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Revue générale de droit
La place des droits subjectifs dans l’histoire de la philosophie
du droit
Stéphanie Beauregard
Volume 24, numéro 4, décembre 1993
Résumé de l'article
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1056821ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1056821ar
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Éditeur(s)
Éditions Wilson & Lafleur, inc.
ISSN
0035-3086 (imprimé)
2292-2512 (numérique)
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Citer cet article
Beauregard, S. (1993). La place des droits subjectifs dans l’histoire de la
philosophie du droit.
Revue générale de droit, 24(4), 593–603.
https://doi.org/10.7202/1056821ar
La prédominance des droits subjectifs dans les systèmes de droit occidentaux
étant désormais consacrée, cet article propose une réflexion sur la place des
droits dans le droit.
Plus précisément, il s’agit de savoir si la notion de droit subjectif est limitée à la
philosophie du droit moderne ou si elle était déjà présente dans le droit
antique. Pour répondre à cette question, l’étude du droit subjectif en tant que
concept permettra de distinguer sa signification plus large, qui renvoie à ses
manifestations empiriques, de sa signification restrictive d’élément de
classification dogmatique à l’usage des juristes.
En considérant le droit subjectif uniquement en tant que construction
rationnelle et artificielle, la doctrine juridique fait abstraction des paramètres
historiques et sociologiques. C’est pourquoi elle peut affirmer que le droit
(objectif) est le fondement des droits (subjectifs).
Une démarche héritée de Burke et de l’École historique du droit, privilégiant
les multiples rapports composant le contexte social, permettra de soutenir la
thèse selon laquelle les droits subjectifs ont plutôt été antérieurs à
l’organisation juridique de l’État moderne.
Ainsi, même si, en tant que pouvoirs individuels, garantis par l’État et visant à
être étendus à l’universalité des hommes, ils sont des créations spécifiquement
modernes, les « vrais droits des hommes », efficaces, légitimes et
authentiquement juridiques, existent dans toute société et débordent par là le
cadre de la modernité.
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1994
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NOTES, INFORMATIONS ET DOCUMENTS
La place des droits subjectifs dans l’histoire
de la philosophie du droit*
S t é p h a n i e B e a u r e g a r d
Avocate, Clark & Associés, Montréal
RÉSUMÉ
ABSTRACT
La prédominance des droits subjectifs
dans les systèmes de droit occidentaux
étant désormais consacrée, cet article
propose une réflexion sur la place des
droits dans le droit.
Plus précisément, il s ’agit de savoir si

la notion de droit subjectif est limitée
à la philosophie du droit moderne ou
si elle était déjà présente dans le droit
antique. Pour répondre à cette
question, 1’ étude du droit subjectif en
tant que concept permettra de
distinguer sa signification plus large,
qui renvoie à ses manifestations
empiriques, de sa signification
restrictive d élément de classification
dogmatique à l’usage des juristes.
En considérant le droit subjectif

uniquement en tant que construction
rationnelle et artificielle, la doctrine
juridique fait abstraction des
paramètres historiques et
sociologiques. C ’est pourquoi elle
peut affirmer que le droit (objectif) est
le fondement des droits (subjectifs).
Une démarche héritée de Burke et de
l’École historique du droit,
privilégiant les multiples rapports
Individual rights play a significant
role in western legal systems. This
article presents a reflection on the
concept of subjective rights and asks
the question whether they are strictly
limited to modern legal philosophy or
if they may not have already been
present in Ancient law.
The study of rights as concepts will

lead to a distinction between a
broader interpretation, making place
for their empirical manifestations,
and a narrower one, restricting
subjective rights to artificial creations
of legal theorists.
The latter interpretation, foregoing

historical as well as sociological
considerations, leads the majority of
authorities in the legal field to the
conclusion that Law is the foundation
on which rights are based and that
therefore, Law precedes rights.
Contrary to this opinion, it will be
submitted, based on writings from
Burke and the Historical school of
law, which yield great relevance to
the countless connections of the social
context, that individual rights existed
* Cette étude a été réalisée dans le cadre d’un DEA de philosophie du droit à l’Université
de Paris II (Droit-Economie-Sciences sociales) et a été présentée à monsieur René Sève, profes­
seur de philosophie du droit et de l’État, en mai 1992.
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before the surge of the legally
organized modern State.
Thus, even if, as individual powers,

guaranteed by State authority and
prone to be extended to all men,
subjective rights are strictly modern
creations, the influence of the « real
rights of men », efficient and valid,
morally as well as legally, could be
sensed long before Modern Times.
composant le contexte social,
permettra de soutenir la thèse selon
laquelle les droits subjectifs ont plutôt
été antérieurs à l’organisation
juridique de VEtat moderne.
Ainsi, même si, en tant que pouvoirs

individuels, garantis par V Etat et
visant à être étendus à V universalité
des hommes, ils sont des créations
spécifiquement modernes, les « vrais
droits des hommes », efficaces,
légitimes et authentiquement
juridiques, existent dans toute société
et débordent par là le cadre de la
modernité.
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Introduction........................................................................................................................
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I.
La question de la primauté du droit subjectif.............................................................
A. La querelle du droit subjectif..............................................................................
B. La démarche historique et les rapports sociaux.................................................
II. Le droit subjectif, en tant que réalité empirique, est irréductible à la modernité......
A. Les droits subjectifs « réels ».............................................................................
B. La remise en cause de la légitimité des droits subjectifs..................................
III. Les traits spécifiquement modernes de la notion de droit subjectif..........................
A. La recherche de la paix : l’État souverain..........................................................
B. L’extension du statut de sujet à l’universalité des hommes..............................
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601
601
602
Conclusion..........................................................................................................................
603
I n t r o d u c t i o n
La notion de droit subjectif est l’un des mythes principaux du droit occi­
dental. Si elle n ’a pas connu de véritable élaboration doctrinale avant d’être con­
sacrée par la philosophie juridique moderne, elle a néanmoins été présente, fût-ce
de façon secondaire, dans le droit antique.
Afin de connaître la nature et la portée de cette présence, nous tenterons
de déterminer dans quelle mesure, d ’une part, les droits subjectifs excèdent les
frontières de la philosophie moderne et, d’autre part, quels sont leurs attributs spé­
cifiquement modernes.
Nous étudierons tout d ’abord les droits subjectifs tels qu’ils se mani­
festent dans la réalité empirique. Ils se présentent comme le résultat de la répartition
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des charges et des biens que la société procure à ses membres. Sous cet angle, ils
débordent le cadre idéologique de la modernité.
En tant que création doctrinale, par ailleurs, le droit subjectif est spéci­
fiquement moderne, en ce qu’il est conçu sous la forme d’un pouvoir attribué à l’in­
dividu, abstraction faite de tout lien social particulier le rattachant à un groupe.
Ce droit de l’individu, construction purement artificielle, traduit une
nouvelle conception de l’État souverain et du sujet. Nous verrons qu’en effet, les
droits conférés aux individus seraient inefficaces sans que la puissance étatique ne
vienne appuyer leur mise en œuvre en les déclarant dans des lois positives, assorties
de sanctions. De plus, l’extension du droit subjectif à la totalité des individus ne
peut être pensée qu’en privilégiant la dimension universelle de l’homme.
I. L a q u e s t i o n d e l a p r i m a u t é d u d r o i t s u b j e c t i f
Les droits résultent-ils du Droit ou bien le précèdent-ils?
Il faut, pour répondre à cette question, distinguer deux aspects du droit
subjectif : sa nature et son utilité. Ontologiquement, le droit subjectif est un
concept
et, en tant que tel, il représente deux facettes de la réalité : celle du monde empi­
rique et celle du monde rationnel.
Le terme « droit subjectif » peut aussi être employé restrictivement, sui­
vant le sens qu’il a acquis après avoir été formulé explicitement par la doctrine juri­
dique, au XIXe siècle. On l’oppose alors au terme de « droit objectif ». Son utilité
est celle d’un élément de classification dogmatique. Le « droit subjectif » ainsi
entendu signifie le droit qui est inhérent au sujet : il a sa
source première dans le
sujet lui-même. Le « droit objectif », dans ce contexte moderne, viserait au con­
traire ce qui est « surajouté au sujet » 1 ; « c ’est la loi, c ’est l’État », nous dit Simone
Goyard-Fabre2.
A. LA QUERELLE DU DROIT SUBJECTIF
Michel Villey a formulé, à rebours, la genèse de la notion de droit sub­
jectif, au sens restreint. L ’opposition « droit objectif-droit subjectif » est une cons­
truction doctrinale du Pandectisme allemand du XIXe siècle, dont la tendance à
systématiser le droit s’inscrit dans la postérité de l ’École moderne du droit naturel.
Wolff, Leibnix, Locke, Spinoza et Hobbes ont tous contribué à préparer l’édifica­
tion conceptuelle de la notion de droit subjectif.
Ils avaient eux-mêmes puisé les fondements théologiques de leur
pensée juridique et politique dans la philosophie de la Seconde scolastique espa­
gnole du XVIe siècle, qui avait une nouvelle façon d’envisager la connaissabilité
de la Loi naturelle. En bout de ligne se trouve le « berceau du droit subjectif »3,
une philosophie individualiste : le nominalisme.
1. M. V i l l e y , « La genèse du droit subjectif chez Guillaume d’Occam », in Le droit sub­
jectif en question, Archives de philosophie du droit, Tome IX, Paris, Sirey, 1964, p. 100.
2. S. G o y a r d - F a b r e , Essai de critique phénoménologique du droit, Paris, Librairie
Klincksieck,
1972, p. 218. Sur la question « du Droit » et « des droits », elle conclut cependant
que les droits subjectifs s’ajoutent au droit objectif mais ne s’opposent pas à lui (p. 220).
3. M. V illey, loc. cit., note 1, pp. 97-101. La pensée franciscaine tient son individualisme
du monachisme : il n’y a pas de communauté franciscaine mais des franciscains.
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La distinction entre l’aspect ontologique et l’aspect utilitaire de la
notion de droit subjectif nous permet de comprendre pourquoi la position de la doc­
trine juridique, qui emploie l ’opposition « droit subjectif-droit objectif » dans son
travail de rationalisation de l’expérience juridique, « est celle de la primauté du
droit objectif, fondement et assise de tous droits subjectifs. C’est, entre les juristes,
une vue dominante et presque naturelle »4.
La doctrine ne tient pas compte, quand elle adopte cette position, de la
réalité empirique à laquelle le concept de droit subjectif renvoie. Elle ne considère
le droit subjectif qu’en tant que construction rationnelle et artificielle, opposable à
un autre concept abstrait, le droit objectif.
B. LA DÉMARCHE HISTORIQUE ET LES RAPPORTS SOCIAUX
Cette opposition (droit objectif-droit subjectif), si elle a une valeur
dogmatique pour les juristes, marque un contraste trop vif entre les deux notions
et ne tient pas compte de leur inévitable interaction, du fait du « caractère consti­
tuant » de l’individu par rapport à la société :
Si d’une part il est vrai qu’un système donné de règles conditionne certains rapports
entre les hommes, d’autre part un réseau donné de rapports humains conditionne le
maintien d’un système de règles.5
Une perspective plus large de la notion de droit subjectif permet de
rendre compte à la fois de la réalité empirique à laquelle elle renvoie et de ses traits
dominants en tant que création de la pensée juridique. Il est alors possible de sou­
tenir que
les droits subjectifs précèdent le droit. Demburg, de l’Ecole romaniste
allemande, soutient la position suivante :
Historiquement pris, les droits subjectifs ont été antérieurs à l’organisation juridique
et celle-ci ne s’est formée que par une génération successive de la multitude des
droits subjectifs.6
Emst Bloch cite encore ce passage de Demburg, qui montre bien l’im­
portance accordée, dans la démarche héritée de l’École historique du droit, aux
multiples rapports composant le contexte social et l ’impossibilité (historique) de
faire précéder les droits subjectifs par le droit objectif :
Des droits, au sens subjectif, ont existé longtemps, à l’échelle historique, avant que
ne se constitue un ordre étatique conscient de soi. [...] C’est uniquement par abstrac­
tion que l’on dut dégager peu à peu de la considération des droits subjectifs donnés
le concept de l’ordre juridique. La conception selon laquelle les droits, au sens sub­
jectif, ne seraient rien d’autre que des émanations du droit au sens objectif est donc
anhistorique et inexacte.7
4. F. L o n g c h a m p s , « Quelques observations sur la notion de droit subjectif dans la doc­
trine », Archives de philosophie du droit, op. cit., note 1, p. 58.
5.
Ibid. Voir aussi H.A. S c h w a r z et L. v o n W a h l e n d o r f , Fondements et principes d’un
ordre juridique naissant, essai de philosophie empirique du droit,
Paris, Mouton, 1971, p. 73 :
« La société peut se mettre à la place de l’individu
cuius res agitur. Puis, par la répercussion de
la situation de l’individu, c’est la situation de l’individu qui est en cause ».
6. H. D e r n b u r g , Sytem der Römischen Rechts, (8e éd. des Pandecten), Halle, 1911,
l re partie, p. 65, cité par F. L o n g c h a m p s , loc. cit., note 4, p. 58.
7. H. D e r n b u r g , Pandectes, 1884, n° 39, cité par E. B l o c h , Droit naturel et dignité
humaine, Paris, Payot, 1977, p. 217.
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S’il est vrai qu’il n ’y a de droit que dans la société, dans toute société,
il y a des droits. Ces droits subjectifs « réels » existent dans un cadre non abstrait
et « ne s’inscrivent pas nécessairement dans une conception individualiste du
droit »8.
Cette précision est capitale et nous permet d ’inclure le droit subjectif
dans la philosophie du droit naturel classique. Lorsque Michel Villey déclare
qu’« il est facile de comprendre que [la philosophie d’Aristote] ait été nécessaire­
ment exclusive du droit subjectif »9, il ne vise que le droit subjectif élaboré par la
doctrine juridique moderne. Ainsi entendu, le droit subjectif est un
pouvoir indivi­
duel de l’homme pris isolément, qui prend sa source dans la nature humaine et est
opposable au pouvoir politique.
Comme il existe un « droit naturel classique » et un « droit naturel
moderne », il y a
une certaine forme de droit subjectif dans la conception jusnatu-
raliste classique (le fait que sa présence soit plutôt implicite qu’explicite n ’enlève
rien à son existence), et une
autre, plus radicale et individualiste, dans la pensée
juridique moderne.
II. L e d r o i t s u b j e c t i f , e n t a n t q u e r é a l i t é e m p i r i q u e ,
EST IRRÉDUCTIBLE À LA MODERNITE
La présence du droit subjectif hors des limites de la modernité n ’appa­
raît que si l’on observe la situation d’un individu par rapport aux autres individus.
Selon la conception naturaliste qui prévalait dans l’Antiquité, les hommes ne
peuvent être considérés autrement qu’en société. Dans cet état, où l’emprise du
pouvoir civil demeure faible, les hommes sont néanmoins sujets de droits.
Ces droits subjectifs sociaux (« naturels », au sens classique; « histo­
riques », pour les auteurs de l’École historique du droit), sont des prérogatives qui
s’attachent à la personnalité des individus10. Ces
privilèges résultent de la réparti­
tion des charges et des biens11 qui s’effectue au sein du groupe auquel les individus
appartiennent, avant même l’établissement d ’une puissance étatique organisée.
Dès qu’ils sont en contact les uns avec les autres, les hommes forment
des communautés et suivent certaines conventions, comme la langue ou les règles
de droit. Ces dernières conditionnent le partage des richesses et des rôles sociaux.
Elles reflètent les valeurs, ou encore les propriétés, qui se trouvent dans l ’ordre de
la nature. Cet ordre est perçu en fonction de ce qui valorise la nature (le déroule­
ment normal des phénomènes naturels, qui deviendra la règle générale) ou de ce
qui lui nuit (les exceptions). Les règles de droit ne sont pas élaborées à partir
d ’idées abstraites et absolues. Pour être
justes, elles doivent avoir pour référence
l’harmonie naturelle, la proportion, le juste milieu. Les règles de la communauté,
qui visent essentiellement le bien du groupe, chercheront à établir l’équilibre en
son sein.
8. S. G o y a r d - F a b r e , op. cit., note 2, p. 221.
9. M.
V i l l e y , loc. cit., note 1, p. 103.
10. H.
D e r n b u r g , Pandecîes, op. cit., note 7 : « Les droits, au sens subjectif, [...] ont pour
fondement la personnalité de l’individu, et la considération qu’elle a su conquérir et imposer pour
sa personne et ses biens ».
11. A r is t o t e , Ethique à Nicomaque, V/II, Paris, GF-Flammarion, 1965, (traduction
Voilquin), p. 128. : « En ce qui concerne la justice partielle et le droit qui en découle, elle a un
premier aspect, distributif, qui consiste dans la répartition des honneurs, ou des richesses, ou de
tous les autres avantages qui peuvent échoir aux membres de la cité ».
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Même si le lot de chacun reste alors problématique, en l’absence d’au­
torité susceptible d’édicter clairement ces règles, on ne peut nier que les individus
aient des droits : ce sont les droits subjectifs de nature (sociaux), que nous
étudierons dans cette partie.
A. LES DROITS SUBJECTIFS « REELS »
Edmund Burke, précurseur de l’École historique du droit allemande,
a dénoncé les droits subjectifs abstraits, mais s’est montré favorable aux « véri­
tables droits des hommes » («
the real rights of men » 12), qui sont les « droits
sociaux réels des hommes », « des droits privés particuliers supposant un rapport
social » 13 :
En repoussant les faux droits des hommes qui sont mis en avant, je ne songe pas
à porter atteinte aux vrais [...]. Si la société civile est faite pour l’avantage de
l’homme,
chaque homme a droit à tous les avantages pour laquelle elle est faite.14
Ce droit est circonscrit un peu plus loin, de la manière la plus classique :
« [Un homme] a droit à
sa juste part de tous les avantages que procurent le savoir
et l’effort du corps social » 15.
Les droits subjectifs ainsi définis présentent une certaine supériorité par
rapport aux droits accordés par l ’État. L ’individu, membre d’un groupe, bénéficie
de sa part des avantages que lui procurent les usages de la vie sociale, sans que la
reconnaissance et
V efficacité de ses droits ne dépendent totalement de la puissance
civile.
Dans le chapitre qu’ils ont consacré à Hannah Arendt, Alain Renaut et
Lukas Sosoe font la remarque suivante, concernant la revalorisation des droits
nationaux :
C’est uniquement en tant que membre d’une communauté politique [...] que les
êtres humains voient leur dignité reconnue et préservée.16
Délesté de ses droits subjectifs de nature, privilèges jugés trop contes­
tables, l’individu isolé est impuissant à faire respecter ses droits, posés par le
Législateur souverain, sans le concours de l’appareil de répression étatique et sa vie
même peut être menacée en cas de refus :
La désintégration de la société [...] fait surgir les individus qui, ainsi — au sens
propre — désintégrés, peuvent être traités non comme des hommes, mais comme
des bêtes.17
12. E. B u r k e , Reflections on the Revolution in France (1790), Londres, Penguin, 1986,
p. 149.
13. M. G a n z i n , La pensée politique d Edmund Burke, Paris, Librairie générale de droit
et de jurisprudence, 1972, p. 241.
14. E. B u r k e , Réflexions sur la révolution de France, Paris, Hachette, 1989, p. 74 (nos
italiques).
Id., p. 75 (nos italiques).
15.
16. A.
R e n a u t et L. S o s o e , Philosophie du droit, Paris, Presses universitaires de France,
1991, p. 197.
17.
Id., p. 194.
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Dans l’État politique moderne, l’abolition des pouvoirs intermédiaires
opère la détérioration des structures sociales. L ’individu, solitaire, est privé de la
protection, modérée, mais certaine, que pourraient lui procurer des liens sociaux
(les
privilèges : droits privés), tout arbitraires qu’ils puissent paraître.
Il serait inexact de conclure, pour autant, que le défaut de sanction
étatique prive les droits subjectifs « naturels » ou « sociaux » de toute effectivité.
Les droits sociaux sont
efficaces parce que, faisant corps avec la réalité sociale, ils
reposent sur la tradition des droits acquis. Voilà le sens de la mise en garde de
Burke contre le risque qu’il y a à faire « table rase de tout “l’héritage héréditaire”
du passé » 18.
Burke invoque la Déclaration des droits de 1689 (le « Bill of Rights »),
pièce maîtresse de la constitution anglaise, à l’appui de sa thèse de la transmission
héréditaire des droits des hommes. La Déclaration anglaise réunit dans un seul texte
l ’énoncé des droits des sujets et l’ordre de succession de la Couronne, ce qui lui
fait dire que :
[...] le peuple anglais regarde la transmission héréditaire de la couronne comme un
de ses droits et non pas comme une injustice.19
et :
[...] ils n’entendaient pas fonder leurs droits sur des principes abstraits tels que les
« droits de l’homme », mais bien sur des droits qu’ils possédaient de père en fils en
tant qiïAnglais.20
L ’exaltation de la tradition propre à chaque peuple a pour but de mon­
trer que l’individu jouit d’une meilleure protection en vertu des usages et des droits
acquis au sein de sa nation qu’en se fiant aux énoncés ambitieux des droits sub­
jectifs promulgués par l’État.
B. LA REMISE EN CAUSE DE LA LEGITIMITE DES DROITS SUBJECTIFS
Leur efficacité étant établie, l’inconvénient majeur des droits subjectifs
de nature (ou « privilèges ») réside plutôt dans la
contestation continuelle dont ils
sont l’objet21.
Sont-ils légitimes? (Sont-ils vraiment des droits?)
Comme nous l’avons déjà mentionné, la détermination de la part des
richesses qui « revient à chacun » est problématique. Sans l’intervention d’une
autorité souveraine, susceptible d ’édicter les règles et de les imposer de façon uni­
voque, le « mien » et le « tien » sont sources de discorde et les usages sociaux qui
établissent l’ordre parviennent mal à dissimuler l ’usurpation première qui a fondé
le partage22.
18.
Id., p. 199, citant H. A r e n d t . Voir H. A r e n d t , L’Impérialisme, Paris, Fayard, 1982,
p. 288.
19. E. B u r k e , op. cit., note 14, p. 33.
20.
Id., p. 21. Ces thèses burkiennes seront reprises par l’École historique du droit. Pour
Savigny, comme pour Beseler, l’origine du droit, naturel, véritable, se trouvera dans les formes
primitives de la vie sociale.
21. A r is t o t e , Ethique à Nicomaque, V/III, op. cit., note 11, p. 129 : « En ce qui concerne
les partages, tout le monde est d’accord qu’ils doivent se faire selon le mérite de chacun [...],
toutefois
on ne s'accorde pas communément sur la nature de ce mérite ».
22. Voir P a s c a l , Pensées, Fr.231[73] : « Mien, tien. — Ce chien est à moi, disaient ces
pauvres enfants; c’est là ma place au soleil. — Voilà le commencement et l’image de l’usurpation
de toute la terre ».
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La recherche de la Justice (de la juste répartition des privilèges ou droits
subjectifs) alimente, bien souvent, les conflits. Ceci n ’enlève rien, cependant, à la
« juridicité » des droits subjectifs.
Leur caractère proprement juridique est incontestable : ils ne sont ni
purement « moraux », ni purement « amoraux ».
Les droits subjectifs « naturels » ne sont pas d ’ordre purement moral,
auquel cas ils ne viseraient à ordonner que les motivations intérieures des individus.
Au contraire, non seulement la répartition sociale porte-t-elle sur des charges et des
bien réels (c’est-à-dire « sur des choses »), mais encore est-elle établie selon des
critères extérieurs (visibles, reconnus, établis), à défaut d ’être toujours rationnels
ou équitables...
De plus, l ’étude des procédures archaïques du droit romain (les actions
de la loi et les formules), dont on dit que leurs origines se perdent « dans la nuit
des mœurs ancestrales »23, ou des
writs de la common law du Moyen âge, atteste
du caractère
juridique des « droits subjectifs anciens » :
Autant de formules types admises par l’usage judiciaire, autant de droits sanctionnés
en justice. Dans la liste des formules tient celle des prétentions reconnues par le
droit.24
Les relations du droit processuel et du droit subjectif « naturel » dans
les sytèmes juridiques les plus primitifs démontrent que les droits ne sont apparus
qu’à travers l’action judiciaire. C’est dans celle-ci que s’éprouve l’efficacité des
droits25, ce qui est une autre marque du caractère juridique des droits subjectifs
réels, avant même l’institution d ’un État au sens moderne.
Mais, alors, s’ils ne sont pas d’ordre purement moral, les droits sub­
jectifs « réels » seraient-ils « immoraux »?
Premièrement, on ne saurait soutenir avec succès que la répartition des
richesses résulte d ’une simple application de la
loi du plus fort. S’il est vrai que
la détermination de ce qui revient à chacun suscite la discussion, la répartition ne
peut être le seul fait de la violence, puisque la force, elle, ne prête jamais à
controverse26.
Deuxièmement, s’il importe d ’insister sur le caractère juridique des
droits subjectifs « naturels », c ’est pour les distinguer du seul « droit subjectif »
auquel Michel Villey ait concédé (avec Hobbes) une « existence de tout temps » :
Végoïsme naturel. Selon lui, cette « déviation de langage » n ’autorise pas les
« sages de la cité », ceux qui « pensent le droit pour les autres et impartialement »,
à accorder droit de cité à cete « défaillance morale »27.
23. M. V il l e y , Le droit romain, 8e édition, Paris, P.U.F., Coll. « Que sais-je? », n° 195,
p. 12.
24.
Ibid. (On retrouve ici la définition des droits subjectifs « naturels » : « ce qui revient
à chacun », ce sont les prétentions individuelles, reconnues par le droit. Ces termes rappellent la
formule bien connue de Jhering, suivant laquelle le droit subjectif est « un intérêt juridiquement
protégé » et celle du juriste français Barthélémy : « le droit subjectif est celui dont la réalisation
juridique peut être obtenue par un moyen juridique à la disposition d’un sujet. Ce moyen juri­
dique, c’est l’action en justice ».)
25.
J. C a r b o n n ie r , « Sur les traces du non-sujet de droit », in Le sujet de droit, Archives
de philosophie du droit, Tome 34, Paris, Sirey, 1989, p. 198.
26. V . P a s c a l , Pensées, (Fr. 298) : « La justice est sujette à dispute. La force est très
reconnaissable et sans dispute ».
27. M. V il l e y , loc. cit., note 1, p. 97.
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B e a u r e g a r d
La place des droits subjectifs
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Le droit subjectif ne serait donc pas « légitime »?
L ’égoïsme (qui fait que « chacun pense toute chose en fonction de son
moi, et capte au service de son moi ce qui devrait être conçu en fonction de l’intérêt
commun »28) est aussi une pulsion
positive : c’est l’instinct nécessaire à la vie.
Comme le nationalisme est justifiable, en ce qu’il apporte une protec­
tion aux individus et la garantie minimale de leur sécurité29, et ne correspond pas
nécessairement à une volonté d’hégémonie, le droit subjectif de nature peut (s’il
n ’est pas utilisé pour léser autrui30), revendiquer un fondement légitime.
Ce « renversement » positif de l’égoïsme (et des passions en général)
sera le principe de base du paradigme économique libéral.31
I I I . L e s t r a i t s s p é c i f i q u e m e n t m o d e r n e s d e l a n o t i o n
DE DROIT SUBJECTIF
Nous avons vu que les droits subjectifs étaient présents, dans la réalité
sociale, du seul fait de l’existence d’une communauté. L’effectivité et le caractère
proprement juridique de ces droits subjectifs naturels (en tant que part attribuée à
un sujet), ont été démontrés. Cependant, la notion de droit subjectif n ’était qu’im­
plicite dans la conception jusnaturaliste classique. Le sens artificiel qu’elle a acquis
(d’attribut tiré
du sujet lui-même, pris isolément, dans son aspect universel), dans
la théorie de l’État souverain, est spécifiquement moderne.
Ce n ’est donc pas tant l’absence de droit subjectif qui pousse les
hommes, qui vivent en société, à se mettre en commun
sous une contrainte, mais
la recherche de la paix.
Le sens de la philosophie du droit moderne, sera d’apporter une réponse
au conflit perpétuel, à la discussion sur la teneur exacte de la part qui revient à
chacun et d’étendre ce « chacun » à l’universalité des hommes.
A. LA RECHERCHE DE LA PAIX : L ’ÉTAT SOUVERAIN
La solution du conflit portant sur la teneur exacte de la part qui revient
à chacun se trouve dans la recherche de la sécurité des rapports entre les hommes,
cette recherche est le seul point sur lequel les hommes puissent tous se mettre
d ’accord.
D ’une part, l’intervention de l’État visant à déclarer le contenu exact
des droits subjectifs ne pourra mettre fin aux disputes sur ce qui constitue la part
de chacun que si elle est le fait d’une autorité
souveraine.
Ibid.
28.
29. V. H. A r e n d t , L Impérialisme, op. cit., note 18, p. 288 : « Les peuples s’accrochent
d’autant plus désespérément à leur nationalité dès qu’ils ont perdu les droits et la protection
que
cette nationalité leur avait conférés ».
30. V. E. B u r k e , op. cit., note 14, p. 75 : « Tout ce qu’un homme peut entreprendre par
lui-même sans léser autrui, il est en droit de le faire ». Ce « sans léser autrui » pose évidemment
le problème de la liberté; (v.
infra, sur Locke et le droit de propriété).
31. Pascal avait déjà formulé le germe de cet égoïsme « bien compris et altruiste », qui sera
repris par Bernard Mandeville. L’Etat accomplirait « le miracle de faire coïncider l’intérêt indi­
viduel et l’intérêt commun », en retournant, « sans modifier leur nature, les forces de dissociation
au service du bien commun ». cf. Pensées (Fr. 210) : « On s’est servi comme on a pu de la con­
cupiscence pour la faire servir au bien public ». et G. F e r r e y r o l l e s , Pascal et la raison du poli­
tique,
Paris, P.U.F., « Épiméthée », 1984, pp. 133 et 141.
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Revue générale de droit
(1993) 24 R.G.D. 593-603
D ’autre part, cependant, l’État, dont le but premier est de faire régner
la paix, doit nécessairement éliminer les « droits subjectifs sociaux », c ’est-à-dire
les
prérogatives, les privilèges, toutes prétentions dont la légitimité est contestable.
La prétention la plus tendanciellement belligène des hommes est celle
de
juger par eux-mêmes (de la teneur exacte de la part qui leur revient). C’est donc
cette faculté de juger (de leur propre cause, « de ce qui leur importe le plus
») que
les hommes doivent, en premier lieu, abdiquer, pour obtenir la paix :
Chaque membre de la société renonce au premier droit de l’homme naturel [uncov-
enanted], celui de juger par lui-même et de défendre son propre droit [...]. Pour
obtenir justice, l’individu renonce au droit de la déterminer dans ce qui lui importe
le plus.32
Avant l’Époque moderne, le droit subjectif n ’était pas délimité par la
loi. Désormais, il n ’y aura qu’un seul type de jugement et ce jugement sera souve­
rain : la loi de l’État sera le dernier mot33.
En retour, l’État accorde au sujet-citoyen, privé du droit de se défendre
lui-même, ainsi que du soutien de son environnement, des
pouvoirs individuels,
qui peuvent même, dans certains cas être opposés à Sa puissance (par exemple,
Yhabeas corpus).
L ’État reste néanmoins souverain parce que c ’est lui qui déclare et sanc­
tionne, dans le droit positif, l’exercice de tous les pouvoirs individuels.
La question de la légitimité des privilèges sociaux, quant à elle, est, en
principe, résolue, puisque la
légalité des droits subjectifs est désormais établie sans
équivoque par le Souverain.
B. L ’EXTENSION DU STATUT DE SUJET À L ’UNIVERSALITÉ DES HOMMES
Cette question est le second trait constitutif de la modernité que nous
étudierons. Il s’agit d’un autre moyen que la philosophie juridique moderne a
trouvé, à travers la notion de droit subjectif, pour apporter une solution aux conflits
engendrés par la remise en cause de la légitimité des privilèges sociaux ou droits
subjectifs naturels.
L ’extension du statut de sujet est une évolution sensible dans la philo­
sophie du droit moderne, devant mener, dans l’absolu, à l ’attribution du statut de
sujet de droit, ou de la personnalité juridique, à l’universalité des hommes.
Mais l’humanité (ou le statut d ’homme) est elle-même toujours posée :
« Les critères par lesquels on est admis ou on est tenu à distance de la catégorie
d ’homme se disent toujours en droit »34.
Quels en seront les critères? La propriété?
Comment l’universalisation du sujet de droit est-elle possible, si le
statut de sujet est défini par le droit de propriété?
Le droit de propriété et le droit subjectif sont indissociables. La pro­
priété fonde le droit et le droit, à son tour, défend la propriété. A partir du moment
où le « tien » et le « mien » existent, le droit subjectif existe et donc le droit de
propriété.
32. E. B u r k e , op. cit., note 14, p. 75.
33. C’est là toute la valeur de
Vétablissement : « La justice est ce qui est établi », nous dit
Pascal, Pensées (Fr.312).
34. L. S a l a -M o l i n s , Les misères des Lumières, Paris, Robert Laffont, 1992, p. 100.
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La place des droits subjectifs
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Le statut du sujet de droit, et celui de citoyen, sont définis par la pro­
priété, au sens ontologique comme au sens économique. C ’est le sens de la doctrine
de Locke sur la
property, selon laquelle la propriété est un droit de nature.
Invoquer son droit de propriété, c ’est à la fois revendiquer son droit à
recevoir
sa part de biens dans la distribution des richesses et, à l ’époque moderne,
la possibilité pour un individu d’exercer un pouvoir
tiré de sa propriété humaine.
Celle-ci est comprise au sens d’attribut de la nature humaine : la Raison universelle
dans l’homme. La source du droit subjectif moderne est donc la Raison, par
laquelle nous pouvons accéder à l’intelligence de la Loi naturelle.
En plus d’avoir subi cette influence du stoïcisme, (que l’on retrouvait
notamment chez Grotius), Locke a été réceptif aux idées de la Seconde scolastique
espagnole concernant la possibilité pour l’homme de connaître la Loi naturelle. La
« propriété humaine », source du droit subjectif, sera alors entendue comme
le droit
de propriété de V homme sur lui-même : le droit subjectif du sujet sur lui-même,
c’est-à-dire la liberté de l ’homme. De fait,
Yhabeas corpus, qui est la garantie des
libertés civiles35, est le reflet de la propriété de l’homme sur lui-même.
Le droit de propriété de l’homme sur lui-même est, à son tour, le reflet
du
dominium divin. Il s’agira donc d ’un droit absolu, qui sera largement le modèle
des droits de l’homme, au sens contemporain36.
C o n c l u s i o n
La notion de droit subjectif, ainsi calquée sur le droit absolu de pro­
priété que Locke nous a légué, est nécessairement une acquisition moderne. Elle
est même la caractéristique majeure de la philosophie du droit moderne et c’est
pourquoi elle a occulté les visions plus traditionnelles du droit subjectif (naturel,
historique ou social).
Pourtant, on ne peut prétendre que la notion de droit subjectif soit l ’apa­
nage exclusif de la philosophie du droit moderne, puisqu’elle était déjà présente
dans le droit antique. La « querelle des droits subjectifs » constitue néanmoins un
débat d ’importance capitale pour ceux qui s’intéressent à la trajectoire des concepts
juridiques dans l ’histoire de la philosophie du droit et souhaitent mettre de l’ordre
dans des notions fondamentales pour la pratique quotidienne de notre droit.
35. L,habeas corpus exige le contrôle de la légalité des détentions et l’annulation des actes
policiers arbitraires. On voit que le droit subjectif moderne est un pouvoir que l’individu peut
opposer au souverain, ce qu’il n’a jamais pu être avant l’époque moderne.
36. Voir S. R ia l s , La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris, Hachette,
1988, p. 619 et p. 379 : « Nous sommes des créatures relevant de la propriété de Dieu; cet usufruit
sur soi, vis à vis de Dieu, peut être considéré comme une véritable propriété vis à vis des autres
hommes ».
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