UNIVERSITE DE LIMOGES UNIVERSITE DE YAOUNDE II
Ecole Doctorale Ecole Doctorale
Sociétés et Organisations
Droit
Faculté de Droit et des Sciences Economiques Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Centre de Recherches sur l’Entreprise, Département de Théorie du Droit,
les Organisations et le Patrimoine (EA 4332) épistémologie Juridique et Droit Comparé
LE DROIT A L’EXECUTION FORCEE
REFLEXION A PARTIR DES SYSTEMES JURIDIQUES
CAMEROUNAIS ET FRANCAIS
Thèse en vue de l’obtention du grade de
Docteur (Phd.) de l’Université de Yaoundé II
Et
Docteur de l’Université de Limoges
Spécialité : Droit privé
Présentée et soutenue le 26 mai 2009
Par
WANDJI KAMGA Alain-Douglas
Jury:
Rapporteurs
M. Ndiaw DIOUF, Professeur à l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (Président du jury)
M. Yvon DESDEVISES, Professeur à l’Université de Nantes
M. Grégoire JIOGUE, Professeur à l’Université de Yaoundé-II
Examinateurs
M. Victor-Emmanuel BOKALLI, Professeur à l’Université de Yaoundé- II
M. André AKAM AKAM, Professeur à l’Université de Ngaoundéré
M. Marcel BAYLE, Professeur à l’Université de Limoges (Co-directeur de thèse)
M. Paul-Gérard POUGOUE, Professeur à l’Université de Yaoundé-II (Co-directeur de thèse)
AVERTISSEMENTS
Les Universités de Yaoundé II-Cameroun et de Limoges-France n’entendent donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses.
Ces opinions devront être considérées comme propres à leurs auteurs.
DEDICACES
A tous ces créanciers qui souhaitent en vain faire respecter leurs droits.
A nos parents.
A mon épouse et à nos enfants.
i
REMERCIEMENTS
Au terme de ce travail, je témoigne ma gratitude au Gouvernement français qui, à travers le Service
de Coopération et d’Actions Culturelles (SCAC) et EGIDE, a financé mes séjours de recherches en
France, et au Centre de Recherches sur les Entreprises, les Organisations et le Patrimoine (CREOP)
qui m’a accueilli et qui à mis à ma disposition les moyens logistiques nécessaires.
J’exprime ma reconnaissance et mes sincères remerciements aux Professeurs Paul-Gérard
POUGOUE et Marcel BAYLE, respectivement Vice Recteur chargé de l’Enseignement et de la
Professionnalisation à l’Université de Yaoundé II-Cameroun et Directeur du CREOP à l’Université
de Limoges-France qui, en dépit de leurs multiples occupations, m’ont dirigé avec rigueur,
disponibilité et bienveillance.
Je remercie les professeurs Yvon DESDEVISES, Ndiaw DIOUF, Victor-Emmanuel BOKALLI,
André AKAM AKAM et Grégoire JIOGUE pour l’honneur qu’ils m’ont fait en acceptant de siéger
dans mon jury de thèse. Leurs observations ont été intégrées dans ce livre.
Je suis reconnaissant aux universitaires qui, par leurs encouragements et précieux conseils m’ont
permis d’améliorer ce travail, notamment les professeurs Frédérique FERRAND, Yvette KALIEU
ELONGO, François ANOUKAHA, Eric GARAUD, Jean-Marie TCHAKOUA, Joseph FOMETEU,
Robert NEMEDEU, ainsi que Madame Annie CHAMOULAUD-TRAPIERS.
Je suis reconnaissant à la SCP APOSTOLOFF-BLAZY de Limoges où j’ai fait mon stage
académique, Mesdames Martine ALQUIER,
Irène Njiky NANA et Monsieur Jean-
Louis NARDOU ; ainsi qu’à Mademoiselle Jeanine ROL, Messieurs Ludovie SOUAFOUO et
Jacquis WELAZE pour leur contribution à la relecture de cet ouvrage.
Ma reconnaissance va enfin à l’endroit de Lavette, Sarah et Samuela WANDJI ; Gédéon YOUSSA,
Daniel TCHAMGWE, Germain NGONGANG, des enfants KAMGA et PENTANG ainsi que de
leurs conjoints ; les familles VAN BRUCHEM, M. NKOUAKO, M. SEMO, C. WONDJI, S.
TCHAKOUMEGNE, P. BURSIK, B. DELAGE, des doctorants du CREOP de l’Université de
Limoges et de la FSJP de l’Université de Yaoundé II, et des membres des Unions Chrétiennes de
Jeunes Gens (UCJG-YMCA).
iii
AUA :
Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage
ABREVIATIONS
AUVE :
Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des
créances et des voies d’exécution
AU/PCAP : Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
AUS :
Acte uniforme portant organisation des sûretés
al. :
art. :
alinéa
article
Bull.civ. :
Bulletin des arrêts de la chambre civile
CADHP :
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
Cass.civ. : Chambre civile de la Cour de cassation française
Cass.com. : Chambre commerciale de la Cour de cassation française
C.civ. :
Code Civil
C.com :
Code de commerce français
CEDH :
Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
Fondamentales
CFJ :
Cour fédérale de justice
COJ :
Code de l’organisation judiciaire (français)
CPCC :
Code de procédure civile et commerciale (camerounais)
CPC :
Code de procédure civile (français)
CPP :
Code de procédure pénale
c./ :
contre
C/A ou CA: Cour d’appel
CAA :
Cour d’appel administrative
C/S ou CS : Cour suprême du Cameroun
Cf. :
Confer
Cour ADH : Cour africaine des droits de l’homme
Cour EDH : Cour européenne des Droits de l’Homme
D. :
DP :
Dalloz
Dalloz Périodique
v
DS :
Dalloz Sirey
DUDH :
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
éd. :
EJT :
GP :
édition
Editions juridiques et techniques
Gazette du Palais
ibid. :
ici même
JCP :
Semaine Juridique
JCP E :
Semaine Juridique, Entreprises
JCP éd. G : Semaine Juridique, édition générale
JOAN :
Journal officiel de l’Assemblée Nationale
JOF :
Journal officiel français
JOC. :
Journal Officiel du Cameroun
JOUE :
Journal officiel de l’Union européenne
LPA :
Les Petites Affiches
n° :
numéro
OHADA : Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires
ONU :
Organisation des Nations Unies
obs. :
observations
op.cit. :
ouvrage précité
p. :
page
PUF :
Presse Universitaire de France
PUS
pp. :
Presse Universitaire du Sud
pages
RCDA :
Revue Camerounaise du Droit des Affaires
RCDIP
Revue Critique de Droit International Privé
Rev. arb. :
Revue arbitrage
Rev.conc. et conso : Revue Concurrence et Consommation
RIDC :
Revue Internationale de Droit Comparé
RJDA :
Revue Juridique du Droit des Affaires
vi
RTD civ :
Revue Trimestrielle de Droit Civil
s. :
spéc.
suivant (e) s
spécial
T. ou t. :
tome
TGI :
Tribunal de Grande Instance
TPI :
Tribunal de Première Instance
TM : Tribunal Militaire
UCAC. :
Université Catholique d’Afrique Centrale
UEMOA : Union économique et monétaire ouest-africaine
Vol. :
Volume
vii
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE…………………………………………………………………...1
PREMIERE PARTIE : LA NATURE JURIDIQUE DU DROIT A L’EXECUTION FORCEE…..19
TITRE I :
LE DROIT A L’EXECUTION FORCEE, UN DROIT SUBJECTF………..23
CHAPITRE I :
Un droit subjectif fondé sur l’existence d’un titre exécutoire……….….25
CHAPITRE II :
Un droit subjectif judiciairement protégé………………………………..85
TITRE II :
LE DROIT A L’EXECUTION FORCEE, UN DROIT FONDAMENTAL163
CHAPITRE I :
Un droit fondamental dans sa conception…………………………….…165
CHAPITRE II :
Un droit fondamental dans sa mise en œuvre……………………….….195
DEUXIEME PARTIE : LE DOMAINE JURIDIQUE DU DROIT A L’EXECUTION FORCEE.257
TITRE I :
L’ETENDUE DU DROIT A L’EXECUTION FORCEE……………….…261
CHAPITRE I :
Les modalités judiciaires d’exécution…………………………..……….263
CHAPITRE II :
Les modalités légales d’exécution………………………………………..331
TITRE II :
LES LIMITES AU DROIT A L’EXECUTION FORCEE………………...395
CHAPITRE I :
L’impératif de protection de la partie adverse ………………………....397
CHAPITRE II :
L’impératif de protection de l’ordre public et de l’intérêt général……447
CONCLUSION GENERALE……………………………………………………………………535
ix
EPIGRAPHE
« Dans un domaine comme l’exécution forcée où, plus qu’en tout autre, les
discussions juridiques cèdent le pas à l’épreuve de force, quand ce n’est pas tout
bonnement à des considérations de rentabilité, il faut être convaincu que les textes ne
peuvent pas tout. Une véritable réforme réside aussi et surtout dans les mentalités,
les habitudes, les usages, une solide déontologie et, pour tout dire,
Roger PERROT, « La réforme des procédures civiles d’exécution », propos recueillis
dans une morale éprouvée ».
Marie MIGNON-GARDET, LPA, 6 janvier 1993, n°3, p.11.
par
xi
xii
PREFACE
Monsieur WANDJI KAMGA Alain-Douglas a soutenu en 2009, en vue du doctorat en droit, une
thèse en cotutelle dans les Universités de Yaoundé II et de Limoges sur le sujet : « Le droit à
l’exécution forcée, réflexion à partir des systèmes juridiques camerounais et français ».
Contrairement à nombre de jeunes chercheurs, l’auteur n’a pas hésité à se lancer dans des
investigations de droit judiciaire privé comparé. L’étude a porté d’une part sur le droit français,
d’autre part sur le droit OHADA en général et sur le droit camerounais en particulier. Elle a été
enrichie de divers instruments et systèmes régionaux et internationaux. Ce travail considérable
révèle chez l’auteur une bonne maîtrise non seulement de la procédure civile, mais aussi des voies
d’exécution et du droit des entreprises en difficultés. Elle s’appuie sur d’abondantes références
bibliographiques ; la richesse des références révèle de solides aptitudes à la recherche et constitue la
preuve du sérieux du travail mené.
L’auteur dresse un tableau complet d’une grande actualité sur un sujet complexe en mobilisant des
connaissances et aptitudes juridiques dans des disciplines variées mais toujours fondamentales.
Droits internes, droit résultant des coopérations et harmonisations régionales instituées, droit
international sont passées au peigne fin au même titre que des disciplines aussi techniques que le
droit des procédures collectives et du surendettement ou celui de la (nouvelle) saisie immobilière.
On notera également le souci de l’actualisation des recherches avec la prise en compte des récentes
évolutions législatives, réglementaires, jurisprudentielles et même doctrinales. On peut dire que
Monsieur WANDJI KAMGA Alain-Douglas qui a décidé de partager son expérience est venu à
bout de son sujet. De cela, il faut le féliciter et le remercier.
La question de la pertinence et de l’effectivité d'un droit à l'exécution forcée est bien actuelle. Nul
n’ignore que même dans certaines sociétés dites démocratiques, de nombreux créanciers souhaitent
en vain faire respecter leurs droits. Ainsi, l’exécution forcée préoccupe-t-elle le justiciable comme
elle interpelle le juriste, le professionnel, l’universitaire, le législateur et l’homme politique. C’est
encore elle qui conditionne le développement du crédit et des affaires. C’est toujours elle qui accroit
la confiance des citoyens en leur justice et permet d’apprécier le respect du droit et l’évolution des
droits de l’homme dans une société donnée.
Or depuis les années 1990, le droit de l’exécution forcée a connu de profondes mutations en droits
français et camerounais. De nombreux textes nationaux et communautaires y voient le jour, avec
des objectifs a priori contradictoires : renforcer les droits du créancier et organiser une meilleure
xiii
protection du débiteur ou de la partie adverse. L’inexécution ne se justifie plus seulement par le fait
que les débiteurs soient démunis, récalcitrants ou de mauvaise foi.
Dans le système de la Common Law, où les modes d’exécution en matière civile, souvent d’origine
jurisprudentielle n’ont pas beaucoup évolué, la non-exécution d’une décision de justice constitue un
outrage à la Cour (contempt of Court) et peut être sanctionnée par l’incarcération, lorsque la partie
récalcitrante est manifestement de mauvaise foi. Alors que dans les systèmes juridiques
camerounais et français on constate plutôt que, progressivement, la loi semble organiser un « droit à
l’inexécution » au profit du débiteur. Où qu’on se trouve, sa protection ne cesse de s’accroître, au
détriment de celle du créancier.
On comprend l’intérêt qu’il y a à aborder la question du droit à l’exécution forcée et même à
l’analyser, dans une approche comparative, à l’aune des droits fondamentaux. Le créancier
bénéficie-t-il encore du droit à l’exécution forcée? Dans quelle mesure et de quelle manière le droit
positif permet-il à un créancier d’obtenir la satisfaction escomptée ?
Dans la première partie, l’auteur contribue à préciser la nature juridique du droit à l’exécution
forcée, considéré comme un droit subjectif et un droit fondamental. Dans sa conception, ce droit est
tiré du droit à la justice et du droit à réparation. Dans sa mise en œuvre, l’exécution doit être non
seulement loyale mais de qualité. Les notions de base nécessaires à la démonstration (titre
exécutoire, droit fondamental etc.) sont explicitées et judicieusement insérées dans un ensemble
cohérent.
Ce droit subjectif est reconnu et protégé par différents systèmes de droit objectif. Est-ce un droit
patrimonial ou un droit extrapatrimonial ? La réponse se trouve dans cet ouvrage dont l’une des
grandes préoccupations est de voir dans quelle mesure le droit positif fait du droit à l'exécution
forcée une prérogative individuelle qui permet au sujet bénéficiaire de contraindre l’autre partie à
exécuter une obligation à son égard.
L’auteur soutient que « si le droit à l’exécution trouve son fondement dans l’existence d’un droit ou
d’une créance, l’exécution forcée n’est possible que lorsque le créancier dispose d’un titre
exécutoire ». Il conclut que, plus qu’une simple modalité, le titre exécutoire est le fondement même
du droit à l’exécution forcée.
Les parties peuvent-elles l’invoquer en justice ? Des juridictions spéciales sont instituées à cet effet
aux niveaux national et international. Le juge de la reconnaissance et de l’exequatur comme celui de
l’exécution sont bien identifiés, leurs missions et fonctions précisées. Encore faut-il pouvoir accéder
à ceux-ci ou remettre en cause leurs décisions. Il rappelle à juste titre que, sujet passif de ce droit
xiv
fondamental, l’Etat peut aussi répondre de l’inexécution ou de l’exécution tardive d’un titre
exécutoire.
Dans la seconde partie, l’auteur s’attache à rechercher le domaine juridique du droit à l’exécution
forcée en examinant successivement l’étendue de ce droit et ses limites.
Parlant de l’étendue, il distingue les modalités judiciaires d’exécution et les modalités légales. Si
l’astreinte est rapidement évoquée, la possibilité d’une exécution provisoire est profondément
étudiée, avec ses particularités et ses pièges. L’étude de l’efficacité des voies d’exécution permet
d’apprécier diverses saisies, qu’elles soient conservatoires ou aux fins d’exécution, leur
dénouement, ainsi que les différentes stratégies préventives ou de contournement qui prennent de
plus en plus d’importance pratique.
Le droit à l’exécution forcée n’est assurément pas absolu. Ses limites sont justifiées soit par
l’impératif de protection du débiteur ou de la partie adverse, soit par l’impératif de protection de
l’ordre public et de l’intérêt général. Ce n’est pas seulement de l’emprise de l’ordre public sur le
droit à l’exécution forcée qu’il est question, mais aussi de l’emprise du droit des difficultés
économiques sur ce droit fondamental. La première occasion permet de comprendre la
neutralisation de certains titres exécutoires ou encore le refus du concours des autorités, avec ses
conséquences. La seconde permet d’apprécier les rapports entre le droit des procédures civiles
d’exécution et le droit des entreprises en difficultés d’une part, le droit applicable aux procédures de
surendettement des particuliers et au rétablissement personnel d’autre part.
Dans sa conclusion, l’auteur va plus loin lorsqu’il scrute l’avenir d’un droit qu’il dit « en chantier »
avant d’affirmer que, « pour être plus efficace, il doit être construit autour des principes de
négociation et de transparence ». A ces principes il propose d’ailleurs d'ajouter un autre, « celui de
la gestion préventive du risque d'inexécution ».
La publication de cet ouvrage vient donc à propos. Certes il existe quelques travaux portant sur les
voies d’exécution dans l’espace OHADA. Mais à notre connaissance, c’est le premier travail
portant sur cet aspect particulier que constitue le droit à l’exécution. Il n’est pas moins porteur dans
l’espace européen. Car, où que l’on se trouve, l’efficacité des droits dépend de leur garantie
juridique. Les décisions de justice et autres titres exécutoires ne manifestent leur existence et leur
puissance que dans leur exécution.
Il est évident que, désormais conscients de l’existence d’un droit à l’exécution forcée, les
justiciables feront davantage confiance en leur justice. Les investisseurs hésiteront moins à
s’engager dans les affaires. Avisés des difficultés de mise en œuvre de ce droit, juristes et
professionnels du droit s’activeront pour en assurer le respect. Les chercheurs trouveront ici un
xv
instrument de travail précieux et le législateur (qu’il soit camerounais, français, africain, européen
ou international) matière pour améliorer le droit ou le système juridique existant.
Pour toutes ces raisons, nous vous recommandons vivement la lecture de cette thèse.
Paul-Gérard POUGOUE,
Marcel BAYLE,
Professeur à l’Université de Yaoundé II,
Professeur à l'Université de Limoges,
vice-recteur.
codirecteur du CREOP-EA-4332
xvi
INTRODUCTION
GENERALE
1
INTRODUCTION GENERALE
1. L‟exécution est l‟un des grands sujets du droit, essentiel pour sa survie. Nul ne conteste,
aujourd‟hui, la nécessité de veiller à ce que toute partie, à l‟encontre de laquelle est engagée une
procédure d‟exécution forcée soit traitée avec dignité et humanisme, quel que soit l‟objet de
l‟obligation ou l‟ampleur du passif qu‟elle a généré1. Cependant, il ne faudrait pas en déduire un
droit, pour un débiteur ou une partie adverse, de ne pas exécuter2. « L’obligation juridique peut
trouver son achèvement dans une exécution forcée »3.
2. En l‟absence d‟un droit à l‟exécution forcée, les justiciables peuvent manifester un désintérêt à
saisir le juge ou l‟arbitre en vue du règlement de leurs litiges. La reconnaissance et l‟effectivité d‟un
droit à l‟exécution forcée vont rétablir et accroître la confiance des citoyens en leur justice.
L‟efficacité des droits ne dépend-elle pas de leur garantie juridique ? Les décisions de justice et
autres titres exécutoires ne manifestent-ils pas leur existence et leur puissance que dans leur
exécution ?
3. La vocation des droits fondamentaux à régir le droit privé en général4 et le droit de l‟exécution
forcée en particulier renforce l‟intérêt d‟une réflexion sur le droit à l‟exécution forcée5. Conçue
d‟abord dans le sens de la protection des droits fondamentaux du débiteur contre les excès de
l‟exécution forcée, la « fondamentalisation » de l‟exécution forcée s‟exprime de plus en plus aussi
1 Ce raisonnement se fonde sur l‟idée de protection des intérêts d‟une partie supposée faible, contre l‟autre, forte et
puissante ou qui garde, à l‟égard du débiteur, une certaine supériorité. En effet, selon une mentalité archaïque, le
débiteur était considéré comme lié de bandelettes, il était envoûté. Le créancier l‟avait damné et il était voué aux
dieux infernaux, pour le cas où plus tard il n‟exécutait pas ses promesses. Voir J. CABONNIER, Flexible droit,
Pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, LGDJ, 10è éd. 2001, p. 324.
2 Certains auteurs n‟ont d‟ailleurs pas hésité à affirmer ceci : « la loi est clémente pour vous, français endettés : vos
impayés peuvent le rester longtemps ». Voir, D. EUDES et A. CALLES, in « Comment vivre au dessus de ses
moyens », Denoël, 1968. Cités par M. DYMANT, « L‟exécution forcée après l‟obtention du titre exécutoire », Le
droit de l’exécution forcée : entre mythe et réalité, Actes du Vème colloque organisé par la Revue Droit et
procédures- la Revue des huissiers de justice, Paris, Cour de cassation, Première Chambre civile, les 27 et 28 avril
2007, Collection Droit et procédures, EJT, 2007, p.118.
3 J. CABONNIER, Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, op.cit. pp. 325-326. L‟auteur précise que
« l’épithète est dans nos lois ; entendons exécution par la force » et que la force inhérente aux procédures civiles
d‟exécution constitue une pièce capitale du droit des obligations. Cette « obligation [dit-il], ne disparaît pas à la
veille de l’exécution, elle s’incarne dans l’exécution, l’exécution par la force : elle se fait force elle-même ».
4 Voir B. PAUVERT et X. LATOUR, Libertés publiques et droits fondamentaux, Panorama du droit, 2ème éd. 2008,
p.12.
5 Voir F. FERRAND, « La fondamentalisation de l‟exécution forcée », Le droit de l’exécution forcée : entre mythe et
réalité, Actes du Vème colloque organisé par la revue Droit et procédures- la Revue des huissiers de justice, op.cit.
p.13. Selon l‟auteur, le droit de l‟exécution forcée « est devenu noble car de plus en plus en contact avec les droits
fondamentaux ».
3
dans la protection du créancier en détresse6, au point que semble poindre à l‟horizon un nouveau
droit de l‟homme : le droit à l‟exécution forcée7. Le rapprochement de quelques systèmes
juridiques8, à l‟instar de ceux camerounais et français, peut fournir des éléments qui contribuent à la
construction de ce droit quelle que soit la position sociale et géographique des parties.
4. L‟exécution est une notion polysémique. Action d‟exécuter quelque chose, de passer à l‟acte ou à
l‟accomplissement9, l‟exécution signifie aussi le fait d‟accomplir ce qu‟un acte ou un jugement
prescrit10. Ainsi les actes d‟exécution sont ceux qui visent à contraindre la personne condamnée ou
le débiteur d‟une obligation à exécuter les dispositions que contiennent la convention ou le
jugement11.
L‟exécution d‟une peine c‟est le fait, pour un condamné, de subir la peine. Le mot « exécution » fait
du reste songer à la peine capitale12. Une réflexion sur l‟exécution des peines en droits camerounais
et français ne manquerait pas d‟intérêt13. Toutefois, la philosophie comme les techniques qui portent
l‟exécution des condamnations pénales sont différentes de celles de l‟exécution en matière civile.
Les réunir serait purement artificiel. Aussi n‟allons-nous pas aborder l‟exécution en matière pénale
dans cet ouvrage.
5. En matière civile, l‟exécution signifie l‟accomplissement, par le débiteur, de la prestation due,
impliquant la satisfaction du créancier. Lorsque le débiteur est contraint à l‟exécution d‟une
décision, d‟un acte ou de sa dette, on parle d‟exécution forcée. L‟adjectif « forcée » signifie le
contraire de « volontaire ». Ce qui est forcé c‟est « ce qui est imposé par la force des hommes ou
6 Voir C. FAVRE, « La fondamentalisation de l‟exécution forcée : Avant-propos », Le droit de l’exécution forcée :
entre mythe et réalité, ibid. pp. 1-9.
7 En effet, si l‟irruption des droits fondamentaux dans le droit de l‟exécution forcée marque la protection du débiteur,
elle serait aussi porteuse d‟espoirs pour le créancier.
8 R. DAVID et C. JAUFFRET-SPINOSI, Les grands systèmes de droit contemporains, Paris Dalloz, 2002.
9 J. REY-DEBOVE et A. REY, Le Nouveau Petit Robert de la langue française 2009, Paris, SEJER, 2008 pp. 972 et s.
10 Dictionnaire de français « Littré », http://littre.reverso.net/dictionnaire-français/définition/execution
11 Voir G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association CAPITANT, Paris, PUF, 8è éd. 2000, p. 359.
12 L‟exécution capitale c‟est la mise à mort d‟un condamné (par asphyxie, décapitation, électrocution, fusillade, garrot,
gaz, injection ou pendaison). Exécuter quelqu‟un serait donc lui donner la mort par application d‟une décision de
justice. Si le Code pénal camerounais conserve cette peine (à propos des atteintes contre la sûreté extérieure de
l‟Etat, voir les articles 102 et103 du code pénal ; à propos de celui qui commet un vol avec des violences entraîné
la mort d‟autrui ou des blessures graves telles que prévues aux articles 277 et 279 dudit code, voir l‟article 320
(nouveau) al.2 du code pénal tel que modifié par la loi n°90/061 du 19 décembre 1990 portant modification de
certaines dispositions du code pénal), il convient de relever qu‟elle a été abolie en droit français en 1981. Son
abolition a été inscrite dans la Constitution de la République française en 2007 en ces termes : « nul ne peut être
condamné à la peine de mort ». En 2007, l‟ONU a d‟ailleurs voté une résolution historique qui en appelle à un
moratoire universel. Sur la question, voir C. THIMOREAU, http://www.abolition.fr , 28 janvier 2008.
13 Le droit de l'exécution des peines est la partie du droit pénal qui concerne la période qui fait suite au prononcé de la
peine. Le droit de l‟exécution des peines est régi en droit français, par la loi du 9 mars 2004. Il comprend le droit
de l‟application des peines et une série de mesures, entrées en vigueur le 1er janvier 2005, en vue de mettre à
exécution les peines dans les meilleurs délais (article 707 CPP français). Pour plus d‟informations sur la question,
voir J-P. CERE, M. HERZOG-EVANS et E. PECHILLON, « Droit de l‟exécution des peines : panorama 2005 »,
Rec. Dalloz, 2006, n°16, pp. 1078-1084.
4
des choses »14. Action, manière d‟exécuter ou d‟accomplir, l‟exécution est « forcée » lorsqu‟elle est
imposée à un débiteur15.
L‟exécution renvoie d‟abord à l‟exécution des contrats16. Les conventions légalement formées
doivent être exécutées de bonne foi, parce qu‟elles tiennent lieu de loi à l‟égard des parties qui les
ont faites17. En cas d‟inexécution, l‟une des parties peut saisir le juge compétent à l‟effet de
contraindre l‟autre à l‟exécution des obligations contenues dans le contrat18.
Pour certains spécialistes des contrats, la condamnation à l'exécution en nature19 ou à des
dommages et intérêts pour inexécution d‟un contrat, voire la procédure d‟injonction de payer, de
délivrer ou de restituer, relèvent déjà de l‟exécution forcée20. Cependant ne faudrait-il pas admettre,
sur le plan de la procédure que, dans ces hypothèses, l‟exécution volontaire est encore possible ?
L'action en exécution d‟un contrat ainsi que la procédure d‟injonction de payer, de délivrer ou
restituer aboutissent à des décisions de justice. Lors même que ces dernières constateraient la
réunion des conditions permettant de délivrer un titre exécutoire, l'exécution forcée ne serait bien
entendu possible qu‟à défaut d‟exécution volontaire du débiteur. Il convient donc de distinguer
l‟exécution d‟un jugement et l‟exécution d‟un contrat. La question peut se poser de deux manières.
14 J. REY-DEBOVE et A. REY, op.cit. p. 1074.
15 L‟exécution peut être volontaire, forcée ou spontanée. Il n‟est pas aisé d‟en opérer la distinction. Si l‟on considère
que l‟ordre inscrit dans le commandement de payer contient les germes de la contrainte, l‟exécution peut être dite
volontaire lorsqu‟avant ou dès signification du jugement ou du titre exécutoire, le débiteur s‟exécute sans attendre
la signification du commandement de payer. Après signification d‟un commandement préalable de payer toute
exécution serait déjà forcée. Ce serait quand même ignorer que le commandement de payer (en matière de saisie-
vente, article 92 de l‟AUVE), la dénonciation de la saisie (en matière de saisie-attribution, article 160 de l‟AUVE)
ou le commandement aux fins de saisie immobilière, accordent respectivement au débiteur : soit la possibilité
d‟exécuter ou « de payer la dette dans les huit jours, faute de quoi il pourra y être contraint par la vente forcée de
ses biens meubles » (article 92 al.2 de l‟AUVE ) ; soit celle « d’autoriser, par écrit, le créancier à se faire remettre
sans délai par le tiers saisi, les sommes ou partie des sommes qui lui sont dues » (article 160 al.2 paragraphe 3 de
l‟AUVE) ; soit « l’avertissement que faute de payer dans les vingt jours, le commandement pourra être transcrit à
la conservation foncière et vaudra saisie à partir de sa publication » (article 254 al.3 de l‟AUVE ). En pareil cas il
conviendrait de parler d‟exécution spontanée. Située à mis chemin entre l‟exécution forcée et celle volontaire, on
peut dire que l‟exécution spontanée est généralement volontaire. Mais elle n‟est pas toujours ou nécessairement
volontaire. Si le débiteur n‟a simplement pas attendu l‟aboutissement de la procédure d‟exécution forcée engagée à
son encontre pour s‟exécuter, on ne peut affirmer que l‟exécution ait été entièrement volontaire. Peut-être a-t-elle
juste été spontanée car la contrainte n‟est pas totalement absente. Ainsi comme l‟exécution volontaire, l‟exécution
forcée peut être spontanée.
16 « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à
donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Voir l‟article 1101 du Code civil français.
17 Voir l‟article 1134 du Code civil français.
18 En droit OHADA par exemple, l‟Acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG) prévoit, en ses articles
245 et 246, l‟exception d‟inexécution préventive et la résolution anticipée du contrat. En outre, lorsque la créance à
une cause contractuelle ou que l‟engagement résulte de l‟émission ou de l‟acceptation de tout effet de commerce,
ou d‟un chèque dont la valeur s‟est révélée inexistante ou insuffisante, le créancier peut introduire une procédure
d‟injonction de payer, à la suite de laquelle, le juge compétent rend une ordonnance qui, sauf opposition, constitue
un titre exécutoire. Voir les articles 1, 2 et s. de l‟AUVE.
19 O. GOUT, « L‟exécution en nature du contrat : fondements substantiels et contraintes processuelles », obs. sous
Cass.civ. 1ère, 16 janvier 2007, Rec. Dalloz n°16, 2007, pp. 1119-1122.
20 Voir Ph. REMY, « « La responsabilité contractuelle », histoire d‟un faux concept », RTD civ. 1997, p. 323, cité par
Ph. THERY, « Rapport introductif : la notion d‟exécution », L’exécution, XXIIIème Colloque des Instituts
d‟Etudes Judiciaires, Lyon 19-20 novembre 1999, Paris, l‟Harmattan, 2001, pp. 9-25.
5
Exécuter un contrat sans le secours du juge, correspond-t-il à exécuter un jugement? Exécuter une
décision qui condamne à l‟exécution d‟un contrat, est-il équivalent à l‟exécution du contrat lui-
même?
6. De même qu'un jugement, un contrat peut être exécuté volontairement sans qu‟il soit nécessaire de
recourir à un huissier de justice ou à un juge21 pour contraindre une partie. Un jugement
condamnant à exécuter peut n‟avoir aucun lien avec un contrat préexistant. Mais il peut arriver que
le contrat et la décision du juge s‟enchaînent, l‟exécution de la seconde étant le moyen le plus
efficace de parvenir à l‟exécution du premier. Le titre exécutoire, délivré à la suite d‟un jugement,
parfois assorti de l‟exécution provisoire ou d‟astreintes, rend plus effective la force obligatoire du
contrat22.
Ainsi l‟exécution forcée, en ce qu'elle requiert le concours de la Force Publique, pourrait bien se
manifester en dehors du contrat23. Le jugement qui condamne à l'exécution du contrat pourra
constituer un titre exécutoire, titre formel et abstrait qui opère novation et qui tire de lui-même toute
son autorité24.
7. Au fond, le jugement et le contrat sont deux actes juridiques ou « negocia » faisant naître des
obligations ou condamnant le débiteur à faire ou à payer quelque chose25. Quant à la forme, la
décision juridictionnelle et le contrat notarié sont des « instrumenta » ou titres, permettant de
requérir la Force Publique, afin d‟assurer l‟exécution forcée, une fois qu'ils sont revêtus de la
formule exécutoire.
8. L‟exécution des contrats non notariés ne sera prise en compte dans cette thèse qu‟à partir du
moment ou l‟un des cocontractants disposera d‟un titre exécutoire, résultant d‟une décision de
justice. Les commentaires porteront donc sur l‟exécution des décisions d‟ordre civil, issues du
procès pénal. Mais l'exécution des jugements et autres titres exécutoires, si elle se rapproche de
l'exécution des obligations, s'en distingue aussi.
Elle s‟en rapproche dès lors que les premiers prescrivent l'accomplissement des prestations qui
constituent l'objet de l'obligation. Ainsi exécuter un jugement ou un titre exécutoire, c'est exécuter
les obligations qu'ils constatent. Elle s‟en distingue car les jugements et autres titres exécutoires ne
21 Juge de droit commun s'agissant du contrat non notarié ; juge de l‟exécution s'agissant d'un titre exécutoire.
22 Voir P. ANCEL, « Exécution des contrats et exécution des décisions de justice », L’exécution, XXIIIème Colloque
des Instituts, d‟Etudes Judiciaires, ibid. p.154.
23 Voir Y. GAUDEMET, Exécution forcée et puissance publique: Les prérogatives de la puissance publique pour
requérir l'exécution, RDC, février 2005.
24 Voir R. PERROT, RTD civ. juillet-septembre 1998, p.751.
25 Jugement et contrat constituent des actes exécutables ; mais aussi les objets de l‟exécution.
6
constituent pas nécessairement des conditions d‟existence de l‟obligation26. En revanche, ils fondent
l‟exécution forcée.
HEBREAUD n‟a-t-il pas indiqué que le terme « exécution » évoque à la fois la réalisation du droit
et la contrainte ? La « réalisation du droit », a-t-il dit, puisque « le jugement s’appuie sur le droit et
il en est, déjà, en un certain sens, l’exécution ». La « contrainte », parce qu‟y étant étroitement lié,
le jugement est un titre exécutoire qui peut être assorti d‟une astreinte et ramené à exécution par des
procédés coercitifs27.
9. Selon le Professeur Ph. THERY, l‟idée d‟exécution se rattache à celle de « satisfaction du
créancier »28. Le créancier, quel qu‟il soit, sera satisfait lorsque son vis-à-vis, débiteur d‟une
obligation de donner, de faire ou de ne pas faire, respecte ses engagements ou exécute la décision
judiciaire ou tout titre exécutoire et ce, en temps utile.
Le Professeur R. PERROT a précisé que l'exécution forcée est une manifestation de l'autorité
judiciaire et administrative par laquelle le fait constaté dans le titre exécutoire est ramené en
conformité au droit. Elle consiste également en une « emprise sur le patrimoine du débiteur »29,
opérée selon un procédé légal qui prend en considération les intérêts de toutes les parties.
10. Comme on l‟a dit, l‟exécution forcée envisagée dans cet ouvrage se rattache aux décisions de justice
et autres titres exécutoires. C‟est une procédure extrajudiciaire ou judiciaire. Elle marque la fin d'un
processus déclaratif par lequel le droit est affirmé ainsi que le commencement d'un mécanisme
d'application de ce droit. Au plan procédural, il s‟agit de faire exécuter un titre exécutoire par le
ministère d‟un officier public compétent et, au besoin, de la Force Publique dans le respect des
formalités légales. Cette exécution peut se réaliser sur le patrimoine du débiteur et consiste à
« saisir ses biens et les faire vendre par autorité de justice »30. Encore faut-il que le créancier
dispose du droit de le faire.
11. Le droit peut être défini comme « l’ensemble des règles de conduite socialement édictées et
sanctionnées, qui s’imposent aux membres de la société »31. Il peut aussi être défini comme une
26 L‟obligation peut exister en dehors de tout jugement ou titre exécutoire. Elle ne rend pas toujours possible l‟exécution
forcée.
27 Voir HEBREAUD, L’exécution des jugements civils, BSLC, 1957, p.170, cité par E. ASSO, Thèse précitée ; voir
aussi L. CADIET, Dictionnaire de la justice, Paris, PUF, 2004, p.489 et s.
28 Ph. THERY, « Rapport introductif : la notion d‟exécution », L’exécution, XXIIIème Colloque des Instituts d’Etudes
Judiciaires, op.cit. pp. 9-25.
29 R. PERROT et Ph. THERY, Procédures civiles d’exécution, Dalloz, 2000, p.3.
30 Voir Dictionnaire de
français « Littré », http://littre.reverso.net/dictionnaire-français/définition/execution
;
LAROUSSE, « exécuter … exécution », Paris, VUEF 2003, P. 409. La doctrine ajoute que les moyens diffèrent
certainement selon la matière dans laquelle elle est poursuivie (judiciaire ou administrative) et en fonction de la
nature civile ou pénale de la procédure poursuivie ; voir G. DEHARO, op.cit. p. 208.
31 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association CAPITANT, Paris, PUF, 8è éd. 2000, p. 312.
7
prérogative32 attachée à une ou plusieurs personnes, sujets de droit. Cette faculté reconnue, naturelle
ou légale, leur permet d‟accomplir ou de ne pas accomplir un acte33 ou de jouir d‟une situation
juridique que chacune d‟elles peut faire reconnaître en s‟adressant aux tribunaux34. On peut donc
distinguer le droit à l‟exécution forcée du droit de l‟exécution forcée.
12. Contrairement au second qui peut être compris comme l‟ensemble du droit objectif relatif à
l‟exécution forcée des décisions de justice et autres titres exécutoires, le premier pourrait s‟entendre
comme étant une prérogative reconnue à tout créancier pour la défense de ses droits et intérêts, en
présence d‟un débiteur récalcitrant. Parler d‟un droit à l‟exécution forcée signifie aussi que, l‟Etat et
la société en général s‟assurent que toute personne justifiant des conditions requises jouit de cette
prérogative ou est au moins placée dans les conditions lui permettant d‟en jouir.
13. Pendant longtemps, l‟exécution forcée était entièrement tournée contre le débiteur qui était traité
sans considération. Le créancier pouvait user des moyens les plus radicaux pour recouvrer sa
créance35. Pour s‟en convaincre, il suffit de se souvenir qu‟il était d‟usage, « même pour une dette
d’un montant dérisoire, d’incarcérer le débiteur et d’en faire un esclave, la matière de l’exécution
forcée étant alors traitée dans un esprit hautement répressif. Le débiteur était perçu comme un
danger social, un aventurier ou un révolté dont la société gagnerait à être débarrassée »36.
Dans certaines civilisations primitives puis sous l‟empire romain, les créanciers dont la dette était
échue et constatée par un titre quelconque pouvaient s‟emparer de leurs débiteurs soit pour les
asservir en exploitant leur travail37, soit pour les vendre et se faire payer sur le prix de cette vente38.
32 De plus en plus, les droits se construisent autour des droits fondamentaux. Les « droits de » jugés insuffisants sont
assortis des « droits à », « droits-créances » à caractère collectif, supposant l‟obtention d‟interventions positives de
l‟Etat. Ainsi selon certains auteurs, l‟irruption des droits fondamentaux dans le droit privé, qu‟il touche au droit
civil, au droit des affaires ou au droit processuel, constitue l‟occasion d‟une relecture prospective du droit. Voir
P.Y. GAUTIER, « L‟influence de la doctrine sur la jurisprudence », Dalloz 2003, chron. p. 2839. Nous devons
aussi noter qu‟au-delà des relations de l‟individu avec l‟Etat, les droits de l‟homme concernent aussi les individus
dans leurs rapports entre eux. Voir D. BREILLAT, Libertés publiques et droits de la personne humaine, Paris,
Gualino Mémentos, 2003, p.31
33 Voir Dictionnaire de français « Littré », http://littre.reverso.net/dictionnaire-français/définition/droit
34 Voir S. BRAUDO, Dictionnaire du droit privé, http://www.dictionnaire-juridique.com.
35 Voir A. NDZUENKEU, « L‟OHADA et la réforme des procédures civiles d‟exécution en droit africain : l‟exemple
du Cameroun », Juridis Périodique n°50, 2002, pp.113.
36 SAVATIER, cité par J. PREVAULT, « L‟évolution de l‟exécution forcée dépuis la codification napoléonienne »,
Mélanges Vincent, Dalloz, Paris, 1981, p. 295.
37 Dans les économies primitives, la terre appartenait à la collectivité. Il n‟existait pas de monnaie. Les meubles
corporels étaient considérés comme trop vitaux pour être enlevés à leurs maîtres. Considérant que la personne,
c‟est la force de travail, l‟exécution sur la personne tendait à capter ce travail qui a une valeur économique. Le
moyen adéquat pour y parvenir consistait à réduire le débiteur en esclavage, ou du moins en servitude temporaire,
au profit du créancier.
38 Cette procédure est décrite d‟après les XII Tables (386 avant notre ère). Concrètement, par la « manus
injectio judicati », « le créancier, ayant jeté sa main sur le débiteur, le traînait devant le juge et se le faisait
adjuger ». Ce juge constatait la réalité de la dette ainsi que l‟insolvabilité du débiteur. Par le prononcé de
« l’addictio », ce magistrat donnait au créancier la possibilité d‟enchaîner et d‟emprisonner chez lui le débiteur
pendant une durée de 60 jours. Durant cette période, le créancier conduisait à trois reprises son débiteur sur un
marché, au forum, indiquant la somme due, dans l‟espoir qu‟un parent ou un ami accepte de payer afin qu‟il soit
8
14. Dans la plus part des Etats-parties au Traité OHADA, les textes en vigueur avant l‟Acte uniforme
portant organisation des procédures collectives d‟apurement du passif retenaient, avec quelques
exceptions, le principe de l‟incarcération39. En application de l‟article 455 du Code de commerce de
1807 le tribunal pouvait, par un jugement déclaratif, ordonner soit le dépôt du failli dans une
maison d‟arrêt pour dettes, soit sa garde par un officier de police ou de gendarmerie40.
Au Burkina Faso, par exemple, les créanciers traînaient leurs débiteurs à la Gendarmerie ou à la
Police où ces derniers étaient gardés soit jusqu‟au paiement, soit jusqu‟à l‟intervention d‟une
promesse sérieuse de paiement41. Bien qu‟illégale, cette pratique était socialement admise afin de
combattre la mauvaise foi ou la mauvaise volonté de nombreux débiteurs.
15. Où qu‟on se soit trouvé, l‟accent était donc mis sur l‟obligation d‟exécuter pesant sur le débiteur42.
Mais cette façon de contraindre n‟a pas résisté à la nécessité de protéger les droits fondamentaux du
débiteur. La contrainte par corps a remplacé l‟exécution sur la personne43. Le souci d‟humanisation
de l‟exécution forcée a conduit à l‟abandon de la « manus injectio judicati », « procédure
ritualisée » 44 qui faisait de la personne du débiteur le gage du créancier.
La « manus injectio judicati » a été abolie en matière civile et commerciale à cause de son
inefficacité45. Cette pratique était aussi contraire à la Convention de Genève du 25 septembre 1925,
à la Convention supplémentaire relative à l‟abolition de l‟esclavage, aux instruments internationaux
de protection des droits de l‟homme46 et à la Convention de l‟Organisation internationale du travail
(OIT) n°29 concernant le travail forcé47. Aussi, les intérêts purement patrimoniaux des uns ne
doivent pas justifier la privation de la liberté des autres.
libéré. A l‟expiration des 60 jours, si personne n‟avait payé, il était vendu comme esclave, mais à condition que ce
fût au-delà du Tibre, c‟est-à-dire hors de Rome. S‟il y avait plusieurs créanciers, on procédait à une « partes
secando » c‟est-à-dire à une décapitation du débiteur dont une part revenait à chacun des créanciers. Voir J.
CARBONNIER, Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, op.cit. p. 328.
39 F. M. SAWADOGO, OHADA, Droit des entreprises en difficultés, Bruylant Bruxelles, 2002, p. 161.
40 Voir TPI de Ouagadougou, jugement n°23 du 25 janvier 1984 qui ordonne l‟arrestation du directeur de la société
C.I.V Sovodit et le condamne à un mois d‟emprisonnement pour n‟avoir pas fait la déclaration de cessation des
paiements requise par la loi.
41 F. M. SAWADOGO, OHADA, Droit des entreprises en difficultés, op. cit.
42 F. FERRAND, « La fondamentalisation de l‟exécution forcée », op. cit.
43A travers l‟ordonnance de Moulins de 1566.
44 J. CARBONNIER, Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, op. cit. p. 328.
45 L‟emprisonnement du débiteur réduit les chances d‟un retour à meilleure fortune. Il compromet l‟espoir du créancier
d‟être un jour restauré dans ses droits.
46 On peut citer la Déclaration Universelle des droits de l‟homme (DUDH), le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques (PIDCP), le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (PIDESC), la
Convention européenne des droits de l‟homme et des libertés (CEDH) et la Charte africaine des droits de l‟homme
et des peuples (CADHP).
47 Cette Convention condamne, entre autres, le travail forcée, la servitude pour dettes et le servage.
9
La conscience collective n‟admettait plus ces mesures d‟incarcération48. Suite à « un mouvement de
sympathie intellectuelle [qui] s’était créé autour des dettiers, des prisonniers pour dettes »49, la
contrainte par corps est abolie par une loi française du 22 juillet 1867. Dissociant l‟homme et
l‟entreprise, le législateur français a ôté de sa législation ces dispositions répressives50. Un arrêt de
la Cour suprême camerounaise, sur pourvoi d‟ordre du Procureur Général, a rappelé que « la
contrainte par corps est supprimée en matière commerciale, civile » et a ordonné l‟élargissement
immédiat d‟un débiteur au motif qu‟en signant l‟ordre d‟incarcération, le Procureur de la
République a excédé les pouvoirs qu‟il tient des textes en vigueur51.
16. La nécessité de prendre en considération les droits et la dignité du débiteur s‟est ainsi imposée dans
les systèmes juridiques camerounais et français. Elle concerne la partie poursuivie en exécution
forcée non seulement d‟une dette mais d‟obligations de toute nature constatées dans un titre. Le
législateur et le juge modernes se sont confrontés entre la détermination légitime de faire respecter
la parole donnée par les parties ou de faire exécuter les titres exécutoires en faveur du créancier et la
nécessité de protéger les droits fondamentaux du débiteur. Comment concilier les droits et
prérogatives respectifs de ce « couple infernal que forment le créancier et le débiteur »52?
17. La doctrine a reconnu qu‟« à vrai dire, toute réforme sur les procédures d’exécution réside dans un
équilibre assez délicat entre les intérêts des créanciers qui attendent légitimement ce qui leur est
dû, et ceux des débiteurs qui ne peuvent pas être la proie de n’importe qui, dans n’importe quelle
conditions »53. Dès lors, dans les réformes engagées dans les systèmes juridiques camerounais et
français, il faut craindre aujourd‟hui que l‟on passe, sans mesure, d‟un extrême à l‟autre.
Se laisser influencer principalement par le sort du débiteur peut aboutir, si l‟on n‟y prend garde, à
négliger le droit légitime qu‟a tout créancier d‟aspirer à l‟exécution de son droit, a fortiori s‟il est
reconnu par le juge et/ou constaté dans un titre exécutoire. Le risque serait alors de voir le droit à
l‟exécution forcée qui, naturellement, doit être reconnu au créancier, tenu en échec par un droit à
l‟inexécution dont bénéficierait l‟autre partie.
48 En raison de sa contradiction avec le principe de non-emprisonnement pour dettes mais aussi de son extrême sévérité.
49 J. CARBONNIER, Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, op.cit. p. 330.
50 Notamment avec la loi du 13 juillet 1967 reprise dans celle du 25 janvier 1985.
51 Cour Suprême, arrêt n°132 du 30 avril 1963. En l‟espèce, un réquisitoire d‟incarcération avait été délivré (par le
Procureur de la République de Nkongsamba) aux fins de contrainte par corps à l‟encontre d‟un débiteur qui
n‟exécutait pas les condamnations prononcées contre lui, au profit d‟une entreprise, par un tribunal statuant en
matière commerciale.
52 R. PERROT, « La réforme des procédures civiles d‟exécution », propos recueillis par Marie MIGNON-GARDET,
LPA, 6 janvier 1993, n°3, p.8.
53 R. PERROT, « La réforme des procédures civiles d‟exécution », propos recueillis par Marie MIGNON-GARDET,
ibid. p.7. Il faut permettre aux créanciers d‟être remplis de leurs droits sans être astreints à des procédures trop
lourdes ou trop onéreuses. Mais excès de rigueur et de précipitation pourrait mettre hors d‟état d‟exécuter le
débiteur dont la situation n‟était pas irrémédiablement compromise. Les placer dans une très mauvaise situation
financière ou les acculer à une misère extrème pourrait ôter aux créanciers tous espoirs d‟exécution.
10
Ce serait extrême de parvenir à ce que le Doyen RIPERT a appelé « le droit de ne pas payer ses
dettes »54. Les droits subjectifs seraient vidés de leur substance. Le droit à la justice ne serait qu‟une
proclamation vaine. Le droit même pourrait perdre sa force dissuasive et jusqu‟à son sens. Qu‟est-
ce que le droit sans la sanction qui garantit, au fond, son respect? Les risques d‟une surprotection de
l‟autre partie font aussi que les créanciers actuels ou potentiels, sur la défensive, pourraient
développer des stratégies de défense, a priori et a posteriori, aggravant ainsi sa situation.
18. Le souhait de tout créancier est de voir l‟autre partie s‟exécuter volontairement. Mais ce vœu n‟est
que très rarement comblé, le débiteur étant soit démuni, soit récalcitrant. Talleyrand, répondant à
l‟un de ses créanciers qui l‟implorait de lui indiquer le moment où il serait payé, ne lui a-t-il pas
déclaré : « vous êtes bien curieux ! »55. Alphonse ALLAIS n‟a-t-il pas fait dire à l‟un de ses
personnages : « plutôt que vous rendre cet argent, je préférerais encore, Monsieur, reconnaître
vous le devoir toute ma vie »56 ? A un huissier de justice qui lui rappelait verbalement le délai
imparti pour soulever une éventuelle contestation, un débiteur (un habitué) répondit en substance :
« Que voulez-vous que cela me fasse, on s’est toujours arrangé et je sais bien que vous ne me
vendrez pas. Pourquoi irais-je contester »57 !
Le mépris, quand ce n‟est pas la réprobation, poursuit parfois le créancier, quelle que soit la nature
de l‟obligation dont il revendique l‟exécution. A défaut d‟exécution volontaire, il peut recourir à
l‟exécution forcée dont le cadre général est fixé par le législateur. Il doit disposer d‟un titre
exécutoire. Mais, là encore, pour différentes raisons, le créancier ne semble pas être au bout de ses
difficultés. Très souvent, même le recours à la force s‟avère insuffisant pour concrétiser son droit58.
19. Face aux difficultés et aux obstacles que rencontrent les créanciers alors même qu‟ils disposent d'un
titre exécutoire, il importe de s'interroger sur la pertinence59 et l‟effectivité60 d'un droit à l'exécution
forcée et de voir dans quelle mesure le droit positif permet au créancier de parvenir à la satisfaction
escomptée.
54 D.H. 1936, chron. p. 57.
55 Rapporté par Me BOURSIER, Doyen des Huissiers de justice de Paris, Gaz. Pal. 14-15 novembre 1980, Rubrique
« Variétés ».
56 Cité par M. DYMANT, « L‟exécution forcée après l‟obtention du titre exécutoire », ibid.
57 J. SOULARD, « Objets Insaisissables, commentaire du décret du 24 mars 1977 », La Revue des Huissiers de justice,
1977, p.109.
58 Voir F. ANOUKAHA, « Le juge du contentieux de l‟exécution des titres exécutoires : Le législateur camerounais
persiste et signe … l‟erreur », Juridis Périodique n°70, 2007, p. 33. L‟auteur indique que l‟huissier de justice ou
l‟agent d‟exécution peuvent toujours rencontrer des difficultés dans l‟exécution du titre exécutoire qui lui a été
confié par le créancier.
59 La pertinence c‟est le caractère de ce qui est pertinent, parfaitement approprié à une question. Elle a pour synonymes,
adéquation, bien fondé, convenance, opportunité, relevance, validité ; voir site http://www.le-dictionnaire.com.
60 L‟effectivité c‟est le caractère de ce qui est reconnu, incontestable, effectif ou, de ce qui entre en effet ou en vigueur ;
voir site http://www.le-dictionnaire.com.
11
20. Le droit à la justice61 est mis en échec si l‟exécution n‟est pas effective. Pourtant certains
ethnologues constatent que dans beaucoup de droits archaïques, une fois la sentence rendue, aucune
autorité ne veille à l'exécution62. Même dans certaines sociétés démocratiques63, de nombreux
créanciers, plongés dans une détresse plus grande que celle de l‟autre partie, veulent en vain « faire
valoir le droit au respect… du droit »64. Les titres exécutoires devenus définitifs mais jamais
exécutés sont innombrables, ce qui anéantit nombre de droits reconnus, dont le droit à la justice et le
droit à la sécurité juridique.
21. Il est certes difficile de donner des indicateurs précis de ce phénomène social65. Mais la
multiplication des textes législatifs et réglementaires, en droits camerounais et français, ne
constitue-t-elle pas un signe de son ampleur et du souci constant du législateur de remédier à
l‟inexécution et aux difficultés d‟exécution? En outre, les insuffisances des textes existants et les
multiples obstacles à l‟exécution forcée ne suffisent-ils pas à justifier de l‟importance du problème ?
22. Les missions de la justice restent symboliques et ne rendent pas compte du mécanisme de réalisation
concrète du droit. Pourtant la crédibilité et l'efficacité du droit reposent, soit sur sa capacité à
imposer aux citoyens le respect de leurs engagements, soit sur une procédure équitable garantissant
l'accès au juge, le prononcé d'une décision juste et l'exécution effective de celle-ci.
Les jugements et autres titres exécutoires doivent être exécutés dans un délai raisonnable. Tout
manquement peut être interprété comme un déni de justice. A quoi servira-t-il de parler d‟un droit à la
61 Le droit à la justice est un droit inné, un droit attaché à la nature de l'homme qui, en tant qu'être de raison, peut le
découvrir, de lui-même, et le revendiquer. Déjà, dans la Grèce antique un édit de Créon ayant interdit d‟ensevelir
les morts, Antigone de Sophocle, en violation de cet édit, donna sépulture à son frère Polynice, déclarant: «Je ne
pensais pas qu’il eût assez de force, ton édit, pour donner à un être mortel le pouvoir de violer les divines lois non
écrites que personne ne peut ébranler… Je ne devais pas, par crainte des volontés d’un homme risquer que les
dieux me châtient…». Voir G. GUGLIELMI, « Reflets de l‟appel en droit administratif », Les voies de recours
judiciaires, instruments de liberté, sous la direction de J.-L THIREAU, Amiens, PUF, 1995, p.65.
62 Voir « Présentation du thème », in l'effectivité des décisions de justice, Travaux de l'association H. Capitant,
Economica, 1987, p. 1. Plusieurs décisions légalement rendues et devenues définitives restent non exécutées, non
seulement du fait des parties, mais aussi du fait de l'Etat.
63 Le droit se caractérise ici par une vision commune : l'idéal de justice. Voir P.-G. POUGOUE, Cours d‟épistémologie,
argumentation et raisonnement juridique, DEA Droit privé, Université de Yaoundé II, année académique 2002-
2003. Selon l‟auteur, « la quête de la justice est l‟aspiration la plus profonde du cœur humain, l‟idéal vers lequel
devrait tendre toute règle de droit à savoir atteindre le juste, la vérité et faire droit ou rendre justice à chacun ».
64 Cl. FAVRE, « La fondamentalisation de l‟exécution forcée », Le droit de l‟exécution forcée : entre mythe et réalité,
op.cit. P. 1 ; voir Cour EDH, 15 nov. 2002, Cau c./ Italie, Droit et procédures, 2003, n°2,J.15, pp.87 et s., obs. N.
FRICERO. En l‟espèce, une propriétaire de biens immobiliers, créancière de loyers, privée de toute chance de
reprendre possession d‟un appartement dans lequel elle souhaiterait loger est devenue personne en détresse obligée
d‟aller vivre chez une amie.
65 Il n‟a pas été possible d‟établir le rapport entre le nombre de jugements et autres titres exécutoires des créanciers
d‟une période donnée, et le nombre de ceux qui ont été exécutés. Les statistiques éventuels portant sur le nombre
de saisies ou d‟expulsions ; le nombre de procédures de règlement préventif ou de conciliation, de redressement
ou de liquidation judiciaires ; la fréquence de sollicitation du personnel de l‟exécution forcée ou de la saisine des
juges compétents, ne permettraient pas d‟apprécier exactement le degré de récalcitrance des débiteurs ou
l‟effectivité de l‟exécution forcée.
12
justice ou d‟un droit à la sécurité juridique si les décisions régulièrement rendues par les juridictions
et les titres exécutoires en général ne sont pas susceptibles d‟exécution forcée ?
23. En choisissant de centrer une réflexion sur les systèmes juridiques camerounais et français, on peut
penser à leur commune appartenance à une même famille juridique. Mais on ne saurait ignorer les
différences culturelles et de développement économique, social et politique entre ces deux systèmes
qui sont, par ailleurs, liés par des accords et conventions bilatéraux et multilatéraux. Ces différences
peuvent-elles ou doivent-elles justifier des différences juridiques ?
Il importe de signaler non seulement une disproportion considérable dans la réglementation entre
les deux systèmes mais aussi leur rattachement à des communautés politiques et juridiques
régionales différentes. Ces réalités rendent plus complexe l‟appréciation d‟une matière aussi
technique que celle du droit de l‟exécution forcée. Mais ces particularités ont attisé notre curiosité
au point de nous inscrire dans ce champ du droit comparé66.
24. Dans ces deux systèmes juridiques, l‟exécution forcée préoccupe le justiciable commerçant,
industriel ou simple particulier. Elle interpelle le juriste qu‟il soit professionnel ou universitaire67, le
législateur et l‟homme politique. Elle conditionne le développement du crédit et des affaires. Elle
assure la confiance dans le service public de la justice et l‟Etat de droit.
Au plan sociopolitique, l‟enjeu est le maintien de la paix sociale, de l‟ordre public, de la sécurité
juridique et des bonnes relations entre Etats. Au plan économique, il faut stimuler la croissance et
l‟investissement ainsi que la création, le maintien de l‟entreprise et de l‟emploi. Le crédit suppose la
confiance qui repose elle-même sur l‟assurance que le créancier a d‟obtenir l‟exécution de sa
créance, quoi qu‟il advienne et avec un minimum de difficultés.
Les investisseurs nationaux et internationaux vont hésiter à prêter ou à placer leurs richesses dans
un pays où ils ne sont pas sûrs de pouvoir accéder à la justice ou de faire exécuter leurs titres
exécutoires. L‟effectivité du droit à l‟exécution forcée assure inéluctablement la valeur du titre
exécutoire, quelle que soit sa nature. Elle concrétise ses effets et constitue un facteur de crédit.
25. En outre, le droit de l‟exécution forcée se régionalise et même s‟internationalise. Progressivement,
l‟efficacité du titre exécutoire qui garantit le recouvrement des créances et traduit l‟aptitude d‟un
Etat à offrir aux justiciables la sanction de leurs droits68, se mesure à sa capacité à s‟imposer dans
66 De toute évidence, le droit comparé permet de mieux comprendre les autres droits, mais d‟abord et surtout il peut
favoriser une meilleure intelligence de son propre droit. En ce sens, I. LAUREND-MERLE, HDR, Limoges 2008.
67 Les 27 et 28 avril 2007, la Revue Droit et procédures (la revue des huissiers de justice) organisait un colloque à Paris
sur le thème : « Le droit de l’exécution forcée, entre mythe et réalité ». Le 24 avril 2009 à Aix-en-Provence, elle a
organisé un autre sur le thème : « Les obstacles à l’exécution forcée, permanence et évolutions ».
68 Voir N. FRICERO, « Le droit européen à l‟exécution des jugements », Droit et procédures, 2001, p. 6.
13
d‟autres Etats, sans qu‟il soit besoin de contrôles particuliers. Les sources du droit en général, et
donc du droit de l‟exécution forcée ne se trouvent plus seulement dans le droit interne69.
Le Cameroun et la France sont membres de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et
reconnaissent la Déclaration universelle des droits de l'Homme70. Ils ont ratifié le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) du 16 décembre 196671 et le Pacte
international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (PIDESC) du 16 décembre 196672.
Ils ont signé la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l‟exécution des
sentences arbitrales étrangères.
26. En droit camerounais, la question a bien une dimension régionale. La Charte africaine des droits de
l‟homme et des peuples (CADHP) consacre le droit à la justice. La Cour africaine des droits de
l‟homme (Cour ADH) devrait influencer le droit africain et donc camerounais de l'exécution forcée.
Les justiciables camerounais peuvent invoquer l‟application des dispositions de cette Charte devant
les juridictions internes. De plus, le Cameroun est membre de l‟Organisation pour l‟harmonisation
en Afrique du droit des affaires (OHADA) qui, entre autres, s‟intéresse à l‟exécution des jugements
et autres titres exécutoires.
Ainsi, depuis une décennie, l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement des créances et des voies d'exécution73 (AUVE) harmonise-t-il l'exécution forcée
dans l'ensemble des Etats-parties au Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique
(OHADA), signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Ile Maurice)74.
La création d‟une Cour commune de justice et d‟arbitrage (CCJA), l‟organisation du traitement des
entreprises en difficultés à travers l'Acte uniforme de l‟OHADA portant organisation des
procédures collectives et d‟apurement du passif (AU/PCAP), de l'arbitrage à travers l'Acte uniforme
relatif au droit de l'arbitrage (AUA), des sûretés à travers l‟Acte uniforme portant organisation des
sûretés (AUS), ainsi que les autres actes uniformes témoignent du souci d'harmonisation, voire
d'unification du droit des affaires en Afrique.
69 En ce qui concerne le droit de la faillite par exemple, la décharge des dettes et le plan de sauvegarde de l‟entreprisse
introduit en droit français par le Ministre PERBEN est inspiré du modèle américain.
70 Cette Déclaration a été adoptée par l‟Assemblée générale des Nations unies le 10 mdécembre 1948 à Paris.
71 Ce Pacte entré en vigueur le 23 mars 1973 a été ratifié le 27 juin 1984 par le Cameroun et le 4 novembre 1980 par la
France.
72 Ce Pacte entré en vigueur le 3 janvier 1976 a été ratifié le 27 juin 1984 par le Cameroun et le 4 novembre 1980 par la
France.
73 Voir JO OHADA n° 06 du 1er juillet 1998.
74 L'OHADA regroupe aujourd'hui 16 pays (les 14 pays de la Zone franc CFA, plus les Comores et la Guinée Conakry)
et elle reste ouverte à tout Etat du continent africain. La République Démocratique du Congo est en cours
d'adhésion. Il n'est pas exclu que d'autres pays africains puissent adhérer au traité ou que l'union africaine se
l'approprie un jour.
14
27. En droit français, on doit prendre en considération l'influence de la jurisprudence de la Cour de
Strasbourg qui veille au respect de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés
(CEDH)75. Cette dernière sanctionne la violation de l'article 6 (1) de la CEDH et de l‟article 1er de
son Protocole n°176. Il existe des Conventions relatives à l'exécution des jugements civils en
Europe, à la création d'un titre exécutoire européen et d‟autres projets dont celui de la saisie-
attribution européenne. Le droit français est aussi influencé par les décisions de la Cour de justice
des communautés européennes (CJCE).
28. Le droit camerounais, comme celui de plusieurs autres pays africains, s‟est fortement inspiré du
droit français77. L'AUVE, qui s'est inspiré de la loi française n°91-650 du 9 juillet 1991 relative à
l'exécution et de son décret d‟application78 revalorise le titre exécutoire et renforce la protection des
droits et la dignité du débiteur et des tiers. Il abroge toutes les dispositions relatives aux matières
qu‟il concerne dans les Etats parties79. Le droit camerounais de l'exécution forcée a connu quelques
réformes dont la plus récente est issue de la loi du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de
l'exécution. Par sa jurisprudence et ses avis, la CCJA sanctionne la violation interne du droit
OHADA.
29. Les législations française et européenne sur l'exécution forcée ont aussi connu des réformes. Les
textes sur le traitement du surendettement des particuliers, des ménages et des entreprises ;
l'exécution des jugements et titres exécutoires contre la personne publique ; l'exécution provisoire
des jugements notamment ont connu beaucoup de modifications. La Cour de cassation française
adapte sa jurisprudence à celles de la Cour EDH et de la CJCE.
30. Bien entendu, cette réflexion permettra de voir s‟il existe des solutions ou des instruments
spécifiques à chaque système et d‟apprécier leur capacité à concourir à l‟effectivité du droit à
l‟exécution forcée. Tenant compte du rôle que doit jouer l‟Etat80, détenteur de la Force Publique et
dispensateur de la justice, elle permettra aussi d‟apprécier non seulement la capacité de chacun à
exécuter lui-même les titres qui l‟engagent mais aussi la capacité des instruments communautaires
ou régionaux à les soumettre au respect du droit à l‟exécution forcée.
75 La CEDH date du 4 novembre 1950 et a été ratifiée par la France le 3 mai 1974.
76 Ce texte proclame que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé
de sa propriété que pour cause d‟utilité publique et dans des conditions prévues par la loi et les principes généraux
du droit international.
77 C'est le cas, s'agissant de la législation sur l'exécution des jugements et autres titres exécutoires. Le Code de
procédure civile et commercial (CPCC) applicable au Cameroun est l‟ancien CPCC français.
78 Décret n°92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d‟exécution pour
l‟application de la loi du 9 juillet 1991.
79 Voir l‟article 336 de l‟AUVE.
80 Ici l‟Etat peut être considéré comme le sujet passif du droit à l‟exécution forcée, le créancier en étant le sujet actif.
15
31. Les développement qui précèdent justifient l‟hypothèse de recherche choisie : partant des règles qui
régissent l‟exécution forcée, on peut déduire l‟existence d‟un droit à l‟exécution forcée. En effet, on
peut démontrer que le droit positif construit un droit à l‟exécution forcée autour de l‟existence d‟une
créance reconnue dans un titre exécutoire, de la création de juridictions spéciales et de la mise à
disposition du concours de la Force Publique dans les limites prévues par la loi.
N‟empêche, par exemple, que le droit des difficultés économiques des particuliers et des entreprises
qui est dominé par le principe d‟égalité entre les créanciers semble privilégier la protection du
débiteur, de l‟entreprise et de l‟emploi. Aux obstacles à l‟exercice du droit à l‟exécution forcée81
s‟ajoutent ceux liés à son effectivité82. Ainsi l‟efficacité du droit à l‟exécution dépendra de la
capacité du législateur à adapter le droit de l‟exécution forcée aux réalités contemporaines. Il faut
faciliter la circulation transfrontalière des titres exécutoires et envisager des stratégies modernes
d‟exécution basées sur la négociation, la transparence et la gestion efficace du risque d‟inexécution.
32. L‟objectif n‟est pas de dresser l‟inventaire de tous les problèmes et de toutes les solutions mais
d‟essayer de les connaître, de les comprendre, de les comparer et de donner un sens à la
comparaison83. La réflexion prendra donc les systèmes juridiques camerounais et français comme
points d‟appui pour apprécier la pertinence et l‟effectivité du droit à l‟exécution forcée, identifié
comme un principe commun aux deux systèmes84.
Elle privilégiera tantôt une comparaison intégrative en mettant l‟accent sur les similarités, tantôt une
comparaison différentielle en relevant les particularités de chaque système85. Il s‟agit d‟examiner,
plus profondément, l‟idée, la situation, les problèmes et les solutions liés à ce droit en chantier.
33. Dès lors, la définition des éléments caractéristiques du droit à l‟exécution forcée qui se construit
progressivement est au centre de l‟étude. Sa mise en œuvre qui suppose des règles juridiques
adaptées n‟est cependant pas toujours entièrement acquise. Son émergence marque non seulement
81 Il s‟agit notamment de ceux liés aux modalités d‟exécution, au formalisme et à l‟humanisation des procédures ou à
l‟impossibilité d‟exécuter.
82 Ils sont liés aux principes de transparence et de précaution nécessaires à l‟exécution forcée. Il est de plus en plus
difficile d‟obtenir les informations permettant d‟atteindre les biens et valeurs saisissables. Aussi, le débiteur
organise-t-il lui-même, en amont et en aval, le déficit d‟information ainsi que l‟inexécution de ses obligations.
83 B. JALUZOT, « Méthodologie du droit comparé : bilan et perspective », RIDC, 1, 2005, pp. 29-48.
84 E. PICARD, « L‟état du droit comparé en France en 1999 », RIDC, 4, 1999, p. 911. L‟auteur indique que que le droit
comparé permet d‟identifier « ces principes, règles ou normes que les droits nationaux ne peuvent pas méconnaître
sans cesser d’être réellement des droits ».
85 R.B. SCHLESINGER, « The Past and Future of Comparative Law », American Journal of Comparative Law, n°43,
1995, p.477, cité par M.-C. PONTHOREAU, « Le droit comparé en question (s), entre pragmatisme et
épistémologique », RIDC, 1, 2005, p.10. Pour l‟auteur cité, il y a des périodes où la « contrastive comparison »
prédomine et d‟autres où prévaut au contraire la « integraitive comparison », celle de l‟avenir.
16
une ouverture sur de nouvelles questions et de nouvelles perspectives mais aussi le point de départ
d‟une reconstruction86.
La détermination de la nature juridique du droit à l‟exécution forcée (première partie) ainsi que la
délimitation et l‟appréciation de son domaine juridique (seconde partie) à partir des systèmes
juridiques camerounais et français participent précisément de cette dynamique.
86 Voir L. RICHER, « Les droits fondamentaux : une nouvelle catégorie juridique ? », AJDA, 1998, numéro spécial,
Editorial. L‟auteur parle précisément de l‟émergence des droits fondamentaux en général.
17
PREMIERE PARTIE :
LA NATURE
JURIDIQUE DU
DROIT A
L’EXECUTION
FORCEE
19
LA NATURE JURIDIQUE DU DROIT A L’EXECUTION
FORCEE
34. L‟évolution du droit de l‟exécution forcée semble se caractériser par le passage du devoir d‟exécuter
du débiteur à la reconnaissance d‟un droit à l‟exécution forcée du créancier. Le curseur se serait
déplacé du débiteur vers le créancier87. Il convient de s‟interroger et de voir dans quelles conditions
et de quelle manière se déroule cette mutation mais aussi, de définir et de qualifier le droit à
l‟exécution forcée en relevant ses caractères essentiels.
35. Reconnue par le droit objectif, cette prérogative que devient le droit à l‟exécution forcée jouit d‟un
ancrage normatif suprême qui postule son intégration dans la catégorie des droits fondamentaux. Le
droit à l‟exécution forcée se révèle comme un droit subjectif (titre I) mais aussi comme un droit
fondamental (titre II).
87 Voir L. CADIET, « L‟exécution des jugements, entre tensions et tendances », in La justice civile au vingt et unième
siècle, Mélanges Pierre Julien, Paris, Edilaix 2003, n°4, pp. 51-52.
21
LE DROIT A L’EXECUTION FORCEE, UN DROIT SUBJECTIF
TITRE I
36. Un droit subjectif est une prérogative individuelle reconnue et sanctionnée par le droit objectif qui
permet à son titulaire de faire, d‟exiger ou d‟interdire quelque chose dans son propre intérêt, ou
dans l‟intérêt d‟autrui, en s‟adressant le cas échéant aux tribunaux. La subjectivation permet ainsi au
droit de « s’accomplir plus parfaitement en disposant, autour de la norme, d’innombrables
avertisseurs, très sensibles, prêts à se déclencher à la moindre transgression »88.
Dès lors, envisager le droit à l‟exécution forcée comme un droit subjectif89 dans les systèmes
juridiques camerounais et français revient à montrer que ce droit est reconnu et protégé par leurs
droits objectifs respectifs et que les parties peuvent l‟invoquer en justice parce qu‟il peut donner
lieu à une prétention juridique90. De part et d'autres, on pourrait citer les différents textes91 qui
régissent l'exécution forcée92. Encore faudra-t-il dire s‟il est un droit patrimonial ou un droit
extrapatrimonial.
37. A priori aisée, cette tâche ne l‟est pas en réalité. Certes, contrairement aux droits extrapatrimoniaux
composés d‟éléments d‟ordre spirituels et qui intègrent les droits de la personnalité93 et les droits
familiaux94, les droits patrimoniaux sont ceux qui ont une valeur pécuniaire ou qui ont vocation à
être réunis dans le patrimoine95. Mais la question reste complexe96. La solution n‟est pas plus
facilitée lorsqu‟on part des caractères de ces droits. D‟un coté, certains titres exécutoires constatent
des droits extrapatrimoniaux qui sont hors du commerce97. De l‟autre, les droits patrimoniaux sont
aptes à circuler, à changer de propriétaire. Ils sont dans le commerce juridique. Ici, le droit à
88 J. CARBONNIER, Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, op.cit., p.197.
89 Une doctrine avisée parle d‟ « un droit subjectif du créancier à l’exécution effective », voir F. FERRAND, « La
fondamentalisation de l‟exécution forcée », op.cit., p. 13.
90 L. CADIET, « Le droit judiciaire et le droit substantiel », Dictionnaire de la justice, op.cit. p. 358. Selon l‟auteur, le
droit substantiel comprend les droits subjectifs et les droits objectifs.
91 En plus des articles 2092 et 2093 du Code civil devenus respectivement les articles 2084 et 2085 du Code civil
français et du Code de procédure de 1806, la liste des lois, ordonnances et décrets serait fastidieuse. Mais, qu‟il
s‟agisse du système juridique camerounais ou français, on en citera plusieurs dans cet ouvrage.
92 A propos du phénomène de formation des droits subjectifs, il semble que « les juristes n’ont de regards que pour les
droits dérivés, procédant de quelques sources souveraines (la loi, le contrat), et se transmettant par des modes
d’acquérir où rien ne se perd, rien ne se crée… », voir J CARBONNIIER, op.cit., p.198.
93 A l‟exemple des éléments physiques ou moraux qui caractérisent l‟être humain et le distingue des autres.
94 A l‟exemple de la puissance parentale, prérogative que la loi confère aux parents à l‟égard de leurs enfants mineurs
pour assurer leur éducation.
95 J.-M. TCHAKOUA, Introduction Générale au Droit Camerounais, Yaoundé, Collection « Apprendre », Presse de
l‟UCAC, 2008, p.140.
96 Dans certains cas, par exemple, on peut se demander si le droit à l‟exécution est appréciable en argent.
97 C‟est l‟exemple d‟une décision de justice qui accorde la garde d‟un enfant mineur à un parent. Le droit à l‟exécution
forcée de ce titre exécutoire ne peut changer de titulaire sans autorisation ou décision contraire du juge.
23
l‟exécution forcée peut changer de titulaire si le titre exécutoire qui le fonde fait autant, du fait soit
de la subrogation, soit de la cession ou de la transmission de la créance98.
La classification des droits patrimoniaux peut se faire soit d‟après leur objet99, soit d‟après leur
contenu100. L‟intérêt de la classification d‟après leur objet est visible en matière d‟exécution forcée
et se traduit parfois en saisie mobilière ou en saisie immobilière. Pour ce qui est de la classification
d‟après leur contenu, on distingue les droits réels, les droits intellectuels et les droits de créance
encore appelés droits personnels. C‟est peut-être à ce niveau qu‟on peut concevoir le droit à
l‟exécution forcée comme un droit patrimonial.
Le droit à l‟exécution forcée a un débiteur et ne confère pas à son titulaire un pouvoir direct sur une
chose. Ce n‟est donc ni un droit réel principal101, ni un droit réel accessoire tels que le nantissement
ou l‟hypothèque. Le droit à l‟exécution forcée ne confère pas un monopole d‟exploitation sur un
produit ou un moyen d‟une activité intellectuelle102. Ce n‟est donc pas un droit intellectuel.
Le droit à l‟exécution forcée est relatif à un droit de créance ou à une obligation. Il confère à son
titulaire (le créancier) le droit d‟exiger d‟une autre personne (le débiteur) l‟exécution d‟une certaine
prestation positive ou une abstention103. Par opposition au droit réel, il est un droit personnel.
38. Ceci étant, la question de savoir dans quelle mesure les règles objectives permettent d'entrevoir le
droit à l'exécution forcée comme une prérogative individuelle permettant au sujet bénéficiaire de
contraindre l‟autre partie à exécuter une obligation à son égard104 reste posée. La solution n‟est pas
facile car en général, l'exécution conduit à la mise en œuvre d'une solution déjà clairement définie.
Il est possible de conclure que l‟exécution forcée n'apporte rien d'autre que ce que la personne qui la
poursuit n'a déjà et qui constitue, en soi, un droit subjectif.
Comment affirmer que le droit à l'exécution forcée est une prérogative distincte? C'est qu'en le
protégeant, le législateur lui a donné une portée pratique. Il en a fait un droit judiciairement protégé
(chapitre II) fondé sur l'existence d'un titre exécutoire (chapitre I).
98 Voir infra, paragraphe réservé à « La nomination du créancier dans le titre exécutoire », pp. 70 et s.
99 Par exemple en meuble ou immeuble.
100 C‟est-à-dire d‟après les prérogatives auxquelles ils donnent droit.
101 Droits réels de tout premier ordre, existant sans attachement à un droit de créance. Il comporte le droit d‟user des
choses de la manière la plus absolue, le droit d‟en jouir et celui d‟en disposer soit matériellement, soit
juridiquement. Comme exemple on peut citer : droit de propriété, usufruit, droit d‟usage et d‟habitation, servitude,
amphithéose, droit de superficie.
102 Par exemple : droit d‟un auteur sur son livre, droit de l‟inventeur sur son invention, droit du commerçant sur sa
clientèle.
103 J.-M. TCHAKOUA, Introduction Générale au Droit Camerounais, op.cit., p. 143.
104 À noter que le titulaire de cette prérogative peut même décider de ne pas en jouir. Il peut aussi interdire l‟usage de la
contrainte dans son propre intérêt voire dans celui d‟autrui, pourvu que sa décision soit libre et consciente.
24
CHAPITRE I:
UN DROIT SUBJECTIF FONDE SUR L’EXISTENCE D’UN TITRE
EXECUTOIRE
39. Tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, contraindre son débiteur défaillant à
exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la
sauvegarde de ses droits, dans les conditions prévues par la loi105. Il est donc incontestable que
l‟exécution est d‟abord liée à l‟existence d‟un droit ou d‟une créance.
Mais si le droit à l‟exécution trouve son fondement dans l‟existence d‟un droit ou d‟une créance,
l‟exécution forcée n‟est possible que lorsque le créancier dispose d‟un titre exécutoire. D‟ailleurs, il
importe de remarquer que le législateur, qu‟il soit français ou OHADA, a « souhaité distinguer le
sort du créancier disposant d’un titre exécutoire et celui qui n’en a pas »106.
40. Ainsi, pour déterminer dans quelle mesure le droit de recourir à l‟exécution forcée est reconnu, il
convient de cesser « de mélanger les genres et d’agglutiner dans un même moule, ceux qui ont un
titre exécutoire et ceux qui en sont dépourvus, car avec cet amalgame, à l’image d’une cordée de
montagne, les plus lents retardent la marche des plus rapides » 107. L‟article 2 de la loi française
précitée n‟indique-t-il pas que seul « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance
liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les
conditions propres à chaque mesure d’exécution » ? De même, selon l‟article 29 al. 1 de l‟AUVE,
« l’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des décisions et autres titres exécutoires ».
41. Ecrit contenant le droit substantiel à exécuter, l'autorisation et l‟ordre de mettre à exécution les
obligations qu'il relate108, le titre exécutoire109 constitue donc un préalable essentiel à toute
exécution forcée110. Il constate le droit d‟y recourir111. Il permet de représenter la réalité du droit
substantiel dont l'exécution est poursuivie et confère à son titulaire une prérogative individuelle
dont il peut se prévaloir112.
105 Voir les alinéas 1 et 2 de l‟article 1 de la loi française n°91-650 du 9 juillet 1991 ainsi que de l‟article 28 al. 1 de
l‟AUVE.
106 Y. DESDEVISES, « Equilibre et conciliation dans la réforme des procédures civiles d‟exécution », Nouveaux juges
nouveaux pouvoirs, Mélanges en l’honneur de Roger PERROT, Paris Dalloz, 1996, p.101.
107 R. PERROT, « La réforme des procédures civiles d‟exécution », article précité, LPA, 6 janvier 1993, n°3, p.7.
108 Lamy Droit de l'exécution forcée, avril 2007, n° 205-5.
109 Qui signifie ce « qui donne pouvoir de procéder à une exécution », voir LAROUSSE, VUEF 2003, p. 409.
110 L‟exécution forcée est fondé sur l‟existence d‟une créance constatée par un titre exécutoire qui peut être soit
définitif, soit provisoire.
111 Voir G. CORNU, Vocabulaire juridique de l'Association H. Capitant, Paris, PUF, 6è éd. 2004, voir Titre exécutoire.
112 Voir les alinéas 1 et 2 de l‟article 1 de la loi française du 9 juillet 1991 et l‟al. 1 de l‟article 28 de l‟AUVE.
25
Il postule un double mouvement. L‟un va du droit substantiel113 vers l'exécution. L‟autre va de
l'exécution vers le droit à l‟exécution forcée. Ce dernier est distinct du premier dont il doit assurer la
réalisation effective114. Il convient de définir ce titre exécutoire (section I) qui rend possible
l‟exécution forcée (section II).
113 Précisément la créance à exécuter.
114 Voir G. DEHARO, « Ce qu‟exécuter veut dire … Une approche théorique de la notion d‟exécution », Droit et
procédures, n°4, 2005, p. 210.
26
Section I- La notion de titre exécutoire
42. L'écrit joue un rôle incontesté dans les procédures judiciaires. Il peut être la cause, le fondement
juridique ou la source d'un droit. Lorsqu'il constate un acte juridique ou matériel susceptible de
produire un effet juridique, il prend le nom de titre115. Est dit exécutoire ce qui doit être mis à
exécution ou qui donne pouvoir de procéder à une exécution116.
Dès qu'on passe à la phase de l'exécution forcée, les opérations qui suivent ont pour seul fondement
le titre exécutoire dont le contenu a été fixé par les énonciations qui y figurent et non par celles qui
auraient pu s'y trouver. Titre formel et abstrait, le titre exécutoire opère novation et tire de lui-même
toute son autorité117 au point que si tout n'a pas été dit, un nouveau titre exécutoire est nécessaire
pour y remédier.
Dans les deux systèmes juridiques, le titre exécutoire est défini dans une approche énumérative (I)
et tire sa force d‟une formule, la formule exécutoire (B).
§I- L‟approche commune dans la définition du titre exécutoire
43. Qu‟est-ce qu‟un titre exécutoire ? Ni le Code de procédure civile et commerciale118, ni le nouveau
Code de procédure civile119 n‟en donnent, de façon précise, une définition. Si on se limite aux
articles 500 et 501 du CPC, le titre exécutoire serait un titre présentant la nature d'un jugement et
ayant la qualité procédurale requise, à savoir la force de chose jugée. Mais cette approche
structurelle qui limite la notion de titre exécutoire aux seuls jugements120, ne permet pas d'en
déterminer la typologie121.
44. En revanche, l‟article 3 de la loi française du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles
d'exécution et l‟article 33 de l'AUVE adoptent une approche substantielle. Ils en dressent des listes
plus ou moins limitatives122 (A). Peut-on y voir l‟existence d‟un droit commun du titre exécutoire
(B) ?
115 Voir G. CORNU, Vocabulaire juridique de l'Association H. Capitant, Paris, PUF, 6è éd. 2004.
116 J. REY-DEBOVE et A. REY, Le Nouveau Petit Robert de la langue française 2009, Paris, SEJER, 2008 p. 973. La
force exécutoire c‟est la qualité qui impose ou permet le recours à la Force Publique pour en assurer l‟exécution.
117 Voir R. PERROT, RTD Civ. juillet-septembre 1998, p.751.
118 CPCC applicable au Cameroun.
119 Désormais Code de procédure civile (CPC) en droit français, cf. article 26 de la loi n°2007-1787 du 29 décembre
2007.
120 Le terme exécutoire est parfois associé à la notion de jugement. Les articles 627 et 630 du CPC disposent que l'arrêt
emporte « exécution forcée ».
121 Malgré l'apparente simplicité de la relation au jugement passé en force de chose jugée. Voir G. DEHARO, op.cit.
p.211.
122 Le législateur français affirme que : « Seuls constituent des titres exécutoires... ». La formulation de l'AUVE, plus
flexible, dispose que : « Constituent des titres exécutoires... ». Il serait imprudent de conclure ici qu'il s'agit d'une
27
A- L’énumération des titres exécutoires dans les deux systèmes juridiques
45. ‟approche énumérative ouvre la possibilité d‟une définition plus large et précise. Elle permet une
identification rapide des différents titres exécutoires. Le législateur français cite six catégories de
titres exécutoires, alors que le législateur OHADA n'en cite que cinq123. A l‟analyse, certains sont
communs aux deux systèmes juridiques (1). Mais certains sont spécifiques au droit français (2).
1- Les titres exécutoires reconnus dans les deux systèmes juridiques
De manière générale, ces titres exécutoires sont d'origine juridictionnelle (a) ou contractuelle (b).
Cependant, il existe des titres exécutoires spéciaux (c).
a) Les titres exécutoires d'origine juridictionnelle
46. L‟analyse des deux systèmes
juridiques permet de constater qu‟en plus des décisions
juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et de celles qui sont exécutoires sur minute (i), il
existe des actes et des décisions juridictionnelles étrangers ainsi que des sentences arbitrales
déclarés exécutoires notamment par un jugement d‟exequatur devenu définitif (ii).
i) Les décisions des juridictions nationales
47. Le législateur OHADA prescrit qu‟en dehors des décisions exécutoires sur minute, les décisions
juridictionnelles doivent être revêtues de la formule exécutoire124. En revanche, le législateur
français indique avec précision que les décisions émanant aussi bien des juridictions de l'ordre
judiciaire125 que de l'ordre administratif126, doivent avoir force exécutoire127.
48. On peut penser qu‟en citant les décisions juridictionnelles, le législateur OHADA entend, comme le
législateur français, celles de l‟ordre judiciaire ou administratif. Cependant peut-on assimiler les
conditions requises par ces deux législateurs pour qu‟une décision juridictionnelle soit qualifiée
comme un titre exécutoire ? Pour le législateur OHADA, les décisions juridictionnelles doivent être
liste limitative. Sur la question , voir M. DONNIER et J.-B. DONNIER, Voies d'exécution et procédures de
distribution, Paris, Litec, 7è éd. n° 184 et s.
123 Il n‟est pas possible de regrouper ces titres sous un critère unique. On peut les classer soit selon leur origine (interne
ou étrangère, judiciaire ou administratif...), soit selon leur nature (juridictionnelle, contractuelle, notariale...), soit
selon le contexte des éléments cités.
124 Voir l‟article 33 al.1 de l‟AUVE.
125 Il convient de préciser à cet égard que l‟ordonnance d‟injonction de payer revêtue de la formule exécutoire constitue
un titre exécutoire. Le juge des référés qui le met en cause, outrepasse ses pouvoirs. Voir Tribunal régional hors
classe de Dakar, jugement n°139 du 27 janvier 2003, Société Sénégal Construction International c/ Maguette
Wade, Ohada.com/Ohadata J-05-85, obs. critiques J. ISSA-SAYEGH. En revanche, ne constitue pas un titre
exécutoire, le jugement contre lequel un appel à été formé et qui n‟est pas exécutoire sur minute. Voir, Abidjan,
Ch.civ. et com., arrêt °12800 du 2 décembre 2003, L‟entreprise Afridiv et Classic c/ Zahui Charles, Juriscope.org.
126 Issue de la loi française n° 99-957 du 22 novembre 1999.
127 Voir l‟article 3 al.1 de la loi française du 9 juillet 1991.
28
revêtues de la formule exécutoire. Le législateur français précise qu‟elles doivent avoir force
exécutoire.
49. En se limitant à la formulation du législateur OHADA, on peut penser qu‟une décision
juridictionnelle non exécutoire par provision et susceptible d‟un recours suspensif d‟exécution mais
revêtue de la formule exécutoire, n‟a plus besoin d‟acquérir la force de chose jugée pour être
qualifiée de titre exécutoire. Ceci parce qu‟en pratique, dès la fin d'un procès, chacune des parties
peut se faire délivrer une expédition du jugement rendu, revêtue de la formule exécutoire128.
Une telle interprétation n‟est pas pertinente. En effet, l‟exécution forcée de cette copie exécutoire
n‟est possible que si la décision a acquis la force exécutoire. Celle-ci est acquise lorsqu‟après, voire
avant129 sa notification, le jugement revêtu de la formule exécutoire ou exécutoire au vu de la
minute a acquis force de chose jugée, c‟est-à-dire n‟est plus susceptible d'un recours suspensif
d'exécution130.
50. On peut aussi sous-estimer le rôle de la signification des décisions juridictionnelles, puisque le
législateur n‟en parle pas. Pourtant, non seulement la notification précède toute mesure d'exécution
forcée fondée sur un jugement131 , mais elle porte aussi le jugement rendu à la connaissance de
l‟adversaire ou d‟un tiers et marque le point de départ du délai d‟exercice des voies de recours132.
Même passé en force de chose jugée ou revêtu de la formule exécutoire, un jugement ne peut
constituer un titre exécutoire ayant force exécutoire contre la partie adverse qu‟après lui avoir été
notifié133, à moins que l‟exécution ne soit volontaire134. Une telle compréhension est contraire aux
dispositions des articles 287 et 289 du CPCC.
51. En outre, rien n‟empêche de penser que, dans l‟esprit du législateur OHADA, la formule exécutoire
qui vaut d‟ailleurs réquisition directe de la Force Publique135 ne doit être sollicitée et apposée que
lorsque la décision a acquis force de chose jugée. Arrivant après signification du jugement et non
exercice, dans les délais, des voies de recours à effet suspensif ou épuisement de celles-ci s‟il en
existait, la formule exécutoire viendrait octroyer ou confirmer la force exécutoire au jugement.
128 Article 465 al. 1 du CPC.
129 Notamment lorsque le jugement est rendu en dernier ressort.
130 Voir l‟article 34 de l‟AUVE qui dispose que « lorsqu’une décision juridictionnelle est invoquée à l’égard d’un tiers,
il doit être produit un certificat de non-appel et de non-opposition mentionnant la date de la signification de la
décision à la partie condamnée ».
131 Cass.civ. 2ème, 29 janvier 2004, JCP 2004, IV, 1562.
132 Sauf si, en vertu de la loi, comme en matière de contredit, le délai part du prononcé de la décision. cf. article 528 du
CPC.
133 Voir R. PERROT, « Le titre exécutoire et son actualité jurisprudentielle », LPA 22 déc. 1999, n° 254, p. 5
134 Cass.civ. 2ème, 29 janvier 2004, Bull.civ., n°33.
135 Voir l‟article 29 al.2 de l‟AUVE, ce qui n‟est pas le cas en droit français.
29
Ainsi, par exemple, le certificat de non-opposition, de non-appel136 ou de « non voie de recours »
délivré à la diligence du créancier par le greffe de la juridiction ayant condamné le débiteur,
permettrait au créancier de solliciter du juge compétent l‟apposition de la formule exécutoire sur la
décision, afin de procéder à l‟exécution forcée137. De même, le créancier qui a bénéficié d‟une
ordonnance d‟injonction de payer138 peut, en l‟absence d‟opposition ou en cas de désistement de
celui qui a formé opposition139, introduire au greffe de la juridiction compétente, une demande
tendant à l‟apposition de la formule exécutoire sur la décision. L‟ordonnance est non avenue si la
demande du créancier n‟a pas été présentée dans le délai requis140.
52. Bien qu‟acceptable, cette dernière interprétation reste incertaine. Par rapport à la formulation du
législateur français, celle du législateur OHADA est critiquable. Elle oblige le juriste à se demander
si la prise en compte des conditions de notification ou d‟acquisition de la force de chose jugée est
nécessaire pour la qualification d‟un titre exécutoire de nature juridictionnelle141.
Le législateur OHADA aurait pu adopter la formulation retenue par son homologue français.
L‟avantage de la formulation de la loi française du 9 juillet 1991 réside dans ce qu‟elle intègre,
même sans les citer, les décisions juridictionnelles exécutoires au vu de la minute. Elle dispense des
interrogations telles que celles de savoir ce que signifie la force exécutoire ou encore comment une
décision juridictionnelle acquiert cette force.
53. La force exécutoire est une qualité que la loi reconnaît à certains actes juridiques, de façon que leurs
titulaires puissent faire procéder à l‟exécution forcée par les soins d‟un officier public qui a
compétence pour requérir la Force Publique142. Elle s‟attache aux décisions juridictionnelles
définitives ou exécutoires par provision revêtues de la formule exécutoire et à celles exécutoires sur
minute, dès leur notification au débiteur143.
136 Articles 34 de l‟AUVE et 505 du CPC.
137 Saisie en appel d‟une ordonnance d‟un juge de l‟exécution qui annulait une saisie-vente pratiquée une Cour d‟appel a
décidé qu‟ « en l’absence de preuve de l’appel [ou d’opposition] de l’intimé, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance
entreprise ». Évoquant et statuant, la CA a débouté le demandeur (l‟intimé) de son action en nullité de la saisie-
vente pratiquée le 04 novembre 2005. Cf. CA Yaoundé, arrêt n°218/civ/06-07 du 20 avril 2007, inédit.
138 L‟expédition de l‟injonction de payer délivrée au demandeur et dont copie conforme est signifiée au débiteur à
l‟initiative du créancier par acte judiciaire dans les trois mois de sa date n‟est pas revêtue de la formule exécutoire.
Cf. article 6 al.1 de l‟AUVE et l‟article 1411 du CPC qui porte ledit délai à six mois
139 Dans les 15 jours de la signification (article 16 de l‟AUVE) ou dans le mois qui suit la signification (article 1422 du
CPC) par déclaration ou par lettre simple en droit français (article 1423 du CPC) par simple déclaration écrite ou
verbale en droit OHADA (article 17 al. 1 de l‟AUVE).
140 Soit un mois suivant l‟expiration du délai d‟opposition ou le désistement du débiteur (article 1423 al. 2 du CPC) ou
deux mois dans les mêmes circonstances (article 17 al. 2 de l‟AUVE).
141 Le juriste camerounais doit se reporter à la loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire pour trouver une
réponse.
142 S. BRAUDO, Dictionnaire du droit privé, http://dictionnaire-juridique.com
143 Ch. Mixte 16 décembre 2005, BICC n°634 du 15 fév. 2006 ; Cass.com. 7 mars 2006, n°04-19.587.
30
Elle s‟attache ainsi à la grosse ou à la minute du jugement144, dès lors que la présentation de cette
dernière vaut notification145. Pour avoir force exécutoire, une décision
juridictionnelle
nécessairement notifiée doit être soit revêtue de la formule exécutoire, soit exécutoire au vu de la
minute et, sauf hypothèse d‟exécution provisoire146, avoir force de chose jugée.
54. On peut donc distinguer entre autorité de chose jugée, force de chose jugée, force exécutoire et titre
exécutoire147. Théoriquement, dès son prononcé, toute décision du juge bénéficie de l'autorité de la
chose jugée, en ce que le juge qui l'a rendue est dessaisi de l'affaire. L'arrêt d'appel, par exemple,
qui a force de chose jugée dès son prononcé148, ne permet à son bénéficiaire de procéder à une
saisie que si une expédition revêtue de la formule exécutoire a été signifiée à la partie adverse.
Force de chose jugée et force exécutoire constituent deux notions distinctes, la première étant le
préalable à la seconde.
A force de chose jugée le jugement qui n‟est pas ou plus susceptible d‟un recours suspensif
d‟exécution149. Si un jugement est susceptible d‟un tel recours, il acquiert la même force à
l‟expiration du délai du recours si ce dernier n‟a pas été exercé dans le délai150. A force exécutoire
le jugement revêtu de la formule exécutoire, notifié et passé en force de chose jugée151. Il est
susceptible de faire l‟objet d‟une exécution forcée dans les conditions prévues par la loi152.
ii) Les actes, jugements étrangers et les sentences arbitrales
55. Les législateurs français et OHADA exigent en principe que ces titres soient revêtus de l‟exequatur.
Le nécessaire passage par l‟obtention de l‟exequatur rappelle que l‟arbitre ne dispose pas du
pouvoir d‟émettre un titre exécutoire, sa décision étant rendue au nom de la convention des parties
144 La minute est le nom donné à l‟original d‟un document d‟une juridiction ou d‟un officier public. Le mot vient de ce
qu‟à l‟époque ou les actes, particulièrement les jugements, étaient écrits à la plume, le rédacteur devait utiliser une
écriture fine pour éviter les problèmes d‟archivage. En principe, seule la minute du jugement était signée par le
juge et le greffier. La minute de l‟acte notarié était signée par le notaire, les parties et éventuellement les témoins.
Voir S. BRAUDO, Dictionnaire du droit privé, http://www.dictionnaire-juridique.com
145 Voir G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, Sirey, 14è éd., 2006, p.406. Voir aussi l‟article 503 al. 2 du CPC.
146 Quand le jugement bénéficie de l'exécution provisoire, la force exécutoire est cependant spécialement acquise
nonobstant l'existence ou l'exercice de l'appel ou de l'opposition (articles 514 et s. CPC, article 32 de l‟AUVE).
147 Voir R. PERROT, RTD civ. 1991, p. 410.
148 Voir TPI Douala, ordonnance n°1283 du 19 septembre 2001, aff. Nkeyip c./ Air Afrique, Juridis Périodique n°54,
pp. 37- 47, obs. Me Laurent TAFFOU DJIMOUN, « Attendu que suivant les principes généraux de droit, le
pourvoi n’a pas d’effet suspensif sauf en matière de divorce … qu’en l’espèce, l’arrêt de la Cour d’Appel du
Littoral n°531/S du 25 août 1993, en condamnant la Cie Air Afrique à payer… est devenu définitif ». Il convient
également de rappeler que la requête civile qui sanctionne une erreur de fait constitue une voie de recours
extraordinaire comme le pourvoi. Elle ne suspend pas l‟exécution. L‟article 238 du CPCC dispose à cet égard que
« la requête civile n’empêchera pas l’exécution du jugement attaqué ; nulles défenses ne pourront être
accordées ».
149 Soit toutes les voies de recours à effet suspensif sont épuisées; soit les délais impartis pour les exercer ont expiré.
C‟est aussi le cas lorsque le jugement a fait l'objet d'un acquiescement car il « emporte (...) renonciation aux voies
de recours », voir article 409 du CPC)
150 Voir l‟article 500 du CPC.
151 Voir l‟article 501 du CPC.
152 Voir les articles 502 et s. du CPC.
31
et non du peuple153. Il en est de même des jugements étrangers qui ne sont pas rendus au nom du
peuple du lieu où l‟exécution forcée est sollicitée. Cette exigence figurait déjà à l‟article 286 du
CPCC.
56. Il convient toutefois de relever un fait : les actes et décisions juridictionnelles étrangers doivent, au
préalable, être admis en droit interne camerounais par la voie de l‟exequatur ; cette procédure n‟est
plus exigée pour certains titres en droit français lorsqu‟ils ont été établis dans l‟Union européenne.
Certes, l'article 3 al. 2 de la loi française du 9 juillet 1991 vise bien « Les actes et les jugements
étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible
d'un recours suspensif d'exécution » : il faut remarquer que ce texte n‟exige pas, par exemple,
expressément, qu‟il appartiendra au juge français de déclarer exécutoire le titre étranger.
En revanche l'article 33 al. 2 de l'AUVE, qui s‟applique dans tous les Etats-parties à l‟OHADA,
précise que cette décision doit émaner du juge de l‟Etat dans lequel le titre est invoqué. Il cite les
« actes et décisions juridictionnelles étrangères, ainsi que les sentences arbitrales déclarés
exécutoires par une décision juridictionnelle, non susceptible d'un recours suspensif d'exécution de
l'Etat dans lequel le titre est invoqué ».
57. En droit OHADA on peut se poser la question de savoir si la notion d‟extranéité est utilisée par
rapport à chaque Etat à l‟intérieur de la zone OHADA ou par rapport, exclusivement, aux Etats hors
OHADA. Ceci afin de savoir si certains de ces titres pourraient échapper à la procédure
d‟exequatur. Mais le législateur OHADA ne donne aucune précision sur ce qui est « étranger » au
sens de l‟AUVE.
58. Contrairement au titre exécutoire d‟origine juridictionnelle qui doit être signifié aux parties154, le
titre exécutoire d‟origine conventionnelle acquiert immédiatement force exécutoire sans avoir
besoin d'être notifié, parce qu‟il a été voulu et accepté par les parties.
b) Les titres exécutoires d'origine contractuelle
Certains contrats constituent des titres exécutoires notamment lorsque, lors de leur formation, les
parties font intervenir certaines autorités délégataires d'une parcelle de la puissance publique. Dans
la loi du 9 juillet 1991 et l‟AUVE du 10 avril 1998, les législateurs français et OHADA évoquent
les procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ainsi que les actes notariés revêtus
de la formule exécutoire.
153 Voir M.-C. RIVIER, « L‟arbitrage et le droit des procédures civiles d‟exécution », Droit et procédures, n°4, 2005, p.
198.
154 Voir l‟article 680 du CPC.
32
i) Les procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties
59. L'intégration des procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties parmi les titres
exécutoires marque l'importance que le droit accorde aux modes alternatifs de résolutions des
litiges155. En cours d'instance156, les parties qui se réconcilient d'elles-mêmes ou à l'initiative du
juge157 peuvent, d‟un commun accord158, demander à ce dernier de signer un procès-verbal
constatant leur accord. Ces procès-verbaux, signés du juge et des parties, constituent des titres
exécutoires159. Ils résultent de la volonté des parties qui, ayant convenu elles-mêmes de la solution à
leur litige, ne font appel au juge que pour leur donner force exécutoire.
60. Dans certains cas, notamment en matière sociale160 ou de procédure de divorce161, le préalable de la
conciliation est obligatoire. En ce qui concerne la matière sociale, la Cour de cassation162 pose le
principe selon lequel la phase obligatoire de l'instance prud‟homale implique une participation
active des conseillers à la recherche d'un accord qui préserve les intérêts de chacune des parties en
veillant qu'elles soient correctement informées de leurs droits respectifs. La sanction du non-respect
de ce principe serait la nullité du procès-verbal qui se trouverait alors privé de tout effet exécutoire.
Toutefois, en posant une condition supplémentaire à la validité du procès-verbal obtenu lors de la
conciliation devant le bureau de conciliation en matière prud'homale, cet arrêt de la Cour de
cassation du 28 mars 2000, « fragilise la force exécutoire de ce titre »163. Il convient de relever, à
cet égard, qu'à la différence des jugements et « parce que la teneur de ces titres a été voulue et
acceptée par les parties, ils acquièrent immédiatement force exécutoire sans avoir besoin d'être
notifiés »164.
61. Cependant, étant donné que, selon la loi, le procès-verbal doit être signé du juge et des parties (en
droits OHADA et français), il s‟est posée la question de savoir quel sort serait réservé à un procès-
verbal signé par l‟inspecteur du travail, l‟employeur, ainsi que le ou les représentants des salariés, à
la suite d‟un différend individuel ou collectif du travail165. L‟inspecteur du travail n‟est pas un juge.
155 Dès 1975, l'article 21 du CPC affirmait qu'il entre dans la mission du juge de concilier les parties.
156 La transaction se fait en principe en dehors de l'instance ou de tout procès.
157 Article 127 à 131 du CPC.
158 Les parties qui se réconcilient sollicitent ensemble le procès-verbal alors que, s'agissant de la transaction, une partie
peut solliciter toute seule et par requête l'homologation du président du TGI.
159 L'article 3 al.3 de la loi française du 9 juillet 1991, retient que les « extraits de procès-verbaux de conciliation...»
valent titres exécutoires.
160 C‟est l‟exemple du procès-verbal signé par le juge et les parties dans la tentative de conciliation préalable à une
saisie des rémunérationss (voir articles 179 à 182 de l‟AUVE).
161 Voir article 234 du Code civil camerounais
162 Cass.soc. 28 mars 2000, n°97-42.419, D.2000, juris. p.537, obs. SAVATIER
163 S. GUINCHARD et T. MOUSSA, Droit et pratique des voies d'exécution, Paris Dalloz Action, 2004-2005, n°123-
11.
164 R. PERROT et Ph. THERY, Procédures civiles d'exécution, Dalloz, 2è éd. 2005, n°308, p. 326.
165 Voir articles 139, 158 et 159 de la loi n°92/007 du 14 août 1992 portant Code du travail au Cameroun, Juridis
Périodique n°12, 1992, pp.7 et s. commentaires P.-G. POUGOUE, cité par F. ANOUKAHA, « Le juge du
33
C‟est pourquoi l‟article 39 al.3 du Code du travail camerounais précise que le procès-verbal qu‟il
signe « … devient applicable dès qu’il a été vérifié par le président du tribunal compétent et revêtu
de la formule exécutoire ».
Cette vérification, lorsqu‟elle est suivie de l‟apposition de la formule exécutoire, confère au procès-
verbal initialement signé par l‟inspecteur du travail et les parties, la qualité de titre exécutoire. On a
même relevé qu‟en procédant à la vérification de ce procès-verbal, le juge saisi « s’approprie en le
« judiciarisant » ce titre et l’élève au rang d’une décision définitive »166. Ainsi la connaissance des
difficultés d‟exécution d‟une créance liquide et exigible inscrite dans ce titre relève de la
compétence du juge du contentieux de l‟exécution.
62. Pour encourager la procédure de conciliation quelle que soit la nature du litige, l'accord pouvant
aboutir à un procès-verbal de conciliation devrait pouvoir intervenir, à la demande des parties, quel
que soit le stade de l'instance. C'est déjà le cas en droit français où l'accord peut intervenir devant le
juge, quel que soit le stade de l'instance prud'homale167. C'est encore le cas depuis le décret n° 78-
381 du 20 mars 1978168 qui permet au juge d'instance d'entériner la conciliation des parties dans un
acte de nature contractuelle169.
63. La mise en place de conciliateurs de justice170 serait également bienvenue en droit camerounais.
Leur intervention, en lieu et place d'un juge, supposerait, en principe, l'accord de toutes les
parties171. En droit français, le décret n°2003-542 du 23 juin 2003 élargit le champ d'application de
contentieux de l‟exécution des titres exécutoires : Le législateur camerounais persiste et signe … l‟erreur », Juridis
Périodique n°70, 2007, p. 35.
166 F. ANOUKAHA, « Le juge du contentieux de l‟exécution des titres exécutoires : Le législateur camerounais persiste
et signe … l‟erreur », op.cit. p.36; Voir Cour suprême, arrêt n°64/S du 5 mai 1994, inédit.
167 Voir A. SUPIOT, Droit du travail, t. 9, « Les juridictions du travail », Paris, Dalloz, 1987, n°580 et s. pp.539 et s;
qui relève que le code de travail français contient des dispositions relatives à l' « entérinement de la conciliation ».
Voir Code du travail français articles: R 516-13; R 516-14; R 516-42; R 516-27; R 516-33 al.2; R516-41.
168 L'article 9 dispose que « dès lors que les parties en expriment la volonté dans un acte constatant leur accord, le juge
d'instance... peut donner force exécutoire à l'acte exprimant cet accord ».
169 Lamy Droit de l'exécution forcée, éd. Lamy, avril 2007, n° 210-35.
170 Voir loi française n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l‟organisation des juridictions et à la procédure civile,
pénale et administrative, décrets n°96-652 du 22 juillet 1996 et n° 96-1091 du 13 décembre 1996 qui élargissent en
France les hypothèses de conciliation par l'entremise, notamment des conciliateurs de justice. Ces textes prévoient
en plus la possibilité pour tout juge saisi d'un litige, de désigner, avec l'accord des parties, un médiateur chargé
d'entendre celles-ci et de confronter leurs points de vue afin de parvenir à une solution amiable de leur conflit. En
cas d'accord, les parties peuvent solliciter l'homologation de celui-ci, auprès du juge initiateur de la médiation, afin
qu'il lui soit conféré force exécutoire. Cette approche ne remet pas en cause la nature contractuelle de la solution
du litige. Voir, art. 131-1 à 131-15 du CPC.
171 A défaut d'accord, la loi française n°2002-1138 du 9 septembre 2002 prévoit qu'il peut leur être enjoint de rencontrer
un conciliateur. Un al. 3 ajouté à l'article 829 du CPC est ainsi rédigé : « Faute d'accord des parties pour procéder
à une tentative de conciliation, le juge, par décision insusceptible de recours, peut leur enjoindre de rencontrer un
conciliateur qu'il désigne à cet effet, chargé de les informer sur l'objet et le déroulement de la mesure de
conciliation ».
34
la conciliation. La conciliation est applicable172 aussi bien devant le tribunal d'instance que devant
la juridiction de proximité173.
S'agissant des litiges pendants devant le TGI, l'al. 2 de l'article 768 du CPC, issu du décret n° 2005-
1678 du 28 septembre 2005 indique que lorsque les parties parviennent à une conciliation en cours
d'instance, le juge de la mise en état174 homologue, à leur demande, l'accord qu'elles lui soumettent.
Cette homologation lui confère force exécutoire175.
64. Dans le droit des voies d'exécution et le droit des procédures collectives, le législateur prescrit
parfois une procédure facultative ou obligatoire de conciliation. Dans l'ensemble des cas où la
tentative de conciliation aboutit, le procès-verbal de conciliation est exécutoire s'il a été signé par le
juge et les parties176. Etant donné que l'intervention du juge ne confère pas au procès-verbal
l'autorité de la chose jugée, aucun recours n'est en principe ouvert à l'encontre de ce titre.
L'opération conserve son caractère contractuel177 qui justifie également la force exécutoire de l‟acte
notarié.
ii) Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire
65. Depuis la loi du 25 ventôse an XI, les actes notariés ont, au même titre que les jugements et arrêts,
force exécutoire de plein droit178. Il est également admis que la reconnaissance par le notaire et la
conservation au rang de ses minutes des actes sous seing privé (reconnus sincères par les parties),
mettent ces actes à l‟abri de toute altération et leur confèrent force exécutoire179 au même titre qu'un
acte notarié proprement dit180.
Ainsi, une fois revêtu de la formule exécutoire, un contrat passé devant notaire ou authentifié par ce
dernier, constitue un titre exécutoire. A la différence du contrat non authentifié, l‟acte notarié revêtu
172 Voir décret français n°2003-542 du 23 juin 2003 et CPC, art. 829 al.3. L'accord obtenu sous l'égide du juge
d'instance, du juge de proximité ou du conciliateur de justice délégué constitue un constat signé des deux parties
susceptible d'être soumis à l‟homologation du juge. Ce dernier ne fait qu'authentifier l'accord des parties. Il lui
donne force exécutoire, sans prononcer un acte juridictionnel. Voir, art. 830 du CPC.
173 Selon la loi n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité, les juges de proximité ne sont pas des
magistrats de carrière. Ce sont des juges recrutés à titre temporaire et qui assurent un certain nombre de vacations,
le cas échéant concomitamment à leur activité professionnelle. Sous réserve des règles dérogatoires qu'impose le
caractère temporaire et intermittent de leurs fonctions, ils sont soumis aux dispositions du statut de la magistrature.
174 C‟est-à-dire le juge en charge de l'instruction, en matière non pénale, devant le TGI en France.
175 Voir S. AMRANI-MEKI, E. JEULAND, Y.-M. SERINET, L. CADIET, « Le procès civil à son point d'équilibre ? A
propos du décret « procédure » », JCP G 2006, I, 146, n°8.
176 L'article 130 CPC impose, de façon générale, que le procès-verbal soit signé du juge (ou des conseillers) compétent
et des parties. Il interdit que l'on puisse se contenter du registre d'audience tenu par le greffier ou de la seule
signature du juge.
177 L'acte pourrait ainsi perdre sa force exécutoire pour des raisons de fond. Par exemple, sa remise en cause par une
action en nullité (pour vices de consentement, non conformité à l'ordre public etc.). Voir Lamy Droit de l'exécution
forcée, avril 2007, n° 210-35
178 Voir P. BOUBOU, Le droit à la portée de tous, Guide juridique et pratique, Douala, Ed. Avenir, 2è éd. 2001, p. I-
132.
179 En plus de la force probante qui permet à l'acte notarié de faire foi jusqu'à inscription de faux.
180 Voir P. BOUBOU, op.cit.
35
de la formule exécutoire permet directement au créancier de poursuivre l‟exécution de sa créance. Il
peut mettre en œuvre les mesures conservatoires sans s‟exposer aux longueurs d‟un procès. L‟acte
notarié procure ainsi une plus grande sécurité au créancier.
66. Il convient toutefois de signaler la fragilité d‟un contrat sous seing privé ou d‟un acte notarié. Il ne
faut pas confondre l'acte notarié susceptible de valoir titre exécutoire avec les actes établis, certes
par un notaire, mais en un seul exemplaire puis remis aux parties ; ou encore avec ceux simplement
déposés chez ce dernier. Ne peut constituer un titre exécutoire181, permettant de procéder
directement à l'exécution forcée, que l'acte initialement établi en minute devant notaire ou déposé au
rang des minutes de celui-ci182. Cet acte doit impérativement être revêtu de la formule exécutoire183.
Un contrat non authentifié par un notaire et par conséquent non revêtu de la formule exécutoire ne
constitue pas un titre exécutoire. En cas d‟inexécution, une décision du juge est nécessaire pour
pouvoir procéder à l‟exécution forcée. Ainsi, le juge ou l‟arbitre saisi pourra procéder soit à la
révision d‟une clause pénale, soit à la modification du prix, soit à la substitution d‟une clause à une
autre, soit à la neutralisation d‟une clause résolutoire, au réaménagement de la dette pour ne citer
que ces exemples. Il peut aussi, non pas ordonner l‟exécution du contrat, mais condamner le
contractant sur la base de l‟article 1142 du Code civil, à des dommages et intérêts. Dès lors c'est la
décision du juge qui constitue un titre exécutoire et non le contrat originaire.
67. Dans certaines matières, il peut y avoir danger à admettre l'exécution forcée d'un contrat notarié
revêtu de la formule exécutoire, sans aucun contrôle judiciaire préalable184. Ainsi un titre notarié ne
saurait fonder une expulsion étant donné que la loi exige une décision de justice ou un procès-verbal
de conciliation signé par les parties et entériné par le juge185. Un bail notarié contenant une clause
résolutoire de plein droit serait insuffisant186 pour fonder une expulsion.
68. Cependant, hormis ces cas spécifiques, il est apparu superflu d'exiger encore du créancier qu'il fasse
vérifier sa créance par un juge alors que l'existence et le montant de celle-ci avaient régulièrement
181 Il consiste en une copie de l'original de l'acte ou minute que le notaire certifie conforme et revêt de la formule
exécutoire. Cette copie exécutoire est délivrée à chacune des parties. Voir l‟article 1439 CPC.
182 Lamy Droit de l'exécution forcée, éd. Lamy, avril 2007, n° 210-40.
183 Cass.civ.2è, 28 juin 2006, n° 04-17.514, Bull.civ. II, n°178; L'article 1er du décret n°47-1047 du 12 juin 1947 relatif
à la formule exécutoire et l'article 502 du CPC exigent l'apposition de la formule exécutoire sur les « grosses et
expéditions des contrats et de tous les actes susceptibles d'exécution forcée ».
184 Voir P. ANCEL, « Exécution des contrats et exécution des décisions de justice », in L’Exécution Colloque 1999,
op.cit. pp. 9 et s.
185 Voir art. 61 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991.
186 Voir J.-P. FAGET, « Le bail notarié n'est pas admis comme titre exécutoire permettant l'expulsion », La Revue des
Huissiers de justice, 1999, p. 773; même une transaction homologuée en application de l'article 1441-4 CPC ne
peut fonder une expulsion, voir RTD civ. 2001, p.213, obs. R. PERROT; Droit et procédures 2001, p.122, note J.-
J. BOURDILLAT.
36
été, sur recours des parties187, constatés par un notaire188. La règle se justifie par le statut des
notaires, officiers publics et ministériels, présentant en principe des garanties de fiabilité et de
sécurité pour les parties qui ont recours à leur ministère et à qui l'Etat délègue une parcelle de ses
prérogatives de puissance publique189.
C‟est en qualité d‟officier, donc investi du sceau de l‟Etat, que le notaire confère l‟authenticité à un
acte. On a décidé que l‟acte notarié constitue un titre exécutoire autorisant les poursuites de saisie
immobilière190. De même, la grosse en forme exécutoire d‟une convention de compte courant avec
affectation hypothécaire constitue un titre exécutoire pouvant permettre une saisie immobilière, à
condition que la créance soit liquide et exigible191. Mais il convient de ne pas assimiler le jugement
à l‟acte notarié.
69. La force exécutoire du jugement trouve son fondement dans la décision d'une autorité publique, qui
est imposée aux parties, particulièrement au débiteur, et doit lui être notifiée. La force exécutoire de
l‟acte notarié se trouve dans la volonté des parties, authentifiée par un officier public. Dès lors, non
seulement la copie exécutoire n'est pas susceptible des voies de recours ouvertes contre les
jugements, mais le préalable de la notification ne se justifie davantage. La signature des parties tient
lieu de signification et elles ne peuvent ignorer l‟existence de l'acte.
70. Bien que plus sécurisant qu‟un simple contrat et parfois préféré aux décisions de justice du point de
vue de la célérité, l‟acte notarié constitue aussi un fondement beaucoup plus fragile aux opérations
d‟exécution qu‟un jugement. Le titre notarié n‟est pas un titre exécutoire comme les autres192. Des
contestations peuvent naître au stade de l‟exécution, s‟agissant de la validité193 de l‟acte servant de
support au titre exécutoire mais aussi, s‟agissant du contenu194 de l‟acte donnant lieu à exécution. Il
est possible de remettre en cause, devant le juge du fond, la force exécutoire d‟un titre notarié soit
en contestant son authenticité par une procédure d‟inscription de faux, soit en contestant la validité
de l‟acte juridique qu‟il constate.
71. Qu‟en est-il des titres exécutoires dits spéciaux ?
187 On suppose que les parties, conscientes qu'elles ont créée un titre exécutoire, ont pleinement conscience de leurs
obligations.
188 Voir R. PERROT, « Le titre exécutoire et son actualité jurisprudentielle », LPA, 22 déc. 1999, n° 254, pp. 4 -14.
189 Voir M. DAGOT, « La force exécutoire de l'acte notarié », LPA 6 janvier 1993, n°3, p. 23; J.-J. BOURDILLAT, le
titre exécutoire notarié: le consensus exécutoire, La Revue des Huissiers de justice 1994, p. 679.
190 Cass.com. 21 mars 2006, n°05-10.451 : Juris-Data n°2006-035836.
191 Voir CCJA, arrêt n°013 du 18 mars 2004, affaire F.c/SGBC, Rec. Juris. CCJA, n°3, jan.-juin 2004, p.101.
192 R. PERROT, obs. sous Cass.civ. 16 juin 1995, RTD civ 1995, p. 692.
193 L'acte peut alors perdre sa force exécutoire ou même ne jamais l'acquérir alors même qu'il aurait pris la forme d'une
copie exécutoire.
194 Soit que la créance constatée ne justifie pas une saisie, soit qu'elle ne remplit pas les conditions de certitude, de
liquidité ou d'exigibilité, soit que la combinaison ou la portée de certaines de ses clauses font douter de son
existence et de sa liquidité; voir, TI Amiens, 7 sept. 1995, Revue des Huissiers 1995, p. 1397.
37
c) Les titres exécutoires spéciaux
On peut distinguer les décisions auxquelles la loi nationale de chaque Etat ou Etat-partie attache les
effets d‟une décision judiciaire (i) des titres exécutoires qui figurent dans d‟autres textes (ii).
i) Les titres délivrés par les personnes morales de droit public et les décisions auxquelles la loi nationale
attache les effets d'une décision judiciaire
72. S'agissant des créances publiques, l‟administration publique dispose de voies de recouvrement
qu'elle peut mettre en œuvre sans passer par le juge (privilège du préalable). Il n'en a pas toujours
été ainsi. L'article 3 al. 6 de la loi française qui indique que les titres délivrés par les personnes
morales de droit public qualifiées comme telles par la loi ou les décisions auxquelles la loi attache
les effets d'un jugement constituent des titres exécutoires, est le résultat d'un processus législatif et
jurisprudentiel195.
73. L‟article 98 de la loi française n°92-1476 du 31 décembre 1992 précise que « constituent les titres
exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de
recettes que l’Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d’un comptable
public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu’ils sont habilités à recevoir ».
Un arrêt de la Cour de cassation reconnaît que les établissements publics communaux peuvent se
délivrer des titres exécutoires, « sans distinction selon les activités pour lesquelles ils sont
effectivement habilités »196.
Le titre est donc le fait de l'ordonnateur et non d'une juridiction administrative. Ainsi le caractère
exécutoire des actes qui émanent de l'administration repose sur les prérogatives de puissance
publique dont elle est nantie ainsi que sur la nature des missions dont elle a la charge. Il en est de
195 Voir Y. GAUDEMET, « Exécution forcée et puissance publique : Les prérogatives de la puissance publique pour
requérir l'exécution », RDC, février 2005 pp. 133-139. Au cours du XIXe siècle, de nombreux textes consacrent la
possibilité d‟émettre des actes exécutoires de recouvrement sur le modèle de l'arrêté de débet et s‟étendent
progressivement à tous les débiteurs de l'administration. Pour les communes, l'article 63 de la loi municipale du 18
juillet 1837 devenu l'article 154 de la loi du 5 avril 1884 et repris dans les codifications successives; pour les
départements, la loi du 10 mai 1838 reprise sur ce point par l'article 64 de la loi du 10 août 1871; pour les hôpitaux
et hospices, l'article 13 de la loi du 13 août 1851; pour l'Etat, l'article 54 de la loi du 13 avril 1898 qui dispose que
« les états exécutoires arrêtés par le ministre formant titre de perception des recettes de l'Etat qui ne comportent
pas, en vertu de la législation existante, un mode spécial de recouvrement ou de poursuite, ont force exécutoire
jusqu'à opposition de la partie intéressée devant la juridiction compétente »; pour les établissements publics dotés
d'un comptable public, disposition générale du décret du 30 octobre 1935. Ce mouvement législatif s'accompagne
d'une jurisprudence active qui conduit à la décision « préfet de l'Eure », selon laquelle l'administration ne doit pas
demander au juge de prononcer des mesures qu'elle peut prendre elle-même. (CE, 30 mai 1913, S. 1915, p. 9, note
HAURIOU ; dans le même sens, CE, 24 mars 1978, société La Quinoléine, Rec. p. 155; 18 mai 1988, Toulouse,
Rec. p. 939). Le décret français n°92-1369 du 29 décembre 1992, modifiant celui du 29 décembre 1962
(notamment l'article 85), supprime la distinction opérée entre l'ordre de recette et l'état exécutoire, titre de
perception rendu exécutoire qui permettait le recouvrement forcé. Il dispose que « les ordonnateurs rendent
exécutoires les titres de perception qu'ils émettent » ; ce qui veut dire que tous les titres de perception sont rendus
exécutoires par les ordonnateurs dès leur émission.
196 Cass.civ. 1ère, 9 mai 1996, note LIANCE, DA 1996, n° 421 ; voir aussi Y. GAUDEMET, RDC, op.cit. p. 140.
38
même de l‟avis de mise en recouvrement, titre exécutoire émis par la Direction nationale du
renseignement et des enquêtes douanières197.
Les actes pris par l'autorité administrative198 pour faire exécuter un contrat ou pour se faire payer
bénéficient du privilège du préalable199 (car son vis-à-vis est rendu débiteur sans intervention du
juge), ainsi que de celui de l'exécution d'office200 (à travers la mobilisation des voies de droit pour
recouvrer la créance, notamment l'exécution forcée). Toutefois, la garantie du débiteur ou du
cocontractant est double. Il s‟agit d'une part de sa faculté d'opposition à l'exécution s'il conteste
l'existence, le montant ou l'exigibilité de la créance201 ; et d'autre part de l'opposition aux poursuites
s'il conteste la validité des actes de poursuite ou le recours à l'exécution forcée.
74. Dans l'AUVE, le législateur s'inscrit dans la logique de son homologue français, en rendant
exécutoire les décisions auxquelles la loi nationale de chaque Etat-partie attache les effets d'une
décision judiciaire202. En revanche il ne cite pas les titres délivrés par les personnes morales de droit
public qualifiés comme tels par la loi. Pourtant, les législations nationales en font des titres
exécutoires, qu‟ils émanent de l'administration ou de ses démembrements.
En droit camerounais on peut citer l'avis de mise en recouvrement du programme de sécurisation
des recettes forestières pour l'acquittement des droits, redevances et taxes relatifs à l'activité
forestière203 et les décisions des commissions provinciales et nationales de la prévoyance sociale204.
197 Cass.com. 6 mai 2008, arrêt n°553, pourvoi n°07-12.567, Lettre Droit et procédures, juin 2008, http://www.editions-
ejt.com.
198 En matière contractuelle l'administration a la possibilité de renoncer au procédé de l'état exécutoire et saisir le juge
compétent en vue d'obtenir un titre exécutoire. Voir Y. GAUDEMET, RDC, op.cit.p. 141). Mais s'agissant d'une
demande tendant à la condamnation d'un tiers à lui payer une somme dont elle est créancière, une personne
publique n'est pas recevable à saisir un juge quel qu'il soit, depuis 1913 et ceci du fait du privilège dont elle a le
bénéfice. Ce principe est valable tant dans le contentieux général pour le recouvrement des créances que pour le
contentieux fiscal.
199 La personne publique ne pourrait pas renoncer à son privilège d'émettre des états exécutoires même lorsque le
débiteur serait lui-même une personne publique. Voir V. HAIM, « Les créances publiques et le privilège du
préalable », D. 1994, chron. p. 217.
200 Erigé au rang de « règle fondamentale du droit public » depuis l'arrêt CE, 2 juillet 1982, Huglo et autres, A.J.D.A.,
1982, BIANCARELLI, note LUKASZEWICZ, p.657 et s.
201 En saisissant le juge compétent en fonction de la nature et du montant de la créance.
202 En vertu de l‟article 33 al.5 de l‟AUVE. Notamment la contrainte de l‟administration fiscale, en ce que la loi
nationale lui attache les effets d‟une décision de justice. Voir, TPI Dschang, ord. de référé n° 1/ADD du 06
oct.2003, Dame Tassi Valentine c/ Le Receveur provincial des impôts de l‟Ouest à Bafoussam et Yemele Emile,
Ohada.com/Ohadata J-O5-113, cité par N. DIOUF in J. ISSA-SAYEGH, P.-G. POUGOUE, M.F. SAWADOGGO
(sous la dir.), Traité et Actes uniformes commentés et annotés, 3è éd. Juriscope 2008, article 33, p.776. Il convient
de noter que selon la CCJA (arrêt n°009/2008 du 27 mars 2008, Scté Cote d‟Ivoire Télécoù c/ Scté Loteny
Télécom), les décisions dont-il s‟agit à l‟article 33 al.5 de l‟AUVE sont celles qui mettent fin au contentieux.
203 Cf. décret camerounais n° 2001/103/PM du 27 novembre 2001 fixant les règles d'assiettes et les modalités du
recouvrement et du contrôle des droits, redevances et taxes relatifs à l'activité forestière, article 17.
204 En droit camerounais, cf. l'article 10 al. 5 de l'Ordonnance n° 73/13 du 22 mai 1973 portant organisation de la
prévoyance sociale, modifié par la loi n° 2001/017 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de
recouvrement des cotisations sociales dont l'article 2 prévoit que les cotisations dues à l'organisme de prévoyance
sociale par les employeurs sont émises, liquidées et recouvrées par l'administration fiscale, dans les mêmes
conditions et délais que ceux prévus par le code général des impôts.
39
Il a été jugé que « le contentieux de la prévoyance publique obéit à un régime spécial dérogatoire
du droit commun; qu'en cette matière et conformément aux dispositions de l'article 10 al. 5 de
l'Ordonnance n° 73/13 du 22 mai 1973 portant organisation de la prévoyance sociale (...) l'appel
des décisions des commissions nationales ou provinciales n'a pas d'effet suspensif ; que cette
contrainte, bien qu'elle ne soit pas une décision juridictionnelle, constitue une décision à laquelle la
loi nationale (...) attache les effets d'une décision judiciaire et de ce fait constitue un titre exécutoire
au sens de l'article 33 al. 5 de l'AUVE ; que dès lors elle peut servir de fondement à toute saisie, y
compris la saisie-vente »205.
On peut aussi citer les avis de mise en recouvrement dressés par les receveurs des impôts en vue du
paiement des impôts, droits et taxes, lorsque les déclarations des contribuables n'ont pas été
accompagnées de moyens de paiement. Il en est de même des contraintes émises par leurs soins en
vue du recouvrement des sommes liquidées par l'administration fiscale sur déclaration non
liquidative des contribuables ou à la suite d‟un contrôle. L'avis de mise en recouvrement ainsi
dressé est rendu exécutoire par le visa du chef de centre des impôts territorialement compétent206. Si
l'exécution est poursuivie au préjudice d'un contribuable qui bénéficie d'un sursis de paiement de
ses impositions, la mesure doit être considérée comme diligentée sans titre exécutoire207.
Enfin on peut citer les contraintes émises en vue du paiement de certaines taxes communales
indirectes, à l'instar de la taxe d'abattage, des droits de place, des droits d'occupation temporaire de
la voie publique, des droits de fourrière208 et les contrats passés avec les tiers, spécialement ceux
créant à leur charge, une obligation de payer, notamment les frais d'hospitalisation dans un
établissement hospitalier public, les loyers dus à un organisme public.
ii) Les titres exécutoires figurant dans d’autres textes
75. Certaines dispositions législatives ou réglementaires prévoient la délivrance d‟autres titres
exécutoires.
C'est le cas du décret français n° 2006-936 du 27 juillet 2006 relatif aux procédures de saisie
immobilière et de distribution du prix d'un immeuble, qui prévoit la délivrance du titre exécutoire à
divers moments de la procédure de distribution du prix209. Il s‟agit notamment du bordereau de
205 TPI Dschang, ord. n° 12 du 12 avril 2001, Edok-Eter c/ CNPS, Juridis Périodique n° 48, 2001 p. 67.
206 Cf. article L 53 al. 2 du livre des procédures fiscales.
207 Cour suprême du Cameroun, ord. n°11/ORE/PCA/83-84, Ets. Nziko André c/ Etat du Cameroun, inédit
208 En droit camerounais, un décret n° 2002/2175/PM du 20 décembre 2002 fixe en ses articles 5, 10, et 17, les taux
maxima et les modalités de recouvrement de certaines taxes communales. En général ces droits et taxes sont
liquidés sur place par un agent de la commune et reversés, dans le délai de 24 heures, dans la caisse du receveur
municipal.
209 H. CROZE et Ch. LAPORTE, « décret du 27 juillet 2006 relatif aux procédures de saisie immobilière et de
distribution du prix d'un immeuble », JCP G 2006, Actualités n°43: Le juge de l'exécution confère force exécutoire
au projet de distribution du prix lorsque celui-ci n'est pas constaté (art.117) ; En cas de contestation, une réunion
40
collocation délivré à un créancier à l'issu d'une procédure d'ordre210 qui, selon l'article 168 du
décret, est exécutoire « contre l'adjudicataire ou contre la caisse de consignation ».
Le décret français n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 autorise également le juge à délivrer,
automatiquement, un titre exécutoire à l'expert pour le recouvrement de ses honoraires211. Selon
l'article 707 du CPC, le certificat de vérification des dépens212 dressé par le greffe de la juridiction
concernée pourrait avoir la valeur d'un titre exécutoire, s'il est revêtu de la mention de l'absence de
contestation de l'adversaire.
76. Dans le contexte OHADA il convient, en plus des titres délivrés par toute administration publique
camerounaise, de citer les titres de contrainte délivrés par certaines banques auxquelles le
législateur a accordé un privilège du Trésor213. Il s‟agit notamment214, des titres émis par la Banque
Camerounaise de Développement (BCD)215 ; le Fonds de Garantie et d‟Appui aux Petites et
Moyennes Entreprises (FOGAPE)216 ; certaines banques217 (telles la BICIC, la BIAOC, la Chase
Bank, Paribas, la BCCC, la Boston Bank) ; l‟Office National des Ports du Cameroun (ONCP)218 et
la Société Camerounaise de Recouvrement (SRC)219.
En droit français on constate une extension quantitative des titres exécutoire.
2- L’extension quantitative des titres exécutoires en droit français
77. Hormis le titre exécutoire européen et le jugement d‟adjudication220 qui constituent des titres
exécutoires, l‟une des particularités du droit français est d‟avoir reconnu cette qualité aux
des créanciers est organisée et le juge de l'exécution peut donner force exécutoire à l'accord qui interviendrait (art.
118-119). A défaut de procès-verbal, le juge de l'exécution est saisi d'une procédure de distribution judiciaire (art.
122 à 124).
210 Voir l'article 770 al. 1er du Code de procédure civile (encore applicable à certaines procédures en vertu de l'article
168 (dispositions transitoires) du décret français n° 2006-936 du 27 juillet 2006 relatif aux procédures de saisie
immobilière et de distribution du prix d'un immeuble.
211 Alors qu'avant, l'expert devait en faire la demande. Voir article 284 CPC.
212 « Les dépens [on peut trouver la liste à l‟article 695 CPC] peuvent être définis comme les frais juridiquement
indispensables à la poursuite du procès et dont le montant fait l’objet d’une tarification, soit par voie
réglementaire comme les émoluments des officiers publics ou ministériels, soit par décision judiciaire, ce qui est le
cas de la rémunération des techniciens investis d’une mesure d’instruction ». Voir L. CADIET et E. JEULAND,
Droit judiciaire privé, Paris, Litec, 5è éd. 2006, p. 34.
213 F. ANOUKAHA, « Le juge du contentieux de l‟exécution des titres exécutoires : Le législateur camerounais persiste
et signe … l‟erreur », Juridis Périodique n°70, 2007, p.36.
214 Toutefois, en dehors de la SRC et de la BICIC devenue BICEC, certaines de ces institutions n‟existent plus au
Cameroun.
215 Voir l‟ordonnance n°62/0F/31 du 31 mars 1962.
216 Voir la loi camerounaise n°86/010 du 5 juillet 1986.
217 Voir arrêté n°00090/MINEFI/DCE/DA du 3 janvier 1987.
218 Voir la loi camerounaise n°89/024 du 29 décembre 1989.
219 Voir la loi camerounaise n°93/012 du 22 décembre 1993.
220 La Cour de cassation avait jugé que le jugement d‟adjudication ne pouvait constituer le titre exécutoire permettant
l‟expulsion du locataire saisi car ce titre n‟avait aucun caractère contentieux. L‟adjudicataire devait introduire une
procédure d‟expulsion : voir Cass.civ. 2ème, 10 juillet 2003, Juris-Data n°2003-019923 ; JCP G 2004, II 10001,
note E DU RUSQUEC ; dans le même sens, Cass.civ. 2ème , 7 mars 2002, Juris-Data n°2002-013325, cités par
41
transactions soumises au président du TGI lorsqu‟elles ont force exécutoire (a), ainsi qu‟aux titres
délivrés par huissier de justice en cas de non-paiement d‟un chèque (b).
a) Les transactions soumises au président du TGI lorsqu'elles ont force exécutoire
78. Même si l‟article 2052 du Code civil français prête à la transaction l‟autorité de chose jugée en
dernier ressort, elle reste l‟expression de la volonté des parties qui peuvent en modifier les termes
par une nouvelle transaction écrite221. Cette catégorie de titres exécutoires, qui vise à encourager la
conclusion des transactions extrajudiciaires, a été insérée à l'article 3 al. 1 de la loi française du 9
juillet 1991, afin de prendre en compte une innovation222 introduite dans le CPC, par le décret n°98-
1231 du 28 décembre 1998.
79. En les mettant ensemble à l‟al. premier de l‟article 3, le législateur français semble placer sur un
même pied les transactions223 soumises au président du TGI et les décisions des juridictions de
l'ordre judiciaire, au point qu‟elles seraient toutes qualifiées de titres exécutoires « lorsqu'elles ont
force exécutoire ». Certains auteurs224 assimilent à un véritable jugement une transaction
homologuée en vertu de l‟article 1441-4 du CPC qui dispose que « le président du TGI, saisi sur
requête par une partie à la transaction, confère force exécutoire à l’acte qui lui est présenté ». La
transaction serait « juridictionnalisée » dès lors qu‟elle suppose de la part du président du TGI un
minimum de contrôle225.
Pourtant, dans un avis du 20 octobre 2000, la Cour de cassation précise que ce titre exécutoire ne
peut être assimilé à « une décision de justice ou à un procès-verbal de conciliation exécutoire »,
nécessaire pour parvenir à l'évacuation d'un immeuble ou d'un lieu habité226. En effet, il semble que
Encyclopédie des Huissiers de Justice, mise à jour au 8 janvier 2008, fasc. 10, n°4. Mais depuis l‟ordonnance
n°2006-461 du 21 avril 2006 réformant la saisie immobilière, l‟article 2210 du Code civil français fait du jugement
d‟adjudication un titre d‟expulsion à l‟encontre du saisi.
221 Voir P.-Y. GAUTIER, obs. sous Cass.civ. 1ère, 10 octobre 1995, RTD civ. 1996, p.144 ; Bull.civ. I, n°360.
222 Le nouvel article 1441-4 du CPC dispose que « le président du Tribunal de grande instance, saisi sur requête par
une partie à la transaction, confère force exécutoire à l'acte qui lui est présenté ». En principe, la compétence du
président devrait s'exercer sur les transactions extrajudiciaires conclues en l'absence de procédures engagées entre
les parties. Toutefois, il a été admis que le juge peut donner force exécutoire aux transactions qui surgissent en
cours d'instance. Voir CA, Paris, 22 sept. 1999, ANRTP c/ G., Procédures 2000, n° 5, p. 8, obs. R. PERROT ; Voir
aussi les articles 131-12 et 832-8 du CPC auxquels il convient d'ajouter, depuis le décret n° 2005-1678 du 28
décembre 2005, le nouvel article 768 du CPC qui permet au juge de la mise en état, d'homologuer l'éventuel accord
des parties intervenu en cours d'instance.
223 De nature contractuelle par leur origine.
224 Voir E. PUTMAN, obs. sous Civ. 1ère, 12 juillet 2007, Droit et procédures n°1, 2008, p.36.
225 Voir Y. DESDEVISES, « Les transactions homologuées : vers des contrats juridictionnalisables ? » Dalloz 2000,
chron. p.284 ; R. PERROT, « L‟homologation des transactions », Procédures 1999, chron. 10, p.3 ; G.
TAORMINA, « Brèves remarques sur quelques difficultés pratiques rencontrées dans le cadre de la procédure
d‟exequatur des transactions de l‟article 1441- 4 du NCPC », Dalloz 2002, chron. p.2353.
226 Cour de cassation, Avis n° 02-00.013, JCP G 2001, II, p. 438, n°10479, note Y. DESDEVISES ; RTD civ. 2001, p.
213, obs. R. PERROT; Droit et procédures, 2001, p. 122, note J.-J. BOURDILLAT. L'avis portait sur l'article 61
Loi n°91-650 du 9 juillet 1991 qui dispose que: « Sauf disposition spéciale, l'expulsion ou l'évacuation d'un
immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de
42
la mise en œuvre des voies de recours soit concrètement inadaptée. Une partie de la doctrine227
considère que l'homologation n'a pas un caractère juridictionnel, alors que l‟attribution, même en
appel228 de la force exécutoire est prise à l‟insu de l‟autre partie229.
Aussi la transaction a-t-elle une nature fondamentalement contractuelle. Il est difficile d'imaginer
(malgré l'utilisation du verbe « soumis ») que devant le président du TGI saisi sur requête, les
parties parviennent à un débat contentieux sur le contenu de l'accord. Sur la base des informations
qu'il recueille, le président du TGI accueille ou rejette la requête en homologation230.
80. Mais en soumettant les transactions homologuées aux mêmes règles de prescription que les
décisions des juridictions et les extraits des procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les
parties231, le législateur français semble confirmer leur assimilation.
Il s‟agit de faciliter la procédure en donnant « un coup de pouce judiciaire » aux parties en conflit
qui parviennent à la conclusion d'une transaction équilibrée et raisonnable. L'homologation fait de
la transaction un titre exécutoire et conforte les parties dans l'idée que leur litige est définitivement
résolu232. Toutefois, on peut encourager, pour la circonstance, une procédure sur requête conjointe
des deux parties ou prévoir une voie de recours, notamment la voie d‟opposition. Sous ces réserves,
il est souhaitable que le législateur OHADA ajoute à la liste de titres exécutoires, les transactions
homologuées par le président de la juridiction compétente.
b) Le titre délivré par l'huissier de justice en cas de non-paiement d'un chèque
81. Le législateur français, dans une logique qui pourrait se justifier par le fait que la qualité d'officier
ministériel du notaire est également reconnue à l'huissier de justice, donne pouvoir à ce dernier pour
délivrer un titre exécutoire en cas de non-paiement d'un chèque. Il s'agit de permettre au porteur
d'un chèque impayé d'obtenir rapidement un titre exécutoire contre le tireur, sans passer
nécessairement par un juge.
conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux. S'il s'agit de
personnes non dénommées, l'acte est remis au parquet à toutes fins ».
227 Lamy Droit de l'exécution forcée, éd. Lamy, avril 2007, n° 210-30.
228 Voir l‟article 496 du CPC. Voir: pour un appel, CA Paris 3èch. B 26 sept. 2003, Dalloz 2004, JP, p.1042, H.
KENFACK.
229 Toutefois l‟ordonnance du juge n‟est pas une mesure d'administration judiciaire à l‟abri de tout contrôle. Car, hormis
l‟appel pour le demandeur en cas d‟ordonnance de rejet, s‟il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer
au juge qui a rendu l‟ordonnance, afin qu‟il modifie ou rétracte celle-ci (voir les articles 496 al.2 et 497 du CPC) ;
pour rétractation en application du principe général de l'article 17 CPC, voir CA Versailles, 18 juin 2003, Dalloz
2004, JP, p. 1322, A. MERVEILLES et R. THOMINETTE.
230 L‟ordonnance sur requête est rendue au sens de l‟article 812 du CPC. Voir Cass.civ. 2ème, 24 mai 2007, Bull.civ. II,
n°133. A toutes fins utiles, voir aussi R. PERROT et Ph. THERY, Procédures civiles d'exécution, Paris, Dalloz, 2è
éd. 2005 p. 326, n°308.
231 Voir l‟article 23 de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 sur laquelle nous reviendrons.
232 Voir Lamy Droit de l'exécution forcée, éd. Lamy, avril 2007, op.cit.
43
En effet un certificat de non-paiement, délivré à la demande du porteur233 par le tiré et notifié234 au
tireur, vaut commandement de payer. L'huissier de justice délivre, sans autres conditions ni frais
supplémentaires, un titre exécutoire au bénéfice du créancier, si le débiteur ne s'est pas exécuté dans
les 15 jours suivant la notification. Ce titre, délivré par l'huissier235, est redouté par les débiteurs.
Une partie de la doctrine a pu regretter l'impossibilité de recours contre celui-ci, relevant que le
caractère unilatéral de la procédure, l'absence de tout contrôle judiciaire et de toute reconnaissance
du débiteur, ne permettent pas d'exclure une erreur236.
82. Le législateur OHADA, lorsque l'engagement résulte de l'émission ou de l'acceptation de tout effet
de commerce ou d'un chèque dont la provision s'est révélée inexistante ou insuffisante, préfère la
procédure d'injonction de payer237. Toutefois il convient de relever qu'en droit OHADA, la
procédure d'injonction de payer, d'apparence rapide au profit du créancier238, conduit à un titre
exécutoire239 relativement fragile240. De plus, elle peut aussi avoir lieu sans succès. La décision de
rejet partiel ou total de la requête est sans recours pour le créancier, sauf s‟il procède selon les voies
ordinaires du droit commun, ce qui signifie revenir à la case départ241.
83. Le titre exécutoire délivré par l'huissier de justice français, en cas de non-paiement d'un chèque,
constitue pour le créancier d'un chèque impayé un avantage certain. Il restitue au chèque sa place
comme instrument de paiement, grâce à la mise en œuvre directe des saisies.
233 Lorsque, dans les 30 jours de sa première présentation, le chèque n'est pas payé ou si sa provision n'est pas constituée
et si après expiration de ce délai une nouvelle présentation demeure infructueuse.
234 Par lettre recommandée avec avis de réception (article 665 du CPC) ou par signification (article 653 du CPC).
235 En droit français, l'huissier de justice, comme le notaire, est un officier public et ministériel à qui l'Etat délègue ainsi
une parcelle de ses prérogatives de puissance publique.
236 S. GUINCHARD et T. MOUSSA, (dir.) Droit et pratique des voies d'exécution, Paris, Dalloz Action, 2004-2005,
n°125-23.
237 Articles 1 et 2 de l'AUVE. Il en est de même si la créance certaine liquide et exigible a une cause contractuelle.
238 Requête auprès de la juridiction compétente, décision portant injonction de payer, ordonnance du président de la
juridiction compétente si la créance est parâit fondée..., en l'absence d'opposition dans les délais ou, en cas de
désistement du débiteur et dès apposition de la formule exécutoire, la décision produit tous les effets d'une décision
contradictoire et n'est pas susceptible d'appel.
239 L‟ordonnance d‟injonction de payer revêtue de la formule exécutoire constitue un titre exécutoire. Le juge des
référés ne peut le remettre en cause sans outrepasser ses pouvoirs. Voir Tribunal Régional hors classe de Dakar,
jugement n°139 du 27 janvier 2003, Société Sénégal Construction International c/ Maguette Wade,
ohada.com/Ohadata J-05-85, obs. critique J. ISSA-SAYEGH.
240 En effet, l'opposition ouvre une phase de conciliation aboutissant soit à un procès-verbal de conciliation dont une
expédition est revêtue de la formule exécutoire, soit à un jugement susceptible d'appel dans le délai de 30 jours à
compter de la date de la décision; l'ordonnance d'injonction de payer, signifiée, ne devient un titre exécutoire que
s'il n'y a pas eu d'opposition de la part du débiteur dans les 15 jours à compter de la date de signification,
l'opposition reste recevable dans les 15 jours suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la
première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou en partie les biens du débiteur, si la
signification n'avait été faite à personne; en plus, il faut compter les nombreuses formalités qui entourent, à peine
de nullité, la signification de la décision et relever que celle-ci est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans le
délai de trois mois à compter de sa date ou si, dans les deux mois suivant le délai d'opposition ou le désistement du
débiteur, le créancier n'a pas présenté une demande tendant à l'apposition de la formule exécutoire.
241 Voir les articles 1 à 17 de l'AUVE.
44
Si l'exécution forcée d'un tel titre était sollicitée au Cameroun ou en zone OHADA, le juge de
l'exequatur devrait-il donner exequatur, étant donné qu'il est exécutoire dans le pays d'origine? Ou
le créancier devrait-il être astreint à la procédure d'injonction de payer et, éventuellement, à la
procédure de droit commun, pour obtenir la délivrance éventuelle d'un titre exécutoire?
B- La délimitation légale du titre exécutoire
84. Partant de l‟intitulé la loi française du 9 juillet 1991, on peut considérer son article 3 comme
instituant un fondement légal commun à tout titre exécutoire. En revanche, peut-on affirmer que le
titre exécutoire défini à l‟article 33 de l‟AUVE constitue aussi le fondement unique du titre
exécutoire dans la procédure civile camerounaise et des autres Etats membres de l‟OHADA ?
Dans l‟AUVE, le législateur OHADA n‟est supposé organiser que les procédures de recouvrement
de créances et les voies d‟exécution et non toute la procédure civile en matière d‟exécution242. Dès
lors, en dehors du droit du recouvrement des créances, faut-il trouver une autre définition du titre
exécutoire, du moins pour les questions qui ne relèvent pas du domaine du droit OHADA243 ?
85. Le constat est que, s‟agissant du titre exécutoire, le droit processuel OHADA semble s‟immiscer
dans la procédure civile et même dans la procédure administrative. Certes, contrairement à l'article
3 al. 6 de la loi française, le législateur OHADA dans l‟al. 5 de l‟article 33 de l‟AUVE n‟évoque pas
« les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiées comme telles par la loi ».
Mais en étendant le titre exécutoire aux décisions auxquelles la loi nationale de chaque Etat-partie
attache les effets d‟une décision judiciaire, le droit OHADA rejoint la deuxième partie du texte
français cité qui parle « des décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement ».
86. En plus, le législateur OHADA ne semble pas avoir limité le domaine d‟application de l‟AUVE.
Ceci est contraire à sa pratique dans les autres Actes uniformes dans lesquels il prend chaque fois le
soin de préciser un champ d‟application244. On peut convenir que l‟article 33 de l‟AUVE regroupe
tous les titres exécutoires. Ainsi, comme en droit français, ce texte délimite le domaine du titre
242 Comme le fait pourtant la loi française du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d‟exécution.
243 En principe, le droit OHADA a pour domaine le droit des affaires. Par conséquent, l‟état et la capacité des personnes,
le bail civil, la procédure d‟expulsion par exemple ne relèvent pas du droit OHADA.
244 Voir chapitre I de l‟Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l‟arbitrage (JO OHADA, 15/05/99, p.2 et s.);
chapitre préliminaire de l‟Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général (JO OHADA, n°1,
01/10/97, p.1 et s.) ; chapitre préliminaire de l‟Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d‟intérêt économique (JO OHADA n°2, 01/10/97, p. 1 et s.) ; article 1er de l‟Acte
uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés (JO OHADA, 01/07/98, p.1 et s.) ; titre préliminaire de
l‟Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives d‟apurement du passif (JO
OHADA n°7, 01/07/98, p. 1 et s.) ; chapitre premier de l‟Acte uniforme du 22 mars 2003 relatif aux contrats de
transport de marchandises par route (JO OHADA n° 13, du 31/07/03, p.3 et s.).
45
exécutoire245 entendu comme toute décision administrative ou judiciaire, tout contrat fait en la
forme authentique, susceptibles de justifier l‟utilisation d‟une voie d‟exécution246.
87. Il reste que, dans l‟énumération des articles 33 de l‟AUVE et 3 de la loi française du 9 juillet 1991,
l‟apposition de la formule exécutoire n‟est pas toujours expressément exigée. Pourtant c‟est elle qui
semble donner droit au recours à l‟huissier de justice et à la Force Publique pour l‟exécution forcée
de tout titre247. Monsieur le Professeur R. PERROT ne relève-t-il pas que le titre exécutoire est « un
acte écrit délivré au nom du Souverain qui donne pouvoir à son titulaire de procéder à l’exécution
forcée du droit qu’il constate » ? Il convient de clarifier la place de la formule exécutoire qui
contient justement cet ordre.
§II- L‟exigence de la formule exécutoire
88. Le titre exécutoire, qui conditionne l'exécution forcée doit, lui-même, être nourri et renforcé par la
formule exécutoire. Formule d‟un acte ou d‟un jugement permettant à son bénéficiaire d‟en
poursuivre l‟exécution en recourant, au besoin, à la Force Publique, la formule exécutoire248 peut
être définie comme l‟ordre donné, au nom du peuple, par le Président de la République aux
huissiers de justice et agents d‟exécution d‟exécuter les titres exécutoires, aux procureurs généraux
et officiers de la Force Publique de prêter main-forte à l‟exécution lorsqu‟ils en seront légalement
requis.
89. En principe, un titre exécutoire n'est susceptible d'exécution forcée qu‟après apposition de cette
formule. Elle autorise à défaut d‟exécution volontaire, le recours à la Force Publique. Cependant,
cette formule est parfois expressément exigée249. Parfois elle ne semble pas nécessaire250. Il se pose
245 C‟est à cela que semble parvenir la jurisprudence camerounaise. Ainsi, la contrainte de l‟administration fiscale qui
ne relève même pas de la procédure civile a été déclarée titre exécutoire, en ce que la loi nationale lui attache les
effets d‟une décision de justice. Voir TPI Dschang, ordonnance de référé n°1/ADD du O6 octobre 2003, Dame
l‟Ouest à Bafoussam et Yemele Emile.
Tassi Valentine c/Le Receveur provincial des Impôts de
Ohada.com/Ohadata J-05-113, cité par N. DIOUF sous l‟article 33 de l‟AUVE, in J. ISSA-SAYEGH, P.-G.
POUGOUE, M.F. SAWADOGO (dir.), Traité et Actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 3è éd. 2008,
p.776.
246 S. BRAUDO, Dictionnaire du droit privé, http://www.dictionnaire-juridique.com
247 L'al. 2 de l'article 29 de l'AUVE précise d‟ailleurs que « la formule exécutoire vaut réquisition directe de la Force
Publique ». Même le titre étranger ne sera exécutoire et susceptible d‟exécution forcée qu‟après apposition de la
formule exécutoire de l'Etat dans lequel il doit être exécuté.
248 Cette formule trouve son origine dans les articles 1er du décret français n°47-1047 du 12 juin 1947 relatif à la
formule exécutoire, modifié par le décret français n°58-1289 du 22 décembre 1958) et 61 du Code de Procédure
civile et commerciale camerounais, modifié au Cameroun par l‟ordonnance n°72/4 du 26 août 1972, l‟ordonnance
n°72/21 du 19 octobre 1972 et l‟ordonnance n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.
249 Même lorsque le titre exécutoire est une sentence arbitrale ou est issu d‟un ordre juridique étranger, la formule
exécutoire doit y est apposée, notamment à la suite d‟une procédure de reconnaissance et/ou d‟exequatur. Il en est
de même des décisions de la CCJA.
250 Il en est ainsi des décisions juridictionnelles qui sont exécutoires sur minute, et des procès-verbaux de conciliation
signés par le juge et les parties. Voir article 33 al.1 et 3 de l‟AUVE ; article 3 al.3 de la loi du 9 juillet 1991.
46
la question de savoir si elle n‟est qu‟une simple formalité ou si c‟est elle qui conditionne tout
concours de la Force Publique. Constitue-t-elle un élément essentiel de définition du titre
exécutoire251, une étape nécessaire vers l‟exécution forcée ou un élément d‟identification de certains
titres exécutoires? Que son apposition ne semble pas exigée pour certains titres exécutoires soulève
la question de son rôle (A) voire de sa portée (B).
A- Le rôle de la formule exécutoire
90. Le titre exécutoire assure le lien entre la protection du débiteur et le souci de garantir l‟exécution.
Sauf hypothèse légale, un créancier ne peut en principe prétendre au droit à ce que le titre qu‟il
détient soit exécuté au besoin par la force que si celui-ci est revêtu la formule exécutoire. En effet,
le caractère exécutoire du titre émane de la formule exécutoire qui y figure252.
A plusieurs reprises, les législateurs camerounais et français réitèrent cette exigence de l‟article 285
du CPCC. L‟article 9 de l‟ordonnance n°72/21 du 19 octobre 1972 précisait que « Nul jugement ni
acte ne pourront être mis à exécution s’ils ne portent le même intitulé que les lois et ne sont
terminés par un mandement aux officiers de justice, ainsi qu’il est dit à l’article 61»253 du CPCC.
L‟article 11 al.1 de la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire au
Cameroun le rappelle encore en disposant que « les expéditions des arrêts, jugements, mandats de
justice ainsi que les grosses et expéditions des contrats et tous actes susceptibles d’exécution forcée
sont revêtus de la formule exécutoire ainsi introduite … ».
L'article 1er du décret n°47-1047 du 12 juin 1947 relatif à la formule exécutoire exige son
apposition sur les « grosses et expéditions des contrats et de tous les actes susceptibles d'exécution
forcée ». L'article 502 du CPC prescrit que « nul jugement, nul acte, ne peut être mis à exécution
que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en
dispose autrement »254.
Cette insistance se justifie par le contenu de cette formule, notamment qui autorise le recours à la
force dans les limites fixées par la loi et désigne le personnel qui doit être mobilisé pour assurer
251 Un critère fédérateur de définition du titre exécutoire.
252 En application de l‟article 91 de l‟AUVE, a été déclarée nulle une saisie-vente pratiquée mais fondée sur une
ordonnance d‟injonction de payer non revêtue de la formule exécutoire. Daloa, 1ère Ch.civ. et com., arrêt n°49 du
18 février 2004, Kouassi Kouamé c/Kouadio N‟guessan, juriscope.org.
253 L‟article 61 du CPCC énonce la formule exécutoire que l‟on retrouve à l‟article 1er du décret n° 47-1047 du 12 juin
1947 relatif à la formule exécutoire. Cet article a été modifié par le décret français n°58-1289 du 22 décembre
1958, l‟article 289 du C.P.C.C ou l‟article 11 de la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation
judiciaire au Cameroun.
254 Il s‟agit notamment des décisions exécutoires au vu de la minute.
47
l‟exécution forcée. On pourrait ainsi affirmer que la formule exécutoire est un élément de définition
du titre exécutoire255.
91. Cependant, il convient de constater que non seulement l‟article 187 du CPCC dispose que « dans les
cas d’absolue nécessité, le juge pourra ordonner l’exécution de son ordonnance sur la minute ».
Aussi le législateur OHADA n‟exige-t-il pas toujours expressément l‟apposition de la formule
exécutoire256, sauf lorsqu‟il traite des actes notariés et de certaines décisions juridictionnelles.
Ainsi certains titres échapperaient à cette exigence. C‟est le cas en droit français, des titres délivrés
par les personnes morales de droit public et qualifiés comme tels par la loi ou les décisions
auxquelles la loi attache les effets d‟un jugement. Ces titres administratifs, dont le point commun
est d‟être émis par l‟Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d‟un
comptable public257 sont exécutoires de plein droit ou rendus exécutoires par les autorités qui les
émettent en vertu des textes particuliers qui les régissent258.
92. Reste posée la question de savoir si les décisions juridictionnelles exécutoires sur minutes doivent
ou non être revêtues de la formule exécutoire. De façon générale, seules les expéditions des
jugements devraient être revêtues de la formule exécutoire. L‟article 9 de l‟ordonnance n°72/21 du
19 octobre 1972 renvoyait à l‟article 61du CPCC formulé ainsi « Les expéditions exécutoires des
jugements seront intitulées ainsi qu’il suit …».
Selon certains auteurs français259 et camerounais260, exiger l‟apposition de la formule exécutoire
serait ajouter une condition supplémentaire non prévue par les textes. Une décision judiciaire
exécutoire sur minute, de droit ou sur ordre du juge, n‟a pas besoin d‟être revêtue d‟un mandement
spécial aux officiers de justice lorsqu‟elle n‟est pas susceptible d‟expédition sous forme de
grosse261.
255 Car selon la loi, toutes les expéditions des arrêts, jugements, mandats de justice, ainsi que les grosses et expéditions
des contrats et tous actes susceptibles d‟exécution forcée sont revêtues de la formule exécutoire.
256 C‟est le cas à l‟article 33 de l‟AUVE.
257 Voir article 98 de la loi n°92-1476 du 31 décembre 1992, et l‟article L.252 A de la LPF.
258 S. GUINCHARD et T. MOUSSA, Droit et pratique des voies d’exécution, op.cit., p.6, n°111-11. On ne peut
conclure qu‟ils échappent totalement car des textes particuliers les rendent exécutoires. S‟agissant des décisions
des juridictions de l‟ordre administratif, une formule exécutoire au contenu simplifié est prévue. « La République
française mande et ordonne (au préfet de tel ou tel département, à tel ministre…) en ce qui le concerne, et à tous
huissiers de justice sur ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de
pourvoir à l‟exécution de la présente décision. » voir, CJA, art. R751-1 (2) ; Ord. n°45-1708 du 31 juillet 1945,
art.70 ; Décret n°88-707 du 9 mai 1988, art.30.
259 CEZAR-BRU, HEBRAUD, SEIGNOLLE et OUDOUL, Juridiction du président du Tribunal, Tome I, n°145.
260 ONANA ETOUNDI, Thèse op.cit., p.108.
261 La grosse est le nom donné à la copie d‟une décision de justice ou d‟un acte notarié comportant la formule
exécutoire. Il proviendrait de ce qu‟à l‟époque où les documents de justice étaient rédigés avec une plume d‟oie,
les commis des greffiers et des notaires étaient payés au rôle. Comme leur rémunération était d‟autant élevée que la
copie était longue, ils écrivaient en grosses lettres ou en « écritures grossoyées », voir S. BRAUDO,
http://dictionnaire-juridique.com
48
En effet, la force exécutoire d'un jugement trouve son origine dans l'impérium du juge, ce que ne
fait qu'attester la formule exécutoire apposée par le greffier sur la copie exécutoire. On considère
que celle-ci n'a pas à figurer sur la minute qui se distingue de l‟expédition qui n‟est qu‟une copie.
En tant qu'original, la minute qui porte la signature de l'auteur de la décision manifesterait
pleinement cet impérium262.
93. Cependant, au regard de la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire au
Cameroun dont l‟article 11 al. 1 précise entre autres que « …les grosses et expéditions des contrats
et tous actes susceptibles d’exécution forcée sont revêtus de la formule exécutoire ainsi introduite
… », on peut aussi déduire que, désormais, le législateur camerounais veut exiger l‟apposition de
celle formule sur tous les actes susceptibles d‟exécution forcée, y compris les minutes.
Cette déduction peut se justifier par la formulation du texte qui est différente de celle de l'article 1er
du décret n°47-1047 du 12 juin 1947, modifié par le décret français n°58-1289 du 22 décembre
1958 relatif à la formule exécutoire. Ce décret traite des « grosses et expéditions des contrats et de
tous les actes susceptibles d'exécution forcée ». En outre, contrairement au législateur français, il ne
pose pas l‟exception suivante de l‟article 502 du CPC : « … à moins que la loi n’en dispose
autrement ».
94. Pour soutenir la position du législateur camerounais, on peut dire que lorsqu‟une décision
juridictionnelle est exécutoire sur minute, cela signifie aussi que la formule exécutoire peut être
apposée sur la minute même si elle est encore manuscrite. En droit camerounais, les ordonnances de
référé ou les ordonnances sur requête sont généralement assorties de la formule « Disons notre
ordonnance exécutoire sur minute, avant enregistrement et nonobstant toutes les voies de
recours »263. La formule exécutoire reste une étape vers l‟exécution forcée. Elle rend possible le
recours à la Force Publique.
95. Toutefois ce texte n‟est pas contraire à l‟article 33 de l‟AUVE qui distingue les actes dont
l‟exécution forcée est conditionnée par l‟apposition de la formule exécutoire et ceux qui n‟en
auraient pas besoin. Il est vrai que, dans certains cas, cette formule n‟est pas formellement exigée.
Prenant en compte le souci de rapidité qui commande l‟exécution sur minute, le législateur permet
simplement de passer outre un éventuel retard du greffe et d‟assurer une exécution immédiate. Il évite
aussi que le débiteur n‟organise son insolvabilité ou ne parvienne à distraire ses biens mobiliers d‟une
éventuelle saisie264.
262 Lamy Droit de l'exécution forcée, éd. Lamy, avril 2007, n° 210-15 ; l‟exécution sur simple copie de la minute est
impossible ; voir, Cass.civ. 2ème, 1er juillet 1992, Bull.civ. II, n°194.
263 Lorsqu‟on sait que les jugements sont rendus au nom du peuple, on peut considérer qu‟il s‟agit là d‟une « formule
exécutoire simplifiée » nécessaire pour autoriser l‟exécution forcée.
264 S. GUINCHARD et T. MOUSSA, Droit et pratique des voies d’exécution, 5é éd. op.cit. p. 23, n° 121.25.
49
96. L‟exigence de la formule exécutoire se pose différemment pour les actes et jugements étrangers
ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision juridictionnelle non
susceptible de recours suspensif d‟exécution de l‟Etat dans lequel ils sont invoqués. Il en est de
même des procès verbaux de conciliation signés par le juge et les parties, des titres délivrés par les
personnes morales de droit public et qualifiés comme tels par la loi, des décisions auxquelles la loi
attache les effets d‟un jugement et des titres délivrés en droit français par l‟huissier de justice en cas
de non paiement d‟un chèque. En premier lieu, la formule exécutoire constitue l‟élément
complémentaire et d‟identification du titre exécutoire. En second lieu, elle justifie l‟exécution
forcée.
A l‟article 33 al. 1, le législateur OHADA l‟exige expressément. En effet, à moins que les décisions
juridictionnelles ne soient exécutoires sur minute, elles ne le seront qu‟après avoir acquis la force de
chose jugée265. C‟est au terme du délai d‟appel, par exemple, que le jugement devient susceptible
d‟exécution forcée. A l‟al. 1 de l‟article 3, le législateur français relève juste que les jugements,
comme les transactions soumis au président du TGI doivent avoir acquis force exécutoire.
La force exécutoire ne s‟attache qu‟aux décisions passées en force de chose jugée et notifiées266. La
notification ouvre la voie à l‟exécution forcée. Ainsi la force de chose jugée, préalable à la force
exécutoire s‟attache au jugement qui n‟est susceptible d‟aucun recours suspensif d‟exécution ou
n‟est plus susceptible d‟un tel recours, les délais de recours étant expirés. A la demande du
créancier, l‟expédition qui n‟est qu‟une copie de la minute peut alors être revêtue de la formule
exécutoire et permettre l‟exécution forcée. Ici encore, la formule exécutoire permet d‟identifier le
titre exécutoire et justifie l‟exécution forcée.
97. En ce qui concerne l‟acte notarié, les deux législateurs font de l‟apposition de la formule exécutoire
un élément de formation du titre exécutoire, en même temps qu‟une étape vers l‟exécution forcée.
La raison serait que lorsque les parties contractent devant un notaire, l‟acte n‟est pas forcément
exécutoire à l‟instant, la créance n‟étant pas exigible. Pourtant les parties reçoivent expédition de
l‟acte authentique qui ne constitue pas encore un titre exécutoire au besoin par la contrainte.
Au moment de l‟exécution de l‟acte, les parties débitrices peuvent exécuter spontanément, et alors
on n‟aurait pas besoin de requérir l‟apposition de la formule exécutoire sur l‟acte notarié. En
revanche, si l‟exécution n‟est pas spontanée, la partie qui y a intérêt peut requérir du notaire
265 Notamment après épuisement des délais d‟appel s‟il ne s‟agit pas d‟un arrêt dont le pourvoi est non suspensif, ou
d‟un jugement rendu en premier et dernier ressort: un mois pour les décisions du TPD, deux mois pour les
décisions de première instance, trois mois pour les jugements de séparation de corps et de divorce. Ainsi, ne
constitue pas un titre exécutoire le jugement contre lequel un appel a été formé et qui n‟est pas exécutoire sur
minute. Voir Abidjan, Ch.civ.et com. arrêt n°12800 du 2 décembre 2003, L‟entreprise Afridiv et Classic c/ Zahul
Charles, Juriscope.org.
266 Ch. Mixte, 16 décembre 2005, BICC n° 634 du 15 février 2006.
50
l‟apposition de la formule exécutoire sur une expédition qui sera notifiée à l‟autre partie, rendant
possible l‟exécution forcée267.
98. La formule exécutoire, élément important du titre exécutoire, permet de l‟identifier. Elle est une
étape nécessaire vers toute exécution forcée. Sans formule exécutoire, le titre ne dispose pas de tous
ses attributs, notamment l‟autorisation du recours à la Force Publique. Toutefois, l‟ordre et la
signature du juge, portés sur l‟original d‟une décision exécutoire sur minute en sont l‟équivalent.
Reste à savoir si et comment l‟ordre contenu dans la formule exécutoire garantit le recours à la
Force Publique.
B- La portée spéciale de la formule exécutoire en droit OHADA
99. En application des articles 17 de la loi du 9 juillet 1991 et 50 du décret du 31 juillet 1992, l‟huissier
de justice qui est dans l‟obligation de requérir le concours de la Force Publique peut adresser une
réquisition au préfet268. En pratique, l‟autorité compétente, qui peut refuser ce concours, se montre
en général souple. Il permet à l‟huissier de justice de s‟adresser directement à la Force Publique sur
la base de la formule exécutoire dont est revêtu le titre exécutoire269.
100. En revanche, depuis l‟entrée en vigueur de l‟AUVE dont l'al. 2 de l'article 29 prévoit que « la
formule exécutoire vaut réquisition directe de la Force Publique » il se pose, en droit OHADA, la
question de savoir si cette formule autorise, à elle seule, l‟intervention de la Force Publique ou si le
visa du Procureur de la République et/ou de l‟autorité exécutive locale est toujours nécessaire. Ainsi
posée, la question a un intérêt en droit camerounais et peut aussi intéresser le droit français270.
En effet, si l‟apposition de « la formule exécutoire vaut réquisition directe de la Force Publique »,
cela signifie, en principe, que l‟huissier de justice ou l‟agent d‟exécution n‟ont plus besoin de passer
par le Procureur de la République ou une autorité exécutive locale pour obtenir le concours de la
Force Publique. Même s‟ils étaient saisis, ce serait une simple formalité, ces derniers ne pouvant
refuser le concours de la Force Publique.
En application de l‟al. 2 de l‟article 29 de l‟AUVE, les huissiers de justice camerounais, sans plus
formuler de réquisitions, se sont mis à saisir directement les responsables des forces de l‟ordre271
267 Voir Cass.civ.2è, 28 juin 2006, n° 04-17.514, Bull.civ. II, n°178; l‟acte notarié doit être revêtu de la formule
exécutoire. D‟après l‟article 18 du décret français n°71-941 du 26 novembre 1971, les actes notariés sont revêtus
de la même formule, sauf que l‟expression « le terme ledit arrêt » est remplacé par l‟expression « les présentes ».
268 La réquisition contient une copie du dispositif du titre exécutoire, accompagnée d‟un exposé des diligences
auxquelles l‟huissier de justice a procédé et des difficultés d‟exécution.
269 Ou de l‟ordre du juge lorsque la décision est exécutoire sur minute. C‟est le cas dans la ville de Limoges en France.
270 A ce sujet, on note une différence entre la loi française et l‟AUVE relativement à la manière de provoquer
l‟intervention de l‟Etat. En droit français il est dit que l‟huissier de justice peut requérir le concours de la Force
Publique, alors que l‟AUVE indique que la formule exécutoire vaut réquisition directe de la Force Publique. Voir,
N. DIOUF, commentaire de l‟article 29 de l‟AUVE, Traité et Actes uniformes commentés et annotés, op.cit, p.772.
271 Notamment celles indiquées à l‟article 42 de l‟AUVE.
51
pour qu‟ils leur prêtent main-forte. Mais soulignant les abus que cette pratique pourrait entraîner,
les magistrats du parquet ont à nouveau exigé que ces derniers continuent de requérir, au préalable,
la Force Publique272. De nouveau, c‟est au vu de ce visa que le commissaire de police ou le
commandant de la compagnie de gendarmerie met à la disposition de l‟huissier de justice les
éléments de la force de l‟ordre.
101. On peut supposer que les réquisitions adressées au Procureur de la République et/ou à l‟autorité
administrative permettent, en outre, de vérifier que l‟exécution forcée du titre exécutoire n‟est pas
susceptible de troubler l‟ordre public. Le concours de la Force Publique pourrait être alors être
refusé273. L‟argument du risque d‟abus peut être repoussé dès lors que l‟abus de saisie est réprimé
par la loi.
102. Il convient de noter que l‟al. 2 de l‟article 29 constituait quand même une innovation de la part du
législateur OHADA. La formule exécutoire contient déjà l‟ordre de mettre à exécution le titre qui la
porte. Ce qui rejoint le souci de célérité recherchée par le législateur qui voudrait en même temps
protéger le créancier contre le débiteur susceptible d‟organiser son insolvabilité ou de distraire
certains biens saisissables.
Selon une partie de la doctrine, la précision de l‟article 29 al. 2 de l‟AUVE « a pour finalité de
mettre fin à la pratique selon laquelle une réquisition du Procureur de la République était
nécessaire, en plus du titre exécutoire, pour pouvoir obtenir le concours de l’Etat »274. Mais on
constate que ce texte ne semble pas avoir ajouté à la portée de la formule exécutoire en droit
camerounais où la réquisition de la Force Publique n‟est toujours pas directe.
103. En revanche, la nécessité de disposer d‟un titre exécutoire pour recourir à l‟exécution forcée n‟est
pas discutée. Acte juridique et matériel revêtu de la formule exécutoire, établi par une autorité
administrative275, judiciaire ou par un notaire, le titre exécutoire permet à son bénéficiaire de
recourir à l‟exécution forcée.
272 Concrètement, les huissiers de justice adressent une demande d‟assistance par un officier de police judiciaire avec
un projet de réquisition au bas de la requête, à laquelle sont joints le procès-verbal de rébellion ainsi que le titre à
exécuter. La requête aux fins de réquisition de la Force Publique est adressée soit au Procureur de la République de
la juridiction du lieu où l‟exécution est sollicitée, soit au préfet du ressort territorial du lieu de l‟exécution.
273 Voir le commentaire sous l‟article 50 du décret français du 31 juillet 1992, sur la nécessité de ne pas confondre le
recours à la Force Publique pour surmonter une difficulté matérielle d‟exécution et qui nécessite de s‟adresser au
préfet, avec l‟intervention d‟une autorité de police ou de gendarmerie pour assister au déroulement des opérations.
274 A.-M. H ASSI-ESSO et N. DIOUF, OHADA, Recouvrement des créances, op.cit. n°106 ; voir aussi J.I.
MASSAMBA, « Le requiem d‟un acte du parquet : le réquisitoire aux fins de recours à la Force Publique »,
Bulletin OHADA n°4, février-mars 2001, p.6 et s.
275 Il est entendu que les titres émis par les personnes morales de droit public ne comportent pas nécessairement la
formule exécutoire
52
Section II- La nécessité d’un titre exécutoire en droits
camerounais et français
104. Cette exigence figurait déjà à l‟article 290 du CPCC. Trait d‟union entre la protection du débiteur
et le souci de garantir l‟exécution, le titre exécutoire prémunit le créancier contre la résistance du
débiteur et protège ce dernier contre toute exécution abusive. Traduction formelle du droit du
créancier de contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard, ce titre
précise le droit substantiel dont l‟exécution forcée est poursuivie.
La présentation d‟un titre exécutoire lève le doute sur la créance objet du titre et permet d‟identifier
les personnes qui peuvent se voir opposer la force exécutoire de ce titre. Si l‟existence d‟un titre
exécutoire est la condition de toute exécution forcée (I), c‟est peut-être aussi, parce qu‟il contient
les obligations à exécuter et désigne les parties (II).
§I- L‟importance du titre exécutoire
105. Contrairement à la loi française du 9 juillet 1991, l'AUVE du 10 avril 1998 n'affirme pas de façon
directe la nécessité d'un titre exécutoire comme préalable à toute exécution forcée276. Le législateur
OHADA indique simplement qu‟à défaut d'exécution volontaire, tout créancier peut contraindre son
débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire
pour assurer la sauvegarde de ses droits, dans les conditions prévues par la loi277.
Il convient de rappeler le principe de l‟exigence d‟un titre exécutoire comme préalable à toute
exécution forcée (A) mais aussi, de se demander si et comment un tel titre se prescrit (B).
A- Le principe « pas d’exécution sans titre exécutoire »
Après avoir identifié le fondement légal de ce principe (1), il conviendra d‟en rechercher la
signification (2).
1- Le fondement du principe
106. L'existence d'une créance certaine, liquide et exigible ne suffit pas pour justifier une mesure
d‟exécution forcée. Il faut que la créance soit constatée par un titre exécutoire. Le législateur
français l‟indique dès l‟article 2 de la loi du 9 juillet 1991. Cet article dispose que « Le créancier
276 Selon l‟article 31 de l‟AUVE, « l’exécution forcée n’est ouverte qu’au créancier justifiant d’une créance certaine,
liquide et exigible sous réserve des dispositions relatives à l’appréhension et à la revendication des meubles ».
277 Voir l‟article 28 de l‟AUVE et l‟article 1 de la loi du 9 juillet 1991.
53
muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution
forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution »278.
En revanche, ce n'est qu'à l'article 32 de l‟AUVE que le législateur OHADA utilise pour la première
fois la notion d‟exécution forcée en rapport avec celle de titre exécutoire. Il affirme qu‟« à
l'exception de l'adjudication des immeubles, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son
terme en vertu d'un titre exécutoire par provision ». En le faisant, le législateur OHADA rappelle,
indirectement, le principe de l'exécution forcée ainsi que sa condition : l‟existence d'un titre
exécutoire.
107. L‟exigence du titre exécutoire apparaît aussi clairement dès lors que l‟acte de saisie doit, à peine de
nullité, contenir l‟énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée279. De
même, à moins qu'il s'agisse d'une mesure conservatoire, l'existence d'une créance du saisissant sur
le saisi n'autorise pas, à elle seule, l'ouverture d'une procédure d'exécution forcée à l'encontre de ce
dernier. Cette créance doit être au préalable constatée par un titre exécutoire280. Le défaut de ce
dernier empêche l‟exécution forcée281.
Ainsi, dans le même sens que l‟article 2191 du Code civil français, l‟article 247 de l‟AUVE dispose
que « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire
constatant une créance liquide et exigible ». Ce qui signifie que, si la poursuite peut être engagée en
vertu d‟une décision exécutoire par provision, l‟adjudication ne peut intervenir qu‟après une
décision définitive passée en force de chose jugée, c‟est-à-dire un titre définitivement exécutoire
après liquidation282.
Qu‟elle porte sur les meubles ou sur les immeubles, l‟exécution forcée poursuivie sans titre
exécutoire283 ou sur le fondement d‟un titre ultérieurement annulé284, peut être sanctionnée. On peut
déjà voir en cela la signification du principe.
278 Ce qui signifie, a contrario, que cette opportunité n'est pas reconnue au créancier dont la créance n'est pas constatée
dans un titre exécutoire. Une créance constatée par un titre exécutoire peut être dite certaine car, elle n'est plus en
principe discutée.
279 A titre d‟exemple voir : pour la saisie-attribution l‟article 56 al.2 du décret n°92-755 du 31 juillet 1992 et l‟article
157 al.2 de l‟AUVE ; pour la saisie des droits d‟associés et des valeurs mobilières, l‟article 237 al.3 de l‟AUVE.
280 En droit OHADA par exemple, voir dans l‟AUVE les articles : 91 pour la saisie-vente ; 153 pour la saisie-
attribution des créances ; 173 pour la saisie des rémunérationss ; 218 pour la saisie-appréhension ; 247 pour la
saisie immobilière. En droit français par exemple dans le décret du 31 juillet 1992 : les articles, 81(saisie-vente),
55(saisie-attribution), 139 saisie-appréhension etc.
281 S. GUINCHARD et T. MOUSSA (dir.), Droit et pratique des voies d’exécution, Paris Dalloz-Action, 5è éd., 2007-
2008, p.3, 100.33.
282 L‟al. 3 de l‟article 2191 interdit toute poursuite, pendant le délai d‟opposition, sur le fondement d‟un jugement rendu
par défaut. Il en est de même de l‟ordonnance de référé. Voir Lamy Droit de l’exécution forcée, n°510-10, Mise à
jour avril 2007.
283 Cass.civ. 2ème, 15 février 1995, Bull.civ. II, n°54 ; en l‟espèce, a été sanctionnée de nullité absolue la saisie des
rémunérationss du travail au bénéfice d‟un créancier dépourvu de titre exécutoire et qui se prévalait du défaut de
comparution du défendeur pour faire présumer son droit.
54
2- La signification du principe
108. Le principe « pas d’exécution forcée sans titre exécutoire » revêt la même signification dans les
systèmes juridiques camerounais et français. Non seulement le titre exécutoire est exigé (a) et il
peut servir de fondement à plusieurs saisies (b) ; mais il doit encore être distingué de la preuve de
son caractère exécutoire (c).
a) L’exigence d’un titre exécutoire
109. Tout créancier qui engage une mesure d‟exécution forcée doit disposer d‟un titre exécutoire. Dans
certains cas il est revenu au juge d‟en rappeler le sens. Ainsi, par exemple, lorsqu‟il faut justifier les
mesures d‟exécution forcée portant sur les frais et dépens de justice ou sur une créance constatée
dans un gage285.
En ce qui concerne l‟exécution des frais et dépens de justice, la Cour de cassation a rappelé
qu' « une partie ne peut poursuivre, par voie d'exécution forcée, le recouvrement des dépens par
elle avancés qu'au vu d'un certificat de vérification ou d'une ordonnance de taxe exécutoires »286.
En ce qui concerne le gage, on peut constater que le législateur OHADA n'exige pas qu‟il soit
constaté par un acte notarié. Ce n'est qu'en vue de son opposabilité aux tiers que l'al. 1 de l‟article
49 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés exige, quelle que soit la nature de la dette
garantie, que le contrat de gage soit constaté par un écrit dûment enregistré287. Cet écrit contient
l‟indication de la somme due ainsi que l'espèce, la nature et la quantité des meubles donnés en gage.
En outre l'écrit n'est pas nécessaire dans le cas où la loi nationale de chaque Etat partie admet la
liberté de preuve en raison du montant de l'obligation288.
284 Cass.civ. 2ème, 21 janvier 1998, Bull.civ. II, n°24. En l‟espèce, une Cour d‟appel constatant l‟annulation d‟une
ordonnance de référé par un arrêt de réformation, a refusé de donner main-levée d‟une saisie-attribution réalisée
sur la foi de cette ordonnance. Mais seulement au motif que le recours du saisi avait été formé hors délai d‟un mois
prescrit par les dispositions combinées des articles 45 de la loi du 9 juillet 1991 et 66 du décret du 31 juillet 1992.
Elle aurait donc ordonné main-levée si le recours était formé dans le délai requis.
285 « Le gage est le contrat par lequel un bien meuble est remis au créancier ou à un tiers convenu entre les parties
pour garantir le paiement de la dette ». Voir, article 44 de L'Acte uniforme portant organisation des sûretés.
286 Cass.civ.2è, 3 mai 2007, Bull.civ n°5, mai 2007, p. 100, arrêt n° 120 En l‟espèce, un créancier qui se fondait sur un
arrêt ayant condamné un débiteur à payer une somme au titre de l'article 700 du CPC, avait fait signifier à ce
dernier un procès-verbal d'indisponibilité des certificats d'immatriculation de ses deux véhicules et un
commandement aux fins de saisie-vente, pour avoir paiement d'une somme incluant le montant des dépens d'appel.
Le débiteur qui contestait l'inclusion des dépens d'appel dans les causes de la saisie, saisit le juge de l'exécution aux
fins d'annulation du procès-verbal et du commandement. Le juge d'appel le débouta au motif que le titre exécutoire
présenté par le créancier, pouvait permettre de liquider les dépens. Cet arrêt a été partiellement cassé parce que ces
dépens n'étaient pas constatés par le titre exécutoire.
287 Conformément à l'article 39 al.2 de L'Acte uniforme portant organisation des sûretés , « les sûretés mobilières [le
droit de rétention, le gage, le nantissement sans dépossession et les privilèges] soumises à publicité font l'objet
d'une inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ( R.C.C.M.) prévu par les dispositions portant
organisation de ce Registre ». Il convient de préciser que l'enregistrement au R.C.C.M. ne confère pas à l'acte la
qualité de titre exécutoire.
288 Voir article 49 al. 2de L'Acte Uniforme portant organisation des sûretés.
55
110. Mais en application des articles 98 et 56 al. 1 de l'Acte Uniforme OHADA portant organisation des
sûretés289, le Tribunal régional hors classe de Dakar290 a décidé qu'un créancier gagiste « ne peut,
sans être muni d'un titre exécutoire, faire procéder à la vente forcée des choses gagées ». Il doit, au
préalable, saisir la juridiction compétente qui peut, d'après estimation suivant les cours ou à dires
d'expert, autoriser jusqu'à due concurrence l'attribution du gage au créancier291. Autrement le
créancier ne dispose pas d'un titre exécutoire, à moins d'avoir constitué son contrat de gage devant
notaire ou de l'avoir fait authentifier. Dans ces cas seulement, le créancier pourrait, après apposition
de la formule exécutoire, disposer d'un titre exécutoire.
Toute clause contraire, qui autoriserait la vente ou l'attribution du gage sans titre exécutoire, est
réputée non écrite292. La vente ou l'attribution éventuelle des autres éléments du fonds de commerce
engagés en même temps que le matériel nanti sont soumises aux mêmes conditions293. Le créancier
doit recourir au juge compétent pour obtenir un titre exécutoire, pouvant seul justifier l'exécution
forcée.
b) L’utilisation d’un même titre exécutoire comme fondement à plusieurs saisies
111. Il s‟est posé la question de savoir si un titre exécutoire peut servir de fondement à plusieurs saisies
simultanées ou successives. C‟est le cas, par exemple, lorsqu‟une procédure est pendante. Un titre
exécutoire peut-il fonder deux actions en saisies-attributions différentes ? C‟est aussi le cas
lorsqu‟une précedente saisie a déjà été pratiquée. Dans ces hypothèses, le titre exécutoire sur lequel
elle est fondée devrait-il servir de base à une nouvelle saisie ?
Si les contestations élevées avec succès lors d‟une précédente saisie portent sur la validité du titre
exécutoire, notamment sur l‟existence de la créance, son exigibilité ou sa liquidité, la réponse est
négative. En revanche, la validité de ce titre exécutoire permet la poursuite de l‟exécution forcée.
112. D‟une part, on peut admettre qu‟un créancier qui, dans une première procédure n‟a pas respecté les
formalités exigées puisse, abandonner celle-ci et en engager une seconde sans attendre l‟issue d‟une
contestation éventuelle de l‟autre partie. D‟autre part, si les biens saisis s‟avèrent insuffisants pour
exécuter les causes de la saisie, plusieurs saisies peuvent être réalisées sur la base d‟un même titre
289 Aux termes de l'article 98, « faute de paiement à l'échéance, le créancier nanti exerce son droit de suite et procède à
la réalisation du matériel et des véhicules automobiles, selon les dispositions de l'article 56 al. 1 ». Selon ce texte
« faute de paiement à l'échéance, le créancier gagiste, muni d'un titre exécutoire peut procéder à la vente forcée
de la chose gagée, huit jours après une sommation faite au débiteur et, s'il ya lieu, au tiers constituant du gage
dans les conditions prévues par les dispositions organisant les voies d'exécution ».
290 Ord. Tribunal Régional Hors classe de Dakar, 25 nov. 2002, SFE c/ Ablaye DEME, http://www.lexinter.net/
JURAFRIQUE
291 Voir l‟article 56 al. 2 de l'Acte Uniforme portant organisation des sûretés.
292 Voir l‟article 56 al.3 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés.
293 Voir l‟article 98 al. 2 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés.
56
exécutoire. Un titre exécutoire identifiant plusieurs débiteurs peut aussi justifier autant de saisies
que de débiteurs, d‟autant que chaque procédure sera indépendante.
Ainsi on ne peut, par exemple, empêcher un créancier de se servir d‟un titre exécutoire valable,
comme base de plus d‟une action en saisie-attribution294, voire de toute mesure d‟exécution forcée.
Reste toutefois à distinguer entre titre exécutoire et preuve du caractère exécutoire.
c) Le titre exécutoire et la preuve du caractère exécutoire
113. Le titre exécutoire susceptible de permettre une mesure d‟exécution forcée doit être distingué de la
preuve de son caractère exécutoire qui incombe au créancier295. L‟acte de saisie doit mentionner, à
peine de nullité, le titre en vertu duquel la mesure est pratiquée.
Dès lors même une mesure conservatoire296 pourra être déclarée caduque pour défaut de titre
exécutoire si le créancier l‟ayant pratiquée avec une simple autorisation du juge ou avec un titre
privé297 n‟accomplit pas les formalités nécessaires en vue de l‟obtention du titre exécutoire dans les
délais légaux. Ainsi un créancier (défendeur en l‟espèce), ayant procédé à une mesure conservatoire
contre sa débitrice (demanderesse), n‟avait pu rapporter la preuve de ce qu‟une procédure avait été
engagée pour l‟obtention du titre exécutoire. Le juge ordonna la main-levée de cette saisie
conservatoire en application de l‟article 61 AUVE298.
114. Toutefois l‟analyse de la jurisprudence299 révèle parfois des difficultés à produire la preuve du
caractère exécutoire d‟un titre exécutoire en cours de procédure : soit lorsque le pourvoi en
cassation est suspensif d‟exécution, soit lorsque la Cour suprême ou la Cour de cassation rend un
arrêt de rejet ou de déchéance. Il en est de même pour le cas du recouvrement forcé des frais et
dépens de justice ou d‟exécution forcée d‟un gage.
Le visa d‟un arrêt de rejet du pourvoi ne suffirait pas300. Si le pourvoi en cassation est doté de l‟effet
suspensif d‟exécution, l‟arrêt d‟appel contre lequel le pourvoi est formé, à moins d‟être assorti de
l‟exécution provisoire, ne peut passer en force de chose jugée avant l‟intervention de l‟arrêt de la
Cour de cassation301. En matière de divorce par exemple, le pourvoi en cassation étant doté de
294 En ce sens, R. NEMEDEU, note sous C/S du Cameroun, arrêt n°32/CC du 27 oct.2005, aff. Standard Chatered Bank
SA c. / Sinju Paul et autres, Juridis Périodique n°66, 2006, p. 28.
295 R. PERROT et Ph. THERY, Procédures civiles d’exécution, Paris Dalloz, 2è éd. 2005, n°396.
296 Mesure pratiquée par le créancier dont la créance paraît fondée en son principe en vue de mettre les biens du débiteur
sous main de justice : Voir l‟article 54 de l‟AUVE.
297 Par exemple : une lettre de change, un billet à ordre, un chèque, un contrat de bail d‟immeuble écrit.
298 TPI Yaoundé, ordonnance de référé n°448/C du 30 Mars 2004, affaire MASSY Nathalie C/ VASAUNE Daniel et
SGBC, inédite.
299 La jurisprudence sanctionne rigoureusement le défaut de production, par le créancier du titre exécutoire justifiant la
procédure d‟exécution forcée en cours.
300 Car, en l‟absence d‟effet dévolutif, la Cour de cassation ne statue pas au fond.
301 S. POISSON, obs. sous Cass.civ.2è, 14 sept. 2006, Droit et procédures, n°1, jan.-fév. 2007, p.42 ; voir également
art. 502 du CPC.
57
l‟effet suspensif, l‟acte de saisie doit contenir l‟énonciation de l‟arrêt ayant confirmé le jugement de
divorce et non celle de l‟arrêt ayant rejeté le pourvoi. L‟arrêt de rejet doit toutefois être également
notifié302. De même, en cas d‟arrêt de déchéance de la Cour suprême, la notification de l‟arrêt de
déchéance est aussi nécessaire que la notification de l‟arrêt de la Cour d‟appel, devenu définitif en
raison du caractère non suspensif du pourvoi303.
115. Mais, l‟acte de saisie ne devrait pas nécessairement contenir ces deux pièces304. En effet, si l‟on
peut admettre que l‟arrêt de rejet, comme l‟arrêt de déchéance, confèrent force exécutoire aux arrêts
d‟appel il convient de relever, qu‟à la différence des arrêts d‟appel, ils ne contiennent pas
nécessairement la condamnation dont l‟exécution forcée est demandée.
Il est donc impossible à un créancier de procéder à une mesure d‟exécution forcée s‟il ne justifie pas
d‟un titre exécutoire. Ce sera aussi le cas si le créancier qui dispose d‟un titre exécutoire est
sanctionné pour n‟avoir pas exercé son droit pendant un temps raisonnable ou fixé par la loi.
B- La question de la prescripti on du titre exécutoire
116. La prescription peut être définie comme « un moyen d’acquérir ou de se libérer par un certain laps
de temps, et sous les conditions déterminées par la loi »305. On distingue la prescription acquisitive
de la prescription extinctive. Pour la première, l‟écoulement du temps a pour effet de faire acquérir
un droit réel à celui qui, en fait, l‟exerce. La seconde sanctionne l‟inaction prolongée du titulaire
d‟un droit réel ou d‟un droit personnel par la perte de ce droit306.
117. Un individu ne saurait arguer de l‟écoulement du temps pour se prétendre titulaire d‟un titre
exécutoire qu‟il a détenu, ainsi que des droits qu‟il consacre. En revanche, le titulaire de cet acte
peut-il en conserver les droits aussi longtemps qu‟il le souhaite ? Un titre exécutoire est-il
indéfiniment valable ? Fonde-t-il indéfiniment le droit à l‟exécution forcée ? Se pose ainsi la
question de la prescription extinctive du titre exécutoire et donc de la prescription de l‟exécution
forcée.
302 Cass.civ.2è, 14 sept.2006, pourvoi n°04-18.178.
303 Voir, TPI Douala, ordonnance de référé n°1283 du 19 septembre 2001 l‟affaire NKEYIP c/AIR Afrique, inédite.
Saisi en annulation d‟une saisie-attribution des créances au motif que celle-ci était pratiquée en vertu de l‟extrait du
plumitif d‟un arrêt de déchéance de la cour suprême, le juge de l‟exécution décida à bon droit que le pourvoi en
cassation ne suspendant pas l‟exécution, c‟est en vertu de l‟arrêt C/A Littoral n°531/S du 25 Août 1993 devenu
définitif que la saisie-attribution contestée a été pratiquée.
304 L‟arrêt d‟appel est prioritaire dans l‟acte de saisie.
305 Voir l‟article 2219 du Code civil français.
306 Cette définition classique est reprise par A. MOREAU et M. BROTONS, « Les principales modifications apportées
par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile », LPA, 31 juillet 2008, n°153, p.17.
58
L‟écoulement du temps ne fige pas les droits subjectifs, dont le droit à l‟exécution forcée. Mais il
peut en modifier les effets pour tenir compte d‟une situation qui a duré307. Il s‟agit d‟assurer la
sécurité juridique308, la conservation de la preuve309 et de sanctionner l‟absence de diligence du
créancier310.
En l‟absence d‟indications légales précises, la question de la prescription du titre exécutoire s‟est
posée (1). En droit français elle a suscité une controverse jurisprudentielle311 (2). La loi du 17 juin
2008 a-t-elle mis fin au débat (3) ?
1- La position du problème en droits français et camerounais
118. La décision portant injonction de payer, par exemple, est non avenue si elle n‟a pas été
régulièrement signifiée. En droit OHADA, la signification de l‟ordonnance est faite à chacun des
débiteurs dans les trois mois de sa date, à l‟initiative du créancier, par acte extrajudiciaire312. En
droit français l‟ordonnance d‟injonction de payer doit être signifiée dans les six mois de sa date313.
La décision d‟injonction de payer est aussi non avenue si la demande tendant à l‟apposition de la
formule exécutoire n‟a pas été régulièrement formée. En droit français, cette demande doit être
présentée au greffe soit par déclaration, soit par lettre simple, dans le délai d‟un mois suivant
l‟expiration du délai d‟opposition ou le désistement du débiteur314. En droit OHADA, elle est
formulée au greffe par simple déclaration verbale ou écrite, dans les deux mois suivant l‟expiration
du délai d‟opposition ou le désistement du débiteur315.
Mais il ne s‟agit ici que d‟une demande tendant à l‟apposition de la formule exécutoire et non d‟un
délai prescrivant le titre exécutoire revêtu de la formule exécutoire316. Il en est de même lorsque
l‟article 478 du CPC énonce que « le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé
307 La paix sociale serait davantage troublée par des procès tardifs que par la consécration de situations de faits
durables ; voir A. MOREAU et M. BROTONS, ibid.
308 Il faut lever l‟incertitude en fixant la situation juridique des créances incertaines et en permettant aux parties de faire
les contestations éventuelles.
309 Il faut pallier l‟absence de preuve d‟une exécution déjà faite par le débiteur, ou même la perte du titre exécutoire qui
fonde le droit à l‟exécution forcée car on ne peut conserver indéfiniment les pièces probatoires.
310 Il faut libérer un débiteur et sanctionner corrélativement un créancier négligent qui tarde à exercer son droit à
l‟exécution forcée d‟un titre exécutoire.
311 « Prescription des jugements et des titres exécutoires », paragraphe 10, Recueil Périodique Juris-Classeur,
Encyclopédie des Huissiers de justice, n°223, mars 2008 ; « Prescription et acte revêtu de la formule exécutoire »,
ibid. paragraphe76.
312 Voir les articles 8 et s. de l‟AUVE.
313 Voir les articles 1411 al. 2 et s. du CPC.
314 Voir l‟article 1423 du CPC.
315 Voir l‟article 17 al.2 de l‟AUVE pour la décision d‟injonction de payer. Il en est de même pour la décision
d‟injonction de délivrer ou de restituer (article 26 de l‟AUVE).
316 Le titulaire du titre exécutoire perd son droit à l‟exécution forcée en cas de prescription du titre exécutoire qui le
fonde.
59
contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans
les six mois de sa date ».
119. En revanche, l‟article 72 du CPCC camerounais dispose que « les jugements par défaut doivent
être exécutés dans les douze mois de leur obtention, sinon ils sont réputés non avenus ». Au regard
de l‟article 571 al. 2 de la loi camerounaise n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de
procédure pénale, on peut affirmer que les titres exécutoires judiciaires constatant des
condamnations pécuniaires (amendes, frais de justice, dommages-intérêts et restitutions pour
lesquels la contrainte par corps a été exercée) sont soumis à la prescription trentenaire.
Cet al. 2 de l‟article 571 précise que le délai de prescription de l‟action prévue à l‟al. 1 (b) qui est de
trente ans court à compter du lendemain du jour où la contrainte par corps a pris fin. Selon cet al. 1
(b), « Le ministère public ou la partie civile peuvent à tout moment faire procéder à la saisie des
biens mobiliers et immobiliers du condamné, à concurrence du montant de la créance,
conformément aux règles édictées en matière de saisie ».
120. En ce qui concerne les titres émis en vertu du privilège du préalable par l‟Etat, les collectivités
territoriales et les établissements publics dotés d‟un comptable public, il existe des textes
particuliers. Les articles L.274, 274 A, 274 B, 275 A du Livre français des procédures fiscales, par
exemple, prévoient la prescription du titre et donc de l‟exécution forcée. Le délai de prescription,
ici, est également de quatre années consécutives à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle.
De même la loi française n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des dettes
publiques institue un délai quadriennal de prescription. Ce délai court à compter du premier jour de
l‟année qui suit celle où le droit a été acquis et s‟applique à toutes les créances contre l‟Etat, les
collectivités territoriales317 et les établissements publics dotés d‟un comptable public. L‟article 2 de
cette loi consacre expressément l‟unité des délais en disposant que ce délai de prescription est aussi
applicable au jugement qui la constate. Il fait courir le délai à compter du premier jour de l‟année
suivant celle où le jugement est passé en force de chose jugée.
121. Mais rien n‟est prévu pour les autres titres exécutoires. En matière civile, le cas des jugements
contradictoires ou réputés contradictoires ainsi que des autres titres exécutoires, n‟a pas fait l‟objet
d‟une réglementation aussi précise. Il se pose la question de savoir si ces autres titres exécutoires
relèvent de la prescription de droit commun de trente ans ou si le régime de prescription est le
même que celui du droit qu‟il consacre. L‟on peut aussi se demander si, en droit OHADA, il n‟est
317 L‟article 1er de la loi citée ne vise que les départements et les communes mais la jurisprudence admet qu‟il
s‟applique, sans distinction, à toutes les collectivités territoriales ; à propos d‟un titre émis par une région, voir
CAA Douai, 26 mai 2005, n°03DA00539, inédit.
60
pas possible de prévoir un délai de prescription spécial quitte à ce qu‟il varie selon la nature du titre
exécutoire.
Faut-il dès lors opter pour l‟unité des délais ou pour la dualité des délais ? Dans la première
hypothèse, on appliquerait le délai de prescription de l‟obligation dont l‟exécution forcée est
poursuivie. Dans la seconde, un délai distinct de celui de l‟obligation est applicable au titre
exécutoire qui sert de fondement aux poursuites.
Le choix est délicat. Si une hypothèse peut être favorable au débiteur, l‟autre est préférable pour la
protection des intérêts du créancier. Peut-on trouver un juste équilibre entre ces différents intérêts ?
Ce débat sur la détermination du délai applicable à la prescription du titre exécutoire a déjà eu lieu
en droit français.
2- La controverse jurisprudentielle autour du délai de prescription du titre exécutoire en droit
français
122. Dans le silence des textes, la substitution de la prescription trentenaire de droit commun à la
prescription de l‟obligation, par hypothèse plus courte, pouvait se justifier pour les jugements. En
consacrant une obligation, le jugement fait disparaître le risque de dépérissement des preuves et
substitue l‟ordre du juge à son fait générateur. « Le droit à l’exécution forcée du créancier
l’emporte alors sur le droit à l’oubli du débiteur »318.
On a aussi indiqué que « l’application de la prescription trentenaire se comprend lorsque le titre
exécutoire est un jugement contentieux, du fait que le jugement opère un effet novatoire »319. Cette
doctrine soutient que « quand on procède à l’exécution d’une décision de justice, les poursuites
n’ont plus pour objet l’exécution de la créance dont le demandeur s’estimait titulaire. Ce que l’on
exécute, c’est la condamnation d’un juge, couverte de l’autorité de la chose jugée ».
En revanche, l‟interversion des prescriptions était discutée pour les autres titres exécutoires. La
Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation appliquait la prescription trentenaire non
seulement à la poursuite de l‟exécution des jugements de condamnation320, mais aussi à celle de
tous les titres exécutoires y compris les actes notariés321. La Première Chambre civile de la Cour de
cassation appliquait la technique de l‟unité des délais. Ainsi, par exemple, pour une poursuite
318 Voir Ph. HOONAKKER, « La prescription de l‟exécution forcée depuis la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 », Droit
et procédures, n°1, 2009, p. 15.
319 R. PERROT, RTD civ. 2005, p. 638.
320 Cass.civ. 2ème, 27 septembre 2001, Bull.civ. II, n°147 ; Defrénois 2002, art. 37486, p.263, note E. SAVAUX.
321 Cass.civ. 2ème, 9 juin 2005, Bull.civ. II, n°150 ; JCP G 2005, II, 10120, note H. CROZE; RTD civ. 2005, p.638, obs.
R. PERROT ; Droit et procédures 2006, n°1, Juris.11, pp.45 et s. note E. PUTMAN.
61
fondée sur un acte authentique revêtu de la formule exécutoire, elle appliquait la prescription
déterminée par la nature de la créance322.
123. Pour mettre un terme à cette divergence, la Chambre Mixte de la Cour de cassation, réunie le 26
mai 2006, a décidé que « La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance et
la circonstance que celle-ci soit constatée par un acte authentique revêtu de la formule exécutoire
n’a pas pour effet de modifier cette durée »323. En l‟espèce, le détournement du caractère abrégé
d‟une prescription par le moyen de l‟acte notarié a été sanctionné. L'apposition de la formule
exécutoire sur un tel acte n'a pas pour effet de modifier la durée de la prescription324.
La Troisième Chambre civile a repris la formule selon laquelle « la durée de la prescription est
déterminée par la nature de la créance »325 De même, la Deuxième Chambre civile, pour décider
qu‟une saisie-attribution ayant pour cause une créance commerciale ne pouvait être poursuivie plus
de dix ans après la date du prêt notarié servant de fondement à cette créance, reprend la motivation
de l‟arrêt précité du 26 mai 2006326.
La Première Chambre civile a aussi appliqué cette solution à une saisie immobilière poursuivie en
exécution d‟une créance commerciale plus de dix ans après la date de l‟acte authentique de prêt. Ce
faisant, elle a précisé que « La durée de la prescription de la créance est exclusivement déterminée
par la nature de celle-ci, peu important que soit poursuivie l’exécution du titre exécutoire la
constatant »327.
On peut donc distinguer selon que l‟exécution est poursuivie sur le fondement d‟un jugement de
condamnation, d‟une décision assimilée ou pourvue des mêmes effets ; mais aussi selon qu‟elle est
poursuivie sur le fondement d‟un titre exécutoire d‟une autre nature.
124. Dans la première hypothèse, les chambres de la Cour de cassation appliquent la règle dite de
« l’interversion des prescriptions »328. La prescription trentenaire se substitue à la prescription
originelle de la créance329. Cette novation de la créance primitive résulte de ce qu‟en tranchant le
litige par application des règles de droit, l‟acte juridictionnel ajoute à la convention d‟origine qui
faisait la loi des parties, la force qui s‟attache à toute condamnation revêtue de l‟autorité de la chose
322 Cass.civ. 1ère, 11 février 2003, Bull.civ. I, n°43 ; Procédures 2003, comm. 165, note R. PERROT.
323 Ch. Mixte, 26 mai 2006, Société Anonyme Banque Savoie c/M. Dombes et autres, Bull. mixte, n°3 ; JCP G 2006, II
10129 note H. CROZE; D.2006, p.1793, note WINTGEN; RTD civ. 2006, p.558, obs J. MESTRE et B. FAGES,
p.829, obs. R. PERROT, Procédures 2006, comm.181, obs. R. PERROT.
324 Mélina DOUCHY-OUDOT, obs. sous Ch. Mixte, 26 mai 2006, ibid. Droit et procédures, n°5, 2006, pp.273-276.
325 Cass.civ.3è, 8 nov. 2006, Droit et procédures 2007, n°3, Juris.35, pp.152 et s. obs. R. N. SCHÜTZ.
326 Cass.civ. 2ème, 7 juin 2007, JCP G 2007, II, 10135, note O. SALATI.
327 Cass.civ. 1re, 12 juillet 2007, JCP G 2007, II, 10136 ; D.2007 p.2159 ; E. PUTMAN, obs. sous Cass.civ. 1re, 12 juillet
2007, Droit et Procédures 2008 n°1, Juris.07, pp.35-37.
328 Voir A. VIANDIER, « Les modes d‟interversion des prescriptions libératoires », JCP G. 1978 I, 285 ; R.
LIBCHABER, « Le point sur l‟interversion des prescriptions en cas de condamnation en justice », Dalloz 2006,
254.
329 E. PUTMAN, obs. sous Cass.civ. 1re, 12 juillet 2007, op.cit. p. 36.
62
jugée330. Appliqué même aux contraintes en matière de sécurité sociale331, l‟effet d‟interversion de
la prescription n‟est plus admis pour les autres titres exécutoires.
125. Dans cette seconde hypothèse, les titres exécutoires non assimilés aux jugements ne produisent
plus l‟interversion de la prescription332. Relevant que, contrairement au juge, le notaire ne décide
pas et ne contrôle pas la validité des actes qu‟il authentifie333, on a pensé que la jurisprudence qui
admettait l‟interversion de la prescription334 sans considérer la nature de la créance, n‟a plus de
raison d‟être335.
126. Toutefois, la distinction opérée par la Cour de cassation depuis son arrêt précité du 26 mai 2006,
instaure une certaine hiérarchie des titres exécutoires336. On a reproché à cette jurisprudence la
consécration de la hiérarchisation des titres exécutoires. Simple manifestation des volontés privées,
l‟acte notarié, par exemple, serait un titre exécutoire moins éminent que d‟autres. De même, le délai
de prescription de droit commun, de trente ans, accordé pour la poursuite de l‟exécution des titres
exécutoires de la catégorie des jugements et actes assimilés, semblait très long.
Un avant-projet de réforme du Code civil en matière d‟obligations élaboré par la commission P.
CATALA proposait de substituer au système jurisprudentiel, un autre système qui soumettrait à une
prescription décennale toutes les actions relatives à un droit constaté par un jugement ou un autre
titre exécutoire337.
La réforme étant déjà opérée par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la
prescription en matière civile entrée en vigueur le 19 juin 2008338, il convient de voir si la volonté
de rendre tous les titres exécutoires égaux devant la prescription a été réalisée.
3- L’introduction partielle de la prescription décennale en droit français
127. En droit français, la réduction du délai de prescription de droit commun de trente ans à cinq ans fait
que l‟interversion des prescriptions339 ne peut plus remplir exactement le même office340. Si elle le
330 R. PERROT, obs. in RTD civ. 2005, special p.639.
331 Cass.soc., 5 février 1998, Bull.civ. V, n°68. Lorsqu‟elles ont été régulièrement signifiées et n‟ont pas fait l‟objet de
contestation, ces contraintes « comportent tous les effets d’un jugement »
332 Il en serait ainsi même des transactions non homologuées par le président du TGI.
333 Voir R. LIBCHABER, op.cit. p.258.
334 Notamment lorsqu‟une dette qui n‟a pas coutume d‟être constatée par un titre, fait l‟objet d‟un écrit du débiteur
portant reconnaissance de dette.
335 E. PUTMAN, obs. sous Cass.civ. 1re, 12 juillet 2007, op.cit. p. 37. Justifiée par la novation (Cass.civ. 1ère, 15 janvier
1991, Bull.civ. I, n°17 ; Cass.com. 3 décembre 1996, Dalloz 1996, somm. p.180, obs. Ph. DELEBECQUE), elle
était déjà étroitement appliquée (Cass.civ. 14 décembre 2004, Bull.civ. I, n°320).
336 Voir H. CROZE, note in JCP 2007, op.cit. p. 1466.
337 Voir Ph. MALAURIE, Defrénois 2006, art. 38325, pp.230 et s.
338 Voir JOF n° 141 du 18 juin 2008, p.9856. Cette loi avait pour dessein, non seulement de moderniser et simplifier le
régime des prescriptions pour le rendre plus attractif, mais aussi de l‟harmoniser avec les règles du droit européen
et international. Cf. Lettre de l‟Ecole Nationale de Procédures, n°35, p.16, 2008, « Réforme des prescriptions quoi
de neuf ? »
63
faisait, pour les délais inférieurs, elle aboutirait à une généralisation du délai quinquennal. Ce délai
serait très court, au moins pour les jugements341.
Toutefois, la dualité des délais a été maintenue par l‟article 23 de la loi française n°2008-561 du 17
juin 2008 qui institue un délai spécifique plus long342. Le législateur ne retire donc pas à l‟acte
juridictionnel toute son autorité. L‟ombre du système mis en place par la jurisprudence n‟a pas
disparu. Il y a influence de la nature de la créance sur la détermination de la prescription (a). La
hiérarchie des droits en présence et la hiérarchisation des titres exécutoires semblent maintenues (b).
a) La consécration de la règle du délai de prescription le plus favorable en matière
d’exécution du titre exécutoire
128. L‟article 3-1 de la loi française du 9 juillet 1991, dans sa rédaction du 17 juin 2008, dispose, en son
premier al., que « l’exécution des titres exécutoires mentionnés aux al.s 1 à 3 de l’article 3 ne peut
être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont
constatées se prescrivent par un délai plus long ». Le second al. ajoute que « le délai mentionné à
l’article 2232 du Code civil n’est pas applicable dans le cas prévu au premier al. ».
Il ressort du premier al. que l‟exécution des jugements de l‟ordre judiciaire ou de l‟ordre
administratif, des sentences arbitrales ainsi que des transactions et des extraits de procès-verbaux de
conciliations homologuées ou constatées par un juge, doit en principe intervenir dans un délai de
dix ans.
129. Il y a allongement de la prescription de la créance par le truchement de l‟acte juridictionnel. Ainsi,
réduite à cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières343, la durée de la prescription de droit
commun est remplacée par le nouveau délai de prescription du titre exécutoire juridictionnel ou des
actes assimilés, de dix ans, courant à compter du jour où le titre exécutoire est rentré dans la
catégorie de l‟article 3-1 de la loi du 9 juillet 1991. Il en est de même pour tous les délais spéciaux
de prescription de moins de dix ans344.
339 La cause d‟interruption de la prescription, telle que la mise en œuvre des voies d‟exécution, n‟entraîne pas
l‟interversion de la prescription.
340 Notamment la substitution de la prescription de droit commun à la prescription de la créance initiale, lorsque le
créancier dispose d‟un titre exécutoire.
341 Contrairement à la cause de la suspension de la prescription qui « arrête temporairement le cours sans effacer le
délai déjà couru » (article 2230 du Code civil français), la cause de l‟interruption est celle qui « efface le délai de
prescription acquis [et] fait courir un nouveau délai de même nature que l’ancien » (article 2231 du Code civil
français. Cette nouvelle disposition supprime en principe la règle de l‟interversion de la prescription extinctive
dont l‟effet était de substituer à certaines prescriptions interrompues le délai de prescription de droit commun.
342 Voir Ph. HOONAKKER, « La prescription de l‟exécution forcée depuis la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 », op.cit.
p.15 ; voir aussi C. BRENNER et H. LECUYER, « La La réforme de la prescription », JCP Entreprises et
affaires, Vol.7, n°1169, 12 février 2009, pp. 35-36.
343 Contre trente ans antérieurement (article 2224 du Code civil français).
344 La loi française du 17 juin 2008 précitée essaie d‟harmoniser les délais spéciaux à deux, cinq, vingt et trente ans
selon les cas sans préjudice des délais spéciaux prévus par d‟autres lois (article 2223 du Code civil).
64
Cependant, institué en faveur du créancier dont le droit est constaté par l‟un des titres désignés, le
délai décennal ne doit pas être altéré par un délai de prescription du titre plus court que le délai de
prescription de sa créance. Le délai décennal ne s‟applique que si le délai de prescription de la
créance est inférieur ou égal à dix ans. Si les actions en recouvrement des créances qui y sont
constatées se prescrivent par un délai plus long345, la prescription décennale est écartée. S‟il s‟agit
d‟un droit imprescriptible au sens de l‟article 2227 du Code civil français, le titre exécutoire qui le
consacre devient lui-même imprescriptible.
130. Le second al. allonge exceptionnellement le délai de prescription des titres exécutoires concernés
par l‟article 3-1 de la loi précitée, au-delà du délai de vingt ans. Il précise que le délai butoir
mentionné à l‟article 2232 du Code civil346 n‟est pas applicable dans le cas prévu au premier al.. Cet
allongement s‟étend à la prescription du droit à l‟exécution forcée de tout titre exécutoire. Selon
l‟article 2244 du Code civil dont fait mention l‟article 2232 al. 2, le délai de prescription ou le délai
de forclusion qui est également interrompu par acte d‟exécution forcée, n‟est pas soumis à la limite
de vingt ans.
Il convient, toutefois, de relever que l‟article 2223 du Code civil n‟exclut pas expressément les cas
où des textes spéciaux régiraient la prescription de l‟exécution forcée. Ainsi la loi n°68-1250 du 31
décembre 1968 relative à la prescription des dettes publiques, qui institue un délai quadriennal de
prescription, n‟a pas été touchée par la réforme du 17 juin 2008. A cet égard, on peut noter une
discrimination défavorable pour le créancier d‟une dette publique dont la créance, le titre exécutoire
et par conséquent le droit à l‟exécution forcée, se prescrivent par quatre ans.
131. Une autre discrimination introduite par la loi du 17 juin 2008 concerne les actes reçus par les
officiers publics étrangers. Le législateur n‟a pas distingué ceux-ci des jugements étrangers et des
sentences arbitrales qui ont reçu l‟exequatur. Est-ce à dire que l‟exequatur confère à ces actes une
autorité supérieure à ceux reçus par leurs homologues, officiers publics français ? L‟exequatur
autorise simplement leur exécution forcée. L‟extension du délai décennal aux actes de même nature
reçus à l‟étranger et l‟exclusion s‟ils sont accomplis en France est discutable.
Stratégiquement, il faut s‟attendre à ce que lorsqu‟elles ont le choix, certaines parties avisées
anticipent en allant accomplir ces actes à l‟étranger. L‟enjeu pour le créancier serait de pouvoir
bénéficier des cas limités de la prescription décennale et de ses avantages.
345 Notamment vingt ans pour les actions en réparation des préjudices causés par les actes de barbarie, les actes de
torture ou par les violences ou les agressions sexuelles commises contre un mineur (article 2226 al.2 du Code civil)
ou trente ans pour les cas prévus aux articles 184, 191 du Code civil, L.152-1 du Code de l‟environnement.
346 Selon cet article 2232 du Code civil, « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription
ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la
naissance du droit. Le premier al. n’est pas applicable dans les cas mentionnés aux articles 2226, 2227, 2233 et
2236, au premier al. de l’article 2241et à l’article 2244. Il ne s’applique pas non plus aux actions relatives à l’état
des personnes ».
65
b) La limitation du champ d’application de la prescription extinctive décennale ou le maintien
de la hiérarchisation des titres exécutoires
132. A priori, l‟article 3-1 de la loi française du 9 juillet 1991 ne semble pas régler définitivement la
question du délai de prescription du titre exécutoire. Il ne traite que le cas des titres exécutoires
mentionnés aux al.s 1 à 3 de son article 3. Pourquoi avoir exclu les titres exécutoires des al.s 4 à 6
de l‟article 3 ? Il s‟agit des actes notariés revêtus de la formule exécutoire, des titres délivrés par
l‟huissier de justice en cas de non-paiement d‟un chèque et des titres délivrés par les personnes
morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou des décisions auxquelles la loi attache les
effets d‟un jugement. Le lien entre ces titres exécutoires est qu‟ils n‟ont pas pour fondement une
décision de condamnation ou un acte juridictionnel assimilé.
Va-t-on leur appliquer la prescription de droit commun347 ou celle consacrée par la jurisprudence
selon laquelle « la durée de la prescription de la créance est exclusivement déterminée par la
nature de celle-ci, peu important que soit poursuivie l’exécution du titre exécutoire la
constatant »348 ? Il aurait été souhaitable que le législateur donne lui-même la réponse pour faire
disparaître toute incertitude349.
133. Toutefois, il convient de rappeler qu‟en ce qui concerne les titres exécutoires administratifs visés à
l‟al. 6 de l‟article 3, des textes spéciaux fixent en général leur délai de prescription350. En ce qui
concerne les titres extrajudiciaires, il sera appliqué la technique de l‟unicité des délais. Il faudra se
référer à la créance ou au droit que consacrent les titres exécutoires compris dans les al.s 4 à 5 de
l‟article 3 de la loi du 9 juillet 1991, pour déterminer la durée de prescription351.
Cette technique est beaucoup moins favorable au créancier352. Mais en consacrant la distinction
entre les titres fondés sur une décision de condamnation ou sur un acte juridictionnel assimilé, le
législateur français approuve le système mis en place par la Cour de cassation. Il maintient le
principe de la hiérarchisation des titres exécutoires.
347 Désormais de cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières et trente ans pour les actions réelles immobilières
en droit français (Code civil articles 2224 et 2227).
348 Cass.civ. 1ère, 12 juillet 2007 op.cit.
349 L. LEVENEUR, « Prescription Réforme de la prescription : trois petits détours au parlement et quelques questions »,
JCP G 2008, n°43, 2289.
350 En l‟absence de textes, ils obéissent aux mêmes règles que la prescription des titres exécutoires extrajudiciaires.
351 Ainsi, en ce qui concerne le titre exécutoire délivré par l‟huissier de justice français en cas de non paiement d‟un
chèque, on ne saurait appliquer la règle de l‟interversion de la prescription pour passer à l‟application de la
prescription de droit commun. L‟exécution du titre exécutoire délivré par l‟huissier de justice serait régie par la
prescription du chèque. Selon l‟article L.131-59 du Code monétaire et financier, l‟action en recours du porteur
d‟un chèque contre les endosseurs, le tireur et les autres obligés se prescrit par un an à compter du jour de
l‟expiration du délai de présentation. A ce délai on pourrait ajouter les huit jours suivant la signification du titre
exécutoire.
352 Ph. HOONAKKER, « La prescription de l‟exécution depuis la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 », op.cit. pp18-19.
66
Parfois il faudra se référer au contenu du titre exécutoire pour déterminer son délai de prescription,
notamment lorsqu‟il est soumis au même délai que celui de l‟obligation qu‟il constate.
§II- Le contenu du titre exécutoire
134. Le fait de se prévaloir d‟un titre exécutoire ne signifie pas nécessairement qu‟il a force exécutoire à
l‟encontre de celui contre lequel les poursuites sont exécutées353. Il ne faut pas confondre « ces
titres qui ont simplement vocation à devenir exécutoires, avec la force exécutoire effective de ces
titres » affirmait Monsieur le Professeur R. PERROT354.
Cette force effective est aussi liée au contenu du titre exécutoire. La désignation claire des parties
permet d‟identifier le titulaire des prérogatives offertes par le droit à l‟exécution forcée du titre et
d‟apprécier les conditions d‟existence et d‟exercice de l‟action. Les obligations ou les créances à
exécuter doivent aussi figurer dans le titre exécutoire.
Dès lors, un titre n‟a force exécutoire qu‟à l‟égard des personnes physiques ou morales
nominativement désignées (A), en vue de l‟exécution d‟obligations bien déterminées (B).
A- L’identification des parties dans le titre exécutoire
Le droit à l‟exécution n‟est en principe reconnu qu‟au créancier désigné dans le titre exécutoire (1).
Il s‟exerce contre un débiteur clairement désigné (2).
1- La nomination du créancier dans le titre exécutoire
135. Partant du principe selon lequel un titre exécutoire ne peut justifier des poursuites qu'à l'encontre
des personnes dont l'identification figure dans ce titre lui-même, on peut déduire que seul le
créancier désigné dans le titre exécutoire a qualité pour prendre l'initiative d'une mesure
d'exécution355. La Cour de cassation française a tranché le cas où des poursuites sont engagées par
une personne dont l'identification n'apparaît pas dans le titre exécutoire comme étant créancière356
en précisant qu'il ne faudrait pas négliger l'éventualité où la personne réellement créancière serait
désignée dans le jugement (ou le titre exécutoire) sous un vocable générique.
En l'espèce, alors qu'une condamnation à paiement avait été prononcée au profit du "Groupement
des Mutuelles du Mans", une saisie-attribution avait été pratiquée à l'encontre d'un débiteur par la
société des "Mutuelles du Mans IARD". Le débiteur tirait argument de la différence de
353 G. DEHARO, « Ce qu‟exécuter veut dire…Une approche théorique de la notion d‟exécution », Droit et procédures,
n°4, 2005, p. 211.
354 R. PERROT, « Le titre exécutoire et son actualité jurisprudentielle », LPA 22 déc. 1999, n° 254, p. 5.
355 R PERROT, RTD civ. avril/juin 2003, pp. 356-357.
356 Cass.civ. 2ème, 19 décembre 2002, Bull.civ. II, n°293.
67
dénomination pour demander la nullité de la saisie. Le juge d'appel refusa de faire droit à ce moyen
de défense, estimant que la société des "Mutuelles du Mans IARD", mentionnée dans l'acte de saisie,
avait qualité pour procéder à la saisie et il fut approuvé par la Haute Cour.
S'il est vrai que cet arrêt ne remet pas en cause le principe d'une adéquation nécessaire entre la
désignation de la personne qui figure dans le titre exécutoire et celle dont le nom est indiqué dans
l'acte de saisie, il suscite quand même quelques remarques. Il appartient aux juges du fond de
vérifier (tout en veillant à cette adéquation) si, sous un terme générique, transparaît la personnalité
du créancier ayant procédé à la saisie.
136. Toutefois l‟exigence de nomination des personnes morales pose parfois un problème difficile à
dénouer. Très souvent, des sociétés, quelle que soit leur importance, subdivisent leurs activités sous
forme de filiales et donnent à chacune, au sein d'un même groupe, une relative autonomie. La
diversité plus ou moins énigmatique de leurs dénominations finit par semer la confusion et le
plaideur qui en ignore les mystères peut, en toute bonne foi, se tromper sur la dénomination exacte
de son adversaire357.
137. Parfois aussi, certaines sociétés ont plusieurs enseignes. Cette situation peut dérouter, que les
sociétés soient créancières ou débitrices. Il n‟est pas exclu que cette solution soit également
appliquée pour identifier le débiteur, personne morale ou physique. Pourtant la procédure
d'exécution a besoin de précision et s'accommode mal d'un puzzle qui, au gré des circonstances,
permettrait aux uns ou aux autres de se retrancher derrière l'indépendance de la filiale ou la
souveraineté de la société mère, alimentant un contentieux rarement innocent358.
138. Concernant les sociétés qui changent de dénomination sociale, un arrêt de la Cour de cassation359
rappelle la nécessité, pour le titre exécutoire, de désigner avec exactitude le créancier. En l'espèce,
une société F. devenue société S., avait engagée une procédure d'exécution forcée sur le fondement
d'un arrêt du 24 mai 1991. Un juge de l'exécution, notant que la société F. venait aux droits de la
société S., avait juste limité les effets du procès-verbal de saisie-vente dressé à la requête de la
société F., à l'encontre de M. L.
Plus tard, la société F. pratiqua une saisie sur les rémunérations de travail de M. L. Ce dernier
contesta en soutenant qu'il n'avait aucun lien de droit avec la société F. Pour rejeter la contestation
du débiteur et autoriser la seconde saisie, une Cour d'appel avait relevé que la société X, venant aux
droits de la société Y, avait déjà été jugée recevable et fondée à diligenter des procédures
d'exécution forcée à l'encontre de M. L. Mais cet arrêt fut cassé par la Cour, au motif que le
357 R. PERROT, RTD civ., avril/juin 2003, p. 357.
358 R. PERROT, ibid.
359 Cass.civ.2è 18 octobre 2007, Lucchi contre Société Fran finance, pourvoi numéro 06-20-258, inédit.
68
jugement rendu par le juge de l'exécution le 25 mars 1999, « n'avait pas dit, dans son dispositif, que
la société F. venait aux droits de la société S. ou qu'elle pouvait se prévaloir de l'arrêt du 24 mai
1991 ».
139. Une autre question qu‟on peut se poser serait de savoir si, sans être à l'origine bénéficiaire d'un titre
exécutoire, une personne peut s'en prévaloir par l'effet d'une subrogation légale. Aussi peut-il y
avoir mise en œuvre de l‟action oblique ?
D‟après l‟article 1166 du Code civil, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de
leurs débiteurs négligents, à l‟exception de ceux qui sont attachés à leur personne. L‟action oblique
les subroge de plein droit et leur permet de diligenter directement toutes les voies d‟exécution en
lieu et place de leurs débiteurs, sans qu‟il soit besoin de solliciter au préalable un titre exécutoire360.
140. La question de savoir si les règles de la subrogation légale permettent au subrogé d‟exercer
directement les voies d‟exécution contre le débiteur de la créance par lui payée est controversée361.
Selon Monsieur le Professeur Ph. THERY, le créancier peut, contrairement au débiteur, se prévaloir
de la subrogation légale. Les juges du fond admettent, par exemple, que lorsque le Fonds de
garantie contre les accidents de circulation a indemnisé la victime à la place du responsable de
l‟accident, il se trouve subrogé dans les droits du créancier et peut diligenter, contre le responsable,
les voies d‟exécution sur le fondement du jugement de la commission d‟indemnisation des victimes,
bien que le Fonds ne bénéficie en réalité que d‟une action récursoire contre l‟auteur de l‟accident362.
141. Qu‟elle soit légale ou conventionnelle, la subrogation devrait dispenser son bénéficiaire de
l‟obligation d‟obtenir un nouveau titre exécutoire contre le débiteur. En principe, les rapports entre
le subrogé et le débiteur sont sans influence sur l‟obligation de payer du débiteur. La subrogation ne
remet pas en cause le fait que le titre porte condamnation de la personne qu‟elle désigne
nommément en qualité de débiteur363.
Si le créancier bénéficie d'un titre exécutoire contre le débiteur principal, la caution qui est subrogée
dans les droits de celui-ci peut utiliser le titre contre le débiteur afin d'exercer son recours. Ici il n'ya
pas modification de la personne désignée comme débitrice dans le titre exécutoire.Lorsque le
créancier bénéficie d'un cautionnement avec pluralité de cautions (cautionnement notarié), solidarité
oblige, l'une des cautions ayant payé la totalité de la dette pourra se retourner contre ses coobligés.
Si les cautions sont désignées dans le titre exécutoire comme co-débitrices solidaires, la caution
auteur du paiement intégral envers le créancier, qui se trouve subrogée dans les droits de ce dernier,
pourra se retourner contre les autres cautions sur la base du titre.
360 S. GUINCHARD et T. MOUSSA, Droit et pratique des voies d’exécution, op.cit. p.9, n°111-31
361 La réponse devrait être négative selon R. PERROT ; voir LPA n° 254 p. 13-14
362 TGI, Toulon, Jex, 7 juin 1995, La Revue des huissiers 1996, p. 602.
363 S. GUINCHARD et T. MOUSSA, Droit et pratique des voies d’exécution, ibid.
69
Si le créancier ne dispose d'un titre qu'à l'encontre d'un débiteur principal qui a des cautions, le titre
contre le débiteur principal ne saurait permettre l'exécution contre les cautions. Les poursuites, ici,
ne peuvent être que judiciaires et viser l'obtention de nouveaux titres exécutoires contre les
cautions. De même, si la caution auteur du paiement intégral a été seule désignée dans le titre
exécutoire, elle devra au préalable en obtenir un à l'encontre de ses coobligés.
142. Parfois aussi, par le jeu d'une transmission de créance, l'exécution est finalement poursuivie par un
cessionnaire de la créance, subrogé dans les droits du cédant. Ainsi une caisse d‟allocations
familiales peut être subrogée dans les droits de la mère de l‟enfant, s‟agissant de l‟exécution de
l‟ordonnance condamnant le père à lui verser une pension alimentaire364.
143. Le titre exécutoire notarié peut aussi être cédé. La loi française n°76-519 du 15 juin 1976 autorise
la transmission des titres hypothécaires au cas où une créance serait garantie par un privilège
spécial. Les notaires peuvent donc, dans certains cas, émettre des copies exécutoires à ordre (et non
au porteur) qui peuvent circuler par voie d'endossement365. Une société cessionnaire d'un acte
notarié de prêt dispose, de la sorte, d'un titre exécutoire qui l'autorise à faire pratiquer une saisie-
attribution366.
144. Le titre exécutoire détenu par le cédant à l'encontre d'une caution peut également être invoqué par
le cessionnaire de la créance. C'est le sens d'un arrêt rendu le 27 mars 2007, par la Cour de
cassation367. La précision qu'apporte à ce sujet la Cour de cassation est importante. Détenteur d'un
titre exécutoire à l'encontre des cautions de la société débitrice, le cédant avait qualité pour
poursuivre l'exécution sur les biens des deux époux. Toutefois, la société cessionnaire, dont la
créance à l'encontre de la société en liquidation n'est pas discutée, pouvait-elle se prévaloir du
jugement qui avait condamné les deux cautions au profit de la société cédante et procéder à des
mesures d'exécution forcée contre elles368?
364 Voir ordonnance de non conciliation du 25 avril 1991suivi de Cass.civ. 8 juillet 1998, RTD civ. 1998, p.887, obs. J.
HAUSER.
365 M. DAGOT, « la transmission des créances hypothécaires (analyse de la loi n°76-519 du 15 juin 1976 relative à
certaines formes de transmission de créances) », JCP G 1976, I, n°2820.
366 Cass.civ. 3 nov. 2005, n° 03-14.932 et n° 03-14.933, Bull.civ. II, n°280. Pour les formes de la cession, art. 1690
Code civil français.
367 Cass.com., 27 mars 2007, n°05-20.696, Bout c/ SAS Nacc : Juris-Data n° 2007-038229 ; Procédures, Revue
Mensuelles Lexisnexis Juris Classeur juillet 2007, commentaires, 167, note R. PERROT. En l'espèce, une société
de crédit-bail avait consenti à une entreprise un crédit-bail garanti par le cautionnement d'un ménage. Après la
liquidation judiciaire de la société débitrice, la société créancière (qui avait par ailleurs changé de nom) obtint la
condamnation de la caution (les deux époux) à lui payer une somme en exécution de l‟engagement pris. Elle céda
ensuite sa créance à une autre société qui, pour obtenir l'exécution du jugement (titre exécutoire) contre les
cautions, fit pratiquer une saisie sur les droits d'associés appartenant aux deux conjoints.
368 R. PERROT, note sous arrêt du 27 mars 2007, op.cit., p.17. L'auteur y relève une logique puisque le titre exécutoire
détenu par le cédant à l'encontre des cautions, en tant qu'accessoire de la garantie, fait corps avec le cautionnement,
la garantie étant elle même un accessoire de la créance transmise ;c'est l‟application du principe « accessorium
sequitur principale ».
70
La Cour de cassation approuva le juge d'appel369 d'avoir infirmé la décision d‟un juge de
l'exécution. Datée du 6 mars 2003, la décision infirmée avait ordonné main-levée des saisies au
motif que le cessionnaire ne produisait pas un titre exécutoire. La Cour de cassation approuva aussi
le juge d‟appel d‟avoir confirmé la décision du juge de l‟exécution datée du 12 février 2004 qui
rejetait les contestations soulevées par les cautions à propos des saisies. « Après avoir énoncé que,
selon l'article 1692 du Code civil, le cautionnement constitue l'un des accessoires de la créance et
que le titre exécutoire détenu par le cédant à l'encontre des cautions constituait lui-même un
accessoire de cette garantie, la Cour d'appel, [estime la Cour], en a exactement déduit que la
société (...), cessionnaire et subrogée dans les droits de la (...), société cédante, pouvait se prévaloir
du titre exécutoire obtenu par celle-ci ».
145. Par ailleurs, l'exécution forcée peut être poursuivie par des personnes autres que le créancier
originaire lui-même, notamment les ayants cause universels et à titre universel370 qui sont censés
continuer sa personne, de même que les ayants cause à titre particulier371. Les représentants
statutaires des personnes morales peuvent aussi initier des procédures d'exécution au nom de celles-
ci372. Mais l‟exécution forcée ne peut être poursuivie que contre un débiteur désigné dans le titre
exécutoire.
2- La désignation précise du débiteur dans le titre exécutoire
146. Ni le législateur français dans la loi du 9 juillet 1991, ni celui de l'OHADA dans l‟Acte uniforme n°
6 du 10 avril 1998 ne posent, explicitement, le principe de la personnalisation du débiteur dans le
titre exécutoire. La seule exigence semble être la constatation, par le titre exécutoire, d'une créance
certaine, liquide et exigible. Certes, quelques textes évoquent les rapports entre le créancier et « son
369 CA, Bastia, 7 septembre 2005.
370 Ils devront justifier leur droit d'agir, notamment par la notification au débiteur de l'acte de décès du créancier
originaire ainsi qu'un acte judiciaire ou notarié attestant de leur qualité d'héritier.
371 Ils devront également justifier leur droit d'agir et notifier, au débiteur, le titre qui les constitue ; en cas de
transmission à titre particulier, par voie de cession de créance, l'opposabilité de l'opération au débiteur cédé
implique, non seulement que celle-ci lui ait été signifiée conformément à l'article 1690 du Code civil mais aussi
que le cessionnaire l'ait acceptée par acte authentique. C'est alors qu'il pourra mettre en œuvre les mesures
conservatoires ou exécutoires.
372 TPI de Bafoussam , jugement n° 39/civ. 15 mars 2002, Djopgnang Tchatchouang Vincent c/ SCECI-Nkap, inédit. En
l‟espèce, le tribunal a rejeté la demande de main-levée formée par un débiteur qui, pour appuyer sa requête, faisait
valoir qu‟ « en vertu des articles 2 et 3 de la loi n° 90/59 du 19 décembre portant organisation de la profession
d'avocat, les personnes morales de droit privé ne peuvent pas par elles-mêmes ester devant les juridictions du
Cameroun, à plus forte raison quand il y a plus de quatre avocats dans le ressort ; que le président du Conseil
d'administration de la société (...) ayant signé la requête aux fins de saisie conservatoire en violation des
dispositions susvisées (...) il y a défaut de qualité viciant cet acte ». Sur le fondement des articles 123, 462 et
suivants de l'acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés et du groupement d'intérêt économique, le tribunal
jugea « qu'il est de règle constante que les personnes morales de droit privé exercent le droit d'ester en justice par
le truchement de leur représentant légal ou statutaire, en l'occurrence le président du conseil d'administration ou
le directeur général ».
71
débiteur défaillant »373 ou « son débiteur »374. Ils sont très généraux et on ne saurait interpréter les
articles 1 de la loi du 9 juillet 1991 et 28 de l'AUVE « comme consacrant un droit à l'exécution
uniquement envers le débiteur ayant directement et nommément contracté la dette à titre
principal »375.
147. Cependant selon la jurisprudence, il ne faut pas qu‟une irrégularité dans la désignation du débiteur
gêne, par exemple, le tiers saisi dans l‟identification des débiteurs376. La situation peut être plus
complexe lorsqu‟il s‟agit de recouvrer des créances sociales. Il conviendrait dès lors de considérer
ces textes comme renvoyant simplement à la source de l'obligation pour déterminer la qualité du
débiteur377. En ce qui concerne par exemple les sociétés en nom collectif, l'article 221-1 du Code de
commerce français dispose que « les associés ont tous la qualité de commerçant et répondent
indéfiniment et solidairement des dettes sociales [et que] les créanciers ne peuvent poursuivre le
paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir vainement mis en demeure la société
par acte extra judiciaire ».
Ainsi si le premier al. institue une solidarité légale, le second n'exige qu'une mise en demeure
préalable, pour que les créanciers puissent poursuivre le paiement des dettes sociales378 à l‟encontre
des associés. L'exigence de cette mise en demeure préalable devrait suffire. L'obtention de titres
exécutoires contre chaque associé semble superflue, alors même que la loi ne l'exige pas
expressément. Cette position est favorable au créancier.
148. Pourtant le raisonnement d'une partie de la doctrine et de la jurisprudence379 a conduit à
l'expérimentation d'un véritable principe de désignation du débiteur par le titre ou, plutôt, d'un
« principe de personnalisation du débiteur dans le titre exécutoire »380. La délivrance d‟un titre
exécutoire ne crée pas, au bénéfice de son titulaire, un droit général à l‟exécution forcée du chef de
373 Voir les articles 1 de la loi du 9 juillet 1991et 28 de l'AUVE.
374 Voir l‟article 2 de loi du 9 juillet 1991.
375 E. PUTMAN, obs. Sous Cass. com. 3 mai 2006, Droits et procédures, n°5, 2006, p.289. En réalité, l‟auteur parle de
la loi française. Mais il peut en être de même s‟agissant de l‟AUVE.
376 Voir Cass.civ. 1ère, 6 mars 2007, n°05-18.898, Juris-Data n°2007-037780 ; Dalloz 2007, p. 950, obs. P.
GUIOMARD. La Cour approuve la CA qui, pour rejeter les demandes en annulation de la saisie conservatoire et
en restitution des sommes, avait relevé que l‟irrégularité dans la désignation de la débitrice, par les seuls nom et
prénom du mari, n‟avait pas gêné dans l‟identification des débiteurs. Voir, Encyclopédie des Huissiers de justice,
mise à jour au 8 janvier 2008, fasc. 30, n°13.
377 Ibid.
378 S'agissant des sociétés civiles, l'article 1858 du Code civil français relatif aux sociétés civiles exige une vaine
poursuite préalable de la société c'est-à-dire la preuve de l'impossibilité de recouvrer la créance contre celle-ci
C.com. 18 janvier 1994.
379 Voir RTD civ. 1995, p.194: certaines juridictions du fond se montraient hostiles à l'extension du titre exécutoire aux
personnes non désignées expressément.
380 R. PERROT, RTD civ. juillet-septembre 1998, p.750. Toutefois, un débiteur ne saurait tirer parti d‟une prétendue
absence d‟identité entre la personne formellement visée dans le titre exécutoire et celle à l‟encontre de qui la
mesure d‟exécution forcée est diligentée, dès lors qu‟il apparaît que ces deux entités forment, en définitive, une
seule et même personne morale ; voir Cass.civ. 2ème, 6 mai 2004, Bull.civ.II, n°219 ; Procédures juillet 2004,
n°153, note PERROT.
72
la créance constatée. Encore doit-il permettre d‟identifier la personne physique ou morale débitrice
de l‟obligation constatée381. Le principe de la personnalisation du débiteur dans le titre exécutoire
semble évident car l'article 877 du Code civil qui dispose que « les titres exécutoires contre le
défunt sont pareillement exécutoires contre l'héritier personnellement », constitue une exception au
principe de la personnalisation du titre exécutoire382.
Lorsque le débiteur décède, les articles 878 et suivants du Code civil organisent les modalités de la
succession. Si l'héritier accepte purement et simplement la succession, il succombera aux poursuites
dès qu'un créancier lui signifiera le titre constatant sa créance, en raison de la fusion des patrimoines
et de la règle de la continuation de la personne du de cujus. Mais, si la succession est acceptée sous
bénéfice d'inventaire le principe de la séparation des patrimoines permet aux héritiers d'échapper
aux poursuites pour les dettes du débiteur originaire.
Ce principe de la personnalisation du débiteur dans le titre exécutoire peut s‟expliquer par le
principe de la relativité de la chose jugée383. Selon l'article cité, le titre n‟est opposable aux ayants
cause universels de la personne condamnée qu'après une signification préalable. La désignation
précise du débiteur repose aussi sur une conception dualiste de la dette. On ne doit pas confondre le
droit de créance (fût-il de source légale) et le droit de poursuivre matériellement l'exécution. Ce
dernier ne se conçoit concrètement que pour une dette clairement individualisée.
149. Il y a également une différence entre le droit de poursuivre les débiteurs solidaires d'une même
dette384 et le droit de mettre en œuvre contre eux les voies d'exécution. En effet, après mise en
demeure infructueuse d'une société en nom collectif la loi autorise le créancier, lorsqu'il s'agit d'une
dette sociale, d'exercer des poursuites à l'encontre des débiteurs solidaires. Ainsi, à l'égard des
associés en nom collectif, la simple mise en demeure préalable de la société ouvre un droit de
poursuite, ce qui signifie que le créancier a le droit d'agir (en saisissant le juge ordinaire) en vue
d'obtenir leur condamnation et d‟avoir un titre exécutoire contre eux.
150. Un arrêt du 19 mai 1998385 confirme cette analyse. En l'espèce, une société en nom collectif, dont
les associés sont indéfiniment et solidairement responsables du passif social éventuel, avait été
condamnée par une décision de justice devenue exécutoire. La société débitrice paraissait insolvable
alors que l'un des associés, pris individuellement, avait encore des biens. Sans avoir au préalable
381 Voir S. GUINCHARD et T. MOUSSA, Droit et pratique des voies d’exécution, op.cit., pp.8-9, n°111-31.
382 Voir R. PERROT, obs. RTD civ. 1995, p. 194. La personnalisation du titre irait tellement sans dire, que le Code
civil a trouvé mieux de mentionner l'exception et non plus le principe.
383 Ainsi la Cour de cassation française a-t-elle rappelé (15 juillet 1999 et 1er décembre 1999, JCP, 2000.I.278, n°6,
note R. LE GUIDEC), que le créancier personnel d'un indivisaire ne peut pas saisir la part de son débiteur dans les
biens indivis. Mais si une sûreté a été consentie par l'ensemble des co-indivisaires, le créancier pourra bien saisir le
bien en cause (Cass.civ. 14 juin 2000, D. 2000; AJ, 318 obs. A. LIENHARD).
384 Cas des associés en nom collectif.
385 Cass.civ.2è, n°724: RJDA 11/98 n°1289.
73
mis en demeure la société ni même exercé vainement des poursuites contre elle en vue du paiement
de son dû, le créancier engagea (en vue de l'exécution) des poursuites à l'encontre de l‟associé en
apparence solvable.
Il se posait la question de savoir si le créancier pouvait se prévaloir d'un titre désignant comme
débitrice une société, pour exercer des poursuites à l'encontre d'un associé et cela avant d'avoir
préalablement mis en demeure la société, ou exercé vainement des poursuites en vue du paiement
de son dû. La Cour de cassation décide que « toute exécution forcée implique que le créancier soit
muni d'un titre exécutoire à l'égard de la personne même qui doit exécuter » et que « le titre
exécutoire obtenu à l'encontre d'une société n'emporte pas le droit de saisir les biens des
associés386, fussent-ils tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales, à défaut de titre
exécutoire pris contre eux ».
151. En réalité, on se serait attendu à ce que, par rapport à l'objet de la demande et conformément à
l'article L.221 du Code de commerce, la Cour rappelle le principe du préalable de la mise en
demeure de la société restée infructueuse, comme condition de la poursuite contre les associés d'une
société en nom collectif. Ce préalable n'avait pas été observé avant l'engagement des poursuites
contre l'associé dont il n'est pas dit, par ailleurs, qu'il posait le problème de sa non-identification
dans le titre exécutoire. Les juges de la Cour sont allés plus loin dans leur réponse, pour poser le
principe de la nomination du débiteur par le titre.
152. Cette solution était prévisible, le principe de la personnalisation du débiteur dans le titre exécutoire
étant parfaitement justifié387. Le titre exécutoire constatant la créance est un ordre qui ne vise que
les seules personnes contre lesquelles il a été délivré. C'est uniquement à leur égard que l'existence
et le montant de la créance ont été établis de façon définitive388. Il serait anormal de le rendre
opposable à des tiers non désignés. Toute action pourra donc être déclarée irrecevable pour défaut
de qualité pour agir et par souci de respect de la maxime « nul ne plaide par procureur »389. Ainsi,
en application de l‟article 153 de l‟AUVE, il a été décidé que lorsque les titres exécutoires sur le
fondement desquels la saisie-attribution est pratiquée ne sont pas délivrés contre le saisi, celui-ci est
fondé à demander la main-levée de la saisie390.
153. La portée de cette jurisprudence doit être relevée surtout dans la mesure où son application stricte
entraîne un « véritable impérialisme du droit de l'exécution forcée qui soumet à ses règles, aussi
386 Ou ne peut fonder une mesure d'exécution forcée à l'encontre des associés.
387 R. PERROT, RTD civ., juillet-septembre 1998, p.751.
388 R. PERROT, ibid.
389 S.S. KUATE TAMEGHE, Thèse précitée, 2004, p. 38.
390 Voir CCJA, arrêt n°012/2002 du 18 avril 2002, La société Elf Oil Cote d‟Ivoire devenue Total Fina Elf c. / La
société Cotracom, juriscope.org.
74
bien le droit fiscal »391 que le droit civil. Selon la doctrine, la solution jurisprudentielle ne concerne
pas seulement l'hypothèse classique où le titre aurait été délivré à l'encontre d'une société. Tant que
l'obligation d'un tiers n'aura pas été constatée dans un titre exécutoire, le créancier ne pourra rien
contre lui. Mais si un jugement est rendu à l'encontre du tiers, les poursuites pourront être engagées
sur ses biens personnels, au besoin par la mise en œuvre d'une mesure d'exécution forcée sur le
fondement d'un titre exécutoire l'identifiant clairement.
Si les biens appartenant au débiteur identifié dans le titre sont actuellement entre les mains d'un
tiers, la saisie est possible sauf obligation pour le créancier de notifier l'exécution forcée au
débiteur392. Ainsi un créancier qui soutenait l‟existence d‟une confusion de patrimoines entre les
biens de son débiteur et ceux des porteurs de parts sociales, a été autorisé à faire pratiquer le
nantissement et la saisie conservatoire des parts sociales de deux sociétés appartenant à l‟épouse et
aux enfants du débiteur. Ce dernier était en réalité le seul propriétaire et dirigeant de fait des
sociétés393. De même le créancier devrait pouvoir diriger l'exécution contre le représentant légal si,
pour des raisons de droit ou de fait394, il est dans l'impossibilité de diriger l'action contre le débiteur
lui-même.
Aussi, l'application du principe de la personnalisation du débiteur dans le titre est-elle généralisée
par identité de motif à tous les cas où, par le jeu d'une disposition légale ou conventionnelle édictant
la solidarité ou une obligation de garantie, la dette pourrait se répercuter sur un tiers395. C'est le cas
dans les rapports entre époux, lorsque l'un des conjoints a contracté des dettes pour les besoins du
ménage396. Le créancier qui veut se réserver la possibilité de poursuivre l'exécution forcée contre les
deux conjoints, au titre de la solidarité, doit nécessairement les mettre en cause, l'un et l'autre, en
vue d'obtenir un titre exécutoire à l'encontre de chacun d'eux. La Cour de cassation sanctionne le
Trésor public qui émet un titre de perception contre le mari et procède à la saisie des rémunérations
du travail de son épouse sans avoir produit de titre exécutoire à son encontre397.
154. C‟est dire que la solution s‟applique au recouvrement des créances fiscales et au titre exécutoire
que constitue le rôle visé par l'article 1682 du Code général des Impôts. L‟arrêt de la Cour de
cassation du 3 mai 2006 en est une illustration398. En l'espèce, un comptable du Trésor avait engagé
des poursuites à l'encontre des membres d'une famille en leur qualité d'associés d'une société en
391 E. PUTMAN, obs. Sous C. com. 3 mai 2006, Droits et procédures n°5, 2006, p. 289.
392 Voir à titre d'exemple les articles 38, 79 al. 1, 111, 160, 254 al. 2 de l'AUVE. Voir, arrêt C.S, n°21/91-92 du 27
février 1992, Tchana Rose c/ Etat du Cameroun, inédit
393 Cass.civ. 2è, 22 fév. 2007, n°05-21.695, F-D, Farbos c/ Boucherot et a, Juris-Data n°2007-037592.
394 Notamment si le débiteur est frappé d'une incapacité partielle, temporaire ou totale.
395 R. PERROT, ibid.
396 Article 220 Code civil.
397 Cass.civ.2ème, 28 octobre 1999, JCP 1999, IV, 3069.
398 Cass.com.3 mai 2006 n° 699, Trésorier principal de Plaisir c/ Trehin RJDA, 8-9/06, p. 948, n° 917.
75
nom collectif et, en même temps, à l'encontre de la société elle-même, pour obtenir paiement des
impôts dus par cette dernière. La demande d'annulation des commandements de payer et des avis à
tiers détenteur, délivrés contre eux, fut rejetée. Les associés saisirent le juge de l'exécution aux
mêmes fins. La Cour d'appel399 accueillit leur demande et annula les poursuites engagées contre les
associés.
Le comptable reprochait à la Cour d'appel d'avoir violé les articles L.221-1 du Code de commerce et
1682 du Code Général des Impôts. Selon le premier texte, les associés en nom collectif peuvent être
personnellement poursuivis pour les dettes de la société dès lors que le créancier dispose d'un titre
exécutoire à l'encontre de celle-ci. Dans ce cas les mises en demeure adressées à cette dernière sont
infructueuses. Ainsi, après avoir poursuivi en vain la société, le comptable, qui ne disposait d'un
titre exécutoire qu'à l'égard de la société, avait engagé les poursuites à l'encontre des associés. La
Chambre commerciale de la Cour de cassation française approuva la Cour d‟appel400, d‟avoir
décidé, selon la jurisprudence constante, que "toute exécution forcée implique que le créancier soit
muni d'un titre exécutoire à l'égard de la personne même qui doit exécuter et que le titre délivré à
l'encontre d'une société n'emporte pas le droit de saisir les biens des associés, fussent-ils tenus
indéfiniment et solidairement des dettes sociales, à défaut de titre exécutoire pris contre eux".
155. Toutefois, l'interprétation de l'article 1682 du Code Général des Impôts suscite un autre intérêt. La
Cour rappelle qu'en application de celui-ci le rôle, régulièrement mis en recouvrement, est
exécutoire non seulement contre le contribuable qui est inscrit mais aussi contre ses représentants
ou ayants cause. Mais elle décide que les associés ne sont ni les ayants cause ni les représentants de
la société. Pourtant compte tenu des exigences propres à la matière fiscale et des arrêts précédents401
de la Cour de cassation, un doute402 pouvait subsister quant à l'application de la jurisprudence du 19
mai 1998.
156. En matière fiscale, l'avis à tiers détenteur ne constitue pas un titre exécutoire. Le titre exécutoire,
ici, c'est le rôle rendu exécutoire par un arrêté préfectoral (en droit français) et notifié au
contribuable par voie d'avis d'imposition403. L'article 1682 du Code Général des Impôts rend le rôle
exécutoire contre les représentants et ayants cause de la société. Ainsi, comme en l'espèce, si le rôle
399 CA Versailles, 16è ch. Civ, 30 janvier 2003.
400 RDJA 8-9/06 n° 917 Cour d‟appel de Versailles 30 janvier 2003 16ème chambre civile.
401 Sur le fondement d'autres textes (CCH article L. 211-2 et LPF article L. 256), la Cour avait retenu une solution
différente s'agissant des associés des sociétés civiles de construction-vente. Voir: Cass.com. 20-11-2001 n° 1914:
RJDA 4/02 n° 401; Cass.com. 18-12-2001 n° 2188: 3/02 n° 905.
402 Une hésitation peut résulter du rapprochement entre la solidarité légale de l'article L.621-1 C. com et de la
représentation mutuelle des codébiteurs solidaires classiquement admise en jurisprudence ; toutefois, les associés
ne sont tenus solidairement des dettes sociales que de façon subsidiaire ; la solidarité n'existe qu'entre eux et non
avec la société ; par conséquent, ils ne peuvent être, à ce titre, considérés comme les représentants de celle-ci.
403 Article 274 LPF; Cour de cassation, Avis du 7 mars 1997 D. 1997 p. 454, note F. RUELLAN et R. LAUBA.
76
et l'avis d'imposition ne visent que la société en nom collectif il devient, en pratique, difficile de
recouvrer l'impôt contre les associés alors même que ces derniers sont censés être solidaires pour le
paiement du passif fiscal de la société404.
Même si le rôle est rendu exécutoire contre les représentants et ayants cause de la société, la Cour
précise que les associés ne sont pas les représentants ni les ayants cause de la société. Par
conséquent, il importait peu que le comptable du Trésor ait fait délivrer des commandements de
payer à chaque associé en nom collectif et que ceux-ci aient été visés par les avis à tiers détenteur.
Etant donné que le receveur des impôts ne disposait d'un rôle exécutoire qu'à l'égard de la société,
aucune poursuite n‟était possible à l'encontre des associés s'agissant des dettes fiscales de celle-ci.
157. Dans le même sens, la Cour de cassation juge que le débiteur solidaire d'une dette fiscale doit être
personnellement visé par le titre exécutoire et que l'administration fiscale ne peut pas engager de
poursuites à l'encontre des propriétaires d‟un fonds, sans avoir préalablement obtenu un titre
exécutoire à leur encontre405.
En l'espèce, sur le fondement de l'article 1684-3 du Code général des Impôts instituant une
responsabilité solidaire à la charge des bailleurs, le trésorier de la commune de Faulquemont
poursuivait le recouvrement de la somme de 369 452,31 euros due à sa caisse par les époux M. au
titre de l'impôt sur les revenus mis en recouvrement ainsi que d'une somme de 347 467,87 euros,
due par la Sarl Sedom, locataire du fonds de commerce dont étaient propriétaires les époux. Le
trésorier engagea une action paulienne à l'encontre des époux M. et de la société civile immobilière
(...) aux fins de voir déclarer inopposables les apports d'immeubles consentis à cette dernière par les
débiteurs, en fraude de ses droits.
Conformément aux dispositions de l'article 39 de la loi du 1er juin 1924, une pré-notation avait été
inscrite au Livre foncier de la commune de Faulquemont sur un feuillet ouvert au nom de la société
civile immobilière (...) pour un montant de 716 920,18 euros, afin de garantir les droits du Trésor
dans l'hypothèse où l'action paulienne engagée par le comptable prospérerait. Le 14 novembre 2001,
le TGI de Paris accueillit l'action paulienne engagée par le trésorier qui, par requête du 29 avril
2002, sollicita la conversion en inscription définitive de la pré-notation inscrite à son profit le 15
juin 1998, avec rang à cette date.
Le juge du livre foncier indiqua, par ordonnances intermédiaires des 13 mai, 28 juin et 18 juillet
2002, que les sommes dues par la Sarl Sedom ne pouvaient entraîner l'inscription d'une hypothèque
légale sur les biens des époux M., en l'absence de production d'un titre exécutoire à l'encontre de ces
404 Voir E. PUTMAN, obs. Sous C. com., 3 mai 2006, Droits et procédures, n°5, 2006, p.290. Pour cet auteur, les
conséquences pratiques de cette jurisprudence sont gênantes tant en droit fiscal qu‟en droit civil.
405 C.cass. 3 octobre 2006 arrêt n° 1083, Pourvoi n° S 04-14.728, inédit.
77
derniers. Les recours formés par le trésorier, aux fins de voir ordonner l'inscription complémentaire
de l'hypothèque légale du Trésor pour la somme de 558 478,99 euros représentant les cotisations
d'impôts sur les sociétés mises à la charge de la société Sedom, furent rejetés par la Cour d'appel au
motif « qu'il ne disposait pas d'un titre visant personnellement ces propriétaires ».
La Cour de cassation approuva les juges du fond en décidant que « le droit dont dispose le Trésor
en application de l'article 1929 ter du Code général des Impôts, de faire inscrire une hypothèque
légale suppose que soit établie la qualité de redevable du propriétaire des biens sur lesquels doit
être effectuée l'inscription sollicitée, de sorte qu'il importe que l'administration dispose d'un titre
exécutoire ». C'est dire qu'une trésorerie qui sollicite l'inscription d'une sûreté doit produire les avis
de mise en recouvrement émis non seulement à l'encontre de la société débitrice des impôts ou
rappels d'impôts éludés mais encore ceux établis à l'égard des débiteurs personnes physiques. Cette
règle est valable pour tout créancier qui, sollicitant l'inscription d'une sûreté, doit produire un titre
exécutoire établi à l'encontre de son débiteur.
158. Il y a aussi le cas du cautionnement simple, notamment lorsqu'un tiers a pris auprès d'un créancier
l'engagement d'acquitter l'obligation au cas où le débiteur principal ne le ferait pas. A l‟échéance, le
créancier ne saurait inviter la caution au paiement, laissant en retrait l'emprunteur principal.
Certains établissements financiers publics avaient pris l'habitude dès l'échéance, d'inviter la caution
à payer sans qu'il soit établi que le débiteur principal n'était pas en mesure d'exécuter406.
Il faut éviter que les cautions ne deviennent les grandes perdantes du conflit qui opposerait leurs
intérêts à ceux des débiteurs et des créanciers407. En vertu de son caractère subsidiaire408, le
cautionnement, qui ne garantit que le contrat passé initialement entre le créancier et son débiteur, ne
peut déclencher l'obligation de la caution qu'en cas d'inexécution ou de retard d'exécution409 par le
débiteur principal.
159. Un créancier ne saurait donc poursuivre l'exécution à l'encontre d'un débiteur, d'une caution simple
ou des associés (solidairement et indéfiniment tenus du passif social) sans avoir, au préalable,
obtenu un titre exécutoire personnalisé à leur encontre, de sorte que dans le cas contraire, les actes
de poursuite litigieux doivent être annulés. La solution, compréhensible, semble complexe pour ce
406 Voir R. MEVOUNGOU-NSANA, « La situation juridique de l'emprunteur immobilier en droit camerounais:
introduction à une réforme du droit camerounais du droit immobilier », RJA. 1992/1993, pp. 64 et s.
407 N. GERARDIN, « Le créancier, la caution et le débiteur surendetté », LPA n° 65, 31 mars 2000, p.8.
408 Le cautionnement a également un caractère accessoire et n'existe que si l'obligation principale dont il est dépendant
est valablement constituée, ceci en vertu du principe « accessorium sequitur principale ».
409 L'article 13 al. 1 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés dispose que « la caution n'est tenue de payer la
dette qu'en cas de non paiement du débiteur principal ». Et l'article 16 précise en outre que la caution simple peut,
sur premières poursuites exercées contre elle, exiger la discussion du débiteur principal en indiquant les biens de ce
dernier susceptibles d'être saisis immédiatement sur le territoire national et de produire des deniers suffisants pour
le paiement intégral de la dette.
78
qui est des dettes fiscales. L'application du principe de la nomination du débiteur par le titre
exécutoire au droit fiscal n'entrave-t-elle pas la transparence fiscale des sociétés de personnes?
160. L'interrogation peut se justifier. S'agissant des dettes fiscales des sociétés en nom collectif, l'article
1682 du Code Général des Impôts ne rend le rôle exécutoire que contre les représentants et les
ayants-cause de la société et non contre les associés. La question serait alors de savoir comment
obtenir un titre exécutoire s'agissant des créances fiscales et qui serait exécutoire contre les associés.
S'agissant des dettes fiscales des sociétés en général, les créanciers doivent produire les avis de mise
en recouvrement à l'encontre de la société débitrice et ceux établis à l'égard des débiteurs personnes
physiques.
161. S'agissant des conséquences du principe sur le droit civil, il convient de relever que la portée de la
solidarité passive se trouve réduite lorsqu'on aborde la phase de l'exécution forcée de la dette. Selon
les articles 2 al. 4 de la loi du 9 juillet 1991 et 33 al. 4 de l'AUVE, « les actes notariés revêtus de la
formule exécutoire » constituent des titres exécutoires. Ainsi la saisie des biens des codébiteurs
solidaires est possible si ceux-ci sont des parties à un contrat notarié revêtu de la formule
exécutoire. Ce contrat constitue à leur encontre un « titre exécutoire personnalisé ».
Il faut également relever que les associés d'une société en nom collectif ou même d'une société
civile ne sont pas en général des parties à l'acte lorsque c'est la société elle-même qui contracte. Par
conséquent, en l'absence d'engagement contractuel des associés, le créancier est tenu d'obtenir un
jugement exécutoire contre eux, ce qui peut être long. On a pu dire que « l'effectivité des obligations
solidaires des associés n'en sort pas grandie »410.
162. Les juridictions camerounaises et africaines sont également rigoureuses quant au respect du
principe de la désignation du débiteur dans le titre exécutoire. Le créancier doit justifier d'un titre
exécutoire personnalisé à l'encontre de la caution, des associés, ou de façon générale contre le
débiteur.
Au Cameroun, les juges du premier dégré retiennent par exemple que l‟acquéreur d‟un fonds de
commerce ne saurait être poursuivi par les créanciers du cédant pour des dettes contractées par ce
dernier et sans rapport avec le fonds cédé411. De même, la dette personnelle d‟un employé ne peut
justifier une saisie au préjudice de l‟employeur quelque soit son montant412. Bien avant, la Cour
410 E. PUTMAN, op.cit. p. 290. L'auteur précise que, selon la doctrine et la jurisprudence majoritaire, les associés en
nom collectif sont des coobligés solidaires de la société, contrairement à une jurisprudence des juges du fond (CA,
Paris, 8 oct. 1999, D. 2000, p. 583, note critique D. FIORINA) qui, pour justifier une application édulcorée de la
solidarité passive, a pensé que l'obligation des associés en nom collectif aurait une nature particulière, un caractère
subsidiaire et qu‟ils ne seraient donc pas personnellement codébiteurs de la société.
411 TPI Bafoussam, n°56 du 16 mars 2001, Librairie Papeterie du secours c./ Ketchanag Jean, inédit.
412 TPI Bafoussam, n°102/civ. du 21 septembre 2001, SOH c./ Dame Dassié Yvette et Fongang Michel, inédit.
79
d'appel du Centre413 avait rappelé que « seuls les biens du débiteur constituent le gage de ses
créanciers ». En l'espèce, un dirigeant de société avait été victime de saisies pratiquées sur son
compte personnel par l'un de ses créanciers en vue du recouvrement d'une dette sociale. Se fondant
sur l'article 2092 du Code civil qui dispose que « quiconque s'est obligé personnellement est tenu de
remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir », les juges
firent droit à la demande du débiteur. Ainsi aucune confusion n'est possible entre le patrimoine d'un
gérant et celui de la société dont il assure la gestion. Par conséquent les biens de celui-ci ne peuvent
aucunement être saisis en vue du désintéressement des créanciers sociaux.
Le Tribunal du travail hors classe de Dakar a décidé que la confusion entre une société et son gérant
statutaire « constitue un trouble manifestement illicite, qu'il convient de faire cesser en ordonnant la
discontinuation des poursuites dirigées contre le gérant et la société »414.
En l'espèce, un jugement du Tribunal du travail, en date du 15 juillet 1994, avait condamné une
société à payer diverses sommes d'argent. A l‟occasion de la liquidation de ces créances, une erreur
matérielle avait conduit à la condamnation du gérant, en lieu et place de la société. Par jugement
rectificatif, en date du 20 juin 1995, le tribunal a jugé que c'est la société et non le gérant qui est
condamnée. Les créanciers qui entreprirent l'exécution du premier jugement contre le gérant,
nonobstant le jugement rectificatif, furent sanctionnés.
La CCJA, quant à elle, a décidé que le créancier d'une société commerciale ne saurait poursuivre le
recouvrement de ce qui lui est dû, à l'encontre d'une société tierce, au motif que les deux sociétés
appartiennent à la même personne415. De même, les employés d‟études de notaires ou d‟avocats
déchus de leurs fonctions ne sont pas recevables à saisir les comptes personnels de l‟administrateur
intérimaire de ces études afin d‟obtenir le paiement d‟arriérés de salaires ou d‟indemnités
consécutives à la rupture du contrat de travail416.
Si un créancier poursuit son débiteur, en vertu d‟un titre exécutoire, c‟est que celui-ci constate une
créance.
413 C.A. du Centre, société de recouvrement des créances du Cameroun c/ Abbé Narcisse, arrêt n°240 du 4 avril 1997,
RCDA n°5, oct.-déc. 200, p. 139 et s. Dans le même sens, arrêt du 19 janvier 2005 et ordonnance n° 269 du 27
avril 2007 du 1er président de la CS Cameroun.
414 Voir, http:/ www.lexinter.net/JURAFRIQUE/jugement, Ordonnance de référé n° 81/465 du 4 mars 2003.
415 CCJA, arrêt n° 012 du 18 avril 2002, affaire ELF-OIL Côte d'Ivoire devenue TOTAL FINAELF c/ Scté
COTRACOM, http://www.Credau.org.
416 CCJA, arrêt n° 020/2002 du 31 octobre 2002, affaire Yapo Yapo Gérard et autres c./ Me Dénise-Richmond Marcelle,
inédit.
80
B- La détermination de l’obligation ou de la créance à exécuter
163. Reconnu à tout créancier pour lui permettre de vaincre la défaillance de son débiteur, le droit à
l‟exécution a un objet : la créance. Le défaut de l‟une remettrait en cause l‟existence de l‟autre.
C‟est pour cette raison que, comme déjà signalé, le titre exécutoire doit constater une créance (2)
dont l‟objet et les caractères sont précis (1).
1- L’objet et les caractères de la créance
164. La créance est un droit personnel que détient une personne physique ou morale appelée créancier, à
l‟encontre d‟une autre dite débiteur qui lui doit, dans le cadre d‟un lien de droit contractuel,
extracontractuel (délictuel ou quasi-délictuel) ou légal, la fourniture d‟une prestation. Cette
prestation peut concerner plusieurs créanciers ou plusieurs débiteurs ou les deux à la fois. En
général, l‟objet de la créance consiste en une obligation soit de donner, soit de faire, soit de ne pas
faire, le débiteur étant l‟obligé du créancier. En matière d‟exécution forcée, il est capital que le titre
exécutoire précise la nature et l‟étendue de la créance car celle-ci doit être certaine, liquide et
exigible417.
165. Même si le législateur français ne pose pas la condition de certitude418, elle n‟est pas moins
importante. Cette omission s‟explique par le souci de valorisation du titre exécutoire419. En effet, si
l‟exécution forcée n‟est possible qu‟à condition que la créance soit liquide et exigible, l‟incertitude
de la créance ne devrait pas entamer le processus de l‟exécution forcée. C‟est l‟hypothèse du titre
exécutoire par provision. Il est par définition un titre précaire. Mais sa remise en cause peut ouvrir
droit à réparation. Ainsi un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut servir de
fondement à une mesure d‟exécution forcée420, l‟accomplissement de cette exigence permettant de
s‟assurer de la réalité de la créance dont se prévaut le saisissant.
166. Les conditions de liquidité et d‟exigibilité sont exigées des deux législateurs. Qu‟il s‟agisse d‟une
obligation de payer ou de faire, le titre doit prononcer une condamnation expresse contre le
débiteur. L‟arrêt qui autorise une expulsion et fixe une indemnité d‟occupation ne peut permettre
d‟engager une saisie à l‟encontre de l‟occupant s‟il ne contient aucune condamnation formelle à
payer le montant de l‟indemnité421.
417 Voir les articles 31 et 153 de l‟AUVE.
418 Voir l‟article 2 de la loi du 9 juillet 1991.
419 S. GUINCHARD et T. MOUSSA, Droit et pratique des voies d‟exécution, op.cit., p.8, n°111-25.
420 Cass.civ.2ème 21 mars 2002, Bull.civ.II, n°56 ; Droit et procédures 2002, n°5 J.073, p. 306 et s. obs. A. LEBORGNE.
421 Cass.civ.2ème, 21 mars 2002, Dalloz 2002, IR p.302, obs. LEBORGNE.
81
La créance est liquide lorsqu‟elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments
permettant son évaluation. La créance est exigible lorsque son recouvrement peut être immédiat en
raison de sa nature et de l‟absence de condition suspensive. Ainsi, en application de l‟article 153 de
l‟AUVE, la CCJA a pu retenir qu‟une ordonnance du président de la Cour suprême de la Côte
d‟Ivoire n‟est pas un titre exécutoire, « que ladite ordonnance ne fixe pas le montant du réliquat de
la créance dont la COTRACOM peut poursuivre le recouvrement, pas plus qu’elle ne détermine les
caractères liquides et exigibles de la créance, que les caractères de liquidité et d’exigibilité relèvent
d’une appréciation souveraine des juges du fond… »422. Dans la même logique, le titre exécutoire
est celui qui contient la créance à exécuter.
2- La mention de la créance dans le titre exécutoire
167. Il n‟est pas toujours facile d‟identifier le titre exécutoire dans lequel se trouve la créance. Ainsi, par
exemple, dans l‟hypothèse d‟une obligation de restitution consécutive à une cassation ou à une
annulation. Certains juges camerounais ont décidé que la créance peut se trouver dans l‟arrêt de
cassation ; car ce dernier peut constituer le titre exécutoire mentionné dans l‟acte de saisie. Dès lors,
un extrait du plumitif d‟un arrêt de la Cour suprême a été jugé suffisant pour prouver l‟existence
d‟un arrêt de déchéance et justifier l‟ordonnance de poursuite d‟une saisie-attribution dont main-
levée était demandée.
Selon le juge, c‟est l‟arrêt d‟appel, revêtu de la formule exécutoire et régulièrement signifié qui était
en cours d‟exécution et non l‟arrêt de la Cour suprême. Pour éviter un double emploi avec l‟arrêt
d‟appel qui énonce clairement la créance, il ne semblait pas nécessaire que l‟expédition de l‟arrêt de
la Cour suprême rappelle la créance ou que l‟expédition soit revêtue de la formule exécutoire423.
168. Cependant après la cassation d‟un arrêt qui avait infirmé un jugement de débouté et condamné un
débiteur à une somme qu‟il avait payée, il a été jugé que l‟arrêt confirmatif du jugement initial
rendu par la juridiction de renvoi, ne constitue pas un titre pouvant ouvrir droit à restitution des
sommes versées424.
En effet la limitation de la force exécutoire d‟un titre aux seules obligations qui y sont énoncées425
sans qu‟il soit nécessaire de le confronter à un autre titre pour en déduire le contenu constitue un
gage de sécurité426.
422 CCJA, arrêt n°026/2008 du 30 avril 2008, Compagnie des Transports commerciaux (COTRACOM) c/Société Elf Oil
Côte d‟Ivoire devenue Total Final Elf Côte d‟Ivoire, en présence de C.A.A. devenue B.N.I.
423 Voir TPI Douala, ordonnance n°1283 du 19 septembre 2001, aff. Nkeyip c./ Air Afrique, Juridis Périodique n°54,
pp. 37- 47, obs. Me Laurent TAFFOU DJIMOUN.
424 Cass.civ.2è, 11 sept.2003, Bull.civ.II, n°257 ; Cass.civ.2è, 18 déc.2003, Bull.civ.II, n°401, RTD civ.2004, P.352.
425 Cass.civ.2è, 21 mars 2002, Bull.civ.II, n°56 ; D.2002, IR.1325.
426 Voir R. PERROT, « Titre exécutoire: la notion d‟arrêt ouvrant droit à restitution », RTD civ. avril-juin 2007, chron.
p. 389.
82
CONCLUSION DU CHAPITRE I
169. Il existe un droit subjectif à l‟exécution forcée. Dans les systèmes juridiques camerounais et
français, le législateur confère un droit à l‟exécution forcée à tout créancier qui dispose d‟un titre
exécutoire constatant une créance liquide et exigible427. Dès lors, cristallisant le passage du
symbolique au concret, le droit à l‟exécution forcée peut se concevoir comme le droit à la
réalisation du droit substantiel ou de la créance reconnu dans le titre exécutoire428.
Définissant le titre exécutoire, les deux systèmes juridiques ont une approche commune qui est
l‟énumération. La liste est plus longue en droit français qu‟en droit OHADA. L‟approche
énumérative a l‟avantage de la précision ; mais on aura constaté que la liste reste ouverte,
notamment du fait des articles 3 al. 6 de la loi française du 9 juillet 1991 et 33 al. 5 de l‟AUVE.
170. La formule exécutoire peut être présentée soit comme un élément de définition du titre exécutoire,
soit comme une étape nécessaire vers l‟exécution forcée. Une lecture du droit camerounais permet
d‟admettre qu‟elle serait exigée dans tout acte susceptible d‟exécution forcée. Ce n‟est pas le cas en
droits français et OHADA, notamment pour les jugements exécutoires au vu de la minute. Une telle
exigence n‟est pas exagérée, encore que, selon le législateur OHADA, « la formule exécutoire vaut
réquisition directe de la Force Publique ».
L‟importance du titre exécutoire se manifeste par le principe « pas d’exécution forcée sans titre
exécutoire ». Entre autres, il permet d‟identifier clairement le créancier et le débiteur, ainsi que
l‟obligation à exécuter. La question de la prescription du titre exécutoire est actuelle. A
l‟imprécision en droit camerounais, on peut opposer un début de clarification en droit français par la
loi du 17 juin 2008 et souhaiter une précision en droits communautaires. En effet, la prescription du
titre exécutoire n‟entraîne-t-elle pas celle de l‟exécution forcée dans les deux systèmes juridiques ?
L‟exécution ou l‟inexécution d‟un titre exécutoire entraîne des conséquences importantes dans la
vie et dans la consistance du patrimoine des créanciers ou des débiteurs. Des différends peuvent
s‟élever à l‟occasion de son exécution. Le droit à l‟exécution forcée est une prérogative si les
parties, qui sont des justiciables, peuvent mettre en œuvre leurs droits à travers l'action429.
427 Voir l‟article 2 de la loi française du 9 juillet 1991 et l‟article 31 de l‟AUVE.
428 Voir G. DEHARO, « Ce qu‟exécuter veut dire … Une approche théorique de la notion d‟exécution », Droit et
procédures, n°4, 2005, p. 209.
429 Voir F. TERRE, « Sur la notion de libertés et droits fondamentaux » Libertés et droits fondamentaux, Paris Dalloz,
11è éd. 2005 p.5.
83
CHAPITRE II :
UN DROIT SUBJECTIF JUDICIAIREMENT PROTEGE
171. La détention d'un titre exécutoire, quelle que soit sa nature, ne constitue que la garantie d'un droit
substantiel ou matériel qu'il faut faire exécuter. Lorsque le titre exécutoire est étranger, il faut
parfois au préalable obtenir, par la reconnaissance ou l‟exequatur, son intégration dans l‟ordre
juridique de l‟Etat dans lequel l‟exécution forcée est envisagée. L‟autre partie peut aussi retarder ou
refuser d'exécuter430. Les différends ou les difficultés qui surviennent avant ou pendant une mesure
d‟exécution forcée ou une saisie conservatoire sont soumis à un juge431 à travers l‟action432.
L‟institution judiciaire ne saurait « lâchement abandonner les « justiciables » à leur sort et les
laisser courir une nouvelle « aventure » qui les ferait définitivement douter de la réalité et de
l’effectivité du droit d’obtenir justice »433. Le libre accès à la justice et le droit à un juge constituent
des droits fondamentaux434. Il convient de voir dans quelle mesure l'auteur d'une prétention435
dispose du droit de recourir au juge436. Cela suppose l‟existence de juridictions compétentes
(section I). Encore faut-il que le justiciable dispose librement du droit de se faire entendre sur le
fond de sa prétention, afin que le juge la dise bien ou mal fondée (section II).
430 Voir L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, Litec, 5è éd. 2006, p. 2. L'auteur relève qu‟ « il est
assez fréquent qu'un désaccord survienne entre deux ou plusieurs sujets de droit, à l'occasion de l'existence ou de
l'exercice d'un droit ».
431 La revalorisation du titre exécutoire a fait perdre aux procédures civiles d‟exécution leur caractère judiciaire. Mais
elle n‟entame pas la compétence du juge en cas de difficultés d‟exécution. Voir ph. THERY, « La déjudiciarisation
des procédures civiles d‟exécution », LPA, 6 janvier 1993, p. 12.
432 En ce sens, une décision du Conseil constitutionnel français, en application de l‟article 16 de la Déclaration française
de 1789, précise qu‟ « il ne doit pas être porté atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer
un recours effectif devant une juridiction ». Conseil constitutionnel, décision n°96-373, 9 avril 1996, JOF 13 avril
1996, p. 5724 ; AJDA, 1996 p. 371.
433 P. DRAI, « Pour une justice de l‟efficacité : le juge de l‟exécution », LPA, 6 janvier 1993, n°3, p. 3.
434 S. GUINCHARD et F. FERRAND, Procédure civile Droit interne et droit communautaire, Paris, Dalloz-Action,
28è éd. 2006, p.107 et s. n° 65. Selon ces derniers, « il n’est pas exagéré de considérer qu’aujourd’hui, ce droit est
l’expression d’une liberté fondamentale qui entraîne certaines obligations pour les autorités étatiques, qui doivent
tout mettre en œuvre pour assurer aux citoyens un recours juridictionnel effectif ».
435 La prétention c‟est « une affirmation formulée par une personne qui réclame quelque chose », voir E. JEULAND, in
Dictionnaire de la justice sous la direction de L. CADIET, Paris, PUF, 1ère éd. 2004, p. 358.
436 La DUDH affirme que « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes
… » (voir article 8 DUDH). L‟article 6 (1) CEDH dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue …, par un tribunal … établi par la loi, qui décidera, ... ». L’article 7 (1) de la CADHP dispose que
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend: le droit de saisir les juridictions
nationales compétentes …, le droit d'être jugé …par une juridiction …».
85
Section I : L’existence de juridictions spéciales
172. En créant des juridictions spéciales437 l‟objectif du législateur n‟est assurément pas d‟instituer des
juges qui interviendraient partout et en tout temps, comme une sorte de « pivot des procédures
d’exécution, conçues comme de véritables procès » 438. Pour désigner ces juridictions, le droit
français distingue selon qu‟il s‟agit de la reconnaissance et de l'exequatur des décisions judiciaires
et actes publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales françaises ou étrangères439 ou des
difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s‟élèvent à l‟occasion de
l'exécution forcée440. Le droit camerounais distingue selon que le titre exécutoire est une décision de
justice rendue par une juridiction étatique camerounaise441 ou qu‟il s‟agit de tout autre titre
exécutoire camerounais ou étranger442.
173. Compétentes territorialement443, ces juridictions doivent être disponibles dans le temps444 et dans
l'espace. En ce qui concerne la compétence matérielle, la délimitation légale des pouvoirs du juge
n‟est pas claire en droit OHADA. Précis sur la compétence matérielle et les missions du juge en
matière de reconnaissance et d‟exequatur, le législateur camerounais reste un peu vague en ce qui
concerne celles du juge des difficultés ou du contentieux d‟exécution.
437 Voir la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant procédures civiles d‟exécution, l‟ordonnance n°2006-461 du 21 avril
2006 relative à la saisie immobilière (article 16) et son décret d‟application n°2006-936 du 27 juillet 2006 (article
38) désignent un juge unique de l‟exécution, le TGI statuant à juge unique. L'AUVE du 10 avril 1998 a désigné
(article 248) le TGI comme juridiction compétente pour statuer sur tout ce qui concerne la saisie immobilière et, à
l‟article 49, le PTPI pour tout litige ou toute demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie
conservatoire en matière mobilière. Voir également les lois camerounaise n° 2006/015 du 29 décembre 2006
portant organisation judiciaire et n°2007/001 du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l'exécution et
fixant les conditions de l'exécution, au Cameroun, des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que les
sentences arbitrales étrangères.
438 R. PERROT, « La réforme des procédures civiles d‟exécution », propos recueillis par M. MIGNON-GARDET, LPA,
6 janvier 1993, n°3, p.10. « Du juge … oui, mais à dose homéopathique et quand on a besoin de lui … Mais de
grâce ! ne le faisons pas intervenir de façon systématique, à tout propos et hors de propos … », déclare l‟auteur à
propos du juge de l‟exécution.
439 Voir l‟article 6 de la loi du 9 juillet 1991.
440 Voir les articles 7 et 8 de la loi du 9 juillet 1991 (L.213-5 et s. du COJ).
441 Voir l‟article 3 al. 1 de la loi du 19 avril 2007.
442 Voir les articles 4 et s. de la loi du 19 avril 2007.
443 En droit français, sauf disposition dérogatoire, le juge compétent est celui du lieu où l‟exécution est poursuivie ou est
envisagée (règle générale posée par l‟article 9 al.2 du décret du 31 juillet 1992) ou celui du lieu où demeure le
débiteur (si la demande a été portée devant l‟un de ces juges, elle ne peut plus être portée devant l‟autre ; si le
débiteur demeure à l‟étranger ou si le lieu où il demeure est inconnu, le juge compétent est celui du lieu de la
mesure). En en droit camerounais, le président dont la juridiction a rendu la décision ou celui dont le président a
accordé l‟exequatur, sont en principe compétents. Si l‟exécution a lieu en dehors du ressort de la juridiction dont
émane la décision, le juge d‟une juridiction de même nature (la nature renvoie ici à l‟objet de la demande qui peut
être civile, sociale, commerciale, pénale ou administrative) et de même degré (le degré renvoie ici au rang de la
juridiction, qui peut être de première ou de grande instance et d‟appel ; la compétence de la Cour suprême est
territoriale car il n‟y en a qu‟une) que celle qui a rendu la décision est compétent. Il s‟agit du président de la
juridiction du lieu où l‟exécution est poursuivie ou est envisagée (voir article 3 al.2 de la loi du 19 avril 2007).
444 L‟article 12 al. 2 (b et c) précise que si pendant les vacances judiciaires qui, au Cameroun, vont du 1 er juillet au 30
septembre, le nombre d‟audiences est réduit d‟un tiers au plus, les réductions ne concernent pas les affaires
pénales, les référés et toutes les autres affaires réputées urgentes.
87
Pour identifier ces juridictions et apprécier l‟étendue de leurs pouvoirs, il convient de distinguer
d‟une part, celles chargées de la reconnaissance et de l‟exequatur (I) et d‟autre part, celles chargées
des litiges ou des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s‟élèvent à
l‟occasion d‟une mesure d‟exécution forcée ou d‟une saisie conservatoire (II).
§I- Le juge de la reconnaissance et de l‟exequatur
174. Le juge à qui il est demandé la reconnaissance ou l‟exequatur d‟un jugement ou d‟une sentence
étrangère ne tranche plus, en principe, aucun litige entre les parties. Il n‟est plus question de
rebondir sur un procès déjà terminé à l‟étranger mais de donner ou de refuser à la décision étrangère
la force exécutoire qui lui manque445. Mais il y a eu un moment où, saisi d‟une telle demande, le
tribunal compétent devait se « prononcer en connaissance de cause, c’est-à-dire qu’il devait
procéder à la révision au fond du jugement étranger qui lui est présenté »446. Avant d‟apprécier
l‟étendue des missions actuelles des juges de la reconnaissance et de l‟exequatur (B), il convient
d‟identifier les juridictions compétentes (A).
A- L'identification des juridictions compétentes
La juridiction en charge de la reconnaissance et de l‟exequatur diffère selon qu‟on se trouve en droit
français (1) ou en droit camerounais (2).
1- Le juge de la reconnaissance et de l’exequatur en droit français
175. La juridiction compétente pour connaître des demandes en reconnaissance et en exequatur des
décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales françaises ou
étrangères est le Tribunal de grande instance447. Il siège à juge unique et, exceptionnellement, en
formation collégiale si le juge l‟estime nécessaire448. L‟article 1477 du CPC qui traite du cas de la
sentence arbitrale précise toutefois que « l’exequatur est ordonné par le juge de l’exécution du
tribunal ». Ce juge en effet c‟est le président du TGI.
Le renvoi possible en formation collégiale peut se justifier. Le tribunal tout entier est engagé même
lorsqu‟il siège à juge unique. L‟intervention de la juridiction collégiale permet à la juridiction saisie
445 Voir B. ANCEL et Y. LEQUETE, obs. sous C.cass. sect.civ. 19 avril 1819, arrêt Holker c./Parker, Les Grands
Arrêts de le Jurisprudence française de Droit International Privé, Paris, Dalloz, 5è éd. 2006, pp. 11-21, n°10.
446 B. ANCEL et Y. LEQUETE, « L‟institution de la révision au fond », obs. sous C.cass. sect.civ. 19 avril 1819, ibid.
n°7.
447 Il connaît aussi des ventes de biens de mineurs et de celles qui leur sont assimilées, notamment des biens des majeurs
incapables. Selon L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 5è éd. Litec 2006 p. 84. Il s‟agit
d‟une « notable spécialité juridictionnelle du TGI qui statue alors à juge unique pour connaître de … ».
448 Voir l‟article 6 de la loi du 9 juillet 1991.
88
de statuer après une instruction complète et un examen approfondi des éléments du dossier et du
contentieux. Pour le justiciable, cela constitue une garantie de bonne justice. Ne dit-on pas souvent
« juge unique, juge inique » ?
176. Ce formalisme peut toutefois ralentir le cours d‟une procédure, en réalité parallèle. Comme en
matière d‟exécution, la procédure de reconnaissance et d‟exequatur est souhaitée rapide. Même si
on convient que la recherche de la vérité ne saurait être sacrifiée à la rapidité, l‟objectif de célérité
semble difficilement s‟accommoder de la rigueur d‟un tel formalisme.
En réalité, il n‟appartient plus au juge de la reconnaissance et de l‟exequatur de rechercher la vérité
et de rendre justice. La sentence dont il est saisi par une demande en reconnaissance ou en
exequatur a déjà connu des faits. Aussi, la reconnaissance et l‟exequatur ne doivent-elles pas
constituer un obstacle difficile à franchir pour un créancier qui veut transformer la sentence rendue à son
profit en titre exécutoire449. En choisissant la juridiction présidentielle, les législateurs camerounais
et OHADA ont aussi opté pour plus de célérité.
2- Le juge de la reconnaissance et de l’exequatur en droit camerounais
177. Depuis la promulgation de la loi du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire au
Cameroun450 et de la loi du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l'exécution et fixant
les conditions de l'exécution, dans ce pays, des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi
que des sentences arbitrales étrangères451, la connaissance des demandes de reconnaissance et
d'exequatur est conférée, sauf accords ou conventions contraires, au président du TPI.
178. Ces lois apportent une solution à certaines insuffisances de l‟article 286 du CPCC. Certes, ce texte
indique que les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers
étrangers ne sont susceptibles d'exécution au Cameroun qu'autant qu'ils auront été déclarés
exécutoires par un tribunal du territoire, sans préjudice des dispositions contraires qui pourraient
exister dans les conventions diplomatiques ou accords de tutelle. Les indications de ce texte
semblent insuffisantes452.
449 En ce sens, le législateur OHADA prévoit d‟ailleurs à l‟al. 2 de l‟article 32 de l‟AUA que « la décision qui accorde
l’exequatur n’est susceptible d’aucun recours ».
450 Voir l‟article 15 al.2 de la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006. Pour la première fois et de manière générale le
législateur camerounais attribue expressément à une juridiction la connaissance des demandes d‟exequatur.
451 Voir l‟article 4 de cette loi.
452 Voir F. ANOUKAHA, « La réforme de l'organisation judiciaire au Cameroun », Juridis Périodique, n° 68, octobre-
décembre 2006, p. 52.
89
Certaines conventions internationales désignent directement le juge compétent453 alors que d'autres
n'en parlent pas454. L'article 36 de l'accord de coopération en matière de justice entre le Cameroun et
la France laisse le choix à l'Etat dans lequel l'exécution est requise d'en désigner un455. La loi
camerounaise n°75/18 du 8 décembre 1975 autorise la Cour suprême à reconnaître, par arrêts, les
sentences rendues par les organes arbitraux de la Convention signée à Washington le 18 mars 1965,
relative au règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres
Etats456. Mais il se posait la question de savoir quel juge est compétent ratione materiae et ratione
loci, pour ordonner l'exequatur des sentences arbitrales rendues par d'autres instances ainsi que les
décisions judiciaires étrangères457.
179. La circulation des sentences arbitrales aurait été plus facilitée si l‟acte uniforme avait établi une
procédure uniforme et précise d‟exequatur458. Mais le législateur OHADA n‟a pas voulu
réglementer la procédure d‟exequatur des sentences arbitrales. Il laisse aux législateurs des Etats-
parties la charge de désigner les juridictions compétentes en matière de coopération étatique à
l‟arbitrage et de contrôle étatique de la sentence arbitrale. Les législateurs nationaux doivent aussi
fixer le mode de saisine des juridictions désignées459.
Dès lors, le législateur camerounais a désigné un juge national compétent en la matière. Le
président du TPI460 connaît des demandes en exequatur parmi lesquelles celles relatives aux
sentences arbitrales rendues en application de l‟Acte uniforme OHADA relatif au droit de
453 L'article 32 de la Convention signée entre plusieurs pays africains d'expression française le 12 septembre 1961 à
Tananarive (ratifiée au Cameroun par décret n° 62/DF/115 du 9 avril 1962) désigne le président du TPI ou de la
juridiction correspondante du lieu où l'exécution doit être poursuivie.
454 Convention générale de coopération en matière de justice entre le Cameroun et la Confédération helvétique du 22
janvier 1963.
455 S‟agissant de la compétence territoriale, les juges pouvaient se reconnaître compétents en considérant le domicile, la
résidence du défendeur ou le lieu où l‟exécution de la décision est projetée. Mais la compétence d‟attribution
posait problème. Tantôt les TPI et TGI pouvaient se déclarer compétents et rendre des jugements. Voir TGI
Mfoundi, jugement civil n°626 du 5 août 1992, Juridis Info n°13, 1993, pp. 39 et s. obs. J.-M. TCHAKOUA ; TGI
Douala, jugement civil n°549 du 15 avril 1993, Juridis Info n°18, 1994, pp.34 et s. obs. J.-M. TCHAKOUA.
Tantôt, les présidents des TPI ou TGI, se déclarant compétents, ont rendu des ordonnances. Voir Ordonnance n°98
du 2 mars 1998 du président du TGI de Douala, cité par J.-M. TCHAKOUA, Juridis Info n°13, 1993, p. 41.
456 Cette reconnaissance emportait obligation pour le greffier en chef de la Cour suprême, d'apposer sur la sentence arbitrale
reconnue, la formule exécutoire.
457 Voir F. ANOUKAHA, ibid. p. 52.
458 Selon le commentateur de l‟article 30 de l‟AUA, certains Etats n‟ont pas encore, sur ce point compléter leur droit
interne. Cf. P. MAYER, « Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l‟arbitrage, ISSA-SAYEGH (J.), P.-
G. POUGOUE, M.F. SAWADOGGO (sous la dir.), Traité et Actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 3è
éd. 2008, p.146.
459 Voir l‟article 30 de l‟Acte uniforme OHADA relatif à l‟arbitrage.
460 Selon l‟article 5 al.2 de la loi camerounaise n°2003/009 du 10 juillet 2003 « désignant les juridictions compétentes
visées à l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et fixant leur mode de saisine », il est saisi « par voie de
requête ou par « motion ex parte » accompagné des pièces établissant l’existence de la sentence arbitrale telle que
précisé à l’article 31 de l’AUA ».L‟article 6 de cette loi, dispose que « lorsque l’exequatur est accordé à une
sentence, la formule exécutoire y est apposé à la diligence du greffier en chef du TPI saisi ».
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l‟arbitrage461. Il reste en principe compétent en cas de difficultés survenues lors de l‟exécution des
décisions étrangères et des sentences arbitrales462 dont il a été précédemment saisi, en reconnaissance ou
en exequatur.
La décision d‟exequatur qu‟il rend à propos des décisions des juridictions étrangères emporte
apposition de la formule exécutoire sur la décision à exécuter. Il en est de même lorsqu‟il accorde
l‟exequatur à une sentence arbitrale. La formule exécutoire y est apposée, à la diligence du greffier
en chef de la juridiction saisie463.
180. Il peut arriver que la décision d‟exequatur ne relève pas de la compétence d‟une juridiction
nationale464. De la demande d‟exequatur à l‟apposition de la formule exécutoire, la connaissance
des sentences arbitrales rendues sous l‟égide de la CCJA échappe à la compétence du président du
TPI465. C‟est dire que sa désignation ne remet pas en cause la compétence exclusive de la CCJA
pour rendre elle-même les décisions d‟exequatur concernant les sentences arbitrales rendues sous
son égide466.
Néanmoins, après avoir obtenu l‟exequatur de la CCJA, les parties doivent s‟adresser à l‟autorité
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