RAPPORT 2016 SUR LES DROITS DE L’HOMME – TUNISIE
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
La Tunisie est une république constitutionnelle avec un système parlementaire
unicaméral à partis multiples et un président dont les pouvoirs sont spécifiés dans
la constitution. En octobre 2014, des élections parlementaires libres et équitables
ont eu lieu dans le pays, le parti Nidaa Tounès (Appel de la Tunisie) remportant la
majorité des voix. Nidaa Tounès a formé un gouvernement de coalition avec le
parti islamiste Ennahda et plusieurs autres petits partis. Le 30 juillet, le Parlement a
retiré sa confiance au Premier ministre Habib Essid et, le 3 août, le président Béji
Caïd Essebsi a nommé Youssef Chahed Premier ministre. Le 27 août, le Parlement
a entériné un nouveau gouvernement composé de 26 ministres et de 14 secrétaires
d’État.
Les autorités civiles ont maintenu un contrôle efficace des forces de sécurité.
Parmi les problèmes les plus importants dans le domaine des droits de l’homme
figuraient des enquêtes et des poursuites lentes et opaques sur des violations des
droits de l’homme qui auraient été commises par les forces de sécurité, des
arrestations et des détentions arbitraires de suspects aux termes de la législation de
lutte contre le terrorisme et l’atteinte aux droits des personnes gays, lesbiennes,
bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI).
Parmi les autres problèmes liés aux droits de l’homme figuraient les sévices
physiques infligés aux détenus dans les prisons et les centres de détention, les
mauvaises conditions dans les prisons et les centres de détention, le manque
d’indépendance du pouvoir judiciaire, le laxisme des poursuites judiciaires
marquées par un manque de transparence, des violences à l’encontre des
journalistes, la corruption, les violences sexistes et les obstacles sociétaux à la
pleine participation des femmes à la vie économique et politique.
Le gouvernement a pris des mesures pour mener des enquêtes sur les responsables
ayant commis des exactions, mais les enquêtes menées sur les abus commis par la
police, les forces de sécurité et dans les centres de détention ont manqué de
transparence et se heurtaient souvent à de longs retards et à des obstacles de
procédure.
Section 1. Respect de l’intégrité de la personne, y compris le droit de vivre à
l’abri des atteintes suivantes :
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a. Privation arbitraire de la vie et autres exécutions extrajudiciaires ou à
motivations politiques
Les forces de sécurité auraient fait un usage excessif de la force, ce qui a fait des
morts parmi les civils. Dans son rapport de 2015, l’Organisation contre la torture
en Tunisie (OCTT) a fait remarquer que les cas de torture et de mauvais
traitements représentaient 90 % de tous les cas dénoncés de violences commises
par les forces de sécurité. Sept pour cent des cas concernaient des décès suspects
de détenus, 2 % des viols et un pour cent des détentions illégales.
Le 20 août, Hamed Sassi, âgé de 23 ans, est mort à la prison de Mornag. Selon
l’Observatoire des droits et des libertés en Tunisie, des photos de sa dépouille
présentaient des signes évidents de torture. Le défunt avait été détenu à la prison de
Mornag depuis novembre 2015. Sa mère a précisé que les membres de sa famille
n’avaient pas eu le droit de rendre visite au prisonnier, et qu’on ne leur avait pas dit
qu’il était malade ou qu’il était soigné à l’hôpital avant son décès. Le ministère
public a ouvert une enquête au tribunal de première instance de Ben Arous, qui
était toujours en souffrance.
L’armée, la police et la Garde nationale ont perdu 111 agents et enregistré plus de
230 blessés depuis 2011 en raison d’attaques répétées de groupes terroristes. Au
cours de l’année, ces derniers ont tué 20 membres des forces de sécurité, dont 13
au cours d’une attaque terroriste à Ben Guerdane le 7 mars, quatre à Tataouine le
11 mai et trois à Kasserine le 31 août.
Les médias et les organisations de la société civile ont signalé le décès de plusieurs
personnes durant leur détention. En 2015, la famille d’Abderaouf Kridis a accusé
le poste de police d’El Medina El Jadida d’avoir refusé d’appliquer une décision du
tribunal, d’avoir négligé l’état psychologique de leur proche, et de ne pas l’avoir
informée de son transfert à l’hôpital ni par la suite de son décès en août. Abderaouf
Kridis était incarcéré à la prison de Mornaguia en attente d’une audience au
tribunal pour avoir donné un coup de poignard à son voisin. Le tribunal avait
auparavant accordé à sa mère un mandat de justice pour le faire interner dans un
établissement psychiatrique afin de le faire soigner. Un porte-parole de la Direction
générale des prisons a indiqué aux médias qu’une enquête avait été lancée
concernant cette affaire. L’avocat d’Abderaouf Kridis a confirmé que l’enquête se
poursuivait et aucune conclusion n’était disponible à la fin de l’année.
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b. Disparitions
Aucune disparition pour des motifs politiques n’a été signalée.
c. Torture et autres châtiments ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants
Bien que la loi interdise de telles pratiques, selon des témoignages directs fournis à
des organisations internationales, la police aurait soumis beaucoup de détenus à
des traitements physiques cruels. Plusieurs avocats notables locaux spécialistes des
droits de l’homme ont critiqué la pratique de la torture dans les postes de police et
les centres de détention. Des organisations non gouvernementales (ONG) de
défense des droits de l’homme ont condamné la réticence du gouvernement à
enquêter sur les allégations de torture. En collaboration avec trois associations
tunisiennes de défense des droits de l’homme, l’ONG française Action des
chrétiens pour l’abolition de la torture a présenté dans le détail les
dysfonctionnements des mécanismes de dénonciation de tortures subies au cours
de la garde à vue, de la détention et de l’incarcération, dans un rapport publié en
2015, Tunisie – Justice : année zéro. En avril, le Comité de l’ONU contre la torture
s’est penché sur le bilan de la Tunisie en matière de torture et d’autres châtiments
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. S’il a remarqué des progrès pour
résoudre les problèmes de torture et de violences, il a aussi fait part de ses
inquiétudes au sujet de l’application de la loi de lutte contre le terrorisme,
l’émergence de l’impunité des responsables d’abus, des analyses médico-légales
comme preuves d’actes sexuels et des allégations d’agressions à l’encontre de
militants des droits de l’homme. Les autorités ont déclaré qu’elles préparaient un
guide concernant la prévention de la torture destiné aux prisons, aux centres de
détention et à l’appareil judiciaire, et qu’elles organisaient des formations pour les
magistrats et des agents des forces de l’ordre sur le contenu de cet ouvrage.
En juillet, l’OCTT a signalé qu’Aymen Rahani, qui était incarcéré depuis 2014,
avait été torturé et agressé par des gardiens, suite à quoi il avait perdu l’usage d’un
œil. Sa famille a porté plainte auprès du Bureau du Procureur général pour exiger
que soit menée une enquête. Les résultats de l’enquête n’étaient pas encore connus.
En février, la même ONG a signalé que Wael Boualagui, étudiant de 18 ans
incarcéré depuis 2015, avait informé sa famille que des gardiens l’avaient agressé à
de nombreuses reprises et qu’il avait été victime de deux tentatives de viol. Il
n’aurait pas souhaité divulguer l’identité de l’auteur des agressions de peur de
subir des représailles. Il a également affirmé que les responsables pénitentiaires le
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contraignaient à prendre des médicaments contre sa volonté, ce qui lui aurait fait
perdre l’usage d’une main.
Selon un rapport de l’OCTT publié le 10 mai, un juge d’instruction a émis un
mandat d’arrêt pendant l’année à l’encontre de deux agents de police pour
violences physiques et verbales sur Ahmed ben Abdi lorsqu’ils l’avaient interpelé
dans la rue en 2013. Il avait été physiquement agressé dans un véhicule de police
après son arrestation. Les deux agents étaient toujours en détention provisoire à la
fin de l’année.
Conditions dans les prisons et les centres de détention
Les conditions dans les prisons et les centres de détention ne répondaient pas aux
normes internationales, principalement en raison de la surpopulation et d’une
infrastructure en mauvais état.
Conditions matérielles : Les prisons n’avaient ni le personnel ni l’équipement
adéquat pour gérer le nombre de détenus. La surpopulation a persisté, malgré des
amnisties régulières décrétées depuis la révolution de 2011, en partie à cause du
transfert d’un grand nombre de détenus de 14 prisons endommagées lors de
mutineries de prisonniers en 2011.
Dans un rapport de 2014, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de
l’homme a cité la surpopulation et l’infrastructure délabrée comme les problèmes
les plus graves existant dans les prisons. Les taux les plus importants de
surpopulation ont été constatés dans quatre prisons : Kasserine (151 %), Kairouan
(138 %), la prison Messadine de Sousse (116 %) et Jendouba (114 %). Ce rapport
révélait en conclusion que ces conditions difficiles forçaient souvent les détenus à
partager des lits.
En mai, la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) a publié un rapport
dénonçant le surpeuplement et l’insalubrité des prisons. Elle faisait valoir que
l’espace affecté aux détenus faisait 2,1 m2 par personne, ce qui est bien inférieur
aux 4 m2 recommandés par les normes internationales. Le rapport faisait également
remarquer que de nombreux centres de détention étaient en forte surcapacité,
notamment celui de Kairouan, qui enregistrait un taux d’occupation de 300 %.
En septembre, les établissements carcéraux auraient compté quelque 21 350
prisonniers et détenus, parmi lesquels 10 220 étaient des condamnés et 11 130 en
détention provisoire. Ce pourcentage élevé de détentions provisoires, s’expliquant
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par des problèmes de gestion des dossiers, a soulevé des inquiétudes quant à
l’aptitude des tribunaux à dispenser la justice en temps opportun.
La loi exige que les personnes en détention provisoire soient incarcérées
séparément des prisonniers condamnés, mais le ministère de la Justice a indiqué
que ce n’était pas possible en raison de la surpopulation. Les conditions de
surpopulation étaient aggravées par un éclairage, une ventilation et un chauffage
non conformes aux normes dans des bâtiments qui n’avaient pas été construits à
l’origine pour servir de prisons. La plupart des prisons souffraient de la
dégradation des infrastructures.
Sur les 27 prisons du pays, une était destinée uniquement aux femmes, et huit
comptaient des quartiers séparés pour les femmes.
Les migrants sous le coup d’une décision d’expulsion détenus au centre de
rétention d’El Ouardia se plaignaient de l’absence d’assistance juridique et de
services médicaux sur place.
Les soins de santé à la disposition des détenus étaient inadéquats. Très peu de
prisons possédaient une ambulance ou un véhicule médicalisé. Des responsables
ont mentionné qu’ils ne disposaient pas de l’équipement nécessaire pour assurer la
sécurité des gardiens, des autres membres du personnel et des détenus. En outre, le
personnel n’était pas suffisamment formé en matière de gestion des crises, de
recours à la force et de sensibilisation aux droits de l’homme.
Administration pénitentiaire : Les dossiers n’étaient pas bien tenus car les
informations n’étaient toujours actualisées ou exactes. Pendant l’année, des
responsables de la Direction générale des prisons et de la rééducation ont suivi des
formations à des méthodes permettant d’améliorer la classification des détenus. La
Direction a élaboré un nouveau système de classification et a commencé à mettre à
jour sa base de données en 2014.
Selon des responsables de l’administration pénitentiaire, les longues procédures
des poursuites judiciaires au pénal, qui entraînaient de longues périodes de
détention provisoire, les effectifs insuffisants dans les prisons et les centres de
détention, les conditions de travail difficiles et les bas salaires ont également posé
des problèmes.
Les autorités permettaient aux prisonniers de recevoir une visite familiale par
semaine. Les détenus adultes pouvaient apparemment suivre des programmes
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d’enseignement général et de formation professionnelle, mais seule une minorité
aurait pu en bénéficier en raison des capacités limitées.
Surveillance indépendante : Le gouvernement a accru l’accès aux prisons
d’observateurs indépendants non gouvernementaux, parmi lesquels des
associations tunisiennes et internationales de défense des droits de l’homme, des
ONG et des médias locaux, ainsi que le Comité international de la Croix-Rouge, le
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et l’OCTT. En juillet
2015, le ministère de la Justice et la LTDH ont signé un mémorandum d’accord
permettant à la Ligue d’effectuer des visites inopinées dans les prisons et de
publier des rapports sur les conditions de vie à l’intérieur de celles-ci. Après
l’élection, le 19 mai, par le Parlement des membres de l’Instance nationale pour la
prévention de la torture (INPT), organe indépendant, le gouvernement l’a habilitée
à mener des inspections inopinées dans toutes les prisons et tous les établissements
pénitentiaires.
d. Arrestations ou détentions arbitraires
L’arrestation et la détention arbitraires sont interdites par la loi, mais les forces de
sécurité ne se sont pas toujours conformées à ces dispositions. Les organisations de
défense des droits de l’homme ont exprimé leur inquiétude sur le fait que le
gouvernement utilisait ses pouvoirs découlant de l’état d’urgence pour assigner des
citoyens à résidence avec peu d’éléments de preuve ou de soupçons fondés.
Rôle de la police et de l’appareil de sécurité
Le ministère de l’Intérieur a le contrôle et la responsabilité juridiques de
l’application de la loi. Il supervise la Police nationale, qui est principalement
chargée du maintien de l’ordre dans les grandes villes, et la Garde nationale
(gendarmerie), qui garantit la sécurité des frontières et patrouille dans les plus
petites villes et les zones rurales. Les enquêtes portant sur les mauvais traitements
infligés aux prisonniers n’étaient pas transparentes et duraient souvent plusieurs
mois et, dans certains cas, plus d’un an.
Les autorités civiles ont maintenu leur contrôle de la police, encore que des
organisations internationales, comme Amnesty International et Human Rights
Watch, aient fait état de cas de traitements physiques cruels de détenus. Le
gouvernement ne disposait pas de mécanismes efficaces pour enquêter et punir les
violences, la corruption et l’impunité des responsables de la police et des prisons,
et les enquêtes internes ont été peu transparentes. En mai, une vidéo qui montrait
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un agent de police empoignant violemment un jeune Tunisien et un autre qui le
giflait et le faisait suffoquer, en lui lançant « Crève, on s’en fout », est devenue
virale sur les réseaux sociaux. Selon les médias, le jeune homme sur la vidéo avait
essayé de filmer les agents de police en train de rançonner un automobiliste. Lui et
un ami ont été arrêtés et placés en détention provisoire pendant trois jours avant
d’être présentés à un juge, accusés d’avoir agressé verbalement la police. Le jeune
homme a été condamné à une peine de trois mois de prison assortie d’une amende
de 127 dinars (55 dollars des États-Unis) tandis que son ami a été libéré.
L’Association tunisienne contre la torture (ATCT) a déclaré que la police avait
tendance à recourir à la violence et qu’il existait un sentiment d’impunité à cause
de l’absence d’enquêtes et de poursuites appropriées. Dans cette affaire, selon
l’ATCT, les agents de police impliqués ont mené leur propre enquête. Des
responsables du ministère de la Justice ont reconnu qu’une coordination plus
étroite entre ministères était nécessaire pour confronter le problème de l’impunité
et qu’il fallait prévoir davantage de formation pour les forces de sécurité.
Le 14 août, les médias tunisiens ont signalé que la Garde nationale avait arrêté
deux agents de police à Médenine qui transportaient du tabac de contrebande
importé de la Libye. L’un des policiers était en possession de son arme et de son
badge ; ils ont tous deux reconnu qu’ils avaient l’intention de vendre illégalement
ces marchandises de contrebande. Ils étaient tous les deux incarcérés en novembre.
Procédures d’arrestation et traitement des personnes en détention
La loi exige que la police ait un mandat pour arrêter un suspect, sauf si le crime est
en cours ou si l’arrestation concerne un délit grave. Adoptée en juillet 2015, la loi
de lutte contre le terrorisme autorise la détention au secret préalable à l’inculpation
pendant cinq jours pour les personnes soupçonnées de terrorisme, une durée qui
peut être prorogée pendant cinq jours supplémentaires à deux reprises moyennant
l’autorisation d’un tribunal. Les agents de police ayant procédé à l’arrestation ont
l’obligation d’informer tout suspect de ses droits, de notifier immédiatement sa
famille et de prendre scrupuleusement note de la date et de l’heure de la
communications de ces informations. La police n’a parfois pas respecté cette
réglementation et elle a parfois détenu des personnes de façon arbitraire. Le
2 février, le Parlement a adopté des révisions au code de procédure pénale
concernant les droits des détenus. La nouvelle loi réduit la durée maximale de la
garde à vue pour délit à 48 heures, prorogeable une fois sur ordre du procureur,
pour une durée maximale de quatre jours. Pour les infractions mineures, la durée
maximale de la garde à vue est de 24 heures, prorogeable une fois. La loi
comprend une disposition octroyant au détenu ou à un membre de sa famille le
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droit de demander l’assistance d’un avocat ou des soins médicaux au cours de la
garde à vue. Lorsque la police reçoit une telle demande, elle est tenue d’informer
l’avocat des accusations qui pèsent contre son client et de l’heure de
l’interrogatoire. Elle doit également notifier à l’avocat tous les interrogatoires et
échanges entre l’accusé et les témoins ou victimes de l’infraction présumée et
permettre à l’avocat d’être présent, à moins que l’accusé ne renonce de façon
explicite à être assisté d’un avocat, ou que l’avocat ne se présente pas à l’heure
prévue pour l’interrogatoire.
Les détenus ont le droit d’être informés des motifs de leur arrestation avant leur
interrogatoire et de demander à passer une visite médicale. La loi permet aux
autorités de libérer sous caution des accusés et ce système a fonctionné. Les
détenus peuvent exercer leur droit d’être défendus par un avocat immédiatement
après leur interpellation ; ils ont par ailleurs le droit d’être assistés par un avocat au
cours des interrogatoires de police, à l’exception des personnes soupçonnées de
terrorisme. La loi impose au gouvernement d’assurer une représentation légale
pour les personnes qui n’ont pas les moyens de le faire, mais on ignore si celui-ci a
systématiquement commis un avocat d’office lorsque nécessaire. Au moment de la
mise en examen, le juge d’instruction peut autoriser la mise en liberté du détenu
jusqu’au procès ou le placer en détention provisoire.
Dans les cas de crimes passibles de peines supérieures à cinq ans
d’emprisonnement ou relatives à la sécurité nationale, la détention provisoire peut
atteindre six mois et être prorogée par décision d’un tribunal pour deux périodes
supplémentaires de quatre mois. Dans les cas de crimes passibles d’une peine de
cinq ans de prison au maximum, le tribunal peut prolonger de trois mois au
maximum la détention provisoire de six mois. Au cours de cette phase, le tribunal
instruit l’affaire, entend les argumentations, verse au dossier les pièces à charge et
à décharge qui lui sont communiquées par les parties et reçoit leurs requêtes.
Arrestations arbitraires : Les forces de sécurité ont arrêté des manifestants
pacifiques et fait usage de la force à leur encontre. Des organisations de défense
des droits de l’homme ont signalé des cas d’arrestations au cours d’une
manifestation de chômeurs à Tunis le 22 janvier. Borhen Gasmi, membre de
l’Union des diplômés chômeurs (UDC) et du Front populaire, a été arrêté pendant
cette manifestation et condamné à 13 mois de prison en février. Le 8 mars, le
tribunal a réduit sa peine à un mois et il a été immédiatement libéré parce qu’elle
avait déjà été purgée. Les 3 et 4 avril, les forces de sécurité du ministère de
l’Intérieur ont dispersé un sit-in organisé par l’UDC aux Kerkennah, dans le
gouvernorat de Sfax. La police a arrêté quatre manifestants. Le 12 avril, l’Union
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Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a organisé une grève générale pour
appeler au développement régional et à la libération des quatre manifestants arrêtés
lors du sit-in. Selon la LTDH, hormis le recours excessif aux gaz lacrymogènes, les
forces de sécurité auraient pourchassé les manifestants dans la rue et, dans certains
cas, jusqu’à chez eux. La Ligue a ajouté que les manifestants blessés n’ont pas pu
aller se faire soigner par peur de représailles et qu’une des personnes détenues par
les forces de sécurité a indiqué avoir été soumise à des actes de torture lors de sa
garde à vue, et en portait les marques.
Le 24 octobre, Human Rights Watch a fait état du recours à l’assignation à
résidence pour au moins 139 personnes, qui n’ont pour la plupart pas pu continuer
à travailler ou à poursuivre des études. L’ONG a interrogé 13 personnes, parmi
lesquelles trois ont déclaré que leur assignation avait été partiellement levée, ce qui
leur a permis de se déplacer entre leur domicile et leur lieu de travail. Les autres
étaient assignées à résidence 24 heures sur 24. Les critères d’une assignation à
résidence partielle ou totale n’étaient pas clairs. Selon le rapport, Mohammed
Hanachi, chômeur, a été convoqué le 16 août au commissariat de police de son
quartier à Tunis, où les autorités l’ont informé qu’il était assigné à résidence et
qu’il risquait la prison s’il ne respectait pas cette décision. D’après lui, cette
décision était liée à son arrestation en 2014 pour cause d’affiliation à une
organisation terroriste. Il avait passé 16 mois en prison avant qu’un juge du
tribunal antiterroriste spécial ne le libère provisoirement le 2 février 2016. Son
dossier était en instance.
Détention provisoire : La détention provisoire est demeurée imprévisible et pouvait
durer d’un mois à plusieurs années, principalement en raison de l’inefficacité du
système judiciaire et d’un manque de capacités. Au début de 2016, 58 % des
24 000 détenus du pays étaient en détention provisoire. Dans un rapport du mois de
mai, la LTDH a dénoncé l’augmentation du nombre de personnes en détention
provisoire qui, selon elle, violait les droits de l’homme et entraînait le
surpeuplement des prisons.
Possibilité de contester la légalité de leur détention par les détenus devant un
tribunal : Les détenus ont le droit de contester devant un tribunal le bien-fondé de
leur arrestation ou de se plaindre du caractère arbitraire de celle-ci. Les personnes
estimées par le tribunal avoir fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention
illégale doivent être immédiatement libérées. Ceux qui ont été illégalement détenus
ont le droit de réclame des indemnisations en déposant une demande à la cour
d’appel ; toutefois, selon des associations juridiques, les procédures en vue
d’obtenir des indemnisations étaient complexes et la plupart des demandes étaient
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rejetées car elles ne remplissaient pas toutes les conditions requises.
e. Déni de procès public et équitable
La loi prévoit l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le gouvernement a respecté
cette indépendance en général, mais dans un cas il n’a cependant pas exécuté la
décision d’un tribunal administratif de 2013, portant sur la réintégration de 30 des
75 juges licenciés en 2012. À partir de 2013, une commission provisoire a
commencé à passer en revue les promotions, mutations et mesures disciplinaires
dans le secteur judiciaire. En mai 2015, le Parlement a approuvé une loi portant
création d’un conseil mandaté par la constitution aux fins de remplacer cette
commission provisoire. En juin 2015, l’organe d’examen de la constitution a jugé
que la loi était anticonstitutionnelle. En décembre 2015, une version révisée du
projet de loi a également été estimée anticonstitutionnelle. En mars, le Parlement a
adopté une nouvelle version de la loi, qui a été ratifiée par le président. Human
Rights Watch et l’Association des magistrats tunisiens (AMT) ont dénoncé cette
loi parce qu’elle n’assurait pas l’indépendance de ce conseil par rapport au pouvoir
exécutif. Les élections des membres du nouvel organe judiciaire ont eu lieu le
23 octobre ; les organisations de la société civile se sont félicitées dans l’ensemble
qu’elles aient été justes, transparentes et crédibles.
Procédures applicables au déroulement des procès
La loi prévoit le droit à un procès équitable, et un pouvoir judiciaire indépendant a
généralement fait appliquer ce droit, encore que des accusés se soient plaints que
les autorités ne respectaient pas systématiquement la loi portant sur les procédures
applicables au déroulement des procès. Devant les tribunaux civils, les prévenus
ont droit à la présomption d’innocence et à un procès public. Ils ont aussi le droit
de consulter un avocat ou d’en avoir un commis d’office, de confronter les témoins
à charge, de présenter des témoins et des preuves à décharge, d’avoir accès aux
preuves détenues par le ministère public et de faire appel des verdicts prononcés
contre eux. La loi stipule que les accusés doivent être informés dans un délai
raisonnable et en détail des chefs d’accusation qui pèsent contre eux, avec
interprétation gratuite si nécessaire. Ils doivent également disposer d’un temps
suffisant et de locaux adéquats pour préparer leur défense et ne peuvent pas être
contraints de témoigner ou de s’avouer coupables.
La loi antiterroriste votée en juillet 2015 stipule que dans les cas impliquant des
actes de terrorisme, les juges peuvent décider que les auditions se passent à huis
clos. Les magistrats peuvent également préserver la confidentialité des
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informations relatives aux témoins, aux victimes et à toute autre personne
concernée, y compris l’accusé et son avocat. Cette loi prolonge également de cinq
à quinze jours la durée pendant laquelle un suspect peut être détenu sans pouvoir
accéder à un avocat, sous réserve d’un examen judiciaire à l’issue de chaque
période de cinq jours. Les organisations de défense des droits de l’homme ont émis
des objections concernant le caractère trop vague de la définition du terrorisme et
l’importante latitude conférée aux juges en matière d’admission de témoignages
provenant de témoins anonymes.
Les tribunaux militaires relèvent du ministère de la Défense. Ils sont habilités à
juger les affaires impliquant des membres des forces armées et des civils accusés
de crimes contre la sûreté nationale. Les accusés peuvent faire appel des décisions
des tribunaux militaires devant la Cour de cassation civile. Les défenseurs des
droits de l’homme ont fait valoir que la définition de crimes contre la sûreté
nationale était trop vague, tout en reconnaissant que, depuis la réforme des
tribunaux militaires en 2011, les accusés comparaissant devant les tribunaux
militaires avaient les mêmes droits que ceux qui passaient devant les tribunaux
civils, y compris celui de choisir leur avocat, d’accéder aux dossiers de l’affaire et
aux pièces, de mener des contre-interrogatoires, de faire entendre des témoins et de
faire appel des jugements prononcés. Il n’existe pas de code spécialisé pour les
tribunaux militaires. La loi accorde à tous les citoyens les droits liés à un procès
public et équitable.
Prisonniers et détenus politiques
Aucun cas de prisonniers ou de détenus politiques n’a été signalé.
Procédures et recours judiciaires au civil
Les citoyens et les organisations peuvent chercher à obtenir des recours civils pour
les violations des droits de l’homme devant les tribunaux nationaux, sauf les cas de
mauvais traitements qui auraient été commis par les forces de sécurité lors des
troubles civils qui se sont produits pendant la révolution, qui étaient confiés aux
tribunaux militaires. Les tribunaux civils ont entendu des affaires concernant de
mauvais traitements qui auraient été commis par les forces de sécurité pendant
l’année. Certaines affaires n’ont pas avancé parce que des responsables des forces
de sécurité, et parfois des juges civils, ne coopéraient pas aux enquêtes. Selon
Human Rights Watch, le manque de dispositions pénalisant le manquement au
devoir de commandement, qui rendraient les haut-gradés responsables des crimes
commis par leurs subordonnés avec leur consentement explicite ou tacite,
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contribuait aux peines légères imposées par les tribunaux militaires aux membres
des forces de sécurité.
f. Ingérence arbitraire ou illégale dans la vie privée, la famille, le domicile ou
la correspondance
La constitution garantit le droit à la vie privée. La Commission internationale de
juristes estimait que la surveillance autorisée par la loi sur la lutte contre le
terrorisme portait fortement atteinte au droit à la vie privée. La loi permet en effet
l’interception de communications, notamment l’enregistrement de conversations
téléphoniques avec autorisation judiciaire préalable pendant une période ne
dépassant pas quatre mois. Les agents de l’État sont passibles d’une peine de
prison d’un an en cas de surveillance sans autorisation judiciaire. Aucune plainte
n’a été enregistrée au cours de l’année pour usage abusif de la surveillance par un
agent de l’État.
Section 2. Respect des libertés civiles, notamment :
a. Liberté d’expression et liberté de la presse
La constitution et la loi garantissent la liberté d’expression et la liberté de la presse,
et le gouvernement a généralement respecté ces droits, malgré certaines
contraintes. Une presse indépendante et un système politique démocratique
fonctionnel ont contribué à un environnement généralement favorable à ces
libertés. Les groupes de surveillance de la vie publique ont exprimé leurs
préoccupations concernant les violences que commettraient les forces de sécurité et
d’autres acteurs à l’encontre des journalistes, mais ils ont remarqué que le niveau
de la violence avait diminué par rapport à l’année antérieure. La société civile a fait
part de son inquiétude eu égard à une certaine ingérence des autorités dans les
médias.
Liberté de parole et liberté d’expression : L’expression publique estimée porter
atteinte aux « bonnes mœurs » ou à la « morale publique », termes non définis par
la loi, continuait d’être traitée comme un acte criminel. Les dispositions des codes
pénal et des télécommunications, par exemple, criminalisent les types de discours
qui sont « de nature à nuire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs » ou qui
perturbent intentionnellement les personnes « d’une façon qui porte atteinte à la
pudeur ».
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Liberté de la presse et des médias : La constitution garantit la liberté de la presse.
En août, la Tunisie a signé la Déclaration sur la liberté des médias dans le monde
arabe, prenant ainsi un engagement envers les principes de liberté des médias, d’un
journalisme indépendant et du droit à l’information. Des militants se sont
cependant dits préoccupés par l’ingérence du gouvernement dans les médias. Un
rapport de Reporters sans Frontières (RSF) publié en 2016 a critiqué le discours du
président Béji Caïd Essebsi du 22 janvier, lors duquel il dénonçait « certains
journalistes et médias » qui, selon lui, participaient à l’aggravation de la situation
de crise lors des manifestations contre le chômage dans tout le pays, qui avaient
succédé au décès du manifestant chômeur Ridha Yahyaoui. Celui-ci s’était
électrocuté après être monté sur un pylône à proximité du siège du gouvernorat,
après avoir appris le retrait de son nom par les autorités locales d’une liste
d’embauches possibles dans la fonction publique. Le gouvernement a ordonné une
enquête pour déterminer les circonstances du décès de Ridha Yahyaoui et l’affaire
était en souffrance en novembre.
Le 26 novembre, un procureur militaire a inculpé le journaliste Jamel Arfaoui pour
atteinte à la dignité et à la réputation de l’armée tunisienne. Il avait écrit un article
paru dans le Tunisie Telegraph le 14 juillet qui critiquait l’insuffisance de
l’enquête menée par l’armée sur un accident d’avion militaire. Le 16 novembre,
des procureurs ont mis en accusation Rached Khiari pour atteinte à la réputation de
l’armée et pour avoir sapé le moral de celle-ci après sa participation à une émission
télévisée populaire durant laquelle il a affirmé que le gouvernement avait signé un
accord autorisant l’installation d’une base militaire américaine sur le sol tunisien.
Risquant tous deux des peines pouvant atteindre trois ans de prison, ces hommes,
pourtant des civils, ont comparu devant un tribunal militaire. Rached Khiari était
également accusé de diffamation envers un fonctionnaire et d’atteinte au moral de
l’armée dans le but de porter préjudice à la défense nationale, crime passible de la
peine de mort.
Violence et harcèlement : Les responsables de la sécurité ont continué de harceler
et de menacer les journalistes, mais dans une moindre mesure qu’en 2015, ont dit
les organisations de défense des droits de l’homme. Le Centre de Tunis pour la
liberté de la presse (CTLP), une ONG nationale, a fait état d’une baisse des
attaques contre les journalistes au cours de l’année, à six par mois, sauf en mai où
10 agressions ont été signalées, principalement perpétrées par des membres des
forces de sécurité. Des agressions de journalistes ont surtout été signalées pendant
l’été, lorsque les autorités ont interdit à ceux-ci de couvrir des festivals à Djerba et
Bizerte, selon le CTLP qui a appelé le ministère de l’Intérieur à ouvrir
officiellement une enquête.
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Censure ou restrictions sur le contenu : Le gouvernement a sanctionné des
personnes qui ont publié des articles contraires aux directives du gouvernement.
Alors que les médias en ligne et la presse écrite ont souvent publié des articles
critiquant le gouvernement, les journalistes et les militants ont parfois pratiqué
l’autocensure pour éviter les violences ciblant les journalistes, qui étaient
principalement le fait des forces de sécurité ou d’autres agresseurs anonymes,
selon le CTLP.
Lois contre la diffamation écrite/verbale : En juillet 2015, les services de la police
antiterroriste ont convoqué Abdelfattah Said pour l’interroger au sujet d’une vidéo
qu’il avait diffusée sur les réseaux sociaux dans laquelle il exprimait son opinion
sur les causes de l’attentat terroriste de Sousse. Il a été inculpé de complicité de
terrorisme ou incitation au terrorisme, de diffamation envers un fonctionnaire et
d’avoir propagé, sciemment, de fausses nouvelles. Il a été transféré par la police à
la prison d’Al Mornaguia en juillet 2015. En décembre 2015, le tribunal l’a
condamné à un an de prison et à une amende de 2 000 dinars (870 dollars des
États-Unis). Ses avocats ont fait appel de ce verdict. Selon Amnesty International,
cette affaire n’a pas évolué au cours de l’année.
Liberté d’accès à internet
Le gouvernement n’a pas restreint ou perturbé l’accès à internet et il n’y a pas eu
d’informations crédibles selon lesquelles les pouvoirs publics auraient surveillé les
communications privées en ligne sans autorisation légale. Il n’y a pas eu de
censure de sites web, y compris à caractère pornographique, sauf de ceux qui
étaient liés à des organisations terroristes. Selon une estimation d’Internet World
Stats, 52 % des Tunisiens utilisaient internet.
Liberté d’enseignement et manifestations culturelles
Il n’a pas été fait état de restrictions imposées par le gouvernement à la liberté
d’enseignement. Le CTLP a indiqué que les journalistes n’avaient pas été autorisés
à couvrir des festivals à Bizerte et Djerba.
b. Liberté de réunion et d’association pacifiques
La loi prévoit le droit à la liberté de réunion et d’association. L’état d’urgence
limitait le droit de réunion, même si le gouvernement permettait que des
manifestations restreintes aient lieu. Celui-ci n’a pas toujours respecté le droit
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d’association.
Liberté de réunion
La présidence de la République a déclaré à plusieurs reprises la prorogation de
l’état d’urgence sur tout le territoire, en vigueur depuis novembre 2015, lorsqu’un
kamikaze avait attaqué des membres de la garde présidentielle. L’état d’urgence a
été prorogé pour la dernière fois le 18 octobre pour une durée de trois mois. Les
autorités en avaient antérieurement ordonné la prorogation en janvier après des
troubles sociaux généralisés, en mars après un attentat terroriste à Ben Guerdan, et
en juin et juillet. Des manifestations et des affrontements avec les forces de
sécurité dans l’ensemble du pays ont commencé le 16 janvier dans le gouvernorat
de Kasserine après le décès de Ridha Yahyaoui. Les médias tunisiens ont signalé
que les forces de sécurité avaient recouru à la violence contre les manifestants et
arrêté 1 105 personnes, parmi lesquelles 523 étaient accusées d’avoir violé le
couvre-feu décrété le 22 janvier à l’échelle nationale.
Le 9 avril, les forces de sécurité ont violemment dispersé une manifestation
pacifique organisée par l’Union générale des étudiants tunisiens pour réclamer des
emplois, et elles les ont empêchés de se rassembler devant le bâtiment des bureaux
du Premier ministre.
Liberté d’association
La loi prévoit le droit à la liberté d’association, mais le gouvernement ne l’a pas
toujours respectée. Une loi de 2011 relative aux associations éliminait les
dispositions pénales de la loi précédente ainsi que l’interdiction d’appartenir à une
association non reconnue ou dissoute ou d’exercer des fonctions dans une telle
association. Grâce à cette loi, la procédure d’enregistrement des associations a été
allégée et il est désormais plus difficile pour les entités gouvernementales d’y faire
obstacle ou de la retarder. L’Observatoire international des associations et du
développement durable, association indépendante qui surveille le fonctionnement
de la société civile, a affirmé que le gouvernement retardait l’enregistrement
d’associations au moyen d’obstacles bureaucratiques inutiles, parfois pour des
raisons politiques, en violation de la loi sur les associations.
Selon la loi de 2011, seul le pouvoir judiciaire a l’autorité requise pour suspendre
ou dissoudre une association. D’après le Premier ministre, de 2011 à 2016, le
gouvernement a envoyé des avertissements à 805 associations et demandé la
suspension de 234 d’entre elles pour non-respect de la loi sur les associations. Les
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tribunaux ont suspendu 112 de ces associations et, dans quatre cas, ordonné la
dissolution de ces organisations. Le bureau du Premier ministre a déclaré que la
procédure adéquate avait été suivie dans tous les cas.
En novembre 2015, des membres du Parlement ont appelé à la dissolution de
l’ONG de défense des LGBTI Shams. Le 4 janvier, un tribunal administratif a
suspendu les activités de Shams conformément à une plainte gouvernementale
selon laquelle l’association s’était enregistrée en qualité d’organisation œuvrant
pour la défense des droits des « minorités sexuelles ». Le gouvernement a affirmé
que la charte de Shams ne lui permettait pas de plaider de façon explicite pour les
droits des homosexuels, dans la mesure où l’organisation déclarait que sa mission
consistait à plaider pour les droits des « minorités sexuelles ». Le 24 février, un
tribunal administratif a donné raison à Shams, rejetant la plainte du gouvernement
et autorisant l’association à mener légalement ses activités ; toutefois, les autorités
n’avaient pas publié la charte de l’organisation au Journal officiel, ce qui l’a
empêchée d’ouvrir un compte bancaire ou d’exercer des activités financières.
Le gouvernement a interdit pour des raisons de sécurité le congrès annuel du parti
islamiste Hizb Ettahrir, prévu le 4 juin. Un tribunal administratif a renversé cette
décision le 3 juin. Le 4 juin au matin, le gouverneur de Tunis a annoncé la
fermeture du lieu prévu pour le congrès jusqu’au 20 juin en recourant aux pouvoirs
qui lui étaient octroyés conformément à l’état d’urgence. Il a déclaré aux médias
qu’il avait pris cette décision « pour éviter de perturber l’ordre public ». Après
plusieurs avertissements adressés aux dirigeants de ce parti pour les informer que
celui-ci ne respectait pas le décret-loi 88 de 2011 exigeant que les associations
respectent l’état de droit et les principes fondamentaux de la démocratie et qu’il
était interdit de prôner la violence, la haine, l’intolérance ou la discrimination pour
des motifs religieux, le gouvernement a suspendu les activités d’Hizb Ettahrir
pendant 30 jours à compter du 15 août. Le 30 août, un tribunal administratif a
renversé cette suspension, invoquant des « problèmes de procédure » liés à
l’accusation des pouvoirs publics. Le 2 septembre, le gouvernement a lancé une
procédure pénale à l’encontre du parti pour incitation à la violence contre l’État et
le procureur général a transmis le dossier à un tribunal militaire. Le 20 septembre,
des membres d’Hizb Ettahrir ont refusé de comparaître devant le tribunal militaire.
L’affaire était en souffrance en décembre.
c. Liberté de religion
Veuillez consulter le Rapport sur la liberté de religion dans le monde du
Département d’État à l’adresse suivante : www.state.gov/religiousfreedomreport/.
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d. Liberté de circulation, personnes déplacées à l’intérieur de leur pays,
protection des réfugiés et personnes apatrides
La loi garantit la liberté de circulation à l’intérieur du pays, les voyages à
l’étranger, l’émigration et le rapatriement, et dans l’ensemble les pouvoirs publics
ont respecté ces droits. Le gouvernement a coopéré avec le Haut-Commissariat des
Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et d’autres organisations humanitaires
pour apporter protection et assistance aux réfugiés, aux demandeurs d’asile, aux
migrants vulnérables et à d’autres personnes relevant de la compétence du HCR.
Depuis 2014, plus de 500 personnes se sont plaintes auprès de l’Observatoire des
droits et des libertés de Tunis que les autorités les avaient empêchées de voyager
aux motifs de soupçons d’extrémisme, qui se fondaient dans certains cas sur la
tenue vestimentaire à caractère religieux du voyageur. Ces personnes ont ajouté
que certaines d’entre elles s’étaient vues empêcher de voyager alors qu’elles
n’avaient pas d’antécédents judiciaires, parce qu’elles avaient un proche
soupçonné de terrorisme. Dans d’autres cas, l’Observatoire a déclaré que les
autorités ont empêché des femmes de voyager si elles étaient soupçonnées de se
livrer à la prostitution, soupçon souvent fondé uniquement sur l’apparence.
Protection des réfugiés
Droit d’asile : La législation du pays ne prévoit pas l’octroi du droit d’asile ou du
statut de réfugié. Dans l’attente de l’instauration d’un cadre juridique, le HCR est
la seule entité qui s’occupe de la détermination du statut de réfugié. Il a fourni une
assistance aux réfugiés enregistrés pour leur permettre de bénéficier de soins de
santé primaires et dans certains cas d’un enseignement de base. Le gouvernement
accorde aux réfugiés enregistrés l’accès à l’école et aux établissements de santé
publique de base. Lorsque le HCR a cessé, en 2013, de fournir une assistance au
camp de Choucha pour les réfugiés venant de Libye, celui-ci abritait toujours plus
de 300 personnes auxquelles le statut de réfugié avait été refusé. En 2014, le
Croissant-Rouge tunisien a recensé 98 personnes résidant dans le camp. Sur celles-
ci, 45 étaient des réfugiés enregistrés qui avaient refusé d’être réinstallés dans le
pays. Les 53 autres ne s’étaient pas vues accorder le statut de réfugié et
continuaient de faire appel de cette décision. En octobre 2014, le gouvernement a
démantelé le camp de Choucha, mais le HCR a continué à assurer des services aux
réfugiés qui s’étaient réinstallés dans des maisons à Gabès et Médenine. Selon la
presse, une cinquantaine de réfugiés et de migrants économiques occupaient
toujours le camp de Choucha en novembre, parmi lesquels la majorité venait de
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pays d’Afrique subsaharienne. Selon le HCR, les personnes qui choisissaient de
rester dans le camp de Choucha après son démantèlement ne remplissaient pas les
conditions pour prétendre à un statut de réfugié et relevaient de la responsabilité du
gouvernement. D’après le Croissant-Rouge, la plupart des occupants du camp de
Choucha ont refusé l’hébergement provisoire offert par le gouvernement ainsi que
d’être régularisés dans le pays. Les organisations d’assistance ont signalé que
certains d’entre eux avaient fait des demandes d’autorisations de travail, mais
n’avaient pas reçu de réponses des autorités.
Section 3. Liberté de participer au processus politique
La constitution donne aux citoyens la capacité de choisir leur gouvernement au
cours d’élections périodiques libres et équitables au scrutin secret et au suffrage
universel et égal.
Élections et participation à la vie politique
Élections récentes : Les citoyens ont exercé leur droit de voter lors d’élections
libres, équitables et transparentes en octobre, novembre et décembre 2014 lors
d’élections législatives et des deux tours de l’élection présidentielle,
respectivement.
Partis politiques et participation à la politique : Sur les quelque 170 partis
enregistrés, 70 ont présenté une liste électorale aux élections parlementaires de
2014. Les autorités ont refusé les partis qui n’avaient pas été accrédités parce que
leur dossier de candidature était incomplet ou parce que leurs programmes étaient
contraires aux lois interdisant la discrimination ainsi que ceux qui étaient basés sur
la religion.
Participation des femmes et des minorités : Les femmes ont continué d’être actives
dans la vie politique, mais elles ont été confrontées à des obstacles sociétaux pour
ce qui est de leur participation à la politique. Dans le cadre de mesures prises en
2011 pour inclure davantage de femmes dans le processus électoral, le
gouvernement a adopté une loi sur la parité imposant aux partis politiques d’avoir
un nombre égal d’hommes et de femmes sur les listes électorales. La loi prescrit
également l’alternance des noms de candidats de sexes masculin et féminin afin
d’accroître la probabilité de sélection des femmes.
Section 4. Corruption et manque de transparence au sein du gouvernement
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La loi prévoit des sanctions pénales pour la corruption et le gouvernement a pris
des mesures préliminaires pour mettre en œuvre ces dispositions, mais selon les
ONG de promotion de la transparence, elles n’ont pas toujours été efficaces. En
janvier, l’avocat et ancien bâtonnier du Conseil de l’ordre national des avocats de
Tunisie, Maître Chawki Tabib, a pris la tête de l’Instance nationale de lutte contre
la corruption (INLC). La loi confie à l’INLC les enquêtes en matière de corruption,
la prévention de celle-ci et l’élaboration de politiques efficaces pour la combattre.
Chawki Tabib a demandé que le budget de l’instance soit relevé à 6,5 millions de
dinars (2,8 millions de dollars), déclarant qu’il était insuffisant pour permettre à
l’INLC de traiter les 12 000 dossiers sur des affaires de corruption en souffrance
déposés depuis 2011. En mai, le gouvernement a octroyé une rallonge budgétaire
de 1,4 million de dinars (608 000 dollars) à l’INLC.
Corruption : Les groupes de vigilance anti-corruption ont dénoncé une hausse de la
corruption parmi les agents publics au cours de l’année, en particulier de la petite
corruption. Selon l’INLC, de janvier à août, sur les 2 000 dossiers reçus, 106 ont
été confiés à la justice. Les autorités ont transmis plus de 800 de ces dossiers à
l’INLC et les plaignants eux-mêmes ont confié directement le reste des affaires à
l’instance. Les principaux secteurs touchés par la corruption étaient l’immobilier,
les terres agricoles, l’énergie, les mines et la passation des marchés publics.
Divulgation de situation financière : La constitution exige que les personnes
exerçant de hautes fonctions au sein de l’appareil gouvernemental déclarent leurs
biens « tels que prévu par la loi ». En fin d’année, aucune loi n’obligeait les
responsables nommés ou élus à divulguer leurs revenus ou leur patrimoine.
Accès public à l’information : Afin d’améliorer la transparence et de promouvoir la
réconciliation nationale après la révolution de 2011, une nouvelle loi a accordé aux
journalistes et aux organisations de la société civile l’accès aux dossiers du régime
antérieur. La mise en œuvre de la loi a cependant été entravée par des obstacles
bureaucratiques. Les informations jugées sensibles concernant le régime antérieur
n’étaient toujours pas accessibles. La loi sur la justice transitionnelle accorde un
accès à ces informations aux membres de l’Instance de la Vérité et de la Dignité
(IVD), organe fondé en 2014 et chargé d’enquêter sur les violations flagrantes des
droits de l’homme de 1955 jusqu’à l’adoption, en 2013, de cette loi.
Le 11 mars, le Parlement a adopté une nouvelle loi relative au droit d’accès à
l’information qui a fait l’objet des éloges des organisations de la société civile.
Cette nouvelle loi garantit le droit des citoyens d’accéder aux documents des
institutions publiques, des structures du gouvernement et de certains organismes et
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associations bénéficiant d’un financement public ; elle exige par ailleurs que les
structures publiques divulguent toutes les informations les concernant, y compris
leurs budgets et leurs coordonnées, et qu’elles soient mises à disposition en ligne.
Le gouvernement disposait d’un délai d’un an pour mettre ce programme en
application.
Section 5. Attitude du gouvernement face aux enquêtes internationales et non
gouvernementales sur des violations présumées des droits de l’homme
Une vaste gamme d’organisations nationales et internationales de défense des
droits de l’homme ont enquêté et publié les résultats de leurs enquêtes sur des
affaires de violation des droits de l’homme sans restriction de la part du
gouvernement. Les responsables gouvernementaux se sont montrés en général
coopératifs et sensibles à leurs points de vue.
Organismes publics de défense des droits de l’homme : Le ministère de la Justice
est l’organisme gouvernemental chargé au premier chef d’enquêter sur les
violations des droits de l’homme et de lutter contre les menaces à l’égard de ces
droits. Le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales est
un organisme financé par le gouvernement qui est chargé de la surveillance des
droits de l’homme. Le ministère n’a pas mené de poursuites ou enquêté de façon
adéquate sur les allégations de violation des droits de l’homme. Chargée
d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises par l’État ou des
agents agissant en son nom, l’IVD a commencé à entendre des affaires au cours de
l’année. Le 15 juin était la date limite pour soumettre des affaires à l’IVD et, à
cette date, elle avait reçu plus de 65 000 dossiers. Cette instance a tenu ses
premières audiences publiques le 17 novembre. Les organisations de la société
civile ont remarqué que celle-ci était confrontée à des critiques et à une forte
opposition de la part de certaines factions de la coalition au pouvoir, ce qui pourrait
nuire à l’efficacité de ses travaux. Des observateurs ont fait part de leurs
préoccupations quant aux moyens financiers limités de cette instance et à son
incapacité à pourvoir des postes vacants.
L’INPT a été créée en 2013 en tant qu’organisme administrativement indépendant.
En mars, le Parlement a choisi 16 membres pour y siéger. En mai, les membres de
l’INPT ont élu Hamida Dridi comme présidente. Ses membres sont habilités à
inspecter toute prison ou centre de détention pour enquêter sur la torture et les
mauvais traitements, à demander que soient entamées des enquêtes pénales et
administratives et à faire des recommandations sur des mesures visant à éliminer la
torture et les mauvais traitements. Les membres de l’INPT ont déclaré que leur
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organisme était confronté à des difficultés matérielles et logistiques qui
l’empêchaient de conduire ses travaux de manière efficace. Les organisations de
défense des droits de l’homme se sont félicitées de l’élection des membres de
l’instance et ont déclaré que c’était un pas en avant. Selon Human Rights Watch, la
création de ce nouvel organisme constituait « une occasion sans précédent de
confronter l’héritage de torture et de mauvais traitements de la Tunisie ».
Section 6. Discrimination, abus sociétaux et traite des personnes
Condition féminine
Viol et violences conjugales/familiales : Bien qu’interdit par la loi, le viol, y
compris entre époux, est demeuré un problème grave. Le gouvernement a
généralement appliqué la loi contre le viol. Le code pénal n’aborde par le viol entre
époux. Il n’y avait pas de base de données exhaustive sur l’incidence de la violence
sexuelle, mais des ONG ont affirmé que le viol a continué d’être sous-déclaré. Les
rapports sexuels hors des liens du mariage sont illégaux, mais les rapports sexuels
consensuels entre adultes n’ont pas été poursuivis en justice.
Le viol accompagné d’actes ou de menaces de violence, ou de menaces avec une
arme, est passible de la peine de mort. Pour les autres cas de viol, la peine prescrite
est la détention à vie. Si la victime est âgée de moins de 20 ans, les peines peuvent
être plus sévères (voir section 6, Enfants). Un rapport sexuel non consensuel ne
correspondant pas à la définition du viol, comme l’agression sexuelle, l’agression
sexuelle aggravée et la maltraitance sexuelle, peut faire l’objet de poursuites pour
« attentat à la pudeur », qui est passible d’une peine de six ans de prison, 12 si la
victime a moins de 18 ans. Dans les cas d’atteinte sexuelle non violente sur
mineur, les accusations à l’encontre de l’auteur peuvent être abandonnées si les
parents de la victime consentent à ce qu’elle se marie avec l’auteur des faits, à
condition que le mariage dure pendant deux ans au moins. Les organisations de
défense des droits de l’homme s’opposaient vivement à cette pratique. La peine
encourue peut atteindre l’incarcération à perpétuité en cas de recours à une arme, à
des menaces ou à la détention, dans les cas de mutilation ou de défiguration de la
victime, ou encore si la vie de celle-ci a été mise en danger. La peine encourue
pour tentative ou commission d’un « attentat à la pudeur » sans violence ou
agression sur la personne d’un enfant est de cinq ans de prison, dix ans si l’auteur
est un membre de la famille de la victime ou occupe une position d’autorité par
rapport à celle-ci.
Le viol est demeuré un sujet tabou et sous-déclaré. Les pressions culturelles
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dissuadaient souvent les victimes de dénoncer les agressions sexuelles. Les
condamnations pour agression sexuelle ont été nettement inférieures au nombre
d’incidents réels. Une étude publiée en mars 2015 par la Commission nationale des
femmes travailleuses de l’UGTT indiquait que 32 % de l’ensemble des femmes
avaient subi de la violence physique sous une forme ou une autre, 29 % de la
violence psychologique ou du harcèlement, 16 % de la violence ou de
l’exploitation sexuelle, et 7 % de la violence économique, notamment
l’exploitation financière, l’extorsion ou la privation d’argent ou des moyens de
couvrir les besoins essentiels de la vie. Selon cette étude, une grande partie de cette
violence contre les femmes se produisait dans le cadre du mariage. Un rapport
d’Amnesty International de 2015 citait plusieurs raisons expliquant le nombre de
plaintes inférieur à la réalité et le manque de poursuites pour viol et agression
sexuelle, notamment les normes en matière de preuves qui imposent un lourd
fardeau à la victime, le manque de confiance dans la police et le système judiciaire,
ainsi qu’une définition juridique inadaptée de l’agression sexuelle.
Les lois qui interdisent la violence familiale sanctionnent les agressions commises
par un conjoint ou un autre membre de la famille par des peines deux fois plus
lourdes que celles infligées à un agresseur non apparenté à la victime ; cependant,
ces lois ont rarement été appliquées, et la violence familiale est restée un grave
problème.
Il n’existait pas de programmes officiels de sensibilisation du public à la violence
familiale, y compris le viol. Les victimes pouvaient bénéficier de services dans un
peu plus d’une vingtaine de centres sociaux répartis dans le pays. Si la demande de
services augmentait, l’opprobre sociale empêchait cependant de nombreuses
femmes d’avoir recours aux moyens disponibles.
Harcèlement sexuel : Le harcèlement sexuel a posé problème, encore que son
ampleur soit impossible à mesurer du fait de l’absence de données. La loi exige
que les victimes de harcèlement sexuel cherchant réparation portent plainte auprès
d’un tribunal pénal, les autorités enquêtant ensuite sur les allégations. Selon le
code pénal, le harcèlement sexuel est passible d’un an de prison et d’une amende
de 3 000 dinars (1 300 dollars). Des groupes de la société civile ont critiqué la loi
sur le harcèlement comme étant trop vague et pouvant prêter à des abus.
Droits génésiques : Les couples et les personnes ont le droit de décider librement et
de manière responsable du nombre de leurs enfants, de l’espacement et du moment
de leur naissance, de gérer leur santé génésique et de disposer des moyens et des
informations pour le faire sans discrimination, coercition ou violence. Selon une
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étude réalisée en 2016 par la revue spécialisée Health and Human Rights Journal,
la Tunisie a réalisé peu de progrès pour intégrer les droits génésiques dans sa
politique nationale de santé de la procréation. Cette étude a fait ressortir les
possibilités limitées d’accès aux services de santé génésique, la mauvaise qualité
des services de santé maternelle et des pratiques discriminatoires dans certaines
régions du pays. En 2014, le Fonds des Nations unies pour la population a indiqué
que seulement 10 % des centres de soins de santé primaires situés dans les régions
du Nord-Ouest, du Centre-Ouest et du Sud-Est du pays offraient des services de
base de santé génésique. Des cliniques mobiles étaient chargées de fournir des
services de planification familiale en raison de l’infrastructure limitée dans les
régions rurales, mais il a été récemment constaté une baisse significative du
nombre et de la couverture géographique de ces cliniques. L’Organisation
mondiale de la Santé a signalé que les femmes célibataires étaient confrontées à de
la discrimination en matière de traitement des infections sexuellement
transmissibles et d’accès à la contraception.
Discrimination : La loi et la constitution interdisent expressément toute
discrimination fondée sur la race, le sexe, le handicap, la langue ou la situation
sociale et l’État a veillé à leur respect dans l’ensemble. Les femmes ont été
confrontées à des obstacles sociétaux plutôt que légaux quant à leur participation
aux activités économiques et politiques. Le droit civil codifié se fonde sur le code
Napoléon, encore que les juges aient parfois appliqué des interprétations de la
charia (loi islamique) dans les litiges familiaux et successoraux.
Les couples nouvellement mariés doivent indiquer explicitement dans le contrat de
mariage s’ils veulent être sous le régime de la communauté de biens ou non. Le
droit coutumier fondé sur la charia interdit aux musulmanes d’épouser des non-
musulmans. Selon la charia, les hommes, mais pas les femmes, doivent subvenir
aux besoins de leur famille. Ceci explique pourquoi la loi de la charia relative à
l’héritage donne, dans certains cas, une part plus importante aux hommes.
Certaines familles ont évité l’application de la charia en passant des contrats entre
parents et enfants afin de s’assurer que les filles reçoivent des parts des biens
égales à celles des garçons. Une femme qui n’est pas musulmane et son époux
musulman ne peuvent pas hériter l’un de l’autre. Le gouvernement considère tous
les enfants de tels mariages comme musulmans et interdit qu’ils puissent hériter de
leur mère. Les époux peuvent cependant donner librement jusqu’à un tiers de leur
patrimoine à n’importe quelle personne désignée dans leur testament.
Les femmes tunisiennes peuvent transmettre la nationalité sur un pied d’égalité
avec les citoyens de sexe masculin. En novembre 2015, le Parlement a amendé une
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loi qui interdisait jusque-là à une mère de quitter le pays avec ses enfants mineurs
sans autorisation écrite du père. Ce nouvel amendement élimine toute
discrimination entre le père et la mère pour les demandes de passeports et les
autorisations de sortie du territoire.
La loi exige de manière explicite l’égalité des salaires pour l’accomplissement d’un
travail égal, et le gouvernement l’a appliquée dans l’ensemble. La loi autorise les
femmes salariées du secteur public à percevoir les deux tiers de leur salaire à plein
temps pour un emploi à mi-temps à condition qu’elles aient au moins un enfant âgé
de moins de 16 ans ou un enfant ayant des besoins spéciaux, quel que soit son âge.
Les femmes qui remplissent les conditions peuvent faire une demande à cet effet
pour une période de trois ans, renouvelable deux fois pour une durée maximum de
neuf ans. Le gouvernement a défendu cette loi parce qu’elle permet aux femmes de
concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle, mais certains défenseurs des
droits des femmes estimaient que traiter différemment les femmes et les hommes
aux termes de la loi violait les droits des femmes. Des obstacles sociétaux et
culturels ont réduit notablement la participation des femmes à la population active
dans le secteur formel, en particulier aux postes de direction. Dans le secteur privé,
les femmes gagnaient en moyenne 25 % de moins que les hommes pour le même
travail.
Sélection prénatale en fonction du sexe : Le rapport garçons-filles à la naissance
était de 107 à 100. Aucune information n’était disponible quant aux efforts
déployés par les pouvoirs publics pour rectifier ce déséquilibre.
Enfants
Enregistrement des naissances : La citoyenneté provient des parents à la naissance
et la loi accorde 10 jours pour déclarer la naissance d’un nouveau-né. Passé ce
délai, les parents ont 30 jours pour justifier cette omission et s’acquitter de cette
obligation.
Maltraitance d’enfants : Un rapport officiel a fait état de 601 cas signalés de
violence à l’encontre d’enfants en juillet, soit trois fois plus que le nombre
communiqué en 2013. Le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance a
nommé 21 psychologues pour prendre les victimes en charge et il a annoncé qu’il
collaborerait avec la société civile pour fournir davantage de services aux enfants
victimes se trouvant dans les refuges de Sousse, Sfax et Tunis. Selon ce même
ministère, l’augmentation du nombre de cas signalés s’expliquait en partie par une
disposition accrue des victimes à dénoncer les violences.
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Mariage forcé et mariage précoce : L’âge minimum du mariage est de 18 ans pour
les deux sexes, mais les tribunaux peuvent, dans certaines situations, autoriser le
mariage de personnes de moins de 18 ans sur demande et approbation des deux
parents.
Exploitation sexuelle des enfants : La loi interdit la pédopornographie. Les
relations sexuelles avec une fillette de moins de 10 ans sont passibles de la peine
de mort. Quiconque a des rapports sexuels avec une fillette de 10 à 15 ans est
passible de six ans de prison. Si la victime a plus de 15 ans et moins de 20 ans, la
peine est de cinq ans de prison, sauf si ces personnes sont mariées. Le code pénal
stipule que si un homme a des rapports sexuels consensuels avec une mineure, il
peut éviter les conséquences légales de cet acte en épousant la victime (voir section
6, Condition féminine). La Tunisie n’était pas une destination pour le tourisme
sexuel pédophile, mais l’Organisation internationale pour les migrations a signalé
que certains enfants avaient été victimes d’exploitation sexuelle par le biais de la
prostitution, même si l’étendue du problème n’était pas connue.
En juillet, le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance a annoncé que
les affaires impliquant des enfants victimes de violence, y inclus les abus sexuels,
s’étaient multipliées par trois depuis 2013. Selon des chiffres fournis par des
organismes locaux de protection de l’enfance, les cas de violences dénoncés sont
passés de 262 en 2013 à 601 en novembre. Trente-trois pour cent des victimes de
violences sexuelles ont fait état de violences sexuelles directes, tandis que 51 %
d’entre elles ont rapporté des actes de harcèlement sexuel sans contact sexuel
direct.
Enlèvements internationaux d’enfants : La Tunisie n’est pas partie à la Convention
de la Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.
Veuillez consulter le rapport du Département d’État intitulé Annual Report on
International Parental Child Abduction (Rapport annuel sur les enlèvements
parentaux internationaux d’enfants) à l’adresse suivante :
travel.state.gov/content/childabduction/english/legal/compliance.html.
Antisémitisme
La population juive était estimée à 1 500 personnes. En mars 2015, le tombeau du
sage juif du XVIIIe siècle, le rabbin Messaoud El-Fassi, a été vandalisé à Tunis.
Les médias ont précisé que les motifs de cet acte étaient inconnus, mais ont
supposé qu’il s’agissait de l’œuvre de pillards. Suite à cet incident, le président
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Caïd Essebsi a renforcé la sécurité autour du cimetière et d’autres sites juifs et il
s’est engagé auprès de la Conférence des rabbins européens à protéger fermement
la communauté juive et ses institutions.
Le 25 mai, le pèlerinage annuel juif de la Ghriba, sur l’île tunisienne de Djerba, a
eu lieu. Les médias tunisiens ont estimé que de 2 000 à 3 000 personnes y avaient
participé. Cet événement s’est déroulé sans incident et il a compris la participation
de plusieurs ministres du gouvernement. Les responsables de la communauté juive
et du gouvernement ont fait publiquement l’éloge de ce pèlerinage comme étant un
signe des excellentes relations entretenues par les communautés juive et
musulmane.
Traite des personnes
Veuillez consulter le Rapport sur la traite des personnes du Département d’État à
l’adresse suivante : www.state.gov/j/tip/rls/tiprpt/.
Personnes handicapées
La loi interdit la discrimination contre les personnes handicapées physiques ou
mentales dans les domaines de l’emploi, de l’éducation, des voyages aériens et
d’autres moyens de transport, de l’accès aux soins de santé ou de la prestation
d’autres services publics. Elle prescrit qu’au moins 1 % des emplois des secteurs
public et privé soient réservés à des personnes handicapées. Des ONG ont indiqué
que les autorités ne veillaient pas largement à l’application de cette loi et que de
nombreux employeurs en ignoraient l’existence. Il n’existait pas de chiffres sur les
différents types de mauvais traitements infligés dans les établissements scolaires et
de santé mentale ; par ailleurs, des cas individuels de discrimination à l’embauche
à l’égard des personnes handicapées ont rarement été signalés.
Depuis 1991, la loi stipule que tous les nouveaux bâtiments publics doivent être
accessibles aux personnes handicapées physiques et le gouvernement a
généralement veillé à l’application de cette loi. Les handicapés physiques ne
pouvaient généralement pas accéder aux édifices construits avant 1991 et la plupart
des bâtiments plus anciens n’ont toujours pas été rénovés de façon à être
accessibles. Le gouvernement n’a pas veillé à assurer l’accès à l’information et aux
communications.
C’est au ministère des Affaires sociales qu’il appartient de protéger les droits des
personnes handicapées. Le gouvernement a délivré des cartes aux personnes
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handicapées pour qu’elles bénéficient d’avantages tels que le stationnement
illimité, des soins médicaux gratuits et prioritaires, des places réservées et gratuites
dans les transports en commun et des réductions dans les magasins. Le
gouvernement a accordé des avantages fiscaux aux entreprises afin d’encourager
l’embauche de personnes handicapées physiques. Il existait environ 300
établissements d’enseignement public pour les enfants handicapés, cinq pour les
malvoyants ou non-voyants, un établissement d’enseignement supérieur et un
établissement de formation professionnelle. Le ministère des Affaires sociales
administrait à Tunis, Kairouan, Nabeul et Sfax des centres assurant un
hébergement temporaire et de plus longue durée ainsi que des services médicaux
aux personnes handicapées n’ayant pas d’autres moyens de subsistance.
Actes de violence, discrimination et autres abus basés sur l’orientation
sexuelle et l’identité de genre
La loi criminalise la sodomie qui est punie par trois ans de prison. Selon des ONG,
les autorités ont parfois utilisé la loi contre la sodomie pour détenir et interroger
des personnes sur leurs activités et orientation sexuelles, parfois uniquement sur la
base de leur apparence physique. Les ONG dont les activités portent sur les LGBTI
ont dénoncé au moins 36 cas d’arrestations au titre de la loi sur la sodomie à
compter de septembre, bien que le gouvernement ne tienne pas de statistiques
officielles sur les arrestations effectuées au titre de cette loi. Les organisations de
défense des droits de l’homme et les ONG axées sur les LGBTI ont révélé que la
police et les tribunaux ordonnaient souvent à des hommes soupçonnés de sodomie
de se soumettre à un examen anal pour recueillir des éléments de preuve, une
pratique vivement dénoncée par ces organisations et le Comité des Nations Unies
contre la torture.
Ainsi, en décembre 2015, six hommes de Raqqada ont été condamnés chacun à
trois ans de prison pour sodomie après avoir été forcés de subir un examen anal.
L’un des hommes a été condamné à six mois de prison de plus pour « outrage aux
bonnes mœurs » après qu’une vidéo ait été trouvée sur son ordinateur par la police.
Le tribunal a également interdit ces hommes de séjour dans leur ville pendant les
cinq années suivant leur sortie de prison. Le 3 mars, la cour d’appel de Sousse a
confirmé le verdict de culpabilité des hommes, mais leur a accordé une réduction
de peine à un mois de prison et imposé une amende de 400 dinars (175 dollars)
chacun. Le juge a annulé la disposition prévoyant leur interdiction de séjour. Les
hommes ont déclaré aux médias qu’ils avaient subi du harcèlement et des abus
sexuels de la part des détenus et des gardiens de prison pendant leur détention.
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Les associations de plaidoyer pour les droits des personnes LGBTI ont organisé
des campagnes contre la criminalisation de la sodomie et les examens médicaux
forcés, qui sont rapidement devenues populaires sur les réseaux sociaux et ont
attiré l’attention des médias internationaux.
Des éléments ponctuels indiquaient que les personnes LGBTI étaient confrontées à
une discrimination et à des violences accrues, pouvant aller jusqu’à des menaces de
mort et de viol, mais la stigmatisation sociétale et la crainte de poursuites
judiciaires au titre de la législation sur la sodomie a dissuadé ces personnes de
dénoncer des problèmes, a indiqué un rapport d’EuroMed publié en septembre. En
raison de l’intolérance de la société à l’égard des relations sexuelles entre
personnes de même sexe, les LGBTI faisaient preuve de discrétion et il n’existait
pas d’informations sur la pratique officielle de la discrimination fondée sur
l’orientation sexuelle dans l’emploi, le logement, l’accès à l’éducation ou les soins
de santé, même si le rapport d’EuroMed faisait état de nombreux cas attestant d’un
refus systématique de services à des personnes LGBTI en raison de leur orientation
sexuelle. Un travail de plaidoyer en faveur de la communauté LGBTI était mené
par plusieurs petites organisations créées après 2011.
En mai, plusieurs associations LGBTI ont organisé une petite réception discrète
pour célébrer la gay pride à Tunis. Encore en mai, des associations ont également
organisé des événements et des manifestations publiques à l’occasion de la Journée
mondiale contre l’homophobie.
Le 13 avril, un acteur connu a déclaré, lors d’une émission de télévision nationale à
succès, que l’homosexualité était une « maladie » et qu’il « méprisait » les
homosexuels. Une autre vedette a réitéré publiquement ces paroles peu après. Une
campagne homophobe a été lancée par la suite sur les réseaux sociaux, qui incluait
de présumés membres des forces de sécurité postant des messages contre les
homosexuels sur ces réseaux. Plusieurs commerces ont mis des pancartes dans leur
vitrine avertissant qu’ils refusaient de servir les clients homosexuels. Dans son
prêche du vendredi 3 mai, un imam de Sfax a appelé à la mise à mort des
homosexuels : « Il faut jeter les coupables d’un endroit surélevé et les lapider ».
Section 7. Droits des travailleurs
a. Liberté d’association et droit à la négociation collective
La loi reconnaît aux travailleurs le droit de se syndiquer, de constituer des
syndicats et d’y adhérer, ainsi que de mener des négociations collectives. Elle leur
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reconnaît également le droit de faire grève, à condition d’en informer leur
fédération avec 10 jours de préavis et d’obtenir l’approbation du ministère de
l’Intérieur. La Confédération syndicale internationale et l’Organisation
internationale du Travail ont qualifié cette exigence de préavis en matière de grève
d’obstacle à la liberté d’association. Le droit de grève concerne aussi les
fonctionnaires, sauf ceux qui assurent des services essentiels « dont l’interruption
mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé de la population ou d’un segment
de la population ». Le gouvernement n’a pas précisé quels services étaient
« essentiels ». Les autorités ont dans l’ensemble respecté le droit de grève dans les
entreprises et les services publics. La loi interdit la discrimination antisyndicale par
les employeurs et les représailles à l’encontre des grévistes. Le gouvernement a
généralement fait respecter les lois applicables.
Des comités de conciliation, où les travailleurs et le patronat étaient représentés de
manière égale, ont réglé de nombreux conflits du travail. Autrement, des
représentants du ministère des Affaires sociales, de l’UGTT et de l’Union
tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) ont formé des
commissions régionales tripartites pour arbitrer les différends. Le 19 janvier, des
négociations tripartites ont abouti à un accord salarial dans le secteur privé, qui
consistait en des augmentations de 6 % de l’ensemble des salaires, en une hausse
des frais de déplacement de 10 dinars (4,50 dollars) et en une augmentation pour
assiduité au travail de trois dinars (1,30 dollar). Les observateurs ont généralement
estimé que les commissions tripartites étaient efficaces, encore que des détails sur
les ressources dont elles disposaient n’étaient pas disponibles.
Les syndicats demandaient rarement une autorisation préalable pour faire grève.
Des grèves sauvages (non autorisées par la direction des syndicats) ont eu lieu tout
au long de l’année mais, d’après les organisations syndicales, dans une moindre
mesure par rapport aux années antérieures. Des syndicats sectoriels ont organisé
des grèves et des sit-in, à l’instar de ceux de l’enseignement, des services de santé
et des industries extractives. Même si elles n’étaient pas autorisées, le ministère de
l’Intérieur a toléré de nombreuses grèves si elles concernaient une zone limitée.
L’UGTT a accusé des employeurs du secteur privé d’avoir eu des pratiques
antisyndicales, notamment en licenciant des militants syndicaux et en embauchant
de la main-d’œuvre intérimaire pour dissuader les salariés de se syndiquer. Dans
certains secteurs, tels que l’industrie textile, l’hôtellerie et le bâtiment, les
travailleurs temporaires continuaient de représenter une majorité significative de la
main-d’œuvre. L’UTICA, ainsi que le gouvernement, ont entretenu une relation
exclusive avec l’UGTT pour conclure les accords de convention collective. Le
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gouvernement a uniquement tenu des négociations sociales collectives avec
l’UGTT. Des représentants de la Confédération générale des travailleurs tunisiens
et de l’Union des travailleurs tunisiens se sont plaints que leurs organisations
n’avaient pas été prises en compte et avaient été exclues des négociations
tripartites. En juin 2015, le tribunal administratif a décidé d’autoriser la
Confédération générale des travailleurs tunisiens à déduire une partie du salaire de
ses adhérents pour les cotisations syndicales, un droit qui était jusqu’alors réservé à
l’UGTT. Des observateurs ont interprété dans cette décision une confirmation du
pluralisme syndical en Tunisie.
b. Interdiction du travail forcé ou obligatoire
La loi interdit le travail forcé ou obligatoire et prévoit des peines allant jusqu’à
10 ans de prison pour la capture, la détention ou la séquestration d’une personne à
des fins de travail forcé.
Le gouvernement a appliqué de manière efficace la plupart des codes en vigueur
traitant du travail forcé. Des cas de travail forcé et de travail forcé des enfants se
sont produits sous la forme de travail domestique dans les résidences de tiers, de
mendicité, de commerce ambulant et de travail agricole saisonnier (voir section
7.c.).
Veuillez également consulter le Rapport sur la traite des personnes du
Département d’État à l’adresse suivante : www.state.gov/j/tip/rls/tiprpt/.
c. Interdiction du travail des enfants et âge minimum d’admission à l’emploi
La loi interdit généralement le travail des enfants de moins de 16 ans. Les mineurs
de moins de 18 ans n’ont pas le droit de travailler dans des emplois qui présentent
un danger grave pour leur santé, leur sécurité ou leur moralité. L’âge d’admission à
l’emploi des mineurs pour effectuer des travaux légers dans les secteurs non
industriel et agricole, en dehors des heures de classe, était fixé à 13 ans. Les
travailleurs âgés de 14 à 18 ans doivent avoir douze heures de repos par jour qui
doivent comprendre les heures comprises entre 22 heures et 6 heures. Les enfants
âgés de 14 à 16 ans ne peuvent pas travailler plus de deux heures par jour. La durée
totale passée par les enfants à l’école et au travail ne peut pas dépasser sept heures
par jour. Le code pénal prévoit des peines allant jusqu’à 10 ans de prison pour la
capture, la détention ou la séquestration d’une personne à des fins de travail forcé,
et de deux ans de prison pour mendicité forcée des enfants.
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Les inspecteurs du travail du ministère des Affaires sociales contrôlaient le respect
des dispositions relatives à l’âge minimum d’admission à l’emploi en étudiant les
dossiers des salariés. Le nombre des inspecteurs et leurs ressources n’ont pas
augmenté avec la croissance économique. Qui plus est, selon des responsables
ministériels, l’inspection du travail ne disposait pas des ressources suffisantes pour
effectuer un suivi complet de l’économie informelle, officiellement estimée
constituer 38 % du PIB. Les inspecteurs du travail ont parfois coordonné des
vérifications ponctuelles avec l’UGTT et le ministère de l’Éducation. Selon une
étude de 2013, 2,6 % des enfants de moins de 15 ans travaillaient, mais ce chiffre
n’incluait pas ceux qui travaillaient dans le secteur informel, qui étaient vendeurs
de rue, mendiants, artisans ou travailleurs agricoles saisonniers.
Des enfants étaient soumis à l’exploitation sexuelle commerciale et utilisés dans le
cadre d’activités illicites, notamment le trafic de drogue, qui font partie des pires
formes de travail des enfants (voir section 6, Enfants).
Veuillez également consulter les Conclusions sur les pires formes de travail des
enfants du Département du Travail à l’adresse suivante :
www.dol.gov/ilab/reports/child-labor/findings/.
d. Discrimination en matière d’emploi et de profession
La loi et la réglementation interdisent la discrimination à l’embauche en matière de
race, de sexe, de genre, de handicap, de langue, d’orientation sexuelle et d’identité
de genre, de séropositivité au VIH, d’autres maladies transmissibles, ou de
situation sociale. Le gouvernement n’a pas toujours appliqué efficacement ces lois
et règlements en raison d’un manque de ressources et des difficultés à déterminer
les moments auxquels les attitudes traditionnelles des employeurs envers l’identité
de genre ou l’orientation sexuelle ont donné lieu à des pratiques discriminatoires
dans l’emploi (voir section 6).
La loi autorise les femmes salariées du secteur public à percevoir les deux tiers de
leur salaire à plein temps pour un emploi à mi-temps à condition qu’elles aient au
moins un enfant âgé de moins de 16 ans ou un enfant ayant des besoins spéciaux,
quel que soit son âge. Les femmes qui remplissent les conditions peuvent faire une
demande à cet effet pour une période de trois ans, renouvelable deux fois pour une
durée maximum de neuf ans.
Des obstacles sociétaux et culturels ont réduit de façon significative la participation
des femmes à la population active dans le secteur formel, en particulier aux postes
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de direction. Dans le secteur privé, les femmes gagnaient en moyenne 25 % de
moins que les hommes pour le même travail.
e. Conditions de travail acceptables
Le code du travail prévoit un éventail de salaires minimums déterminés par
l’administration. En novembre 2015, le gouvernement a annoncé un nouveau
salaire minimum mensuel pour une semaine de 40 heures pour les travailleurs non-
salariés agricoles d’un montant de 290 dinars (127 dollars) et un salaire journalier
minimum pour les ouvriers agricoles de 13 dinars (5,70 dollars). En octobre 2015,
le ministère des Affaires sociales, l’UGTT et l’Union tunisienne de l’agriculture et
de la pêche ont conclu un accord pour améliorer les conditions de travail et les
salaires dans le secteur agricole de façon à les faire correspondre à ceux du secteur
industriel. Cet accord prévoit la protection des femmes des régions rurales à
l’égard de conditions dangereuses d’emploi, fixe des normes de sécurité en matière
de manipulation de substances dangereuses et offre des incitations fiscales aux
employeurs du secteur agricole s’ils fournissent une formation à leurs employés.
La loi fixe une norme maximale de 48 heures par semaine pour le travail manuel
dans les secteurs industriel et agricole et impose 24 heures de repos par semaine.
Pour les emplois administratifs dans les secteurs privé et public, la semaine de
travail est de 40 heures, avec une majoration de salaire de 125 % pour les heures
supplémentaires. Les heures supplémentaires obligatoires excessives sont interdites
par la loi. En fonction du nombre d’années travaillées, la loi accorde aux salariés
entre 18 et 23 jours de congés payés par an. Il n’y a pas de pratique établie pour
faire état de violations du code du travail, mais les travailleurs ont le droit de les
signaler aux inspecteurs régionaux du travail.
Les emplois dangereux, par exemple dans l’industrie minière, le génie pétrolier et
le bâtiment, font l’objet de réglementations gouvernementales spéciales. Les
salariés pouvaient exercer leur droit de se retirer de situations dangereuses sans
mettre leur emploi en danger et ils pouvaient porter plainte contre les employeurs
qui usaient de représailles à leur encontre pour avoir exercé ce droit. Le ministère
des Affaires sociales est responsable de l’application des normes relatives à la
santé et à la sécurité sur le lieu de travail. En vertu de la loi, tous les travailleurs, y
compris ceux du secteur informel, ont droit aux mêmes protections en matière de
santé et de sécurité au travail. Selon les représentants de l’UGTT, l’application de
ces mesures a laissé à désirer. Outre l’application des règlements relatifs à la santé
et à la sécurité au travail, des inspecteurs du travail à l’échelle régionale ont
également veillé à l’application des règlements concernant les salaires horaires. La
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Tunisie comptait 347 inspecteurs du travail qui inspectaient la plupart des
entreprises environ une fois tous les deux ans. Le gouvernement n’a pas veillé de
manière adéquate à l’application des dispositions relatives au salaire minimum,
particulièrement dans les secteurs non syndiqués de l’économie. L’interdiction des
heures supplémentaires obligatoires excessives n’a pas toujours été respectée.
Les conditions et les normes de travail étaient généralement meilleures dans les
sociétés axées sur l’exportation, dont la plupart appartenaient à des étrangers, que
dans celles travaillant exclusivement pour le marché intérieur. Selon les statistiques
de la Banque mondiale, le secteur informel employait plus de 54 % de l’ensemble
de la main d’œuvre, dont plus de la moitié étaient des femmes. Selon le
gouvernement et des ONG, la législation du travail ne régissait pas de façon
adéquate le secteur informel, où les infractions auraient été plus courantes. Les
employés sous contrat temporaire se sont plaints de ne pas bénéficier des mêmes
protections que les employés permanents. Il ne s’est pas produit de graves
accidents industriels au cours de l’année. Il n’y avait pas de données crédibles
disponibles sur les accidents, blessures et décès sur les lieux de travail.
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