui limitent 
l'indépendance du pouvoir judiciaire en Tunisie, à la lumière des normes 
internationales des droits de l'homme. Le rapport formule un ensemble de 
recommandations spécifiques visant à contribuer à garantir qu’une loi et une réforme 
institutionnelle soient introduites afin de renforcer l'indépendance du pouvoir 
judiciaire et accroître en même temps le respect des droits de l'homme et de l’Etat de 
droit dans le pays.  
Ce rapport s'appuie sur deux rapports antérieurs publiés par la CIJ, La réforme du 
pouvoir judiciaire en Tunisie et Renforcer l’Etat de droit et garantir les droits de 
l’homme dans la Constitution.21
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
21 Commission Internationale de Juristes, La réforme du pouvoir judiciaire en Tunisie, 16 
septembre 2012, disponible sur http://icj.wpengine.netdna-cdn.com/wp-
content/uploads/2012/09/TUNISIALegalmemoFRENCHfinal.doc.pdf, dernier accès 8 mai 2014 ; 
et Commission Internationale de Juristes, Renforcer l’Etat de droit et garantir les droits de 
l’homme dans la Constitution, 1 février 2013, disponible sur http://icj.wpengine.netdna-
cdn.com/wp-content/uploads/2013/02/Tunisia-Report-Final-FRA.pdf, dernier accès 8 mai 2014.   
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