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Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme
Rapport
Novembre 1998
N° 267
H o r s s é r i e d e l a L e t t r e b i m e n s u e l
l e d e l a F I D H
ONU :
Comité contre la Torture
Tunisie : “des violations caractérisées, graves et systématiques”
Rapport alternatif au deuxième rapport
périodique de la Tunisie au Comité contre la torture de l’ONU
(21e session - 9 au 20 novembre 1998)
Introduction (Résumé)
p. 2
Etat de l’application de la Convention contre la
torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants en Tunisie.
Première partie
La réalité de la torture en Tunisie
p. 4
Deuxième partie
Remarques à propos du rapport du gouvernement
tunisien
p. 15
Réalisé par la FIDH en collaboration avec la Ligue
Tunisienne de défense des droits de l’Homme et
le Comité pour le Respect des Libertés et des
Droits de l’Homme en Tunisie
Troisième partie
Témoignages
p. 26
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Comité contre la torture : Tunisie
Introduction (résumé)
Plus de huit ans après l’examen, le 25 avril 1990, du
rapport initial présenté par le gouvernement Tunisien
en application de l’article 19 de la Convention contre
la torture ou autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, le Comité contre la torture
doit examiner lors de sa session de novembre 1998,
le deuxième rapport périodique qui aurait du lui être
soumis en 1993.
Cet énorme retard est d’autant moins fortuit que le
gouvernement tunisien a mis en place, depuis le début
de la décennie, un dispositif de communication
extérieure et d’intervention diplomatique doté de
moyens importants et dont l’objectif est de tenter
d’améliorer son image en matière de promotion et de
protection des droits de l'Homme notamment au sein
des organes de l’ONU.
Le retard pris par la présentation du rapport devant le
Comité contre la torture est, en réalité, révélateur, de
l’embarras des autorités gouvernementales
Tunisiennes de rendre compte des conditions
d’application, au niveau des textes mais surtout dans
les faits, de la Convention internationale contre la
torture.
La Fédération internationale des ligues des droits de
l'Homme (FIDH) a eu l’occasion, au cours de ces
dernières années, de mettre l’accent - conjointement
avec les principales organisations internationales non
gouvernementales des droits de l'Homme - sur la
dégradation constante des droits de l'Homme en
Tunisie. La confiscation par le gouvernement Tunisien
du discours sur la promotion des droits de l'Homme
et sa volonté d’imposer l’image d’un Etat respectueux
des libertés et d’une démocratie pluraliste s’est
accompagné, en effet, d’un durcissement des lois au
mépris des normes internationales, ainsi que de la
multiplication des atteintes graves aux droits et
libertés fondamentales. Abondamment proclamés dans
la langue de bois de la propagande officielle, les droits
de l'Homme sont, en fait, systématiquement bafoués.
Prétextant de la lutte contre l’intégrisme islamiste, les
autorités ont transgressé toutes les règles de droit et
verrouillé tous les espaces de liberté.
Aux pratiques les plus visibles - telle la situation du
Vice-président de la Ligue tunisienne de défense des
droits de l'Homme - Khémais Ksila, condamné à trois
ans de prison ferme pour ce qui relève indubitablement
du “délit d’opinion” - font écho les mesures
quotidiennes d’intimidation et de harcèlement visant
toute personne exprimant des idées divergeantes de la
politique officielle et en particulier les défenseurs des
droits de l'Homme dont la mission de témoignage est
si essentielle.
Un système de quadrillage et de harcèlement politique
et policier implacable et pernicieux fondé sur le
contrôle partisan, la délation et l’intimidation, a abouti
à une intériorisation de la peur par la population. Pour
réduire au silence les défenseurs des droits de
l'Homme concernant les atteintes quotidiennes aux
droits, les procès inéquitables, les sévices, la torture,
les conditions de détention de près de deux mille
prisonniers politiques, les autorités mènent ainsi
depuis quelques années une campagne systématique
d’intimidation et de répression. Incarcération,
interrogatoires, harcèlement des proches y compris les
enfants, brimades professionnelles, écoutes
téléphoniques, confiscation de passeports, menaces,
atteintes aux biens (voitures, bureaux, domiciles...)
campagnes de presse haineuse sous forme d’articles
diffamatoires, insultants et dégradants, appel au
retrait de la nationalité, font partie des moyens
utilisés pour faire taire toute voix dissidente. A cela
s’ajoute l’état de la presse monocolore et muselée,
ainsi que les multiples habillages juridiques et
législatifs qui, comme la récente loi sur les
passeports, aboutissent à donner un caractère “légal”
aux actes les plus arbitraires et à dépouiller la
citoyenneté de certains de ses attributs essentiels.
C’est dans ce contexte que la FIDH a décidé, en
collaboration avec la Ligue tunisienne de défense des
droits de l'Homme (LTDH) et le Comité pour le respect
des libertés et des droits de l'Homme en Tunisie
(CRLDHT), respectivement affiliée et partenaire de la
FIDH, de faire le point sur l’état de l’application en
Tunisie de la Convention internationale contre la
torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants.
Les cas rapportés dans ce rapport ont été traités
conformément à la méthode classique de traitement et
de vérification de l’information par la FIDH et ses
partenaires.
Tel est l’objet du présent rapport alternatif qui
s’articule autour de trois axes : une première partie
sur la réalité de la torture en Tunisie ; une deuxième
partie intitulée “remarques à propos du rapport du
gouvernement Tunisien” et une troisième partie
comportant quelques témoignages.
La première partie, qui se réfère sur tous les points
évoqués à des exemples précis, dresse un tableau
édifiant des violations caractérisées, graves et
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Page 3
Des violations caractérisées, graves et systématiques
systématiques des dispositions de la Convention
internationale qui ont pu être recensés. C’est ainsi
que sont évoqués les cas de près de trente décès au
cours d’interrogatoires dans des conditions jamais
élucidées, les décès suspects en cours de détention,
l’usage de la torture et de ses conséquences
physiques et psychiques, les lieux et des auteurs de
ces pratiques dont l’impunité demeure effective en
dépit des dénégations des autorités, les connivences
coupables et la complicité de certains médecins
affectés aux services pénitentiaires qui sont, faut-il le
rappeler, rattachés au Ministère de l’Intérieur, les
obstacles opposés aux tentatives de déposer plainte,
un cas de disparition -
Kamel Matmati dont on est
sans nouvelle depuis son arrestation à Gabès en
octobre 1991 -, les mauvaises conditions
d’incarcération et quelques illustrations du
harcèlement auquel sont confrontées certaines
personnes.
La deuxième partie procède d’une approche plus
analytique et reprend, de façon critique, les arguments
peu convaincants développés dans le rapport du
gouvernement concernant les prétendues sanctions
prises à l’encontre des auteurs de sévices et d’actes
de torture ; l’information judiciaire concernant des
pratiques que les autorités veulent réduire à “des
dépassements individuels isolés”; l’absence de toute
initiative visant à la réadaptation des victimes, les
problèmes posés par l’assistance judiciaire ; la non
application des dispositions de la convention
internationale en droit interne ; les atteintes aux droits
de la défense particulièrement dans les questions
liées à l’usage de la torture ; la question de la garde à
vue, de la détention au secret et de la détention
préventive dont les règles sont systématiquement
bafouées ; le caractère formel du contrôle médical ; la
dégradation des conditions de détention et enfin les
graves difficultés opposées à la Ligue tunisienne pour
la défense des droits de l'Homme qui est l’objet d’une
politique délibérée d’isolement et de marginalisation.
Enfin les témoignages, réunis à titre illustratif dans la
troisième partie, confirment que malgré les menaces
et les pressions, des femmes et des hommes ont le
courage et la volonté de témoigner. Au-delà des
risques encourrus par leurs auteurs, ces témoignages
démontrent l’espoir de ces victimes de voir leurs cas
enfin entendus par la communauté internationale et,
en particulier, par le Comité contre la torture.
Par leur rapport d’autosatisfaction sous forme de
plaidoyer pro domo, les autorités tunisiennes essayent
de convaincre que,
“soucieux de protéger l’intégrité
physique et morale de l’individu, notamment contre
certains manquements au devoir de la charge
publique, le droit positif tunisien réprime sévèrement
l’exercice de telles pratiques ; le législateur ayant
veillé à assurer la protection de l’individu contre les
actes de torture aussi bien en droit pénal qu’en
procédure pénale”.
Les faits prouvent malheureusement qu’il n’en est rien
dans la mesure où cette législation en trompe l’œil
n’est nullement, et en dépit de ses limites et de ses
contradictions, appliquée. Au contraire, la FIDH
considère que la torture est une pratique caractérisée,
grave et systématique en Tunisie. Si au moins 500
cas, dont au moins 30 cas de décès sous la torture,
ont pu être répertoriés dans le cadre du présent
rapport, la FIDH considère cependant que le nombre
total de personnes victimes de la torture entre 1990
et 1998 se chiffre vraissemblablement à plusieurs
milliers.
Et les tortionnaires savent qu’ils jouissent, surtout
depuis quelques années, d’une totale impunité. Cela
ne peut être perçu que comme un encouragement à
persévérer dans le recours à des pratiques violentes
et dégradantes qui valent à leurs auteurs, non des
sanctions et des poursuites, mais des primes, des
promotions et dans certains cas les plus hautes
décorations.
Dans ce contexte, le 18 novembre 1998, le Comité
contre la torture des Nations Unies aura la tâche
essentielle d‘obtenir des autorités tunisiennes, au-delà
des habituels engagements formels en vue d’une
“amélioration progressive” toujours attendue, des
actes concrets et immédiats. C’est à cette seule
condition que la Convention contre la torture et autres
traitements cruels, inhumains ou dégradants aura une
chance de trouver en Tunisie un début de mise en oeuvre.
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Comité contre la torture : Tunisie
Première partie
La réalité de la torture en Tunisie
Introduction : la torture est pratiquée depuis de longues années
1. Les conséquences de la torture
2. Les décès pendant la garde à vue
3. Un cas de disparition
4. Les décès en prison
5. Les séquelles psychiques
6. L’impunité des auteurs de torture
7. La complicité des médecins
8. Des ressortissants étrangers victimes de la torture
9. Le droit de porter plainte est bafoué
10. Les exécutions extrajudiciaires
11. L’arsenal des mesures répressives
12. Les mauvaises conditions d’incarcération
13. Le harcèlement de certaines personnes
p. 5
p. 7
p. 8
p. 8
p. 8
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
La présente partie décrit les faits au regard des
articles 1, 2, 4, 5, 13, 15 et 16 de la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par la
Tunisie.
Introduction :
La torture est pratiquée depuis de longues années en
Tunisie ; depuis 1990 elle a été renforcée. Elle a
d’abord visé les opposants présumés ou avérés,
membres ou sympathisants de formations politiques
non reconnues (
Nahdha, Parti Communiste des
Ouvriers de Tunisie et son organisation de jeunesse,
l'Union de la Jeunesse Communiste...) ou de
formations dissoutes (Union Générale Tunisienne des
Étudiants...) ou légales (Union Générale des Étudiants
de Tunisie, Mouvement des Démocrates Socialistes...).
L’objectif de la torture a donc été dans un premier
temps l’extorsion d’aveux ou de renseignements.
La torture s'est étendue aux proches de ces militants
et sympathisants, puis à de simples citoyens, à des
médecins, des journalistes, des étudiants, des
universitaires ou certains émigrés interpellés à leur
retour. L’objectif de la torture était l’obtention
d’information sur les Tunisiens vivants à l’étranger,
une simple mesure de rétorsion contre des personnes
ayant accepté de rendre service à un compatriote.
Selon les articles 51 bis et 307 bis du Code de
procédure pénale : “
peut être également poursuivi et
jugé par les tribunaux tunisiens tout Tunisien qui
commet, en dehors du territoire national, l’une des
infractions mentionnées à l’article 52 bis du Code
pénal, alors même que les dites infractions ne sont
pas punissables au regard de la législation de l’Etat
où elles ont été commises
”.
La torture est courante pour les personnes arrêtées
dans le cadre d’affaires de droit commun, telle
l’arrestation en décembre 1997 de dizaines de jeunes
consommateurs (ou
dealers) de drogue, qui, pour la
plupart, n'ont pas été déférés devant les tribunaux.
La torture est pratiquée par des agents de l’Etat,
fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, de la garde
nationale, de la police, et par des individus agissant à
leur instigation. Nous disposons de témoignages de
torture dans les locaux du ministère de l’Intérieur de
Tunis, de Bouchoucha et de Mornag, dans les postes
de police (Soukra, Den Den, Bardo, Ariana, Jendouba,
Sousse, Monastir, Kebili, Tunis-centre, Sfax, Beja,
Kasserine, Sidi Thabet, Krib, Metlaoui, El Fahs,
Metline, Sakiet Eddaïr...), de la sûreté (Jbiniana), de la
garde nationale (Nabeul, El Aouina, El Kef), dans les
centres de rétention militaire (Remada), et les prisons.
Des endroits spéciaux existent dans les locaux de la
DSE annexés au ministère de l’Intérieur à Tunis, au
centre de Bouchoucha et de Mornag, à la garde
nationale de l'Aouina. Certaines prisons possèdent
des locaux réservés à la torture : il en existe deux à la
prison du 9 avril à Tunis (au sein du pavillon E et sous
le jardin central). Il existe des "villas" reconverties en
centres de torture clandestins à Naassen (gouvernorat
de Ben Arous). Quand le commissariat n'a pas de local
spécial, la torture se pratique dans des bureaux,
meublés d'une armoire contenant du matériel de
torture. Ainsi, le premier étage du commissariat
central de Sfax dispose de deux bureaux équipés de
telles armoires : le bureau des "affaires politiques" et
le bureau des "passeports".
Il y a aussi dans ces locaux des lieux réservés pour
"les soins" après sévices et tortures, afin que les
traces de la torture s'estompent. Ainsi les prévenus
torturés à Bouchoucha en 1992 ont été transférés à
Mornag avant leur présentation au juge.
Le dispositif permanent de la torture se compose de
tables, cordes, gourdins, tuyaux, câbles, barres de
différents formats, eau, seaux, bouteilles, aiguilles,
produits inflammables, équipements électriques, fer
rouge.
La torture est pratiquée de jour et de nuit (au
commissariat de Sfax, ou dans le sous-sol du jardin de
la prison du 9 avril). Les séances de torture les plus
courantes consistent en des coups assénés à un
rythme progressif sur l’ensemble du corps et sur la
plante des pieds par des matraques et des gourdins
de tailles différentes plus ou moins imbibés d’eau, ou
de tuyaux de caoutchouc. Le supplicié est suspendu et
attaché à une barre de fer horizontale, les mains
attachées derrière les genoux. Il est battu jusqu’à ce
qu’il perde conscience ; il est alors remis sur pieds,
puis la séance recommence, parfois assortie de
brûlures à l’eau de Javel ou à l’éther sur les parties
sensibles du corps, d’électrocution, d’immersion de la
tête dans de l’eau mélangée à de l'urine, des
excréments, ou des produits chimiques, d'aspersion à
l'eau bouillante, d'aspersion d'alcool et de mise à feu
du système pileux. Des instruments sont utilisés pour
blesser : chignoles, bouteilles.
Les femmes sont étranglées avec des foulards et
subissent les attouchements des policiers. Les
sévices sexuels sont monnaie courante à l’encontre
des hommes et des femmes, mis à nu (cas de
Abdellatif El Mekki, ex-secrétaire général de l’UGTE,
arrêté et torturé en 1991, sévices attestés par le
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Comité contre la torture : Tunisie
médecin désigné par le tribunal). Ils peuvent aller
jusqu’au viol, par l’introduction d’un bâton dans l’anus
(
Hedi Ben Allala Bejaoui, le 9 avril 1991 au poste de
police de l’Ariana), de bouteilles (
Hamid El Saïd, en
octobre 1991, lors de sa détention au secret au Kef)
ou de cigarettes incandescentes, voire de matières
tranchantes (
Fayçal Barakat, mort en 1991).
Les séances à caractère sexuel ont parfois été
filmées.
Jamila Saadani, arrêtée le 4 septembre 1991,
a été déshabillée devant son frère, brutalisée,
menacée de viol et filmée à la Direction de la Sûreté.
Ces violences avaient pour objectif de lui extorquer des
informations sur son mari,
Walid Bennani. Elle a été
libérée, sans charges.
Les violences à caractère sexuel subies par Widad
Lagha
en juin 1992 ont été filmées par caméra vidéo,
afin de faire pression sur son époux
Ali Larayedh, lui-
même détenu. Les menaces de coups et de sévices
sexuels sont proférés à l’encontre des détenus des
deux sexes, ou d’une tierce personne. Ainsi,
Samir
Klouz
, arrêté le 17 novembre 1990 a été menacé du
viol de son épouse, au commissariat de Bouchoucha.
Zakia Chelfouh a été dénudée et violentée, dans le
cadre d’un interrogatoire sur son mari,
Khemaïs Majri,
en mars 1991. Des fillettes et des jeunes filles ont été
déshabillées et menacées de viol, et ont subi des
attouchements devant leur père, en état d’arrestation.
Ainsi,
Héla Nefzi, 9 ans en 1991, a été emmenée au
centre de Bouchoucha, et déshabillée devant son père,
Mohammed Abed Nefzi.
Lors de leur détention en garde à vue, les détenus sont
privés de sommeil ou de lumière naturelle, voire de
nourriture. Ils peuvent être soumis à un bruit incessant,
à l’audition d’autres séances de tortures, à des
projections de lumière ou des piqûres d’aiguilles les
privant de sommeil, à des injections (intra musculaires
ou intra rectales) leur faisant perdre tout contrôle d’eux-
mêmes, les rendant passagèrement amnésiques ou
provoquant des logorrhées, enfin à tout une panoplie
d'insultes et de chantages.
En 1998, la torture et les mauvais traitements sont
toujours utilisés. Près de 150 jeunes, pour la plupart
consommateurs occasionnels de drogue, ont été arrêtés,
maltraités, pour certains torturés, et sont toujours
détenus sans jugement. Entrer février et avril 1998, seize
personnes (
Kaïs Ouslati, Nourredine Ben Nticha, Taha
Sassi, Ali Jallouli, Iman Derwiche, Jalel Bouraoui, Haykel
Mannaï, Chedly Hammami, Habib Hosni, Ridha Ouslati,
Lotfi Hammami, Rachid Trabelsi, Nejib Baccouchi,
Borhane Gasmi, Henda Arwa
) ont été arrêtées pour des
raisons politiques et ont été toutes torturées.
La durée de la torture correspond souvent à celle de la
garde à vue, dont le délai légal de 10 jours n’est
généralement pas respecté. Voici une liste non
exhaustive de personnes torturées durant une garde à
vue outrepassant le délai légal :
- Habib Ayachi, arrêté le 10 octobre 1990, détenu au
secret vingt-huit jours.
-
Abdellatif Tlili, arrêté le 21 novembre 1990, détenu
au secret quarante-deux jours par la Direction de la
Sûreté à Tunis.
-
Habib Lassoued, arrêté le 14 novembre 1990, gardé
vingt-cinq jours en garde à vue.
-
Monji Jouini, arrêté le 19 décembre 1990, détenu en
garde à vue au commissariat de Bouchoucha quarante-
trois jours.
-
Ali Larayedh, arrêté le 23 décembre 1990, détenu en
garde à vue au secret vingt-trois jours.
-
Zied Daoulatli, arrêté le 23 décembre 1990, détenu
au secret vingt-trois jours.
- Salah Hedri, arreté le 23 avril 1991, détenu au
secret soixante-deux jours.
- Abdelhaliq Alaoui, arrêté en mars 1991, détenu six
semaines au secret par la garde nationale du Kef.
- Sahnoun Jouhri, arrêté le 23 mars 1991 et détenu au
secret vingt et un jours à la Direction de la Sûreté.
-
Ajmi Elourimi, arrêté le 5 avril 1991 et détenu trente-
huit jours au ministère de l’Intérieur.
-
Aïssa Aïssa, détenu au secret en avril-mai-juin 1991
à la Direction de la Sûreté jusqu'à son hospitalisation
à Habib Thameur.
-
Samir Hannachi, arrêté en avril 1991 et détenu
plusieurs semaines à la Direction de la Sûreté.
-
Mohammed Salah Hamdi, arrêté le 14 avril 1991 et
détenu un mois à la Direction de la Sûreté.
-
Amor Arbaoui, arrêté le 2 mai 1991 et détenu
jusqu'au 20 juin 1991.
-
Fawzi Amdouni, arrêté le 9 mai 1991 et détenu au
secret quarante jours.
- Mabrouk Qsir, arrêté le 3 mai 1991 et détenu au
secret cinquante-quatre jours à la Direction de la
Sûreté.
-
Mokhtar Moustaïssir, arrêté à El Aouina, transféré à
la Direction de la Sûreté vers le 10 mai 1991 et
transféré le 27 juin suivant en prison
-
Nasser El Gatri, détenu du 10 mai au 27 juin 1991 à
la Direction de la Sûreté.
-
Imed Abdelli, arrêté le 23 novembre 1991 et gardé
cinquante jours en garde à vue. Libéré puis arrêté à
nouveau le 23 mars 1995 et détenu 27 jours en garde
à vue au ministère de l’Intérieur.
-
Hassen Dkhil, arrêté en décembre 1991, détenu 21
jours au commissariat de Monastir, puis à celui de
Sousse.
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
- Noureddine Mabrouk, arrêté en février 1992, détenu
six semaines à Bouchoucha et à la Direction de la
Sûreté.
-
Fethi Ouerghi, arrêté en octobre 1991 et détenu
plusieurs semaines, successivement au Kef et à
Bouchoucha.
-
Abderrazak Hamzaoui, arrêté en septembre1992 et
détenu plusieurs semaines au commissariat de
Kasserine, puis à la direction de la Sûreté à Tunis et à
Bouchoucha.
-
Jallila Jallati, femme détenue dix-sept jours fin 1992.
-
Mounir Jawadi, livré par les autorités algériennes en
janvier 1993, détenu et torturé pendant deux mois à la
Direction de la Sûreté.
-
Thameur Jawa, détenu dix-huit jours, en janvier 1993,
alors qu’il était hospitalisé.
-
Samir Moussa, arrêté le 25 juillet 1993 et détenu
quarante-huit jours.
-
Salaheddine Zikikout, arrêté le 8 août 1993 et
détenu au secret cinquante-trois jours.
-
Tawfiq Rajhi, arrêté le 26 juillet 1993 et détenu au
secret vingt-trois jours.
-
Younes Kahlaoui, arrêté en janvier 1994 et détenu
quatre semaines, successivement à Nabeul, et à la
Direction de la Sûreté.
-
Ali Mabouj, arrêté le 6 février 1994 à Ben Gardane
et maintenu dix-huit jours au secret.
-
Adel Selmi, arrêté le 10 juin 1994 et détenu en
garde à vue dix-sept jours
-
Mohammed Ali Mabrouk, Naceur et Younes Jouini,
arrêtés en novembre 1994 et maintenus en garde à
vue prolongée.
-
Jalal Maalej, arrêté le 4 décembre 1994 et détenu
trente jours à la Direction de la Sûreté.
-
Tahir Zouinekh, arrêté le 27 décembre 1994 et
détenu au secret soixante-dix-neuf jours à Gabès.
-
Soufiane Mourali, arrêté le 10 mars 1995 à Monastir
et maintenu en garde à vue quarante jours.
-
Imed Abdelli, arrêté le 23 mars 1995 et détenu vingt-
sept jours en garde à vue à la Direction de la Sûreté.
- Kheirreddine Jarrar, arrêté à Tunis le 30 mars 1995,
détenu au secret vingt jours.
-
Hafedh Ben Gharbia, arrêté le 21 avril 1995 et
détenu vingt-huit jours.
-
Bachir Abid, Ali Jallouli et Abdelmoumen Belanes,
arrêtés en novembre 1995, garde à vue prolongée à la
direction de la Sûreté.
L'administration pénitentiaire dépend du ministère de
l'Intérieur et non de celui de la Justice. Les prisonniers
sont torturés dans les prisons ou renvoyés dans les
locaux de la Sûreté pour y subir de nouveaux
interrogatoires. Voici une liste non exhaustive de
prisonniers ayant subis la torture :
-
Sayyed Ferjani, torturé durant sa détention en 1990.
- Mohsen Nouichi, torturé en juin 1991 à la prison du
9 avril.
-
Najib Mourad, torturé en 1992 à la prison de Gafsa.
-
Ismaïl Saïdi, torturé à la prison de Mahdia en 1993,
sera amputé d'un doigt.
-
Mabrouk Qsir, torturé en juillet 1993 à la prison du 9
avril.
-
Mohammed Hedi Sassi, Lotfi Touati, Ahmed Kaabi,
et Sami Daoud
ont subi des sévices sexuels en 1994.
-
Hamma Hammami a été violenté en prison entre
mars et juillet 1994 .
-
Farid Khaddouma, roué de coups à la prison de Borj
Erroumi en 1995.
-
Nejib Hosni, avocat, détenu, transféré trois jours à la
Direction de la Sûreté en novembre 1995 afin de subir
un nouvel "interrogatoire", battu, électrocuté, privé de
nourriture et de sommeil, sera condamné en janvier
1996 à huit ans de prison.
-
Tawfiq Bayouli, torturé à la prison de Monastir en
1994, et à la prison du 9 avril en 1996.
-
Hadda Abdelli, détenue à la prison de la Mannouba,
a été "interrogée" de telle façon dans les locaux du
ministère de l'Intérieur en décembre 1995 que la
direction de la prison a commencé par refuser de la
reprendre dans cet état.
-
Mohsen Nouichi, détenu au 9 avril, transféré à
Mornag et torturé à la Direction de la Sûreté en
novembre 1996.
-
Abdelmoumen Belanes a été battu les 30 avril et 12
mai 1997 à la prison de Nadhor
-
Mohsen Nouichi et Saber Abdallah ont été torturés
en mars 1997 à la prison de Borj Erroumi.
-
Sadoq Chourou, torturé à la prison d'El Houarib
début 1998.
-
Abdellatif Ouslati a été violenté en octobre 1998 à la
prison de Kasserine.
-
Salah Khelifi, a été violenté à la prison de Kasserine
en octobre 1998
-
Sassi Hdhili, a été violenté en octobre 1998 à la
prison de Kasserine, il en a résulté une fracture.
1. Les conséquences de la torture
Les conséquences immédiates sont des blessures,
des fractures, des perforations du tympan, des
infections, des tuméfactions, des hématomes,
l’asphyxie, des accés de démence, des états
paranoïaques, des pertes de notions aussi
élémentaires que le temps, des crises d’amnésie, des
états de prostration, des pertes de connaissance et
des fausses couches.
Les séquelles physiques durables (lésions,
claudication, surdité, problèmes lombaires incurables
suites à des positions à genoux très prolongées,
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Comité contre la torture : Tunisie
difficultés à marcher) sont monnaie courante en raison
de la tradition des coups assénés sur la plante des
pieds. Il y a aussi des troubles du sommeil, des
problèmes articulaires, les paralysies partielles des
avant-bras ou des jambes, les amputations, les
émasculations, les fausses couches, la stérilité.
Hamida Bejaoui, interpellée en 1990, violentée et
déshabillée à Bouchoucha, sera libérée sans être
inculpée, les cervicales fracturées. Tayeb Yatim,
médecin de l'institut Mohammed Qassab lui délivrera
un certificat d'inaptitude à travailler de 45 jours
(certificat n° 2468/90).
poste de police de Metlaoui.
3. Un cas de disparition
A cette liste non-exhaustive de décès dans des
conditions suspectes s’ajoute au moins un cas de
disparition. Il s’agit de
Kamel Matmati, dont on est
sans nouvelles depuis son arrestation sur son lieu de
travail en octobre 1991 à Gabes ; et un cas de
"suicide présumé " : celui de
Hedi Boutaieb à
proximité du centre de rétention militaire de Remada
en 1991.
2. Les décès pendant la garde à vue
4. Les décès en prison
- Abdelaziz Mahouachi, arrêté vers le 21 avril 1991,
décédé avant son arrivée à l’hôpital Habib Thameur, le
30 avril.
- Aberraouf Laaribi, décédé à la fin mai 1991 suite à
son arrestation le 3 mai et à sa détention au ministère
de l’Intérieur.
-
Ameur Deggache, arrêté en juin 1991, décédé au
ministère de l’Intérieur.
-
Abdelwahed Abdelli, décédé en juin 1991 des
blessures dues à un impact de balles non soigné
pendant sa garde à vue à Sousse.
-
Fethi Khiari, décédé pendant sa garde à vue en août
1991, suite à une interpellation illégale.
-
Fayçal Barakat, décédé des suites de la torture
subie au poste de la Garde nationale de Nabeul, suite
à son arrestation le 8 octobre 1991. La plainte
déposée devant le comité contre la torture a été jugée
en définitive recevable
-
Rachid Chammakhi, arrêté à Mornag le 24 octobre
1991 et décédé sous la torture au poste de police de
Nabeul.
-
Mouldi Ben Amor, décédé entre décembre 1991 et
janvier 1992 alors qu’il était en garde à vue prolongée
à Tunis.
- Lotfi Klaa, ex résident en France, décédé sous la
torture en mars 1994, suite à son interpellation à
Djerba.
-
Mourad Jendoubi, en septembre 1994, lors de sa
poursuite par les agents de police.
-
Amar El Beji (Vice-président de la section de
Jebeniana du Mouvement des Démocrates Socialistes -
MDS) a succombé pendant sa garde à vue, à la sûreté
nationale, suite à son arrestation le 9 novembre 1994
près de Jebeniana dans des circonstances troublantes.
Le ministre de l’intérieur a confirmé à l’Assemblée
nationale l’invraisemblable hypothèse de suicide.
-
Jaafar Kichaoui, décédé en état d'arrestation dans
des circonstances obscures, le cadavre a été remis à
la famille par la morgue de l'hôpital de Sfax.
-
Noureddine Alaïmi, décédé le 10 septembre 1995 au
- Ismaïl Khemira, à la prison du 9 avril à Tunis,
vraisemblablement faute des soins nécessités par les
lésions (paralysie) occasionnées par la torture en
février 1994.
-
Azzedine Ben Aïcha, à la prison de Nadhor vers la mi-
août 1994, il aurait été roué de coups.
-
Sahnoun Jouhri (ex-membre du comité directeur de la
LTDH), le 26 janvier 1995 à la prison du 9 avril à
Tunis, suite à l’absence de soins requis par son état
dégradé, en raison des tortures subies pendant sa
garde à vue et une maladie grave. Il avait été transféré
in extremis à l’hôpital.
-
Abdelqader Mosbah, à la prison de Gabès en 1995
dans des circonstances jamais éclaircies, transféré
in
extremis
à l’hôpital Hedi Chaker de Sfax.
-
Farhat El Othmani, à la prison de Mornag en 1997,
dans des circonstances non élucidées.
-
Ali Bouzouir, décédé en mai 1997 à la prison du 9
avril, suite à une grève de la faim.
-
Mabrouk Zran, âgé de 65 ans, le 6 mai 1997, après
avoir été amputé d’une jambe, à quelques jours de la
fin de sa détention à la prison du 9 avril à Tunis,
transporté
in extremis à l’hôpital.
-
Ridha Khemiri, le 25 juillet 1997, en détention
préventive à la prison de Bulla Regia.
- Ahmed Ouafi, avocat impliqué dans une affaire de
droit commun, asthmatique, est décédé le 4
septembre 1997, dans des conditions non éclairées.
5. Les séquelles psychiques
Les séquelles psychiques et les sévices sexuels
entraînent des troubles psychiques chroniques, ayant
des conséquences sur la santé mentale des femmes
(dépression, état suicidaire) et de leurs enfants, eux-
mêmes menacés et violentés.
- Jamila Saadani ne s’est jamais remise complètement
de la dépression nerveuse qui a suivi les violences
sexuelles dont elle a été l’objet en 1991.
- Najet Ben Ayed, de Sfax, torturée et incarcérée, est
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
actuellement sous traitement psychiatrique, en raison
des tortures et sévices infligés lors de sa détention en
avril 1991. Elle n’a jamais été en mesure d’élever ses
trois enfants.
-
Mounir Lassoued, de Tozeur, et Najib Dhib, de Oum
Laraïess, ont perdu la raison suite à la torture subie
au commissariat de Gafsa en 1992.
La dépression nerveuse et l'amnésie frappent
beaucoup de prisonniers dans les premiers temps de
leur détention, ainsi Chadly Mahfoudh, ou Amor
Arbaoui, incapables de reconnaître leurs proches aux
débuts de leur incarcération.
6. L’impunité des auteurs de la torture
- Zoulikha Mahjoubi s’est vue remettre en octobre
1997 son passeport, signé par
Khaled Saïd, l’officier
de police qui l’avait torturée les 11 et 12 octobre
1996 (suspension en position contorsionnée) au
commissariat de Jendouba, et qui lui a naturellement
rappelé qu’ils s’étaient “
déjà vus ”.
-
Samira Ben Salah, épouse d'un exilé en Allemagne,
terrorisée entre 1993 et 1997 par les services de
police, soumise à des sévices sexuels, a été
convoquée à deux reprises par l’officier de police
Mohammed Ennaceur au ministère de l'Intérieur ;
dénudée et soumise à ses chantages afin qu'elle
divorce de son mari, elle a été ensuite harcelée par
l’agent Tahar Dakhlia ainsi que ses filles. On lui a
même enjoint de l'épouser.
- Suite à des interventions au niveau international,
Mme. Timoumi voit son divorce annulé et son
passeport restitué avant la visite du Président Ben Ali
en Allemagne en 1996.
- Le 7 novembre 1993, l’officier de police Mohamed
Naceur connu pour sa brutalité et son sadisme a été
décoré au Palais de Carthage de l’ordre du 7
novembre .
- Mouldi Gharbi a été torturé en février 1991 par
"Béchir",
raïs el mintaqa, et "Abdelghani", policier
rétrogradé à Jendouba, ayant auparavant exercé à
l'Ariana, au sein de
la Firqa el Moukhtassa li chou'oun
el islamiyyin
(ou "brigade spéciale pour les affaires
des islamistes").
Les tortionnaires du commissariat central de Sfax sont
respectivement "Najib Bouhalila" du "bureau des
affaires politiques" et " Najib Borgheroui", du bureau
des passeports qui agissent sous la responsabilité de
"Ridha Gafsi", et avec l'aide d'un tortionnaire
surnommé
"Qelb el Assad" et "Ammar".
- Zohra Hadiji a été victime d'attouchements sexuels
et de menaces proférées sur elle et sa fille par le chef
du poste de police de Sakiet Eddaïr, dit "Ayed", et ses
subordonnés.
-
Aïcha Dhaouadi, Sihem Gharbi, Monia Jalladi, Leïla
Driss, Souad Kchouk
en 1995, ainsi que Naïma Antar,
détenues à la prison de Bizerte, ont subi des
attouchements sexuels dans le bureau du directeur,
Azzedine Nessaïbia, en 1995. Ces prisonnières ont été
amenées par les gardiennes Raja Hammami, Maryam
Machfer et Leïla Kammachi.
La torture à la prison de Borj Erroumi est pratiquée
sous la responsabilité du directeur Belhassen Kilani,
et du responsable de la torture, Zoghlami ; à la prison
du 9 avril sous la responsabilité du chef de secteur,
Nabil Aïdani, assisté au pavillon E de Belqacem
Mahdhaoui. En juin 1991, au pavillon E sévissait un
tortionnaire nommé Tissaoui, assisté des auxiliaires
"Karim" et "Saïd", sous la direction de Belhassen
Kilani. En 1993, toujours au pavillon E, le chef de
secteur était Nabil Aïdani.
A la prison de Messadine en 1995-96, sous la
responsabilité de Nabil Aïdani, à la prison de
Grombalia, sous la responsabilité de Hedi Zitouni, la
torture étant le fait de Mohammed Zerli.
7. La complicité des médecins
Les avocats des prévenus des procès de 1992 qui
avaient demandé une expertise médicale avant
l'audience, se sont vus consentir des "expertises"
demandées par le juge d'instruction au médecin
présumé de la prison civile de Tunis. Il est avéré que
ce dernier, Haytham Kikanem, n’était en fait pas
inscrit à l’Ordre des médecins.
Issam Ben Youssef, médecin qui avait délivré un
certificat médical à un détenu torturé, s'est vu
condamné par la suite à un an de prison.
Ridha Bouali, âgé de 25 ans en 1993, en état
d’arrestation, est amené à l’hôpital Charles Nicolle le
14 juin 1993, puis transféré, le 16 juin à l'hopital des
Forces de Sécurité Intérieure de La Marsa (dépendant
du ministère de l'Intérieur). Diagnostiquant “une
hystérie” le médecin traitant le soigne au gardénal.
Son frère Rushdy tente de lui rendre visite et est à son
tour interpellé. Ridha Bouali ne souffrait selon ses
proches d’aucune pathologie avant son arrestation.
8. Des ressortissants étrangers victimes de la torture
Aux termes de la présente convention, la nationalité
des victimes est indifférente.
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Comité contre la torture : Tunisie
C’est ainsi que Mohammed Laalam, ressortissant
suédois d’origine algérienne, est arrêté le 24
septembre 1996, relâché puis à nouveau arrêté et
torturé. Les sévices ont laissé des lésions visibles et
des problèmes auditifs qui ont été attestés
médicalement après son retour en Suède, le 7 octobre
1996.
Abdelwahab Memmichi, sujet britannique d’origine
tunisienne, a été arrêté et frappé lors de sa garde à
vue au ministère de l’Intérieur en janvier 1997.
9. Le droit de porter plainte est bafoué
Article 13 : "Tout Etat partie assure à toute personne
qui prétend avoir été soumise à la torture sur tout
territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte
devant les autorités compétentes dudit Etat qui
procéderont immédiatement et impartialement à
l'examen de sa cause. Des mesures seront prises
pour assurer la protection du plaignant et des témoins
contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en
raison de la plainte déposée ou de toute déposition
faite".
Les plaintes ne font jamais l'objet d'une enquête
impartiale. Aucun élément convaincant n'est rendu
public à ce sujet. Au contraire, c’est le silence des
autorités qui prévaut et un grand nombre de personnes
subissent des pressions visant à les empêcher de
porter plainte.
C’est ainsi que l'épouse de Tijani Dridi, mort dans des
circonstances obscures en août 1998 alors qu'il était
soumis au contrôle administratif (Ariana), a dû signer
un "engagement" à ne pas rechercher son mari, dont
le cadavre lui sera ramené plus tard pour
l'enterrement, sous haute surveillance policière.
La plainte du père d’un mineur battu par la police à
l’Ariana (Raouf Mathlouthi) a entraîné sa condamnation
à une amende pour diffamation de la police en 1991.
Article 15 : "tout Etat partie veille à ce que toute
déclaration dont il est établi qu'elle a été obtenue par
la torture ne puisse être invoquée comme un élément
de preuve dans une procédure, si ce n'est contre la
personne accusée de torture pour établir qu'une
déclaration a été faite".
Bien que les aveux extorqués sous la torture soient
monnaie courante, les magistrats rendent leur verdict :
- Mortadha Laabidi, arrêté en septembre 1990 à
Gafsa, sera torturé, puis condamné en octobre.
-
Moncef Triki, a été jugé et condamné par un
magistrat informé de la torture subie lors de sa garde
à vue en 1991.
-
Touhami Ben Zeïd, arrêté en février 1992, a été
condamné sur la base d’aveux signés sous la torture
au delà du délai légal de garde à vue, par le Tribunal
de Grande Instance de Grombalia, qui n’en a pas tenu
compte.
- Les 279 personnes jugées par les tribunaux militaires
de Bouchoucha et de Bab Saadoun avaient signé leurs
aveux sous la torture, pour certaines au-delà de la
durée légale. Lorsque
Chadly Mahfoudh s’est plaint,
ainsi que son avocat, devant le tribunal de Bab
Saadoun d’avoir subi des tortures ayant entraîné des
fractures de côtes et du tibia, le juge lui a rétorqué
que cela était dû à une “
chute ”.
-
Mounir Bel Hedi Hakiri, arrêté en avril 1992, a eu
ses ligaments brisés lors des séances de torture à
Bouchoucha en avril 1992. Il n’a pu comparaitre en
raison de son état. Il sera condamné en 1996 à 12
années de prison.
-
Abdellatif El Mekki, torturé lors de sa garde à vue,
n'a pas pu obtenir du juge pourtant parfaitement au
courant, qu'il ordonne une enquête et a été condamné
à 10 ans de prison.
-
Hedi Akouri, arrêté et condamné à Gafsa, sur la base
d’aveux d’un autre détenu obtenus sous la torture.
10. Les exécutions extrajudicaires
Les plaintes déposées par les prisonniers ne sont pas
transmises et sont de fait, encore plus rares.
Mabrouk Qsir, torturé en juillet 1993 à la prison du 9
avril, a déposé sa plainte par lettre à la direction de
l'administration des prisons. Il a été convoqué par son
tortionnaire, Nabil Aïdani. Il a tenté de faire enregistrer
sa plainte auprès du bureau d'assistance sociale où
on lui a répondu qu'on ne pouvait agir que pour les
droits communs. Enfin, il a tenté en vain de faire
enregistrer sa plainte lors de son transfert à la prison
Borj Erroumi, le 25 octobre 1993, mais elle a été
stoppée au niveau de l'administrateur, Belhassen
Kilani.
Toujours selon l'article 16 : "Tout Etat partie s'engage
à interdire (...) d'autres actes constitutifs de peines ou
traitements (...) inhumains ou dégradants qui ne sont
pas des actes de torture telle qu'elle est définie à
l'article premier lorsque de tels actes sont commis par
un agent de la fonction publique ou toute autre
personne agissant à titre officiel, ou à son instigation
ou avec son consentement exprès ou tacite (...).
Bien que non considérées comme des actes de
tortures ou des mauvais traitements au sens strict,
des exécutions sommaires, manifestement imputables
à des agents respsonsables de l’application des lois,
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
ont été relevées essentiellement au cours de l’année
1991.
La décennie s’est ouverte par une série d’exécutions
sommaires sur la voie publique :
- Tayyeb Hammassi, abattu par la police le 7
septembre 1990 lors d’une manifestation à Tunis.
-
Zohra Ettis, abattue le 1er janvier 1991 à Médenine.
-
Salaheddine Babay, le 15 janvier 1991 à Sfax.
-
Mabrouk Zemzemi, blessé le 8 février 1991,
succombe le 12 à l'hôpital Habib Thameur.
-
Ibrahim Abdeljawad, abattu à Souq El Ahad, en
février 1991.
-
Samir Talich, défenestré du 6 ème étage de la cité
universitaire, le 1er mars 1991.
-
Adnan Saïd, le 8 mai 1991, au campus de Tunis.
-
Ahmed Omri, le 8 mai 1991, au campus de Tunis.
-
Tarek Zitouni, dont le corps a été retrouvé au delà
de Mareth en direction de Jerba en février 1991.
Mais aussi des blessures par balles :
-
Adel Amari, le 6 mai 1991, puis interpellé et écroué
-
Mehdi Hdhili, le 8 mai 1991, puis interpellé et
torturé.
-
Mourad Bedoui, le 8 mai 1991
-
Salem Mehiri, le 8 mai 1991, puis détenu
-
Boubaker Kallali, le 8 mai 1991, perd un oeil
-
Ibrahim Khiari, en 1991, paralysé partiellement
-
Rachid Asal, en 1991, perd un oeil.
Ces pratiques viennent en tout état de cause s’ajouter
à la liste des abus imputables aux autorités.
11. L’arsenal des mesures et pratiques répressives
Le milieu de la décennie a vu le renforcement d’un
système de traitements inhumains ou dégradants, qui,
accumulés les uns aux autres, ont réduit des milliers
de citoyens au silence. Ce quadrillage minutieux a été
rendu possible par le développement d'un appareil
policier hypertrophié .
Ces mesures sont appliquées par les forces de police,
de gendarmerie, l’administration pénitentiaire avec la
complicité de médecins, de journalistes, de
magistrats, dans les commissariats, les postes de la
garde nationale, les prisons, la voie publique, le
domicile privé.
On relève notamment le recours aux méthodes et
pratiques suivantes :
- Convocations notifiées par écrit ou oralement dans
les locaux de la police et de la gendarmerie de
personnes qui ne font l’objet d’aucune inculpation.
Certaines y sont amenées de force et soumises à des
interrogatoires concernant des tierces personnes,
comme
Hayya Khardani, arrêtée en septembre 1991,
et retenue quatre jours au commissariat de police du
Bardo parce que son frère était recherché.
- Le courrier est fréquemment volé ou intercepté. Des
destinataires se voient fréquemment invités à le
retirer, ouvert, au poste de police. Son contenu (lettre,
mandat, colis) est alors l'objet d'un interrogatoire sur
l'expéditeur.
- Les appels téléphoniques anonymes insultants ou
menaçants.
- Des domiciles de prisonniers, de condamnés par
contumace ou d’exilés sont mis sous surveillance
policière ostentatoire.
- Des perquisitions diurnes et nocturnes sans
mandats, souvent avec vol, chez des personnes
n’ayant fait l’objet d’aucune inculpation. Ces
personnes sont soumises à des interrogatoires, des
violences, de propos insultants à l’égard de tierces
personnes pouvant être des parents, des époux.
Plusieurs femmes ont été victimes de descentes de
polices et d’interrogatoires concernant leurs maris
absents alors que ces derniers étaient déjà à
l’étranger et que les autorités tunisiennes en étaient
informées. Ces descentes se font en présence de
personnes, mineures, âgées, ou handicapées.
- Le contrôle administratif est légalisé depuis le 22
novembre 1993 : l’article 52 bis, rajouté au Code
pénal, soumet automatiquement des personnes
libérés à un contrôle. “
Est qualifiée de terroriste, toute
infraction en relation avec une entreprise individuelle
ou collective ayant pour but de porter atteinte aux
personnes et aux biens, par l’intimidation ou la terreur.
Sont traités de la même manière, les actes d’incitation
à la haine ou au fanatisme racial ou religieux quels
que soient les moyens utilisés. L’application de la
surveillance administrative pour cinq ans est
obligatoire
(...) La peine ne peut être réduite à moins
de sa moitié
”.
- Le rythme d’émargement et les lieux prévus par le
juge ne sont pas respectés.
- Par voie orale, il est signifié une série d’interdits
relatifs aux vêtements : le port de vêtements neufs
par des personnes âgées ou des enfants devient un
sujet de surveillance de la part d’indicateurs, et
d’interrogatoires de police.
- La liberté de circulation est entravée par des
mesures, notifiées oralement, d'assignation à
résidence, d'interdiction de rendre des visites, ou de
quitter un certain périmètre sans en informer le
commissariat.
- Se généralisent les filatures ostentatoires, par des
voitures, souvent accompagnées de motards équipés
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Comité contre la torture : Tunisie
de portables, qui suivent les mouvements des
personnes dans tous leurs déplacements de jour
comme de nuit et stationnent devant leur logement et
celui de toute personne à qui elles rendraient visite.
Ces filatures qui peuvent durer des semaines ont ainsi
visé des avocats, des militants connus pour leur
engagement dans la défense des droits de l'Homme.
- Des membres des familles d'opposants sont privés
de papiers d’identité et de passeports. Le non-
renouvellement du passeport, bien que difficilement
quantifiable est également une pratique courante et
discrétionnaire dans les consulats tunisiens à
l’étranger.
- Licenciements abusifs, assignations empêchant toute
vie professionnelle, contrôles policiers illégaux de
comptes bancaires, pressions sur les éventuels
employeurs... empêchent toute vie professionnelle.
L’assistance matérielle requise dans ce contexte est à
son tour assimilée à un délit et passible de prison ce
qui prive des milliers de personnes de ressources
- L'incitation au divorce sous la terreur est devenue
une pratique courante, surtout sur des femmes dont
les époux sont en exil ou en prison, à titre d'exemple :
- Fathia Mezigh, de Tataouine, entre 1993 et 1997.
-
Jallila Jallati, à plusieurs reprises.
-
Madame Neffati, épouse d’Ali Neffati, en 1993
-
Naïma Aouinia, originaire de Sidi Bouzid, en 1994.
-
Samira Ben Salah, de Tunis, entre 1993 et 1996.
-
Aïcha Ben Mansour, de Sfax, en 1994.
-
Zohra Hadiji, de Sfax, en 1993.
-
Kheiria Chahbani, de Médenine, en 1996.
-
Dorra Ayadi, de Jendouba, en novembre 1997.
Ces atteintes à la vie privée sont aussi le fait de
médias spécialisés diffusant des propos infamants à
l’égard d’opposants ou de militants des droits de
l'Homme connus. Il s’agit notamment de
Ach
Chourouq
, El Hadath, ou Le Temps, dont les propos
sont relayés par des bulletins anonymes diffusés en
France - La Vérité et Les Masques (bilingues arabe-
français) et, depuis 1998,
Akhbar El Mouflissin (Les
nouvelles des faillis), spécialisés dans les insultes à
connotation sexuelle et dans des appels à la haine
fondé sur la calomnie et la diffamation.
Ce dispositif s’accompagne de la diffusion de
cassettes pornographiques infamantes et diffamantes,
dont le montage met en scène des opposants au
régime (
Ali Larayedh, Abdelfattah Mourou, Mohammed
Mzali
en 1991-92).
Des ressortissants tunisiens résidant à l’étranger sont
l’objet de violence physique ou de menaces :
-
Mondher Sfar, Tunisien résident en France, a été
violemment agressé et blessé à proximité de son
domicile le 22 avril 1996, suite à l'envoi d'une lettre
au Pape Jean-Paul II, le 10 avril 1996.
-
Ahmed Mannaï, réfugié tunisien en France, auteur
d’un livre-témoignage sur la torture en Tunisie,
"
Supplice tunisien, le jardin secret du général Ben Ali",
violemment agressé les 29 février 1996 et 14 mars
1997, diffamé ainsi que son épouse par la publication
anonyme
Les masques datée du même 14 mars.
-
Kamel Jendoubi, porte-parole du Comité pour le
respect des libertés et des droits de l'Homme en
Tunisie (France), diffamé ainsi que son épouse, traité
d’“
intégriste masqué ”, menacé de mort dans le n° 4
du 21 mars 1997 du bulletin anonyme
Les masques .
- Al Anouar, Al hadeth (journaux publiés en Tunisie),
Les masques, les nouvelles des faillis ...ont attaqué,
injurié et menacé à douze reprises
Khémais
Chammari
, militant des droits de l’Homme de longue
date et actuellement contraint à l’exil.
12. Des mauvaises conditions d’incarcération
Déjà très précaires sur le plan sanitaire (surpopulation
carcérale, absence de lits et d'hygiène élémentaire),
les conditions d’incarcération ont encore été aggravées
par la dispersion des prisonniers, les transferts
incessants loin du domicile familial qui restreignent le
droit à la visite.
Le droit aux visites, au courrier, à l’assistance d’un
avocat, aux vêtements, à la nourriture, déjà affectés
par l’éloignement du domicile, est compromis par la
séparation entre les jours de visite et ceux du dépôt du
"panier" (colis) et l’acharnement des autorités
pénitentiaires à l’égard de certaines familles, privées
de papiers d'identité ou de la mention "épouse de", ce
qui les interdit de visite...
En 1998, des dizaines de prisonniers (le rythme
incessant des transferts rend vaine toute velléité
d'indiquer leur lieu de détention) atteints de
pathologies lourdes étaient privés de soins.
A titre d'exemple, on peut citer les cas de :
Meftah Sidaoui, Habib Ellouz (perpétuité), Bouraoui
Makhlouf
(perpétuité), Ridha El Albouchi, Abdallah
Zouari, Thameur Jawwa, Ali Zeraoui, Sahbi Atig
(perpétuité), Daniel Zarrouq, Mohammed Sghir, Sadoq
Chourou
(perpétuité), Fethi Ouerghi, Mohammed
Mssadi, Tawfiq Bayouli, Ahmed Labiadh, Mustapha
Arfaoui, Karim Mathlouthi, Habib Laabidi, Mouldi
Boukari, Kamal Aqrabi
(perpétuité), Choukri Amar,
Mohammed Trabelsi (perpétuité), Toumi Mansouri,
Ajmi Lourimi
(perpétuité), Najib Mourad, Maatoug El Ir,
Abdessalam Khammari, Lotfi Belhadj, Latifa Drissi,
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
Choukri Nawari, Lotfi Snoussi (perpétuité), Jemaa El
Barhoumi, Moncef Abddaïm, Gsouma Gsouma,
Mabrouk Chniter, Najib Louati
(perpétuité), Nourredine
El Ayet, Jalel Mabrouk, Habib Mahjoub, Younes
Kahlaoui, Henda Arwa
.
On peut même parler d'acharnement de
l'administration pénitentiaire :
- Ali Larayedh, asthme et ulcère, détenu à la prison du
9 avril, sa fenêtre a été bouchée, le régime d'isolation
est total, même lors des visites.
-
Abdellatif El Mekki, ulcère, faiblesse généralisé, sa
femme a dû intervenir à plusieurs reprises pour qu’il
soit admis en 1998 à l’hôpital de Sfax dans un état
très dégradé, loin de sa famille.
-
Khémaïs Ksila, diabète, problèmes cardiaques,
insuffisance rénale.
13. Le harcèlement de certaines personnes
- Khadija Ben Ounis, de Qalaa Sghira. On peut
s’inquiéter des conséquences graves du harcèlement
de la garde nationale sur cette femme âgée de 65
ans, dont le fils a été jugé par contumace en 1992 et
reconnu réfugié en France. Celle-ci était à l’époque en
possession de toutes ses facultés physiques et
mentales. Or depuis 1995, suite à des perquisitions à
son domicile avec vols de documents privés,
interrogatoires, intimidations, privation de passeport,
surveillance de ses moindres allées et venues et
communications (courrier ou téléphone) avec ses
proches par des indicateurs, celle-ci n’a jamais pu
reprendre contact avec son fils.
-
Mohammed Hedi Jouini a été condamné à 4 ans de
prison en 1991 et en 1993 par contumace puisqu'en
prison à un an et trois mois pour les même chef
d'inculpation et période. Il a interjeté appel et a obtenu
la relaxe. Le ministère public a déposé un recours et
M. Jouini a été condamné à trois ans et six mois de
prison et a été réincarcéré le 10 juin 1996. Il s'est
pourvu en cassation. Il a mené une grève de la faim
pendant plus d'un mois pour être libéré. A cette
époque, ses frères,
Naoui, Mohammed Ali Mabrouk,
Mohammed Naceur et Younes Jouini
étaient
incarcérés et sans cesse transférés dans des prisons
différentes rendant la visite de leur mère, une veuve
démunie, impossible.
- Ridha Bouali, hospitalisé suite à sa première
arrrestation en 1993, soumis au contrôle administratif
quotidien depuis depuis sa libération en 1994,
violenté régulièrement au commissariat de Ouardia 1
ou à son domicile, contraint au divorce, ses proches
soumis à des interrogatoires, empêché de travailler, a
tenté de se suicider le 3 avril 1998, après une
descente de police à son domicile.
-
Sadoq Bouali, son père, porteur de la carte
d’handicapé physique prioritaire n ° 11 58 54 5638, a
assisté, impuissant, à ce déferlement de violences
policières pendant des années. Sadoq Chourou, a été
emprisonné après avoir été atrocement torturé en
1991 et condamné à perpétuité (1992).
Emna Najjar,
son épouse, mère de quatre enfants a vu la police
s'installer chez elle et a dû fuir. Isolée de sa famille
sur laquelle les autorités ont fait pression, sa voiture
confisquée, elle a les plus grandes difficultés à rendre
visite à son mari. Sa fille, Hajer, très traumatisée, a
été privée de carte d'identité et ne peut rendre visite à
son père. Sa belle-soeur Zohra Chourou, a vu son
passeport confisqué.
-
Latifa Drissi, d'El Fahs, soeur d'un exilé, mère de
deux enfants, a été condamnée en juillet 1995 pour
"
collecte de fonds non autorisée". Elle est la cousine
d'un exilé dont la femme et les cinq enfants étaient
harcelés par la police, privés de passeport et de
ressources entre 1992 et 1997, et dont deux frères
Mourad et Moncef Ben El Hadj sont emprisonnés. Elle
est actuellement emprisonnée et souffre de problèmes
cardiaques.
-
Radhia Aouididi, lycéenne, soeur de Noureddine
Aouididi
, exilé, a été privée de papiers d'identité et
empêchée de passer le bac. Privée de passeport,
comme plusieurs membres de sa famille, elle a tenté
de quitter le pays munie d'un faux passeport. Arrêtée,
elle a fait l’objet d’un article non signé en janvier
1997 dans l’hebdomadaire
Réalités qui évoquait la
perte supposée de sa virginité. Elle est actuellement
emprisonnée à la prison de la Beja. Le 29 octobre
1998, sa mère
Omssaad Aouididi, et son frère
Mohammed Aouididi, le père et le frère de son fiancé,
Abdelmomen et Mohammed Aouididi, ont à leur tour
été arrêtés. Il s'agit de personnes ne faisant l'objet
d'aucune inculpation.
-
Radhia Nasraoui, avocate, mère de deux filles. Sa
voiture a été volée en 1993, son appartement
incendié en 1995, son cabinet cambriolé en 1994 et
1997. Elle a été empêchée d'embarquer le 10 juin
1997. Son cabinet a été dévalisé le 12 février 1998.
Elle a fait l'objet d'une filature ostentatoire, a été
déférée devant le juge d'instruction le 30 mars 1998
pour 11 chefs d'inculpation dont celui de
"liens avec
une organisation terroriste
", mais laissée en liberté...
Elle a été intimidée le 24 mai par un agent de la DSE,
qui a récidivé le 6 juin sur sa fille, Ousseïma. Sa fille
aînée de de quinze ans fait l'objet d'une surveillance
pointilleuse de la police
-
Zohra Hadiji, de Sfax, épouse de Mohammed Jamil
Alila
, exilé en Autriche, mère de trois fillettes, a été
arrêtée en avril 1993, menacée de viol et contrainte
de demander le divorce, soumise à une assignation
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Page 14
Comité contre la torture : Tunisie
quotidienne, privée de passeport. Son passeport lui a
été rendu au bout de cinq années, mais elle a été
empêchée d'embarquer en juillet 1998 et son
passeport lui a été confisqué à nouveau.
Le suicide lié au harcelement :
Mohammed Ali Fadday, soumis au contrôle
administratif huit fois par jour.
Les décès, conséquences du harcèlement :
- Noureddine Boubahri, en France depuis 1969, frère
d'un opposant condamné en 1992, a vu son
passeport confisqué à son arrivée en 1994 en Tunisie.
Traité pour une pathologie lourde en France, il n'a pu
continuer son traitement et a succombé le 4 janvier
1995 en Tunisie.
-
Ghazala Hannachi, mère d'un opposant recherché,
décédée le 5 septembre 1997 suite à une descente
de police à son domicile.
- Abderrazak Barbria, sous contrôle administratif,
décédé à son domicile le 12 novembre 1997 dans des
conditions jamais élucidéees, après avoir été détenu
de jour au commissariat.
-
Tijani Dridi, sous contrôle administratif, décédé entre
le 3 et le 10 août 1998. Son épouse a été dissuadée
de le rechercher, n'a pu connaître les circonstances de
son décès, attribué par les autorités à un "accident",
ni récupérer la mobylette prétendument "accidentée".
Les enterrements se déroulent alors sous haute
surveillance policière, afin d'intimider les familles, de
les dissuader de porter plainte, ou de révéler ce
qu'elles savent du décès.
Aref Aloui, décédé en Libye dans des circonstances
inconnues fin novembre 1997, sera enterré sous haute
surveillance policière le 14 décembre 1997 à
Ghomrassen.
P A G E 1 4
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
Deuxième partie :
Remarques à propos du rapport du Gouvernement Tunisien
1. La pratique de la torture demeure une réalité en Tunisie
2. Sur la question des punitions et d’impunité de l’auteur de la torture
3. L’information judiciaire vis à vis de la torture et l’absence de réadaptation
4. L’assistance judiciaire
5. Le refus systématique d’appliquer la convention en droit interne
6. La régression des droits de la défense en général, particulièrement dans
les affaires liées à l’application de la convention
7. Garde à vue, détention préventive et détention au secret
8. Un droit de visite médicale formel
9. Les conditions de détention
10. A propos de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme
p. 16
p. 17
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p. 19
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p. 21
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Comité contre la torture : Tunisie
Le rapport présenté par le gouvernement se propose
de décrire les mesures adoptées en Tunisie pour
l’application des articles 2 à 16 de la convention
contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants.
Celle-ci a été recensée sous les formes les plus
diverses, à toutes les étapes et sur tous les lieux
d’intervention policière.
1.1. Sur la voie publique et lieux privés
Nous avons constaté que l’exposé qui y est fait de la
situation dans le pays se concentre sur les aspects
législatifs, minimisant l’éclairage essentiel qu’une
étude de la pratique pourrait apporter à une évaluation
plus réaliste aussi bien des textes et de leurs
éventuelles lacunes, que du degré de leur influence
sur la pratique, à la mesure de l’omniprésence et de
l’impunité de certains services de sécurité.
Ce rapport appelle les remarques et les mises au
point suivantes.
1. La pratique de la torture demeure une réalité dans
la Tunisie d’aujourd’hui
Considérant la définition de la torture telle que
communément admise par la convention s’y rapportant
ou même telle que semble l’adopter le rapport officiel
Tunisien, la FIDH et son affiliée, la Ligue tunisienne
des droits de l'Homme, ne peuvent malheureusement
qu’en constater un usage qui sans être massif n’en
n’est pas moins caractérisé, grave et systématique.
Même si l'on ne peut faire état que de très peu de cas
de plaintes de victimes de droit commun recensées
par les ONG pour des abus gravissimes, nous
estimons que les évaluations du nombre de plaintes
sont bien en-dessous de la réalité des abus. Cette
situation s’explique par une prise de conscience
insuffisante, des informations limitées et une
confusion sur le rôle des organismes réellement non
gouvernementaux.
Ainsi, brimades, abus verbaux et violences de gravité
variable semblent presque acceptées comme
comportements ordinaires des agents représentant
l’autorité policière.
Pourtant, les exemples que nous citerons révèlent une
pratique franchissant incontestablement les limites de
l’inadmissible.
Plusieurs plaignants ont décrit à la LTDH des
perquisitions inopinées et illégales à diverses heures
de la nuit, jetant l’effroi et la panique parmi les
femmes, enfants en bas âge et personnes âgées.
Ces descentes ont essentiellement concerné d’anciens
détenus soumis à résidence de façon abusive à
l’occasion de célébrations particulières ou sans motif
aucun, des familles de condamnés en fuite ou à
l’étranger (ex. :
famille Abdelmajid Sahraoui en 1997).
Certains sont battus et humiliés devant leurs enfants
dans un contexte de propos orduriers et de
démonstration d’arrogance d’agents affirmant avec
force qu’ils sont assurés de leur impunité.
Ces pratiques ont causé :
- la mort de Mourad Jendoubi en septembre 1994 à
Bizerte décédé au cours de son arrestation dans le
cadre d’une affaire de droit commun
- la mort de
Ghezala Hanachi, décédée suite à une
bousculade d’agents procédant à l’une de ces
perquisitions à la recherche d’un membre de sa
famille. Une chute a causé sa mort le 5 septembre
1997 à Jendouba à l’âge de 70 ans.
- l’arrestation dans des conditions scandaleuses de
Ahmed BenSalah Zamel Tanoubi torturé en pleine
place publique à la cité Hélal (Tunis) et laissé pour
mort gisant dans son sang dans le véhicule de police
(mars 1996) - [voir dans la troisième partie le
témoignage de sa mère].
1.2 Au niveau des postes de police
C’est là que commencent généralement les
provocations, humiliations et toutes sortes de
traitements dégradants induits sans doute par le
sentiment d’impunité des agents malgré leur
“sensibilisation” et les consignes théoriques. Ces
pratiques concernent aussi bien les détenus de droit
commun que les politiques.
Pour la FIDH et son affiliée, les affaires politiques
représentent la plupart des dossiers suffisamment
détaillés pour indiquer, par leur nombre et leur
concordance, l’ampleur de l’usage de la torture dont
les plaignants ont été en victimes.
Ainsi, pour plus d’humiliation, Monsieur Mohamed
Moada
, Président âgé d’un parti d’opposition
convoqué au poste de police de l’Ariana (Tunis) puis au
ministère de l’Intérieur y est emmené à sa descente
de lit en pyjama sans aucune raison plausible (1998).
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
Toutefois, ces traitements peuvent en arriver à des
situations de torture réelle avec les conséquences les
plus graves.
En témoignent les décès enregistrés dans des
circonstances non encore élucidées dans les postes
de police :
- Ammar Béji, décédé en 1994 à Li Aoudh (voir rapport
LTDH 1995)
-
Ben Aïcha Ezzedine, décédée en août 94 (voir
rapport LTDH 1995)
-
Lofti Klaï, décédé en mars 1994 à Médenine (voir
rapport LTDH 1995)
1.3. Au niveau des prisons
L’administration a recours à des sanctions corporelles
et morales pour des raisons diverses. La LTDH reste à
ce jour sans information quant aux suites données aux
demandes d’enquêtes et plaintes des victimes dont
celles de :
-
Hamma Hammami, prison de Nadhor
-
Abdelmoumen Bel Anes, prison de Nadhor
-
Laycal Romani, prison de Borj Erroumi
-
Imen Dérouiche, prison de femmes de la Manouba
Certains détenus considérés comme des leaders ou
comme dangereux subissent un isolement continu en
dehors de toute mesure disciplinaire ; d’autres vivent
dans des conditions indignes de la personne humaine.
Nous y reviendrons au chapitre consacré aux
conditions de détention.
1.4. Dans les locaux du ministère de l’Intérieur
C’est dans ces locaux, équipés à cette fin, qu’officient
des professionnels, et où les victimes ont déclaré
avoir souffert de l’utilisation des méthodes les plus
élaborées ou barbares, pendant les périodes les plus
longues. C'est là que sont instruites les enquêtes
préliminaires de toutes les affaires politiques et ce
sont donc ces services qui sont unanimement cités
dans toutes les plaintes parvenant à la Ligue. Aussi
bien des détenus que des membres de familles de
personnes recherchées y ont été maltraitées ou
humiliées.
Des femmes de condamnés en fuite ont relaté des
injures, des menaces, bastonnades, sévices divers,
attouchements répétés et pression morale des plus
déstabilisantes.
Lors de son procès, Néjib El Hosni, avocat et militant
des droits de l'Homme aaffirmé avoir été extrait de
prison, puis transféré au secret dans les locaux du
ministère de l’Intérieur pour y être torturé pendant
plusieurs jours au sujet d’une seconde affaire alors en
instruction. Son épuisement physique était encore
visible lors des premières audiences après des
dizaines de jours.
Tous les inculpés arrêtés dans l’affaire des étudiants
de l’UGET (1998) présentés comme militants du parti
ouvrier communiste tunisien non reconnu y ont
séjourné pour subir à des degrés divers privation de
sommeil, bastonnades, électrochocs... Leurs
tortionnaires y ont apparemment bénéficié de la
complicité de médecins prescrivant des traitements
d’urgence ou symptomatiques ou conseillant les
sévices sans séquelles apparentes tels que les coups
violents portés sur le crâne avec les mains, injection
de produits irritants dans les zones sensibles, ... (voir
le témoignage des avocats des prévenus).
2. Sur la question de la punition ou de l’impunité de
l’auteur de la torture
Il est désolant de constater qu’outre les dénégations
de faits prouvés, le rapport du gouvernement tunisien
se hasarde à faussement interpréter un texte de loi
pour justifier de son refus de divulguer les affaires
dans lesquelles ont été condamnés des auteurs
d’actes de torture, pour ne pas révéler l’identité de
ces auteurs supposés et les peines qui ont été
prononcées à leur encontre.
C’est que l’article 5 du Code pénal ne prévoit
nullement, comme il a été affirmé, “l’interdiction de la
publication des extraits des jugements ou de dévoiler
l’identité de l’inculpé (en l’occurrence l’auteur de la
torture) sauf si la juridiction compétente le décide”
(voir n° 73).
Cet article prévoit l’échelle des peines, énumère les
peines principales et les peines accessoires que le
tribunal peut prononcer en matière pénale. Parmi les
peines accessoires, l’article 5-b-8 prévoit la peine de
la publication par extraits de certains jugements, aux
frais du condamné, s’agissant de certains délits par
exemple portant attente à l’honneur.
En vertu du droit pénal interne, et s’agissant des
inculpés ou des condamnés ayant atteints la majorité
légale au moment des faits (18 ans), le procès est
public, les débats sont publics, les noms des
condamnés sont publics. Il en est de même des
charges retenues contre eux et des peines prononcées
à leur encontre (voir par exemple n’importe quelle
compilation de journaux locaux où sont publiés
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Page 18
Comité contre la torture : Tunisie
quotidiennement les noms des condamnés, leur
métier, les charges retenues contre eux, les
condamnations, les témoignages, les juridictions
saisies avec les noms des juges, le nom des victimes
et leurs témoignages).
Par ailleurs, la LTDH n’a jamais été informée, même à
titre confidentiel, des résultats d’une quelconque
enquête alors même qu'elle s’en considère en partie à
l’origine ou en a fait la demande expresse dans le
cadre du suivi de ces affaires.
Une telle interprétation renforce donc la conviction du
refus de coopération efficace des services concernés
par la lutte contre ce fléau.
3. L’information judiciaire vis à vis de la torture et
l’absence de réadaptation des victimes (§ 185)
Contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport du
gouvernement tunisien, la torture physique et morale
est infligée directement aux personnes se trouvant aux
prises avec le système politico-judiciaire et parfois à
leurs conjoints, les enfants en supportant les
répercussions les plus graves.
L’Etat qui refuse de reconnaître officiellement cette
pratique de ses services de sécurité ne reconnaîtra
pas l’urgence de mettre en place des programmes de
réadaptation, de peur que ceci ne puisse être
considéré comme un aveu implicite de l’existence de
la torture.
Le rapport confirme cette situation quand on y prétend
qu’il ne s’agit que de
“dépassements individuels
isolés
” qui ne nécessitent pas un programme de
réadaptation.
Du fait des pressions administratives, légale et
judiciaire, la prise en charge sociale par le secteur
associatif de ce type de traumatismes n’a pu se
développer. Il semble aujourd’hui utopique que des
thérapeutes et militants associatifs puissent obtenir un
visa d’association oeuvrant à la réhabilitation des
victimes de la torture, une population déclarée
inexistante.
Les victimes ont des difficultés à se soumettre à un
traitement post-traumatique à leur charge et à celui de
leurs familles. Le plus souvent, elles viennent se faire
soigner par le médecin de famille pour des pathologies
isolées de leur contexte et sans aveux des sévices
subis.
La peur et le sentiment de honte qui les envahissent
pendant et après l’épreuve, la peur d’être soumis de
nouveau à la même épreuve par les mêmes forces de
sécurité si elles parlent du calvaire qu’elles ont subi,
contribuent pour leur part à rendre difficile
l’émergence d’initiatives sociales de prise en charge et
de réadaptation.
Si la victime se trouve en prison, et que les douleurs
persistent, le médecin attaché à la prison (et souvent
complice de la torture) lui administre généralement
des traitements symptomatiques. On refuse presque
systématiquement de transférer la victime dans un
hôpital extérieur à la prison de peur de voir ses
proches ou son avocat obtenir une copie des
documents médicaux prouvant la torture
a posteriori.
Tout ceci est en contradiction avec l’article 14-2 du
décret du 14 novembre 1988 relatif au règlement des
prisons qui énonce que le prisonnier a le droit aux
soins et aux médicaments dans un hôpital à l’extérieur
de la prison, sur l’indication du médecin de la prison,
en cas d’impossibilité de soin au dispensaire de la
prison.
Les victimes de la torture qui revendiquent
publiquement leur droit à une réadaptation physique
sont plutôt rares.
On peut citer par exemple le cas de Monsieur Lotfi
Hammami
détenu à la prison civile de Tunis et qui
souffre depuis la fin du mois de février 1998 de
dommages corporels graves aux testicules et au pénis.
Ce prisonnier incarcéré sur ordre du doyen des juges
d’instruction auprès du tribunal de grande instance de
Tunis - affaire en cours n° 78301/1 - déclare avoir été
torturé pour la troisième fois dans les locaux même du
ministère de l’Intérieur pendant une semaine entière
(du 21 au 18 février 1998 ) ; les deux précédentes ont
eu lieu dans les mêmes locaux du 13 mars 1992 au 3
avril 1992 pour la première, et du 11 août 1996 au 16
août 1996 pour la seconde. Il déclare avoir subi, de
nuit comme de jour, à la suite de la dernière
arrestation, plusieurs séances de torture, dont
l’épreuve du fil noué au-dessus des testicules et tiré
par un agent, alors que le sujet complètement nu est
suspendu par les pieds au plafond. Ses avocats ont
demandé lors de sa première comparution devant ce
juge d’instruction un examen médical conformément à
l’article 13 bis du Code de procédure pénale et un
traitement spécialisé immédiat. Ils ont renouvelé la
demande le 25 avril 1998, puis ont déposé une
troisième demande au début du mois d’octobre. Aux
dernières nouvelles, toutes ces demandes sont
restées sans suite. Lofti Hammami n’a pas encore été
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
hospitalisé bien qu’il souffre toujours d’inflammation
des testicules et du sexe et qu’il déclare que les
traitements prescrits par le médecin responsable du
dispensaire de la prison ont fait la preuve de leur
inefficacité.
Concernant les possibilités de réparation (n° 186 et
187), le Code de procédure pénale prévoit plusieurs
possibilités légales. Mais toutes sont subordonnées à
l’ouverture effective d’une enquête judiciaire ordonnée
par le Procureur de la République, et à la
condamnation de l’auteur de l’infraction.
Selon l’article 26 du Code de procédure, le Procureur
de la République est chargé de la constatation de
toutes les infractions, de la réception des
dénonciations qui lui sont faites par les fonctionnaires
publics ou les particuliers ainsi que les plaintes des
parties lésées.
Le Procureur est représenté à l’audience du tribunal
correctionnel par son substitut, il se fait communiquer
régulièrement toutes les pièces de la procédure
instruite par le juge d’instruction. Si un prévenu se
plaint, au cours de l’interrogatoire par le juge
d’instruction, d’avoir signé des aveux sous la torture,
le Procureur est aussitôt informé. Si cela a eu lieu à
l’audience, il est présent via son substitut. Ainsi, le
Procureur ne peut pas ignorer les faits de torture.
Cependant, il n’ouvre jamais d’information judiciaire de
son propre chef.
Bien plus, de nombreuses plaintes ont été déposées
par des victimes de torture depuis plusieurs années,
particulièrement à la suite de la promulgation en 1988
de l’article 13 bis du Code de procédure pénale qui a
institué la possibilité de la visite médicale. Mais
toutes ont été classées sans suite.
Au début, les avocats ont cru que les procureurs
allaient se conformer aux dispositions du Code et
ordonner des enquêtes. Mais, ils ont vite déchanté
face à leur persistance à ne pas instruire ce genre de
plaintes. De ce fait, on a constaté progressivement
une diminution du dépôt de plaintes, les avocats
considérant que la procédure est vouée à l’échec.
On peut citer plusieurs plaintes classées sans suite,
dont :
- n° 38566 du 23.02.94 : tribunal de Sousse, Hamma
El Hammami
contre X, agents de police.
- n° 29781 du 03.07.95 : tribunal de Bizerte
Hamma
El Hammami
contre Hichem El Ouni et Sami Kallel,
directeur de prison de Nadhar et son subordonné.
- n° 43400 du 25.07.97 : tribunal de Bizerte
Adelmoumen Belanes contre Ali Chouchène et contre X,
le directeur de la prison de Nadhar et plusieurs de ses
agents
- n° 49356 du 24.07.98 : tribunal de l’Ariana
Imen
Dérouiche
contre Nadia Ben Salah, Om Saad et X
- n° 42348 et 43400 : tribunal de Bizerte
Nabil Ben
Mohamed, Salah et Ouaer
contre Laycal Erromani et X
directeur de la prison de Bori Erroumi et agents
4. L’assistance judiciaire
La Commission spécialisée indiquée au numéro 188
existe effectivement auprès de chaque tribunal de
grande instance. Elle se consacre à l’assistance
judiciaire aux personnes indigentes. La dite
commission s’occupe de l’assistance judiciaire à ces
personnes dans des affaires judiciaires de toute
nature (articles 36 à 38 de la loi n° 89-87 du 07 juillet
1998 portant organisation de la profession d’avocat).
Contrairement à ce qui est affirmé au paragraphe 188
du rapport du gouvernement, cette commission
n’accorde pas de priorité aux victimes de la torture.
Jusqu’à aujourd’hui nous n’avons entendu parler
d’aucun cas de victime indigente ayant eu recours à
cette commission pour intenter une action en justice
contre un tortionnaire présumé et encore moins d’y
bénéficier d’une quelconque priorité.
Si les frais de procédure sont couverts par
l’administration financière, il est à noter que,
contrairement à ce qui est mentionné au paragraphe
188, les honoraires d’avocat ne sont pas pris en
charge par cette administration ou par l’Etat. Ceci
n’est pas le cas dans beaucoup d’autres pays. De par
la loi, les avocats tunisiens s’occupent gratuitement
des affaires qui leur sont confiées par la dite
commission, sauf si l’indigence de la personne
assistée a cessé.
5. Refus systématique d’appliquer les dispositions de
la convention dans le droit interne
Bien qu’elles priment normalement sur les
dispositions du droit interne (par l’effet de l’article 32
de la Constitution), les dispositions de la Convention,
en particulier son article 15, sont systématiquement
ignorées par les tribunaux. Ceci malgré les demandes
incessantes de la défense.
Les juridictions pénales considèrent, quand il s’agit
d’appliquer les dispositions de la dite Convention,
qu’elles ont pour mission d’appliquer “la loi”. Elles
entendent par ce terme générique, la loi interne votée
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Comité contre la torture : Tunisie
par le Parlement et ses textes d’application. Ces
juridictions refusent obstinément de donner à la
Convention la place qui lui revient dans la hiérarchie
des normes légales.
Il faut rappeler que depuis une dizaine d’années, et
s’agissant des instruments internationaux des droits
humains dont la Convention sur la torture, c’est cette
théorie qui est consacrée par la jurisprudence pénale
de la Cour de cassation. Par contre, en matière civile
et commerciale, la Cour applique généralement les
textes internationaux.
Jusqu’à aujourd’hui, il n’existe aucun jugement qui
considère que la dite Convention est applicable en
droit interne. Il n’existe pas à fortiori de décisions
ayant appliqué l’article 15 de la Convention
. Et pour
cause ...
Ces dernières années, beaucoup d’avocats ont
demandé, dans les affaires où le prévenu s’est plaint
de tortures, l’application de l’article 15 de la
Convention. Les juridictions pénales ont
systématiquement ignoré ces demandes ; certaines
vont même jusqu’à répondre à l’avocat en audience
publique qu’il n’a pas le droit de soulever ce genre
d’arguments extérieurs au dossier et aux textes
d’incrimination, sous peine de s’exposer aux sanctions
de la loi 89-87 (l’avocat se trouvant exposé
personnellement car le tribunal pourrait considérer en
effet qu’une telle insistance constituerait une offense).
Exemples : Toutes les affaires à caractère politique,
quand l’accusé se plaint d’avoir été torturé.
6. Régression des droits de la défense en général et
particulièrement dans les affaires liées à l’application
de la Convention
Des pratiques judiciaire illégales ont vu le jour ces
dernières années. Elles mettent fondamentalement en
cause les droits de la défense.
Parmi les plus graves, il faut citer la difficulté de plus
en plus grande pour accéder au dossier ou du moins
pour prendre connaissance de toutes les pièces du
dossier. Les tracasseries sont nombreuses : limitation
de la communication des pièces au seul interrogatoire
du prévenu, refus de la communication des pièces de
la procédure, refus de permettre à l’avocat de prendre
connaissance des pièces confisquées....
Il faut aussi citer les tracasseries administratives
multiples pour empêcher l’avocat de visiter son client à
la maison d’arrêt : délais d’attente trop longs, refus
illégal d’amener le détenu sous prétexte qu’il a été
sanctionné, non confidentialité de la visite par la
présence d’agents qui veulent entendre les propos de
l’avocat et du détenu, éloignement du détenu dans une
autre région que celle du tribunal saisi, alors que le
permis de visite n’est valable que pendant les heures
de travail administratif de la journée où il a été délivré
à l’avocat.
En conséquence, de nombreux avocats ont abandonné
cet argument dans leurs plaidoiries, ce d’autant que
l’article 46 alinéa dernier de la loi du 7 septembre
1989 portant organisation de la profession d’avocat,
dispose que si l’infraction commise par l’avocat porte
atteinte aux membres du tribunal, il peut être jugé en
séance tenante par un tribunal autrement composé...
Il faut aussi citer l’interdiction du droit de visite de
l’avocat après que l’affaire ait été jugée en appel et
ce, pendant toute la période qui précède la décision de
la Cour de cassation. Ce droit qui existait a été
supprimé il y a quelques années, le Procureur général
auprès de la Cour de cassation refusant désormais de
livrer des permis de visite.
Le résultat de cet état de fait est que la culpabilité est
déclarée, dans ces décisions judiciaires, uniquement
sur la base de procès verbaux de police en
contradiction avec l’article 15.
Par contre les déclarations du prévenu en présence de
son avocat, devant le juge d’instruction ou devant le
tribunal, sont considérées comme un moyen de se
soustraire à la sanction, alors même qu’aucune
investigation supplémentaire ou plus complète prévue
par le Code n’est entreprise (refus d’entendre les
témoins requis par la défense, ou de d’ordonner les
confrontations nécessaires, les reconstitutions sur les
lieux de l’infraction..., toutes procédures obligatoires
ou prévues par le Code de procédure).
Beaucoup d’avocats refusent d’accepter ce genre
d’affaires. D’autres s’interrogent sérieusement sur leur
rôle, considérant qu’ils sont utilisés comme alibis dans
des procédures pseudo-contradictoires. Enfin, une
minorité s’arc-boute encore sur les droits de la
défense. Elle croit encore et espère que tout prévenu,
quelque soient les charges retenues contre lui, a droit
à un procès équitable. Ces avocats deviennent le plus
souvent sujet à des harcèlements directs ou indirects.
Maître Radhia Nasraoui a vu son étude dévastée lors
d’une effraction de nuit. Elle a été soumise, ainsi que
d’autres avocats militants, à des filatures flagrantes,
prolongées et agressives. Tel a également été le cas
pour les avocat
Najet Yacoubi, Hedi Ben Mehrez,
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
Bochra Bel Haj Hamida, Mokhtar Trifi et Fadhel
Ghedamsi,
par ailleurs membre du Comité directeur de
la LTDH.
D’autres s’interrogent sur les répercussions leurs
activités militantes avec des persistantes difficultés de
relations professionnelles normales avec une clientèle
publique.
7. Garde à vue, détention préventive et détention au
secret (exemple en 3ème partie)
La loi 87-70 du 26 novembre 1987, portant
amendement de certains articles du Code de
procédure pénale, fixe la durée de garde à vue à
quatre jours pouvant être prolongée de quatre, puis
deux autres jours par l’autorité judiciaire représentée
par le Procureur de la République.
L’expérience nous a amené à constater que pour
nombre de procès, la garde à vue est presque
systématiquement prolongée au-delà son délai
maximum (nonobstant la durée véritable de garde à
vue qui peut être abusive moyennant manipulation des
dates de consignation des arrestations que nous
évoquerons).
La garde à vue ne se justifiant que par la nécessité de
l’enquête alors que les procès verbaux présentés lors
de certains procès sont uniquement datés des
premières quarante-huit ou trente-six heures, le doute
continue de planer quant à la nécessité de ces
prolongations si ce n’est dans l’unique but de laisser
les traces de sévices s’atténuer car c’est pendant ces
premiers jours que la torture est pratiquée et que le
procès verbal de l’enquête préliminaire est dressé.
Au vu des procès verbaux, les avocats ont toujours
remarqué que la durée de garde à vue est comptée,
non pas à partir du début de la détention, mais des
derniers jours seulement, de telle sorte que si la
personne est gardée à vue plus de dix jours, les
premiers jours seront décomptés de la durée totale de
la garde à vue.
Cette période constitue une détention
au secret.
La détention au secret existe toujours. Elle se pratique
de la manière suivante : l’arrestation se fait
généralement par des agents en civil qui ne déclinent
pas leur identité, et ne se présentent pas. Ils
investissent à plusieurs le domicile de la personne
visée, à toute heure du jour ou de la nuit, ou son lieu
de travail ou un lieu public, et l’emmènent de force
sans lui présenter de convocation, ni les charges
retenues contre elle.
Les premiers jours, le lieu de la détention reste secret
pour la famille et les proches qui doivent se déplacer
d’un poste à un autre pour chercher en vain des
renseignements.
Même les avocats ne savent pas où se trouve leur
client. Le Procureur de la République lui-même déclare
aux avocats et aux familles, au cours de cette période,
que tant qu’il n’a pas de dossier, il n’a aucune
information à donner. Ceci alors que d’après les
termes de l’article 13 bis du Code de procédure
pénale, il est aussitôt mis au courant de l’arrestation,
en plus du fait que toute enquête préliminaire doit se
faire sous son autorité directe.
Pour donner une couverture légale aux dépassements
importants de la durée maximum de la garde à vue
dans certaines affaires, des pratiques illégales de
détournement de procédure ont vu le jour.
Une Commission rogatoire est donnée, par le juge
d’instruction qui va être saisi de l’affaire, à
l’enquêteur à la fin de la garde à vue mentionnée dans
le procès verbal de police, alors même que le dit juge
n’a même pas entendu le prévenu en première
comparution. Ainsi, commence une deuxième période
de garde à vue sous l’autorité du juge d’instruction
après celle qui a été soit disant ordonnée par le
Procureur de la République ; tout cela sans que
l’avocat ne soit mis au courant. Il ne le découvrira
qu’après avoir pris connaissance des éléments du
dossier. Ainsi, deux gardes à vue maximales se
suivent.
Les avocats n’ont cessé de réclamer aux juges saisis
des dossiers d’enquêter sur la date réelle de
l’arrestation (convoquer et entendre les témoins de
l’arrestation au quartier où habite la personne
concernée ou à son lieu de travail... et instruire en ce
sens). Ils ont toujours demandé, aussi, à ces mêmes
juges de vérifier les dates au registre spécial de la
garde à vue mentionné au dernier paragraphe de
l’article 13 bis du code de procédure pénal et tenu par
les officiers de police judiciaire. Mais les juges ont
toujours ignoré ces demandes.
Certains d’entre eux vont jusqu’à affirmer aux avocats
faisant ce genre de demandes que l’inculpé, sachant
qu’il était recherché, est parti de chez lui pour se
cacher jusqu’au jour où il a été arrêté à la date
mentionnée dans le procès verbal de police !!!
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Comité contre la torture : Tunisie
Par ailleurs, la détention préventive est expressément
présentée, à l’article 84 du Code de procédure pénale,
comme mesure exceptionnelle. En fait, elle a été
systématiquement requise lors des procès politiques
alors que ni les problèmes de sécurité, de nouvelles
infractions ou de difficultés d’exécution de peines
n’étaient de mise (
procès Khémaïs Chammari,
Mohammed Moada, Khémaïs Ksila
...).
Les articles 25 à 34 traitent également des
garanties en matière de détention préventive. La
période maximale ne doit pas excéder un mois pour
les délits et 14 mois pour les crimes depuis 1993.
Cependant, les avocats de la Ligue nous signalent que
ces délais sont en fait des délais requis par
l’instruction. Aussi, une instruction clôturée et
transmise à la chambre d’accusation peut justifier une
période maximale nouvelle en cas de demande
d’instruction complémentaire de la part de celle-ci.
8. Un droit de visite médical formel
Bien que l’article 13 bis du Code de procédure pénale
donne à la personne gardée à vue ou à l’un de ses
proches la possibilité de demander un examen médical
au cours ou après la garde à vue, cet article de loi est
resté quasiment lettre morte.
Ce texte n’offre légalement qu’une possibilité de
demander l’examen médical, laissée à la discrétion
soit de l’enquêteur de police qui dresse le procès
verbal et qui commet en même temps les actes de
torture, soit à la discrétion du Procureur de la
République ou du juge saisi du dossier (juge
d’instruction ou juridiction de jugement). Ensuite, ce
texte ne prévoit pas de sanction légale si l’autorité
saisie de la demande d’examen médical l’ignore ou n’y
donne pas suite (par exemple la sanction de la nullité
de la procédure ou du moins de la nullité des procès
verbaux dressés par les enquêteurs de police). Enfin, il
est de notoriété publique que les autorités judiciaires
n’accèdent pas à cette demande avec la célérité
requise lorsqu’elle leur est présentée, dans quasiment
tous les cas où le détenu s’est plaint de torture.
Par contre, dans quelques affaires qui ont reçu une
grande publicité , on n’a accédé à la demande
d’examen médical que plusieurs semaines après la
disparition des traces de torture sur le corps du sujet,
manifestement pour rendre vaines les tentatives de
preuve des allégations de torture.
les faits, par un médecin légiste qui a refusé, malgré
l’insistance du patient qui se plaignait de maux de
tête, de sensations vertigineuses et de douleurs post-
traumatiques du nez, de faire un examen plus
approfondi (M. H. Hammami arrêté le 14 février 1994
a déclaré avoir été torturé pendant 48 heures sans
interruption, au siège du ministère de l’Intérieur, par
une dizaine de fonctionnaires à la fois, ligoté sur une
chaise, et recevant entre autre des coups sur et
derrière la tête par la paume des mains).
Ses avocats, qui l’ont visité le 16 février 1994 à la
prison civile de Sousse, ont constaté
de visu des
hématomes sur le nez, autour des yeux, sur le visage
et le cuir chevelu. Le médecin requis par le tribunal
s’est limité à des observations superficielles arguant
au patient qu’il avait été requis par le tribunal pour
“rechercher et décrire les traces traumatiques sur le
corps et la tête”. Malgré l’insistance des avocats à
l’audience du 16 mars 1994 pour qu’un nouvel
examen soit effectué par un médecin spécialiste, le
tribunal a continué de refuser. Alors même que le
dossier du tribunal contenait une photo du prévenu
prise immédiatement après les séances de torture où
étaient clairement visibles les hématomes (cette photo
était jointe au dossier pour les besoins d’une
vérification d’identité dans le cadre d’une expertise
concernant un des chefs d’inculpation).
Dans quelques affaires pénales intentées contre les
personnalité connues, qui n’ont pas subi de sévices
corporels au cours de la garde à vue, l’enquêteur
préliminaire procède à un examen médical de son
propre chef ou après une demande déposée auprès du
Procureur de la République par la défense qui ignorait
le sort de son client.
Exemple : l’affaire Moncef Marzouki, n° 68924/2
déférée devant le juge d’instruction près du tribunal de
Tunis le 29 mars 1994 où a été joint au dossier un
certificat de bonne santé.
9. Les conditions de détention
Si les aspects légaux et réglementaires organisant la
détention semblent des plus rassurants, la réalité est
malheureusement toute autre puisque les droits
essentiels tels qu’énumérés à l’article 102 sont
totalement ignorés, nous citerons :
9-1. Le droit à la santé, à l’hygiène et aux
médicaments
Exemple : Le cas de Hamma Hammami, affaire
n°38566 auprès du tribunal de grande instance de
Sousse. L’examen médical a été réalisé 17 jours après
De quelle propreté peut-on parler avec la surpopulation
carcérale qui prévaut dans la majorité des prisons ?
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
Le droit a un lit individuel expressément prévu par les
règlements avancés est un luxe pour un nombre très
important de détenus, particulièrement de droit
commun.
Nous citerons les décès de Sohnoun Jouhri, Mabrouk
Zran
(juin 1997), Ahmed El Ouafi (septembre 1997),
Ridha Khémiri
(à la suite d’une grève de la faim de
plus de 40 jours le 25 juillet 1997).
Le “tas” (“kods”), expression commune dans les lieux
de détention, est une réalité connue de tous ceux qui
ont eu à y séjourner. Elle désigne tous les détenus qui
arrivés tardivement ou dominés ne peuvent bénéficier
d’un lit et se contentent de dormir sur les couvertures
dans les allées des cellules. Au niveau même du “tas”
la promiscuité est désastreuse et oblige aux pires des
situations.
Khémaïs Ksila, Vde la Ligue tunisienne des droits de
l'Homme et internationalement adopté comme
prisonnier d’opinion, n’a pu éviter ce sort et a dû
recourrir à diverses actions de protestations pour enfin
bénéficier d’un lit.
Khémaïs Chammari, ancien député,
de santé fragile a eu à subir les mêmes conditions
pendant une période assez longue. Que dire du détenu
anonyme ?
Pire encore, la promiscuité et l’enfermement dans des
quartiers à risques (déviations sexuelles, porteurs de
maladies transmissibles...) sont parfois utilisés
comme ignobles moyens disciplinaires pour des
détenus politiques
(cas Mohammed Hédi Sassi
rapporté à la Ligue et ayant provoqué une enquête
officielle sur plus d’un abus,
cas Sami Daoud).
L'état des toilettes et les conditions d’accès à l’eau
dans les cellules sont extrêmement mauvaises.
La saleté, ou plutôt l’insalubrité, est également
sciemment utilisée dans les locaux disciplinaires
(humidité, insectes, et parasites...).
De nos jours encore, les prisonniers sont obligés de
se faire raser en série par un préposé à cette tâche
avec la même lame, le traitement préférentiel étant de
se faire raser le premier, ce qui, l’information sanitaire
aidant, fait vivre une angoisse quotidienne devant la
possible contamination et constitue un crime
d’exposition de la vie au danger.
S'agissant de la prise en charge médicale, les décès
de nombreux détenus dans des circonstances
préoccupantes sont plus que significatifs.
La Ligue Tunisienne des droits de l'Homme a, à
chaque fois, relevé ces anachronismes et demandé
des informations détaillées les circonstances des
décès et appelé à une prise en charge adéquate dans
les délais (communiqué du 15 septembre 1997).
Les détenus atteints de troubles psychiatriques
souffrent également d’une prise en charge inquiétante.
Les témoignages concordants rapportés à la Ligue
décrivent des malades quasiment assommés de
différentes drogues et vivant une déchéance totale.
9-2. Droits de visite
Pratiquement tous les détenus d’opinions ont
eu à subir des mesures disciplinaires ou de pratiques
condamnables qui vont de l’emprisonnement dans un
lieu très éloigné de la famille - de fait une peine
complémentaire extrajudiciaire d’isolement des
proches - aux transferts non communiqués aux
familles et parfois aux avocats, à l’interdiction de
visite.
9-3. Mesures disciplinaires
Les règlements évoqués parlent d’interdiction de
visites ou de nourriture apportée par la famille,
d’isolement temporaire et de privations des fournitures
de rédaction et de publications. Si cette dernière
mesure est une sanction, elle semble être quasiment
systématique pour les détenus d’opinion.
Malheureusement, le paragraphe 103 du rapport
gouvernemental arguant de l’interdiction de châtiments
corporels n’est qu’une contre vérité. Des témoignages
concordants et nombreux ont décrit l’atrocité de cette
pratique ou parfois de nombreux agents se sont
acharnés sur des détenus isolés (
Mohammed Hédi
Sassi, Abdelmoumen Bel Anès, Mohamed Jebali
dont
le bras a été fracturé).
Dernier témoignage en date (été 1998) : Imen
Dérouiche
est extraite de sa cellule et passée à tabac
par trois gardiennes dans un couloir de la prison pour
avoir dénoncé les pratiques graves d’une agent
pénitencier. Un avocat la visitant plusieurs jours après
l’agression a pu constater
de visu les traces encore
visibles des sévices subis. Imen Dérouiche a eu le
courage de dénoncer ses agresseurs nommant
Nadia
Ben Salah, Salha Fadhti et Om Saad
. Elle a entamé
par la suite une grève de la faim pour protester contre
des mesures disciplinaires supplémentaires et
réclamer les soins que son état de santé nécessitait.
Les cas qui nous sont signalés ne peuvent
malheureusement pas refléter l’ampleur de la
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Comité contre la torture : Tunisie
pratique : seuls les détenus politiques la dénoncent,
ceux de droit commun l’acceptant comme une loi de la
prison.
La LTDH a, à plusieurs reprises, demandé
l’autorisation de visiter les prisons du pays. Le principe
en a été accepté à l’occasion d’une période de détente
de ses relations avec les autorités. Cette possibilité
n’a malheureusement pas encore pu se concrétiser à
ce jour.
manifestations sous couvert de diverses justifications.
- interdiction d’une réception en décembre 1995 sous
prétexte d’avaries dans les salles de deux hôtels
différents.
- interdiction d’un séminaire de formation des cadres
ayant pour thème “la détention préventive dans la
législation tunisienne et les textes internationaux”
organisé à Sousse en novembre 1996
10 . A propos de la Ligue Tunisienne de Défense des
Droits de l'Homme - LTDH
- interdiction de la célébration de la déclaration
universelle des droits de l'Homme en décembre 1996.
Dans sa deuxième partie, et en complément
d’information demandé par le Comité à l’issue de
l’examen initial, le rapport précise (§ 152) “que la
LTDH se propose d’accomplir diverses tâches en vue
de la promotion et de la protection des droits de
l'Homme. Elle organise des
séminaires, exprime sa
position
sur l’état des droits et des libertés, intervient
auprès des autorités
concernées afin de trouver des
solutions aux plaintes...”.
En réalité, et pour chacune de ces tâches, la situation
est toute autre. En dehors de quelques courtes et
rares périodes, les relations entre la LTDH et les
autorités n’ont fait que se détériorer, empêchant ainsi
le développement de relations de coopération et de
confiance mutuelle.
10-1. En matière d’accès aux moyens d’information le
“black out” total est imposé aux écrits de la Ligue
depuis une longtemps, particulièrement de la part des
publications sous contrôle officiel.
Ainsi, le rapport de l’observatoire des élections de
1994 et le rapport sur l’état des droits de l'Homme
(1995) n’ont été que brièvement évoqués par les
journaux de la centrale syndicale ou ceux des partis
autorisés, de même que pour près d’une cinquantaine
de communiqués dont il n’a pu être fait écho
qu’exceptionnellement pour la même période 1994 et
1995.
Ce blocus médiatique concerne également les activités
de la Ligue en général, aussi bien aux niveaux central
que régional, chaque fois que le dialogue avec les
autorités est interrompu, la laissant ainsi dépourvue
de tout moyen de communiquer ses positions et de
faire connaître ses activités.
10-2. Concernant la promotion de la culture des droits
de l'Homme, il est nécessaire de préciser que ces
dernières années ont vu l’interdiction de plusieurs
- interdiction d’une manifestation organisée par la
section de Sfax - été 1996 - pour défaut d’autorisation
du gouverneur.
- interdiction d’un séminaire commun avec “El Taller”
et CREDIF (Centre de Recherche et de Documentation
sur la Femme) - octobre 1996
10-3. Depuis près de trois ans, la LDTH est ignorée
lors de toute manifestation officielle, y compris celle
célébrant la journée des associations ou la déclaration
universelle des droits de l'Homme.
10-4. La Ligue fait également l’objet de graves
pressions et tracasseries policières dont :
- la surveillance perpétuelle des locaux de la LDTH par
les services de diverses polices particulièrement lors
des réunions.
- l’interception systématique des communications
téléphoniques de la Ligue et de ses dirigeants.
- l’ interception des correspondances
- des actes de vandalisme sur les voitures de
Messieurs K. Ksila et A. Allagui (novembre 1995).
- surveillance des résidences, tracasseries et filatures
flagrantes des dirigeants de la Ligue et des militants
de ses sections.
- perquisitions inopinées, pour des motifs fallacieux, de
domiciles des militants.
10-5. Pressions sur les membres du Comité directeur
- garde à vue de M. Salah Zeghidi à son retour d’une
mission de représentation de la LTDH à l’étranger
(octobre 1996)
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
- convocation du même Salah Zeghidi devant le
Procureur de la République au retour d’une seconde
mission à l’étranger
- convocation du Président de la LTDH devant le juge
d’instruction dans le cadre d’une affaire concernant le
directeur exécutif de l’Institut Arabe des Droits de
l'Homme, audience au cours de laquelle il a été
confronté au supposé contenu de sa communication
téléphonique avec le président de la FIDH (1996)
- licenciement abusif de M. Khemaïs Ksila, Vice-
président de la Ligue de son travail dans une société
nationale (février 1996). Confiscation de son
passeport (août 1996). Arrestation (septembre 1997)
à la suite d’une grève de la faim et de la publication
d’un communiqué expliquant son geste par la
persécution dont il estime être l’objet et demandant le
rétablissement de ses droits. Condamnation à trois
ans de prison et à une amende de 1200 Dinars
(février 1998).
- convocation du Président de la LTDH devant le
Procureur de la République pour s’expliquer au sujet
d’un communiqué du conseil national (février 1998).
10-6. Entraves au financement de certains projets de
la Ligue, notamment par des pressions politiques au
niveau des services de la Commission Européenne,
pour empêcher la conclusion de projets dont
l’acceptation du financement était acquise dans le
cadre du projet Euro Med de renforcement de la
société civile, des droits de l'Homme et de la
démocratie dans les pays du Sud de la Méditerranée.
10-7. Interdiction de passeports injustifiés de
plusieurs militants. Le 27 octobre, cette pratique
abusive a été légalisée par l’adoption d’une loi qui
érige le juge en censeur des libertés.
Par ailleurs, les multiples tentatives de la LTDH pour
renouer le contact avec les autorités (par les
correspondances avec les services du ministère de
l’Intérieur pour demander des compléments
d’informations, pour attirer l’attention sur des abus ou
pour le rétablissement de droits) restent
malheureusement à ce jour, lettres mortes ; les
services concernés ne jugeant apparemment pas
opportun d’y apporter une quelconque réponse.
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Comité contre la torture : Tunisie
Troisième partie
Témoignages
Affaire 78301 / 1 - Témoignages sur la torture adressés à la LTDH
La LTDH a reçu le rapport suivant (extraits) des avocats des inculpés cités ci-après :
- Noureddine Hamed Ben Nticha
- Ali Ben Mohamed A. Jalouli
- Taha Ben Mohamed Sassi
- Jalel Ben Salah Ben Frej Bouraoui
- Haïkel Mannaï
- Ridha Oueslati
- Chedly Hammami
- Habib Hosni
- Lotfi Hamami
- Nejib Baccouchi
- Imen Dérouiche
- Borhane Gasmi
- Henda Aroua
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
1. A propos de la garde à vue
Les inculpés dont déclaré que les dates d’arrestation
consignées dans les procès verbaux ne correspondent
pas à la réalité et apportent les précisions suivantes :
- Noureddine Hamed Ben Nticha a déclaré avoir été
arrêté le 20 février 1998 à 19 heures, le procès verbal
indique le 21 février 1998.
-
Ali Ben Mohamed A. Jalouli arrêté le 21 février 1998,
déclaré le 22 février 1998.
-
Taha Ben Mohame Sassi, arrêté le 21 février 1998,
déclaré le 22 février 1998
- Jalel Ben Salah Ben Frej Bouraoui, arrêté le 21 février
1998, déclaré le 23 février 1998
- Haïkel Mannaï arrêté le 22 février 1998, déclaré le
23 février 1998
- Ridha Oueslati arrêté le 21 février 1998, déclaré le
24 février 1998
-
Chédly Hammami arrêté le 23 février 1998, déclaré
le 24 février 1998
- Habib Hosni arrêté le 21 février 1998, déclaré le 24
février 1998
-
Lotfi Hammami arrêté le 21 février 1998, déclaré le
24 février 1998
-
Rachid Trabelsi arrêté le 23 février 1998, déclaré le
06 mars 1998 après 12 jours
- Nejib Baccouchi arrêté le 23 février 1998, déclaré le
06 mars 1998 après 12 jours
- Imen Dérouiche, arrêtée le 04 mars 1998, déclarée
le 06 mars 1998 après 3 jours
- Borhane Gasmi, arrêté le 25 février 1998, déclaré le
09 mars 1998 après 12 jours
-
Henda Aroua, arrêtée le 04 mars 1998, déclarée le
06 mars 1998 après 3 jours
2. A propos des conditions d’interrogatoires
Tous les inculpés ont déclaré avoir été soumis à la
torture morale et physique à différents degrés et
sévèrement menacés.
Les moyens suivants ont été répertoriés :
- privation de sommeil allant jusqu’à huit jours par
versement d’eau froide, position debout obligatoire,
piqûres et matraquage sur toutes les parties du corps.
- “Falka” (matraquage de la plante des pieds)
- Balance : qui consiste à lier les mains en avant ou
derrière le dos et à suspendre la victime dénudée pour la
battre sur différentes parties jusqu’à évanouissement
- Traction forcés du pénis et des testicules à l’aide
d’une corde attachée en amont sur la victime
suspendue
- Le bain : suspendue par les pieds et mains liées
derrière le dos, la victime est plongée de façon
répétée dans un bain d’eau souillée ou javellisée
jusqu’à évanouissement
- La rôtissoire : la victime suspendue à la façon du rôti
sur un bâton entre deux tables est battue longuement
avec alternance de versement d’eau froide
- La darbouka : coups portés sur l’arrière de la tête
avec la paume des mains, ne laissant aucune trace
extérieure mais causant des douleurs intenses
- électrochocs avec des aiguilles plantées dans les
endroits les plus sensibles
- ligotement à des radiateurs de chauffage jusqu’à
brûlures de détenus dénudés sur des surfaces
importantes du dos
- arrachage de cheveux et poils
Les inculpés ont certifié avoir reçu, après chaque
séance de torture, la visite d’un prétendu médecin ou
d’infirmier pour examen et prescription de comprimés
et baumes contre l’inflammation et les oedèmes. Il
leur était également imposé des pansements
fortement compressifs à l’aide de morceaux de
couvertures.
La défense a, par ailleurs, constaté que les dates de
procès verbaux coïncidaient avec les dates
d’arrestation de la plupart des inculpés, et que par
conséquent la période de garde à vue était prolongée
au-délà des délais légaux.
3. Les remarques de la défense
Les inculpés déclarent souffrir des conséquences des
tortures subies lors de leur interrogatoire.
- Le détenu Lotfi Hammami souffre d’oedèmes des
organes génitaux, de douleurs sévères aux testicules
ainsi que de leur déplacement apparent. Une demande
d’examen médical spécialisé à été faite à deux
reprises lors de l’instruction.
- Le détenu Néjib Baccouchi a déclaré avoir été
transféré à deux reprises à l’hôpital des forces de
sécurité intérieure à la suite de vomissements de sang
durant son interrogatoire et a été empêché d’y
séjourner malgré l’insistance du médecin traitant.
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Comité contre la torture : Tunisie
- Le détenu Ali Jelouli déclare souffrir de céphalées
intenses et de fractures du nez.
Tous les inculpés ont affirmé avoir signé des procès
verbaux sous l’effet de la torture morale et physique
sans avoir été informés de leur contenu et qu’ils n’ont
découverts que devant le juge d’instruction.
Ils nient avoir connaissance des pièces déclarées
saisies sur eux par les enquêteurs de police.
Après étude des dossiers, et témoignage des inculpés,
la défense constate :
- le non respect de la convention contre la torture et
autres peines ou traitements cruels ou dégradants.
- non respect de l’article 13 du Code de procédure
pénale par absence d’information des autorités
judiciaires des gardes à vues et falsifications des
dates réelles d’arrestation.
- non respect de l’article 13 bis du Code de procédure
pénale pour le refus de présentation des détenus à la
visite médicale lors de la garde à vue ou lors de
l’instruction malgré la demande de la défense et
l’évidence de sévices.
- non respect de l’article 13 pour non consignation des
dates et heures précises des débuts et fin
d’interrogatoires.
- non respect de l’article 11 du Code de procédure
pénale qui interdit à la police toute action d’instruction
en dehors des cas de flagrants délits ou d’ordre écrit
de l’autorité judiciaire, sachant qu’aucun des détenus
n’est inculpé selon la procédure du flagrant délit et
que les procès verbaux de l’enquêteur préliminaire
confirment leur déroulement et les arrestations entre
le 21 et le 23 février sans information ni instruction de
justice.
Témoignage sur le comportement d’impunité d’agents
de la police
Tunis, le 11 avril 1996
De la part de Zohra Mahfoudhi, 64 ans, mère du
détenu
Ahmed Taboubi - Prison civile de Tunis
796/17389 (détenu de droit commun)
..... Monsieur le Président de la Ligue tunisisenne de
défense des droits de l'Homme (LDTH)
.....
Sur ordre du poste de police de la cité Hélal et dans la
matinée du 19 mars 1996, mon fils Ahmed Ben Salah
Zamel Taboubi a été pourchassé dans la cité par des
agents en civil dont le dénommé Abdelhamid M’Barki
ayant des inimitiés avec mon fils et à l’origine de cette
arrestation.
.... Dès que mon fils a été arrêté, en pleine place
publique, il a été complètement dénudé, battu et
maltraité d’une façon indescriptible dont à plusieurs
reprises l’introduction d’une matraque dans son anus.
Après cela, dans la cité, des habitants du quartier,
ceux en particulier ayant des inimitiés avec lui, ont été
appélés sur ordre des agents à le frapper et à lui
cracher dessus, les accompagnant de comportements
que je ne pourrais décrire.
... Ma plainte ne vise pas à défendre mon fils pour
lequel la justice tranchera, mais à dénoncer
l’humiliation dont il a fait l’objet et l’acharnement qui
en est arrivé au point de le jeter à demi conscient en
voiture de police, pour rouler quelques mètres, puis le
jeter comme une bête sur la chaussée, de le reprendre
comme un sac pour répéter le même manège à
plusieurs reprises alors qu’il baignait inconscient dans
son sang.
.... Monsieur le Président, au nom de l’Etat de droit de
cette ère nouvelle, je vous prie de bien vouloir
examiner cette situation....
(extraits traduits).
Le harcèlement des familles
Une pratique nouvelle a vu le jour depuis le début des
années 1990 : le harcèlement des familles et plus
particulièrement des épouses des détenus, des exilés
ou de ceux qui sont recherchés par la police.
Des centaines d’épouses, de frères et soeurs, de
pères et mères ont été maltraités, terrorisés, arrêtés,
interrogés, torturés et/ou même parfois condamnés, à
l'issue de procès inéquitables, à des peines de prison
allant jusqu'à 9 et 10 ans de prison...
pour appartenance à une “ association de
malfaiteurs ”. Leur seul problème est d’avoir un lien de
parenté avec un opposant ! Voici quelques exemples à
titre indicatif :
Le cas de Madame Fatma Jemili, épouse de Mohamed
Najeh (condamné en 1993 à 10 ans de prison par
défaut dans un procès d’Ennahdha), réfugié politique
en Allemagne. Mme Jemili a été victime pendant des
années de torture psychologique et physique. Elle a
été arrêtée par la police à plusieurs reprises depuis
que son mari a quitté la Tunisie, le 9 janvier 1992.
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
Quant les agents de la Sécurité d’Etat sont venus la
première fois chez elle pour arrêter son mari, elle
s’était déjà cachée chez son beau-père. Les agents
ont passé la nuit chez elle. Ils ont volé des vêtements
de son mari, des bijoux et ont confisqué son
passeport. Quand elle a été arrêtée le lendemain, et
conduite aux locaux de la police à Bouchoucha, elle a
été suspendue entièrement nue et tabassée sur
toutes les parties du corps par plusieurs agents. Cette
séance de torture a eu lieu en présence de détenus
connaissant son mari. Ensuite, un agent la prise de
façon à ce que son corps soit placé horizontalement
sur ses mains. Il l’a tournée à plusieurs reprises puis
jetée par terre. Elle a perdu connaissance ; c’est
uniquement à ce moment-là qu’ils ont arrêté de la
torturer.
Quand elle s’est adressée plus tard à la LTDH pour
déposer une plainte, elle a été arrêtée de nouveau
devant le local de la Ligue et conduite à l’un des
postes de police de la capitale où elle a passé une
journée entière au cours de laquelle les agents l’ont
maltraitée, insultée, menacée.
Les perquisitions se faisaient de jour et de nuit
pendant toute la période allant de janvier 1992 au
mois de mars 1997 alors que chez elle, il n’y avait
que ses trois enfants (Ahmed 4 ans, Arossa 9 ans et
Myriam 10 ans) et sa belle-mère, son beau-père ayant
été condamné pour avoir remis une somme d’argent à
l’épouse d’un exilé appartenant au parti En Nahdha.
De plus, Mme Jemili était soumise à une surveillance
administrative illégale. Depuis 1996, elle se rend deux
fois par mois aux locaux de la police rue du 18 janvier
où elle subit chaque fois un interrogatoire.
Le cas de Madame Souad Boukhris épouse
Abdelwaheb Boukhris. Mère de trois filles (9,13 et 15
ans), Mme Boukhris a subi depuis 1992 et jusqu'à
1997 différentes formes de harcèlement. Plus d’une
fois, elle a été arrêtée et conduite par des agents aux
locaux de la police politique rue du 18 janvier. Une
vingtaine d’agents lui arrache ses vêtements. Une fois
nue, ils se mettent à lui donner des coups sur toutes
les parties du corps en l’insultant, en la traitant de
prostituée. Ils la menacent de la violer si elle ne dit
pas tout ce qu’elle sait sur son mari. Les agents ont
même utilisé les chocs électriques pour lui arracher
des aveux sur le lieu où se trouve son mari. Quand
elle s’est évanouie et n’a pu reprendre conscience, les
agents ont arrêté de la torturer. Ils l’ont même supplié
de leur donner le nom de son médecin, convaincus
que son état était grave. A moitié consciente, elle a
demandé à ce qu’on l’emmène chez elle. Les agents
ont chargé un taxi de le faire. Chez elle, la victime
s’est rendue compte qu’elle ne portait pas de sous-
vêtements. De plus, Mme Boukhris a été contrainte de
demander le divorce deux fois. Si la procédure n’a pas
abouti, c’est parce qu’il n’y a pas eu respect des
formes. Mme Boukhris n’est pas la seule épouse à
avoir demandé le divorce sous la menace de la police.
Les exemples sont nombreux : Mme Samira Ben Salah
épouse d’un exilé politique en Allemagne, l’épouse de
Jamil Alila, exilé politique à Vienne...
Madame Boukhris a été tellement terrorisée qu’elle
remettait toutes les lettres qui lui parvenaient de son
mari à la police. Elle dit avoir toujours eu peur que ses
filles soient violées par les agents !
Le cas de la famille Hamrouni : Monsieur Abderkerim
Hamrouni, âgé de 62 ans, et certains membres de sa
famille ont été harcelés, maltraités et même torturés
par la police uniquement à cause de leur lien de
parenté avec Hatem et Nabil qui purgent une peine de
12 ans de prison pour appartenance à En Nahdha et
Taoufik, exilé politique en Allemagne depuis 1992.
Parce qu’il est le père de ces trois jeunes, M. Abdelkarim
Hamrouni a été arrêté à la fin de l’année 1995 et
détenu 15 jours dans les locaux du ministère de
l’Intérieur. Pendant sa détention, il a été torturé.
M. Hamrouni a de nouveau été arrêté en juin 1996. Il
a subi plusieurs sortes de tortures physiques et
morales. Pendant les séances de torture, les agents
insultaient la victime, la traitant de “ nègre ”,
“ capable de supporter tous les mauvais
traitements ” ! ! Sa fille Lamia a été arrêtée en même
temps que lui, a été torturée en sa présence,
menacée de viol, traitée de prostituée... Les agents
continuant, d’un autre côté, de torturer M. Hamrouni
en présence de sa fille. L’objectif des agents n’était
autre que de savoir qui avait envoyé une copie du
jugement rendu contre Taoufik à ce dernier pour qu’il
obtienne le statut de réfugié politique en Allemagne.
Pour éviter à son père plus de souffrances, Lamia a dû
reconnaître l’avoir fait.
Depuis elle a été convoquée régulièrement aux locaux
de la S.E. où elle est à chaque fois soumise à un
interrogatoire sur son frère Taoufik, ses dernières
nouvelles, ses lettres...
Notons que M. Hamrouni a dû subir une opération
après sa libération en raison d’une hémorragie au
niveau de la tête dû à un choc durant les séances de
torture. Il garde encore des séquelles graves : maux
de tête continus, état mélancolique,...
Ce sont là quelques exemples de tortures et mauvais
traitements subis par les familles des exilés
politiques. Certaines épouses, pour fuir la répression,
ont tenté de rejoindre leurs époux à l’étranger. Elles
ont été arrêtées et condamnées à des peines de
prison allant jusqu'à neuf ans !
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Comité contre la torture : Tunisie
La torture dans les prisons
Le cas de Maître Néjib Hosni.
La torture n’est pas pratiquée uniquement dans les
locaux de la police, mais également dans les prisons.
Nombreux sont les détenus qui y ont été victimes de
torture et de mauvais traitements. Voici quelques
exemples à titre indicatif .
- le cas de Mohamed Hedi Sassi condamné pour
appartenance au P.C.O.T : pour n’avoir pas salué un
gardien, le 18 juin 1994, Mohamed Hédi Sassi a été
giflé par un agent ; Ali Chouchane, qui a ensuite donné
l’ordre à ses subalternes de le “ corriger ”. Ceux-ci l’ont
tabassé sur toutes les parties du corps puis l’ont isolé
dans une cellule. Ils lui enchaîné les pieds. Malgré ses
vomissements et son évanouissement, Mohamed Hédi
n’a pas été secouru. Il a été obligé de faire ses besoins
sur place. Quant il a été traduit le lendemain devant le
Conseil de discipline (présidé par le directeur de prison),
on lui a infligé une peine de 10 jours de cachot. Malgré
son état de santé, il est resté dix jours enchaîné dans la
cellule alors que les autres détenus punis ne l’étaient
pas. On lui donnait uniquement la moitié d’un pain
pendant toute cette période et on refusait de le détacher
même pour qu’il fasse ses besoins. Le 15 mars 1995,
Mohamed Hédi a de nouveau été torturé par un groupe
de gardiens à la prison civile de Tunis. Les gardiens
l’ont tabassé sur toutes les parties du corps. Ensuite
quand il est tombé, certains sont montés sur son visage
et sur d’autres parties du corps avec leurs gros
souliers. Il a été mis au cachot pendant 10 jours, au
cours desquels il était déshabillé, privé de couverture et
de matelas. Il était également privé de nourriture. Quand
ils lui ont rendu visite quelques jours plus tard, ses
avocats ont pu remarquer l’existence de séquelles. Ils
ont demandé une expertise médicale et l’ouverture
d’une enquête. La plainte déposée de 13 avril 1995
sous le n°99363 au Parquet du Tribunal de 1ère
instance de Tunis est restée sans suite.
Quand le cas de Mohamed Hédi Sassi a été évoqué
lors d’un Conseil national de la LTDH, des pressions
ont été exercées sur les membres du Bureau directeur
pour que son nom ne soit pas mentionné dans la
déclaration de la LTDH. Le Président de la République
a ordonné une enquête. Pendant quelques temps, les
mauvais traitements ont cessé dans les prisons.
La torture est également pratiquée dans les locaux de la
police (voir
supra), où elle est une pratique constante.
Plusieurs décès suite à des sévices ont été enregistrés
ces dernières années, essentiellement parmi les
personnes soupçonnées d’appartenance au parti En
Nahdha. Des rapports faits par des avocats prouvent que
personne n’est a l’abri de ces pratiques.
Maître Nejib Hosni, défenseur des droits de l'Homme,
a été condamné par la Cour criminelle du Kef à huit
ans de prison ferme et 5 ans de radiation du barreau
pour “ falsification d’un acte de vente ”. Le procès a
eu lieu alors de les avocats de Me Hosni avaient
décidé de se retirer de la salle d’audience pour
protester contre le non respect des droits de la
défense.
Au moment où il purgeait sa peine, Nejib Hosni a été
transféré, le 29 octobre 1995, de la prison du Kef à
la prison civile de Tunis. Le 8 novembre 1995, un
groupe d’agents de la Sureté d’Etat l’ont conduit au
ministère de l’Intérieur. Il a été interrogé au sujet
d’une personne qu’il ne connaît pas et qui, selon les
agents, lui aurait remis des armes. Quand il a nié, les
agents l’ont suspendu dans la position du “poulet rôti”
et l’ont tabassé sur toutes les parties du corps . Le
lendemain la méthode utilisée était les chocs
électriques à deux reprises jusqu'à l’évanouissement.
L’un des agents appelé “ El casse ” appuyait tellement
sur les pieds de Me Néjib Hosni qu’il a failli lui causer
des fractures. Me Hosni dit que cette méthode lui
causé des douleurs atroces. Pendant les huit jours
qu’il a passé au ministère de l’Intérieur, Me Nejib
Hosni a été l’objet de torture selon différentes
méthodes : position du “poulet rôti ”, frappe de toutes
les parties du corps par des gros battons et des
cravaches utilisés par les agents. Les derniers jours,
Me Nejib Hosni a été totalement déshabillé et mis
dans une cellule. Les agents passaient les uns après
les autres pour l’insulter, l’humilier et se moquer de
lui. Toutes les questions posées à la victime portaient
sur ses activités professionnelles. Le Conseil de
l’ordre des avocats, alerté, a demandé au Ministre de
l’Interieur une enquête. Il n’y a eu ni enquête
administrative ni enquête judiciaire. Les tortionnaires
de Me Nejib Hosni tout comme leurs collègues
coupables des mêmes délits ont jouit d’une impunité
totale.
Les cas de Abdelmoumen Belanes, Bechir Abid et Ali
Jellouli
Arrêtés entre le 28 et le 30 novembre 1995, pour
appartenance au Parti Communiste Ouvrier de Tunisie
(PCOT), ils n’ont été traduits devant le juge
d’instruction et transférés à la prison civile de Tunis
que le 17 décembre 1995 et ce malgré la demande
d’expertise présentée par les avocats au Parquet le 2
décembre 1995. Un télégramme a été également
adressé par les avocats au Ministre de l’Intérieur lui
demandant d’intervenir pour faire respecter la loi.
Pendant toute la période de la garde à vue, ces trois
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Des violations caractérisées, graves et systématiques
jeunes ont été torturés d’une manière continue :
“ poulet- rôti ”, chocs électriques sur les parties
sensibles du corps, privation de sommeil pendant huit
jours pour certains (les agents utilisent une aiguille
pour piquer la victime dans la nuque à chaque fois
qu’elle essaie de dormir), “ la baignoire ” (le corps
suspendu au plafond par une chaîne, on le descend
dans une baignoire pleine d’eau, quand la victime
avale beaucoup d’eau on sort le corps et on
recommence plusieurs fois de suite). Abdelmoumen
Belanes et ses camarades ont vomi du sang. Belanes
a continué à boiter pendant des mois. Quand il a
bénéficié d’une liberté provisoire et a pu consulter des
spécialistes, ces derniers lui ont expliqué que les
résultats ne pouvaient être très bons : les agents
pendant la séance de torture dans la position du
“ poulet- rôti ” ont écrasé les pieds de la victime sur le
sol à l’aide de leurs gros souliers laissant des traces
encore visibles.
Aucune expertise médicale n’a été ordonnée ni par le
parquet ni par le juge d’instruction. Aucune enquête
n’a été ordonnée non plus.
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Page 32
La FIDH
représente cent cinq ligues ou organisations
des droits de l’Homme
internationale
La Fédération Internationale des Ligues
des Droits de l'Homme (FIDH) est une
organisation
non-
gouvernementale attachée à la défense
des droits de l'Homme énoncés par la
Déclaration universelle de 1948. Créée
en 1922, elle regroupe cent cinq affiliées
nationales dans le monde entier. À ce
jour, la FIDH a mandaté plus d'un millier
de missions internationales d'enquête,
d'observation judiciaire, de médiation ou
de formation dans une centaine de pays.
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ISSN en cours
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(Déclaration N° 330 675)
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