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La Constitution tunisienne à la lumière du droit et des normes internationales
Le 3 janvier 2014, presque trois ans après le départ du Président Ben Ali, l’Assemblée
nationale constituante tunisienne (ANC) a commencé à voter article par article le projet de la
nouvelle Constitution. Bien que la majorité simple était requise pour l’adoption de chaque
article, l'ANC devait approuver l'ensemble du projet à travers un vote séparé requérant une
majorité des deux tiers. Ce vote s’est tenu le dimanche 26 janvier 2014 et a donné lieu à
l’adoption de la Constitution avec 200 voix pour, 12 voix contre et 4 abstentions.
La Commission internationale des juristes (CIJ) estime que la Constitution adoptée est le
produit d'un processus représentatif et inclusif et représente une étape importante vers
l'établissement de l'état de droit et de la protection des droits de l'homme en Tunisie. Les
membres de l'ANC ont été élus en octobre 2011 à l'issue d'élections équitables et
transparentes supervisées par un organisme indépendant.
1 Tout au long du processus de
rédaction de la constitution, l'ANC a tendu la main aux diverses parties prenantes, y compris
à travers l'organisation de consultations nationales avec les organisations de la société civile.
De nombreuses recommandations formulées par ces organisations ont été prises en compte
dans le processus de rédaction et ont contribué à l'amélioration des dispositions de la
Constitution adoptée.
Au vu de ce processus, la Constitution nouvellement adoptée offre de meilleures garanties
pour défendre l’état de droit et la protection des droits de l'homme. En particulier, la nouvelle
Constitution étend les droits prévus par la Constitution de 1959. Elle reconnaît notamment le
droit à l'égalité entre les hommes et les femmes et introduit de nombreux droits économiques,
sociaux et culturels, y compris le droit à la santé (article 38), à l'éducation (article 39) et au
travail (article 40).
La Constitution prévoit également des garanties solides pour l’établissement et la mise en
œuvre de l'état de droit, notamment en opérant une séparation des pouvoirs plus équilibrée
au sein de l'exécutif et en mettant fin aux pouvoirs très étendus qui étaient concentrés dans
les mains du Président en vertu de la Constitution de 1959. Les compétences du pouvoir
législatif ont également été considérablement renforcées, notamment en reconnaissant le
rôle et les droits de l'opposition parlementaire et en prévoyant une surveillance et des
mécanismes d’enquête parlementaires.
2 La nouvelle Constitution reconnaît également
l'indépendance institutionnelle du pouvoir judiciaire et l'indépendance individuelle de ses
membres et crée un Conseil supérieur de la magistrature indépendant, chargé de superviser
la carrière des magistrats, marquant ainsi une étape importante vers la fin de l'ingérence de
l'exécutif dans les affaires judiciaires.
La nouvelle Constitution prévoit également des mécanismes importants de mise en œuvre
pour les droits de l'homme et l'état de droit, en particulier la mise en place d'une Cour
constitutionnelle qui peut examiner la conformité des lois avec la Constitution et à laquelle les
individus peuvent avoir accès.
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1 Instance Supérieure Indépendante pour les Elections, crée par le décret-loi No. 2011-27 du 18 avril
2011
2 Articles 59 et 60, Constitution de 2014
3 Article 120, Constitution de 2014
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Néanmoins, sur certains aspects essentiels, la Constitution n'est pas conforme aux normes de
droit international. En particulier, la Constitution n'affirme pas que les traités internationaux
relatifs aux droits de l'homme ratifiés par la Tunisie sont contraignants et prévalent sur le
droit interne. La CIJ recommande donc que les autorités tunisiennes prennent en compte les
lacunes de la Constitution mises en évidence dans ce document lors de l'adoption de lois
d'application des dispositions constitutionnelles et lors de la définition des politiques
publiques.
1. Définition des droits de l’homme, garanties et restrictions
Droit à la vie
La Constitution ne reconnaît pas le droit à la vie en tant que droit indérogeable, comme prévu
par l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la
Tunisie est partie. L'article 22 dispose que le droit à la vie est sacré et « il ne peut lui êt
re
porté atteinte que dans des cas extrêmes fixés par la loi ». La CIJ craint que ce langage soit
trop vague et, étant donné que les situations dans lesquelles il est possible de porter atteinte
au droit à la vie ne sont pas définies, l'article 22 risque de nuire à l’essence même de ce droit.
La CIJ appelle les autorités tunisiennes à veiller à ce que le droit à la vie soit un droit
indérogeable et, à cet effet, de prendre des mesures pour abolir la peine de mort, qui a fait
l'objet d'un moratoire
de facto en Tunisie depuis 1991. La CIJ s'oppose à la peine de mort
dans tous les cas, et la considère comme une violation du droit à la vie.
Droit de ne pas être soumis à la torture et à des peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants
L'article 23 interdit toutes formes de torture physique et psychologique et affirme que le
crime de torture est imprescriptible. Toutefois, il n'interdit pas les peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants qui ne constituent pas des actes de torture, comme l'exige
l'article 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants (CAT), à laquelle la Tunisie est partie. L'article 23 impose la
« protection de la dignité des individus et de leur intégrité physique », tandis que l'article 30
exige que les détenus soient traités avec humanité et dignité. Cependant, aucune de ces
dispositions ne comporte une interdiction générale conforme à l'article 16 du CAT. Les
autorités tunisiennes doivent donc garantir, conformément à leurs obligations en vertu du
droit international, y compris du CAT, l'interdiction de toutes peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants qui ne constituent pas des actes de torture. En outre, les autorités
tunisiennes devraient également veiller à ce qu'une nouvelle définition complète de la torture,
en pleine conformité avec l'article 1 du CAT, soit adoptée dans le Code pénal. L'article 23 de
la Constitution ne définit pas les actes de torture, permettant, par conséquence, à la
définition de torture figurant à l'article 101bis du Code pénal tunisien4 de rester en vigueur.
Toutefois cette définition ne prévoit pas la responsabilité pénale pour ceux qui approuvent ou
encouragent des actes de torture. Dans son rapport sur la Tunisie, le Rapporteur spécial sur
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a souligné « qu'il
est important d’ériger en infractions au regard du droit l’instigation ou le consentement
exprès ou tacite à la torture d’agents de la fonction publique ou d’autres personnes agissant
à titre officiel, y compris de supérieurs qui ordonnent à des subordonnés de torturer ou
4 L’article 101bis du Code pénal tunisien définit la torture comme étant « tout acte par lequel une
douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une
personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des
aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne à commis ou est soupçonnée d'avoir commis,
de l'intimider ou de faire pression sur elle ou lorsque la douleur ou les souffrances aiguës sont infligées
pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit.
»
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étouffent les faits a posteriori ». 5 En vertu du CAT, les États parties doivent veiller à ce que
non seulement les actes de torture, mais aussi les tentatives et les actes de complicité ou de
participation, constituent des infractions au regard de leur droit pénal. En outre, aucune
information obtenue par la torture ne peut être utilisée dans une procédure de n'importe
quelle nature, sauf comme élément de preuve contre la personne accusée de torture.
Egalité et non-discrimination
L'article 21 de la Constitution dispose que les hommes et les femmes ont les mêmes droits et
les mêmes obligations et qu'ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune. L'article
46 affirme en outre que « L'Etat œuvre à réaliser la parité entre la femme et l'homme dans
les conseils élus ». La CIJ salue ces dispositions et exhorte les autorités tunisiennes à
compléter la protection de l'égalité des sexes figurant à l'article 46 en définissant précisément
et interdisant la discrimination contre les femmes. Conformément à ses obligations
internationales, y compris celles découlant de la Convention sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), la Tunisie devrait légiférer pour
inclure une définition explicite de la discrimination fondée sur le sexe, comme prévu à l'article
1 de la CEDAW, et étendre la responsabilité aux acteurs publics et privés, conformément à
l'article 2(e) de la Convention.
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La CIJ craint également que selon l'article 21 de la Constitution, l'égalité devant la loi et la
non-discrimination ne soient garanties qu’aux seuls citoyens tunisiens. L'article 2(1) du PIDCP
dispose que les États parties doivent respecter et garantir les droits qui y figurent « à tous les
individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence ... sans distinction
aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique
ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute
autre situation. ». Afin de se conformer à leurs obligations en vertu du droit international, y
compris du PIDCP, les autorités tunisiennes devraient initier des réformes juridiques et
politiques visant à respecter et à garantir les droits de tous ceux qui sont soumis à la
juridiction tunisienne et préciser les motifs de discrimination interdits.
Arrestation, détention et droits à un procès équitable
Les dispositions de la Constitution relatives au droit à la liberté et au droit à un procès
équitable, en particulier les articles 27, 29 et 108, n'incluent pas les garanties spécifiques
contenues dans le PIDCP. Plus précisément, l'article 29 ne prévoit pas le droit d'être déféré
dans les plus brefs délais devant un juge ou devant un autre fonctionnaire exerçant l'autorité
judiciaire, le droit d'être jugé dans un délai raisonnable ou libéré, le droit de contester la
légalité de toute détention devant un tribunal, et le droit à une réparation en cas
d'arrestation ou de détention arbitraire, comme prévu à l'article 9 du PIDCP. Les autorités
tunisiennes doivent veiller à remédier à ces lacunes dans le code pénal et dans le code de
procédure pénale, et se conformer aux obligations imposées par le droit international,
notamment le PIDCP, en fournissant toutes les garanties relatives au droit à la liberté, à la
sécurité de la personne, et à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement
par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi.
Principe de légalité
L'article 28 prévoit que la peine est personnelle et ne peut être prononcée qu’en vertu d’un
texte de loi antérieur au fait punissable. Cependant, il ne reconnaît pas l'exception du droit
5 Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants, Mission en Tunisie, doc. A/HRC/19/61/Add.1, para. 16.
6 Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes sur la
Tunisie, doc. CEDAW/C/TUN/CO/6, para. 15.
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international au principe de non-rétroactivité de la loi pénale consacrée par l'article 15(2) du
PIDCP, selon laquelle le principe de non-rétroactivité ne peut pas être utilisé pour empêcher
le « jugement ou la condamnation de tout individu en raison d'actes ou omissions qui, au
moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels, d'après les principes généraux
de droit reconnus par l'ensemble des nations ».
7
La CIJ est préoccupée par le fait que, comme certains des crimes les plus graves au regard
du droit international, notamment des actes de torture et autres mauvais traitements, ne
sont pas adéquatement criminalisés en droit interne, la poursuite de ces crimes après le
départ du président Ben Ali a été largement insuffisante. La CIJ recommande que l'article 28
ne soit pas utilisé pour porter atteinte au jugement et à la punition des responsables des
actes ou omissions qui constituent des crimes de droit international, même si ces actes ou
omissions ne constituaient pas des crimes en droit tunisien au moment où ils ont été commis.
Les autorités tunisiennes doivent veiller à ce que les nouvelles dispositions prévoyant le
principes de légalité et de non-rétroactivité de la loi pénale ne soient pas utilisées pour
soustraire les auteurs de crimes internationaux à leur responsabilité.
Restrictions et dérogations
Une clause générale de restriction sur les droits énoncés dans la Constitution est prévue à
l'article 49. Elle prévoit que les limites pouvant être imposées à l'exercice des droits et
libertés garantis par la Constitution seront déterminées par la loi sans porter atteinte à leur
essence. En vertu du droit international, certains droits peuvent être soumis à des restrictions,
mais ces limites font elles-mêmes l’objet de définitions strictes. Les lois instituant ces
restrictions devraient veiller à ce que les droits concernés ne soient pas restreints au-delà des
limites établies par le droit international des droits de l'homme. L'article 4 (2) du PIDCP
énumère les dispositions du traité ne pouvant faire l’objet de dérogations mais le Comité des
droits de l'homme a expliqué que les autres dispositions ne sont pas pour autant susceptibles
de dérogation. L'article 80 de la Constitution énonce les conditions requises pour la
déclaration de l'état de urgence. Toutefois, il omet de préciser que certains droits et libertés
ne sont susceptibles d’aucune dérogation, même en cas d’état d'urgence. Même si un droit ne
figure pas à l'article 4 du PIDCP, cela ne signifie pas qu'il puisse faire l'objet d'une dérogation.
Au contraire, toute restriction imposée par les États Parties doivent être « strictement
requises par les exigences de la situation » et ces mesures ne doivent pas entraîner «
une
discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou
l'origine sociale
». Dans son Observation générale N° 29, le Comité des droits de l'homme a
déclaré: «
les mesures dérogeant aux dispositions du Pacte doivent avoir un caractère
exceptionnel et provisoire
».8
Primauté du droit international sur le droit interne
L'article 20 prévoit que les traités internationaux ratifiés par la Tunisie sont supérieurs aux
lois mais inférieurs à la Constitution. En vertu de cette disposition, la Constitution pourrait
être utilisée afin d'affaiblir la protection offerte par le droit international des droits de
l’homme. Cette disposition est incompatible avec l'article 27 de la Convention de Vienne sur
7 Selon l’article 15 du PIDCP “i) Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne
constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été
commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment
où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une
peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier. ii) Rien dans le présent article ne s'oppose au
jugement ou à la condamnation de tout individu en raison d'actes ou omissions qui, au moment où ils
ont été commis, étaient tenus pour criminels, d'après les principes généraux de droit reconnus par
l'ensemble des nations. »
8
l’homme, Observation Générale N°29, Etats d’urgence, Doc.
Comité des droits de
CCPR/C/21/Rev.1/Add.11, 31 août 2001, paragraphe 2
4







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le droit des traités selon lequel un État partie « ne peut invoquer les dispositions de son droit
interne comme justifiant la non-exécution d'un traité
». Comme l'a souligné le Comité des
droits de l'homme, «
si le paragraphe 2 de l’article 2 autorise les Etats parties à donner effet
aux droits reconnus dans le Pacte en suivant leur procédure constitutionnelle interne, c’est le
même principe qui joue afin d’empêcher que les Etats parties invoquent les dispositions de
leur droit constitutionnel ou autres aspects de leur droit interne pour justifier le fait qu’ils
n’ont pas exécuté les obligations découlant du Pacte ou qu’ils ne leur ont pas donné effet
».9
Afin de se conformer à leurs obligations internationales, y compris en vertu du PIDCP, les
autorités tunisiennes devraient assurer la primauté du droit international sur le droit interne
et l'applicabilité directe des traités relatifs aux droits de l'homme par des magistrats tunisiens.
La primauté de la Constitution sur le droit interne doit aussi être reconnue comme un pilier
fondamental de la protection des droits de l'homme et de l’Etat de droit.
2. Etat de droit et l'indépendance du pouvoir judiciaire
Par rapport à la Constitution de 1959, la Constitution nouvellement adoptée prévoit de
meilleures garanties pour la séparation et l'équilibre des pouvoirs, notamment en définissant
et en limitant les compétences des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, ainsi qu’en
permettant à trente parlementaires de renvoyer les projets de loi à la Cour constitutionnelle
pour évaluer leur conformité avec la Constitution.
La Constitution réduit considérablement les compétences du Président de la République
pendant l'état d'urgence et prévoit un système de contrôle quant à de la possibilité de
déclarer et de mettre fin à l'état d'urgence. La CIJ se félicite en particulier de la possibilité
pour le Président de l'Assemblée ou trente de ses membres de porter la question devant la
Cour constitutionnelle afin qu’elle détermine si les circonstances exceptionnelles ayant justifié
la déclaration de l'état d'urgence sont toujours valables. Toutefois, l'article 80 ne prévoit pas
de limite de durée de l'état d'urgence, ne nécessite pas de vote parlementaire pour
renouveler ou prolonger l'état d'urgence, n’énumère pas les droits ne pouvant être dérogés
en vertu de la l'état d'urgence, et ne prévoit pas de garanties judiciaires suffisantes pour
respecter l’état de droit et protéger les droits de l'homme en cas d’état d'urgence.
Les autorités tunisiennes devraient lancer des réformes législatives et politiques afin de
combler ces lacunes.
Elles devraient également initier une réforme et un examen global et significative du pouvoir
judiciaire.
L'indépendance de la justice a longtemps été minée en Tunisie par l’ingérence systématique
et arbitraire de l’exécutif dans les affaires judiciaires. La CIJ se félicite du fait que l'article 102
reconnaisse à la fois l'indépendance institutionnelle du pouvoir judiciaire et l'indépendance
individuelle des juges. Toutefois, malgré les améliorations, les dispositions liées à
l’inamovibilité des magistrats, l'indépendance du parquet et la compétence des tribunaux
militaires ne répondent pas aux normes et droit international.

Inamovibilité et sécurité du mandat
L'article 107 ne consacre pas pleinement le principe de l'inamovibilité, car il protège les
magistrats contre le transfert arbitraire, mais ne prévoit pas de garanties pour la sécurité de
leur mandat jusqu'à un âge obligatoire de la retraite. L’inamovibilité est la pierre angulaire de
9 Comité des droits de l’homme, Observation Générale N° 31, La nature de l’obligation juridique
générale imposée aux Etats parties au Pacte, Doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.13, 26 mai 2004, paragraphe
4
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l'indépendance individuelle des magistrats car elle leur offre une entière protection dans le
cadre de l'exercice de leurs fonctions. L'article 107 ainsi que la législation en vigueur doivent
être mis en conformité avec les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la
magistrature, qui stipulent que: «
Les juges, qu'ils soient nommés ou élus, sont inamovibles
tant qu’ils n’ont pas atteint l’âge obligatoire de la retraite ou la fin de leur mandat
».

Le parquet
L'article 115 prévoit que le parquet fait partie de la justice judiciaire et bénéficie des mêmes
garanties constitutionnelles que le reste du corps judiciaire. Cependant, la Constitution
n’aborde pas de manière globale la situation du parquet. En vertu du cadre juridique actuel,
le Ministre de la justice a une autorité directe sur les procureurs. Ce manque d'indépendance
institutionnelle a donné lieu à une absence quasi totale d'enquêtes et de poursuites sur les
allégations de violations graves des droits de l'homme. La CIJ est également préoccupée par
le fait que l'article 115 ne répond pas aux normes internationales relatives à la séparation des
magistrats du parquet et des magistrats du siège. Le droit et les normes internationales
exigent que le parquet soit indépendant vis-à-vis des magistrats du siège et qu’il soit objectif
et impartial. Les Principes directeurs des Nations Unies applicables au rôle des magistrats du
parquet prévoient que «
les fonctions de magistrats du parquet sont strictement séparées des
fonctions de juges
».10
Afin d'assurer la bonne administration de la justice, les autorités tunisiennes devraient
assurer l'indépendance fonctionnelle du parquet vis-à-vis de l'exécutif, en particulier en
mettant fin à l’autorité directe et au contrôle du Ministre de la Justice sur le parquet et toute
ingérence de l'exécutif dans les décisions de poursuite. Elles doivent également veiller à
l'indépendance du parquet vis-à-vis des magistrats du siège.

Les tribunaux militaires
L'article 110 prévoit que les tribunaux militaires sont compétents pour connaître des crimes
militaires et que la compétence, la structure, le fonctionnement et les procédures des
tribunaux militaires seront déterminés par la loi. La CIJ est profondément préoccupée par
l’utilisation généralisée des tribunaux militaires pour juger les violations graves des droits de
l’homme commises au cours du soulèvement populaire de janvier 2011 ainsi que par leur
compétence personnelle et matérielle exceptionnellement vaste. Les autorités tunisiennes
doivent veiller à ce que la juridiction des tribunaux militaires soit limitée aux cas impliquant le
personnel militaire pour des infractions militaires seulement. Le Code de justice militaire
devrait être modifié pour faire en sorte que «
les crimes militaires » fasse seulement
référence aux infractions d’ordre militaire et que les tribunaux militaires n'aient pas de
compétence pour juger les civils ou pour juger les violations graves des droits de l'homme.
10 Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature, adoptés par le septième Congrès
des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants à Milan du 26 août au 6
septembre 1985 et confirmés par l’Assemblée Générale dans ses résolutions 40/32 du 29 novembre
1985 et 40/146 du 13 décembre 1985, paragraphe 12
6








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