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Régionalisation et découpage territorial en Tunisie : de
la gestion centralisée à la gouvernance territoriale
Mourad Ben Jelloul
To cite this version:
Mourad Ben Jelloul. Régionalisation et découpage territorial en Tunisie : de la gestion centralisée à
la gouvernance territoriale. Mohamed Cherif; Adnane Haydar. Les Découpages Territoriaux, Faculté
des sciences humaines et sociales de Tunis, pp.29-58, 2018, 978-9973-069-85-6. ￿hal-03586778￿
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Régionalisation et découpage territorial en
Tunisie : de la gestion centralisée à la gouvernance
territoriale
Mourad Ben Jeloul*
Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis.
Unité de Recherche Régionalisation et Développement Régional et Urbain
Résumé
L’organisation administrative de l’espace tunisien dont l’un des
objectifs était de renforcer les structures du contrôle du territoire et
des populations, reposait sur un modèle centralisé, largement inspiré
de l’expérience vécue lors de la période coloniale. Cette organisation
a été remise en cause et modifiée suite à l’adoption de la nouvelle
constitution de 2014 qui a établi une nouvelle conception de la
régionalisation reposant sur le principe de l’équité. La maille
régionale devient désormais le premier niveau de la hiérarchie
administrative, au dessus du gouvernorat. Ce changement ouvre la
voie à une nouvelle gouvernance territoriale vouée à réduire les
déséquilibres entre les régions et de permettre aux collectivités de
gérer directement leurs territoires.
Mots clés
Régionalisation, découpage régional, gouvernance territoriale.
*mouradbjd@yahoo.fr.
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Regionalization and Territorial Division in
Tunisia: from Centralized Management to
Territorial Governance
Abstract
Tunisian administrative organization whose objective, inter alia,
to reinforce the structures of territorial and demographic control was
based on a centralized model which is overwhelmingly inspired by
the colonial experience. This administrative organization was
questioned and modified in the wake of the adoption of the new
Constitution of 2014 which established a new conception of
regionalization which aims to realize more regional equity. Thus, the
regional entity has henceforth become
level of
administrative hierarchy, above the governorate. This experience
inaugurates new territorial governance liable to reduce the imbalance
between regions and allow territorial communities to manage directly
their respective territories.

first
the
Key words
Regionalization, regional division, territorial governance
2












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ىلإ يزكرلما فرصتلا نم
:
سنوت يف يبارتلا ميسقتلاو ةملق
الأ
ةيبارتلا ةمكوحلا
صخلم
ةبرجتلا نم سبتقملا يزكرملا جذهمنلا ىمع سنهت يف يرادلإا ميظنتلا ماق
ةيبارتلا تلااجممل ةبقارملا لكايى معد وفادىأ نيب نم ناك يذلاو ةيرامعتسلاا
رهتسد ينبت رثا وتعجارمو يبارتلا ميظنتلا اذى يف كيكشتلا مت دقو
.
ناكسملو
نيب ةلادعلا نم ديزم ء
اشنإ فديب ةممقلأل اديدج اميمصت ىسرأ يذلا
2014
يرادلإا
ممسلا ىمعأ لثمي حبصأ يميمقلإا ىهتسملاف
.
ينطهلا بارتلا تانهكم
ةديدج ةيبارت ةمكهح مامأ قيرطلا حتفتس ةبرجتلا هذى نأ كش لاو
.
ةيلاهلا ويمت
ةيبارتلا تاعامجمل حمستو ميلاقلأا نيب
تلالاتخلإا صيمقت ىلإ
فديت
.
ةيبارتلا ايتلااجم يف ةرشابم فرصتلاب
ةيبارت ةمكهح ،يميمقإ ميسقت ،ةممقأ
:
حيتافم تاملك
Introduction
Au cours de son histoire contemporaine, la Tunisie a connu trois
modèles d’organisation administrative (Signoles, 1985, Belhedi,
1989). À l’organisation tribale reposant sur les
caïdats, a succédé un
ordre colonial binaire rajoutant les contrôles civils (Ben Rabeh,
2008). Après l’indépendance, un nouveau découpage administratif a
été institué sur lequel repose tout le processus de construction de
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l’Etat moderne. Trois niveaux sont définis : le gouvernorat, la
délégation et le secteur (ou
imada). Le nouveau contexte politique né
de la révolution du 14 janvier 2011 est à l’origine de la création d’un
nouveau cadre institutionnel qui a donné une nouvelle place aux
collectivités territoriales avec la création, pour la première fois, du
niveau des Régions.
La problématique que nous posons dans ce travail consiste à voir en
quoi
le modèle de maillage
territoires,
administratif adopté et la définition de leurs attributs ont contribué à
l’amplification des inégalités territoriales. Nous proposerons un
modèle de Région afin de limiter les déséquilibres régionaux et
définir les bases d’une nouvelle gouvernance territoriale.

la délimitation des
I / L’évolution de l’architecture du maillage administratif
1.- L’organisation tribale de la Tunisie à la veille du
protectorat français

Les tribus sont des formations extrêmement anciennes : ce sont, avec
leur division en fractions, les véritables organisateurs de la vie
sociale. La division administrative du pays, lors de l’époque
husseinite, reposait essentiellement sur la division en tribus et en
fractions tribales. Elle n'avait rien de commun avec une division
territoriale reposant sur le principe de subsidiarité, règle majeure
dans l’administration moderne. En effet, d'une part, certaines tribus
étaient complètement dispersées et on retrouvait leurs membres épars
aux quatre coins de la Régence, d'autre part, les centres les plus
peuplés, Tunis par exemple, étaient le lieu de rencontre de fractions
entières venues de tribus différentes. Dans certaines régions du
Centre et du Sud, de vastes étendues étaient occupées, suivant les
saisons, successivement par deux ou trois tribus. Enfin, certaines
tribus qui avaient prospéré étaient extrêmement importantes, d'autres,
au contraire, se composaient d'un très petit nombre d'individus
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(Anterrieu, Berge, Boulle, 1899) et leur territoire est exigu. Dans ce
contexte historique, la division en circonscriptions territoriales
risquait de provoquer des conflits entre les fractions de tribus au cas
ou elle se trouvent réunies dans une seule circonscription.
Les deux principales circonscriptions administratives, lors de cette
période, étaient le
caïdat et le Cheikha. A l'origine, chaque tribu a pu
constituer un caïdat et chaque fraction une
cheikha.
1.1 Les caïdats
En juillet 1887, le territoire de la Régence comptait 88 caïdats
(Sebaut, 1888, p10) qui sont eux même divisés en
cheikha ou tribus
dont le nombre varie en raison de l’importance du
caïdat. A la tête de
chaque
caïdat, le Bey nommait un caïd qui était en même temps, un
fonctionnaire de l'ordre Administratif et Judiciaire et un agent des
Finances. Il est non seulement chargé des travaux de recensement
préparatoires à l'établissement des rôles, mais aussi de la perception
des impôts directs. Parmi les attributions administratives, la première
et la plus importante de toutes est le maintien de la sécurité. Les
caïds ont toujours été considérés, dans les tribus, comme les
représentants du pouvoir central : c'étaient des chefs nommés par le
Bey pour maintenir les tribus dans l'obéissance et dans le respect du
pouvoir et ils avaient le rôle de grand intermédiaire entre le pouvoir
central et la population locale.

1.2 Les cheikhas
Ellesétaient, à
l’origine, des circonscriptions ethniques qui
représentaient des fractions tribales et à la tête desquelles étaient élus
des
cheikhs, des notables, chefs de fractions tribales. Le cheikh est le
représentant des habitants auprès du
caïd, il ne représente pas
l'autorité
beylicale. Il commande une fraction du caïdat. Il est chargé,
sous les ordres du caïd, d'assurer la sécurité de son territoire, de
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porter à la connaissance de ses administrés les lois, décrets et
règlements, d'arrêter les auteurs de délits, de faire les enquêtes et de
percevoir les impôts. Le cheikh n'a pas d'attributions judiciaires.
C'est seulement un agent administratif spécialement chargé de la
police du territoire. Mais il n'a ni un pouvoir judiciaire, ni le droit de
mettre ses administrés en prison.

1.3 Les Khalifats
Ce rouage intermédiaire n'a pas une grande importance. Le Khalifat
n'est qu'un représentant du
caïd. Il est choisi par le caïd lui-même,
rétribué par lui, placé sous son entière direction et n'a, dès lors,
aucune attribution légale. Le décret de 1880 décida qu'il ne pourrait
plus être nommé que par le Bey. Sa principale mission est d'assurer
la police de sa circonscription territoriale. Il n'a ni attributions
judiciaires, ni attributions financières. Les
caïdats de moyenne
importance n'ont qu'un
khalifa ; les gros caïdats peuvent en avoir
jusqu'à cinq.

2.- Découpage administratif colonial et développement d’un
maillage territorial plus complexe

En plus de l’héritage de la période précédente, l’architecture
territoriale coloniale a ajouté une organisation parallèle fondée d’une
part sur le « contrôle civil » et d’autre part sur les communes.

2.1 L’institution du « contrôle civil»
Une nouvelle circonscription, à savoir le « contrôle civil », a été créé
et placée sous la responsabilité d'un
"contrôleur civil". La logique de
ce nouveau découpage colonial
impératifs
essentiellement d’ordre économique, mais aussi d’ordre sécuritaire
et militaire.
répondait à des
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Le territoire des «contrôles civils» comprend toute la Tunisie, à
l'exception du territoire de l'extrême-sud soumis à la surveillance de
l'autorité militaire. Les circonscriptions de contrôle civil sont créées
par décret. Elles sont au nombre de treize, puis se sont stabilisées à
20 contrôles civiles en plus des 3 territoires militaires.

Fig. 1 : L’organisation administrative coloniale
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2.2 La réforme des caïdats et des cheikhas
Après l'établissement du Protectorat, le nombre des caïdats a été
réduit à 36 en 1887 (Ben Rebah, 2008), la ville de Tunis jouit d'une
organisation spéciale. Tous les
caïdats non territoriaux, (sauf un,
celui des
Barrania1) ont été supprimés, et leurs ressortissants
rattachés aux circonscriptions sur lesquelles ils résidaient. Quelques
caïdats dont l'étendue était excessive, en particulier le Sahel et
l'Arad, ont été morcelés ou réduits (Anterrieu, Berge, Boulle, 1899).
Bien des
caïdats ou des cheikhas représentaient des démembrements
de tribus ou de fractions, ou surtout des assemblages, des agrégats de
fractions et de tribus. Une modification est également introduite dans
l'institution même des
caïds et des cheikhs. Mais le principe de la
désignation par les notables a été maintenu pour deux raisons
principales. La première c’est que les notables qui ont participé à
l'élection et signé l'acte sont solidairement responsables de la gestion
pécuniaire du
cheikh, et surtout directement intéressés à sa bonne
gestion administrative. La seconde raison est d’ordre politique.
Ainsi, l'autorité gouvernementale sera toujours bien mieux respectée
dans une fraction, si elle y est représentée par un homme de la
fraction désigné par elle, que si elle y est représentée par un étranger
(Anterrieu, Berge, Boulle, 1899).

Les kahias:
Ce corps a été créé par le décret du 4 juillet 1912. Le Kahia était appelé
à « remplir sous l’autorité du caïd, les même fonctions administratives et
judiciaires que ce dernier, dans une partie déterminée du caïdat » (article
3, aliénas 1 du décret du 31 mai 1937).

1 Les barrania sont les habitants non originaires de la ville.
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3.- L’indépendance du pays et la refonte du maillage administratif :
Après l’indépendance, le choix d’une organisation centralisée visait à
l’édification de l’État-nation. L’architecture territoriale a été modifiée
avec une organisation du territoire national à trois niveaux
2 : les
gouvernorats régionaux au nombre de 14 ont remplacé les 20 contrôles
civils, les délégations (au nombre de 97) ont pris la place des 37
caïdats
et enfin, les imadats (ou secteurs) dont le nombre s’élève à 743 ont
remplacé les
cheikhas (en 1969).
Cette nouvelle architecture a permis d’assurer la fourniture des
équipements et des services publics au niveau de tous les gouvernorats
(Hayder, 2006) et devait répondre à une logique éminemment politique,
à savoir affiner la maille administrative pour renforcer le contrôle
territorial et mieux assurer, au nom du combat contre les manifestations
du tribalisme et du régionalisme, l’autorité et la légitimité du pouvoir de
l’Etat, notamment en Tunisie centrale et méridionale. C’est que ce
dernier a été en permanence contesté par les tribus du Centre et du Sud
du pays, tribus qui, aux yeux du Président de l’époque, Habib
Bourguiba, incarnaient des valeurs qui constituaient un danger de
premier ordre pour l’unité nationale : «
Ce dont j’ai le plus peur, c’est
que les anciennes luttes tribales renaissent et que revienne la lutte qui
était dominante entre les villes et certaines campagnes […]. Ces luttes
ont été la cause de notre faiblesse et de notre retard dans le passé et ce
sont elles qui ont attiré le colonialisme
»3.
Cette nouvelle organisation territoriale centralisée est largement inspirée
de l’expérience vécue lors de la période coloniale. Elle a connu une
certaine stabilité malgré les ajustements effectués à partir de 1973. En
effet, c’est à partir de cette année seulement qu’une réorganisation
administrative, dont l’un des objectifs était de renforcer les structures du
contrôle territorial et des populations, a abouti à la création de
2 Décret du 21 juin 1956 portant organisation administrative du royaume.
3 Ce discours a été prononcé au Bardo le 19 mars 1975. Il se situe,
chronologiquement, peu après la décision de créer le gouvernorat de Sid Bouzid.
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tribaux4,
cinqgouvernorats (Sidi Bouzid en 1973, Siliana, Mahdia et Monastir en
1974 et Zaghouan en 1976). Puis ce nombre a atteint 19 en 1976, 21 en
1981, 23 en 1983 et 24 à partir de 2000.
Dans cette
les
logique d’affaiblissement des groupes
gouvernorats créés ont été constitués en regroupant dans la même entité
des fractions des différentes tribus installées de longue date – tribus
puissantes, mais historiquement en conflit les unes avec les autres.
A titre d’exemple, pour le gouvernorat de Sidi Bouzid, le groupe
dominant est constitué par les fractions appartenant à la tribu des
Hmemma (Aouled Aziz à Meknesi et Aouled Radhouan à Sidi Bouzid). Il
leur fut accolé des
Jlas (principalement installés dans la délégation
d’Aouled Haffouz, antérieurement rattachée au gouvernorat de Kairouan),
des
Frachich (délégation de Sabelet Aouled Askar) et des Majer
(délégation de Jelma qui, comme la précédente, était rattachée au
gouvernorat de Kasserine), ainsi que des
Aouled Sidi Mhadheb,
concentrés dans la délégation de Mezzouna retirée au gouvernorat de Sfax
pour être intégrée dans celui de Sidi Bouzid (Ben Jelloul, 2014).
Ainsi a été concrétisée la volonté de faire en sorte qu’aucun gouvernorat
ne puisse être assimilé au territoire d’une seule tribu, tandis qu’en faisant
éclater plusieurs tribus, réputées belliqueuses, en groupes inégaux qu’on
réunissait «artificiellement» dans un même espace administratif, on
fournissait au pouvoir central la possibilité de mieux affirmer son autorité.
En 2011, le territoire tunisien est administrativement divisé en 24
gouvernorats, eux-mêmes partagés en 264 délégations et 2073 secteurs ou
imadats. Ce mode de découpage qui vise un contrôle politique rigoureux
du territoire national a eu comme conséquence l’apparition d’une
opposition entre les régions littorales et celles de l’intérieur.
Ainsi, le maillage adopté a offert un cadre favorable à l’injustice:
concentrer sur un territoire « les avantages de la coopération sociale et
exporter hors de ce territoire les charges de la coopération sociale. Ce
4 Logique mise en œuvre dès les premiers découpages administratifs post-
indépendance, particulièrement à l’échelle des délégations et des
cheïkhats de
l’époque
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constat débouche sur une hypothèse : dans un espace hétérogène, plus
le maillage est fin, plus le risque est grand d’injustices territoriales »
(Bret, 2009).
Cette organisation administrative sera remise en cause et modifiée suite
à l’adoption de la nouvelle constitution de 2014 qui a instauré une
nouvelle conception de la régionalisation et du développement régional.
Elle consacre des notions nouvelles telles que pouvoir local et régional,
élections de conseils, libre administration, etc.

II / De la Région économique à la Région institutionnelle
La régionalisation se traduit par le terme région qui exprime, selon les cas
et en fonction de l’importance des revendications qui lui ont donné
naissance, soit une structure administrative déconcentrée se superposant à
une structure territoriale constante (wilaya, gouvernorat, département) soit
une structure décentralisée adoptant la forme de l’établissement public ou
de l’établissement public territorial (Tekari, 1985).
La question de la régionalisation a été posée par les pouvoirs publics en
Tunisie, afin de résoudre le problème du déséquilibre entre les différents
gouvernorats, notamment ceux situés sur le littoral et ceux de l’intérieur
du pays. C’est la raison pour laquelle les autorités publiques ont décidé de
créer les régions économiques dès le début des années 1980.
La primauté de la ville de Tunis et la littoralisation représentent le trait le
plus marquant de l’organisation spatiale de la Tunisie, depuis
l’indépendance (Signoles, 1985, Belhedi, 1992, Dlala, 1999). Cette
situation, due entre autres au modèle de développement extraverti hérité
de la période coloniale, a entraîné des disparités spatiales au niveau du
développement économique. En conséquence, les clivages régionaux
n’ont cessé de se creuser (Belhedi, 1997, 1999), notamment après
l’adoption, dès les années 1970, d’un modèle de développement qui
repose sur la libéralisation et l’ouverture économique, et par la suite, à
partir de la fin des années 1980, lorsque le pays s’est engagé dans une
politique de privatisation et de libre échange.
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Fig. 2 : Maillage administratif en Tunisie en 2014
Cette réalité a fait de la décentralisation et de l’équité spatiale, et durant
des décennies, les éléments clefs des discours et des politiques
d’aménagement du territoire et de développement, (Ben Rebah, 2008)
considérant ainsi l’équilibre régional comme une priorité, voire parfois un
défi pour le pouvoir politique. Cette question régionale apparue
concrètement dans le VI
ème plan de développement (1977-1981) (Belhedi,
1989), s’est traduite, plus tard, par la mise en place de Schémas Directeurs
Régionaux d’Aménagement.

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1.- La mise en place d’une politique de décentralisation et
de régionalisation

En Tunisie, les premières tentatives de régionalisation trouvent leurs
origines dans le décret beylical du 13 juillet 1922 et la définition de cinq
Régions économiques
5 qui se sont superposées à la structure territoriale de
l’époque, à savoir les contrôles civils, les
caïdats et les régions militaires
(Tekari, 1985).
Ce n’est qu’après l’indépendance du pays qu’un début de politique de
décentralisation va voir le jour. En effet, selon la Constitution de 1959,
la Tunisie est un État unitaire décentralisé. A cet effet, la régionalisation
s’appuie sur le conseil du gouvernorat (créé en 1963) alors que les
collectivités territoriales décentralisées sont les municipalités et les
gouvernorats. Mais la logique de l’Etat centralisateur explique, en
quelque sorte, le choix de ne pas créer de régions pouvant rivaliser avec
le centre. En effet, la Région, en tant que maille territoriale bien définie,
n’est pas encore une réalité dans la mosaïque territoriale tunisienne
(Belhedi, 1982, 1999).
En fait, une réforme régionale n’a jamais été vraiment entreprise et la
régionalisation des pouvoirs est une notion assez creuse. Pour autant, des
conseils régionaux ont été institués, au niveau de chaque gouvernoratavec
des compétences renforcées, en remplacement des conseils de
gouvernorat (décret du 24 mars 1989). Ils sont présidés par les
gouverneurs et constitués de membres qui, pour les uns, sont élus (les
présidents des communes, les députés) et pour les autres, les présidents
des conseils ruraux, par exemple, sont nommés par les gouverneurs (Ben
Jelloul, 2014).
5 Pour ces régions, Lucien Saint, Résident Général de France en Tunisie (du
1
er janvier 1921 au 2 janvier 1929) a procédé à la création des conseils de
régions qui sont composés de Français et Tunisiens et investis d’un rôle
consultatif dans les matières économiques. Ils sont chargés de répartir certains
subsides entre les différentes composantes régionales et locales, au niveau des
caïdats et des municipalités.
13



Page 15
les
réaliserdans
quel’autoritécentralelerequiertpour
Le conseil régional qui gère la collectivité décentralisée, à savoir le
gouvernorat, ne bénéficie que d’un nombre limité de compétences.
L’article 2 de la loi organique n°89-11 du 4 février 1989, relative aux
conseils régionaux, stipule que « Le conseil régional examine toutes les
questions intéressant le gouvernorat dans les domaines économiques,
sociaux et culturels ». Il est chargé notamment de:
l’élaboration du Plan Régional de Développement qui doit s’intégrer dans
le cadre du Plan National de Développement Economique et Social.
- l’élaboration des Plans d’Aménagement du Territoire hors des
périmètres communaux et l’examen du Plan Directeur d’Urbanisme du
gouvernorat.
- donner son avis surles programmeset projets quel’État ou les
legouvernorat
établissementspublicsenvisagentde
chaquefois
questions
quiintéressentle gouvernorat.
- arrêterles différents programmes régionaux de développement et
veiller à leurréalisation.
- veilleràlaréalisation desprojets régionaux arrêtéspar lesdépartements
ministérielsintéressés,après avisduconseil
régional.Le caractère
régional de cesprojetsestfixépardécret.
- lacoordination entreles programmesrégionauxet les programmes
nationauxquiintéressentlegouvernorat, ainsiquelesprogrammes des
communesdugouvernorat.
-
réalisationdes projetscommunsentre elles.
Le conseil régional est présidé par le gouverneur qui est nommé par
le Président de la République. Il est, d’une part, le représentant direct
de l’Etat dans sa région et d’autre part, il est responsable de
l’administration générale du gouvernorat qui est une autorité
déconcentrée du Ministère de l’Intérieur. De part cette responsabilité,
sa compétence n’est pas limitée à un ensemble de missions
déterminées et ponctuelles.
Le gouverneur, en tant que chef d’une administration territoriale
déconcentrée, exerce par délégation les pouvoirs des différents
14
développerlacoopérationentrelescommunesetveiller
la
à
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l’information sur
membres du gouvernement, selon une
liste de compétences
spécifiques et selon des étendues et des conditions fixées au
préalable. Il est tenu de suivre les directives et ordres que lui donnent
les ministres, dans le cadre de leur prérogatives. Quant aux services
extérieurs,
le gouverneur exerce un pouvoir d’injonction et
d’appréciation de l’activité des chefs des services extérieurs et use de
son droit à
leurs activités (Ministère de
l’Equipement, AFD, 2012).
Ainsi, le rôle du gouverneur et ses prérogatives ont été renforcées suite à
la promulgation du décret du 24 mars 1989. Le gouverneur est devenu
l’ordonnateur du conseil régional et le coordinateur du développement
régional. Il assure la mise en œuvre de la politique de développement à
l’échelle du gouvernorat et se charge de la préparation des programmes
de développement économique et social qui doivent guider les actions
sectorielles en matière d’infrastructures, d’équipements publics et
d’habitat (Ben Jelloul, 2014).
En somme, on peut dire que le mode de déconcentration tel qu’il
était appliqué en Tunisie est d’une part, une déconcentration du
pouvoir administratif central et d’autre part, un modèle de
concentration du pouvoir administratif territorial de l’Etat, entre les
mains d’une seule personne incarnée par le gouverneur. «Il s’agit de
la forme de déconcentration la plus faible, puisque le transfert de
compétences n’a lieu qu’à l’intérieur de la hiérarchie de l’Etat
central. Sur cette base, le processus de déconcentration est une
décentralisation tronquée, puisque les institutions déconcentrées
œuvrent sous le contrôle direct des institutions centralisées et sont
politiquement, administrativement et financièrement dépendantes des
décisions centrales » (Ministère de l’Equipement, AFD, 2012).
L’insuffisance des ressources financières dont disposent
les
gouvernorats explique cette forme de déconcentration considérée
comme la plus faible. En effet, les transferts de l’Etat demeurent les
principales recettes des gouvernorats de telle sorte que les finances
régionales demeurent sous son contrôle étroit et dans certains cas
discrétionnaires. Cette volonté de laisser les gouvernorats sous le
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contrôle économique du centre, malgré un discours officiel sur la
gouvernance locale et le développement régional, reflète une
politique qui n’a jamais accepté l’existence d’un pouvoir régional et
local et n’a jamais admis l’existence même de la région.
2.- La naissance de la Région économique ou les prémisses
de la régionalisation

Il s’agit d’un découpage
La Région économique n’a pas d’existence institutionnelle mais elle
figure dans plusieurs découpages adoptés par certains organismes
publics.
fonctionnel permettant à
l’administration centrale de définir, à cette échelle, des politiques de
territoire. La Région
développement et d’aménagement du
économique est ainsi construite par l’agrégation d’un ensemble de
gouvernorats contigus. Ce découpage est fondé sur des impératifs de
cohérence de l’aménagement du territoire, à cette échelle (Ministère
de l’Equipement, DGAT, 2007).
La Région économique résulte en fait, d’un découpage administratif pour
les besoins de la planification - donc de la production des statistiques
économiques et démographiques et de la maîtrise politique du territoire-,
plutôt que d’une rigoureuse différentiation géographique et naturelle de
l’espace (MEHAT, Horizon consulting, 2010, p8). Pour chaque région, un
schéma directeur d’aménagement devait définir le cadre de cohérence de
toute intervention dans l’espace.
Un premier découpage en Régions a été proposé, lors des années 1970,
par la Direction de l’Aménagement du Territoire (DAT). Il organise le
territoire national en 5 grandes Régions (Belhedi, 1997, p. 112) : Tunis et
le Cap Bon, le Sud, le Centre et le Nord-Ouest. Le deuxième découpage a
adopté le principe des régions d’aménagement. Il a été adopté en 1985 par
le premier Schéma National d’Aménagement du Territoire (SNAT)
distinguant six Régions d’aménagement, chacune devant être dotée d’un
Schéma Régional d’Aménagement du Territoire (SRAT). Enfin, un
troisième découpage s’est basé sur les Régions économiques, à la suite de
16


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l’approbation du Schéma Directeur d’Aménagement du Territoire
(SDATN) en 2004 qui l’a doté d’un Schéma Régional SDARE.

3.- Les nouvelles orientations politiques et la naissance de la
Région institutionnelle après la révolution du 14 janvier 2011

Le nouveau contexte politique, après la révolution de 2011, a permis
une prise de conscience en ce qui concerne les questions du
développement régional et de la gouvernance territoriale. La création
du Ministère du Développement Régional dans
le premier
gouvernement transitoire confirme cet intérêt. Le nouveau cadre
institutionnel mis en œuvre par la nouvelle Constitution a accordé
une place plus importante aux collectivités territoriales avec la
création, pour la première fois, de la Région en tant que collectivité
territoriale. Une nouvelle vision de la gestion et de la gouvernance du
territoire national est instituée, afin de réduire les déséquilibres entre
les régions et permettre aux collectivités locales de gérer directement
leurs territoires.

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Fig.3 : Les ensembles régionaux selonl’étude « Villes et
développement » (1973)

Fig. 4 :
les six Régions selon
d’Aménagement du Territoire de 1985

le Schéma National
Ainsi, la décentralisation est placée au premier plan des réformes
concernant le système politique tunisien. La recherche d’une
nouvelle «gouvernance territoriale» devrait être un des premiers
chantiers institutionnels de la Seconde République.
La problématique qui se pose, c’est comment concrétiser cette
nouvelle orientation pour la régionalisation, en garantissant l’unité et
l’intégrité du territoire national sans tomber dans le régionalisme
destructeur? Quel type de découpage faut-il adopter pour les
nouvelles Régions?
18



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3.1 Les dispositions de la Constitution de 2014 en matière de
régionalisation et de décentralisation

élus
demanièreindirecte
La nouvelleConstitutionde2014consacre pour la première fois le
concept de région et leprincipe de l’élection desconseils régionaux.
Deux types de conseils sont à distinguer : les conseils régionaux (au
niveau des gouvernorats) qui seront élus au suffrage direct et les
conseils de districts
6 (au niveau des nouvelles grandes Régions) qui
par
seront
lesmembresdesconseilsmunicipauxet régionaux (Ben Jelloul, 2015).
Le chapitre VII, intitulé «du pouvoir local», organise la question des
collectivités territoriales. Il comprend les articles 131 à 142 et consacre
les principes de l’élection des conseils municipaux et régionaux (article
133), de la personnalité juridique, de l’autonomie financière et
administrative des collectivités publiques (article 132) ainsi que de la
libre administration (article 132). Par ailleurs, le texte consacre
l’existence de compétences propres pour les collectivités publiques, de
compétences conjointes avec
le pouvoir central ainsi que de
compétencestransféréespar cedernier (article 134).
le
Dans
gouvernorat est le niveau juste en-dessous du district. Le conseil régional
y afférant sera élu directement par les habitants et présidé par un élu. En
ce qui concerne le district, cette division territoriale non encore mise en
place est à créer. Son conseil sera élu au suffrage indirect par les élus des
conseils municipaux et ceux des conseils des gouvernorats.
Le principe de discrimination positive au profit des régions
défavorisées a été adopté par la nouvelle constitution. En effet,
l’article 12 stipule que «l’Etat œuvre à la réalisation de la justice
sociale, du développement durable, de l’équilibre entre les régions,
en se référant aux indicateurs de développement et en s’appuyant sur
le principe de discrimination positive» (Ben Jelloul, 2015).
la nouvelle architecture de
l’administration
territoriale,
6 Le terme « district » est utilisé ici pour parler de la « région » en tant qu’entité
se situant entre le niveau national et le gouvernorat.
19


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3.2 La future "Région" tunisienne les difficultés de la
conceptionet les contraintes de sa mise en œuvre

Afin de garantir la réussite de la nouvelle expérience de la
régionalisation une réflexion approfondie et un débat élargi (entre les
différents acteurs et à tous les niveaux) s’imposent. Cette réflexion et
ce débat devraient prendre trois obstacles majeurs que confronte la
création des régions.
- Le premier est relatif à l’existence d’un système urbain inadéquat.
Ce système se caractérise d’une part, par l’hégémonie de Tunis sur
l’ensemble du territoire national et d’autre part, par la rareté des
métropoles régionales, autour desquelles peuvent naître et se
développer des régions équilibrées. En effet, les seules métropoles
régionales existantes mais incomplètes et qui peuvent jouer ce rôle
sont Sousse et Sfax. Aucune autre ville ne peut jouer le rôle de
capitale régionale, et c’est là une première difficulté de taille,
notamment pour les gouvernorats de l’Ouest et du Sud. Certes, ces
métropoles peuvent servir dans une première étape de pôles de
développement économiques pour les nouvelles régions. Mais est-ce
suffisant ? Dans une deuxième étape, toute une politique doit être
mise en œuvre afin de développer et de promouvoir un centre
régional pour chaque région pour qu’il puisse jouer à l’avenir le rôle
de capitale et de pôle de développement (Ben Jelloul, 2015).
- Le deuxième obstacle est relatif au clivage frappant entre, d’une part,
le littoral oriental qui concentre la plupart de la population et des
activités économiques et des richesses, et le reste du pays, d’autre
part et notamment les zones intérieures, qui accuse un déficit
flagrant, au niveau du développement et du dynamisme socio-
économique et donc une hausse du chômage et une accentuation de
la pauvreté. Cette réalité impose un découpage qui doit tenir compte
de ce clivage en couplant, dans la même région, une partie du littoral
développé et une partie des zones intérieures moins développées. La
régionalisation en tant que mode de maillage de l’espace doit
20

Page 22
permettre une canalisation des transferts des richesses au sein de
chaque région, au profit des territoires qui en ont le plus besoin, afin
de garantir plus d’isonomie (équité) territoriale. Ce modèle de
régionalisation pourra, sur le long terme, réduire ce clivage et créer
une dynamique économique et sociale dans les régions intérieures
par effets d’entraînement (Ben Jelloul, 2015).

- Le troisième obstacle est d’ordre politique. En effet, l’héritage d’un
système centralisateur déficitaire en matière de démocratie locale et
de gouvernance territoriale peut être un handicap pour la nouvelle
expérience de régionalisation et de décentralisation et ce, en retardant
sa mise en œuvre et en résistant à toute tentative de transfert d’une
partie des prérogatives du pouvoir central aux nouvelles régions.
L’expérience de certains pays, comme la France, montre la difficulté
de cette entreprise, sans compter le temps nécessaire pour que l’Etat
cède une partie de ses prérogatives aux régions.
La prise de conscience de ces obstacles impose des critères assez
souples qui faciliteront la création des nouvelles Régions:
Le premier critère à définir est relatif aux raisons qui ont imposé à la
Constituante de créer des Régions. En effet, le déséquilibre régional
est l’élément principal qui a guidé ce choix. Le principe de
discrimination positive en faveur des régions pauvres est l’outil
consacré par la Constitution pour remédier à ce déséquilibre. Cet
objectif essentiellement d’ordre social et politique car il s’agit de
renforcer les capacités et développer les compétences, impose une
régionalisation de type «région-plan» ou «région-programme». Il
s’agit d’une région où on décide un aménagement volontaire du
territoire ou un programme de développement régional, du fait de la
ressemblance des problèmes et de leurs solutions (Belhedi, 1997).
Le deuxième critère de définition des nouvelles régions est relatif à
l’existence d’une dynamique économique permettant une relative
autonomie de la Région, notamment pour les principaux services
(santé, enseignement supérieur, activités tertiaires rares…) et
fonctions (administration…). Ces différents services et activités
21
Page 23
d’encadrement doivent se localiser dans une métropole régionale
assez puissante et accessible, grâce à un réseau d’infrastructures
modernes.
3.3 La future Région tunisienne : les scénarios de mise en œuvre
Les rares propositions d’un nouveau découpage régional après le 14
janvier 2011 ont fait l’objet de deux publications: la première
concerne « Le Livre Blanc » du ministère du Développement
régional et de la planification qui a plaidé en faveur de régions
associant littoral et intérieur sous la forme de bandes
7. La deuxième,
est celle de l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques qui a présenté,
en 2014, une autre vision de la régionalisation tout en maintenant le
même principe de couplage entre zones littorales et intérieures
8. Les
études ont proposé un découpage en cinq Régions. Le débat a été
enrichi par les géographes, notamment par la contribution de Amor
Belhedi qui a étudié cette question depuis les années quatre vingt dix
(Belhedi, 1999).
Le modèle de régionalisation, tel que proposé par les différentes
études, se fonde sur le principe de réparation en réorganisant le
territoire dans le sens de plus d’équité. Dans ce nouveau processus,
l’Etat se positionne comme producteur de justice en agissant sur les
lieux avec la territorialisation des politiques publiques.
La principale critique à émettre vis-à-vis de la proposition de
découpage du Livre Blanc c’est d’avoir isolé d’une part, la métropole
Tunis par rapport à la région du Nord en faisant d’elle une région à
part, alors que toutes les études confirment l’interdépendance des
différents gouvernorats du Nord avec la capitale qui polarise cet
espace et l’influence profondément. D’autre part, elle détache
7Ministère du Développement Régional et de la Planification, 2011 Le livre
Blanc. 218p.
8 Institut Tunisien des Etudes Stratégiques, 2014: Quelle décentralisation dans
une Tunisie reconfigurée?
22



Page 24
Mahdia du Sahel qui représente son espace historique, et l’intègre
avec Sfax, Sidi Bouzid et Gafsa, des gouvernorats dont elle est
faiblement liée (au niveau économique et social).
Quant à la proposition de l’ITES, elle pose beaucoup plus de
problème étant donné que le découpage proposé ne tient pas compte
de l’histoire et des relations historiques entre les gouvernorats. Ainsi,
le Cap Bon est intégré dans la région du Sahel et Kairouan alors que
ses liens avec la métropole Tunis sont très étroits et à tous les
niveaux. Le Grand Tunis avec Zaghouan constitue une région à part
dans ce découpage alors que le Nord Ouest constitue avec Bizerte
une autre région. Cette séparation entre ces deux entités n’a aucun
sens étant donné la forte influence de Tunis sur tout le nord et
l’incapacité de faire fonctionner cet espace en dehors de la
domination de la capitale.
En conséquence, le scénario que nous proposons tient compte des
flux de relations entre les gouvernorats et des migrations, du
phénomène de polarisation de l’espace et de la métropolisation. Le
découpage que nous proposons retient quatre régions, dont une sans
métropole régionale et donc se situant dans l’interdépendance de
métropoles extrarégionales.
Le choix d’un maillage réduit, avec un couplage entre zones
littorales et intérieures pour les nouvelles régions, permettra
d’atténuer les disparités entre les régions et d’amoindrir le risque de
voir certaines régions favorisées par la concentration d’activités
économiques diversifiées (cas du Nord-Est et du Centre-Est dans
l’ancien découpage des régions économiques ou d’aménagement),
alors que d’autres seront privées de ces activités (cas des régions du
Nord-Ouest ou du Centre-Ouest).
Ce modèle d’intégration territoriale entre littoral et intérieur accroîtra
la solidarité entre les gouvernorats et permettra d’atténuer, même à la
marge,
territoriale. Les capitales des gouvernorats
frontaliers les plus déshérités (Jendouba, Kasserine, Gafsa et
Médenine) pourront abriter les sièges des conseils régionaux et
toutes les nouvelles administrations régionales. Les capitales des
23
l’iniquité
Page 25
gouvernorats médinas (Béja, Kairouan, Sidi Bouzid et Kebili)
pourront abriter les sièges des préfectures de régions.
Le modèle que nous proposons distingue, dans une première étape,
quatre régions et une sous région (Bizerte et Nord Ouest) qui
pourraient évoluer dans l’avenir et devenir une région autonome. Il
s’agit des régions suivantes:
La Région du Nord : Il s’agit de la région la plus importante du pays
étant donné qu’elle abrite la capitale nationale et 10 gouvernorats. Sa
population s’élève à 5,3 millions d’habitants, soit 48,69% de la
population totale (INS, 2015). La superficie est de l’ordre de 28 267
km², soit 18,3% de la superficie totale du pays. Dans cette région, les
gouvernorats du Nord Ouest affichent un solde migratoire négatif de
9.429 lors de la dernière décennie (INS, 2015) en face du grand
Tunis qui a un bilan positif de 6.872. La ville de Tunis est, en même
temps, une métropole nationale et régionale qui rayonne directement
sur les zones les moins avancées de la région.
24

















Page 26
Fig. 5 : Les régions de développements
25




Page 27
La ville de Jendouba, appartenant au gouvernorat le plus pauvre, est
proposée pour devenir la capitale de la région. La ville de Béja est
proposée pour être une capitale secondaire, vue sa position
géographique favorable par rapport au reste des chefs-lieux des
gouvernorats de la région. Lorsque la politique de décentralisation
donnera des résultats et permettra de développer les gouvernorats du
Nord Ouest, la région du Nord devra, dans une prochaine étape, se
scinder en deux, donnant naissance à une nouvelle région qui pourra se
composer des quatre gouvernorats du Nord Ouest et de Bizerte.
Jendouba gardera alors le statut de capitale régionale et Bizerte jouera le
rôle de métropole régionale.
La Région du Sahel-Kairouan-Kasserine : Il s’agit d’une région
multipolaire où la métropole régionale s’appuie sur quatre villes chefs-
lieux de gouvernorat (Kairouan, Monastir, Mahdia et Kasserine) et un
grand nombre de villes petites et moyennes.
La population de cette région, composée de cinq gouvernorats, est de
2,705 millions d’habitants, ce qui représente un peu moins du quart de la
population totale (24,6%). Sa superficie est de l’ordre de 22 124 km²,
soit 14,3% de la superficie totale.
Le bilan migratoire de Kasserine et Kairouan est négatif avec 9.388
départs face à Sousse-Monastir qui ont accueillis 4.211 migrants, soit près
de la moitié du flux. La ville de Sousse qui s’appuie sur un réseau
hiérarchisé de centres urbains servira de métropole régionale et sera le
pôle de développement qui rayonnera sur toute la région. La ville de
Kasserine est proposée comme la capitale de la Région, alors que
Kairouan, avec sa position médiane dans cette région et son héritage
historique, reprendra sa fonction de capitale politique et abritera le siège
de la préfecture de Région. Un remaniement partiel du maillage
administratif actuel permettra de rattacher les deux délégations de Jelma et
Sabelet Aouled Askar du gouvernorat de Sidi Bouzid à leur gouvernorat
d’origine, à savoir le gouvernorat de Kasserine. Le but de ce remaniement
est d’établir une contiguïté entre les deux gouvernorats de Kasserine et
26
Page 28
Kairouan, inexistante actuellement, et de permettre une cohérence au
niveau de cette région.
La région de Sfax–Sidi Bouzid–Gafsa–Tozeur : Sa population est de
l’ordre de 1 769 955 habitants, soit 16,11% de la population totale alors
que sa superficie couvre 26 510 km², soit 17,1% de la surface du pays.
Ici, les trois gouvernorats de l’intérieur ont perdu 6.780 personnes alors
que Sfax n’a pu accueillir que 500 ce qui démontre la situation de crise
que vie cette région. Enfin, il s’agit d’une région multipolaire avec Sfax
comme métropole régionale, Gafsa comme capitale de région et Sidi
Bouzid comme capitale secondaire et siège de la préfecture de région.
Son économie est diversifiée avec le développement de l’activité
agricole, notamment à Sidi Bouzid, l’activité minière à Gafsa, l’activité
industrielle et tertiaire à Sfax et l’activité touristique à Tozeur.
La Région du Gabes–Médenine–Kebili–Tataouine : Elle comprend les
gouvernorats de Gabes, Kebili, Médenine et Tataouine et compte 1 160
234 habitants, ce qui représente 10,56% de la population totale, alors
que sa surface dépasse 77 521km². Il s’agit de la Région la plus
étendue du pays qui occupe la moitié du territoire nationale (50,2%)
mais dont plus de la moitié de la surface est considérée comme
désertique. Cette Région est dépourvue de métropole régionale ce qui la
place dans l’interdépendance de Tunis, notamment en ce qui concerne
l’infrastructure universitaire de santé et le tertiaire supérieur. Gabes qui
se trouve à la tête de la hiérarchie urbaine peut se positionner dans
l’avenir comme métropole régionale. Médenine est proposée comme
capitale de la Région et Kebili comme capitale secondaire. La position
géographique de cette Région lui permet de jouer un rôle accru dans le
contrôle du territoire, notamment frontalier. L’économie régionale est
diversifiée (tourisme à Médenine, industrie à Gabes, agriculture dans les
oasis). Mais la faiblesse du secteur tertiaire supérieur et l’inexistence
d’une infrastructure universitaire de santé sont deux problèmes à
résoudre d’urgence par les pouvoirs publics, afin de favoriser
l’émergence d’une métropole régionale.

27

Page 29
Conclusion
La stabilité de l’organisation administrative du pays entre 1956 et
2014, malgré les ajustements opérés à plusieurs reprises, par la
création de nouvelles entités (gouvernorats, délégations) a permis
d’organiser la vie économique et sociale alors que certains
gouvernorats et délégations créées après 1973 n’avaient aucune
histoire, ni lien social. Les mailles territoriales qui initialement
pouvaient passer pour « abstraites » ont eu le temps de devenir des
réalités sociales et politiques concrètes, dans l’esprit des habitants et
des administrateurs (Ben Rabah, 2008). Le pouvoir politique a réussi,
grâce à ce modèle de maillage administratif et découpage régional, à
contrôler la population, à exercer ses compétences sur le territoire
national et à assurer sa sécurité. Cependant, ce découpage qui devait
correspondre aux orientations d’aménagement et de planification
économique n’a pas réussi à atténuer le déséquilibre territorial et le
clivage entre le littoral et l’intérieur. Au contraire, ce clivage a été
accentué et a été l’une des causes majeures des mouvements sociaux
qui ont marqué le pays depuis une dizaine d’années.

Le nouveau découpage régional tel que proposé par l’ITES ou par le
Ministère du Développement Régional, ou celui que nous avons
proposé et qui repose sur le principe de couplage entre zone littorale
et zones intérieures reproduira en fait, au sein de chaque région, les
mêmes disparités existantes entre zones
littorales et zones
intérieures. Cette disparité ne pourra être atténuée que par une action
de fond, notamment au niveau des infrastructures routières et
autoroutières, des grands équipements et par le développement des
principaux centres urbains des gouvernorats de l’intérieur dans le
cadre d’une nouvelle politique d’aménagement du territoire en
rupture avec le modèle de gouvernance territoriale suivie jusqu'à
maintenant en donnant plus de pouvoir, de moyens et de
compétences aux organismes régionaux et aux collectivités locales.
28


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30







Page 32
Université de Tunis
Faculté des Sciences Humaines et Sociales
Unité de Recherche Régionalisation et
Développement Régional et Urbain
LES DECOUPAGES
TERRITORIAUX
Actes du colloque de l’UR
(12-14 novembre 2015)
Textes réunis et publiés par
Adnane HAYDER
Mohamed CHERIF
Tunis 2018
31







Page 33
Livre: Les Découpages Territoriaux
Auteur: Adnane Hayder et Mohamed Cherif
Editeur: faculté des sciences humaines et sociales de Tunis
ISBN: 978-9973-069-85-6
Tel: +216 54190935
E-mail: Almasira.tunis@gmail.com
32















Page 34
Comité scientifique
Abdelkrim Daoud
Abdelkrim Salem
Adnane Hayder
Ali Bennasr
Amor Belhedi
Mohamed Raouf Karray
Mongi Bourgou
Mourad Ben Jelloul
Seddik Fazaï
Ridha Lamine
Salah Bouchemal
Salah Eddine Cherrad
Salah Zeraib
33



Page 35
Comité d'organisation
Adnane Hayder
Faouzi Zarai
Habib Ben Gharbia
Mohamed Chérif (coordinateur)
Mourad Ben Jelloul
Naïma Lachtar
Najet Hamzaoui Oueslati
Seddik Fazaï
34









Page 36
SOMMAIRE
Introduction générale.........................................................................15
Adnane Hayder
AXE PREMIER
LE DECOUPAGE TERRITORIAL DE LA
TUNISIE

Régionalisation et découpage territorial en Tunisie : de la gestion
centralisée à la gouvernance territoriale............................................29

Mourad Ben Jelloul
)
ةيضنرفلاب

ةيبارتلا ةمكوحلا ىلإ يسكرلما فرصتلا نم
)
طنوث يف يبارتلا ميضلتلاو ةملكالأ
Découpage territorial et système public de soins de santé en Tunisie:
Cadre général et le cas du District de Tunis...............................59
Najet Hamzaoui Oueslati
)
ةيضنرفلاب
(
م طنوث
جلاعلا ةموظنمو يبارتلا ميضلتلا
Contribution au découpage des bassins hydrologiques en Tunisie à
partir d’un Modèle Numérique de Terrain.....................................87
Brahim Jaziri
ةيثلاث ةيفارغوبط جذامن للاخ نم طنوث يف ةيجولورديهلا ضاوحالأ دًدحث يف ةمهاضلما
ميلكإ لاثم ةيضنوتلا دلابلاب ةيبطلا
)
ةيضنرفلاب
داعبالأ(
35









Page 37
AXE SECONDO
LE DECOUPAGE ELECTORAL : QUELLES
SIGNIFICATIONS

Découpages territoriaux et dynamiques politiques au Sénégal.
Éléments de géographie politique à travers la carte électorale, les
comportements électorauxet le mode de scrutin.............................129
Adama Ball
نم ةيصايضلا ايفارغجلا
لاغنيضلا يف ةيصايضلا تايمانًدلاو ةيرادالإ تاميضلتلا

)
عارتكالا
ةضنرفلاب
(
ةليرطو ةيباختنالا تاصراملماو ةيباختنالا ةطراخلا للاخ
Les découpages des circonscriptions électorales : des procédures
sous contrôle ? Retour sur
française : 2008-
2015.........................................................................................145.
Bertrand Gasiglia
l'expérience
)
ةيضنرفلاب
( )
2015
-

ةيضنرفلا ثادحالأ ىؤر
2008
(
ةيباختنا رئاود ىلإ تاميضلتلا
AXE TROIS
LE DECOUPAGE TERRITORIAL DES ESPACES
RURAUX ET LOCAUX

ميلكإ يف ةيورلما ةيعارسلا تلااجلماب ميظنتلا تايوتضم و يبارتلا ميضلتلا لاكشأ روطث
.....
179
..............
............................
....
...............................................................
نطولا
يلبللا
ةيبرغ نب بيبحلا

Evolution des formes des découpages territoriaux et niveaux
d’organisationdes espacesagricoles irrigués dans la région du Cap-
Bon)en arabe)
Habibi Ben Gharbia
36






Page 38
يبونجلا لحاضلاب يعارسلا لاجلما ميضلث ةيمانًد و ةيومنتلا تاصايضلا
....
....
722
.........
..........
................
..
..........
..............
...
................................................
..
ي سنوتلا
فيرشلا محمد

Les politiques de développement et le découpage territorial de
l'espace agricole )en arabe)
Mohamed Cherif.
-
لحلما عكاولاو يفيظولا ءادالأ
ي
ةيرادالإ تاميضلتلا
الأ لابج ةلاح
شارو
:
267..
........................................................................
....
..............................................
رئاسجلا
حلاصلا بًارزا
Les découpages administratifs : fonctionnalité et réalités locales. Le
cas des Aurès (Algérie))en arabe)
Salah Zeraib
......
281.
...........
.......................
يبارتلا ميضلتلاو
ةبيكروب لزنمب ةيعوبصالأ قوضلا عاعشإ
فيرشلا ةفلأ

Le rayonnement du souk hebdomadaire de la ville de Menzel-
Bourguiba et le découpage territorial)en arabe)
Olfa Cherif
37

ّ











Page: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38