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Le droit à l’exécution
du créancier
Le droit des voies d’exécution, ou des procédures civiles d’exécution, regroupe l’en-
semble des procédés légaux coercitifs auxquels un créancier peut avoir recours
pour obtenir l’exécution de son obligation par le débiteur, si celui-ci ne s’exécute
pas spontanément. Ce droit résulte d’une réforme opérée par une loi du 9 juillet
1991 et un décret du 31 juillet 1992 pour les procédures portant sur les meubles,
et d’une ordonnance du 21 avril 2006 et d’un décret du 27 juillet 2006 pour les
procédures affectant les immeubles.
INTRODUCTION
1 La consécration nationale du droit
de contraindre à l’exécution
Initialement, les voies d’exécution étaient réglementées par les articles 517 à 779 du Code de pro-
cédure civile de 1806, modifiés de manière fragmentaire. La grande réforme date de la loi n
o 91-650
du 9 juillet 1991 et du décret n
o 92-755 du 31 juillet 1992, modifiés de nombreuses fois. La saisie
immobilière a été réformée dans son ensemble par l’ordonnance n
o 2006-461 du 21 avril 2006
et le décret n
o 2006-936 du 27 juillet 2006 (modifié par un décret du 23 déc. 2006). Le droit
commun de la saisie demeure fixé par la loi de 1991 et le décret de 1992, les textes relatifs à la
saisie immobilière édictant seulement les règles spécifiques. Toutes ces dispositions seront inté-
grées dans un Code de l’exécution, annoncé par l’article 96 de la loi du 9 juillet 1991.
Selon l’article 1er de la loi du 9 juillet 1991, tout créancier peut, dans les conditions prévues par la
loi, contraindre le débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard. Selon l’article 2,
le
créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible
peut en
poursuivre
l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque
mesure d’exécution : la liste des titres exécutoires donnée par l’article 3 de la loi démontre que le
droit à l’exécution n’est pas limité au jugement.
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La réforme a tenu compte des nouveaux enjeux économiques. Le contenu des patrimoines
des débiteurs avait subi de profondes mutations depuis 1806 (apparition de biens nouveaux,
importance des instruments bancaires, des valeurs mobilières, dématérialisation de la propriété...).
Ceci a conduit à de nouveaux procédés de saisies, convenant aux diverses caractéristiques des
biens. Le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa
créance, l’exécution de ces mesures ne pouvant excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le
paiement de l’obligation.
La réforme assure l’efficacité des procédés de coercition. La loi a ouvert des possibilités d’in-
formation pour localiser les biens du débiteur, a permis des mesures conservatoires pour rendre ses
biens indisponibles ; elle simplifie les procédures, déjudiciarise les saisies : le créancier titulaire d’un
titre exécutoire peut avoir directement recours à un agent d’exécution, le juge de l’exécution n’in-
tervenant qu’en cas d’incident.
Les droits fondamentaux du débiteur sont respectés, grâce à des instruments efficaces
d’information (réalisés essentiellement par l’intermédiaire des huissiers de justice procédant à la
signification des actes d’exécution), à des possibilités d’exercer des recours. Le droit à la dignité du
débiteur est également assuré : protection de la vie privée, de l’intégrité du logement, définition
des insaisissabilités, instauration d’un minimum vital totalement insaisissable, recours de plus en
plus nombreux aux solutions amiables (vente amiable).
Toutes ces garanties reposent sur l’intervention d’organes compétents, soumis à une déontolo-
gie réglementée. Un juge spécialisé,
le juge de l’exécution, statue sur tout le contentieux des
voies d’exécution. Les agents d’exécution sont
les huissiers de justice, officiers publics et ministé-
riels disposant d’un monopole et instrumentant dans le strict respect des droits et libertés indivi-
duels.
Les règles relatives aux procédures civiles d’exécution ont un caractère d’ordre public. Les
pactes commissoires (par lesquels le créancier devient propriétaire d’un bien du seul fait du non-
paiement de la dette par le débiteur) et des clauses de voie parée (permettant au créancier de faire
vendre un bien du débiteur sans respecter la procédure de saisie) sont interdits. L’ordonnance
n
o 2006-346 du 23 mars 2006 sur les sûretés conduit à nuancer cette prohibition, puisque l’ar-
ticle 2348 nouveau du Code civil précise qu’il peut être convenu, lors de la constitution du
gage,
ou postérieurement, qu’à défaut d’exécution de l’obligation garantie le créancier deviendra pro-
priétaire du bien gagé (la valeur du bien est déterminée au jour du transfert par un expert désigné
à l’amiable ou judiciairement, à défaut de cotation officielle du bien sur un marché organisé au
sens du Code monétaire et financier).
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INTRODUCTIONLe droit à l’exécution du créancier
2 Les incidences du droit européen
sur le droit à l’exécution
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Les obligations positives des États imposées par la Convention européenne
des droits de l’homme
La Cour européenne des droits de l’homme décide que le droit à une exécution effective, et
dans un délai raisonnable des décisions de justice
, fait partie intégrante du procès équita-
ble
prévu par l’article 6 § 1 de la Convention européenne (Horsnby contre Grèce du 19 mars
1997). Si le jugement condamne l’État, l’obligation d’exécuter effectivement dans un délai raison-
nable est fondée sur le fait que si l’État débiteur ne s’exécute pas, il commet une ingérence active
dans le droit au procès équitable du justiciable. Si le jugement condamne un particulier au profit
d’un autre particulier, le droit à l’exécution est sanctionné au titre de l’ingérence passive de l’État :
si, à cause d’un système législatif d’exécution défaillant, le perdant n’exécute pas, les autorités
publiques sont responsables. Pour la Cour européenne, l’État est aussi responsable des agents
d’exécution, surtout lorsque ces derniers ont un monopole dans l’exécution. Il
doit prévoir des pro-
cédures d’exécution performantes, pour les jugements définitifs, et obligatoires qui statuent
sur un
droit ou une obligation à caractère civil. Le droit français a confié au juge de l’exécution le contrôle
des procédures d’exécution. La Cour européenne admet que des circonstances exceptionnelles,
fondées sur la protection de l’intérêt général, de l’ordre social, ou celle d’autres droits fondamen-
taux, peuvent justifier qu’un retard dans l’exécution des jugements ne soit pas imputé à l’État.
La libre circulation des jugements et de leur force exécutoire
dans l’Union européenne
Dans les litiges transfrontaliers, les citoyens des États membres de l’Union européenne doivent pouvoir
obtenir la reconnaissance de leurs droits et la condamnation de leurs débiteurs selon des procédures
simples, rapides, et bénéficier d’une exécution effective de leur titre exécutoire dans tous les États. Mais
le droit de l’exécution forcée relève de la souveraineté de chaque État. Selon un principe de droit inter-
national de territorialité du pouvoir de contrainte, chaque État a le monopole de la contrainte sur son
territoire et seules sont habilitées à exercer un acte de contrainte les autorités désignées par cet État.
Des progrès importants ont été réalisés. Pour signifier un jugement à un débiteur domicilié dans un
autre État, le règlement 1348/2000 du 29 mai 2000, modifié par le règlement du 13 novembre
2007, a prévu des règles simplifiées. Un mécanisme de reconnaissance et de déclaration de la force
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exécutoire des jugements a été instauré, en matière civile et commerciale et en matière matrimo-
niale et d’autorité parentale (Bruxelles I, n
o 44/2001 du 22 déc. 2000 ; Bruxelles II bis, no 2201/2003
du 27 nov. 2003). Le gagnant doit solliciter du greffier du Tribunal de grande instance une décla-
ration de force exécutoire qui lui est délivrée sans contrôle. Les motifs de refus sont restrictifs
(art. 34 et 35, Bruxelles I, et art. 31, Bruxelles II bis) : violation de l’ordre public des droits de la
défense, des règles de compétence exclusives, incompatibilité avec un autre jugement, défaut
d’audition de l’enfant.
Certains règlements prévoient une libre circulation de la force exécutoire. Ainsi, pour le titre exé-
cutoire européen (règlement 805/2004 du 21 avril 2004) statuant sur une créance incontestée, le
juge d’origine délivre le certificat de titre exécutoire, après avoir contrôlé les conditions du carac-
tère exécutoire. Le titre est reconnu et exécuté dans tous les autres États sans qu’une déclaration
constatant la force exécutoire soit nécessaire et sans qu’il soit possible de contester la reconnais-
sance. La décision rendue à l’issue d’une procédure européenne d’injonction de payer (règlement
1896/2006 du 12 décembre 2006) ou d’une procédure européenne de règlement des petits litiges
(règlement 861/2007 du 11 juillet 2007) est déclarée exécutoire par le juge d’origine et est « recon-
nue et exécutée dans les autres États membres sans qu’une déclaration constatant la force exé-
cutoire soit nécessaire et sans qu’il soit possible de contester sa reconnaissance ».
L’instauration d’une mesure d’exécution européenne devrait être adoptée. Un projet de saisie ban-
caire conservatoire européenne des avoirs bancaires a été initié par un livre vert de la Commission
du 24 octobre 2006.
3 Les enjeux des voies d’exécution
L’analyse des différents procédés juridiques permettant d’obtenir le paiement des sommes dues au
créancier démontre le souci du législateur d’offrir des outils performants, diversifiés et gradués. Le
créancier peut avoir recours à des incitations à l’exécution, en sollicitant notamment une astreinte
ou plus exceptionnellement une sanction pénale. Il peut tenter un recouvrement amiable ou pren-
dre des mesures conservatoires avant d’envisager une mesure d’exécution. En cas d’échec, le
créancier doit recourir à des mesures d’exécution forcée. Mais il doit répondre à des conditions
strictes, et est tenu de se conformer aux procédures prévues par la loi, qui garantissent ses intérêts
et ménagent également les droits fondamentaux du débiteur et de sa famille. Des mesures diffé-
rentes ont été prévues selon l’objet de la saisie (bien meuble ou immeuble), et selon la finalité
recherchée (vente du bien ou appréhension).
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Les incitations à l’exécution
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Les moyens de pression
Le recouvrement amiable
Les mesures conservatoires
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Avant de procéder à des mesures d’exécution forcée, le créancier peut inciter son débiteur à payer
sa dette. Il peut utiliser certains moyens de pression, comme l’astreinte, ou mandater un agent de
recouvrement pour encaisser les sommes dues. Le créancier peut aussi geler le patrimoine du débi-
teur en réalisant une mesure conservatoire.
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Les moyens de pression
La meilleure satisfaction du créancier résulte du paiement volontaire, acte par lequel
le débiteur exécute son obligation. Pour y parvenir, le créancier peut faire pression
sur le débiteur pour qu’il exécute. Plusieurs exemples peuvent être donnés, parmi
lesquels l’astreinte (art. 33 à 37, loi du 9 juillet 1991), qui est une peine privée pro-
noncée par le juge accessoirement à une condamnation principale, la « contrainte
par corps » et une possibilité de condamnation pénale du débiteur pour organisa-
tion frauduleuse de son insolvabilité.
CHAPITRE
1
1 L’astreinte
L’astreinte résultait d’une loi du 5 juillet 1972 et a été modifiée par les articles 33 à 37 de la loi
du 9 juillet 1991 (et décret du 31 juillet 1992, art. 51 à 53). Elle consiste en une condamnation
pécuniaire prononcée par le juge afin de faire pression sur le débiteur pour qu’il exécute les
condamnations prononcées contre lui (la somme liquidée bénéficiera au créancier, mais ce n’est
pas la réparation de son dommage).
Les conditions
Le domaine : tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution
de sa décision
, quel que soit l’objet de la condamnation (paiement d’une somme d’argent ou
exécution d’une obligation).
Le prononcé : tout juge du premier ou du second degré peut, même d’office, ordonner une
astreinte.
Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre
juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.
Les pouvoirs du juge sont importants. Comme l’astreinte relève de son imperium, le juge peut
statuer d’office et n’est pas tenu de motiver sa décision. Il apprécie souverainement si les circons-
tances font apparaître la nécessité d’assortir d’une astreinte la décision rendue par un autre juge.
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fixe discrétionnairement le montant et les modalités de l’astreinte (une somme déterminée
est fixée par jour de retard ou par infraction constatée
). Le point de départ de l’astreinte est
défini par l’article 51 du décret. La date est fixée par le juge et elle ne peut pas être antérieure au
jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire (elle court à compter du jour où la
décision qui l’ordonne est notifiée ou du jour du prononcé si elle assortit une décision qui est déjà
exécutoire).
L’astreinte est provisoire ou définitive (elle doit être considérée comme provisoire, à moins que le
juge ait précisé son caractère définitif). Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le
prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. La différence est que
l’astreinte définitive échappe à toute révision lors de sa liquidation, son montant étant fixé de façon
irrémédiable. L’astreinte n’est définitive que si le juge le précise expressément dans sa décision, et elle
ne peut être prononcée qu’après une astreinte provisoire, et pour une durée déterminée par le juge.
À défaut d’une seule de ces conditions, l’astreinte sera liquidée comme une astreinte provisoire.
La liquidation
La liquidation ne peut avoir lieu d’office ; le créancier doit en faire la demande au juge.
L’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, quel que soit le juge qui a
ordonné l’astreinte initialement, à condition que la matière relève des juridictions judiciaires. La
compétence du juge de l’exécution est écartée si
le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’af-
faire ou s’en est expressément réservé le pouvoir
(ex. : art. 491, CPC, permet au juge des
référés de prononcer une astreinte et de la liquider à titre provisionnel).
Ces dispositions sont d’ordre public : l’incompétence est relevée d’office par le juge saisi d’une
demande en liquidation d’astreinte qui ne relève pas de sa compétence.
L’ouverture d’une procédure collective suspend le cours de l’instance en liquidation.
Les pouvoirs du juge
Le juge dispose de pouvoirs différents selon la nature de l’astreinte.
Le juge doit vérifier l’inexécution par le débiteur de ses obligations. Si le débiteur a exécuté la tota-
lité de ses obligations, le juge ne peut plus liquider l’astreinte ; il pourra au contraire la liquider si le
débiteur a exécuté avec retard ou n’a pas exécuté.
Dans toutes les hypothèses, le juge de l’exécution peut supprimer l’astreinte en tout ou en partie,
s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient d’une
cause étrangère (cas fortuit, force majeure, fait d’un tiers).
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